Nouveaux Modles Conomiques de La Mode Pages
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Nouveaux Modles Conomiques de La Mode Pages
Les
MODÈLES
ÉCONOMIQUES
MODE
de la
Réalisée par
3
Éditorial
La mode se renouvelle, sans cesse, c’est dans sa nature. Elle cette incroyable diversité, quelques fondamentaux sont
se transforme de manière accélérée et profonde depuis communs à toutes les entreprises du secteur comme la
quelques mois en particulier sous l’effet de l’émergence de clarté de la cible clients, le contenu immatériel de la marque
nouveaux acteurs et surtout de la profonde évolution des au-delà du produit, la capacité à exploiter la data, la stratégie
modes de consommation. Ce mouvement concerne l’en- RSE ou l’hybridation des modes de distribution.
semble de notre secteur. C’est pourquoi, collectivement, en
qualité d’acteurs transversaux au service de cette filière, Ces recherches révèlent également le rôle central des diri-
nous avons mené un exercice de réflexion stratégique sur les geants pour réaliser ces transformations, en fonction de leur
nouveaux modèles économiques qui dessinent et vont des- positionnement sur le marché, leur culture et les situations
siner l’écosystème de la mode. particulières de leurs entreprises.
Plus précisément, nous avons souhaité identifier les partis Cette étude est inédite, par son ampleur, par sa hauteur de
pris et les dynamiques qui sous-tendent les métamorphoses vue et par les clés opérationnelles qu’elle propose à ses lec-
de notre secteur. Nous avons mobilisé nos réseaux, les diri- teurs. Elle représente aussi un guide pratique ayant vocation
geants d’entreprises et les experts les plus performants de à accompagner pas à pas les acteurs économiques dans leur
notre industrie pour qu’ils partagent avec nous les clés de transformation.
leurs réussites. Nous les en remercions sincèrement. Nous sommes convaincus qu’elle vous sera utile pour guider
Il ressort de ce travail collectif, qu’il n’y pas un seul modèle vos pas dans les années qui viennent.
gagnant, mais des options nombreuses. Pour autant, malgré
Christian Pimont,
Président, Alliance du Commerce
Pierre-François Le Louët,
Président, Fédération Française
du Prêt à Porter Féminin
Marc Pradal,
Président, Union Française des
Industries Mode et Habillement
Claude Tétard,
Président, Fédération Française
des Industries du Vêtement Masculin
Alain de Rodellec,
Président, Promincor –
Lingerie Française
Pascal Morand,
Président Exécutif, Fédération
de la Haute Couture et de la Mode
4 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
CSF MODE ET LUXE Le Comité Stratégique de Filière Mode et Luxe (CSF) est un des 18 CSF labellisés au sein du
conseil National de l’Industrie. L’objectif du CSF est d’instaurer un dialogue concret, performant
et régulier entre l’Etat, les entreprises et les représentants des salariés sur tous les sujets-clés
qui favorisent le dynamisme et la compétitivité de la filière. Présidé par Guillaume de Seynes,
les objectifs stratégiques sont partagés dans le contrat de filière signé en janvier 2019.
Contact : [email protected]
DEFI – LA MODE Financeur de l’étude sur les nouveaux modèles économiques de la mode, le DEFI est une plate-
forme originale créée en 1984 au service de l’accélération et de la transformation des 4 500
DE FRANCE entreprises de la mode et de l’habillement françaises. Le DEFI finance, anime et encourage des
actions concrètes dédiées à la croissance des entreprises et de la filière, à l’émergence d’une
mode responsable, à la stimulation de l’innovation numérique et technologique, à la promotion
de la fabrication et des savoir-faire français et au développement de l’image de la France dans
ce secteur. En lien avec l’ensemble des fédérations professionnelles, le DEFI permet une soli-
darité unique entre petites et grandes entreprises et offre un lieu de débat stratégique sur les
sujets transversaux essentiels au secteur en France comme dans le monde.
Contact : [email protected]
FÉDÉRATION La Fédération Française du Prêt à Porter Féminin a pour mission de rassembler et de repré-
senter les entreprises de mode, mais aussi de les accompagner pour faire face aux défis
FRANÇAISE DU qu’elles affrontent. Elle accélère leur développement en déployant des actions innovantes en
France et à l’international. Forte de la diversité de ses adhérents, marques et fabricants,
PRÊT À PORTER grandes et petites entreprises, qui traduit la diversité des modèles économiques et des terri-
FÉMININ toires, la Fédération propose aux dirigeants des entreprises de mode un accompagnement
opérationnel sur les principaux enjeux du secteur que sont notamment la transformation di-
gitale, le wholesale, le financement des marques, le développement durable, l’export et la
formation. Elle les conseille également dans leurs stratégies. En s’appuyant sur la puissance
de ses marques et de l’industrie, la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin fait rayonner
l’écosystème de la mode française dans l’économie mondiale par ses opérations collectives,
notamment à l’international, et porte sa voix auprès des instances gouvernementales. Le
réseau de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin est constitué de dirigeants de
l’industrie de la mode qui jouent un rôle de supervision, de soutien et de conseil conjoint sur
les problèmes clés auxquels est confrontée l'industrie créative française. Présidée par
Pierre-François Le Louët, la Fédération regroupe huit syndicats régionaux représentant l’en-
semble du territoire français.
Contact : [email protected]
5
FÉDÉRATION La Fédération Française des Industries du Vêtement masculin (F.F.I.V.M.) rassemble les acteurs
industriels du prêt-à-porter masculin, de la mode enfantine et du vêtement d’image et de
FRANÇAISE DES fonction. Elle accompagne les entreprises dans leur développement commercial tant en
France qu’à l’exportation. Dans ce cadre, la Fédération assure un rôle d’information et d’anti-
INDUSTRIES DU cipation face aux mutations que connait le secteur de l’Habillement. Si le lien entre les entre-
VÊTEMENT prises créatrices, le secteur de la distribution et les consommateurs est à réinventer, il ne peut
l’être qu’en respectant l’ADN de chacun des acteurs ce qui est le propre de toute activité de
MASCULIN création. Les échanges au sein de la Fédération ont facilité la diffusion de ‘’bonnes pratiques’’
tant dans le domaine de la RSE que dans celui de la gestion des fabrications et donc de la
gestion au plus près des besoins des collections. Les entreprises doivent maintenant aller plus
loin et passer un cap pour répondre aux défis et aux attentes du marché. Les analyses et les
pistes prospectives de cette étude vont les aider à proposer leurs propres réponses.
Contact : [email protected]
PROMINCOR – Promincor - Lingerie Française, Association loi 1901 créée en 1960, rassemble, autour de valeurs
communes, les marques françaises de Lingerie-Corseterie. Elle met en exergue l’excellence du
LINGERIE métier de corsetier, de ses conceptions originales et de ses gestes si précis, qui ont donné, à la
France, sa réputation de leader depuis le premier modèle de soutien-gorge, breveté à Paris en
FRANÇAISE 1889. Au travers d’événements, conférences de presse, défilés, expositions, salons…, son objectif
est de permettre aux marques françaises de s’exprimer d’une seule et même voix sur la scène
mondiale. L’ambition de Promincor - Lingerie Française est de promouvoir cette profession en
exposant ses multiples facettes à tous les professionnels du secteur, comme auprès du grand
public. Au-delà de son rôle de promotion et de rayonnement de la filière de la Lingerie-Corse-
terie, elle réalise également une veille permanente des marchés, des tendances et des inno-
vations en France et à l'international. Ainsi, par ses actions de formations, ses missions de
prospection, ses études de marchés, ses conseils personnalisés…, Promincor - Lingerie Fran-
çaise aide les marques à se développer sur les marchés en forte croissance tels que l’Amérique
du Nord, l’Asie Centrale et l’Europe de l’Est et sur les marchés émergents, à proposer des
produits innovants et une offre plus équilibrée, et à mieux cerner les nouvelles attentes des
consommateurs pour plus d’agilité, d’éthique, de transparence et de responsabilité dans la
filière de la Mode.
FÉDÉRATION DE LA La Fédération de la Haute Couture et de la Mode rassemble les marques de mode privilégiant
la création et le développement international. Elle vise à promouvoir la culture française de
HAUTE COUTURE ET mode, où la Haute Couture et la création tiennent le premier rôle en combinant en toutes cir-
constances savoir-faire traditionnels et technologies contemporaines. Elle est aussi sélective
DE LA MODE qu’elle est internationale et compte cent dix membres, parmi lesquels figurent les marques les
plus emblématiques de la scène mondiale et dont la moitié sont des marques françaises. Elle
comprend trois Chambres Syndicales (Haute Couture, Mode Féminine, Mode Masculine). Elle
coordonne la Paris Fashion Week et la semaine de la Haute Couture, ainsi que leurs versions
online, assurant à Paris le leadership mondial. Outre les services de différentes natures qu’elle
apporte à ses membres, elle est très engagée dans le soutien à la jeune création ainsi que dans
la formation. Elle participe activement au développement du nouvel Institut Français de la
Mode, auquel elle a fait l’apport de l’École de la Chambre syndicale de la couture en 2019. Elle
représente ses membres dans les instances publiques et professionnelles nationales et inter-
nationales et joue un rôle de think tank en lien étroit avec eux, notamment pour tout ce qui
concerne la création, la propriété intellectuelle, l’innovation et le développement durable.
Contact : [email protected]
6 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
Éditorial03 Partie 1 17
Les nouveaux paramètres
Les auteurs de l’étude 08 des modèles économiques
de la mode
Remerciements09 Culture et dynamique de transformation ______ 20
L’entreprise alerte, une espèce qui s’impose______________ 22
La culture d’entreprise au service de la transformation______ 25
Introduction11
La mutation des chaînes de valeur _____________ 31
Dépasser la sidération et intégrer _____________ 11
La réinvention du calendrier de l’offre ___________________ 36
les changements de paradigmes
Plus de flexibilité et de réactivité _______________________ 42
Une nécessaire réinvention, ___________________ 11 L’optimisation des soldes et des promotions______________ 45
individuelle et collective
L’approche par la valeur client _________________ 47
Des thèmes amplifiés par le changement ______ 12
Le client, nouvel actif des marques _____________________ 48
de paradigmes
La data pour accroître la valeur client ___________________ 48
Un nouveau cockpit de pilotage de l’activité ______________ 52
Contexte et objectifs de l’étude ________________ 14
et des investissements
La mise en œuvre de sa stratégie data __________________ 53
Méthode _______________________________________ 14 au service de la valeur client
Table
La RSE, de l’engagement à l’opérationnalisation ___________ 58
Le « Made In » et la préservation de savoir-faire __________ 65
La seconde main___________________________________ 68
La location ______________________________________ 71
Partie 2 87
Les caractéristiques
des modèles gagnants
Les marques de création ______________________ 90 Le segment milieu de gamme _________________ 122
Caractéristiques communes __________________________ 90 Caractéristiques communes _________________________ 122
Zoom n° 1 : Enjeux clés des marques de création ___________ 93 Zoom n° 1 : les acteurs milieu de gamme ________________ 125
au chiffre d’affaires compris entre 2 M€ et 5 M€
Zoom n° 2 : les DNVB et plateformes avec _______________ 128
Zoom n° 2 : Enjeux clés des marques de création __________ 96 un chiffre d’affaires inférieur à 50 M€
au chiffre d’affaires compris entre 5 M€ et 20 M€
Zoom n° 3 : Enjeux clés des marques de création __________ 98
au chiffre d’affaires compris entre 20 M€ et 50 M€ Le segment d’entrée de gamme_______________ 130
Caractéristiques communes _________________________ 130
Le segment premium et luxe abordable _______ 106 Zoom n° 1 : Les acteurs référents de l’entrée de gamme ____ 133
Zoom n° 2 : Les « nouveaux acteurs » de l’entrée de gamme __ 135
Caractéristiques communes _________________________ 106
Zoom n° 1 : Enjeux clés des blockbusters internationaux ____ 109
Zoom n° 2 : Enjeux clés des marques créatives ____________ 112 Mise en perspective des modèles ___________ 138
Zoom n° 3 : Enjeux clés des nouvelles générations _________ 117
gagnants post-crise
de marques créatives
Conclusion139
8 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
Remerciements
Les auteurs remercient tous les dirigeants,
entrepreneurs, managers et experts qui ont accepté
d’échanger sur leur vision de la dynamique du secteur et
ont permis d'apporter un éclairage riche et précis sur les
enjeux des entreprises de la filière aujourd'hui.
Introduction
DÉPASSER LA SIDÉRATION ET UNE NÉCESSAIRE
INTÉGRER LES CHANGEMENTS RÉINVENTION, INDIVIDUELLE
DE PARADIGMES ET COLLECTIVE
Pour la seconde fois depuis le début du millénaire, l’éco- Le secteur de la mode est, peut-être plus que d’autres, ca-
nomie mondiale fait face à une crise, cette fois-ci d’une pable de prendre à bras le corps cette nécessaire réinven-
gravité inédite comparée à celle de 2008-2009. L’impact tion. Nourrie par de nombreuses initiatives collectives visant
du Covid-19, encore difficile à circonscrire à ce stade, à mettre en lumière de bonnes pratiques tant sur l’amont
sidère déjà par son ampleur. Il peut sembler vain de cher- que sur l’aval (Forums de la Mode, Comité Stratégique de
cher des références historiques dans les précédentes Filière) ou à définir un avenir souhaitable (opérations Scé-
crises économiques ou sanitaires : la nature du choc est narii 2020 puis 2030 portées par le R3iLab), la mode avait
différente en ce qu’elle combine à un degré aigu des pro- déjà engagé une réflexion importante sur la manière d’assu-
blématiques jusqu’ici séparées dont les effets néfastes rer sa pérennité en conciliant des objectifs aussi variés que
se renforcent mutuellement. le soutien à la création, le maintien d’une base industrielle
ou les exigences liées au développement durable.
L’ampleur de cette crise peut amener plusieurs réflexions
en ce qui concerne la filière mode : La crise actuelle est une opportunité pour impulser des
changements désormais inéluctables. La mode, constam-
• Aucun acteur ne sera épargné par ses conséquences ment appelée à renouveler ses manières de faire, ne sau-
profondes, quel que soit son modèle économique
rait faire l’économie d’une mutation profonde. Elle y est
(chaîne, marque) ou son positionnement prix. Au-de-
préparée car la quête de sens, qui conduisait un nombre de
là des chutes vertigineuses de chiffre d’affaires ob-
plus en plus grand d’observateurs à appeler à une remise à
servées, il semble évident que de nouveaux para-
plat du système de la mode, est déjà bien ancrée dans les
digmes, tant du côté des consommateurs que du côté
esprits, particulièrement au sein des jeunes générations.
des marques, émergent. Certains amplifieront des
comportements déjà émergents, d’autres constitue- Pour autant, cette réinvention doit porter plusieurs exigences,
ront des ruptures dans les pratiques observées qui témoignent de l’ambition du secteur concernant son
jusqu’à présent. avenir. Cette industrie qui, rappelons-le, pèse en France plus
• Aucun acteur n’était préparé à une telle crise. Ce qui de 154 milliards de chiffre d’affaires de l’amont à l’aval, pâtit à
signifie que cette crise pourrait accentuer des dispa- la fois d’une méconnaissance de son impact économique réel
rités de performances entre catégories d’acteurs, et d’un a priori négatif quant à son impact environnemental.
avec un risque de dégradation pour tous. Les plus Elle doit donc s’affirmer comme un secteur œuvrant à une
fragiles entrent dans une zone dangereuse, les plus croissance soucieuse des hommes et de la planète. Cette
puissants dans une zone de vigilance accrue mais crise n’est-elle pas une formidable opportunité pour transfor-
également d’opportunités nouvelles. mer la prise de conscience en actions concrètes ?
Après la gestion de l’urgence visant à assurer la pérennité L’attitude des entreprises du secteur depuis le début de la
et le maintien des fonctions vitales des entreprises du crise, quelle que soit leur taille ou leur position dans la chaîne
secteur, doit venir le temps de la stratégie et de l’antici- de valeur, témoigne de cette volonté d’exemplarité : produc-
pation des mutations en cours. C’est le sens du travail tion de masques, de gels, ventes de charité et soutien aux
présenté dans ce document, qui propose à la fois un acteurs publics engagés dans la lutte contre le virus… Sous
éclairage sur les composantes des modèles économiques de nombreuses formes, la mode a saisi cette opportunité de
à succès du secteur et un outil d’anticipation sur les dé- se mettre au service du bien commun, à l’instar de la plate-
cisions-clés à prendre dans une optique de développe- forme Savoir Faire Ensemble, lancée par Yves Dubief et Guil-
ment ou de redéploiement. laume Gibault, regroupant des entreprises textiles françaises
produisant des masques et surblouses à destination des
professionnels et du grand public.
12 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
Cet esprit de filière a également des traductions tangibles L’incertitude forte qui pèse sur la consommation rend
dans les relations intra-sectorielles et notamment entre vitale des modèles ultra flexibles et hybridés, qui per-
l’amont et l’aval de la filière. Contrairement à la séquence mettent une variabilisation des coûts (vs des modèles de
2008-2009, une certaine solidarité a prévalu entre don- coûts fixes actuels).
neurs d’ordres et sous-traitants. Cette prise en compte
des intérêts collectifs peut amener les acteurs de la filière Le troisième thème concerne la création de valeur par le
à des pratiques nouvelles, fondées sur la coopération et client. La mise en place d’une approche par la valeur
le renforcement d’un véritable écosystème. client est inspirée par la réussite d’acteurs qui se reven-
diquent comme « client centric » (acteurs digital native
Les stratégies propres à chacun ne doivent cependant en particulier). Plus que jamais la richesse du lien
pas être perdues de vue et sont précisément l’objet de ce consommateur à chaque point de contact (y compris pré
rapport. Celui-ci s’articule en deux parties : et post-achat) constitue un facteur de succès essentiel.
La manière de communiquer et d’interagir avec le client,
La première partie détaille cinq thèmes de nature à bâtir le fait qu’il se sente partie prenante d’une véritable com-
ou à renforcer la singularité des modèles économiques munauté de valeurs sont quelques pistes qui seront dé-
existants dans le secteur. Ces thèmes sont transversaux taillées par la suite. Les scénarios d’évolution vers un
et concernent l’ensemble des entreprises, quelle que soit modèle de distribution directe au consommateur (D2C,
leur taille, leur niveau de gamme ou leur modèle écono- direct to consumer) pour des marques traditionnellement
mique actuel. wholesale, ne sera pertinent que si elles intègrent en pa-
La seconde partie est dédiée à la caractérisation de « mo- rallèle les compétences essentielles pour exceller sur les
dèles économiques gagnants » d’aujourd’hui et de demain. plans relationnel et transactionnel (ex : gestion des com-
Une vingtaine de modèles économiques ont été identifiés, munautés, approche par la data client).
illustrés en intégrant les spécificités de chaque segment de Le quatrième thème est celui de la RSE (responsabilité
marché et ses étapes de développement. sociétale des entreprises), qui prend dans le secteur de
la mode une expression protéiforme. De nombreux chan-
DES THÈMES AMPLIFIÉS tiers sont déjà avancés, en particulier sur la dimension
environnementale (sourcing, écoconception). Les dimen-
PAR LE CHANGEMENT sions sociales et sociétales (sauvegarde de l'emploi et
DE PARADIGMES préservation de la filière) vont devenir de plus en plus
critiques au regard de l’actualité immédiate.
Les nouveaux paramètres des modèles économiques ont
été investigués et consolidés en 5 thèmes. Chacun prend Enfin le dernier thème est celui de l’innovation, qu’elle soit
aujourd’hui une coloration nouvelle pour tous : amplifica- technologique ou organisationnelle. Les principaux
tion, absolue nécessité ou nouvelle piste de réflexion enjeux sont la traçabilité, la fiabilité et l’efficacité des
opérations mais également la possibilité de répondre à de
Le premier thème est celui de la culture d’entreprise et de la nouveaux usages et de nourrir la création. Des éléments
capacité à transformer les organisations, les pratiques et le de réponse sont prometteurs dans le tour d’horizon pro-
management pour rendre les entreprises alertes et agiles. posé dans ce document, qui ne prétend pas à l’exhausti-
L’implication croissante des collaborateurs, leur responsabi- vité. Les briques technologiques qui sont aujourd’hui à la
lisation sont des accélérateurs majeurs de la transformation disposition des entreprises constituent probablement
dans de nombreuses sphères de l’entreprise. l’axe de différenciation le plus radical même s’il n’en est
encore qu’à ses balbutiements. Une nouvelle fois, une
Le deuxième thème est consacré à la chaîne de valeur
véritable réflexion sur la manière d’opérationnaliser cette
des marques, les modèles commerciaux et modèles mar-
dimension est une condition de réussite incontournable.
chandises. De nouvelles approches, qui vont de la désai-
sonnalisation au drop, en passant par la précommande, En fonction de son profil et de son degré de maturité sur
ont démontré leur intérêt marché et économiques : dési- ces différents sujets, chaque acteur peut s’auto-évaluer
rabilité, réduction du besoin en fonds de roulement et de et imaginer quel sera pour lui la façon la plus pertinente
la démarque. Elles impliquent de nouvelles approches en de se réinventer.
matière de sourcing. L’hybridation accélérée et non subie
des modèles de vente face à une concurrence accrue
et un trafic en berne sont également incontournables.
