Lukaszewicz Anesthesie Du Patient Pour Urgences Cerebrales Neurochirurgicales
Lukaszewicz Anesthesie Du Patient Pour Urgences Cerebrales Neurochirurgicales
Lukaszewicz Anesthesie Du Patient Pour Urgences Cerebrales Neurochirurgicales
Conférence d’Essentiel
© 2017, Sfar, Paris
Points essentiels
• Dans la grande majorité des cas, l’hypertension intracrânienne est l’indication d’une
prise en charge neurochirurgicale en urgence
• Des contextes divers, impliquant des patients aux comorbidités diverses, imposent de
connaître la physiopathologie de l’agression cérébrale et les mécanismes de l’HTIC
afin de définir la prise en charge la plus adaptée
• Le Doppler transcrânien a certainement une place dans l’évaluation préopératoire en
urgence de l’HTIC
• L’anesthésie a un impact sur les déterminants de la perfusion cérébrale que sont la
pression de perfusion cérébrale, le métabolisme cérébral, le volume sanguin cérébral et
la capnie
• Pour la protection cérébrale, quelque soit le protocole anesthésique, l’objectif principal
est que, la pression de perfusion et le débit sanguin cérébral soient maintenus. La mise
en place d’un monitorage hémodynamique invasif est préférable, mais ne doit pas
retarder une chirurgie très urgente
• L’anesthésiste dispose de moyens pharmacologiques pour lutter contre l’HTIC
• La prévention des facteurs systémiques aggravants l’HTIC est une préoccupation
majeure
• Le risque hémorragique peropératoire est plurifactoriel et l’hémostase doit être
normale en préopératoire, sauf si urgence vitale immédiate
• La période postopératoire doit être anticipée dès la période préopératoire
• L’hémorragie méningée par rupture anévrysmale est un cas particulier pour lequel la
prévention du resaignement par la limitation de la pression artérielle est à mettre en
balance avec le risque d’hypoperfusion s’il existe une l’HTIC
Introduction
Nous illustrerons notre propos à travers un cas clinique tout au long du manuscrit.
Les pathologies cérébrales responsables d’HTIC sont variées. On peut distinguer comme
urgences neurochirurgicales :
Cas clinique :
Un patient de 25 ans, victime d’un traumatisme crânien isolé, est arrivé des urgences de
votre hôpital. Le patient est en ventilation spontanée, il présente un score de Glasgow à
12 (Y3V3M6) avec une réponse motrice à l’ordre préservé, mais très ralentie. Ses pupilles
sont symétriques et réactives. Sa tension artérielle est de 15/9 pour une fréquence
cardiaque à 55/min. Le scanner cérébral précoce met en évidence des contusions fronto-
temporales droites ainsi qu’une hémorragie méningée post-traumatique. Quelle est votre
démarche pour l’évaluation du niveau de pression intracrânienne ?
L’imagerie cérébrale est fondamentale pour identifier les lésions qui détermineront la
conduite thérapeutique en particulier chirurgicale. Le scanner ne permet pas d’affirmer avec
certitude la présence d’une HTIC, ni le pronostic du traumatisme. Le signe scanographique le
plus robuste d’HTIC est la disparition des citernes de la base.
Lorsque les tableaux cliniques et radiologiques sont évidents, le diagnostic d’HTIC avec
engagement cérébral est simple et une HTIC réfractaire au traitement médical représente une
véritable urgence chirurgicale de sauvetage. À l’inverse, lorsque les tableaux cliniques et
radiologiques ne sont pas évidents, le risque est de sous-estimer l’HTIC et son évolution
possible vers l’aggravation. Le Doppler transcrânien peut aider au diagnostic du
retentissement hémodynamique de l’HTIC. Les seuils de vélocités dans l’artère cérébrale
moyenne pathologiques retenus pour la traumatologie crânienne grave sont un index de
pulsatilité > 1.4 et des vitesses diastoliques < 20 cm/sec [3]. Des indices normaux au Doppler
peuvent rassurer sur l’hémodynamique cérébrale mais des indices anormaux doivent faire
rechercher des facteurs confondants ou une HTIC [4].
