Hoeffler InstructionPreparatoire 1956
Hoeffler InstructionPreparatoire 1956
Hoeffler InstructionPreparatoire 1956
Traité de
L'INSTRUCTION
PREPARATOIRE
en matière pénale
Préface de
M. CHARLES VAN REEPINGHEN
Bâtonnier de !'Ordre des avocats près la
Cour d'appel de Bruxelles
- 1956 -
I
société évoluée d'abuser de sa propre force » ( 1). Le propos de
Théophile Huc qui voit dans la procédure « la reproduction la plus
fi-dèle de la physionomie du· peuple » prend ici tout son sens.
M. Jacques Hoefller a entrepris l'exposé de ces règles. Il y a
apporté une compétence que plusieurs articles parus dans le Journal des
Tribunaux avaient déjà révélée aux lecteurs belges et où les familiers
du Conseil d'Etat reconnaissent son information étendue et son libre
jugement.
L'auteur a le mérite de repenser dans l'introduction de son ouvrage
le sujet qu'il expose. Ainsi le livre dépasse les bornes d'un vade mecum
où le praticien trouverait seulement un commentaire averti du code
d'instruction criminelle. Au moment où l'opinion publique est ressaisie
des méthodes de notre système d'instruction, M. Jacques Hoef[ler
énonce derechef les données du problème qui oppose à notre système
inquisitorial la procédure accusatrice des institutions britanniques. Il
relève, dans l'appareil même de la procédure inquisitoriale des vices
fondamentaux.
La n:écessité de découvrir les charges a manifestement le pas,
selon lui, sur l'appréciation objective de celles-ci; l'intuition du chas-
seur l'emporte sur le scepticisme serein de l'homme de loi. La formule
est imagée et M. Hoefller reconnaîtrait le premier qu'elle ne doit pas
être prise à la lettre puisqu'il admet que l'urgence à démasquer l'auteur
d'une infraction a normalement pour rançon que les gardiens de l'ordre
ne peuvent lui faire une guerre en dentelles. On ne saurait oµ.blier
néanmoins, au risque d'énoncer un truisme, que le coupable étant incon-
nu, sa découverte ne va point sans risq,u·es d'erreurs et qu' ainsi tout
intéressé a le droit d'être protégé.
Cette protection réside dans un exame,n et un contrôle contra-
dictoires des charges. Aussi bien M. Hoefller porte le débat sur le
plan de la technique. Son argument est que lïnformiation de police
judiciaire et l' examen juridictionnel des preuves sont partiellement
confondus alors que leurs exigences sont diverses, sinon opposées. Les
éléments d'appréciation recueillis au cours de l'information et de l'ins-
truction ne reçoivent qu'a posteriori le contrôle nécessaire de la con-
tradiction et il est bien vrai que le rédacteur du procès-verbal assume
a,uparavant une responsabilité redoutable où, q.uel que soit son scrupule,
par omissions, redites ou nuances, le témoignage qu'il recueille pèsera
lourdeme,nt sur le cours et le dénouement de l'instruction. La pratique
nous révèle quotidiennement l'importance des observations des parties
dans les enquêtes civiles : leur interpellation pertinente aboutit plus
d'une fois à atténuer, sinon à ruiner la portée d'une déposition. Encore
le procès-verbal est-il l' œuvre d'un magistrat dant la consciencieuse
vigilance éclaire une objectivité naturelle. Mais dans le procès pénal,
la police judiciaire occupe aujourd'hui par délégation un étage du palais
( 1) Em. Berl, !oc. cil.
II
de justice : elle rend, sans doute, d'inappréciables services auxquels sont
liés la sécurité de l'honneur et des biens des citoyens. Sa promotion a
été néanmoins de pair aussi avec une diminution des garanties qui sont
dues à l'inculpé ou au témoin.
M. Jacques Hoefller ne balance pas à penser que le respect des
principes de la contradiction dans l'examen des témoignages ne peut
se concilier avec l'instruction préparatoire du type inquisitorial. Je
voudrais me garder, sur le plan des possibilités constructives, d'une
conclusion aussi radicale. On ne peut croire en effet à ,une transposition
aisée des deux systèmes. MM. Jean Duhamel et J. Dili Smith, dans
J'ouvrage qu'ils ont consacré aux institutions judiciaires britanni~
ques ( 1) ont souligné ces difficultés d'adaptation encore qu'au fond des
choses notre souci de l'habeas corpus se confonde et que nous réprou-
vions pareillement toute violence qui serait exercée contre un inculpé
pour qu'il signât des aveux. C'est qu'une longue tradition fondée sur
l'habitude, les coutumes, l'expérience et le climat ne s'acquiert point
par la volonté des législateu.rs. Mais celui-ci peut y trouver matière à
orientation. S'il est vrai, comme M. Jacques Hoefller l'écrit justement,
que le cloisonnement établi par nos amis anglais entre l'information et
l'instruction judiciaires. évite de déplorables abus. nous pouvons nous
en inspirer pour revoir les règles qui .nous régissent et dont l'application
a d'ailleurs, dans la profusion des causes, aggravé les défauts.
Peut-on se défendre d'y faire allusion de nouveau à la détention
préventive qui ne peut être une peine et qui, par un glissement inavoué
de l'institution, prend, très souvent, en c/Jépit des avertissements les
plus qualifiés, les aspects d'une répression voire d'une intimidation
aussi contraires à la lettre et à l'esprit de la loi pénale qu'aux fonde-
ments du droit actuel? Comme l'a écrit M. Robert Vouin, professeur
à la Faculté de Droit de Bordeaux. « la détention préventive est un
mal nécessaire, mais d'abord un mal». Qu'elle offre à l'instruction de
la cause des facilités, on le sait bien. Que des innocents subissent ainsi
l'humiliation d'un riégime, pire dans le fait que celui de l'expiation, on
,ne peut l'admettre. Et le principe de la présomption d'innocence reçoit,
en l'espèce, bien des fois, à l'échelon des réalités, un cruel démenti.
Je me garde d'épiloguer sur ce sujet davantage. La préface d'un
livre ne peut trahir le dessein de l'auteur qui n'est point de polémique
mais de scrupuleuse analyse. Ce dessein, on le verra, a été pleinement
rempli et selon un plan judicieux. On trouvera dans son développement
des définitions sûres et des explications sans défaut, un rapport exact
des principes et des règles à tout le champ de la pratique avec les réfé-
rences essentielles à la vérification des sources et des applications. Je
l'écris ici avec amitié mais l'hommage lui sera bientôt rendu par de
nombreux lecteurs qui feront à cette œuvre probe, documentée et
réfléchie, le succès qu'elle mérite.
( 1) De quelques piliers des institutions britanniques. Edit. La Vie judiciaire, Paris, 195-t.
Ill
A écrire pour les praticiens de lïnstruction criminelle. M. Jacques
Hoe{fler, j'en suis convaincu, a dû ressentir un salutaire optimisme.
C'est qu'il est peu de pays pareils au nôtre où les hommes apportent
autant de conscience à frayer les voies de la justice. Il nous est bien
permis de les trouver parfois rebutantes ou vieillies. Mais au siège, au
parquet, à la barre, le souffle du devoir n'a jamais cessé d'inspirer les
actes et d'éveiller les ferve,urs. Au delà même de la pratique quotidien-
ne où l'habitude n'a point corrodé l'idéal, les efforts se conjuguent en
des commissions studieuses, telle la. commission de réforme du droit
pénal sous la présidence de notre maître affectionné, M. le procureur
général honoraire Léon Cornil, pour préparf:r l'instruction criminelle
à mieux répondre aux exigences de ce temps et à la protection des
hommes. « C'est un devoir pour le jurisconsulte, de préparer des pro-
grès, a écrit F. Laurent, afin que la loi devienne l'expression du droit
éternel» (1). Et Montesquieu: « Une chose n'est pas juste parce
qu'elle est loi. Mais elle doit être loi parce qu'elle est juste (2).
Je pense faire honneur à l' œuvre que M. Jacques Hoe{fler vient
d'accomplir en y proposant cette double épigraphe.
IV
AVANT-PROPOS
J.H.
VI
INTRODUCTION
CHAPITRE PREMIER
LE SYSTEME INQUISITORIAL
D'INSTRUCTION PREPARATOIRE
( l) Ces considérations ne sont valables de manière absolue que dans le système de l'instruction pre ..
paratoire à l'état pur. Ce système est, en fait, 1argement battu en brèche, en Belgique·, par" la
pratique coutumière de l'information du parquet .
.6
Certes, la pro.cédure d'instruction préparatoire ne méconnait pas
entièrement ce principe : la puissance publique intervient dans son
déroulement par l'organe de deux magistrats qui représentent l'un le
pouvoir exécutif et l'autre le pouvoir judiciaire.
Mais toutes les règles qui ont pour e!ffet soit d'attribuer au juge
la mission de police judiciaire incombant à la partie demanderesse, soit
de conférer à l'organe de cette dernière un droit de contrôle sur l'ac~
tivité du juge, représentent autant de dérogations au principe lui~
même, en ce qu'elles s'écartent de la répartition naturelle des compé-
tences entre les représentants des deux pouvoirs souverains en cause
et en ce qu'elles portent atteinte à l'indépendance de l'un vis-à-vis de
l'autr.e.
Signalons tout de suite que la dérogation qu'apporte l'instruction
préparatoire aux règles de séparation des pouvoirs habituellement ad-
mises dans toute procédure où l'Etat intervient comme partie, ne
s'explique que par des circonstances historiques qu'il convient d'évo-
quer brièvement.
3. - ORIGINE HISTORIQUES DE L'INSTRUCTION PREPARATOI-
RE. - LE SYSTEME INQUISITORIAL. - Les origines lointaines de la procédure
pénale remontent aux premières formes d'arbitrage qui mettaient un terme aux ven-
geances privées entre tribus primitives. La situation respective des parties - com-
munautés familiales rivales - et du juge - arbitre indépendant - donnait logique-
mènt à ces procédures embryonnaires le caractère d'un débat contradictoire opposant
des adversaires de force et d'autorité égales en présence d'un médiateur appelé à
dégager des conclusions du litige et à trancher cèlui-ci. Lorsque l'arbitrage est
devenu obligatoire, c'est-à-dire est passé du stade conventionnel ou semi-conventionnel
au stade judiciaire, les formes en usage ont subsisté et se sont incorporées à la procé-
dure. Le procès pénal ne se dilfférenciait pas, à cette époque, du procès civil. Le
plaignant devait soutenir seul l'accusation et la puissance publique encore embryon-
naire n'assurait aucun sevice de police répressive:
Le système en usage, si l'on peut parler de système en l'espèce, était donc
purement accusatoire. c'est-à-dire qu'il excluait l'intervention du juge dans les:
opérations de recherche et de poursuite. Les premières manifestations juridiques· du
système accusatoire, n'ont, d'alleurs, qu'une valeur d'équité très relative, en raison
de la bizarrerie des coutumes, imprégnées d'un formalisme superstieux. A la libre
appréciation du juge-arbitre se substituent souvent des traditions absurdes ou
iniques, telles que la cojuration - faux témoignage légal - ou les ordalies, le duel
judiciaire - raison du plus fort.
La procédure accusatoire fut observée en Europe, sous w1e forme plus ou
moins primitive, pendant tout le Haut Moyen-Age et survécut, selon les régions,
jusqu'aux XIII•, XIV• et même XV• siècles.
Le développement de l'autorité publique amena cependant celle-ci, peu à peu,
à se préoccuper du problème de la lutte contre la criminalité, problème intimement lié
à celui de la sécurité publique elle-même. L'insuffisance avérée des moyens dont
disposait la victime pour découvrir et démasquer son agresseur incita les autorités
à se substituer aux particuliers dans l'accomplissement de cette tâche. C'est alors que,
graduellement, le juge fut amené à abandonner le rôle d'arbitre passif pour se
saisir lui-même sur simple plainte de la victime ou dénonciation d'un tiers, rechercher
les coupables, les arrêter et les interroger, rassembler les preuves de leur culpabilité,
constituer le dossier destiné à les confondre.
Dans cette forme de procédure, comme sous le nom de système inquisitorial, le
magistrat instructeur cumule dès lors les attributions de la partie publique et celles
7
du juge, l'autorité exerce son rôle tutélaire en recherchant les Infractions, en iden-
tifiant leurs auteurs et en assurant la punition de ceux-cl.
Les premières manifestations de la procédure inquisitoriale remontent au
Bas-Empire. C'est toutefois l'Eglise qui l'introduisit dans les institutions du Haut
Moyen-Age en l'adoptant au sein de ses juridictions (Concile de Latran, 1215) ()).
La justice royale y eut recours à son tour, en France et elle se développa en
même temps que la compétence des tribunaux royaux augmentait du XIII• au
XIV• siècle. Ses caractéristiques furent consacrées par la « grande ordonnance sur
la procédure criminelle» de 1670, dont s'inspire directement le code d'instruction
criminelle.
La procédure inquisitoriale fut Introduite dans les juridictions séculières des
Pays-Bas à l'époque des ducs de Bourgogne.
Les ordonnances des 5 et 9 juillet 1570 (2) marquèrent la consécration officielle
détflnitive des nouvelles méthodes de procédure.
Il est Intéressant de noter que le système inquisitorial ne comportait pas, à l'ori-
gine, d'organe du ministère public. C'est le juge lui-même qui en remplissait les
fonctions, aussi bien en ce qui concernait la mise en mouvement de l'action publique
qu'en ce qui avait trait à l'information (3).
La fonction d'officier du ministère public n'est apparue que postérieurement
(à partir du XV• siècle en France), sans que le jÙge perde d'ailleurs le droit
de se saisir lui-même. Ce privilège du juge a subsisté jusqu'à la lfln de l'Ancien
Régime (4) et n'a d'ailleurs pas disparu complètement dans le système du code
d'instruction criminelle, en matière de flagrant délit, notamment (cf. infra n" 117).
Il apparait d'ailleurs que l'institution du ministère public n'a pas eu pour but
d'introduire un élément de séparation des pouvoirs dans une procédure où cette no-
tion était inconnue et à une époque où le principe de l'absolutisme tendait à s'affirmer
déjà, mais bien de renforcer l'efficacité de la répression en plaçant auprès du juge
un officier public chargé de le surveiller et de provoquer son action en cas d'absten•
tion de sa part. Ces caractéristiques expliquent la répartition des attributions entre le
ministère public et le juge d'instruction, répartition qui s'est paradoxalement main-
tenue dans l'instruction préparatoire moderne, au sein d'un droit public inspiré de
principes philosophiques entièrement opposés à ceux qui avaient cours sous l'Ancien
Régime.
La révolution de 1789 entraina l'abandon total de la procédure inquisitoriale en
usage jusqu'alors. Le système accusatoire fut réintroduit, en Europe continentale,
sous sa forme moderne, par la législation révolutionnaire française de 1791 (Loi sur
la police de sûreté, la justice criminelle et l'établissement des jurés des 16-29 sep•
tembre 1791). Celle-ci constituait une réforme radicale, motivée par les abus de la
justice criminelle de l'Ancien Régime, lesquels avaient été dénoncés avec vigueur
par les juristes et philosophes du XVIII• siècle, et notamment par Voltaire (aiffaires
Calas, Sirven et de la Barre) et par Beccaria ( Dei delitti e delle pene) . Cette réor-
ganisation de la justice pénale, Inspirée de l'Angleterre, n'eut, toutefois, qu'une durée
éphémère ; les nouvelles institutions judiciaires, sans traditions, sans racines profon-
des, sans personnel expérimenté ne purent assurer l"ordre dans une période troublée.
Le code français d'instruction criminelle de 1808 porte témoignage de la faillite
des institutions révolutionnaires et il représente un incontestable retour au passé,
la résurrection du système inquisitorial amendé toutefois par le maintien de certains
8
emprunts à la procédure accusatoire, tels que le débat public à l'audience et le jury
en matière criminelle. Ce compromis est encore aujourd'hui à la base du système
de procédure pénale de la plupart des nations du Continent.
9
Le rôle du particulier intentant les poursuites au nom de la Société .fut, dès lors,
_dans l'immense majorité. des cas, assumé par un policier, ou « constable ».
A l'heure actuelle, la police anglaise remplit l'essentiel des fonctions dévolues
chez nous au ministère public. Elle a recours à des avoués et des avocats qui la re-
présentent dans toutes les a1ffaires d'une certaine importance. S'il n'existe donc pas
d'organe du ministère public au sens où nous entendons ce mot, la fonction sociale
que représente le ministère public se trouve remplie, en Grande Bretagne, d'une
manière aussi complète que sur le Continent.
Au surplus, si l'Etat anglais n'a jamais jugé nécessaire de mettre sur pied une
institution comparable à notre ministère public, il ne s'est cependant jamais désinté,
ressé non plus de la répression des crimes les plus graves: !'Attorney General,
qui exerce les fonctions de conseiller juridique du gouvernement dont il est mem-
bre, intervient traditionnellement comme avocat général dans la poursuite des
crimes mettant le plus sérieusement en péril l'ordre social.
Il existe en outre actuellement un haut fonctionnaire, le Director of Public Pro-
secutions, placé sous le contrôle immédiat de !'Attorney General, dont 1;1 mission est
d'intenter, au nom de la Reine, des poursuites judiciaires à l'occasion de certains
crimes majeurs.
Aux Etats-Unis , la procédure accusatoire fondée sur la « Common Law » est
aussi traditionelle qu'en Angleterre d'où elle provient d'ailleurs. Cependant, un offi-
cier du ministère public a été institué auprès des tribunaux répressifs, le District
Attorney, qui est chargé de rechercher et poursuivre les infractions au nom de la
Société. Toutefois, ce magistrat, qui demeure d'ailleurs membre du barreau, est
soumis aux mêmes obligations que tout autre demandeur en justice, que ce soit au
civil ou au pénal.
L'institution, sous une forme ou sous une autre, d'une organe officiel du minis-
tère public, n'a néanmoins apporté aucune modification aux principes accusatoires
qui gouvernent la procédure. Les pouvoirs publics se sont, en pratique, substitués
aux particuliers dans la recherche des délinquants et des preuves de leur culpabilité,
et, à ce titre, ils remplissent les mêmes tâches que celles qui sont dévolues chez nous
à la police judiciaire : audition des témoins et des suspects, recherche des pièces à
conviction, etc. Mais le dossier d'enquête qu'ils constituent de ce chef ne peut avoir
aucune influence sur le déroulement des débats judiciaires.
De même que dans notre procédure civile, le demandeur doit rechercher les
preuves de ses prétentions, et, s'il s'agit de preuves par témoignages, doit faire toutes
diligences utiles pour trouver les témoins nécessaires mais ne peut utiliser comme
preuves, les attestations qu'il aurait obtenues unilatéralement de ces témoins, de
même en procédure pénale anglo-saxonne, le ministère public ou l'organe officiel
qui en tient lieu, doit rechercher les témoins susceptibles d'établir la culpabilité, mais
ne peut faire usage comme preuves des dépositions unilatérales qu'il a recueillieis:
dans les pays anglo-saxons au pénal, comme cela se pratique dans les pays euro-
péens au civil, le demandeur doit produire ses témoins devant le juge qui les entend
contradictoirement.
Le cloisonnement entre l'information et l'instruction judiciaire est tel que
le dossier d'information ne peut même pas être communiqué au juge à peine de nullité.
Les règles de procédure gouvernant l'exercice de la justice pénale anglo-saxonne
sont beaucoup moins formalistes que les nôtres. Elles se bornent à organiser l'examen
judiciaire contradictoire des témoins et autres preuves ; tout au plus prévoient-elles,
pour les affaires équivalant en importance à celles donnant lieu chez nous à
instruction judiciaire, deux débats successifs, l'un préalable à la mise en accusation,
l'autre préalable au jugement.
Mais tout le formalisme se concentre dans la détermination des règles d'adminis-
tration de la preuve; les « rules of evidence ». Celles-ci sont définies avec une
10
minutie extrème : ·en ce qui concerne plus particulièrement les témoignages, elles
exigent non seulement que tout témoin soit entendu contradictoirement par le juge,
mais en plus elles précisent de manière rigoureure le mode d'examen des témoins :
interrogatoire par les parties, interdiction de poser des questions impliquant une
réponse déterminée (leading questions) lors de l'interrogatoire au principal, etc.
En:Hn, elles délimitent strictement la notion même de témoignage en justice : interdic-
tion de relater les faits irrelevants à la cause, les simples opinions ; proscription du
témoignage indirect (Hearsay evidence).
L'examen contradictoire des témoins est, dans les pays anglo-saxons, in~niment
plus que l'information, travail préliminaire sans portée judiciaire, bien plus que le
réquisitoire et la plaidoirie, beaucoup moins développés en fait que chez nous, la
substance même de toute la procédure pénale, le champ clos où s'affrontent l'accu-
sation et la· défense, la source essentielle de la conviction du juge ( 1).
CHAPITRE II
11
mande légitime et d'autre part à assurer le maximum de garanties de
nature à protéger la défense contre toute demande non fondée, Cet
idéal ne peut être atteint que si la procédure est simple et pratique en
ses formes, rigoureuse et inébranlable sur le chapitre de l'administra-
tion de la preuve.
Or, la procédure inquisitoriale est exactement à l'opposé de cet
idéal : elle est lourde, complexe, inextricable dans ses formes, som-
maire et dépourvue de garanties .dans le choix et l'utilisation des
éléments de preuve.
Pourquoi en est-il ainsi et ces défauts sont-ils irrémédiables ?
14
La complexité de la procédure de type inquisitorial ·contribue
enfin, certainement, à ralentir l'instruction des affaires pénales : la
,célérité remarquable des poursuites dans les pays où règnent les
formes plus simples de la procédure accusatoire apporte, eri tout cas,
un sérieux argument à l'appui de cette opinion ( 1). · ·
( l) En Angleterre, un délit mineur est dans la grosse, majorité des cas, jugé dans les vingt--quatre
heures qui suivent sa constatation et les affaires d'assises ne requihent, sauf cas exceptionnels.
guère plus de quatre mois entre la date de l'inculpation et celJe de l'arrêt (cf. J. Hoeffler, Procé•
dure pénale anglo-saxonne, n° 48).
15
tation et la portée de ses déclaration: il peut se tromper, mentir, défor-
mer les faits, commettre des confusions: l'enquêteur, préoccupé à
juste titre de confondre l'inculpé, aura toujours tendance, en toute
bonne foi, à ne faire appel qu'à la partie des souvenirs du témoin
susceptible de servir l'accusation. Il assume, en outre, la responsabilité
de rédiger le compte rendu des déclarations obtenues, de les résumer,
de faire un choix entre ce qui est essentiel et ce qui lui semble irre-
levant : il possède de ce fait un pouvoir redoutable ; comment pourrait-
on être certain, à la simple lecture du procès-verbal. que rien n'a été
omis, rien oublié, qu'aucune erreur d'interprétation ou de rédaction n'a
été commise 1
Si une juridiction doit former son opinion sur les énonciations d'un
simple procès-verbal de déposition écrite, cela signifie que la loi délè-
gue au rédacteur de ce document, une part essentielle de la mission
juridictionnelle: le droit d'examiner une preuve sous tous ses aspects et
d'en retirer tous les éléments de conviction qu'elle peut receler; cela
implique que l'enquêteur se substitue à cette juridiction dans le con-
trôle des questions à poser au témoin, dans l'interprétation de ses ré-
ponses, voire même dans l'appréciation de la portée et de l'importance
relative de celles-ci : or, le rédacteur du procès-verbal entend le
témoin unilatéralement et en dehors de tout contrôle de la défense ;
le prévenu se trouve, dès lors, empêché d'exercer son droit à la contra-
diction lors de l'examen véritable des preuves invoquées qui servent de
base aux décisions juridictionnelles rendues à sa charge.
L'instruction préparatoire en sa forme originelle assurait encore
au prévenu, à défaut de l'examen contradictoire des témoignages, la
garantie que constitue l'audition des témoins par un juge et dans des
formes judiciaires : selon la lettre du code d'instruction criminelle ( 1)
l'enquête devait être entièrement effectuée par le juge d'instruction
en personne, assisté de son greffier ; il devait entendre tous les témoins
sous serment; il ne pouvait déléguer, et encore dans certains cas
seulement, qu'un autre magistrat de l'ordre judiciaire pour accomplir
cette mission.
Mais l'impossibilité pour le magistrat instructeur d'accomplir seul
la tâche d'information est apparue tellement évidente que la jurispru-
dence a dû sanctionner une pratique coutumière : les réquisitions aux
fins d'enquête adressée par le juge d'instruction aux officiers de police
judiciaire auxiliaires du procureur du Roi, et la loi (2), a finalement
consacré cette pratique ( voy. infra n°" 86 et ss.).
Les exigences de l'information ont, de ce fait, provoqué l'éclate-
ment du cadre formaliste qui paralysait l'exercice de la police judiciai-
re, mais elles ont détruit en même temps certaines des plus précieuses
garanties judiciaires qui entouraient l'instruction préparatoire.
( 1) lnstr. 71 et ••·
(2) L. T avril 1919 (officiers et agents judiciaires près les parquets) art. 10.
16
Dans le but de remédier à cette situation préjudiciable, il a été
proposé d'introduire la règle de la contradiction au sein de l'instruction
préparatoire : Le législateur français s'est partiellement engagé dans
cette voie par la loi du 8 décembre 1897 qui assure à l'inculpé l'as-
sistance de son conseil lors des interrogatoires et des confrontations ( 1 ) ,
Cette solution est certes susceptible de sauvegarder le droit légi-
time du prévenu à la contradiction, méconnu par le système d'instruc-
tion traditionnel; mais au prix d'une immixion de la défense dans les
opérations d'information, intimement mêlées, au sein de l'instruction,
à l'exercice de la fonction juridictionnelle : Dès lors, le système de
l'instruction contradictoire risque d'entraver l'exercice de la police
judiciaire par l'atteinte qu'il porte au secret légitime des investigations.
Ce danger est si manifeste qu'il a, de notoriété publique, entrainé
en France un développement considérable de l'enquête de police, au
cours de laquelle les prévenus peuvent être interrogés hors de la pré-
sence de leur avocat, au détriment du recours à l'instruction judiciaire
proprement dite, devenue contradictoire (cf. M. Magno]. l'aveu dans
la procédure pénale; Rev. dr. pén. 1950-1951. p. 247 et 248).
Cette pratique est dénoncée comme un abus, mais il est permis de
se demander, comme le signale d'ailleurs M. Magno]. si cet abus n'était
pas inévitable, n'est pas imposé par les nécessités inéluctables de l'in-
formation.
Sur le plan concret, il apparait donc que le respect réel des prin-
cipes de la contradiction dans l'examen des témoignages ne peut se
concilier avec l'instruction préparatoire de type inquisitorial. C'est là,
nous semble-t-il, le grief le plus essentiel que l'on puisse faire valoir
à l'encontre du maintien du système inquisitorial dans notre procédure
pénale.
17
que nous devons en rechercher la trace, et encore n'y apparait-il que
dans une branche tout à fait particulière, celle des obligations; c'est
l'article 1315 du code civil qui le formule : « Celui qui réclame l'exé-
cution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui que se
prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinc-
tion de son obligation. >
Il est admis que cette disposition s'applique, d'une manière géné-
rale, à tous les domaines du droit ( 1 ) .
(1) Voy. DE PAGE. Traité élémentaire de droit civil belge, III, 710 et 726.
(2) Règles d"administration de la preuve.
18
Le témoin lui-même ne peut relater que ce qu'il sait de science personnelle, à
l'exclusion de tout témoignage indirect ( « Hearsay evidence »). Enfin, tout procès--
verbal d'audition établi unilatéralement par l'accusation est rigoureusement écarté
des débats.
Les témoignages recueillis par écrit au cours de l'information de police ne sont,
de ce fait, pas considérés comme cks preuves ; ils n'ont juridiquement aucune valeur,
même à titre de simples présomptions. Il en serait rigoureusement de même d'un té-
moignage écrit acté par un juge sans que la défense ait pu contre-interroger le témoin.
Le dossier d'instruction tel que nous le concevons n'aurait aucune valeur probante
dans les pays de droit anglo-saxon ; il ne pourrait même pas en être fait état devant
un tribunal, à peine de nullité de la procédure.
Le point de vue des juristes anglo-saxons s'explique dès lors à la lumière des
règles qui gouvernent le droit d'Outre-Manche: Ils estiment qu'en se bornant à
produire, à charge de l'accusé, le dossier d'instruction, le ministère public des pays
continentaux ne rapporte pas la preuve de la culpabilité, au sens où ils conçoivent
la notion de « preuve » en matière pénale. Ils estiment dès lors que le prévenu, qui se
volt confronté, dès l'ouverture du procès, avec un faisceau de charges rassemblées
unilatéralement et sans possibilité de contradiction, charges pouvant entrainer sa
condamnation s'il ne parvient pas à se disculper, se voit sous le coup d'une pré-
somption de culpabilité, présomption qu'il ne peut renverser qu'en démontrant
l'inexactitude de ces charges ou en rapportant la preuve matérielle de son inno-
cence.
Somme toute, nous concevons le principe de la présomption d'innocence d'une
manière plus philosophique que juridique, plus théorique que positive. Nous en fai-
sons une règle de conduite doctrinale, mais non une exigence de procédure, sanction•
née par la loi. L'accent est mis sur la nécessité de réunir des charges suffisantes et
oon sur la manière dont ces charges sont établies et peuvent être discutées.
Les juristes anglo-saxons, au contraire, envisagent le principe de la présomption
d'innocence comme une règle de procédure concrète, mise en œuvre sur le plan positif
et pratique. Leurs préoccupations s'attachent essentiellement aux méthocks selon
lesquelles la preuve exigée doit être rapportée.
Dans ces conditions, il est évident que tout le monde a raison, chacun selon
son point de vue. Mais ces développements attirent à nouveau notre attention sur
la grave lacune de notre procédure pénale, que nous avons signalée (supra n° 10):
Notre système de procédure admet à titre de preuves des témoignages recueillis uni-
latéralement par une partie ( 1); il confère de ce fait à cette partie un avantage con-
sidérable dans l'administration de la preuve qu'elle doit rapporter. Cet avantage
équivaut en pratique à faire bénéficier cette partie d'une présomption en faveur de
sa thèse. Sur le plan du droit positif, de la stricte technique procédurale, il n'y a
donc rien d'anormal à soutenir que le système inquisitorial d'instruction préparatoire,
parce qu'il fait du dossier d'instruction un instrument de preuve, crée une présomption
favorable au bénéfice de l'accusation.
(1) Rappelons que le juge d'instruction, s'il ne s'identifie pas à la partie publique, accomplit sa mission
d'information sous la surveillance de celte-ci. Lorsqu'il informe. il n"agit pas comme Juge, mais
comme officier de police judkialre.
19
TITRE PREMIER
13. - PLAN. - Il n'est pas aisé de décrire selon un plan soit peu
rationnel les divers organes de l'instruction préparatoire, compte tenu
de l'enchevêtrement de leurs compétences et de leurs attributions res-
pectives ainsi que des relations complexes existant entre les uns et les
autres: Ainsi, par exemple, il convient d'étudier globalement l'insti-
21
tution du ministère public et. par conséquent, d'analyser simultanément
les fonctions du procureur général et celles du procureur du Roi. Mais
si l'on désire avoir une vue d'ensemble de l'organisation de la police
judiciaire, il importe d'examiner dans une même étude les attributions
respectives du procureur du Roi, du juge d'instruction et des auxiliaires
du procureur du Roi en matière de police judiciaire. Enfin, la descrip-
tion de la juridiction d'instruction, dans son ensemble, devrait englober
celles de l'institution du juge d'instruction, de la chambre du conseil
et de la chambre des mises en accusation.
La réalisation simultanée de ces diverses synthèses apparaissant
impossible, nous nous sommes vus contraints d'adopter le plan ci-après,
malgré ses déficiences inévitables. Nous diviserons donc notre étude
en six parties :
I. Le ministère public.
II. Le juge d'instruction.
III. Le partage d'attributions et les rapports entre le juge d'ins-
truction et le ministère public.
IV. La compétence et le ressort territorial du procureur du Roi
et du juge d'instruction.
V. Les auxiliaires du ministère public en matière de police judi-
ciaire.
VI. Les juridictions d'instruction.
CHAPITRE PREMIER
LE MINISTERE PUBLIC
22
corps autonome, entièrement distinct de l'organisation administrative
et dont les membres sont des magistrats, jouissant, sauf en ce qut
concerne l'inamovibilité, le mode de nomination et le principe hiérar-
chique, d'un statut identique à celui des conseillers et juges des cours
et tribunaux.
Les organes du ministère public se voient accorder une très
large indépendance pratique dans l'accomplissement de leur mission:
ils tiennent leurs pouvoirs de leur fonction elle-même, en vertu d'une
délégation de la Nation et non d'une délégation ministérielle ( 1).
L'intervention du Ministre de la Justice dans l'exercice des pour-
suites est, en fait, assez rare. D'autre part, de nombreux auteurs s'ac-
cordent à dire que si le Ministre peut contraindre le ministère public
à intenter l'action publique, il ne peut intervenir pour arrêter ni inter-
rompre des poursuites ( 2).
Cette règle semble, cependant, contredite par diverses circulaires du Ministère
de la Justice (3) enjoignant aux officiers du ministère public de soumettre au référé
préalable du Ministre l'exercice des poursuites en matière d'infractions commises
par un Belge à l'étranger, de délits politiques et de presse. Il n'est cependant pas
douteux qu'une action intentée sans tenir compte de ces instructions serait parfaite-
ment valable, encore qu'une telle initiative pourrait entrainer des mesures discipli-
naires.
L'organisation du ministère public est établie en fonction de
celle des cours et tribunaux, chaque officier étant attaché, selon son
rang, à une juridiction déterminée auprès de laquelle il représente
son office (cf. toutefois infra n° 18).
Les officiers du ministère public sont subordonnés les uns aux
autres dans l'exercice de leurs fonctions ( 4); ce lien de subordination
n'a toutefois, pas le même caractère dans tous les cas : Le procureur
général près la Cour de cassation n'exerce sur les procureurs généraux
près les Cours d'appel qu'une surveillance d'ordre doctrinal; il leur
signale les irrégularités qu'il constate dans les procédures soumises à la
Cour (5). Par contre, le procureur général près la Cour d'appel est
spécialement et personnellement chargé de toutes les fonctions du
ministère public ; les autres officiers du ministère public ne participent
à l'exercice de ces fonctions que sous sa direction ( 6); le Ministre de
la Justice transmet d'ailleurs ses instructions aux procureurs généraux
près les cours d'appel directement, et non par l'intermédiaire du procu-
reur général près la Cour de cassation.
On admet toutefois que la subordination des officiers du ministère public à leurs
supérieurs ne se manifeste qu'à l'égard des réquisitions et autres écrits qu'ils sont
(1) Voy. Mercuriale prononcte le 15 septembre 1936 par M. le Procureur gtntral Hayolt de Terml•
court.
(2) Voy. Rtp. prat. dr. B.. yO Ministère public, n• 34: v• Proctdutt ptnale, n• 173.
13) Circulaires de 1831, 18i7, 1858, 1878 : voy. Rtp. prat. dr. b., v" Ministtre public, ,:,• 383.
(4) Loi du 18 Juin 1869, art. 154.
(S) Voy. Rtp. prat. dr. B., v• Ministère public. n• 34.
(6) Loi du 20 avril 1810, art. 45 : dtcret impérial du 6 Jufllet 1810, art. 42.
23
amenés à signer ; chaque officier recouvre son indépendance lorsqu'il prend la parole
à l'audience. Cette règle provient d'une tradition de l'ancien droit, exprimée dans la
maxime : « la plume est serve, la parole est libre » ( 1).
SECTION I"
Le Procureur général près la Cour d'appel
24
règles à suivre et les lignes directives à respecter dans la recherche et
la poursuite des infractions.
En second lieu, il charge les officiers compétents, soit d'office,
soit sur l'ordre du Ministre de la Justice, de poursuivre les infractions
dont il a connaissance ( 1); il reçoit les dénonciations et les plaintes
qui lui sont adressées directement, soit par la Cour d'appel, soit par un
fonctionnaire public, soit par un particulier et il en tient registre : il
les transmet à l'officier du ministère public compétent avec ses instruc~
tions (2).
En troisième lieu, il reçoit les rapports ( 3) et notices ( 4) qui lui
sont transmis en matière criminelle, correctionnelle ou de police et il
adresse les directives voulues.
Devant la Cour d'assises, le procureur général (5) peut soit occu-
per lui-même le siège du ministère public, soit déléguer à cette fin un
membre du parquet de première instance ( 6).
25
d'idées, la jurisprudence ( 1) a décidé que le procureur du Roi n'avait pas qualité
pour exercer l'action publique en matière de police, sauf en degré d'appel; il est
vrai que le procureur du Roi n'est pas, comme le procureur général, investi de la
plénitude des attributions du ministère public. D'autre part, la loi du 15 juin 1899,
loi organique de la procédure pénale militaire, a résolu le problème posé, en ce
qui concerne le parquet militaire, dans le sens de la compétence illimitée de
l'auditeur général: Celui-ci recherche et poursuit toutes les infractions de la compé-
tence de la Cour militaire ou des conseils de guerre (2); il peut accomplir lui-mt'me
toutes les fonctions de la compétence des auditeurs militaires; il a le droit d'occuper
devant les conseils de guerre le siège du ministère public (3). Les travaux prépara-
toires de cette loi révèlent que le législateur était soucieux de préciser les pouvoirs
de l'auditeur général afin d'éviter, en ce domaine, l'incertitude qu'il avait constatée
à propos de la compétence du procureur général (4).
26
Chacun des membres du parquet représente, dans l'exercice de
ses fonctions, le minstère public tout entier ( 1 ) ; tout substitut du
procureur général est présumé détenir par délégation l'ensemble des
pouvoirs qui sont attribués au procureur général lui-même (2) c'est
ce que l'on appelle le principe de l'indivisibilité du parquet.
Ce principe a donné naissance à quelques difficultés d'interpréta-
tion, car il parait difficilement compatible avec la hiérarchie propre au
parquet. En réalité, il s'explique assez aisément:
Le parquet est, à la fois, un office dans ses rapports extérieurs et
une administration dans son organisation interne.
Comme office, il est représenté dans sa plénitude par chacun des
magistrats qui le composent, car chacun de ceux-ci en est titulaire
indivisible. Vis-à-vis de l'extérieur, chaque substitut est donc l'organe
souverain du ministère public.
Comme administration, au contraire, il est soumis à une hiérarchie
et une discipline très strictes qui placent tous ses membres sous l'auto-
rité du procureur général. L'action de chaque substitut est donc
subordonnée aux directives et au contrôle de ses supérieurs hiérarchi-
ques.
Supposons maintenant qu'un magistrat du parquet accomplisse
un acte contraire aux instructions qui lui sont données par ses chefs:
Cet acte sera juridiquement valable; il pourra cependant toujours
être rapporté dans la mesure où il n'est pas matériellement irrévocable,
car le ministère public n'est que le dépositaire de l'action publique et
il ne peut pas en disposer (3). D'autre part, le magistrat ayant violé
les instructions données pourra être frappé de sanctions disciplinai-
res ( 4 ).
Une des principales conséquences du principe de l'indivisibilité
est la possibilité accordée aux membres du parquet de se succéder
dans une même affaire sans devoir fournir de justification et sans
qu'il en résulte aucune nullité (5).
SECTION II
Le Procureur du Roi
27
La fonction du procureur du Roi est attribuée à un substitut du
procureur général qui y est spécialement affecté ( 1 ) . Il est assisté
lui-même par ses propres substituts ( 2). Certains de ceux-ci portent
le titre de premiers substituts et participent plus spécialement, sous
l'autorité du procureur du Roi, à la direction du parquet ( 3).
Lorsque les nécessités du service l'exigent, le procureur général près une Cour
d'appel peut déléguer un magistrat de son parquet ou un magistrat d'un parquet
de première instance de son ressort pour exercer temporairement des fonctions de
ministère public dans un autre parquet du même ressort.
Lorsque les nécessités du service l'exigent, le Ministre de la Justice peut, sur
avis conforme des procureurs généraux compétents, déléguer un magistrat d"un
parquet d'appel ou de première instance pour exercer temporairement des fonctions
de ministère public dans un parquet d'un autre ressort (4).
28
En matière criminelle, le procureur du Roi exerce l'action publique
au stade de l'instruction seulement; il n'intervient pas dans la procé-
dure de mise en accusation et il ne peut participer à la procédure de
jugement en Cour d'assises qu'en vertu d'une délégation spéciale du
procureur général ( 1). C'est ce dernier qui représente personnellement
la partie publique devant la chambre des mises en accusation et,
sauf délégation éventuelle de ses pouvoirs, devant la Cour d'assises.
En matière correctionnelle, le procureur du Roi exerce l'action
publique au stade de l'instruction ainsi qu'à celui du jugement en pre-
mière instance devant le tribunal correctionnel. Il possède le droit
d'appel concurremment avec le procureur général (2), mais c'est ce
dernier qui exerce personnellement les poursuites en degré d'appel.
En matière contraventionnelle, l'officier du ministère public est
l'organe des poursuites devant la juridiction de première instance, le
tribunal de police ; mais le procureur du Roi seul peut exercer le droit
d'appel reconnu à la partie publique (3) et représenter celle-ci en degré
d'appel.
SECTION Ill
L'officier du ministère public près le tribunal de police
29
> En l'absence de l'échevin ainsi désigné pour remplir les fonctions du ministère
t>ublic, le procureur général choisit dans le canton un autre bourgmestre ou échevin
du sexe masculin.» (Loi du 27 août 1921. art. -4.)
Il n'existe pas, en matière de police, de magistrat instructeur com-
parable au juge d'instruction en matière criminelle et correctionnelle:
L'officier du ministère public est chargé de l'information et de l'exercice
de l'action publique.
La compétence de l'officier du ministère public est déterminée par
celle du tribunal auprès duquel il exerce ses fonctions.
1° Ratione materire, il est chargé de la recherche et de la poursuite
des contraventions ainsi que des délits dont la connaissance est attri-
buée au tribunal de police par l'article 138 du code d'instruction cri-
minelle ( 1 ) ou par des lois spéciales ( 2).
2° Ratione personre, il poursuit les contraventions commises par
toute personne, quelle que soit sa qualité, sous réserve des exceptions
prévues par la loi.
Celles-ci sont moins nombreuses qu'en matière criminelle et correctionnelle, les
privilèges de juridiction prévus par les articles -479 et ss. du code d'instruction
criminelle n'existant pas en matière contraventionnelle et la compétence des juri-
dictions militaires ne s'étendant pas à un grand nombre de contraventions ou de délits
de la compétence du tribunal de police (3).
3° Ratione loci, sont également compétents, pour la recherche et
la poursuite des infractions de police, l'officier du ministère public
du lieu de l'infraction, celui de la résidence de l'inculpé et celui du
lieu où le prévenu a été trouvé ( 4).
Le ressort territorial de l'officier du ministère public, dans ses
fonctions de police judiciaire, ne correspond pas au territoire dans
lequel il exerce ses fonctions du ministère public: Le second s'étend
au canton, ou au groupe de cantons judiciaires soumis à la juridiction
du tribunal de police, tandis que le premier se limite au territoire de
la commune où siège le tribunal.
Cette anomalie provient du fait que l'officier du ministère public tient sa
qualité d'officier de police judiciaire de ses fonctions de ses fonctions de commissaire
de police, de bourgmestre ou d'échevin, et non de ses fonctions du ministère public.
Même dans son propre canton, l'officier du ministère public ne peut donc, le plus
souvent, étendre ses enquêtes que par l'intermédiaire des officiers de police judiciaire
territorialement compétents.
Au point de vue du caractère d'ordre public, les règles relatives
à la compétence et au ressort territorial de l'officier du ministère public
suivent le sort de celles relatives à la compétence et au ressort territorial
du procureur du Roi et du juge d'instruction (5) (6).
(1) A.R. 8 mars 1936, modifié par les A.L. 11 nov. 1939. A.R. 30 mars 1936. Le législateur a ten-
dance à étendre de plus en plus la compétenc·e du tribunal de police.
(2) Le procureur du Roi conserve le droit de procéder à une information ou de requérir instruction
à l'égard des délits (A.R. 8 mars 1936, art. t••).
(3) Lol du 15 juin 1899, art. 23.
(4) Voy. lnstr. 139.
(5) Concl. M. !'Avocat général Sartinl van den Kerckbove av. Cass. 15 déc. 1930, Pas. 1931. !. 17.
(6) Voy. Infra n°• 41 et 42.
30
Toutefois, l'officier du ministère public, en sa qualité de commissaire de police,
de bourgmestre ou d'échevin, a compétence pour rechercher et constater les crimes
et les délits au même titre que les autres officiers de police judiciaire auxiliaires du
procureur du Roi ( 1).
SECTION IV
Le ministère public militaire et les services officiels chargés d'exercer
l'action publique en certaines matières
31
l'administration le demande, mais le juge d'instruction possède toujours le droit de
rejeter ces réquisitions par ordonnance motivée ( 1).
La citation émane toujours de l"administration, mais celle-ci ne peut requérir
que les peines d"amende, de confiscation et de fermeture. Le représentant du parquet
intervient toujours pour donner son avis à propos de ces réquisitions et il peut seul
requérir les peines d'emprisonnement et les autres peines de droit commurr.
L'action du parquet est subordonnée à celle de l'administration et si celle-ci
transige ou se désiste en cours d'instance, l'action publique s'éteint dans sa totalité.
Le droit d'appel et de recours en cassation appartient aux deux organes de la
partie publique, chacun pour ce qui concerne son propre domaine (2).
CHAPITRE II
LE JUGE D'INSTRUCTION
( 1) La détention préventive, en matière de douanes et accise5 obéit à des règles entièrement différentes
de celles de la détention préventive en matière ordinaire : Le mandat d'arrêt est valable pour
un terme de 14 jours et ne doit pas être confirmé (voy. Rép. prat. dr. B., v 0 Douanes et
accises, n° 8 575 et ss. : infra n° 144.
(2) Voy. sur toute cette matière Rép. pr. dr. B .. v• Douanes et accies. n•• 567 à 635.
(3) « En pratique - et sauf cas exceptionnel - les agents forestiers ne défendent plus leurs conc1uslons
à l'audience, laissant ce soin au ministère public» (Rép. prat~ dr. B., v° Forêt, n° 649).
(4) Loi du 18 juin 1869, art. 21.
32
Le renouvellement du mandat du juge d'instruction est laissé à
la discrétion du pouvoir exécutif. Il parait, en revanche, contraire au
principe de la séparation des pouvoirs que le juge d'instruction puisse
se voir retirer sa désignation avant l'expiration du terme normal ( 1 ) .
La plupart des auteurs reconnaissent au juge d'instruction le bénéfice de l'ina-
movibilité dans l'exercice du mandat temporaire qui lui est confié (2). En revanche,
la jurisprudence administrative n'admet pas ce principe et l'on peut citer des arrêtés
royaux des 7 juin 1870 et 21 mars 1881 qui ont enlevé leur mandat à des juges
d'instruction (3).
Nous rencontrons ici, comme nous le constaterons en bien d'autres domaines,
l'antagonisme entre les deux qualités cumulées par le juge d'instruction: celle d'of-
ficier de police judiciaire et celle d'organe de la juridiction d'instruction. Il est
évident que comme officier de police judiciaire, le juge d'instruction relève de l'exé-
cutif et que dès lors celui-ci peut légitimement prétendre exercer son autorité hiérar-
chique à son égard. En revanche, comme magistrat instructeur, le juge d'instruction
est juge de l'exécutif, partie à l'action publique, et, à ce titre, il serait regrettable
qu'il ne jouisse pas de l'indépendance reconnue aux juges par la Constitution.
Cependant, on pourrait soutenir qu'en la matière, la désignation du juge d'instruc-
tion pour un terme de trois ans constitue un compromis s'inspirant de ces deux
exigences contradictoires, ce qui impliquerait que si d'un côté l'exécutif peut refuser
de renouveler la désignation, d'un autre côté, il ne pourrait revenir sur celle-ci pendant
sa durée légale.