13
EN UN CLIN D’ŒIL
Enseignements de l'étude
CINQ THÈMES
À EXPLORER
- Culture et dynamique de transformation
DES PRÉREQUIS - Refonte du modèle marchandise
POUR TOUS - Approche par la valeur client
DES FACTEURS
DE RÉSILIENCE
POUR RÉUSSIR LES CARACTÉRISTIQUES
POST COVID TRANSVERSES DES
- Cohérence du modèle opérationnel MODÈLES GAGNANTS
avec la proposition de valeur
- Frugalité des dépenses marketing
- Gestion du cash vs gestion de l’EBITDA
- Capacité à exploiter la data (clients, produits)
- Capacité à variabiliser les coûts
- Modèles commerciaux hybridés
- Accès à des sources de financement
- Appréhension des nouvelles dynamiques internationales
- Structure capitalistique avec (glocal vs mega cities)
un horizon long terme
- Raison d’être portée par les équipes et claire pour les clients
- Maturité digitale et e-commerce
- Culture de l’innovation (produits, expérience clients,
- Personnalité du dirigeant communications)
14 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
2. Une étude détaillée des caractéristiques des modèles « En un clin d’œil »
gagnants actuels schéma de synthèse
Chaque partie de cette étude peut constituer une clé d’en- « Les premiers pas »
trée et être explorée indépendamment. guide pratique destiné à de jeunes acteurs
©hello-i-m-nik, Unsplash
15
16 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
PARTIE 1
Les nouveaux
paramètres
des modèles
économiques
de la mode
20 Culture et dynamique
de transformation
74 Innovation et technologies,
boosters de demain
18 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Refonte du modèle
marchandise
Réponse à laDéfinition
questiond’une
« Cestratégie
thème est-il Innovation
data un sujet stratégique selon vous ? »et technologies
pour accroître la valeur client dans la chaîne de valeur
Culture et dynamique
RSE de transformation Made in Seconde main Précommande Location Abonnement
10 %
16 % 18 %
28 % 26 %
36 %
41 %
24 % 40 %
64 %
100 % 100 %
84 % 64 % 31 % 31 %
49 %
72 %
44 %
36 % 24 %
27 %
12 %
10 % 6 % 4 % 3 %
Refonte du modèle
marchandise
12 %
18 %
34 %
44 %
58 % 64 %
78 %
82 % 88 % 92 %
26 %
80 %
82 %
38 %
18 %
20 %
40 %
24 % 22 % 12 %
18 % 4 %
12 % 16 %
6 % 8 % 8 %
Culture et dynamique
de transformation
La crise que nous traversons en 2020 met Le monde est VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity,
Ambiguity). Le monde est volatile, car mobile et fluctuant.
en exergue cinq forces qui composent,
Le monde est également incertain, comme l’illustrent les
décomposent et recomposent le terrain événements des trois dernières années en France : mou-
de jeu de notre société, de notre écono- vements sociaux (gilets jaunes, grèves) ; tensions géopo-
mie et de la filière mode : la volatilité, litiques et mesures protectionnistes ; crise sanitaire à
l’incertitude, la complexité l’ambiguïté et l’échelle mondiale. Le monde devient également de plus en
plus complexe. Le paysage concurrentiel est un exemple
l’accélération. Comment jouer avec ces
parlant : une marque fait face aujourd’hui à une multiplicité
champs de forces aujourd’hui ? Quel est de concurrents protéiformes, du e-tailer (Farfetch,
le modèle qui permet d’anticiper et de Matchesfashion) aux pop-up stores spécialisés, des ac-
s’adapter en permanence dans un monde teurs spécialisés dans la seconde main (Vestiaire Collec-
qui évolue toujours plus vite et de ma- tive, Vinted) aux DNVB mono-produit. Le monde est enfin
ambigu ; il est de plus en plus difficile de distinguer au sein
nière imprévisible ? d’un phénomène les causes des effets. La volatilité, l’incer-
titude, la complexité et l’ambiguïté ne sont pas des phéno-
mènes nouveaux. Ce qui change, c’est leur accélération.
Les changements bouleversent les modèles économiques
de plus en plus vite. Cette accélération, implique une révo-
lution des cultures et des organisations actuelles que ce
soit sur le marché de la création ou celui de la distribution.
FICHE PRATIQUE
VUCA et illustrations
pour le secteur de la mode
Illustrations Impacts & difficultés Leviers potentiels
pour la mode rencontrées à activer
Économique : taux de change, cours Des difficultés à piloter les niveaux F lexibiliser les coûts fixes
des matières premières, taxes de stock dans l’année avec un risque au maximum et activer
douanières de surstocks en cas d’imprévus une logique de prévisions
Des difficultés à réaliser des prévisions glissantes (rolling forecast)
Climatique : étroite corrélation entre
Volatile ventes des pièces de pleine saison de vente multivariée (géographies,
et climat canaux,…)
Mutations sociologiques : intégrer Un besoin de réaliser des transformations éfinir le cap stratégique
D
les nouveaux comportements des à 360°, sur l’ensemble de la chaîne et les business plan avec
clients de valeur, impactant toutes les directions moins de déterminisme
Mutations technologiques : 3 transformations majeures à mener
Complexe des champs à développer avec de front : digitale, RSE, et modèle
la révolution digitale marchandise
Mutations environnementales et
sanitaires : des impacts opérationnels
sur l'ensemble de la chaîne
Performance produits : pilotage Des difficultés à dissocier objectivement R enforcer les compétences
en dissociant les effets de l’offre les effets des causes pour expliquer analytiques et data
(politique assortiments) et un certain nombre de résultats clés
de la demande ccélérer et outiller les
A
Le besoin de dé-moyenniser pour prises de décision
Ambigu Besoin de renouvellement : estimer sortir de l'ambiguïté et de travailler sur
le besoin réel de renouvellement une granularité fine de données
des collections souhaité par
les clients
Accélération des transformations : Une nécessité d’aller vite dans évelopper l’autonomie et la
D
besoin d’accélérer la transformation la transformation avec des moyens responsabilisation des
pour de nombreux acteurs financiers contraints (outils, équipes) équipes
tout en veillant à embarquer les équipes
Montée en puissance : faire monter dans les changements opérés
Accélération en puissance rapidement
les managers pour conduire
la transformation
22 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
L’ENTREPRISE ALERTE,
UNE ESPÈCE QUI S’IMPOSE
Dans ce monde VUCA, des modèles vont devoir se réin- Malgré les évolutions et les mutations autour, l’entreprise
venter pour survivre, d’autres au contraire vont se renfor- ne doit pas oublier qui elle est, d’où elle vient, et doit donc
cer et s’étendre. Le modèle d’entreprise alerte permet de rester authentique.
se redéployer ou de se développer dans ce contexte.
L’axe horizontal symbolise la capacité de changer. Pour
L’entreprise alerte est un modèle d’entreprise adaptive, s’adapter aux évolutions, l’entreprise doit être agile mais
ouverte sur son environnement et sur son écosystème. encore faut-il détecter le besoin de bouger. L’entreprise
Ce modèle permet d’anticiper, de faire bouger les lignes, doit donc être également anticipatrice et décrypter les
d’augmenter la capacité d’adaptation, d’autonomie et tendances plutôt que les subir.
d’engagement des équipes, tout en assurant une zone de
permanence qui ancre et rassure. À l’intersection des deux axes, la pierre angulaire du
modèle d’entreprise alerte est l’autonomie. Les équipes
L’axe vertical indique la consistance ou l’ADN de l’entre- doivent avoir la capacité de réagir à court terme en agis-
prise, ce qui résiste aux changements et lui apporte de la sant en responsabilité, c’est-à dire en étant conscientes
cohérence. L’entreprise doit garder le cap final, quelles du cap fixé et du dessein de l’entreprise. La dynamique de
que soient les routes empruntées, avec du sens et de l’entreprise résultera de cette autonomie accordée aux
l’aspiration pour tous, les clients comme les équipes. équipes.
Modèle entreprise
alerte Aspirationnelle
2 axes et 5 composantes à travailler concomitam-
ment pour répondre à la volatilité, à l’incertitude,
à la complexité, à l’ambiguïté et à l’accélération
du marché
Authentique
Le comment
Donner de l’autonomie aux équipes implique de poser un normé, qui vise une émancipation contrôlée des équipes
nouveau référentiel managérial bâti autour de trois idées en suivant quatre étapes : état des lieux, refonte des pro-
clés : accepter l’imprévu, savoir faire avancer les déci- cessus, automatisation et émancipation des équipes.
sions, et n’user de son arbitrage que lorsque cela est né-
cessaire. C’est l’objectif final qui doit guider, et non la pure
application d’un processus.
« Ne devenons pas corporate
A comme agile trop rapidement »
Dans un secteur ou une collection chasse l’autre, l’agilité
reste pourtant à construire, les processus de création – Andrea Baldo, CEO de Ganni
développement sont le plus souvent complexes. Le mode
agile offre des opportunités nouvelles et suit un cadre
PÉPITE
Ganni : L’agilité
Un état d’esprit « tech » et une culture agile
La culture agile et entrepreneuriale est l’ADN de l’entre-
d’entreprise issue
le développement durable et l’analyse de la data dans le
processus du design grâce à de l’intelligence écono-
mique. Les équipes de départ évoluent dans leur rôle et
de la tech sont accompagnées pour relever chaque jour de nou-
veaux défis.
En dix ans, Ganni est passée d’une marque créative scan- La maîtrise des savoir-faire ont permis des approches
dinave à une marque culte internationale. Ce succès pragmatiques, du temps dédié à la créativité, une dé-
s’appuie sur un couple, Ditte et Nicolaj Reffstrups, une marche test & learn, des prises de risque et des outils et
ancienne acheteuse et un entrepreneur de la tech, qui ont processus simples et évolutifs.
fondé la société en 2009. En 2019, son chiffre d’affaires,
en croissance de 30 %, dépasse les 70 M€ avec un mix La tribu des #GanniGirls
digital, wholesale, retail, singulier par rapport aux mo-
La marque a été une des premières à utiliser Instagram -
dèles de marques créatives européennes. Depuis 2017,
créé en 2010 - et les influenceuses qui, de Veronika Heil-
elle est adossée à L Catterton et dirigée par Andrea
brunner à Pernille Teisbaek, en passant par Blanca Miro,
Baldo ; les fondateurs restant membres du conseil
Diletta Bonaiuti, Camille Charrière et Erika Boldrin, portent
d’administration.
haut et fort les hits de la marque, qu’elles affichent toutes
sur leurs comptes suivis internationalement.
Une vision créative
Les collections dessinées par Ditte s’appuient sur un Un plan de développement par un modèle
design contemporain, signature d’un esprit scandinave économique hybride
influent (design, cuisine (Noma), art de vivre …) et d’une
Quatre collections principales, animées par sept drops par
volonté de jouer le mix & match (robes et sneakers). Elle
an, ainsi que des capsules spéciales pour des pièces exclu-
créée des pièces signatures, « easy » et accessibles en
sives et des collaborations, ont permis une croissance
prix, à fort potentiel viral. Des collections inspirées de la
maîtrisée avec un développement international soutenu
« fille de Copenhague », cool, subtilement fashion et ex-
par des présentations à New York, Londres et Paris, en plus
centrique, ouverte au monde, communautaire, tout en
des défilés dans la Fashion Week de Copenhague.
restant ancrée dans une certaine normalité.
Sources : Entretien IFM-Kea&Partners, presse
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 25
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
LA CULTURE D’ENTREPRISE
AU SERVICE DE
LA TRANSFORMATION
Notre conviction : “Culture eats strategy for breakfast“.4 Comprendre la culture de l’entreprise
L’enjeu des marques est de réussir à faire dialoguer stra-
tégie et culture pour : La culture est la manière implicite et non exprimée, de se
comporter d’agir, de penser et de ressentir des émotions,
• capitaliser sur les fondamentaux culturels dans la dé- partagée par un groupe d’individus ou une organisation.
finition de la stratégie, C’est l’eau du poisson dans son bocal : la culture est vitale
mais nous avons du mal à la décrire, car elle est invisible.
• identifier les inflexions culturelles à mener pour
La culture est un objet vivant qui évolue sans cesse. Elle
mener à bien la stratégie poursuivie,
peut être décrite comme ce que les équipes font et sur-
• veiller à la cohérence entre stratégie et culture de tout la façon dont elles mènent leur métier. Comment la
l’entreprise. comprendre, la mesurer et la transformer ?
EN UN CLIN D’ŒIL
culturels Comportements
Iceberg culturel Styles de leadership, modes de communication, manières d'interagir...
Systèmes
Leviers actionnables Processus (RH, prise de décision, communication...)
Structure et organisation, KPIs...
Se transformer c’est aussi transformer sa culture Les managers sont comme pour toute transformation en
première ligne et doivent incarner ces inflexions cultu-
La majorité des marques qui ont défini un plan de déve- relles dans leur manière d’être et d’agir. Ils doivent être les
loppement ambitieux (accélération internationale et di- catalyseurs des comportements attendus et à déployer.
gitale, extension de gamme, nouveau concept de points En s’attachant à donner du sens à l’ensemble des équipes
de vente, acquisitions…) laissent de côté les évolutions et en rattachant les changements culturels au dessein
culturelles nécessaires. Les traits culturels d’une entre- global de l’entreprise, les managers sont un fer de lance
prise peuvent tout à la fois rendre possibles certaines pour guider la transformation culturelle.
ambitions stratégiques ou, au contraire, leur faire obsta-
cles. Les freins que peuvent représenter ces traits restent
souvent peu ou mal mesurés. Comment réussir l’interna-
tionalisation si la culture franco-française rend difficile « Culture eats strategy
l’intégration de profils internationaux ? Comment capita-
liser sur une culture du client pour activer de nouveaux
for breakfast »
services (conseils de style, accompagnement des clients Peter Drucker
aux moments de vie importants) ?
PÉPITE
FICHE PRATIQUE
4 leviers
pour transformer
la culture
Incarnation du top
management
Donner l’impulsion,
avec exemplarité
et pugnacité, développer 1
les managers Agir en local
Inspirer par le sens et rythmer
par les rituels d’équipe
Actions emblématiques
Générer des changements
symboliques, visibles du plus 3
grand nombre et pilotables
Dynamique d’engagement
avec des ambassadeurs
influenceurs et un pilotage
global
4
28 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
FICHE PRATIQUE
un processus agile ?
aux équipes pour réaliser
et optimiser les processus
La première étape est l’analyse du niveau global d’agilité au les optimisations dans une logique de progrès continue.
sein de l’entreprise, via une enquête adressée à l’ensemble L’agilité doit avoir pour priorité la capacité des équipes à dé-
des équipes sur des points d’application précis : efficacité du cider le plus tard possible (limiter les taux d'engagement
processus de prise de décision, niveau d’automatisation des avant saison par exemple).
outils, culture du test & learn… Un outil comme l’Agiliscore
La troisième étape vise à automatiser les tâches les plus
permet d’identifier les zones de progrès et d’avoir une vision
répétitives pour gagner du temps et diminuer les activités à
par direction, par pays, et par niveau hiérarchique.
moindre valeur ajoutée. Les WBR (weekly business re-
La deuxième étape doit simplifier et alléger les processus views) d’Amazon durent quarante-cinq minutes en
clés existants. Pour mener à bien cet exercice, deux mé- moyenne car les tableaux de bord sont automatisés, normés
thodes sont couramment utilisées : une démarche « base et directement intégrés dans les supports de réunion. Les
zéro » ou une démarche de « lean management ». Dans la category managers optimisent le temps de recherche des
première méthode, l’exercice consiste à repenser les pro- informations et de structuration des supports de présenta-
cessus de l’entreprise en mode start-up. Dans la seconde tion pour se concentrer sur l’analyse et l’identification de
plan d’action.
méthode, les équipes sont invitées à cartographier les pro-
cessus actuels, à identifier les nœuds d’étranglement, à dé- La quatrième étape est le développement de l’autonomie et
finir les causes de dysfonctionnements et à tester des solu- de l’émancipation des équipes. Dans le mode agile, les ma-
tions rapidement. Dans les deux cas, les travaux peuvent nagers qui ont validé le lancement du projet interviennent
être menés par les équipes en mode agile avec une période seulement lors des « Sprint Reviews » où l’équipe en charge
de deux mois environ pour définir les processus cibles. La présente les résultats au bout d’un sprint. Pendant le sprint
répétition dans la durée des processus cibles va donner aux en question, les équipes sont autonomes, responsabilisées
équipes une plus grande maîtrise et la capacité à continuer et accompagnées par le product owner et le scrum.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 29
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
Prendre des décisions pertinentes plus rapidement que ses concurrents 30 % 36 % 40 % 41 % 52 % 69 % -
Se concentrer sur la création de valeur pour le client / utilisateur 60 % 57 % 66 % 57 % 69 % 44 % -
Privilégier le pragmatisme à la perfection 50 % 45 % 49 % 41 % 52 % 52 % 35 %
Passer rapidement de la décision à l’action 37 % 44 % 42 % 48 % 52 % 44 % 52 %
Dédier du temps à la créativité 37 % 45 % 46 % 64 % 44 % 77 % 52 %
Tester des choses (produits, manières de faire etc.) rapidement 42 % 46 % 38 % 53 % 52 % 60 % 19 %
Accepter l’échec et prendre des risques 39 % 40 % 56 % 35 % 35 % 52 % 19 %
Capitaliser sur ses expériences et tirer des leçons des erreurs 44 % 43 % 44 % 43 % 60 % 52 % 85 %
Créer des équipes transverses temporaires pour certains projets 64 % 70 % 65 % 54 % 52 % 85 % 85 %
Réaffecter les équipes d'un projet à un autre selon les priorités 44 % 36 % 25 % 38 % 44 % 69 % 35 %
Faire évoluer les projets en fonction des retours clients / utilisateurs 48 % 50 % 45 % 45 % 27 % 77 % 35 %
Avoir des outils et processus « simples » 24 % 30 % 22 % 45 % 44 % 44 % 35 %
Avoir des outils évolutifs qui facilitent l‘agilité 29 % 42 % 39 % 51 % 35 % 60 % 69 %
(*) Niveau d’agilité général du département 40 % 47 % 49 % 73 % 52 % 52 % 52 %
Potentiel d’agilité par métier (Score global = 43 %) 42 % 45 % 45 % 49 % 48 % 60 % 48 %
Offre Développement des collections Travailler trois horizons de temps : court, moyen et long terme
Politique d’assortiments magasin Utiliser l’IA pour un assortiment spécifique par magasin
Supply chain Approvisionnement des magasins Pouvoir livrer rapidement en fonction de l’évolution de la météo
Suivi de la performance produits Identifier des potentiels best-sellers à déployer plus largement
Envoi des informations aux magasins Concentrer l’envoi des informations pour gagner en efficacité
Réseau Mise en rayon des produits en magasin Optimiser le temps de manutention pour développer l’orientation client
Étiqueter les produits en promotions Optimiser le temps d’étiquetage pour permettre un réajustement constant
La méthode agile
Le défi
Dans un monde de plus en plus complexe et difficile
à appréhender, l’agilité des entreprises est primor-
diale. Faire de chaque mauvaise nouvelle une op-
portunité pour rebondir en faisant évoluer son
modèle permet de faire face aux crises qui se suc-
cèdent, avec en point d’orgue celle que nous
connaissons aujourd’hui.
La réponse
Plusieurs réponses sont possibles en fonction de
l’ADN et de la personnalité de chaque entreprise. À
titre d’exemple, Ludovic de Saint Sernin, marque de
prêt-à-porter masculin, face à l’annulation pure et
simple des commandes de certains wholesalers de
produits prêts à être livrés, a développé très rapide-
ment son site pour commercialiser ce stock avec
une très belle réussite.
L’enseignement
En transformant les conséquences de la dépen-
dance de son chiffre d’affaires aux ventes whole-
sale, Ludovic de Saint Sernin a fait évoluer son
modèle vers plus d’hybridation. Il développe depuis
son activité retail digitale et adapte son offre à cette
nouvelle donne. Sa marque pourra continuer à bé-
néficier du support et de la communication de
wholesalers choisis et partenaires tout en dévelop-
pant son retail via son site et ses réseaux sociaux.
Source : IFM
La mutation des
chaînes de valeur
Le « modèle marchandise »5 traditionnel Les indicateurs clés virent au rouge, avec par exemple
atteint ses limites aujourd’hui. pour le segment du milieu de gamme :
À RETENIR
Levier 1
Levier 3
Désaisonnaliser le calendrier de l’offre et l’orienter client
Optimiser les politiques promotionnelles dans un contexte
(vs une structuration traditionnelle printemps - été et
où les niveaux de stocks et le poids de la démarque sont au
automne - hiver) pour faire face à un écoulement des col-
plus haut (entre 20 et 30 %) : pilotage fin des écoulements
lections actuellement trop faible en dehors des périodes
et activations d’actions correctives avant soldes (trans-
promotionnelles. Capitaliser sur l'offre de produits per-
ferts, rabais roulants sur les références contre-perfor-
manents (présents tout au long de l'année et souvent non
mantes) et pour les périodes de soldes : allocation des taux
démarqués) pour équilibrer les ventes mensuelles, pen-
de démarque à la référence pour faire les bons arbitrages
dant les inter-saisons notamment.
de marge vs écoulement (modèle data d’optimisation).
32 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Quelles sont les limites des modèles marchandises #3 : une remise en cause des saisons
actuels ?
• Les mois d’inter-saison (février et mars par exemple)
#1 : la rigidité des structures de collection et des calen- mettent en évidence l’écart entre le calendrier de
driers de l’offre l’offre actuel et la demande clients. En effet, au sortir
des soldes, les clients ont une disponibilité relative-
• Un trafic en berne, des structures de collection rigides ment faible pour effectuer des nouveaux achats, une
et des achats (taux d’engagement avant saison flir- bonne partie d’entre eux ayant été réalisés en période
tant les 80 % sans capacité d’ajustement). de soldes. Les marques, de leur côté, sont en pleine
• Une complexification liée à l’internationalisation des période d’implantation de la nouvelle collection
marques qui accentue cette rigidité (demandes spé- (entrée de saison).
cifiques des acheteurs internationaux, adéquation • Les impacts de ce décalage sont le non-écoulement
des produits aux modes et météos locales, gestion de ces entrées de saison, engendrant une accumula-
des douanes et de la logistique). tion de stocks freinant la mise en valeur des nouvelles
implantations (milieu de saison et fin de saison) et
#2 : des pratiques d’achats contre-performantes
venant nourrir les volumes de stocks à solder en
• Certaines pratiques d’achats engendrent mécanique- ventes privées et en soldes de fin de saison.
ment des surstocks, comme l’utilisation du ratio taux
d’écoulement / OTB6. Avec une prévision de ventes de #4 : la pression de la marge brute impliquant plus de cir-
100 (OTS), et un taux d’écoulement avant soldes prévu cuits longs et moins de réactivité
de 70 %, les équipes achats vont acheter (OTB) 100/0,7, • Les enseignes ont d’autant plus de mal à réagir face à
soit 142 (vs 100 de prévisions au départ). Ce raisonne- des taux d’écoulement avant soldes erratiques que le
ment est une des explications des volumes de stocks lead time est long (9 à 12 mois en moyenne), les cir-
trop importants. cuits courts encore relativement faibles au regard des
volumes totaux (10 % environ) et les taux d’engage-
ment avant saison élevés (80 % des volumes engagés
avant saison).
