L Initiation Traditionnelle 2023 Numero 1

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L’Initiation Traditionnelle

Numéro 1 de 2023
Revue éditée par le GERME (Groupe d’Études et de Réflexion sur le Martinisme et l’Ésotérisme) et fidèle
à l'esprit de la revue L'Initiation fondée en 1888 par Papus et réveillée en 1953 par Philippe Encausse

Philosophie • Théosophie • Histoire


Spiritualité • Franc-maçonnerie • Martinisme

Assemblée de francs-maçons pour la réception au grade d’apprenti au XVIIIe siècle


Gravure anglaise de 1809, auteur inconnu

Revue en ligne L’Initiation Traditionnelle n° 1 de 2023


Janvier, février & mars 2023
L’Initiation
Traditionnelle
80 rue Doudeauville
75018 Paris

Courriel :
[email protected]

Sites Web :
https://linitiation.eu (site officiel)
https://germe.eu (blog)
Sommaire du numéro 1 de 2023
ISSN : 2267-4136 Les liens du sommaire ci-dessous sont cliquables

Directeur : Michel Thiolat Éditorial, par Bruno Le Chaux 1


Rédacteur en chef :
Bruno Le Chaux Réfléxions sur les conditions spirituelles d'éclosion de
la franc-maçonnerie spéculative en Angleterre,
par Nadim Michel Kalife 5

Les opinions émises dans les Comment expliquer la laïcité au grand public
articles que publie L’Initiation par Nadim Michel Kalife 29
Traditionnelle doivent être
considérées comme propres à La compatibilté d'être chrétien et franc-maçon,
leurs auteurs et n’engagent que ma réponse au Père Diouf,
leur responsabilité. par Nadim Michel Kalife 39

Les livres 94

L’Initiation Traditionnelle ne
répond pas des manuscrits
communiqués. Les manuscrits
non utilisés ne sont pas rendus.

Tous droits de reproduction, de


traduction et d’adaptation
réservés pour tous pays.
ÉDITORIAL 1

Ce numéro est consacré spécialement à la franc-maçonnerie et il


abordera des questions essentielles à savoir l’histoire et les origines de la
franc-maçonnerie mais aussi les idées reçues qui ont toujours la part
belle malgré de nombreux démentis. Parmi ces idées reçues : peut-on
être chrétien et franc-maçon ?

Peut-on être chrétien et franc-maçon ?


La bulle pontificale du pape Clément XII qui condamne la franc-
maçonnerie en 1738

Cette question – étonnante pour qui


connaît bien la franc-maçonnerie qui, à
l’origine, ne comptait que des Chrétiens
parmi ses membres – est posée depuis
1738 lorsque le cardinal de Fleury,
ministre du jeune Louis XV, convinquit
son ami le pape Clément XII d’interdire la
franc-maçonnerie. Clément XII émit la
bulle pontificale In eminenti apostolatus
specula qui interdit à tout catholique
d’être franc-maçon. Cependant, cette
bulle ne fut pas
reçue en France,
André Hercule de Fleury (1653-1743),
Cardinal et ministre de Louis XV
n'ayant pas été
enregistrée par le parlement de Paris. Elle est
donc sans effet sur les catholiques français. Les
raisons de cette interdiction sont surtout à
chercher dans la peur que l’Église catholique avait
d’une fuite de ses ouailles vers un mouvement
initiatique à l’origine chrétien et dans la crainte
qu’éprouvait le cardinal de Fleury envers une
société qui se libérait des poids et de la pression
de l’Église et par extension de la Monarchie Le pape Clément XII, auteur
de la bulle pontificale en 1738
absolue.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Le canular de Leo Taxil
2
Le coup de grâce fut porté par le canular
totalement loufoque de Leo Taxil, de son vrai
nom Gabriel Jogand-Pagès (1854-1907), qui,
bien que démenti par son auteur, sert
toujours de base aux théories du complot
antimaçonniques jusqu’à aujourd’hui. Cette
mystification, débutée en 1885, a été percée à
jour puis démentie totalement en 1897.
Expert en canular depuis sa jeunesse, Leo
Taxil écrivit plusieurs ouvrages consacrés à la
franc-maçonnerie en inventant des éléments
extravagants selon l’adage bien connu : plus
c’est gros, plus ça passe ! Le succès auprès du
grand public fut retentissant. Il prétendait révéler des secrets jusqu’alors
restés cachés. La recette, qui fonctionne encore de nos jours, lui permit
de vendre de nombreux exemplaires de ses ouvrages dont voici la liste :

• Les mystères de la Franc-maçonnerie dévoilés,


Paris, Letouzey et Ané, 1886
• Révélations complètes sur la franc-maçonnerie :
Les sœurs maçonnes, Paris, Letouzey et Ané, 1886
• Révélations complètes sur la franc-maçonnerie :
Les frères Trois-Points, Paris, Letouzey et Ané, 1886
• Révélations complètes sur la franc-maçonnerie : La
culte du grand architecte, Paris, Letouzey et
Ané, 1886
• Confessions d’un ex-libre-penseur, Paris, Letouzey
et Ané, 1887
• Les assassinats maçonniques, Paris, Letouzey et
Ané éditeurs, 1889 (avec Paul Verdun)
• La Franc-maçonnerie dévoilée et expliquée, Paris,
Letouzey et Ané, 1890
• Y a-t-il des femmes dans la franc-maçonnerie ?
Paris, H. Noirot, 1891

Dans son ouvrage Les mystères de


la Franc-maçonnerie (1886), Léo
Taxil prétend que les francs-
maçons adorent Baphomet

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Trois articles de Nadim Michel Kalife
3

Pour approfondir ce sujet et donner une réponse claire à la question


de savoir si l’on peut être chrétien et franc-maçon, nous utiliserons
judicieusement trois textes de Nadim Michel Kalife.

Nadim Michel Kalife, de


nationalité togolaise, est né à Lomé en
1944. Son arrière grand père maternel,
Michel Nasr (ou Nassar), était venu du
Liban en 1885 pour s’établir
commerçant à Keta dans le Togoland
allemand. Puis, son grand père Assaad
Nassar quitta Keta en 1916 pour venir
s’établir définitivement à Lomé, où il fit
construire la premère maison toute en
ciment, non loin de la Cathédrale. Son
oncle maternel, Philippe Nassar, fut élu
député de Lomé en 1958. Son père,
Michel Salim Kalife, était Consul honoraire du Liban au Togo jusqu’à son
décès en 1974. Tous ses parents et grands parents sont enterrés à Lomé
(Abogamé). Nadim Michel Kalife a fait ses études secondaires au Collège
Saint Joseph à Lomé, puis ses études supérieures de sciences
économiques à l’Université de Paris (Assas/Panthéon). Il enseigna
l’économie politique à l’Université de Lomé de 1970 à 1984, où il fut le
premier directeur de l’ESTEG, devenue FASEG en 1975. Il dirigea aussi,
de 1969 à 1986, deux sociétés d’import-export avant de se spécialiser
après 1982, dans la fabrication d’objets d’artisanat d’art utilitaire en bois
précieux du Togo. Ainsi, sait-t-il allier la pratique des affaires à la théorie
économique qu’il a enseignée durant 15 ans à Lomé et 3 ans à l’ESCP à
Paris.

Nadim Michel Kalife est entré en franc-maçonnerie tardivement, à


l’âge de 52 ans, car il pensait, à tort, selon une idée reçue tenace, que
cette voie n’était pas bonne pour un chrétien. Aussi est-il tout à fait
désigné pour nous prouver le contraire.

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Il est l’auteur d’un
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ouvrage remarquable
intitulé Réflexions
d'un maçon sur son
chemin initiatique
africain. Les deux
tomes publiés
respectivement en
2003 et en 2006 aux
éditions Detrad
reprennent les
articles publiés dans
le blog l’œil de Caïn
de l’auteur.

Les précieuses recherches de Nadim Michel Kalife nous


entraînerons d’abord à étudier ses Réfléxions sur les conditions
spirituelles d'éclosion de la franc-maçonnerie spéculative en
Angleterre. Les rôles et influences de Thomas More, de l’Académie de
Florence, de Francis Bacon, de l’Invisible College de l’université d’Oxford,
des Rose+Croix entre autres seront abordés. Cet article remarquable
brosse toutes les prémices qui ont conduit à la création de la franc-
maçonnerie en Angleterre.

Nous poursuivrons par un texte, toujours d’actualité, qui brosse


brillamment l’histoire de la laïcité : Comment expliquer la laïcité au
grand public.

Et enfin, dans un article très structuré, comprenant 26 chapitres,


où l’auteur répond à un prêtre catholique, le père Diouf, qui déconseillait
à un fidèle d’entrer en maçonnerie, Nadim Michel Kalife nous prouvera,
sans appel, la compatibilté d'être chrétien et franc-maçon. Pour ce
faire, l’auteur déconstruira certains mythes et fausses ctoyances et
rappellera les origines historiques de la franc-maçonnerie.

Bruno Le Chaux,
rédacteur en chef.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


REFLEXIONS SUR LES 5

CONDITIONS SPIRITUELLES
D’ECLOSION DE LA
FRANC-MAÇONNERIE
SPECULATIVE EN
ANGLETERRE
par Nadim Michel KALIFE

Je me suis parfois retrouvé à douter de l’utilité de mon


appartenance à la franc-maçonnerie en m’interrogeant en ces termes :
« qu’est-ce que je fais ici, parmi cette assemblée de gens hétéroclites
que je ne connais pas bien individuellement ? », « A quoi cela me sert-il
de les fréquenter à répétition ? », « Dois-je encore rester franc-maçon et
continuer à adhérer à mon Ordre ? ».

Après avoir toujours répondu, positivement, à toutes ces


interrogations en fonction de mes convictions personnelles, je me suis
dit qu’il fallait aller plus loin, en remontant aux sources historiques de la
franc-maçonnerie, pour savoir pourquoi c’est l’Angleterre qui a accouché
de la franc-maçonnerie spéculative, il y a trois siècles, et pourquoi cette
école de pensée s’est donnée pour règle constitutionnelle, la recherche
permanente de la vérité dans un cadre de tolérance générale et de totale
liberté individuelle, en veillant à réaliser la fraternité universelle par une
lutte constante pour la justice, le tout ne devenant possible qu’en invitant
chacun des membres de cette association à une discipline initiatique
personnelle qui lui permette de se connaître et de se perfectionner
intérieurement avant de pouvoir agir en dehors de l’association pour le
Bien de l’humanité entière.

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En tant que chercheur des vérités humaines, soucieux de découvrir
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la genèse de toutes choses qui concernent la façon de penser et d’agir de
l’homme, en tout lieu et en tout temps, je me suis donné pour tâche de
réunir ici des analyses pouvant permettre de comprendre l’évolution de
la pensée anglaise durant les siècles qui ont précédé l’éclosion de cette
belle école de pensée à Londres et au début du XVIII° siècle.

LA PENSEE PHILOSOPHIQUE DU MOYEN AGE


Au Moyen Age, l'esprit européen était dompté par la pensée unique
des Pères de l'Église, dans une sorte de ghetto spirituel, sauvegardé par
l'Inquisition. Il n’y avait pas de philosophie médiévale à proprement
parler, alors qu’il y a eu des cathédrales et des chansons de geste et des
tas d’autres créations artistiques. Tout l’art médiéval et toute méditation
de l’esprit humain ne devaient servir qu’à exprimer la même foi, à la
seule gloire de Dieu en Christ, de telle sorte qu’il ne pouvait exister
d’autre philosophie à titre profane et qui puisse être laïque. Toute pensée
philosophique était limitée à se conformer aux préceptes religieux,
considérés comme une Révélation divine sous la forme des dogmes
exprimés dans les saintes écritures, et dont l’assimilation par les fidèles
se faisait à travers une argumentation dite scolastique, c’est-à-dire non
soumise à débats.

Or, le grand événement de la pensée médiévale se trouve dans la


traduction en latin (demeurée langue commune des lettrés européens
jusqu’au XVI° siècle) des ouvrages arabes ayant trait à la pensée
d’Aristote et à celle de ses commentateurs comme Avicenne, Averroès
ou Maïmonide. Et c’est justement le problème d’harmonisation de la
pensée des Pères de l’Église avec toute cette nouvelle méthode de
pensée, dite dialectique, recueillie à partir du XII° dans les œuvres
d’Aristote transmises et développées par les penseurs arabes et juifs de
l’Espagne occupée, qui va alimenter les réunions de tant de Conciles au
Moyen Age, jusqu’au Concile de Trente au milieu du XVI° siècle, consacré
à la contre-Réforme, où « La Somme Théologique » de saint Thomas
d’Aquin, opérant une synthèse de la logique aristotélicienne et des
dogmes catholiques, sera reconnue comme livre saint à côté de
l’Evangile.

En effet, au XIII° siècle, Thomas d’Aquin avait su convertir la


métaphysique d’Aristote en théologie rationnelle, en reprenant la

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distinction aristotélicienne de l’essence et de l’existence pour soutenir
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qu’en Dieu, l’essence est incluse dans l’existence, alors que c’est
l’intervention de Dieu dans l’essence de l’homme qui fait obtenir à
l’homme son existence. C’est là que se trouve le fondement de « La
somme théologique » de Thomas d’Aquin, devenue la doctrine officielle
de l’Église, sous la dénomination de « thomisme » à tel point que tous
ceux qui tenteront de contester cette distinction thomiste de l’essence et
de l’existence seront condamnés pour hérésie en étant brûlés vifs sur un
bûcher au vu et au su de toute la population.

En résumé, toute pensée philosophique médiévale doit revenir à la


Foi, dont la conformité est régulée par les tribunaux épiscopaux jusqu’au
moment où, la dépravation des mœurs du Haut Clergé ayant
suffisamment écœuré les fidèles du XI° au début du XIII° siècle, le pape
Innocent III se décide à confier le contrôle des consciences et des écrits à
une institution spéciale, l’Inquisition, dirigée par les pères dominicains et
franciscains.

Toute philosophie médiévale devant être la servante de la


théologie, les doctrines médiévales ne pouvaient donc pas avoir pour
objet la recherche de la vérité, puisque cette Vérité était supposée se
trouver dans la seule Bible, et qu’il suffisait d’adapter à la Vérité révélée
toutes les autres théories existantes, empruntées soit à l’Antiquité greco-
latine, soit à la pensée arabo-musulmane de l’époque. C’était le but
tactique de la méthode scolastique, signifiant littéralement « ce qui est
enseigné à l’école », donc sans débat ni critique, en laissant au croyant
catholique le soin de classer ses connaissances par cœur, sans avoir à les
vérifier ni à en observer les faits. C’était la mort de la philosophie.

L’EXCEPTION ANGLAISE
Une exception est, néanmoins, à distinguer pour l’Angleterre où,
dès le XI° siècle, avec l’arrivée des premiers Juifs en Angleterre, un
astronome, Pedro Alfonso, avait réussi à introduire une tradition de
recherche scientifique, renforcée par Robert Grossetête qui a découvert,
le premier, la nécessité d’appliquer les mathématiques à toutes les
sciences de la nature et qui a réclamé la nécessité de l’observation et de
l’expérimentation pour tester les hypothèses théoriques, à la différence
de tout ce qui concerne les dogmes religieux et la Révélation. Cette
première orientation empiriste est renforcée, à la fin du XIII° siècle, par

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Roger Bacon qui écrit notamment : « La preuve par le raisonnement ne
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suffit pas, il faut, en plus, l’expérimentation ».
A la même époque (XIII° siècle), Duns Scot réclame de distinguer le
domaine de la Foi, non soumis au raisonnement dialectique, des autres
domaines religieux qui doivent pouvoir bénéficier de réponses claires et
rationnelles. Et au milieu du XIV° siècle, le franciscain Occam, va aussi
séparer le domaine des affaires qui touchent à la Foi de tous les autres
thèmes religieux, où il convient d’appliquer le raisonnement dialectique.

Cette avancée méthodologique et intellectuelle d’Oxford prédispose


cette université à une certaine ouverture d’esprit qui la laisse continuer à
enseigner Aristote, Kharazmi (mathématicien arabe, fondateur de
l’algèbre) et Euclide (père de la géométrie), alors que l’archevêque de
Paris interdit l’enseignement d’Averroès et d’Aristote à la Sorbonne au
milieu du XIII° siècle. Cela fit acquérir à Oxford une grande réputation
européenne pour l’enseignement des mathématiques et de toutes autres
sciences. Cette renommée est confirmée à la fin du Moyen Age, où Roger
Bacon va découvrir, le premier et à Oxford, la philosophie empiriste,
annonçant en cela ses successeurs, Francis Bacon, Isaac Newton et toute
la nouvelle ère scientifique qui va éclore en Angleterre.

L’APPORT ESOTERIQUE DE L’ACADEMIE DE


FLORENCE AU XV° SIECLE
La République de Florence, fondée en 1293 par l’association des
marchands et des artisans, qui excluent toutes les familles nobles de
l’exercice du pouvoir, était au milieu du XV° siècle un minuscule Etat, qui
s’empare de Pise en 1406 pour en faire son port maritime, et qui va
briller à travers l’Europe grâce à l’action de Côme de Médicis, richissime
et puissant banquier florentin, qui accueille des intellectuels grecs fuyant
les conquérants turcs. En 1433, l’empereur de Byzance, se rend au
Concile de Ferrare, accompagné de son patriarche orthodoxe et de
l’érudit Pléthon, pour sceller la réconciliation des deux Églises, catholique
et orthodoxe, séparées depuis 1054 au sujet du Filioque (sur le rôle du
Fils dans le mystère de la Trinité), en vue d’obtenir l’aide des Chrétiens
d’Occident contre le Sultan ottoman.

En 1439, Côme de Médicis, obtient le transfert du Concile à


Florence, où il invite Pléthon à fonder une « école de la sagesse » à

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l’image de l’Académie de Platon. Pléthon initie alors les élèves à son
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enseignement ésotérique, à partir de la théorie des « émanations » de
Plotin, chef de file de l’école néoplatonicienne d’Alexandrie du IIIème
siècle, où il prêchait un monothéisme rationnel et tolérant, tout en
croyant aux vertus de l’astrologie, considérée alors comme la discipline
reine parmi les sciences de l’époque.

A sa suite, l’Académie de Florence, animée par Marsile Ficin et Pic


de la Mirandole, va puiser dans l’astrologie une science de la magie
naturelle qui soit rationaliste, par opposition à la magie noire,
irrationnelle : il s’agit d’utiliser les mécanismes et les forces de la nature
pour agir sur la nature et pour le bien des hommes. C’était une forme
pré-scientifique de manipulation des lois naturelles non encore
découvertes, que les nouvelles sciences, l’alchimie, la Kabbale ainsi que
le « Corpus hermeticum » d’Hermès Trismégiste, prétendaient
transcender grâce à leurs secrets hérités de la Tradition. A cet effet, dans
leur cadre de recherche collégiale au sein de cette Académie, les
académiciens étaient individuellement invités à disserter sur la vertu
d’Amour, parce que, pour toutes ces « sciences », l’Amour est considéré
comme principe de vie animant l’harmonie de l’univers, et qu’à ce titre,
sans le liant d’Amour, les acteurs ne pouvaient rien réussir.

L’Académie de Florence enseignait à présent, au milieu du XV°


siècle, que l’homme doit faire table rase de tous les préjugés contenus
dans ses connaissances, pour ensuite reconstruire rationnellement son
nouveau système de pensée. Tous les académiciens de Florence devaient
alors se consacrer à la recherche de la vérité, sans aucune limite, en
commençant par l’étude des textes anciens relevant de la Tradition
Primordiale, et notamment Plotin, Hermès Trismégiste et la Kabbale, qui
ont été occultés depuis des siècles par la censure ecclésiastique ou
brûlés par l’Inquisition. La tolérance religieuse y était pratiquée, puisque
les confessions religieuses y étaient diverses, catholiques, orthodoxes,
monophysites grecs, juifs et arabes d’Espagne, avec, pour devise de
l’Académie, la fameuse phrase de Pléthon, prononcée au Concile de
Florence : « Chaque religion n’est qu’un morceau du miroir brisé
d’Aphrodite ».

Cette expérience italienne de l’Académie de Florence s’était


propagée à travers toute l’Europe grâce aux relations de Laurent de
Médicis dit « Le Magnifique » avec les autres cours princières d’Europe,
ainsi qu’aux voyages de quelques membres prestigieux de cette

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Académie, comme Pic de la Mirandole qui diffusa la pensée que la liberté
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est le don de Dieu à l’homme pour qu’il puisse choisir ses croyances sans
aucune censure ni condamnation, tout en diffusant le goût pour l’étude
de la Kabbale.

A l’image de l’Académie de Florence, des cercles savants, parfois


appelés « académies » ou « collèges » ont été progressivement créés un
peu partout en Europe, échangeant leurs études et communiquant des
informations sur l’évolution de leurs recherches portant sur la Nature et
la société. Cela finira par former, au début du XVII° siècle, une sorte de
« République des Lettres » dont le fonctionnement reposait sur un
réseau de correspondants.

LA RENAISSANCE ANGLAISE DU XVI° SIECLE


Thomas More (1478-1535), à la fois philosophe, théologien, juge et
homme d’Etat, va affronter les soucis de création d’un Etat moderne,
caractéristique de l’ère nouvelle qui s’annonce au début du XVI° siècle,
où l’idée du rapport des forces politiques et humaines est en train de
supplanter la conception providentielle et de droit divin. Avec cette idée
d’absence d’intervention de Dieu dans l’action politique du Roi, Sir
Thomas More imagine, en 1516, une république qu’il dénomme
« Utopie » (signifiant « nulle part »), qu’il conçoit sous la forme d’une
société parfaite, ne connaissant ni guerres, ni misère, ni crimes, ni
injustice, ni aucun des autres maux qui avaient accablé l’Europe du XV°
siècle. Il explique cet état de grâce, par l’absence de propriété privée, par
une entière tolérance religieuse et par l’impossibilité de confisquer le
pouvoir grâce à un contrôle permanent des citoyens sur les organes de
l’Etat. Cet Etat offre à chacun, fille et garçon, l’accès gratuit à
l’enseignement technique ou professionnel de son choix pour apprendre
un métier. La religion en vigueur est un théisme neutre, sans confession
particulière, où c’est la loi morale qui est en vigueur, et où les prêtres
sont choisis pour leur sainteté. Des cours d’instruction civique éveillent
la conscience politique des élèves. Il n’existe pas de ségrégation sexuelle.

A travers cette étude de référence, Thomas More pose finalement


la question des moyens de réaliser le bonheur de l’homme et du sens de
son existence. Il veut prouver, à travers « l’Utopie », que la bonne
gouvernance d’un peuple consiste à mettre les services de l’Etat au
service des aspirations sociales, en vue de libérer l’homme de ses

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chaînes pour en permettre l’épanouissement, notamment grâce à la
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suppression de la propriété privée, seul remède social à l’injustice. A la
différence de son contemporain Machiavel, il s’oppose à la raison d’Etat
comme moyen de gouvernement, préférant qu’elle soit toujours
conforme au bien-être de la population. C’est d’ailleurs en appliquant ses
propres principes de refus d’obéissance à la raison d’Etat, qui avait
conduit Henri VIII à se proclamer chef de l’Église d’Angleterre avec
confiscation des biens du clergé et des monastères, qu’il se fait
condamner à mort par son propre Roi.

Par son exemple de vie et par ses œuvres littéraires, Sir Thomas
More préconise une refonte totale de la société naissante de la
Renaissance anglaise, en proposant qu’elle soit désormais gouvernée par
l’humanisme politique. Cela devait inspirer un siècle plus tard, « La
nouvelle Atlantide » de Francis Bacon, publiée en 1627. L’exemple
socratique de Sir Thomas More marquera de nombreuses générations
d’intellectuels anglais.

LA NOUVELLE CONCEPTION DU MONDE A LA


RENAISSANCE
Ce qui va le plus changer avec la pensée de la Renaissance, c’est le
changement de la conception que l’homme avait de sa place dans le
monde. Il va devoir, à présent, chercher à s’expliquer comment les
choses se passent dans ce monde « nouveau », dont toutes les données,
sur terre et dans l’espace, ont complètement changé.

En effet, la Terre est devenue une boule, au lieu d’un disque, et


avec de nouveaux continents et de nouveaux peuples ayant des
civilisations et des croyances différentes de ce qui est écrit dans la Bible,
de même que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, depuis la
découverte héliocentrique de Copernic en 1543, renforcée par la
découverte de Giordano Bruno en 1583 de la dimension infinie de
l’univers, alors que le monde était considéré jusque là comme une
sphère close, abritant les étoiles dans sa coque, par dessus laquelle se
trouvait le Paradis de Dieu et des Saints.

Désormais, au vu de cette nouvelle donne, l’homme doit chercher à


pénétrer les lois de la Nature, au lieu de se contenter des sermons

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dominicaux qui ignoraient tout de ces changements. Néanmoins, il croit
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toujours en Dieu, créateur de tout cet univers, même s’il est infini. Mais,
en même temps, il s’aperçoit que c’est grâce à son travail de recherche
qu’il a découvert cette vraie réalité des choses, et qu’il pourra désormais
changer l’ordre des choses par son travail et en fonction de ses
préférences, au lieu de continuer à se soumettre à l’ordre établi et
défendu par l’Église. Le travail devient moyen de lutte pour améliorer sa
condition, au lieu d’être considéré comme déchéance et punition d’Adam
et Eve.

La nature devient alors objet de connaissance, dont il faut percer


les secrets sinon les manipuler, puisque la Bible ignore tout de ces
nouvelles données. C’est alors que, à défaut d’assimiler la révolution
copernicienne encore toute récente et indéchiffrable, c’est la « magie
naturelle », composée de l’astrologie, l’alchimie, la Kabbale et
l’hermétisme, développée à l’Académie de Florence à la fin du XV° siècle,
qui va prendre son essor dans toute l’Europe au XVI° siècle, en
s’intégrant au mouvement rationaliste pour expliquer le monde. Elle
apparaît, alors, moderne et révolutionnaire, cherchant à expliquer
l’intelligence des lois de la Nature, cette Nature comprenant autant la
nature environnante, que l’homme lui-même qui en fait partie.

Cette tendance pré-scientifique, née avec l’Académie de Florence


au milieu du XV° siècle sous l’égide de Médicis avec l’aide de Marsile
Ficin et Pic de la Mirandole, se perpétuera au XVI° siècle avec le père
dominicain et astronome Giordano Bruno, puis au XVII° siècle avec un
autre père dominicain, Campanella qui publie « La cité du soleil » en
1623.