Cette discussion ne présentait, dans l'état antérieur du contentieux administratif,
qu'une portée purement doctrinale, l'administration étant seul juge en pratique.
L'institution en Belgique du recours pour excès de pouvoir a transformé com-
plètement la situation à ce point de vue, le Conseil d'Etat pouvant éventuellement
être appelé à trancher le problème.
Il y a un juge d'instruction auprès de chaque tribunal; il peut y en
avoir plusieurs si le Roi le juge nécessaire, d'après les besoins du ser#
vice ( 4 ) ( 5 ) .
Lorsqu'un juge d'instruction se trouve empêché, pour quelque
cause que ce soit, le tribunal désigne un juge titulaire pour le rem#
placer; s'il y a urgence, cette faculté est dévolue au président (6) (7):
un juge suppléant ne peut être délégué pour remplacer le juge d'ins#
truction ( 8).
Si les besoins du service l'exigent, un juge titulaire peut être
appelé à remplir momentanément les fonctions de juge d'instruction
conjointement avec les autres ; cette délégation est faite, à la demande
du ministère public, par le tribunal ou par son président ( 9).
33
Le juge d'instruction est assisté d'un greffier du tribunal ( 1): cette
règle ne reçoit exception que dans les cas d'urgence (2) : s'il y a
nécessité, le juge peut assumer en qualité de greffier toute personne de
nationalité belge âgée de 21 ans au moins : celle-ci prête préalablement
entre ses mains le serment imposé aux fonctionnaires publics (3).
25. - CARACTERE COMPLEXE DES FONCTIONS DU
JUGE D'INSTRUCTION. - CONFUSION DANS SON CHEF
DES DEUX QUALITES D'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE
ET D'ORGANE DE LA JURIDICTION D'INSTRUCTION. -
Le juge d'instruction est, en premier lieu, le magistrat assumant la
direction de l'information dans toutes les affaires d'une certaine impor-
tance. Il est lui-même, à ce titre, officier de police judiciaire.
Le juge d'instruction est, en second lieu, le magistrat chargé
de rassembler les preuves et constituer le dossier judiciaire sur lequel
statueront les juridictions d'instruction et même, dans une certaine
mesure, les juridictions de jugement. Il est, en outre, seul compétent
pour prendre une décision juridictionnelle essentielle : celle de décerner
mandat d'arrêt.
A ces divers titres, il est lui-même organe de la juridiction
d'instruction.
26. - DIFFICULTES ENGENDREES PAR LA DUALITE
DE FONCTIONS DU JUGE D'INSTRUCTION. - L'exercice
de la police judiciaire et celui de la mission juridictionnelle d'instruction
n'obéissent pas aux mêmes règles. Ils relèvent même de deux pouvoirs
différents.
La police judiciaire est un des attributs de l'exécutif et s'exerce
sous l'autorité du ministère public. La juridiction d'instruction a au
contraire pour objet de statuer sur des litiges dans lesquels le ministère
public est partie.
La participation simultanée du juge d'instruction à l'exercice de
la police judiciaire et à celui de la juridiction d'instruction pose. de ce
fait, des problèmes extrêmement complexes dont nous reprendrons
l'examen ultérieurement (cf. infra n° 103).
CHAPITRE III
LE PARTAGE D'ATTRIBUTIONS ET LES RAPPORTS
ENTRE LE JUGE D'INSTRUCTION ET
LE MINISTERE PUBLIC
34
cipe, avons-nous dit (supra n° 1 ). le procureur du Roi exerce l'actiqn
publique, tandis que le juge d'instruction informe ; en pratique, 1e
partage de compétence est loin d'être aussi simple:
D'une part le procureur du Roi, en sa qualité d'officier de police
judiciaire, prend une part extrèmement active à la recherche des in-
fractions et de leurs auteurs ; dans la très grande majorité des affaires,
le juge d'instruction n'est saisi qu'après enquête préliminaire du par-
quet et même de très nombreuses causes ne font jamais l'objet que
d'une information de parquet à laquelle le juge d'instruction ne participe
pas ( 1).
D'autre part, le juge d'instruction n'a pas que des attributions
juridictionnelles ou de police judicaire : Il a aussi une part, très limitée
il est vrai, mais cependant indiscutable, dans l'exercice de l'action
publique elle même : En premier lieu, il lui est permis, lorsqu'il y a
flagrant délit, de mettre lui-même la procédure d'instruction en mou-
vement, ce qui implique le déclenchement de l'action publique; en
second lieu, il suffit qu'il soit requis par le procureur du Roi d'informer
au sujet d'un fait délictueux pour qu'il puisse, non seulement en re-
chercher les auteurs, quels qu'ils soient, mais même inculper ceux-ci (3)
ce qui implique que, s'il ne met pas l'action publique en mouvement,
dans de très nombreux cas il l'oriente, la dirige contre un suspect, ce
qui constitue, à n'en pas douter, une participation à son exercice.
Cette intervention du juge d'instruction dans l'exercice de l'action publique est
d'ailleurs parfaitement compréhensible, historiquement parlant, car elle est de l'es-
sence même du système inquisitorial et les magistrats instructeurs de l'Ancien-Régime
avaient, en ce qui concerne l'action publique, une compétence concurrente de celle
des magistrats du parquet, comme le rappelle d'ailleurs l'ancien adage « Tout Juge
est Procureur général » ( 4) .
35
TION. - Le droit attribué au procureur général de surveiller l'activité
du juge d'instruction trouve son fondement dans l'article 279 du code
d'instruction criminelle ainsi libellé : « Tous les officiers de police
judiciaire, même les juges d'instruction, sont soumis à la surveillance
du procureur général. »
Les articles 280 à 282 déterminent les moyens mis à la disposition
du procureur général à l'appui du droit de surveillance qui lui est ainsi
conféré : En cas de négligence, il peut avertir le juge d'instruction
et cet avertissement est consigné dans un registre spécial ; s'il y a
récidive dans l'année à compter du jour où l'avertissement a été con-
signé, il peut le dénoncer à la Cour qui peut lui enjoindre « d'être plus
exact à l'avenir». Enfin, en vertu de l'article 112 du code d'instruc-
tion criminelle, « L'inobservation des formalités prescrites pour les
mandats de comparution, d'amener et d'arrêt sera toujours punie
d'une amende de cinquante francs au moins contre le greffier, et, s'il y
a lieu, d'injonction au juge d'instruction et au procureur (du Roi),
même de prise à partie s'il y échet. »
Le droit de surveillance conféré au procureur général sur l'acti-
vité du juge d'instruction est loin d'être défini de manière claire et
précise par la loi et a donné naissance à des difficultés considérables
d'interprétation. Cette matière est l'une des plus obscures et des·plus
controversées de notre système d'instruction criminelle.
1° Il apparait incontestablement et il est admis de manière
unanime que le juge d'instruction ne peut être soumis à la surveillance
du procureur général qu'en tant qu'officier de police judiciaire et que
ses attributions juridictionnelles échappent à cette surveillance. En
tant qu'organe de la justice, il est évident que le juge d'instruction ne
relève que de sa conscience. Toute autre interprétation irait gravement
à l'encontre des fondements de notre droit et du principe de la sépara-
tion des pouvoirs. Cette règle qui ne découle pas à l'évidence du codè
d'instruction criminelle, a été affirmée et précisée par l'article 22 de la
loi du 18 juin 1969, lequel dispose que « Les juges d'instruction sont,
quant aux fonctions de police judiciaire, sous la surveillance du pro-
cureur général près la Cour d'appel. »
Mais, comme nous le verrons ( infra n° 103), il est impossible de
diviser les actes du juge d'instruction en deux catégories nettement
distinctes, celles d'actes de police judiciaire et d'actes de juridiction :
Si certains actes sont indiscutablement des actes de police et d'autres
indiscutablement des actes de juridiction, il existe entre ces deux
extrêmes toute une série d'actes intermédiaires qui se rattachent par
certains aspects à la première des fonctions du juge et par d'autres
caractéristiques à la seconde.
Dans la pratique, on a résolu le problème en établissant une clas-
sification, plus ou moins traditionnelle et sanctionnée par la coutume;
nous examinerons cette classification et ses mérites infra n° 103.
36
Bien que nous contestions le caractère scientifique de celle-ci, force
nous est de constater qu'il était fort difficile de procéder d'une autre
manière sur le plan concret.
2° La loi ne définit pag en quoi consiste le droit de surveillance
qu'elle attribue au procureur général. quelle est sa portée et quelles
sont ses limites.
Il est généralement admis que « le procureur général peut exercer
une surveillance continue pendant l'instruction, que sans pouvoir
donner au juge d'instruction des injonctions directes, quant à des de-
voirs qu'il estimerait opportuns, il peut lui demander compte des af-
faires dont il est saisi, lui adresser des observations pour assurer
l'accomplissement de formes prescrites par la loi ou pour prévenir des
erreurs et des irrégularités, ainsi que pour assurer la célérité de
l'instruction » ( Rép. dr. b., v 0 Procédure pénale, n° 47).
Ici encore la coutume a suppléé à la carence des textes; c'est la
pratique des parquets qui constitue le seul guide valable en ce domaine.
particulièrement délicat, des relations entre le procureur général et le
juge d'instruction.
37
c1aires de l'Ancien-Régime. Cette autonomie relative se manifeste
par deux particularités essentielles : Les droits du juge d'instruction
à l'égard de sa propre instruction et le droit reconnu au juge d'instruc-
tion de rejeter par voie d'ordonnance motivée les réquisitions du pro-
cureur du Roi.
( l) Le juge d'instruction ne peut être remplacé que par le tribunal ou son président et uniquement
dans le cas où il est empêché (Loi du 18 juin 1869, art. 23: cf. infra n° 125).
(2) Mais il peut toujours requérir la chambre des mises en accusation d'évoquer l'affaire (instr, 235
et 276) infra n° 172.
(3) C'est en raison de ce caractère de procédure judiciaire qui imprègne toute l'instruction préparatoire
et qui répond d'ailleurs bien à la logique du système inquisitorial que le juge d'instruction ne
peut déléguer le droit dont il est investi, en vertu de sa fonction de décider ou d'ordonner
l'accomplissement d'un acte d'instruction. mais seulement la mission d'exécuter un acte ordonné
par lui : li ne pourrait, par exemple, charger un officier de police judiciaire auxiliaire du procu-
rueur du Roi de déc,em,er un mandat d'arrêt ou d'or.donner une perquisition, mais il peut seule.-
ment charger cet officier d'exécuter une ordonnance.
(4) Cass. 20 mars 1882, Pas. 1883. I. 28.
(5) Juri1;prudence constante.
(6) Lorsque la chambre des mises en accusation fait droit au recours du parquet et annule l'ordonnHnce
querellée. elle peut charger un autre juge d'instruction de terminer l'instruction de l'affaipe
(Gand; Mises ace. 8 novembre 1923: Pas. 1924. IL 33): voy. infra n° 168.
38
souveraine et il ne peut être appelé à rendre compte des raisons qui ont
inspiré cette décision, en dehors et au-delà de la motivation légale
qu'elle comporte.
CHAPITRE IV
(1) Voy, instr. 139 nouveau (A.R. 10 janvier 1935, art. 1"').
(2) Les arrêtés-lois des 26 et 27 mai 1944 et 9 janvier 1945 ont soustrait, à titre exceptionnel et tem~
poraire, un grand nombre de crimes et délits à la compêtence normale des juridictions pénales
ordinaires, e:t, par conséquent, à la compétence du procureur du Roi et du juge d'instructkin pour
en attribuer la poursuite et le jugement aux parquets eu aux juridictions militaires.
(3) Cass. 7 juin 1875; Pas. I. 287 6 décembre 1926; Pas. 1927. I. 97.
(i) Instr. 138.
(5) Voy. avis de M. l'Avocat général Mesdach de t~r Kiele avant Cass. 7 juin 1875 cité.
39
36. - COMPETENCE RATIONE PERSONJE. - « Le pro-
cureur du Roi et le juge d'instruction sont, en principe, compétents pour
rechercher et constater tous les crimes et délits, quelles que soient les
personnes qui les ont commis ou y ont participé. » (Rép. pr. dr. b.,
v Procédure pénale, n° 53.)
0
40
En pratique, il est procédé de toute autre manière : Le juge le plus qualifié, dans
l'intérêt d'une bonne justice, pour mener l'instruction à bonne fin, conserve la direction
de celle-ci et son collègue est, sur réquisitoire du procureur du Roi et rapport,
dessaisi par une ordonnance de la chambre du conseil. Le choix de celui des magistrats
chargé de poursuivre l'instruction se fait par accord des parquets intéressés, au besoin
à l'intervention du ou des procureurs généraux.
41
différentes attribuées à l'expression « compétence ratione loci», nous
réserverons celle-ci pour désigner la compétence territoriale envisagée
au point de vue judiciaire ; quant à la compétence territoriale consi-
dérée comme étendue de la juridiction administrative d'un magistrat,
dans l'exercice de la police judiciaire, nous lui donnerons le nom
de ressort territorial de ce magistrat.
(1) Loi du 7 avril 1919, art. 9 (avec les rêserv~s résultant des al. 2 et 3 de cet article).
42
ce qui entraine parfois des difficultés d'ordre pratique :Le juge d'instruction ne peut
se transporter hors de son arrondissement pour entendre un témoin ou proc.?der à des
constatations. Mais il peut charger un de ses auxiliaires, un officier judiciaire du
parquet, d'accomplir une telle mission (1) (2). Si, au cours de son enquête, cet
officier doit procéder à une perquisition, il doit solliciter le juge d'instruction dont il
est le délégué de mandater le juge d'instruction de l'arrondissement où doit avoir lieu
cette perquisition de lui donner pouvoir de procéder à la visite domiciliaire (3) néces-
saire.
(l) L'autorisation du procureur gtnêral est, cependant ntcessaire pour procéder de cette snan\êre
(art. 3, al. 2 et 9, al. 2 de la loi du 7 avril 1919): il ne s'agit là, toutefois, que d'une diposition
d'ordre intérieur et l'absence d'autorisation n'entraîne aucune nullité de procédure (Cass.
15 fêvrier 1926 Pas. 1. 212: Rev. dr. p. 397).
(2) Loi du 7 avril 1919. art. 9 et 10.
(3) Instr. 90.
(1) Voy. infra n• 119.
(5) Voy. infra n• 77.
(6) Voy. infra n• 86.
(7) Il doit cependant, en pareil cas, transmettre à son collègue compêb!nt tous J,es êlé-m.ents <1u'JI
a pu réunir (instr. 29).
(8) Cette facultê implique même, à notre sens, le droit de requtrir le juge d'instruction de son
arrondissement d'ouvrir une information à ce propos, quitte à provoquer au besoin ultérieurement,
par accord des parquets intéressês, le dessaisissant de l'un des magistrats instructeurs saisis (voy.
infra n• 12).
43
étant d'ordre public ( 1); ce principe s'étend-il aux organes de l'infor~
mation, de l'instruction et de l'action publique?
Le juge d'instruction est un membre du tribunal de première instan-
ce ; sa saisine entraîne celle de la chambre du conseil ; elle implique
la mise en mouvement de l'action publique: Dès lors, il paraitrait
normal que la compétence du juge d'instruction soit, elle aussi, d'ordre
public.
De même, le procureur du Roi, qui n'est habilité à exercer ses
fonctions qu'auprès du tribunal de première instance auquel il est
attaché ne peut ni saisir valablement ce tribunal d'une infraction
échappant à la compétence de celui-ci, ni saisir un autre tribunal
compétent en l'espèce : Il semblerait donc que la compétence du procu-
reur du Roi soit également d'ordre public.
Cependant, la jurisprudence en a jugé autrement et elle a estimé
que seule la compétence ratione materire du procureur du Roi et du
juge d'instruction était d'ordre public, tandis que la compétence ratione
loci et la compétence ratione personre n'avaient pas ce caractère ( 2).
Cette opinion jurisprudentielle entraîne deux conséquences fon ...
damentales :
1° Les actes d'information, d'instruction ou de poursuite accomplis
par un procureur du Roi ou un juge d'instruction incompétents ratione
loci ou ratione persona::, mais non ratione materire, ne sont pas nuls
et ils peuvent valablement servir de base à des poursuites ultérieures
ou interrompre la prescription ( 3).
Cette règle est, notamment. appliquée lorsqu'une juridiction s'aperçoit qu'elle
est incompétente ratione loci ou ratione personre: En pareil cas, s'il s'agit d'une
juridiction d'instruction, elle rend une ordonnance dessaisissant le juge d'instruction
et les pièces constituant le dossier d'information et d'instruction sont renvoyées à l'of-
ficier du ministère public supposé compétent ; s'il s'agit d'une juridiction de jugement,
elle constate son incompétence, et, après règlement de juges éventuel par la Cour
de cassation, le pièces sont également renvoyées à l'officier du ministère public com-
pétent (4). Ce renvoi n'est légitime que parce que les procédures d'information et
d'instruction, bien qu'émanant de magistrats incompétents ratione loci ou ratione
personre, sont cependant considérées comme valables : Dans le cas contraire, elles
devraient être annulées.
2° Le procureur du Roi et le juge d'instruction ne peuvent, à peine
de nullité, informer ( 5), poursuivre ou instruire à raison de contra ...
ventions (6).
44
Il y aurait, toutefois, exception à cette règle dans l'une des trois éventualités
suivantes:
1° Si une infraction, initialement considérée comme un délit, se révélait, au
terme ou au cours de l'instruction, n'êti;e qu'une simple contravention.
2° Si d'un délit et d'une contravention connexes, soumis à la même instruction,
seule la contravention apparaissait établie.
3°. Si un délit apparaissait, après instruction, et en raison de circonstances atté-
nuantes, ne mériter que des peines de police.
Dans chacune de ces trois éventualités, la mise à l'instruction de la cause aurait
été parfaitement régulière et la saisine du juge d'instruction absolument valable ;
dès lors, la légitimité des actes accomplis par lui serait évidente. En pareil cas, après
clôture de l'instruction, la chambre du conseil renverrait l'inculpé devant le tribunal
de police compétent ( 1).
45
,dés lors, il est normal que le procureur du Roi de Bruxelles puisse requérir le Juge
d'instruction de cette ville d'ouvrir une information et de décerner sur le champ le
mandat indispensable.
Cependant, pour quel motif établit-on une différence essentielle entre la com-
pétence ratione materire, d'une part, et la compétence ratione loci et ratione personre,
d'autre part, au point de vue du caractère d'ordre public de ces troi• ..:ompétences 7
Le caractère d'ordre public de la compétence ratione materire peut se justifier
par trois motifs principaux :
1° Le procureur du Roi et le juge d'instruction ne sont légalement chargés que
de la recherche et de la poursuite des crimes et délits et la loi confie spécialement la
,:,oursuite des contraventions à l'officier du ministe-re public prés le tribunal de police:
Y e procureur du Roi et le juge d'instruction n'ont aucun titre légal à procéder en
ce domaine ( 1).
2° Le procureur du Roi et le juge d'instruction possèdent des moyem d'investi-
gation très puissants (droits de perquisition, de saisie, d'expertise) que le législateur
n'a pas voulu rendre applicables sans restrictions aux infractions de police, en
raison de la faible gravité de celles-ci; il est donc impossible d'admettre que le
juge d'instruction puisse faire usage de ses pouvoirs à ce propos.
3° Aucune confusion n'est possible entre la recherche des éléments d'un délit et
celle des éléments d'une contravention ; même si le fait sur lequel portent les investi-
gations se révèle, à l'expérience, être d'une autre nature qu'il était apparu tout
d'abord, si, par exemple, un délit supposé se réduit au rang de simple contravention,
les recherches effectuées dans le but de recueillir les éléments d'un délit restent vala-
bles., car elles avaient une cause légitime, même si elles n'ont pas abouti au résultat
escompté, et les renseignements obtenus peuvent servir de base à des poursuites ré-
gulières devant la juridiction compétente (2) (3).
Toutefois, s'il se conçoit qu'une instruction régulière ne puisse être requise à pro-
pos d'une contravention, il apparait, en revanche, surprenant que le procureur du
Roi ne puisse, éventuellement, ouvrir une simple information : En effet, celle-ci
ne diffère ni dans ses formes, ni dans ses moyens d'action, de l'information à laquelle
peut procéder l'officier du ministère public prés le tribunal de police; l'une et l'autre
sont des procédures administratives et le procureur du Roi, en tant qu'officier
de police judiciaire, a le droit de recueillir des renseignements à propos de toute
infraction parvenant à sa connaissance (4). En outre, le procureur du Roi exerce
l'action publique en matière contraventionnelle en degré d'appel; or, la nécessité
de procéder à des devoirs d'information peut se manifester jusqu'au prononcé du
jugement définitif. Il nous semble donc que, contrairement à la thèse généralement
admise, il n'y a pas, lieu d'attribuer au droit d'information du procureur du Roi un
caractère restrictif, en vertu duquel il ne pourrait s'étendre aux infractions de po-
lice (5).
(1) Nous retrouvons ic:i un état de fait déjà examiné antérieurement (n° 16) à propos des attributions
du procureur général.
(2) Il semblerait logique, au cas où un délit supposé se révèlerait n'Utt qu'une contravention, de
provoquer le dessaisissement du juge d'instruction par la chambre du conseil et de renvoyer les
pièces à l'officier du ministère public près le tribunal de police compétent. 11 n'est, toutefois,
pas procédé de œtte manière, car, en vertu de l'art. 129 du code d'instruction criminelle.
lorsque le fait s"avêre n'être qu'une contravention de police, la thambre du conseil renvoie
l'inculpt directement au tribunal de police.
(3) En vertu des principes énoncés ci-dessus, le juge d'instruction ne peut jamais être requis valable-
ment d"informer au sujet d'une contravention (ou, temporairement, par application des errltfs
des 26 et 27 mai 1914 et 9 janvier 1915, au sujet d'un délit relevant de la compttence des
juridictions militaires): mais s'il est requis d'informer au sujd d'un délit de sa compétence et que
son instruction révèle que les faits ne constituent, en réalité. qu"une contravention (ou étaient
un dêtft r.elevant de la compêt-ence des juridictions militaires), son instruction est parfaitement
valable et peut servir de base à des poursuites régulières ultl:rieures devant la juridiction
compétente (voy. Gand, Mises en ace. 3i) jan. 1916 J.T. 197: Cass. 14-1-1946; Pas. 1. 22).
(1) Voy. Infra n• 131.
(5) Voy. note -t sous Cass. 6 déc. 1926. Pas. 1927. I. 97; Beltjens Encycl. code d'instr. crlm.
art. 22, n• 6.
46
43. - CARACTERE D'ORDRE PUBLIC DES REGLES RE-
LATIVES AU RESSORT TERRITORIAL DU PROCUREUR
DU ROI ET DU JUGE D'INSTRUCTION. - Le procureur du
Roi et le juge d'instruction n'exercent leurs fonctions que dans l'arron-
dissement judiciaire où ils sont établis, ce qui implique qu'en dehors
des limites de celui-ci ils cessent de jouir des prérogatives attachées
à leur mission; il n'y a d'exception à cette règle que si la loi prévoit
-expressément une prorogation de compétence, ce qui ne se produit que
très rarement ( 1 ) .
Comme la qualité d'officier de police judiciaire attribuée à ces
magistrats n'est qu'une conséquence de leur qualité de procureur du
Roi ou de juge d'instruction, il est évident qu'elle disparait également
lorsque ces magistrats cessent d'exercer leur fonction principale; dès
lors, les règles relatives au ressort territorial sont nécessairement
d'ordre public, puisque le procureur du Roi et le juge d'instruction
sont, en dehors de leur ressort, privés des prérogatives leur permettant
d'informer. Il nous faut donc admettre qu'un acte d'instruction accompli
par le procureur du Roi ou le juge d'instruction hors de son ressort est
nécessairement nul.
Cependant, il ne faut pas perdre de vue que le droit de recueillir des renseigne-
ments u'est pas un attribut de la fonction de police judiciaire: Toute personne peut
poser des questions aux témoins disposés à lui répondre, recueillir les déclarations
icrites de ceux-ci et les transmettre à l'officier du ministère public compétent (2).
Ce n'est donc pas l'information obtenue par un officier de police judiciaire agissant
hors de son ressort qui peut être considérée comme sans valeur, mais l'acte
que dresse cet officier et dans lequel il relate les renseignements obtenus, c'est-à-dire
lé procès-verbal qu'il établit dans des circonstances où il n'avait pas qualité pour
verbaliser. C'est pourquoi, la Cour de cassation admet que la nullité du procès-verbal
n'implique pas nécessairement la nullité des renseignements qu'il contient et tient pour
valable l'utilisation de ces renseignements tant à l'instruction qu'au procès (3).
Enfin, l'officier verbalisant peut éventuellement être cité comme témoin (4). Toutefois,
il en serait autrement si les renseignements obtenus l"avaient été par l'emploi de me-
sures de contrainte que seul un officier compétent pouvait ordonner ou utiliser
(perquisitions, saisies, etc.) En pareil cas, l'acte tout entier est frappé de nullité
et ne peut servir de preuve (5).
CHAPITRE V
47
l'institution du juge d'instruction et le rôle joué par ce magistrat au
côté du procureur du Roi. Nous abordons, maintenant, l'étude des
auxiliaires du ministère public, grâce auxquels celui-ci peut exercer
sa mission de rechercher les infractions, les preuves de celles-ci et leurs
auteurs.
Ces auxiliaires sont les officiers et agents investis d'attributions
de police judiciaire. Ces officiers et agents ne jouent aucun rôle dans
la poursuite des infractions, dans l'exercice de l'action publique ; en
revanche, ils apportent une participation essentielle à la recherche des
infractions, à l'information.
Tout notre système répressif est fondé sur le monopole légal attribué aux
officiers du ministère public, sensu stricto, dans l'exercice de l'action publique. II en
résulte qu'un simple officier de police ne peut poursuivre un délinquant devant· 1es
tribunaux. Il en va autrement dans les pays anglo-saxons, où domine le principe du
libre exercice des poursuites publiques par tout particulier ( 1). En pratique, ce
sont surtout les représentants de la police qui exercent ce droit, mais, en revanche,
même les simples « constables » en font couramment usage. Les deux méthodes ont
leurs avantages et leurs inconvénients : La nôtre assure plus de circonspection dam,
la mise en œuvre des poursuites, mais en revanche, elle impose, pour les petites
infractions, une procédure plus complexe. La formule anglo-saxonne, au contraire,
permet de traduire immédiatement devant le tribunal les petits délinquants et d'ap-
pliquer à ceux-ci, avec le minimum de formes et le maximum de diligence, la peine
légère qui sanctionne leur faute.
Les auxiliaires du ministère public en matière de police judiciaire
sont essentiellement : a) les officiers et agents de la police judiciaire
des parquets ; b) les commissaires, commissaires-adjoints et agents des
corps de police communale et c) les officiers, sous-officiers et membres
du corps de gendarmerie. Ces trois organismes de police constituent
l'ossature de la police judiciaire et leur compétence d'information
s'étend à toutes les infractions.
A côté d'eux, de nombreux magistrats, officiers et fonctionnaires
sont chargés, par diverses lois, de prêter leur concours à la recherche
des infractions, de leurs auteurs et des preuves de culpabilité ; certains
de ces auxiliaires du ministère public jouissent d'une compétence
générale : Ce sont les juges de paix et les bourgmestres ; mais leur
participation à l'exercice de la police judiciaire est beaucoup plus théo-
rique que pratique; d'autres assurent des services spécialisés de police
judiciaire: Inspecteurs de police des chemins de fer, de l'aéronautique,
commisaires maritimes, gardes champêtres et forestiers; Enfin, de
nombreux agents de l'Etat, des provinces, des communes, voire de
certains particuliers sont chargés par certaines lois de rechercher et
de constater des infractions déterminées ( 2).
( 1) Voy. supra no ~-
(2) Les gouverneurs de province ne possèdent, chez nous, aucun pouvoir de police judiciaire :
L'article JO du code d'instruction criminelle, qui donnait Je droit aux préfets des départe ...
ments d au préfet de police à Paris de « faire personnellement ou requérir les officiers de
police judiciaire, chacune en ce qui le concerne. de faire tous actes nécessaires à l'effet de
constater les crimes, délits et contraventions et d'en livder les auteurs aux tribunaux chargés de
les punir, conformément à l'article 8 » a été: implicitement abrog~ chez nous. En France, au Côn--
traire, cet article. bien que sérieusement atténué, a résisté à toutes les attaques· dont il fut ]'objet
et est encore maintenu actu~l:leme-nt dans son principe. Cete disposition, qui rendait possible
l'immixion des autorités administratives de l'Etat dans les attributions du ministère public, if(ait
absolument incompatible avec un principe fondamental de notre organisation judiciaire : Celui de
l'indépendance du ministèr~ public à l'égard de l'administration (v'>y. supra n° li).
48
SECTION I"
Les services généraux de police judiciaire
PAR. t••
LA POLICE JUDICIAIRE DES PARQUETS
49
relèvent de l'autorité administrative ordinaire (Ministre de l'Intérieur, préfets,
préfet de police) et sont seulement mis à la disposition des parquets. La mème
situation se rencontre dans la plupart des pays européens, dont la procédure
pénale est issue du code d'instruction criminelle. En Angleterre également, à Londres
du moins, la police relève de l'autorité administrative ordinaire, représentée par le
Ministre de l'Intérieur (Home Secretary). Cependant, la police métropolitaine
(Scotland Yard) constitue, en fait, un véritable corps autonome jouissant d'une
indépendance comparable à celle de nos parquets. En outre, en vertu du système
anglais, la poursuite des infractions incombe normalement à la police ; dès lors,
la dualité entre les organes de direction et les organes d'exécution de la police judi-
ciaire, propre au système français, ne se rencontre pas dans les institutions anglaises ;
en d'autres termes, l'unité se réalise, outre-Manche, au sein de la police, tandis
qu'elle se produit, en Belgique, au sein des parquets. Les deux conceptions sont égale-
ment défendables, tandis que le rattachement des services de police judiciaire
à l'autorité administrative ordinaire et leur séparation des organes du ministère
public crée une situation anormale qui entraine une manque de coordination inévi-
table dans l'exercice de la police judiciaire ( 1).
50
Les officiers et agents judiciaires des parquets sont les auxiliaires
normaux du procureur du Roi et du juge d'instruction. Les autres
autorités de police (police communale, gendarmerie) conservent, néan-
moins, leurs attributions traditionnelles, et, en fait, très importantes,
en matière d'information. Toutefois, en cas de concours, la police
judiciaire des parquets assume la direction des opérations ; elle peut,
d'autre part, s'assurer l'assistance de tous les autres services de
police ( 1).
51
dant, que d'une disposition d'ordre intérieur et l'absence d'autorisation
n'entraîne aucune nullité de procédure (1) (2).
c) Le territoire national. Les officiers et agents investis d'un
mandat expres du procureur général peuvent exercer leurs fonctions
dans le ressort d'une autre Cour d'appel (3). Il s'agit là d'une véri-
table prorogation de compétence trouvant sa source dans un ordre
écrit ; par conséquent, le défaut de celui-ci entraîne la nullité des
actes accomplis hors du ressort territorial légal de leur auteur. La loi
requiert même l'existence d'un mandat spécial pour chaque ressort
de Cour d'appel différent dans lequel les recherches doivent être
étendues ( 4). Un officier judiciaire gantois devant procéder à des
investigations à Charleroi et à Namur doit être autorisé à exercer
ses fonctions dans le ressort de la Cour d'appel de Bruxelles et dans
celui de la Cour d'appel de Liège. Le procureur général ayant délivré
le mandat en avise immédiatement son collègue du ressort où doivent
être exécutées les recherches prescrites ( 5).
Il arrive, enfin, qu'un officier judiciaire soit envoyé en mission à l'étranger.
Mais il est bien évident qu'en pareil cas, s'il lui est permis de recueillir des
renseignements, en collaboration avec les autorités étrangères compétentes, son
intervention ne peut cependant avoir qu'un caractère strictement officieux.
52
PARQUETS (1). - La loi du 7 avril 1919 a institué des officiers et
des agents judiciaires. « Les officiers sont nommés et révoqués par le
Roi. Les agents judiciaires sont nommés et révoqués par le Ministre de
la Justice» (art. 2). « La résidence des officiers et des agents judiciaires
est fixée par le Ministre de la Justice. Toutefois, le procureur général
peut les détacher momentanément dans les localités de son ressort où il
jugerait leur concours utile au service de la police judiciaire » ( art. 3).
Les officiers et agents judiciaires sont répartis par cours d'appel et ar~
rondissements judiciaires.
« Les officiers judiciaires ont qualité d'officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur du Roi ( voy. infra n°• 69 et ss.). Ils ont les
pouvoirs et les attributions que les lois reconnaissent aux commissaires
de police en qualité d'officiers de police judiciaire auxiliaires du pro~
cureur du Roi » (Art. 8, al. ter et 2). « Les officiers judiciaires ont
le droit de requérir, dans l'exercice de leurs fonctions, l'assistance de
la force publique et celle des officiers de police judiciaire autres que les
juges de paix et leurs suppléants, les procureurs du Roi, leurs substi~
tuts et les juges d'instruction. Les fonctionnaires ou agents requis
sont tenus d'obéir à ces réquisitions et d'assurer, s'il y a lieu, pour
leur exécution, le concours des fonctionnaires ou agents sous leurs
ordres. » ( art. 12). Parmi les officiers judiciaires existent les grades
suivants : Officier commissaire général aux délégations judiciaires ;
officier commissaire en chef aux délégations judiciaires ; officier corn~
missaire principal aux délégations judiciaires ; officier commissaire
aux délégations judiciaires, officier judiciaire ( 2).
L'officier commissaire général aux délégations judiciaires réside
à Bruxelles. Il assume, sous le contrôle des procureurs généraux, la
direction administrative de la police judiciaire des parquets.
Il a, notamment, dans ses attributions :
« 1°) L'administration et la direction du Bulletin central des signalements, la
direction du Bureau central de documentation nationale et internationale de police
criminelle ;
2°) La coordination des communications et rapports entre les brigades de polices
judiciaires et le Bureau central de documentation ;
3°) Sous la direction des procureurs généraux près les Cours d'appel. la
liaison entre les polices judiciaires près les parquets pour l'exécution des devoirs qui
lui seront indiqués.» (Arr. royal du 20 octobre 1936, art. 2.)
Il existe, dans chaque arrondissement où sont établis plusieurs
officiers judiciaires, un officier dirigeant ( commissaire en chef dans
les grands centres) chargé d'assurer, sous l'autorité immédiate du pro~
cureur du Roi, l'organisation du service et la répartition des affaires(2).
Pour des raisons d'ordre pratique, les juges d'instruction et les substituts du
procureur du Roi ne chargent pas personnellement un officier déterminé de procéder
aux actes de police judiciaire requis. Ils transmettent leurs réquisitions à l'officier
dirigeant qui désigne celui de ses subordonnés appelé à les exécuter ( 3).
Les agents judiciaires assistent les officiers judiciaires dans l'exer~
(1) Voy. A Caron. La police judiciaire, n°• 97 et ss.
(2) Arrêté royal du 20 octobre 1936, art. 2.
(3) Voy. Mercuriale de M. le Procureur général Servais. 1921 (J.T. col. 584): Cass. 25 novembre 1940;
Pa&. 1. 303.
53
cice de leurs fonctions. Ils ne sont pas officiers de police judiciaire
auxiliaires du procureur du Roi, à l'exception des agents inspecteurs
judiciaires principaux, commissionnés à cette fin par le procureur
général (1 ). Ceux-ci n'ont, toutefois, pas, comme les officiers judi-
ciaires, les pouvoirs et les attributions reconnus aux commissaires de
police et ils ne possèdent pas non plus le droit de requérir l'assistance
de la force publique ou celle des autres officiers de police judiciaire.
En dehors des agents inspecteurs principaux, il existe des agents
inspecteurs et des agents.
La police judiciaire de parquets possède, dans les principaux
arrondissements, des laboratoires de police scientifique ( 2).
« Il est institué au sein de la police judiciaire un service radio-
technique comprenant une installation d'émission-réception centrale
et un laboratoire technique à Bruxelles et une installation d'émission-
réception dans chaque brigade. » (Arr. du Régent du 17 mars 1949,
art. ter ; Mon. 15 avril 1949.)
« Les officiers et agents judiciaires peuvent être chargés par
le procureur du Roi de l'exécution des mandats d'amener et d'arrêt
et des ordonnances de capture. » ( Loi du 7 avril 1919, art. 11.)
« Les chefs des administrations locales ou leurs délégués sont
tenus de fournir aux officiers et agents judiciaires, verbalement ou
par écrit, si ceux-ci le requièrent, tous les renseignements nécessaires
à l'accomplissement de leur mission.
» Les officiers judiciaires munis d'un mandat expres du procureur
du Roi ou du juge d'instruction ont, pour l'exécution de ce mandat,
accès dans les bureaux de l'administration communale et faculté de
consulter, sans déplacement, tous les registres et documents que pos-
sède la police administrative locale.
» Le même droit leur est reconnu en cas de crime ou délit flagrant.»
(art. 13.)
« Avant leur entrée en fonctions, les officiers judiciaires prêtent
serment entre les mains du procureur général. Les agents judiciaires
prêtent serment entre les mains du procureur du Roi auquel ils sont
subordonnés. » ( art. 4.)
« Les traitements des officiers et des agents judiciaires ainsi que
leurs menues dépenses sont à la charge de l'Etat. » ( art. 5.) « La hiérar-
chie, l'uniforme et les insignes des officiers et des agents judiciaires,
les peines disciplinaires dont ils peuvent être l'objet, leurs frais de
route et de séjour sont réglés par le Roi. » ( art. 6.)
( 1) Arrêté-loi du Ier février 1947, art. 1e•.
(2) Arrêté royal du 20 janvier 1951, art. 1er, Ces laboratoires sont appelés à fournir les travaux
suivants: « 1°) La dactyloscopie; 2°) Toutes les recherches photographiques, macrophotographi ..
ques d microphotographiques y compris la photographie dans l'infra-rouge et l'ultra-violet:
3°) Les identifications d'empreintes de toutes sortes; 4°) La balistique courante; 5°) Les recher-
ches portant sur l'analyse de fibr-es, de verre, de teintures, de couleurs, etc.: 6°) L'expertise en
écritures: 7°) Des recherches spectrographiques. » (Rapport au Prince Royal prér:êdant l'arrêté
précité). L~ cadre du personnel technique de ces laboratoires comprend des chefs de laboratoire
ayant la qualité d'officiers judiciaires, ainsi que des opérateurs principaux, opérateurs et opérateurs
à l'essai ayant la qualité d'agents Judiciaires (art. ter), Le ch.ef du laboratoire de Bruxel~s
exerce les fonctions de conseiller scientifique auprès de tous les laboratoires du pays (art. 2),
54
50. - LA POLICE JUDICIAIRE FEMININE. - La loi du
21 août 1948 a créé en Belgique la police judiciaire féminine. Son
article 8, 1 modifie l'article 1er de la loi du 7 avril 1919 de manière à
permettre l'institution d'officiers et d'agents judiciaires de l'un ou
l'autre sexe.
« Les officiers et agents judiciaires féminins ont les mêmes droits
et attributions que les officiers et agents judiciaires masculins. De plus,
ils sont spécialement chargés de la recherche des infractions contraires
aux mœurs, dont des femmes ou des enfants sont auteurs, victimes ou
témoins.» ( Loi du 21 août 1948. art. 8, 2, complétant l'article 8 de la loi
du 7 avril 1919.)
« Les officiers et agents judiciaires féminins attachés à une brigade
de police judiciaire près les parquets forment une section de police
judiciaire féminine dirigée par un officier ou agent judiciaire féminin.
Celui-ci relève immédiatement de l'officier dirigeant la brigade ou du
commissaire principal désigné par lui. Il reçoit par son intermédiaire
les devoirs prescrits par les magistrats de l'ordre judiciaire et lui
transmet les procès-verbaux et rapports. (Arrêté royal du 28 jan-
vier 1953, art. 6.)
PAR. 2
LES CORPS DE POLICE COMMUNALE
51. - GENERALITES. - L'ORGANISATION DE LA PO-
LICE JUDICIAIRE A L'ECHELON LOCAL ET LE PROBLEME
DE LA CENTRALISATION. - L'institution, dans toutes les villes
et communes importantes, de corps de police locaux est une conséquen-
ce du principe traditionnel de l'autonomie communale. La police com-
munale a pour tâche première le maintien de l'ordre et l'exécution des
arrêtés et règlements administratifs. Mais elle joue également un
rôle fondamental dans la recherche et la constatation des infractions,
c'est-à-dire en matière de police judiciaire. Pour tout ce qui se rap-
porte à celle-ci, elle est mise à la disposition du procureur du Roi ( 1)
et placée sous la surveillance du procureur général ( 2) ( 3).
Au contraire de la police judiciaire des parquets, la police com-
munale ne possède qu'un ressort territorial extrêmement restreint:
En raison de son caractère d'institution communale, ses pouvoirs ne
peuvent, logiquement, s'exercer que sur le territoire de la commune elle-
même (4) (5).
L'organisation de services de police judiciaire sur le plan local
est aussi indispensable que celle de services appelés à opérer sur un
(l) Loi du 7 avril 1919, art. JO.
(2) lnstr. 279.
~3) Toutefois, par suite d'unie regrettable lacunr: de la loi. seuls les officiers de police judiciaire,
c'est~à~dire les commissaires de police et leurs adjoints sont soumis à la surveillance de ce !laut
magistrat et les simples a~nts y échappent en théorie. En pratique, bien entndu, compte tenu de
la subordination hiérarchique des agents aux officiers de police, le procureur général exerce sa
surveillance sur l'ensemble de l'activité de police judiciaire de la police communale.
(4) Voy. lnstr. 12.
(5) Toutefois, les commissaire et agents de police d'une commune peuvent. sur la proposition des
conseils communaux intéressés, être autorisés par Je gouverneur de la province à exercer, à titre
d'auxiliaires, leurs attributions dans les communes limitrophes (voy. loi communale, art. 127bis,
loi du 30 janvier 1924),
55
plan extensif, car elles répondent l'une et l'autre à des exigences dif-
férentes mais également essentielles du travail d'information : La po-
lice doit pouvoir jouir de la même liberté d'action dans l'espace que les
criminels qu'elle recherche ; mais elle doit également soumettre chaque
portion du territoire à une surveillance constante ( 1). Cependant, cette
règle n'implique pas nécessairement que les services locaux doivent
être indépendants des services généraux et relever des autorités
locales. Dall'S la plupart des pays se manifeste une tendance irrésistible
à la centralisation, considérée comme un moyen d'aboutir à une plus
grande coordination.
En Angleterre, la police est entièrement centralisée et étatisée dans la regmn
de Londres (Scotland Yard) depuis plus d'un siècle. En province, seuls les grands
centres possèdent un corps de police autonome, tandis que le reste du territoire est
soumis à la surveillance de gendarmeries provinciales (county police). Celles-ci
absorbent de plus en plus les corps autonomes subsistant encore.
En France, la police parisienne est étatisée depuis l'Empire (Préfecture de
Police). L'organisation du reste du territoire, jadis semblable à la nôtre, est unifiée
et étatisée graduelk·ment, par l'absorption des polices locales des grands centres,
d'abord, des centres moyens ensuite, dans des corps départementaux de police d'Etat.
Aux Pays-Bas, seules les grandes villes possèdent encore des polices com-
munales, l'étatisation étant effective partout ailleurs.
Au Grand-Duché de Luxembourg, les polices locales sont étatisées.
Cette évolution n'a trouvé aucune correspondance chez nous ( 2).
La division par communes reste si radicale que Bruxelles, par exemple,
possède 19 polices communales autonomes, sans compter celle de la
ceinture extérieure. La même situation se retrouve dans tout le pays.
La centralisation étatique aux dépens des communes est une solution
envers laquelle notre esprit national manifeste une répugnance tra-
ditionnelle. Il n'est pas certain, d'ailleurs, qu'elle soit nécessaire,
voire même simplement souhaitable. Cependant, elle pourrait s'avérer,
un jour. inévitable, si l'indépendance locale se révélait un obstacle
insurmontable à une coordination raisonnable. Or, celle-ci reste
insuffisante, malgré certaines tentatives ( 3).
(1) La police locale est spécialement armée pour accomplir trois tâches :
a) L'intierv-ention immédiate lorsqu,e une infraction, qudLe qu'e.ll.e soit a été commise. Les
officiers et agents locaux sont, normal~ment toujour~ les premiers sur les lieux : C'est donc
à eux qu'incombe la pr.e-mière enquête sommair,e ( constatations, audition des témoins se trouvant
sur place). Ce sont également eux qui, en raison de leur plus grande proximité des justiciahles.
reçoivent le plus de plaintes et de dénonciations et procèdent habituellement aux premières Véri~
fications.
b) La surve:iltanC'~ constantie. dt sa circonscription. Les officiers locaux connaissent bien
leur circonscription et ses habitants : Ils sont donc les plus aptes à découvrir toute anomalie. tout
élément suspect qui peut men·er sur la voie des aut.eurs d'un crime ou d'un délit dont r~nquête
directe a été impuissante à élucider les circonstances,
c) Les enquêtts Nlativ,es aux infractions restreint~ au miliie:u local. Certaines infractions
sont essentie!lement liées au milieu local : TeHes sont. notamment, la plupart des contraventions,
les affaires d'ivresse publique, de rixe, d'infidélité conjugal,e, etc. La plupart des témoins ~t
suspects résident sur place, l'enquête ne doit guère s'étendre hors du cadre local.
(2) Abstraction faite, bien entendu, du rôle traditionnd joué par la gendarmerie en tant que police
locale des districts ruraux.
(3) Certaines communes ont usé de la faculté qui leur est accordée par l'art. 127bis nouveau de !a
loi communale et ont autorisé leurs commissaires et agents respectifs à exercer leurs fonctk,ns,
à titre d'auxiliaires. sur leurs territoires respectifs. Mais en pratique, même lorsqu'il existe un
accord intercommunal. ce qui n'est pas toufou.rs le cas, l'intervention des fonctionnaires de !a
police communale hors de leur ressort traditionnel rest•e exc·eptionnelle, limitée aux cas d'urgencè
et n'est jamais organisée systématiquement de manière à aboutir à une coordination du travail
des différents corps de police : Il arrive, par exempl,e. qu'un officier communal dresse procè's-verbat
lorsqu'il est requis de constater d'urgence, un accident de roulage survenu dans une çommune:
56
52. - L'ORGANISATION DE LA POLICE COMMUNALE.
L'organisation de la police communale est sujette à de nombreuses
variations, vu les différences énormes d'importance et d'effectifs entre
les divers corps et les différences de conceptions pouvant exister entre
les autorités communales indépendantes dont ces corps relèvent. Elle
comporte, cependant, les éléments généraux suivants :
a) Le commissaire de police. Ce fonctionnaire communal est nom-
mé par le Roi, sur une liste de deux candidats présentés par le conseil
communal. auxquels le bourgmestre peut en ajouter un troisième ( 1).
Les candidats doivent réunir certaines conditions de capacité, consta-
tées par un examen ( 2).
Le commissaire de police assume la direction de la police com-
munale. Il est officier de police judiciaire ( voy. infra n° 69 et ss.).
En matière de police judiciaire, il ne relève que du procureur du Roi
et du procureur général ( 3). Le bourgmestre n'est officier de police
judiciaire que dans les communes où il n'y a pas de commissaire de
police. et dans les cas où celui-ci est absent ou empêché ( 4).
Dans les communes importantes, la police est répartie en divisions
territoriales, placées chacune sous la direction d'un commissaire. L'en-
semble des divisions est alors soumis à l'autorité d'un commissaire en
chef désigné par le bourgmestre, sous l'approbation du gouverneur,
pour une durée d'un an (5).
Le ressort territorial des commissaires de police s'étend à toute
l'étendue de la commune et non à celle de leur division. Celle-ci ne
limite ni ne circonscrit leurs pouvoirs respectifs, mais indique seulement
les termes dans lesquels chacun d'eux est plus spécialement astreint
à un exercice constant et régulier de ses fonctions ( 6).
