Proteines Fluorescentes Cours

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PROTEINES FLUORESCENTES POUR

L’EXPLORATION CELLULAIRE
________________________________________________
Catherine Leclerc, Chargée de recherche CNRS
Marc Moreau, Directeur de recherche CNRS
Centre de Biologie du Développement, UMR 5547, Université Paul Sabatier, 118 route de Narbonne,
31062 Toulouse CEDEX 09
[email protected]
[email protected]
_______________________________________________

Les protéines fluorescentes peuvent être utilisées pour étudier des fonctions biologiques sur des
cellules ou tissus fixés mais aussi pour réaliser des mesures dynamiques sur des cellules en culture ou
organismes vivants. Ces protéines ou sondes fluorescentes permettent de suivre des modifications
de concentration ionique (pH, Ca2+…), d’étudier des interactions protéines-protéines, des
modifications de l’état de phosphorylation des protéines, de suivre des processus de translocations
de protéines, d’activation de gènes…
Dans le cadre de ce cours nous ne présenterons que l’utilisation des protéines fluorescentes pour des
mesures dynamiques.

1- Structures des protéines fluorescentes


1.1 La Green Fluorescent Protein (GFP) et les variants
L’histoire des protéines fluorescentes en biologie commence véritablement en 1962 avec O.
Shimomura qui s’intéressait aux animaux bioluminescents. O. Shimomura a isolé et étudié les
propriétés d’une protéine issue de la méduse Aequorea victoria émettant une fluorescence verte (la
Green Fluorescent Protein ou GFP) (Shimomura et al., 1962). Cette histoire s’est poursuivie avec le
clonage de la GFP en 1992 par D. Prasher (Prasher et al., 1992) et c’est à partir de cette date que
l’utilisation de la GFP en biologie prend son envol avec M. Chalfie et R. Tsien. L’ensemble de ces
travaux sera récompensé en 2008 par un prix Nobel de chimie décerné à O. Shimomura, M. Chalfie et
R. Tsien (Shimomura, 2009).
La GFP appartient à la superfamille des protéines contenant un tonneau  composé de 11-
feuillets  et d’une hélice  (Fig. 1)Cette structure est compacte et très stable. Le chromophore de
la GFP est codé dans la séquence primaire de la protéine, constitué par les acides aminés Ser65,
tyr66 et glycine 67. Il est attaché à l’hélice et complètement enfoui dans le tonneau .

Fig. 1. Structure de la GFP Fig. 2. Spectres de la GFP et de la EGFP

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Une autre caractéristique de la GFP, les extrémités N-terminale et C-terminale sont
accessibles pour la fusion avec d’autres protéines. La GFP est considérée comme un monomère mais
peut former des dimères à forte concentration en protéines. Cette structure en tonneau  est
conservée chez toutes les protéines fluorescentes découvertes jusqu’à présent, elle confère une très
grande photostabilité à la protéine.
Les propriétés de fluorescence de la GFP dépendent de l’ensemble de la séquence primaire
de la protéine (Shimomura, 1979) ; cette caractéristique est due à sa structure compacte en tonneau
. Des approches de mutagenèse ont permis d’introduire des substitutions au niveau du
chromophore et/ou dans la séquence loin du chromophore et ainsi de modifier les propriétés
spectrales de la protéine et d’améliorer l’efficacité de maturation de la protéine, d’expression dans
différents systèmes cellulaires, en particulier chez les mammifères, pour des températures
physiologiques. Ainsi, la GFP utilisée actuellement en biologie est la EGFP (E pour Enhanced). La EGFP
a été obtenue, en particulier, par substitution de la serine65 du chromophore par une thréonine ;
cette substitution entraine une modification des spectres d’excitation et d’émission (Fig. 2). 4
variants, indiqués par E (enhanced), ont été initialement construits, EGFP, EBFP, ECFP et EYFP. Depuis
le début des années 2000 de nombreux variants ont été obtenus à partir de la GFP d’Aequorea, la
plupart sont des monomères et couvrent le spectre d’émission du bleu au jaune soit de 424 à 530 nm
(Day and Davidson, 2009).
Depuis la GFP, d’autres protéines fluorescentes (FP) ont été clonées à partir d’autres organismes
marins appartenant aux Anthozoaires (coraux, hydres). En particulier une FP avec une émission dans
le rouge: La DsRed avec un pic d’émission à 580 nm pour une excitation à 558 nm (Matz et al., 1999).
La DsRed forme un tétramère très stable, chaque monomère a une structure similaire à celle de la
GFP (Fig.3).