En effet, l’intérêt des humanistes de cette époque pré-scientifique


était que ces nouvelles « sciences » de la « magie naturelle » devaient
mettre à profit les lois encore cachées de la nature pour servir le bien de
l’humanité. Et cette nouvelle méthode avait l’avantage, à leurs yeux, de
réunir le savoir et le pouvoir dans un contexte plus rationnel que celui de
l’obscurantisme de la scolastique médiévale.

A leurs yeux, bien entendu, ces « sciences » récupérées de la


tradition antique n’avaient rien à voir avec la sorcellerie ou magie noire,
puisque Copernic lui-même, dans « La révolution des orbites célestes »,
fait état d’arguments empruntés à cette « culture magique » pour établir
ses découvertes en astronomie.

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L’APPROCHE REVOLUTIONNAIRE DE FRANCIS


BACON
Toutes ces nouvelles « connaissances » que l’on présentait à
l’homme nouveau, désireux de s’accomplir autrement que par
l’obscurantisme du passé médiéval, avaient néanmoins un caractère
commun, leur ésotérisme. Et c’est là que va réagir Francis Bacon (1561-
1626), fondateur de la logique scientifique expérimentale, contemporain
de Giordano Bruno (1548-1600), Galilée (1564-1642) et de Campanella
(1568-1639). Il va inventer une nouvelle méthode d’établir ses
connaissances, la méthode hypothético-déductive. Il l’expose dans son
ouvrage « Novum Organum » publié en 1620, quand il était encore Lord
Chancelier du roi Jacques 1er d’Angleterre (qui était à la fois le roi James
VI d’Ecosse et successeur dynastique de la reine Elisabeth 1ère, donc
partisan du pouvoir de droit divin).

Cet ouvrage eut un énorme retentissement en raison de son


contenu révolutionnaire que les intellectuels « modernes », désireux
d’entrer dans une nouvelle ère de pensée et d’action, attendaient. En
effet, Francis Bacon rejette tout autant Aristote que Platon, dont les
philosophies avaient nourri et la scolastique dogmatique de l’Église et le
néo-platonisme pénétré de « magie naturelle » de la Renaissance
italienne. Il estime qu’il ne faut plus s’en remettre aux « anciens », qui
essayent vainement de restaurer la pensée antique avec quelques
retouches, mais qu’il faut plutôt innover et créer de nouvelles pensées
correspondant aux temps modernes, en remettant en question toute
notre culture héritée du passé en vue de mieux appréhender les
nouvelles données de la nature.

Francis Bacon propose au lecteur de faire « une purge de


l’intellect », en faisant table rase des attitudes préconçues, que l’auteur
classifie en 4 catégories, dites « idoles », provenant soit de l’hérédité
raciale, soit de la culture de son milieu, soit de l’ego personnel, soit des
habitudes de la rue et des déformations du langage. Puis, une fois tous
ces préjugés expurgés, il recommande d’adopter une méthode rationnelle
d’exploration rigoureuse de la Nature pour éviter les errements de la
méthode stérile du raisonnement médiéval-aristotélicien par syllogismes.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Il recommande notamment de procéder à la sélection par élimination, en
14
notant par écrit toutes les étapes de l’avancement de la recherche,
devenue expérimentale, offrant à chacun la possibilité de vérifier par
répétition de l’expérience.

En outre, Francis Bacon a inventé le concept de « progrès des


sciences », en préconisant que la recherche devienne une œuvre
collective pour que ses résultats soient communiqués à tous de façon à
entraîner un développement généralisé et accéléré du progrès technique,
en vue de servir le bien commun du genre humain, au lieu de les
occulter par crainte de l’Inquisition ou de les transfigurer au service de la
scolastique et de la théologie. Il estime que cette nouvelle pratique
contribuera à améliorer les conditions de vie de toute l’humanité.

Il s’agit là d’une nouvelle éthique, à la fois humaniste et confiante


dans le progrès, que Francis Bacon entrevoit à travers l’évolution des
techniques et l’efficacité des machines qui doivent accroître la
« productivité » ou rentabilité sociale, et cela, dans une parfaite
transparence, à la différence des « mages » de la Nature, personnifiés
par Paracelse (1493-1541) qui se complaisait dans sa mégalomanie de
croire transmettre les clés des « mystères anciens » de la Nature.

Cette liberté de pensée, dégagée du contrôle théologique et des


mystères de l’Antiquité, va orienter les efforts des chercheurs en faveur
du développement des sciences, qui seront désormais liées aux
mathématiques appliquées à l’observation et à l’expérimentation, aussi
bien à travers l’astronomie qui permet d’avoir une nouvelle conception
de l’univers et de la place de l’homme dans le grand œuvre de la
création, qu’à travers la physique, qui pratique un nouveau mode de
connaissance, vérifiable par nos 5 sens. C’est encore là que Francis
Bacon, Lord Chancelier du Roi d’Ecosse et d’Angleterre, saura diffuser
cette révolution épistémologique dans la manière de penser.

Il ne s’agit pas seulement d’une révolution de la connaissance, mais


encore d’une révolution de la théorie de la connaissance, car, désormais,
on classifiera les différentes sciences, sans plus devoir les rassembler
sous le vocable générique de « philosophie », comme on le faisait jusque
là, sous la censure de l’ancienne reine de la connaissance, la théologie.

En outre, au niveau politique, dans sa « Nouvelle Atlantide »,


publiée à sa mort en 1626, Francis Bacon, après avoir été disgracié et

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


interdit de toute fonction politique par le Roi, prône la tolérance
15
religieuse, en excluant l’uniformité religieuse des citoyens qui serait
cause d’appauvrissement du pays à travers les expulsions et les drames
que cette intolérance occasionne, alors que la tolérance aurait, selon lui,
pour avantage de favoriser le progrès général dans le pays par la
diversification et l’enrichissement du savoir-faire que toutes ces diverses
communautés, de confessions religieuses différentes, pourraient apporter
à la nation.

Et dans sa longue activité parlementaire, Francis Bacon plaidera


pour le retour et l’accueil de la communauté juive en Angleterre (dont
elle était expulsée en 1290), estimant qu’elle contribuerait au progrès des
sciences, ce qui accroîtrait la productivité et offrirait plus de richesse et
donc de bonheur à l’ensemble de la nation, contribuant en cela à la paix
sociale. L’influence de sa doctrine de la tolérance (qu’il justifie aux yeux
du public par un souci d’efficacité sociale résultant de l’accès à de
nouvelles techniques plus productives), portera ses fruits 30 ans plus
tard, lorsqu’en 1656 le Parlement autorisera le retour des Juifs en
Angleterre où leur liberté de culte sera reconnue dès 1683, longtemps
avant les autres pays européens (par exemple, en France, les Juifs ne
bénéficieront de leurs droits civiques qu’en 1791 en prêtant serment
devant la Constitution).

Et pour contribuer à l’accélération du progrès, l’homme d’Etat,


Francis Bacon, avait projeté, dans sa « Nova Atlantis », que les pouvoirs
publics créent des « instituts de recherche », pour favoriser les contacts
et les échanges entre savants et chercheurs.

L’ « INVISIBLE COLLEGE »
L’université d’Oxford est actuellement composée de 21 “College”,
dont les dates de création s’étalent de 1264 à 1874. Tous ces « College »
ont un statut exceptionnel qui en font de petites républiques
indépendantes. Ils sont propriétaires de leurs murs, libres dans leur
gestion financière et administrative, exempts de taxes, tout en se
constituant un important patrimoine financier provenant de dons et legs
de bienfaiteurs, anciens élèves ou honorables personnalités. Ils n’ont
jamais été saccagés par aucune révolution. Ce respect, qui leur est porté,
a permis de conserver intactes leurs archives depuis le Moyen Age,
lesquelles sont regroupées dans une banque de données, la « Bodleian

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Library » qui offre à tout chercheur de pouvoir le mieux se documenter
16
au monde.

Avec le temps, toutes ces institutions sont devenues


multidisciplinaires de telle sorte qu’à partir du XVI° siècle, chacun des
« College » abritera des savants de toutes disciplines. Il s’est trouvé
qu’avec le développement diversifié de l’interprétation des nouvelles
connaissances du monde, des affinités idéologiques ou spirituelles se
sont manifestées pour l’interprétation des faits et des observations, entre
des savants provenant de « College » différents, ce qui les a amenés à se
regrouper en associations informelles, parfois vivantes et animées par
des rencontres périodiques, débouchant sur des règles internes de
fonctionnement et de recrutement par cooptation, et se donnant une
appellation spécifique d’identification.

C’est ainsi que se sont constitués des groupes de chercheurs


spécialisés portant le surnom de « Gresham College » par exemple,
orienté sur l’analyse monétaire de l’inflation, ou de « College of
Physicians » orienté sur la mécanique, de « Society of Antiquarians »
fondée en 1574 par des chercheurs intéressés dans une nouvelle
science, l’archéologie, orientée sur les anciens druides, etc. … Il en sera
de même pour l’ « Invisible College », né aux environs de 1645 pour
traiter des problèmes de société, sujet nouveau pour l’époque, où l’on
pensait communément que l’ordre social était instauré par Dieu.

Ne disposant pas de leur propre local pour se réunir, les membres


éminents de toutes ces associations informelles prennent l’habitude de
se retrouver, régulièrement, et dès la fin du XVI° siècle, dans une taverne
voisine du campus universitaire, pour joindre l’utile à l’agréable dans une
atmosphère laborieuse et de convivialité fraternelle.

L’ « Invisible College », à caractère humaniste, sera composé de 2


branches distinctes. D’une part, il y a ceux qui sont sensibilisés par le
mouvement rosicrucien, sous la houlette de Robert Fludd, et dont les
travaux comportent une réflexion philosophique, politique et religieuse
sur le devenir du monde, et qui se donnent le surnom d’« Utopies », par
référence à la société idéale conçue par Thomas More ; et d’autre part, il
y a les « Antiquarians » comme John Aubrey, John Wilkins, William
Musgrave, etc. … qui avaient été recueillis dans le groupe initial de l’
« Invisible College » (à la suite de quoi les premiers furent appelés les
« Moderns »), par esprit de solidarité contre la mesure arbitraire

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


d’interdiction prise par le roi Jacques 1er contre leur groupe dénommé
17
« College of Antiquarians » , pour avoir nié l’existence de son droit divin
du pouvoir, qui doit être soumis, selon leur théorie druidique, au code
des lois et donc au Parlement, ce qui risquait de poser de graves tensions
politiques pour l’époque.

La première composante de l’ « Invisible College » était donc un


mouvement chrétien libertaire, inspiré de la mouvance rhénane des
Rose+Croix, à coloration plutôt mystique, à base d’ésotérisme alchimique
et kabbalistique, le tout associé au développement éclairé des sciences
modernes de l’astronomie, chimie, anatomie, etc. … et puisant ses
sources de réflexion dans les ouvrages de Francis Bacon (« L’état
d’avancement des sciences » en 1605, « Novum Organum » en 1620 et
surtout « Nova Atlantis » en 1626), de même que dans les travaux du
Père dominicain Giordano Bruno, portant sur la cosmologie, la Kabbale et
sur sa propre découverte de l’infinité de l’univers, supposant l’existence
d’autres mondes semblables à la Terre, et puisant son mysticisme dans le
modèle de vie de ce même grand mystique qui se sacrifia sur le bûcher,
en 1600, pour faire triompher la vérité scientifique et sa vue ésotérique
du monde contre l’obscurantisme religieux de Rome.

Parmi les 3 principaux membres (Fludd, Ashmole et Vaughan) qui


vont se succéder dans ce groupe des « Moderns », il faut
particulièrement retenir l’influence de Robert Fludd (1574-1616),
d’inspiration gnostique manichéenne, se forma une conception gnostique
et manichéenne du monde à partir de son séjour de 6 ans entre l’Italie,
où il rencontra Giordano Bruno en 1598, et l’Allemagne où il fréquenta le
mouvement alchimiste et rosicrucien au début du XVII° siècle. Il soutient
la thèse d’un « Dieu caché », c’est-à-dire non révélé, en présence de 2
grandes forces contraires, le Bien et le Mal, qui animent le monde, face à
l’homme, qui doit être libre de son choix et donc capable de rejoindre la
Cause Ultime du Tout, par son travail sur lui-même et sur la nature. Il
communiqua au groupe son goût marqué pour l’ésotérisme, à travers sa
« magie naturelle » et son Hermétisme, ainsi que par son idée de la
Nature ou l'Ame du Monde, qui paraît se substituer à la fonction
médiatrice du Christ, dans la philosophie fluddienne.

Quant au second personnage influent du groupe de ces


« invisibles », Elias Ashmole (1617-1692), rosicrucien confirmé et doté
d’un savoir encyclopédique, il eut soin d’y prôner les principes de
tolérance religieuse et politique ainsi que la nécessité pour chaque

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


individu de réaliser un travail intense sur soi-même pour la purification
18
de son être intérieur avant de prétendre agir pour le grand œuvre
alchimique d’une société parfaite. Ce groupement de savants, déjà acquis
à la pensée ésotérique par les soins de Fludd, au début de sa
constitution, va devenir rosicrucien sous l’influence d’Ashmole, et
comme cette appartenance à l’ésotérisme a pour particularité de ne
jamais dévoiler ses membres (comme cela est stipulé dans l’Ordre
Rose+Croix, sous peine d’en mourir), il se donne alors officiellement la
dénomination de « Invisible College » en 1645, soit un an avant
l’initiation maçonnique d’Ashmole en 1646, selon ses mémoires.

Par la suite, grâce à son amitié pour John Aubrey (1628-1697), lui
aussi oxfordien et premier archéologue des Temps modernes, qui
théorisera la pensée druidique dans la civilisation celtique, Ashmole
s’intéressa passionnément à cette nouvelle science moderne,
l’archéologie, et attira dans la franc-maçonnerie « acceptée » de son
époque, plusieurs savants « Antiquarians » acquis au druidisme, et donc
attachés à la tradition celtique.

Quant au troisième membre influent de l’ « Invisible College »,


Thomas Vaughan (1602-1666), il était auteur de plusieurs livres
d’occultisme, portant notamment sur la régénérescence de l’homme. Il
édita lui-même en 1652 la première version anglaise de la « Fama
Fraternitatis » (1614) et de la « Confessio » (1615), ouvrages signés du
nom symbolique de leur auteur Valentin Andrea (un pseudonyme, car il
s’agit du nom d’affiliation à la Rose+Croix, que chaque initié doit recevoir
à sa régénérescence), chef présumé (car tout devait rester invisible pour
les profanes) du mouvement rosicrucien rhénan.

La dualité des composantes intellectuelles de l’ « Invisible College »


se répercutera plus tard au niveau de l’évolution de la franc-maçonnerie
anglaise, tant au niveau de sa création en 1717 et de sa réglementation
par les Constitutions de 1723, où la Grande Loge de Londres, dite des
« Moderns », se séparera de la Grande Loge des « Ancients », jusqu’au
moment de leur réunion en 1738, sous la condition d’un premier
remaniement des statuts, qui seront à nouveau remaniés en 1813, sous
la pression des « Ancients » .

Cela fera diverger la franc-maçonnerie anglaise de la franc-


maçonnerie française, demeurée attachée à l’esprit de laïcité d’origine
des « Moderns », qui étaient inspirés de la philosophie newtonienne

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


défendue par le prêtre anglican et descendant huguenot, Jean Théophile
19
Desaguliers.

L’IMBRICATION DE LA SYMBOLIQUE ET DE
L’ESOTERISME ROSE+CROIX DANS LA PRATIQUE
MACONNIQUE
Robert Fludd (1574-1616), s’inspirant du mouvement Rose+Croix
d’Allemagne où il avait séjourné entre 1598 et 1604, avait écrit dans son
ouvrage « Clovis Philosophiae » publié à la fin de sa vie, que « l’échelle
de Jacob se compose des marches nous permettant de nous élever vers
la vie supérieure », tout en citant le compas et la « vraie clé de David qui
ouvre le Livre des 7 sceaux ». Il y parle aussi du fait de « chercher sa
voie » et de « frapper à la porte du temple ».

Quant à l’astronome hollandais, Frusius (1508-1555), premier


inventeur de l’horloge, il parle dans son écrit rosicrucien, « Summum
Bonum », de Dieu sous le vocable d’ « Architecte de l’univers », ainsi
que du symbolisme de la Pierre, notamment la Pierre angulaire,
représentant le Christ, sur laquelle chacun doit pouvoir élever son
Temple spirituel. Et la « Vraie Magie » dont il parle, elle se définit comme
la Sagesse ou « Art Royal » contenu dans la Kabbale et l’Alchimie.

Michael Maier (1568-1622), philosophe et médecin de l’Empereur


allemand, Rodolphe II, Grand Maître des Rose+Croix, écrit dans « Themis
aurea » au sujet des « signes de reconnaissance » des Rose+Croix et du
« mot de maçon » qui devait être « épelé » ; dans « Silentium post
clamores », il parle des « grades » qui permettaient ou non aux uns et
aux autres d’assister aux réunions des « Frères », ainsi que de la
condition d’être « homme libre et sans défauts » pour être accepté parmi
eux. Et dans son « Septimana philosophica », Maier parle de Hiram,
comme placé à la gauche du roi Salomon, et tué par les 3 compagnons
représentants les 3 vices de l’ignorance, du mensonge et de l’ambition.
L’abréviation des 3 points représente le triangle, symbole de la divinité.

Dans la « Fama Fraternitas » publiée en 1615, il est recommandé


de suivre l’enseignement divin des « Noachides », c’est-à-dire de la Loi
Morale et naturelle que nous retrouvons dans les Constitutions
d’Anderson de 1723.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


20
Enfin, c’est dans le rituel du grade de Maître en franc-maçonnerie
(constitué seulement en 1724) que l’on recherche le développement de
l’homme devenant accompli, grâce à la lumière qui lui donne la
connaissance du Soi intérieur. C’est là aussi une tradition Rose+Croix.

Par contre, en 1723, les Francs-maçons modernes, dont


d’éminents scientifiques, membres de la Royal Society, ne pouvaient que
rejeter la symbolique alchimiste pour les 2 premiers grades d’Apprenti et
Compagnon, seuls existant à l’écriture des Constitutions d’Anderson. En
effet, l’alchimie n’était plus reconnue comme science moderne mais
comme pratique ésotérique. Ils ont dû tout simplement préférer adopter
le langage symbolique de l’architecture qui se pratiquait déjà dans les
loges opératives où ils étaient acceptés, au lieu de conserver celui du
symbolisme alchimique, qui risquait de dénaturer les vérités
scientifiques dont ils avaient la garde.

De toutes façons, il était inéluctable que les 2 ordres se séparent,


l’Ordre maçonnique et l’Ordre rosicrucien, pour des raisons
fondamentales d’identité et d’objectif :

- D’une part, la franc-maçonnerie, avait alors pour mission de


propager les idées philosophiques défendues par la Royal Society,
notamment la tolérance, la philanthropie, l’entraide, la liberté
religieuse, les libertés individuelles, le cosmopolitisme et le progrès
des sciences au profit de la société ;

- D’autre part, les Rose+Croix, gardiens de la tradition ésotérique


d’interprétation des lumières de l’Evangile de saint Jean, de
médecins du corps et de l’âme, d’annonciateur du Saint-Esprit
germant dans la Rose rouge à 5 pétales au centre de la Croix,
avaient pour leitmotiv de poursuivre les recherches
kabbalistiques, alchimiques, hermétiques et magiques de leurs
prédécesseurs, toujours tournées vers l’Antiquité greco-romaine et
égyptienne, où se trouve la source de la Tradition Primordiale, dont
il faut faire renaître les secrets.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


LE ROLE DE LA ROYAL SOCIETY ET L’INFLUENCE 21
DE NEWTON DANS L’EVOLUTION DE LA FRANC-
MACONNERIE ACCEPTEE
C’était bien le vœu de Francis Bacon qui commençait à se
concrétiser avec la création, en 1645, de l’ « Invisible College »,
regroupant divers savants d’Oxford ayant une sensibilité commune sur la
façon de gérer la société anglaise au sein d’une institution de recherche.
L’appellation d’origine de « Invisible College » laisse bien penser qu’il
s’agissait de savants se réclamant du mouvement « Rose+Croix » qui
avait sillonné et secoué l’Europe durant cette époque. Leur orientation
réflexive sur la place de l’homme dans notre nouvel univers, reconnu
infini, jointe aux idées de tolérance religieuse, de promotion des sciences
et de la recherche d’efficacité productive, développées par Francis Bacon
développées dans ses ouvrages « Novum Organum » en 1620 et « Nova
Atlantis » en 1626, additionnées aux influences occultes de la Tradition
dite primordiale, provenant des lectures alchimiques, kabbalistiques et
hermétiques ainsi que des divers manifestes rosicruciens qui circulaient
sous le manteau depuis le XVI° siècle, ont fait que les membres discrets
de l’ « Invisible College » étaient conscients de leur prééminence
intellectuelle, toujours bien respectée par la société anglaise.

Ils étaient en outre, suffisamment acquis aux nouvelles idées


libérales de Francis Bacon et de Sir Thomas More, pour oser boycotter la
dictature Cromwell entre 1649 et 1660, et soutenir la restauration de la
dynastie royale Stuart, de telle sorte que Charles II Stuart, aussitôt
intronisé, les accueillera au sein de la « Royal Society » qu’il fonde en
1662, sur leur conseil.

Ce groupe de savants était à présent officiellement reconnu pour


son rôle majeur dans le progrès social, grâce à sa contribution
fondamentale au progrès des connaissances et des techniques. La
« Royal Society » s’était ensuite renforcée dans son organisation sous
l’influence de Newton, savant internationalement reconnu pour sa loi de
la gravitation universelle. Il y fut élu en 1672 avant d’en devenir le
président de 1703 jusqu’à sa mort en 1727.

Désormais, tous les membres de la Royal Society vont pouvoir


rejeter le monde hiérarchisé du cosmos aristotélicien-biblique, pour
croire en un univers infini, unifié par la loi de gravitation universelle

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


stipulant clairement que les mêmes lois d’attraction et d’harmonie
22
régissent le ciel comme la terre, corroborant ainsi le contenu ésotérique
de l’alchimie, à laquelle Newton s’était beaucoup intéressé comme tous
les astronomes de la Renaissance, confirmant ainsi que tout ce qui est en
haut est comme ce qui est en bas, et vice versa, cette hypothèse étant
exprimée dans la Kabbale par le nombre 6 = 2 x 3, sous forme de 2
triangles entrecroisés.

Il faut aussi ajouter qu’en dehors des travaux alchimiques, Newton


avait porté beaucoup d’attention aux recherches théologiques, et
notamment au mystère de la Trinité dont il réfutait le dogme, ou encore à
l’apocalypse de Saint Jean sur lequel il publia un traité, sans oublier ses
analyses des textes bibliques et des textes des « Anciens », en vue de
tout rapprocher de ses découvertes scientifiques en astronomie. Aussi,
John Maynard Keynes disait-il de Newton, dont il avait racheté les
manuscrits de ses analyses portant sur la Tradition Primordiale de
l’Antiquité, qu’il avait été le « dernier des magiciens », « le dernier grand
esprit moderne à avoir observé le monde visible avec les yeux des
Sumériens, Babyloniens et Egyptiens ».

Pour les membres de la « Royal Society », et sous l’égide d’Isaac


Newton, la philosophie naturelle, nom générique regroupant toutes les
sciences appliquées à l’étude de la nature, se doit d’être socialement
utile, et à ce titre, conformément au vœu de Francis Bacon, sa création
officielle en 1662 inaugure l’alliance de la science à caractère technique
avec le pouvoir politique qui doit favoriser l’efficacité et la productivité
au profit de l’ensemble de la nation.

Le but de la « Royal Society » est de mettre en commun leurs


travaux et échanger leurs connaissances en vue de devenir le lieu de la
convergence de l’humanité, sous l’égide de la raison, réunissant des
hommes et des intérêts les plus divers, à tous les niveaux, religieux,
politiques et des origines raciales ou géographiques. Aussi, la Royal
Society se devait-elle d’admettre des membres de toute confession
religieuse et de toute opinion politique, du moment qu’il s’agit
d’authentiques savants susceptibles de confronter rationnellement leurs
résultats et de reconnaître qu’au-delà de leurs éventuelles divergences,
ils sont réunis par leur commune appartenance à « la philosophie de
l’humanité » ou à « la raison générale de l’humanité ».

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Et c’est là que l’athéisme ne doit pas être stupide pour la simple
23
raison qu’un tel ordonnancement de la nature ne peut être que l’œuvre
d’une volonté divine, alors que la « Royal Society » admet bien
l’athéisme de celui qui se révolte contre la religion qui donne sa caution
au pouvoir arbitraire d’un roi en le reconnaissant de droit divin. Et pour
sauvegarder l’ordre et l’harmonie, la Royal Society interdit, en son sein,
toutes discussions à caractère politique ou religieux, et elle exige que
tout désaccord sur des comptes-rendus des travaux soit exprimé avec
civilité.

De la sorte, à travers le principe de tolérance, préférable à la


querelle dans l’expression et l’action, la « Royal Society » se veut être le
modèle de référence pour toute société, d’où serait exclue la tyrannie et
le fanatisme grâce à un usage courant de la coopération, chaque chose
revenant à qui de droit, dans le respect des lois conformes à la morale
naturelle, le tout étant soumis à la volonté du Dieu Tout-Puissant, mais
sans aucune prétention de quiconque à se prévaloir d’une quelconque
autorité de droit divin.

Or, ce sont bien les collègues du président Newton de la Royal


Society qui ont fondé en 1717 la Grande Loge de Londres, puis confié au
Pasteur James Anderson, chapelain de la Loge saint Paul’s Church, de
rédiger les Constitutions en collaboration très étroite avec Jean Théophile
Desaguliers.

A PROPOS DE LA POLEMIQUE SUR L’ANTERIORITE


DES « LOGES SCHAW » EN 1599
Les maçons opératifs médiévaux s’étaient placés de tout temps
sous le patronage de Saints ou des autorités locales religieuses ou civiles.
C'est pourquoi, initiés ou non aux secrets de métier, il y eut toujours
dans les loges des membres non-opératifs acceptés, si ce n'est le
promoteur, le financier de la construction et le chapelain en raison des
dangers d’accidents.

En 1598 et 1599, William Shaw, nommé Intendant des


constructions du royaume par le roi d’Ecosse James VI, qui allait devenir
aussi le roi James 1er d’Angleterre à la mort d’Elisabeth 1ère en 1603,
élabora des statuts que l'Histoire a retenus sous le nom de Statuts Shaw.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Il s'agit essentiellement de règles pratiques, établies par les maîtres de la
24
corporation réunis à Edimbourg, et dont l'observation est prescrite à tout
maçon. Les deux premiers articles prescrivent l'obéissance et
l'honnêteté. Ils prévoient une initiation maçonnique d'une grande
simplicité avec prestation de serment et communication du Mot de
Maçon.

