Déclaration Des NU Sur Le Droit Des Peuples Autochtones
Déclaration Des NU Sur Le Droit Des Peuples Autochtones
Déclaration Des NU Sur Le Droit Des Peuples Autochtones
La Déclaration des
Nations Unies sur les droits
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : Un manuel à l’intention des institutions nationales des droits de l’homme
des peuples autochtones
Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent de lettres majuscules et de
chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte signifie qu’il s’agit d’un document de l’Organisation.
HR/PUB/13/2
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : Un manuel à l’intention des
institutions nationales des droits de l’homme
© Forum Asie-Pacifique des institutions nationales des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme, août 2013
L’APF et le HCDH autorisent la libre reproduction d’extraits de cette publication sous réserve que les éditeurs
soient dûment mentionnés et qu’un exemplaire de la publication comprenant l’extrait soit envoyé aux adresses
suivantes :
Crédits
Les photographies des Nations Unies sont la propriété de l’Organisation des Nations Unies, qui détient
l’ensemble des droits liés à leur utilisation.
Photographies de la couverture
À gauche : Femmes autochtones Hmong semant des pousses de riz au Vietnam. Photographie ONU/
Kibae Park.
Rangée inférieure, de gauche à droite : Femme Saami de Norvège pendant la onzième session de
l’Instance permanente des Nations Unies ; photographie ONU/Mark Garten. Enfants autochtones du peuple
Embera, en Colombie ; photographie ONU/Mark Garten. Un frère et une sœur autochtones d’Australie ;
© April Pyle/Amnesty International Australie. Danseur Apache Yellow Bird pendant la cérémonie d’ouverture
de la quatrième session du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones ; photographie
ONU/Jean-Marc Ferré.
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : Un manuel à l’intention des institutions nationales des droits de l’homme
Partie I La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones : Contexte, contenu et mise en œuvre 1
Résumé 151
Remerciements
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : un manuel à l’intention
des institutions nationales des droits de l’homme est un document publié conjointement par le Haut-
Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et le Forum Asie-Pacifique des
institutions nationales des droits de l’homme (APF).
Le Manuel a été écrit par Andy Gargett, avec l’aide de Katie Kiss, de l’équipe Justice sociale pour les
aborigènes et les insulaires du détroit de Torres de la Commission australienne des droits de l’homme.
Suraina Pasha (APF) et Samia Slimane (HCDH) ont contribué à la rédaction et à l’élaboration du Manuel.
L’APF et le HCDH souhaitent remercier Jesse McCormick et Aruni Jayakody pour leurs contributions
ainsi que James Iliffe et Lisa Thompson qui ont assuré l’édition et la conception du Manuel. Le HCDH
et l’APF sont particulièrement reconnaissants envers Rosslyn Noonan pour les conseils et le soutien
précieux qu’elle a apportés.
La nécessité d’inclure les points de vue et les expériences pratiques des principaux utilisateurs du
Manuel a été prise en compte grâce à l’organisation, par le HCDH, d’une série de consultations avec
des représentants d’institutions nationales des droits de l’homme (INDH) et d’organisations de peuples
autochtones.
Le HCDH et l’APF souhaitent également remercier les INDH suivantes d’avoir rempli le questionnaire qui
a permis de rassembler les informations nécessaires à la réalisation du présent manuel : Afrique du Sud,
Australie, Bolivie (État plurinational de), Canada, Danemark, El Salvador, Équateur, Guatemala, Kenya,
Malaisie, Namibie, Népal, Nouvelle-Zélande, Nicaragua, Nigeria, Panama, Paraguay, Pérou, Philippines
et Venezuela (République bolivarienne du).
Le HCDH et l’APF souhaitent également exprimer leur gratitude à tous ceux qui ont commenté le projet
de Manuel, notamment les INDH d’Afrique du Sud, du Canada, de la Nouvelle-Zélande, du Swaziland
et de l’Ouganda et les organisations de peuples autochtones : le Pacte asiatique avec les peuples
autochtones et le Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee).
ii
Avant-propos
Adoptée en 2007 par l’Assemblée générale des Nations Unies, la Déclaration des Nations Unies sur les
droits des peuples autochtones constitue un cadre mondial pour les efforts visant à faire progresser les
droits des peuples autochtones. De même que les autres instruments des droits de l’homme et que la
jurisprudence, de plus en plus volumineuse, dans le domaine des droits des peuples autochtones, la
Déclaration contient des conseils précieux pour construire des sociétés garantissant la pleine égalité et
les droits des peuples autochtones.