Lorsque l'un des commissaires de police d'une même commune se
trouve légitimement empêché, celui de la division voisine est tenu
de le suppléer, sans qu'il puisse retarder le service pour lequel il
est requis, sous prétexte qu'il n'est pas le plus voisin du commissaire
empêché, ou que l'empêchement n'est pas légitime ou n'est pas
prouvé (7).
Dans les communes où il n'y a qu'un commissaire de police, s'il
se trouve légitimement empêché, le bourgmestre, ou, à défaut de celui-
ci, un échevin le remplace, tant que dure l'empêchement.
limitrophe, mais il est très rare qu'un officier d'une commune, au cours d'une enquête ~ormaie,
entende les témoins résidant dans la commune voisine, même s'il est habilité à exercer ses fonctions
s.ur le territoire de celle--ci.
(1) Loi communale, art. 123. al. 1 et 2; la loi prévoit différents remèdes en cas d'inertie des autorités
communales ou si les candidats n'offrent pas de garanties suffisantes ( voy. loi communale, art. 124).
(2) Arrêté royal du 6 mars 1935, modifié le 13 septembre 1935.
(3) Voy, Rép. Dr. b .. V• Commune, n• 1971. Séance Ch. Représentants, 13 déc. 1887. Ann. pari.
Ch. p. 245 Hellebaut, 772.
(4) Arrêté royal du 19 août 1819, Brux. 12 avril 1873, Pas. II. 230: B.J. col. 581. Cass. 30 juin 1913,
Pas. I. 361: P.P. 1914, 28: Rev. dr. pén. 1913, 733.
(5) En thé.orle; loi communale art. 126. Arr. roy. du 14 août 1933.
(6) lnstr. 12.
(7) lnstr. 13.
57
b) Les commissaires-adjoints. Ces fonctionnaires sont nommés par le
conseil communal, sous l'approbation du gouverneur ( 1). Les con-
ditions de capacité exigées sont les mêmes que pour les commissaires.
Ils sont officiers de police judiciaire ( voy. infra n°" 69 et ss.) et
exercent, en cette qualité, sous l'autorité des commissaires de police,
les fonctions que ceux-ci leur ont déléguées ( 2).
A la différence des officiers judiciaires des parquets, qui, quel que soit leur
grade, exercent leurs fonctions en vertu de leur qualité d'officier, les commissaires-
adjoints de police n'exercent les leurs que par délégation du commissaire, et, lorsque
celui-ci est lui-même délégué par le procureur du Roi ou le juge d'instruction, en
vertu d'une subdélégation. Cette distinction est importante, car la loi peut interdire
cette délégation ou subdélégation dans certains cas (3).
58
le règlement général sur la police du roulage, ou, en général. par
toutes les lois leur attribuant le droit de constater des infractions dans
des procès-verbaux ( 1). En pratique, ils sont habituellement asser-
mentés.
PAR. 3
LA GENDAR.MER.IE
59
Un arrêté du Régent du 3 août 1945 a créé, au siège de chaque
chef~lieu de district, une brigade spéciale des recherches chargée de
missions de police judiciaire dans toute l'étendue du district.
Les gendarmes sont généralement revêtus de leur uniforme dans
l'exercice de leurs fonctions. Une circulaire du Ministre de la Guerre
du 24 octobre 1884 les autorise, néanmoins, à porter l'habit civil,
sur réquisition des chefs militaires ou des autorités civiles compétentes.
Ils doivent, en pareil cas, être munis d'une médaille spéciale ( 1). En
pratique, les membres des brigades spéciales des recherches procèdent
habituellement en vêtements civils.
(1) La qualité d'agent de la force publique est d'ailleurs indépendante du port de l'uniforme ou de
l'exécution d'un service commandé (voy. Liège, 12 janvier 1938; Pas. Il. 150).
(2) Voy. instr. ◄ 8.
(3) Arr. 30 janvier 1815, art. 32; Cass. 13 janvier 1908; Pas. I. 75; B.J. 555; P.P. ~69; Rev. dr.
pén, 299.
(4) En respectant, bien entendu, les prescriptions disciplinaires qui peuvent réglementer, dans certains
cas, ou subordonner aux ordres de supérieurs hiérarchiques, les déplacements des unités de
gendarmerie (voy. not. à ce sujet, Rép. pr. dr. B .. v 0 Gendarmerie, n° 8 20 et 21 ).
(5) Cass. 13 janvier 1908 cité; régi. 20 mars 1815, art. 68.
60
à une circonscription donnée. Cette thèse a d'ailleurs été soutenue, à juste titre,
me semble-t-il, par le Procureur général Janssens dans ses conclusions précédant
l'arrêt de cassation du 13 janvier 1908, et que cet arrêt rejette sur ce point.
SECTION II
Les services spéciaux de police judiciaire
(1) L'opinion, encore très répandue d'ailleurs, selon laquelle les gendarmes ne peuvent agir que par
paires, trouve son origine dans une interprétation erronée de l'art. 52 du règlement du
20 mars 1815 (voy. Pandectes Belges, v 0 Gendarmerie, n° 542) et est entretenue par l'usage
de ne détacher les gendarmes, dans les régions rurales, que par patrouilles de deux hommes.
61
transcrit et visé au greffe du tribunal de prem1ere instance auquel ressortit le lieu
de la nouvelle résidence » ( art. Il, al. 3 et 4) .
« Les gardes voyers, inspecteurs et inspecteurs en chef rechercheront et con-
stateront, par des procès-verbaux faisant foi jusqu"à preuve du contraire, dans toute
l'étendue des chemins de fer, dans les stations et leurs dépendances, ainsi que dans
les zones déterminées par les articles 2, 3, 5 et 6 de la présente loi (abords immédiats
des installations ferroviaires) tous les délits et toutes les contraventions en matière
de voirie et toutes les infractions aux lois et réglements concernant les chemins de
fer, leur exploitation et leur police» (art. 12) (1).
« Les inspecteurs et inspecteurs en chef sont officiers de police judiciaire (voy.
infra n•• 69 et ss.). Ils rechercheront les crimes et les délits dans toute rétendue des
voies ferrées, des stations et de leurs dépendances, dans une zone de 500 mètres de
chaque côté. Ils auront, pour la recherche de ces crimes et de ces délits, concurrence
et même prévention à l"égard de tous les autres officiers de police judiciaire à l'excep-
tion du procureur du Roi et du juge d'instruction» (art. 15) (2).
« Les gardes voyers et les inspecteurs remettront les procès-verbaux qu'ils
auront dressés à l'inspecteur en chef. Les procès-verbaux seront transmis, dans les
trois jours, à !"officier chargé des fonctions du ministère public près le tribunal de
police, ou au procureur du Roi, suivant qu'il s'agit d'une simple contravention ou
d'un délit» (art. 14).
« La présente loi n"est pas applicable: 1°) aux chemins de fer vicinaux; 2°) aux
tramways ; 3°) aux raccordements industriels ; 4°) aux communications établies dans
l'intérêt d'une exploitation de mines conformément à la loi du 2 mai 1837; 5°) aux
chemins de fer exclusivement militaires destinés à assurer les communications entre
les ouvrages d"une position défensive. Toutefois (loi du 20 juillet 1927, art. 3) les
dispositions du titre II (relatif à l'institution d'officiers et d'agents de la police des
chemins de fer) sont applicables aux chemins de fer vicinaux et aux services de
transports automobiles exploités par la Société nationale des chemins de fer vicinaux
ou mis en adjudication à son intervention » ( art. 16).
Une brigade spéciale est en outre instituée au sein du comité supérieur de
contrôle en vue de la recherche des auteurs de vols commis au préjudice de la
société nationale des chemins de fer belges. Ses membres sont investis de la qualité
judiciaire afférente à leur grade ( 3).
( 1) Ces officiers et agents sont tgalement chargés de la police du Roulage ( Arr. Royal du 8 avril
1954, art. 3).
{2) Ils ont prévention mfme à l'égard des officiers judiciaires des parquets.
(3) Arrêté du 21 novembre 1932, art. 45.
62
« Les inspecteurs en chef et inspecteurs de la police aéronautique rechercheront
et constateront par des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire, les
crimes, les délits et les contraventions de police dans les aérodromes et leurs
dépendances ou à bord des aéronefs ainsi que les infractions aux lois et règlements
concernant la navigation aérienne qu'il leur serait donné de relever en un point
quelconque du royaume. Ils auront pour la recherche des crimes et délits dans les
aérodromes et leurs dépendances et à bord des aéronefs, concurrence et même
prévention à l'égard de tous les autres officiers de police judiciaire, à l'exception des
procureurs du Roi et des juges d'instruction, des juges de paix et des officiers
judiciaires des parquets» (art. 40, al. 1 et 2).
« Ils ont pouvoir de saisir les aéronefs, les explosifs, armes et munitions, appa-
reils de prises de vues, clichés et croquis, ainsi que tous objets trouvés en contra-
vention des prescriptions légales ou réglementaires » ( art. 40, al. 3).
« Lorsqu'une infraction prévue par la loi ou par les arrêtés pris pour son
exécution n'est punie que de peines de police, le contrevenant aura la faculté
d'effectuer immédiatement le payement du maximum de J'amende, décimes addition-
nels compris, entre les mains du verbalisant. Ce payement aura pour e,lfet d'arrêter
les poursuites » (art. 40, al. 4).
« Les inspecteurs remettront, dans les vingt-quatre heures, à l'inspecteur en
chef, les procès-verbaux qu'ils auront dressés. Ces procès-verbaux seront transmis
sans délai à l'officier chargé des fonctions du ministère public près le tribunal de
police, ou au procureur du Roi, suivant qu'il s'agit d'une contravention ou d'un
délit» (art. 41).
64
b) Les brigadiers champêtres. « Les gardes champêtres sont répartis en brigades
conformément à un tableau arrêté par le gouverneur. Chaque brigade est plàcée
sous la surveillance d'un brigadier. Celui-ci est investi des attributions de garde
champêtre pour tout le territoire de sa brigade. Il exerce une surveillance active sur
les gardes de sa brigade » ( code rural, art. 55bis, al. 1, 2, 3 et 4). Le brigadier
champêtre peut requérir les gardes champêtres auxiliaires de l'assentiment de leurs
commettants. Il a le droit de requérir les gardes champêtres des communes pour
exercer avec eux des services de recherche ou de patrouille dans les limites de sa
circonscription. Les brigadiers champêtres sont nommés par le gouverneur parmi les
gardes champêtres et les gardes champêtres auxiliaires, le commissaire d' arrondisse-
ment et le procureur général entendus. Ils peuvent être suspendus et révoqués par
le gouverneur » ( code rural. art. 55 bis, al. 5, 6 et 7).
c) Les gardes particuliers. « Dans les communes rurales, les établissements
publics et les particuliers ont le droit d'avoir des gardes particuliers pour la conser-
vation de leurs fruits ou récoltes, des fruits et récoltes de leurs fermiers ou locataires,
de leurs propriétés de toute espèce, ainsi que pour la surveillance de la chasse et de
la pêche qui leur appartiennent. Ces gardes sont assimilés aux gardes champêtres des
communes pour la recherche et la constatation des infractions dans les limites du
territoire confié à leur surveillance. Leurs commettants sont tenus de les faire agréer
par le gouverneur de la province, le commissaire d'arrondissement ainsi que le procu-
rèur du Roi entendus, et d'indiquer dans J'acte de nomination, la nature et la
situation des biens dont la surveillance leur est confiée » (code rural, 61). « Ils ne
peuvent entrer en fonctions qu'après avoir prêté, devant le juge de paix du canton
de leur résidence, le serment prescrit aux gardes champêtres des communes. Ils
sont, de plus, tenus de faire enrégistrer leur commission et J'acte de prestation de
leur serment au greffe des justices de paix dans le ressort duquel ils doivent exercer
leurs fonctions. Le gouverneur pourra retirer l'agréation des gardes particuliers; ils
seront préalablement entendus. Le commettant qui retirera la commission à un garde
particulier sera tenu d'en informer immédiatement le gouverneur par lettre recom-
mandée. Le retrait de la commission n'aura d'effet qu'à partir du jour où le gouver-
neur en aura pris acte » ( code rural, 63).
( J) IJs sont nommés par Je Roi ( code forestier, 5) et assermentés ( code forestier 11).
(2) L'anomalie de cette situation est encore accrue par le fait que les gardes, leurs subordonnés.
sont eux officier de police judiciaire.
p) Code forestier 8.
(1·1 ·co,le forestier 177.
(5) Code forestier 10 et 177.
65
exercer leurs fonctions. Lorsqu'ils changent de résidence, ces actes doivent être
enrégistrés au gre.ffe du tribunal du nouveau ressort ( 1). « Les gardes des bois des
communes et des établissements publics sont assimilés aux gardes des bois de l'Etat
et soumis à l'autorité des mêmes agents» (code forestier, 12). Tous les gardes
forestiers sont officiers de police judiciaire (voy. infra n°• 69 et ss.) (2).
La surveillance des gardes forestiers des administrations publiques s'étend aux
bois et forêts soumis au régime forestier (3), ainsi qu'aux champs (4). Ils possèdent
les mêmes droits (5) que les gardes champêtres pour la recherche et la constatation
des délits et contraventions ayant pour objet la police rurale et forestière, des délits
de chasse et de pêche ( 6), ainsi que des délits et contraventions ayant porté atteinte
aux propriétés rurales et forestières (7). Ils ont qualité pour constater les délits
commis dans les bois des particuliers, lorsqu'ils en sont requis par les proprié-
taires (8).
Les gardes des bois des particuliers voient leur surveillance strictement limitée
aux bois de leur commettant (9). Ils ont, en principe (10) la même compétence et
les mêmes droits ( 11) que les gardes des administrations publiques, mais leurs
attributions ne s'étendent pas aux champs.
Les gardes des administrations publiques transmettent leurs procès verbaux à
l'agent forestier dont ils dépendent ( 12). Les gardes des particuliers transmettent les
leurs au procureur du Roi ou à l'officier du ministère public près le tribunal de
police, selon les cas.
« Le gouvernement peut, en se conformant aux dispositions du titre II du code
forestier, nommer des gardes-pêche dans les cantonnements où le service l'exige,
Les gardes-pêche sont assimilés aux gardes forestiers et placés sous les ordres des
mêmes agents» (loi du 19 janvier 1883, art. 22). Les particuliers peuvent également
nommer des gardes-pêches particuliers assimilés aux gardes forestiers particu•
liers ( 13).
( 1) Code forestier 1 L
(2) Instr. 9.
(3) Code forestier 120.
(4) Code rural. 67, al. 2.
(5) Voy. instr. 16 et code rural 68. En ce qui concerne les droits de suite, de sa1s1e .et de
perquisition particuliers aux grades forestiers, voy. code forestier 122 et ss. Les a!Jents fo ..
rcstiers, bien qu'ils ne soient pas officiers de police judiciaire, ont. comme les gardes. lé
droit de constater par procès-verbaux. les délits et contraventions en matière forestière et .de
chasse (art. 121) et possèdent les mêmes droits de suite, de saisie et de perquisition (art. 122).
(6) Code rural 67.
(7) lnstr. 16.
(8) Code. forestier 13.
(9) Rép. · prat. dr. B. v 0 procédure pênale, n° 88; v 0 forêt. n° 938.
( 10) Ils n'ont. toutefois, pas la compétence et les droits reconnus aux gardes forestiers des a<lminiH•
trat.ions publiques par les art. 67 et ss du code rural ( art. 67, al. 2).
(Il) Voy. code forestier, art. 181.
(12) Voy, Rép. prat. dr. B. v° Forêt. n° 716.
(13) L. 19 janvier 1883, art. 23.
(14) Voy. Braas, Instruction criminelle. p. 114. O.
( 15) Loi générale du 26 août 1822, art. 239.
( 16) Loi générale, 190: parfois même. ils peuvent effectuer. en compagnie de fonctiorinaires_ luxem~
bourgeois, des tournées d'inspection dans tout le territoire de l'union douanière belgo-!tixél11,;.
bourgeoise (convention du 25 Juillet 1921. art. 15).
66
Ces agents doivent, pour instrumenter, être munis de leur comm1ss1on ( 1). Le
plus souvent, la loi exige qu'ils soient au nombre de deux au moins (2).
Ces agents jouissent d'un droit de visite très étendu (visite des marchandises et
des moyens de transport, visite de corps, visite domiciliaire (3)) et d"un droit de
saisie (4).
SECTION III
CHAPITRE VI
67
· Elle est, en outre, seule qualifiée pour saisir la juridiction de
jugement en matière criminelle.
( l) Jnstr. 127. Le juge d'instruction ne doit pas faire un rapport hebdomadaire sur chaque affaire
qui lui est confiée, mais la chambre du conseil tient une audience hebdomadaire pour entendre
le rapport du juge d · instruction sur les affaires dans lesquelles la procédure est complète ( Cass.
9 lév. 1914: Pas. 1. 104). d celles dans lesquelles il y a lieu d'ordonner l'une ou l'autre
mesure d'instruction telle que la mise .en observation d'un inculpé ou la confirmation du mandat
d'arrêt.
(2) Loi du 25 octobre 1919. prorQgée par la loi du 18 aout 1928 et modili~• par la loi du 22
juillet 1927, article unique, XV.
(3) lnstr. 127.
(i) lnstr. 218.
(5) Voy. cass. 18 déc. 1950. Pas. 1951. I. 258.
68
TITRE II
69
Compte tenu de ces observations, nous adopterons donc la défini-
tion suivante: La police judiciaire est un service public dont la mission
consiste à rechercher les crimes, les délits et les contraventions, à en
identifier les auteurs et à réunir les preuves de leur culpabilité en vue
de rendre possible l'exercice de l'action publique devant les juridic-
tions pénales. L'expression désigne à la fois la fonction et les officiers
publics chargés de l'exercer.
70
droit d'informer et de celui de diriger les poursuites serait incompatible avec I' exer-
cice d'une bonne justice (1).
Cette opinion est, à tout le moins, surprenante si l'on part du point de vue
que le ministère public, partie demanderesse au procès pénal, doit de toute nécessité,
être mis en mesure de rassembler les matériaux sur lesquels il puisse s'appuyer pour
exercer son action.
Elle ne s'explique, en fait, que si l'on tient compte de la particularité, propre
au système inquisitorial, en vertu de laquelle l'information échappe au ministère
public et se confond avec le récolement des preuves au sein de la procédure judiciaire
d'instruction ( cf. supra n° 1). Il est évident, en effet, que la séparation entre la
poursuite et l'instruction judiciaire offre plus de garanties, au point de vue de la
défense, que le cumul des trois missions d'informer, de poursuivre et dïnstruire
entre les mains d'un même magistrat.
Mais si cette opinion doit être considérée comme fondée dans les limites ainsi
dégagées, elle ne pourrait que provoquer une confusion irrémédiable dans la mesure
où elle aurait pour conséquence de faire ériger en principe absolu et invariable la
séparation du droit de poursuivre et du droit d'informer. La nature même des choses
fait de l'information une condition préalable indispensable de l'exercice des pour-
suites et la pratique, en sanctionnant l'information du parquet ( cf. infra n° 109),
n'a fait qu'obéir aux exigences impérieuses résultant de cette constatation.
Ce n'est, en fait, pas entre la mission d'informer et celle de poursuivre qu'il
existe une di'fférence fondamentale justilfiant une séparation de fonctions, mais bien,
ce que méconnait le système inquisitorial, entre la mission d'informer et de poursuivre.
d'une part, et celle d'instruire, d'autre part, le mot «instruction» étant entendu dans
le sens d'enregistrement judiciaire des témoignages et autres preuves préalable au
jugement.
71
CHAPITRE PREMIER
SECTION 1re
Les officiers et agents de poliœ judiciaire en général.
Les procès-verbaux
(1) lnstr. 9.
72
de rang superieur, conception défendable, peut-être, mais contraire à l'esprit de
l'article 9 du code d'instruction criminelle, lequel attribue cette qualité aux plus
modestes représentants de la police judiciaire, les gardes champêtres et forestiers.
La même conception se retrouve en droit français et a inspiré la procédure pénale
néerlandaise. La procédure pénale anglaise, au contraire, ignore cette distinction :
La qualité de «constable» qui correspond, mutatis mutandis, à notre titre d'officier
de police judiciaire, est attribuée à tous les membres de la police, quel que soit leur
grade.
( 1 ) Les principaux officiers et agents à compétence générale sont les membres de la police judiciaire
des parquets, des polices communale et de la gendarmerie.
(2) Il convient de ne pas perdre de vue la distinction entre compétence ratione loci et ressort
territorial (voy. supra n° 38). '
(3) Il n'existe pas, pour les officiers et agents de police judiciaire, de compétence ratione persona~.
l'information ayant un caractère strictement objectif et ne portant que sur des faits délictueux.
(4) Les gardes champêtres et forestiers, par exemple (voy. not. instr. 16).
(5) Les membres de la police des chemins de fer. par exemple (voy. L. 25 juillet 1891.· art. 15).
(6) Voy. supra n°• 48. 51. 52, 53. L'affectation administrative peut d'ailleurs également limiter
ta compétence pratique, ratione materiae, d'un magistrat ou d'un officier : Dans les grands
centres, les substituts du procureur du Roi sont spécialisés dans la recherche de certaines
catégories d'infractions: Cela n'implique, naturellement, aucune limitation à leur compétenc~
juridique.
(7) Voy. supra n• -13.
74
73. - LES POUVOIRS DES OFFICIERS ET AGENTS DE
POLICE JUDICIAIRE. - Le code d'instruction criminelle ne définit
pas d'une manière générale les pouvoirs des officiers de police judi-
ciaire ; quant aux agents de police judiciaire, il n'en fait même pas
mention.
Un seul officier de police judiciaire, le juge d'instruction, est
investi de pouvoirs d'information précis, étendus et de caractère
général: droits de perquisition, de saisie, de contrainte à l'égard des
témoins.
Parmi les autres officiers de police judiciaire, il convient de distin-
guer le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires ( officiers judiciaires
du parquet, commissaires de police, etc.), d'une part, et d'autre part
les officiers inférieurs (gardes champêtres et forestiers) ( 1 ) . Les pre-
miers ne détiennent, de leur propre chef, des pouvoirs étendus que
dans un cas extrêmement limité : celui du flagrant délit (2). Les
seconds ne possèdent que les pouvoirs qui leur sont attribués par
certains textes légaux ( 3) ( 4).
En dehors de ces éventualités, rien ne distingue les officiers de
police judiciaire autres que les juges d'instruction des simples agents
de police judiciaire, quant à l'étendue des prérogatives d'information:
Les uns et les autres possèdent le droit, dont jouit d'ailleurs n'importe
quel particulier, de recueillir des renseignements à l'égard des faits
délictueux, soit directement en relevant les indices matériels, soit
indirectement en posant des questions aux témoins, lesquels sont par-
faitement libres de ne pas répondre.
Cependant, en vertu d'une coutume ancienne, actuellement con-
sacrée légalement par la loi du 7 avril 1919 (art. 10), le juge d'instruc-
tion peut déléguer tout officier de police judiciaire pour accomplir, sauf
les restrictions établies par la loi, tous les actes de police judiciaire.
Lorsqu'un officier est investi de pareille délégation, et dans les limites.
de cette dernière, il jouit des droits de contrainte que le magistrat
instructeur lui a conférés, c'est-à-dire qu'il peut, par exemple, lorsqu'il
est muni d'un mandat à cet effet, s'introduire dans le domicile privé
qui lui est désigné et y procéder aux perquisitions nécessaires.
Au contraire, les simples agents de police judiciaire ne peuvent
être investis de pareille délégation et ils sont simplement appelés à
( 1) Il ne faut pas confondre cette distinction avec celle établie ci .. dessus (n° 71) entre officiers et
agents à compétence générale et officiers d agents à compétence restreinte : Les membres de la
police des chemins de fer, de la police aéronautique, par exemple, sont officiers auxiliaires du
procureur du Roi, bien que leur compétence soit limitée.
(2) Voy. instr. 32 à 52.
(3) Voy. not. instr. 16.
(4) IJs arrive que les officiers et même les agents de police judiciaire, ou certains d'entre eux, se-
voient attribuer par l'un ou l'autre texte légal des pouvoirs spéciaux en matière de perquisition
et de saisie. Nous examinerons cette question lors de l'étude de ces matièr~s elles,.mtme1
( voy infra n• 211 et 253).
75
prêter leur concours aux opérations dirigées par l'officier qui les
commande ( 1 ) .
Les officiers et agents de police judiciaire sont investis, par la
jurisprudence, d'un pouvoir très important: Ils ont le droit, même hors
le cas de flagrant délit, d'arrêter l'auteur présumé d'un crime ou d'un
délit dans le but de le mettre à la disposition de la justice, pourvu
qu'il existe des indices sérieux de culpabilité à sa charge. L'arrestation
provisoire ainsi operee sert légalement de base au mandat d'arrêt si
l'individu arrêté a été déféré dans les vingt~quatre heures au juge
d'instruction ( 2).
Tous les officiers de police judiciaire possèdent, à la différence des
agents de police judiciaire, le droit de requérir la forœ publique, dans
J' exercice de leurs fonctions ( 3).
La mission des officiers et agents de police judiciaire consiste à
rechercher les preuves des infractions et à les mettre à la disposition
de l'officier du ministère public qui les utilise pour exercer l'action
publique : Il importe donc que les membres de la police judiciaire
tiennent note des éléments de conviction qu'ils ont rassemblés et
transmettent ces notes à l'o:fficier du ministère public compétent: Ils
s'acquittent de cette tâche par la rédaction de documents officiels: les
procès-verbaux.
En principe, seuls les officiers de police judiciaire ont qualité
pour dresser procès~verbal et cette qualité est un des attributs normaux
et essentiels de leur fonction ( 4).
Les agents de police judiciaire ne possèdent pas cette prérogative
générale ; toutefois, de nombreux agents de police judiciaire reçoivent
de différentes lois le pouvoir de dresser procès-verbal, soit d'une ma~
nière aussi universelle que les officiers eux~mêmes, ce qui est le cas
pour les gendarmes ( 5), soit à propos de certaines infractions particu-
lières. Les agents de police judiciaire qui ne sont pas habilités à dresser
procès~verbal (agents judiciaires des parquets, agents de police com-
munale) (6) ne peuvent faire état de leurs recherches que sous forme
de rapports adressés à un officier de police judiciaire qui les inclut dans
un procès~verbal régulier ( 7).
Les procès~verbaux dressés spontanément doivent être transmis
sans délai à l'officier du ministère public compétent pour exercer les
76
poursuites ( 1) ; ceux qui sont établis consécutivement à un acte d'in~
formation ordonné par un magistrat (juge d'instruction, procureur du
Roi, officier du ministère public près le tribunal de police) sont adres~
sés au magistrat requérant.
77
2°) Ils doivent comporter les noms, prénoms et qualités de chacun
des verbalisants, avec mention éventuelle de la délégation ou de la
réquisition en vertu de laquelle ils agissent.
3°) Ils doivent être signés par chacun des verbalisants.
4°) Ils doivent respecter les règles habituelles destinées à éviter
les falsifications et surcharges : absence d'interlignes, approbation et
signature des ratures et renvois.
. 5°) Ils doivent comporter les indications de service suivantes;
à titre d'émargement:
« 1°) l'identité complète du délinquant présumé ;
2°) la nature de l'infraction, au sens du verbalisant;
3°) l'indication du préjudice ;
4°) le lieu et la date des faits;
5°) éventuellement l'indication de l'apostille à laquelle le pro~
cès~verbal répond ;
6°) éventuellement l'émargement des procès~verbaux auxquels
le procès~verbal fait suite, avec leur date et celle de leur
envoi au parquet». (Novelles; procédure pénale; A. Ca~
ron : La police judiciaire, n° 354).
6°) « En tête du procès~verbal figurera en évidence, suivant les
cas, la mention «détenu» ou «étranger» ou « protection de l'enfan-
ce» ceci pour attirer l'attention des magistrats qualifl.cateurs sur les
affaires urgentes ou les plus importantes » ( même référence).
7°) « Si une communication a été faite par le verbalisant, soit au
bulletin central de signalement, soit à la police judiciaire du parquet,
mention en sera faite au procès-verbal » ( même référence).
Les procès-verbaux doivent être rédigés, en principe, dans la
langue régionale (Français, Néerlandais ou Allemand) ( 1).
Toutefois: a) dans l'agglomération bruxelloise ils sont rédigés
en Français ou en Néerlandais selon la langue de la procédure, ou,
à défaut, selon les besoins de la cause ( 2) ; b) dans les communes de
langue allemande de l'arrondissement de Verviers, autres que celles
des cantons judiciaires de Eupen, Malmédy et Saint-Vith, ils sont
rédigés en Français ou en Allemand, selon la langue de la procédure,
ou, à défaut, selon les besoins de la cause (3).
Les règles concernant l'emploi des langues sont prescrites à peine
de nullité ; cette nullité doit être prononcée d'office ( 4). mais tout
78
jugement ou arrêt contradictoire qui n'est pas purement préparatoire
couvre la nullité de tous les actes de procédure antérieurs ( 1 ) et les
actes, même déclarés nuls, interrompent la prescription ( 2).
La force probante des procès-verbaux au point de vue légal est
variable: En règle générale, ils ne valent cependant qu'à titre de sim-
ples renseignements (Cf. Cass. 17 mars 1952 ; Pas. I. 433 et con cl. de
M. le premier avocat général Hayoit de Termicourt) (3).
SECTION II
~l) Al. 2,
P) Al. 3.
(3) Voy. Infra n° 137.
(1) Voy. supra n° 73.
(5) Ces rapports n'ont, ëvidemment, que la valeur probante de simples renseignements: mals nombre
de procès-verbaux ordinaires sont dans le même cas, d, en pratique, cette: constatation n'a
qu'une Importance très restreinte.
{6) Voy . . supra n°• 21 et ••·
(7) lnstr, 62.
79
rapprochent, par certains côtés, des enquêtes judiciaires au civil : ci-
tation des témoins, prestation de serment de ceux-ci, etc. ( 1).
Le procureur du Roi, au contraire, bien qu'officier supérieur de
police judiciaire, ne dispose pas de pouvoirs d'information supérieurs
à ceux de ses officiers auxiliaires ; il procède, d'ailleurs, rarement
personnellement à des actes d'information ; en revanche, il dirige et
coordonne fréquemment les opérations des officiers de police judi-
ciaire qui l'assistent et qui exécutent les missions de recherche et
d'investigation qu'il leur confie.
Enlfin, nous estimons devoir également ranger dans la catégorie
des officiers supérieurs de police judiciaire l'officier du ministere public
près le tribunal de police, du moins dans l'exercice de ses fonctions
d'information liées à ses attributions du ministère public, en matièr~
de contraventions et de délits de sa compétence ; par contre, ce ma-
gistrat est simplement, en tant que commissaire de police ou bourg-
mestre, officier auxiliaire du procureur du Roi et ce qui concerne les
crimes et délits de la compétence de ce dernier.
La prérogative fondamentale confiée aux officiers supeneurs d,~
police judiciaire est le droit de requérir l'assistance de tous les offi-
ciers de police judiciaire et de les déléguer pour accomplir, sauf les
restrictions établies par la loi, tous les actes de police judiciaire ( 2).
Ce droit est expressément conféré au procureur du Roi et au juge d'instruction
par l'article 10 de la loi du 7 avril 1919; ce texte légal n'a, d'ailleurs, fait que
contfirmer une coutume parfaitement établie. L'officier du ministère public près le
tribunal de police n'a pas bénéficié de cette consécration légale, bien que son droit
de délégation et de réquisition soit tout aussi traditionnel que celui des magistrats
compétents en matière criminelle et correctionnelle. Cette prérogative de l'officier
du ministère public conserve donc un caractère purement coutumier, ce qui n'entraine,
d'ailleurs, aucune différence pratique. La jurisprudence la consacre, au surplus, sans
restriction (3) (4).
80
Le juge d'instruction ne peut déléguer que ses pouvoirs d'exé-
cuter un acte d'information: Il ne peut, en elffet, jamais se dessaisir
du droit, attaché à sa mission juridictionnelle, d'ordonner un acte
d'instruction ( 1).
Les délégations les plus courantes portent sur la mission d'exé-
cuter une perquisition ou une saisie.
Pour accomplir un acte d'instruction dans un autre arrondisse-
ment, le juge d'instruction délègue son collègue compétent, lequel
peut subdéléguer un officier de police judiciaire de son ressort ; pour
exécuter un acte d'information dans son propre arrondissement, il
commet un officier de poliœ judiciaire de son propre ressort.
La confusion, dans le chef du juge d'instruction, d'attributions juridictionnelles
et d'attributions de police impose une grande prudence dans l'interprétation des
nombreuses formes de délégation utilisées par ce magistrat : Lorsqu'il s'agit de
l'exécution d'un acte de pure information, tel qu'une perquisition ou une saisie, par
exemple, il peut investir de ce mandat un simple officier de police judiciaire, ou, s'il
est lui même délégué, subdéléguer un officier de son ressort; mais lorsqu'il s'agit de
l'accomplissement d'un acte juridictionnel ou d'un acte à caractère mixte, tel que
l'audition d'un témoin sous serment, l'interrogatoire d'un prévenu, la désignation
d'un expert (2), ce n'est plus une simple délégation de police judiciaire, mais une
commission rogatoire (3) adressée d'une juridiction à une autre, ce qui implique que
seule une autorité à caractère juridictionnel peut en être investie: Le juge d'instruc•
tion peut, par exemple, commettre un collègue compétent ou un juge de paix pour
entendre un témoin sous serment, mais il ne peut charger un officier de police judi-
ciaire de pareille mission. Cette distinction est d'autant plus délicate que le juge
d'instruction requiert fréquemment des officiers de police judiciaire de procéder à
des auditions de témoins ou de prévenus. La seule explication possible nous parait,
dans ce cas, la suivante: Il ne s'agit pas, dans cette éventualité, de l'exercice du droit
de délégation, mais bien d'une mise en œuvre du droit de réquisition qui est égale-
ment attribué par la loi au juge d'instruction. Cette opinion est corroborée par le
fait que l'officier de police judiciaire requis interroge les témoins dans les formes
81
propres aux enquêtes de police, c'est-à-dire sans prestation de serment, sans assistance
d'un greffier et sans pouvoir de contrainte. En réalité, l'officier commis ne fait
qu'exercer un droit qui lui appartient de son propre chef: Il agit en vertu d'une
réquisition, et non pas d'une délégation.
En résumé, le juge d'instruction peut employer trois procédés distincts pour
faire accomplir un acte d'instruction: 1°) La commission rogatoire, réservée à l'exé-
cution d'un acte juridictionnel ou mixte et ne pouvant être adressée qu'à un organe
juridictionnel; 2°) Le mandat (1) permettant l'exécution d'un acte d'information
impliquant un droit de contrainte, et qui peut être confié à tout officier de police
judiciaire et enfin ; 3°) La réquisition permettant la réalisation d'un acte de police
judiciaire ne réclamant pas de moyens de contrainte et qui peut également être
transmise à tout officier de police judiciaire. Le magistrat commis rogatoirement ne
peut subdéléguer qu'un autre magistrat (le juge de paix, par exemple) ; le magistrat
ou l'officier mandaté peuvent, sauf disposition légale contraire, subdéléguer un autre
officier, mais pas un agent de police judiciaire; et enfin, le magistrat ou l'officier
simplement reuqis peut faire exécuter le devoir par un autre officier ou par un agent
placé sous ses ordres (2).
( 1) Il est intéressant de souligner que l'exécution d'une ordonnance d'arrestation (assez improprement
dénommée « mandat d'arrêt». sur la foi du code d'instruction criminelle, alors que l'art, 7 de
la constitution en fait une ordonnance de justice obligatoirement motivée) n'est pas ·un acte
de police judicaire, ni même un acte d'instruction, mais constitue l'exécution maté-rieHe d'une
décision judiciaire.
(2) L. 7 avril 1919. art. 10, al. 2; voy. Cass. 10 fêv. 1947: Pas. I. 37 et note R. H.
(3) li est désirable qu'elle comporte égaleme-nt le sceau de ce magistrat.
(4) Voy. Cass. 25 nov. 1910. Pas. I. 303.
82
Certaines délégations doivent être motivées ( 1) ; nous examine-
rons, lors de l'étude des différents actes d'instruction, les règles spé-
ciales existant éventuellement à ce point de vue, de même que toute
les particularités qui peuvent être imposées pour l'exercice du droit
de délégation, à propos de chaque acte déterminé.
83
ou une réquisition pourrait faire l'objet d'une opposition formée pur
le procureur du Roi et la chambre des mises en accusation serait
saisie du conflit ( 1 ) .
L'officier de police judiciaire qui refuserait d'exécuter une délé-
gation ou une réquisition serait passible de sanctions disciplinaires.
Le juge d'instruction commis rogatoirement, mandaté ou requis
ne doit pas communiquer au procureur du Roi la commission roga-
toire, le mandat ou l'apostille qui lui est adressé ni recevoir les réqui-
sitions de celui-ci pour exécuter le devoir.
Le juge ou l'officier délégué ne sont habilités à accomplir qu~
les actes indiqués dans le document de délégation ; ils peuvent, né-
ammoins, procéder à toutes les opérations accessoi~es se rattachant
à ces actes (2).
La distinction entre une opération accessoire légitime et une opération étrangère
à la délégation est, de toute évidence, une pure question de fait. Il a été jugé
notamment, en matière d'adultère, qu'une délégation du juge d'instruction de Bruxel-
les à son collègue de Malines, « à l'effet de rechercher au domicile de Van T ... (le
complice) et saisir, le cas échéant, toutes lettres ou correspondance de la dame R ...
(la prévenue) ou de la demoiselle B ... qui servait d'intermédiaire entre les deux
prévenus. » permettait au magistrat délégué de saisir tous papiers propres à établir
l'innocence ou la culpabilité et le degré de culpabilité du prévenu, et notamment
d'autres pièces que celles indiquées dans le mandat et établissant « les désordres de
Van T ... et ses relations avec d'autres femmes également en correspondance avec
lui» (C. App. Brux. 13 mars 1858; Pas. II, 263). Dans un autre domaine, le juge
commis rogatoirement pour entendre un témoin sous serment pourrait entendre
d'autres personnes indiquées par le premier témoin, pourvu qu'elles soient susceptibles
de rapporter des renseignements intéressants relatifs aux faits de la cause et qu'il
soit mieux à même de les atteindre que son collègue commettant, par exemple
parce que ces témoins résident également dans son ressort.
84
procéder à une perquisition à son domicile, même si l'apostille ne prévoit pas l'exécu-
tion d'une telle mesure d'information.
Lorsque la commission rogatoire, le mandat ou la réquisition ont
été complètement exécutés, le magistrat ou l'officier délégué ou requis
renvoie la commission, le mandat ou l'apostille, accompagnés des
procès-verbaux ( 1 ) et pièces au magistrat déléguant ou requérant
( 2) sous pli clos et cacheté ( 3). Les juges délégués ou requis dressent
en outre un inventaire des pièces, ainsi qu'un état des frais ( 4).
« Les actes exécutés à la suite d'une commission rogatoire régu-
lièrement donnée, s'ils sont réguliers, ont la même valeur que s'ils
avaient été accomplis par le déléguant lui-même. Ce dernier, s'il est
un juge, ne peut les supprimer, les annuler, fussent-ils même irré-
guliers : car ils font partie de la procédure, mas il a le droit, en toute
hypothèse, de les refaire en tout ou en partie (Pand. belges, v° Com-
mission rogatoire, n°" 359 à 372) » (Rép. prat. dr. b. v 0 commission
rogatoire, n° 134).
(1) C'est la minute ou l'original des pièces qui doivent être ainsi transmis (Rép. prat. v 0 commis...
:don rogatoire. n° 130).
( 2) Sauf dispositions légales contraires ( voy. not. instr. 303).
(3) Voy. not. instr. 85. Cette disposition n'est pas prescrite à peine de nullité, bien entendu.
(i) Règlement général sur les frais de justice en matiè-re répressiYe. art. 97.
(5) Voy. Rép. prat. v 0 commission rogatoirt, n° ii.
85
« Quand on adresse à l'étranger une commission rogatoire, il est
prudent d'ajouter à la formule désignant spécialement l'autorité re-
quise, les mots .,ou à toute autre autorité compétente" » ( circ. just.,
30 mars 1885, Rec. circ. just. 1885, p. 79 Rép. dr. b. v commission 0
rogatoire n° 145).
« Sauf entente contraire, la commission rogatoire doit être rédi-
gée, soit dans la langue de l'autorité requise, soit dans la langue con-
venue entre les deux Etats intéressés, ou bien elle doit être accom-
pagnée d'une traduction faite dans une de ces langues et certifiée
conforme par un agent diplomatique ou consulaire de l'Etat requérant
ou par un traducteur assermenté de l'Etat requis » (loi du 20 avril
1909, art. 10; bien qu cette loi ne concerne que les commissions roga-
toires en matière civile et commerciale, il semble que la disposition
de l'article 10 soit également applicable, par analogie, en matière
pénale).
< Pour l'Angleterre, ·il est nécessaire de désigner nominativement chacun des
prévenus et des témoins, d'indiquer clairement la prévention et la pertinence (rele-
vancy) des témoignages à recueillir. De plus, il ne serait pas répondu aux questions
qui mettraient le témoin dans le cas de s'incriminer lui-même (memorandum de Lord
Derby au ministre de Belgique à Londres, en date du 17 juin 1875, Domis de
Semerpont, p. 126, note 1 ». (Rép. prat. v° Commission rogatoire, n° 138 et autres
références citées).
86
téressés ( ministère public, individu faisant l'objet de la demande
d'extradition, tiers intéressés) doivent être présents ou appelés ( 1 ) .
« Il peut arriver qu'un juge d'instruction, chargé d'exécuter une commission
rogatoire émanée d'une autorité étrangère, soit obligé de faire pratiquer une perquisi-
tion hors de son arrondissement. Il y est autorisé par la combinaison des art. 5 et 11
de la loi du 15 mars 1874 et de l'art. 90 C. instr. crim. Dans cette hypothèse, c'est
la chambre du conseil du juge subdélégué qui doit rendre la subdélégation exécutoire,
le texte de la loi est formel ; mais ce serait la chambre du conseil de l'arrondissement
du juge premier délégué qui devrait statuer sur la remise et la restitution des objets
saisis. Elle est mieux à même d'apprécier. En attendant sa décision, les pièces saisies
devront rester déposées au greffe du tribunal du lieu où la saisie a été opérée
(Pand. belges, v 0 commission rogatoire, n°" 427 à 434) ». (Rép. prat. v• commission
rogatoire, n° 139).
Dans le cas, prévu par l'article 5 de la loi du 15 mars 1874, où
l'étranger saisi en Belgique peut être mis provisoirement en état d'ar-
restation, le juge d'instruction peut, après l'ordonnance de l'arresta-
tion, procéder suivant les règles prescrites par les articles 87 à 90
du code d'instruction criminelle (2). La chambre du conseil est égale-
ment appelée, dans cette éventualité, à se prononcer, après débat
contradictoire, sur la transmission au gouvernement étranger, la res-
titution ou la réclamation des objets saisis ( 3).
En vertu des dispositions légales néerlandaises en matière d'extradition, la
saisie doit être limitée aux objets trouvés sur ou chez l'individu réclamé. Dès lors,
par application des rêgles de réciprocité, aucune perquisition ou saisie ne peut, sauf
consentement formel des intéressés, être pratiquée chez des tiers à la suite d'une
commission rogatoire émanant des Pays-Bas. En outre, aucune saisie n'est autorisée
si des tiers peuvent faire valoir des droits à l'égard des objets saisies. (Voy. Circ.
Min. Just. 11 juillet 1924 ; Rec. p. 362).
Le juge d'instruction délégué par une autorité étrangère peut
user, pour l'exécution du devoir, de son droit de subdélégation dans
les conditions et les limites prévues en matière ordinaire ( 4).
« En l'absence d'un traité qui règle autrement la transmission des
commissions rogatoires entre tribunaux des différents Etats, cette
transmission s'opère par la voie diplomatique.
Les commissions rogatoires échangées entre la Belgique et les Pays-Bas peuvent,
en cas d'urgence, être transmises directement d'autorité judiciaire à autorité judiciaire.
A la demande du gouvernement des Pays-Bas, elles doivent être adressées dans
,ce pays à .MM. les officiers de justice (Offi.cieren van Justitie) et non à MM. les
juges-commissaires (Rechters-Commissarissen). (Voy. circ. just. 12 mars 1900; Rec.
1899-1900; p. 391).
La transmission directe des commissions rogatoires urgentes est autorisée entre
parquets français et belges, si l'affaire ne présente pas de caractère politique; un
double de la délégation doit être transmis par la voie diplomatique ; la commission
rogatoire et les pièces d'exécution doivent toujours être retournées par la voie
diplomatique. (Voy. circ. Min. Just. 21 oct. 1927; Rec. p. 430).
87
La comm1ss1on du tribunal étranger est remise par le Ministère
des atffaires étrangères au Ministère de la justice, qui, par l'intermé-
didaire du procureur général. la transmet au tribunal commis, avec
la traduction s'il y a lieu et avec l'autorisation du Ministre de la
justice accordée après examen». (Rép. prat. v 0 commission rogatoire
n° 47).
« Les frais auxquels lieu l'exécution des commissions rogatoi-
res, en matière répressive, sont supportés, à titre de réciprocité, par
la puissance sur le territoire de laquelle ils sont faits, à moins qu'il
ne s'agisse d'expertises longues et coûteuses. Cette règle se trouve
exprimée dans la plupart des traités internationaux et s'applique même
dans le cas de silence de ceux-ci ( décis. min. just. 4 janv. 1875, Darnis
de Semerpont, p. 215, 339; Pand. belges, V commission rogatoire, 0
88
3° Lorsqu'il s'agit de la remise de p1eces à conviction ; par voie
de conséquence, la correspondance à ce sujet peut également être
échéangée directement.
Il est toutefois nécessaire, dans tous les cas, d'en référer au pro-
cureur général et même au Ministre de la Justice s'il se présente quel-
que doute ou diifficulté.
Dans la pratique, les procureurs du Roi belges sont en relations constantes et
directes avec leurs collègues français ( procureurs de la République), luxembour-
geois (procureurs d'Etat) et néerlandais (Officieren van Justitie) ; ils s'adressent
réciproquement des apostilles tendant à faire procéder, dans leurs ressorts respectifs,
à des actes d'information, des auditions de témoins, notamment. Dans la mesure où
une information ne requiert l'emploi d'aucune mesure de co~rcition, elle peut être
poursuivie dans l'un quelconque des quatre états, à peu près aussi aisément qu'à
l'intérieur de l'un de ces états en particulier.
De même, la police judiciaire des parquets est en relation avec les polices
étrangères, ce qui permet l'identification rapide et l'arrestation des criminels inter-
nationaux.
CHAPITRE II
89
Le pouvoir général d'accomplir tous actes d'inf:ormation découle
implicitement de l'article 8 du code d'instruction criminelle qui définit
la mission de la police judiciaire ; il a été consacré par l'arrêt de la
Cour de Cassation du 20 mars 1916, lequel constate qu'aucune dis-
position légale n'interdit au procureur du Roi et à ses auxiliaires,
même hors le cas de flagrant délit, de prendre des renseignements au
sujet des faits leur dénoncés ou portés à leur connaissance, de re-
courir aux déclarations non assermentées de témoins et de procéd~r
à des recherches dans la demeure des particuliers avec le consente-
ment de ces derniers ( l ) .
Quant à l' interdiction de commettre une illégalité, quelle qu'elle
soit, elle a été magistralement formulée par le Procureur Général
Leclercq dans ses conclusions précédant l'arrêt de la Cour de Cassa-
tion du 10 décembre 1923 ( 2), et est sanctionnée par une jurispru-
dence constante .
Ce double principe qui constitue le fondement essentiel de l'information de
police judiciaire n'est exprimé nulle part dans le code d'instruction criminelle; tout
au plus, la première partie de l'article 8 contient-elle en germe la définition des
pouvoirs de la police judiciaire; quant à la règle générale qui détermine la limita-
tion de ces pouvoirs, il n'en existe aucune trace dans le code.
