Archives Berberes: Publication Du Comité D'études Berbères
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ARCHIVES
BERBERES
Publication du Comité d'Études Berbères
de Rabat
CHEZ L E S BERBÈRES
1
Les renseignements recueillis en parcourant les ouvrages con-
sacrés à la dialectologie berbère, auxquels s'ajoutent des informa-
tions personnelles prises dans les dialectes marocains, permettent
de rameaer à trois le nombre des expressions les plus.communé-
ment employées par les Berbères pour désigner la charrue.
Aucune d'elles ne figure dans le vocabulaire des parlers toua-
regs' actuellement connus. En effet, les Berbères sahariens aban-
donnent leurs cultures aux soins des haratin du Touat et du
Tidikeh' et, ceux-ci, ignorant l'usage de la charrue, travaillent la
terre en se servant uniquement du hoyau.
\ R C « . HEHB. 1 9 1 8 . — K A « C . 1 1
asger, pl. isegauen, Metmata, Beni-Snousi. Chez ces derniers
la forme diminutive tasgert se rapporte à « une charrue légère
traînée par un âne ».
Littéralement, ces expressions signifient « bois » ; elles corres-
pondent à l'arabe •ïj», connu des populations du Gharb en bor-
dure du Rif pour désigner à к fois la charrue-et le bois*.
Avec le sens de « bois », asgar est signalé dans un grand
nombre de parlers qui utilisent ou non d'autres expressions pour
nommer leur araire. On trouve au Maroc : asgar, bois : Ait Ndir,
Ait Mjild, Jzayan, Ichqern, Ait Saddea, Ait Yousi, Zemmour;
3
en Algérie : asgar, Zouaoua , Chaouia de l'Aurès, Mzab\ Ouar-
gla = branche, planche; en Libye : asgar, Djebel Nefousa; chez
tes Touaregs : asgar, Ahaggâr; isguretit Àouelimmiden ; esagar,
Sèrgou ; au Sénégal : esiaren, Zenaga.
:
Pàr extension asgctr désigne le « 'pilon » à Tamegrout ; les
« branches d'un arbre » à "Ras el-Oued et chez les Gounâafc.; le
nom d'unité tasgart est le <( figuier » chez les Zemmour ; chez les
Rtferas, comme chez les Bérabers'et les Chleuhs, la forme dimi-
nutive tasgart ainsi que la iorme simple asgar -se rapporte a à la
part de viande provenant d'une tity » c'est-à-dire d'nn achat en
commun d'un animal dont la viande est partagée par un tirage
au sort'.
Appliqué à la charrue le mot asgar signifie donc le morceau
de bois par excellence, tout comme chez les Beni-Snous par
exemple on dit le « fer » 4%$!, pour le soc. Son emploi est carac-
téristique des parlers dont l'aire, limitée au Sud par le couloir de
Taza, ne dépasse pas à l'Est la Mitidja orientale; il importe, -en
I. Blarnay, 'Notice sur Us dial. berb. parlés par Us Ailb Sadden et Us Btni-
Mgild, in Et. sur le dial. des Beçliaua du Vieil Ar-eu, page 2 5 5 .
Î. P. J J u y g h e , Dict. Français-Chaoïiia.
dont le double fer a, d'un côté la forme d'une houe tranchante et
de l'autre, celle d'une pointe; tantôt encore, il désigne les diffé-
rentes parties de l'attelage d'une charrue : colliers, jougs et perche
sous-ventrière.
La preuve que imâssën a bien le sens d'instruments, c'est que
chez les Ida Gounidif, le mot, tombé en désuétude, est remplacé
par son correspondant arabe dans l'expression Imu'ain n-tiir%a,
c'est-à-dire « les instruments de labour », qui comprennent les
divers socs : asier^ et tagursa, la pioche : tagel^imt, et aussi les
fers tasîla., des bêtes de somme attelées à la charrue.
C'est aussi par une expression analogue Imuan, que les Isen¬
hajen, voisins des Rifains, désignent les diverses pièces de leur
charrue.
Ailleurs, dans l'Extrême Sud marocain, à Timgissin (Tlit)
imâssën a le sens « d'outils », un informateur de la tribu des
Goundafa nous dit : « Nous appelons imâssën tous les instruments
qui servent à creuser ».
Bref, il semblerait ressortir de ces constatations, que l'expres-
sion implique l'idée d'instruments ou d'outils en fer; par curio-
sité, rapprochons-la du terme asrnas, qui désigne la construction
dans laquelle le métallurgiste chleuh fait fondre son minerai de
fer.
Imâssën a cependant un sens plus général. Ainsi, chez les
Isb'ain, le mot correspond à l'arabe t^\y ou ^jj^; pour nom-
mer des objets particuliers, ils disent, par exemple : imâssën uag-
mar, la selle et ses accessoires; imâssën unual, les ustensiles de
cuisine, imâssën urgâ%, c'est-à-dire la kommia, le fusil et la sacoche
de tout individu. On dit de même, en d'autres régions, amâssën
n-tiker%a (Imîtek); imâssën n-tiir%a (Indouzal) ou Imâssën n-tiuga
(Imettugan, Iusendal) pour désigner la charrue et ses différentes
parties : soc, timon, traits, jougs et colliers des bêtes de l'attelage.
Sans autre déterminaiif, les Ait Seghrouchen, les A. Warain
et les Ait Ouirra (près du Tadla) donnent exactement ce dernier
sens à imâssën et, sans plus insister, Ton comprend que l'expres-
sion sous une forme du pluriel soit utilisée par les Berabers pour
nommer la charrue, ou plus exactement « les instruments ara-
toires ».
Il est curieux de constater, qu'en dehors de l'important grou-
pement de Berbères du Maroc central, le terme ne soit connu que
des montagnards de l'Aurès et non de ceux du Djufdjcra. Il
1
semble, toutefois, que les Kabyles l'aient jadis employé : en effet,
l'expression arabe Imi'aun (l'instrument), dont ils se servent pour
nommer leur araire, est synonyme de l'expression berbère imdssën ;
il n'est pas invraisemblable de croire à la substitution du terme
berbère par son correspondant arabe, l'usage de la charrue en
Kabylie étant évidemment antérieur a l'arrivée des Arabes.
On peut objecter que Imi'aun est un singulier et imdssën un
pluriel, et que la substitution des termes serait moins hypothétique
si le mot arabe était entré dans le vocabulaire zouaoua avec le
nombre qu'il a en berbère. Cette remarque n'enlève d'ailleurs
rien à la valeur du mot imdssën, dont nous avons voulu tout sim-
plement déterminer l'étymologie, et celle que nous lai donnons
ne paraît guère contestable.
**
Notre troisième groupe d'expressions relatives à la charrue e;t
constitué par un terme aullu et ses variantes :
aullu, charrue; Mtougga, Masst, Todghout, Tafilalt (Abou-
'am).
taullut, forme diminutive; Imitek, Mtougga.
am'iUu, Mtougga, Imi n-tanout, Isb'ain.
taumllut, Igliwa, Goundafa, InsendaJ, Oulabentah (banlieue
de Marakech), Timgissin (Tlit).
awâllu, Intift, Inoultan, Iineghran, Infedouwaq, Igliwa, ImeL-
wan, Tajgalt, Ras el Oued, Dads.
awillu, Todghout.
agùllu, lhahan, Achtouken, Indouzal, Ait Mzal, Tidsi, Ait
Ouagrou, Ida Gounidif.
iigtillit, Ait Ispffen, Indouzal, Ida Ouzeddout, Isaggcn, Tim¬
gicht.
aguâllu, O. Yaya.
agéllu, pl. igt'illa et igéllhuïn, Tazerwalt -.
r
i. D Provotelle, Et. sur h dial. Uro. de la qla'a de Sened.
3. De Motylinski, Le Dj. Nejouxi, p. 126.
Atlas permettent d'établir, avec quelque apparence de raison, la
valeur étymologique des termes cités plus haut. Nous )e faisons
toutefois avec cette réserve qu'il convient d'apporter chaque fois,
qu'en l'absence de documents anciens, l'on se hasarde à vouloir
percer le mystère des mots.
Nous trouvons chez les Izayan un terme tahilit, dont le pluriel
tthtla a le sens « d'ustensiles ». Les Zemmour, les Iguerrouan,
les Ichqern, les Ait Sadden ne connaissent que le pluriel 'Ulula,
1,
qu'il faut rapprocher de ilâlén en usage chez les Touaregs Ahag-
gar et Taitoq, avec le sens de « bagages, d'effets de toute nature u.
Comme imâssèn, dont ils sont synonymes, Ulula et ilâlén affectent
la forme de collectifs pluriels ; est-il invraisemblable de supposer
que le singulier sous la forme aullu, avec le sens d'outil, d'ins-
trument par excellence, ait été, par l'usage, réservé pour désigner
la charrue?
PaF ailleurs, si avec quelque certitude, on fait dériver imâssèn
d'un verbe mas (Ntifa) ; mussuetsmussu* (Touareg) « se remuer,
remuer » et, si ilâlén avec le sens de « bagages », c'est-à-dire
d'objets que l'on déplace, peut être rapporté à un verbe ail, lever
(Ntifa) impliquant lui aussi l'idée de mouvement, le rapport
de sens entre imâssèn, ilâlén et aullu apparaît moins hypothétique
encore. En définitive, ces termes seraient de formation analogue
au français meuble et mobilier, qui dérivent du latin •moHlis,' de
même famille que mavere, remuer, mettre en mouvement.