La Déclaration a déjà entraîné des améliorations concrètes. Au sein des Nations Unies et des
organisations régionales, les préoccupations des peuples autochtones en matière de droits de l’homme
font désormais partie intégrante d’un grand nombre de débats, consacrés à l’environnement, au
développement, etc. Au niveau national, la Déclaration a inspiré de nouvelles législations ainsi que des
mécanismes permettant de dialoguer avec les peuples autochtones.
En dépit de ces signes positifs, la promesse de la Déclaration est loin d’avoir été universellement
tenue. Comme le démontrent les mécanismes des droits de l’homme, dans de nombreuses régions
du monde, les peuples autochtones continuent d’être systématiquement discriminés et réduits au
silence. Les droits des peuples autochtones sont fréquemment les premières victimes des activités de
développement exercées sur des terres autochtones, souvent menées sans appliquer le principe du
consentement préalable, libre et éclairé et les autres garanties de la Déclaration.
La présente publication – une initiative conjointe du Haut-Commissariat et du Forum Asie-Pacifique des
institutions nationales des droits de l’homme – s’inscrit dans le cadre des efforts constamment déployés
pour combler ces lacunes, promouvoir la Déclaration et faire avancer sa mise en œuvre pratique. Elle a
pour objet de renforcer l’obligation de l’un des principaux acteurs chargés de s’assurer que les droits de
homme, notamment les droits des peuples autochtones, deviennent une réalité : les institutions nationales
des droits de l’homme. Comme le montrent les exemples présentés dans cette publication, les institutions
nationales des droits de l’homme peuvent jouer un rôle crucial en matière de protection et de promotion des
droits des peuples autochtones. En vertu de leur statut juridique et de leur mandat, elles ont la possibilité
d’être de puissants alliés et défenseurs des peuples autochtones. Agissant tel un ciment rassemblant les
sphères nationales, régionales et internationales des droits de l’homme, les institutions nationales des
droits de l’homme sont particulièrement bien placées pour contribuer à la véritable mise en œuvre de la
Déclaration et à la réalisation progressive des droits des peuples autochtones.
La première partie de cette publication présente l’historique et le contexte de la Déclaration, alors que
les deuxième et troisième parties sont consacrées aux mesures que les institutions nationales des droits
de l’homme peuvent prendre aux niveaux national et international pour protéger et promouvoir les droits
des peuples autochtones. La publication est assortie d’un document audio-visuel comprenant des
entretiens avec des autochtones, des représentants d’institutions nationales des droits de l’homme et
des experts internationaux des droits de l’homme.
J’espère que cette publication favorisera un approfondissement de la sensibilisation aux droits des
peuples autochtones au sein des institutions nationales des droits de l’homme, qu’elle les guidera et
qu’elle les soutiendra dans cette tâche essentielle et qu’elle renforcera leur capacité et leur volonté
d’œuvrer auprès des peuples autochtones afin de réaliser les droits affirmés dans la Déclaration.
Navi Pillay
Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme
Août 2013
iii
iv
CONTEXTE
La publication de ce Manuel reflète les conclusions de la 14e Réunion annuelle du Forum Asie-Pacifique des
institutions nationales des droits de l’homme (APF) où il a été convenu que les institutions membres de l’APF
doivent travailler en partenariat afin d’élaborer une trousse à outils visant à promouvoir une compréhension
et une mise en œuvre de la Déclaration2 améliorées. Ce Manuel soutient également les stratégies en vue
d’une action future soulignées dans les conclusions de la Réunion internationale sur le rôle des institutions
nationales des droits de l’homme en matière de promotion de la mise en œuvre de la Déclaration des
Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui s’est tenue à Bangkok en décembre 2009.3 Les
recommandations émises lors de cette réunion ont mis en exergue un certain nombre de stratégies qui
prennent clairement acte du rôle essentiel des INDH en matière de promotion et de protection des droits
de l’homme des peuples autochtones aux niveaux national et local. Plus précisément, il a été indiqué que
les INDH, conjointement avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH),
doivent coopérer afin de proposer des trousses à outils conviviales, adaptées aux contextes locaux et
régionaux, visant à faciliter la mise en œuvre locale et nationale de la Déclaration.