SECTION r•
Le droit d'information de la police judiciaire
(1) Cass. 20 mars 1916: Pas. 1915-16. 1. 310: 1917. 1. 68: J. J. P. 1916. 61: P. P. 1915-2(). IJI. 19.
La même solution est admise par la jurisprudence française : voy. Cass. française 19 avri' et 2~
juin 1855. 5 mars 1857, 13 janvier 1869, Belti•ns. Encyclopédie. 1. cr .. art. 47, n•• 2 à 5 :
cass. fr. 8 juin 1872, D. P, 1. 381 : 18 aoQt 1877, D. P. 1878. 1. 285.
(2) Pas. 1924. 1. 66.
(3) A l'exception, cependant, du juge d'instruction, lequel ne peut l'exercer qu'en cas de· flagrant
délit ou s'il est téguUèrement requis d'informer. (Voy, infra n° 115).
90
Toutefois, cet aspect général et illimité du droit d'information
n'existe que pour autant que les actes d'information accomplis par
un officier ou un agent de police judiciaire ne requièrent l'emploi d'au~
eu.ne mesure de contrainte: Il ne peut justilfier, par exemple, une per-
quisition que dans la mesure où cette opération s'effectue avec le
consentement formel des personnes intéressées; s'il comporte le droit
d'interpeller un témoin ou un prévenu, il n'implique jamais le pouvoir
d'obliger la personne interpellée à répondre aux questions posées ; il
est entièrement fondé sur la bonne volonté manifestée par les per~
sonnes appelées à prêter leur concours aux recherches.
En e:ffet, tout emploi de la contrainte implique une restriction
imposée à la liberté d'une personne déterminée et seule la loi peut
autoriser, dans certains cas et limitativement, une pareille restriction
des droits individuels.
( 1) Voy. supra n• 1.
(2) C'est-à-dire, les pays de droit anglo-saxon,
91
Cet emprunt présente, toutefois, un danger, résultant du fait qu'il est incomplet:
Dans les pays de procédure accusatoire, les procès-verbaux des enquêtes de police
ne peuvent servir de preuves au procès: Ils ne valent qu'à titre de simples renseigne-
ments destinés à guider l'organe du ministère public dans l'exercice des poursuites;
les témoignages doivent être recueillis à la barre et le contre-interrogatoire doit être
rendu possible, à peine de nullité ; les dépositions antérieures des témoins à la police
ne sont pas des pièces du procès et elles ne peuvent pas être communiquées au
tribunal ( 1). Chez nous, au contraire, les enquêtes de police sont admises à titre de
preuves, même en l'absence des témoins et le tribunal en a connaissance avant tout
débat. Or, l'instruction inquisitoriale faisait de l'information préalable une des bran-
ches de la procédure, précisément parceque les procès-verbaux des enquêtes étaient
destinés à servir de preuves et qu'il était donc essentiel d'entourer les actes d'instruc-
tion de formes particulières ayant le caractère de garanties judiciaires. Parmi ces
garanties, la plus fondamentale était l'attribution à un juge de toute la mission
d'instruction.
Sans doute, les commentateurs soulignent-ils que les enquêtes de police n'ont
également, dans notre procédure, que la valeur de simples renseignements (2) ; mais
ces enquêtes étant incorporées au dossier d'instruction, et souvent même se substituant
entièrement à celui-ci, cette règle n'a qu'une valeur théorique et est dépourvue de
sanction.
Chose curieuse, bien que la jurisprudence ait fait, en la matière, œuvre vérita-
blement prétorienne, sa décision a été admise sans contestation et s'est véritablement
imposée, aussi bien sur le plan judiciaire que sur le plan légal : Il faut voir là,
probablement, une conséquence du caractère rigoureusement logique de la solution
adoptée.
Bien plus : Le législateur, sans jamais se préoccuper de donner à cet édifice
coutumier, sanctionné par les tribunaux, une existence légale, s'est cependant fondé
sur lui pour édifier di,fférentes lois postérieures: C'est ainsi que l'arrêté Royal n~ 252
du 8 mars 1936 (art. 138 nouveau du code d'instruction criminelle) parle du « droit
du procureur du Roi de procéder à une information ou de requérir instruction ; et
que la loi du 15 juin 1935 intitule son chapitre II « Emploi des langues à l'informa-
tion et à l'instruction en matière répressive ... ».
92
même lorsque le juge d'instruction est sa1s1, même lorsque la juridic-
tion de jugement est saisie, même en degré d'appel ( 1).
Sans doute, la saisine du juge d'instruction étend-elle considé-
rablement le droit d'information et permet-elle l'utilisation de pou-
voirs spéciaux d'investigation, tels que le droit de perquisition ; mais
le dessaisissement du juge d'instruction, s'il fait disparaitre ces ex-
tensions du droit d'information, laisse cependant intact le droit lui-
même.
Enfin, si l'extinction de l'action publique, que ce soit par mort du
coupable, prescription ou retrait de plainte, entraine habituellement
la clôture de l'information, par defaut d'intérêt, le droit d'information
n'en subsiste pas moins et l'enquête peut toujours être poursuivie ou
rouverte.
Il est d'usage que le procureur du Roi ne procède à aucune mesure d'information
entre le moment où il requiert le juge d'instruction et celui où ce magistrat est
définitivement dessaisi : Pendant la durée de sa saisine, le juge d'instruction conserve
la direction des recherches; mais cet usage n'a aucun caractère obligatoire. Par
contre, les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi procèdent
souvent, soit spontanément, soit sur réquisition du juge d'instruction, à l'exécution
d'actes d'information en cours d'instruction ; si les procès-verbaux, consécutifs à
des recherches spontanées, sont, en pareil cas, transmis au procureur du Roi, celui-ci
les transfère au juge d'instruction (2).
( 1) Cass. 29 mai 1933: Pas. I. 250: 7 juil. 1952 : Pas. I. 71-t. Corr. Huy 10 jan. 1947: J. T.
171, La même solution a été admise en France: Voy. Cass. fr. 19 avril et 29 juin 1855. 5 mars
1857, 23 jan. 1869 : Dalloz Pér .. 1855, 1857 et 1870.
(2) Voy. infra n• 130.
93
caractère essentiellement restrictif et ne peuvent être utilisés que dans
les cas prévus par la loi et dans les formes qu'elle prescrit ( 1 ).
Le législateur confère certains de ces droits extensifs, notamment
en cas de flagrant délit, au procureur du Roi et aux officiers de police
judiciaire auxiliaires de celui~ci ( 2). Mais la plupart du temps, leur
exercice est réservé exclusivement au juge d'instruction.
( 1) Constitution 10.
(2) Voy. instr. 32 à 49.
(3) Dans une malle déposée à la consigne d'une gare, par exemple.
94
La poursuite contre inconnu, dont l'emploi est pourtant indispensable dans de
nombreux cas, n'est au fond qu'un expédient destiné à remédier, dans une certaine
mesure, aux imperfections de la loi ; mais il est permis de se demander quelle peut
être la base juridique d'une action intentée contre un inconnu: conçoit-on un plaideur
au civil réclamant des dommages-intérêts « à qui il appartiendra»?
Cette difficulté, difficilement résoluble en droit, est également en fait génératrice
de complications et de retards pour l'information, en raison de la nécessité d_e saisir
un juge d'instruction, puis de régler la procédure, le tout en pure perte. Il existe,
cependant, deux solutions possibles pour remédier à cette dHllculté, sans, pour autant,
ébranler l'édifke des garanties constitutionnelles et légales :
La première consisterait à confier les droits extensifs d'information au procureur
du R.oi et à ses substituts : Ces magistrats offrent, en effet, les mêmes garanties de
compétence et d'équité que le juge d'instruction lui-même. Cette réforme, qui entraine-
rait le transfert d'une partie importante des pouvoirs d'instruction entre les mains du
procureur du Roi, se heurterait, cependant, à des critiques très sérieuses : En effet, il
n'est pas souhaitable de concentrer entre les mains du ministère public les pouvoirs
déjà extrêmement étendus que détiennent séparément l'organe de la poursuite et
l'organe de l'instruction : Il en résulterait, en effet, sans aucun doute, une diminution
des garanties reconnues à la défense ( 1).
L'autre solution, dont il est notamment fait application en matière de douanes
et accises, consiste à permettre aux officiers ou agents compétents de procéder à
certains actes d'instruction, tels que les perquisitions, moyennant autorisation expresse
d'un magistrat (habituellement le juge de paix) (2).
Ce système est généralisé en droit anglais, où un officier de police ( « consta-
ble »), voire même un particulier peut obtenir, dans les cas prévus par la coutume
ou par la loi, un mandat de perquisition ( « search warrant ») décerné par un
« Justice of the peace » au vu d'une dénonciation sous serment ( « information on
oath ») motivée.
Cette formule est fort intéressante, car elle évite l'inconvénient exposé plus
haut, la procédure pour l'obtention d'un mandat de perquisition étant indépendante
des poursuites, sans diminuer pour autant les garanties protectrices de la liberté
individuelle.
SECTION II
95
Cette règle, qui est sanctionnée par une jurisprudence constante
( 1) a été formulée d'une manière particulièrement remarquable par
le Procureur Général Leclercq, dans ses conclusions précédant l'arrêt
de la Cour de Cassation du 10 décembre 1923 ( 2) :
« Dans l'accomplissement de (leur) mission, les agents, chargés
de (la police judiciaire), ne peuvent, précisement parce qu'ils n'exis-
tent que pour faire respecter la loi, accomplir aucune action illégale.
Toute illégalité dont ils se rendraient coupables est sans effet au point
de vue de l'exécution de leur tâche. Le fait que cette action illégale
leur aurait permis de constater, légalement n'est pas constaté. Quand
l'Administration prétend tirer profit du renseignement obtenu à l'aide
de cette illégalité, mettre à fruit cette illégalité, elle oublie que la
chose frugifère étant une action illégale, toutes les conséquences
qu'elle en tire contre l'homme qui en a été la victime, sont entachées
du même viœ d'illégalité. N'existant que pour assurer le respect de
la loi, l'administration se nie elle~même en voulant s'appuyer sciem~
ment sur les illégalités commises par ses agents».
Dès lors, la police judiciaire n'a pas le droit, même dans l'intérêt
de sa mission, même si le bon accomplissement de celle~ci semble Je,
requérir d'une manière impérieuse, de passer outre aux barrières éta~
blies par la Constitution et par la loi et de commettre une action
proscrite par celles-ci. La police judiciaire ne peut notamment ni
provoquer un individu à commettre une infraction ( 3), ni employer
l'intimidation ou la contrainte pour obtenir un temoignage ou un
aveu ( 4), ni commettre une violation de domicile ( 5).
( 1) Voy. not. Cass. 12 mars 1923, Pas. 1. 233. 10 déc. 1923. Pas. 1921. 1. 66, 3 mars
1921, Pas. 1. 230. 9 mai 1927, Pas. 1. 223. 1 mars 1929. Pas. I. 118. 8 jan. 1915: J. T. 232,
(2) Pas. 1921. 1. 66.
(3) Voy. infra n°• 188 et ss.
(4) Voy. infra n°s 203. 208. Le juge d'instruction peut seul contraindre un ttmoin à comparaitre et
à satisfaire à la citation; le prévenu n'est jamais obligé de parler.
(5) Voy, infra n°• 235. 250.
(6) Voy. not. Code Pén. art. 118.
96
aurait permis de constater, légalement n'est pas constaté. La situation
est exactement la même que si aucune constatation du fait délictueux
n'était jamais intervenue; c'est logique: Si la police judiciaire n'avait
pas commis l'action illicite qui vicie la procédure, il ne lui aurait pas
été possible de constater l'infraction, et, par conséquent, cette consta-
tation n'est, elle-même, qu'une conséquence directe de l'action il-
légale et soulffre du même vice d'illégalité (I).
3-0 Les constatations illégales étant inexistantes aux yeux de la
loi, elles ne peuvent pas être invoquées à titre de preuve, sous quelque
forme que œ soit ( 2) :
a) Le procès-verbal contenant la constatation illégale est, lui-
même, dépourvu de toute valeur légale : II doit donc être rejeté en
tant que preuve et radicalement écarté du débat, sous peine d'irrece-
vabilité des poursuites et de nullité absolue de la condamnation qui
serait fondée sur celle-ci.
b) La déposition de l'auteur de l'action illégale en qualité de
témoin ne pourrait pas plus être retenue, car cela équivaudrait à at-
tribuer indirectement une valeur à des constatations qui n'en peuvent
régulièrement pas avoir, et, d'autre part, l'auteur, de l'action illicite
ne pourrait légalement être considéré comme témoin d'un fait dé-
lictueux qui, légalement, n'a jamais pu être constaté par lui.
c) Pour les mêmes raisons, l'auteur de l'action illégale ne pour-
rait même sigmùer valablement au parquet, en application de l'article
29 du code d'instruction criminelle, les faits dont il aurait eu con-
naissance illégalement ( 3).
4° L'aveu de l'auteur de l'infraction ne pourrait même pas couvrir
l'illégalité commise et les tribunaux ne pourraient ni le retenir, ni fon-
der sur lui une condamnation ( 4).
Cela ne fait aucun doute s'il est concommittant à l'action et à la
constatation illégales : II est, alors, en effet, une conséquence directe
et immédiate de celle-ci.
Mais même si raveu intervient ultérieurement et sans contrainte,
il doit cependant être rejeté : cet aveu n'est, en eiffet qu'une suite de
la constatation illégale, la réponse à une interpellation qui n'a, elle-
même, été rendue possible que grâce à la constatation illégale ( 5).
L'illégalité initiale gangrène donc graduellement la procédure
toute entière et entraine, de proche en proche, la nullité de la pour-
suite, puis de la condamnation.
( 1) Voy. note Simone Huynen sous Cass. 8 jan. 1945. J. T. 232 <t jur. citée.
(2) Voy. note Huynen citée. Cass, 13 octobre 1952 ( Nctten c/ Etal belge).
(3) Voy. note sous Litge 18 oct. 1922: B. J. 1923. 55,
(4) Note de M. le Procureur général Cornil sous Cass. 3 féy. 1941. Pu. 1. 30.
(5) Cass. 10 déc. 1923, Pas, 1924. 1. 66: 4 mars 1929; Pas. 1. 119; 24 mai 1948; Pas. 1. 334.
97
Seules échappent à la contagion, et peuvent donc servir de fon~
dement à une poursuite légitime, les constatations absolument étmin-
gèœs à l'action illicite: Peuvent uniquement être considérées comme
telles celles qui sont antérieures à l'action illégale ou celles qui se
rapportent à des faits absolument étrangers à la constatation atteinte
d'illégalité ( 1).
(1) Cass. 27 mai 1940; Pas. I. 155: Il nov. 1942: Pas. I. 278: 2-1 mai 1948; Pas. I. 336.
98
lorsqu'il le juge, à tort ou à raison, utile, les dites garanties ne seraient plus que
phrases vaines. Sans doute est-il des cas où les agissements illégaux sont sans gravité
et où la victime est peu intéressante ; mais quelle assurance posséderions-nous que
les abus, s'ils étaient tolérés, se limiteraient à ces ca$-là?
C'est pourquoi, l'ensemble de nos juridictions, et, par-dessus tout, notre Cour
Suprême, ont maintenu, par une jurisprudence continue et inébranlable, les principes
si remarquablement énoncés par le Procureur Général Leclercq, et ont toujours
repoussé la substitution à ces principes, sous quelque forme que ce soit, et même
dans les meilleures intentions du monde, du raisonnement derrière lequel se dissimulent
tobtes les formes d'arbitraire: « La ,fin justifie les moyens».
Ajoutons enfin que le recours à des procédés illégaux est inutile. cas le consti-
tuant et le législateur ont prévu diverses mesures destinées à empêcher les délin-
quants de poursuivre impunément leurs activités grâce à la protection usurpée que
pourraient leur assurer les garanties constitutionnelles et légales et ont investi la
police judiciaire, lorsqu'un intérêt social le justtflait, de pouvoirs exceptionnels dans
des cas déterminés et moyennant le respect de formes précises : droit de perquisition,
de saisie, d'arrestation : Si nous reprenons maintenant l'exemple de l'officier .de
police judiciaire ayant la certitude morale de découvrir dans la demeure d'un suspect
les preuves permettant de confondre celui-ci, nous voyons qu'il pouvait, au lieu
de commettre une violation de domicile, solliciter un mandat de perquisition dans
les formes légales et aboutir ainsi, sans mesure illicite, au résultat souhaité.
Cependant, si l'annulation de l'acte illicite constitue la seule sanction efficace
du respect des garanties constitutionnelles et légales, il conviendrait, toutefois, de
ne pas étendre les conséquences de cette nullité jusqu'à lui faire outrepasser son
objet: L'abus des nullités de droit est, en effet, considéré à juste titre par tous les
spécialistes comme une entrave à l'administration d'une bonne justice. Or, une
nullité résultant d'un acte illicite de la police judiciaire peut être invoquée, à l'heure
actuelle, à tous les stades de la procédure : Il semble bien que, dans l'intérêt de la
justice, il y aurait lieu, de lege ferenda, d'imposer l'obligation d'invoquer de telles
nullités in limite litis, avant tout débat au fond, faute de quoi elles seraient consi-
dérées comme couvertes : Cette règle, tout en laissant subsister intacte la protection
des garanties constitutionnelles et légales, empêcherait toutefois dans une large
mesure qu'un coupable échappe à une juste répression, à la faveur d'un vice de
procédure invoqué au moment le plus favorable.
CHAPITRE III
( 1) lnstr. 8,
99
Cette règle générale qui découle de la nature même des fonctions
de la police judiciaire, est renforcée par deux dispositions particulières
du code d'instruction criminelle :
1° L'article 29 qui enjoint à tout officier public d'avertir immé-
diatement l'officier du mnistère public compétent lorsqu'il acquiert,
dans l'exercice de ses fonctions, la connaissance d'une infraction ( 1 ) .
Cette disposition qui s'applique même aux fonctionnaires et aux auto-
rités constituées ne dépendant pas de la police judiciaire, s'impose,
a fortiori, à tous les officiers et agents de cette dernière et aussi bien
aux procureurs du Roi et aux juges d'instruction (2) qu'aux membres
des dilfférents corps de police.
2° L'article 47 qui enjoint aux officiers supeneurs de police ju-
diciaire de prendre toutes mesures utiles pour réunir les renseigne-
ments susceptibles de permettre la répression de l'infraction ( 3).
D'une manière générale, le refus de constater ou d'informer con-
stitue, de la part de l'officier ou de l'agent de police judiciaire com-
pétent, une faute susceptible de sanctions dsciplinaires et même, dans
certains cas, de réparations civiles ( 4).
( J) L'article 29 ne parle que des crimes et délits et du procureur du Roi ; mais il est tvident que
la disposition qu'il contient doit être entendue dans un sens large et s'appliquer à toutes les
JnfractJons, de même qu'à tous les officiers du ministère public compétents ( voy. cess. 7 avril
192i: Pas. I. 29-t; 18 mars 19i2; Pas. 1. 69.) ; voy. toutefois. en ce qui concerne la
dénonciation par une autorité publique n'ayant pas la police judiciaire dans ses attributions,
infra n° 194.
(2) Sauf, bien entendu. lorsqu'ils sont eux ..ml:mes compétents pour poursuivre ou instruire
spontanément.
( 3) Même remarque que pour l'art. 29 ( voy. note 1 ci-dessus).
( 1) Il arrive cependant, que pour la constatation de certaines infractions ( en matière du roulage,
. notamment), les of.liciers et agents de police judiciaire doivent jouir d'un certain pouvoir
d'appréciation. Il importe toutefois que celui-cl. lorsqu'il existe, soit exucê avec beaucoup de
discrétion et conformément aux instructions reçues : il ne peut jamais être utilisé, lorsque
l'infraction a causé un dommage, à moins que la victime de celui-ci y consente.
100
TITRE III
96. - LES
DECISIONS JURIDICTIONNELLES D'IN~
STRUCTION. - La fonction juridictionnelle a essentiellement pour
objet de trancher des contestations portant sur des droits ( 1 ) .
Pour déterminer son champ d'action au sein de l'instruction pré-
paratoire, il nous sulffit donc de rechercher dans quelle mesure cette
procédure met en cause des droits individuels et contribue à résoudre
des litiges relatifs à ceux~ci.
Il apparait que la procédure d'instruction exerce une incidence
sur des droits individuels par deux de ses aspects fondamentaux :
Tout d'abord, son déroulement est susceptible de porter atteinte
à un droit constitutionnel essentiel : la liberté individuelle.
Ensuite, elle aboutit à une première décision sur l'action publique
décision dont dépend l'abandon ou l'orientation définitive des pour~
suites.
Les décisions d'instruction qui relèvent par leur nature de la
fonction juridictionnelle sont donc essentiellement celles qui sont re~
latives à la détention préventive et celles qui ont trait au règlement
de la procédure.
'lOI
L'affirmative n'est pas douteuse en ce qui concerne les mesures prises à l'égard
des témoins défaillants: Il s'agit même en l'occurence de véritables jugements de
condamnation. Mais ce sont là, somme toute, plutôt des incidents que de véritables
actes d'instruction.
La visite domiciliaire peut certes être considérée comme une restriction au droit
à l'inviolabilité du domicile, mais le problème réside précisément dans le point de
savoir si l'inviolabilité du domicile est comme la liberté individuelle, un droit absolu
dont le titulaire ne peut être privé que par une décision de justice, ou une simple
garantie relative dont le bénéficiaire ne peut se prévaloir lorsque certaines conditions
découlant des nécessités de l'intérêt public, se trouvent réunies.
La saisie est, de son côté, une atteinte au libre exercice du droit de propriété.
Elle se distingue, toutefois, de la conlfiscation en ce qu'elle n'a aucun caractère
délfinitif: II s'agit d'une simple mesure conservatoire. Elle peut donc être considérée,
au même titre que la visite domiciliaire, comme une mesure administrative, une
forme, destinée à permettre l'usage d'une restriction légale au droit de propriété,
établie dans l'intérêt public.
104
liœ et les actes qui la composent (auditions de témoins, expertises,
etc.), d'une part, et d'autre part l'examen préliminaire des preuves
(audition contradictoire des témoins et des experts) constituent deux
procédures rigoureusement distinctes l'une de l'autre et leur sépara-
tion se traduit par deux règles essentielles:
1° La police judiciaire ( criminal investigation department) est
indépendante à l'égard des magistrats instructeurs (examining ma-
gistrates) et vice-versa.
2° Toute aiffaire entraine la constitution de deux dossiers dis-
tincts, le dossier d'inrormation, qu'il est interdit de communiquer aux
instances judiciaires, et le dossier d'instruction dont la formation est
strictement contradictoire, les dépositions des témoins et des experts
étant recueillies conformément aux principes de la « cross-examina-
tion ».
Reprenons l'exemple du cambriolage; et supposons qu'il ait été commis à
Londres: La police judiciaire (C.I.O.) de Scotland Yard mène son enquète, recueille
les pièces à conviction et les témoignages, sollicite l'avis de ses experts, etc. Lorsa
qu'elle a recueilli des preuves suffisantes à charge d'un individu, elle l'inculpe i!t
procède à son arrestation.
Elle doit alors traduire cet individu devant le « magistrate court» (tribunal de
police) et rapporter les preuves à l'appui de l'inculpation formulée: Ces preuves
doivent être directes et ne peuvent résulter de procès-verbaux ; les témoins et les
experts doivent comparaître devant le tribunal et déposer en présence du prévenu et
de son conseil, qui possèdent le droit de les contre-interroger. L'inculpé peut (sans
Jamais y être obligé) déposer en sa propre faveur et répondre aux accusations dont
il est l'objet; il peut également citer des témoins à décharge qui peuvent être contre-
interrogés par l'accusation. Toutes les dépositions sont recueillies par écrit. Lorsqu'il
estime qu'il existe des charges suffisantes ( a prima facie case), le magistrat renvoie
le prévenu devant la cour de jugement ( 1).
105
qu l'assistent dans sa tâche contribuent simultanément au développe-
ment de l'information et à l'élaboration du dossier de justice, versé
comme preuve au débat.
En même temps que le réquisitoire introductif, le juge d'instruction reçoit tous
les procès-verbaux d'information dressés par la police, et contenant les dépositions
de témoins et de prévenus déjà recueillies, etc. Au cours de son instruction, il provo-
que de nouvelles enquêtes de police et recueille également les procès-verbaux établis
à cette occasion ; les auditions de témoins et d'inculpés auxquelles il procède lui
même contribuent au progrès de son information, mais constituent aussi des preuves
qui servent de base aux décisions juridictionnelles ; il en va de même pour les
expertises qu'il ordonne.
Les juridictions d'instruction statuent sur pièces, sur la base exclusive du
dossier d'instruction, et celui-ci constitue même un important élément de conviction
des juridictions de jugement, à l'exception de la cour d'assises.
110
TITRE IV
L'INFORMATION DU PARQUET
112
Toutes ces opérations doivent être relatées dans le procès-ver-
bal ( 1 ) .
Lorsque l'officier de police judiciaire saisi ( ou l'agent compé-
tent) a épuisé tous les moyens d'investigation à sa disposition, soit
que l'information préliminaire soit terminée, soit que les recherches
qui restent à accomplir sortent des limites de sa compétence (audi-
tion de témoins hors de sa circonscription, perquisitions, expertises),
il clôt le procès-verbal initial et le transmet, avec les autres pièces
de la procédure, au procureur du Roi ( 2) ( ou à l'officier du ministère
public près le tribunal de police, s' il y a lieu).
Cette transmission devant s'effectuer sans délai, il arrive que
l'officier saisi clôture le procès-verbal initial sans avoir terminé ses
recherches, pour ne pas trop en retarder la transmission au parquet :
Dans ce cas, il dresse ultérieurement, s'il y a lieu, et transmet des
procès-verbaux subséquents qui contiennent la relation des devoirs
accomplis par lui postérieurement à l'envoi du procès-verbal initial.
Si ces recherches préliminaires ont déjà permis de procéder à
une arrestation, le prévenu est amené au parquet, à la disposition
du procureur du Roi ; en ce cas, le procès-verbal mentionne l'heure
à laquelle il a été privé de sa liberté, cette heure constituant le point
de départ du délai de 24 heures dans lequel doit intervenir un mandat
d'arrêt (3).
113
Dans l'une comme dans l'autre éventualité, et dans la grosse
majorité des cas, les renseignements déjà recueillis ne sont pas suf-
fisamment décisifs et complets pour mettre aussitôt l'action publique
en mouvement.
Lorsqu'il apparait des premières indications du dossier que le
procureur du Roi n'est pas compétent pour exercer l'action publique
dans le cas envisagé, il transmet immédiatement ( 1 ) les pièces à son
collègue ou à tout autre magistrat compétent.
Lorsque, au contraire, sa compétence n'est pas douteuse, ou
qu'aucun élément ne permet encore de la rejeter, le procureur du Roi
procède généralement, avant de déclencher l'action publique, à une
information extria-judiciaire.
Celle-ci s'eiffectue, par l'envoi, aux d.fficiers de police judiciaire
auxiliaires compétents, d'apostilles leur prescrivant de procèder à tel
ou tel devoir déterminé: audition de témoins, interpellation de pré-
venus, etc. ( 2).
L' d.fficier de police judiciaire requis, après avoir accompli les
devoirs prescrits, dresse procès-verbal de ceux-ci et renvoie le dos-
sier, auquel il a joint son procès-verbal, au procureur du Roi ( 3).
Si l'information doit être poursuivie dans un autre arrondisse-
ment, le procureur du Roi transmet à son collègue compétent une
apostille dans laquelle il précise les devoirs à accomplir dans l'arron-
dissement de ce dernier, et celui-ci fait exécuter par ses officiers de
police judiciaire auxiliaires les devoirs prescrits ( 4).
Le procureur du Roi peut également poursuivre son information
dans les pays limitroph,es (Pays-Bas, Grand duché de Luxembourg,
France) sous certaines conditions, en adressant des apostilles
au magistrats compétents remplissant, dans ces pays, des fonctions
similaires aux siennes : Officier van Justitie, procureur d'Etat, procu-
reur de la République ( 5) .
Les officiers de police judiciaire peuvent aussi, de leur propre
initiative, recueillir des renseignements sur une infraction faisant l' ob-
jet d'une information en cours, en dresser procès-verbal et trans-
mettre celui-ci au procureur du Roi de leur ressort qui le fait, s'il y
a lieu, parvenir à son collègue saisi ( 6).
(1) Ou, ci c'est le procureur du Roi d'un autre arrondissement qui est compétent, aprês avoir
recueilli tous renseignements complémentaires dans son propre arrondissement afin d'éviter des
transmissions de dossier ultérieures inutiles,
(2) Voy. supra n° 8 76 et ss. Le procureur du Roi peut ordonner l'accomplisse.ment de tous actes de
police judiciaire (1. 7 avril 1919, art. 10) à l'exception de ceux qui, parce qu'ils nécessitent l'em ...
ploi de la contrainte, ne peuvent être ordonnés que par le juge d'instruction (supra n° 89) : C'est
ainsi qu'il fait régulièrement entendre les témoins et les prévenus. Le procureur du Roi fait
même procéder éventuelJement à des expertises extra-judiciaires sommaires dans certaines petites
affaires où une telle mesure d'information se justifie : examen médical des victimes d'accidents
de roulage ou de coups et blessures volontaires, par exemple (voy. infra n° 258).
(3) Voy supra n° 81.
(4) Voy. supra n°• 39, 76 et ss.
(5) Voy. supra n° &i,
(6) Voy. instr. 54.
114
C'est là une pratique extrêmement courante, car, par le mécanisme du bulletin
central de signalement, tous les corps de police du Royaume sont associés aux
recherches qu'entraîne la découverte d'une infraction: II est, dès lors fréquent que
le commissaire de police de Verviers, par exemple, découvre un individu devant
être entendu à raison d'une information ouverte à Liège, ou que la police judiciaire
du parquet d'Anvers retrouve un objet volé à Hasselt.
115
sur les éléments réunis par l'information du procureur du Roi ( 1) .
Cette procédure est utilisée dans la plupart des cas de disqualification
à raison de circonstances atténuantes : Contraventionnalisation d'un
délit; correctionnalisation d'un crime.
La disqualification requiert, en effet, l'intervention de la chambre du conseil ;
or, celle-ci ne peut statuer que sur rapport du juge d'instruction : Pourtant, la plupart
des a:ffaires soumises à disqualification ne justLfient pas, vu leur absence de gravité
propre, le recours à l'instruction judiciaire : La solution décrite ci-dessus permet
d'éviter celle-ci, tout en respectant les formes indispensables de la procédure.
116
en ce qui concerne l'ensemble des délits et rien n'empêche plus le
procureur du Roi de n'y avoir recours que lorsque les nécessités de
procédure (perquisition d'office, détention préventive, etc.) l'impo-
sent.
(1) Certains auteurs ont voulu déduire du texte de )' article 32 « Dans tous les cas de flagrant délit,
lorsque le fait est de nature à entrainer une peine afflictive ou infamante :& la conclusion que la
procédure spëciale prévue aux art. 32 et ss. ne s'appliquait qu'au cas de flagrant crime (voy.
Rép. dr. b. v 0 procédure pénale n° 132). Cette opinion est généralement condamnée par la
doctrine et la jurisprudence (voy. Rép. réf. cit.). Les travaux préparatoires du code d'instruction
criminelle ne peuvent laisser aucun doute à ce sujet : les auteurs du code ont voulu rendre le
trànsport du procureur du Roi obligatoire en cas de flagrant crime (d'où le libellé de l'article 32)
mais il reste facultatif, et donc licite, avec les conséquences qu'il ·comporte, en cas de flagrant
délit-. (Voy. Locré, Lég. civ. comm.· et crim. T. XIII. Travaux prép. c. instr. crim. ; Observ.
comm. législ. du corps législ. 7-8 oct. 1809.)
117
commun peut se justifier en pareil cas, dans l'intérêt d'une prompte justice (1); mais
pour cela, il est indispensable que l'infraction et l'identité de son auteur soien~
simultanément et indiscutablement établis. Or le code omet de formuler cette condi-
tion pourtant essentielle ( 2) .
( J) Une telle procédure existe en Angleterre et a été instituée en France par la loi du 20 mai
1863, modifiée pa1· la loi du 23 juin 1921, qui s'inspirent de l'exemple anglais: Le malfaiteur
pris en flagrant délit est conduit devant le: procureur de la République ; après interrogatoire, il
peut être traduit immédiatement devant le tribunal, sans citation d'huissier et sans délai
(S'il n'y a pas d'audience, il comparait le lendemain et est retenu, jusqu'à là, sous mandat
de dépôt). Les témoins sont cités verbalement par la police judiciaire. L'inculpé: peut réclamer
un délai de 3 jours pour préparer sa défense et ce délai doit lui être accordé, Le
président du tribunal est tenu de l'aviser de l'existence de cette prérogative. Cette procédure
est facultative et limitée aux matières correctionnelles punissables d'emprisonnement; elle n'est
pas applicable à certains délits (politiques. de prtsse, etc. voy. Donnedieu de Vabres, droit
criminel, n° 8 1384 et ss.).
(2) Sans doute, la jurisprudence peut .. elle préciser les critères du flagrant délit et interpréter la
Joi : il lui appartient de décider souverainement si tel fait, survenu dans telles circonstances, a
constitué, ou non, un flagrant délit; malheureusement, ce n"est pas au moment où les tribunaux
sont saisis qu'il importe de savoir si les pouvoirs exceptionnels résultant du flagrant délit
étaient utilisables ou non : C'est au moment où l'officier de police judiciaire doit prendre la
décision d'y avoir recours qu'il importe que cet officier soit clairement fixé sur l'étendue de
ses droits; l'information ne peut être à la merci d'une erreur d'appréciation initiale
qui risquerait de rendre nuJles toutes les poursuites ultérieures.
(3) Voy. Rép. dr. b. v 0 procédure pénale, n°• 125 et 161.
( 1) Le flagrant délit ré:el justifierait, sans aucun doute, une procédure de jugement plus expéditive
mais pas des droits d'instruction exceptionnels: Le coupable étant connu et. au besoin. arrêté
et sa culpabilité étant établie· d'une manière indiscutable, il n'y a, évidemment pas Heu de
renforcer les pouvoirs des enquêteurs, alors que la tâche de ceux .. ci est moins complexe que
dans la plupart des cas. lnyersément. en cas de découverte immédiate d'un crime dont l'auteur
est inconnu, lè succès de J'inform3tion dépend souvent des toutes premières mesures prises, En
pareil cas. dès lors, l'attribution de pouvoirs d'information extensifs à durée limitée aui:
officiers premiers saisis se justifierait pleinement.
118
information du procureur du Roi, soit à une instruction judiciaire, conformément
aux règles ordinaires propres à ces deux procédures ( 1).
119
ture de l'information du procureur du Roi implique que les recherches
sont terminées et que l'enquête, que son résultat ait été positif ou
négatif, est néammoins complète. Par contre, lorsque le procureur du
Roi requiert le juge d'instruction d'ouvrir une information, les recher-
ches sont loin d'être terminées et l'enquête n'est ni clôturée, ni in-
terrompue, mais sa direction passe des mains du procureur du Roi à
celles du juge d'instruction et ce magistrat la poursuit, conformément
à des règles sensiblement drfférentes de celles qui régissent l'infor-
mation du procureur du Roi. Nous étudierons ces règles au chapitre
suivant ( 1).
La clôture de l'information du procureur du Roi, pour quelque
motif que ce soit, n'interdit jamais à ce magistrat de reprendre ulté~
rieurement ses recherches: Même lorsque l'action publique est mise
en mouvement et qu'une juridiction d'instruction ou même de juge-
ment est saisie, le procureur du Roi peut toujours recueillir des ren-
seignements complémentaires et les joindre à son dossier ( 2).
120
113. - L'EMPLOI DES LANGUES A L'INFORMATION
DU PARQUET. - Les officiers du ministère public font usage pour
leurs actes d'information de la langue prévue en matière répressive
pour le tribunal près duquel ils sont établis ( 1).
En d'autres termes, les procureurs du Roi et les officiers du ministère public
près les tribunaux de police des provinces wallonnes (Hainaut, Liège, Luxembourg,
Namur) et de l'arrondissement de Nivelles font usage du Français; les procureurs
du Roi et les officiers du ministère public près les tribunaux de police des provinces
flamandes (Anvers, Flandre occidentale, Flandre orientale, Limbourg) et de l'arron-
dissement de Louvain, ainsi que les officiers du ministère public près les tribunaux
de police de l'arrondissement de Bruxelles dont le ressort est composé exclusivement
de communes flamandes sises en dehors de l'agglomération bruxelloise, font usage
du Néerlandais: Le procureur du Roi de Bruxelles et les officiers du ministère public
près les tribunaux de police de l'agglomération bruxelloise font usage du Français
ou du Néerlandais selon les distinctions établies à l'article 16 de la loi sur l'emploi
des langues en matière judiciaire du 15 juin 1935 ; le procureur du Roi de Verviers
et les officiers du ministère public près les tribunaux de police de Malmédy, Aubel.
Limbourg, Eupen et Saint-Vith font usage du Français ou de !'Allemand selon les
distinctions établies à l'article 17 de cette loi.
CHAPITRE II
L'INSTRUCTION JUDICIAIRE
121
tion elle-même ( voy. infra n°• 126 et ss.) et enûn le contrôle de l'in-
struction ( voy. infra n° 8 164 et ss.).
2° L'information exclut tout emploi de la contrainte, tandis que
l'instruction comporte l'emploi fréquent de mesures de contrainte:
perquisitions, obligation de témoigner, détention préventive, etc.
SECTION 1••
La saisine du juge d'instruction
122
1° Par la constatation directe d'un crime ou d'un délit flagrant.
2° Par plainte de la partie lésée accompagnée de constitution
de partie civiile.
3° Par réquisitoire du procureur du Roi.
123
Ce texte définit parfaitement les deux conditions requises pour
qu'il y ait saisine du juge d'instruction à l'intervention de la partie
lésée : Il faut :
1° Une plainte ( 1).
2° La mise en mouvement de I'·action civile en réparation du
dommage causé par le crime ou le délit faisant l'objet de la plainte.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, le juge est satSt non
seulement de l'action civile, mais aussi de l'actiQll publique et il peut
donc ouvrir une information.
Il doit, cependant, s'assurer au préalable qu'il est bien compétent
ratione loci, c'est-à-dire qu'il est bien le juge d'instruction du lieu
du crime ou du délit, de la résidence du prévenu ou du lieu où il
pourra être trouvé : Dans le cas contraire, il renvoie la plainte à son
collègue compétent ratione loci, lequel est alors saisi et de l'action
civile, et de l'action publique ( 2) ( 3).
Le juge doit, toutefois, user de cette faculté avant tout acte d'instruction (4) :
S'il accepte de se saisir, en transmettant, par exemple, la plainte au procureur du
Roi, pour réquisitoire, il est, ipso facto, saisi irrévocablement et seule la chambre
du conseil peut alors régler la procédure (5).
124
l'action publique, même contre l'avis du parquet. Aussi, la jurisprudence belge
ne l'a-t-elle pas admise ( 1), pas plus, d'ailleurs, que la jurisprudence française plus
récente (2).
Le procureur du Roi, saisi d'une plainte accompagnée de partie
civile, qui lui est transmise par le juge d'instruction, n'a pas le pou-
voir de paralyser l'information : Il ne peut donc ni classer la plainte
sans suite ( 3), ni requérir le juge d'instruction de ne pas informer
( 4) : Par conséquent, seules deux attitudes lui sont permises :
1° Si aucun obstacle de forme ou de fond ne paralyse l'intente-
ment de l'action publique, il doit requérir le juge d'informer sur les
faits dénoncés dans la plainte.
2° Si au contraire, il estime que l'action publique n'est pas rece-
vable, pour une raison quelconque ( question préjudicielle, incompé-
tence du juge), il doit requérir la chambre du conseil de rendre une
ordonnance de non-lieu ou de dessaisissement contre laquelle la par-
tie civile peut éventuellement faire opposition devant la chambre des
mises en accusation ( 5) ( 6) .
125
( 1). En l'absence de plainte antérieure, l'acte de constitution de
partie civile peut être considéré pratiquement comme constituant,
à lui seul. plainte valable ( 2).
2° La constitution de partie civile doit être faite devant le juge
d'instruction ( 3). Elle ne se présume jamais et doit résulter soit d'une
déclaration formelle, soit de conclusions de dommages-intérêts con-
tenues dans la plainte ou dans un acte subséquent (4).
En pratique, l'acte de constitution de partie civile est un écrit, signé par la
partie lésée ou par un mandataire spécial (5) et remis au juge d'instruction qui
constate cette remise par un procès-verbal. Aucune forme sacramentelle n'est exigée :
Il sutfllt que ce document exprime de manière suffisamment claire et formelle la
volonté de la partie lésée.
126
Les provinces, les communes, les administrations et établisse-
ments publics sont dispensés de la consignation.
Le juge d'instruction peut inviter la partie civile à effectuer, en
cours d'instruction, une consignation complémentaire si la première
est devenue insuffisante ( 1).
Les décisions du juge d'instruction relatives à la consignation des
sommes nécessaires pour frais de procédure sont de mesure admi-
nistratives et non des actes juridictionnels ; elles ne sont pas suscep-
tibles d'appel (2).
127
Cette constitution obéit aux mêmes règles que lorsqu'elle est
effectuée en vue de saisir le juge d'instruction ( Cf. supra n° 119).
Toutefois, aucune consignation au grerffe pour frais de procédure
n'est exigée en pareil cas ( 1).
( 1) Loi du Ier juin 1849, art. 5. modifié par la loi du 25 octobre 1950. art. 3.
(2) Voy. supra n°s 108. 109. Ill.
(3) lnstr. 47 et 64.
(i) Voy. Rép. dr. b. v 0 procédure pénale n° 291.
(5) Braas. instr. crim. p. 188; Cass. 3 mars 1952; Pas. 1. 397.
(6) Le réquisitoire peut être dressé par le Procureur du Roi en dehors du chef lieu de l'ar-
rondissement et ne doit pas désigner nominativement le juge requis ( Cass. 3 avril 1916, Pas.
1915-16. 1. 3i3).
( 7) lnstr. 47.
(8) Cass. 3 nov. 1930, Pa!"i, I. 348. Il est tout à fait norma) que le juge d'instruction ne soit pa&
lié par la qualification du parquet, car celle--ci n'a, jusqu'au jugement, qu'un caractère indicatif:
en revanche, il nous parait quelque peu excessif que le procureur du Roi puisse s'abstenir de
toute qualification des faits à propos desquels il requiert information : en effet, la mise en
mouvement de l' ü.Ction publique ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la loi ( Constitu--
128
Le réquisitoire ne doit pas désigner le ou les individus contre
lesquels l'action publique est intentée et qui sont prévenus des faits
faisant l'objet de l'instruction, et cela, même s'il existe un ou plusieurs
suspects ( 1 ) .
129
contradictoire entre le ministère public, la partie civile et l'inculpé)
( 1 ) elle rend alors soit une ordonnance de dessaississement, soit une
ordonnance de surséance à statuer, selon qu'elle estime l'action publi-
que irrecevable ou non ( 2); la question de recevabilité étant tranchée,
le procureur du Roi, si l'action a été reconnue recevable, requiert le
juge d'instruction de procéder à l'information ; si celui-ci refuse de
s'incliner, la conflit est porté devant la chambre des mises en accusa-
tion (3) (voy. infra n° 151 ).
130
Aux termes de l'article 23 de la loi du 18 juin 1869, « Lorsque
le juge d'instruction, ou un des juges d'instruction, dans les arron-
dissements où il y en a deux ou plusieurs, se trouve empêché par
quelque cause que ce soit, le tribunal et, en cas d'urgence, le pré-
sident désigne un juge titulaire pour le remplacer ».
La délégation requise peut être verbale; toutefois, c'est au
ministère public qu'il appartient, en pareil cas, de démontrer son
existence ( 1 ) .
SECTION II
Règles de l'instruction
131
tion en cours, ils transmettent leur procès-verbal au procureur du
Roi et non au juge d'instruction: Ils n'adressent, en clfet, de procès-
verbaux directement à celui-ci qu'en réponse à ses apostilles; mais
le procureur du Roi communique immédiatement au juge d'instruction
tous les procès-verbaux qu'il reçoit relativement à une instruction
dont le juge est saisi ( 1 ) .
132
3° Les expertises ( 1 ) sont judiciaires dans leurs formes : Délimi~
tation, par le juge, de la missi0111 de l'expert, prestation de serment
de celui~ci préalablement à toute opération ( 2). Mais, d'autre part,
elles sont, comme les auditions de témoins, dues à l'initiative du
magistrat instructeur et unilatérales ( 3 ) .
Leur objet se rattache très souvent à la police judiciaire: recher~
che des preuves ou de l'identité des coupables par l'examen scienti~
tfique des pièces à conviction.
L'expertise aurait un caractère purement juridictionnel si elle avait pour but
l'examen, par un spécialiste, des preuves matérielles fournies par l'accusation, en
vue de déterminer, à l'usage du juge (4) si les conclusions que l'accusation déduit
de celles-ci, et que la défense conteste, sont fondées ou non. La nuance a son prix :
Les expertises à l'instruction pénale ont plus souvent pour objet de fournir des
éléments permettant de formuler (ou d'abandonner) une accusation (d'établir, par
exemple, par l'autopsie de la victime, si son décès est dû à un accident, un suicide
ou un meurtre, à quel moment ce décès remonte et par quel moyen il a été provoqué)
que de vérifier si une accusation est scienüflquement fondée ( ce qui serait le cas
s'û s'agissait, par exemple, de véri:fier si les causes du décès sont bien imputables à
l'accusé et sont bien conformes à la thèse soutenue par l'accusation). La différence
est ténue, mais elle est indiscutable: En fait, il s'agit de voir si l'expert doit être
considéré comme le conseiller technique du ministère public, ou comme le conseiller
technique du juge; il peut arriver qu'il soit les deux (par exemple, lorsqu'il constate
la correspondance entre les empreintes digitales relevées sur les lieux du crime
et celles du prévenu, il fournit, à la fois, un argument à l'accusation, et au juge
un moyen d'apprécier la valeur de cet argument). Enfin, le juge peut toujours, au
pénal (5), l'expertise contradictoire n'étant pas de droit, même lorsque l'expert a
indiscutablement agi comme conseil technique de la partie publique, faire siennes les
conclusions de cet expert et le considérer, de ce fait, comme son propre conseil
technique.
4° Les transports sur les lieux ( 6) se déroulent selon des formes
judiciaires: Le juge d'instruction ne se déplace qu'acoompagné du pro~
CUl"ettr du Roi et du greffier; cependant, comme les auditions de té~
moins et les expertises, ils sont provoqués par le magistrat instructeur
et unilatéraux. Mais l'objet de la descente relève de la police judi~
ciaire : Elle tend à l'examen des lieux en vue de recueillir des ren~
seignements et non en vue d'apprécier la valeur des arguments des
parties.
( 1) Voy. infra n° 9 257 et ss.
(2) lnstr. 44.
(3) Il est couramment admis que l'ordonnance d'expertise est un acte de juridiction. tandis que
la désignation de l'expert est un acte de police judiciaire : Nous ne pouvons admettre cette
opinion. A nos yeux. l'expertise dans son ensemble est un acte mixte. se rattachant par certains
côtés à la police judiciaire et par d'autres à ln fonction juridictionnelle (voy. supra n° 104;
p. 81. note 2 et infra n° 257).
{4) Au sens large: de l'autorité chargée de juger.
{5) Dans un procès civil. il est courant de voir la partie demanderesse étayer ses arguments sur
les conclusions de son conseil technique ( Lorsque. par exemple. un locataire réclame l'exécution
de grosses réparations, il lui arrive, au préalable, de faire examiner le batiment endommagé
par un architecte qui rédige un rapport constatant les dégradations et proposant les remèdes
qu' iJ estime adéquats) ; mais si le propriétaire conteste les conclusions de ce rapport, le tribunal
ordonne une expertise contradfctoire, afin d' ftre éclairé par un spécialiste indépendant avant de
prononcer son jugement. li y a donc. dans le cas envisagé, deux expertises : La première
destinée à guider le demandeur dans son action. la seconde ayant pour objet de guider le juge
dans sa décision ; seule la seconde de ces expertise~ a un caractère juridictionnel. Au pénal.
une seuie expertise cumule les deux objets et assiste, à la fois, le ministère public dans
l'élaboration de son accusation et le juge dans l' êlaboration de son jugement, Cette expertise
a donc un caractère juridictionnel partiel. mais seu]ement partiel.