Cas clinique: on peut suspecter une HTIC chez ce patient sur les troubles de la conscience,
l’hypertension artérielle et la fréquence cardiaque basse (2 des signes composant la triade de
Cushing). Le Doppler transcrânien pourrait nous apporter des informations sur le
retentissement sur la perfusion cérébrale. Une alcoolémie peut être discutée selon le contexte
comme facteur confondant des troubles de la conscience. Il ne semble pas y avoir d’argument
radiologique ou clinique d’engagement cérébral.
B/ La vasoréactivité au CO2
C/ Le couplage métabolique
Cas clinique: vous êtes maintenant en présence d’un patient souffrant d’une HTIC avec signe
d’engagement. On peut évoquer plusieurs hypothèses concernant l’aggravation : 1 une crise
convulsive, qui majorerait l’HTIC en augmentant le métabolisme cérébral; 2/ une
progression des lésions cérébrales ; 3/ une vasodilatation cérébrale secondaire à
l’hypoventilation après l’injection de benzodiazépine. Cet exemple souligne la compliance des
structures intracrâniennes très altérées. Le patient reçoit immédiatement un traitement par
osmothérapie qui permet une régression de la mydriase. Le score de GCS reste à 9. Sa TA
reste à 16/9. Un nouveau scanner cérébral met en évidence l’apparition d’un hématome
extradural hémisphérique droit. Il est alors transféré au bloc opératoire pour évacuation de
cet hématome.
Le terme de protection cérébrale désigne l’ensemble des moyens mis en jeu afin d’éviter
l’aggravation secondaire de la lésion cérébrale. En péri opératoire elle repose sur la gestion de
l’HTIC, le maintien de la perfusion cérébrale et sur la prévention des agressions cérébrales
secondaires d’origine systémique.
Concernant, les apports liquidiens peropératoires, tous les solutés hypotoniques sont à
proscrire en raison du risque d’œdème cérébral. Les solutés à base d’hydroxyéthylamidons
sont contre indiqués en cas d’hémorragie cérébrale, et l’albumine à 4% est déconseillée chez
le cérébrolésé [12]. Le volume perfusé devra être raisonné [14] afin de limiter le risque
d’œdème cérébral interstitiel dans les lésions. Les vasopresseurs doivent être envisagés
précocement dans les états hémodynamiques instables.
Les troubles glycémiques font partie des agressions cérébrales secondaires. Un intervalle de
glycémie [8-11 mmol/l] est actuellement recommandé [12].
Le patient peut présenter des pertes sanguines importantes lors de la chirurgie. L’anémie est
un facteur aggravant le pronostic neurologique des cérébrolésés, et un seuil d’hémoglobine
autour de 9g/dl est actuellement recommandé [15].
En pratique, la fixation de la sonde d’intubation, de même que l’occlusion des yeux doit être
soigneuse étant donné l’accès limité à la tête en peropératoire. Dans tous les cas où l’acte
chirurgical est prévu pour durer plusieurs heures, une attention rigoureuse doit être donnée à
l’installation du patient (compression vasculaire, nerveuse ou cutanée)et une prévention
mécanique des complications thromboemboliques peut être mise en place. Une
antibioprophylaxie par céphalosporine de 1ère ou 2nd génération est recommandée pour toute
craniotomie (hors plaie cranio-cérébrale).
Les informations apportées par l’imagerie cérébrale (taille de la lésion, proximité des gros
vaisseaux) et la discussion préopératoire avec le chirurgien peuvent aider à l’évaluation risque
hémorragique peropératoire.