Red Fluorescent Protein (DsRed) Chromophore de la DsRed


(Matz et al, Nat. Biotechnol. 1999, 17; 969-973) 4
1- torsion
2- cyclisation entre Ser / Gln & Gly
Tétramère (120 kDa, 4 x 225 aa). chaque 2 3 3- dehydrogenation (formation
monomère est un tonneau- comparable à la noyau imidazole)
GFP (22%). Chromophore est formé des acides 4- oxydation Tyr
aminés 66-68 (Gln-Tyr-Gly)
5- dehydrogenation au niveau de
Discosoma s.
Gln

excitation, 558 5 Conversion vert rouge


Intensité relative

Émission, 583

400 500 600 700

(nm)
Verkhusha & Lukyanov, Nature Biotech 2004
350 400 450 500 550 600 650 700
GDR 2688
 (nm)
Fig. 3 Structure de la DsRed Fig. 4 Maturation de la GFP et de la DsRed

Actuellement une centaine de PFs dérivées soit de la GFP soit de la DsRed (red-FP, RFP) sont clonées,
L’ensemble de ces FPs donne accès à une palette de couleurs allant de 456 à 655 nm c'est-à-dire du
violet au rouge lointain (Newman et al., 2011).

1.2. Maturation de la GFP


Contrairement à d’autres types de pigments, Les GFP et GFP-like forment des chromophores
sans nécessiter la présence de co-facteurs ou d’une activité enzymatique externe ou encore d’un
substrat particulier autre que l’oxygène moléculaire. Le chromophore résulte d’une modification
post-traductionnelle, il se forme spontanément. La structure du tonneau  peut être considérée
comme une enzyme capable de modifier les acides aminés du chromophore. Il s’agit d’un mécanisme
de repliement et de réarrangement intramoléculaire comprenant 4 étapes (Fig.4) : (1) réarrangement
du chromophore par torsion, (2) cyclisation, (3) déshydratation, (4) oxydation. C’est à la fin de ce

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processus que la protéine devient fluorescente. Dans le cas de la GFP native, l’ensemble de ces
processus dure environ 2 heures (Brejc et al., 1997), par contre dans le cas de la EGFP, la
fluorescence est détectable dès 8 minutes et maximale à 25 minutes (Cormack et al., 1996). La
maturation de la DsRed est très lente (11hr), comme pour la EGFP des variants « rapides » ont été
développés (Strack et al., 2008). Dans le cas de la DsRed, une étape supplémentaire (Fig. 4) conduit à
la formation d’un chromophore « rouge ».

1.3. Autres caractéristiques des FPs


Le tableau de la figure 5 présente les propriétés des FPs les plus courantes. Ces propriétés
conditionnent le choix de la FP en fonction du système biologique et des questions posées.

ex. em. Q. Brillance pH Maturation Photo-


Structure Yield stabilité (s)
(nm) (nm) (% EGFP) sensible
Variants GFP-Aequorine
GFP wt m* 395/475 509 0.77 48 stable
EGFP m* 488 509 0.60 100 5.9 +/- < 15 min 174
Emerald m* 487 509 0.68 116 Très faible
ECFP m* 439 476 0.40 39 stable
Cerulean m* 433 475 0.62 79 stable ND 36
EYFP m* 514 527 0.61 151 sensible ND 60
mcitrine m 516 529 0.76 174 5.7 ND faible
Variants Protéines Fluorescentes
mOrange m 548 562 0.69 146 sensible 2.5 h 9
tdTomato m 554 581 0.69 283 4.7 1h 98
DsREd t 558 583 0.79 178 4.7 ~ 10 h 16
mRFP1 m 584 607 0.25 37 stable <1h 8.7
mStraw. m 574 596 0.29 78 stable 50 min 15
mCherry m 587 610 0.22 47 stable 15 min 96
mPlum m 590 649 0.10 12 < 4.5 53 53
mKate2 m 588 635 0.40 74 5.4 < 20 min 93

Fig. 5 Propriétés de certaines PFs. La brillance est définie comme le produit du rendement
quantique (Q yield ; reflète l’efficacité de fluorescence) par le coefficient d’extinction
(probabilité d’absorption d’un photon) de la molécule.