(6) Voy. infra n°• 200 et 201.
133
Notons cependant qu'en cas de reconstitution du crime la descente comporte, sans
aucun doute, un élément juridictionnel dans la mesure où elle contribue à former
l'opinion du juge, et, par voie de conséquence, celle des juridictions d'instruction. Ici,
comme en matière d'expertise, la distinction est subtile, mais incontestable: Cette
absence de limites nettement tranchées provient d'ailleurs, comme nous l'avons déjà
démontré, de l'enchevêtrement extrême, dans la personne du juge d'instruction, des
fonctions de police judiciaire et des fonctions de juridiction ( 1).
SECTION III
La dérention préventive
134
130. CONDITIONS REQUISES POUR DECERNER
MANDAT D'ARRET - Pour qu'un mandat d'arrêt puisse être
décerné à charge de l'inculpé, il faut que le fait soit de nature à
entrainer un e::m.prisodllletnent correctionnel de trois mois ou une
peine plus grave ( 1 ) .
Cette règle ne signûfie pas que le minimum de la peine doit être de trois mois au
moins, mais bien que le fait doit être passible d'une peine de trois mois (2).
Lorsque le prévenu est inculpé de plusieurs faits, il ne suffit pas que les peines
cumulées prévues pour ces divers faits atteignent un total de trois mois, mais il
faut qu'un au moins des faits visés puisse entrainer une peine de cette importan-
ce (3).
(1) Loi du 20 avril 1871. art. I". Il peut, bien entendu, être dérogé à cette règle par des lois
particulières (A. Maréchal: La détention préventive, n° 53).
(2) Cass. 25 oct. 1913, Par. 194-!. I. 21.
(3) A. Maréchal. La détention préventive, n° 78 et 79.
(1) Décret du 19 juillet 1831, art. 8, modifié par la loi du 19 juillet 1931. art. 5. La détention
préventive peut toujours ttre ordonnée pour crimes politiques (Cass. 24 juin 1919; Par. 1. 162).
(5) Loi du 21 avril 1871, art. 1er, al. 2.
(6) Cf. A. Marêchal: La détention préventive, n° 88 et 89. Marchal et Jaspar: Droit criminel,
n° 2-!52.
(7) Cass. 1 juin 1883; Pas. I. 258.
(8) Cass. 3 mai 1909; Pas. 1, 231 ; 6 fév. 1882 ; Pas, 1. 15; 1 juin 1883; Pas. 1. 258.
(9) A. Maréchal : la détention préventive, n° 82 et réf. cit, Les circonstances graves et exception-
nelles requises pour qu'un mandat d'arrft puisse être décerné à charge d'un inculpé ayant sa
.résidence en Belgique, peuvent résultu du danger que le prévenu exerce une pression sur les
témoins et réitère des faits de même nature. (Appel Gand, 5 sept. 1952; R. W .. 1952-1953, 810.)
( 10) A. Maréchal : la détention préventive. n° 80.
(Il) Loi du 20 avril 1871. art. 1er, al. 3.
135
En pareille hypothèse, l'existence de circonstances graves et
exceptionnelles rendant cette mesure indispensable pour l'intérêt de
la sécurité publique n'est pas exigée par la loi ( 1).
Outre les conditions énumérées ci-dessus, la détention préven-
tive ne peut être ordonnée en aucun cas que s'il existe des indices
de culpabilité ( 2).
136
132. -PROCEDURE D'EMISSION DU MANDAT D'AR~
RET. - Le juge d'instruction décerne mandat d'arrêt en cours
d'instruction de sa propre initiative, sans devoir demander l'avis
préalable du procureur du Roi ( 1 ) .
Ce point a été vivement controversé. Il semble cependant devoir être résolu
dans le sens que nous indiquons: Le juge d'instruction n'est, en principe, pas consi-
déré comme tenu de prendre l'avis du procureur du Roi avant d'accomplir un acte
d'instruction et, à défaut de disposition spéciale de la loi, on ne voit pas pour quel
motif il devrait être dérogé à ce principe en matière d'arrestation de l'inculpé.
Certains auteurs (2) indiquent cependant que le juge d'instruction doit, tout
au moins, demander l'avis verbal du procureur du Roi. Que ce soit là une utile
précaution pratique, nous n'en disconvenons pas. Mais une demande d'avis verbale,
dont il ne reste aucune trace au dossier, ne peut d'être considérée comme une forma-
lité légale dont dépend la validité de l'acte.
137
Au cours de l'interrogatoire, l'inculpé doit être spécialement în~
terpellé sur le point de savoir s'il a fait choix d'un conseil et mention
en est faite au procès~verbal ( 1 ) ( 2).
Le mandat d'arrêt doit être décerné immédiatement après l'in~
terrogatoire; cependant, le juge d'instruction peut faire contrôler
au préalable les allégations de l'inculpé, pour autant que les devoirs
requis soient accomplis à très bref délai ( 3) ( 4).
Le mandat d'arrêt doit en principe être décerné après le premier interrogatoire
de l'inculpé. Il peut cependant encore l'être à la suite d'un interrogatoire subséquent,
mais il est certain qu'en pareil cas, le prévenu ne peut être mis en état d'arrestation
que sur la base d'éléments nouveaux, recueillis depuis le premier interrogatoire et
révélant soit l'existence d'indices de culpabilité inconnus jusqu'alors, soit celle de
circonstances graves et exceptionnelles ( 5). Si le juge d'instruction n'a, en effet,
pas estimé devoir placer l'inculpé en état d'arrestation lors du premier interrogatoire,
c'est qu'il a jugé les éléments connus de lui à ce moment insuffisants pour justlJier
cette mesure. Il ne peut donc trouver ultérieurement dans les mt'mes éléments des
raisons suffisantes pour motiver une décision en sens inverse.
Le mandat d'arrêt peut toutefois être décerné à tout moment si l'inculpé est en
défaut de se présenter à un acte de la procédure d'instruction (cf. infra n° 142).
En outre, si à la suite d'une ordonnance de dessaisissement rendue par une
juridiction d'instruction à l'égard d'un inculpé détenu sous mandat d'arrêt, lïnstruc-
tion doit être poursuivie devant un autre juge, ce magistrat peut décerner immédiate-
ment un nouveau mandat d'arrêt sans que celui-ci doive être fondé sur des
circonstances nouvelles. (Cass. 24 sept. 1951; Pas. 1952.1.21).
138
133. - FORMES DU MANDAT D'ARRET. -- Le mandat
d'arrêt étant une ordonnance de justice, doit être motivé ( l). Pour
satisfaire à cette obligation, il doit rencontrer dans ses motifs toutes
les conditions exigées par la loi dans chaque cas particulier.
L'article 2 de la loi du 20 avril 1871 impose une motivation spéciale dans le
cas prévu à l'alinéa 2 de l'article 1er: Si l'inculpé a sa résidence en Belgique, le
mandat doit spécifier les circonstances graves et exceptionnelles, intéressant la
sécurité publique, par lesquelles l'arrestation est motivée. Le procureur du Roi devrait
refuser l'exécution d'un mandat d'arrêt qui ne satisferait pas au prescrit de l'arti-
cle 2 (2).
Le mandat d'arrêt doit en outre comporter les diverses mentions
nécessaires à son exécution ou au contrôle de sa régularité: Nom,
qualité, signature et sceau du magistrat qui le délivre ( 3) ; désigna-
tion du prévenu ( 4) ; constatation de l'interrogatoire préalable ; in-
dication de la prévention et de la loi applicable ; date de sa déli-
vrance ; formule exécutoire.
La loi n'exige pas que le mandat d'arrêt contienne une énonciation détaillée des
faits de la prévention ( 5). En outre, il n'est pas prescrit que le mandat mentionne
la date des faits pour lesquels il est décerné (6). La mt'ntion du texte légal dont il
est fait application est toutefois indispensable (7).
La mention de la formalité de l'interrogatoire n'est pas prescrite à peine de
nullité (8) ; mais si elle fait défaut, il est nécessaire que son accomplissement
résulte des pièces transmises à la Cour de cassation en cas de pourvoi, c'est-à-dire
de J'ordonnance de la chambre du Conseil ou de celle de la chambre des mises en
accusation (9). La sanction de l'inobservation des formalités prescrites pour le
mandat d'arrêt n'est en général pas la nullité, sauf s'il y a violation des droits de
la défense, mais bien, théoriquement du moins, l'amende prévue par l'article 112 du
code d'instruction criminelle ( 10).
139
Le mandat d'arrêt est notifié au prévenu par un huissier ou par
un agent de la force publique qui l'exhibe à l'intéressé et lui en
délivre copie ( instr. 97) .
Ces formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité, pourvu que les droits
de la défense n'aient pas été méconnus ( 1). Il est rare que dans la pratique le juge
d'instruction transmette le mandat d'arrêt au parquet pour exécution: Le plus
souvent, il charge directement la gendarmerie de le notifier à l'inculpé.
140
Cette communication se fait, évidemment, dans les limites normales imposées
par le régime de la détention ( 1). Ce régime ne peut, cependant, être conçu de
manière à léser les droits de la défense. Le prévenu doit pouvoir consulter son conseil
hors de la présence des gardiens. La personne déclarant être le conseil de l'inculpé
doit faire la preuve de sa qualité (2).
141
mandat d'arrêt ( 1 ) . La chambre du conseil doit donc vérifier et
contrôler les motifs de ce mandat, apprécier la nécessité de maintenir
la détention préventive de la même manière et en s'inspirant des
mêmes règles légales que le juge d'instruction, lorsqu'il décerne le
mandat.
Si l'inculpé a sa résidence en Belgique, la chambre du conseil doit donc vériller
s'il existe des circonstances graves et exceptionnelles imposant le maintien de la
<létention dans l'intérêt de la sécurité publique.
Si le fait peut entrainer la peine des travaux forcés de quinze à vingt ans ou
une peine plus grave et que la chambre du conseil juge qu'il existe des indices
suffisants de culpabilité (2), elle ne peut refuser la conllrmation du mandat sous
prétexte qu'il ne se rencontre pas de circonstances graves et exceptionnelles (3).
142
La gravité particulière des faits mis à charge de l'inculpé et l'atteinte que sa
mise en liberté porterait à l'ordre social et au sentiment public constituent des justi-
fkatlon suffisantes que l'intérêt public exige le maintien de la détention (Cass. 3 nov.
1941. Pas. I, 310).
143
représenter à tous les actes de la procédure, aussitôt qu'il en est
requis ( 1).
144
Par. 6. - Les obligations de l'inculpé en liberté. - Le
nouveau mandat d'arrêt.
142. - REGLES. - Préalablement à la mise en liberté, avec
ou sans cautionnement, le détenu doit, par acte reçu au greffe ou par
déclaration signée, remise au directeur de la prison, élire domicile,
s'il est inculpé, dans le lieu où siègE: le juge d'instruction, s'il est
prévenu ou accusé, dans celui où siège la juridiction saisie du fond
de l'affaire ( 1 ).
Toutes les notifications qui doivent être faites à l'intéressé peu-
vent l'être au domicile élu ( 2).
L'inculpé laissé ou remis en liberté doit se présenter à tous les
actes de la procédtwe d'instruction.
S'il est en défaut de le faire, le juge d'instruction peut, en tout
état de cause, décerner contre lui un mandat d'arrêt ( 3).
La détention préventive ne peut toutefois être ordonnée, en cours
de procédure, contre l'inculpé défaillant que si le fait est passible
d'une peine de trois mois. L'article 8 de la loi du 20 avril 1874, parle,
en effet, de l'inculpé « laissé» en liberté, ce qui implique que la
règle ne vaut que pour l'inculpé qui pouvait être mis sous mandat
d'arrêt lors de son inculpation.
En dehors de l'hypothèse mentionnée ci-dessus, l'inculpé remis
en liberté ne peut être placé à nouveau sous mandat d'arrêt que si
des circonstances .nouvelles et graves rendent cette mesure nécessaire.
Le mandat doit spécifier les circonstances motivant la nouvelle
arrestation.
Le mandat d'arrêt décerné contre l'inculpé défaillant et celui
émis à raison des circonstances nouvelles et graves doit être con-
firmé dans les cinq jours de son exécution, par la chambre du conseil,
en la forme prescrite par l'article 4 de la loi du 20 avril 1874 ( 4)
(cf. supra n° 137).
La loi ne prévoit pas, en pareil cas, d'interrogatoire préalable,
mais il est conforme à son esprit que le mandat ne soit décerné
qu'après interrogatoire si la chose est possible ( 5).
145
à la détention préventive sont sans influence sur la validité de la
décision de condamnation (jurisprudence constante, voy. not. Cass.
1"r avril 1946, Pas. 1, 127).
( 1) Loi du 20 avril 1874. art. 22. Maréchal. n° 397 et lêgislation citée en matière d'accises.
(2) Maréchal, n° 402, 1. Loi du 26 août 1822, art. 224 modifié par la loi du 6 avril 1843, art. 20.
(3) Maréchal, n° 402, 2.
(4) Janssens de Bisthoven, p. 16.
(5) Cf. Maréchal, n'" 405 et 406 in fine.
( 6) lnstr. 91 et ss.
(7) Maréchal, n° 420. Arr. Roy. du 2 juillet 1824, art. 4; arr. roy. n" 75 du 30 nov. 1939,
art. 138, par. 5.
(8) Maréchal, n° 421 ; Brux. 2 sept. 1853 ; Pas. 1856, II, 19. Liège 15 mars 1887; Pas . . Il. 357.
Brux. 19 juillet 1895 ; Pas. 1896, Il, 186.
(9) lnstr, 114 et ss. En matière de douanes. la mise en liberté provisoire peut cependant être
accordée sans caution (Maréchal. n° 428; art. 138, par. 7 de l'A.R. n° 75 du 30 nov. 1939).
(10) lnstr. 114; Cass. 28 mai 1934: Pas, 1. 290: Gand 21 juin 1894: Pas. Il. 361.
( 11) Cass. 27 sept. 1932 : Pas. I. 249 : 28 mai 1934 : Pas. I. 290.
(12) Brux. ch. mises, 23 lév. 1847: Pas. Il, 280. Maréchal. n" 424.
146
145. - ARRESTATION A BORD DES NAVIRES BELGES DES INDIVI-
DUS POURSUIVIS PAR LA JUSTICE BELGE. - Lorsqu'un individu poursuivi
ou condamné par la justice belge se trouve à bord d'un navire belge ayant quitté
les eaux territoriales, le Ministre de la justice peut transmettre au capitaine, par
l'intermédiaire d'un consul ou autrement, en employant au besoin la voie télégraphi-
que, une copie de J'ordonnance d'arrestation ou de capture rendue par l'autorité
judiciaire compétente. Le capitaine est tenu d'exécuter cette ordonnance et de la
signifier à l'intéressé, au moment de son arrestation, ou, au plus tard, dans les
vingt-quatre heures.
L'individu ainsi arrêté restera détenu, à bord, jusqu'au retour du navire ou
jusqu'à la rencontre d'un autre bâtiment belge ( 1).
Les délais prévus par la loi sur la détention préventive prendront cours du
moment où le prévenu aura été écroué dans une des prisons du royaume (2).
147
Dans la pratique, un duplicata est adressé immédiatement par voie directe à
l'~utorité étrangère compétente. Celle-ci est, au besoin, avisée par télégramme (1).
SECTION IV
La mise en observation de l'inculpé par application
de la loi de défense sociale
( I) Maréchal. n° 137.
(2) Loi du 9 anil 1930, art. l"'.
( 3) Loi du 9 avril 1930, art. 2.
( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 3.
148
devant la juridiction compétente autrement composée (Brux. 15 juin 1938; Rev. dr.
pén. 847) (1).
Si la loi de défense sociale organise la mise en observation des inculpés
présentant des symptômes de démence, de déséquilibre mental ou de débilité men-
tale, elle ne modifie pas les principes suivant lesquels se fait la désignation de
l'expert chargé de l'examen mental. La désignation de l'expert et la détermination
de sa mission sont dans les attributions du magistrat instructeur et des juridictions
de jugement; elles n'appartiennent pas aux chambres d'instruction, même lorsque
celles-ci ordonnent la mise en observation de l'inculpé. (Loi du 9 avril 1930, art. 1••
à 6 et 29). (Cass. 6 mars 1934. Pas. I, 205; Rev. dr. pén. 293).
149
et qui est seul à pouvoir apprécier si la tâche de celui-ci est ou n'est pas complète-
ment exécutée, constate que celui-ci a entièrement rempli sa mission. (Cass., 17 mai
1943; Pas. I, 185 et note R.H.).
Le placement en observation ayant pris fin, l'inculpé contre qui
mandat d'arrêt a été décerné est réintégré à la maison d'arrêt ou de
justice, à moins que son internement immédiat ne soit ordonné
conformément à l'article 7 ( 1).
La mise en observation suspend la détention préventive. Celle-ci reprend auto-
matiquement, sans formalités, à l'expiration du terme flxé pour l'observation. (Liège,
ch. mises ace., 16 décembre 1932. B.J. 1933, 123; Cass. 20 déc. 1937; Pas. I, 386
et avis de M. l'avocat général Sartini van den Kerckhove).
La chambre du conseil peut instituer un examen psychiatrique d'un inculpé à
l'intérieur d'un local approprié, même si, en suite des errements de la procédure, le
juge d'instruction ne peut plus décerner mandat d'arrêt nouveau contre ce prévenu
relevé d'un premier mandat. (Bruxelles, ch. mises ace., 28 janv. 1931 ; Rev. dr.
pén. 259).
Nous examinerons (infra n°• 178 et ss.) la procédure suivie
devant les juridictions d'instruction en matière de mise en observa-
tion des inculpés.
Le ministère public et l'inculpé peuvent appeler des décisions
de la chambre du conseil et du tribunal correctionnel ordonnant ou
refusant le placement en observation.
L'appel est formé et jugé suivant les articles 19 et 20 de la loi
du 20 avril 1874 (2). (Cf. supra n° 139 et infra n°" 170, 178 et ss.).
SECTION V
La clôture de l'instruction.
148. - PRINCIPE. - La clôture de l'instruction judiciaire ne
peut, comme celle de l'information du procureur du Roi, s'effectuer
sans formalités, par un simple classement du dossier: Si l'affaire n'est
pas susceptible de développements ultérieurs, le sort de l'action
publique, qui a été mise en mouvement, doit être réglé par une
décisio111 judiciaire die non~lieu; si, au contraire, le résultat de l'in-
struction permet l'exercice de poursuites définitives, il convient éga-
lement qu'une décisiJon judiciaire de renvoi clôture la procédure pré-
paratoire.
Le dessaississement du juge d'instruction ne peut donc être
opéré, en toute éventualité, que par une décision de justice: Dans
notre procédure, c'est à la chambre du conseil qu'il incombe de
statuer sur l'nformation du juge d'instruction (3).
( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 6, al. i. Voy., en ce qui concerne l'ordonnance d'internement, infra
n° 155.
(2) Loi du 9 avril 1930, art. 4.
(3) En France. cette mission incombe au juge d'instruction lui--mème.
150
149. - LA COMMUNICATION DU DOSSIER AU PRO-
CUREUR DU ROI. - Lorsque le juge d'instruction estime que son
information est complète, il communique la procédure au procureur
du Roi ( 1) ; cette communication est obligatoire à peine de nullité ( 2).
L'ordonnance de soit-communiqué qui met pratiquement :fin, dans
la grosse majorité des cas, à l'information du juge d'instruction, n'est
soumise à aucune formalité spéciale : Elle se résume à une mention
portée au dossier : « Communiqué à M. le procureur du Roi, le ...
Le juge d'instruction (s) X ... »; toutefois, il peut arriver que cer-
taines circonstances contraignent le juge d'instruction à motiver cette
ordonnance (voy. supra n° 123).
Le procureur du Roi peut, après avoir pris connaissance du
dossier, renvoyer celui-ci au juge d'instruction avec un réquisitoire
tendant à l'exécution de devioirs complémentaires; après avoir ac-
compli ceux-ci, le juge communique à nouveau le dossier au procu-
reur du Roi ; toutefois, le juge peut refuser de satisfaire au réquisi-
toire prescrivant de nouveaux actes d'instruction : Il lui appartient,
en dfet, de décider, sous le contrôle de la chambre du conseil, qu'une
procédure dont il est chargé est complète ( 3) : Il peut manifester ce
refus par une nouvelle ordonnance de soit-communiqué rejetant les
réquisitions du parquet ( 3) ; cette ordonnance ne peut pas faire
l'objet d'un recours du procureur du Roi devant la chambre des
mises en accusation, car elle n'inflige aucun grief à la partie publi-
que : Elle constate simplement que la procédure est en état de faire
l'objet d'un rapport à la chambre du conseil et le procureur du Roi
peut toujours inviter celle-ci à déclarer la procédure incomplète ( 3).
Le juge peut également, sans déférer aux réquisitions du parquet
tendant à un supplément d'information, faire immédiatement rapport
à la chambre du conseil ( 4).
En pratique, il est rare que de pareilles difficultés surgissent : Le plus souvent.
lorsque le procureur du Roi remarque l'existence d'une lacune dans l'instruction, il
invite le juge d'instruction par une simple apostille à remédier au défaut constaté.
151
du conseil tient une au~ience hebdomadaire pour entendre le rapport
du juge d'instruction sur les affaires dans lesquelles la procédure est
complète ( 1) .
Nous avons examiné (supra n° 63) l'org1anisation et la compé~
tence de la chambre du conseil; nous verrons d'autre part (infra
n°" 178 et ss.) les règles de procédlll"e et (infra n°" 183 et ss.) le mode
d'administratron de la preuve en usage devant cette juridiction.
152
donc surseoir à statuer en indiquant les lacunes qui motivent sa
décision.
Elle peut se prononcer en ce sens sur la base des réquisitions
conformes du procureur du Roi, •JU des conclusions de la partie
civile ou de la défense. Mais elle n'est pas tenue de se conformer aux
réquisitions du parquet et peut, même contre l'avis de celui-ci, juger
l'instruction complète et statuer à son sujet ( 1 ) . Inversément, elle
peut surseoir d'office à statuer, même si aucune partie ne le réclame.
Lorsqu'une ordonnance de surséance à statuer a été rendue, le
juge d'instruction n'est pas dessaisi et il appartient au procureur du
Roi de le requérir de procéder aux nouveaux devoirs indispensables.
Le juge peut toutefois refuser de s'incliner, par voie d'ordonnance
motivée et le procureur du Roi doit alors saisir, par voie d'opposition,
la chambre des mises en accusation qui tranchera le conflit : Cette
juridiction supérieure possède, en effet, à la différence de la chambre
du conseil. les pouvoirs nécessaires pour contrôler l'instruction et
l'exercice des poursuites.
Lorsque le complément d'information, consécutif à l'ordonnance
de surséance à statuer, est terminé, le juge d'instruction fait, après
communication du dossier et réquisitoire du procureur du Roi, un
nouveau rapport à la chambre du conseil qui statue alors définiti-
vement.
(1) Brux. 12 jan. 1916; B. J. 1919. 811; Rev. dr. pén. 1920, 31.
(2) Cf. supra n°• 37, 63. Gand. ch. mises ace. 13 juillet 1953 (R.W. 1954-55. 936).
(3) ~Jarchal et Jaspar: Droit criminel. n° 2414.
153
A. - Si la chambre du conseil estime que l'action n'est pas
recevable ou qu'il n'existe pas de charges suffisantes, elle rend une
ordonnance de non lieu (instr. 128).
B. - Si elle est d'avis que les faits mis à charge du prévenu ne
constituent qu'une contravention de police, ou s'il s'agit d'un délit
qu'il y a lieu, par suite de circonstances atténuantes, de n'appliquer
qu'une peine de police ( 1), elle rend une ordonnance de renvoi de~
vant le tribunal de police ( 2) ( instr. 129).
Les juridictions d'instruction peuvent être saisies de la connaissance d'une
contravention connexe à un délit de leur compétence. Un arrêt de la chambre des
mises en accusation de Bruxelles du 10 février 1949 (J.T. 638) décide que lorsqu'un
non lieu a été rendu à l'égard du délit, la connexité cesse d'exister et la juridiction
d'instruction est incompétente pour statuer sur la contravention.
Cette décision est critiquée par M. Raoul Declercq dans une note d'observations
suivant un jugement du Tribunal de police de Louvain du 1er juin 1949 (J.T. 640)
lequel fut saisi de la contravention par citation directe du parquet, à la suite de
la décision d'incompétence de la chambre des mises en accusation.
M. Declercq fait observer qu'il s'agissait en l'espèce (double prévention visant
un traitement que le prévenu, meunier de son état, avait fait subir à ses farines)
de deux préventions visant un fait unique, c'est-à-dire d'un concours idéal d'infrac-
tions entrainant l'indivisibilité des poursuites. Il estime, dès lors, que la juridiction
d'instruction avait l'obligation de renvoyer le prévenu au tribunal de police confor-
mément au prescrit de l'article 129 du Code d'instruction criminelle. Envisageant
ensuite l'éventualité où il se serait agi de faits connexes, il estime que la solution
aurait dû être identique. Il fonde cette opinion sur le fait que « la connexité n'est
rompue qu'à partir du moment où la poursuite et l'instruction des affaires ne peuvent
plus avoir lieu en même temps>.', (Cass. 8 mars 1897; Pas. 104-109) et il rapproche
le cas envisagé de celui où le tribunal correctionnel, saisi d'un délit et de contra-
ventions connexes, acquitte pour le délit, mais reste néanmoins compétent pour
statuer sur les contraventions (Cass. 19 avril 1921, Pas. I. 326).
C. - Si la chambre du conseil estime que les faits constituent
un délit autre qu'un délit politique ou de presse, ou, s'il s'agit d'un
crime, qu'il y a lieu, par suite de circonstances atténuantes ou d'ex~
cuse, de n'appliquer qu'une peine correctionnelle ( 3), elle rend une
ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel ( 4) .
( 1) Loi du 4 octobre 1867. art. 4 : La faculté de renvoi en police accordée par les articles i et '5
de la loi du 4 octobre 1867 aux chambres d'instruction est limitée aux délits prévus par le
Code pénal et par celles des lois particulières qui autorisent expressément Je juge. en cas d' ad-
mission de circonstances atténuantes. à ne prononcer qu'une peine de police. ( Cass. 20 mars
1876 ; Pas. I. 240).
(2) La chambre du conseil ne dêsigne pas le tribunal de police qui sera appelé à connaitre des
poursuites (J. H. Suetens, L'instruction - La chambre du conseil, n° 317: Cass. 17 sept. 1934:
Pas. 1. 376; Rev. dr. pén. n° 340). Le dossier est renvoyé au procureur du Rci qui le transmet
à J'officier du ministère public compêtent ratione loci (Marchal et Jaspar. Droit criminel. n° 2422).
Le renYoi en police ne peut toutefois être ordonné par la chambre du conseil que s'il existe un
tribunal de police compétent dans 1' arrondissement qui constitue son ressort. Dans le cas contraire,
elle doit rendre une ordonnance de désaississcment (Cass. 16 déc. 1901 ; Pas. 1902, I, 69).
(3} Toutefois, la chambre du conseil ne jouira de cette faculté. en cas de circonstances atténuantes,
que pour autant que la peine normale soit de quinze ans de travaux forcés au maximum ou de
vingt ans de travaux forcés au maximum, s'H s·agit d'infractions prévues par les chapitres V et VI
du titre VII du livre II du Code pénal ou par les articles 4:71 et 472 du même code. (loi du
1-1 ruai 1937, art. 3).
( i) Lorsque la qhambre du conseil disqualifie un fait qualifié crime. en raison de circonstances
atténuantes, et ordonne le renvoi du prévenu devant la juridiction correctionnelle. ce renvoi n'est
légal que si elle indique les circonstances atténuantes motivant la correctîonnalisation (Jur.
constante. voy. not. Cass. 7 oct. 1942; Pas. 1. 222). La méme rtgle est applicable à la
contrav<ntionnalisation des Mlits (voy. Cass. 23 oct. 1939. Pas. 1. -!33).
154
Dans tous les cas de renvoi en police ou en correctionnelle, le
procureur du Roi transmet dans les vingt~quatre heures, au greffe
du tribunal qui doit prononcer, toutes les pièces après les avoir
cotées ( instr. art. 132).
155
Le déséquilibre mental, qui autorise l'internement, doit exister au moment où
l'affaire est jugée. Pour établir ce fait, la cour peut ordonner une instruction com-
plémentaire. (Brux., ch. mises ace., 13 août 1931. R.W. 1931-1932, 185).
Si des experts affirment expressément qu'un prévenu se trouvait, et à la date
des faits et actuellement, dans un état grave de déséquilibre mental qui le rend
incapable du contrôle de ses actions, il doit être admis que dans la perpétration des
faits qui lui sont reprochés, il a été contraint par une force à laquelle il n'a pu
résister et il n'y a pas d'infraction. (Brux., ch. mises ace., 28 octobre 1931. J.T.,
543; Rev. dr. pén., 1121).
Le juge n'est pas lié par l'avis de l'expert quant à la nécessité de l'internement
prévu par la loi de défense sociale; il peut s'en écarter sans devoir en donner la
raison. (Cass. 25 mars 1946; Pas. I. 116; J.T. 380).
La juridiction qui, en exécution de l'article 7 de la loi du 9 avril 1930 sur la
défense sociale prescrit l'internement du prévenu, ne peut dire « qu'il n'y a pas lieu
d'ordonner l'exécution immédiate de cette mesure». (Loi du 9 avril 1930, art. 7).
(Cass. 27 sept. 1932. Pas. I, 247; Rev. dr. pén., 1033).
L'internement d'un inculpé dément ou anormal ne doit pas né-
cessairement être précédé d'une mise en observation préalable ( 1 ) .
Nous examinerons infra n°" 178 et ss. les règles de procédure
suivies devant la chambre du conseil en matière d'internement des
inculpés.
Dans le cas où l'internement est ordonné, l'inculpé ou l'accusé
est condamné aux frais et, s'il y a lieu, aux restitutions (2).
Dans le même cas, la confiscation spéciale est prononcée comme
à l'égard d'un condamné, s'il y a lieu (3).
(!) Loi du 9 avril 1930. art. 7. Cass. 22 juillet 1935: Pas. I. 332: Rev. dr. pén .. 1170.
(2) Loi du 9 avril 1930, art. 1 !.
(3) Loi du 9 avril 1930, art. 12 in fine.
( 4) Lol du 9 avril 1930. art. 8, al. 1 et 2.
(5) Cass, 3 nov. 1930; Pas. I. 348.
156
1°) La chambre du conseil ne peut pas renvoyer devant la
juridiction de jugement des personnes n'ayant été mises en préven-
tion ni par le procureur du Roi, ni par le juge d'instruction, même si
le dossier d'instruction révèle l'existence de charges contre ces per-
sonnes ( 1 ).
2°) Il ne peut pas y avoir d'ordonnance implicite de non lieu.
Lorsque la chambre du conseil a clôturé une instruction par
renvoi d'un prévenu devant la juridiction de jugement, son ordon-
nance n'entraine pas le bénéfice du non lieu pour toute personne non
mise en prévention, susceptible d'être poursuivie à raison des mêmes
faits.
Il en résulte que le procureur du Roi ou la partie civile peuvent
toujours citer directement cette personne devant le tribunal ( 2).
L'ordonnance de renvoi rendue par la chambre du conseil épuise la compétence
de cette juridiction quant à l'imputation à l'inculpé des faits ayant fait l'objet de
l'instruction. Cette juridiction ne peut, dès lors, rendre une nouvelle ordonnance de
renvoi, à charge du même inculpé, à raison des mêmes faits autrement qualifiés.
En revanche elle peut, après avoir renvoyé certains prévenus devant le tribunal
correctionnel, rendre, dans la même cause, une nouvelle ordonnance de renvoi à
charge d'un autre prévenu qui antérieurement n'avait pas été l'objet d'une mise en
prévention par le juge d"instruction ou par le ministère public. (Cass., 9 juillet
1951; Pas. I, 778).
157
Cette règle est une conséquence du fait que la chambre du conseil ne formule
pas de qualification définitive : Elle se contente de qualiifier provisoirement les faits
de la cause et se sont les juridictions de jugement qui après avoir dégagé définitive-
ment les divers éléments de ces faits, leur donnent leur qualification définitive.
En l'espèce envisagée, la chambre du conseil avait ordonné le renvoi des
prévenus du chef de concussion, après avoir écarté l'inculpation de corruption de
fonctionnaires et les juridictions de jugement avaient retenu la prévention de
corruption.
Il existe cependant une exception au caractère indicatif de l'or-
donnance de renvoi : En cas de correctionnalisation ou de contraven~
tionnalisation, la juridiction de renvoi ne peut décliner sa compétence
en ce qui concerne les circonstances atténuantes ou l'excuse ( 1 ) .
La qualification des faits donnée par une ordonnance de renvoi n'est que provi-
soire : Le tribunal peut toujours lui en substituer une autre. Qu'advient-il au point
de vue de la compétence, si le tribunal correctionnel saisi d'un crime correctionnalisé
(ou le tribunal de police saisi d'un délit contraventionnalisé) estime erronée la
qualification donnée aux faits par la chambre du conseil ?
a) Si la disposition légale d'après laquelle la juridiction de jugement estime
devoir qualifier l'infraction ne réprime pas celle-ci plus sévèrement que celle adoptée
par la juridiction d'instruction, le tribunal reste compétent et le bénéfice des cir-
constances atténuantes s'applique aux faits sous leur qualincation nouvelle comme
sous leur qualification primitive.
b) La solution est la même si les faits ne justifient une qualillcation plus grave
qu'à raison de circonstances connues de la chambre du conseil et non écartées par
elle, soit explicitement, soit implicitement, à la condition que les faits restent, sous
leur nouvelle qualification, susceptibles de correctionnalisation (ou de contraven-
tionnalisation) .
c) Le tribunal doit se déclarer incompétent dans l'une des deux éventualités
suivantes:
1) Si la nouvelle qualification rend les faits correctionnalisés (ou contravcnti-
onnalisés) non susceptibles de disqualification.
2) Si la nouvelle qualification résulte de circonstances ignorées par la chambre
du conseil ou écartées par celle-ci.
(Voy. Cass. 16 oct. 1939; Pas. I. 418 et note R.H.; 7 fév. 194·1. Pas. I. 181 et
note L.C.; 17 déc. 1915, Pas. I, 291 et note R.J.B.).
158
Nous rencontrons ici l'un des défauts de la loi de défense sociale: Si cette
loi constitue, du point de vue du droit pénal un progrès indiscutable, elle
représente du point de vue de la procédure pénale, un regrettable retour en arrière.
Le système inquisitorial a été restauré dans toute sa rigueur. L'inculpé est jugé
sur pièces unilatérales ( 1), pratiquement sans débat public. La garantie du jury
prévue par l'article 98 de la Constitution a disparu en matière criminelle pour tous
les inculpés tombant sous le coup de la loi du 9 avril 1930.
Pour reprendre les termes mêmes de M. le procureur général Paul Leclercq dans
la critique judicieuse qu'il a consacrée à cet aspect de la loi de défense sociale (2).
« La garantie que constitue la juridiction d'instruction a disparu, car la juridiction
d'instruction est devenue juridiction de jugement ».
La procédure instituée en la matière ne tient pas suffisamment compte du fait
que les mesures de défense sociale, tout comme les peines ordinaires, ne peuvent
être légitimement appliquées qu'après démonstration de la culpabilité du prévenu et
que cette démonstration doit être entourée des mêmes garanties dans tous les cas.
Bien plus, l'anormal étant, en raison même de son état, moins capable qu'un
autre de se défendre, il aurait été légitime de prévoir des garanties supplémentaires
en sa faveur. L'évolution de la procédure s'est donc e1ffectuée, en l'occurence, dans
un sens regrettable.
( 1) La faculté d'entendre les témoins, prévue par l'article 9 de la loi du 9 avril 1930 n'est. tclte
qu'elle est organisée, qu'une bien faible dérogation à cet usage.
( 2) Note sub. Cass. 12 mai 1930 : Pas. I. 211.
(3) lnstr. 128.
(4) lnstr. 129.
159
trainer la détention préventive, le prévenu qui se trouve en état
d'arrestation y demeure maintenu provisoirement.
Il faut toutefois qu'il soit, au moment de l'ordonnance, régulière-
ment détenu en vertu d'un mandat d'arrêt décerné du chef du délit
à raison duquel il est renvoyé au tribunal correctionnel ( l ) .
( 1) Rép. dr. b. v 0 Procédure pénale, n° 420 ; Cass. 20 oct. 1902 ; Pas. 1. 357.
(2) Cass. 13 nov. 1950; Rev. dr. pén. 1950-51. 734. La décision de la chambre du conseil sur la
rccevabilitê de l'action civile n'aurait pas l'autorité de la chose jugée et ne lierait pas la
juridiction de jugement. (J. H. Suetens : L'nstruction - La chambre du conseil, no 330 f't
réf. cit. ).
(3) J. H. Suetens: L'instruction - La chambre du conseil. n° 328 et 329; Brux. 25 juin 1930:
Pas. Il. 176. Voy supra n° 118 et p. 125 note 6.
160
de l'instruction ( Loi du 9 avril 1930, art. 7 et 12). (Cass. 14 fév.
1944 ; Pas. I, 208 et avis de M. l'avocat général Janssens de
Bisthoven) ( 1 ) .
( l} Si. au lieu de vider l'action civile, la chambre du conseil s'est bornée à renvoyer la partie
civile à se pourvoir comme de droit. le tribunal correctionnel ultérieurement saisi de la dite
action, sur citation notifiée à l'intéressé à la requête du ministère public, est, en tout
état de cause, tenu de se déclarer incompétent (Liège, 29 juin 1939; Pas. 1940, II. 10).
(2) lnstr. 135. Cass. 15 juin 1925, Rev. dr. pén. p. 733.
(3) Brux. Chambre mises 4 nov. 1898: Pas. 1899. Il. 67.
(4) Voy. Brux. 4 oct. 1843: Pas. 1817. II. 297; Gand 4 fév. 1858; Pas. II. 360; Liège 10 jan.
1863; Pas. 1867. II. 204; Gand 10 mars 1861 ; Pas, II. 141; Gand 19 juil. 1862: Pas. 1863. Il. 371.
(5) lnstr. 129, al. 2 et 135. La partie civile n'est donc pas recevable, en règle générale. à faire
opposition à une ordonnance de renvoi rendue conformément aux réquisitions du ministère public
(Brux. ch. ace. 14 mars 1929: Rev. dr. pén. p. 486). Néanmoins, en cas de contraventionna1isa.-
tion, même conforme aux réquisitions du procureur du Roi entrainant la mise en liberté du
prévenu, l'opposition serait recevable aux termes de l'article 135 du code. (J. H. Suetens:
L'instruction. La Chambre du conseil. n° 340).
(6) lnstr, 539, Brux. ch. mises 15 mars 1951 ; Rev. dr. pén. 1950-51. l 188.
( 7) Liêge 16 mai 1872 : Pas, II. 272.
(8) lnstr, 135.
161
placée par des actes équipollents, telle qu'une signification faite aux
autres parties en cause ( 1 ) .
Lorsque l'instruction est clôturée par internement de l'inculpé,
le droit d'opposition est remplacé par un droit d'appel (voy. supra
n° 155).
SECTION VI
La transmission des pièces au procureur général en matière de crimes,
de délits politiques et de délits de presse
162
passible de peines criminelles, ou qu'il constitue un délit politique
ou de presse, elle ordonne la transmission du dossier d'instruction
par le procureur du Roi au procureur général (instr. 133; décret du
19 juillet 1831, art. 8) .
En pareil cas, en effet, la chambre du conseil n'a pas le pouvoir
de renvoyer le prévenu devant la juridiction de jugement, ce soin
incombant à la chambre des mises en accusation.
La chambre du conseil n'ordonne cependant la transmission des
pièces qu'après avoir vérifié si l'action est recevable et s'il existe des
charges suffisantes, car elle a le pouvoir, en matière criminelle comme
dans les autres matières, de clôturer l'instruction par une ordonnance
de non lieu.
Lorsque la chambre du conseil ordonne la transmission des
pièces à raison d'un fait qualifié crime, il ne lui incombe pas de
relever les délits connexes révélés par l'instruction. C'est, en effet,
à la chambre des mises en accusation seule qu'il appartient de
donner aux faits motivant le renvoi du prévenu devant la cour
d'assises l'ensemble des qualifications légales sur la base desquelles
se prononcera la juridiction de jugement ( 1 ) .
II s'ensuit que, lorsque la chambre du conseil rend une ordon~
nance de non lieu à raison de délits connexes à un crime pour lequel
elle ordonne la transmission des pièces, cette ordonnance de non
lieu n'a qu'un caractère indicatif, ne lie pas la chambre des mises
en accusation et n'est pas susceptible d'acquérir force de chose
jugée (2).
163
En matière criminelle, l'ordonnance de prise de corps peut tou-
jours être décernée, son opportunité étant laissée à l'appréciation de
la chambre du conseil.
Il n'existe, en matière criminelle, aucune disposition semblable à celle de l'article
130 du code, prescrivant le maintien en détention du prévenu sous mandat d'arrêt,
comme conséquence de l'ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, ni
d'ailleurs de disposition prévoyant au contraire sa mise en liberté comme le font les
articles 128, 129 et 131.
Toutefois, il est évident qu'en vertu du prescrit formel de l'article 7 de la
Constitution, nul ne peut être maintenu en détention préventive sans disposition
légale expresse et titre judiciaire régulier.
Or, la chambre du conseil n'est plus habilitée à ordonner une nouvelle confirma-
tion mensuelle du mandat d'arrêt après avoir rendu l'ordonnance de transmission des
pièces ( l).
Dès lors, nous devons en conclure que si la chambre du conseil s'abstient de
rendre une ordonnance de prise de corps, le prévenu détenu doit être mis en liberté,
à tout le moins à l'expiration du délai d'un mois suivant la dernière confirmation du
mandat d'arrêt (2).
Par conséquent, la chambre du conseil possède, à l'égard de la détention préven-
tive en matière criminelle, des pouvoirs plus larges qu'en matière correctionnelle (3),
puisqu'elle décide souverainement du point de savoir si le prévenu d'un fait quaHfié
crime doit être placé ou maintenu en état d'arrestation.
Il y a là incontestablement une anomalie : Celle-ci provient du fait que l'article
134 du code prévoyait, avant sa modification par l'article 9 de la loi du 20 avril
1874, que l'ordonnance de prise de corps serait décernée en toute hypothèse, sans
que la chambre du conseil jouisse, sur ce point, d'un quelconque pouvoir d'appré-
ciation. La situation de l'individu prévenu d'un crime était donc plus défavorable
que celle de l'individu prévenu d'un délit, puisque ce dernier n'était maintenu en
détention que s'il s'y trouvait déjà, tandis que le premier devait y être mis en toute
éventualité. La loi du 20 avril 1874, en rendant l'ordonnance de prise de corps
facultative sans prévoir de disposition similaire en matière correctionnelle, a eu
pour effet de renverser la situation à J'avantage de l'individu prévenu de crime.
En matière de délits politiques, il ne peut être rendu d'ordon-
nance de prise de corps que s'il s'agit d'un des délits prévus au
titre pr du livre II du code pénal (Décret du 19 juillet 1831, art. 8,
modiné par l'art .. 5 de la loi du 19 juillet 1934).
En matière de délits de presse, il ne peut jamais être décerné
cl' ordonnance de prise de corps ( Décret du 19 juillet 1831, art. 8,
modi,fié par l'art. 5 de la loi du 19 juillet 1934).
Qu'advient-il lorsque le procureur du Roi requiert la chambre du conseil de
décerner une ordonnance de prise de corps et que celle-ci n'entend pas suivre ces
réquisitions ?
La chambre du conseil a l'obligation de rencontrer toutes les réquisitions du
ministère public. Elle ne peut donc simplement s'abstenir de décerner l'ordonnance
elle-même, car cela équivaudrait à rejeter implicitement le réquisitoire sans le rencon-
trer sur ce point.
164
Elle doit donc, à notre sens, rendre une ordonnance disant n'y avoir lieu à
ordonner la prise de corps, laquelle ordonnance est susceptible d'opposition devant
ta chambre des mises en accusation selon les règles normales ( 1).
SECTION VII
Le contrôle de l'instruction
161. - LE DROIT DE SURVEILLANCE, DE REQUISI-
TION ET DE RECOURS DU PARQUET. - Nous avons déjà
mentionné ( supra n°• 28 à 30) le droit de survcillanoe dont jouissent,
à des titres différents, le procureur général et le procureur du Roi
sur le déroulement de l'instruction préparatoire :
Le droit du procureur général (2) s'exerce sur un plan plus
large: il permet au chef du ministère public d'adresser aux ma-
gistrats instructeurs des directives générales et de veiller à ce
qu'ils remplissent leur mission comme il convient, sans pouvoir, ce-
pendant, leur donner des injonctions directes quant à des devoirs
qu'il estimerait opportuns.
Par contre, le droit du procureur du Roi ( qui, en raison de
l'organisation hiérarchique du parquet, n'est somme toute qu'une
extension de celui du procureur général) est plus direct et plus
concret: Le procureur du Roi doit être tenu au courant du
développement de l'instruction et peut, à cet effet, demander
oommunication du dossier à tout moment ; son intervention est re-
quise pour l'exécution de certains actes d'instruction ( transports sur
les lieux (3)) et admise pour l'exécution d'autres actes d'instruction
( auditions de témoins, interrogatoires de prévenus) ( 4), ce sont ses
auxiliaires directs, les ofüciers de police judiciaire, qui assistent le
juge d'instruction dans le déroulement de l'information; enfin, il peut
requérir le juge d'instruction d'accomplir un ou plusieurs actes d'in-
struction déterminés, de procéder, par exemple, à l'audition de tel
témoin, à la perquisition de tel immeuble, d'ordonner telle expertise,
de mettre tel inculpé sous mandat d'arrêt. Le juge est tenu soit de
satisfaire à cette réquisition, soit de rencontrer celle-ci par une
ordonnance motivée de rejet contre laquelle le parquet possède tou-
jours un droit de recours.
Ce recours, bien qu'il soit dénommé «opposition» est en réalité
un appel qui porte la procédure devant la chambre des mises en
accusation.
Aucun texte légal ( 5) ne prévoit l'existence, ni, a fortiori, les
formes de cette opposition dont l'origine doit être recherchée dans
( 1) Cf. supra n° 160 et infra n° 169.
(2) lnstr, 279.
(3) lnstr. 62,
(4) Infra n°• 219, 230,
(5) L'<1,rt. 539 du c. in~tr. crim, y fait. toutefois, atlusion.
165
l'ordonnance de Colbert de 1670, réglant la procédure pénale en droit
français d'Ancien-Régime et qui s'est maintenue dans notre procédure
par voie coutumière ( 1 ) .
Cette forme d'opposition n'est pas soumise au délai prescrit
par l'article 135 du code d'instruction criminelle, réglant l'opposition
aux ordonnances de la chambre du conseil : Elle est recevable aussi
longtemps qu'une ordonnance de la chambre du conseil, réglant la
procédure, n'a pas clôturé l'instruction (Bruxelles, chambre des mises
en accusation, 23 novembre 1897; Pas. 1898. Il. 81 ).
A défaut de réglementation légale, l'opposition est formée de
la manière prévue pour les appels en matière pénale, c'est-à-dire
par déclaration au gr,df,e du tribunal auquel appartient Je juge
d'instruction ( 2) .
Le procureur du Roi transmet les pièces au procureur général
dans le plus bref délai.
Le procureur du Roi possède enfin, nous l'avons vu, un droit de
recours contre les ordonnances de la chambre du conseil ( cf. supra
n°" 139, 147, 155, 160).