Notre conclusion est que aullu signifierait « instrument p et
aurait exactement pour correspondant le terme arabe Imi'aun
qui, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, s'est substitué en
Kabylie au terme berhère tombé en désuétude,
***
Tous les parlers berbères, hormis les touaregs et pour les rai-
sons données ailleurs, connaissent ce verbe. Des lettres radicales
de la racine K R Z , la palatale est sujette à modification, elle s'af-
faiblit en k puis en / particulièrement dans les dialectes du Nord
et du Centre où la tendance au spirantisme est si marquée. On
trouve : hrx, Ntifa, Inoultan, Igliwa, Imesfiwan, Goundafa,
Ihahan et la plupart des parlers du Sud-Marocain apparentés à la
tachelhair&>x\ Tazerwalt ; ëbre^, Bougie, Zouaoua; ëkrex, Beni
3 x
Iznacen , Zkara, Metmata, Beni Salah, Izayan, Ichqern; ësre^ ,
Beni-Snous, Ait Ndir, Ait Mjild; ire^, Rif, Bettiwa, Betiiwa du
Vieil Arzeu', Ait Ouirra (Tadla) ; ~serz_, f. h. tira*, Ait Seghrou-
5
chen, A. Warain; ësrej, Kef; sa^, Temsaman (Rif).
Du thème KRZ dérivent un grand nombre d'expressions que
nous allons successivement examiner.
a) C'est d'abord le nom verbal avec le sens de labour ou de
culture : takaza, Bougie\taktr^a, Beni iznacen, Zkara, Metmata;
# *
Si l'on se reporte aux données fournies précédemment par
l'étude de mot imâssën, l'on constate que certains Chleuhs
désignent à la fois, sous cette appellation, la pioche agclqm* et le
soc tagursa. Serait-ce se hasarder que de faire dériver d'une même
racine K R Z (ker() ces deux termes, au premier aspect, d'origine
différente ?
Les deux schèmes G L Z de agtlxim et G R S de tagursa, ren-
ferment des radicales L et R, Z et S qui permutent fréquemment
bution en nature que versent les fellahs â l'époque des battages. Chez les
Ntifa, ce salaire porte le nom de tamaiat.
1. Renseignements fournis par M. Biarnay.
2. Selon les régions le mot désigne une pioche, une hachette ou un instru-
ment composé de deux fers ayant l'un la forme d'une pointe, l'autre' celle
d'une hache. La h o u e est généralement appelée amaiir par les Chleuhs et les
B e r a b e r s , et la binette tàlgadumt (Ntita et Chleuhs) algun, aijûgun ( F e r a b e r s ) .
entre elles. D'un autre côté, il paraît inutile de souligner le rap-
port de sémantique existant entre la pioche et le soc. Ajoutons
enfin que l'aire d'extension du mot agûzim est plus grande encore
que celle du mot tagtirsa ; les Touaregs, en effet, connaissent le
premier et ignorent le second : leurs cultures, avons-nous dit, se
font à la houe agelhim, mot mis pour agel^im, la permutation du %
et du h constituant, comme l'on sait, un des caractères de la pho-
nétique des parlers touaregs.
U resterait à déterminer la valeur et le sens de la terminaison itn
que nous avons jusqu'ici négligée. Or, le vocabulaire berbère
offre une liste assez importante de substantifs terminés par une
désinence im, assimilée par quelques grammairiens à une parti-
cule post-formative de noms collectifs'. Le terme agelhim doit-il
être considéré comme un composé obtenu par un procédé ana-
logue? Disons que cela est loin d'être certain ; toutefois, rien dans
l'état actuel de nos connaissances dialectales ne vient confirmer
ou infirmer cette hypothèse.
Enfin, dans les régions du Dads, de Todghout et du Haut Drâ
où l'usage de la charrue est inconnu ou du moins très rare, les
paysans disent ; nhrx. s-agâgim (Dads) ou s-agel^im (Todghout)
et s-îgel^am (Ait Atta Oumalou) : « nous labourons ou cultivons
à la pioche ». A Tamegrout, l'expression tiirza, nom verbal de
ker^' labourer, s'applique au « labour fait au noyau ».
Si le rapport étymologique entre les trois termes hr% labourer
et tagursasoc, d'une part, et agelhim, pioche, houe, hoyau, d'autre
part, n'est pas démontré, on peut dire cependant qu'il n'apparaît
point invraisemblable.
Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de l'établir pour être amené à
cette conclusion que les Berbères ont connu une longue période
de culture à la houe avant d'utiliser leur charrue et que celle-ci,
en définitive, n'est qu'une houe modifiée de manière à pouvoir
être traînée par des animaux. En ce qui concerne le premier point,
l'on sait que les Guanches, Berbères des îles Canaries, cultivaient
3
le blé sans se servir de la charrue .
En tout cas, il importe d'insister sur les résultats fournis par la
dialectologie berbère et la linguistique comparée ; ils se résument
en ceci : les termes relatifs à l'instrument primitif, houe ou cro¬
i. S t u m m e , Ta.yrv.Htlt, p. 3 5 .
2. GsèSI, Histoire ancienne de l'Afiu:tu du Nord, p. 2 3 7 .
cbet, san!d'origine berbère; ceux relatifs aux parties accessoires
qui le transformèrent en araire es. permirent d'utiliser la force de
traction ides bœufs d'abord, puis des antres bètes de somme plus
tard, scot d'origine étrangère et précisons, latine. C'est d'ailleurs
•par l'examen des appellations relatives aux différentes pièces con-
stkuxiwes des divers systèmes d'attelage de la charrue berbère que
nous poarsuiwoas cette étude.
*
Le corps de la charrue, à la fois sep et maodie, est une tige
coudée cf-une -seule -pièce, rarement de deux réunies au moyen
de fortes chevilles. Certains Berbères l'appellent d'un nom que
d'autres réservent à la charrue : agéllu ou agàllu (Ida Gounidif,
Isaggen, ïndouzal); awiillu (Ait Ouirra); abuddju (ïsenhajen).
Cependant les appellations suivantes lui sont plus fréquemment
appliquées : tisilef, Zouaoua; tisîli, Ait Sadden, Z»;mmour, Ait
Seghrouchen, Ichqern; tisîli, imesfiwan; hasîli, pl. hisiliwin,
l
Chenoua^ tisir ~, Ah Ndir; tisirïï, Ait Seghrouchen; tsili, A. Wa-
rain; îisîdjr, Izayan, Ait Yousi; tsîrT, Rif, tisîdi, Ait Ayach; tasîla,
Hiahan, Id Ou Bra-him, Masst, ïmejjad, Ithamed, Induzal, Tim-
gijcht; siri, Chaouia deTAurès*.
Ces expressions doivent être considérées comme dérivées d'une
racine qui a-fourni : tisîli, Ait Ndir, fer à cheval ; tisilt, pl. tisîla,
Ntifa, chaussures, sandales, semelle, fer à cheval, plante du pied,
paTtie du pied ou du sabot en contact avec le sol.
Notons encore pour désigner le corps de la charrue : tagâsîst
ti'tuulut, Imiteket des dérivés de l'arabe J J ¿ : Ig'ad, Ntifa, Ig'alt
üullu, Tafilalt ; Ig'ada, Mtougga.
L'extrémité du sep, généralement appelé Ils, mot à mot
« langue », sert de support au soc. Enfin le manche est simple
et non double comme l'était celui de la charrue égyptienne. Il
porte des noms divers selon les régions ; signalons :
rt/z«,'Ntifa, littéralement : main, et par extension : poignée, bras,
manche ;
afiisn-wâllu, Imesfiwan; ajus uûllu, Mtougga;
afus n-uâllu, Ras el-Oued; ajus n-uwîlhi, Todghout;
afus uktrra-^, Beni Salah; afus n-tsili, Zemmour, Ait Bou Zem-
mour ; Ait Ndir; Ait Sadden ;
i , L i b y a n notes. C i . supra.
a/us n-tsljï Izayan ; apis n~ishli, Ait Ayach ;
afus ûusgar, Beni Salah ; /us nsgar, Rif; tafttist, Zouaoua, dimi-
nutif dtafus.
Les termes qui suivent signifient littéralement « queue » ; ils sont
particuliers aux dialectes du Sud : addkku, Achtouken (Tins'aid) ;
adi'tkko, Id Ou Brahim, Imejjat; adâkkù, O. Noun; adùkhiî,
Achtouken; dàkku, Ihahan; dakuk, Aitlsaffen; dikkuk, Indouzal,
Insendal, Tidsi; dikkuk, Timigijcht; dékkuk, Ida Gounidif;
agâttu, Masst, par métathèse du d devenu t, et du k changé en g;
agtlttû, Indouzal; fabasà, Ichqern, d'une racine différente mais
synonyme des expressions précédentes.
H faut encore signaler : idrï n-tudllut, Timgissin (Tlit) ; iver-
rihi (Isaggen) ; tnayen n-skket, Berrïan (Mzab^, \\n. « l'outil ou
l'instrument de la charrue », terme arabe qui s'est substitué à son
correspondant berbère : agallu ou aidlu, tombé en désuétude
dans le parler.
**
L'araire berbère n'a ni coutre, niversoir, mais est généralement
pourvu d'oreilles qui élargissent le sillon, et brisent les mottes
sans cependant retourner la terre simplement grattée et soulevée.
Chez les Berabers (Zemmour, Iguerrouan) et les Zaers, ce
sont deux simples chevilles obliquement encastrées dans le sep et
reliées par des cordes ; tandis que chez les Ichenouain et les Beni-
Menacer, il ne subsiste de ce système qu'une seule cheville per-
pendiculairement engagée dans l'épaisseur du sep.
La charrue du Sous, comme celle des campagnes de Demnat
et de Marrakech, ne connaît ni l'un ni l'autre de ces dispositifs,
toutefois des planchettes fixées à plat contre le sep remplissent le
même rôle. Chez les Ida Gounidif, le système en usage, bien que
plus simple encore, est plus perfectionné : il consiste en deux plan-
chettes mobiles que le paysan introduit, au moment de labourer,
entre le sep et les ailerons du soc.