Pour la première fois, apparaissent les grades d'apprenti et de


compagnon alors qu’auparavant l'on ne pouvait être admis dans la
corporation locale qu'après sept années d'apprentissage, ce qui
restreignait considérablement les admissions. Ces deux grades, avec leur
modalité d’initiation propre, deviendront la référence standard jusqu'au
début du XVIII° siècle, où le grade de compagnon fut scindé entre
compagnon en cours de formation et compagnon fini, appelé maître,
généralement après avoir assumé la fonction de maître de loge.
Dans les mois qui suivirent la promulgation des statuts en 1599,
apparaissent les nouveaux types de loges spécifiquement maçonniques,
notamment celle d'Edimbourg (Mary's Chapel). Elle existe encore
aujourd'hui et a conservé ses archives. Notons que cette loge se
réunissait, au début, dans le même bâtiment que celui des corporations
créées en 1475.

Il était de notoriété publique que les maçons écossais étaient


dépositaires de secrets englobés sous le vocable de « Mot de Maçon ».
Ce vocable recouvrait les mots, signes, gestes et attouchements utilisés
par les opératifs pour se reconnaître entre eux (appartenance et niveau
de qualification). Ils utilisaient des rituels d'admission pour les nouveaux
membres, rituels dont le contenu avait une origine antérieure à 1598 et
se transmettant oralement, selon la tradition médiévale, par la technique
enseignée dans l’art de la mémoire, qui faisait partie de la rhétorique,
l’une des 4 disciplines du Quadrivium.

En 1610, soit à peine 10 ans plus tard, on dénombrera en Ecosse


vingt-cinq loges issues des Statuts Schaw de 1599, répandues entre
Edimbourg, Aberdeen, Glasgow, Kilwinning, etc.

L'hypothèse avancée par le professeur Stevenson dans son ouvrage


récent sur « Les origines de la franc-maçonnerie » est que Schaw avait
pour objectif d'introduire dans le savoir traditionnel et les institutions des
métiers de la construction, un mélange complexe d'influences de la
Renaissance tardive, qui pouvait être relié à la tradition ancestrale et aux

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Anciens Devoirs de ceux qui avaient réalisé des constructions à l'époque
25
médiévale. Il s’agissait notamment de :

- L'importance du rôle de l'Architecte et du prototype de


construction, le Temple de Salomon ;

- La réhabilitation des métiers manuels pour promouvoir l’artisanat


et la création artistique ;

- Les 7 arts libéraux, et notamment l’art de la mémoire, partie de la


rhétorique ;

- Le syncrétisme et la sagesse hermétique ;

- L’esprit de solidarité ;

- L’usage de thèmes symboliques universels.

Cette orientation ésotérique reflète la couleur du temps, puisqu’à


l’époque, on assiste partout en Europe, à l'apparition de nombreux
mouvements de pensée, sous forme d’académies, collèges, cercles, … et
dont les objectifs visaient à trouver des solutions diverses aux guerres
entre nations et aux querelles religieuses, qui déchiraient l'Europe, en
proposant de rénover les structures et les mentalités de la société,
comme l’avait proposé Francis Bacon dans sa « Nova Atlantis » en 1626,
une sorte de République ayant à sa tête une société secrète composés de
personnes cultivées et ayant des affinités suffisantes pour s’appeler
« Frères », et ayant pour mission de traiter des questions
philosophiques, littéraires et surtout scientifiques au profit du Bien
commun de tous.

Un point commun à tous ces penseurs ésotériques de la


Renaissance était la croyance dans la sagesse perdue des civilisations
passées qui, si on la retrouvait, permettrait une nouvelle compréhension
du Divin, de l'Univers et de l'Homme. Cet aspect de la Renaissance
considérant la supériorité des philosophes antérieurs au christianisme
culminait avec le mouvement hermétique, issu du « Corpus
Hermeticum » attribué à un supposé sage égyptien, Hermès. Tout cela
alimenta divers courants de pensée très riches et divers, à partir de
l’Académie de Florence à la fin du XV° siècle, conditionnant l’évolution

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


tous azimuts de la pensée des humanistes de l’époque, qui avaient pris
26
l’habitude de se réunir dans des lieux communs de rencontre et de
ripailles, pour discuter de leurs travaux et recherches.

C’est dans ce contexte d’effervescence des systèmes d’explication


du monde, que les objectifs de solidarité et d'éducation prennent une
importance exceptionnelle, favorisant l’éclosion d’associations
informelles mais actives, comme celle pouvant mener à la naissance de
la franc-maçonnerie spéculative.

Est-ce que l’architecte en chef des bâtiments royaux d’Ecosse,


William Schaw, aurait eu le génie d’anticiper sur l’évolution de
l'institution de la maçonnerie opérative qu'il réorganisait, en prévoyant
qu’elle pourrait devenir une structure d'accueil pour les maçons
« acceptés » par la suite, pour que le professeur Stevenson puisse lui en
attribuer ce mérite ?

Cela n’est certes pas impossible. Et cela s’y prêtait d’autant plus
que dans les statuts, il était prévu des formes rituelles d'admission dont
le symbolisme faisait déjà référence à la construction du Temple de
Salomon, des règles de discrétion, des signes et mots de reconnaissance,
un serment de secret, en fait tous les ingrédients correspondant aux
usages conviviaux d'une époque où des tas de clubs et associations se
réunissaient dans des tavernes.

En outre, il faut noter à l’avantage des Statuts Schaw, que l’un des
aspects importants de la franc-maçonnerie anglaise se trouve dans
l'importance de l'art de la mémoire, utilisée pour mémoriser de longs
discours dans la pratique des divers rituels d’York, de Royal Arch,
d’Ecosse, d’Irlande, etc. Or, c’était là, la composante essentielle de la
rhétorique, parmi les sept arts libéraux enseignés dans les loges de
Schaw. Cette technique était issue des Anciens, du temps où l’imprimerie
n’existait pas, et qu’il fallait apprendre tout par cœur, d’autant plus que
les Apprentis et Compagnons ne savaient ni lire ni écrire. Et leur
entraînement à l'art de la mémoire se faisait naturellement sur le type
architectural, particulièrement approprié au métier de maçon. Il s’agissait
notamment de la transmission orale des secrets et de la connaissance par
cœur des « Anciens Devoirs » grâce à une technique d'imprégnation de
la pensée, ce qui contribuait à élever leur niveau culturel à travers une
construction symbolique dont ils retenaient en mémoire toute
l’architecture détaillée.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


27
Certes, dans l'évolution intellectuelle de l'Europe à la fin du XVI°
siècle, tout semblait converger pour réhabiliter et mettre en valeur les
métiers de la construction en raison du renouveau architectural qui
s’annonçait avec le nouvel Art, dit classique. Mais ce qui est certain au
niveau de l’Ecosse et de l’Angleterre, on assiste, à partir de 1630, à ce
que des non-opératifs, surtout des savants et philosophes, versés dans
l’ésotérisme, soient initiés. Il s’est trouvé qu’en Ecosse, à la fin du XVII°
siècle, quelques loges écossaises avaient une majorité de membres non-
opératifs, provenant de milieux sociaux divers, alors que les loges
anglaises ne recevaient que des non-opératifs, composés de
gentilshommes, nobles ou bourgeois, dont nombre d’entre eux avaient
déjà été initiés dans des loges écossaises, au cours de leurs
pérégrinations entre les 2 pays, Ecosse et Angleterre, qui n’avaient plus
qu’un seul et même roi commun depuis la mort d’Elisabeth 1ère en 1603.

CONCLUSION
Il n'existe pas de preuves formelles d'une continuité structurelle
entre l'ancienne maçonnerie compagnonnique et le système de loges
indépendantes qui fut reconstitué au début du XVII° siècle sur la base des
Statuts Schaw. Néanmoins, quelle que soit la prétention de l’un ou l’autre
des chercheurs de vouloir démontrer l’antériorité des loges d’acceptation
en Ecosse par rapport à celles de l’Angleterre, s’il n’y avait pas eu
l’influence notoire de l’Anglais Francis Bacon à travers son ouvrage
« Nova Atlantis », dont le contenu a favorisé la naissance de l’ « Invisible
College », dont les membres fondèrent la « Royal Society » en 1662
grâce à leur alliance politique avec le roi Charles II contre Cromwell, ce
qui fournira plus tard les principaux fondateurs de la Grande Loge de
Londres en 1717. Sans ce cheminement linéaire et clair, la franc-
maçonnerie, telle que nous la connaissons dans ses Constitutions de
1723, n’existerait pas !

Certes ses sources compagnonniques écossaises demeurent


indéniables, mais nous ne pourrons plus affirmer que l’Ecosse a inventé
la franc-maçonnerie spéculative. Le principal mérite, in fine, en revient à
la « Royal Society » de Londres et, en particulier, au savant huguenot,
Jean Théophile Desaguliers, qui a su canaliser en un centre de l’union,
divers mouvements de pensée visant à la libération de l’homme pour sa

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


maîtrise de l’univers, dans le souci du bien commun de l’humanité, que
28
les chercheurs d’Oxford avaient laborieusement élaborés au cours du
siècle précédant la publication des Constitutions d’Anderson en 1723.

Francis Bacon (1561-1626)

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


COMMENT EXPLIQUER LA 29

LAÏCITE AU GRAND PUBLIC


par Nadim Michel KALIFE

Les premiers hommes s’expliquaient les phénomènes naturels du


feu, de la pluie, de la tempête ou du tonnerre, en les attribuant à des
puissances surnaturelles dont ils imploraient les faveurs par des
sacrifices et des édifices élevés à leur gloire. Cette angoisse permanente
les amena à se regrouper autour d’un pouvoir spirituel qui organisa leurs
coutumes. Parallèlement, un pouvoir temporel s’instaura au sein de ces
groupes pour les protéger contre les agressions extérieures. Ainsi naquit
l’alliance des pouvoirs spirituel et temporel au sein des premières
sociétés qui se structurèrent naturellement en trois classes sociales :
l’ordre religieux chargé d’implorer les faveurs des dieux, l’ordre militaire
chargé de la sécurité physique du groupe, et le reste de la population
chargé de produire ce qu’il fallait pour entretenir ces 2 ordres.

Avant l’avènement du monothéisme, le polythéisme pratiquait la


tolérance dans le choix des divinités à honorer, sans dogmatisme,
laissant à chacun sa liberté de conscience. Tout changea à partir du XII°
siècle av. JC, avec Moïse qui imposa les « Tables de la Loi » au peuple juif
qui dut désormais adorer un seul Dieu révélé, invisible et jaloux. C’est
alors que naquit le dogmatisme avec ses corollaires, l’intolérance et
l’exclusion, privant les fidèles de la liberté de conscience.

Plus tard, sous l’empire romain, en 396, Théodose imposa le


christianisme comme religion d’Etat. Cela permit à l’Église de
christianiser toutes les populations de l’empire en leur imposant sa
pensée unique à leur conscience par la terreur de l’excommunication, de
l’exil ou du bûcher, frappant ceux qui transgressaient les dogmes.

Après la chute de l’empire romain au 5° siècle, l’insécurité régna en


Europe soumise aux invasions dites barbares. Cela amena les populations
à demander secours aux évêques et aux barons locaux, ce qui déboucha
sur la naissance de l’aristocratie. Et, en l’an 800, le pape Léon III, délivré

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


des envahisseurs lombards par le roi Charlemagne qui lui fit don de ses
30
premiers territoires pontificaux, le sacra empereur d’occident, en
souvenir de l’ancien empire romain d’occident disparu en 476.

C’est alors que fut scellée l’alliance du sabre et du goupillon,


soumettant l’ensemble des consciences au pouvoir absolu du roi,
désormais de droit divin. Aussi, le roi dut-il, en retour, soutenir le
pouvoir spirituel de l’Église qui en profita pour terroriser les consciences
par la torture ou le bûcher de l’Inquisition, puis par la mise à l’Index de
toute publication risquant de heurter sa pensée unique.

C’est ainsi qu’en 1633, Galilée dut renoncer à l'héliocentrisme, parce


que l’Église demeurait attachée au dogme du géocentrisme de Ptolémée,
puisé dans la Bible datant du II° siècle et reconfirmé au XIII° siècle par
Thomas d’Aquin.

COMMENT LA LAÏCITE FUT INTRODUITE A


L’ECOLE PUBLIQUE
Pour comprendre cette volonté farouche des républicains français
d’émanciper les consciences du conservatisme rétrograde de l’Église, il
faut savoir que c’est seulement en 1757 que le Pape Benoît XIV permit
aux catholiques de se consacrer à la recherche scientifique en
astronomie, alors que l’Angleterre devint la 1ère puissance mondiale grâce
à cette science.

Et, aussitôt après leur victoire aux élections de 1875, ils cherchèrent
les moyens institutionnels de libérer les consciences des citoyens de
leurs préjugés religieux qui risquaient de ramener la monarchie au
pouvoir.

C’est ainsi qu’en 1883, Jules Ferry, chef du gouvernement, déclara


vouloir « organiser l’humanité sans Dieu ni Roi ». A cet effet, il avait fait
voter, en 1881, une loi instituant l’école publique, gratuite et obligatoire
pour tous les enfants de moins de 14 ans. Cela privait l’Église de son
monopole millénaire sur l’enseignement primaire, qui lui avait permis de
formater les consciences, par le catéchisme obligatoire, la messe
quotidienne et le cours d’Histoire.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Toutefois, en esprit tolérant, Jules Ferry avait estimé que
31
l’enseignement religieux des enfants étant du ressort de leurs parents,
ceux-ci pouvaient se tourner vers les religieux en dehors de l’école
publique, où l’instituteur doit enseigner les connaissances indispensables
pour le vivre ensemble des futurs citoyens, dont la libération des
consciences leur permettra d’acquérir par la suite une formation
philosophique consolidant leur civisme.

Et, dès que l’expérience d’enseignement laïque forma une génération


entière de citoyens républicains, l’Assemblée Nationale étendit le
principe de laïcité à l’Etat, par la loi de 1905.

LA LAÏCITE ET L’HERITAGE DES « LUMIERES »


En 1748, Montesquieu avait écrit dans, « L’esprit des lois », que la
soumission au pouvoir royal repose sur l’ignorance et le droit divin de
l’Église. Par contre, l’Etat républicain a besoin d’une éducation populaire
appropriée pour se faire aimer et se maintenir au pouvoir.

En 1793, dans son « Journal d’instruction sociale », Condorcet


écrit : « il ne peut y avoir d’égalité si tous les citoyens ne peuvent
acquérir des idées justes sur les objets dont la connaissance est
nécessaire à la conduite de leur vie ».

La Constitution républicaine de 1791 stipulait « une instruction


publique commune à tous les citoyens, gratuite pour ce qui est
indispensable à tous ».

S’inspirant de cet héritage des Lumières, Jules Ferry, dans son


discours de 1870 portant sur « l’égalité de l’éducation », fait de
l’éducation nationale le fer de lance pour bâtir une nouvelle société
démocratique qui dit voir le jour grâce à l’école laïque, formant tous les
enfants. Il déclare : « Entre tous les problèmes, j'en choisirai un auquel je
consacrerai tout ce que j'ai d'intelligence et de cœur : c'est le problème
de l'éducation du peuple… et, si les 18° et 19° siècles ont anéanti les
privilèges rattachés à la naissance, l'œuvre de la III° République sera de
faire disparaître la plus redoutable des inégalités, l'inégalité d'éducation,
qui est le plus grand obstacle à franchir pour l’avènement d’une vraie
démocratie ». Jules Ferry conclut par ces mots : « Désormais, l'enfant
appartient à la République, comme auparavant il appartenait à l'Église ».

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Et il faut savoir que, depuis 1789, l’Église catholique condamnait la
32
République et s’était toujours engagée à fond dans toutes les campagnes
électorales, notamment en 1848 et 1875, en soutenant la Droite royaliste
contre la Gauche républicaine. D’où le slogan de Crémieux, ministre de
l’éducation, « Le prêtre à l’église, l’instituteur à l’école », que Jules Ferry
mettra en œuvre dans la loi de 1881 instituant l’école laïque.

Il faut aussi savoir que le mouvement pour la LAÏCITE était soutenu


par les protestants et les israélites qui gardent en mémoire leurs
persécutions du passé. Aussi, ces communautés craignaient-ils le pire de
la proclamation en 1870 du dogme de l’infaillibilité du Pape au Concile de
Vatican I, réuni pour faire le bilan des bouleversements politiques,
idéologiques et scientifiques depuis un siècle.

Dès lors, les républicains, vainqueurs des élections de 1875, ont


voulu faire barrage au retour de la monarchie en usant d’un
enseignement laïc donné aux élèves par des instituteurs formés dans les
écoles normales. Et la morale laïque enseigna aux futurs citoyens les
principes moraux régissant leur vie en société, en se référant à la
« Déclaration universelle des Droits de l’Homme », au Code Civil et à la
Constitution de la III° République. De la sorte, les élèves ne subirent plus
le dogmatisme d’enseignants religieux, favorables au retour de la
monarchie.

DE L’EXPERIENCE ANGLAISE DE LA LAÏCITE


AVANT LA LETTRE
L’insularité de l’Angleterre lui permit de connaître un contexte
idéologique distinct de la France, la fille aînée de l’Église. Des moines
anglais osèrent, au XIII° s’opposer au pouvoir absolu de l’Église. Ainsi que
Robert Grosseteste (1175-1253), Chancelier de l'Université d'Oxford,
inventa la méthode empirique en l’appliquant à l’étude de la Nature, où il
testa les hypothèses pour rechercher une vérité sans dogme. Roger
Bacon (1214-1294) créa la science expérimentale en disant « la preuve
par le raisonnement ne suffit pas, il faut en plus l’expérimentation ». Et,
pendant que les Papes du XIII° soumettaient l’Europe à leur pouvoir,
Duns Scot (1265-1308) professait à Oxford la distinction nécessaire entre
le domaine de la foi, qui est métaphysique, et le domaine profane
exigeant des réponses concrètes, sans mystères. Plus encore, le

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


franciscain William of Occam (1285-1347) soutint la séparation entre foi
33
et raison, reniant toute hiérarchie entre philosophie et théologie, et
concluant que le Pape n’a pas à s’ingérer dans les affaires temporelles où
le bon sens humain suffit.

Avant qu’Oxford ne devienne le grand centre européen de la


recherche, à l’abri de toute censure, il faut savoir que cette question de la
liberté de conscience avait été posée au temps de la splendeur de la
civilisation arabe des IX°-XII° siècles.

DES ANTECEDENTS ARABES DE LA PHILOSOPHIE


LAÏQUE MODERNE
Le Calife Al Ma’moun (813-833), chef spirituel de l’Islam, avait
adopté le « mutazilisme » comme doctrine officielle pour gérer les
affaires de l’Etat. En rationalisant la réflexion et l’action des hommes pour
les responsabiliser dans leur vie en société, le mutazilisme considère le
Coran créé et non incréé (= parole directe d’Allah), laissant ainsi au
Croyant la liberté d’interpréter les textes sacrés. Cela mit fin à l’ingérence
des Imams et des Oulémas dans la gestion publique, et cela renforça
l’enseignement public de la philosophie et des sciences.

Cette doctrine rationaliste fit dire au Calife Al Ma’moun que son livre
de chevet est le Coran, guidant sa conduite religieuse intime et ses
prières, tandis que son maître à penser est Aristote. C’est ce qui l’amena
à créer à Bagdad, en 813, la « Maison de la Sagesse » qui avait réuni les
17 écoles de pensée de son époque. A sa mort, le courant orthodoxe
s’imposa à nouveau à Bagdad.

Néanmoins, ce courant mutazilite de liberté absolue de conscience


favorisa l’émergence d’un courant philosophique laïque musulman au
cours des 3 siècles suivants, à travers Rhazès (864-925), Al Fârâbî (872-
950) et Averroès (1126-98).

- a) Rhazès (864-925) fut le 1er philosophe musulman à prôner la


laïcité. Il soutient que seule la philosophie, et non pas la prophétie
religieuse, offrira à l’homme les moyens de réaliser son bonheur. Il
soutient même que la Bible et le Coran sont des fables et que les
prophètes sont des imposteurs. Et il critique le fanatisme religieux qui

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


étouffe la vérité et attise les haines et les guerres. Il conclut que les
34
populations s’attachent à leur religion par habitude et soumission aux
autorités publiques qui en font perpétuer les rites pour asseoir leur
pouvoir.

Rhazès soutient que seule la raison peut distinguer le bien du mal et


réaliser le progrès des connaissances, sans recourir aux Saintes
Ecritures. Il rejette le dogmatisme en prônant l’usage du bon sens, de la
raison philosophique et de la connaissance comme seul guide de notre
comportement.

- b) Al Fârâbî (872-950) fut le 1er philosophe musulman à identifier


une relation dialectique entre l’existence et la conscience des hommes,
précédant de 9 siècles Karl Marx écrivant dans l’Idéologie allemande de
1844 que « L’existence des hommes détermine leur conscience ». Et il
soutient que la Cité devrait être gouvernée par un Sage dont l’esprit
réunit l’intelligence et le sens de l’action, au lieu de laisser le pouvoir
temporel au chef des croyants, précédant ainsi de 6 siècles le chancelier
Thomas More dans « UTOPIA » de 1516.

- c) Averroès (1126-1198) prôna la distinction entre science et


religion, pour libérer la philosophie et la conduite civile des dogmes
religieux. Et 8 siècles avant l’Europe, il soutint que la femme doit être
considérée comme l’égale de l’homme.

Malheureusement, ces grands penseurs laïques furent interdits


d’enseignement à la fin du XI° s par le Grand Vizir Nizâm El Melk qui
imposa la pensée unique du théologien El Ghazali avec sa version du
Coran et de la Sharia, seuls enseignements désormais donnés dans les
madrasas musulmanes.

Or Ghazali (1058-1111) était adepte de l’Acharisme du X° siècle,


mouvement mystique proclamant le Coran « INCREE », c’est-à-dire
immuable et contenant les seules Vérités éternelles dictées par Allah au
Prophète. Il soumet alors la raison à la foi, l’homme ne pouvant rien faire
en dehors du Coran. Ce dogmatisme permit aux Sultans ottomans de
soumettre les diverses populations de leur immense empire en
sclérosant la pensée arabe, limitée désormais à l’imaginaire, à
l’émotionnel et à la poésie, privée de la philosophie dialectique qui
permet le développement.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


C’est ce qui établira l’obscurantisme dans le monde arabe, figeant
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l’ensemble de son activité intellectuelle en une période (le XIII° siècle) où
va émerger l’essor philosophique européen avec la diffusion des écrits
d’Averroès : de là, l’Homme va progressivement maîtriser l’Univers par le
progrès de ses connaissances.

LA LAÏCITE ET L’ACCLAMATION « LIBERTE !


EGALITE ! FRATERNITE ! »
Les républicains les plus actifs furent des Francs maçons animés par
leur devise « Liberté ! Egalité ! Fraternité ! », acclamée au début et à la
fin des travaux de loge. Cette devise place la dignité humaine au centre
de la démarche maçonnique consistant à rechercher la vérité sans
dogmatisme pour nous guider dans notre action au dehors contre
l’injustice, pour la liberté, l’égalité et la solidarité.

Le but de cette lutte est la fraternité universelle qui jaillira du


sentiment de justice et d’harmonie que chacun ressentira en vivant en
société. Et, pour connaître cet état, il suffit de se référer à ce que nous
vivons en loge quand tous les offices sont bien remplis et que l’égrégore
nous enlace.

Ces principes de liberté et d’égalité s’étaient répandus en société à la


suite de la création du GODF en 1773. Des travaux en loge, prônant ces
valeurs débouchèrent sur la Déclaration des Droits de l’Homme et du
Citoyen de 1789 avant d’aboutir à la création de la 1ère République
française en 1792.

Ces valeurs humanistes abolirent les privilèges de l’Ancien Régime et


sa division de la société en 3 ordres, que l’Église cautionnait depuis
Charlemagne. Mais comme l’Église persista à soutenir le retour au
pouvoir de la monarchie, les républicains de la III° République votèrent,
en 1905, la loi de séparation de l’Église et de l’Etat, écartant toute
immixtion de l’Église dans les affaires de l’Etat. Il en découla une lutte
farouche contre l’école laïque jusqu’à ce que la 1ère Guerre mondiale
(1914-18) mobilise l’opinion contre l’agression étrangère prussienne.

Vous comprenez de la sorte comment la LAICITE est le corollaire de


notre devise « Liberté ! Egalité ! Fraternité ! » qui nous engage pour une

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


société plus juste. Elle m’a personnellement toujours interpellé sur mon
36
chemin initiatique, me poussant continuellement à éveiller les
consciences autour de moi contre les discriminations et la corruption qui
minent notre pays.

QUE DOIT SIGNIFIER AUJOURD’HUI LA


LAÏCITE POUR LE PUBLIC
La laïcité a pour but de permettre à chacun de vivre en harmonie
avec l’ensemble de ses concitoyens. Cela suppose qu’il puisse exercer
librement sa foi, sans gêner autrui. Cela signifie aussi que chacun doit
respecter la foi des autres, sans prosélytisme. En somme, le devoir
civique exige que chacun apprenne à distinguer sa vie religieuse, qui doit
demeurer privée, de sa vie profane, qui est publique.

Alors que l’Église s’y était farouchement opposée, cette loi de 1905
la poussa à adapter progressivement sa vision du monde, au fur et à
mesure des avancées républicaines auxquelles elle était réticente sinon
opposée dans le passé. De même, grâce à cette loi de 1905, le dialogue
interreligieux s’est développé en France.

Par conséquent, la Laïcité n’est pas hostile aux religions tant


qu’aucune religion ne prétend s’imposer politiquement. Pour cela, l’Etat
doit rester neutre tout en veillant à ce qu’il n’y ait pas de comportements
racistes ou xénophobes incitant à la discrimination ou à la haine contre
toute religion.

Mais la Laïcité de l’Etat ne doit pas se contenter de sa neutralité


religieuse. L’Etat doit toujours veiller à la liberté absolue des consciences,
grâce à l’instruction de la morale publique et du civisme. C’est la
substance de la loi de 1905 qui doit servir à faire de la République la
chose de tous, la « RES PUBLICA », par laquelle chacun doit pouvoir user
de sa liberté de conscience pour progresser en lui-même et par lui-
même, sans exclusion de l’Autre dont la différence doit l’enrichir, sans
pour autant verser dans le communautarisme ou les discriminations
sociales de toutes sortes.

Il ne s’agit pas non plus d’interpréter la Laïcité comme une


interdiction des différences et de la diversité. En effet, la coexistence de

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


cultures différentes est distincte du communautarisme et de l’exclusion
37
sociale. L’espace public doit donc demeurer commun à tous, où chacun
doit s’ouvrir aux autres, dans la tolérance mutuelle et dans le respect de
la loi commune assurant la coexistence de tous en paix. C’est ça la « res
publica », la chose de tous, où tous les enfants de l’école publique
reçoivent la même instruction civique, écartant l’intolérance et toutes
formes de discriminations.