6. OTB : open-to-buy, budget disponible pour acheter des stocks
EN UN CLIN D’ŒIL
5
Les limites L'achat de chiffre
d’affaires par la promotion
et par conséquent l’érosion
des modèles 4
de l’EBITDA
marchandises
actuels La pression de la marge
brute impliquant plus
de circuits longs et
moins de réactivité
La rigidité des 1 3
structures de collection
et des calendriers
de l’offre 2
Une remise en cause
des saisons
Des pratiques d’achats
contre-performantes
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 33
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
• Ces symptômes sont la conséquence d’une optimisa- #5 : l’achat de chiffre d’affaires par la promotion et par
tion des taux de marge brute entraînant un poids sou- conséquent l’érosion de l’EBITDA
vent prépondérant du grand import et des engage-
ments avant saison plus forts. Le résultat est le suivant : • L’achat de chiffre d’affaires via des opérations promo-
une politique achat trop souvent « à l’aveugle » avec peu tionnelles devient l’unique levier pour augmenter les
de capacité de réagir en cours de saison. résultats. Mais ce modèle ne permet plus de générer
une marge nette et entraîne une érosion progressive
de l’EBITDA.
EN UN CLIN D’ŒIL
Entrée de cash
Sortie de cash
Cash flow cumulé
Jan. Fev. Mar. Avr. Mai Juin Juil. Aôut Sep. Oct. Nov. Dec.
C1 C2 C2 C2 C3 C3
(A/W) (S/S) (S/S) (S/S) (A/W) (A/W)
Développement produit
Première Deuxième Troisième
collection collection collection
C1 C2
(A/W) (S/S)
Présentation et vente wholesale
C1 C2
Commande aux fabricants (A/W) (S/S)
(versement d’un acompte)
S1 S1 S1 S1 S1
(A/W) (A/W) (A/W) (A/W) (A/W)
Saison de vente retail
Les dirigeants font face à un triple enjeu : performance produits, outils d’assortiments magasin), les
processus et modes de fonctionnement (passage d’un
• augmenter le taux d’écoulement avant soldes et la mode de travail articulé sur les saisons Printemps / Été et
VMH de leurs produits,
Automne / Hiver à un calendrier désaisonnalisé et men-
• gagner en agilité pour réagir en cours de saison en sualisé où les équipes travaillent en flux tendu), et les
jouant notamment sur le taux d’engagement avant politiques achats (transition d’un engagement majoritai-
saison et sur le poids du court terme, rement long terme à du multi-engagement sur du court,
moyen et long terme).
• optimiser leur stratégie promotionnelle pour faire les
bons arbitrages entre marge et écoulement. Les leviers investigués sont-ils de nouvelles pierres pour
refondre le modèle marchandise ? En réalité, les pistes
Pour mener à bien cette transformation, les marques détaillées ci-dessous constituent davantage une appli-
doivent être prêtes à revoir de manière transversale leurs cation extensive des bonnes pratiques de gestion de pro-
manières de travailler : l’organisation des équipes (en duits, à généraliser et intensifier à court terme.
particulier offre, marketing et supply), les outils existants
(outil de cadrage des collections, outil de pilotage de la
EN UN CLIN D’ŒIL
Leadtime 10 4 à 10
mois mois
FICHE PRATIQUE
À RETENIR
L’implantation des produits au cours de l’année doit ré- Mieux comprendre pour mieux cibler permet de nombreux
pondre aux besoins réels des clients, qui diffèrent chaque avantages : s’engager plus tardivement, réduire le BFR et
mois, et impliquent de requestionner l’approche saison- les résiduels. Le financement des collections devient
nière (PE / AH) et son cadencement. ainsi moins lourd.
PÉPITE
Le modèle Supreme
Créée en 1994 par James Jebbia, la marque Supreme in- Il est intéressant de noter qu’à l’encontre de bien des en-
carne le modèle de Drop dans toute sa splendeur. L’enjeu seignes de mass market, Supreme s’est toujours refusé
au départ était de combler un manque sur un créneau du d’amplifier ses bestsellers en relançant des productions
skate jusque-là occupé partiellement par des marques dédiées. L’enjeu est de créer une excitation constante
comme Polo, Champion ou Levi’s. autour des nouveautés. La force de la marque a été d’ac-
cepter des longues plages de pénurie, avec parfois des
Avec une cible bien définie, les skateurs « branchés » de saisons PE quasiment écoulées dès le mois de mars.
18 à 24 ans, le succès du modèle s’est construit autour d’un
magasin à Lafayette Street, à New-York dans le downtown Depuis 2013, la marque se structure autour de deux collec-
Manhattan. Le magasin était à mi-chemin entre la galerie tions de manière assez classique mais en continuant à
d’art, la boutique de luxe et le skate-shop. Sa raison d’être susciter l’envie avec des drops supplémentaires tous les
première était de servir de point de ralliement aux bandes jeudis. « On n'a jamais été dans le truc de l'offre et de la
de skateurs du quartier. Les vendeurs étaient à l’opposé demande. Ce n'est pas comme si on se disait qu'on allait
des canons traditionnels, avec une nonchalance affichée à faire un truc qu'à six exemplaires, mais si je peux en vendre
l’égard des clients. 600, j'en ferai 400. On a toujours fait comme ça. », décla-
rait James Jebbia dans Interview magazine en 2009.
La première collection Supreme était composée de trois
Sources : presse
tee-shirts (un t-shirt Taxi Driver, un t-shirt « afro-skater »
et un t-shirt avec un box logo). La rareté est ainsi consti-
tutive du modèle dès le début. À l’époque, il était courant
de voir les étagères vides dès le vendredi matin, l’ensemble
des pièces ayant été achetées le jour de la sortie du drop,
le jeudi matin. Mais les jeunes skateurs continuaient d’af-
fluer le reste de la semaine, profitant du son, du look des
vendeurs et contribuant ainsi à la hype de la marque.
PÉPITE
Le modèle
Moncler Genius
Moncler a décidé en 2018 de désaisonnaliser une partie Il est intéressant de noter que Tod’s (avec Alber Elbaz) et
de ses collections avec des séries en édition limitées, Calvin Klein ont tenté des approches similaires sans ren-
dessinées par des créateurs à tour de rôle, faisant l’objet contrer le même succès. D’autres marques comme
de drops mensuels : « The Genius Project ». Chaque drop Rimowa ont su au contraire développer une stratégie de
est accompagné d’une communication digitale dédiée et collaboration payante. Les traits communs semblent être
d’évènements dans les magasins. les suivants : s’appuyer sur un produit star (la doudoune
Maya pour Moncler), et savoir attirer une clientèle jeune
Les enjeux étaient les suivants : augmenter la visibilité de avide de nouveautés et fortement liée aux réseaux so-
la marque sur le plan mondial, avoir une prise de parole ciaux (Instagram en particulier). Les collaborations de
plus fréquente, notamment via les réseaux sociaux, re- Moncler ont eu davantage de résonnance quand elles
cruter de nouveaux clients (en particulier la génération Z visaient un persona jeune avec une collaboration
et les millenials), et fidéliser sa base clients existante streetwear que lorsqu’elles visaient une clientèle fémi-
avec une présence forte sur les réseaux sociaux. nine, plus âgée et professionnelle.
Les résultats se sont avérés très positifs, même si le Source : presse
niveau de chiffre d’affaires généré par les collaborations
reste limité (10 % des ventes environ en 2018) :
FICHE PRATIQUE
Le drop ou
proche en offrant une accessibilité trop forte. Les standards
du marché s’établissent autour d’une quinzaine de réfé-
rences, à construire en dehors de la structure de collection
l’extrémisation cœur. Les équipes sont dédiées car elles ont la nécessité
d’incarner une différenciation vs le cœur de collection de la
Les avantages sont aisément identifiables : développer le Il existe deux modes opératoires : un modèle de pure drop à
sentiment d’appartenance, un critère prix qui devient se- la Supreme et un modèle plus accessible qui consiste à
condaire, des nouveaux indicateurs de réussite : le nombre rythmer son calendrier d’offre.
d’inscrits, le nombre de mètres ou la durée d’attente phy-
Ce modèle intermédiaire est incarné par Maison Kitsune qui
sique ou digital le jour j.
renforce la part des collaborations dans ses collections et
Pour faire d’une telle stratégie un succès il convient d’adop- propose tous les deux mois environ une nouvelle collabo-
ter une approche à 360° en amont de l’implantation pour ration en plus de sa collection cœur. Les collaborations de
créer le désir auprès de la base clients, définir le bon Kitsune couvrent différentes catégories de produits pour
nombre de références pour conserver une désirabilité forte générer désir et renouvellement aux yeux du client (sacs,
et maximiser le chiffre d’affaires en parallèle. L’arbitrage est make-up, prêt-à-porter, …).
complexe car si les volumes sont trop réduits, le projet s’ap-
parente à une pure opération de communication. Si les vo-
lumes sont trop larges, le risque est de normaliser l’ap- Sources : presse, entretien IFM-Kea&Partners
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 41
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
FICHE PRATIQUE
La personnalisation
des produits, une proposition
de valeur encore limitée
La personnalisation des produits répond à un besoin d’in- L’équation économique pour rentabiliser la personnalisa-
dividualisation des consommateurs. La sensation de tion est la suivante : le client doit être prêt à payer entre
porter une pièce unique est le pendant de la satisfaction 20 et 50 % supplémentaires pour avoir accès à un produit
d’avoir mis la main sur un drop écoulé en quelques personnalisé et unique, faute de quoi les surcoûts de pro-
secondes. duction ne seront pas rentabilisés. Un exemple résume
bien le modèle économique proposé : la marque Son of a
Si les tentatives de la plupart des marques d’offrir un ser- Taylor, qui à travers un algorithme (âge, poids, taille et
vice de personnalisation des produits sont de plus en plus pointure) propose des t-shirt personnalisés et adaptés à
nombreuses, une question se pose : est-ce un effet de la morphologie de chacun à un prix de vente public autour
mode ou au contraire la démonstration d’un changement de 55 €.
plus profond de la part des consommateurs ?
Généralement, la première étape pour développer la flexi- • Double sourcing : capacité à prévoir pour des produits
bilité est de mettre en place une cellule « actua » dédiée considérés comme potentiels best-sellers un cycle
à une offre complémentaire en circuit court (1 à 4 mois) long et un cycle court, en proche import. Jouer du
pour répondre à des manques dans la collection ou à des double sourcing suppose d’avoir, dès la production en
opportunités de réassort. Cette cellule permet d’ap- cycle long, identifié un fabricant en cycle court en ca-
prendre ou de réapprendre, mais ne peut à elle seule per- pacité de produire la référence en question avec la
mettre d’atteindre les niveaux de flexibilité attendus même qualité et la même coupe (quotation et typage
aujourd’hui. au même moment).
Cette culture de l’actua était historiquement bien implan- • Partenariats fournisseurs : faire de ses fabricants des
partenaires est un accélérateur pour gagner en réac-
tée au sein des enseignes : des logiques de tests étaient
tivité. En effet, forts de la confiance bâtie, les proces-
mises en place avec une capacité de pouvoir développer
sus sont plus fluides, les allers-retours moins nom-
en circuit court un potentiel bestseller et le déployer ra-
breux. De plus en plus de fabricants partenaires sont
pidement dans les magasins. Cette culture s’est peu à
aujourd’hui en capacité d’être force de proposition
peu perdue sous la pression des marges d’entrée impo-
(innovation matières). Travailler la flexibilité et la ré-
sant les circuits longs et des niveaux d’engagement avant activité implique d’identifier les fabricants parte-
saison de l’ordre de 80 % pour les marques accessibles. naires actuels et les nouveaux partenariats pour
Nous estimons un potentiel de 30 % à 50 % des collec- demain.
tions pouvant être développées en circuit court (vs 10 % Quels sont les impacts sur la marge brute d’une augmen-
à 20 % constatés généralement aujourd’hui). Le circuit tation du circuit court, d’un développement du double
court peut tout aussi bien être activé en proche, en sourcing, d’une diminution des taux d’engagement avant
moyen et en grand import (aérien). saison et de l’activation des réservations matières et de
Quelles sont les bonnes pratiques pour gagner en réacti- capacité de production ? D’après nos estimations, les
vité au-delà de l’accompagnement des équipes pour coûts afférents à ces leviers vont représenter entre 1 et 3
flexibiliser : points de marge brute (sur une base 100)7, l’hypothèse
retenue étant le passage de 10 % à 30 % des volumes
• Réservation matière et réservation des capacités de produits en circuits courts.
production : la matière, hors transport, représente deux
tiers du lead time. Certains acteurs pilotent un OTB
(open-to-buy) matière en complément d’un OTB pro-
duits finis (Inditex). Cette approche est souvent associée
7. Source : Analyse Kea & Partners
À RETENIR
Dans un monde où l’incertitude est de plus en plus forte, Les investissements consentis sur la marge brute im-
la flexibilisation des achats est stratégique : optimisation pliquent une nouvelle péréquation de marge et un pilo-
du BFR, meilleure connaissance des besoins, meilleure tage par la marge nette (meilleur écoulement avant soldes
identification des bests. et baisse de la démarque).
Pour les marques orientées wholesale le champ des d’avoir au plus tôt une certaine visibilité sur les pièces les
contraintes est plus fort. Confrontées à la concurrence plus vendues en wholesale et donc sur les volumes de
sur les chaînes de production et la nécessité de comman- vente à anticiper. Cela permet de réduire les invendus,
der au plus vite pour être produites en priorité par les d’identifier éventuellement les pièces à annuler et d’ajus-
fabricants, elles doivent trouver des solutions inno- ter au mieux les OTB (open-to-buy) matières. Les bud-
vantes : à titre d’exemple, les showrooms virtuels, les gets de vente et donc d’achat peuvent ainsi être affinés
applications de validation d’ordre par les acheteurs inter- au mieux avant le lancement des ordres de production.
nationaux (Joor, Le New Black, Ordre) leur permettent
PÉPITE
Tekyn
sont les suivants : une augmentation des ventes, des
stocks réduits et une démarque en baisse, et par consé-
quence une amélioration de la marge nette et du BFR.
Fondée en 2017 par Pierre de Chanville et Donatien Mour- Les équipes de Tekyn mettent également en avant le fait
mant, Tekyn offre aux marques un service de fractionne- que cette solution d’ « écoproduction » est le pendant
ment des approvisionnements, afin de calibrer précisé- naturel de l’ « écoconception » dans la sphère créative.
ment la production aux ventes réelles. Mais là où l’impact recherché se mesure en termes qua-
En limitant leurs engagements d’avant-saison, les marques litatifs dans la création, il se mesure en termes quantita-
peuvent régulièrement réajuster leur niveau de produc- tifs dans la production.
tion en fonction de la demande. La start-up propose à la
fois une technologie de facilitation de confection (kits), La crise actuelle va-t-elle accélérer
destinée aux ateliers, et un outil de gestion des stocks, le recours à ce modèle ?
matières premières, commandes et réassorts. La solution La crise liée à l’épidémie de Covid-19 a un effet de cataly-
repose sur une double technologie : (1) Le Tech Center : seur sur les problématiques de niveaux de sur-stocks ainsi
Industrie 4.0 & Lean Manufacturing appliqué au textile, et que la gestion de trésorerie et de besoin en fonds de rou-
(2) une plateforme dashboard collaborative, pour tous les lement. Le passage à un modèle de production on-demand,
acteurs de la chaîne de valeur. peut, en ce sens, devenir un levier de gestion de risque
particulièrement efficace pour ces deux questions : un
L’impact positif la production à la demande sur l’activité niveau de production sans engagement en amont, donc
La solution Tekyn vise à apporter une réduction du cycle sain en termes de gestion des disponibilités, et une pro-
achat-vente et une fiabilisation de l’offre. Les avantages duction liée à une demande réelle, et non prévisionnelle.
Marque 1
Passage de commande
Tekyn tech center
Préparation 2 Préparation des kits
à la demande de montage
Atelier de confection
Confection et envoi
3
des produits finis
FICHE PRATIQUE
La pré-commande :
Les vertus du modèle sont claires : peu de stocks, peu
d’invendus, pas de soldes par conséquent. En faisant des
clients des acteurs du projet (à la manière d’un investis-
une révolution seur sur une plateforme de crowdfunding), Asphalte se
créée une communauté fidèle et porteuse de la marque.
marchandise
renommée digitale, et tester la capacité de sa commu-
nauté à acheter des produits élaborés et distribués par le
blog.
de demain ? Le modèle de pré-commande comporte cependant cer-
taines limites. Le délai de 2 à 3 mois minimum entre
Pour ajuster les volumes de production à la demande l’achat et la livraison peut être un frein majeur dans une
réelle, de multiples initiatives sont conduites autour du société où l’achat d’impulsion est roi et où les DNVB lea-
modèle de pré-commande. Asphalte, dans le prêt-à-por- ders poussent le « tout, tout le temps, tout de suite » à
ter masculin, incarne cette ambition en envoyant à sa son paroxysme. Les tailles des marques s’inscrivant plei-
base clients un questionnaire pour comprendre les at- nement dans ce registre restent relativement limitées et
tentes et les irritants des consommateurs face au produit posent la question de la capacité à franchir des seuils de
proposé. Fort des résultats, la marque lance une série de chiffre d’affaires au-delà de 20 millions d’euros.
tests pour créer le prototype répondant aux critères
donnés. Vient ensuite la phase de pré-commande, avec
un achat avant même le lancement de la production. Une 50 % des dirigeants
fois les minimas atteints, la production peut démarrer
avec un surplus de 5% de volumes pour assurer les estiment que la
échanges suite aux livraisons. En moyenne, 3.400 pièces précommande est un levier
sont précommandées pour chaque produit proposé.
stratégique intéressant
Ce modèle se retrouve également chez les acteurs du
luxe, par la pratique des « trunk shows ». Ils proposent
en avant-première aux clients/clientes sélectionnés la
possibilité de commander des modèles spéciaux : pièces
de défilé, fourrures, sacs en peaux précieuses, etc. Cela
devient un service exclusif mais aussi une façon de limi-
ter les risques de stock sur des pièces de grande valeur.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 45
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
Le premier levier est la construction d’un modèle d’opti- La data science permet de créer un modèle d’arbi-
misation global pour allouer les meilleurs taux de dé- trage qui définit pour chaque référence (en fonction
marque par produit ou catégorie de produits en combi- des priorités retenues) le taux idéal qui favorisera
nant préservation de la marge et écoulement des stocks. l’écoulement tout en préservant la marge.
Les équipes en s’appuyant sur ce type de modèle adossé
à la data arbitrent sur le taux optimal, placent le curseur
« marge vs écoulement » et l’impact en termes de
25 à 30 %
chiffres d’affaires, de marge et sur les stocks à écouler.
La mutation des
du financement et des stocks en fonctionnant principa-
lement par un système de pré-commandes et des ventes
sur son site et son Instagram. Seuls quelques modèles
chaînes de valeur permanents sont disponibles tout au long de l’année, le
reste de l’offre est présentée sous la forme de capsules
en pré-commande.
Le défi
Comment construire le calendrier de l’offre avec les L’enseignement
contraintes que sont le financement de la production et La rareté des financements disponibles au démarrage de
les stocks éventuels qui représentent une immobilisation l’activité conduit les jeunes marques à imaginer des sys-
lourde pour une jeune entreprise ? tèmes créant un modèle vertueux qui diminue fortement
le BFR et évite le financement de stocks importants, que
La réponse ce soit grâce à la précommande ou des drops réservés au
La définition de l’offre et de sa commercialisation peut retail.
découler directement de ces contraintes. Mister K, jeune Source : IFM
L’approche par
la valeur client
L’approche par la valeur client va au-delà Les dirigeants interrogés
des questions d’orientation client de l’en- considèrent tous que l’exploitation
treprise (organisation de l’entreprise à
des données clients est un enjeu clé
tous niveaux pour répondre au mieux aux
attentes des clients). de leur développement, néanmoins
seuls 12 % d’entre eux estiment
Elle consiste en un développement des produits et services
de l’entreprise qui soit le plus en phase avec les attentes mettre en œuvre suffisamment de
d’un client individuel ou d’un groupe de consommateurs moyens dans ce domaine.
(communautés, cohortes, segments…). Le but est de maxi-
miser la valeur financière à long terme apportée par les
clients. La valeur client complète la valeur d’une marque. Elle Cette approche est issue à l’origine des acteurs direct to
devient un des principaux indicateurs des investisseurs consumer (D2C), et plus précisément du modèle d’abon-
pour évaluer une marque de mode « gagnante » car elle dé- nement, dans lequel le client est associé à un revenu
montre sa capacité à recruter, fidéliser et piloter finement le mensuel récurrent (monthly recurring revenue – MRR).
retour sur investissement. Pour un dirigeant et son équipe,
c’est l’opportunité également d’adapter son modèle et d’en- Cette approche implique en tout état de cause une ex-
richir son « cockpit » stratégique. Comment mettre le client ploitation complète de la data client pour nourrir les ré-
au centre ? Comment le recruter, l'animer, le fidéliser ? Avec flexions marketing, commerciales et produit. Les nou-
quels moyens moteurs associés ? veaux KPI (indicateurs clés de performance) à piloter
transforment les métiers de la relation client et les im-
briquent encore plus fortement avec les équipes collec-
tion, communication et réseau.
À RETENIR
L’approche par la valeur client a plusieurs vocations : recru- l’accroissement de la valeur client à travers des commu-
ter des clients, les fidéliser, maximiser leur contribution nications ciblées et personnalisées, une meilleure com-
économique et rentabiliser les dépenses en marketing. préhension des attentes et réactions des clients et des
investissements marketing optimisés.