Chevilles et planchettes ont reçu diverses dénominations :
1
imc^gan ugdllu, Indouzal, lut. les « oreilles de la charrue » ;
iirw&ûgëii, Zouaoua; amegtig, pl. imjjan, Zemmour, Aie Segh-
rouchen, A. Warain; Ait Yousi; imejji, pl. imejjan, Chaouia de
l'Aurès.
1. Pour le développement de cette racine, voir R. Basset, Ni'dromab et la
Traras,-p. 42-4?.
— lé —
Les parlers du Sud emploient d'autres termes : tiSsaf, Ntifa ;
tisi'saj, Ihahan; ti'susaf, Tidsi, Achtouken, Ida Gounidif; tsiiijt,
Ait Bou Oulli.
1
Les Kabyles du Djurdjura ont l'expression : asmusu , pl. îsmusa,
sans doute dérivée du verbe smas (Ntifa) « remuer », forme fac-
titive de mas déjà signalée.
*
* *
La flèche est consolidée sur le sep par un système de chevilles
qui tout en renforçant l'appareil lui assure plus de stabilité. Les
expressions employées pour le désigner n'offrent rien de particu-
lier. L'ensemble du système porte, dans les parlers du Nord et du
Centre, le. nom de trakib. Ait Ayach, Izayan, Ait Bou Zemmour,
Ait Ouirra; trakebt, Ait Sadden, dérivé de l'arabe *T-^J monter.
Chez les Ait Ayach, les Ait Segrouchen et les A. Waraïn le dis-
positif comprend une grosse cheville tdfriit, renforcée à l'arrière
par une autre plus petite taba ou imîier, et maintenue en place
1
par une troisième aders fixée transversalement et contre la face
externe de la flèche.
Le terme tàfrut se rencontre dans le vocabulaire des Berabers :
Ait Yousi, Ait Seghrouchen, Ait Ouirra, Ichqern ; tîfrut, dans celui
des Ait Ndir ; tifrut chez les Imesfiwan et à Ras el-Oued ; tafrût,
Chaouia de l'Aurès. Littéralement, il signifie sabre ; son corres-
pondant arabe est le mot ou employé-principalement par les
populations arabes ou arabisées de l'Algérie'. Il est en effet curieux
de constater que l'expression berbère, sous la forme fafruf. ou
fafrut, se soit conservée dans le vocabulaire des paysans arabo-
phones du Nord marocain, en particulier ceux de la banlieue
immédiate de Fès. Elle est d'ailleurs connue des Fasi.
Enfin, la cheville d'assemblage est encore appelée tisèft*,
Zouaoua ; akaino, Ntifa, Ait Majjea.
1. Le pluriel dderas existe dans ls parler des Chaouia de l'Aurès, cf. Libyan
notes.
2. Boulifa, 11* An. de lang. kabfle, p. 3 3 .
— 19 —
*a *
La charrue berbère, entièrement en bois, et par suite de con-
struction légère, es: tirée avec aisance par une paire de bêtes.
Dans l'Extrême-Sud Marocain, dans le Sous, l'Anti-Atlas et les
*
**
L'examen des termes s'appliquant aux pièces essentielles de
l'attelage, quel que soit le système adopté, procure d'autres don-
nées également précieuses que l'ethnographie ne saurait négliger.
Tout d'abord, il importe d'étudier le système que nous considé-
rons comme le plus ancien et qu'entre autres Berbères de l'Afrique
du Nord les Kabyles du Djurdjura utilisent de nos jours encore'.
Comme l'on sait, leur charrue est traînée par une paire de
1, Oo sait que les boeufs sont encore utilisés c o m m e porteurs chez )«s
Berbères nomades ei senti-nom a des du Maroc Cemral : Z e m m o u r , Aith Ndir,
Aith Mjild, Izayan entre autres.
2. Hanote.iu et Letourneux, La Kabylie, p. 4 1 0 . — Boulifa, 11° Av. de
lang. hdbyle, p. 3 1 - 3 4 . Le texte est écrit dans le dialecte zouaoua..
— 33 —
*
**
Nous avons insisté sur ce fait que, auatru et axaglu ne s'ap-
pliquent, dans aucun dialecte, aux colliers des bêtes de somme. Il
nous reste à étudier les termes qui leur sont réservés. Trois
groupes d'expressions sont à noter.
a) Dérivés de Idi, « tirer ».
tiltit, Ntifa; tâlduit, pl. tàlduin, Tlit; tïldai pl., Ait Isaffen,
Timgijcbt; tildiin, pl., Todghut.
b~) Dérivés de bges, « se ceindre; ceinture, sangle »;
Higàs, Ida Gounidif, O. Noun, Ihaban; ttig^os, Masst; tûggas,
Indouzal, Ait Mzal, Taraudant, Tidsj,
c) Dérivés de ^/*^»-, « bât ».
tahallast, Mrougga, Imssfiwan, Ras el Oued Ulabentah; tahal-
last, Zemmour, Ait Bou Zemmour, Imejjat, Iguerrouan, Ait
Ndir, Ichqçrn, Izayan, Ait Mjild, Ait Sadden, Ait Yousi, Ait
Ouirra, Ait Seghrochen, Ait Ayachj iharrâsën, Rif.
*
**
Dans le mode d'attelage avec perche sous-ventrière, les animaux
tirent à laide de traits assujettis, d'un côté aux jougs ou aux col-
liers, et de l'autre dans des entailles creusées dans la perche. Ils
portent des noms qui n'offrenr aucun intérêt ; tajust, pl. tijatfin,
Ntifa, diminutif de afus, main; ttfàssin, Ait Ouirra, Ait Yousi,
Ait Seghrochen; tâfust, pl. tïzmo.m, A. Sadden, le pluriel est à
rapprocher du mot ntifi tasé/iamt, lanière — tisqvin. Ait Ayach;
tigunain, Isenhajen, mot dérivé comme le précédent d'une racine
G N d'où qqen, attacher, asgun, corde, etc. — tor/fl, Imesfiwan ;
imtârfa, Achtouken, de l'arabe ^JB, côté, dont le correspondant
berbère est tasga, Goundafa — qjkbr, pl. i^ahârên, corde en pal-
mier nain, est généralement employé.
Le paysan dirige son attelage en se servant de guides attachées
aux cornes de bœufs ou au licol des bêtes de somme. Elles sont
appelées : taurit, Mougga, Mesfioua; taurift, Masst; taurit, pl.
tiuria, Ait Ayach; tauriit, pl. tiuria, Izayan; tauriiit, pl. tauria,
Ait Ouirra; taurpit, Tlit, Indouzal; ta^urdut, Issagen; tam^uarHt,
Ida Gounidif; agatfu, Dais, Todghout; ifalHn, Ichqern, Izayan-
Ce dernier tetme fixe l'étymologie du singulier corre$>pPndant ;
— 27 —
afellu, usité chez les Ntifa pour désigner toute bête faisant partie
d'un attelage et par extension une partie dans une association
agricole ; littéralement elle signifie : guide.
Le laboureur excite lez bœufs avec un aiguillon et les autres
animaux avec un fouet. Parmi les termes s'appliquant à l'un et à
l'autre de ces instruments signalons : an%el, Zouaoua, Metmata,
Beni Menacer, Beni Salah (aiguillon); dgëttùm, Beni Salah
(bâton); amenja, Chaouaiade l'Aourès; dsëllab, Masst; azëîâb,
Tlit; ami'ad, Ait Ouirra; atnmqa\, Beni Menacer-, Imûnhâs, Beni
Iznacen, Zkara; abarrii i^iarr, Zemmour, Izayan, Ait Sadden;
amibâd, Imesfrwan; dsuâd, Indouzal, Tighzet; tagamt, Ida Gou-
nidif (fouet); tagamt, Ait Ayach; agaçai, Ait Seghrouchen.
*
•»
Il paraît superflu de décrire ici les diverses méthodes de cul-
tures du paysan berbère : l'essentiel à ce sujet a été maintes fois
répété. On sait, en particulier, que les labours ont pour objet
d'enterrer les grains jetés sur le sol nu et non préparé. Toutefois,
avant d'ensemencer son champ, le fellah trace quatre ou cinq
premiers sillons parallèles et distants les uns des autres de quatre à
cinq mètres, sillons qui déterminent des parcelles rectangulaires,
longues et étroites, que l'une après l'autre il ensemence et laboure
ensuite. Tracer ces premiers sillons se dit : marquer le champ et
le verbe employé est arabe : 'allem, fh. t'allam, et'addjem (Rit).
Un sillon s'appelle aderf, pl. iderfan, dans la plupart des dialectes,
et les parcelles à ensemencer tisîrit, pl. tisiriin, Ntifa, Indouzal;
pl. tisirâtin, Imesfiwan, Rasel Oued; tisîrit, pl. tisîra, Zemmoùr,
Ait Ouirra; tikù^an^aûla.k; taferka, pl. tijerkiwin, Zouaoua, de
9
l'arabe ijjij .-
Plusieurs parcelles tisiriin, se nomment înëg, chez les Ntifa,
terme qui, sous h forme inig, chez les Iskoutan, désigne le siilon.
*
• *
Notre enquête sur l'examen des termes relatifs à la charrue ber-
bère et à ses accessoires s'est étendue sur des régions les plus
diverses de la Bcrbérie, de la Tripolitaine au Sous, de la Kabylie
du Djurdjura aux oasis du Touat. Si les parlers d'Algérie et de
Tunisie nous ont donné des renseignements estimables, incon-
— 28 —
testablemeru, les plus précieux comme les plus nombreux ont été
fournis par les parlers du Maroc. Tous, cependant, n'ont point
livré leur secret : quelques dialectes du Maroc central, en parti-
culier, ont échappé à nos investigations. Des lacunes existent
nécessairement dans la masse de notre documentation.
Nous ne croyons pourtant pas que des données dialectales nou-
velles puissent modifier, du moias dans leur ensemble, les infor-
mations ici recueillies; nous sommes persuadé que, malgré la
diversité plus apparente que réelle de ses parlers, la langue ber-
bère présente, en dernière analyse, uae unité remarquable, non
seulement dans la morphologie et la syntaxe, mais encore dans
le vocabulaire.