LOGIQUE
En dépit de quelques évolutions positives, la majorité des peuples autochtones continuent d’être
confrontés à des obstacles au plein exercice de leurs droits de l’homme individuels et collectifs :
Les peuples autochtones sont plus susceptibles que les autres de se voir proposer – lorsqu’ils
peuvent y accéder – des services de santé inappropriés et des services d’éducation de mauvaise
qualité. Les plans de développement économique les ignorent fréquemment ou ne prennent
pas suffisamment en considération leurs points de vue et leurs besoins particuliers. D’autres
processus décisionnels ont également souvent tendance à les mépriser ou à être indifférents à
leur contribution. De ce fait, les lois et les politiques élaborées par des majorités qui n’ont que
1 Résolution 48/134 de l’Assemblée générale. Pour en savoir plus sur les Principes de Paris, veuillez consulter : www.
asiapacificforum.net/members/international-standards.
2 PAF, Réunion des conseillers du Forum – Conclusions, 14e Réunion annuelle, Jordanie, Amman, 3-6 août 2009 ; par. 13.
3 HCDH, Note sur les conclusions de la Réunion internationale sur le rôle des institutions nationales des droits de l’homme en
matière de promotion de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, Bangkok,
Thaïlande, 16-17 décembre 2009.
peu d’égards pour les préoccupations des autochtones conduisent à des litiges fonciers et à
des conflits relatifs aux ressources naturelles qui menacent la façon de vivre, voire la survie des
peuples autochtones.4
En réponse aux obstacles permanents entravant la réalisation pleine et efficace des droits des peuples
autochtones, des progrès significatifs ont été accomplis en matière d’élaboration des normes internationales
visant à protéger les droits des peuples autochtones au niveau international. Le point d’orgue de ces
progrès a été l’adoption de la Déclaration par l’Assemblée générale en septembre 2007.5
Bien que les INDH soient investies de vastes mandats leur imposant de protéger et de promouvoir tous
les droits de l’homme de l’ensemble des personnes, il existe de bonnes raisons de souhaiter que les
INDH accordent une attention particulière à la situation des droits des peuples autochtones.
Les INDH bénéficient d’une place de choix pour contrôler la mise en œuvre de ces droits par les
États concernés. Le rôle central qu’elles peuvent jouer dans ce domaine a été souligné par plusieurs
organismes et mécanismes du système des Nations Unies, notamment le Conseil des droits de
l’homme,6 l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones,7 le Mécanisme
d’experts sur les droits des peuples autonomes8 et le Rapporteur spécial sur les droits des peuples
autochtones.9 Ce rôle peut être joué par le biais des activités régulièrement exercées par la plupart des
INDH, notamment dans les domaines du plaidoyer, du traitement des plaintes, de l’éducation aux droits
de l’homme, de l’examen et de l’élaboration des lois conformément aux normes relatives aux droits de
l’homme et du contrôle du respect des obligations de leurs États en matière de droits de l’homme.
CONTENU
Le présent Manuel est divisé en trois parties. La première partie présente la toile de fond et le contexte
juridique des droits des peuples autochtones, notamment une analyse du contenu de la Déclaration.
La seconde partie présente les étapes pratiques que les INDH peuvent franchir pour promouvoir la
réalisation des droits des peuples autochtones, en utilisant la Déclaration comme cadre normatif. Des
exemples de bonnes pratiques appliquées par différentes INDH ont été inclus afin d’illustrer des façons
efficaces de mettre en œuvre la Déclaration. Ces exemples ne sont pas exhaustifs, mais ils peuvent
donner des idées aux INDH quant à des méthodes permettant d’incorporer la Déclaration dans leurs
activités habituelles.
La troisième partie présente les actions que les INDH peuvent mener au plan international pour promouvoir
la Déclaration et sa mise en œuvre au niveau national. De nouveau, une sélection d’exemples a été
incluse afin d’illustrer les différentes façons dont les INDH peuvent utiliser le système international des
droits de l’homme pour promouvoir la Déclaration et faire progresser les droits des peuples autochtones.
Chaque chapitre comprend des questions clés, les bases juridiques de l’implication des INDH, un débat
sur les problèmes principaux et un récapitulatif des points clés.