Elle devient un paramètre de valorisation des actifs de
l’entreprise quel que soit le secteur et en particulier des Accessible à tous les acteurs, la mise en place d’une stra-
acteurs de la mode aujourd’hui challengés. tégie data demande de structurer et analyser ses données
clients avant de mettre en œuvre des actions concrètes
La valeur client est amplifiée par la data. L'exploitation de issues de ces analyses.
la data et le pilotage de nouveaux indicateurs permettent
48 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
LE CLIENT, NOUVEL ACTIF L’analyse approfondie de toutes ces données et leur in-
terprétation permet notamment d’anticiper les ten-
DES MARQUES dances, prévoir certains achats, diminuer l’attrition,
booster la fréquence ou le panier moyen, développer de
Les marques sont depuis toujours riches d’informations nouveaux produits, etc.
sur les clients, alors quoi de neuf ? Les parcours client
sont multiples, les données internes s’enrichissent et se
combinent avec les données externes dans un cadre lé- LA DATA POUR ACCROÎTRE
gislatif structurant (RGPD), les DNVB, les plateformes ont
une longueur d’avance et semblent difficilement imi-
LA VALEUR CLIENT
tables…et pourtant les marques sont largement pourvues Fédérer une communication autour de la marque
en data et les usages sont multiples !
Les marques tirent de l’analyse des datas clients une vision
Chaque marque dispose de nombreuses informations sur globale de leur communauté clients, de leurs caractéris-
ses consommateurs : préférences, fréquence d’achat, lo- tiques, de leurs attentes et de leurs réactions. Cette ana-
calisation géographique, intérêts, classe d’âge, ainsi que lyse permet de développer du contenu de marque qui entre
tout leur parcours au travers des pages online qu’ils ont naturellement en résonnance avec leur communauté et
visitées, et qui leur donnent des informations sur les cou- développe leur affinité.
leurs, formes, tailles, types d’articles qu’ils aiment et
achètent, ou encore ceux qu’ils ajoutent à leur panier Dès lors, les marques peuvent mettre en avant leurs va-
pour finalement ne pas les acheter. leurs dans leurs prises de parole, et ainsi favoriser l’émer-
gence d’une communication autour d’un « storytelling » ou
Les modèles D2C (direct to consumer) ont créé de nou- d’un moment de vie (voyage, culture) plutôt qu’une com-
velles normes en termes de tunnel de vente (poids de munication centrée uniquement sur le produit. On observe
l’avant-vente, Instagram comme canal de vente). Ils bé- très clairement cette tendance sur Instagram aujourd’hui,
néficient de nombreuses étapes de collectes de data, que où les publications mettent en avant les collections, les
ce soit au travers de la communication sur les réseaux photos de presse et de défilés, mais aussi des moments
sociaux, du retargeting, ou de la navigation sur leur e-shop, d’inspiration. Ainsi, Officine Générale nous invite sur son fil
pour amplifier l’engagement client, sa fidélisation et donc Instagram à découvrir aussi bien un aperçu des collections
sa rentabilité.
EN UN CLIN D’ŒIL
amplifiée 2. Comprendre
par la data
les attentes client
3. Personnaliser
1. Fédérer une communication la communication
autour de la marque pour recruter et
fidéliser les clients
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 49
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
qu’une escapade en bord de mer pour surfer sur la côte À titre d’exemple, l’enseigne américaine Frank & Eileen
basque en plein hiver, un fauteuil de la fin des années 1930, estime que 80 % de ses clients reviendront effectuer un
Vincent Cassel et Ryan Reynolds, de la peinture et de la achat8. Pour ce faire, leurs efforts marketing sont focali-
sculpture. Impulsée par les marques créatives, cette pra- sés sur l’exploitation des datas pour personnaliser leurs
tique a vocation à être à la portée de tous. communications plutôt que sur des budgets marketing
traditionnels articulés en campagne marketing ou rela-
Comprendre les attentes des clients tion presse. Les clients de l'enseigne reçoivent alors un
e-mail de suivi en lien avec ce qu'ils ont acheté.
Le deuxième atout majeur que la data apporte aux
marques est une meilleure compréhension des attentes D’autres marques utilisent la data pour définir précisé-
des clients : taille, formes, goûts, prix, etc. La data permet ment les e-mails qu’ils vont envoyer en fonction d’un taux
ainsi d’anticiper les tendances et les attentes des clients. de conversion recherché. Combien de mails envoyer par
semaine ? Quel jour et à quelle heure ? Combien de mes-
En la matière, Zara fait aujourd’hui figure d’expert de la col- sages et illustrations envoyer ? Faut-il préférer un fond
lecte de data à grande échelle, de sources internes et ex- coloré ou un fond blanc ? Sur la base des précédentes
ternes : points de vente, mobiles, RFID, ventes (réseau et communications envoyées et du test de tous ces para-
e-shop), réseaux sociaux, navigation web, etc. Les ana- mètres, en grande quantité, l’exploitation des données
lystes étudient ensuite la data pour cibler ce que les clients permet d’optimiser les campagnes de communication
veulent vraiment et transmettent les résultats aux designers auprès de la base client. Les techniques d’A-B testing
qui créent des produits « pour les gens, par les gens ». sont ici d’une grande utilité.
Cette approche d’implication de la communauté client et Attention toutefois à l’hyperpersonnalisation qui pose évi-
d’utilisation de la data dans le design des collections s’ob- demment des questions de respect des normes de protec-
serve également chez les DNVB. La marque Asphalte im- tion des données personnelles et de la vie privée, mais
plique ses clients en leur envoyant un questionnaire pour également des questions de qualité de la relation client : on
cerner leurs goûts : la marque propose au client les pièces observe aujourd'hui que certains clients s'éloignent de
qui sont à l’étude (dessin de la forme et coloris envisagés), marques dont les communications sont perçues comme
les sonde sur le prix afin de définir leur sensibilité prix (ou trop personnalisées.
leur consentement à payer), ainsi que sur les défauts qu’ils
observent généralement sur tel ou tel type de pièce. À Prendre les bonnes décisions d’investissement
partir de l’analyse des résultats, la marque propose ensuite
les modèles retenus et finalisés selon les attentes des Si la fidélisation est un enjeu majeur pour les marques au-
clients (le « pull parfait » en est le premier exemple, ou jourd’hui, une stratégie d’acquisition de nouveaux clients
encore le « jean ultime », les « sneakers solides », etc.). reste néanmoins nécessaire.
FICHE PRATIQUE
Ceci rend plus complexe la connaissance fine de sa base Optimiser l’offre proposée en magasin
clients, là où les acteurs D2C (direct to consumer) ont un
Comment savoir si les consommateurs qui achètent en
avantage net, qui est de collecter leurs propres data, à
magasin ont été poussés à l’achat par leur parcours
toutes les étapes de la chaîne.
online (research online, purchase offline) ? Le défi est
Cependant, des solutions existent pour les marques. On plus complexe ici, mais l’utilisation de la data permet là
peut par exemple citer la solution américaine MikMak, qui encore d’y répondre. En effet, l’exploitation des données
permet de laisser le choix aux clients quant au mode de géographiques des consommateurs permet de savoir
distribution du produit qu’ils désirent acheter. Concrète- quels sont les produits qui intéressent une zone de cha-
ment, un consommateur qui visionne une publicité pour landise donnée, et permettent donc d’anticiper le niveau
un article sur Instagram par exemple, se verra proposer de stock à prévoir dans son réseau. Si le retour sur inves-
de choisir la plateforme de distribution sur laquelle il veut tissement peut paraître plus faible ici, l’opération permet
aller voir le produit : e-shop de la marque, site de vente à tout le moins de se prémunir contre des effets déceptifs
en ligne généraliste ou spécialisé, etc. Cette solution pour les consommateurs que sont la pénurie, le manque
permet d’assurer la continuité dans la collecte d’informa- de stock temporaire, ou encore l’incapacité à proposer en
tions sur ce client. magasin une offre pertinente pourtant accessible en
ligne.
Cela permet de résoudre le calcul du retour sur investis-
Source : Étude Reech, Les influenceurs et les marques 2020 ; presse
sement marketing (ou ROMI) et de guider les investisse-
ments vers les plateformes les plus pertinentes.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 51
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
Les coûts d’acquisition de nouveaux clients sont en forte La hausse des coûts d'acquisition client rend plus difficile
augmentation, notamment en raison d’une hausse de le retour sur investissement des dépenses marketing.
tarifs d’acteurs comme Facebook (doublement des coûts Cela implique pour les marques à la fois un ciblage des
chaque année depuis trois ans), Google, mais aussi en recrutements, le pilotage fin des cohortes et le suivi de la
raison d’une plus grande saturation du marché. Les ana- lifetime value.
lystes notent que dans les secteurs très compétitifs, les
coûts d’acquisition de nouveaux clients augmentent de L'augmentation des coûts d'acquisition et
20 % par an depuis 20179 et sur l’ensemble des secteurs,
d'activation client dégrade le retour sur
les coûts moyens de publicité en ligne ont augmenté de
investissement d'une campagne marketing
12 % de 2017 à 2019.10
jourd’hui les principaux bénéficiaires des dépenses media Ciblage sur les bases
clients en fonction
en ligne (plus de 50 %)15, mais les marques se tournent de la CLV (customer
également vers de nouvelles plateformes, comme TikTok, lifetime value)
UN NOUVEAU COCKPIT
DE PILOTAGE DE L’ACTIVITÉ
ET DES INVESTISSEMENTS
L'approche par la valeur client induit de nouveaux indica-
teurs pour piloter l’activité, à côté d’indicateurs tradition-
nels qui restent pertinents et dont les principaux sont pré-
sentés ci-dessous.
Levier
Augmenter le cross selling (proposer,
au moment de l'acte de vente
ou plus tard, la vente d'un produit
complémentaire à celui acheté).
FICHE PRATIQUE
LA MISE EN ŒUVRE DE SA
L’utilisation STRATÉGIE DATA AU SERVICE
de la customer DE LA VALEUR CLIENT
lifetime value
Précisons une conviction et un parti pris méthodolo-
gique : d’une part, nous estimons que tous les acteurs
peuvent définir une stratégie data, indépendamment de
pour optimiser leur taille, et d’autre part, si les points d’application de la
data pour les marques vont bien au-delà de la seule aug-
le retour sur mentation de la valeur client, nous nous focalisons ici sur
cette finalité majeure.
NB2 : La marge n’est collectée que sur les clients qui restent après
rétention, alors que les coûts initiaux sont engagés pour tous les clients
et prospects ciblés.
54 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Entre les DNVB, dont le modèle est fondé autour de la « pris en main » de façon sommaire la data dont dis-
data et de l’approche par la valeur client, et les grands pose la marque. Ainsi, les premières analyses de don-
groupes qui disposent de moyens financiers importants nées clients sont tout à fait réalisables en utilisant
pour mettre en œuvre leur stratégie data, il existe une Excel. Facebook, Instagram, LinkedIn et Google offrent
voie médiane ouverte à tous les acteurs. également des outils d’analyse très accessibles.
Les 3 grandes étapes pour développer une approche data • Passer à l’action de façon itérative : ce dernier point
robuste, sont accessibles à toutes les marques : est majeur, car le passage à l’action permet de mesu-
rer les résultats et corriger les opérations en fonction.
• Structurer la data client : collecter et exposer les don- La data sert la prise de décision et l’approche itérative
nées. Il s’agit pour les marques de choisir les données permet de mener des tests puis d’ajuster. Il est donc
essentielles à exploiter et de structurer leurs outils primordial, sur la base des premières analyses, de
data en conséquence (outil CRM notamment). Des transformer les enseignements en opérations
outils comme SugarCRM sont facilement accessibles, concrètes, qui pourront être adaptées par la suite. Par
ou d’autres solutions en open source. exemple, pour l’exécution d’une campagne d’e-mai-
ling, des solutions comme Neolane, Mailchimp, Sen-
• Analyser les données et en tirer des conclusions : il
dInBlue, etc. sont accessibles à bas coût.
est nécessaire de commencer par réaliser des ana-
lyses statistiques simples de la data client, avant de Il convient de rappeler que cette approche doit s’inscrire
pouvoir affiner les analyses. En effet, il est inutile dans le respect des normes communautaires en matière
d’avoir recours à des outils au coût élevé, par exemple de protection des données (RGPD).
des solutions de machine learning, avant d’avoir
PÉPITE
Le regroupement
Les objectifs affichés par le directeur exécutif omnicanal
de Fashion3 sont notamment d’anticiper la demande
selon la zone de chalandise, détecter des tendances,
d’enseignes lancer une collection, et gérer les stocks en magasin.
Fashion3
-4 % de pièces produites et +1 % de chiffre d’affaires, tout
en ayant moins recours à la démarque.
Comment
opérationnaliser
la data ?
Le défi L’enseignement
L’exploitation de la data peut sembler difficile sans les L’application de ces principes permet de faire de l’analyse
outils adéquats ou des moyens financiers conséquents. de la data un outil de prise de décision, et son exploitation
En réalité, les étapes présentées ci-dessous sont appli- permet de tester différentes solutions (un mix de distri-
cables à toutes les marques, et en particulier aux jeunes bution, une politique de pricing, etc.).
marques ou de taille moyenne disposant de moyens limi-
tés à allouer à leur stratégie data. Pour approfondir et mettre en pratique les thèmes déve-
loppés ici, le DEFI a réalisé deux webinaires traitant
La réponse
d’analyse de la data (https://youtu.be/HfFNpN9hyZ8) et
de growth hacking (https://youtu.be/s1Z5aW0vRnA).
• Construire la base de données dans son architecture Ces deux vidéos donnent des exemples d'analyses et
IT / ERP de la façon la plus exhaustive et rigoureuse d'outils possibles à utiliser pour tous les acteurs, notam-
possible. ment les plus jeunes.
• Construire, dès son lancement, son CRM. Excel peut Source : Entretiens IFM-Kea&Partners, DEFI – La Mode de France
être un bon outil de base qui vaudra mieux qu’un outil
CRM payant et sous-performant. Des outils en open
source peuvent être adaptés aux marques, à l’instar
de Yetiforce ou Vtiger CRM.
La RSE, au cœur
des modèles économiques
de la mode
La RSE (Responsabilité Sociale des En- De nombreuses marques textiles revoient leur
modèle économique à l’aune de la responsabilité
treprises16) est une priorité stratégique
sociale et environnementale
pour tous ; avec trois évolutions récentes :
un engagement de plus en plus marqué Le « Fashion Pact » (août 2019) fut un des premiers témoi-
des marques (au-delà de celles native- gnages largement médiatisés. 66 géants de la mode et du
luxe représentant 150 marques se sont unis pour fixer des
ment engagées), des attentes croissantes objectifs environnementaux chiffrés. De nombreuses autres
des consommateurs et l’évolution du marques poursuivent leur propre agenda en termes de RSE.
cadre réglementaire. La RSE est plus que Certaines n’ont d’ailleurs pas attendu et des marques comme
jamais vecteur de sens pour les marques Kiabi, Id Kids, C&A ont avancé depuis de nombreuses années
et les équipes, générateur de valeur et pour permettre une intégration complète de la RSE dans leur
vision, leur modèle économique et le management des
source d'inspiration et d'innovation. équipes. D'autres comme Décathlon participent aux travaux
européens sur le calcul de performance environnementale
(PEF) et de l’affichage environnemental depuis 2013.
À RETENIR
La Responsabilité Sociale et Environnementale est au- Le « Made In », engagement complet ou activation par-
jourd’hui au cœur des modèles économiques de la mode, tielle des marques, structure le modèle de rentabilité. Les
poussée par les marques, les consommateurs et le cadre marques jouent alors sur leur niveau de marge pour pro-
législatif. poser des produits au prix du marché ou engagent leurs
consommateurs dans des achats plus coûteux mais
Elle s’inscrit nativement dans la stratégie des marques ou responsables.
fait l’objet d’une transformation plus récente de leur
modèle économique, en premier lieu sur le plan environ- Au sein de la mouvance RSE, le marché de la seconde
nemental (sourcing, écoconception) et de plus en plus sur main se pose en phénomène durable avec de belles pers-
le plan social et sociétal (sauvegarde de l'emploi et pré- pectives (notamment grâce à l’appui du digital) alors que
servation de la filière). L’actualité récente va tendre à le marché de la location, tendance de fond aux États-Unis
renforcer également les actions engagées en matière de est toujours limité en Europe.
responsabilité sociale et sociétale.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 57
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
Les consommateurs expriment leurs attentes Enfin, à l’instar de la solution Yuka pour l’alimentaire et le
d’un engagement croissant du secteur de la mode soin, de nouveaux outils offrent aux consommateurs une
meilleure compréhension de l’impact environnemental des
Les consommateurs changent résolument de comporte- vêtements qu’ils souhaitent acheter. Des plateformes de
ment, une tendance au « consommer moins mais mieux »
notation telles que Good on You ou l'application consom-
s’installe. 78 % d’entre eux regardent la provenance / la
mateur Clear Fashion en sont quelques exemples. Cette
composition d’un article avant de l’acheter, et près de la
dernière a atteint 6 mois après son lancement en France
moitié des consommateurs européens déclarent avoir
(septembre 2019) plus de 100 000 téléchargements. Elle
acheté des produits de mode écoresponsables en 201917.
se définit comme l’outil qui permet de « choisir des vête-
Les consommateurs exigent des marques des preuves ments respectueux de l’humain et de l’environnement » et
concrètes : la place de la conscience environnementale analyse les engagements de plus de 70 marques.
et sociale grandit comme le montre l’étude BrandGage-
Entre marques et distributeurs, l’émergence de standards
ment© 2020 Tilt ideas by Kea & Partners / Epsy (voir
en termes de soutenabilité est également en cours.
encart ci-dessous). Les consommateurs sont de plus en
Citons l’initiative Go for Good portée par les Galeries La-
plus nombreux à estimer que les marques doivent contri-
fayette, qui définit une série de critères environnemen-
buer au bien commun (84 % des consommateurs, soit
taux pour entrer dans la sélection. Au niveau internatio-
+20 points par rapport à 2017) ; 68 % estiment que leur
fidélité ira davantage à des marques engagées dans le nal, le Higg Index, développé par la Sustainable Apparel
futur. Les consommateurs déclarent être prêts à valoriser Coalition, a pour vocation de noter l’impact environne-
cet engagement en payant plus cher les produits d’une mental des collections proposées par ses membres.
entreprise qui s’engage. Si dans les faits le report d’achat
n’est pas aussi évident18, il demeure que les mentalités Le cadre législatif amorce certaines actions pour
ont changé ou sont en train de le faire. définir les nouvelles lignes d’action responsable
EN UN CLIN D’ŒIL
55 %
51 %
47 %
43 %
37 %
29 %
(n=1 000) Êtes-vous disposé(e) à payer plus cher un produit (n=1 000) Demain estimez-vous que votre fidélité ira davantage à
similaire d'une entreprise qui s'engage ? des marques engagées pour un futur meilleur plutôt qu'à d'autres ?
Extrait de l’Étude BrandGagement© 2020 Tilt ideas by Kea & Partnes / Epsy
58 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
À RETENIR
La RSE s’incarne au cœur du modèle économique des L’opérationnalisation d’une telle stratégie est un défi
marques et devient une composante à part entière de majeur pour les marques de mode, nécessitant la mise en
l'offre. Elle ne peut pas se limiter à un axe stratégique à place d’objectifs spécifiques, mesurables et une modéli-
part. sation robuste des impacts économiques.
RSE, facteur
démontrer leur singularité et leur succès
Patagonia, Veja, 1083,Faguo, Sessun, Marine Serre,
Gaelle Constantini,…
de création
ou de mutation
des modèles La transformation
économiques des modèles
économiques
Les modèles économiques existants revisitant tout existants
ou partie de leur chaine de valeur (éco-conception,
transport, upcycling,…)
Margiela, Stella McCartney, Reformation, Everlane, Kiabi, C&A….
Le cycle
main, abonnement, location
Vinted, Guerrisol, Freepstar, Kiloshop, Vide dressing,…
d’écoconception Conception
dans la mode - Technique d'éco-conception (Decathlon)
- Impacts sociaux et environnementaux des matières végétales (Pinatex)
- Protection animale et impacts environnementaux pour les matières animales
Illustration d’engagements et de leviers RSE activables
- Dépendance des ressources fossiles et des produits chimiques pour
les matières synthétiques et artificielles (Modern Meadow)
Fin de vie
- Déchets de pré-consommation
(chutes de tissus, produits défectueux...)(Cyrillus)
1
- Collecte et invendus
- Recyclabilité des déchets et éco-conception
Production
(Adidas)
6 2 - Connaissance et maîtrise du parc
de fournisseurs (Okaïdi)
- Impact environnemental
de la production (déchets...)
- Rémunération et conditions de travail
des employés dans l'industrie textile
(Everlane)
Utilisation
5 3
- L avage responsable (pollution des eaux)
(H&M Clevercare)
- Durée de vie et réparation
- Durée d'utilisation et modèles circulaires (1083) Transport et logistique
4 - Impact carbone du mode de transport choisi
(Gémo)
Commercialisation - Optimisation des transports (Staci)
- Maîtrise du rythme de la mode - Emballages : choix du matériau, réduction,
réutilisation et recyclage (Reformation)
- Empreinte carbone du modèle de vente (Kiabi)
- Impact et engagement du Siège (Everlane)
- Transparence, information et engagement du consommateur Source : Kea&Partners
60 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
La maîtrise du sourcing au sein de la chaine de dance en ressources non renouvelables, renforcer la
valeur est essentielle dans la transformation RSE réduction des déchets à la source, …
d’un modèle économique
L’impact de l’éco-conception peut être relativement
Sur le versant de la responsabilité sociale19, les acteurs de la limité financièrement, les différences de prix étant par-
mode sont désormais attentifs aux conditions de travail chez fois minimes, voire dans certains cas contre intuitives : le
leurs sous-traitants et à la certification de leurs partenaires polyester bio s’avère parfois moins cher que le polyester
industriels. Comme l’expliquait le guide Approvisionnements conventionnel. Le coût matière sur le produit global se
responsables pour des marques désirables (mars 2019)20, révèle plus ou moins significatif selon la taille de l’entre-
« l’achat de produits finis, via des agents, importateurs ou prise. Chez les plus gros acteurs (plus de 150 M€ de CA),
traders, limite la visibilité sur les sites de production et leurs le coût de la matière « responsable » correspond en
pratiques. Il en va de même avec le risque de sous-traitance moyenne à une augmentation de 4 % des coûts matières
en cascade. Un contrôle dédié est nécessaire pour réduire les (qui eux-mêmes ne représentent qu’un tiers du coût des
risques sociaux et environnementaux les plus critiques. » produits vendus).