Le procuœur général peut également saisir spontanément la
chambre des mises en accusation de la connaissance d'une affaire, par
un rapport accompagnée de réquisitions sur lesquelles la chambre est
tenue de statuer et d'ordonner ce qu'il appartiendra (3).
Ce droit appartient au procureur général même lorsqu'il n'y a
ni instruction, ni même information de parquet commencée ; il con-
serve ce droit jusqu'au règlement de la procédure soit par une or-
donnance de la chambre du conseil. prononçant ou bien le non-lieu
( 4), ou bien le renvoi devant le tribunal correctionnel ou le
tribunal de police, coulée en force de chose jugée, soit par un arrêt
de la chambre des mises en accusation prononçant le non-Heu ( 5),
le renvoi au tribunal correctionnel ou au tribunal de police, ou sta-
tuant sur la mise en accusation ( 6) et ordonnant le renvoi de l' in-
culpé devant la cour d'assises ( 7).
( 1)Voy. Cass. 17 déc. 1941. Pas. 1. 458.
( 2)lnstr. 203.
(3) lnstr. 218. 219, 250.
(4) Novelle.s. prnc. pén. T. li. V. 1. J. Constant. Les mises en acn:saticn, n° 153.
(5) Sans préjudice, bien entendu, de la faculté de provoquer une riouverture de l'in.st:~nicn par
suite de la survenance de charges nouvelles ( infra n() 174).
(6) lnstr, 235. Voy, infra n° 172,
(7) En vertu de l'art. 250 du c, instr. crim., le procureur gênéral. lorsqu'il trouve dan~ la notice
des causes correctionnelles ou de police que celles~ci présentt':nt des caractères plus ç;:ravcs, peut
ordonner l'apport des pièces dans la quinzaine: seulement de la réception de ia r:.otin pour
ensuite ëlre par lui fait. dans un autre délai de quinzaine du jour de la réception è.es pièces,
telles réquisitions qu'il estime convenables et par la chambre des mises en accusation être
ordonnt', dans le délni de trois jours ce qu'il appartiendra. II convient de signaler que l'envoi des
notices correctionnelles au procm·eur général a été supprimé: par une circulaire du ~1inistrc de la
Justkc du 21 juin 1926 (5ème Dir. Gén. 1ère sect. n° 55.450 A. P .. citée par J. Constant.
Novelies, Proc. pén. T. II. V. I. Les mises en accusation n° 183). Il a été rcmp1act en pratique
par un rapport hebdomadaire indiquant les infractions les plus graves découverte! au cours de la
semaine écoulée. ( Constant, n° 18-1 ).
166
165. - LE DROIT DE RECOURS DES PARTIES PRI~
VEES. - Les parties privées n'ont aucun droit général à être tenues
au courant du développement de l'instruction : Le dossier ne doit
être communiqué à la défense que dans certains cas limitativement
prévus par la loi : Confirmation mensuelle du mandat d'arrêt, clôture
de l'instruction, débat en chambre des mises en accusation sur l' op~
position aux ordonnances de la chambre du conseil, débat en chambre
des mises en accusation consécutif au transfert des pièces en matière
criminelle, débat en chambre des mises en accusation relatif aux
retards de l'instruction. La partie civile n'a qu'un droit officiel à la
communication des pièces encore plus limité: Il ne s'exerce qu'à
l'occasion de certains débats devant la chambre des mises en accu~
sation. D'autre part, les parties privées ne peuvent, à l'instar de
la partie publique, contraindre le juge d'instruction par voie de
conclusions à accomplir un acte d'instruction déterminé ou à motiver
son refus par voie d'ordonnance. Enfin, aucune intervention des
parties privées n'est légalement admise dans le déroulement de
l'instruction ( 1) .
i
Cependant, les parties privées partagent avec la partie publique
le droit de faire opposition aux ordonnances rendues par le juge
d'instruction, du moment qu'elles leur portent préjudice et de
porter la procédure devant la chambre des mises en accusation ; 1
ce droit de recours, comme celui du procureur du Roi, n'est pas
inscrit dans la loi, mais provient, par voie coutumière, de l' ordon~ .
nance de Colbert de 1670 ( Cass. 17 décembre 1941 ; Pas. I. 458). ·
Il s'exerce de la même manière que celui du ministère public.
D'autre part, les parties privées possèdent, dans certains cas,
nous l'avons vu, un droit de recours contre les ordonnances de la
chambre du conseil (cf. supra n°" 139, 147, 155, 160).
167
Nous analyserons enfin ( infra n°s 178 et ss.) les règles de pro~
cédlll"e et ( infra n°s 183 et ss.) le mode d 'administratiQll de la preuve
en usage devant cette haute juridiction.
Le contrôle de la chambre des mises en accusation est tantôt
facultatif, tantôt ohligaroirie ; il s'exerce de trois manières : par voie
d'annulation des ordolt1llances du juge d'instruction, ou de la chambre
du conseil par voie d'arrêt de plus ample informé, ou par voie
d'év10cation de l'affaire.
168
de la chambre des mises en accusation qui peut seule ordonner le
renvoi de l'inculpé devant le jury ( 1). La transmission des pièces
par· le procureur du Roi au procureur général est ordonnée par la
chambre du conseil, lorsque celle~ci estime que le fait justifie des
poursuites criminelles ou rentre dans la catégorie des délits de la
compétence du jury ( 2).
2°) Toutes les affaires criminelles ou correctionnelles sur lesquelles
la chambre du conseil n'aurait pas statué dans les six mois à compter
du premier réquisitoire sont soumises à un examen de la chambre
des mises en accusation qui examine la cause des lenteurs de l'infor-
mation et prend toutes dispositions utiles pour y remédier s'il y a
lieu ( 3).
Ces affaires font l'objet d'un rapport du procureur du Roi au
procureur général ; ( 4) ce dernier expose à la chambre des mises
en accusation dans le mois les causes de la lenteur de l'information
et fait telles réquisitions qu'il juge utiles.
Le rapport du procureur du Roi au procureur général, et celui
du procureur général à la chambre des mises en accusation doivent
ensuite être renouvelés de trois en trois mois ( 5).
La jurisprudence décide que les rapports sur les lenteurs de
l'instruction ne sont pas prescrits à peine de nullité de la procédure
(6). On admet, d'autre part, qu'ils ne sont pas requis à l'égard des
instructions à charge d'inconnu ( 7). En revanche, la Cour de Cassa~
tion a jugé qu'ils s'appliquaient aux instructions effectuées par un juge
d'instruction délégué par le premier président de la cour d'appel,
conformément aux art. 480 et ss. du code d'instruction criminelle ( 8).
169
Le droit de réformer une ordonnance comporte celui de statuer
sur l'objet auquel se rapportait l'ordonnance annulée ( 1) : Aussi,
incombe-t-il à la chambre des mises en accusation d'ordonner dans
son arrêt l'accomplissement de la mesure d'instruction que Je juge
avait refusé d'exécuter (2) :
Supposons que le procureur du Roi ait requis le juge d'instruction d'entendre
un témoin et que le juge ait rejeté ces réquisitions par voie d'ordonnance, laquelle
est ultérieurement annulée par la chambre des mises en accusation, sur recours du
parquet : La chambre doit, en pareil cas, ordonner que soit accomplie l'audition de
témoin faisant l'objet du litige.
Lorsque le juge d'instruction, requis de décerner mandat d'arrêt, s'y refuse
par ordonnance motivée, le procureur du Roi peut former opposition devant la
chambre des mises en accusation (3).
Si celle-ci estime y avoir lieu de décerner mandat d'arrêt, elle le fait elle-même
et ne mandate pas à cette :fin un conseiller instructeur ou un juge d'instruction, car le
mandat d'arrêt est essentiellement un acte de juridiction (Cass. 17 déc. 1941, Pas. I.
458 ; 7 sept. 1950 ; Pas. I. 852) .
Dans une note d'observations jointe à l'important arrêt du I 7 décembre 1941
cité, M. le Premier avocat général Hayoit de Termicourt commente ce dernier point
et analyse les arguments en sens opposés qu'il soulève :
Les partisans d'une délégation à un conseiller ou même à un juge d'instruction
en vue de décerner le mandat, s'appuient sur la règle que la chambre des mises en
accusation ne peut accomplir elle-même un acte d'instruction. M. Hayoit de Termi-
court observe que cette règle est exacte, mais à la condition de ne comprendre,
dans l'expression « actes d'instruction» que les actes d'instruction proprement dits,
à l'exclusion des actes de juridiction, c'est-à-dire des décisions d'instruction.
Le mandat d'arrêt étant essentiellement un acte de juridiction, la chambre des
mises en accusation a le pouvoir et même, en principe, le devoir de le décerner
elle-même. (Voy. et compar. Gand ch. mises, 24 avril 1945; J.T. 464 et note Jules
Fally). Les articles 235 à 237 du code d'instruction criminelle (évocation, désignation
d'un conseiller instructeur chargé notamment de décerner mandat d'arrét) ne sont
pas applicables dans l'éventualité envisagée, où la Cour n'évoque pas et laisse le
premier juge saisi de l'instruction, mais statue dans les limites d'un recours exercé
contre une des décisions de ce juge.
II est toutefois un cas où la chambre des mises en accusation ne pourrait décer-
ner elle-même le mandat d'arrêt: c'est celui où l'inculpé, non fugitif, n'a pas été
inter.ogé: L'interrogatoire préalable est, en effet, une condition essentielle de la
légalité du mandat d'arrêt et la chambre des mises en accusation ne peut accomplir
elle-même cet « acte de simple instruction». La solution est, en pareil cas, l'évocation
et la désignation d'un conseiller instructeur pour entendre l'inculpé et décerner le
mandat (Gand, 11 sept. 1951; R.W. 1951-52, 643; Rev. dr. pén., 1951-52, 562).
Le mandat d'arrêt décerné par voie de réformation de J'ordonnance du juge
d'instruction doit être confirmé par la chambre du conseil comme un mandat ordi-
naire ; le délai de 5 jours doit, en pareil cas, être calculé à partir de l'exécution du
mandat (Note R.H. sous cass. 17 déc. 1941 cité).
A quel magistrat doit être confiée la mission d'exécuter l'acte
1ï0
d'instruction ordonné par la Cour et d'achever l'instruction interrom~
pue 7 Il appartient à la chambre des mises en accusation de désigner
celui-ci.
II est aujourd'hui admis que la chambre peut désigner un autre
juge d'instruction de son choix ( Gand, ch. mises, 8 nov. 1923 ; Pas.
1924. II. 33; Gand, ch. mises 4 nov. 1947; Recht. Weekbl. 379);
cependant, ce juge d'instruction doit appartenir au même tribunal que
le juge ayant entamé l'instruction : La chambre des mises en accu-
sation ne peut, en effet, dessaisir la juridiction compétente pour in-
struire l'affaire, au profit d'une autre juridiction de même rang
incompétente, ce qui reviendrait à distraire le prévenu de son juge
naturel ( Cass. 18 sept. 1868 ; Pas. 1869. 1. 74).
Le problème de la désignation du juge appelé à reprendre l'instruction après
l'arrêt de la chambre des mises en accusation a fait l'objet de sérieuses controverses:
En effet, si la chambre a annulé une ordonnance du juge d'instruction antérieure-
ment saisi, par laquelle ce magistrat refusait d'accomplir un acte d'instruction ( 1),
il n'est ni souhaitable, ni même absolument compatible avec l'indépendance de ce
juge, qu'il soit tenu d'exécuter lui-même un arrêt prescrivant ultérieurement
d'accomplir le dit acte (voy. la requête en règlement de juges de M. le Procureur
Général de Bavay du 5 aoüt 1868; Pas. 1869. I. 82). Néanmoins, la Cour de
Cassation a estimé, dans son arrêt du 18 septembre 1868 (2), que la chambre des
mises en accusation ne pouvait, après avoir annulé l'ordonnance du juge d'instruction,
renvoyer la procédure qu'à ce même juge d'instruction qui se trouvait encore
régulièrement saisi ; elle a, en conséquence, annulé un arrêt de la chambre des mises
en accusation de Bruxelles, renvoyant une procédure, après réformation d'une
ordonnance du juge d'instruction de Malines, au juge d'instruction d'Anvers chargé
de terminer l'information.
Cette jurisprudence a été renversée depuis lors et actuellement le renvoi à un
autre juge d'instruction est non seulement admis, mais même d'usage, lorsqu'une
ordonnance du premier juge d'instruction a été réformée.
Cependant, le problème n'est pas entièrement résolu, car si le renvoi à un juge
d'instruction appartenant au même tribunal apparait parfaitement légitime, en revan-
che le renvoi au juge d'instruction d'un autre tribunal reste incontestablement inter-
dit, car il constituerait une violation des règles de compétence. Dans les centres
importants, où il existe plusieurs juges d'instruction, il est toujours matériellement
possible de changer le titulaire de l'instruction ; mais il n'en va pas de même dans
les petits arrondissements où il n'existe qu'un seul juge d'instruction: Telle était,
d'ailleurs, la véritable di'lficulté qui se présentait dans l'aiffaire ayant fait l'objet de
l'arrêt du 18 septembre 1868 ; doit-on, en ce cas, suivre la thèse de cet arrêt, en
vertu de laquelle la procédure devait être renvoyée au même juge d'instruction seul
compétent? L'inconvénient de cette solution est qu'elle risque de porter atteinte
à la légitime indépendance de ce magistrat. Nous ne voyons, en pratique,
qu'une seule manière de résoudre cette dHlkulté: L'évocation de l'affaire par la
Cour et la désignation d'un conseiller instructeur.
( 1) Bien entendu. lorsque l'arrêt de la chambre ne risque pas d'avoir pour effet de contraindre
le juge d'instruction à accomplir un acte contre l'exécution duquel jJ s'est prononcé, la chambre
peut, sans inconvénient, lui renvoyer la procédure en Yue de terminer l'instruction.
(2) Pas. 1869. I. 82.
171
la chambre du conseil, au même titre que les ordonnances du juge
d'instruction, lorsqu'elles lui sont déférées par un recours régulier.
Elle peut, par exemple, estimer la procédure complète alors que
la chambre du conseil avait sursis à statuer; inversément, elle peut
juger la procédure incomplète et ordonner un complément d'informa-
tion, alors que la chambre du conseil avait clos l'instruction.
( I) Loi du 9 avril 1930, art. 4. La chambre <les mises en accu!lation est également saisie de l'appel
des décisions du tribun.:1-l correctionnel relative-s au placement en ohserv~tion.
( 2) Loi du 20 2.vril 1874. art. 20 ; loi du 9 avril 1930. art. ~t. al. 2.
172
171. - L'ARRET DE PLUS AMPLE INFORME. - Le
second moyen par lequel la chambre des mises en accusation peut
manifester son droit de contrôle est l'arrêt de « plus ample informé »
( code d'instruction criminelle, art. 228), c'est-à-dire l'injonction don-
née à un juge d'instruction de procéder à une information nouvelle
sur les faits qui lui sont soumis. Le complément d'information peut
être ordonné soit d'office, soit à la demande d'une des parties.
Pour que la chambre des mises en accusation puisse ordonner
une information nouvelle par le premier juge ( 1), il faut d'une part
que l'instruction ait franchi le premier degré de juridiction, c'est-à-
dire que la chambre du conseil ait clôturé l'information, et d'autre
part que la Cour soit saisie soit par l'oppositio1t1 d'une des parties à
l'ordonnance de la chambre du conseil (2), soit en vertu d'une
ordonnance de transmission des pièces préalable à la mise en accu-
sation (3). Il faut, enfin, que la chambre des mises en accusation n'ait
pas elle-même épuisé sa juridictio,n.
Ces limites au droit d"ordonner une information nouvelle par le premier juge
découlent à l'évidence de la place affectée dans le code d'instruction criminelle à
l'article 228 qui règle cette matière : Cet article fait partie des dispositions réglant
l"intervention de la chambre des mises en accusation lorsque l'a'ffaire lui est déférée
après que la chambre du conseil a épuisé sa juridiction.
En outre, il est évident que la chambre des mises en accusation ne peut, sans
évoquer l'affaire, statuer sur les mérites d'une instruction et la déclarer incomplète
avant que la chambre du conseil n'ait, elle-même, été appelée à se prononcer à ce
propos.
173
Certains auteurs enseignent que l'exécution du complément d'information peut
être confiée soit à un juge d'instruction, soit à un conseiller instructeur : Cette opinion
nous parait inexacte dans la mesure où elle s'applique au complément d'information
prévu par l'art. 228 ; en effet, ce qui distingue le complément d'information pur et
simple (art. 228) du complément d'information consécutif à l'évocation (art. 235),
c'est précisément que dans le premier cas la Cour laisse au premier juge le soin de
compléter son instruction, tandis que dans le second elle s'empare de cette instruction
et la confie à un de ses membres. Dès lors, il est clair que le complément d'infor-
mation prévu par l'art. 228 ne peut, par définition même, être confié qu'à un juge
d'instruction. (Voy. concl. de M. !'Avocat Général Vanhoudt, avant Gand, ch.
mises, 4 nov. 1947; Recht. Weekbl., 379).
Le juge commis possède les mêmes pouvoirs que lorsqu'il est
requis par le procureur du Roi. Il ne fait pas rapport à la chambre du
conseil. mais lorsqu'il estime que la procédure est complète, il tra.nlY
met le dossier au procureur général qui fait rapport à la chambre des
mises en accusation ( 1 ) . Celle-ci peut alors soit clôturer définitivement
l'instruction. soit ordonner un nouveau complément d'information.
174
l'objet d'une ordonnance de la chambre du conseil. coulée en force
de chose jugée, clôturant l'instruction (par non-lieu ou renvoi
devant la juridiction de jugement, correctionnelle ou de police), ou
d'un arrêt de la chambre des mises en accusation par lequel celle-ci
épuise sa juridiction (non-lieu, renvoi devant la juridiction de
jugement) ( 1).
Le droit d'évocation permet à la chambre des mises en accusa-
tion de dessaisir les premiers juges, c'est à dire le juge d'instruction
et la chambre du conseil, d'une instruction en cours et de s'emparer
de celle-ci.
La chambre peut, en vertu de l'évocation, vérifier, même d'office,
tous les actes et ordonnances du juge d'instruction et de la chambre
du conseil, même non frappés d'opposition et les réformer s'ils con-
tiennent des omissions, des irrégularités ou des nullités; elle peut
ordonner que soient refaits les actes incomplets ou nuls ; elle peut,
enfin, ordonner de nouvelles informations et de nouvelles inculpa-
tions (2).
La chambre des mises en accusation ne peut, toutefois, procéder
elle-même à une instruction ( 3) : Elle doit confier cette mission à un
de ses membres qu'elle délègue comme conseiller instructeur ( 4) .
Le conseiller instructeur est investi de tous les pouvoirs du juge
d'instruction ; il peut déléguer un juge du tribunal de première in-
stance compétent, a:fin de recevoir les dépositions des témoins ( 5).
C'est la chambre des mises en accusation qui est compétente
pour confirmer le mandat d'arrêt décerné par le conseiller instruc-
teur délégué ensuite d'évocation (Cass. 18 fév. 1907; Pas. I. 125).
Lorsque son instruction est complète, le conseiller instructeur
communique le dossier au procureur général qui fait rapport ( 6) à
la chambre des mises en accusation.
Celle-ci peut alors soit clôtlll'er définitivement l'instruction, soit
ordonner de nouvelles mesures d'information.
175
ou de police ( 1 ) , soit par internement de l'inculpé par applièatfon de
la loi de défense sociale (2), soit par un arrêt de non-lieu .( 3) ; elle
est. en outre, seule compétente pour clôturer les instructions relatives
aux affaires de la compétence du jury, par renvoi devant la cour
d'assises.
La partie civile peut se constituer directement devant la chambre
des mises en accusation ( 4).
Pas plus que la chambre du conseil, la chambre des mises en
accusation ne peut statuer sur l'action civile (5) ; il n'en va autrement
qu'en matière d'internement par application de la loi de défense
sociale, car en pareille matière les juridictions d'instruction émettent
un jugement sur la prévention ( 6).
La partie civile qui succombe dans son opposition doit être con-
damnée aux dommages intérêts envers le prévenu ( 7). La condam-
nation doit être prononcée même si le prévenu n'a pas postulé de
dédommagement et si l'ordonnance de non-lieu, confirmée quant à
certaines préventions, est réformée quant à d'autres ( 8).
Lorsque la chambre des mises en accusation estime que le
tribunal compétent ratione loci pour juger l'affaire n'est pas celui
auquel appartient le juge d'instruction qui l'a instruite, mais un
autre tribunal du ressort ,elle renvoie le prévenu devant ce tribunal
( 9). Si aucun tribunal du ressort n'est compétent, elle se borne à
rendre un arrêt d'incompétence, et c'est au ministère public qu'il
appartient de saisir la juridiction compétente ( 10).
176
doit être transmise au procureur général ( 1 ) . La partie civile ne
pourrait .à elle seule provoquer la réouverture de l'instruction en
pareil cas ( 2) ( 3) .
Le complément d'instruction est effectué par un conseiller in-
structeur ; celui-ci est désigné, sur réquisition du procureur général,
par le président de la chambre des mises en accusation ( 4).
Contrairement au cas d'évocation, ce n'est pas la chambre elle-
même, mais en principe son président qui désigne le conseiller in-
structeur; il n'y aurait toutefois pas nullité si la désignation était
effectuée par la chambre tout entière ( 5).
L'instruction se déroule suivant les mêmes règles qu'en cas
d'évocation ( supra n° 172).
SECTION VIII
La cloture de l'instruction en matière de crimes,
de délits politiques et de délits de presse
176. - L'ARRET DE RENVOI. - Si le fait est qualifié crime
par la loi, si la Cour trouve des charges suffisantes pour motiver la
mise en accusation et enfin, si elle n'estime pas qu'il y a lieu, à raison
de circonstances atténuantes, de ne prononcer qu'une peine correc-
tionnelle (7), elle ordonne le renvoi du prévenu devant la cour
d'assises ( 8 ) .
Elle statue par un seul et même arrêt, sur les délits connexes
(9).
Le renvoi devant la cour d'assises est également ordonné lors-
que le fait constitue un délit politique ou de presse ( 10).
La qualification des faits doit être rigoureusement exacte et
conforme à la loi ( 11 ) .
(1) lnstr. 248. Le juge d'instruction peut, toutefois, décerner un mandat d'arrêt (instr. 248, al. 2).
(2) Voy. J. Constant: Novell,s: Proc. pén. T. II. V. 1. Mises en ace. n° 228 et rH. cit.: Cass.
10 déc. 1934 ; Pas. 1935. 1. 77.
(3) Voy. sur cette matière J. Constant. n° 11 222 et ss.
( 4) lnstr. 248.
(5) Voy. J. Constant. réf. cit.
(6) Loi àu 15 juin 1935 (emploi drs langues) art. 13.
(7) Cf. supra n" 152.
(8) lnstr. 231.
( 9) lnstr. 226.
( 10) Décret du 19 juillet 1831. art. 8.
(11) Cass. 2 oct. 1868: Pas. 1869. I. 84: ie•· juillet 1850: Pas. I. 320.
177
L'accusé est, en principe, renvoyé devant la cour d'assises de
la provinœ où l'instructiQn a été effectuée ( 1 ) .
Lorsque l'accusé ignore la langue véhiculaire en usage devant la cour d'assises
qui devrait connaître de la cause ou s'exprime moins facilement dans cette langue
que dans l'autre langue nationale, il est à sa demande, renvoyé devant la cour
d'assises du Brabant ou d'une autre province où la procédure se fait dans la langue
qu'il connait.
Si plusieurs accusés sont impliqués dans la même affaire, la demande n'est
toutefois accueillie que si elle est faite par la majorité (2).
La demande doit être introduite avant que la chambre des mises en accusation
ait statué ( 3).
Il ne peut être donné suite à cette demande que si l'accusé ne connaît réellement
pas ou mal, la langue de la cour d'assises normalement compétente (4).
La loi ne prescrit pas le renvoi à la cour d'assises la plus proche (5).
178
de corps après l'arrêt de renvoi, jusqu'au jour fixé pour la compa-
rution ( 1).
Elle peut également ordonner l'exécution immédiate d'une ordon-
nance rendue antérieurement ( 2).
Aucun débat préalable n'a lieu devant la chambre des mises en accusation
lorsque celle-ci décerne une ordonnance de prise de corps ou en ordonne l'exécution
immédiate après l'arrêt de renvoi ( 3).
La chambre des mises en accusation peut enfin ordonner la mise
en liberté du prévenu détenu en vertu d'une ordonnance de prise de
corps décernée par la chambre du conseil ( 4).
Elle peut également ordonner la mise en liberté provisoire de
l'accusé depuis le renvoi jusqu'à la notiHcation de l'arrêt ( 5).
SECTION IX
La procédure devant les juridictions d'instruction
179
179. - REGLES DE PROCEDURE COMMUNES A LA
CHAMBRE DU CONSEIL ET A LA CHAMBRE DES MISES
EN ACCUSATION. - Les juridictions d'instruction siègent à huis~
clos ; leurs décisions ,ne sont pas prononcées en audience publique.
Cette double règle n'est qu'une conséquence du principe du secret
de l'instruction. Elle n'est d'ailleurs pas en contradiction avec le
prescrit de l'article 97 de la Constitution, car les juridictions d'in~
struction ne statuent pas sur la culpabilité mais bien sur l'existence
d'indices et leurs décisions n'ont pas le caractère de véritables juge~
ments ( 1).
Il existe cependant une exception à ces règles, due précisément
au fait que dans le cas envisagé, la chambre du conseil et la chambre
des mises en accusation statuent exceptionnellement sur la culpabi~
lité: Les débats préalables à l'internement d'un inculpé par applica~
tion de la loi de défense sociale sont publics, sous réserve de l'appli~
cation de l'article 96 de la Constitution, si l'inculpé le demande (2)
et la décision doit être rendue en audience publique ( 3).
Cette exception a, en revanche, été étendue par la loi à la mise en obsenntion
des inculpés, laquelle est précédée d'un débat public si l'intéressé le demande (4),
alors qu'en ce domaine il n'existait aucune raison de déroger au principe du secret
de l'instruction.
( 1) Jurisprudence constante; cf. not. Cass. 5 juin 1905 ; Pas. 1. 247; 21 oct. 191::! : P4'u1;. 1.
~27; 4 fév. 1918; Pas. 1. 211.
( 2) Loi du 9 avril 1930, ort. 9.
(3) Cass. 22 fév. 1938; Pas. 1. 65.
( 1) Loi du 9 avril 1930, art. 5.
( 5) Cass. 2 juillet 1951 ; Pas. 1. 762 et note R.H. ; 20 juillet 1951 ; Pas. 1. 799 ; 6 juill,t
1953; Pas. 1. 889; Rev. dr. pén. 1951-52, p. 182 et 128.
(6) J, H. Suetens. L'instruction ---- La chambre du conseil n° 307.
180
La loi ne prévoit pas pour les débats devant les juridictions
d'instruction les formalités suivies pour la tenue des audiences et la
rédaction du procès-verbal devant les juridictions de jugement. Les
pièces de la procédure doivent néanmoins révéler que les débats
devant les juridictions d'instruction ont eu lieu conformément aux
prescriptions légales ( 1 ) .
181
prévenu et à son conseil ( 1). Toutefois, en matière de détention
préventive, seul le conseil de l'inculpé doit être averti.
La citation devant la chambre du conseil n'est pas nulle si, pour une cause
étrangère au fait du greffier, l'avis adressé par lettre recommandée à la poste au
domicile du prévenu n'a pas atteint celui-ci. (Cass., 9 juin 1952; Pas. I, 648).
Lorsque la chambre du conseil est appelée simplement à auto-
riser une mesure d'instruction, ( une exploration corporelle, par exem-
ple), elle statue néanmoins sans audition préalable de l'inculpé et
de son conseil ( 2).
La partie civile n'a qu' exceptionnellement le droit de prendre
part au débat devant la chambre du conseil: Cette faculté ne lui est
reconnue que lorsque la chambre du conseil est appelée à régler la
précédure d'instruction, soit en matière ordinaire ( dessaisissement,
non lieu, renvoi devant la juridiction de jugement, transmission des
pièces au procureur général en vue de la mise en accusation), soit
en matière de défense sociale (internement).
La partie civile est exclue des débats relatifs à la détention
préventive ( 3) ainsi que de ceux relatifs à la mise en observation de
l'inculpé ( 4).
Le ministère public prend des réquisitions en toute matière dont
la chambre du conseil est saisie. Toutefois, dans les cas où celle-ci
statue sans débat, ces réquisitions sont simplement écrites.
Les parties ont le droit de prendre connaissance du dossier dans
la plupart des cas où elles peuvent intervenir au débat. L'exercice de
ce droit est toutefois organisé selon des modalités fort différentes
selon qu'il s'agit du ministère public, de la défense ou de la partie
civile.
La communication des pièces au ministère public, préalablement
au débat relatif au règlement de la procédure, est expressément pré-
vue par l'article 127 du code d'instruction criminelle et constitue
une formalité substantielle, constatée par l'ordonnance de soit corn~
muniqué (cf. supra n° 149).
Dans les autres cas ( détention préventive, mise en observation)
elle n'est pas prescrite par la loi, mais le procureur du Roi peut
toujours faire usage de son droit de recevoir communication des
pièces à tout moment (cf. supra n°" 30 et 164).
Le prévenu ,et son conseil disposent d'un délai de quarante-huit
( 1) Lorsque l'inculpé est détenu. le pli lui est remis par le directeur de l'établissement pénitentiaire
ou son délégué qui atteste de la remise en lui faisant signer un accusé de réception jm ...
médiatement renvoyé à J' expéditeur : il y a, en pareil cas, dispense de la recommandation
(A.R. 20 jan. 1936, art. !••).
(2) Cf. supra n° 82 et infra n° 263.
(3) Hayoit de Termicourt, Rev. dr. pén. 1924. p. '107.
(1) Loi du 9 avril 1930, art. 2.
182
heures pour prendre connaissance du dossier au greffe, préalable-
ment au règlement de la procédure ( 1).
Le même droit est reconnu au seul conseil de l'i1t1culpé en matière
de mise en observation par application de la loi de défense sociale
(2) et de confirmation mensuelle de mandat d'arrêt (3). Toutefois,
le dossier ne doit pas être déposé au greffe préalablement à la pre-
mière confirmation du mandat d'arrêt dans les cinq jours de l'inter•
rogatoire ( 4).
Aucune disposition légale ne prescrit ni l'obligation d'avertir la partie civile, ni
la communication du dossier à celle-ci ; les usages des parquets ont, certes, pu
remédier, dans une certaine mesure, à cette lacune, mais il serait souhaitable, de legc
ferenda, que la partie lésée se voie également reconnaître le droit d'être avertie et
de prendre connaissance des pièces, corollaires indispensables du droit d'intervention
au débat que la loi lui confère.
( 1) Loi du 25 oct. 1919, art. unique XV. prorogée par la loi du 18 août 1928 et modifiée par la
loi du 22 juillet 1927.
(2) Loi du 9 avril 1930; art. 3.
(3) Loi du 23 août 1919, art, Jer,
{4_) Loi du 20 avril 1874, art. i:. Rép. dr. b. v 0 Détention préventive, n° 81.
(5) A. R. 24 mars 1936, art. 1er,
(6) Mais cet usage n'est, à notre sens, admissible que s'il ne porte aucun préjudice aux droits de la
défense. dont la sauvegarde est d'ordre public: Il convient donc, nous semble-t-il, de n'admettre
cette renonciation que lorsque le prévenu est en aveux sur toutes les préventions et• que l'affaire
n'a qu'une gravité minime,
( 7) lnstr. 222.
183
sont~elles pas averties de la sa1sme de la chambre des mises en
accusation et ne rec;oivent~elles aucune communication du dossier ( 1).
2°) L'examen se déroule contradictoirement à l'égard de toutes
les parties en cause ( ministère public, partie civile ( 2), défense)
lorsque la chambre des mises en accusation est saisie par voie d'op~
position d'une des parties à l'ordonnance de la chambre du conseil.
statuant sur le règlement de la procédure, ou à la suite d'une ordon~
nance de transmission des pièces, en vue de statuer sur la mise en
accusation ( art. 223 nouveau du code d'instruction criminelle ; loi du
19 août 1920).
La jurisprudence et la doctrine admettent que cette règle est
également applicable au débat sur les lenteurs de l'instruction prévu
par l'article 26 de la loi du 20 avril 1874 (3).
Enfin, en cas d'appel d'une ordonnance de la chambre du conseil
prononçant l'internement de l'inculpé ( loi du 7 avril 1930). la procé~
dure est également contradictoire à l'égard de toutes les parties.
Le dossier doit être mis au greffe, à la disposition des parties,
au moins dix jours avant la comparution ( 4) et elles peuvent en faire
prendre copie ( 5) .
Toutes les parties doivent être admises à intervenir dans le débat,
avant la délibération de la chambre, à peine de nullité.
3°) L'examen se déroule comtradictoirement à l'égard du minis~
tère public et de la défense, seulement, ( mais pas de la partie civile)
lorsque la chambre est saisie par voie d'appel d'une ordonnance de
la chambre du conseil statuant sur la détention préventive (loi du
20 avril 1874, art. 20) ou sur la mise en observation de l'inculpé
( loi du 9 avril 1930, art. 4).
Préalablement à la comparution, le dossier est mis pendant deux
jours, au greffe, à la disposition du conseil de l'inculpé; le greffier
avertit le conseil de l'inculpé par lettre recommandée ( 6) . Le minis~
tère public et la défense sont entendus avant que la cour statue.
Dans les trois éventualités, la procédure est ouverte par le
rapport du p1.1ocureur général ; la chambre des mises en accusation
(1) Voy. Brux. 17 sept. 1920: Rev. dr. pén. 429. Cass. 17 déc. 1941: Pas. 1. 458.
(2) La partie civile, non constituée au degré inférieur, peut se constituer pour la première fois
devant la chambre des mises en accusatton (Voy. J. Constant. Novelles. Proc. pén. T. 11.
vol. 1. mises en accusation n° 58 et réf. cit.),
(3) Cass. 13 fév. 1899: Pas. 1. 118: Rép. dr. b. v0 détention préventive. n°• 335 et 336.
(1) Ce délai n'est pas applicable en matière d'internement (défense sociale), bien que le dossier
doive également, en cette matière, être mis à la disposition des parties préalablement au débat.
(5) Le droit de lever copie des pièces n'existe toutefois pas lorsque Je débat a pour objet les
lenteurs de !"instruction (Brux. 31 mai 1890. Pas. II. 310).
(6) Cet avis n'est pas prescrit à peine de nullité. Le dHaut d'avertissement pourrait toutefois
devenir une cause de nullitl s'il avait préjudicJé un droit de défense de l'inculpé (Cass. 3 Juin
1929; Pas. I. 221 ).
184
se réunit. au moins une fois par semaine, pour entendre les rapports
de celui-ci et statuer sur ses réquisitions ( 1 ) . Les réquisitions du
procureur général doivent être écrités et signées ( 2) ( 3). Les parties
privées, lorsqu'elles sont admises à prendre part au débat, sont ensuite
entendues dans l'ordre habituel. puis la chambre délibère ( 4) et pro-
nonce son arrêt.
La chambre des mises en accusation statue en principe à la majorité ; toutefois,
l'unanimité est requise et doit être constatée expressément dans l'arrêt lorsque la
chambre réforme une ordonnance de non-lieu, une ordonnance favorable à l'inculpé
en matière de détention préventive (5), une ordonnance portant correctionnalisation
ou contraventionnalisation, ou lorsqu'elle décide elle-même la disquaHfication à
raison de circonstances atténuantes ( 6).
SECTION X
( 1) lnstr. 218.
(2) Rép. dr. b. v<> proc. pén. n° 457.
( 3) En matière de détention préventive et de dtfense sociale, le ministère public est simplement
entendu : mais si le procureur général prend, à cette occasion, des réquisitions relatives à I' instruc-
tion, celles•ci doivent être écrites et signées.
(4) Le code d'instr. crim. prévoit diverses règles de procédure: lecture des pièces par Je gref ...
fier, retrait du procureur général et du greffier avant la délibération, prononcé dans: les trois
jours, lesquelles ne sont pas prescrites à peine de nullité, à l'exception toutefois de celle qui
a pour objet d'interdire au procureur général d'assister au délibéré des juges, laquelle doit être
re::,ipcctée à peine de nullité de la décision (loi du 19 avril 1949),
(5) Loi du 18 juin 1869, art. 140, modifié par l'article 2 de la loi du 4 sept. 1891.
(6) Loi du 4 octobre 1867, art. 6, modifié par l'article 2 de la loi du 4 sept. 1891.
(7) lnstr. 228, al. 2.
185
184. - REGLES PARTICULIERES EN MATIERE D'IN-
TERNEMENT PAR APPLICATION DE LA LOI DE DEFENSE
SOCIALE. - Par dérogation à la règle générale en vertu de laquelle
les juridictions d'instruction ne statuent que sur pièces, la chambre
du conseil et la chambre des mises en accusation entendent les té~
moins lors du débat préalable à l'internement, si l'inculpé le de~
mande (1).
Les juridictions d'instruction ne sont toutefois pas obligées
d'entendre les témoins que produit le prévenu lorsqu'elles trouvent
cette audition inutile (2).
Les témoins prêtent serment conformément aux articles 155, 189
et 211 du code d'instruction criminelle et à l'arrêté du Prince Sou-
verain du 4 novembre 1814 ( 3) .
Les ordonnances rendues par les juridictions d'instruction en
matière d'internement comportant un jugement sur la culpabilité,
l'article 156 du code d'instruction criminelle relatif aux témoins
reprochables nous parait également applicable en la matière.
SECTION XI
Le recours en cassation contre les décisions
des juridictions d'instruction
185. - GENERALITES. -
A. - Un recours en cassation immédiat est ouvert à l'encontre :
1) des arrêts de la chambre des mises en accusation :
a) ordonnant le maintie,n de la détention préw1t1tive (4).
b) ordonnant la mise en observation du prévenu dans l'annexe psy-
chiatrique d'un centre pénitentiaire ( 5).
c) ordonnant l'internement d'un inculpé ( 6).
d) statuant sur la compétence du juge d'instruction, pour autant
toutefois que le déclinatoire ait été proposé devant la chambre
du conseil ( 7).
e) décidant n'y avoir lieu à poursuivre ( 8).
186
f) ordonnant le re.nvoi de l'accusé devant la cour d'assises, pour
autant que la demande de nullité invoque l'un des moyens sui-
vants:
1°) le fait n'est pas qualifié crime par la loi.
2°) le ministère public n'a pas été entendu.
3°) l'arrêt n'a pas été rendu par le nombre de conseillers fixé
par la loi ( 1 ) .
4°) la chambre des mises en accusation ou la cour de renvoi sont
incompétenœs pour connaitre de la cause ( 2).
2) des ordonnances de condamnation rendues par le juge· d' instruc-
tion en application des articles 34, 80, 81 et 86 du code d'instruc-
tion criminelle ( 3) .
B. - Un recours en cassation est ouvert, après la décision met-
tant fin au litige, à l'encontre :
1 ) des arrêts de la chambre des mises en accusation :
a) rejetant une demande de mise en observation par application
de la loi de défense sociale ( 4).
b) refusant d'ordon;ner l'internement de l'inculpé ( 5).
c) prescrivant des devoirs complémentaires d'instruction ( 6).
d) décidant que n'est pas recevable l'opposition du prévenu à
l'ordonnance de re...'lvoi devant le tribunal correctionnel ( 7).
e) renvoyant le prévenu devant le tribunal correctionnel ou de
police ( 8) ou ajoutant de nouveaux faits à ceux faisant l'objet
du renvoi (9).
f) renvoyant l'accusé devant la cour d'assises, lorsque le pourvoi
ne s'appuie ni sur l'incompétence, ni sur l'un des trois moyens
énumérés à l'article 299 du code d'instruction criminelle ( 10).
2) a) des ordonnances de la chambre du conseil, non susceptibles
d'opposition de la part du prévenu, renvoyant celui-ci devant
le tribunal correctionnel ou de police ( 11 ) .
b) des ordonnances de prise de oorps rendues par la chambre du
conseil ( 12) .
(1) lnstr. 299.
(2) Cass. 17 sept. 1887: Pas. 1. 363: 9 mars 1891 : Pas. 1. 92.
(3) Cass, 7 nov. 1855: Pas. 1. -12-1 : 28 avril 1868: Pas. I. 393.
(1) Ca••· 20 avril 193ï: Pas. 1. 123.
(5) Cass. 21 janv. 1935: Pas. 1. 125.
(6) Cass. 6 mai 1929: Pas. 1. 181.
(7) Ca••· 23 déc. 1935: Pas. 1936, 1. 102.
(8) Cass. 17 oct. 1932: Pas. 1, 276.
(9) Cass. 10 oct. 1932 ; Pas. 1. 270.
(10) Ca••· 23 mars 1920: Pas. 1. 104: 18 mai 1920; Pa,. 1. 161.
( 11 J Cas,. 13 juil. 1925 ; Pas. I. 342.
( 12) Cass. 4 mai 1920 ; Pas. 1. 131.
187
Nous prions le lecteur de vouloir bien se reporter, pour l'étude
de ces différents recours, aux traités spécialisés en la matière.
Les arrêts rendus par la chambre des mises en accusation sur
les lenteurs d'une instruction, ne sont pas susceptibles de faire l'objet
d'un pourvoi en cassation ( 1 ) .
188
TITRE V
CHAPITRE PREMIER
LA DECOUVERTE DE L'INFRACTION
SECTION I'"
La constatation directe des infractions
187. - GENERALITES. - Il y a constatation directe chaque
fois qu'un représentant de la police judiciaire est le témoin d'un crime,
d'un délit ou d'une contravention, ou découvre des indices matériels
impliquant l'existence ou la preuve d'une infraction (traces d'effrac~
tion, dégradations, etc.).
Lorsqu'un officier ou un agent de police judiciaire découvre une
infraction ou relève des indices utiles, il a l'obligation ( 1) de rédiger
un procès~verbal décrivant les faits ou les indices qu'il a constatés;
s'il n'a pas qualité pour dresser procès~verbal. il doit faire un rapport
à son supérieur hiérarchique compétent ( 2).
La loi fait de certains officiers et agents de police judiciaire des témoins privi-
légiés dont les procès-verbaux faisant état de leurs constatations directes doivent
être crûs jusqu'à preuve contraire, voire même jusqu'à inscription de faux.
En règle générale, les procès-verbaux de police judiciaire ne valent néanmoins
qu'à titre de simples renseignements: Les procès-verbaux qui, en vertu de l'article
154 al. 2 in fine du code d'instruction criminelle, font foi jusqu'à preuve contraire,
189
sont uniquement les procès-verbaux dressés par des officiers ou agents qui ont reçu,
par une disposition expresse de la loi, le pouvoir de constater par procès-verbal
certaines infractions particulières (Cass. 17 mars 1952; Pas. 1. 439 et concl. de
M. le Procureur général Hayoit de Termicourt).
190
induire un individu à commettre une infraction, afin de permettre la
constatation ultérieure de celle~ci constitue une action illégale et que
la constatation qui en résulte est dépourvue de toute validité (Cass.
8 jan. 1945 : J. T. 232 : Pas. 1. 81 ) .
191
3°) La provocation doit avoir eu pour objet l'infraction qui
donne lieu à la constatation: ( 1) Il est, en effet, indispensable qu'il
existe un lien de cause à eiffet entre la provocation et l'infraction,
car sinon l'action illégale des représentants de la police judiciaire ne
pourrait porter atteinte à la validité de la constatation, celle-ci étant
indépendante de la manœuvre illicite.
4°) II faut que la provocation ait eu pour but de rendre possible
la constatation de l'infraction : La provocation doit nécessairement,
pour priver la constatation de sa validité, apparaitre comme un pro-
cédé illicite destiné à mettre un individu en contravention avec la
loi, dans l'intention de le prendre ensuite sur le fait.
Supposons, en ~ffet, qu'un agent des douanes incite un individu à frauder, en
lui promettant, moyennant une participation aux bénéfices du trafic illégal, de fermer
les yeux sur celui-ci. Les deux complices se livrent pendant quelque temps à leur
activité délictueuse, puis se font prendre : Il est évident que le fraudeur ne pourra
pas, dans ce cas, invoquer la provocation comme cause de nullité des poursuites.
SECTION II
La dénonciation
192
connaissance, ne sont, en pratique, que moralement tenues de le faire. Toutefois, si
l'abstention d'un fonctionnaire public était la conséquence de présents ou de promes-
ses agrées, il encourrait les peines de la corruption ( 1).
La dénonciation officielle doit, en principe, être adressée au
procureur du Roi ( ou, éventuellement, à tout autre officier du minis~
tère public compétent) du lieu de l'infraction ou du lieu où le
prévenu pourrait être trouvé ( 2) ; en pratique, elle peut être corn~
muniquée à tout représentant de la police judiciaire qui en assure
la transmission, par la voie hiérarchique, au magistrat du ministère
public compétent.
La loi ne prescrit aucune forme déterminée pour la dénonciation
officielle: Celle~ci s°Eifectue habituellement par l'envoi d'une lettre
officielle exposant les faits répréhensibles, accompagnée du dossier
de toutes les pièces relatives à ceux~ci. Rien ne s'opposerait, d'ail~
leurs, à ce qu'elle fût faite verbalement, voire par téléphone.
193
Lorsque le dénonciateur est connu, il est habituellement entendu
en qualité de témoin, dans les formes usuelles ( 1 ) .
Toutefois, un membre de la police judiciaire peut toujours s'abs-
tenir de divulguer l'identité des personnes qui lui communiquent des
renseignements sous le sceau du secret: La Cour de Cassation a
délcidé, en effet, que les officiers de police avaient le droit de se
retrancher derrière le secret professionnel et de se refuser à faire
connaitre le nom de leur informateur, si celui-ci entendait ne pas
êtêre connu (Cass. 22 mars 1926; Pas. I. 310, Conclusions de M .
.I'Avoc:at Général Jottrand et réf. cit.). Dans ce cas. l'officier de
police se contente de relater dans son procès-verbal la teneur des
renseignements communiqués, sans préciser leur origine ( 2).
Enfin, il arrive fréquemment que la dénonciation ne prenne pas
un caractère personnel et direct, mais parvienne aux oreilles de la
police sous forme de rumeurs. de on-dit, des bruits plus ou moins
vagues et imprécis; si ces rumeurs présentent une consistance suf-
fisante, l'officier de police les relate dans son procès-verbal, à titre
de renseignements ( 2).
Ajoutons, d'ailleurs, qu'il arrive parfois que la dénonciation ne soit que for-
tuitement anonyme et ne présente, par suite, aucun caractère immoral : Le citoyen
qui alerte la police par téléphone, pour la prévenir d'un incendie ou d'un accident
de roulage et qui oublie, dans son émoi, de révéler son identité peut-il être assimilé
au misérable qui dénonce son semblable par esprit de vengeance, sous le couvert
194
d'un commode incognito? Pourtant, il y a dans les deux cas dénonciation anonyme
au sens juridique de l'expression.
Cependant, s'il est admissible que la dénonciation anonyme serve de base à
l'ouverture d'une enquête, encore faut-il que cette dernière s'entoure d'une discrétion
et d'un tact extrêmes, et, par dessus tout, il serait profondément regrettable que la
dénonciation anonyme se voie attribuer une quelconque valeur probante.
( 1) ln,tr. 65.
(2) lnstr. 65.
·(3) A la différence de la dénonciation ordinaJre, la plainte: ptut être: faite devant le juge d'in!Jtruc-
tion si elle: s'accompagne d'une constitution de partie civilt (instr. 63).
(4) Voy. instr. 63 et supra n° 118.
195
En pratique, il existe quatre manières de déposer plainte :
1°) Par déclaration devant un officier ou un agent de police judiciaire ; cette
déclaration est consignée dans un procès-verbal transmis à l'officier du ministère
public compétent.