En particulier, le temps de maturation et la sensibilité au pH peuvent être des facteurs


limitants. La photo-stabilité de la FP est aussi un critère important lors d’observation de longue durée
ainsi que pour la quantification. Certaines FPs peuvent former des agrégats et présentent donc des
problèmes de cyto-toxicité, en particulier pour les formes tétramériques (Strack et al., 2008). Le
matériel d’observation conditionne aussi le choix d’une FP (filtres d’excitation et d’émission adaptés).
Les FPs émettant dans le rouge (RFPs) présentent un certain nombre d’avantages en particulier,
diminution de l’autofluorescence et de dispersion de la lumière, réduction de la photo-toxicité. Ces
RFPs sont donc bien adaptées en imagerie in vivo et dans le cas d’observations profondes dans des
tissus.

1.4. Les PFs activables


Les études réalisées sur la structure et la formation des chromophores de la GFP et de la
DsRed ont permis de construire des mutants particuliers qui peuvent être photo-activables (comme
PA-GFP), photo-convertibles comme EosFP ou encore photo-commutables comme la protéine
Dronpa, IRIS-FP (Fig. 6). La photo-conversion de PA-GFP permet de passer d’une forme non
fluorescente vers une forme fluorescente, elle résulte de la décarboxylation du résidu Glu222, suivi
d’une conversion du chromophore vers une forme anionique. La photo-conversion permet de passer

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d’une forme qui fluoresce en vert (type GFP) vers une forme qui fluoresce en rouge (type DsRed).
Cette photo-conversion est due au clivage d’une liaison au niveau de l’Histidine 62, qui conduit à la
formation d’un noyau imidazole. Contrairement à la photoactivation, la photo-commutation est un
mécanisme réversible, cette réaction implique la cis-trans photo-isomérisation du chromophore
(Shaner et al., 2007).
Protéines Fluorescentes Photoactivables,
Photoconvertibles, photocomutables

PA-GFP (Thr203His)

Kaede, Dendra2,
EosFP

Dronpa, Iris-FP

Fig.6. Mécanismes de photoactivation (A), Photoconversion (B) et de


photocommutation (C). Adapté de Shaner et al, 2007.

2- Applications des Protéines fluorescentes en biologie


Les applications des FPs constituent un domaine en continuelle expansion, il n’est pas question ici de
traiter toutes les applications possibles des FPs. Nous aborderons seulement quelques exemples (Fig.
7).

Fig. 7. Les applications des FPs sont


Explorations dynamiques des fonctions cellulaires
multiples. Les applications les plus
Échange ionique courantes concernent l’expression de
membranaire K+ protéines d’intérêts, leur localisation,
interactions, les mécanismes de trafic
intracellulaire, de translocation. Les
RE
FPs permettent de suivre l’activité
Ca2+ d’un gène. Un aspect important
concerne aussi le développement de
bio-senseurs permettant d’étudier
Trafficking des échanges ioniques, le NO, les
états de phosphorylations…

Gène rapporteur
Localisation Promoteur
translocation
Mitose

28
2.1. Localisations subcellulaires - adressages
L’exploration des différentes fonctions cellulaires nécessite de pouvoir adresser la FP à divers
compartiments subcellulaires. La figure 8 donne quelques-uns des motifs utilisés. Dans certain cas il
est nécessaire de dupliquer le signal de localisation pour avoir un adressage efficace. Ce type de
protéine de fusion nécessite l’utilisation de FPs monomériques car l’oligomérisation peut interférer
avec la fonction normale et la localisation de la protéine d’intérêt.
DsRed-E5 mutant = Fluorescent timer
(Terskikh et al, Science 2000, 290; 1585-1588)

• Mutant de la DsRed (V105A, S197T), tetramère stable


• Changement des propriétés spectrales

0h ~ 1h ~ 10h 18h

Applications
Suivi d’un évènement dans le temps (activité d’un promoteur)
et dans l’espace (trafic intracellulaire)

Fig.8 Motifs de localisation subcellulaire Fig. 9 Principe du Fluorescent Timer

Dans le cas d’études dynamiques, la grande stabilité et le temps de maturation de certaines FPs
peuvent être des facteurs limitants (voir paragraphe 1.2 et fig. 5). La déstabilisation d’une FP est
réalisée en construisant une protéine de fusion contenant un signal de protéolyse ; domaine PEST de
l’ornithine decarboxylase et/ou domaine CDE (Cyclin Destruction Box) de la cyclin D1. Dans ce cas la
demi-vie de la GFP passe de 26 h à environ 5 – 6 h (Corish and Tyler-Smith, 1999) voire 2h (Li et al.,
1998) en fonction de la taille du domaine de protéolyse. Le mutant DsRed-E5 ou « fluorescent
timer » est un mutant intéressant qui permet de dater un événement cellulaire, de suivre par
exemple l’activité d’un promoteur (Terskikh et al., 2000) ou d’étudier la fonction de vésicules de
sécrétion suivant leur âge (Duncan et al., 2003). Comme la DsRed ce mutant est un tétramère, il
présente la particularité d’avoir des propriétés spectrales qui changent au cours du temps (Fig. 9).
Ainsi, initialement les monomères ont une fluorescence verte puis au cours du temps il y a
conversion du vert vers le rouge (Terskikh et al., 2000).