Aujourd’hui de très nombreux acteurs cherchent à trans- Sur les dernières étapes du cycle de vie du produit, y
former leurs pratiques de sourcing, poussés notamment compris dans l’usage et l’utilisation du produit, des
par des marques qui mettent la transparence au cœur de marges de manœuvre peuvent être activées, en particu-
leur modèle comme Reformation, Veja, Underprotection, lier l’upcycling. S’inscrire dans un cercle vertueux qui
Sydney Brown, Patine, By far, Public Habit, Allbirds, Ever- réemploie des produits, des matériaux dans une optique
lane ou encore Woron. de création de valeur sur plusieurs cycles de vie est le défi
N°1 de demain, à intégrer dès la phase de conception.
Comment aller plus loin en termes de traçabilité pour
C&A, par exemple, a développé un T-shirt certifié Cradle
éviter « l’apparence de la transparence » ?
to Cradle « Gold », fabriqué uniquement à partir de ma-
De nouvelles solutions ont été créées pour parfaire les tières organiques et de colorants non toxiques. Le T-shirt
audits et évaluer les données RSE en continu. Par exemple, est entièrement en coton, y compris les coutures, de
depuis 2018, la plateforme Fair Makers, incubée à Station sorte qu’il peut être composté ou recyclé s’il n’est plus
F, donne un moyen direct de collecter et d’évaluer en temps porté. Pour y parvenir, C&A a travaillé en partenariat avec
réel les données RSE et sécurité sur plus de 194 pays, sans Dystar, lequel a produit une gamme de colorant égale-
passer par l’auditeur intermédiaire d’un fournisseur. Cer- ment certifiée Cradle to Cradle. Ce T-shirt est vendu entre
taines marques ont mis en place des incitations pour ren- 7 et 9 € TTC21.
forcer les bons comportements de leurs sous-traitants.
Puma s’est allié à BNP Paribas et à la plateforme GT Nexus Comment opérationnaliser un tel changement
pour proposer des financements à ses fournisseurs : le dans son modèle économique ?
taux du financement est majoré en fonction de la note du-
Au-delà des engagements formulés, opérationnaliser ces
rable et environnementale qu’il obtient auprès de Puma.
transformations RSE implique d’avoir des objectifs spéci-
Quels enjeux sur le plan environnemental ? fiques, mesurables et une modélisation robuste des im-
pacts économiques. Comment financer sa politique RSE
Côté environnemental, l’empreinte conséquente de l’in- et l’impact de l’éco-conception ? Comment garder une
dustrie textile nécessite de repenser les modèles de pro- flexibilité d’engagement pour limiter les résiduels ? Faut-
duction et le cycle de vie des produits : réduire la dépen- il répercuter sur les prix de vente les inflexions prises et
dans quelles proportions ?
19. Sur ce point, on peut noter que selon le rapport de synthèse sur Les priorités seront déterminées en fonction de la matu-
la mesure de l’impact social du Conseil supérieur de l’ESS (2011), rité et du profil RSE que souhaite la marque. Ainsi, chaque
« l’impact social consiste en l’ensemble des conséquences marque doit s’interroger sur les engagements RSE mimé-
(évolutions, inflexions, changements, ruptures) des activités d’une
organisation tant sur ses parties prenantes externes (bénéficiaires, tiques et singuliers qu’elle veut prendre pour contribuer à
usagers, clients) directes ou indirectes de son territoire et internes son positionnement. Un diagnostic initial permet d’éviter
(salariés, bénévoles, volontaires), que sur la société en général. »
de sous-estimer sa propre maturité.
20. Guide lancé par la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin en
collaboration avec La Fédération de la de la Maille, de la Lingerie et du
Balnéaire et la Fédération Française des Industries du Vêtement Masculin
avec le soutien du DEFI. Ce guide a été réalisé par le cabinet BlueQuest. 21. Prix observé en avril 2020 sur le site internet de la marque.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 61
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
FICHE PRATIQUE
Écoconception du produit
Source : Kea&Partners
62 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Coton Polyester
+ 1 500 €
par usine pour réaliser les audits
sociaux BSCI / SA 8000
Audit réalisé par une association privée au regard d’un code
de conduite garantissant les droits des travailleurs
au niveau syndical, travail des enfants, temps de travail,
santé et sécurité au travail, ainsi qu’un salaire équitable.
QUESTIONS À SE POSER
Comment aligner la stratégie RSE avec
l’ensemble de la stratégie de l’entreprise ?
Comment faire de la RSE un élément clé de
la singularité de l’entreprise et de l’attractivité
de l’offre ?
Comment sécuriser la RSE comme un pilier
de la plateforme de marque ?
Quel degré d’ambition se fixer ?
Comment formaliser l’ambition
et la décliner en étapes ?
Comment répondre à la demande
de matières bio ?
©Janko Ferlic, Unsplash
64 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
PÉPITE
ICICLE : De la tradition
confucéenne à la scène parisienne,
une marque chinoise ancrée
dans le développement durable
Une marque pour la Chine nouvelle L’internationalisation parisienne
Créée en 1997 à Shangaï par un couple issu de l’ensei- En installant à Paris un centre de design (bureau de style
gnement, Shouzeng YE et Shawna TAO, la marque ICICLE et atelier) en 2012 pour prendre la direction artistique de
(en chinois Zhi He, « le grain ») se positionne dès l’origine la marque, ICICLE prend le parti de se positionner sur
sur le segment le plus haut de gamme du marché de la l’échiquier mondial de la mode. L’ouverture, avenue
mode, en proposant un vestiaire confortable, destiné à George V d’un flagship store, conçu par Bernard Dubois,
une clientèle de femmes qui travaillent, à la recherche de en septembre 2019, prouve l’ambition de la marque d’ac-
pièces statutaires et non ostentatoires. Qualité de la fa- quérir une légitimité internationale, en mariant réfé-
brication (l’une des usines fabriquait au préalable Max rences à la tradition chinoise et créativité occidentale,
Mara), coupes minimales et surtout choix de matières comme en témoigne également ICICLE Paris, la ligne la
naturelles (cachemire, laine, lin, soie, coton bio…) et de plus sophistiquée.
teinture et tannage naturels positionnent la marque, en Source : IFM
amont des tendances, sur l’harmonie entre l’homme et la
nature. « Made in Earth » est son slogan.
Un développement raisonné
Le scandale du lait contaminé de 2008 accélère la prise
de conscience chinoise des enjeux environnementaux et
le développement d’ICICLE. À la tête de 3 usines, 200 ma-
gasins et employant 2 000 personnes dès 2017, l’entre-
prise s’est rapidement développée, en restant fidèle à ses
principes fondateurs, proposant des lignes pour femme,
homme et enfant. Son souci du développement durable
se veut le prolongement de la philosophie confucéenne,
alliant ainsi préoccupations contemporaines et culture
traditionnelle, dans une promesse de marque particuliè-
rement originale.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 65
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
22. Selon une étude 2018 réalisée par ProFrance, association qui porte
la certification "Origine France Garantie"
23. Source : Ifop, 2017
À RETENIR
Plébiscité par les consommateurs, le choix stratégique du repenser son modèle économique (modification de la
« Made In » amène les marques à repenser leurs straté- marge produit) ou d’engager le choix du consommateur
gies de localisation. par une communication ciblée.
Fonder son modèle économique sur une stratégie « Made La question du développement du modèle « Made In » à
In » signifie pour la marque non seulement de construire grande échelle (notamment international), se pose pour
et entretenir un réseau local de fabricants, mais aussi de les jeunes marques engagées.
66 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
59 %
des Français estiment
que le pays de fabrication est
un critère d’achat important
74 %
des français affirment être
prêts à payer plus cher
pour avoir des produits
de meilleure qualité
Sources : étude ProFrance publiée
en septembre 2018
QUESTIONS À SE POSER
LA SECONDE MAIN
La seconde main se pose en phénomène durable Le modèle économique de la seconde main apparaît
donc promis à un bel avenir. Est-il pour autant
La seconde main est poussée par une double tendance : un modèle économique responsable en termes social
une consommation de vêtements toujours plus impor- et environnemental ?
tante mais une moindre utilisation. On consomme au-
jourd’hui quatre fois plus de vêtements qu’il y a 30 ans Pas forcément. Son objet premier est de répondre à un
mais en parallèle l’utilisation moyenne des vêtements a besoin du marché et à une opportunité née de trois fac-
diminué de 36 % en 15 ans à travers le monde. On estime teurs combinés : le volume croissant de vêtements inuti-
que la plupart des vêtements sont jetés après 7 à 10 uti- lisés, la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs et
lisations26. Le marché de l’occasion touche toutes les ca- la capacité du digital à faciliter la mise sur le marché.
tégories de produits comme le montre la multiplication
des marketplaces telles que The Real Real, Vinted ou Ves- Il n’en demeure pas moins que l’achat de seconde-main
tiaire Collective. Les millenials (25 – 37 ans) repré- est une des pratiques d’économie circulaire et a ainsi une
sentent, d’après une étude de ThredUp, 33 % des ache- part importante à jouer dans la fin de vie du cycle textile.
teurs de seconde main. Cela peut permettre à la fois de fidéliser certains clients,
en offrant des bons d’achat en magasin sur les nouvelles
Le marché des vêtements d’occasion, qui pesait déjà 21,2 collections (comme le font par exemple Cyrillus, Idkids ou
milliards d’euros en 2018 aux États-Unis devrait atteindre les Galeries Lafayette), et de prospecter une nouvelle
45 milliards d’euros en 2023 aux Etats-Unis27. En 2028, la clientèle qui accèderait à la marque par les anciennes
seconde main devrait même dépasser la fast fashion et collections moins chères. C’est notamment vrai pour les
peser 13 % des achats, quand la fast fashion en serait à marques premium qui trouvent là l’occasion de démontrer
9 %28. En leader bien averti, H&M a investi deux millions la qualité et la durabilité de leurs produits.
d’euros dans la société suédoise de seconde main Sellpy
et a récemment acquis 70 % de son capital.
En France, L’IFM estime que ce marché de l’occasion re- 36 % des marques interrogées
présente 1 milliard d’euros dont 56 % réalisés par l’appli-
cation Vinted seule29. Ce succès fulgurant la place désor-
ont amorcé une réflexion relative
mais dans le top 5 du e-commerce. Suivant la tendance, aux modalités opérationnelles
Zalando a récemment annoncé le lancement à l’automne d’une offre seconde main.
2020 d’une offre de vêtements d’occasion intégrée dans
son application.
À RETENIR
La seconde main est pour les marques un levier de crois- clients, elle permet non seulement de se positionner sur
sance additionnelle plutôt qu'un modèle économique à des valeurs responsables, mais également d’éviter que la
part entière. Destinée à fidéliser et conquérir de nouveaux valeur engendrée ne soit captée par des tiers.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 69
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
Comment capter cette nouvelle valeur site : un « smart button » pour permettre aux clientes de re-
et opérationnaliser la seconde-main ? vendre automatiquement sur toutes les plateformes de re-
vente et ce au niveau mondial, le produit qu’elles auront
En dehors des plateformes dédiées, la vente de se- acheté chez ba&sh. Pour mener à bien ce projet, la marque a
conde-main reste à ce jour un complément pour les utilisé la technologie circulaire de Reflaunt, une start-up
marques avec 3 modèles possibles. créée à Singapour par une équipe française. Ainsi, ba&sh est
Intégrer en propre l’activité connecté avec un réseau mondial de revente sur des plate-
formes tierces (Vide Dressing, Style Tribute, Luxury Closet,
En 2017, Patagonia, a pleinement intégré la notion d’éco- etc). La marque peut alors capter de nouvelles cibles (les
nomie circulaire dans son mode de fonctionnement, et a acheteurs de la seconde main) et engager la conversation
lancé sa plateforme de revente de vêtements d’occasion, avec chacune d’elle, même si elle reste anonymisée.
Worn Wear. En un peu plus de 2 ans, 120 000 articles ont
été vendus. Une preuve pour l’entreprise que le concept Intégrer en marque blanche et travailler
pouvait se déployer en boutique, ce que la marque a testé avec un spécialiste
fin 2019 avec des pop-up store aux Etats-Unis. Les grands groupes de Luxe se sont également intéressés
Les Galeries Lafayette ont créé le site Good Dressing qui au marché de l’occasion : LVMH a acquis une participation
permet de renforcer le drive-to-store, en permettant aux minoritaire dans Stadium Goods (rachetée depuis par
utilisateurs de procéder aux échanges des vêtements di- FarFetch), une marque streetwear d’articles neufs et de
rectement en magasin. Le vendeur obtient en outre un bon seconde main haut de gamme.
d’achat à dépenser dans le réseau des Galeries Lafayette. Également emblématique, Stella McCartney s’est associée à
Laisser libre en C2C30 à travers les plateformes existantes The RealReal dans une campagne publicitaire « The Future
et être « caution d’authenticité » of Fashion is Circular » pour prôner activement la revente
d’articles. The RealReal est une start-up américaine crée en
ba&sh a adopté une stratégie un peu différente. La marque a 2011 autour de magasins fonctionnant sur un modèle de
décidé de mettre en place une nouvelle fonctionnalité sur son consignation : les vendeurs y déposent les articles et The
RealReal les commercialise ensuite via son site.
PÉPITE
Vinted : le géant
munication. Les dépenses de marketing ont été doublées
entre 2016 et 2018, passant de 4,2 millions d’euros à 8,3
millions d’euros. Presque paradoxal pour une entreprise qui
de la seconde main peine à être rentable, cela s’explique par le besoin de recru-
ter rapidement un grand nombre d’utilisateurs.
-36 %
diminution de l'utilisation
moyenne des vêtements
en 15 ans
33 %
des acheteurs de seconde
main sont des millenials
(25 – 37 ans)
Source : IFM 2019 et ThredUp 2019
©Julia Andreone
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 71
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
À RETENIR
La location, concept qui émerge aux Etats-Unis, se déve- stocks, les allers-retours de vêtements ainsi que leur en-
loppe dans de nombreux secteurs et s’avère délicat à tretien et reconditionnement, condition de la valeur qui en
opérationnaliser. Il suppose une logistique sans faille au est dégagée.
cœur de la proposition de valeur de façon à gérer les
72 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
PÉPITE
La RSE au cœur
des modèles
économiques
de la mode
Le défi
Comment allier RSE et sourcing de matières pre-
mières de bonne qualité lorsque l’on fabrique des
collections de petites tailles et que l’on peut diffici-
lement se procurer les meilleurs tissus ?
La réponse
L’upcycling peut être une solution à envisager. La
start-up Uptrade est un bureau d’achat de matières
premières destinées à des créateurs produisant de
petites séries. Uptrade rachète des surstocks de
matières premières, à des fabricants, façonniers et
marques de mode, et les revend à des acteurs pra-
tiquant l’upcycling, ou encore à de jeunes créateurs
désireux de fabriquer de petites séries avec des
matières premières de bonne qualité auxquelles ils
n’auraient pas pu avoir accès autrement, en limitant
ainsi la production de matières premières.
L’enseignement
Les moyens financiers limités des jeunes acteurs
font émerger de nouveaux modèles de coopération,
permettant d’accéder à des matières premières à un
prix raisonnable et d’ancrer leur création dans une
démarche responsable.
QUESTIONS À SE POSER Source : Entretien IFM-Kea&Partners
Innovation et technologies,
boosters de demain
La dernière décennie a été marquée par un impact sur l’ensemble de la chaîne de valeur dans
la mode, mais particulièrement dans l’aval de la filière
l’émergence de nombreuses « briques
(chez les marques et distributeurs).
technologiques » qui sont venues boule-
verser un ou plusieurs maillons de la Le degré d’imprégnation de ces technologies varie forte-
chaîne de valeur des entreprises du sec- ment selon les entreprises du secteur, en particulier selon
leur taille et leur position dans la chaîne de valeur. Pour
teur de la mode. autant, ce sujet s’intègre pleinement dans une réflexion
Ces technologies peuvent être : sur les modèles économiques car il apporte des réponses
aux deux enjeux majeurs de la filière que sont son besoin
• Endogènes et spécifiques aux industries de la mode, de flexibilité accrue dans un contexte d’incertitude tou-
notamment en ce qui concerne l’amont de la filière jours plus forte, et sa nécessaire réinvention autour d’une
(nouveaux matériaux ou outils de conception des plus grande responsabilité sociale et environnementale.
produits) et répondent en général dans ce cas à une
recherche de réduction de l’impact environnemental Si l’on observe les composantes du succès d’un modèle
et à une optimisation des ressources engagées dans économique, à savoir une proposition de valeur forte
le processus créatif. (offre, service, ciblage…) et une chaîne de valeur efficace
(opérations et modèles de revenu), on peut constater que
• Exogènes et appliquées par le secteur au même titre les technologies adoptées par les acteurs de la mode
que d’autres filières. L’émergence de l’intelligence ar- renforcent à la fois leur singularité en amplifiant leur USP
tificielle, du Cloud, de la RFID, de la réalité virtuelle ou
(Unique Selling Proposition) et les aident à gagner en ef-
augmentée ou encore de la fabrication additive a eu
ficience. Pour autant la mesure de l’impact de ces inno-
À RETENIR
Le secteur de la mode peut à première vue sembler moins Sur l’aval, les principaux usages sont liés au digital et
enclin à s’approprier les différentes innovations techno- visent à l’optimisation de la performance. Le plus fort ROI
logiques apparues ces dernières années. (retour sur investissement) de l’acquisition de ces outils
et méthodes explique leur plus fort développement au
La situation est différenciée selon le type d’acteurs et les sein du secteur.
briques technologiques.
Mais l’innovation dans le secteur dépasse les seuls outils
Sur l’amont, les principaux enjeux concernent la réduction digitaux et doit amener les entreprises à passer d’une culture
de l’impact environnemental du secteur via l’utilisation de de la nouveauté, où elles testent les technologies sans véri-
nouvelles matières, de nouveaux processus productifs ou table stratégie, à une culture de l’innovation où les objectifs
créatifs. Sur ces questions, les investissements néces- recherchés et les moyens sont clairement identifiés.
saires et les compétences à acquérir expliquent que ce
sont principalement les grands leaders du luxe ou du Ce n’est qu’à cette condition que les entreprises du sec-
mass market qui affichent la plus forte maturité. teur pourront accélérer leur transformation sur des sujets
aussi majeurs que l’expérience client, les nouveaux ma-
tériaux ou les processus de fabrication.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 75
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
vations est encore incomplète et le risque existe de les Toutes ces mutations ne présentent pas le même potentiel
utiliser pour de mauvaises raisons (attirance pour les de transformation pour les entreprises et chacune doit les
« shiny objects », FOMO…) ou de façon insuffisante, de mettre en perspective avec ses propres objectifs en termes
sorte que le coût de leur mise en œuvre peut être supé- de business. À ce stade, la fashion tech qui a trouvé des
rieur aux gains possibles. Or, les gains en termes de per- cas d’usage dans le retail a connu une accélération plus
formance peuvent être substantiels si ces outils sont mis forte que les innovations issues de l’amont de filière, qui
en œuvre à bon escient. sont davantage dans une logique « push » que « pull ».
Ce thème de l’innovation présente un degré de maturité Qui plus est, les entreprises doivent trouver la bonne for-
moindre chez les acteurs interrogés qui peut s’expliquer mule pour sourcer, adopter et intégrer ces différentes
par une volonté des marques de prioriser leurs investis- technologies. Si les stratégies d’open innovation restent
sements sur les sujets plus urgents (digital et internatio- l’apanage des grands groupes, d’autres options moins
nal), une difficulté à identifier les bonnes solutions tech- coûteuses peuvent être trouvées au cas par cas. Une
nologiques susceptibles de générer valeur ajoutée et ROI forte volonté des dirigeants d’engager une véritable stra-
(retour sur investissement). tégie d’innovation est dans tous les cas un premier pré-
requis nécessaire, le second étant l’implication des
Ce champ de l’innovation devient néanmoins essentiel avec équipes à tous les niveaux décisionnels. Il est fondamen-
des solutions et des acteurs accessibles à tous pour créer tal que le middle management soit convaincu du
de nouveaux axes de différenciation et d’optimisation. Un bien-fondé de cette stratégie, qui est par essence trans-
premier travail de tri doit être mené pour distinguer les versale et change les habitudes acquises. L’existence de
technologies les plus pertinentes en fonction des objectifs silos et d’objectifs parfois contradictoires entre business
suivis. Nombreux sont en effet les chantiers qui peuvent units peut limiter l’impact de ces changements malgré les
potentiellement être ouverts sur des sujets aussi divers que impulsions données à la tête de l’entreprise.
l’expérience client, la supply chain ou l’assortiment.
Nouvelles Batteries
formes souples
ource
d’organisation
Gestion
s
du dernier
kilomètre Propriété Sensorialité
a gin g
Branding
L ogis
sonore intellectuelle
et Digital
tiq u
a ck
Transfert des
-P
savoir-faire
e-
Dis n
a ti o
Optimisation tri b Robotisation
logistique u tio n Fabric Qualité
Nouveaux perçue
modèles Identification des
Magasins de ventes Nouveaux
compétences rares procédés
virtuels Optimisation
sur mesure énergétique
Lutte contre
la contrefaçon Mise en forme
des matériaux
Internet Fabrication
physique additive
Optimisation Traitement
des effluents Source: Carats Innovation
des procédés
Recyclage
76 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
L’innovation liée au recyclage devient un champ straté- Cette recherche d’une amélioration constante de la qua-
gique pour la filière et s’intègre dans une réflexion globale lité des produits et des processus de fabrication amène
sur l’économie circulaire dans la mode et sur la capacité également les fabricants à utiliser des machines connec-
en fin de cycle de vie de réutiliser les fibres utilisées dans tées, capables via plusieurs centaines de capteurs d’ana-
lyser leur environnement et leur état. Certaines machines
À RETENIR
À chaque étape de la chaîne de valeur (sourcing, fabrica- 3 champs d’innovation à investiguer : les fibres inno-
tion, distribution), le secteur de la mode a su développer vantes ou la réutilisation des fibres, l’ennoblissement et
des solutions innovantes qui répondent aux enjeux le processus de fabrication
contemporains à la fois économiques (incertitude des
marchés, optimisation des ressources) et environnemen-
taux (durabilité, circularité)
se règlent également automatiquement en fonction des est également touchée par un mouvement de digitalisation
préférences de l’opérateur qui les utilise. Le concept d’in- à travers l’émergence d’acteurs comme Le New Black, Joor
dustrie 4.0 pourrait à terme s’implanter dans le secteur ou Ordre, qui agissent comme des showrooms virtuels et
de la mode en ce qu’il résonne avec ses besoins d’effi- permettent de fluidifier les relations entre marques et re-
cience et de flexibilité qui sont les facteurs de réussite tailers pendant et en dehors des périodes de Fashion
des modèles à succès. Week. La crise du Covid-19 est de nature à renforcer
l’usage de ce type d’outils.