Ce n'est donc point une indigence de documentation d'ordre
linguistique qui nous contraint à nous montrer prudent dans nos
conclusions. Nous estimons en effet que la linguistique livrée à
ses propres ressources ne saurait apporter de solution à la ques-
tion si obscure et si controversée de l'origine de la culture en Ber-
bérie, car, au fait, c'est en grande partie l'intérêt soulevé par cette
question qui nous a conduit à l'étude de la terminologie relative
à l'antique et barbare instrument de culture des Berbères.
Nous pensons qu'une enquête technique qui se proposerait l'é-
tude et la classification des divers modèles de charrues en usage dans
ce pays, nous fournirait des données autrement précieuses. Peut-
être nous dirait-elle qu'à la diversité des expressions : as^ar, aullu,
imassèn, akerra\, amékra^. se rapportant à la charrue, correspon-
dait à i origine des types de modèle et de construction différents'.
Ces réserves faites, i{ est toutefois des constatations évidentes
par elles-mêmes; il importe de les signaler brièvement.
D'abord, il est certain que la langue arabe n'a guère modifié la
terminologie berbère appliquée à la charrue, comme en général, à
tout ce qui concerne la culture. Une domination ou une influence
vieille de plus de mille ans n'a rien changé sur ce point. Mieux,
nous savons que dans un grand nombre de régions où l'arabe est
aujourd'hui seul parlé, à Fes pour ne citer que l'exemple le plus
frappant, les Indigènes utilisent des termes tels que tafrut, ^aglu,
ttemun, qui ne sont pas arabes. En réalité, la charrue actuellement
A SALÉ
1
M. Marcáis dans divers ouvrages sur des dialectes arabes
locaux^ MM. Gaudefroy-Demombynes et Mercier, dans leur
Manuel d'Arabe Marocain*, ont déjà signalé l'existence de la
iorme féminine berbère dans l'arabe parlé. La liste qui va suivfe
montre l'importance de cet emprunt dans un dialecte marocain,
celui de Salé. Mais cette importance est loin de consiiruer la seule
particularité intéressante.
Nous allons voir que tous les noms relevés dans notre dialecte
dérivent de mots arabes, et que l'emprunt qui nous intéresse n'a
fourni a aucun mot vraiment berbère l'occasion d'être adopté par
la population arabophone de Salé. Ceci nous indique déjà que
nous sommes en présence d'un emprunt purement morpholo-
gique.
En berbère, tous les noms qui revêtent la forme féminine sont
de ce genre; mais, faire passer un mot du genre masculin au
genre féminin n'est pas toujours l'unique raison de cette forme.
Ainsi, elle donne parfois des diminutifs :
Ex. : agcrtil— natte; tagerlilt — petite natte.
agards ~ route, chemin ; tagarâst* — sentier.
C'est sur les noms de métier, dont dérivent les noms d'état, que
nous londerons la classification de ceux-ci.
Les diverses formes des noms de métier sont d'inégale impor"
tance. La plus répandue est classique. Elle se schématise J^*> en
arabe (Ex. : = menuisier) et àtïflâc*, en français (Ex. : }xd-
dâd=forgeron). La seconde est la nisba quadrisyllabique du type
arabe t^Mf * (Ex. : = fabricant de bâts) qui répond éga-
%
lement au scbèmè c <?âfi<H (Ex. : ^j,^ =fnâqdi — tenancier de
fondouk).
taberrâhët 1
Etat du crieur public
tàbeggdrèt — du laitier
taboqqâlit — de l'épicier
tabennâit — du maçon
tabiyârêt — du puisatier
2" /* s*, —gùsj ~ battre la terre (verbe) et sol damé d'une pièce ou
taierrâjet — du sellier
ta'seffâjet — du marchand de beignets
1. Colporteur de douar à douar. Le duwds est généralement juif; il vend
des épices, des douceurs, des oranges ei on le paye en nature ou en espèces
taierratët — du cordier
tasiydgët — du bijoutier
tatarrant — dujoueurdetambourbasque
tàktnuâJët — du charbonnier
—• du voleur
tancjjârët — du menuisier
iauqâffët É t a t du surveillant
tabrâd'ait — du f a b r i c a n t de bâts
tablâltit — du c o n s t r u c t e u r de b a r q u e s
taj'aâibit — f a b r i c a n t de c a n o n s de fusils
tajmâilit — du c h a m e l i e r
tajnâinit — du j a r d i n i e r
tahmâimil — du t e n a n c i e r de bain
tatyâtrit — du p u i s a t i e r
taruab^it — du f a b r i c a n t de soufflets
ta^lâijit _ du m o s a ï s t e
taçtiâidit — de l ' a r m u r i e r
taslâilit. .— du v a n n i e r
tasuâinit — du m a r a î c h e r
taitâtbit — du f a b r i c a n t de b a l a i s
taikâirit — du f a b r i c a n t de s a c o c b e s
tasrârfit —• du c h a n g e u r
tn.uiâbnit — du f a b r i c a n t de s a v o n
tatiidlmit — du m e u n i e r
o -
tagldUit — du fruitier
tamuâgnit — de l'horloger
tanhâisit — de l'artisan en cuivre
o -
»'Uî!S- tanaânait — du marchand de menthe
tanqâirit — du bijoutier
tabàhrit — du marin
1. Qui extrait le sel des marais salants (ir»-NI_o = mellâl}cC, pl. jr-l^u
= mldleh) et aussi, celui qui le vend. Le marchand de sel joint le plus souvent
au c o m m e r c e du sel, celui des poteries et du goudron. Au fond de sa bou-
tique est toujours pratiquée une fosse dans laquelle le sel est emmagasiné.
L'approvisionnement se renouvelle chaque été, lorsque les marais salants sont
secs. Le sel à Salé se dit dLscJLi = mélha.
2. De ijÀi = nôqra = argent, qui, c o m m e à Tanger ( c f . M a r ç a i s , p. 480)
tahiâisit Passion du m a n g e u r de h a c h i c h
taskâirit Ivrognerie
takiâifit P a s s i o n d u f u m e u r d e kif
RUSES
ta^essâiet É t a t d e c e l u i q u i falsifie
tabrâqzit — de c e l u i q u i d u p e
tarhâitit — de c e l u i qui d u p e
1
taserrâhit É t a t de c e l u i qui est effronté,
voyouj
O o jjLt_i,Lj taStâirit — de c e l u i qui e s t m a l i n
tanuaarit — de c e l u i qui e s t d u p e
tahrâmiât — de c e l u i qui e s t a s t u c i e u x
4
taluwâit — de c e l u i qui e s t d u p e
ta'abarjit — de c e l u i qui e s t m e n t e u r
CONFESSIONS RELIGIEUSES
tarûmit Christianisme
tanofrânit Christianisme*
taïhûdit Judaïsme'
T J
1 . D e J-JL"» = sarth = berger, en passant par le pluriel ^ J - — sorrdh (le
mot étant particulier à la population rurale), le berger étant
considéré c o m m e un voyou.
2. De *>^*& = na'ûra = r o u e , noria. Le uud'ri est celui qui tourne c o m m e
une noria, qui cherche à vous duper par des moyens détournés.
3. hrdmi a, a Salé, le sens de bâtard et par suite de voyou. Le m o t tàhra-
tnîùt siguine ruses de voyou. C'est un pluriel dans la pensée arabe, d'où l'in-
tercalation d'un a entre le » et le I, ce qui en tait un pluriel féminin.
4. De = Ida = entortiller, taluxvdit a le m ê m e sens que tanud'rit. Le
m o t luvidi dont il semble dériver est inconnu à Salé.
5. Mot bédouin de m ê m e sens que brdq^i; semble être une nisba dérivant
l
de la racine = 'abbir = mesurer, le abbdr ou mesureur passant pour
être rusé et peu h o n n ê t e .
6 L e s m o t s tarûmit et tanosrdnit désignent la religion chrétienne ; mais ils
signifient aussi « relâchement religieux » et, avec ce sens, ils s'adressent a u x
musulmans qui n'accomplissent pas leurs obligations religieuses ou s'en
acquittent mal. L e s Musulmans considèrent donc les Chrétiens c o m m e de
mauvais religieux.
7. Et aussi finesse de J u i v e .
~ 4* -
A cous les mots que nous passons en revue depuis que nous
avons quitté les noms d'état, est liée une nuance péjorative. Les
suivants peuvent être- pris indifféremment en bonne ou en mau-
vaise part..
CARACTÈRES DE LA FORME
ORIGINES
F. GUAY.
Interprète judiciaire.
1 . L e merveilleux, J J ^ - J I .
— 55 —
ne fut achevé que seize ans plus tard en 1002 (1594) " bien que
1
la construrtion n'en eût pas été interrompue ».
El Mansour, comme tous les conquérants africains, fut mû
dans son dessein par l'orgueil et la jalousie qu'il éprouvait de la
gloire passée de ses devanciers. Il voulut éclipser les dynasties
précédentes des Almorávides, des Almohades et des Mérinides.
Le goût de la bâtisse fut toujours inné dans l'âme des princes au
Moghreb el-Aksa. Les grands aussi, quand ils le peuvent sans
dommage, aux époques où le Maghzen est bénin comme aujour-
d'hui, partagent cette vanité un peu barbare; il suffit de voir à
Marrakech à l'heure actuelle les demeures altières des deux
Glaoua. Car, ainsi que le dit le poète cité par El Oufrani :
« Lorsque les princes veulent rappeler le souvenir de leur
gloire, ils le font par le langage des monuments.
« Tout édifice qui atteint des proportions considérables reste
comme l'indice d'un personnage glorieux ».
