Analyse de Données Qualitatives - Krief Et Zardet
Analyse de Données Qualitatives - Krief Et Zardet
Analyse de Données Qualitatives - Krief Et Zardet
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Nathalie Krief
Maître de Conférences
ISEOR, Magellan
IAE Lyon, Université Jean Moulin
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Véronique Zardet
Professeur
ISEOR, Magellan
IAE Lyon, Université Jean Moulin
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Introduction
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1.1.1. Principes généraux
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détient pas la clé de l’univers, mais contribue par son mode de
raisonnement à accroître la rationalité des constructions mentales et
concrètes de la réalité.
La recherche-intervention s’inscrit donc dans une démarche
largement constructiviste de production des connaissances : une
logique intentionnelle, une visée transformatrice, un projet de
changement délibéré (Lewin, 1947) d’une situation donnée (Le
Moigne, 1990).
Les limites les plus courantes, de nature épistémologique et
pratique, attribuées à la recherche-intervention ont trait à l’impact
produit par le chercheur sur son objet d’étude. Néanmoins, nous osons
soutenir que ce n’est plus un biais problématique : selon le principe
fondateur de l’Action Research (Emery et Trist, 1969), il n’est
possible d’accéder à la connaissance d’un système social qu’en
induisant un changement de ce dernier (Allard-Poesi et Perret, 2003).
Les difficultés plus pratiques concernent la durée et l’amplitude des
démarches. En amont du processus d’intervention, le chercheur
négocie la problématique de sa recherche et le dispositif
d’intervention (Berry, 1995), phase qui nécessite un temps long,
parfois « peu compatible avec la demande sociale » (Capgras,
Guilhot, Pascal et Claveranne, 2011, p. 160). Au cœur de la recherche-
intervention, la principale difficulté réside dans la lourdeur
méthodologique liée à la durée des processus, qui doit être
suffisamment longue pour que les phénomènes étudiés aient le temps
de se développer et que le chercheur puisse prendre le recul nécessaire
à une analyse sereine de son objet de recherche (Nobre, 2006). Enfin,
la nature fortement contextualisée des résultats peut aussi apparaître
comme une limite dans le cadre d’une comparaison ou d’une
ANALYSE DE DONNÉES QUALITATIVES ET RECHERCHE-INTERVENTION 215
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ne peuvent être « ni confinés, ni manipulés, ni même naturalisés »
(Moisdon, 2010, p. 216), l’intervention du chercheur modifie l’objet
d’étude. L’interaction entre chercheurs et praticiens engendre une
modification des acteurs, de leur vision, de leurs récits ou encore de
leurs projets. Cependant, « plutôt que de le prendre comme un
obstacle à la connaissance, il faut le considérer au contraire, comme
un moyen de connaissance et même le seul… » (Berry, 1986, p. 200).
De fait, dans une recherche-intervention de type constructiviste, le
chercheur, au plus près des acteurs de terrain, ne peut que « délaisser
la position de l’observateur neutre et détaché » (Perez, 2008, p. 5).
Plus largement, dans une perspective intersubjective, « le chercheur
est rarement totalement étranger et neutre face à son objet d’étude »
(Devereux, 1967, cité par Levy-Tadjine et Paturel, 2012, p. 353).
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Les informations sont multiformes dans une recherche-
intervention. Elles sont collectées par trois techniques principales :
entretiens, documents, observations et revêtent trois formes :
qualitatives, quantitatives, financières. Nous nous intéressons dans cet
article aux données qualitatives collectées par entretien.
Le terme de « données » est ambigu, voire inapproprié car, loin
d’être « données » au chercheur, elles exigent de sa part des
protocoles multiples de collecte, d’extraction et de mémorisation des
informations, parfois complexes à mettre en œuvre. Ces informations
sont contenues dans des notes d’entretiens informels, des notes prises
lors de réunions de restitution des résultats, d’instances de travail
collaboratif au sein de l’entreprise (exemple : comité de pilotage) ou
encore dans des documents collectés, tels que comptes rendus de
réunions, rapports internes ou externes, discours officiels, tableaux de
bord, comptes de résultats, rapports d’activité...