Les matières et la fabrication ne sont pas les seuls champs
dans lequel la mode engage une mutation vers plus d’effi-
cience : la distribution des produits, notamment en B-to-B,
FICHE PRATIQUE
Biotechnologies
Ces technologies entrent principalement dans le secteur
de la mode via les acteurs du luxe, du fait de la faiblesse
des quantités produites et du prix souvent élevés de ces
et nouveaux nouveaux matériaux, et ceux du sportswear, friands de
nouvelles fonctionnalités.
un champ plein
de la technologie et ceux de la mode doivent être renfor-
cées. De nouveaux défis sont à relever :
PÉPITE
LES TECHNOLOGIES
TRANSVERSALES QUI
BOULEVERSENT LE SECTEUR
En parallèle de ces innovations propres au secteur, les pourraient ne pas avoir la même force juridique que les
technologies clés telles que la blockchain, la RFID ou l’in- contrats traditionnels).
telligence artificielle modifient radicalement les manières
de travailler dans le secteur de la mode. La généralisation de l’usage des puces RFID, permise par
un coût unitaire est en très forte diminution, a permis des
En termes d’application pour l’industrie, la blockchain avancées majeures sur le niveau de granularité des ana-
constitue un outil pertinent pour au moins deux cas lyses sur la gestion des stocks et leur affectation opti-
d’usage : male, et sur la traçabilité des produits notamment. L’inté-
gration de cette technologie par les entreprises du
• La protection de la propriété intellectuelle et la lutte secteur de la mode a eu des effets significatifs sur leurs
contre la contrefaçon, car les outils existants ont en
performances (meilleure affectation des produits dans le
général une portée limitée en termes de zone géogra-
parc de magasins, gestion plus fine de la démarque…)
phique et ont un coût important. La blockchain peut
mais également sur leurs relations avec les clients en
être utilisée pour enregistrer les créations des entre-
permettant une plus forte transparence sur les processus
prises à l’échelle mondiale et à moindre coût.
et les chaînes d’approvisionnement dans un contexte de
• La traçabilité et la transparence sur les processus. globalisation du sourcing.
L’industrie de la mode est souvent critiquée pour le
manque d’informations qu’elle fournit sur ses proces-
sus, en particulier en ce qui concerne l’approvisionne-
ment en matières premières et les conditions de fa-
brication des produits. Certaines entreprises utilisent
désormais la blockchain pour certifier leurs politiques
de fabrication et partager avec leurs clients des infor-
mations infalsifiables.
À RETENIR
De nombreuses briques technologiques matures peuvent Pour autant, la mise en œuvre d’une stratégie d’innova-
permettre aux acteurs de la filière mode d’améliorer leurs tion au sein de l’entreprise nécessite une clarification
performances (via un meilleur contrôle des processus) ou quant aux objectifs et aux moyens mis en œuvre.
de booster leur proposition de valeur (renforcement de la
singularité du produit ou du storytelling, ciblages plus
pertinents de clientèles...)
80 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
L’intelligence artificielle redessine également en profon- L’utilisation de l’IA dans la vente est quant à elle à un stade
deur les pratiques pour chacun des maillons de la chaîne de développement avancé. Ciblage de plus en plus fin, pro-
de valeur, de la création à la distribution. duct shuffling, sont quelques exemples de possibilités of-
fertes par un usage poussé de la data client. Afin de gagner
En termes d’inspirations créatives, il est d’ores et déjà en pertinence, les retailers et les marques raisonnent de
possible d’analyser les produits d’une ou plusieurs moins en moins en termes de catégories (socio-démogra-
marques et d’en tirer des patterns qui peuvent compléter phie, typologies de clientèle type R-F-M – récence, fré-
l’inspiration humaine telle que proposée dans les cahiers quence, montant) pour privilégier des approches basées
de tendance par exemple. On peut imaginer qu’à l’instar sur le comportement en temps réel des prospects et des
d’autres industries créatives, des outils tels que les GAN acheteurs (parcours d’achat, mise en panier…) et adopter
(Generative Adversarial Networks) permettent un nou- les réponses les plus pertinentes en temps réel.
veau dialogue homme-machine en tirant le meilleur de
chacun. L’utilisation du machine learning représente donc pour les
acteurs de la mode une source unique de compréhension
Un usage également pratiqué aujourd’hui concerne l’ana- et d’évaluation en continu de leurs opérations. Pour
lyse des collections pour la construction d’un assortiment autant, cet outil nécessite de définir des objectifs et une
plus pertinent. À partir de données sur les produits, les stratégie clairs et adaptés.
prix, les stocks, plusieurs start-up (Daco, Retviews ou
encore Heuritech) proposent des éclairages complémen-
taires aux chefs de produits. À titre d’exemple, la start-up
Heuritech, accélérée par LVMH à Station F, a noué un par-
tenariat avec Dior pour aider la marque à tracker ses pro-
duits Instagram grâce à son outil de reconnaissance vi-
suelle, étant donné que les utilisateurs mentionnent
rarement la marque lorsqu’ils postent une photo d’un de
ses produits.
FICHE PRATIQUE
Comment mettre en œuvre
une stratégie d’IA pertinente :
la vision de Paul Mouginot
(daco.io)
Pour souhaitable qu’elle soit, l’utilisation de la data sup- La quantité de données
pose un certain nombre de prérequis qui conditionnent sa
Pour créer un modèle d’IA, vous devez l’alimenter avec
pertinence :
des données. Même dans les grandes entreprises, des
silos peuvent se former au fil du temps avec de nom-
La vision stratégique breuses sources de données représentant le même phé-
Vous pouvez avoir les meilleurs outils de données et d’IA, nomène - par exemple l’évolution des stocks. L’un des
si vous n’avez pas de stratégie, vous ne pourrez réaliser facteurs clés de succès ici est de pouvoir créer une
que des projets à faible valeur ajoutée. L’identification source unique de vérité. De plus, dans la vente au détail,
des principaux enjeux en termes commerciaux, la priori- toute base de données de vente au niveau SKU peut avoir
sation des projets et la mise en place de projets à « gains des milliards de lignes, donc lorsque vous exécutez le
rapides » apparaissent comme des étapes nécessaires calcul sur toutes les colonnes de ces bases de données,
afin de tester cette technologie. une infrastructure dédiée est souvent nécessaire. Il peut
s’agir d’une base de données ou d’un simple serveur. La clé
La gestion du changement est de pouvoir le faire évoluer facilement si nécessaire.
Les projets d’IA sont principalement des projets humains.
La qualité des données
Dès le départ, il est essentiel de trouver la bonne façon
d’attirer et de retenir les talents, de transformer les pro- Cela semble être une condition préalable évidente mais de
cessus et éventuellement les structures pour vraiment nombreux projets d’IA sont menacés par le manque de
inclure de nouvelles utilisations de l’IA. données exhaustives et bien étiquetées. Ainsi, le premier
sujet de tout projet de personnalisation devrait être les
stratégies de collecte de données (où puis-je trouver ou
acquérir des données ?), puis les stratégies de préparation
des données (comment puis-je transformer ces données
pour m’assurer d’avoir toutes les informations nécessaires)
et enfin la visualisation des données (analyse et partage
de l’information, création d’une équipe dédiée…).
Source : Entretien IFM-Kea&Partners
82 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
À RETENIR
Les acteurs ne bénéficiant pas d’un pouvoir de marché La capacité des acteurs à réconcilier les enjeux amont
important (marques émergentes, fabricants, presta- (rythme d’approvisionnement, qualité...) et aval (perti-
taires...) commencent à nouer des partenariats sur les- nence de l’offre et désirabilité) constitue une clé de réus-
quels ils peuvent bâtir un avantage concurrentiel, via la site majeure.
mutualisation des ressources, l’échange d’informations
ou la recherche d’agilité.
CULTURE ET DYNAMIQUE LA MUTATION DES L’APPROCHE PAR LA RSE, AU CŒUR DES MODÈLES INNOVATION ET TECHNOLOGIES, 83
DE TRANSFORMATION CHAÎNES DE VALEUR LA VALEUR CLIENT ÉCONOMIQUES DE LA MODE BOOSTERS DE DEMAIN
FICHE PRATIQUE
La vision
de Yann Rivoallan
(The Other Store)
Le défi
Dans un environnement où l’innovation a permis en
quelques années de réaliser des sites très facilement
avec des moyens limités sans avoir en permanence
à ses côtés un « technicien », le défi reste la capacité
des marques à allier marketing et innovation.
La réponse
Des acteurs proposent d'intervenir auprès des so-
ciétés pour les accompagner dans leur stratégie
digitale et optimiser l’utilisation de ces nouvelles
plateformes comme Shopify ou Woocommerce. Cet
accompagnement va de la déclinaison de la straté-
gie de l’entreprise sur le digital à la création de nou-
veaux outils, comme la gestion des ventes privées
sur Shopify.
L’enseignement
Les jeunes marques aussi habiles soient-elles dans
l’utilisation des nouvelles technologies ont souvent
besoin d’identifier le bon partenaire pour s’assurer
de la bonne déclinaison de leur stratégie sur le digi-
tal, canal de plus en plus important dans leur déve-
loppement.
Source : Entretiens IFM-Kea&Partners
©Aaron Greenwood, Unsplash
86 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
PARTIE 2
Les caractéristiques
des modèles
gagnants
Cette seconde partie est dédiée à la carac- Les critères de sélection ont été les suivants :
térisation de « modèles économiques ga- • Chiffre d’affaires supérieur à 2 millions d’euros
gnants ». Les thèmes étudiés en partie I
sont les paramètres clés de ces modèles • Croissance annuelle moyenne du chiffre d’affaires
positive au cours des derniers exercices (des comptes
gagnants, activés à des degrés distincts et déposés en 2015 aux comptes déposés en 201832)
déclinés spécifiquement selon les seg-
ments et les étapes de développement. • EBITDA positif a minima lors du dernier exercice clos
Quels sont les modèles gagnants d’aujourd’hui et de Étape 2 : Enrichissement et étude détaillée des « modèles
demain ? Quelles sont les clés de réussite des acteurs qui gagnants ».
s’inscrivent aujourd’hui dans une dynamique positive de Les paramètres économiques et opérationnels, les leviers
croissance de chiffre d’affaires et de rentabilité ? Quelles et étapes de développement, ont été caractérisés et mo-
sont les étapes clés de développement et les inflexions délisés (comptes publiés, entretiens, presse spécialisée,
associées ? analyses Kea&Partners et IFM).
Une vingtaine de modèles économiques ont été identifiés, Sur chaque segment de marché sont présents des ac-
caractérisés en intégrant les spécificités de chaque seg- teurs dynamiques et performants. Cela signifie que le
ment, taille ou étapes de développement des marques. champ des possibles est ouvert, quel que soit le segment
Cette caractérisation repose sur l’approche méthodolo- sur lequel un acteur se positionne, qu’il soit déjà installé
gique suivante : ou qu’il lance son activité.
Étape 1 : Cartographie de marques. Les « modèles gagnants » identifiés sont aussi bien des
marques indépendantes que des marques appartenant à
Cette cartographie a été réalisée sur la base de critères des groupes ou fond d’investissements.
financiers de comptes publiés d’un panel de marques.
Les DNVB et les marques engagées, confirment leur capa-
cité à se déployer efficacement et de manière rentable.
EN UN CLIN D'ŒIL
CAGR CA 20 - 50 % 25 - 60 % 5 - 35 % 10 - 20 % 10 - 20 % 10 - 45 % 1 - 10 % 10 - 20 % 4 - 5 % 20 - 25 %
EBITDA -20 - 15 % 0 - 20 % 10 - 25 % 16 - 18 % 15 - 22 % 5 - 10 % 5 - 20 % 7 - 20 % 6 - 12 % 8 - 10 %
Frais de siège
Glossaire des postes étudiés sur les comptes
Somme des dépenses nécessaires au fonctionnement de
de résultats des « modèles gagnants »
la structure
CA wholesale
Coefficient d'entrée
Part de chiffre d’affaires réalisé sur le canal wholesale
Ou coefficient multiplicateur, ou mark-up : ratio entre le
(auprès de distributeurs), incluant le wholesale effectué
prix de vente retail TTC et le prix de revient industriel
on-line
L’ensemble de ces indicateurs est exprimé en pourcen-
CA retail
tage du chiffre d’affaires HT.
Part de chiffre d’affaires réalisé sur le canal retail (dans
les boutiques de la marque détenues en propre ou Les comptes de résultat suivants présentent simultané-
franchisées) ment le minimum et le maximum des ratios observés pour
les « modèles gagnants » identifiés.
CA online (e-shop propre)
Part de chiffre d’affaires réalisé sur l’e-shop propre de la
marque (incluant les ventes sur mobile)
LFL
Croissance de chiffre d’affaires succursales like for like
(à périmètre constant)
90 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
EN UN CLIN D'ŒIL
CA
> 50 M€
CA 3 modèles gagnants marques de création étudiés, catégorisés
20 – 50 M€ selon leur chiffre d’affaires en 2018.
CA
5 – 20 M€
CA Dans le cadre de cette étude, le segment > 50 M€ de chiffre d’affaires ne fait pas
2 – 5 M€ l’objet d’un zoom particulier
Chiffres clés
Jusqu’à Jusqu’à
Illustration de marques
Acne Studios — Alexandre Vauthier — Alyx — Ambush — AMI — Bode — Coperni — Etudes studio — Fenty —
Golden Goose — Graig Green — Isabel Marant — Jacquemus — Kaithe — Kiko Kostadinov — Koche — Lemaire —
Marine Serre — Moncler — Officine générale — Off-White — Paco Rabanne — Patou — Rick Owens — Roseanna —
Stella McCartney — The Row — Undercover — Y/Project — ...
92 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Les « modèles gagnants » misent sur une forte internatio- Au fil de leur développement commercial, les marques de
nalisation dès la première saison (jusqu’à 95 % du chiffre création réussissent à mieux maîtriser leur marge (le
d’affaires peut être réalisé à l’international), pour accroître mark-up33 passe de 4 ou 5 pour les jeunes marques de
la cible de consommateurs, augmenter la visibilité et la création à 7 au maximum pour les marques de création
désirabilité de leurs produits. Ils adoptent une stratégie de plus installées) ainsi que leur taux de surstock (un maxi-
wholesale international ultra sélective afin de se position- mum de 30 % réduit à 15 % pour les plus gros acteurs du
ner dans un premier temps chez les distributeurs « A’ » du segment). L’amélioration de la marge provient souvent
monde entier, c’est-à-dire les plus emblématiques dans d’un double effet lié à de plus grandes quantités en com-
leur rôle de « sélectionneur et éditeur de marques de créa- mande chez les fabricants, donc des prix de production
tion » (Isetan à Tokyo, les Grands Magasins parisiens, unitaires moins chers, ainsi qu’à une meilleure conception
Bergdorf Goodman à New York …). Les marques gagnent de ceux-ci en amont (utilisation de matières premières
ainsi un temps précieux en termes de notoriété, capitali- sur plusieurs références, reconduits, etc. …).
sant sur la notoriété, l’attractivité et la visibilité de ces
points de vente. Cette stratégie permet une approche fru- Les « modèles gagnants » connaissent en moyenne
gale des dépenses marketing, limitant les coûts et le une croissance exponentielle de leur chiffre d’affaires
rythme de campagnes de communication, néanmoins par- (pouvant atteindre 60 % par an selon leur stade de déve-
faitement ciblées et réalisées. L’accent peut alors être mis loppement).
sur l’organisation d’un défilé pendant la Paris Fashion Ils peuvent atteindre 6 M€ de chiffre d’affaires en environ
Week, dont le coût atteint parfois 200 k€. Ces marques de 5 ans et franchir le palier des 40 M€ pour les plus perfor-
création communiquent sur deux temporalités. Le défilé mants d’entre eux après 15 ans d’activité.
représente une prise de parole sur un temps long tandis
que les réseaux sociaux permettent une communication
sur un temps court.
20,6
15,1
11,1
8,2
6,0 6,3 6,8
5,5 5,9
4,8 5,1
3,0 3,5
0,8 1,5 0,8 1,1 1,5
0,2 0,4 0,6
N N+1 N+2 N+3 N+4 N+5 N+6 N+7 N+8 N+9 N+10 N+11 N+12 N+13 N+14 N+15
qualité des distributeurs locaux et l’appétence de ce conti- Le digital comme outil marketing
nent pour les acteurs français. Le marché américain, his-
toriquement deuxième marché de développement, est Préalablement au développement de leurs ventes et avant
depuis plusieurs années en difficulté, et ce même avant la même le lancement de la marque, ces acteurs travaillent à
crise du Covid-19 (faillite de Barneys, fermeture des bou- la création d’une communauté digitale de followers la plus
tiques Opening Ceremony, difficultés actuelles de Bergdorf importante possible. Par la création rapide du site Internet
Goodman…). Les « modèles gagnants » étudiés réalisent de la marque et surtout de leurs profils sur les réseaux so-
entre 60 % et 90 % de leur chiffre d’affaire à l’international ciaux (Instagram, Facebook, Pinterest) les marques de
dans les premières années. Pour illustration, la quasi-tota- création diffusent leur univers d’inspiration, leur singularité
lité du chiffre d’affaires de Marine Serre (première collec- et développent une proximité immédiate avec leur commu-
tion lancée en 2017) est réalisée à l’international. nauté et futurs clients. À ce stade, ce ne sont pas encore
exclusivement des produits mais plutôt des mood boards,
Entre 80 % et 100 % du chiffre d’affaire réalisé des états d’esprit, qui sont partagés et constituent le début
en wholesale de la construction de l’univers et de l’image de la marque.
Entre 0 et 1 point de vente direct (retail) Cette communauté est nourrie régulièrement par des
contenus de qualité (images, newsletters, mails) qui
Jusqu’à 20 % du chiffre d’affaires réalisé sur l’e-shop
créent de l’attente pour le lancement effectif de la marque
et constituent une base pertinente pour les premières
ventes directes. Celles-ci seront ensuite captées par l’e-
shop de la marque ou chez les wholesalers. Dans un deu-
xième temps, des relais commerciaux digitaux plus di-
rects peuvent être activés pour renforcer l’attractivité de
la marque : campagne ciblée via des influenceurs (Ins-
tagramers, bloggueurs) ou par une stratégie de place-
ment produits qui consiste à offrir des pièces à des per-
sonnalités qui, adhérant volontairement à la marque, sont
prêtes à les porter en public, entraînant immédiatement
l’adhésion de leurs propres communautés.
L’autre investissement clé de ces premières années d’ac- Coût des ventes entre 60 % et 45 % du chiffre
tivité est le marketing. La frugalité étant de mise, les d’affaires
« modèles gagnants » de marques de création préfèrent
Une marge brute entre 40 % et 55 % du chiffre
investir sur peu d’actions marketing, mais de façon per-
d’affaires
tinente plutôt que de multiplier les contacts. En moyenne,
ils dépensent dans les premières années entre 5 % et Une masse salariale réseau entre 12 % et 35 %
15 % du chiffre d’affaires en marketing, en ciblant au du chiffre d’affaires
mieux leurs efforts, par exemple sur la création de conte-
nus de qualité (shooting des pièces, photos Instagram) et Un coût marketing entre 5 % et 15 % du chiffre
une agence de RP ou d’outplacement. La négociation des d’affaires
tarifs est indispensable avec comme argument principal
une collaboration de long terme. Certaines marques de
création peuvent en fonction de leur budget et de leur
nécessité de positionnement décider de s’inscrire dans le
calendrier de la Fashion Week de Paris et faire défiler leur
marque. Ces défilés ont cependant un coût important
(jusqu’à 200 k euros).
Pour illustration, cela correspond au niveau de dévelop- Dans cette phase de développement, le défi majeur réside
pement aujourd’hui de Marine Serre, Lemaire, Officine dans l’ouverture de boutiques en propre pour décliner son
Générale, Alexandre Vauthier ou encore Giambattista image et son univers dans un lieu, mais aussi de construire
Valli. une relation directe avec ses clients. Cela se traduit par
l’ouverture d’un nombre restreint de boutiques. La première
Les enjeux de cette phase de développement : d’entre elle est en général ouverte dans le pays d’origine de
• L’accélération des ventes sur l’e-shop la marque, dans un esprit « Made In » et la seconde dans la
métropole internationale au plus fort potentiel commercial.
• La poursuite du développement des canaux whole- L’investissement dans ces boutiques se fait dans une lo-
sale et e-shop gique d’allocation optimale du Capex disponible. Il est cru-
cial alors pour ces marques d’être rentables car les banques
• L’ouverture des premières boutiques (retail)
ne financent pas le pas de porte à l’étranger.
• La stabilisation du mark-up
Entre 5 % et 10 % du chiffre d’affaire réalisé en retail
• La possibilité d’activer des collaborations stratégiques
Entre 1 et 5 points de vente (en propre ou franchise)
À noter : à partir de cette étape de développement, l'EBIT-
DA doit être positif La stabilisation du mark-up
Paris
❾ Japon (Tokyo,
❷ Kyoto, Osaka,...)
❶ ❻ ❼
❸
New York ❷
Shanghai
Hong Kong
Los Angeles
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 99
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
On observe plutôt une tendance à recourir à des équipes Une fois cette taille critique atteinte, les marques de
réduites et polyvalentes dans une logique de frugalité. création stabilisent leur structure capitalistique. Elles
Lorsque le chiffre d’affaires atteint les 20 M€, la marque sont alors capables de financer un élargissement de leur
commence à se structurer et ses équipes à se spécialiser. gamme de produits. Initialement créées sur la base d’une
On voit apparaître une distinction entre des équipes seule ligne de produits (vêtements uniquement pour
siège, en charge de la stratégie et la gestion globale de la femmes, ou pour hommes, enfant), elles peuvent désor-
marque, des équipes artistiques en charge du développe- mais lancer la création d’une ligne d’accessoires, qui vient
ment des produits et des équipes terrain. Le coût de la compléter un vestiaire et augmenter le panier moyen
masse salariale reste maîtrisé. Il y a un renouvellement d’achats, d’une seconde ligne ou bien encore et surtout la
des équipes pour recruter des profils plus expérimentés, création d’une nouvelle ligne pour hommes ou pour
plus expertes dans chacun des métiers. femmes.