El Mansour fit donc venir des ouvriers de tous les pays. Outre
les artisans à gages et les renégats, les milliers de captifs chrétiens
faits après la victoire d'El Ksar fournirent uue main-d'œuvre
abondante. Il est certain que des Européens assurèrent à peu près
entièrement le plan et l'édification du palais, ainsi que presque
tous les travaux artistiques*. Les chapiteaux sculptés, les colonnes
de marbre, que l'on admire au Mausolée des Chorfa, ou dont les
fûts brisés gisent épars dans certains jardins ou en guise de
marches au seuil des portes et des fontaines de Marrakech, sont
manifestement l'œuvre de maîtres très habiles. Les plafonds à cais-
sons dorés du Mausolée des Chorfa traduisent nettement l'influence
de la Renaissance italienne. On ne s'en étonnera pas lorsqu'on
saura que le grand-duc François de Médicis, « qui espérait obtenir
des avantages commerciaux au Maroc », favorisait les désirs du
Chérif; les carrières de Pise envoyaient pour la nouvelle construc-
tion du marbre et des colonnes. Michel de Montaigne voyageant
alors en Italie fut témoin de l'activité qui régnait dans ces carrières
et a noté soigneusement « que les ouvriers travaillaient pour le
roi de Fez en Barbarie à une très riche œuvre d'un théâtre qu'il a
dessein de faire avec cinquante très grandes colonnes de marbre » "•.
faïences de couleur, car ces bassins étaient plus élevés que les
parterres. En haut, le long des bassins, couraient quatre allées
qui se divisaient et dont le sol et les murs étaient recouverts de
— 59 —
fallait pour nettoyer les vasques des bassins s'avancer sur ces
dalles en sautant' ».
Sur la face ouest du palais s'élèvent les ruines d'une grande
koubba qui paraît avoir contenu une voûte en berceau soutenue
par des colonnes et vraisemblablement du même type que celle
du mausolée des Saadiens; symétriquement, sur la face opposée,
s'élevait une autre koubba dont on distingue très nettement les
fondations et qui a été rasée à la surface du sol. Cette coupole
était-elle la coupole El Khamsinya, ainsi nommée parce qu'elle
avait cinquante coudées, et sur les parois de laquelle se trouvaient
gravés les vers ingénieux et lyriques que citait El Oufrâni ? En
rapprochant le plan actuel d'El Bedi' de la vue panoramique
i. D e C a s t r i e s , op. ci-t., I V , p. 5 7 6 .
— 6o —
1. El Oufrâai, p 193.
2. El Oufrâni, p. 1 9 3 .
— 61 —
t. Chez le; Arrab, les Seffiane. !es Z e m m o u r (Tedders, Tiflet), les Zaer,
a Beni A h m a r (Zerhoun), a Rabat. A Tifl t, ou m'a dit que c i t a i e n t les
grands plutôt que le peuple qui avaient cette superstition ( f ) .
3. A Marrakech, à Rabat, chez les Chaouïa. J'ai trouvé en 1915 de l'encens
dans le roseau d'une poupée de Beni Ahmar ; je ne soupçonnais pas à cette
époque qu'il ait pu servir à chasser les génies du corps de la poupée.
j. A Rabat.
4 Chez les Châouta, à Rabat et i Marrakech.
5. A Rabat.
6 A Rabat.
1
l'esprit et les rend fous . Quand on ne voit pas les génies, il Us
faut chercher dans l'arrière-pensée des indigènes; on est sûr de
les y trouver.
On prétend aussi que la poupée cau^e la mort des enfants* Le
reproche est grave dans un pays où la polymortalité infantile est
un fléau. Quelques-uns lui attribuent les avortements; d'autres
affirment « qu'elle fait accoucher d'un bébé comme e l l e ' » c'est-
à-dire dans les deux cas qu'elle provoque la venutî au monde d'un
être aussi menu qu'une poupée, et si peu humain, qu'on tient
4
pour stéri e la femm.' qui ne mène pas ses grossesses à terme .
Son influence est une form* particulière de la croyance générale
au reteniisstment des impressions de la mère sur l'enfant : la
5
fimme grosse ne doit pas regarder un être difforme , et le Pro-
phète aurait recommandé « d'éviter toute emie à la fillette aussi
bien qu'à la femme enceinte" ». Cette opinion — qui est évidcni-
m.-nt d'une orthodoxie suspecte — est d'accord avec la supersti-
tion.
On adresse à la poupée un dernier reproche, mais il n'est pas
bien grand ; on die aux enfants qu'elle leur fait faire pipi au lit*.
Cela tient peut-être à la parenté lointaine de la poupée et de la
gbondja, dispensatrice de la pluie, mais n'est-ce pas plutôt une
fable imagioce pour que la petite fille se sépare d'un objet qui
lui est cher, et que les parents ne peuvent voir sans effroi?
La poupée d'enfant n'est d'ailleurs pas la seule à avoir une
fâcheuse influence. La poupée de représailles dont nous allons
parler agit de même façon sur la femme grosse ; arme morale ou
jouet, elles sont toutes deux animées d'une force magique, simple
au point de vue de son mécanisme, niais redoutable comme le
mauvais œil \
*
**
Les poupées des Beni Mtir', ou du moins les figurations
humaines connues sous ce nom, ne sont pas des poupées d'en-
fant; on les appelle souvent iout n isouirt (pl. tsaouer), une figure,
quelquefois tislit, fiancée; elles ressemblent tout à fait à des acces-
soires de sorcellerie. Elles servent à exercer une contrainte, aussi
forte que l'envoûtement, et si l'on ne savait que pour le primitif,
la poupée est le double de l'être qu'elle représente, on serait
enclin à penser que chez le Berbère, l'amour-propre est plus fort
que le sentiment de l'honneur.
Elles représentent un être humain en particulier, et sont"de
véritables portraits : on y chercherait vainement la ressemblance
au sens où nous l'entendons ; elles doivent être reconnues à la
présence d'un détail qui a la valeur d'un signe d'identification.
L'ouvrier qui lésa taillées dans une bille de cèdre est loin d'être
un artiste. Elles ont la têce trop Longue, le corps trop court, les
t. A Moulay Idriss, Rabat, Sidi Rahal et chez les Chtouka de Châouîa i
Chez les Cliâouïa, on attribuerait ce trouble à une influence des génies iur
la vessie.
2. 11 semble qu'en certaines régions la poupée n'exerce pas de fâcheuse
influence; on l'a certifié à MM. Laoust et II Basset, chez les Ntifa, et à
M. Guay chez les Menasra ( J o u a r Hialfj) Il en serait de même à Meknès, à
Mouley Idriss, à El Arbi de Charb, chez les Ait Roboa, les Guettaû e: au
Mellah de Rabat.
3. Les figurines que je possède et que je décris ici, m'out été offertes à El
Hajib, en décembre 1916 par M. le Capitaine Dupuis et M. le Lieutenant
Renaudiu. Elles ont 25 c m . de hauteur et sont en tous points comparables
aux poupées dont M. Ricard a reproduit la photographie dans iQf\ intéressant
article^de Fratiee-Mmoç, n° 1 1 , 15 sept. 1 7 , p. 52, 33.
— 73 —
que nous avons déji vues. Elles forment un exuple; l'homme que
l'on appelle a cierge de L'Achoura » est un morceau de figuier
raclé, à l'une des extrémités duquel est fixé un bâtonnet, un
« doigt » disent les Berbères; la fimme appelée, taslit « est un
bâton de bois d'amandier, d'une coudée environ », au bouc duquel
« deux bâtonnets sont fixés et représentent les jambes... »
Comme ltncm de l'une d'elles l'indique, on les expose lors de
ta fête de l'Achoura, mais leur exhibition n'a pas lieu le rrême
jour; le ckrge <ort le premier, un homms le porte devant un
bûcher dont hommes et femmes font trois fois le tour, rprès quoi
les femmes stériles vont passer la bague autour du « doigi ». La
taslit n'est exposée que le lendemain; une femme la prend, la
lave avec de l'eau de la rivière et elle préside jusqu'au soir e u x
danses et aux chants.
M. Doutté a écrit qu'Achoura était un centre de cristallisation
de vieux rites*. On a 1 impression que chez les Ait Isaffen, les
idoles sont le centre des rites d'Achoura L idole mile est l'objet
d'une cérémonie dont on ne peut méconnaître la signification
agraire et la présence d'une taslit en accentue le caractère phal-
lique.
La taslit en effet, n'est pas, comme on le die très convention-
nellement, la fiancée. Son nom est celui que porte la jeune fille
à partir du moment où la date de son mariage est fixée jusqu'au
septième jour après sa célébration ; il correspond par conséquent
à une période de la vie sexuelle tout à faic appropriée au rite
agraire.
Il y avait, à Rome, une fête qui ressemblait beaucoup à celle de
l'Achoura chez les Aie Isaffen, celle des Saturnales. On faisait à
leur occasion des cadeaux qui « comptaient en chandelles de cire
(cereí) et en poupées d'argile ou de pâte nommées sigillaria ».
J. A. Hild comidère ces menus présents comme a une des formes
du sacrifice simulé que, à la place de victimes humaines, on offrait
aux dieux des équivalents pacifiques, afin d'adoucir leur colère et
d'obtenir leur bienveillance. Un miuvais jeu de mots sur çûç,, qui
en grec signifie lumière, mais à qui la poésie épique a donné aus^i
2
le sens d homme, a faic entrer les cerei dans la menú catégorie . »
1. E. Doutté, Magie et religion dans l'Afrique du Nord. Alger, A. J o u r J a n ,
1909, p. 569.
2. J. A. Hild, art. « Saiurnalia ». Dict des Antiquités de Saglto, t. I V ,
pp. 1 0 8 0 1 0 8 5 .