En conclusion, l’idéal républicain a créé la laïcité pour instaurer un


Etat de droit conjuguant dans l’harmonie les trois principes de liberté
absolue de conscience, d’égalité et de solidarité républicaine entre tous
les citoyens.

De la sorte, le principe de laïcité veille à l'émancipation de la


personne humaine sur tous les plans, intellectuel, éthique et social. Ainsi
comprise, la laïcité doit réussir à unir tous les citoyens en excluant toutes
discriminations.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


ANNEXE 38

Ce que stipule la Constitution de la IV° République Togolaise


du 27/9/1992 au niveau de la Laïcité

ART 1er- La RT est un Etat de droit, laïc, démocratique et social. Elle est
une et indivisible.
ART.2 - La RT assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d’origine, de race, de sexe, de condition sociale ou de religion.
Elle respecte toutes les opinions politiques, philosophiques ainsi que
toutes les croyances religieuses.
Son principe est le gouvernement du peuple par le peuple et pour le
peuple.
Sa devise est : « Travail-Liberté-Patrie »
ART.7 – Les partis politiques doivent respecter la constitution. Ils ne
peuvent s’identifier à une région, à une ethnie ou à une religion.
ART.11 - Tous les êtres humains sont égaux en dignité et en droit.
Nul ne peut être favorisé ou désavantagé en raison de son origine
familiale, ethnique ou régionale, de sa situation économique ou sociale,
de ses convictions politiques, religieuses, philosophiques ou autres.
ART.25 - Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience, de
religion, de culte, d’opinion et d’expression.
L’exercice du culte et l’expression des croyances se font dans le respect
de la laïcité de l’Etat.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


REPONSE DU FRANC-MAÇON KALIFE AUX 39

LETTRES DU PERE DIOUF A SON JEUNE AMI


FRANC-MAÇON CATHOLIQUE POUR LE
DISSUADER DE SE RENDRE EN LOGE
+
DES EXPLICATIONS SIMPLES DE M. KALIFE
SUR LA VERITE DE LA PRATIQUE
MAÇONNIQUE, BIEN DIFFÉRENTE DES
CALOMNIES DE SES DÉTRACTEURS

par Nadim Michel KALIFE

PAGE N°

Table des matières

Introduction ....................................................................................................................... 41
1. De certaines précisions sur vos Lettres à votre ami « Démagna », jeune
franc-maçon ...................................................................................................................... 42
2. Mes observations sur l’Histoire de la franc-maçonnerie .................................... 44
3. Comment est-on passé de la maçonnerie opérative à la franc-maçonnerie
spéculative ? ...................................................................................................................... 45
4. L’immense place de Francis Bacon dans la genèse philosophique de la franc-
maçonnerie ........................................................................................................................ 48
5. Ma réponse à la critique de « doctrine cachée » de la franc-maçonnerie ..... 49
6. Les vraies raisons politiques de la condamnation de la franc-maçonnerie en
1738 ..................................................................................................................................... 50
7. L’inquiétude de l’Église vis-à-vis des « latitudinaires » et du « tolérantisme »
.............................................................................................................................................. 51

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


8. Les 6 motifs invoqués par Clément XII pour excommunier les « frimassons »
40
.............................................................................................................................................. 53
9. Concernant le Rituel d’Initiation qui peut choquer à sa lecture au 1er degré . 55
10. Que peut donc apporter la franc-maçonnerie à l'Homme du XXI° siècle ? ... 57
12. Qui peut se faire initier en franc-maçonnerie ? .................................................. 60
13. De l’idéal maçonnique ............................................................................................... 64
14. Du secret maçonnique .............................................................................................. 65
15. Des réunions maçonniques ...................................................................................... 66
16. Du fonctionnement des Loges ................................................................................. 67
17.De l’universalisme de l’action maçonnique ........................................................... 69
18. Quel projet maçonnique pour nos sociétés qui manquent de vision et
d’espérance ? ..................................................................................................................... 70
19. L’influence de Léon XIII sur l’Antimaçonnisme du XX° siècle d’avant Vatican
II ........................................................................................................................................... 71
20. Qu’est-ce que la méthode maçonnique ? ............................................................. 77
21. Revisitons aujourd’hui les querelles des 18° et 19° siècles entre l’Église et la
franc-maçonnerie ............................................................................................................. 79
22. Des pratiques indignes d’une certaine maçonnerie d’État en Afrique
francophone ....................................................................................................................... 83
23. La franc-maçonnerie n’est pas du tout le mal que l’on veut faire croire ...... 84
24. De l’antimaçonnisme primaire et fanatique ......................................................... 85
25. L’universalisme de la franc-maçonnerie .............................................................. 87
26. La franc-maçonnerie lève le voile sur le secret de ses tenues à Mulhouse en
Alsace .................................................................................................................................. 89
La discrétion reste de mise ........................................................................................... 90
Une construction symbolique ....................................................................................... 90
Quelque 550 « usagers » réguliers.............................................................................. 91
Plus de 70 loges en Alsace ............................................................................................ 92
Questions de société et ésotérisme ............................................................................. 92
Les divergences liées à la Liberté absolue de conscience en franc-maçonnerie .. 92

***

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Introduction 41

Je dois d’abord présenter le Père Jean-Philippe Diouf. Il est


l’aumônier de l’Université de Lomé, curé et modérateur de la paroisse
universitaire Saint Jean Apôtre. Il a servi, en civil, durant 11 ans dans la
marine sénégalaise avant de se mettre au service du Christ. Cela explique
sans doute sa liberté de pensée et son ouverture d’esprit à la tolérance,
deux qualités qui font de lui un « franc-maçon sans tablier », c’est-à-
dire non initié dans les formes rituelles d’admission des Francs-maçons.
D’ailleurs, chez les Francs-maçons, le Christ est considéré, au titre de sa
vie d’homme sur Terre, comme un « Grand Initié », en dehors de sa
qualité divine reconnue par les seuls francs-maçons chrétiens.

Votre livre « Lettres à un ami franc-maçon » pose la question de


savoir s’il est compatible d’aller en loge et à l’église. Vous invitez à la
réflexion du pourquoi, mais vous jugez sans appel, comme l’a fait
jusqu’ici le clergé togolais, soumis à la pression doctrinale du théologien
conservateur Joseph Ratzinger, devenu Pape Benoît XVI en 2005, en
ayant été le conseiller spécial de l’épiscopat allemand minoritaire au
Concile Vatican II en 1962/65. Vous transmettez au candide Maçon
catholique, votre jeune ami Démagna, les positions réactionnaires de cet
insoumis à Vatican II, alors même que vous écrivez dans votre livre, en
vous inspirant du nouveau pape François, que « le temps des
persécutions est derrière nous ».

Au cours de votre conférence, à la différence des « invectives


mensongères » que débitent à répétition certains de nos prêtres togolais
au cours de leurs prêches du dimanche, vous reconnaissez une chose
positive en Maçonnerie : la quête de la vérité, qui pousse les Francs-
maçons à beaucoup travailler tout en se construisant une force
intellectuelle qui manque à la plupart des catholiques non maçons.

Par contre, vous écrivez que « La foi chrétienne se base sur des
dogmes, alors que la philosophie maçonnique consiste en un rejet
systématique des dogmes ». C’est FAUX ! Vous répétez l’argument du
théologien Ratzinger sorti de son chapeau en 1983, à la publication du
nouveau code de droit canonique, qui a repris ce sophisme émis par
l’épiscopat allemand minoritaire à Vatican II, en vue d’exclure les Francs-
maçons catholiques de l’eucharistie, ce qui est équivalent à
l’excommunication puisque c’est cette eucharistie qui fonde le

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Christianisme. Ce théologien est donc lui-même en état de « péché grave
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» en s’opposant sournoisement au concile par son contournement du
droit canonique !

Enfin, après votre conférence-débat à Agora Senghor, samedi 19


septembre 2015, vous m’aviez donné votre accord pour un débat public
à la publication de ma réponse à votre livre, ainsi que pour
m’accompagner en loge maçonnique pour voir ce qu’il en est, si vous en
obtenez l’autorisation auprès de l’Archevêque. Nous nous rencontrerons
donc à Agora Senghor, 1ère quinzaine de décembre 2015.

Et je vous déclare, hic et nunc, que si le pape François accepte de


lever l’interdiction infligée par Benoît XVI aux Francs-maçons catholiques
de recevoir l’eucharistie, je la recevrai de vos mains !!!

Cher Père Diouf, j’exposerai ici les raisons politiques ayant poussé
le pape Clément XII en 1738 (suivi des autres papes jusqu’à la 1ère Guerre
mondiale) à condamner les Francs-maçons comme comploteurs contre
les monarchies absolues, et donc ennemis de l’Église romaine qui était
leur alliée politique depuis le sacre en 800 de l’empereur Charlemagne
qui l’avait protégée contre les invasions des Lombards.

Les chrétiens à l’esprit ouvert découvriront ici la vérité historique


sur les jugements erronés de l’Église contre les « frimassons » depuis 3
siècles. Ils effaceront leurs préjugés antimaçonniques. Ils enlèveront « les
poutres de leurs yeux », comme vous le dîtes si bien dans votre livre, qui
ouvre la voie du questionnement, conformément à l’encyclique FIDES ET
RATION de Jean Paul II. On verra alors que la franc-maçonnerie n’est pas
satanique, ni une religion, mais seulement une « grande école de pensée
et d’action philanthropique », pour la bonne gouvernance et le mieux-
vivre ensemble, sans métaphysique.

1. De certaines précisions sur vos Lettres à votre


ami « Démagna », jeune franc-maçon

Cher Père Diouf, Dans vos lettres à Démagna, vous usez de la


rhétorique biaisée du théologien Joseph Ratzinger pour persuader le
candide Démagna à renoncer à la franc-maçonnerie. Or, le Concile
VATICAN II avait bel et bien annulé sa condamnation à travers le code de

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Droit canonique de 1983, à la grande différence du code de droit canon
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de 1917. Seules les associations complotant contre l’Église y sont
désormais condamnées d’une « juste peine ». Vous agissez donc dans le
sens contraire à ce Concile, (qui s’était inscrit pour la 1ère fois dans
l’Histoire de l’Église dans le sens de l’Évangile de St Jean, verset 15) en
suivant le théologien rebelle à Vatican II, Joseph Ratzinger, élu Benoît XVI
en 2005, quand vous conseillez à l’Apprenti franc-maçon « Démagna »
(signifiant Innocent, Candide), de ne plus aller en Loge pour lui éviter un
« péché grave » le privant du droit de recevoir l’eucharistie aux dires de
Ratzinger.

Or, cette accusation de « péché grave » du théologien Ratzinger


repose sur le principe maçonnique de « Liberté absolue de conscience »,
qu’il interprète comme devant rejeter tout dogme de l’Église. C’est là une
grande erreur philosophique, car la liberté absolue de conscience du
franc-maçon l’autorise à ne croire qu’en ce qu’il veut bien, ce pourquoi il
y a des Francs-maçons de toutes croyances, jusqu’aux bouddhistes et
animistes que Jean-Paul II convia au Vatican dans le même esprit
œcuménique qui a inspiré l’Article 1er des « Constitutions »
d’Anderson de 1723 qui ont fondé la franc-maçonnerie.

Cher Père Diouf, je vous réponds en maître Maçon, initié depuis 20


ans, connaissant autant l’histoire de la franc-maçonnerie que celle de
l’Église, car, tout jeune, je voulais devenir prêtre jusqu’au jour où le
péché de la chair m’a détourné de ma vocation qui exigeait le vœu de
chasteté. Je suis votre nouvel ami « Nunyala » (le Sage, possédant la
Connaissance), offrant un nouvel éclairage à la pensée de votre ami «
Démagna », pour lui éviter de devenir dogmatique. Il faut suivre le Pape
François répondant au journaliste le questionnant sur un « gay » : «
Qui suis-je pour juger quelqu’un s’il croit en Dieu ? ».

Aussi, dois-je vous révéler que mon vécu maçonnique m’a permis
de beaucoup progresser en sagesse et dans la Connaissance, grâce à la
confrontation non dogmatique de mes idées avec celles des autres, en
respectant la liberté de conscience de l’Autre, c’est-à-dire de celui qui
diffère de moi. Aussi, dois-je répéter que le pire danger pour un franc-
maçon, c’est de s’enfermer dans le monde de ses idées, sans les
confronter aux réalités de la vie en société, où il doit éprouver les valeurs
maçonniques de Tolérance, Liberté, Égalité, Fraternité, Solidarité, Laïcité
avec sa vie quotidienne, en pensée et en action.

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De la sorte, tous les « Démagna » auront à connaître la vérité sur la
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franc-maçonnerie et ne plus la mal juger ni la calomnier. Elle n’a rien à
voir avec une religion ni avec Satan. Elle n’est qu’une grande École de
pensée humaniste, au service de « la bonne gouvernance ». Elle ne traite
pas de l’au-delà, qui est laissé au libre choix de chacun, dans le respect
de toutes les croyances, mais sans prosélytisme.

Il faut savoir que les études du franc-maçon commencent par la


connaissance de soi, tout en cherchant à comprendre les relations
humaines, sans métaphysique (qui est laissée aux religions). Et tout est
orienté sur la Liberté de chacun dans le respect des autres, sur l’Égalité
de tous et donc sur la lutte constante contre l’injustice et l’exclusion,
dans la Tolérance, pour réaliser la Fraternité universelle sur Terre. Ainsi,
est-il aisé de constater que l’engagement maçonnique est en harmonie
avec l’enseignement du Christ, que les Francs-maçons considèrent, dans
son côté Homme, comme « Grand Initié ».

Dans ces conditions, les catholiques non dogmatiques, fidèles à


l’esprit de Jean XXIII, Paul VI et Vatican II, doivent tourner les tristes
pages de la bulle « In eminenti » fulminée par Clément XII en 1738,
suivies de celles de l’encyclique « Humanum genum » de Léon XIII en
1884, ou encore du code de droit canonique de 1917, tous mus par la
politique. Quant aux raisons religieuses avancées, elles sont devenues
caduques grâce à la brèche moderne ouverte par le concile Vatican II et
le pape Jean XXIII.

2. Mes observations sur l’Histoire de la franc-


maçonnerie

Cher Père Diouf, vous dîtes bien que la franc-maçonnerie remonte


aux bâtisseurs des cathédrales du Moyen-âge, mais c’est trop succinct.
Certes, ces maçons se réunissaient dans une salle d’études sur le
chantier de construction, nommée « Loge », sous la direction du Maître
maçon qui traçait sur une planche les plans des travaux à effectuer.
Ces maçons dits « opératifs » gardaient leurs secrets professionnels,
comme toutes les corporations de métier du Moyen-âge (vitriers,
menuisiers, sculpteurs, charbonniers, … etc.), car le droit de propriété
intellectuelle n’apparaîtra qu’au XIX° siècle, à l’ère capitaliste.

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Dans ce métier de maçon, il fallait 7 ans d’apprentissage au service
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du Maître avant d’être libéré avec le grade de « Compagnon », qui était
autorisé à travailler à son propre compte loin de son ancien maître. C’est
pourquoi le « Compagnon » voyageait de ville en ville, à la recherche de
travail, et pour s’établir en recrutant des « Apprentis » et devenant «
Maître » à son tour. Et c’est grâce à tous ces « Compagnons » de métier
au Moyen-âge que le travail manuel, jusque-là avili dans « la Genèse »,
fut reconnu comme une valeur sacrée, offrant au manant de se libérer du
servage. Et ce fut l’une des premières conquêtes des droits de l’homme
dans la classe inférieure, soustrayant le travailleur à la condamnation
biblique au travail comme châtiment du péché originel d’Adam et Ève
chassés de l’Éden.

Concernant le passage de la maçonnerie du stade « opératif » au


stade « spéculatif », ce mot provient du franglais issu de l’anglais «
speculative », qui signifie philosophique ou création de l’esprit.

3. Comment est-on passé de la maçonnerie


opérative à la franc-maçonnerie spéculative ?

Les intellectuels ne se mélangent pas habituellement aux manuels.


Pour comprendre ce passage, remontons l’Histoire des idées et des faits
en Europe à la fin du Moyen âge et à la Renaissance.

En 1439, le grand mécène Cosme de Médicis, Duc de Florence,


avait réuni, à grands frais, à Pise, de 1439 à 1444, 2.000 délégués de
l’Église romaine et de l’Église orthodoxe de Byzance à la recherche d’aide
des chrétiens d’occident pour les protéger contre les menaces d’invasion
des Turcs musulmans.

Comme le Pape n’a pas réussi à mobiliser les nations catholiques


d’Europe occidentale à cet effet, il consentit à Cosme de Médicis, en
remerciement de ses énormes dépenses, l’autorisation de créer une
Académie des lettres à Florence, pour y faire traduire les œuvres des
philosophes de l’Antiquité grecque, dont les délégués de l’Église
orthodoxe de Byzance avaient dit beaucoup de bien à ce concile mixte.

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Je rappelle ici que tous les écrits des « Anciens » étaient jusque-là
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prohibés par le Saint Siège en raison du contenu « profane », antérieur
au Christ (à l’exception de la traduction d’Aristote par Thomas d’Aquin).

C’est alors qu’une grande école de pensée laïque naquit à


l’« Académie de Florence ». Elle va féconder la Renaissance italienne
avant de se propager dans toutes les cours royales par les soins de Pic de
la Mirandole. Cette diffusion de la pensée laïque des « Anciens » va
progressivement instiller l’esprit de tolérance dans la pensée des
philosophes à la recherche des vérités humaines. Ce fut la naissance de
l’humanisme européen, qui va émanciper la pensée européenne de 10
siècles d’obscurantisme, généré dans la terreur des « invasions
barbares » entre les V° et XI° siècles, au cours desquels le Saint Siège
s’était érigé en protecteur de ses fidèles, tout en les soumettant à sa
pensée unique coupée de la dialectique aristotélicienne et qui sera figée
dans le raisonnement analogique reconnaissant comme vrai seulement
ce qui est conforme aux Saintes Écritures !

Dès lors, le dogmatisme fit son chemin en instaurant l’obscurantisme


dans la connaissance littéraire, philosophique et scientifique. Le Haut
clergé, mû alors par l’orgueil des puissants, fit croire aux fidèles que Dieu
a instauré leur roi de droit divin, avec les pleins pouvoirs sur ses sujets,
divisés entre la basse classe des travailleurs serfs, manants et bourgeois,
et les 2 classes supérieures, Clergé et Noblesse, exonérées de travail et
d’impôts. L’Église condamnait ce qui infirmait le contenu de l’Ancien
Testament. Il en résulta un obscurantisme qui, durant 10 siècles,
étouffera la liberté de conscience et empêchera le progrès. Les seules
avancées techniques vinrent d’Orient, par les Croisés et navigateurs.

La liberté de conscience de l’homme n’a pu émerger qu’à partir de la


fin du XV° siècle, suite à l’autorisation du pape de créer « l’Académie de
Florence », à l’invention de l’imprimerie et à la découverte de l’Amérique
révélant l’existence d’Amérindiens différents des hommes connus.

D’où, l’avènement 2 siècles plus tard, de la loi de gravitation


universelle de Newton, suivie de la révolution technique fécondée par
l’esprit capitaliste à la recherche de rendements croissants. Toutefois, le
développement du capitalisme naquit dans les régions de confession
protestante, où la recherche du profit financier n’était pas condamnée et
où l’enrichissement personnel était reconnu comme une bénédiction de

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Dieu sur Terre, à la différence de ce qu’en disaient les sermons
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catholiques.

C’est alors que des échanges intellectuels libres vont se répandre à


travers toute l'Europe des XVI°, XVII° et XVIII° siècles, émancipant la
réflexion de l’obscurantisme religieux. Un homme nouveau va naître,
assumant son destin de sa propre volonté et libre réflexion, comme du
temps des « Anciens » Grecs. Les découvertes scientifiques et
humanistes (liberté et égalité de tous à la naissance) sont mises au
service du bonheur de l'Homme, qui a désormais libre choix entre le bien
et le mal, de sorte qu’il soit dûment jugé par Dieu dans l’Au-delà.
L’homme devient ainsi seul maître de son destin.

Ce sera dans cette ambiance idéologique de la Renaissance que


William Shaw, Intendant des bâtiments royaux de Jacques VI d’Ecosse,
voulut faire connaître les mystères de l’univers à ses élèves architectes
et maçons écossais. Il inséra « l’art de la mémoire » (pratiqué dans
l’Antiquité gréco-romaine) dans les "Statuts" des loges opératives
écossaises. Et c’est ce qui va différentier les loges de Shaw des « Anciens
devoirs » des maçons du Moyen âge. La philosophie antique devait servir
à former des architectes écossais capables de rivaliser avec ceux
d’Angleterre.

Ce type de loge se répandit dans 30 villes d’Ecosse entre 1599 et


1625, après qu’en 1597, le Roi Jacques VI d’Ecosse missionna William
Shaw sur le continent pour recueillir les règlements des « Old charges
» des bâtisseurs du Moyen âge. Shaw rapporta le code « REGIUS »
de 1390 et le « Manuscrit de COOK » datant de 1425, qui faisaient état de
la tradition du métier, de ses règles et de sa déontologie.

Et Shaw, à la demande du roi, féru d’ésotérisme, introduit


l’enseignement de la philosophie antique. Le « Mot de maçon » et les
signes de reconnaissance du métier protégeaient la corporation. Et il a
alors fallu imposer l’initiation des enseignants venus pour être admis en
Loge. C’est l’origine d’appellation de maçon « spéculatif », différent du
maçon opératif. Il est qualifié de « Accepted Free Mason », ou « maçon
libéré du métier de maçon », c’est-à-dire qu’il n’a pas à l’exercer.
Comment est-ce arrivé ? En effet, pour pouvoir pénétrer en loge pour y
enseigner, le professeur devait avoir été initié pour connaître le « mot de
maçon ». C’est ce qui en fit un « maçon spéculatif » ou symbolique,

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affranchi de l’obligation d’exercer le métier, donc « free Mason », d’où «
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franc-maçon spéculatif ».

C’est ce qui permettait aux professeurs d’entrer dans ces loges Shaw
de 1599 à 1625 (décès de Jacques VI) pour y transmettre leurs
enseignements philosophiques et ésotériques diffusés par l’Académie de
Florence (dont l’Art de la mémoire), en vue de susciter chez les
apprenants le génie de l’architecture pour faire honneur au roi de
l’Ecosse. Et, comme William Shaw avait créé une trentaine de Loges de
formation à travers toute l’Ecosse entre 1599 et 1625, des centaines
d’enseignants anglais, venus de Londres et d’Oxford, retinrent le « mot
de maçon » et le rituel d’initiation datant de 1390, que Démagna répète
dans vos lettres sans en avoir compris l’origine ni le sens historique.

Ce passage de l’opératif au spéculatif s’opéra durant la guerre civile


anglaise (1625-1660), née du fanatisme religieux opposant Anglicans,
Luthériens, Presbytériens et Papistes (= Catholiques). En effet, ces
intellectuels anglais, rejetant le fanatisme religieux, usèrent de ces
secrets, appris en loges écossaises, pour pouvoir communiquer et se
retrouver entre eux en toute sécurité, à l’abri des regards des fanatiques.
D’où l’origine dite « écossaise » attribuée à la franc-maçonnerie
spéculative.

4. L’immense place de Francis Bacon dans la


genèse philosophique de la franc-maçonnerie

Tous ces intellectuels anglais étaient adeptes de la pensée


révolutionnaire de Francis Bacon, qui marqua le 17° siècle anglais ainsi
que les philosophes des « Lumières » du 18° siècle. Dans « Novum
organum » de 1620, il théorisa, le premier, la « logique expérimentale »
comme moyen irréfutable de démontrer les vérités objectives de la
Nature, mettant à mal l’épiscopat catholique conservateur. En outre, il
révolutionna la conception de l’identité de l’homme en soutenant que
l’on devient « Homme libre et responsable » en travaillant sur soi, pour
ne pas être soumis au déterminisme de sa naissance. Pour cela, l’homme
doit « purger son intellect » des 4 catégories de préjugés qui ont formaté
sa façon de penser : son hérédité, sa culture d’origine, son ego et ses
fréquentations. Chacun peut alors « renaitre en un homme nouveau »,
qui sera plus utile à la société. Ses idées vont influencer le vote de la loi

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« Habeas Corpus » en 1679, qui institue la liberté individuelle en
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supprimant les arrestations arbitraires.

Plus encore, en 1626, dans son dernier ouvrage « Nova Atlantis »,


il invente les concepts de « progrès », « gain de productivité » et
« efficience », comme facteurs essentiels du développement d’une
société, ce pourquoi il recommande la création d’ « Instituts de
recherche » pour promouvoir les échanges entre les savants du monde
entier, pour le bonheur de l’Humanité. Enfin, Francis Bacon prône la
tolérance religieuse. Il en explique les bienfaits socioéconomiques
réunissant les compétences de toutes les communautés religieuses d’une
nation, pour son plus grand bonheur. C’est ce qui décide Cromwell, en
1656, à réintégrer les Juifs en Angleterre (dont ils avaient été expulsés en
1290), ruinée par 30 années de guerre civile depuis 1625 où Charles 1er
accéda au trône en voulant restaurer le catholicisme. Et cette pensée de
Francis Bacon aboutira à la création en 1662 de la « Royal Society », qui
va regrouper les grands savants autour du roi Charles II, pour créer la
« Bonne Gouvernance », ce qui permettra au Royaume Uni de ne plus
subir de révolution.

Cher Père Jean-Philippe, j’ai insisté sur Francis Bacon parce qu’il
est à la base de l’élaboration des valeurs maçonniques prônant la liberté
de penser, l’égalité des hommes et la tolérance des différences, valeurs
combattues par les monarchies absolues soutenues par l’Église jusqu’à la
Loi de 1905 de séparation de l’Église et de l’État. Pourtant, Jésus était
partisan de la Laïcité : « Rendez à César ce qui est à César, à Dieu ce qui
est à Dieu » !

5. Ma réponse à la critique de « doctrine


cachée » de la franc-maçonnerie

Cher Père Jean-Philippe, contrairement à ce que vous écrivez à la


page 11 de votre livre, la franc-maçonnerie n’entretient pas de doctrine
cachée. En effet, au fur et à mesure que l’Initié avance en grade, il
découvre de nouvelles connaissances, tout comme l’élève qui avance de
la classe de sixième jusqu’en Terminale. D’ailleurs tout est exposé au
public à travers les livres d’instruction maçonnique que l’on trouve en
vente libre en librairie, jusqu’aux « Hauts Grades » que je n’ai pas
arpentés, préférant me consacrer au service des Togolais souffrant de la

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mauvaise gouvernance, plutôt qu’à réaliser mon bonheur personnel en
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accédant à la meilleure connaissance de soi. C’est comme Saint François
d’Assise qui préféra se consacrer aux pauvres au lieu d’accéder aux
fonctions de prélat de l’Église. Tel est mon choix.