Il est donc nécessaire, pour assurer une certaine fiabilité des
informations collectées, de mettre en place des techniques rigoureuses
de prise de notes. En effet, la collecte et la « capture » des données
doivent être claires pour assurer la traçabilité du raisonnement (Lee,
1998 ; Seale, 1999 ; Gephart, 2004).
Les données recueillies lors d’une recherche-intervention sont,
selon Girin (1986), de deux natures : certaines constituent des
matériaux froids, ceux qui ne sont pas issus de l’investigation en
cours, tels qu’organigrammes, règlements, procédures ; d’autres sont
considérés comme chauds, en ce sens qu’ils sont produits par le
processus d’investigation-même, tels que témoignages, récits,
descriptions obtenus notamment dans le cadre des entretiens, des
séances de travail.
ANALYSE DE DONNÉES QUALITATIVES ET RECHERCHE-INTERVENTION 217
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travaille pour élaborer des matériaux intermédiaires, tels que par
exemple des effets-miroirs, construits à partir de verbatim ou phrases-
témoins.
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L’effet-miroir remplit ainsi deux fonctions : faire interagir les
acteurs entre eux et avec les chercheurs. La présentation orale aux
acteurs de terrain permet de stimuler leurs réactions et d’obtenir de
nouvelles informations sur la compréhension de la situation. Acteurs
de terrain et chercheurs deviennent ainsi partenaires dans l’action et
co-producteurs de connaissances.
L’effet-miroir se distingue de la phase interprétative des
résultats, qui intervient dans un second temps à travers l’expression
d’un « avis d’expert », autrement dit l’interprétation par le chercheur
de l’image obtenue, qui complète l’effet-miroir (le « dit ») par une
analyse contradictoire basée sur le « non-dit ». Les limites de
l’expression orale, telles que les tabous1 par exemple, appellent une
production de connaissances de la part du chercheur consistant en une
véritable interprétation des discours et de leurs limites. En effet, la
distinction claire entre les données et leur analyse constitue un défi et
un critère de qualité important dans les recherches qualitatives (Lee,
1998 ; Deale, 1999 ; Gephart, 2004 ; Krippendorf, 2004 ; Suddaby,
2006).
1. Au sens des termes qui ne doivent pas être évoqués dans les conversations (Savall,
Vallée et Zardet, 2001).
ANALYSE DE DONNÉES QUALITATIVES ET RECHERCHE-INTERVENTION 219
Phrase-témoin 1
…
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Etape 2 : Etape 3 : Etape 1 :
classement des formulation sélection des
phrases-témoins d’une idée-clé phrases-témoins
en thème et générique du (expressions
sous-thème problème des acteurs)
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intervention et recours aux logiciels
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de contenu est vue comme « un ensemble d’instruments
méthodologiques […] s’appliquant à des discours extrêmement
diversifiés, et fondés sur la déduction ainsi que l’inférence » (Wanlin,
2007, p. 249). Les méthodes d’analyse de contenu sont considérées
comme très consommatrices de temps et coûteuses pour l’analyse de
corpus volumineux.
L’étude de la littérature fait ressortir plusieurs méthodes
d’analyse de contenu en regard des objectifs de recherche 4. Dans les
recherches qualitatives, la définition précise des méthodes et
procédures analytiques de recherche constitue un critère de qualité
essentiel (Hammersley, 1992 ; Aguinis, 1993 ; Daft, 1995 ; Lee,
1998 ; Easterby-Smith, Thorpe et Lowe, 2002 ; Gephart, 2004).
L’analyse lexicale vise à repérer ce dont parle un acteur, les mots ou
expressions qu’il utilise, pour procéder à des quantifications ou
mesures lexicales. Le texte d’un acteur/auteur est approché par le
lexique qu’il utilise, à partir des mots les plus fréquemment utilisés.
D’autres approches s’intéressent à la structure du discours, elles sont
souvent dénommées analyses linguistiques. On les distingue des
méthodes d’analyse qualitative centrées sur l’étude du contenu, c’est-
à-dire le sens du discours. L’analyse thématique est donc une analyse
essentiellement qualitative qui vise à interpréter un contenu. Certains
auteurs (Fallery et Rodhain, 2007) y ajoutent l’analyse cognitive qui
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sélectionnées en fonction de l’objet de recherche » (Thiétart, 2007, p.
455). La dernière étape consiste à interpréter les résultats, les
synthétiser et en tirer des inférences (Wanlin, 2007).