— 79 ~
L'analogie des Saturnales avec les rites captés par l'Achoura con-
duit à une tout autre explication : les cerei ne seraient-ils pas
l'homme, à un sens bien moins poétique du mot, celui du « cierge
de l'Achoura ? »
Ec les sigillaria qui u donn tient lieu, durant les sept jours [de
la fête]', à un commerce assez actif » et dont « la signification
1
symbolique a exercé la subtilité des antiquaires », n'étaient-ils
point une survivance, comme la tradition marocaine sou* l'in-
fluence de qui les enfants jouent à U poupée, surtout au moment
des fêtes de l'Achoura?
**
Il y a bien d'autres erres pupéiformes qui figurent dans les rites
agraires, mais la connaissance des idoks des Ait Isaflcn et de la
ghondja devenue fiancée, suffit pour ètab ir les rapports que pré-
sentent entre elles les diverses poupées.
On pi-ut les classer en deux groupes, le groupe arouça-laslit
(fiancée) et le groupe isottira (imige); si l'on s'en tenait à la lettre,
cette classification serait arbitraire, car la poupée d'enfant qui est
souvent une taslit est aussi une Isouira, tandis que la poupée des
Béni Mtir. qui est presque toujours une tsottira, est parfois une
taslit. Leur distinction théorique est cependant très simple.
La confusion nominale des poupées du premier groupe ti.nt,
soit à leur ressemblance extérieure, soit à leur rôle agraire. En
empruntant à la taslit sa robe et son armature, la ghondja lui a
aussi pris son nom*. Qujnt à la poupée d'enfant, elle a une indi-
1. J. A Hild, loco cit. —J'essaierai d'expliquer plus loin pourquoi au Maroc
on joue surtout a la poupée à l'époque de l'Achoura.
2. Pour des raisons que j'ignore, la poupée d'enfant porte le nom à'arouça
dans toute l'Afrique du N o r d ; en Perse, on l'appelle arousek. petite fiancée;
Son assimilation a un être féminin était ^ i q u e ; une poupée masculine n'au-
;
rait pu pénétrer auss fjciUment dans le gynécée. D.ins ce pays où la ques-
tion sexuelle n'est pas tabou et où uue petite fille pourrait, sans da.:ger pour
son innocence. j o u ; r avec les iigurines Beni Mtir, la séparation des sexes y
est, malgré la contradiction apparente des termes, fondamentale au point d;
vue social. Les enfants sont, dès leur naissance, des êtres socialement sexué»;
sur le dos de leur mère, la coupe des cheveux distingue le petit garçon de la
petite fiile, et cette différence va s'accentuant, le jour, où debout sur leu-s
jimbes, ils iont c o m m e ils le peuvent, l'apprentissage de 1a vie. Le garçon
Suit son père, et ne touche jamais à la fiai.cée i> ; la fillette reste auprès
de sa mère ; ils appartiennent l'un et l'autre à des sociétés différentes. La
— 8o —
M a r o c . Un livre tout récent (Ce eue toute jeune femme durait savoir, par la
Doctoresse E. Drul.r, Genève, s. d ') r c u s apprend u qu'il a ité remarqué par
des voyageurs, qu'en Julie beaucoup j ' e n f i i . i s i.ifrcut une ressenibLnc.: avec
les portraits de l'Enfant J é s u s ; cela provient, dit-il, de l'adoration que les
mères ont pour la Madone » ( p . 7 4 ) , et u conseille a u x femmes enceintes de
regarder de jolis tableaux et de bcjles sculptures ( p . 7 6 ) .
J . HERBER.
PRATIQUES AGRICOLES
ET FÊTES SAISONNIÈRES
DE LA V A L L É E MOYENNE DE L'OUARGHAH
i. Ou sait que l'imnéc julienne est en retard Je treize jours sur Tannée
grégorienne.
a. Cf. E. D o u a é , Mjfte et Religión du m V Afrique thi Nord, Alger, 1 9 0 g .
p. 543. J. Dcsparnie:, Eúmografliie traditionnelle de lu Meitidja, J a n s !a R,vue
Africaine, 1 9 1 8 , p. 24
3. A. Joly. Un calendrier agricole maiocam, dans les Archives 3daiocaines
vol. 111, 19OJ, p. } o i sqq.
- 86 -
coup la plus répandue. Elle donne pour chacun des quantièmes
du mois les heures exactes des prières quotidiennes. Une glose
marginale contient un traité en prose riroée des pronostics du
tonnerre, intitulé Dalâtl er-Ra'ad, et attribué à Ibn Abî-r-Rahfeâl
el Andaloûsi'. Enfin, à la suite des éphèmèrides elles-mêmes, est
publié un poème mnémotechnique de douze vers, sur chacup des
douze mois de l'année, avec un commentaire étendu, au nom du
chikh Aboû 'Abdallah Mohammad ibn 'Abderrahmân el Fâsi.
Doutté a montré dans son magistral ouvrage qu' « il n'y a nul-
lement lieu de voir dans les noms latins de l'aqnée agricole, en ce
qui concerne l'Afrique du Nord, une survivance .spéciale de la
domination romaine »". Pour les Djebâlah, malgré les identifica-
3
tions de la Martinière , il est difficile d'avoir la preuve que leur
pays fut une des régions colonisées de la Tingitane. Mais il est à
peu près établi que la montagne fut, à une certaine époque, assez
profondément christianisée. Les Beni Zeroûâl ont conservé le
souvenir d'une légende curieuse qui localise, dans leur tribu, au
sommet du Djebel-Oûddkah, le miracle de la résurrection de
Lazare"; et l'on rappelle volontiers le temps où, dans la contrée,
les maisons des chrétiens avoisinaient celles des musulmans. De
même, on dit des B. Oûriâgel qu'ils sont d'anciens juifs isla-
misés, descendant d'un ancêtre nommé Djâloût; on ajoute que,
chez eux, les mariages sont encore aujourd'hui célébrés le
samedi*.
Quoi qu'il en soit, comme chez tous les Berbères plus ou
moins arabisés du Maroc, on peut retrouver à tout instant, parmi
les Djebâlah, les traces réelles d'une observance de pratiques
i. Sur la divioation par le tonnerre et la foudre, cf. Doutté, op. cit., p. ^6q-
361.
2 Doutté, op cit., p. 542.
3. Cf. de la Martinière, Esquisse de l'Histoire du Maroc avant l'arrivée du
Arabes, dans le Bulletin archéologique, 1 9 1 2 , p. 163.
4. Mon maitre René Basset a bien voulu m'indiquer qu'on retrouve cette
légende, avec des variantes, dans les Nuouddir d'el Cylloûbi. p. 3 5 - 3 6 et que
Chauvin l'a signalée, d'après ed-Damlrî et le Ta^tyn el-Asoûuq ce DAoûd el-
Antàki, dans son mémoire sur la Réclusion égyptienne des Mille et une Nuits,
p. 9 9 . 1 1 est probable qu'elle fut apportée chez les B. Zeroûâl par un taleb
quelconque et ensuite localisée dans leur tribu.
5. Cette tribu est vraisemblablement apparentée à la tribu rifaine des B-
OuriSghel; elle est cependant aujourd'hui complètement arabophone, et on n'y
trouve qu'une minorité de toponymes b?rbères.
- 8 7 -
Marocoint.', vol. III, Paris, 1 9 0 5 , p. 331 fqq.: V.'estsrmarck, Sulculto dei santi
nel Ma-occo, dans les Actes du Xll'Congih iui,/::ilknol drsO/irulolisles, t. J]I,
F l o r e c c e , 1902, p. 1 7 1 . M. R. Basset a analyse les tmiidqib de ce saint dans
son ouvrage Nidromub et Us Trams, Paris, 1 9 0 1 .
1. Cf. sur les mois agricoles les proverbes recueillis par M. Ben C h e n t b ,
Ptourbes Arabes Je l'Algérie et du Maghieb. 3 ml. Paris, 1905-1907, passim
(entre a u n e s , n» 53. 1 3 4 1 , 1345, I Î 4 4 . I54i).
rjffés » (îbrâyîr kbelld-^agbb-el-m'i^-ka ittâyir). — « En mars, tout
rayon de soleil est suivi d'un éclair d'orage » (f-tnârs, ka dkoûngbd-
cherqâ-bltrqâ)K — « En mars, il pleut; en avril, il y a de l'ombre;
en mai, le soleil est pur et sans nuages (jnârs-isîl; îbrîl-dlll ; mâïotl-
sàfî -sqlî). — En mai, chacun trouve du trayail; l'hiver a disparu ;
c'est la belle saison pour les miséreux : « En mai, tout orphelin
fait à sa guise » (jnâtoû, koûll-îtbîm-b-râioû). —'Une croyance
répandue attribue aux produits d'octobre une barakab spéciale ;
et l'on a déjà publié ce dicton courant dans tout le Maroc : « Si
le mouton d'octobre, le grain d'octobre et le beurre salé d'octobre
se rencontrent dans le même plat, ils le briseront ! * (el-hâoûlî d-
ektoûber, oû-z_-?fa'-deklouber, oû-s-sinen-d-ektoilber, tda-tlâqâou-f-
el-gesa'â, ijer'oûha). — Les gens delà plaine raillent habituellement
les Djebàlah du retard qu'ils mettent à semer leur sorgho : alors
que les premiers cessent normalement leurs semailles dès que
les Pléiades apparaissent au-dessus de l'horizon, c'est-à-dire le
lé avril*, les laboureurs montagnards ne craignent pas de conti-
nuer après cette date, malgré le proverbe qui circule sur eux en
manière de moquerie : « Les Pléiades laissent les Djebâlah sans
sorgho! » {eth-thoûrîyâ-ka-d-khellî-~Djbâld-blâ dnya).