Quant à la confidentialité des membres de la franc-maçonnerie,


c’est un héritage de la Tradition des métiers au Moyen-âge. Ce secret est
appelé à disparaître quand les Francs-maçons ne seront plus diabolisés
par les Prêtres qui les traitent de buveurs de sang humain et autres
calomnies mensongères. Sachez que ces calomnies m’avaient dissuadé
de me faire initier durant 22 ans, jusqu’à l’âge de 52 ans, où j’ai enfin
compris que mes préjugés antimaçonniques provenaient du Collège Saint
Joseph de Lomé où l’on m’avait inculqué qu’ils étaient sataniques, alors
que j’avais toujours le 1er Prix de religion en classe.

Aussi, dès que j’ai découvert la vérité sur la franc-maçonnerie, j’ai


décidé de la divulguer dans des émissions télévisées et radiophoniques
pour effacer les préjugés antimaçonniques des « Démagna ».

D’ailleurs, ce secret d’appartenance ne serait plus d’actualité si la


bulle du Pape Clément XII en 1738 n’avait pas excommunié les
« Frimassons » (ce mot venant d’Angleterre), faisant craindre aux
Francs-maçons la menace d’exclusion des hautes fonctions et autres
emplois publics ou privés.

6. Les vraies raisons politiques de la


condamnation de la franc-maçonnerie en 1738

Le cardinal de Fleury, précepteur du jeune roi Louis XV, dirigea la


France de 1726 à sa mort en 1743, à l’âge de 89 ans. Conscient du
mauvais état de l’armée française, affaiblie par 50 ans de guerres sous
Louis XIV, ce Premier ministre recherchait la paix, veillant surtout à ne
guère inquiéter les Anglais. Or, le 21 mars 1737, le chevalier de Ramsay
(un Écossais partisan du retour au pouvoir à Londres de la dynastie
Stuart qui en avait été chassée en 1688) lui présenta son fameux
« Discours » sur l’histoire de la franc-maçonnerie, qu’il avait
accommodée pour flatter la Noblesse française. Le Cardinal en fut si
choqué qu’il jugea les réunions de « frimassons » comme « très
dangereuses dans un État » et en informa le pape.

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De plus, comme Ramsay était proche du prétendant au trône de
Londres, Jacques III Stuart, donc l’ennemi du roi George II au pouvoir, le
Cardinal le soupçonna de vouloir rallier la noblesse française à la cause
des Stuart, en leur disant que ses ancêtres, les chevaliers français,
avaient défendu les lieux saints aux côtés des Templiers que Ramsay
déclare être les ancêtres des frimassons (alors que la franc-maçonnerie
est née vers le milieu du XVII° siècle). Or, ces Templiers ayant été
excommuniés en 1307, le cardinal s’inquiéta de voir naître une nouvelle
hérésie de type « latitudinaire », qualifiée de « tolérantisme » par Rome.
Et il estimait que cette hérésie, portée par la franc-maçonnerie, serait
soutenue par une puissante alliance de la noblesse avec les hommes des
sciences et des arts, trop influents à la Cour de Louis XV.

Plus encore, le « Discours » de Ramsay critique le roi britannique


George II pour son intolérance qui aurait exilé la franc-maçonnerie
anglaise avec le roi Jacques II Stuart en France, où le « bon roi Louis
XV » accueille les Francs-maçons à sa Cour. Il y aurait donc un risque de
se fâcher avec l’Angleterre.

Pire encore, ce Discours menace la stabilité du pouvoir royal de


droit divin en France, en projetant que la fraternité maçonnique y créera
une « république universelle » qui rayonnera sur le monde.

Aussi, face à tous ces grands dangers à multiples facettes, le


Cardinal de Fleury, octogénaire, eut recours à son ami et supérieur, le
pape Clément XII, pour fulminer une bulle d’excommunication des
« frimassons », en vue d’obliger Louis XV à ne plus être tolérant envers
les Francs-maçons à sa Cour.

7. L’inquiétude de l’Église vis-à-vis des


« latitudinaires » et du « tolérantisme »

L’Église avait déjà accusé les "latitudinaires" d’être des déistes


célébrant Dieu en négligeant le « Credo » du 1er Concile de Nicée en 325,
où l’empereur Constantin avait réussi à instaurer le pouvoir spirituel de
la jeune Église chrétienne, dont le premier acte d’autorité fut alors de
condamner Arius pour schisme pour non-respect du dogme de la Trinité.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


C’est le 1er pouvoir temporel qui offrit à l’Église de pourchasser l’hérésie
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et d’instaurer sa discipline sur l’empire romain, grâce à Constantin 1er.

Au 18° siècle l’INDEX (institué en 1542) condamna les Francs-


maçons pour leur esprit « latitudinaire » ou « tolérantiste » de
tolérance fondée sur la « liberté absolue de penser », laissant chacun
pratiquer sa Foi à diverses latitudes de croyance. Aux yeux du Saint
Office, cette tolérance risque de saper les fondements de l’autorité du
Pape sur les fidèles catholiques. Et ce fut le Cardinal de Fleury qui inspira
à louis XIV la « Révocation de l’Édit de Nantes » en 1685, pour chasser
les protestants de France !

Or, c’est l’ « esprit tolérantiste » de la fin du 17° siècle anglais,


germé par F. Bacon, qui s’est retrouvé dans l’Article 1er des
« Constitutions » d’Anderson de 1723, définissant la franc-maçonnerie
comme le centre d’union d’ « hommes de sociabilité, de cosmopolitisme
et de culture universaliste », libres dans leur interprétation individuelle
des Saintes Écritures dans un esprit de tolérance mutuelle, « l’accord sur
l’essentiel autorisant des divergences sur l’accessoire ». C’est cet esprit
de tolérance fondé sur la Fraternité universelle qui avait banni l’arbitraire
du pouvoir royal en 1679 par l’ « habeas corpus Act », puis instauré en
1688 le pouvoir législatif du Parlement, fondant la démocratie, par le
« Bill of Rights ».

Et ce sont ces pratiques bouleversantes de la démocratie naissante


en Angleterre qui inquiétaient, sur le continent, les pouvoirs
monarchiques de droit divin ainsi que l’Église romaine qui les oint.

Ainsi, en 1735, le gouvernement des Provinces Unies décida


d’interdire les assemblées de « frimassons » par crainte de complot de
ces gens liés par un secret « impénétrable », qui soutenaient le Prince de
Nassau, candidat au Statthalter. En 1736, la ville de Genève, acquise à
Calvin, interdit l’ouverture d’une première loge maçonnique à cause du
secret inviolable, considéré comme ennemi de l’ordre public en raison de
ses idées révolutionnaires de liberté de conscience et d’égalité. Ces
« frimassons » inquiétaient tous les pouvoirs absolus, notamment le
cardinal de Fleury en France.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


8. Les 6 motifs invoqués par Clément XII pour 53
excommunier les « frimassons »

La bulle « In eminenti » du 24 avril 1738 débute par ceci : « Nous


avons appris qu'il s'était formé une certaine société de Francs-Maçons,
admettant indifféremment des personnes de toute religion, qui se sont
établies certains statuts les liant entre eux et les obligeant sous les plus
graves peines, en vertu d'un serment porté sur les Saintes Écritures, de
garder le secret inviolable sur tout ce qui se passe dans leurs
assemblées… Si leurs actions étaient irréprochables, ils ne se
déroberaient pas avec tant de soin à la lumière... De là vient que, depuis
longtemps, ces sociétés ont été sagement proscrites par la plupart des
princes dans leurs États, qui les ont regardées comme ennemis de la
sûreté publique ». Ainsi, Clément XII invoque d’abord l’accusation de
complot politique, portée par les gouvernements contre les assemblées
de frimassons, pour ensuite les condamner pour des raisons religieuses.
Il invoque donc 6 « causes très graves » :

1- La supra-confessionnalité des assemblées maçonniques ;


2- Le caractère impénétrable du secret ;
3- Le serment sur la Bible qui en garantit l’inviolabilité ;
4- L’illégalité des sociétés maçonniques au regard des lois
civiles ou ecclésiastiques ;
5- La proscription de ces sociétés par « les lois des princes
séculiers » ;
6- Leur mauvaise réputation

La bulle s’adressait surtout au roi de France pour mettre fin à ses


amitiés maçonniques qui entravaient l’action du cardinal de Fleury
contre les réunions de « frimassons ». En effet, elle dit : « Nous,
réfléchissant sur les grands maux qui résultent de ces sortes de
sociétés… et de l'avis de plusieurs de nos vénérables frères Cardinaux, …
Nous avons conclu et décrété de condamner et de défendre ces dites
sociétés à perpétuité ».

Parmi les 6 motifs invoqués, 3 placent le franc-maçon catholique en


état de péché grave le privant des sacrements, ce qui fit renoncer
nombre de Frimassons. Voici les 3 motifs fallacieux :

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


• le « secret impénétrable » qui empêche de confesser tous ses
54
péchés à son confesseur ;

• le « serment inviolable sur la Bible », jugé inadmissible en


raison de sa « barbare formule » qui inspire la terreur, ce qui enfreint le
2ème commandement du décalogue : « Tu n’invoqueras pas en vain le
nom de l’Eternel en dehors de ce qui est vrai, prudent et juste » ;

• la « mauvaise réputation », qui concerne les réceptions


mondaines organisées par de hautes personnalités libertines, membres
de l’Ordre maçonnique, comme le duc de Wharton à Londres, le duc
d’Antin à Paris ou le futur Frédéric II de Prusse.

Outre ces 3 motifs, la bulle invoque le motif de la « supra-


confessionnalité » des assemblées maçonniques, condamnée par le
Saint-Office (INDEX) pour « tolérantisme », consistant à mélanger des
membres, hommes de toutes croyances, notamment des
« latitudinaires » qui négligent les dogmes.

Cependant, cette bulle est elle-même dogmatique et aveuglément


fanatique en ignorant les Francs-maçons catholiques qui ne commettent
pas ces 3 péchés, et donc, ne sont pas assimilables aux autres !

Franchement, cher Père Diouf, dîtes-moi en quoi le Chapitre


Premier des Constitutions de 1723, "Concernant Dieu et la Religion"
empêche le franc-maçon catholique de croire aux dogmes de l’Église
catholique ? En voici le texte : « Un franc-maçon est tenu d'obéir à la Loi
morale, et, s'il comprend son Art, il ne sera jamais Athée stupide, ni
Libertin irréligieux. Mais, quoique dans les Temps anciens les Maçons
fussent tenus d’adopter la Religion du Roi, il est maintenant admis que
chacun ait le choix de ses propres opinions, à condition d'être Homme de
bien et loyal, quelle que soit sa religion, de façon à ce la franc-
maçonnerie devienne le Centre d'Union et le moyen de nouer une amitié
sincère entre des personnes qui n'auraient pu s’ignorer en restant
isolées ».

Quant aux 2 motifs politiques invoqués sur « l’illégalité des sociétés


maçonniques et leur proscription par les lois des princes séculiers », la
bulle se réfère au cardinal de Fleury qui qualifie les assemblées de
frimassons de « très dangereuses dans un État ». Ainsi, le pape invitait

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


les rois à considérer « ces sortes de gens comme ennemis de la sûreté
55
publique et toujours nuisibles à la tranquillité de l’État ».

Aussi, Louis XV tenta de le faire, mais le Parlement de Paris refusa


d’enregistrer la bulle. Elle ne put donc être mise en application dans le
royaume de France, au grand dam du cardinal de Fleury !

9. Concernant le Rituel d’Initiation qui peut


choquer à sa lecture au 1er degré

Il est de mon devoir de Maître franc-maçon de lever les


confusions et les calomnies de mes détracteurs. Aussi, dois-je citer
cette phrase de F. Ricault publiée en 1737 : « Pour le public, un franc-
maçon sera toujours un vrai problème qu'il ne saurait résoudre à fond
qu'en devenant maçon lui-même ».

La densité symboliste du rituel d'initiation au grade d'apprenti est un


obstacle à sa compréhension immédiate, car la réceptivité du néophyte
« vivant » cette Initiation, ne lui permet d'en retenir que quelques
bribes. Il faudra un effort soutenu dans le temps pour lui permettre d'en
assimiler les données.

Certes, le premier pas d’entrée en franc-maçonnerie est-il


l'Initiation. Mais il faut la "vivre" et non pas faire comme certains
responsables politiques, qui la reçoivent sans la vivre. Et un profane ne
peut pas le comprendre, car l’Initiation n’est que le commencement
d'une longue évolution intérieure. La cérémonie proprement dite doit
servir à éveiller chez le candidat la volonté de prendre conscience des
potentialités immenses qu'il porte en lui. Seul le travail sur soi va
favoriser son évolution et son perfectionnement.

La cérémonie de l’Initiation maçonnique déploie des effets de


choc sur le néophyte. C’est le point de départ d’un cheminement de
son esprit (c’est là le secret personnel du franc-maçon !) pour accéder
d’abord à la pensée symbolique qui va lui ouvrir la Connaissance sur
l’esprit de Tolérance, en éradiquant progressivement en lui le
dogmatisme de sa pensée unique.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Dans la foulée de cet altruisme, le néophyte apprendra à aimer
56
l’Humanité et à œuvrer pour sa construction sociale pour le bien
commun, comme l’ont fait les anciens francs-maçons à travers l’Histoire,
en instaurant la bonne gouvernance et les valeurs démocratiques et
républicaines. Cette association de la pensée et de l’action n’a rien
de métaphysique, se limitant à bâtir la Cité.

Dans son essence, le rituel d'initiation au grade d'apprenti recèle


l'alpha et l'oméga de l'enseignement maçonnique. Mais pour l’assimiler, il
faudra effectuer de nombreux « travaux » en loge, en entretiens, en
lectures et surtout en recherches individuelles (personnellement, j’en ai
effectué plus de dix mille heures en 20 ans). Et il faut aussi confronter
ses études maçonniques avec les réalités sociales !

L'initiation maçonnique dure donc toute la vie de l’Initié, chacun


vivant sa propre expérience, tant intellectuelle que sociale. C'est cette
expérience de vécu maçonnique qui la rend « secrète » parce que
« incommunicable », comme un « premier Amour » qui n’est pas
exprimable. C’est une expérience intérieure et intime, au plus profond de
l'être. C’est le propre de tradition initiatique maçonnique.

Il faut aussi savoir qu’il y a des variations dans la manière de vivre


son chemin initiatique, en fonction, notamment, de l'ambiance de
fraternité solidaire et de la qualité des travaux dans les loges. De la sorte,
le franc-maçon comprendra que si la perfection de l’Humanité est le but
identique pour tous, les moyens d'y tendre varient en fonction de la
personnalité de chacun. Toutefois, le devoir de chaque Frère est
d’accorder à autrui la liberté qu'il exige pour lui-même, dans le respect
mutuel de l’égalité. C’est ce qui exerce un rayonnement exceptionnel
chez les initiés engagés.

C'est pourquoi, il ne peut y avoir, en franc-maçonnerie, de magister


imposant une doctrine et les règles à suivre. De même, l'application des
principes maçonniques de Fraternité, de liberté, de tolérance et de
respect de l’Autre (= celui qui est différent de soi), ne se limite pas
seulement aux rapports entre frères à l'intérieur de la loge et pendant
les travaux et les réunions.

Il ne faut surtout pas croire que la franc-maçonnerie est une


amicale, ou une organisation destinée à favoriser les affaires et les
ambitions de ses membres. Le devoir d'entraide consiste à aider le

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Frère en difficulté, à la condition que son besoin ne soit pas illicite
57
ni criminel. Et ces sentiments que le franc-maçon destine en premier
lieu à ses frères, doivent aussi, par extension, s’adresser à des
Profanes, en accordant une priorité à sa famille, à ses proches, à ses
amis et à ses concitoyens. Franc-maçon en loge, il doit en prouver les
qualités autour de lui dans la vie ! Car, à la différence de l’ordre
monastique, le franc-maçon vit dans le monde où il est engagé à
améliorer les conditions de vie de la population autour de lui. A cet
effet, il doit travailler sur soi pour bien se connaître, pour pouvoir être
plus utile à l’Humanité, par sa volonté, sans ordre d’en haut.

10. Que peut donc apporter la franc-maçonnerie


à l'Homme du XXI° siècle ?

Le bénéfice que le franc-maçon retirera de son appartenance à


l'Ordre maçonnique sera fonction de ce qu'il en attend, de ce qu'il est
prêt à lui apporter, et surtout de la conception qu'il se fait de son
initiation et de ses devoirs envers ses valeurs. Chez tous les frères
sincères, la fréquentation de la loge leur donnera la force de
confronter leurs opinions individuelles dans une atmosphère
détendue et bienveillante, sans discrimination aucune. Cela facilitera la
voie de chacun vers son perfectionnement personnel en ouvrant son
cœur et sa raison aux leçons d’Humanisme, et en nous libérant de toute
pensée dogmatique, nous évitant de sombrer dans le fanatisme
destructeur.

Cependant, il ne faut pas que le profane idéalise la franc-


maçonnerie en tant qu'institution, car elle ne vaut dans un pays
que par ce que valent ses membres qui « agissent au dehors »
dans la société. Sachez que tout franc-maçon a des faiblesses, et que
la cérémonie d’Initiation n'a pas de pouvoir magique, chacun devant
conquérir ses propres « Lumières » par le travail sur soi et l’amour de
l’Humanité qui souffre de l’injustice, des inégalités et du manque de
Liberté. Par contre, par son intense foi dans le perfectionnement de
l’Homme vivant sur Terre, le franc-maçon peut avoir l 'énergie
nécessaire pour tendre sans relâche vers ce but humaniste. Et, à cet
égard, chaque frère est son propre maître, responsable devant sa
conscience de ses opinions et de ses choix.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


En revanche, à celui qui limite ses ambitions à l'immédiat et aux
58
apparences, et à celui qui entend être servi plutôt que servir, la franc-
maçonnerie n'apportera que déceptions et amertume !

C'est donc au profane, qui lit ces lignes, de savoir quel type de
franc-maçon il veut devenir et quel message de la franc-maçonnerie
il portera au dehors… car, n’oublions pas qu’il disposera de sa liberté
absolue de conscience en se faisant initier franc-maçon.

Sachez toutefois que de grands personnages historiques étaient


Francs-maçons à la suite de la naissance de la franc-maçonnerie au
cours du XVII° siècle et de son instauration officielle en 1723 par
Theophile Desaguliers (pasteur Anglican d’origine française, dont le père
huguenot s’était réfugié avec son fils en Angleterre à cause des
dragonnades de Louis XIV déclenchées par sa révocation de l’édit de
Nantes en 1685) et le pasteur écossais presbytérien James Anderson. Je
vous cite au hasard des souvenirs de ma mémoire : le général La Fayette,
George Washington, Franklin Roosevelt, Joseph Bonaparte, Rouget de
Lisle, Abd el Kader, Garibaldi, Cavour, le maréchal Joffre, Voltaire, Goethe,
Kipling, Victor Hugo, Mozart, Franz Liszt, Jean Sibelius, Louis Armstrong,
Duke Ellington, Gambetta, Jules Ferry, Aristide Briand, Paul Doumer, Félix
Faure, Salvador Allende, Mario Soares, les frères Montgolfier, Charles
Lindbergh, Henry Ford, André Citroën, Abraham Lincoln, Franklin
Roosevelt, Winston Churchill… etc.

Que des personnages aussi éminents, provenant d'époques, de


milieux et de cultures aussi différents, aient décidé, à un moment de leur
vie, de rejoindre les rangs de la grande fraternité maçonnique, démontre
que cette institution a toujours attiré (malgré les énormes calomnies
racontées sur la franc-maçonnerie) des gens de valeur qui ont vu en elle
le moyen de participer au devenir de l’humanité.

D’ailleurs, dans « La Loge Mère » Rudyard Kipling écrivait en 1896 :

« Dehors on se disait « Sergent, Monsieur, Salut, Salam »


Dedans c'était « Mon Frère » et ça ne faisait de mal à personne.
Nous nous rencontrions sur le niveau, sous l'équerre
Moi, j'étais Second Expert dans ma Loge, là-bas ! »

Et ici, je n’ai cité que des grands hommes disparus, car il ne m’est
pas permis de citer les vivants, par crainte de leur nuire, en raison de

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


l’anathème que l’Église catholique et les musulmans rigides jettent sur la
59
franc-maçonnerie, sans autre raison qu’il s’agit de libres penseurs,
abusivement assimilés à des athées sans foi en Dieu et donc non
fréquentables à leurs yeux, alors que seul Dieu peut juger les hommes
après leur mort. Et le pape François l’a confirmé tout récemment en
disant : « Qui suis-je pour juger un gay ? ».

Donc, je dirai à nos détracteurs, tout simplement et avec miséricorde :


« Miserere nobis ! »

11. De l’identité maçonnique

La franc-maçonnerie a toujours condamné avec force et vigueur


tout ce qui avilit ou asservit l’être humain, sous toutes les formes :
physique, matériel, intellectuel ou spirituel. Pour elle, il est du ressort de
chaque membre, et à la suite de sa propre réflexion individuelle, d'adopter
les conceptions métaphysiques qui correspondent à sa sensibilité intime.

Elle est l'héritière de tous les grands mouvements de pensée qui


ont placé l’homme ainsi que l'humanité dans son ensemble, au centre de
leurs préoccupations du devenir de la société. Et de plus, dans sa
spécificité positive, elle offre à ses membres d’user de sa méthode
initiatique qui permet de dégager en nous une puissance créatrice de
notre imaginaire nous offrant de faire meilleur usage de nos capacités de
réflexion. Cela facilite l'émancipation de notre ego en évacuant beaucoup
de nos préjugés et le dogmatisme de nos convictions héritées de
l’environnement familial, de notre éducation scolaire et de nos
fréquentations, comme le prescrivait Francis Bacon, « l’ancêtre » des
francs-maçons…

Il ne faut donc pas croire que le bon franc-maçon vit détaché des
contingences matérielles en se contentant d'examiner de l’extérieur les
évènements contemporains, de façon détachée. Bien au contraire ! Être
franc-maçon c'est aussi et surtout un état d'esprit qui révèle une attitude
positive et une ouverture d'esprit, qui soient propices à la recherche de
solutions, de préférence consensuelles mais justes. Il s'efforce de
participer, en fonction de ses choix personnels et de ses moyens, à la
compréhension et à l’évolution de son environnement où il évolue en
veillant au mieux vivre ensemble dans le sens du bien commun.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


60

12. Qui peut se faire initier en franc-maçonnerie


?

On trouve des francs-maçons provenant de tous les horizons. La


franc-maçonnerie libérale, notamment le Grand Orient de France, la
Grande Loge de France, le Droit Humain, la Grande Loge Féminine de
France, … acceptent des candidats de toutes origines, de toutes
croyances religieuses, de toutes formations professionnelles y compris
des religieux de toutes confessions, et de tout statut social.

Est-ce à dire que n'importe qui peut devenir franc-maçon ? Non !

En effet, le candidat idéal doit présenter un certain nombre de


qualités morales et intellectuelles sans lesquelles son admission au sein
d'une loge se trouverait compromise. Il doit tout d’abord être un homme
d'honneur qui respecte la parole donnée. Il doit se conduire en personne
responsable et faire preuve de disponibilité envers ses futurs Frères et
Sœurs dans l’environnement de solidarité où il va vivre.

Il ne doit pas être assujetti à des contraintes matérielles ou


intellectuelles restreignant sa liberté d'action ou de pensée. Il doit
pouvoir aborder les problèmes avec une liberté absolue de conscience,
ce qui implique qu'il tolère les opinions d'autrui quand il ne les partage
pas. Aussi, doit-il être prêt à lutter pour qu'il se libère progressivement
des vices qui rendent sa vie imparfaite ainsi que des dogmatismes qui
paralysent l’évolution de sa pensée égocentrique et pleine de faux
préjugés.

Il doit aspirer à travailler sur soi, en se remettant en cause


perpétuellement en dominant son orgueil, de façon à pouvoir opérer son
perfectionnement intellectuel et moral en vue de contribuer utilement à
l’amélioration de la nature humaine.

Aussi, l’initiation maçonnique ne convient-elle pas à toutes les


intelligences.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


En effet, pour les Francs-maçons, l’Initiation Maçonnique ne se
61
limite pas à l’ensemble d’épreuves et de phrases symboliques destinées à
frapper l’imagination et l’esprit du néophyte. Elle englobe toute la vie du
Maçon.

Le mot Initiation vient du latin « Initium » qui signifie «


Commencement ». Et être initié, c’est entrer dans un monde nouveau,
commencer une vie nouvelle. C’est pourquoi, au début, on guide
l’Apprenti sur le chemin de la connaissance, mais la connaissance étant
infinie, son travail ne s’achève jamais. Et c’est aussi pourquoi l’on ne
cesse de lui répéter qu’il ne doit jamais aspirer au repos !

Le profane qui cherche à se faire initier doit remplir des conditions


préalables, parce que toute pierre brute n’est pas appropriée à être taillée
pour s’insérer dans la construction du temple de l’Humanité, comme le
veut la franc-maçonnerie. Ainsi, y a-t-il deux conditions préalables à
l’admission du profane en franc-maçonnerie.

Tout d’abord, il doit posséder le niveau d’instruction indispensable


pour comprendre les enseignements maçonniques qui ne sont pas
assimilables aux enseignements de tous ordres que la société profane
offre à l’homme désireux de s’instruire. En effet, les enseignements
maçonniques sont libres de toute contrainte dogmatique, et ils peuvent
se heurter aux facultés assimilatrices du candidat. Si celles-ci sont
insuffisantes, le candidat sera inapte à recueillir cet enseignement et il
finira par jeter l’éponge, à moins qu’il ne préfère y rester pour jouir de
l’esprit de fraternité, de liberté et de tolérance qui prévaut dans
l’entourage maçonnique. C’est pourquoi le recrutement devrait,
rigoureusement, porter sur des profanes qui, au-delà de leur amour de la
fraternité, avouent venir chercher dans la Maçonnerie le
perfectionnement intellectuel, moral, psychique dans le souci de se
rendre plus utile à l’Humanité.