Le codage, ou lemmatisation, consiste donc en un processus de
déstructuration puis de restructuration, à une décontextualisation puis
une recontextualisation (Tesch, 1990). Quelles que soient les
méthodes utilisées, l’exploitation du matériau consiste à découper un
texte en unités d’analyse ou unités de sens (mots ou segments), puis à
procéder à l’étude qualitative ou quantitative de ces unités.
Les chercheurs utilisant des méthodes d’analyse de données
qualitatives insistent sur l’existence d’une pluralité de méthodes,
parmi lesquelles le chercheur doit s’efforcer de faire un choix, compte
tenu de ses objectifs de recherche et du matériau disponible. La
posture épistémologique du chercheur est aussi déterminante dans ce
choix, bien que l’on constate avec regret qu’elle est souvent implicite.
Ainsi Blais et Martineau (2006) ont mis en évidence le lien entre la
posture épistémologique du chercheur, ses méthodes de recherche et
son recours aux logiciels d’aide à l’analyse de données qualitatives.
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matériaux.
Explorer
Lexicométrie Concordanciers
Calculer
Montrer
Dictionnaires
et registres
Automates Réflexifs
Analyser
Avantages-atouts Contraintes-risques
Risque d’enfermement de la recherche qualitative
Rapidité de traitement : le logiciel permet
dans un « carcan » en privilégiant une quantification à
d’augmenter la productivité du chercheur et facilite le
tout prix qui se ferait au détriment de l’analyse en
travail de traitement de corpus volumineux (Moscarola,
finesse et de l’esprit critique (Helme-Guizon et
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1995 ; Duyck, 2001 ; Wanlin, 2007).
Gavard-Perret, 2004).
Economie de temps : le logiciel permet de dégager Rigidité de l’analyse : risque d’une lecture et d’une
du temps pour réaliser des tâches à plus forte valeur réflexion contraintes et figées par la structure même
ajoutée (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2004 ; du logiciel et par ses logiques et algorithmes internes
Boutigny, 2005 ; Fallery et Rodhain, 2007). (Helme-Guizon et Gavard-Perret, 2004).
Approfondissements possibles : le logiciel permet
des approfondissements de l’analyse en facilitant le Eloignement chercheur/terrain : l’utilisation du
recours à la statistique (Wanlin, 2007) et au traitement logiciel peut accentuer la distance entre le chercheur
quantitatif (Voynnet-Fourboul, 2002) et en permettant et ses données (Boutigny, 2005) et entre le chercheur
d’analyser des relations complexes entre plusieurs et son terrain (Voynnet-Fourboul, 2002).
données (Boutigny, 2005).
Flexibilité et souplesse : le logiciel apporte une
Primauté du « quanti » : risque que le chercheur
flexibilité dans l’analyse des documents (Voynnet-
oriente ses données vers le quanti (Boutigny, 2005) et
Fourboul, 2002) et l’exploration du matériau empirique
tombe dans une « quantophrénie » (Gauthy-Sinéchal
(Lejeune, 2010) et une souplesse de l’analyse car la
et Vandercammen, 1998), vidant de sens l’analyse
nature du matériau s’adapte aussi bien aux démarches
qualitative (Boutigny, 2005).
inductives que déductives (Duyck, 2001).
Accumulation-capitalisation : le logiciel apporte une
valeur ajoutée d’explicitation et de reproductibilité des
procédures analytiques et d’archivage de l’activité
scientifique (Lejeune, 2010) et donc de transfert de
connaissances.
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classement des phrases, considérées comme des connaissances
contextuelles, dans la base de connaissances génériques et perma-
nentes du logiciel. Ce dernier laisse la possibilité au chercheur de
créer des idées-clés nouvelles pour répondre à des problématiques
spécifiques de recherche. Des traitements quantitatifs simples sont
possibles permettant d’aider à « exprimer le sens des matériaux
qualitatifs et accroître leur valeur ajoutée cognitive » (Savall, Zardet
et Harbi, 2004, p. 2) : fréquences d’expressions par thème, sous-
thème, idée-clé ou par population d’acteurs.