Une masse salariale réseau représentant entre Par exemple, huit ans après sa création, la marque AMI,
15 % et 12 % du chiffre d'affaires réalisé initialement dédiée aux hommes, lance sa collection
femmes. La marque bénéficie d’un vaste réseau de distri-
Entre 26 et 40 ETP au siège
bution wholesale international et possède désormais 8
Entre 3 et 125 ETP en boutique boutiques.
(en moyenne 3 ETP par points de vente)
D’après une étude de l’IFM pour la FHCM, le poids du prêt-
à-porter dans le chiffre d’affaires de ses membres est de
La stabilisation de la marge brute
90 % pour les marques de 1 à 20 millions de CA, 81 % pour
À ce niveau de chiffre d’affaires, les marques de création les marques ayant un chiffre d’affaires de 20 à 100 mil-
identifiées comme « modèles gagnants » ont acquis une lions. Au-delà de ce seuil, les accessoires prennent le pas
taille suffisante pour amortir leurs différents coûts de sur le prêt-à-porter dans l’activité des marques.
production. La marge brute affiche des taux similaires à
ceux de l’industrie du Luxe.
PÉPITE
Regards croisés
de grands acteurs
du Luxe
Ralph Toledano Guillaume de Seynes
Président, Fédération de la Haute Couture et de la Mode Directeur général Pôle Amont et Participations,
Associé, NEO Investment Partners Hermès International
Président, CSF Mode et Luxe
Aujourd’hui des phénomènes sont à l’œuvre et en parti-
culier l’attachement des consommateurs aux marques « Une marque pour perdurer doit être fidèle
selon les valeurs qu’elles défendent et qui imposent à sa promesse » : COHÉRENCE & CONSTANCE
d’avoir des comportements vertueux.
La démarche de création, unique ou partagée, nourrit
Plus que jamais la création reste la pièce maîtresse. Que chaque jour cette promesse avec cohérence et constance.
les designers œuvrent pour de petites ou de grandes La qualité, la matière, le savoir-faire, le style sont autant
maisons, leur talent créatif permet de réaliser des collec- d’attributs inaliénables de notre identité. La qualité du
tions identitaires, portables et durables. C’est donc une binôme Créateur / dirigeant reste aujourd’hui absolument
priorité pour nous de se recentrer sur elle : fondamentale pour sublimer cette cohérence.
• Faire que notre création reste résolument libre et « Observer le monde qui change et l’accompagner » :
ancrée dans son univers « artisanal ». Les logiques L’AGILITÉ
marketing et financière ont parfois été trop fortes
avec pour effet de générer « une création discipli- Depuis l’origine, Hermès a toujours su être agile. C’est le
née », frustrante pour les créateurs remplacement du cheval par l’automobile qui a poussé
notre arrière-grand-père à s’adosser à son savoir-faire
• Faire des managers les premiers supporters de cette de sellier pour créer une ligne de bagagerie avec une
création intégrant plus fortement une dimension émo- symbolique forte du monde équestre toujours présente
tionnelle et humaine. Leurs missions se sont focalisées aujourd’hui. Dans les années 1970, Hermès fut la pre-
sur les priorités stratégiques et opérationnelles en ou-
mière maison à vendre de la soie dans les aéroports,
bliant le besoin de symbiose avec les équipes créatives.
notre premier site marchand date de 2002. Aujourd’hui
Les défis sont par ailleurs multiples : l’enjeu est de continuer à développer des fonctionnalités
sur les applications mobiles mais surtout d’imaginer
• Faire émerger des petites marques et libérer les éner- comment être au mieux dans « le parcours de vie du
gies créatives de nos jeunes talents, soutenir leur client » avec une exemplarité dans l’exécution.
développement, leur profusion
PÉPITE
Regards croisés
Cédric Charbit
Président-directeur général, Balenciaga
PÉPITE
Jacquemus :
l’authenticité poussée
à l’extrême
La marque Jacquemus, créée en 2009 par Simon Porte considère comme « son cerveau, sans filtre ». Les ré-
Jacquemus à l’âge de 19 ans, n’est plus à présenter. En seaux sociaux sont plus généralement un moyen pour la
10 années d’existence, elle s’est hissée au rang des marque de véhiculer une image désirable fondée sur une
« grands » et compte 2,3 millions de followers sur Ins- image de communauté accessible et spontanée, un
tagram. Son chiffre d’affaires proche de 30 M€ en 2019 retour à la simplicité plébiscité par la femme moderne.
démontre la constance de son succès ; quels en sont les Les premiers défilés sont d’ailleurs l’occasion de mettre
marqueurs clés ? en valeur le cercle proche du créateur, des influenceuses
ou célébrités qui défilent comme mannequins et relaient
Elle se positionne sur un segment de prix légèrement in- les modèles sur les réseaux sociaux.
férieur aux standards des marques de création (prix
moyen autour de 500 €) et s’adresse à une cible de client
Une authenticité en rupture avec la vision
jeune et digitale (Génération Z). La marque a connu un inaccessible du luxe
décollage très progressif avec une accélération récente
grâce notamment à des soutiens historiques comme Jacquemus a su se construire une image d’authenticité en
Adrian Joffe (Comme des Garçons). rupture avec l’image du luxe, désirable mais parfois dis-
tante et sophistiquée. Au contraire, ce sont des évoca-
De l’image au produit tions du Sud natal du créateur et de ses souvenirs d’en-
fance qui prédominent dans les collections et sur le site
L’image « drive » le processus d’achat selon un modèle de la marque. Les vêtements sont inspirés de faits ano-
identique à celui de marques comme Gucci par Alessan- dins tels que manger une glace à la Grande Motte ou
dro Michele ou Fenty. Celle-ci s’exprime au travers des encore passer une après-midi de repos au bord de la
réseaux sociaux et particulièrement Instagram dont piscine.
Simon Porte Jacquemus a été un précurseur en s’appro-
priant l’outil et est devenu un maître dans son utilisation. Cette authenticité a fédéré autour de lui beaucoup de
Ses défilés sont de véritables évènements, parfois hors « valeur gratuite », ce qui lui a notamment permis d’être
du calendrier classique. Les collections, au service de profitable depuis le début et d’assurer un développement
l’image, sont courtes, faciles à comprendre, « ins- serein à sa marque avec une structuration très progres-
tagramer » et industrialiser. Un sac à main miniature, le sive des équipes.
Chiquito, très aisément reconnaissable, est devenu en
quelques saisons un must have et une contribution Cette image de spontanéité est renforcée par certaines
conséquente à son chiffre d’affaires. actions commerciales comme la désormais célèbre
« braderie » organisée à Paris en 2019. En revendiquant
un accès démocratique à sa vente annoncée simplement
La proximité via les réseaux sociaux
sur Instagram et relayée par la presse, notamment Vogue,
En première ligne de sa marque éponyme, il y a Simon les 52 000 premières inscrites ont pu accéder à la vente
Porte Jacquemus. Le créateur joue à fond la carte du per- de plus de 10 ans de collections Jacquemus.
sonal branding, partageant des informations authen-
Source : Entretien IFM-Kea&Partners, presse
tiques ou très personnelles sur sa page Instagram qu’il
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 105
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
PÉPITE
Off-White :
La consécration du street
dans les rayons du luxe
La renommée de la marque italienne Off-White, crée en Une force logistique apportée
2013 par Virgil Abloh, est parlante : plus de 10 millions de par le groupe New Guards
followers sur Instagram (5,2 M sur le profil du créateur) Les vêtements produits par Off-White sont technique-
et le maintien à la première place du classement Lyst des ment relativement simples et s’appuient sur la force
marques les plus populaires au monde pour le troisième de manufacturing et de distribution du groupe New
trimestre 2019, devançant Gucci et Balenciaga (résultats Guards (racheté en 2019 par Farfetch), réputé pour sa
basés sur les statistiques de recherche en ligne). Quels capacité à identifier les futurs talents du marché. Le
sont les ingrédients du succès de cette jeune marque à groupe, structuré comme une plateforme (à la différence
l’esthétique streetwear ? d’un conglomérat) réussit à livrer en moins d’un mois des
produits très demandés, du concept au magasin, une
Des produits à l’influence street, dynamisés réelle prouesse dans le secteur italien de la production.
par de nombreuses collaborations
Source : presse
Les collections de Off-White, jouant sur les codes très
clairs du streetwear (version luxe) et des logos forts, ont
vite séduit son jeune public de millenials. Lançant de
nombreuses collaborations avec des grands noms du
prêt-à-porter (Nike, Converse, Levi’s, …) la marque a bé-
néficié d’une visibilité importante qui a marqué l’ascen-
sion fulgurante du label.
Le segment premium
et luxe abordable
CARACTÉRISTIQUES COMMUNES
Caractéristiques communes des acteurs du segment leur proposition de valeur : incarner un équilibre entre sophis-
Premium et luxe abordable tication et mode au quotidien, un modèle commercial retail et
des temps plus rapides de création et de fabrication (J. Crew,
Le segment Premium et luxe abordable apparait dans les Sandro, Maje, Claudie Pierlot, The Kooples, APC, ba&sh, IKKS,-
années 1970, entre le milieu de gamme et le luxe. Le prix Zadig et Voltaire, Comptoir des cotonniers, All Saints,
pivot d’une robe se situe en moyenne entre 100 et 500 €. Scalpers, Anthropology, Tara Jarmon, Gérard Darel …). Enfin
La proposition de valeur est une offre qualitative et sélec- depuis la fin des années 2000, une nouvelle génération de
tive pour une clientèle nationale ou internationale ciblée marques créatives voient le jour : une raison d’être des
en termes de revenus (CSP+) ayant un attachement à la marques plus affirmées qui résonnent avec la quête de sens
marque, au statut ou au style de vie qu’elle incarne. des consommateurs, des développements hybridés dès le
départ (Balibaris, Sœurs, Sessùn, Léon et Harper, Des Petits
Les blockbusters internationaux furent les pionniers (La- Hauts, Marie Sixtine, Mes Demoiselles, Yse, Livy) ou les
coste, Ralph Lauren, Tommy Hilfiger). Les marques créatives marques digitales (Rouje, Sézane, Musier, Le Slip Français,
apparues dans les années 1990 ont bousculé ce segment par Bonne Gueule, Asphalte, Balzac, Third Love et Reformation).
Min Max Min Max Min Max Min Max Min Max Min Max
CA international 30 % 70 % 10 % 20 % 10 % 20 % 30 % 40 % 30 % 70 % 0 % 20 %
LFL 3 % 4 % 5 % 15 % 5 % 15 % 7 % 15 % 3 % 4 % 10 % 10 %
CAGR CA Total 5 % 10 % 30 % 40 % 10 % 20 % 10 % 20 % 5 % 15 % 10 % 45 %
Nombre de points de vente 300 300 + 5 50 70 160 160 300 300 300 + 0 50
Chiffre d'affaires HT 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 %
COGS -30 % -22 % -30 % -22 % -30 % -22 % -30 % -22 % -30 % -22 % -30 % -22 %
Marge brute 70 % 78 % 70 % 78 % 70 % 78 % 70 % 78 % 70 % 78 % 70 % 78 %
Masse salariale réseau -18 % -14 % -25 % -20 % -20 % -15 % -16 % -12 % -16 % -12 % -35 % -20 %
Loyers et charges locatives -15 % -10 % -10 % -8 % -12 % -10 % -15 % -10 % -15 % -10 % -20 % -10 %
Frais marketing et digital -7 % -3 % -7 % -3 % -7 % -3 % -7 % -3 % -7 % -3 % -10 % -5 %
Logistique / Transport -3 % -2 % -4 % -2 % -3 % -2 % -5 % -3 % -5 % -3 % -4 % -2 %
Frais de siège -9 % -7 % -10 % -7 % -10 % -7 % -12 % -7 % -12 % -7 % -10 % -7 %
EBITDA 16 % 18 % 15 % 20 % 18 % 22 % 15 % 20 % 16 % 18 % 5 % 10 %
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 107
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
EN UN CLIN D'ŒIL
Chiffres clés
Min Max
22 %
20 % 20 % Jusqu’à
85 % 20 %
18 % 18 %
15 % 15 % 16 %
Illustration de marques
1083 — A Cold Wall — Anine Bing — APC — Atelier Particulier — Asphalte — Ba&sh — Balibaris — Balzac Paris —
Bonne gueule — Chic types — De Bonne Facture — Ekyog — Fusalp — Gérard Darel — Ganni — Hartford —
Lacoste — La fée maraboutée — Leon & Harper — Le Pantalon — Le slip français — Les petits Hauts — Livy —
Lovers + Friends — Maison 123 — Maison Labiche — Maison standards — Musier — Nanushka — Octobre editions —
Parisienne & alors — Paul Smith — Princesse Tam Tam — Ralph Lauren — Recc Paris — Reformation — Rouje —
Sessun — Sézane — Sheep Inc. — Sandro/Maje/Claudie Pierlot — Sœur — Suncoo — Swildens — Tara Jarmon —
The Kooples — We wore what — Zadig & Voltairet — ...
108 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
EN UN CLIN D’ŒIL
Répartition moyenne
observée du chiffre
d'affaires par canal
de distribution E-shop Retail Wholesale
3 % 100 %
10 % 18 %
15 %
27 % 28 %
28 %
80 %
73 %
55 %
65 %
55 %
55 %
ZOOM N° 1
ENJEUX CLÉS
DES BLOCKBUSTERS
INTERNATIONAUX
Caractéristiques communes des grands blockbusters Les enjeux de développement et leviers de croissance
internationaux
• Le rayonnement international de la marque
Ces acteurs historiques du segment luxe abordable
(Ralph Lauren, Lacoste, Guess, Tommy Hilfiger, The North • L’innovation produit
Face) réalisent près de 50 % du chiffre d’affaires du • La sélectivité du réseau de distribution
segment.
La force de ces marques a été une rapide extension à l’in- Le rayonnement de la marque
ternational (près de 70 % de leur chiffre d’affaires) avec En transformant leurs modèles de vente au fil des ans, les
une adaptation de leur offre, de leur modèle de distribution blockbusters internationaux ont su élargir et renouveler
et de leur marketing aux spécificités locales ou régionales. leur base de clients. Le rayonnement de la marque reste
Dans un premier temps, ces marques se sont construites un enjeu permanent pour ces acteurs, en particulier pour
grâce à un fort réseau de détaillants partenaires (whole- capter les 15-25 ans. Pour y arriver, ces acteurs activent
sale). Dans les années 2000, elles ont développé leurs des moyens très importants : égéries, collaborations ou
réseaux en propre pour accroître la sélectivité du réseau, licences, évènements communautaires… Le contenu dif-
activer un lien direct avec les consommateurs et bénéficier fusé valorise et actualise le mythe fondateur de la
d’une double marge. Ces acteurs ont renforcé la diversité marque. À titre d’illustration, pendant la période de confi-
de leurs canaux de distribution en investissant massive- nement, Levi’s a organisé sur Instagram Live des 5:01 Live
ment sur le digital, qui tend à représenter aujourd’hui entre shows en capitalisant sur ses liens historiques avec la
15 % et 20 % de leur chiffre d’affaires. musique avec comme invités des artistes comme Snoop
Dogg ou Brett Young.
La clé du succès des grands blockbusters internationaux La distribution de ces marques repose sur un réseau de
est de combiner la continuité avec un héritage reconnu distribution sélectif et équilibré. Elle combine les canaux
tout en ayant la capacité d’évoluer dans leur proposition retail et wholesale (notamment via une stratégie outlet
de valeur (ex : la conception de classiques nouveaux et marquée) ainsi qu’une forte amplification digitale sur l’e-
modernes pour une garde-robe contemporaine). L’inno- shop et les plateformes de vente en ligne. Les blockbus-
vation peut même dépasser les frontières du prêt-à-por- ters internationaux mènent depuis quelques années une
ter à l’image du Lacoste Lab qui cherche des solutions stratégie sélective pour préserver leur image de marque
innovantes pour accompagner leurs clients dans leur et rationaliser leur portefeuille de détaillants Wholesale.
univers de loisirs, de voyages, d’hôtels, de la maison. Les L’histoire va-t-elle se répéter sur les grandes plateformes
designers réfléchissent alors à de véritables concepts de d’e-commerce ? Car si l’on peut aujourd’hui retrouver les
vie qui incarnent le lifestyle Lacoste. produits iconiques de ces marques sur les grandes plate-
formes de mode comme Farfetch, elles sont également
présentes pour certaines sur des plateformes généra-
listes comme Amazon.
« Le développement du
produit est prioritaire sur les Entre 15 % et 20 % du chiffre d’affaire réalisé
sur le canal wholesale
investissements marketing. »
Entre 60 % et 70 % du chiffre d’affaire réalisé
Alexandre Fauvet, CEO de Fusalp
dans les boutiques (en propre ou franchisées)
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 111
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
© Institut Français de la Mode - Jean Picon / Say Who
112 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
ZOOM N° 2
Dans les années 1990, les « marques créatives » sont Les « modèles gagnants » du segment Premium et luxe
nées comme The Kooples, ba&sh, IKKS, J. Crew, Sandro, abordable connaissent une croissance accélérée du
Maje, Claudie Pierlot, Zadig et Voltaire, Comptoir des co- chiffre d’affaire dans les premières années (40 % en
tonniers, All Saints, Scalpers, Anthropology… moyenne par an), avant de ralentir (15 % par an) une fois
atteint la taille critique de 50 M€ de chiffre d’affaires.
Ces marques ont apporté une nouvelle proposition de
valeur, plus ciblée en termes de positionnement, plus in- Il faut en moyenne 12 – 14 ans pour qu’un modèle ga-
carnée par le réseau de boutiques. Elles expriment une gnant Premium et luxe abordable atteigne un chiffre d’af-
identité stylistique ou un mode de vie, entre sophistication faire de 50 M€, un peu plus de 20-25 ans pour dépasser
et mode au quotidien. La dimension plus mode des produits le cap des 250 M€ de chiffre d’affaires.
est rendue possible par une capacité à traduire rapidement
les tendances des podiums et de la rue pour les saisons
suivantes et une faculté à les réadapter pour la vie de tous
les jours grâce à un storytelling pertinent.
40
441
333
252
190
144 99
109 7
75
56 43 57
28 28 37 32
1 2 4 1 7 1 14 2 5 9
1
N N+2 N+4 N+6 N+8 N+10 N+12 N+14 N+16 N+18 N+20 N+22 N+24 N+26 N+28 N+30
Enjeux des marques créatives avec un chiffre La stratégie d’entrée sur le marché à construire
d’affaires inférieur à 50 M€
Les « modèles gagnants » construisent leur stratégie
• Le développement de l’image de la marque et l’attrac- d’entrée sur le marché. Afin de faire connaitre leurs pro-
tivité des produits duits, les marques testent avec l’appui du wholesale :
référencements auprès de grands magasins à l’affût de
• La stratégie d’entrée sur le marché
nouvelles marques, salons professionnels (physiques
mais de plus en plus aussi digitaux) ou ouvertures de
Le développement de l’image de la marque pop-up stores.
et l’attractivité des produits
L’enjeu clé de cette phase est la recherche du modèle
Les marques Premium et luxe abordable sont des
économique de boutiques sur lequel fonder le développe-
marques aspirationnelles. Elles capitalisent pour cela sur
ment de la marque. Les surfaces sont en général limitées
une image de marque forte et des produits iconiques re-
mais suffisantes pour exprimer l’univers (entre 50 et
connaissables (les robes ba&sh, la dentelle de Claudie
90 m²) et sont situées sur des emplacements n°1 bis pour
Pierlot, le manteau Maje, etc.). Leur communication
générer un CA/m² TTC supérieur à 8 000 €34. En jouant sur
repose sur un important storytelling de la marque pour
les surfaces et des loyers accessibles, ces modèles at-
mettre en valeur chaque produit. C’est une véritable pro-
teignent rapidement des résultats d’exploitation positifs.
messe d’incarnation d’un style de vie. The Kooples
construit son image autour de l’histoire d’un couple, réuni Le digital représente un levier commercial et marketing
dans un style cohérent avec un look jour/nuit singulier et essentiel (entre 15 et 20 % du chiffre d’affaires).
une expérience magasin en commun.
Au maximum 70 % du chiffre d’affaires réalisé dans le
Les coûts marketing représentent réseau retail
entre 3 % et 7 % du chiffre d’affaires
Entre 15 % et 40 % du chiffre d’affaires wholesale
Enjeux des marques créatives avec un chiffre d’affaires La courbe d’apprentissage sur les marchés
compris entre 50 M et 100 M€ internationaux
• L’accélération digitale
Masterfranchise Régionale
1 - 10 M€ de CA international
• L’élargissement de l’offre
Potentiel marché
En France, au-delà de 150 points de vente sur ce segment
de marché, le risque de dilution de la performance est
important et les marques rentrent progressivement dans 1
une phase d’optimisation (transferts, fermetures des
zones à plus faible potentiel).
Partenaires locaux
Les « modèles gagnants » segmentent leur réseau de 1 M€ de CA international
boutiques et rationnalisent leurs ouvertures sur le terri-
toire national. Les coûts de la masse salariale du réseau
diminuent et représentent alors entre 12 % et 16 % du
chiffre d’affaires (vs. 15-20 % dans la phase de dévelop- Accessibilité
pement précédente). Le concept retail est revu régulière-
ment afin d’attirer et fidéliser les clients et le travail sur le Développement avec un tiers
merchandising est central.