Une hémostase biologique normale (TP > 60%, plaquettes > 100 G/L) est requise pour
l’intervention. Cependant, en cas d’HTIC décompensée, le geste de sauvetage prime sur
l’attente des résultats biologiques. Chez un patient traité par anticoagulants, une réversion de
l’effet anticoagulant doit être effectuée. Dans le cas de l’utilisation d’antivitamine K, une
réversion par concentré de complexe prothrombinique 25U/kg plus 10 mg de vitamine K est
recommandée. Dans le cas de l’utilisation d’anticoagulants oraux directs, une réversion par
concentré de complexe prothrombinique 50U/kg est recommandée en l’absence d’antidote
spécifique, sauf pour le dabigatran où l’idarucizumab est utilisé (Groupement d’intérêt en
hémostase périopératoire, www.gihp.org). Dans tous les cas, un bilan biologique de
coagulation ou un dosage spécifique est à réaliser avant la réversion et quelques heures après
afin de vérifier l’absence de rebond. Chez un patient traité par antiagrégants, les dernières
recommandations américaines plaident plutôt en faveur d’une transfusion de plaquettes (qui
pourrait être associée à une injection unique d’une dose de desmopressine (0,4 µg/kg)) [16].
En cas de prise de ticagrelor, la transfusion de plaquettes est inefficace.
La lutte contre l’hypothermie doit être un objectif afin de préserver les conditions
d’hémostase. Le traumatisme crânien isolé ne provoque pas de coagulopathie [17]. Les
connaissances actuelles ne permettent pas de recommander l’utilisation des antifibrinolytiques
en neurochirurgie intracrânienne [18,19]. De même, la thromboélastographie n’a pas
démontré son intérêt dans ce contexte [20]. L’utilisation de fibrinogène ou de concentré de
facteur XIII reste débattue [21].
La période postopératoire
Très souvent, les conditions de prise en charge postopératoire peuvent être anticipées dès
l’évaluation initiale. En effet, on oppose deux situations : 1) si les lésions ne sont pas
majeures ou ne concernent pas les structures de l’éveil,et que la chirurgie a été correctrice de
l’HTIC, un réveil précoce dès la salle de surveillance post-interventionnelle est envisageable ;
2) à l’inverse, si les lésions sont majeures, mal situées ou si l’évolution reste à risque d’HTIC
malgré la chirurgie, un transfert directement en réanimation doit être envisagé.
Si une sédation prolongée est maintenue et l’évaluation neurologique impossible, cela justifie
une évaluation multimodale de la perfusion cérébrale incluant le monitorage de la pression
intracrânienne. Le capteur de pression intracrânienne peut d’ailleurs être inséré par le
chirurgien sous contrôle visuel en peropératoire.
Si une extubation est possible, il est préconisé de surveiller les patients en unité de soins
continus. Une dégradation neurologique postopératoire non prévue impose la réalisation d’une
imagerie cérébrale. La complication postopératoire la plus redoutée est la survenue d’un
hématome intracrânien qui justifierait une réintervention.
Comme pour toute intervention chirurgicale, il faut traiter la douleur postopératoire par une
analgésie multimodale. La craniotomie est associée à des douleurs modérées à fortes. Une
association paracétamol/opioïde est actuellement recommandée. La place des AINS n’est pas
clairement établie [22].
Un cas particulier est représenté par la gestion anesthésique initiale d’un patient avec une
hémorragie méningée par rupture anévrysmale. Il s’agir d’une urgence, où deux risques
s’opposent : le resaignement et l’HTIC. Avant le traitement de sécurisation de l’anévrysme
par coils endovasculaires ou clips chirurgicaux, il existe un risque élevé de resaignement de
l’anévrysme (environ 15% pendant les premières 24 heures). C’est pourquoi ce traitement doit
intervenir idéalement dans les premières 24 heures. Dans ce contexte, une pression artérielle
élevée applique une tension sur la paroi de l’anévrysme proportionnelle à la pression
transmurale qui peut fragiliser l’occlusion spontanée de la lésion. Des seuils de PAS<160-180
mmHg sont recommandés avant sécurisation de l’anévrysme [24,25]. Il n’y a pas de
recommandations concernant les antihypertenseurs à utiliser. D’un autre côté, l’hypotension
artérielle, du fait du risque de diminution du débit sanguin cérébral par perte de
l’autorégulation et l’HTIC, est aussi à éviter. Il convient donc d’assurer au maximum la
stabilité hémodynamique et respiratoire pendant toute la prise en charge. Enfin, l’atteinte
cardiogénique fréquemment associée (jusqu’à 40% des patients) peut compliquer ces objectifs
[26].
Conclusion
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