Les officiers de police judiciaire auxiliaires du procureur du Roi ont qualité pour
acter les plaintes, et, par conséquent, la signature du plaignant au procès-verbal
n'est pas requise (1), bien qu'elle soit toujours souhaitable. Au contraire, les agents
de police judiciaire, (les gendarmes, par exemple), ne possèdent pas ce pouvoir et
les plaintes qu'ils reçoivent doivent être signées pour être valables (2).
2°) Par lettre adressée au procureur du Roi; dans ce cas, celui-ci fait
entendre le plaignant, pour confirmation, par un de ses auxiliaires (officier de police,
membre de la gendarmerie) afin d'établir de manière indiscutable l'authenticité de la
lettre et de recueillir, éventuellement, les renseignements complémentaires indispen-
sables.
3°) Par déclaration écrite remise par le plaignant entre les mains du procureur
du Roi; celui-ci mentionne sur la déclaration que la plainte a été confirmée devant
lui, date et signe avec le plaignant.
4°) Par déclaration écr.ite accompagnée de constitution de partie civile remise
par le plaignant entre les mains du juge d'instruction (3).
CHAPITRE II
SECTION 1re
Généralités
196
Les constatations que les enquêteurs peuvent être appelés à
faire au cours du transport sur les lieux varient selon les circonstances
de la cause:
a) Le corps du délit est resté sur les lieux ( cadavre, véhicule,
accidenté), ou s'identifie à ceux-ci (immeuble incendié) : Dans ce
cas, son aspect, son état, sa position peuvent constituer autant d'in-
dications précieuses.
b) Le délit a laissé des traces accusatrices : Armes, empreintes,
objets d~ toute nature dont l'examen peut faciliter l'identification du
coupàble.
c) Le délit a causé un dommage aux propriétés : Dégats, dégra-
dations, etc. Dans cette éventualité, le constat est utile non seulement
pour la bonne marche de l'enquête, mais aussi pour la sauvegarde
des droits de la partie civile.
d) La disposition des lieux détermine la culpabilité: Lorsqu'il
y a, par exemple, violation des règles de priorité en matière de
roulage.
Dans les diverses éventualités relevées ci-dessus, la descente sur
les lieux est souvent le plus important des actes d'information : de
la qualité des observations et des constatations qui ont pu être faites
alors dépend fréquemment toute la suite et le succès final de l'en-
quête ( 1).
En outre, les preuves matérielles qui peuvent être recueillies à
l'occasion d'un transport sur les lieux présentent une valeur probante
particulièrement grande, car elles ne dépendent pas, comme les
témoignages, des souvenirs plus ou moins fidèles d'une ou plusieurs
personnes.
197
SECTION Il
La descente de police
SECTION III
La descente de parquet
( 1) En cas de flagrant délit, soit le procureur du Roi ( instr. 32 et ss.) soit le juge d'instruction
( instr. 59) peuvent se transporter Î$olément sur les lieux et accomplir tous les actes d'in•
struction gui réclament. normalement, leur intervention conjointe : en pratique, ctttt: faculté
n'est plus utiJisée actuellement, car la facilité des communications modernes perme-t, sauf
circonstances tciut...-à,..fait exceptionnelles, l'intervention simultanée des deux magistrats.
(2) Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 3"15 et réf. cil.
(3) L. 18 juin 1869 (organisation judiciaire) art. 207.
(i) lnstr. "14.
(5) Bien que ce secret soit, en fait, très relatîf, vu la publicité donnée par la presse aux
descentes de parquet.
(6) Voy. supra n° 127.
199
CHAPITRE III
Généralités
200
Enfin, l'obligation de témoigner n'a pas un caractère spontané:
Elle ne nait, juridiquement du moins, que lorsque le témoin est
interpellé dans les formes légales.
201
vérité et accable l'innocent aussi bien que le coupable, le « sérum de vérité:,,
pourrait, en théorie du moins, constituer un moyen infaillible de démasquer ce
dernier.
Cette situation entrainerait une alternative terrible : il faudrait choisir entre la
liberté et la vérité.
Heureusement, nous n'en sommes pas là: De l'avis des hommes de science
les plus autorisés, la narco-analyse n'est, pas plus qu'un autre procédé d'interroga-
toire, capable de contraindre le prévenu à dire la vérité.
Il semble même qu'elle ne soit qu' accidentellement susceptible de provoquer
des révélations; d'autre part, la valeur de ces «révélations» serait, elle-méme,
douteuse: Celles-ci pourraient n'être qu'une simple manifestation de mythomanie.
Enfin, il semble que le patient ne soit nullement à l'abri, au cours de l'expérience,
des suggestions qui pourraient lui être faites : Tout au plus, la narco-analyse
permet-elle de démontrer l'existence d'une simulation, c'est-à-dire de battre en brèche
le système de défense du prévenu, sans pour autant élucider le problème de sa
culpabilité.
Dès lors, il parait évident que la narco-analyse doit être rejetée comme procédé
d'instruction au même titre et pour les mêmes raisons que la torture, l'atteinte qu'elle
porterait à la liberté individuelle étant de nature identique et entraînant des résultats
similaires ( 1 ) .
202
En pratique, l'officier de police qui a dressé procès-verbal de ces déclarations
doit, avant de pouvoir donner au tribunal lecture de ce procès-vrrbal, exposer sous
serment dans quelles conditions il a recueilli les aveux du prévenu et se soumettre
au contre-interrogatoire de la défense. Si ce minutieux interrogatoire de l'interroga-
teur laisse apparaître le moindre élément sérieux de suspicion, le tribunal interdit
la lecture des déclarations de l'accusé (1).
2°) La Cour suprême d'Angleterre a défini les règles ( « Judges' Rules ,;, ) que
doit respecter un enquêteur lorsquïl recueille la déposition d'un suspect.
Un inculpé qui fait une déposition volontaire ne doit pas être contre-interrogé
et aucune question ne doit lui être posée, sauf pour dissiper l'ambiguïté éventuelle
de ses déclarations (4).
Lorsque deux ou plusieurs individus sont inculpés de la même infraction et
que Jeurs dépositions sont recueillies séparément, la police ne peut pas donner lecture
aux autres inculpés des déclarations de l'un d'entre eux, mais doit procurer à chacun
de ceux-ci une copie des dépositions de ses coïnculpés; elle doit, d'autre part.
s'abstenir d'encourager les intéressés à répliquer aux affirmations de leurs coïnculpés,
et si l'un d'entre eux en exprime néanmoins le désir, l'avertissement préalable habituel
doit lui être donné (5).
Les dépositions doivent, dans toute la mesure du possible, être actées et revêtues
de la signature de l'intéressé; celui-ci doit, au préalable, en avoir reçu lecture et
avoir été invite à y apporter toutes les rectifications souhaitées (6) (7).
203
Seuls les aveux recueillis conformément aux « Judges Rules » peuvent être
invoqués comme preuves en justice.
Dans la pratique, l'accomplissement de la formalité de l'avertissement préalable
(« caution ») est constatée par une mention au procès-verbal. laquelle est signée par
l'inculpé.
204
public, un administrateur, agent ou préposé du gouvernement ou
de la police, un exécuteur des mandats de justice ou des jugements,
un commandant en chef ou en sous~ordre de la force publique, aura,
sans motif légitime, usé ou fait user de violences envers les person~
nes, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions le
mm1mum de la peine portée contre ces faits sera . . . doublé, s'il
s'agit de l'emprisonnement ,et élevé de deux ans, s'il s'agit de la
réclusion, de la détention et des travaux forcés à temps.
205
C'est pourquoi, nous estimons, contrairement à l'opinion des juristes anglais,
que l'interrogatoire est une formalité substantielle de la procédure et qu'il ne peut
être abandonné à l'arbitraire de la défense.
Est-il, toutefois, opportun d'avertir le prévenu de son droit au silence ? Nous le
croyons : En effet, !"incertitude complète quant à ses droits dans laquelle notre
procédure laisse l'inculpé est surtout nuisible aux plus intéressants des accusés : les
délinquants primaires, voire les innocents ; les récidivistes chevronnés savent bien
quand ils ont intérêt à ce taire. Ne serait-il pas désirable, dès lors, surtout en faveur
de ceux qui abordent pour la première fois le redoutable appareil de la justice,
d"avertir le prévenu avant tout interrogatoire qu"il peut dire ce qu'il croît utile à
sa défense, mais qu'il n'est tenu ni de parler, ni de répondre aux questions qui lui
sont posées? Ceci, d'ailleurs, sans pour autant adopter la formule anglaise qui, trop
solennelle et trop dramatique, risque d'inciter un innocent à garder un silence parfois
inopportun.
SECTION II
L'audition des témoins et des prévenus par la police judiciaire
206
dérouler en un lieu situé dans les limites du ressort territorial de
l'olfficier ou agent enquêteur ( 1).
( 1) En effet. le procès-verbal de celui-ci serait théoriquement nul. s'il était dressé hors des limites
de son ressort territorial : toutefois, comme il pourrait être invoqué à titre de dénonciation des
renseignements qu'il contient, cette règle n'a guère d'importance pratique (voy. supra n° 8 4:3 et 72).
(2) Ou à son rapport, s'il s'agit d'un agent de police judiciaire n'ayant pas qualité pour dres.ser
procès-verbal ( voy. supra nos 73 e:t 75).
(3) L. 15 juin 1935 (Emploi des langues) art. 3i.
( i) Supra n° 71.
(5) Art. 3L al. 1.
(6) Art. 32, al. 1.
( 7) Art. 3!. al. 2 et 3, et 32. al. 2 et 3.
(8) Art. 40. al. 1. Cependant, tout jugement ou arrlt contradictoire qui n'est pas purement prépara-
toire couvre la nullité des actes <l.e procédure antérieurs. et les actes déclarés nuls interrompent
la prescription ( art. 40, al. 2 et 3).
207
L'audition de l'intéressé se déroule habituellement sous la forme
d'un entretien, au cours duquel l'ofücier lui pose les questions voulues.
L'officier consigne à son procès~verbal un résumé dans lequel
apparaissent les points essentiels de la déposition ; il donne lecture
de ce document à l'intéressé et lui demande s'il persiste dans ses
déclarations; dans l'affirmative, il en fait mention.
En pratique, la déposition est clôturée par les mots « lecture faite, persiste
et signe ». Si l'intéressé a demandé que des rectifications ou des additions soient
faites au texte initial. elles sont notées à la suite de celui-ci.
Tout contrevenant peut être arrêté (4) ; il peut être condamné par le juge
d'instruction, sur les conclusions du procureur du Roi, après avoir été cité et entendu,
ou par défaut s'il ne comparait pas, sans autre formalité ni délai et sans opposition
ni appel à une peine qui ne peut excéder dix jours d'emprisonnement et cent francs
d'amende (5).
208
Le procureur du Roi et les officiers de police judiciaire auxiliaires de celui-ci
peuvent en outre, en cas de flagrant délit, décerner mandat d'amener à charge du
prévenu ( 1) ; cette règle est, toutefois, pratiquement tombée en désuétude, le droit
d'arrestation provisoire reconnu par la jurisprudence à la police judiciaire, même
hors le cas de f!grant délit (voy. supra n° 73) étant, en fait, plus étendu et d'utilisa0
tian plus pratique.
SECTION III
L'audition des témoins et l'interrogatoire des prévenus
par le juge d'instruction
( 1) lnstr. 40.
209
Mais la situation est toute différente en ce qui concerne le sus-
pect qui, n'étant pas encore l'objet de poursuites, ne peut être consi-
déré comme prévenu, mais qui, apparaissant impliqué dans l'affaire,
ne peut être considéré non plus comme un témoin proprement dit :
Dès lors, convient-il de l'entendre sous serment en qualité de témoin
ou de l'interroger sans prestation de serment à titre d'inculpé en puis-
sance? Cette question qui n'est pas résolue par la loi est laissée à
l'entière appréciation du juge d'instruction.
Il est admis, en df et, que celui-ci peut toujours entendre à titre
de renseignement et sans prestation de serment, les personnes qu'il
estime inopportun de considérer comme témoins indépendants.
Le témoignage constituant un tout, et l'obligation de déposer
étant liée à la prestation de serment, il est évident qu'une personne
entendue sans que cette formalité essentielle ait été accomplie, n'est
pas tenue de déposer et ne peut être condamnée en cas de refus,
Si le juge d'instruction entend néammoins comme témoin une
personne plus ou moins impliquée dans une affaire, cette personne
n'est jamais tenue de révéler des faits qui pourraient être retenus
à sa charge.
210
L'interdit n'est pas légalement incapable de déposer en justice
( 1) .
Les dénonciateurs ( 2) et les plaignants peuvent être entendus
en témoignage.
Les condamnés à mort ou aux travaux forcés ne peuvent, par
contre, être entendus qu'à titre de renseignement ( 3).
211
délai ni appel ( 1) toutefois, si le témoin, après sa condamnation,
produit, sur la seconde citation, devant le juge d'instruction, des
excuses légitimes, il peut, sur conclusions du procureur du Roi, être
déchargé de l'amende (2) ; si le témoin, cité une seconde fois après
condamnation, ne satisfait pas à la nouvelle citation, il ne peut se
voir infliger de nouvelle condamnation ( 3).
Le juge d'instruction délégué par un de ses collègues d'un autre arrondissement
pour entendre un témoin peut prononcer la condamnation prévue à l'article 80, sur
les conclusions du procureur du Roi près le tribunal dont il dépend : Le témoin est,
en effet, tenu de comparaître devant lui, au même titre que devant le juge chargé
de l'affaire et le juge délégué est donc investi, à titre personnel, des mê-me pouvoirs
de contrainte que le juge déléguant (4).
En revanche, le juge de paix délégué ou subdélégué ne peut prononcer pareille
condamnation, car la loi ne confère ce pouvoir qu'au juge d'instruction, sur con-
clusions du procureur du Roi. Le juge de paix peut donc, tout au plus, dresser
procès-verbal constatant le manquement.
( 1 ) lnstr. BO.
( 2) lnstr. 81.
(3) Cass. 21 jan. 1856. Pas. I. 30.
(1) Voy. Novclles, Proc. P~n. T. 1. Vol. I. J. H. Suetcns. L'instruction. - La chambu· du
conseil, n° 72.
(5) Voy. Novellcs, Proc. pén. T. I. Vol. 1. A. l\,faréc:hal: les mandat.s df' co:::nparution f't lu;
mandats d'amener. ni) 5. -
(6) Voy. A. Maréchal. réf. cit. n° 6.
(7) lnstr. 95.
(8) Instr. 97; cette formalité n'est toutefois pas prescrite à peine de nullité (C~ss. 5 jr.n, 18R7;
Pas. 1. -14).
(9) lnstr. 98. Lorsque le mandat doit être exécuté dans un autre arrondissement. le juge d'im~tru<:tion
doit le transmettre directement au procureur du Roi de cet arrondissement (Voy. A. Marf'ch.1.l. Rtf.
cit. n° 13).
(10) lnstr. 99.
212
L'intéressé est conduit à la disposition du magistrat instructeur;
il est, en cas de fermeture du cabinet de celui~ci, déposé provisoire~
ment en la maison d'arrêt; toutefois, la privation de liberté qui en
résulte ne peut excéder vingt~quatre heures ( 1 ) . ce délai commence
à courir à partir du moment où l'intéressé est mis à la disposition du
juge d'instruction et non du moment où il est appréhendé (2).
(1) Constitution 7. L'audition doit être effectuée dans ce délai (instr. 93),
(2) Brux. 9 mai 1925; rev. dr. pén. 595.
(3) lnstr. 62.
(4) lnstr. 83, al. !.
(5) Rép. dr. b. v 0 comm. rog. n° 104.
{6) Voy. aussi Cour sup. Just Luxembourg 22 janv. 1930; Pa.5, li. 185, supra n° 77.
(7) Instr. 83, al. 2.
213
La disposition de l'article 83 al. 2 n'est ni limitative, ni prescrite à peine de
nullité ; le juge d'instruction pourrait donc se transporter lui-même en la demeure
du témoin (1).
c) Si le témoin empêché habite hors de l'arrondissement judi-
ciaire, le juge d'instruction commet son collègue territorialement com-
pétent qui se transporte au domicile du témoin à entendre ( 2).
d) Si le témoin empêché habite hors de l'arrondissement judi-
ciaire et hors du canton où siège le tribunal auquel appartient le juge
délégué, celui subdélègue le juge de paix du canton où demeure le
témoin pour procéder à l'audition ( 3).
Le juge délégué ou subdélégué envoie les dépositions qu'il a
recueillies closes et cachetées au juge d'instruction saisi de l'affaire.
Le témoin qui s'est abusivement fait délivrer un certificat médical
alors qu'il n'était pas dans l'impossibilité de comparaître sur la
citation, de même que le médecin ayant délivré le certificat abusif.
sont passibles de l'amende prévue par l'article 80 du code d'instruc-
tion criminelle, laquelle est infligée par le juge d'instruction déléguant
ou délégué, selon les cas, sur réquisition du procureur du Roi, dans
les formes prescrites par cet article,
Le juge ayant opéré le transport, c'est-à-dire soit le juge d'in-
struction, soit le juge de paix ( 4), peut en outre décerner mandat
d'amener à charge du témoin et du médecin ( 5).
214
expert, même après le dépôt du rapport d'expertise, soit entachée de
nullité ( 1) ( 2 )·.
La présence du greffier au cours de l'audition est essentielle, car
il joue un rôle substantiel dans l'accomplissement des formalités de
celle-ci.
( 1) Cass. 1 fév, 1918 ; Pas. I. 218 ; 20 avril 1920 ; Pas. I. 116 ; Rev. dr. pén. 480 ; 29 juillet 1951 ;
Pas. I. 1017.
(2) Cette constatation impliqut que rien ne s'opposerait, en théorie du mcins, à cc que l'inculpé d
son conseil soient admis à assister aux auditions de témoins et la partie civile égaleme,nt ;
toutefois, toute l'économie de notre système d'instruction préparatoire est fondée sur le principe
du secret, à l'égard des parties privées, du moins, et ce principe ne pourrait pas ètre abandonné
sans une transforn1ation complète de l'instruction elle--même, impliquant une séparation absolue
entre l'information e-t la procédure jl!diciaire (voy. supra n° 10).
(3) lnstr. 74.
( 4) lnstr. 75.
(5) Const. art. 127; arrêté du 4 nov. 1814 ; Cass. 21 déc. 1931 ; Pas. 1. 350.
(6) Cass. 27 dêc. 1932; Pa,. 1933. I. 60; 6 nov. 1933; Pas. 1931. 1. 59: 26 lév. 1931; Pas. I. 177;
26 mars 1934 : Pas. I. 224 : Jurisprudence constante.
(7) Ca,s. 28 mai 1867 ; Pas. 1. 275 ; 25 juin 1867 ; Pa,. I. 295.
(8) Supra n° 215.
(9) lnstr. 79.
215
222. - L'OBLIGATION DE DEPOSER. - SES MODALI-
TES. - Le témoin ne peut pas refuser de déposer : Ce refus est, en
eiffet, assimilé par la jurisprudence au refus de satisfaire à la citation
( 1 ) ; le témoin ne pourrait même pas refuser de répondre à une seule
question du juge (2). L'obligation de déposer ne s'applique, toutefois,
qu'aux personnes entendues en témoignage et invitées à prêter ser-
ment: Elle ne s'étend pas aux individus entendus à titre de simple
renseignement et sans serment préalable.
Lorsque le témoin comparait volontairement, est-il tenu de déposer, c'est-à-dire
de satisfaire à une citation inexistante? L'affirmative ne nous paraît pas douteuse:
En effet, la comparution volontaire est considérée, en règle générale, comme suppléant
au défaut de citation (3) ; le témoin, en comparaissant, accepte de se mettre volon-
tairement dans la situation qu'entraîne une citation régulière. Du moment qu'il
consent à comparaître, il doit donc être assimilé à un témoin régulièrement cité ( 4).
(!) Cass. 28 mai 1867: Pas. I. 275; 25 juin 1867; Pas. I. 295; 10 juil. 1916: Pas. 1917. 1. 195.
(2) Cass. 10 juil. 1916 cité.
(3) Voy. L. 1er juin 1849 (Tarif criminel) art. 15.
(4) Voy. Ord. Brux. 17 sept. 1885: B. J. p. 1232.
(5) Cass. 21 fév. 1882; Pas. 1. 74; 1er juil. 1912; Pas. I. 367.
(6) Rép. dr. b. v" Secret professionnel, n° 17; Cass. 22 mars 1926: Pas. I. 310.
(7) Cass. 22 mars 1926 cit.
( 8) Cf. sur les personnes admises à se prévaloir du secret professionnel et sur les circonstances dans
lesqueJJes elles peuvent en faire etat: J. H. Suetens. L'instruction. La chambre du conseiL
n° 8 88 et ss.
216
Les inspecteurs des contributions (1) et les officiers de police judiciaire ,(2)
peuvent refuser de divulguer les noms des informateurs qui leur ont révélé des
renseignements à titre confidentiel.
217
rait être considérée comme une atteinte aux droits de la défense ; en outre, la
violation d'une des règles prescrites pourrait entrainer des sanctions à charge du
juge et du gre-ffier.
( 1) lnstr. 77.
(2) Cass, 24 mars 1941 ; Pas. 1. 101.
( 3) Instr. 91.
(i) Rtp. dr. b. v 0 détention préventive, n° 6.
218
Les règles de forme applicables au mandat de comparution et
au mandat d'amener concernant un prévenu sont les mêmes que celles
applicables au mandat d'amener concernant un témoin; nous les
avons examinées supra n° 217. Le mandat de comparution, contrai-
rement au mandat d'amener, n'autorise pas l'emploi de la force pour
son exécution.
La peine prévue par l'article 80 du code d'instruction criminelle
à l'encontre du témoin défaillant ne peut jamais être appliquée au
prévenu qui ne satisfait pas à une ordonnance de comparution ( 1 ) .
219
rir l'assistance d'agents de la force publique pour empêcher des
actes de violence ou prévenir une tentative d'évasion ( 1 ) .
220
Le procès-verbal d'interrogatoire d'un inculpé doit, comme tout
procès-verbal. d'ailleurs, mentionner la date de l'opération qu'il con-
state ( 1) ; cette mention est particulièrement importante lorsqu'il
s'agit d'un interrogatoire préalable au mandat d'arrêt, car c'est la
date de cet interrogatoire qui constitue le point de départ du délai
de cinq jours dans lequel le mandat d'arrêt éventuel doit être con-
firmé (2).
CHAPITRE IV
LES PERQUISITIONS
SECTION I'"
Généralités
221
En vertu de l'article 10 de la Constitution, « le domicile est
inviolable; Aucune visite domiciliaire ne peut avoir lieu que dans
le cas prévus par la loi et dans la forme qu'elle prescrit».
Les perquisitions ne peuvent donc être pratiquées que dans les
cas où le législateur l'autorise expressément et conformément aux
modalités déterminées par lui ; les textes légaux relatifs à cette
matière, constituant des dispositions exceptionnelles et dérogatoires,
doivent être interprêtés restrictivement.
(1) Ce droit est notumr:.ent reconnu par l'article 9 du dê:crl"t d.:s 19~22 juillet l ï9I. ainsi que par
l'article 12 de la loi du 29 août 1919 (ré.gimc de l'alcool). En fait. d'ailieurs. ces textes
légaux peuvent être considérés comme surabondants : Les lieux où tout le monde est admis n~
pouvant bénéficier du principe de I' invJolabillté du dcmidlc. leur visite n · est pas sour,1i.se aux.
restrictions découlant de ce principe:.
(2) Cass. 14 mars 1932 cité; Cass. 22 juin 1937; Pas. I. 195.
222
237. - 2) L'INTRUSION DANS UN DOMICILE EN VUE
DE PORTER SECOURS A L'HABITANT. - L'inviolabilité du
domicile est instituée en vue de protéger l'habitant contre toute in~
trusion contraire à sa volonté et ·de nature à lui porter préjudice;
mais elle ne peut, évidemment, être étendue au cas où l'intrusion
n'est pas dirigée contre l'habitant, mais est destinée à lui porter
secours: Toute interpretation contraire trahirait, sans aucun doute,
l'esprit du constituant.
La Constitution du 22 frimaire an VIII prévoyait déjà, en son
article 76, toujours considéré comme applicable, que l'on pouvait
pénétrer dans un domicile, même de nuit, en cas d'incendie, d'inon~
datiori ou d'appel de l'intérieur ( 1) : Ce texte, qui est le seul
document légal existant en la matière, doit, à notre avis, être inter~
prête dans un sens tout~à~fait extensif: L'inviolabilité du domicile
perd toute raison d'être, et disparait complètement dans toute éven~
tualité où l'intrusion dans ce domicile apparait comme indispensable
pour prêter secours à l'habitant dont la vie, la santé ou les biens
se trouvent menacés.
Il convient donc d'ajouter aux trois cas d'incendie, d'inondation ou d'appel de
l'intérieur ceux d'accident grave, de court-circuit, d'intoxication par le gaz, etc.
Il est même évident que si de simples indices permettent de supposer qu'une
personne a besoin de secours et d'assistance, si par exemple un habitant, dont la
présence à son domicile est certifiée par des témoins, ne manifeste pas signe de vie
pendant une période anormalement longue, il est permis de- pénétrer dam, sa demeure
pour s'assurer de son état. De même, si un agent de police, au cours d'une ronde
de nuit, s'aperçoit qu'une maison a fait l'objet d'une effraction et se trouve ouverte,
il peut pénétrer dans cette maison pour porter éventuellement assistance à ses occu-
pants et constater le corps du délit. A fortiori, si un représentant de l'ordre est
témoin de l'intrusion d'un cambrioleur dans un immeuble, il peut J'y suivre et le
capturer (2).
223
parait tout-à-fait insuffisant pour justifier une atteinte non autorisée par la loi à un
droit individuel incontestable.
Néanmoins, la règle admise par cet arrêt, en ce qui concerne la fouille, doit,
à notre avis, être acceptée, mais pour des motifs absolument différents : En effet,
le droit de fouille n'est qu'une conséquence, un accessoire du droit d'arrestation.
La police qui peut le plus, c'est-à-dire, en l'espèce, priver dans certains cas un
individu de sa liberté corporelle, peut évidemment le moins, c'est-à-dire pratiquer
une fouille sur la personne de celui-ci ( 1).
Encore, ce droit est-il soumis à deux restrictions légales :
a) La fouille ne peut être étendue jusqu'à constituer une exploration corporelle,
car celle-ci ne peut, hors le cas de flagrant délit, être autorisée que par la chambre
du conseil (2).
b) La fouille ne peut entraîner la destruction ou la dégradation d' ob;ets mobi-
liers, car une telle action constituerait une illégalité (3).
2°) L'examen des objets trouvés en possession de l'individu arrêté, découlant du
droit de fouille, est licite au même titre que celle-ci.
Toutefois, si ces objets se trouvent fermés de mamere telle que l'examen de
leur contenu ne puisse s'effectuer que moyennant détérioration du système de ferme-
ture, leur visite, contre la volonté de leur détenteur, ne peut être considérée comme
autorisée sans restriction: Elle impliquerait, en effet, la violation d'un droit indivi-
duel et constituerait une dégradation illégale. C'est pourquoi nous estimons que,
dans le silence de la loi, il faut appliquer à ce genre d'investigations les règles
restrictives imposées en matière de perquisitions.
Un agent de police judiciaire ne pourrait donc, par exemple, ni forcer la serrure
d'une valise, ni ouvrir un paquet cacheté, ou une lettre fermée. Un o:fficier de
police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi ne pourrait le faire qu'en cas de
flagrant délit, ou sur mandat du juge d'instruction (4).
SECTION II
Les perquisitions d'office
224
Cette règle implique qu'une perquisition ne peut normalement
être pratiquée que s'il y a instruction judiciaire ouverte, c'est-à-dire
si l'action publique et mise en mouvement à la suite d'un crime
ou d'un délit.
· Le juge d'instruction exerce le droit de perquisition personnel~
leme.nt, dans toute l'étendue de son ressort territorial, et par délé~
gation conférée à son collègue compétent, hors des limites de celui-
ci (1).
L'article 464 du code d'instruction criminelle accorde tout-à-fait exceptionnelle-
ment au juge d'instruction le droit de continuer, hors de son ressort, les perquisitions
entreprises à l'occasion des informations ouvertes en matière de faux monnayage.
Cette disposition est, au demeurant, pratiquement tombée en désuétude.
225
Les agents de police judiciaire ne peuvent recevoir pareille
délégation ( 1) et leur intervention en matière d'exécution des man~
dats de perquisition se limite au concours qu'ils peuvent être appelés
à apporter à l'officier porteur du mandat. Certains agents de police
judiciaire sont cependant autorisés par des lois spéciales à pratiquer
certaines perquisitions de nature particulière.
226
système du droit commun et est plus souple que celui-ci, tout en assurant des garan-
ties équivalentes au justiciable: Elle soumet la perquisition à autorisation judiciaire,
mals elle n'impose pas, pour autant, comme en droit commun, le déclenchement
des poursuites en justice et l'ouverture d'une instruction. Elle rappelle, à certains
égards, la procédure tendant à l'obtention d'un mandat de perquisition ( « search
warrant » ( 1)) en usage dans les pays de droit anglo-saxon.
Lorsque l'Administration désire procéder à une perquisition dans le territoire
libre, elle doit présenter au juge de paix (2) une requête écrite par laquelle elle
sollicite l'autorisation d'effectuer la visite domiciliaire projetée. Cette requête contient
le nom de l'individu chez lequel la visite doit être faite, la situation du bâtiment ou
enclos à visiter et l'heure de la visite projetée ( 3). La demande doit être faite ou
autorisée par un fonctionnaire ayant le grade de contrôleur au moins.
Le juge de paix autorise la visite par voie d'ordonnance; il ne peut refuser
cette autorisation, à moins qu'il existe des présomptions sérieuses que celle-cl lui
est demandée sans motif valable.
Le juge doit assister à la perquisition, ou déléguer à cette fin un officier public
( officier ou agent de police judiciaire).
Les règles applicables aux perquisitions en « territoire libre » s'étendent égale-
ment aux agglomérations de plus de 2.000 habitants situées dans le rayon des
douanes à plus de 2.500 m. des frontières de terre (4).
Dans les territoires non compris dans ces agglomérations et situés dans le rayon
de douane, les employés peuvent procéder d'office à une perquisition, sans autori-
sation judiciaire; il est simplement requis que la visite soit faite en présence d'un
fonctionnaire du grade de receveur au moins, ou en vertu de l'autorisation écrite de
celui-ci ; un membre de l'Administration communale ou un fonctionnaire commis-
sionné par le bourgmestre doit être présent aux opérations (5).
Le droit de visite des agents des douanes et accises est pratiquement illimité (6)
dans certains cas particuliers, tels que celui de la poursuite ininterrompue de
marchandises fraudées ou celui des fabriques, négoces et autres lieux clos où l'on
exerce l'industrie ou le commerce de produits soumis à l'accise (7).
227
tion et désigner l'autorité déléguée de mamere suffisamment· claire
( l ) : Cette désignation peut être faite à la fonction ( 2).
Le commissaire de police délégué pour exécuter une perquisition
peut subdéléguer un commissaire~adjoint ( 3) ; aucune subdélégation
ne peut, par contre, être consentie par un officier de police judiciaire
à un simple agent de police judiciaire ( 4) ; mais celui~ci peut être
autorisé à participer, sous l'autorité d'un officier, aux opérations
matérielles de la perquisition.
Par dérogation aux règles générales définies ci~dessus, le juge
d'instruction ne peut, dans son arrondissement, déléguer pour pro~
céder à la perquisition des papiers, titres ou documents qu'un officier
de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi dans le ressort
duquel la visite doit avoir lieu ( 5).
Le principe de la délégation à la fonction s'applique, toutefois, également en
l'espèce (6).
228
peuvent, sauf dispositions légales contraires, être effectuées que
pendant le jour ( 1 ) .
Le temps de nuit comprend toute la période s'étendant de 9 h.
du soir à 5 h. du matin (2).
Il est cependant de jurisprudence constante qu'une visite domi-
ciliaire commencée pendant le jour peut être poursuivie la nuit, en
dépit de l'opposition du maître de la maison, à condition que les
opérations en cours soient continuées sans interruption ( 3).
229
245. - FORMES DE LA PERQUISITION. - Aucune règle
de forme n'est imposée en ce qui concerne l'exécution de ]a per~
quisition.
En effet. la seule règle prévue à ce propos par le code d'instruction criminelle,
à savoir la présence aux opérations du prévenu ou de son fondé de pouvoirs ( 1),
n'est pas prescrite à peine de nullité (2).
Conçue comme une règle rigide, l'assistance du prévenu à toute perquisition de
son domicile serait très difficilement réalisable, matériellement parlant ; aussi est-il
préférable qu·elle ne soit pas imposée; mais ceci ne signifie nullement que la
présence du prévenu ne soit pas souhaitable, lorsqu'elle est possible: Elle présente,
en effet, de nombreux avantages : Force probante plus grande des constatations
soumises au contrôle de celui à l'encontre duquel elles sont faites; risques moindres
d'erreurs ou de confusions, etc.
En outre, il est assez surprenant que la présence de la victime de l'infraction
aux opérations de la perquisition ne soit pas prévue et même parfois recommandée
par la loi ; en cas de vol, notamment, qui, mieux que leur légitime propriétaire, est,
en effet, à même d'identi'fler les objets volés?
Bien qu'aucune loi ne prescrive la lecture du mandat de perquisition, le légis-
lateur a cependant voulu que les représentants de la police judiciaire s'apprêtant à
effectuer une visite domiciliaire jusUflent de l'existence de leur mission lorsque leur
qualité pour y procéder se trouve contestée. (Corr. Louvain, 24 mai 1951 ; R.W.,
1951-1952, 738).
L'exécution de la perquisition peut, parfois, entrainer certaines
dégradations matérielles aux immeubles ou aux meubles : Les enquê~
teurs peuvent être contraints de forcer une serrure, par exemple. Le
mandat de perquisition leur confère indiscutablement le droit d'em~
ployer les moyens nécessaires pour en assurer l'exécution. Toutefois,
les dommages et dégradations ne sont admissibles que dans la mesure
où ils contribuent à atteindre le but auquel tend la perquisition ; ils
doivent être strictement limités au minimum et tout doit être mis en
œuvre pour éviter de les occasionner sans nécessité absolue.
L'officier enquêteur décrit dans son procès--verbal les opérations
de la perquisition et y consigne les constatations que celle~ci a permis
d'effectuer.
SECTION III
Les perquisitions du conseintement fonnel
( 1) lnstr. 39.
(2) Voy. Cass. 15 mai 1916; Pas. 1917. I. 97.
230
sition, même non prévue par la loi, est donc valable si elle est effec-
tuée sous le couvert du coaisentement fonnel de celui qui pourrait
invoquer le bénéfice de l'article 10 de la Constitution ( 1).
L'intéressé ayant le droit d'autoriser l'accès de son domicile en
tout temps et à toute personne, il est évident qu'une perquisition peut
être effectuée, avec son consentement, aussi bien de nuit que de jour,
par un agent comme par un officier de police judiciaire.
(1) Jurisprudence constante: Voy. not. Cass. li jan. 1937: Pas. I. 4; 3 juil. 1943: Pas. I.
281 ; Cons. G. Turnhout 28 mars 19-!5: J. T. 416 et note S. Huynen. La mime opinion est
admise en France: voy. Cass. française 12 mai 1923: Dai. pér. 1924. I. 174; 2 jan. 1936:
Dai. pér. I. 46 et note Leloir.
(2) Cass. 6 mai 1942: Pas. I. 116.
(3) Voy. not. Cass. française 12 mai 1923: Dai. pér. 192-1. I. 17-1.
(4) Voy. note Leloir sous C.ss. française 2 jan. 1936: Dai. pér. I. -16.
(5) Gand 7 mai 1921 : Rev. dr. pén. 709.
231
abandonnée : L'ensemble de la doctrine ( 1) exige un consentement
exprès et ce point de vue parait également avoir été adopté par la
jurisprudence.
L'arrêt de la Cour de Cassation du 6 mal 1942 (2), notamment, décide que le
fait, pour l'intéressé, d'ouvrir sa porte sur l'insistance de la police, sans offrir de
résistance, ne couvre pas l'illégalité d'une perquisition sans mandat (3).
232
248. - PERSONNES DONT LE CONSENTEMENT EST
REQUIS. - Le consentement doit, en toute hypothèse, émaner du
maitre de la maison ( 1) : Le principe de l'inviolabilité du domicile
étant essentiellement institué dans l'intérêt de celui~ci, il est évident
que la renonciation au bénéfice de cette inviolabilité doit, avant tout,
provenir de lui.
Par « maitre de la maison», il faut entendre la personne qui a
la jouissance effective de l'immeuble, c'est~à~dire, selon les cas, le
propriétaire, l'usufruitier, le locataire, le sous~locataire, et qui est
considérée comme le chef du ménage ou de la famille ; c'est là, bien
entendu, une question d'espèce laissée à l'appréciation de la police
judiciaire, sous le contrôle du tribunal.
Il est cependant admis par la jurisprudence que la femme peut, en vertu du
mandat domestique, donner valablement son consentement à la perquisition en l'ab-
sence du mari (2). Mais lorsque le mari est présent, il est évident que le consente-
ment de la femme est insUJffisant pour légitimer la perquisition ( 3).
233
a la propriété, la possession ou la détention exclusive? L'autorLo;ation de cette
dernière personne doit-elle être également sollicitée?
D'un autre côté, ne peut-on admettre que le consentement de cette seule per5onne
suffise à légitimer la perquisition lorsque celle-ci la vise exclusivement?
La réponse à ces questions nous parait découler de la notion même de « maitre
de la maison » : Seul celui-ci peut disposer à son gré du logement où il habite ; les
autres personnes demeurant sous son toit, membres de la famille, hôtes ou domesti-
ques, partagent la jouissance de l'habitation dans la mesure consentie par le maitre
de la maison, mais ne peuvent se prévaloir d'aucun droit de disposition à l'égard
du logement lui-même.
C'est donc le maitre de la maison seul qui peut autoriser la perquisition et r.on
autorisation suffit ( 1).
Cette règle est d'ailleurs en parfaite conformité avec l'article 46 du code
d'instruction criminelle qui habilite la police judiciaire à constater tout crime ou délit,
même non flagrant, commis à l'intérieur d'une maison, lorsque le maître de celle-cl le
requiert ( 2) .
234
produit rationné déterminé, l'intéressé devait affirmer sur l'honneur qu'il ne possédait
en réserve, au maximum, qu'une certaine quantité de ce produit et autoriser expres-
&ément et par écrit les agents de l'Administration à contrôler cette affirmation par
une visite domiciliaire.
En admettant même qu'un tel consentement, ait été considéré comme valable,
l'intéressé conservait toujours le droit de le révoquer et de s'opposer à la visite
domiciliaire prévue ( 1).
SECTION IV
235
sives; sur la base de l'article 148 du code pénal. qui réprime le délit
de violation de domicile commis par un fonctionnaire public.
D'autre part, les constatations réalisées grâce à la perquisition
illégale sont privées de toute valeur probante; elles ne peuvent être
ÏJnvoquées à titre de preuves, ni sous forme de procès~verbal, ni
sous forme de témoignage, ni sous forme de dénonciation; l'aveu de
l'auteur de l'infraction ne pourrait même pas couvrir l'illégalité
commise; toute poursuite fondée sur les constatations illégales serait
irrecevable (voy. supra n° 92).
CHAPITRE V
LES SAISIES
( 1) lnstr. 35.
236
Il en est, par exemple, ainsi lorsque sont saisis une automobile dont le conducteur
a provoqué un accident ou une montre trouvée en possession d'un individu soup-
çonné de vol ou de recel.
( 1) lnstr. 87 in fine.
(2) lnstr. 35.
(3} Voy. Rép. dr. b. v 0 proc. pén. n° 358. La saisie des actes notariés est, en outre.-, soumise à des.
formalités spéciales (cf. J. H. Suetens. L'instruction. La Chambre du conseil, n° 8 137 et ss.)
L'article 455 du code d'instruction criminelle modifié par l'A.R. n° 246 du 22 fév. 1936 dispose
que « s'il est nécessaire de dt:ssaisir un dépositaire public d'une pièce authentique, la
pièce sera préalablement photographiée et une copie photographique, après vérification
par le président du tribunal de première instance de son arrondissement, qui e:n dressera
procès-verbal. sera mise par Je dêpositaire au rang de ses minutes, pour t:n tenir lieu jusqu'au
renvoi des pièces, et il pourra en délivrer grosse ou expédition, en faisant mention du procès--
verbal qui aura été dressé.
Néanmoins. si la pièce se trouve faire partie d'un registre de manière à ne pouvoir en f:tre
momentanément distraite, le tribunal pourra, en ordonnant l'apport du registre, dispenser de la
formalité établie par Je présent article. »
(i) Cass. 7 juil. l9i7 ; Pas. 1. 323.
(5) Voy. Rép. dr. b. v• Postes et Télégraphes, n°• 154 et ,s,
(6) Signalons que les correspondances téléphoniques ne peuve-nt jamais être interceptées, même dan•
l'intérêt d'une instruction judiciaire.
237
·réquisition émane du juge d'instruction ou d'un magistrat investi des mêmes pouvoirs
que celui-ci ; le réquisitoire doit être écrit et contenir, autant que possible, les nom
et prénoms du prévenu; le magistrat instructeur ou son délégué doivent délivrer un
récépissé ; les objets de correspondance ne peuvent être réintégrés dans le service
qu'après avoir été revêtus de la constatation de leur saisie et avoir été recachetés
au moyen du sceau du magistrat.
Le juge d'instruction pourrait évidemment, au lieu d'établir un réquisitoire,
pratiquer une perquisition dans les locaux de l'Administration ou de la Régie et
saisir les pièces qu'il juge utiles à son instruction, mais il est évident qu'en fait, il
ne procède jamais ainsi.
238
trictive, il faudrait admettre que seuls le juge d'instruction, et, ex-
ceptionnellement, le procureur du Roi et ses officiers auxiliaires ( 1 )
pourraient, même en dehors du cas de la perquisition d'dffice, y
recourir, tandis que si nous admettions une application extensive de
ce droit, tout officier ou ag,ent de poliœ judiciaire pourrait en faire
usage, dans tous les cas où l'inviolabilité du domicile n'y met pas
obstacle.
Dans la pratique, l'interprétatioo extensive parait devoir s'im~
poser : En df et, parmi ceux qui contribuent à l'exercice de la police
judiciaire, ce ne sont pas les organes de direction, - le procureur du
Roi ou le juge d'instruction - . qui ont normalement l'occasion de
procéder à des saisies, mais bien les organes d'exécution, - les
officiers auxiliaires et les agents de police judiciaire - . qui décou~
vrent au cours de leurs opérations les objets à saisir. Vu la nécessité
de mettre ces objets d'urgence sous la main de justice, pour empêcher
leur disparition, il est évident que si les o:fficiers de police qui les
découvrent n'avaient pas le pouvoir de les saisir immédiatement,
l'exercice du droit de saisie serait paralysé et le droit lui-même
deviendrait illusoire ; la saisie, étant une mesure oonservatoire, ne
peut être efficace que si elle ne requiert aucun délai, si minime soit il.
Il est, d'autre part, un argument très sérieux en faveur d'une
conception extensive du droit de saisie : C'est celui que nous avons
déjà invoqué (supra n° 238) à propos du droit de fouille et d'examen
des objets trouvés en possession des individus arrêtés : Si les dfficiers
ou agents de police judiciaire ont le pouvoir de priver une personne
de sa liberté corporelle, à titre conservatoire, dans certains cas, il
serait illogique de leur refuser le droit, infiniment moins important, de
saisir, à titre conservatoire également, les pièces à conviction trouvées
en possession de cette personne.
Un arrêt de la Cour de Cassation de France du 11 septembre
1933 (2) s'est prononcé en faveur de l'interprétation extensive du
droit de saisie : Il a admis, en etff et, la validité de la saisie, par des
agents de police, d'objets volés découverts dans une automobile (3).
La jurisprudence anglaise, appelée à résoudre ce problème qui
se posait à elle dans des conditions identiques, a statué dans un sens
similaire ( 4).
Toutefois, certaines décisions de jurisprudence belges, statuant,
il est vrai dans un domaine quelque peu différent, celui du délit de
détournement d'objets saisis, se rallient à une conception plus restric-
tive en matière de saisie: Un arrêt de la Cour d'Appel de
( t) Sur ddégütion du juge d'instruction, en cas de flagrant délit ou dans certaines matières spéciales.
(2) Dai. pér. 1937. I. 41.
(3) Voy. aussi Appel Nime•. 18 nov. 1926: Pas. 1927. III. 91 : Liège, 12 jan. 1938: Pas. Il. 150.
(4) Voy. Elia. v. Pasmore (1931) 2 K. B. 164: 50 T. L. R. 196: Harris and Wilshere'• Criminal
Law p. 366 ; Kenny, Outlines of Criminal Law, p. 526.
239
Bruxelles du 26 mars 1942 ( 1), notamment ( 2), a déclaré illégale
la saisie d'un cheval par des gendarmes non revêtus de la qualité
d'officiers de police judiciaire. II ne semble, cependant, pas que la
jurisprudence belge soit déifinitivement flxée en ce domaine ( 3).
1
240
opération soit entourée de formes garantissant sa régularité. Acces-
soirement, une saisie entourée de formes régulières constitue une
garantie en faveur de la personne à charge de laquelle elle a été
opérée, car elle facilité la restitution ultérieure éventuelle des objets
saisis.
Les articles 37 à 39 du code d'instruction criminelle prévoient
diverses formalités applicables à la saisie : Procès-verbal, clôture
des objets saisis dans un paquet, un vase ou un sac scellés, assistance
du prévenu ou de son fondé de pouvoirs. Ces formalités ne sont pas
prescrites à peine de nullité ( l), mais si elles n'ont pas été observées,
la valeur probante de l'opération peut en être affectée (2).
Dans la pratique, les objets saisis sont inventoriés et sommaire-
ment décrits au procès-verbal ; la personne à charge de laquelle la
saisie est effectuée est invitée, si elle est présente, à apposer sa signa-
ture au bas de celui-ci ; les objets saisis sont clos et cachetés si la
chose est possible, et munis d'une étiquette indiquant leur provenance
et la référence du dossier auquel ils se rapportent ; une liste spéciale
des objets saisis est dressée par l'officier de police et jointe au
dossier ; des précautions particulières sont prises pour la protection
des objets saisis sur lesquels des traces et empreintes pourraient
être relevées ( 3).
Il arrive que des documents utiles à l'enquéte soient remis volontairement,
contre récépissé, à la police judiciaire sans faire l'objet d'une saisie proprement dite:
Ils sont alors simplement versés au dossier.
241
pressément prévue par la loi, elle n'en apparait pas moins fondée et
régulière, par référence aux règles en vigueur en matière de procé-
dure civile.
Dans ce cas, le détenteur des objets saisis est constitué gardien
de ceux-ci et ne peut les enlever ou les détourner sans s'exposer aux
peines prévues par le code pénal ( 1 ) .
Lorsque les objets saisis sont emportés par la police judiciaire,
ils sont déposés par elle au greffe du tribunal correctionnel et le
gre!ffier en assure la conservation ( 2).
La mainievée est ordonnée par l'autorité judiciaire compétente,
c'est-à-dire par le procureur du Roi, par le juge d'instruction ou par
le tribunal. selon les cas ( 2).
L'arrêté Royal du 24 mars 1936 organise la procédure en restitution et assure
la sauvegarde des droits des tiers : Ceux-ci peuvent faire opposition à la restitution,
par lettre recommandée adressée au greffier qui en accuse réception. Lorsque la
mainlevée est ordonnée, le greffier en avise, par lettre recommandée, les opposants (3)
et, éventuellement, les autres personnes qui lui sont indiquées par le ministère public
pouvant, d'après les indications fournies par la procédure, prétendre à des droits sur
la chose. Le délai pendant lequel ces personnes peuvent faire valoir leurs droits est
mentionné dans l'avis; sa durée est ,fixée par le ministère public et ne peut être
inférieure à quinze jours. Les intéressés doivent saisir le juge compétent pour
statuer sur leurs prétentions et rapporter au greffier la preuve de lïntentemcnt d'une
action avant l'expiration du délai; il est alors sursis à la restitution jusqu'à la
solution du litige. Au cours de l'instance engagée, le séquestre de la chose peut être
ordonné à tout moment, conformément à l'article 1961 du code civil, sur la demande
des parties ou du ministère public.