La deuxième condition préalable est tout aussi importante. Elle


concerne la situation matérielle du profane. Il s’agit de ses moyens
matériels pour couvrir les coûts financiers de la pratique maçonnique,
notamment ses frais de déplacement d’au moins une fois par semaine
pour se rendre en loge et aux instructions, sa capitation annuelle,
certaines agapes et manifestations maçonniques, ainsi que l’achat de
livres maçonniques, sans oublier les frais d’admission à chaque grade

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


maçonnique. Par exemple, dans mon obédience, il faut être capable de
62
provisionner une enveloppe annuelle de 200.000 FCFA ou de 20.000
FCFA par mois, sans devoir priver sa famille sur ses dépenses courantes.

Car, il doit toujours se sentir à l’aise pour accomplir son travail de


connaissance de soi pour pouvoir corriger ses défauts et dégrossir sa
Pierre Brute en vue de l’insérer un jour dans l’édification du Temple de
l’Humanité, le quartier où il vit puis la nation dont il doit contribuer à
améliorer le vivre-ensemble. Pour cela, il doit être capable de s’appliquer
sereinement à la réflexion et au discernement, sans subir la pression
permanente de soucis financiers pour boucler son budget. Sinon, il ne
pourra pas raisonner librement, avec sagesse, force et beauté,
conformément aux exigences de l’éducation maçonnique. S’il est étranglé
par ses soucis matériels, il ne pourra pas cultiver, dans la sérénité de son
introspection, les vertus de tolérance et d’humilité indispensables à son
cheminement initiatique.

Et si le candidat profane satisfait à ces conditions préalables,


quelles qualités doit-il avoir pour être admis en franc-maçonnerie ?

Pour répondre à cette question, il faut rappeler brièvement l’esprit


des « Constitutions » d’Anderson de 1723, texte fondateur de la pensée
maçonnique. Il y est dit que la franc-maçonnerie est une alliance
universelle d’ « hommes éclairés », unis pour travailler en commun au
perfectionnement intellectuel et moral de l’humanité. Cette association
vise donc à développer l’individu, en lui offrant les outils de réflexion
capables de lui donner les moyens d’atteindre les plus nobles idéaux de
perfectionnement de la nature humaine et du vivre ensemble de
l’Humanité. Le franc-maçon est appelé de la sorte à s’élever au niveau du
Sage. Et grâce à ses efforts de recherche sur son chemin initiatique, en se
remettant toujours en question, il s’interroge tout le temps pour ne pas
tomber dans le dogmatisme. C’est là un facteur essentiel du Progrès dans
la vie sur Terre, sans toucher aux problèmes métaphysiques qui relèvent
exclusivement des croyances individuelles. C’est pourquoi l’on
définit la franc-maçonnerie comme une grande école de pensée et
d’action. Elle offre à ses membres les moyens de maîtriser leurs passions,
et de pouvoir s’adapter aux épreuves de l’existence.

En somme, l’Initiation maçonnique convient aux esprits inquiets, à


tous ceux qui s’interrogent sur leur devenir au sein de la société, à ceux
que ne sont pas satisfaits de ce qu’ils ont déjà appris dans leur vie

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


profane et qui sont à la recherche d’un plus, d’autre chose pour meubler
63
le besoin de plus d’humanisme dans leur esprit.

C’est pourquoi la franc-maçonnerie est faite pour tous ceux qui


veulent se perfectionner moralement, intellectuellement et
philosophiquement, sans devoir remettre en cause leur spiritualité
religieuse. Il s’agit de gens à l’esprit ouvert aux larges idées de
perfectionnement, dans le sens du désintéressement et de la
générosité. Ces gens-là sont désignés dans les « Constitutions
d’Anderson » par l’expression anglaise de la fin du 17° siècle et du
début 18° siècle, d’ « hommes libres et de bonnes mœurs ».

Par « homme libre », il faut entendre celui qui s’affranchit de tout


esclavage moral et intellectuel, c’est-à-dire des préjugés qui le retiennent
captif de son dogmatisme, le privant de la liberté nécessaire pour réaliser
sa recherche du vrai. C’est ce qui qualifie le franc-maçon de chercheur
de vérité, sans esprit borné. Il doit avoir une intelligence largement
ouverte à toutes idées susceptibles de perfectionner sa connaissance des
choses de la vie et ses convictions.

A ce propos, la franc-maçonnerie étant une école de la vie, il faut


être humble et courageux pour accepter de s’instruire à nouveau,
autrement que ce que l’on a déjà acquis dans notre existence antérieure.
En effet, la vertu suprême d’Humilité nous permet de prendre
conscience de notre ignorance et de procéder à notre perfectionnement
moral et intellectuel. Il est très difficile de comprendre le vrai sens de la
vertu d’humilité. Elle est habituellement rattachée à la condition des
pauvres et des faibles, alors que c’est une grande force pour le vrai
franc-maçon qui a compris son engagement. Cela requiert une grande
force de caractère et la maîtrise de soi, nous donnant les moyens de
maîtriser les passions qui nous agitent face aux opinions d’autrui et aux
épreuves de la vie.

L’autre vertu fondamentale nécessaire au vécu maçonnique est la


Tolérance. Il s’agit cette fois d’accepter les opinions de l’Autre, celui qui
est différent de soi, et dont on doit se rapprocher en lui faisant montre
que nous le comprenons. C’est ce qui permet la coexistence pacifique et
encore plus, la Fraternité universelle.

Par contre, l’égoïsme et la cupidité sont les vices majeurs qui


obstruent le chemin initiatique. En effet, se désintéresser du sort

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


d’autrui, c’est la forme courante de l’égoïsme. Or, tous les nantis tirent
64
leur force de la société où ils vivent et dont ils profitent aisément.
L’égoïste ne vivant que pour lui-même, ne fait pas partie de la chaîne
d’union des frères humains. Il ne peut donc pas devenir un « bon maillon
» de la chaîne d’union maçonnique.

Le candidat doit donc pouvoir pratiquer la générosité d’âme et de


cœur envers son Frère et sa Sœur et, par extension, envers son prochain
dans le monde profane. Il doit prendre conscience du patrimoine culturel
qu'il va hériter des générations de Francs-maçons qui l'ont précédé en
ayant le souci permanent du sort de l’humanité.

C’est pourquoi l’admission en franc-maçonnerie est conditionnée


par les résultats de 3 enquêtes approfondies, servant à cerner la
personnalité du requérant et les motivations qui sont à l'origine de sa
démarche.

Puis, ces enquêtes sont suivies d'une audition sous bandeau qui
permet aux membres de la Loge où il s’est adressé, de s’assurer de ses
bonnes mœurs et de ses capacités à s'intégrer au groupe.

Un vote très sélectif des membres présents à l’interrogatoire


sanctionne leur appréciation à une majorité qualifiée.

13. De l’idéal maçonnique


L'idéal maçonnique est un ensemble d’objectifs que l’on se fixe tout
en sachant pertinemment qu'on ne pourra jamais les atteindre tous.

Il s’agit d’abord de libérer l’Initié de ses préjugés dogmatiques pour


pouvoir, à partir du discernement de l’esprit éclairé, contribuer au
bonheur moral et matériel du milieu environnant et à la réalisation de la
concorde universelle, notamment grâce à ce centre d'union de la franc-
maçonnerie où des hommes et des femmes de grande qualité peuvent se
rencontrer pour servir cet idéal.

Certes, les moyens mis en œuvre peuvent sembler bien modestes


au vu des objectifs à atteindre. Mais le devenir de l'humanité est une
question beaucoup trop essentielle pour être confiée sans contrôle à des

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


individus qui sont au service de leurs intérêts particuliers. Il est
65
indispensable que des hommes de bonne volonté se rassemblent en
dehors de leurs activités habituelles pour se pencher sur tous les
problèmes ayant trait à l'amélioration du bien-être social. Et ce mot «
Bien-être » doit se comprendre ici dans le sens pour le peuple de « se
sentir bien ».

Il faut savoir que le précepte christique de « Tu aimeras ton


prochain comme toi-même » est un adage cher à la franc-maçonnerie,
un adage qui implique qu'on doit d'abord trouver une certaine paix
intérieure si l’on veut pouvoir aider autrui en l’aimant.

L'être humain présente cette particularité d'être capable du


meilleur comme du pire, et l'actualité nous offre chaque jour des
spectacles du pire. Pour limiter ce pire, la franc-maçonnerie propose de
cultiver ce qu'il y a de meilleur dans l’homme, de manière à le rendre
meilleur en s’éloignant des vices. C'est ce qui explique la volonté de
conciliation qui domine toujours les discussions en loge et qui rend les
rapports entre frères exempts de ces confrontations égoïstes et néfastes si
fréquentes dans les relations humaines.

Tous les hommes inquiets de l’emprise croissante du matérialisme


sur notre société, aspirent à la voie maçonnique d’améliorer notre façon
de vivre ensemble, adressent souvent leur adhésion à une loge
maçonnique.

Cependant, il faut savoir que la franc-maçonnerie, sans


méconnaître cette forme d'entraide, vise plus haut et plus loin : elle vise
à perfectionner l’homme afin d’en faire à terme un militant du mieux-
vivre ensemble, plus attaché à comprendre que d'être compris, à aimer
que d'être aimé.

14. Du secret maçonnique

On a dit et redit, fallacieusement et dans l’ignorance des réalités, que


la franc-maçonnerie est une société secrète, avec tout le relent péjoratif
qui s'attache à cette qualification suspicieuse. Pourtant, la presse, la radio
et la télévision lui consacrent de larges articles et de grandes émissions,

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


de même que les ouvrages d’étude de la franc-maçonnerie sont en
66
vente libre dans toutes les librairies !

Tout d’abord, cette discrétion résulte de l’opprobre que l’Église a jeté


sur elle depuis 1738, à partir de l’excommunication prononcée contre les «
frimassons » pour les faire exclure des cercles des rois et de la noblesse, de
façon à étouffer son développement.

De ce fait, en entourant ses membres et ses travaux d’une grande


discrétion, cela la fait distinguer des autres activités civiles ou religieuses.

Vu sous cet angle, son "secret" peut se situer sur deux plans :

1/ Le premier, c'est le secret qui protège l'identité des membres de


l'association vis-à-vis du monde extérieur et qui entoure les discussions
en loge, ce qui permet à chacun de s'exprimer en toute liberté d'esprit, en
dehors de toute contingence liée au monde profane telle que
professionnelle, sociale, politique, confessionnelle, en sachant que les
propos tenus ne franchiront pas l'enceinte du temple et ne risquent donc
pas d'être utilisés à des fins perverses et préjudiciables pour leurs
auteurs.

2/ Le second, c'est que ce secret fait penser et dire à ceux qui


veulent calomnier la franc-maçonnerie, qu'on leur cache quelque chose
de honteux ou de criminel ou des complots contre le pouvoir…

En réalité, cette expérience collective de la méthode maçonnique a


une influence constructive sur les Initiés qui arrivent à travailler
assidûment à l’abri des regards, au sein de la Loge fermée aux intrus.

15. Des réunions maçonniques

Il s’agit de ces fameux "travaux" qu'on effectue en loge. Ils sont de


deux ordres.

Il y a la partie rituelle, qui recouvre l’ouverture, la


fermeture, le déroulement des « Tenues », et bien évidemment les
cérémonies d’initiation des candidats.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


67
L’ouverture et la fermeture constituent des mises en condition qui
rappellent les objectifs poursuivis par la franc-maçonnerie et les
conditions de travail requises pour y parvenir.

Les initiations s'articulent essentiellement autour d'un


psychodrame dont le postulant est l‘acteur principal, du programme
d’enseignement moral adapté au grade, et de recommandations sur une
ligne de conduite appropriée. C'est une porte que l’on ouvre sur l'esprit
du néophyte et l’invitant à pénétrer à l'intérieur de soi pour en faire l'état
des lieux et se remettre en cause.

L'autre volet des réunions maçonniques concerne les questions


administratives inhérentes à la bonne marche de toute société, de même
que les conférences présentées, soit par des membres de la Loge, soit par
des orateurs choisis à l’extérieur, conférences qui donnent lieu aux débats
d'idées sous la protection du sceau du secret pour n’inquiéter aucun
intervenant sur sa liberté d’expression. Et là, dans ces conférences, les
sujets traités doivent présenter un intérêt social à rapprocher de l’action
maçonnique.

Il faut savoir qu’il y a une chaude convivialité qui règne au sein


d'une loge maçonnique, et qu’elle se cultive aussi lors des agapes qui
suivent les travaux de loge proprement dits. Il n'y a aucune autre
association où les nouveaux adhérents sont intégrés et traités dès leur
arrivée avec les mêmes marques d'amitié et de fraternité, comme des
membres à part entière de la grande famille qui vient de les adopter.

16. Du fonctionnement des Loges

Le local dans lequel les francs-maçons se réunissent pour effectuer


leurs travaux porte le nom de Temple. Il est tenu à l'abri des regards
indiscrets, ce qui veut dire que l’entrée en est réservée aux seuls
membres ou adhérents. Y est généralement adjoint ou associé une autre
salle de réunion qui porte le nom de « Salle humide », où les Frères et
Sœurs se retrouvent après les travaux de loge, et où ont lieu les agapes ou
repas fraternels.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


La Loge est dirigée par un Collège d'officiers choisis parmi ses
68
membres et comporte obligatoirement un président appelé Vénérable
Maître, un 1er et un 2ème Surveillants, un Orateur, un Secrétaire, un Grand
Expert, un Maître des Cérémonies, un Trésorier, un Hospitalier et un
Couvreur. Les élections aux différents offices se déroulent chaque année
lors de l'Assemblée générale. La cadence des réunions varie en général
entre une fois par semaine et deux fois par mois. Les membres reçoivent
en temps utile une convocation où est obligatoirement mentionné l'ordre
du jour.

Les obligations financières des membres sont limitées aux droits


d'entrée et aux cotisations annuelles qui sont du même ordre de grandeur
que dans toute autre association civile à but humanitaire, comme le Lion’s
Club ou le Rotary Club. D'ailleurs, juridiquement, les loges sont des
associations sans but lucratif, assujetties, en dehors de leurs règlements
propres à chaque Obédience (il y en a une centaine à travers le monde,
en conséquence du principe de liberté absolue de conscience) au Code
Civil de chaque pays. Elles se regroupent au sein d'une organisation
faîtière appelée Obédience qui porte le nom de « Grand Orient » ou de «
Grande Loge ».

L'obédience fonctionne de la même façon qu'une loge avec un


Collège formé de membres issus des loges affiliées. Ses pouvoirs sont plus
ou moins étendus selon les prérogatives qui lui ont été attribuées. Elle
tient chaque année une Assemblée Générale appelée Convent pour élire
le Grand Maître dont le mandat peut être renouvelé 2 fois, sauf en
Afrique Centrale où les chefs d’État ont créé leur propre Obédience pour
la diriger à vie, ce qui a pour conséquence les dérives que l’on connaît…

Il existe des obédiences purement masculines, d'autres purement


féminines, et d'autres mixtes.

Les obédiences et les loges qui se rattachent à la franc-maçonnerie


dite « libérale » (le profane apprendra ce qu’il en est en devenant franc-
maçon) entretiennent entre elles des liens d'amitié qui se caractérisent
par des visites réciproques de leurs membres. Chaque loge demeure
cependant libre de choisir à qui elle veut accorder un droit de visite
ponctuel ou permanent, étant entendu que les cérémonies rituelles ne
peuvent être fréquentées que par des personnes initiées.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


17. De l’universalisme de l’action maçonnique 69

Tout franc-maçon doit être un homme de pensée et d’action. Il se


doit de s’interroger sur le rôle qu’il doit tenir dans le milieu où il vit. Le
combat social fait partie intégrante de sa vocation, comme la montre
toute l’histoire de la franc-maçonnerie depuis 3 siècles. Il revient donc
au franc-maçon de s’engager à agir pour faire triompher ses valeurs. Et, à
travers son combat, à contribuer à transformer la société dans le sens de
la justice, de la liberté et de l’égalité, pour pouvoir, un jour, y établir la
chaîne d’union de la fraternité universelle.

Il s’agit bien d’un combat social. Et cet objectif est loin d’être
acquis, car les peuples continuent à souffrir. Pour remplir cette mission
sociale, il faut s’engager dans une réflexion collective pour mettre en
évidence les enjeux sociaux et tracer l’action à entreprendre. Cette
réflexion collective doit être élaborée en loge et entre les loges.

C’est ce qu’avaient fait les francs-maçons des 18° siècle et 19°


siècle, pour instaurer la bonne gouvernance dans les démocraties
européennes. Il faut savoir qu’avant la fin du 19° siècle, la France n’avait
pas connu ni liberté de réunion, ni multipartisme politique, ni droit
d’association des travailleurs, jusqu’à ce que les républicains francs-
maçons y instituent le régime parlementaire républicain en 1875 avec la
devise maçonnique : « Liberté ! Égalité ! Fraternité ! ». C’est ce qui a
développé une société nouvelle en France, sous la III° République,
encadrée par des républicains francs-maçons qui se sont fait détester et
excommunier par l’Église romaine, partisane de la monarchie de droit
divin, parce que ces francs-maçons-là ont voulu changer l’ordre des
choses, hérité du Moyen âge.

Mais aujourd’hui, avec le phénomène obscur de la Mondialisation,


soumise aux puissances occultes des grands groupes financiers
transnationaux et non transparents, il y a comme une main invisible qui
cause la déliquescence du pouvoir politique, devenu plus ou moins
corrompu ou impuissant selon les pays. C’est ce qui explique que ce
pouvoir politique n’est plus en mesure de résoudre les contradictions et
les tensions qui traversent la société, se contentant de faire des
promesses à venir… ce qui révèle son impuissance et son inefficacité.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Quant à nos sociétés africaines subsahariennes, elles sont de plus
70
en plus dirigées comme un ensemble de tribus, sur la base d’affinités à
caractère clanique ou communautariste, ce qui détruit sa nature
républicaine et solidaire qui devrait la souder en une véritable Nation.
Les francs-maçons devraient pouvoir agir pour redynamiser nos sociétés
déliquescentes pour les rendre plus sociales et plus justes pour tous,
sans ségrégation ni discrimination, afin de régénérer la confiance de
tous les citoyens dans un futur prometteur, dans le progrès social qui
mènera à leur émergence.

Ces questionnements interpellent le franc-maçon face à un monde


qui ne reflète pas ce à quoi il croit. Il ne doit surtout pas s’abandonner au
sentiment de résignation, parce que les anciens francs-maçons ont
toujours cru au progrès qui leur a permis de bâtir leur pays. Par
conséquent, dans un tel contexte, il faut éviter tout autant le pessimisme
que l’angélisme.

18. Quel projet maçonnique pour nos sociétés


qui manquent de vision et d’espérance ?

Tout d’abord, le franc-maçon doit avoir confiance dans sa capacité


à former ses successeurs qui poursuivront ses efforts. Cette transmission
doit être à la fois un acte de foi et un acte responsable, dans l’espérance
que l’avenir sera meilleur que le présent. Cela requiert un sens réel de
l’engagement au service des principes maçonniques, en usant de
pédagogie pour diffuser l’esprit républicain de justice pour tous, dans le
respect de la liberté, de l’égalité et de la solidarité sociale.

Nous sommes gouvernés par la tyrannie « financiariste » de la


mondialisation, où son « village planétaire » se révèle de plus en plus
déshumanisé. Et la mal-gouvernance pousse nos pauvres populations
désespérées à chercher refuge dans les sectes religieuses où le repli de
chacun sur soi génère l’obscurantisme qui freine le progrès et le
fanatisme qui détruit la société.

Cette situation interpelle le franc-maçon qui doit placer le bonheur


de l’homme au cœur sa réflexion, pour lui permettre de devenir l’acteur
de son destin dans sa vie sur Terre. Pour cela, les valeurs maçonniques
et le cheminement initiatique du franc-maçon lui permettent de tracer la

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


voie de la liberté, une liberté débarrassée de la cupidité, des aliénations
71
égotiques, des préjugés et de l’esprit d’exclusion de l’Autre (celui qui est
différent de nous). C’est ce qui offre à l’Homme de pouvoir se réconcilier
avec lui-même. Et c’est bien ce qui caractérise la franc-maçonnerie.

Mais ce travail, tant personnel que collectif au niveau des loges


maçonniques, doit aussi tenir compte de sa dimension internationale, car
la fraternité maçonnique doit être universelle, comme l’avait déclaré
Ramsay dans son discours de 1736 : « Le monde entier n’est qu’une
grande république ».

19. L’influence de Léon XIII sur


l’Antimaçonnisme du XX° siècle d’avant Vatican
II

Je tiens à expliquer l’antimaçonnisme du clergé catholique et de


certains de ses fidèles fanatiques par tout le mal que le Pape Léon XIII
disait de la franc-maçonnerie en 1884. Léon XIII (1878-1903), le "pape
des ouvriers", avait succède à Pie IX en 1878. Il interdit aussitôt aux
catholiques italiens de participer à la vie politique, parce qu'il n'acceptait
pas la perte du pouvoir temporel du pape sur la ville de Rome et sur les
10 États pontificaux qui appartenaient à l’Église jusqu’à ce qu’en 1870 les
républicains italiens, dirigés par 2 éminents francs-maçons, Garibaldi et
Cavour, les confisquent pour les rattacher à la nouvelle République
italienne et laïque gouvernant l’ensemble de la péninsule italienne.

A part cela, il faut lui reconnaître que pour contrer l’exploitation


éhontée des prolétaires au XIX° siècle (ce contre quoi des milliers de
socialistes francs-maçons luttaient aussi à travers toute l’Europe
occidentale), Léon XIII fonda la doctrine sociale de l’Église en 1891, à
travers son encyclique "Rerum Novarum" (c’est-à-dire "les choses
nouvelles"), où il dénonce "la concentration entre les mains de gros
capitalistes de l'industrie et du commerce, qui imposent un joug presque
servile à l'infinie multitude des prolétaires".

Léon XIII répondait ainsi aux soucis des « chrétiens sociaux » en


dénonçant les excès du capitalisme sauvage, qui engendrent « la misère
et la pauvreté pesant injustement sur la majeure partie de la classe

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


ouvrière ». Il ouvre ainsi la voie au syndicalisme chrétien et au 72
catholicisme social. C’est ce qui le qualifia de « Pape Libéral ».

Cependant, son libéralisme social fut contredit par son


antimaçonnisme, hérité de ses prédécesseurs depuis la bulle « In
eminenti » de Clément XII en 1738. En effet, en 1884, Léon XIII publia
l’encyclique « Humanum genus » où il condamne la franc-maçonnerie
dans les mêmes termes que tous ses prédécesseurs, en égrenant tous les
arguments avancés par eux. Il y oppose le royaume de Satan, représenté
par les francs-maçons, à celui de Dieu sur Terre représenté par la seule
Église du Christ établie au Vatican. Il oppose, comme Saint Augustin, les 2
cités : « la cité terrestre, celle des francs-maçons, qui procède de l'amour
de soi, porté jusqu'au mépris de Dieu ; et la cité céleste, celle de l’Église
catholique, qui procède de l'amour de Dieu porté jusqu'au mépris de
soi ». Il précise que les fauteurs du mal se sont coalisés avec l'aide de la
Société des francs-maçons qui, publiquement et à ciel ouvert,
entreprennent de ruiner la sainte Église, en ourdissant contre elle des
complots, comme l’avait déjà prononcé Clément XII dans sa bulle de
1738. Et, comme Clément XII en 1738, Léon XIII en était venu à craindre
la sécurité des États, au sein desquels les francs-maçons seraient
devenus trop puissants. Puis, il enchaîne toutes les accusations
présentées déjà par Clément XII en 1738, et reprises par ses successeurs.

Sa nouveauté consiste à reprocher aux francs-maçons de vouloir


établir la séparation de l’Église et de l’État (= Laïcité) dans les institutions
de la République qu’ils ont instaurée, faisant craindre à Léon XIII que
l’Église soit exclue de toute participation au gouvernement des affaires
humaines, alors qu’elle est « ce guide si sage et si sûr ». Et il craignait
que cette séparation de l’Église et de l’État allait priver l’Église de son
emprise millénaire sur l’enseignement (depuis Charlemagne en 800 !), et
de continuer à recevoir de l’État ses moyens d’existence. Et il ne cessa
de rappeler que les francs-maçons ont dépouillé le pape de sa
souveraineté temporelle sur Rome et les 10 États pontificaux, ce qui a
réduisait le Saint Siège à une situation matérielle précaire intolérable. Et il
conclut en accusant les francs-maçons de vouloir « ruiner de fond en
comble toutes les institutions religieuses établies par les Papes ».

Par ailleurs, Léon XIII condamne « l’indifférentisme » ou le «


tolérantisme » pratiqués en Loge par les francs-maçons, considérant que
ce geste attire les gens de toutes autres religions non catholiques à
devenir plus puissants. De la sorte, Léon XIII s’oppose violemment à

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


l’œcuménisme, en y voyant une intention délibérée d’amener les francs-
73
maçons catholiques à « mettre sur un pied d'égalité toutes les religions,
ce qui est inadmissible pour la religion catholique qui est la seule
véritable, et, par conséquent, elle ne peut tolérer son égalité avec
d’autres religions ».

Quant au mariage, il reproche aux francs-maçons, à travers leur


principe de « liberté absolue de conscience » et de « Tolérance »,
d’admettre le divorce, ce qui change la nature du mariage que l’Église a
uni. Cependant, Léon XII oublie que le mariage chrétien n’a pas toujours
existé et qu’il était seigneurial jusqu’en 1074 où le pape révolutionnaire
Grégoire VII l’institua officiellement tout en interdisant le mariage des
prêtres qui convolaient jusqu’ici avec des femmes. Le mariage catholique
fut institué définitivement par Innocent III au Concile du Latran du XII°
siècle.

Cher Père Diouf, réfléchissons simplement au divorce. Ce sont les


époux qui ont décidé de s’unir et non pas l’Église qui les a unis, l’Église
ne faisant que bénir leur union volontaire que les époux ont contractée
un jour par amour, sans augurer de l’avenir. Or, cet amour-là est humain,
il n’est pas éternel par nature, comme toute réalisation humaine. Il peut
donc être mué en désamour suivi de rupture d’union par voie
consensuelle ou pour faute grave d’un époux envers l’autre. Et l’Église
devrait constater cette désunion comme elle l’a fait pour l’union. L’Église
n’est là que pour témoigner devant les hommes de la volonté d’union
de ces 2 êtres, qui peuvent très bien vouloir rompre leur union si elle
devient insupportable, sinon elle devient un enfer sur Terre avec des
drames de toutes sortes, et le refus de constater leur divorce par l’Église
l’en rend responsable des drames à venir… devant Dieu !

Léon XIII s’oppose aussi à l’école publique laïque du seul fait que la
religion catholique soit absente de ses programmes d’enseignement,
laissant penser que les républicains allaient proscrire l'enseignement de
la morale et des saints devoirs qui unissent l'homme à Dieu.
Heureusement que l’enseignement de la Morale et du civisme républicain
a permis de former de bons citoyens, sauf que l’enseignement civique a
fini par disparaître des programmes ces 40 dernières années… !