Dans chacun des cinq premiers mois de l'année, cinq oiseaux
font leur réapparition (khems-cheboûr b-kbems-fiatir) : en janvier,
c'est la cigogne, en février, l'hirondelle, en mars, le coucou, en
avril, la tourterelle, et en mai, l'alouette huppée. » Quand vient
la cigogne, la saison des labours est terminée » (Jdâ-djâ bellâredj,
md bqâ-j-el-harth-mâ-iïalkdj). — « Quand vient i'hirond.lle, il y
a du pain suspendu à rous les crochets de la maison » [îdâ-djàt <?/-
1
khottîfah, îkoûn-el-kboûb^f koûll-mokhtdf) . — En avril on com-
mence à faucher l'herbe dans la campagne; aussi « l'alouette
huppée apporte-t-elle la faucille dans sa ceinture » (cûrrdituî-hi-d-
djlb-l-mendjel-f-kh^dniâ).
On désigne, dans toute l'Afrique du Nord, sous le nom de
Hâli (les nuits), une période de quarante jours, du n décembre
au 20 janvier. Cette période se divise en deux parties de vingt
jours chacune. « S'il pleut pendant la première moitié des liait,
t . Recoupé et traduit par W . Marçais, Textes arabes de langer, Paris, i o n ,
p. 3 2 9 .
2. Ci. Joly, o/>. cit., p. 30?.
3 Jeu de m o t s intraduisible en français, reposant sur la communauté de
racine des mots khitifab et mokhtdf.
— 93 ~
dit-on chez les Fichtâlah, les récoltes viendront mal; s'il pleut
pendant la seconde, les récoltes seront belles à souhait » (el-lîâlî,
1
îdâ-nathet, ferriet, où tdd-erklet, selhet) . On y dit de même :
a Méfie-toi du beau temps pendant les lia H; d'une vieille femme
qui prie; des cavaliers qui simulent la retraite » (Jâ-d-tiq-b-el-Uâlî,
îdâ shat, oû-lâ-h el-tiçgoû^, idâ-sellat, oû-lâ-b-el khîl, idâ-oûellai).
Les deux périodes de l'année qui sont les plus redoutées chez
les Djebâlah sont celles d'el-hsoûm et d'es-smdtm. Les hsoûm
commencent le 25 février et durent, comme il en est fait mention
dans le Qprân, « sept nuits et huit jours »». Dans la montagne,
le terme hsoûm est connu comme vocable qorânlque, mais les
gens emploient plutôt la dénomination de kayyân, en raison
d'une légende dont voici le résumé : Un nègre, nommé Ilayyân,
esclave affranchi, vivait, dit-on, dans le pays. Son ancien maître
avait fini par se ruiner par la façon généreuse dont il traitait ses
hôtes, et il en fut réduit peu à peu à vendre tous ses biens au
nègre enrichi. Un jour, il alla trouver l.layyân et lui dit : « J'ai
des hôtes chez moi, je viens te demander un mouton, de l'huile
et de la farine. — Soit, répondit l'autre, mais à la condition que
tu me donnes ta fille en mariage! » L'hôte, pour ne pas subir la
home de mal traiter ses invités, dut accepter et rentra chez lui
chargé de provisions. Peu après, l.layyân survint et exigea que
les noces eussent lieu le soir même. Puis, il alla dans les villages
voisins pour convier les gens à son mariage. Il pleuvait et c'était
une nuit de hsoûm. En traversant un oued, il fut emporté par le
courant et se noya. Et son ancien maître, dès le lendemain, put
rentrer en possession de tous ses biens.
Diverses coutumes naturistes se rapportent à cette période :
s'il ne pleut pas pendant les hsoûm, les puits ne se rempliront
pas de l'année; h pluie des hsoûm est favorable aux cultures
ditesel-ijtti:iynh (fèves, lentilles, pois, jaresse). Chez les B. Zeroûâl,
on évite, pendant que durent ces jours néfastes, d'entreprendre
une construction nouvelle ou de moudre la récolte d'olives. Ce
sont les jours les plus froids de l'armée et il tombe de la neige.
Aussi ait on : « Ne te réjouis pits du nombre de tes agneaux et
1 Cf. un prov.-rbs aualog'.x dir.s Ber. Chcricb. op. cit., n° 37.
2. Cf. Qu'au, sourate L X 1 X , v ; r s . 7. S i . r cotte période, qui c o m m é m o r e
l'anéantissement ues peuples du *AJ et de T h a i a o û d , cf. Doutté, op. cit,
p. $52 et Destaing, Faits ei contenus iuisomùires cLe^ les Betu-Sttous, dans la
Revue Africaine de 1 9 0 6 .
- 94 -
de tes chevreaux, tant que les lîdlî et hayydn ne seront pas ter-
minés » (Jâ-d-frah-b-el khirfân-oû-hdjdîdn, butta ikhroùdj-el lîdlî-
oû bîyyân); ou encore : « hayydn est neigeux; à son début, il y
a abondance d'oeufs de perdrix; à sa fin les épis se forment dans
le blé vert» (Jpiyyân-botl-tbbtîdj ; âouloû-bîdbâ-ad dkhoûrou-'asloûdj).
Le milieu des hsoûm, particulièrement le dernier jour de
février et le premier jour de mars, est l'époque la plus favorable
à la découverte des œufs de perdrix. Les Djebâlah ont pour ce
mets une prédilection spéciale, probablement parce qu'il passe
pour être doué d'une vertu aphrodisiaque. Ils emploient, pour
réussir dans leurs recherches, deux sortes de procédés qui relèvent
de la magie. Les uns sortent de chez eux au milieu de la nuit,
placent un tamis devant leur visage et comptent les étoiles qu'ils
aperçoivent à travers ce tamis. Les autres passent un poinçon sur
leur paupière inférieure en faisant le serment de ne laisser couver
aucune perdrix*.
Pendant quarante jours, du 12 juillet au 19 août, s'étend la
période de la canicule (es-undun). Si, durant tout ce laps de
temps, il y a le moindre nuage dans le ciel, l'année sera pluvieuse.
« Si le tonnerre se fait entendre, la mort sévira parmi les hommes
ou les bêtes de somme » Qdâ-tertaq-er-ra'ad-f-es-smdttn, îkoAn-el-
maoût-j-mnddem-âùû-f-el-behâhiî).
Le nath (du 23 mars au 4 avril), qu'on a représenté comme
une période où tout travail des champs doit être évité*, est, au
contraire, chez les B. Zeroûâl au moins, considéré comme l'époque
la plus favorable au début des semailles de sorgho. Il est vrai,
aussi, que dans cette tribu il n'est tenu aucun compte du caractère
néfaste des jours ce canicule.
Pour compenser toute cette série de jours mauvais, les calen-
driers agricoles fixent au 27 avril l'ouverture de la période bénie
du nîsdn, qui se prolonge pendant sept jours'. Chez les Djebâlah,
comme dans le «sie de l'Afrique du Nord, on attribue à la pluie
tombée pendant le nlsdn une vertu merveilleuse et une barakab
tellement grande, qu'on place sur le sol, chaque fois qu'il pleut,
au cours de ces sept jours, des plats très larges qui recueillent le
1. Cf. dans Doutté, op. cit., p. 262, les recettes magiques pour faire bonne
chasse.
2. Cf. Arin. hc. cit.
3. Sur le nîsàn, cf. Destaing, op. cit., et Doutté, op. cit., p. 552 (références
p. 5 5 3 , notes 1 et 2 ) .
~ 95 —
o t
1. Cf. Doutté, op cit., p. 553 et " « 3¬
3. Doutté, op. cit., p. 5 1 8 .
3. Je n'ai pu recouper l'exactitude des renseignements donnés par W. B.
Harris, The Herbert of Morocco, ap. b'razcr, op. cit., III, p. 2 4 1 , au sujet d'une
cérémonie analogue des environs de T a n g e r , la seule Je ce s;enre, à ma con-
naissance, signalée au Maroc, avec celle que Dout:é a recueillie- chez les
I.iahah (pp. cit., p. s î y ) . Cf. le nom donné, par les Djebûiah à l'arc-en-ciel :
la » fiancée de la pluie « CaroiUet el-malr) ; à 1лз, ou dit au contraire : « Ц
ceinture de Lallah Fatimah » Qjidm follà-jdlimd).
5
A B C B . вини. 191 г . — t'.isc. 1 1
- 9 8 -
joie par des ighirith et des chansons. Chez les Fichtâlah, elle*
chantent sur tm mode lent le refrain suivant :
i< Meurs, ô notre champ! Gloire à celui qui ne meurt pas!
« Meurs, ô notre champ, champ de bonheur!
« Cette année c'est l'orge et l'année prochaine,.ce sera le blé ! »
Moût-iâ-fedddntid ! Soubhân-me] hî-îmoût!
Moùt-td fedddmiâ, fedddn er-rbdb!
Hâd-el-'âi>i-b-ccb-cb'îr oû-l-qdbel-b el-qmâh!
ou bien. :
« O notre champ, champ de richesse!
« Cette année, c'est l'orge et l'an prochain ce sera le blé! »
Fedddnnâ-id fedddn-el-gbnâ !
Hdd el-'dm-ecb cb'îr-oû l- âm-lmddjî-i-qmâh !
:. Cl. Bel, Quelques rites pour obtenir la pluie en temps de sécheresse chez les
Musulmans Maghribins, dans le Recueil de Mémoires ct de Textes publiés en l'hon-
neur du XH?* Congres des Orientalistes. Alger, 1905. p. 4 9 - 9 8 , et les pages de
Doutté, op. cit., p. 582 sqq , où il a incorporé le résultat des observations qu'il
a recueillies dans le sud du Maroc.
2. Sur ce mode de sacrifice, cf. W e s t e r m a r c k , Cérémonies du Mariage au
Maroc, trad. J. A r i n , dans les Archivas Berbères, 1 9 1 7 , p. 34 et W- Mariais,
op cit., p. 3 7 9 .
— 99
I. Doutté, op. cit., p. 5 S 5 . Le rite de Ghondjah existe chez les Tsoûl et les
HUïnah, au témoignage de Trenga, Us Branis, dans 1rs Archives Berbères;
1 9 1 5 - 1 9 1 6 , p. 298.