Le logiciel a été conçu dans le but premier de restituer une image
« effet-miroir » aux acteurs du terrain (cf. point 1.3.). Il permet
d’organiser les matériaux du chercheur, de structurer ses notes, de le
soutenir dans son travail de traitement et dans la compréhension de la
situation qu’il analyse, mais il est avant tout construit pour être
présenté aux acteurs de terrain interviewés. L’interface entre l’idée-clé
et la phrase-témoin permet à ces derniers de vérifier, grâce à la
traçabilité, la qualité de la reformulation effectuée par le chercheur à
partir des mots ou expressions-clés émis par eux (figure n°3). Cela
constitue une forme de contrôle de qualité par les acteurs praticiens
(Savall et Zardet, 2004) et permet d’inscrire ces mêmes acteurs dans
une démarche de changement. Le ré-ordonnancement des discours par
Segese engendre, à la pratique, une meilleure interaction qu’une
restitution qui serait plus intuitivement raisonnée. D’une part, parce
que l’effet-miroir met en lumière aussi bien les idées majoritairement
partagées que les idées « minoritaires » ; d’autre part parce que les
idées-clés, surtout lorsqu’elles expriment des dysfonctionnements,
sont mieux acceptées par les acteurs car elles sont associées à des
phrases-témoins émanant d’eux-mêmes et qu’ils ne peuvent donc pas
rejeter.
CONDITIONS DE TRAVAIL
MATÉRIEL ET FOURNITURES
DIFFICULTÉS POUR OBTENIR DES FOURNITURES
« On va inaugurer une Maison de l’emploi mais les enveloppes pour les invitations en
rétribution différée ne sont toujours pas livrées. » (R)
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MANQUE DE MATÉRIEL INFORMATIQUE
« Il y a un vrai manque de matériel informatique au siège comme en Région. » (SC)
HORAIRES DE TRAVAIL
LES HORAIRES DE TRAVAIL NE SONT PAS ADAPTÉS (Parfois)
« L’horaire de l’organisme est un obstacle à une meilleure productivité. Par exemple,
on permet à des agents de venir à 7h30 alors que la clientèle arrive à 10h. » (R)
« Il y a la tradition des horaires à 7h30 alors qu’il n’y a pas de client avant 8h30. Il y a
une heure de travail plus 'cool' par rapport aux agents qui travaillent sur d’autres
horaires. » (R)
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fur et à mesure, selon le principe des outils dictionnaires-registres.
Outre la centralisation de données textes, images ou vidéos
(fonction « sources »), le logiciel facilite le codage et permet de
construire un dictionnaire de thèmes (de la Rupelle et Mouricou,
2009). Ce codage est réalisé à partir des fonctions « nodes » (nœuds) :
rattachement des données sélectionnées (phrases et/ou paragraphes) à
des mots-clés nommés « nœuds » dans la terminologie du logiciel,
constituant des codes (figure n°4). Deux types de nœuds existent : les
« treenodes », organisés de façon hiérarchique et les « free nodes »,
non rattachés à une catégorie particulière. Sur la base des données
codées, le chercheur peut effectuer des recherches afin d’affiner son
analyse ou de tester des hypothèses, et regrouper ses données dans un
« model » permettant de mettre en évidence des relations entre elles
(de la Rupelle et Mouricou, 2009) sous forme de représentations
graphiques. Ainsi, après la segmentation des données, par le biais de
leur catégorisation, celles-ci sont reconstruites dans l’objectif de leur
donner du sens (Averseng, 2011).
228 Nathalie KRIEF & Véronique ZARDET
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Source : Touboul et al., 2011
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l’idée-clé retenue comme code avec Segese exprime un sens et un
niveau de détail plus fin. La codification retenue par Nvivo dans
l’exemple de la figure n°4 : « Représentations et expériences
concernant l’activité physique », représente un thème ou un sous-
thème et non une idée-clé, car elle ne qualifie pas concrètement ces
représentations ou expériences (expression d’un sens précis). On
pourrait retrouver sous cette thématique des perceptions totalement
différentes, voire antagonistes et qui sont de fait mélangées sous ces
mêmes items. Segese procède à une analyse plus fine : sur ce même
exemple, l’idée-clé aurait qualifié les perceptions exprimées :
« L’activité physique est perçue comme bénéfique » ou « L’activité
physique est considérée comme contraignante ».
Tous deux présentent une limite commune : celle de l’instabilité
de la formulation selon les chercheurs.