Quant au niveau politique, Léon XIII conteste les principes


démocratiques suivants des francs-maçons : « Les hommes sont égaux
en droit ; tout pouvoir est dans le peuple libre ; ceux qui exercent le

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


commandement n'en sont les détenteurs que par le mandat ou par la 74
concession du peuple, de telle sorte que si la volonté populaire change, il
faut dépouiller de leur autorité les chefs d'État, car la source de tous les
droits et de toutes les fonctions civiles réside dans la volonté populaire
qui constitue le pouvoir d’État, l'État devenant laïc il n’a aucune raison
de préférer une religion à l'autre, toutes étant mises sur un pied
d'égalité ». Et Léon XIII de déclarer : « il y a déjà longtemps que les
francs-maçons travaillent à réaliser cet État laïc, en poussant d’autres
sectes à tirer de ces faux principes des conclusions détestables, comme
le partage égal et la communauté des biens entre tous les citoyens, en
abolissant tous privilèges de rang et de fortune ».

Et c’est ce raisonnement de base qui a mû Léon XIII à excommunier


les francs-maçons à son tour !

En conclusion, Léon XIII déclare que « les principes maçonniques


sont en complet désaccord avec la raison et qu'il n’y a rien de plus
pervers du fait qu’ils veulent détruire la religion et l'Église, établies par
Dieu lui-même ». Il y reconnaît « la haine implacable dont Satan est
animé à l'égard de Jésus Christ et sa passion de vengeance », « dans le
dessein de déshonorer le genre humain et de le précipiter
ignominieusement à sa perte ».

Aussi, dans sa volonté de contrer les francs-maçons, Léon XIII


avance-t-il l’argument suivant contre l’égalité des hommes : « comme ils
diffèrent les uns des autres, par l'esprit, par le corps, par les mœurs, les
goûts, les caractères, rien ne répugne tant à la raison que de prétendre
les ramener tous à une égalité rigoureuse. De même que la parfaite
constitution du corps humain résulte de l'union de toutes ses parties
dissemblables, si elles étaient toutes égales entre elles, rien ne serait plus
difforme ».

Et il conclut par ceci, contre le principe de Laïcité défendu par les


francs-maçons :

« Supprimez la crainte de Dieu et le respect dû à ses lois ;


discréditez l'autorité des princes ; donnez libre cours aux révolutions ;
lâchez la bride aux passions populaires ; alors, vous aboutirez à un
bouleversement universel et à la ruine de toutes les institutions : tel est
le but explicite des communistes et des socialistes que les francs-maçons
soutiennent. Si ces principes ne produisent pas immédiatement et

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


partout leurs conséquences extrêmes, c’est grâce à la vertu de notre 75
divine religion qui ne peut être anéantie ainsi qu’à l'action des hommes
qui refusent de subir le joug des sociétés secrètes et luttent avec courage
contre leurs entreprises insensées ».

Puis, Léon XIII de renchérir avec ceci : « les francs-maçons ont


commencé à jouir d'un grand crédit sur les gouvernements. D'ailleurs, ils
se tiennent toujours prêts à ébranler les fondements des empires, à
dénoncer et chasser les princes, toutes les fois que ceux-ci usent de leur
pouvoir autrement que leurs mots de « liberté » et de « prospérité
publique ». Quant à l'Église, elle fait découler de Dieu lui-même, le droit
de commander, ce qui offre à l'autorité, la dignité et la facilité de se
concilier l'obéissance, le respect et l’adhésion des citoyens ».

Et Léon XIII de demander « l’union des efforts pour faire disparaître


l'impure contagion de ce poison (= la franc-maçonnerie) qui circule dans
les veines de la société en l'infectant ». Pour cela, il enjoint ceci :

« 1- arrachez à la franc-maçonnerie le masque dont elle se


couvre et faites-la voir telle qu'elle est ;
2 - par vos Lettres pastorales, faites connaître les artifices
employés par ces sectes pour attirer les hommes dans leurs rangs,
en montrant la perversité de leur doctrine et l'infamie de leurs
actes ;
3 - rappelez qu'aucun catholique, s'il veut avoir son salut, ne
peut s'affilier à la secte des francs-maçons ».

Et c’est bien ce contenu haineux et calomniateur de la grande


encyclique « Humanum genus » de 1884, délivrée par le prestigieux
pape Léon XIII, défenseur des prolétaires (et ayant longtemps régné sur
l’Église romaine à cheval sur le 19ème et le 20ème siècles), qui marqua
définitivement les esprits des fidèles catholiques, abreuvés des sermons
antimaçonniques de leurs pasteurs et des évêques.

Les troubles politiques occasionnés avec l’Église à la suite de


l’adoption de la loi de 1905 sur la Laïcité, ne sont plus d’actualité
aujourd’hui, surtout pas en Afrique subsaharienne. La réalité de la franc-
maçonnerie représente aujourd’hui, dans le monde, une institution que
l'on ne peut comparer à aucune autre. Il n’y a plus lieu de lui tenir ces
propos haineux et thuriféraires.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Heureusement que le pape Jean XXIII, assisté de son successeur Paul
76
VI, et dans le cadre du Concile VATICAN II de 1962/65, mirent fin à toute
cette polémique fondée sur des règlements politiques entre l’Église
catholique de France et les républicains francs-maçons français. Il en
sortit le Code de droit canon de 1983 qui ignora les francs-maçons et se
limita à ne condamner « d’une juste peine » que les organisations qui
luttent contre l’Église. Le fanatisme antimaçonnique était enfin levé !

Mais seul s’y est opposé un ancien conseiller de l’épiscopat


conservateur allemand qui avait déjà été mis en minorité au Concile
Vatican II (auprès duquel un jeune théologien, Joseph Ratzinger, avait
servi de conseiller en théologie), ami de Jean Paul II, et nommé par ce
dernier « Préfet de la Congrégation de la Foi », chargé de veiller sur la
Foi catholique comme du temps de la Sainte Inquisition et de l’Index que
Paul VI avait supprimé en 1966 ! Et voilà que ce Préfet est élu Pape
Benoît XVI en 2005, ce qui lui donna le pouvoir d’envoyer ses nonces
apostoliques à travers l’Afrique subsaharienne pour instruire le clergé
africain de mener une campagne dévastatrice contre les francs-maçons,
au lieu de lutter contre les dictatures qui ont saigné leur pays en
appauvrissant leur peuple au-delà de tout ce qui est imaginable…
Miserere nobis !

J’estime qu’il s’agit là d’un manque de lucidité historique grave, une


obsession permanente du doctrinaire Ratzinger dont les successeurs du
Pape François ne diront pas du bien, le Pape François se taisant par
respect de Benoît XVI encore survivant…

L’on dira plus tard que Benoît XVI a beaucoup nui à l’image de
l’Église par son antimaçonnisme, et ce, d’autant plus que l’entourage des
prêtres et curés des paroisses est composé de beaucoup de bons
catholiques francs-maçons qui soutiennent l’Église dans leur foi et par
leurs dons, n’ayant rien à se reprocher moralement ni spirituellement en
allant en Loge, à la différence de ce que vous, mon cher Père Diouf, tentez
d’inculquer aveuglément à Démagna qui n’y comprend plus rien du tout…
!

Il faut donc, aujourd’hui et chez nous en Afrique, faire la paix avec les
francs-maçons, parce que la pensée maçonnique d’aujourd’hui n’est plus
du tout opposée à l’Église qui avait soutenu fanatiquement aux 18° et 19°
siècles la monarchie absolue et son alliée l’Église romaine, de droit divin
contre la franc-maçonnerie d’alors, ce qui n’est plus d’actualité !

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


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Aussi vaut-il mieux pour l’Église catholique en Afrique de prendre
appui sur les francs-maçons vertueux pour lutter contre les injustices et
les pillages des richesses nationales qui appauvrit les populations et les
rend misérables, au lieu de chercher midi à 14 heures !...

Je vais vous rappeler ci-après ce qu’est la méthode maçonnique qui


n’a rien de contraire à la foi catholique chez les francs-maçons de
religion catholique.

20. Qu’est-ce que la méthode maçonnique ?

Comme la franc-maçonnerie réunit des personnes de pensée et


d’action qui s’engagent au service du bien de l’humanité, cela exige
d’abord de l’Initié les 2 vertus d’humilité et de courage pour tailler sa
Pierre en corrigeant ses propres défauts, à l’ombre des 2 piliers, Liberté
absolue de conscience et Tolérance. A partir de là, l’Initié gravit les
marches de son chemin initiatique, en suivant l’idéal maçonnique de
bâtir une société harmonieuse par la pratique de 3 autres grandes
vertus maçonniques qui guideront son action :

- la Foi dans le progrès infini de l’humanité, pour toujours


améliorer le niveau de vie du peuple ;

- l’Espérance dans la réalisation à venir d’une société de Liberté et


d’Égalité de tous les citoyens ;

- l’Amour/Tolérance envers tout le genre humain, chacun devant


se sentir citoyen égal aux autres, de façon à instaurer la
Fraternité par l’éradication de la jalousie et de l’envie qui
découlent des injustices et qui divisent les populations.

Cette démarche est indispensable pour rendre l’Initié exemplaire et


pouvoir servir de référence sociale, en rayonnant tout autour de lui par
l’incarnation de la devise maçonnique « Liberté-Égalité-Fraternité »,
que la République française adopta en 1875 (par le vote des ¾ des

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Députés qui étaient francs-maçons). Et cette devise contribua à instaurer 78
la paix sociale après la guerre civile de 1870/1875.

A travers cette méthode initiatique, un nombre croissant de francs-


maçons engagés, épris de justice sociale, finiront par offrir à l’élite sociale
le moyen de se débarrasser des faux préjugés, de l’ignorance et de
l’obscurantisme, ce qui fera bénéficier le pays d’une vraie croissance
économique inclusive.

En somme, si la méthode maçonnique s’étend à l’élite sociale d’un


pays. Elle l’aidera à déboucher sur l’État de droit et le mieux-être social
du Peuple qui vivra dans la Liberté, l’Égalité et la Fraternité, les 3
conquêtes politiques des républicains francs-maçons.

Il devient donc évident aux yeux de mes lecteurs, que le franc-


maçon engagé n’est pas manipulable. En conséquence de quoi, la franc-
maçonnerie ne peut pas être une secte, comme l’affirmèrent, avant
Vatican II, toutes les bulles papales depuis Clément XII en 1738 jusqu’à
l’encyclique « Humanum genus » de Léon XIII en 1884.

D’ailleurs, comme preuve de la liberté absolue de conscience et


d’action du franc-maçon, il suffit de constater la division étonnante des
Maçons dans leurs choix politiques. Par exemple, sur les barricades de la
Commune de Paris en 1870, il y avait des francs-maçons des deux côtés
opposant les Royalistes aux Républicains en vue des élections après la
chute de l’empereur Napoléon III.

Le franc-maçon catholique est un catholique comme tous les autres


catholiques, avec l’avantage qu’il croit en toute liberté de conscience et
non par mimétisme ! C’est là sa force et c’est cette force que doit s’allier
l’Église romaine pour lutter contre les sectes et autres confessions
concurrentes.

Cependant, certains Initiés se conduisent contre les valeurs


maçonniques en Afrique subsaharienne. Voyons plus bas, au paragraphe
22, de qui il s’agit. Mais au préalable, il faut mettre en défaut le jugement
erroné du t héologien Ratzinger sur l’état de péché grave du franc-
maçon, le privant du sacrement de l’eucharistie, ce qui équivaut à une
variante allégée de l’excommunication, puisque sans l’eucharistie, le
chrétien devient un fantôme, privé de sa communion charnelle avec le
Christ.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


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21. Revisitons aujourd’hui les querelles des 18°


et 19° siècles entre l’Église et la franc-
maçonnerie

Au siècle des « Lumières » (18° siècle), la pensée européenne était


en quête de nouvelles vérités pour éclairer son action pour la libération
de l’homme, soumis à l’étau de l’alliance du pouvoir temporel absolu du
roi de droit divin et du pouvoir spirituel du Pape qui condamnait toute
latitude à la liberté de conscience. Cet esprit « latitudinaire » anglais
s’était développé à la fin 17° siècle et avait inspiré la 2nde version des «
Constitutions » maçonniques de 1738, où il est fait référence, pour
connaître les vérités cachées de l’humanité, à Pythagore, à la science des
Égyptiens et des Juifs de Babylone, à la kabbale, ce qui déplut à la
Congrégation du Saint Office (dit INDEX à cette époque) qui rejetait toutes
ces références à des philosophies d’avant Jésus Christ.

Or, ce dogmatisme est devenu anachronique aujourd’hui grâce à


l’esprit œcuménique de Vatican II et du pape François. Il a donc fallu, à
nouveau, attendre le pape Jean XXIII et son Concile VATICAN II de
1962/65 pour adapter l'Église aux mouvements d'idées des « Lumières
», comme l’avait fait, au 13° siècle, Thomas d’Aquin qui adapta la
réflexion de l’Église à la logique et à la dialectique aristotéliciennes, au
lieu du raisonnement par analogie qui prévalait depuis l’instauration du
pouvoir temporel de l’Église par Charlemagne au IX° siècle.

C‘est cette adaptation à la pensée contemporaine qui aboutira au


Code de Droit Canonique du 23 janvier 1983, ouvert sur le monde du
milieu du XX° siècle, à dominante laïque, ce pourquoi il n’y est plus fait
état de la condamnation de la franc-maçonnerie qui était jusque-là
assimilée à Satan. Seul, le Canon 1374 de ce Code stipule : « Quiconque
s'inscrit à une association qui conspire contre l'Église sera puni d'une
juste peine ». Cela signifie que le franc-maçon qui ne conspire pas contre
l’Église n’est pas concerné, contrairement au précédent Code canonique
de 1917 et à toutes les anciennes bulles d’excommunication des francs-
maçons, leur reprochant de comploter contre les rois et l’Église et de
défendre le principe de laïcité dans la gouvernance de l’État. OUF ! Pour
qui veut raisonner sans dogmatisme…

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


80
Malheureusement, à son élection en 1978, et sur les conseils du
théologien conservateur Joseph Ratzinger qu’il avait connu au Concile
Vatican II, le pape Jean Paul II créa la « Sainte Congrégation de la Foi »,
en remplacement de la « Congrégation du Saint-Office » ou «
INDEX », que le pape Paul VI avait supprimée en 1966 pour raison de
désuétude et d’inactualité, compte tenu de l’évolution du monde
contemporain. Et il y nomma ce Joseph Ratzinger !

Et voici qu’aussitôt nommé, le Préfet Ratzinger s’empressa d’infirmer


le canon 1374 du droit canon pour déclarer : « le jugement négatif de
l’Église sur les associations maçonniques demeure inchangé, leurs
principes étant considérés comme inconciliables avec la doctrine de
l’Église ». Et comme ce jugement rappelant un triste passé déclencha les
protestations d’un puissant mouvement de catholiques francs-maçons, le
Préfet de la foi dut adoucir son jugement en rectifiant avec ceci : « Les
fidèles du Christ qui s’affilient aux associations maçonniques tombent
dans un péché grave et ne peuvent donc accéder à la Sainte Communion
».

Cela laissa les francs-maçons catholiques indifférents jusqu’à ce que


Ratzinger devienne le pape Benoît XVI en 2005. Alors, ses écrits comme
ses paroles se retrouvaient ipso facto revêtues du sceau de l’infaillibilité
pontificale, dogme décrété par Pie IX au concile Vatican I, en 1870,
enfermé dans « sa prison du Vatican » pour se protéger du pire de la
part des conquérants républicains italiens.

Désormais, le franc-maçon catholique, après avoir été soulagé


quelque temps de ne plus être excommunié grâce aux travaux du concile
VATICAN II, se retrouve, depuis 2005 et par la volonté fanatique du
doctrinaire théologien Joseph Ratzinger, en état de péché grave, privé du
sacrement de l’eucharistie, tant qu’il ne renonce pas à son affiliation
maçonnique.

Cela le discrimine du franc-maçon protestant, juif ou musulman qui


est libre d’appartenir à la franc-maçonnerie du point de vue de son
autorité religieuse.

Ce jugement du théologien Ratzinger repose sur sa thèse émise le


18/04/2005, à la veille d’être élu pape Benoît XVI, affirmant que la pensée
maçonnique soutient « la dictature du relativisme qui ne reconnaît rien

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


comme définitif, et qui donne comme mesure ultime de l’homme, son
81
ego et ses désirs ».

Tout d’abord, certes ce jugement du théologien Ratzinger peut-il être


vérifié au niveau de la pensée philosophique d’une partie des francs-
maçons, mais non pas de tous, la plupart étant sacrifiés par ce
dogmatisme aveugle qui ignore la diversité des pensées libres des
francs-maçons, caractéristique fondamentale qui fait leur singularité
parmi toutes les associations humaines.

Ensuite, ce relativisme dont Ratzinger accuse les francs-maçons ne


concerne que l’appréhension des choses naturelles sur Terre et ne
touche pas nécessairement aux croyances métaphysiques qui demeurent
libres et personnelles pour chaque franc-maçon, par respect inaliénable
de la liberté absolue de conscience laissant à chacun le libre choix de sa
religion sous la seule contrainte de ne pas faire de prosélytisme.

En somme, Benoît XVI ne tolère pas la liberté de conscience : c’est


un fondamentaliste mu par un antimaçonnisme dépassé datant de la fin
du XIX° siècle, et marqué par le fascisme qu’il a connu et épousé dans
son adolescence de jeunesse hitlérienne, dont il ne semble pas s’être
réellement émancipé : il lui manque de lire Francis Bacon pour purger
son intellect de certains préjugés handicapants pour l’épanouissement de
la personne humaine. Il ignore qu’au XVIII° siècle en France, avant la
Révolution de 1789, environ 2.000 prélats catholiques avaient été initiés
à la franc-maçonnerie, à l’abri du gallicanisme et du Parlement de Paris
qui protégeait l’Église de France contre les abus de pouvoir du Pape.

Joseph Ratzinger ignore surtout que la franc-maçonnerie n’est


qu’une philosophie de l’action de l’Homme vivant en société, où il doit
apprendre par lui-même à user des outils de travail sur soi pour se
perfectionner en vue d’atteindre un certain niveau de sagesse lui
permettant d’agir en société en vue de concilier les contraires dans la
tolérance et la justice. Il n’y est pas question de religion ni de politique
politicienne, mais seulement de « bonne gouvernance » que la «
Royal Society » a inaugurée en 1662.

Au fond, ce qui gêne ce théologien doctrinaire, c’est la liberté


absolue de conscience du franc-maçon (d’ailleurs, très peu d’Initiés y
accèdent !), laquelle, à ses yeux, porte en elle le germe du doute
systématique risquant d’éloigner le croyant de la pratique de sa foi

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


catholique fondée sur la soumission totale au Saint-Siège de Rome. Ce
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risque de liberté de conscience lui est insupportable, n’acceptant pas
d’accorder une quelconque « latitude » de penser aux catholiques par
crainte de leur insoumission ou de leurs critiques.

Et c’est là encore que ce théologien se trompe, car la franc-


maçonnerie respecte les croyances métaphysiques de chacun à la seule
condition qu’il ne fasse pas de prosélytisme en cherchant à imposer sa
foi aux autres. Pour le franc-maçon, la foi religieuse demeure une relation
verticale entre l’Homme et son Créateur en vue de son bonheur dans
l’au-delà, tandis que son engagement maçonnique est horizontal, traitant
exclusivement de ses relations avec les autres hommes sur Terre en vue
de servir la justice et le bien-être de l’humanité vivant ici-bas. Il n’y a
pas d’incompatibilité entre la verticale et l’horizontale.

En conséquence, le comportement dogmatique du Pape Benoît XVI


doit rappeler la condamnation du philosophe Descartes dont le «
Discours de la méthode » fut mis à l’Index en 1637, alors même qu’il
cherchait à prouver par la raison l’existence de Dieu, à partir du doute
systématique que le Saint Office n’admettait guère dans la conscience du
catholique. Et l’Église avait adopté ce jugement dogmatique en déclarant
la méthode de Descartes comme contraire à la rigueur et à la pureté de la
foi, qui ne doit pas du tout connaître le doute systématique qui risquerait
de la faire errer dans la mécréance !

Et cette condamnation força Descartes à s’exiler en Hollande pour le


restant de sa vie.

En somme, aujourd’hui, depuis qu’il fut nommé Préfet de la


Congrégation de la Foi en 1983, au lendemain de la publication du
nouveau Code de Droit Canon, Benoît XVI veut à son tour, faire subir aux
catholiques francs-maçons le même sort que Descartes au XVII° siècle
pour son « Discours de la méthode ». Il veut faire confesser aux francs-
maçons catholiques ceci : « Je pense, donc je suis hérétique ! ».

Et je lui ai dit NON ! Et je n’ai plus communié depuis lors… sans me


sentir en faute ni péché grave, me contentant de m’adresser au Christ
chaque nuit, avant de plonger dans le sommeil, sa croix étant plantée au-
dessus de ma tête dans ma chambre à coucher à Lomé.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


22. Des pratiques indignes d’une certaine 83
maçonnerie d’État en Afrique francophone

Dans « Le Nouvel Observateur » du 04/11/2009, Ch. Boltanski parle


du déplorable usage que l’ancien Président Bongo faisait de « sa »
franc-maçonnerie qu’il créa au Gabon. Il dit que le nouveau Président
Ali Bongo, en succédant à son père, a aussi succédé à la tête de la «
Grande Loge du Gabon », après que son père avait occupé ce fauteuil à
vie, comme s’il s’agissait d’une monarchie héréditaire ! Cela lui permet
de régner à la fois sur le pouvoir d’État et sur les temples
maçonniques, confirmant le système Bongo de concentration des 2
pouvoirs, temporel et spirituel. En effet, au Gabon, les loges sont
omniprésentes, en politique et dans l’Administration publique, où elles
sont un passage obligé pour accéder aux postes convoités de « ministre,
cadre supérieur de l’Administration, grand patron ou même évêque ».

Cependant, cet esprit manipulateur et opportuniste est contraire


aux vertus maçonniques ! Et si le Président Bongo a agi de la sorte, c’est
qu’il n’a point taillé sa Pierre Brute, demeurée intacte et donc continuant
à refléter la personnalité qu’il avait avant qu’il n’entre en franc-
maçonnerie. En effet, en 1950, il n’était qu’employé des Postes. Il
réussit à se faire initier en France en 1965 au GODF par les soins d’un
vieux routier de la politique, Pierre Bussac, très bien introduit dans les
cercles africains de l’ancien « Ministère d’Outremer » qui préparait un
successeur au Président Léon M’ba.
Aussi, veillant sur son avenir politique au Gabon, Bongo adhéra
ensuite à l’obédience de la GLNF, parce que très marquée à Droite et très
présente dans les réseaux de « la Françafrique » dirigée par Jacques
Foccart, S.G de l’Elysée sous De Gaulle. Et c’est Foccart qui obtint du
Président Léon M’ba, malade, de le nommer directeur de cabinet, pour
qu’à sa mort en 1967, il lui succède.
Il faut aussi savoir que l’opportuniste Bongo, après avoir été
baptisé dans la foi catholique pour être initié à la GLNF, se convertit à
l’Islam en devenant « Hadj » à la suite d’un pèlerinage à La Mecque en
1974, ce qui lui ouvrit les portes de l’OPEP.
Plus encore, il adhéra aux sociétés secrètes traditionnelles « Buiti »
et « Ndjobi », très influentes au Gabon. En outre, pour comble de

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


cynisme, il s’attacha l’élite du pays en créant « sa » franc-maçonnerie
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en créant la Grande Loge du Gabon, liée à la GLNF, et créa ensuite une
2ème obédience, le « Grand Rite Equatorial » (GRE), liée au GODF !
Par-là, il se fidélisa toute la classe politique et l’appareil d’État, en
sa double qualité de Grand Maître et de Président de la République à vie.
Ainsi, la Maçonnerie gabonaise fut corrompue pour servir un dictateur
machiavélique.

23. La franc-maçonnerie n’est pas du tout le mal


que l’on veut faire croire

Si la franc-maçonnerie était si secrète, pourquoi peut-on acheter


ses livres librement en librairie ? Il est remarquable que ceux qui en
disent du mal sont, le plus souvent, ceux qui la connaissent le moins.

Et si chez les "maçons", la solidarité et l'entraide fraternelle


existent en s’appelant "Frères", c’est aussi de cette façon que les prêtres
agissent entre eux. Et s’ils se réunissent entre eux régulièrement, c’est
comme dans toutes les associations, Rotary Club, Lion’s Club, etc.

Je vous ai exposé plus haut comment les Maçons ont été diabolisés
par la puissante Église catholique depuis la bulle du Pape Clément XII en
1738 pour des raisons politiques, en arguant de leurs complots contre
l’État, à une époque où ils contestaient le pouvoir absolu et arbitraire du
roi de droit divin que l’Église soutenait depuis le sacre de Charlemagne,
empereur d’Occident, en l’an 800.

Or, aujourd’hui, il n’y a plus de monarchie arbitraire, toutes les


anciennes monarchies de droit divin s’étant muées en régime
parlementaire ou républicain.

Donc, les raisons politiques des papes des siècles précédents


n’existent plus !

Aussi, à présent que les maçons ont réussi, au bout de 3 siècles de


lutte politique, à faire instaurer la République, la démocratie et le respect
des droits de l’homme à travers le monde entier, et que l’Église a fini par

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


adopter toutes ces valeurs républicaines, pourquoi doit-elle encore
85
soumettre les francs-maçons à la vindicte populaire, notamment dans les
pays africains francophones à forte implantation catholique ? Il faut que
le Pape François corrige ce dogmatisme comportemental !

Concernant la remarque du Doyen Fidèle Nubukpo disant qu’un


ami franc-maçon lui aurait avoué qu’il n’osait pas démissionner de la
franc-maçonnerie par crainte de représailles, je le défie de me le faire
rencontrer pour vérifier son appartenance maçonnique.

En effet, c’est totalement FAUX, sachant bien que rentrer en franc-


maçonnerie ou en sortir est tout à fait libre, aussi transparent et aisé que
d’en être radié pour faute morale grave ou pour défaut de paiement de sa
cotisation annuelle.

Certes, existe-t-il des "déviances" de mauvaises mœurs chez


certains francs-maçons comme dans toute organisation humaine, mais à
la différence que le bilan historique de la franc-maçonnerie peut se
glorifier de la "Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et du
Citoyen » de 1789, de la devise républicaine "LIBERTE, EGALITE,
FRATERNITE" qui est celle de la franc-maçonnerie avant d’être adoptée
par la III° République Française en 1877, ou encore du concept de
"Laïcité", conquis en 1905 après une longue lutte menée depuis 1789
puis 1848.