1. Mot à mot, « en gouttes aussi grosses que des limons ». Image osée
appelée par les besoins de la rime.
5. Cf. un chant analogue dans S. Biarnay, Étude sur Us diultctes berbères du
Rif. Paris, 1 9 1 7 , p. 1 7 6 sqq.
— loi —
i. Sur le jour de l'an roaghribin, cf. Destaing, Ennuytr cb¿~ les Béni Suoils,
dans la Revue Africaine, 1905, p. 56 sqo. ; Doutté, op. cit.,-p. 544 sqq. et réié-
rences m ê m e page, note 1. Mouliéras (op cit., p. 519) ne fait que signaler,
sans exposer les coutumes qui s'y rattachent, la lête du nouvel an ches les
Djebâlah et ne mentionne pas sa dénomination montagnarde.
s. A F a s , hUgoû^ob est employé concurremment avec iennâïr. Chez les B.
Zeroûàl, Ijdgoûi se transforme souvent en hdouoù*, de même dggaû^ (vieille
femme) se transforme en douoû^. il n'existe pas, * ma connaissance, dans le
dialecte n o r d - m a r o c a i n , d'autres exemples de cette elisión analogue à celle du
qûf dans le parler fasî et le jargon juif d'Alger. Je ne crois pas qu'il soit pos-
sible de rapprocher Ijàgvûx de guoi'i^ù (prononciation djeb. de djaoù^i n c o n s -
en
lellation des Gémeau*), l > ' que la nuit du premier janvier porte dans les
calendriers fâsîs le nom de UiUat-eUgaoi\\à.
collectivité, quand les maisons des Chrétiens avdisinaient celles
des Musulmans (cl. supra); les enfants des villages, sans s'occu-
per de leurs religions différentes, jouaient quotidiennement
ensemble. Un jour — c'était le premier janvier — les jeunes
Musulmans virent leurs compagnons chrétiens chargés de frian-
dises et habillés de neuf. Ils s'en furent sur le champ demander
en pleurant à leurs parents des présents de fête. Alors, les Musul-
mans égorgèrent pour leurs fils des moutons et des poules.
D'autres firent l'emplette de figues, de noix et de raisins secs, et
les enfants, satisfaits, cessèrent leurs récriminations.
C'est probablement dans cette légende naïve qu'il faut recher-
cher l'origine des prescriptions alimentaires du hâgo»^ djebâlah.
La fête dure trois jours. La veille du nouvel an, il est d'usage
que les femmes préparent un plat de blé concassé, cuit dans du
lait et servi avec du miel, de l'huile ou du sârnet*. C'est le dchîch,
que l'on sert également à Fâs ce jour-là, mais qui porte dans
cette ville le nom curieux de berrberr. Tous les gens, riches et
pauvres, ne sauraient se dispenser de se gaver de dchîch le soir du
dernier jour de l'année; il est d'usage également de manger des
noix et des raisins secs rouges qu'on a achetés à l'avance pour être
sûr de n'en pas manquer. Chez les B. Zeroûâl et les Djâyah, il
est nécessaire de manger des sardines salées, « quand bien même
le prix d'une de ces sardines atteindrait deux douros », des pois
chichcs et des fèves grillées. Le lendemain, premier jour de l'an-
née, et le jour suivant, on va chasser et déterrer des racines
tendres de palmier nain, qu'il est bon de manger à cette occasion.
Le troisième jour, on prépare des beignets Çsfendj) aux raisins
noirs.
Le premier jour du hagoù^, on change dans chaque maison les
pierres du foyer: ce soin est réservé aux femmes. On tire égale-
ment des présages poui la récolte de l'année nouvelle. S'il reste
du dclnch, chez les Djâyah, c'est signe que l'année sera bonne.
Pendant la première nuit, les femmes laissent dans un plat un peu
de cette bouillie; elles y tracent au moyen de leur doigt cinq
rigoles parallèles en disant : « Voilà janvier, février, mars, avril
et mai » ; puis, dans chacune des rigoles, elles mettent à incer¬
i. Sur la fabrication du. sâmet chez les Djebilah, cf. Moultéras. op. cit., t. I,
1. Sur l'heptade chez les peuples musulmans, cf. Doutté, op. cit., p. »84 sqq.
2. La coutume signalée par Doutté, op. cit., p. 5 6 9 , d'après laquelle on
brûlerait chez les Djebâlah un c h a i sauvage dans le feu deV'Ansrab est inconnue
de tous m e s informateurs.
Dans la montagne, la fête de V'Acfoârâ, qui tombe le to mo-
1
harrem, est plutôt connue sous le nom de 'Acboûr . Alors que
dans le reste du Maroc, elle donne lieu le plus souvent à des
manifestations complètement étrangères aux prescriptions ortho-
doxes, elle a conservé, au nord de l'O. Ouarghah, son caractère
exclusivement religieux, et il ne s'y juxtapose que les rites de
deuil dont on a donné déjà diverses explications. Elle n'y est
jamais non plus l'occasion de cérémonies carnavalesques. Cer-
taines prohibitions relatives à cette fête se sont même étendues
dans le pays à tout le mois de moharrem : c'est ainsi que pen-
dant les trente premiers jours de l'année musulmane, il est
défendu aux hommes de se raser la tête, aux femmes de se teindre
au henné et d'ussr de khol, en souvenir de la mort de Hbsein à
Kerbélah.
On mange la veille de YAchoùra la queue du mouton égorgé
pour Y'Aid Kbîr. Le lendemain matin, de bonne heure, après
une toilette minutieuse, les hommes vont au cimetière arroser
d'eau les tombes de leurs parents en disant : « Voilà de l'eau du
puits de Zerozem! »
Les Djebâlah célèbrent normalement Y'AîdSghtr et leMoûloûd.
qu'ils appellent plus volontiers le Maïloûd. Pendant la nuit du
Maïloûd les femmes veillent et chantent. Le matin du premier
jour de Y'Aïd Sgbîr, dès l'aube, tout le monde distribue aux
pauvres, aux veuves et aux orphelins la fitrab, représentée par
un motuld nabàofiî de grain (environ quatre poignées de grain).
Le septième jour qui suit le début de chacune de ces fêtes est
considéré comme un jour férié et donne lieu dans la plupart des
villages à des sacrifices rituels privés ou faits par la communauté.
Le septième jour du Moûloûd' est un jour de grande fête chez
tous les Djebâlah. Les B. Zeroûâl, les B. Mestârah et les Ghzâoûah
vont à cette date faire aux saints protecteurs de leurs tribus des
sacrifices de t'arqîbah, pendant que des cavaliers tirent des coups
de feu en signe de réjouissance. Chez les Djâysh, les femmes de
la tribu vont visiter la zâoûiyâh de Moulai "Abderrahmân. La
t. Sur cette fête, cf. Doutté, op. c:l , p. 526 sqq • Mouliéras, op. cit., I I ,
p. 5 1 8 ; Castells. Note sur la fitt de Admira à Rabat, dans les Archives Ber-
bères, 1 9 1 5 1 9 1 6 , p, 250 sqq.
2 Le Sdba du Moidoàl et de V'Ald Sghir en célébré chce les Branès; cf.
T r e n g a . op. cit., p. 297. Sur ces deux lê'.es, cl. aussi Mouliéras, op. cit., II,
p. 1 9 , 5iS et 5 1 9 .
coutume veut qu'un homme de la famille des Oulàd Boû'allâq,
du village de Tafernoût, des B. Ouriâgel, apporte un chevreau
au tombeau du saint, quels que soient le temps et la grosseur de
l'O. Aoûlaï qui sépare les deux tribus. Les femmes djâyah intro-
duisent ce chevreau dans l'intérieur du mausolée, lui recouvrent
la tête d'un voile; puis elles arrachent, chacune à son tour, une
poignée dés poils de la bête. Elles attribuent à ces poils, brûlés
dans la chambre d'un malade, une venu éminemment bienfait
santé.
Le septième jour de Y'Aïd Sghîr, il est d'usage d'égorger un
mouton ou une poule. Chez les B. Zeroûâl, celui qui a sacrifié à
cette occasion plante dans la cour de sa maison un roseau au bout
duquel il a attaché un ou deux mouchoirs de soie.
Les Djebâlâh, plusieurs mois avant la venue de Y'Aïd Kbîr,
font choix dans leur troupeau du mouton qu'ils égorgeront pour
cette fête. Les plus riches prennent soin de le nourrir longtemps
à l'avance d'orge et de lèves, pour qu'il soit, le moment venu,
parfaitement gras. Le matin du premier jour de la fête, il est
d'usage de faire un repas composé de mets à base de grains. Un
peu avant midi a lieu la prière en plein air, à quelque distance
du village. Dès qu'elle est terminée, l'imâm égorge la première
victime et invite ses frères à aller immoler les leurs sur-le-champ.
Immédiatement après le sacrifice, on fait griller et on mange le
foie du mouton'; puis on s'en va chez les voisins se féliciter, se
souhaiter bonne fèce et demander l'oubli des haines et des que-
relles réciproques. Le lendemain, on continue ces visites. Le
second jour de la fête s'appelle nhdr-a^ellif, le jour des têtes de
mouton rôties, qu'on mange avec du couscous. Après le repas,
les femmes et les enfants, revêtus de leurs plus beaux vêtements,
montent au sommet de la colline proche et font rouler des
pierres, en poussant des ^gbdritb; ou bien elles s'en vont visiter le
tombeau du marabout qu'elles ont adopté comme patron. La
fête continue encore pendant deux jours.
Les montagnards ont coutume de conserver l'omoplate du
mouton de Y'Aïd Kbîr, et prétendent y lire des présages sur
l'avenir ou des indications météorologiques. li existe chez eux
des spécialistes de ce genre de divination, les kettâf*.
Évariste LÉVIPROVENÇAL.