D’un point de vue plus pratique, Nvivo offre la possibilité de
revenir facilement, et au sein d’un même environnement de travail, au
texte d’origine, puisque le chercheur saisit l’intégralité de son corpus
dans le logiciel et ne fait sa sélection que dans un second temps, alors
qu’avec Segese la sélection est faite en amont de la saisie.
230 Nathalie KRIEF & Véronique ZARDET
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La principale différence entre les deux logiciels réside dans la
traçabilité du processus de codage. Segese apporte cette traçabilité,
qui apparaît comme une condition cruciale dans un processus de
recherche-intervention. En effet, pour s’approprier des résultats
produits par un tiers, les acteurs, chercheurs ou non, ont besoin d’une
traçabilité leur permettant d’apprécier l’interprétation qui a été faite
de leur discours et les « mécanismes » par lesquels ce tiers a abouti
aux résultats présentés. De ce point de vue, Nvivo ne fournit pas, à
notre sens, de traçabilité suffisante entre les matériaux « bruts » et les
résultats de l’analyse6 pour permettre une interactivité cognitive
féconde. Par contre, on pourrait concevoir d’y recourir dans la phase
de construction de l’avis d’expert, consistant à interpréter et décoder
l’expression des acteurs.
Par ailleurs, l’utilisation de Nvivo, telle que nous avons pu
l’analyser dans les publications ayant eu recours au logiciel, ne semble
pas faite pour une utilisation « externe » à la communauté scientifique.
Elle est bien souvent sollicitée pour le chercheur afin de l’aider à
organiser son propre travail, approfondir certaines thématiques, mettre
en évidence des liens et rédiger des publications. Par contraste, Segese
est un outil produisant du sens et de l’interprétation, au sein de
protocoles de recherche-intervention visant l’interaction avec des
acteurs professionnels.
6. On pourra noter que la littérature disponible sur les différents logiciels d’analyse de
données qualitatives est extrêmement parcimonieuse quant aux formes de présentation
des résultats extraits à partir de l’exploitation des matériaux. Cela est probablement le
signe d’un intérêt des chercheurs davantage centré sur le processus de travail d’analyse
des données que sur les formes de présentation des résultats, tant dans la sphère des
acteurs praticiens que dans celle des chercheurs.
ANALYSE DE DONNÉES QUALITATIVES ET RECHERCHE-INTERVENTION 231
Conclusion
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de données qualitatives (ADQAO) peuvent apporter une aide
précieuse au chercheur pour accroître la rapidité de ses traitements,
mais aussi faciliter la stabilité de ses méthodes de traitement.
Cependant, le choix du logiciel ne peut céder aux effets de mode, la
posture épistémologique du chercheur jouant un rôle déterminant dans
le choix. Les logiciels d’ADQAO pertinents dans le cadre d’une
recherche-intervention présentent des particularités. Ils permettent de
produire des résultats d’effet-miroir utilisables sur le terrain pour
stimuler des réactions, des changements, sous une forme accessible à
des « savants ordinaires » (Girin, 1990). Nvivo et Segese sont deux
logiciels d’analyse textuelle qui présentent des similitudes apparentes
dans le raisonnement sous-jacent et le processus de traitement.
Néanmoins, le recours à l’un ou l’autre est très lié à la finalité de la
recherche conduite. Par ailleurs, ils se différencient quant à la
traçabilité du raisonnement scientifique qu’ils restituent.
De nombreux critères de sélection d’un logiciel d’analyse de
données qualitatives ont été mis en évidence : le type de données à
analyser (Coffey et Atkinson, 1996), la tradition de recherche du
chercheur (Trudel et Gilbert, 1999), les caractéristiques et
fonctionnalités des logiciels et du matériel informatique (Mason,
1996 ; Van der Maren, 1997 ; Creswell, 1998 ; Trudel et Gilbert,
1999), les questions de recherche ainsi que le budget disponible
(Wanlin, 2007). Nous suggérons d’en ajouter un essentiel : quel est le
destinataire de la recherche ? Pour qui sont produites ces analyses ?
Quelles actions alimentent-t-elles ?
232 Nathalie KRIEF & Véronique ZARDET
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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ANALYSE DE DONNÉES QUALITATIVES ET RECHERCHE-INTERVENTION 233
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