1. Partenaires locaux
Entre 160 et 300 points de vente Une logique de développement opportuniste avec une
mise de fonds initial limitée. Une première étape pour
Les coûts de la masse salariale du réseau
vérifier la résonance de la marque sur le marché local.
représentent entre 12 % et 16 % du chiffre d’affaires
2. Masterfranchise Régionale
L’expansion internationale Démarche consistant à confier le recrutement
de franchisés locaux à des masterfranchisés organisés
Les « modèles gagnants » accélèrent leur expansion in- régionalement
ternationale en opérant une densification sur les pre-
miers marchés et une ouverture sur deux ou trois mar- - Option 1 : pas de possibilité de rétrocéder le droit
chés stratégiques complémentaires. Cette phase de de distribution à un tiers
développement peut être réalisée en direct (chiffre d’af- - Option 2 : possibilité de rétrocéder le droit
faires généralement supérieur à 10 M€) ou via un tiers de distribution à un tiers
(partenaire ou masterfranchisé régional chargé de recru-
ter des franchisés locaux). Les ventes à l’international Développement en direct
peuvent alors représenter jusqu’à 40 % du chiffre d’af-
faires et le principal levier de croissance. 3. Filiales en propre
La prise de participation majoritaire au sein
Entre 30 % et 40 % du chiffre d’affaires réalisé à d’une structure locale, ou joint venture.
l’international
La prise en charge du management opérationnel.
GÉNÉRATIONS DE MARQUES Une partie de ces nouvelles marques créatives sont des
marques digitales (Sézane, Le Slip Français, Reformation,
CRÉATIVES Musier, Balzac, Third Love, …) et certaines sont créées
Caractéristiques communes des nouvelles marques directement par des influenceuses (Rouje, Parisienne &
créatives alors – Laury Thilleman, Recc Paris – Caroline Receveur).
Cette dernière tendance est très développée aux Etats-
Ce segment Premium et luxe abordable continue de se re- Unis et se caractérise par une incarnation forte de la part
nouveler avec de nouvelles générations de marques qui ont de célébrités comme Kim Kardashian avec Skims ou d’in-
une cible clients plus étroite, et apportent une réponse à de fluenceuses pour Good Americans. Elles utilisent les ré-
nouvelles attentes consommateurs autour de la recherche seaux sociaux à la fois comme vecteur marketing pour
de sens (promesse RSE, fédération des communautés via les véhiculer leur storytelling mais également pour capter les
réseaux sociaux, …). Elles adoptent un modèle Premium et nouvelles tendances et attentes consommateurs. Elles
luxe abordable revisité : des collections réduites, un modèle apportent également une nouvelle approche sur leur
marchandise visant à limiter la démarque et les invendus… chaine de valeur : une gestion stricte des volumes, des
Ces nouvelles marques créatives activent quasiment dès le pré-commandes, des collections capsules temporaires,
départ une hybridation de leur modèle commercial. des drops35, etc… s’inscrivant de plus en plus dans le
JOMO (Joy of missing out, par opposition au FOMO – Fear
Les enjeux de développement et leviers de croissance des of missing out - qui caractérise aujourd’hui la fast
nouvelles marques créatives fashion).
Les enjeux de développement des nouvelles marques Ces DNVB, nées sur internet vont tendre vers une cer-
créatives « héritières » taine retailisation, passé le palier de 50 M€ de chiffre
d’affaires (Sézane, Reformation, etc.). Une fois atteint une
On observe depuis les années 2010 (voire début des années taille critique en ligne, ces marques peuvent éprouver des
2000 pour les premières), le lancement de marques « hé- difficultés à se développer car le coût d’acquisition on-
ritières » des modèles créatifs précédents (Léon et Harper, line devient extrêmement élevé, voire prohibitif. Elles
Balibaris, Sœur, Sessùn, Des Petits Hauts, Marie Sixtine, peuvent ressentir le besoin de s’exprimer dans un lieu
Mes Demoiselles, …). Elles affichent des trajectoires de physique (Drapeau Noir, Hast). Ce sont alors des modèles
croissance plus modestes et des cibles de chiffre d’affaires hybrides s’appuyant sur le développement progressif de
structurellement plus faibles (conséquence d’une cible boutiques qui se veulent expérientielles mettant en
clients plus étroite, et parfois d’une volonté des dirigeants valeur l’ADN de la marque. Par nature, le modèle DNVB
de garder une croissance maîtrisée). affiche des marges plus faibles que les modèles tradi-
Elles adoptent une stratégie d’entrée sur le marché combi- tionnels, se basant sur un coefficient multiplicateur
née entre le retail (concepts boutiques innovants et recher- autour de 2-3 (vs 5 pour les modèles traditionnels).
chés) et wholesale sélectif. Ces marques sont aujourd’hui
attractives pour les grands magasins, qui n'hésitent pas à
« fragmenter leur floor de creative brands » à la recherche « Pour croître de manière
de marques plus niches dans un esprit d'édition.
globale, il faut devenir
La communication est dès le départ fortement digitale et « channel agnostic» »
riche en contenu pour alimenter le storytelling de la marque.
Andrea Baldo, CEO de Ganni
PÉPITE
PÉPITE
Reformation :
mental qui peuvent répondre au brief créatif initial. Ces
matières sont majoritairement sourcées auprès de fournis-
seurs américains qui représentent 60 % du sourcing de la
une “sustainable marque. Celle-ci utilise principalement des matières natu-
relles. L’upcycling de tissus couvre 15 % des besoins ma-
PÉPITE
Bonne Gueule :
Une marque digitale issue d’une communauté
Le succès du blog et des livres écrits par les deux asso-
hybride digital-
détaillé. Les produits sont proposés dans une logique de
drops accompagnés par une explication très fournie des
produits. La communauté est sollicitée pour venir enrichir
retail le discours sur les produits. Le digital est omniprésent et
l’utilisation de la data s’appuie sur une excellence opéra-
tionnelle et une vision claire.
Passionné de mode masculine, Benoît Wojtenka, alors
étudiant, ouvre son blog Bonne Gueule en 2007, avec la
Une nécessaire hybridation du modèle
mission d’« aider les hommes à se sentir bien dans leurs
vêtements ». Le lancement du e-shop de la marque Bonne Gueule a été
rapidement suivi par l’ouverture de la première boutique,
Rejoint par son associé Geoffrey Bruyère, la société hé- puis de quatre autres, à Paris et en province à Lyon et
bergeant le media de mode masculine est créée en 2012. Bordeaux. Pour les fondateurs, les boutiques se doivent
Fervents défenseurs des vêtements de qualité, des sa- d’être expérientielles et ne peuvent se contenter de
voir-faire, de l’information objective, juste et indépen- « vendre » des vêtements. Ces ouvertures physiques
dante, les deux associés développent des collaborations viennent booster les ventes en lignes des régions concer-
avec des marques qui incarnent leurs valeurs, avant de nées démontrant ainsi la force du modèle omnicanal. Le
lancer leur propre marque de vêtements en 2014 sur le service, le conseil et l’expérience client sont au centre de
digital et d’ouvrir l’année suivante leur première boutique leurs préoccupations sur le net, comme dans les points
parisienne. de vente physiques. Après avoir proposé des MOOCs
pendant 3 ans à sa communauté, la marque diffuse
maintenant du contenu gratuitement, notamment via une
chaîne YouTube, pour enrichir sa culture sur le vêtement
masculin.
Source : Entretien IFM-Kea&Partners
122 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Le segment milieu
de gamme
CARACTÉRISTIQUES COMMUNES
Un segment de marché très concurrentiel Un marché sous pression depuis 2008
Le marché du milieu de gamme en France est très concur- Le marché de la mode est sous pression, et a perdu 15 %
rentiel. Il comprend aussi bien des marques et enseignes de sa valeur depuis 2008 (IFM). Ce sont les acteurs du
nationales (Camaïeu, Célio, Jules, Promod, Caroll, Armand milieu de gamme qui souffrent le plus avec une baisse
Thierry, Esprit, Etam, Cache Cache, Okaïdi, Sergent Major, moyenne de leurs ventes de -5 % par an en valeur depuis
Father & sons, Promod, etc.), internationales (Zara, H&M, 10 ans. Cette perte de vitesse du segment milieu de
Uniqlo et leurs sociétés sœurs), des marques diffusées gamme traditionnel en France (hors marché « niche » et
largement (Jott, Petit Bateau, Levi’s). Il intègre également DNVB) s'explique par l’érosion du trafic, la pression
des DNVB nationales (Octobre, La Boutique Officielle, etc) concurrentielle. Le double enjeu est donc de moderniser
ou internationales (Zalando, Asos, La Redoute, Amazon, la promesse et refonder en profondeur le modèle écono-
Nasty Gal, SKims,..).Enfin, il est également composé des mique (différenciation de l’offre et des réseaux, accéléra-
acteurs mondiaux du sport et sportswear (Levi’s, Nike, tion digitale, flexibilisation des achats).
Adidas, Puma, Timberland, Patagonia, etc.) et de leurs
distributeurs (Intersport, Décathlon, Sport Direct, JD
Sport, etc.).
Milieu
Levi's La boutique officielle / Octobre éditions
de gamme
Les grandes DNVB US Les plateformes en ligne
Nasty Gal / Skims Zalando / La redoute / Asos
EN UN CLIN D'ŒIL
Milieu de gamme
Définition retenue
Mode et accessibilité
Chiffres clés
Illustration de marques
Asos — Balzac — Bleuforêt — Bosideng — Brandy Melville — Camaïeu — Chevignon — Célio — Colizey —
Cyrillus — Dolls Kill — Etam — Everlane — From Future — Go Sport — Good american — H&M — Intersport —
I-run — Jules — La Redoute — Loom — Lululemon — Monsieur T-Shirt — Nasty gal — Nike — Ochirly —
Patagonia — Privatesportshop — Promod — Skims — Suitsupply — Swedish fall — Third Love — Un jour ailleurs —
Undiz — Uniqlo — Weill — Zalando — Zara — ...
124 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
Milieu de gamme
50 M€ - 100 M€ de Milieu de gamme Milieu de gamme Milieu de gamme DNVB
Mix distribution CA 100 M€ - 500 M€ CA > 500 M€ CA < 50 M€ de CA
CA wholesale - 5 % - 5 % - 5 % - -
CA retail 90 % 70 % 90 % 70 % 90 % 60 % - -
CA online (e-shop propre) 10 % 25 % 10 % 25 % 10 % 35 % - 100 %
Total 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % 100 % - 100 %
Les modèles gagnants milieu de gamme de plus de Avec un niveau de CA inférieur à 50 M€, des modèles
100 M€ de CA ont un EBITDA compris entre 5 % et 9 %, « pépites » » tirent leur épingle du jeu : hybridées ou di-
dans un modèle où le retail prédomine (jusqu’à 90 % du gitales, certaines marques parviennent à capter des mar-
chiffre d’affaires). Avec des croissances de CA à compa- chés peu ou pas couverts par les principaux acteurs (pe-
rable en baisse voire négative, les frais d’exploitation tites zones de chalandises, cible client, offre best seller...)
(masse salariale et loyers) pèsent de plus en plus sur les avec une proposition de valeur singulière, de l’agilité dans
comptes d’exploitation. De plus, les frais de structures et les modes de fonctionnement et les investissements tout
les frais marketing ont significativement cru ces der- en garantissant des niveaux de prix accessibles.
nières années compte tenu des enjeux d’accélération et
de transformation (digital, omnicanalité, IT, internatio-
nal…). L’ensemble de ces facteurs ont dégradé des EBITDA
historiquement plutôt à 2 chiffres
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 125
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
ZOOM N° 1
LES ACTEURS
MILIEU DE GAMME
Caractéristiques communes des acteurs
traditionnels du milieu de gamme
Les acteurs traditionnels du segment milieu de gamme Les « modèles gagnants » milieu de gamme de plus de
sont « en résistance » depuis près de 10 ans. Leur modèle 50 M€ de chiffre d’affaires connaissent en moyenne une
est fortement challengé : désirabilité des marques, sin- croissance relativement lente de leur chiffre d’affaires
gularité de l’expérience client, flexibilisation du modèle comparativement aux autres segments (1 à 12 % par an).
marchandise et activation de relais internationaux. Le
processus de transformation est en cours mais s'avère Ils atteignent en moyenne le palier de 100 M€ de chiffre
lent et coûteux compte tenu de la taille des actifs, du besoin d’affaires une dizaine d’années après avoir passé le cap
élevé de financement et de transformation culturelle. des 50 M€ et celui des 250 M€, 10 – 15 ans après celui de
100 M€.
Dans cet écosystème, des marques plus niches par-
viennent néanmoins à émerger. Il s’agit de marques qui
apportent une singularité et une alternative sur le marché
(ex : Jott) et des marques ou distributeurs axés sur le
streetwear (ex : La Boutique Officielle). La question stra-
tégique pour ces acteurs, reste celle de la masse critique
et la trajectoire de développement.
629
475
339
241
172
123
81
50 44 54
24 833
8 12 89 12 17
Enjeux clés des acteurs au chiffre d’affaires compris entre Enjeux clés des acteurs au chiffre d’affaires compris entre
50 et 100 M€ 100 et 500 M€
Des marques tirent leur épingle du jeu. Certaines ont dé- L’affirmation de leur singularité sur le marché
ployé un modèle « phygital » extrêmement novateur, agile
avec de bons profils de rentabilité. Leur promesse rejoint Les modèles gagnants DNVB ont réussi à créer et à capter
les nouvelles attentes consommateurs de consommation une cible client niche (ou moins exposée à la concur-
responsable, « moins mais mieux », de qualité/prix abor- rence) et à développer une proposition de valeur singu-
dable … qu’elles exploitent via l’animation de leurs commu- lière. Ils ont créé de la proximité via des approches com-
nautés. D’autres market place de sport (Colizey, I-run, Pri- munautaires puissantes et largement animées.
vatesportshop - fondé sur un modèle de vente privé), de
lingerie sont également très performantes sur ce segment Ces acteurs ont aussi la capacité de repérer les modes,
de marché. La start-up française Colizey a levé en mai de détecter les futurs succès et de renouveler leur offre.
2020, 2,5 M€ (notamment auprès du basketteur Tony Le temps de design-to-sales peut, grâce à l'intégration
Parker) pour accélérer son développement : elle propose verticale de la chaine de valeur, se situe entre 2 et 4 mois.
aujourd’hui 150 000 références de sport avec pour objectif Cette réactivité aux tendances est un atout clé face à une
de doubler ce chiffre au cours de l’année à venir38. clientèle, notamment celle des millennials, très volatile.
Grâce à leur cible clients plus large que celle des DNVB La question qui se pose alors pour ces acteurs digitaux
Premium et luxe abordable, les DNVB milieu de gamme milieu de gamme est celle de leur taille critique : com-
ressentent moins le besoin de développer une expérience ment dépasser le cap des 50 millions d’euros de chiffre
client physique. Ainsi, la retailisation de ces marques est d’affaires sans inflation des coûts marketing (acquisition
beaucoup moins systématique que pour les DNVB Pre- de trafic, gestion des cohortes, recrutement, etc.) et
mium et luxe abordable. diluer significativement la marge ? Le développement
(infrastructures IT, structure et organisation, plateforme
Ces acteurs ont une organisation très lean et une ap- logistique) est lié à la question du financement.
proche marketing (même digitale) très frugale notam-
ment sur les coûts d’acquisition. Ils fondent leur stratégie Des pistes sont à étudier : approches partenariales avec
digitale sur des approches communautaires puissantes les marques blockbusters génératrices de trafic ou avec
via les réseaux sociaux (Instagram, Snapchat, Facebook), des acteurs physiques (concession), internalisation / ex-
en contact direct ou encore via les commentaires postés ternalisation d’activités (make or buy). AdoreMe, dans un
directement sous leurs produits. Leurs coûts marketing contexte de levées de fonds successives, a investi 10
se situent entre 5 % et 12 % de leur chiffre d’affaires, entre millions de dollars dans la construction d’un entrepôt
2 % et 5 % en moyenne pour les marques de lingerie dernier cri près de New York, afin d’optimiser sa gestion
comme Glamuse (10 millions d’euros de chiffre d’affaires des flux logistiques.
en 2018 et une croissance annuelle du chiffre d’affaire de
50 %), ou encore AdoreMe, la DNVB américaine de linge- L’EBITDA se situe autour entre 7 % et 20 % du chiffre
d’affaires
rie (qui a dépassé le seuil de 50 millions d’euros de chiffre
d’affaires, atteignant près de 84 millions de dollars de
chiffre d’affaires en 2016.)39
Le segment d’entrée
de gamme
CARACTÉRISTIQUES COMMUNES
Caractéristiques communes des acteurs du segment Panorama des acteurs
d’entrée de gamme
La promesse de choix, d’accessibilité et la masse critique
Le segment d’entrée de gamme repose sur un modèle (acteurs avec des chiffres d'affaires supérieurs à
d’écoulement de masse : prix « entrée du marché » ou 250/500 M€) sont les dénominateurs communs. Le
EDLP (EDLP = every day low price), des taux de marge modèle « GSS »40 s’appuie sur un réseau de magasins en
brute faibles, une pression constante sur les coûts d’ex- périphérie (Gémo, La Halle, Kiabi) ou centre commerciaux
ploitation et une massification (réseau, volume d’achat, (Primark, Lefties). Des surfaces de 1 500 à plus de
…) pour être rentable. Les acteurs ont progressivement 10 000 m², des magasins à moins de 20 km de chaque
« industrialisé » leur chaîne de valeur et leur modèle. Des famille française, des collections de plusieurs milliers de
« dérèglements » sont apparus, vecteurs de risques pour références, à un prix moyen généralement inférieur à
certains ou d’opportunités de réinvention pour d’autres : 20 €.
baisse du trafic, perte d’attractivité de certaines zones
périphériques, pression promotionnelle croissante, nou- Leurs concurrents directs sont les grandes surfaces ali-
veaux concurrents, nouvelle génération de consomma- mentaires et les destockeurs/discounters qui ont accélé-
teurs avec une exigence croissante au-delà du prix ré significativement leur prise de part de marché ces 3
(style, engagement, services, ...). Comme pour les autres dernières années (Action, Stockomoni et le britannique
segments de marché, l’internationalisation et la digitali- B&M repreneur de Babou). Ils offrent une alternative avec
sation sont des voies stratégiques de croissance pour une implantation tactique dans des petites zones de cha-
compenser une croissance à périmètre comparable sta- landise, rentables compte tenu des surfaces réduites, une
gnante. Les degrés de maturité et de réussite sont offre multi-catégories avec une collection Mode / textile
hétérogènes. courte et premier prix.
EN UN CLIN D'ŒIL
Entrée de gamme
Définition retenue
Un prix moyen
< 30 €
Une massification du volume
d’achat et du réseau
Un promesse d’accessibilité :
Mode / Prix / Style
6 % 12 %
40 % 80-100 %
de CA max. international de CA retail
EBITDA en % du chiffre d’affaires
(GSS)
Une stratégie de distribution
un EBITDA compris en moyenne Un modèle GSS traditionnel en presque exclusivement focalisée
entre 6 % et 12 % du chiffre d’affaires France reste concentré sur le sur le canal retail.
marché national. Pas de distribution wholesale
et une faible part de digital,
bien que croissante (0-20 %).
Illustration de marques
Action — Alibaba — Amazon — B&M — Boohoo — Carrefour — Fashion Nova — Gémo — Jennyfer — Kiabi —
La Halle — Leclerc — Lefties — Pimkie — Primark — Stockomani — ...
132 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE PARTIE 1 PARTIE 2
41. Acteur Brick & mortar : acteur dont le modèle s’appuie sur un réseau
de magasins physiques
LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 133
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
FICHE PRATIQUE
Comment
réinventer un
modèle de masse
rentable et
responsable ?
• « Choisir ses combats » pour accroître la singu-
larité de positionnement
ZOOM N° 2
PÉPITE
Fashion Nova, un
L’offre de produit est large et s’adapte aux différentes
morphologies. La collection « curve » est mise en valeur
par des mannequins grande taille et représente près de
succès à l’encontre 39 % du chiffre d’affaires de prêt-à-porter féminin de la
marque (vs. 12 % pour Forever 21).
Indice de nouveauté
Sur la base du nombre de nouvelles pièces disponibles en ligne par semaine aux États-Unis Forever 21 Boohoo Fashion Nova
2 400
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LES MARQUES LE SEGMENT PREMIUM LE SEGMENT MILIEU LE SEGMENT D’ENTRÉE 137
DE CRÉATION ET LUXE ABORDABLE DE GAMME DE GAMME
© Institut Français de la Mode - Jean Picon / Say Who
138 LES NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES DE LA MODE
Mise en perspective
des modèles gagnants
post-crise
Une redéfinition du paysage et des modèles est à prévoir Certains acteurs pourraient être fortement à risque dans
sur chaque segment de marché. Certains modèles appa- les mois à venir : les jeunes marques de création, au-
raissent relativement résilients pour traverser la crise et jourd’hui très dépendantes d’un canal wholesale en
se redéployer. D’autres sont plus exposés voire menacés. grande souffrance avec la crise, mais aussi des marques
Quel que soit le modèle, les changements de paradigmes de création très concentrées géographiquement, ne bé-
imposent de se requestionner sur les fondamentaux : néficiant pas de débouchés suffisamment internationali-
sés. La digitalisation (réseaux sociaux, site en propre,
• Raison d’être salons online, revendeurs, plateforme) devient une prio-
• Profil, rythme et financement de la croissance rité absolue.
• Agilité des organisations Sur les segments luxe abordable, milieu et entrée de
gamme, les modèles très retailisés avec une pénétration
• Variabilisation des coûts et culture du cash internationale faible sont également à risque. Comment
couvrir les frais d’exploitations avec un niveau de com-
Depuis les premiers jours de la crise, la gestion du cash
plexité accrue et des perspectives de reprise limitées ?
est déterminante pour permettre le plan de continuité et
Les plans de rationalisation du réseau et plus largement
le redéploiement.
d’économies semblent inéluctables. La réinvention s'im-
Les modèles les plus résilients ont des fondamentaux pose à court terme : redonner du sens à la marque, de la
solides : résultats d’exploitation positifs, gestion saine valeur au produit, assumer de réduire la voilure et reprio-
voire conservatrice de la trésorerie et structure capitalis- riser pour mieux se redéployer. Une transformation éco-
tique capable de provisionner des réserves suffisantes nomique mais également culturelle !
pour les prochains mois.
Conclusion
Cette étude ouvre des perspectives de renouvellement
pour la filière.