En outre, l’universalité de la franc-maçonnerie est-elle vérifiée par


le fait que les loges accueillent des personnes de toutes origines,
religions, opinions politiques, des 2 sexes et de tous âges, à condition
qu’elles prônent leur attachement aux valeurs républicaines ou
démocratiques, avec le souci suprême de contribuer à l’amélioration
morale, intellectuelle et matérielle de l’Humanité dans son existence sur
Terre, sans se mêler de métaphysique qui demeure du ressort de chacun.

24. De l’antimaçonnisme primaire et fanatique

« Tout ce qui est secret est Satan », disait une dame qui se
révoltait contre l'appartenance de son compagnon à la franc-maçonnerie.
Elle en était très perturbée, car sa foi était soumise à l'influence de nos
prêtres togolais influencés par Benoît XVI.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


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Ce qui est très digne chez les francs-maçons, c’est qu’ils entendent
ces médisances en souriant avec miséricorde et mansuétude, car ces
mauvaises langues ne savent même pas ce qu’ils disent, étant dans
l’ignorance de la réalité maçonnique. Et ce, d’autant plus que les
principes fondateurs de la franc-maçonnerie sont la Liberté absolue de
conscience autorisant chacun à croire selon son choix, et la Tolérance ou
le respect de l’Autre, celui qui pense différemment de nous.

Aussi, cette mansuétude du franc-maçon fait-elle qu’il comprend


que le profane peut ne pas imaginer que des maçons peuvent être
profondément croyants catholiques pendant que d'autres maçons sont
protestants, musulmans, bouddhistes, agnostiques ou athées, tous
défendant les mêmes idéaux de servir le bien-être de l’humanité en
luttant contre les injustices, les dictatures, la corruption ...

Il faut savoir que ce débat entre le Saint Office et la franc-


maçonnerie s’était arrêtée avec Jean XXIII et Paul VI au Concile Vatican II
(1962/1965). Il resurgit en 1983 avec la nomination du théologien Joseph
Ratzinger à la tête de la Congrégation de la Foi, héritière de l’ancien
INDEX qui fut supprimé par Paul VI en 1966. Et quand le cardinal
Ratzinger fut élu Pape Benoît XVI en 2005, il déclencha une inquisition
contre les francs-maçons en les déclarant indignes de recevoir
l’eucharistie, et en mobilisant le clergé dans une campagne agressive
contre eux, surtout au Togo et dans certains pays africains francophones
à forte densité catholique, au lieu de rassembler à ses côtés les francs-
maçons catholiques pour freiner l’avancée rapide des évangélistes et des
djihadistes en Afrique : grave erreur ! Miserere nobis …

Pour comprendre cette grave méprise, il faut savoir que le


dogmatisme, le fanatisme ou le suivisme aveugle explique la posture
antimaçonnique de certains membres très conservateurs du Clergé
catholique qui vivent en prison philosophique. Cela fait dire à mon ami
médecin franc-maçon qu’il rencontre le même dogmatisme chez certains
de ses confrères qui condamnent les phytothérapeutes, les traitant
indistinctement de charlatans.

Or, l'histoire de la médecine révèle que les découvertes


scientifiques de l'aspirine, du curare, de la pénicilline, et autres
médicaments proviennent de la connaissance empirique des vertus des
plantes. C’est ainsi que le « quin gao shu », utilisé en décoction en Chine

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


depuis des siècles pour soigner la fièvre, a donné l'artémisinine, qui traite
87
aujourd’hui le paludisme.

Ainsi agit le dogmatisme, qu'il soit religieux, scientifique ou dans les


relations humaines d’exclusion de la vraie recherche de la vérité.

Et il faut savoir que le silence des francs-maçons, face aux attaques


antimaçonniques du clergé (en dehors de moi, qui n’ai pas acquis les
vertus du silence et de la tempérance, enseignées dans les Hauts Grades
où je ne suis pas entré par manque de temps…), s’explique par la
philosophie de la Tolérance et de la Liberté de conscience que la franc-
maçonnerie enseigne à ses membres, et ceux-ci la pratiquent par le
silence à l'endroit des ignorants qui les jugent mal.

D’ailleurs, le nouveau Pape François, très proche de l’Evangile de


Saint Jean, à la différence de son prédécesseur, le dogmatique Benoît XVI,
applique le verset suivant : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non
pas pour juger les hommes, mais pour les sauver ! ». C’est ainsi qu’il a
répondu à un journaliste lui demandant son avis sur les homosexuels : «
Qui suis-je pour juger cet homosexuel s’il croit en Dieu ! ».

Aussi, oserai-je espérer que le Pape François rétablira le bon ordre


dans le jugement de l’Église sur les francs-maçons. Mais ce qui le
retient pour le moment, c’est la présence de l’ancien pape Benoît XVI,
l’Antimaçon dogmatique, à l’argument duquel j’ai répondu ceci : « je
pense, donc je suis hérétique ».

25. L’universalisme de la franc-maçonnerie

Tout franc-maçon doit être un homme de pensée et d’action. Il se


doit de s’interroger sur le rôle qu’il doit tenir dans le milieu où il vit. Le
combat a toujours fait partie intégrante de sa vocation, comme le montre
toute l’histoire de la franc-maçonnerie depuis 3 siècles. Il revient donc
au franc-maçon de s’engager pour faire triompher ses valeurs, et, à
travers son combat, de transformer la société dans le sens de la justice,
la liberté et l’égalité, pour pouvoir, un jour, y établir la chaine d’union de
la fraternité universelle.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Il s’agit bien d’un combat social. Et cet objectif est loin d’être
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acquis, car les peuples continuent à souffrir. Et pour l’atteindre, il faut
s’engager dans une réflexion collective pour mettre en évidence les
enjeux sociaux et tracer l’action à entreprendre. Cette réflexion collective
doit être élaborée en loge et entre les loges.

C’est ce qu’avaient fait les francs-maçons des 18° et 19° siècles,


pour instaurer la bonne gouvernance dans les démocraties européennes.
Il faut savoir qu’avant la fin du 19° siècle, la France n’avait pas connu ni
liberté de réunion, ni multipartisme politique, ni droit d’association des
travailleurs, jusqu’à ce que les républicains francs-maçons y instituent le
régime parlementaire républicain en 1875 avec la devise maçonnique : «
Liberté ! Egalité ! Fraternité ! ». C’est ce qui a développé une société
nouvelle, encadrée par les républicains maçons.

Aujourd’hui, l’on assiste à la déliquescence du politique, qui n’est


plus en mesure de résoudre les contradictions et les tensions qui
traversent la société, se contentant de constater son impuissance. Notre
société est de plus en plus dirigée comme un ensemble de tribus, sur la
base d’affinités à caractère clanique ou communautariste, ce qui détruit
sa nature républicaine et solidaire qui la soudait auparavant. Il faut donc
redynamiser notre société en la rendant plus sociale et plus juste pour
tous, sans ségrégation ni discrimination, afin de régénérer la confiance
de ses citoyens dans un futur prometteur, dans le progrès social.

Ces questionnements interpellent le franc-maçon face à un monde


qui ne reflète pas ce à quoi il croit. Il ne doit pas s’abandonner au
sentiment de résignation, parce que les francs-maçons ont toujours cru
au progrès. Par conséquent, dans un tel contexte, il faut éviter tout
autant le pessimisme que l’angélisme.

Quel peut être le projet maçonnique dans une telle société qui
manque de vision et d’espérance ?

Tout d’abord, le franc-maçon doit avoir confiance dans sa capacité


à former ses successeurs qui poursuivront ses efforts. Cette transmission
doit être à la fois un acte de foi et un acte responsable, dans l’espérance
que l’avenir sera meilleur que le présent. Cela requiert un sens réel de
l’engagement au service des principes maçonniques, en usant de
pédagogie pour diffuser l’esprit républicain de justice pour tous, dans le
respect de la liberté, de l’égalité et de la solidarité sociale.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


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Nous sommes gouvernés par la tyrannie « financiariste » de la
mondialisation, où notre « village planétaire » se révèle de plus en plus
déshumanisé. Cela pousse nos sociétés à chercher refuge dans des sectes
religieuses où le repli de chacun sur soi génère l’obscurantisme et le
fanatisme qui détruisent la société.

Cette situation interpelle le franc-maçon qui doit replacer le


bonheur de l’homme au cœur de sa réflexion, pour le délivrer de la
sujétion et lui permettre de devenir l’acteur de son destin. Pour cela, les
valeurs maçonniques et le cheminement initiatique du franc-maçon lui
permettent de tracer le chemin de la liberté, une liberté débarrassée de
la cupidité, des aliénations égotiques, des préjugés et de l’esprit
d’exclusion de l’Autre, celui qui est différent de soi.

C’est ce qui offre à l’Homme de se réconcilier avec lui-même. Et


c’est bien ce qui caractérise la franc-maçonnerie, ce par quoi elle
accomplit sa raison d’être pour le bien de tous.

Mais ce travail, tant personnel que collectif au niveau des loges


maçonniques, doit aussi tenir compte de sa dimension internationale, car
la fraternité maçonnique doit être universelle, comme l’avait déclaré
Ramsay dans son discours de 1736 : « Le monde entier n’est qu’une
grande république ».

26. La franc-maçonnerie lève le voile sur le


secret de ses tenues à Mulhouse en Alsace
(NB : ce texte est pris intégralement de « L’ALSACE » du 15
octobre 2015. Il est écrit de la plume de Olivier Brégeard, qui a
enquêté sur place)

Pièce importante du patrimoine local fermée au grand public, le


temple maçonnique de Mulhouse nous a exceptionnellement ouvert ses
portes pour dévoiler son univers symbolique, ses rites et son mobilier
historique. Bienvenue chez ces « frères » et « sœurs » qui « planchent
» sous la direction d’un « vénérable maître » et sous l’œil du « Delta
lumineux » …

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


« Notre temple est dans le Top 10 des temples maçonniques de 90
l’Hexagone », affirme Bernard Perring, le président du Cercle
philosophique & culturel, l’association propriétaire du lieu où se
réunissent les francs-maçons mulhousiens.

La discrétion reste de mise

De l’extérieur, seules trois colonnes inscrites dans la façade


distinguent le bâtiment de ses voisins, dans cette rue du centre-ville peu
fréquentée. Les symboles traditionnels des « loges » restent discrets,
tout comme les « Frères » et les « Sœurs » qui fréquentent l’adresse.
Alors que la maçonnerie a parfois pignon sur rue, comme à Colmar
(l’édifice de l’avenue Clemenceau est inscrit aux monuments
historiques), on préfère ici ne pas tenter le diable, au nom des heures
sombres de l’Histoire et de la relative insécurité actuelle. « La haine des
francs-maçons subsiste, il y a une incompréhension liée au secret »,
estime l’un d’eux. Si la persécution nazie a laissé des traces dans les
mémoires, c’est à l’Empire de Guillaume 1er que les « Frères »
mulhousiens doivent leur temple, financé par le Kaiser lui-même franc-
maçon, comme celui de Colmar : en effet, tous les Hohenzollern étaient
de fervents soutiens de la franc-maçonnerie, ce qui explique des loges
créées par des fonctionnaires allemands sur cette terre de mission.

Inauguré en 1889, le bâtiment est donc dédié à la cause. Du sur-


mesure. Au premier étage, une porte s’ouvre sur un volume que l’on ne
soupçonne pas de la rue. On entre alors dans un univers peuplé de
symboles, à l’atmosphère effectivement « religieuse » : le temple à
proprement parler. Le plafond est étoilé, signe du caractère inachevé de
la construction maçonnique, cette humanité toujours perfectible. Au-
dessus de la porte d’entrée, une tribune, qui accueillait autrefois
musiciens et choristes – aujourd’hui remplacés par des enregistrements
– et une devise : « Soyons vrais, justes et bons », que chacun est invité à
méditer en repartant.

Une construction symbolique

Les murs sont peints en bleu, dans un dégradé qui s’éclaircit dans la
hauteur. Sur celui du fond, la lune et le soleil encadrent un « Delta
lumineux » (un triangle entourant un œil « rayonnant »), symbole de la
conscience. Au sol, un damier noir et blanc, sur lequel on ne doit pas

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


marcher. Le mobilier est exceptionnel : c’est celui de la première loge
91
créée à Mulhouse – la Parfaite Harmonie, en 1809. Il témoigne du style «
Retour d’Égypte », propre à cette période napoléonienne. Des sphinx –
lions à têtes de femme, muscles saillants, poitrines conquérantes –
servent d’accoudoirs au fauteuil du « vénérable maître » (celui qui
préside la réunion). Emblème de la Parfaite Harmonie, une licorne, le «
plateau » (le bureau dudit vénérable), devant lequel sont posées trois
pierres – brute, cubique, conique – pour évoquer la progression du
travail maçonnique. Durant les « tenues » (les réunions), équerre et
compas sont posés sur un petit autel. Des banquettes sont disposées de
chaque côté de la salle et, dans leurs dossiers, sont glissées des épées de
parade, symbole d’égalité entre les « frères » avant la Révolution, quand
le port de l’épée était, en société, réservé aux nobles ou aux militaires.

En haut des murs, tout autour de la salle, court une corde, jalonnée
de douze nœuds non serrés : c’est la « houppe dentelée », avec ses «
lacs d’amour », symboles de l’union et de la solidarité entre les
membres. Sur les colonnes corinthiennes qui encadrent l’entrée sont
fixées les lettres B et J, qui passent de gauche à droite selon le rite
pratiqué (Rite écossais ancien et accepté, Rite français…). Dans un coin,
un buste de Marianne rappelle que cette « religion »-là est avant tout
républicaine.

Quelque 550 « usagers » réguliers

Un autre temple, d’ameublement plus récent et plus simple, occupe


une partie du rez-de-chaussée.

550 francs-maçons, membres d’une douzaine de loges différentes,


se réuniraient sur ces deux étages, soir après soir, pour travailler sur un
thème, une « planche ». Après la mise en œuvre du rituel et un point sur
l’organisation de la loge, un des membres présente un exposé d’une
vingtaine de minutes, suivi d’un échange d’environ autant. Avant un
moment de restauration conviviale, les « agapes ». 550, c’est un chiffre
inférieur à ce qu’il était il y a vingt ans, mais que l’on nous dit « stable »
depuis quelque temps. Toutes les obédiences constateraient actuellement
un certain « engouement ». Mais comme dans d’autres genres
d’associations, les générations peinent à se renouveler : les jeunes
seraient moins disponibles, accaparés par leur vie professionnelle, «
moins courageux à s’engager » dit-on ici. Peut-être aussi plus distants à

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


l’égard d’une fraternité qui cultive des traditions d’un autre âge, même
92
lorsqu’elle revendique son implication dans les affaires de notre temps.

Plus de 70 loges en Alsace

Selon une source interne qui a souhaité conserver l’anonymat, on


dénombrerait 73 loges maçonniques en Alsace : 35 dans la Basse Alsace
(entre Strasbourg et Wissembourg), 20 dans la Moyenne Alsace (Colmar,
Sélestat, Guebwiller), 18 en Haute Alsace (Mulhouse, Saint-Louis). Ces
loges sont regroupées par obédiences : en Alsace, 30 % sont membres du
Grand Orient de France, 23 % de la Grande Loge de France, 18 % de la
Grande Loge Féminine de France, 29 % à la Grande Loge mixte de France
ou au Droit humain. La plus petite de ces loges compte une quinzaine de
membres, la plus grande plus de 80. La moyenne tournant autour de 40-
45 membres, il y aurait près de 3.000 francs-maçons dans la région. Le
nombre de « sœurs » (les francs-maçonnes) est estimé à environ 25 %
de ce total.

Questions de société et ésotérisme

Cet effectif augmenterait légèrement chaque année, de 2 à 3 %. Une


fois une certaine taille dépassée, qui ne permet plus à chacun de
s’exprimer régulièrement, une scission s’opère au sein d’une loge pour
créer une nouvelle loge. On parle d’« essaimage ». Chaque obédience
cultive des centres d’intérêt spécifiques : le Grand Orient les questions de
société, la Grande Loge les questions philosophiques et symboliques,
d’autres sont davantage versées dans la spiritualité et l’ésotérisme
(alchimie, kabbale, héraldique…), comme la Grande Loge de Memphis
Misraïm, « héritière des anciens secrets de l’Égypte des Grands Prêtres »
(!), et la Grande Loge Traditionnelle Symbolique Opéra, travaillant « sous
l’égide du Grand Architecte de l’Univers », dont des loges se réunissent à
Guebwiller.

Les divergences liées à la Liberté absolue de conscience


en franc-maçonnerie

Ils ont beau prêcher la concorde, les francs-maçons se montrent


d’une susceptibilité extrême, qui cache une rude concurrence entre eux,
sinon des luttes d’influence. C’est lors du passage d’Alain Graesel, ancien

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Grand Maître de la Grande Loge de France, venu donner une conférence
93
à Rixheim le mois dernier, que nous avons pu visiter le temple
maçonnique de Mulhouse. On trouve sur internet des déclarations
tonitruantes d’Alain Graesel sur le Grand Orient de France (GOF) et la
Grande Loge Nationale Française, qu’il accuse de « projet hégémonique
». « Personne ne peut parler au nom de tous les francs-maçons,
personne ne peut nous dire comment nous devons travailler et,
inversement, la Grande Loge de France considère qu’elle n’a pas de leçon
à donner aux autres », nous a-t-il expliqué. Une polémique totalement
absconse pour le néophyte.

Mais quand Bertrand Perring, président de l’association propriétaire


du temple et membre du GOF, a appris qu’Alain Graesel nous avait servi
de guide, il a vivement réagi, soulignant qu’il n’avait « aucun mandat ni
autorité » pour le faire et ne pouvait nous avoir fourni que « des
informations aussi parcellaires qu’inexactes ». D’où une « contrevisite »
pour préciser les choses et ramener le calme sous la voûte étoilée du
temple mulhousien. « Il y a une concurrence entre apparatchiks, mais la
tolérance est de rigueur, tient à nuancer un anonyme. On se fréquente
entre frères et sœurs d’obédiences différentes… »

BIBLIOGRAPHIE

« Lettres à un ami Franc-maçon : puis-je aller à la loge et à l’église »


du Père Jean Philippe Diouf, en vente à Lomé, à la librairie « Bon Pasteur » à
3500 FCFA.

« REFLEXIONS D’UN MAÇON SUR SON CHEMIN INITIATIQUE


AFRICAIN », Tome II,
320 pages, Ed. DETRADE, Paris, 2006, N.M. Kalife- En vente à 9800 FCFA au «
Petit Prince », 13, avenue du 24 janvier à Lomé, TEL :22210233 - 22214207-
92153031-98508282.

Croix de Commandeur CBCS


(Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte)
Grade chevaleresque du Régime Écossais Rectifié,
rite maçonnique chrétien

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


LES LIVRES 94

BRUNO LE CHAUX A LU POUR VOUS…


Conte-moi l’Ukraine
Pascal Bancourt, Éditions Code9, février 2023, 23,50 € 1

L’agression de la Russie contre


l’Ukraine a mis sous les projecteurs
ce pays encore trop mal connu,
alors qu’il possède une très forte
identité culturelle. L’ouvrage de
Pascal Bancourt, récemment paru
aux éditions Code9, vient à point
pour éclairer l’une des racines de la
culture ukrainienne : son patrimoine
de contes populaires. L’auteur, qui
nous a déjà habitués dans ses
précédentes publications à faire
parler les mythes anciens, récidive
en décryptant ici le message caché
des contes populaires de ce pays
slave.

Cet ouvrage au titre suggestif,


Conte-moi l’Ukraine, nous livre
d’intéressantes explications sur
l’origine de ces fables, qui ne sont pas, à l’origine, de simples fantaisies
imaginées pour divertir les enfants ou un auditoire illettré. L’auteur nous
fait remonter jusqu’à leur source inconnue, les anciens Mystères
initiatiques dont il retrouve la trace dans la région montagneuse de
l’ancienne Dacie. Sous leurs images symboliques, les contes dits
populaires portent un témoignage sur cette très vieille science de
l’initiation, qui ouvrait à l’esprit d’autres niveaux de conscience.

1
Editions Jourdan, collection Code9, 3 allée de la Seine, 94854 Ivry Cedex
Commandez sur le Web : https://www.decitre.fr/livres/conte-moi-l-ukraine-9782379390685.html
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L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


La majeure partie de l’ouvrage présente un choix de contes puisés
95
dans le fond traditionnel de l’Ukraine. Chacun de ces récits fait l’objet
d’un chapitre comprenant son résumé, suivi des explications visant à
décrypter son message et à éclairer son sens caché. On découvre ainsi
que ces histoires du temps passé nous transmettent une connaissance
qui touche à notre condition d’être humain, à sa vie intérieure et à ses
richesses méconnues.

Ce patrimoine hérité d’un temps immémorial jouera peut-être un rôle


essentiel dans la vie culturelle de ce pays qui lutte, plus que jamais, pour
affirmer son identité.

Les Sârs De La Rose-Croix


Serge Caillet, Préface De Robert Amadou, Les Editions de la Tarente,
novembre 2022, 38 €

Le dernier ouvrage de notre


ami Serge Caillet nous retrace
avec émotion les péripéties de
ceux que l’on a appelé Les Sârs
de la Rose-Croix. Cet ouvrage
fait office de mise à jour, ou
plutôt de suite et de
complément, avec de riches
illustrations, de l’ouvrage paru
en 1986 chez Cariscript dans la
collection Documents
martinistes Sâr Hiéronymus et
la Fudosi.

Qui sont ces Sârs et que


signifie ce terme ? C’est Joséphin Péladan qui s’attribua le premier ce
titre qui en assyrien signifie roi en se faisant nommer Sâr Mérodack dès
1888. Ayant été à l’origine de la création de l’OKRC (Ordre Kabbalistique
de la Rose+Croix), co-fondé avec Stanislas de Guaita en 1888, puis de
l'Ordre de la Rose-Croix catholique et esthétique du Temple et du Graal
en 1891, ce titre de Sâr sera repris plus tard par les Grands-Maîtres des

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


autres Ordres de la Rose+Croix sans que certains se doutaient peut-être
96
de son origine.
Ce splendide ouvrage nous fait découvrir la FUDOSI
(Fédération Universelle des Ordres, Fraternités et
Sociétés Initiatiques) fondée en 1934 à Bruxelles lors de
son premier convent. Elle ne subsistera que jusqu’en
1951 et verra même naître en 1939 une organisation
concurrente : la FUDOSFI (Fédération Universelle des
Ordres, Sociétés et Fraternités Initiatiques). Preuve en
est qu’avant la Seconde Guerre Mondiale, l’heure était à
Logo de la FUDOSI l’union et à la fédération des Sociétés Initiatiques.

La FUDOSI avait trois buts, inscrits dans son plan d’action : 1) L’union
des diverses Sociétés Initiatiques en vue de l’avancement et du progrès
spirituel de l’humanité. 2) La lutte contre toutes les causes, religieuses,
politiques, ou sociales des conflits entre les peuples et les races
humaines. 3) La rapprochement des diverses Vérités Initiatiques dans un
sentiment d’unité fraternelle.

Qu’est-ce qu’un Ordre Initiatique ? Le premier convent de la FUDOSI


décide à l’unanimité que « Un Ordre Initiatique est celui où l’on reçoit,
par la voie de l’Initiation, l’enseignement des Vérités cosmiques
traditionnelles et où l’on est lié par des serments solennels et sacrés à la
pratique du Bien et à l’observation des secrets ».

Pas moins de douze Ordres Initiatiques seront admis au sein de la


FUDOSI en 1934 (Rose+Croix, martinisme, église gnostique, franc-
maçonnerie de Memphis-Misraïm) dont l’AMORC (Ancien et Mystique
Ordre de la Rose+Croix) fondé par Harvey Spencer Lewis en 1915 et
l’OMS (Ordre Martiniste et Synarchique) de Victor Blanchard ainsi qu’une
subsistance de l’OKRC dirigé par ce même Victor Blanchard.

René Guénon sera affiché comme traître par la FUDOSI du fait de son
article très critique, paru en avril 1937 dans le n° 208 des Etudes
Traditionnelles, sur Harvey Spencer Lewis et l’AMORC.

Qui sont donc ces Sârs ? La liste est longue de ceux qui sont à
l’origine des mouvements Rose+Croix qui émergèrent à la fin du 19ème
siècle et au début du 20ème siècle.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


Citons d’abord les précurseurs qui sont à l’origine de la transmission
97
initiatique : le Vicomte Louis Charles Edouard de Lapasse (1792-1887) à
Toulouse, Eugène Aroux (1793-1859), Arcade d’Orient Vial (1790-1877),
Adrien Péladan (1844-1885), Firmin Boissin (1835-1893).

Viennent ensuite les précusrseurs de la Rose+Croix Kabbalistique :


Eliphas Lévi (1810-1875), l’abbé Paul François Gaspard Lacuria (1806-
1890), qui transmit son initiation à Adrien Péladan qui lui-même la
transmit à son frère Joséphin Péladan (1858-1918) et à Stanislas de
Guaita (1861-1897), qui fondèrent tous deux l’OKRC. Citons encore l’abbé
Paul Roca (1830-1893), l’abbé Alta (Calixte Mélinge 1842-1933).

Puis les successeurs des fondateurs de l’OKRC : F.-Ch. Barlet (Albert


Faucheux 1838-1921), Papus (Gérard Encausse 1865-1916), Téder
(Charles Détré 1855-1918).

Mais n’oubions pas les Belges


Dantinne (Emile Dantine 1884-
1969), Sâr Hiéronymus, imperator
de la FUDOSI et Frans Wittemans,
qui furent à l’origine de la création
de la FUDOSI.

Pour l’organisation concurente,


la FUDOSFI, ce sont l’Américain
Reuben Swinburne Clymer (1878-
1966) et le Français Constant
Chevillon (1880-1944) qui sont à
la manœuvre.

L’ouvrage, très riche, aborde


aussi les ordres des Frères d’Orient, du Lys et de l’Aigle de Démétrius
Platon Sémélas (auteur d’un rituel martiniste), la Fraternité polaire, les
origines de l’AMORC avec notamment le fameux et étrange voyage de
Harvey Spencer Lewis à Toulouse, les heurs et malheurs de la FUDOSI.

Cet ouvrage est captivant à lire pour qui s’intéresse aux sociétés
initiatiques et à cette belle aventure que fût la création de la FUDOSI –
même si elle était bien utopique et ne resista pas à la Seconde Guerre
Mondiale. C’était une belle espérance d’union dans la paix et la vérité.

L’Initiation Traditionnelle - n° 1 de 2023


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