2.2. Biocapteurs fluorescents pour étudier la signalisation cellulaire


La grande majorité de ces biocapteurs fluorescents sont construits à partir d’un couple de FPs et
utilise le phénomène de FRET (voir manuscrit de Serge Mazères dans ce fascicule). Le principe
consiste à réaliser une protéine de fusion composée d’un domaine « sensible » en sandwich entre
deux FPs répondant aux critères du FRET. Le domaine sensible doit à la fois être spécifique du signal
étudié et répondre au signal en modifiant l’efficacité du FRET. Les Fig. 10 & 11 donnent quelques
exemples de biocapteurs. Actuellement il existe une grande variété de constructions permettant de
suivre des variations de pH et de Ca2+ intracellulaires, de potentiel membranaire, d’AMPc et GMPc,
NO, ATP, phosphorylation… (Newman et al., 2011)

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Fig. 10. Biocapteurs de type FRET. A- Modification
Principe d’un biocapteur de type FRET
de l’interaction entre 2 protéines par fixation d’un
Interaction protéine-protéine dépendant
d’un ligand
ligand. La sonde cameleon (type YC6) permet de
Exemples d’applications
A mesurer des variations de Ca2+ intracellulaire. Le
domaine sensible est composé du peptide CKKp et
Cameleon des domaines N et C-term de la calmoduline
(Calcium/CaM)
(Truong et al., 2001). B- La fixation du ligand sur le
domaine sensible induit directement le
changement de conformation. GKI= cGMP binding
Changement de conformation dépendant ou non
d’un ligand domain de la cGMP-KinaseI (Nikolaev et al., 2006).
B
Cas particulier du capteur de potentiel ; il n’y a pas
GTPase (GKI)
ATP ( SU)
de fixation de ligand, c’est la répartition des
Potentiel membranaire
cAMP
charges électriques qui induit le changement de
Frommer et al, 2009
conformation (Sakai et al., 2001).

Fig. 11. A- Le domaine sensible est la cible de


Exemples d’applications
protéase (Ouyang et al., 2008, Xu et al., 1998). B-
A Capteurs sensibles à des modifications post-
Metalloproteinase
traductionnelles permettant de suivre des états de
Caspase phosphorylation (Violin et al., 2003), de
methylation ou d’acetylation (Sasaki et al., 2009).

Modification post-traductionnelle
B

Activité Kinase
Acetylation

D’autres biocapteurs sont uniquement composés d’une seule FP associée au domaine sensible. Dans
cette situation la stimulation induit généralement un changement de l’intensité de fluorescence du
capteur avec des dynamiques plus importantes que dans le cas des capteurs de type FRET. Par
exemple dans le cas des capteurs calciques les dynamiques varient de 1 à 5 entre les capteurs basés
sur le FRET (cameleon type YC) et ceux construit avec une seule FP (type pericam) mais restent très
faibles en comparaison des dynamiques obtenues avec les sondes organiques type Fluo3 (Fig.12).

30
Fig.12 Structure générales des capteurs Calciques double (cameleon) et simple
(pericam) tonneau et comparaison de leur dynamique avec une sonde
calcique organique type Fluo.

Conclusion
Une trentaine d’années sont passées entre la découverte de la protéine GFP par O.
Shimomura et le clonage du gène par D. Prasher. Ce n’est que depuis la fin des années 90 que les
protéines fluorescentes sont devenues des outils clés pour l’imagerie du vivant en particulier grâce à
l’inventivité de R. Tsien qui a transformé les FPs de reporteurs en biocapteurs. L’utilisation de ces
biocapteurs a suivi l’évolution des techniques d’imagerie en biologie (voir le manuscrit de Marc
Moreau dans ce fascicule). Devant la grande diversité des FPs disponibles actuellement, la question
se pose ; Quelle FP choisir, quels sont les critères de choix ? Les paramètres importants à considérer
sont multiples :
 La couleur ( d’excitation/émission)
 Photostabilité
 Brillance
 Maturation (lente vs rapide)
 Sensibilité au pHi
 FRET ou non
…..mais le plus important reste « Quelle est la question biologique ? »

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