242
Une réponse négative nous parait s'imposer : En effet, des fermetures ordonnées
dans ces conditions n'ont plus le caractère d'un acte d'instruction, mais bien d'une
mesure préventive analogue en son principe à la détention du prévenu avant son
Jugement ; il est évidemment interdit d'appliquer une pareille mesure, sauf dans les
cas où la loi le prévoit et dans les formes prescrites par celle-ci.
CHAPITRE VI
LES EXPERTISES
243
l'homme de l'art a pour but de guider cette juridiction dans l'accomplissement de sa
tâche, c'est-à-dire dans l'élaboration du jugement appréciant l'existence ou l'absence
de culpabilité dans le chef du prévenu.
Cette distinction présente une très grande importance, car elle
contribue à la solution d'un problème qui a retenu l'attention des
commentateurs: Celui de la nature du recours à l'expertise par le
juge d'instruction, et plus particulièrement du point de savoir si cette
mesure constitue un acte d'wormation ou un acte de juridiction :
Lorsqu'un organe de la justice s'assure le concours d'un expert, il
cherche simplement à bénéficier de l'avis autorisé de celui-ci dans
l'exercice de ses pvopres fonctions; la nature de l'expertise n'est donc
pas déterminée par le caractère spécifique de cette mesure d'instruc-
tion, mais bien par l'objet des fonctions de celui qui en fait usage :
S'il s'agit d'un officier de police judiciaire, le recours à l'expertise sera
donc un acte d'inform1ation; s'il s'agit d'un tribunal il sera un acte
de juridiction et enfin s'il s'agit d'un magistrat instructeur, d'un juge
d'instruction par exemple, il sera un acte mixte d'information et de
juridiction, la nature des attributions du juge d'instruction ayant,
elle-même, un caractère mixte.
2°) L'expert a pour mission de prêter à son commettant l'appoint
de connaissances techniques ou scientifiques qui font défaut à ce
dernier; le recours à l'expertise ne peut, dès lors, s'étendre aux
domaines qui relèvent de la compétence normale de celui qui en fait
usage : Un officier de police ne peut charger un expert de recueillir
à sa place la déposition d'un témoin, ou de procéder à une perquisi-
tion ; un juge ne pourrait inviter un expert à résoudre un problème
juridique ou à apprécier la culpabilité d'un prévenu ( 1).
D'autre part, l'appel à un expert ne se justifie qu'en cas de néces-
sité: Si l'officier de police ou le juge sont suffisamment compétents
en fait, dans un domaine donné, pour se passer du concours d'un
spécialiste, ils ne doivent évidemment pas demander l'assistance de
celui-ci.
L'expertise a pris, en raison du développement de la technique
moderne, une importance exceptionnelle en matière de procédure
pénale. Les seules dispositions légales existant en ce domaine datant
de 1808, sauf en certaines matières spéciales, l'autorité judiciaire
s'est trouvée dans l'obligation de suppléer presqu' entièrement à la
carence des textes. Dès lors, à peu près toute la réglementation rela-
tive aux expertises actuellement en vigueur est d'origine coutumière
et jurisprudentielle.
244
judiciaire puissent y recourir, chaque fois qu'ils se trouvent confrontés
avec un problème dépassant les limites de leur compétence technique
ou scientifique ; cependant, il est également évident que ce principe,
fut-il admis, devrait être appliqué en tenant compte des exigences
pratiques, et notamment des di'fficultés matérielles propres à toute
investigation scientifique, et du coût élevé de celle-ci : Il serait donc
normal que le recours à l'expertise soit largement ouvert à la police
judiciaire en tant qu' organisme collectif, mais requière, administra-
tivement parlant, l'approbation de fonctionnaires de grade d'autant
plus élevé que les investigations à accomplir présentent d'importance
et de complication. L'organisation du recours à l'expertise dans notre
procédure pénale positive, bien qu'il s'inspire plus ou moins de ces
exigences, n'y répond cependant pas entièrement:
En vertu d'une coutume constante, le droit d'ordonner une
expertise au cours de l'information appartient en principe au juge
d'instruction seul, et à l'exclusion de tous les autres officiers de police
judiciaire.
Les articles 43 et 44 du code d'instruction criminelle étendent ce droit au
procureur du Roi et, par voie de conséquence, à ses o.fficiers de police judiciaire
auxiliaires, dans le cas exceptionnel du flagrant délit ; mais ces dispositions sont
pratiquement tombées en désuétude.
245
justice à titre de renseignements, l'usage ne permet presque jamais
qu'ils le fassent en pratique ( 1).
Cependant, certains spécialistes sont attachés aux laboratoires de la police judi-
ciaire des parquets; ils jouent un rôle considérable en matière d'identification des
suspects au moyen des précédés scientifiques modernes. Ces spécialistes, chefs de
laboratoire et opérateurs, ont qualité d'officiers ou d'agents judiciaires. (Voy. supra
n° 49; et infra n° 259 bis; A.R. du 20 janv. 1951). ·
( 1) 11 est, néanmoins. admis qu'une prise de sang soit faite. du consentement de l'inthessé, sur
réquisition- d'un officier de police judiciaire auxiliaire du procureur du Roi (Cass. 12 déc, 19i9;
Pas. 1950. 1. 245).
(2) Voy. not. Annuaire administratif et judiciaire Bruylant; 1951, pp. 566 et ss.
246.
Certains pays, la Grande-Bretagne, notamment, ont adopté d'une manYère beau-
coup plus étendue que chez nous le système des experts-fonctionnaires adjoints à la
police judiciaire: La police métropolitaine (Scotland Yard), notamment, possède des
services techniques capables de procéder à la plupart des expertises qui requièrent
dans notre système, le recours à des spécialistes étrangers au parquet.
Jusqu'à une époque récente, la police anglaise devait, comme la nôtre, demander
l'assistance d'experts privés (1) ; c'est en 1935 que fut créé le laboratoire de la
police métropolitaine, à Hendon : Son institution avait pour objet d'incorporer la
police scientifique au processus normal de la recherche criminelle et d'assurer aux
enquêteurs l'assistance régulière de spécialistes placés constamment à leur dispo-
tion (2).
Les avantages matériels et administratifs d'une telle organisation sont évidents:
L'expertise n'est plus, comme au temps du code d'instruction criminelle, un procédé
exceptionnel d'investigation; le développement de la police scientillque a fait du
recours aux experts une des conditions essentielles du travail de la police judiciaire ;
il est, dès lors, anormal que celle-ci ne puisse accomplir une part importante de sa
tâche ordinaire sans faire appel à une assistance étrangère à ses cadres.
Toutefois, on pourrait craindre que l'indépendance scienti,flque des experts soit
amoindrie par la perte de leur indépendance juridique; il y a là, à n'en pas douter,
un problème extrêmement difficile à résoudre.
~ l) EJle n · a, d'ailleurs. pas perdu le droit de recourir à ceux--cî lorsque ses propres services
techniques ne peuvent résoudre un problè-me scientifique trop particulier ; mais le recours à des
experts étrangers est devenu exceptionnel alors qu'iJ était auparavant •la règle.
(2) Voy. Howgravt-Graham; Light .nd shadc at Scotland Yard. p. 99 et ss.
247
CELUI-Cl. - Le juge d'instruction, lorsqu'il décide de faire procéder
à une expertise, ma nif este cette décision par une ordonnaince, com-
mettant un expert et définissant la mission qui sera dévolue à celui-ci.
En principe, il est souhaitable que le juge définisse de manière aussi précise que
possible la nature et les bornes de la mission dévolue à l'expert; toutefois, il ne lui
est pas toujours possible en pratique de satisfaire à cette exigence : Supposons qu'il
soit amené à rechercher les causes et les responsabilités d'un accident de roulage ;
cette recherche soulève de nombreux problèmes techniques que seul un expert en
matière de véhicules automobiles peut résoudre : Les vices de construction ou le
défaut d'entretien de l'un ou l'autre véhicule sont-ils à la source de l'accident?
Celui-ci doit-il, au contraire, être attribué à l'état de la chaussée? Le cas présente-Hl
d'autres particularités d'ordre technique ayant provoqué la collision? Le plus
souvent, seul l'expert lui-même est susceptible, non seulement de trouver la solution
de ces problèmes, mais même de formuler ceux-ci de manière adéquate au fur et à
mesure de ses recherches. Aussi est-on bien forcé d'admettre parfois, en fait, que le
juge d'instruction ne définisse que très succintement la mission confiée à l'expert:
n peut, par exemple, se borner à charger celui-ci de « faire toutes constatations et
expériences nécessaires en vue de déterminer les responsabilités de tel accident » ( 1),
248
constaté par le procès~verbal du juge; il n'est pas nécessaire que
le rapport en fasse mention ( 1 ) .
La cour de Cassation de France a estimé à plusieurs reprises (2) que le défaut
de prestation de serment entraînait la nullité absolue de l'expertise et que l'expert
ne pouvait, en aucun cas, être dispensé de cette formalité ; cette opinion est également
admise en Belgique : Elle apparait, d'ailleurs, indiscutable, compte tenu du caractère
partiellement juridictionnel du recours à l'expertise dans la procédure d'instruction
préparatoire. Mais cette nullité implique-t-elle que le rapport de l'expert non-
assermenté doit être écarté du débat et que cet expert ne peut être appelé à exposer
sous serment ses conclusions devant la juridiction de jugement ? Nous ne pouvons
nous rallier à un tel système, dont la rigueur nous paraîtrait excessive et injustifiée :
Nous avons vu que le procureur du Roi pouvait, en principe, valablement
solliciter l'assistance d'un spécialiste pour résoudre les problèmes techniques qui se
posaient à lui dans l'exercice de ses fonctions (voy. supra n° 258). Sans doute, une
expertise réalisée dans ces conditions a-t-elle un caractère extra-judiciaire et les
conclusions de l'expert ne peuvent-elles être invoquées qu'à titre de renseignements;
mals compte-tenu de ces réserves, il n'y a aucune illégalité dans le fait d'en faire
état: L'expert est une personne susceptible d'éclairer la justice sur les circonstances
d'une infraction et les renseignements qu'il détient ne sont le fruit d'aucun acte
illégal; il n'y a, dès lors, aucune raison valable de refuser son concours à la
manifestation de la vérité. Ce raisonnement nous parait également applicable à tous
é9ards à une expertise ordonnée par le juge d'instruction qui n'aurait pas été précédée
d'une prestation de serment: Sans doute est-elle nulle en tant qu'acte de procédure;
mais ses résultats peuvent, néanmoins, être invoqués à titre de renseignements, soit
sous forme de rapport écrit, soit sous forme de déposition de l'expert à l'audience.
249
que son instruction lui a permis de réunir et dont l'expert peut, à
son avis, avoir besoin pour l'accomplissement de ses recherches ( I ) .
L'usage s'est établi de donner à l'expert connaissance du dossier
dans certains cas et de lui permettre d'assister à certains actes d'in~
struction ( auditions de témoins, interrogatoires, perquisitions, etc.)
(2).
La jurisprudence admet en outre que l'expert commis a le droit
de recueillir les renseignements utiles à l'accomplissement de sa
mission ; ces renseignements ne constituant point un témoignage en
justice, peuvent être sollicités par lui, même de personnes à la déposi~
tians desquelles le prévenu pourrait s'opposer (3).
Sans doute est-il impossible légalement d'interdire et en pratique d'éviter que
l'expert soit, dans une certaine mesure, associé à l'instruction ; mais cette exigence
légitime ne peut dégénérer en abus : Le rôle de l'expert ne consiste pas à analyser le
dossier et à en déduire des conclusions de culpabilité: l'expert n'a pas qualité pour se
substituer au juge d'instruction (4) ; son rôle consiste à donner un avis motivé sur
un problème technique ou scientifique précis ; il doit examiner celui-ci à la lumière
des données objectives qu'il possède : Pièces à conviction, examen personnel des
lieux, etc. et non sur la foi de renseignements indirects découlant de dépositions de
témoins. Lorsqu'il lui est impossible de faire complètement abstraction de celles-ci,
il ne peut, en tout cas, en tenir compte qu'à titre d'hypothèse et sous réserve de
l'appréciation du juge quant à la valeur des renseignements qu'el!es contiennent:
En effet, il ne lui appartient pas d'attacher à un témoignage une valeur objective qui
constituerait un jugement illégal sur la force probante des dires d'un témoin.
D'autre part, il est du plus haut intérêt pour l'instruction de ne communiquer
des renseignements à l'expert qu'à bon escient: Supposons, par exemple, que le juge
d'instruction charge un médecin-légiste de déterminer l'heure du décès d'un individu
tué d'un coup de révolver, et qu'il ait, par ailleurs, recueilli un témoignage d'après
lequel une détonation aurait été entendue à une heure précise qui semble être celle
du crime: Si l'expert ignore ce renseignement et que ses conclusions le corroborent,
la concordance entre les deux indices renforcera leur valeur probante respective ;
si, au contraire, l'expert connait le renseignement, et que ses conclusions le corro-
borent, cette concordance pourrait être mise sur le compte de l'indiscrétion commise
et la valeur probante des deux indices en serait diminuée .
250
tuant pour le juge une simple indication qui ne lie pas sa décision, il
est évident que l'expert ne peut se borner à signaler le résultat auquel
ont abouti ses recherches : II doit aussi mentionner le détail de
celles-ci et développer les arguments sur lesquels il fonde son avis,
de telle sorte que le juge soit en mesure de vérifier son raisonnement
et d'apprécier personnellement et en connaissance de cause le bien-
fondé de celui-ci. Le rôle de l'expert consiste à éclairer le juge sur
les données scientifiques ou techniques du problème posé de façon
à permettre au magistrat de résoudre lui-même celui-ci et non à se
substituer au juge dans la solution de ce problème ( 1).
251
Ne constituent donc pas des explorations corporelles et ne sont, dès lors, pas
soumis aux conditions restrictives imposées à celle-ci :
a) Les examens médicaux ordinaires ( 1) (2).
b) La fouille des vêtements portés par un individu (3).
c) Les autopsies (4).
L'ordonnance de la chambre du conseil est rendue sur le rapport
du juge d'instruction, sans être précédée d'un débat contradictoire
( 5). La chambre est appelée à ordonner ou à refuser l'exploration
corporelle, mais elle ne désigne pas le médecin dont le choix appar~
tient au juge d'instruction (6). Elle doit, dans son ordonnance,
désigner les personnes qui seront soumises à la visite ( 7).
Le juge d'instruction n'est, dans le silence de la loi, pas tenu
d'avertir l'inculpé de son droit de faire assister à l'examen un
médecin de son choix. Le médecin éventuellement désigné par
l'inculpé ne doit pas prêter serment ( 8).
252
partie de la marchandise prélevée, et, dans l'affirmative, celle-ci est
divisée si possible en trois parties, enveloppées séparément et confor-
mément aux prescriptions réglementaires; un des échantillons est
laissé a l'intéressé aux fins de contre-expertise; un second échantillon
est éventuellement déposé au greffe du tribunal correctionnel ou du
tribunal de police et le troisième échantillon ( l ) est remis dans les
deux jours au directeur du laboratoire d'analyse désigné à cet effet
(2), ou expédié d'urgence à celui-ci, au cas où, en raison de la
distance, la remise directe serait impossible. Un récépissé descriptif
doit être délivré dans tous les cas par le greffier, le directeur ou le
fonctionnaire délégué, ou le service de messageries. Les formalités
de la prise d'échantillons sont constatées dans un procès-verbal
contenant notamment l'indication du numéro d'ordre de l'échantillon
et des signes extérieurs de l'enveloppe. Une copie en est remise au
prévenu endéans les 24 heures.
Le directeur du laboratoire procède immédiatement à l'analyse
des échantillons. Il dresse un rapport détaillé contenant la description
de ses opérations et les résultats obtenus, ainsi que les conclusions
qui lui paraissent devoir en être déduites. L'enveloppe extérieure de
l'échantillon est annexée à ce document. Le rapport est transmis au
parquet. Lorsque les conclusions démontrent que l'échantillon était
composé de substances ou denrées falsifiées, contrefaites, nuisibles
ou présentant un danger pour la santé publique, une copie du rapport
est transmise par le directeur du laboratoire à l'agent verbalisant.
La preuve des infractions visées par la loi du 24 août 1890 peut toutefois être
également faite par les modes de droit commun, et notamment par une expertise
ordonnée par le juge d'instruction et effectuée selon les formes habituelles (3).
253
Il existe certes un remède général possible à cet état de choses : La séparation
radicale entre les actes d'information et les actes de juridiction ; l'attribution à deux
autorités distinctes de la mission d'information et de la mission de juridiction, de
telle sorte que chacune de ces deux fonctions puisse être exercée selon ses règles
propres, c'est-à-dire unilatéralement en matière d'information et après débat contra-
dictoire en matière de juridiction.
Ce remède serait applicable sans trop de di'fficultés aux auditions de témoins,
par exemple: l'organisation de deux enquêtes séparées, l'une unilatérale et extra-
judiciaire sous le contrôle du ministère public, d'abord, et l'autre contradictoire et
judiciaire sous le contrôle de la juridiction d'instruction, ensuite, au cours
desquelles les mêmes témoins seraient entendus dans des formes et à des fins diffé-
rentes se concevrait aisément (voy. supra n° 100) et se trouve d'ailleurs réalisée
concrètement dans la procédure anglo-saxonne (voy. supra n° 101).
Théoriquement, la même méthode pourrait être introduite dans le domaine des
expertise: Le ministère public et l'autorité juridictionnelle pourraient s'assurer le con-
cours d'experts séparés qui accompliraient leurs opérations selon les formes propres à
l'information ou à la procédure judiciaire. Les expertises de police judiciaire
pourraient, de ce fait, être réalisées unilatéralement sans que les droits de la défense
en soient lésés et le problème de l'intervention contradictoire des parties en matière
d'expertises serait remis à sa vraie place, c'est-à-dire sur le plan de la procédure
judiciaire sensu stricto.
Malheureusement, cette solution, parfaite sur le plan théorique, se heurte ici
à une difficulté majeure sur le plan pratique: La réalisation d'une expertise requiert,
le plus souvent, la mise en œuvre de moyens si importants et si coûteux qu'il ne
peut être sérieusement question, sauf à titre exceptionnel. d'imposer deux expertises
distinctes, l'une extra-judiciaire et faite au profit exclusif de l'information et l'autre
judiciaire, destinée, après confrontation des thèses opposées, à éclairer le juge sur
le problème technique en litige : Il serait, par exemple, fort difficile, matériellement
et pécuniairement parlant, de soumettre la comptabilité d'un prévenu soupçonné de
banqueroute à une première expertise, unilatérale, dont le seul objet serait de
permettre au ministère public de formuler une accusation en connaissance de cause,
et ensuite à une seconde expertise, judiciaire et contradictoire, dont le but serait de
permettre au juge d'apprécier l'existence ou l'absence de culpabilité dans le chef du
prévenu. D'autre part, même en faisant abstraction de l'obstacle matériel ainsi révélé,
sérieux mais non insurmontable, des considérations techniques rendent pratiquement
impossible, dans certains cas, le renouvellement d'une expertise: Une autopsie, par
exemple, ne peut être pratiquée que pendant un délai très bref après le décès et si la
découverte de l'auteur présumé du meurtre ne survient qu'après l'expiration de ce
délai, toute expertise contradictoire s'avère impossible. L'institution généralisée d'une
procédure contradictoire en matière d'expertises apparaît donc utopique : Le plus sou-
vent, et par la force des choses, J'expertise réalisée en cours d'information et pour les
besoins de celle-ci constituera le seul élément permettant au juge de former sa
conviction à l'égard d'éléments de fait échappant par leur caractère technique à sa
compétence normale. Telle est, probablement, la raison fondamentale pour laquelle
aucune formule vraiment satisfaisante d'expertise contradictoire n'a pu être élaborée,
malgré l'intérêt porté à ce problème par de nombreux commentateurs. Même la
procédure pénale anglo-saxonne, si respectueuse cependant des droits des parties
et du principe de la contradiction, ne possède pas de formes d'expertise sensiblement
plus satisfaisantes que les nôtres : Elle considère les experts comme des témoins
des parties, entendus à l'audience conformément aux rules of évidence; les conclu-
sions de l'expert sont donc soumises à la contradiction de la partie adverse (ce
qui est également le cas chez nous), mais les opérations de l'expert se déroulent, en
principe, unilatéralement ( 1). Or, c'est évidemment au stade des opérations et non
à celui des conclusions que la contradiction serait la plus utile.
( 1) La présence d'un expert désigné par l'inculpé est toutefois admise aux opérations de l'expert
de la partie publiqut> (voy. Donneàieu de Vabres, Droit Criminel. n° 1249, note 5), ce qui
254
Ces remarques n'impliquent cependant pas que notre système actuel d'expertise
en matière d'instruction criminelle ne soit pas susceptible de certaines améliorations
tendant à mieux sauvegarder les droits des parties privées :
1°) Il importe, en effet, tout d'abord de remarquer que le problème de la
contradiction ne se pose pas tout à fait de la même manière pour les expertises que
pour les témoignages : Nous avons démontré que le secret de /'information constituait
un obstacle insurmontable à l'introduction de l'enquête contradictoire au sein de l'in-
struction préparatoire de type inquisitorial, parce qu'il répondait à une nécessité
pratique absolue: celle d'empêcher le coupable de détruire les preuves et de contre-
carrer les recherches (voy. supra n°' 6 et 10). Mais il est évident qu'en matière
d'expertise ce risque est beaucoup moins grave, si bien que le secret pourrait sans
grand inconvénient, dans ce domaine, être sacrifié à l'intérêt supérieur d'une bonne
justice.
Dès lors, l'intervention contradictoire des parties prwees aux opérations de
l'expert, pour autant qu'elle soit matériellement réalisable, pourrait être admise en
toute éventualité, que l'expertise contribue à l'information, à l'exercice de la mission
juridictionnelle, ou aux deux simultanément, au sein de l'instruction préparatoire.
Sans doute, cette intervention ne serait-elle pas toujours possible, notamment
lorsque l'inculpé n'est pas encore identifié; mais du moins pourrait-elle être légale-
ment autorisée et même prescrite chaque fois que les circonstances de la cause le
permettent.
2°) Ceci nous amène ensuite à aborder une seconde question : celle des experts
des parties privées: Il est évident qu'en matière d'expertises, la contradiction ne peut
être réalisée avec fruit que si la victime ou le prévenu peuvent se faire assister d'un
spécialiste de leur choix. Il importerait donc de leur reconnaître légalement le droit
de désigner des experts, de déterminer les pouvoirs reconnus à ceux-ci et, tout
spécialement de résoudre le problème que pose le coût extrêmement élevé de leut
intervention ( taxe, Pro Deo, etc.).
Rien n'interdit, en effet, à l'heure actuelle, aux parties pnvees de se faire
assister d'experts privés, mais à leurs frais et sans espoir de remboursement. Cette
situation constitue un avantage injustifié en faveur des victimes et des prévenus
fortunés.
Les experts des parties pnvees devraient être admis à assister aux opérations
des experts officiels (1), chaque fois que les circonstances s'y prêtent ; ils devraient,
en outre, être autorisés en droit à faire eux mêmes et indépendamment toutes recher-
ches qu'ils estimeraient utiles et disposer légalement des moyens nécessaires à cette
fin· (droit de prendre connaissance des pièces à conviction, des rapports des experts
officiels (2), etc.).
L'adoption de ces quelques règles, sans résoudre complètement le problème de
l'expertise contradictoire, permettrait néanmoins d'entourer de garanties plus effica-
ces une forme d'investigation dont l'importance ne cesse de croître et dont l'influence
est particulièrement décisive.
n'est pas le cas chez nous; mais il est évident que beaucoup d'expertises restent néanmoins. en
fait, unilatérales, soit parce que l'information n'a pas encore abouti à une inculpation, soit
parce que le prêvenu se trouve, pour diverses raisons, pécuniaires notamment, dans J'impossibilité
de faire usage de son droit.
( l) Ce droit leur est reconnu en Angleterre, aux Pays--Bas et dans le Grand.-Duch~ du Luxcmbour~
(L. 19 nov. 1929. art. 7) (voy. Donnedicu de Vabres, Droit Criminel. n° 1249, note 5).
{2) Le législateur italien de 1930 autorise un « conseil technique» désigné par l'inculpé à exercer.
après l'expertise, un contrôle sur le rapport de l'expert ( Donncdieu de Vabres. Dr. Crim. n°
1249. note 5) : M. Donnedieu de Vabres signale que « le Code colombien admet la pluralité d~s
experts ( art. 258), la présence des parties à toutes les opérations ( art. 26i). la communication
·du rapport aux parties (art. 266) qui pourront demander des compléments d'explications. et, dès
l'instruction. attaquer le rapport devant Je juge pour dol ou erreur grave (art. 267) ».
255
CHAPITRE VII
256
Ces extraits ne sont pas des pièces authentiques; ils ne valent qu'à titre de
renseignements ( 1) ; ils ne peuvent, dès lors, ni servir de base à une condamnation
en récidive, ni permettre l'annulation d'une décision accordant le sursis; ils ne
constituent pas la preuve des condamnations qui y sont mentionnées (2).
CHAPITRE VIII
LE DOSSIER D'INSTRUCTION
257
verbaux de police judiciaire, les apostilles et réquisitoires du procu-
reur du Roi, les apostilles et les ordonnances du juge d'instruction,
les procès-verbaux d'instruction, les rapports d'expertises, les con-
clusions et autres actes de procédure des parties, les ordonnances
des juridictions d'instruction, les extraits de casier judiciaire et les
bulletins de renseignements sont groupés au sein d'un dossier spécial
à chaque affaire, le dossier d'information ou d'instruction.
Celui-ci constitue, dans notre système de procédure pénale, la
base de la conviction des diverses juridictions, à l'exception de la
Cour d'Assises. Nous avons déjà signalé occasionnellement (voy.
not. supra n°" 165, 180, 182) les diverses règles relatives à l'utilisation
en justice de ce faisceau de documents et notamment les modalités
de sa communication aux juridictions et aux parties.
(1) (2) Voy. Concl. de M. le Procureur Général Terlinden av. Cass. 12 juin 1913; Pas. I. 322.
(3) Voy. Cass. 12 juin 1913: Pas. I. 322: App. Brux. 14 mars 1936: Pas. li. 87.
(4) Voy. Brux. 14 mars 1936; Pas. II. 87.
258
que par une autorisation expresse ; les frais des expéditions ou copies sont à charge
des requérants.
Ce texte réserve au procureur général ou à l'auditeur général le droit d'accorder
pareille autorisation ; en pratique, ce sont habituellement le procureur du Roi ou
l'auditeur militaire qui en sont chargés, sous le contrôle des parquets généraux.
Il n'existe qu'une seule dérogation au droit souverain d'appré~
dation reconnu au ministère public en ce domaine, et elle ne présente,
d'ailleurs, qu'une importance restreinte: Les parties peuvent, sur
simple demande, se faire délivrer à leurs frais expédition de la plainte,
de la dénonciation, des ordonnances et des jugements ( l).
259
CONCLUSION
La réforme de l'instruction
CHAPITRE PREMIER
261
La seconde, qui est notamment exposée dans le projet de la Fédération des
avocats de Belgique de 1938 et qui se retrouve dans le projet du C.E.R.E. (1)
de 1939, prévoit, sans modilfl.er le système actuel d'instruction, la réalisation de
l'égalité entre parties par la création d'un droit de requête en faveur de la défense,
lequel serait la contrepartie du droit de réquisition du ministère public : La défense
aurait, de ce fait, la faculté d'inviter le juge d'instruction à accomplir tel ou tel
devoir et le magistrat instructeur ne pourrait rejeter la requête que par ordonnance
motivée.
Les projets se rattachant à cette formule prévoient, également, l'introduction
plus ou moins étendue, des principes de la contradiction dans les interrogatoires,
les expertises, voire même l'audition des témoins.
L'institution du droit de requête, avec faculté d'opposition devant la chambre du
conseil, est également préconisée par M. le Conseiller Buch en conclusion de son
étude.
262
Loin de constituer un remède à la confusion entre la mission d'informer et
celle de juger, confusion qui forme la base du système inquisitorial, cette réforme
ne ferait que la renforcer au profit de l'accusation. Au lieu de représenter un progrès
vers le système accusatoire, elle accentuerait le caractère inquisitorial de la procé-
dure.
D'un autre côté, l'attribution à la défense d'un droit de contrôle sur l'instruction
préparatoire par le mécanisme de la requête équivalant aux réquisitions de parquet
se heurterait au dilemme irréductible qui stérilise toute amélioration de la procédure
dans le cadre inquisitorial existant: Tout accroissement des prérogatives de la
défense ne peut se faire qu'au détriment de l'exercice normal de la police judiciaire
et risque de nuire gravement à l'efficacité de celle-ci au mépris de l'intérêt public ;
l'accomplissement nécessaire de la mission d'information entraîne inévitablement la
méconnaissance des droits les plus légitimes de la défense.
Telle est en effet la conséquence inéluctable d'un système qui confond au sein
d'une même procédure, et subordonne par conséquent aux mêmes règles l'enquête
de police, destinée à constituer un dossier d'accusation, et l'instruction judiciaire
ayant pour objet d'éclairer le jugement ( cf. supra 11°• 5 et ss.).
264
POLICE JUDICIAIRE PREALABLE A L'EXAMEN DES TEMOINS PAR LE
JUGE D'INSTRUCTION. - Ni la formule du récolement telle qu'elle est pré-
conisée, ni l'évolution vers l'instruction en deux phases, ne réalisent encore en
revanche l'une des conditions essentielles que postule le système accusatoire, à
savoir l'existence d'une cloison étanche entre l'information de police et /'enquête
judiciaire :
La juridiction d'instruction comme la juridiction de jugement(l) demeurent
libres, dans l'un et l'autre système, de former leur opinion sur la base des procès-
verbaux de l'enquête unilatérale de police.
Sans doute celle-ci ne vaut-elle, en droit, qu'à titre de simple renseignement,
mals le système de l'intime conviction sans aucune restriction rend à peu près
illusoire cette nuance juridique (cf. supra n° 87).
CHAPITRE II
265
Les charges ne pourraient, dès lors, en principe être déduites de témoignages
écrits, ceux-ci n'étant pas des preuves, mais devraient pour être valablement con-
statées, résulter de l'examen direct et contradictoire des témoins eux-mêmes.
Il serait donc légitime de considérer cet examen comme le plus fondamental des
droits de la défense.
Or, le système inquisitorial veut que l'information de police et l'instruction
soient confiées à un même magistrat, soient confondues au sein d'une même procédure
judiciaire essentiellement unilatérale et secrète ( cf. supra n° 8).
Dès lors, d'une part, l'information est entravée dans une mesure plus ou moins
large par les exigences du formalisme judiciaire (cf. supra n° 9), mais d'autre part,
et surtout, les témoins sont entendus unilatéralement par le juge ou même par la
police, la preuve par témoignages qui sert de base aux décisions juridictionnelles
d'instruction résulte de la relation écrite indirecte des dépositions des témoins et
non de l'examen contradictoire de ceux-ci (cf. supra n° 10).
La réforme de l'instruction préparatoire ne peut être efficace que si elle dissipe
cette confusion, que si elle restitue à l'information de police et à l'instruction judi-
ciaire le cadre qui leur est propre, les règles et l'organisation respectives qui leur
conviennent à l'une et à l'autre.
266
Raoul Hayoit de Termicourt n'ont pas hésité à proclamer que la procédure inquisi-
toriale était actuellement irrémédiablement condamnée:,,.
Même les auteurs qui, comme M. le conseiller Buch, sont partisans du maintien
de la procédure d'instruction en sa forme actuelle, justi'flent leur point de vue par
la considération, d'ailleurs fondée, que cette procédure est, plus que celle dite du
« juge de l'instruction », susceptible de sauvegarder le caractère juridictionnel de
l'instruction et de contenir la puissance de l'accusation.
En revanche, les opinions diffèrent sur ce qu'il conviendrait de substituer à
l'instruction actuelle.
La principale raison de ces divergences réside d'ailleurs dans le fait que la
caractéristique essentielle du système accusatoire, c'est-à-dire la dualité entre l'en-
quête de police et l'instruction judiciaire, n'a pas été sttffisamment mise en lumière,
ce qui a entraîné une méprise sur les conditions requises pour l'adoption de ce
système, méprise qui a notamment fait considérer le transfert de l'instruction au
procureur du Roi comme une solution conforme aux conceptions accusatoires, alors
qu'il s'agit, en fait, de la plus inquisitoriale de toutes les méthodes possibles.
Or, le problème se réduit à un dilemme : Ou bien l'information reste liée à
l'instruction au sein d'une même procédure et le système adopté est inquisitorial, ou
bien l'information et l'instruction forment deux procédures distinctes, le juge ne
pouvant statuer que sur base de sa propre enquête contradictoire, et non sur pied
des dépositions relatées dans les procès-verbaux de police et le système est accusa-
toire.
,L'abandon du système inquisitorial implique donc l'adoption du système accu-
satoire.
Nous allons, dans nos développements ci-après, reprendre et préciser les con-
ditions nécessaires à l'introduction du système accusatoire au sein de l'instruction
préparatoire.
268
enquête, les dêcisions de non-lieu ou de renvoi devant la juridiction de jugement.
Il serait êgalement seul habilité à ordonner la détention préventive.
( 1) Cf. not. A. Mellor; la torture ; « Les horizons littéraires» Paris 19-49. P. Pollet. L'affaire Simone
Wadier ou la torture par le temps. J. T. 1949, p. 348; J. Magno!; raveu dan• la proctdure
ptnale ; Rev. dr. pén. 1950-51. p. 248 et ss.
269
Un code de procédure pénale n'est complet que s'il comporte des dispositions
tendant à éviter à tout prix le recours à l'extorsion d'aveux par la violence ou
d'autres méthodes plus insidieuses.
Non seulement, en e:ffet, l'emploi de pareilles pratiques rend illusoire toutes les
garanties de la procédure pénale en faveur de la défense, mais en sens inverse il
retire à la longue au détriment de l'accusation tout crédit aux aveux librement
effectués, le prévenu regrettant sa franchise pouvant toujours avec de grandes
chances d'être crû, se prévaloir d'une contrainte inexistante (2).
Le problème n'est, d'ailleurs, pas particulier à un système de procédure donné:
Le système accusatoire, comme le système inquisitorial, admet l'aveu à titre de
preuve.
Tout au plus peut-on dire que le second y attache théoriquement plus d'impor-
tance, mais en pratique la différence est légère.
La solution radicale serait évidemment d'interdire la preuve par l'aveu en
matière pénale, de refuser de tenir compte des aveux effectués, de proscrire toute
forme d'interrogatoire.
C'est là une solution impossible pour des raisons évidentes d'intérêt public.
Il faut donc se résigner à admettre l'interrogatoire et l'aveu, tout en les sou-
mettant à une réglementation rigoureuse.
Notre procédure pénale actuelle ne connaît aucune réglementation de ce genre :
La concience professionnelle des officiers et agents de police judiciaire est la seule
garantie susceptible d'éviter les abus, la difficulté de preuve rendant, en pareil do-
maine, tout contrôle judiciaire très aléatoire.
La procédure anglo-saxonne, au contraire, connaît une réglementation précise
que nous avons examinée (supra n° 207) : Elle est fondée sur l'avertissement préala-
ble donné à tout suspect qu'il n'est pas tenu de répondre et sur l'examen contra-
dictoire à l'audience de l'officier ayant procédé à l'interrogatoire préalablement à la
lecture de la déposition de l'inculpé.
Ces garanties sont, sans aucun doute, précieuses. Sont-elles suffisantes ?
L'exemple anglais semble probant, mais il apparaît bien qu'en l'espèce aussi le
respect des prérogatives de la défense dépend dans une large mesure de la conscience
professionnelle des représentants de la police.
Il n'est pas douteux, d'ailleurs, que la qualité du recrutement de la police et
l'efficacité de l'autorité hiérarchique et du contrôle auxquels elle est soumise jouent
un rôle capital dans la prévention des abus auxquels peuvent donner lieu les
interrogatoires de suspects.
A cet égard, le système belge qui, non seulement, met toute la police judiciaire
sous le contrôle supérieur du procureur général, mais place même, en outre, les
services essentiels de police judiciaire sous l'autorité immédiate du parquet, est
excellent et peut être cité en exemple.
La mise à la disposition de la police judiciaire de moyens d'action modernes et
efficaces pour accomplir sa tâche, en réduisant la tentation de rechercher l'aveu à
tout prix, contribue également au résultat souhaité.
Mals il est évident que la sauvegarde d'un droit aussi essentiel que la liberté de
l'aveu, droit lié au respect de la personne humaine, ne peut être abandonné au bon
( 1) Cf. également les observations judicieuses développées par M. le procureur général Cornil dans
so,:i ouvrage << Le droit pénal et la procédure pénale après la tourmente », p. 81.
270
vouloir de la police, quelle que soit la bonne organisation de celle-cl et l'intégrité
de ses représentants.
Il faut que le respect des droits de la défense soit, en outre, sanctionné par des
garanties juridiques efficaces.
A notre sens, le seul moyen de conserver !"aveu à titre de preuve, tout en
rendant les abus radicalement impossibles, consisterait à n"admettre en procédure
pénale que l'aveu judiciaire.
Il n'y aurait pas lieu de retirer à la police le droit d'entendre les prévenus ou
les suspects, leurs explications étant de nature à orienter !"information. Il serait
toutefois souhaitable de réglementer les formes de l'interrogatoire : Fixer, par exem-
ple, une durée limitée à celui-ci; interdire !"interrogatoire pendant la nuit; préciser
les heures pendant lesquelles les détenus peuvent être interrogés ; le respect de
toutes ces prescriptions devrait être constaté par une mention au procès-verbal.
Mais il conviendrait en outre, nous semble-t-il, de réserver à un juge le droit
de recevoir les aveux des inculpés et d'en dresser procès-verbal.
La police pourrait reproduire dans les procès-verbaux les déclarations que lui
a faites l'inculpé, mais non pas faire signer ses aveux par l'intéressé.
Lorsqu'un prévenu serait, selon la formule consacrée, disposé à « entrer dans
la vole des aveux », il devrait être entendu par un juge qui acterait les déclarations
de l'intéressé après s'être assuré de leur caractère volontaire.
CHAPITRE III
286. - OBJET. - Après avoir défini les bases juridiques de la réforme, il nous
faut exposer les modalités pratiques grâce auxquelles cette réforme pourrait être
réalisée eifectivement.
Nous ne pouvons envisager de résoudre tous les problèmes qui se posent à ce
propos, les aménagements de détail ne présentant, au surplus, qu'un intérêt relative-
ment restreint.
Nous nous bornerons donc à esquisser les grandes lignes d'une procédure
d'instruction fondée sur les principes que nous avons énoncés.
Nous décrivons d'autre part, dans trois tableaux annexés au présent ouvrage,
le déroulement de l'instruction d'une même ~ffaire, tel qu'il s'effectuerait selon notre
procédure actuelle (annexe I), selon la procédure anglo-saxonne (annexe Il) et
enfin selon notre projet ( annexe Ill).
SECTION Ire
Le transfert au ministère public de toutes les attributions
de police judiciaire
SECTION II
( l) Du moins en ce qui concerne les faits de la prévention. Il n'y aurait aucun inconvénient et il
serait même souhaitable que la clôture de l'instruction ne soit pas retardée par les recherches
accessoires, relatives notamment aux antécédents et à la moralité du prévenu, qui n'ont d.'intérêt
qu'au cours de la procédure de jugement et pourraient être effectuées entre le renvoi et l'examen
au fond.
272
Il y aurait cependant lieu de régler certains P,roblèmes spéciaux relatifs à cette
procédure.
La détention préventive intervient souvent, et doit d'ailleurs normalement inter-
venir en cours d'information. Comme elle ne peut découler que d'une décision
juridictionnelle, le mandat d'arrêt, il serait normal qu'un premier examen contra-
dictoire précède la délivrance de celui-ci par le juge d'instruction. Cet examen
devrait d'ailleurs se limiter à la production d'éléments, et notamment de témoins
établissant l'existence d'indices de culpabilité à charge du prévenu, sans pour autant
que la preuve de charges suffisantes doive être immédiatement rapportée.
L'organisation de pareil examen contradictoire serait cependant souvent impos-
sible dans le délai de 24 heures qui est imparti à la partie publique pour obtenir la
délivrance du mandat.
Dès lors, il faudrait admettre que celui-ci continue à être décerné provisoire-
ment sur simple examen des procès-verbaux d'information, après interrogatoire de
l'inculpé par le juge, bien entendu. Mais l'examen judiciaire indispensable pourrait
être lfixé dans un court délai, dont la durée maxima serait déterminée par la loi
(8 jours par exemple) et l'ordonnance d'arrestation comporterait indication de la
date de l'examen contradictoire. Le mandat d'arrêt ne pourrait être confirmé que
sur base de cet examen. Il pourrait également être prévu par la loi que l'éxamen
contradictoire complet des charges devrait se dérouler dans un certain délai qui
courrait à dater du mandat d'arrêt ( 1).
En fin de compte, l'examen contradictoire se déroulerait donc en principe après
achèvement de l'information. Il pourrait toutefois être entrepris et partiellement
effectué en cours d'information, notamment en cas de détention préventive.
(1) Sans préjudice, bien entendu, du maintien de la rêgle de la confirmation mensuelle qui constitue"
une garantie précieuse pour la défense. Compte tenu de l'importance que présente l'atteinte ai.lx
droits individuels résultant de la détention préventive, H serait même souhaitable que le délai
de confirmation soit moins long, qu'il ne s'écoule, par exemple, pas plus de quinze jours entre
deux comparutions, (En Angleterre, ce délai est de huit jours).
273
pas souhaitable qu'ils soient tenus, de manière trop précise, au courant des progrès
de l'instruction à charge de leurs complices.
L'examen des témoins pourrait donc continuer à se dérouler dans le cabinet du
juge d'instruction, mais il s'e.ffectuerait en présence des parties.
274
partie contre laquelle le témoignage est invoqué, de contre-interroger le témoin sous
le contrôle du juge ( 1).
295. - INTERPELLATION DES TEMOINS SUR LEURS DECLARA-
TIONS A LA POLICE JUDICIAIRE. - Il y a lieu de prévoir des variations
entre les déclarations des témoins entendus contradictoirement à l'instruction et celles
faites par eux unilatéralement à la police judiciaire.
La confrontation des déclarations successives d'un témoin présentant un intérêt
évident pour la manifestation de la vérité, il ne serait pas souhaitable que le dossier
d'instruction contradictoire soit constitué sans tenir compte de ce facteur. Il y aurait
donc lieu d'autoriser la jonction à ce dossier des dépositions antérieures du témoin
entendu, à la double condition que ces dépositions aient été opposées à l'intéressé
après son interrogatoire principal lors de la procédure contradictoire et qu'il ait été
invité à se justifier à leur sujet. Par suite de leur jonction au dossier d'instruction,
ces dépositions antérieures acquerraient la même valeur probante que les autres
pièces de ce dossier.
( 1) Les règles anglo-saxonnes sout peut f:tre, sur ce point, exagérément libérales. Nos usages sont,
par contre, trop restrictifs. Il importerait de trouver et définir légalement une solution moyenne.
275
contradictoirement, la procédure étant finalement clôturée par une ordonnance de
renvoi ordinaire.
SECTION III
La réforme de l'instruction et le jugement des délits mineurs
300. - GENERALITES. - Le recours à l'instruction préparatoire ne se
conçoit, à raison même de la complexité des règles de cette procédure, qu'en vue de
préparer le jugement des délits majeurs, des crimes graves. La répression de la
masse des délits mineurs et des contraventions appelle nécessairement des règles
plus simples et plus expéditives.
L'abandon du recours à l'instruction préparatoire pour le jugement des délits
mineurs est d'ailleurs un fait acquis, une coutume absolument consacrée (cf. supra
n08 108).
Il n'y aurait aucun intérêt à revenir en arrière sur ce point. Au contraire, il
serait souhaitable d'accentuer encore cette tendance en éliminant la nécessité de
recourir à la procédure d'instruction lorsqu'elle ne se justifie que par des motifs
purement techniques, tels que la délivrance d'un mandat de perquisition ou l'obten-
tion d'une ordonnance de disquali:fication.
Toutefois, cette évolution implique que la juridiction de jugement est directement
saisie du dossier d'information du parquet. Toutes les diJfficultés que nous avons ren-
contrées au sein de l'instruction préparatoire quant à la valeur juridictionnelle des
enquêtes effectuées par la partie publique unilatéralement se trouvent donc trans-
férées en pareil cas, au niveau de la procédure de jugement. Si l'on admet que le
dossier de police judiciaire puisse servir de base à l"appréciation des juges, sans
examen contradictoire à l'audience, ou après un examen complémentaire et facul-
tatif, cela implique que le ministère public se trouve investi de toutes les attributions
du magistrat instructeur, qu'il cumule, en ce domaine, le rôle d'organe de la poursuite
et de juge d'instruction.
C'est donc, en la matière, au niveau de la procédure de jugement seule que
devrait s'effectuer la réforme tendant à retirer aux procès-verbaux de témoignages
toute valeur de conviction. Ce résultat pourrait d'ailleurs être atteint par la même
276
méthode que celle que nous avons préconisée à propos des décisions juridictionnelles
d'instruction (cf. supra n• 284).
CHAPITRE IV
277
BIBLIOGRAPHIE
Préface, p. 1.
Avant-propos, p. V.
INTRODUCTION.
CONCLUSIONS.
LA REFORME DE L'INSTRUCTION.
BIBLIOGRAPHIE, p. 278.
294
ERRATA ET ADDENDA
Page 24:, note (4), lire: infra n° 17 au lieu de: infra n° 67.
Page 35, alioea 3 : ajouter la référence (2) après les mots : « mettre
lui~même la procédure d'instruction en mouvement».
Page 35, 1110te (1), lire: infra n°" 106 et ss. au lieu de: infra n°" 138
et ss.
·Page 35, note (3), lire: infra n° 124 au lieu de: infra n° 128.
Page 43, note (4), lire: infra n° 115 au lieu de: infra n° 119.
Page 44, note (5), lire: infra n° 42 au lieu de: infra n° 47.
Page 46, note (4), lire: infra n° 86 au lieu de: infra n° 131.
Page 58, iDOte (3), lire: infra n° 242 au lieu de: infra n° 246.
Page 67, note (3), lire: infra n° 241 au lieu de: infra n° 245.
Page 79, alinea 2, lire : Pas. I. 439 au lieu de : Pas. I. 433.
Page 79, note (3), lire: infra n° 187 au lieu de: infra n° 137.
Page 92, note (3), lire: supra n°" 67 et 68 au lieu de: supra n°• 71
· et 72.
~ 93, .note (2), lire : infra n° 126 au lieu de : infra n° 130.
Page 95, note (2), lire : infra 111° 241 au lieu de : infra n° 245.
Page 100, note (1), lire: infra n° 192 au lieu de: infra n° 194.
Page 108, n° 104, 1°, alinea 2, lire : supra n°" 79 et 80 au lieu de :
supra n°" 76 et 77.
Page 109, 4°, almea 1, lire: infra n°" 226 et SS, au lieu de: infra n°"
221 et SS.
Page 120, note ( 1 ), lire : infra n°" 114 et ss. au lieu de : infra n°"
118 et ss.
Page 202, note (1), ajouter: Un arrêt de la Cour d'assises du Lim-
bourg en date du 22 novembre 1955 (J.T., 730; R.D.P., 435) a
toutefois rejeté l'emploi de la narco-analyse, de même que des
procédés d'investigation dénommés « choc amphétaminique » et
« choc électrique » pour déceler une simulation éventuelle, en
considération de l'atteinte qu'ils étaient susceptibles de porter
à l'intégrité de l'individu et du fait que la simulation est un
moyen de défense assimilable aux dénégations, en raison aussi
de l'incertitude et des risques de ces méthodes.
295