Le DVD-ROM qui complète le Manuel comprend des entretiens avec des représentants d’INDH décrivant
leurs activités visant à protéger, promouvoir et faire respecter les droits des peuples autochtones, ainsi
que des entretiens avec d’éminents spécialistes internationaux.
4 Navanethem Pillay, Haut-Commissaire aux droits de l’homme, article d’opinion publié à l’occasion de la Journée internationale
des peuples autochtones, le 9 août 2009.
5 La Déclaration a été adoptée par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007 (résolution 61/295). Une écrasante majorité d’États
a voté pour, mais quatre États (l’Australie, le Canada, les États-Unis d’Amérique et la Nouvelle-Zélande) ont voté contre. Onze
États (l’Azerbaïdjan, le Bangladesh, le Bhoutan, le Burundi, la Colombie, la Géorgie, le Kenya, le Nigeria, la Fédération de Russie,
les Samoa et l’Ukraine) se sont abstenus. En janvier 2012, les quatre pays qui s’étaient opposés à la Déclaration ont choisi de lui
apporter leur soutien.
6 Résolution 15/7, par. 12, du Conseil des droits de l’homme.
7 E/2010/43-E/C. 19/2010/15, par. 53 et 93.
8 A/HRC/12/32, p. 5 ; A/HRC/15/36, p. 3-4 ; et A/HRC/18/43, p. 6.
9 A/64/338, par. 7.
Partie I
La Déclaration des Nations Unies sur
les droits des peuples autochtones :
Contexte, contenu et mise en œuvre
Introduction à la Partie I
La première partie du Manuel est divisée en cinq chapitres. La Chapitre 1 commence par un bref
historique des événements concernant les peuples autochtones au niveau international et aborde la
question de la définition des peuples autochtones. Le Chapitre 2 traite du contenu de la Déclaration et
examine le droit à l’égalité et à la non discrimination, la culture et la signification des droits collectifs. Le
Chapitre 3 est consacré aux droits des peuples autochtones à l’auto-détermination et à l’autonomie
et s’intéresse également aux droits à la participation et à la consultation. Le Chapitre 4 se penche sur
les droits aux terres, territoires et ressources, ainsi qu’aux mécanismes de recours et d’indemnisation.
Le Manuel n’a pas pour objet de traiter de façon exhaustive de chacun des droits reconnus par la
Déclaration. En revanche, il cherche à présenter les éléments fondamentaux des droits et des questions
thématiques, en les regroupant pour faciliter les recherches mais sans établir de hiérarchie entre eux.
Enfin, le Chapitre 5 traite de l’importance de la Déclaration et de son statut juridique, et introduit la
deuxième partie du Manuel, centrée sur le rôle des institutions nationales des droits de l’homme.
Chapitre 1 :
Contexte de la Déclaration
QUESTIONS CLÉS
• Qu’entend-on par « questions relatives aux droits de l’homme des peuples
autochtones » ?
• Comment les peuples autochtones ont-ils été traditionnellement traités
par la communauté internationale ?
• Quels sont les événements qui ont modifié ce traitement traditionnel?
Quels sont les événements internationaux concernant les peuples
autochtones ?
• Quels sont les mécanismes des Nations Unies qui traitent des droits des
peuples autochtones ?
• Qui sont les peuples autochtones du monde?
• Quelles sont les caractéristiques pertinentes de l’identité autochtone ?
• Qu’entend-on par « primauté de l’auto-identification » ?
1. ÉVÉNEMENTS INTERNATIONAUX
CONCERNANT LES PEUPLES AUTOCHTONES
Les peuples autochtones sont reconnus comme les plus vulnérables, les plus désavantagés et les plus
marginalisés du monde. Dispersés dans le monde entier entre l’Arctique et le Pacifique sud, ils compteraient,
selon des estimations approximatives, 370 millions de personnes et vivent dans 90 pays. Bien qu’ils ne
représentent qu’environ cinq pour cent de la population mondiale, les peuples autochtones constituent 15
pour cent des pauvres de la planète et un tiers des personnes du monde vivant dans une extrême pauvreté.10
Chaque peuple autochtone a une culture, une langue, un système juridique et une histoire uniques et
caractéristiques. La plupart des peuples autochtones sont fortement ancrés dans l’environnement et
attachés à leurs terres et territoires traditionnels. Ils ont souvent depuis des générations été chassés
de leurs terres et territoires traditionnels, assujettis, victimes de la destruction de leurs cultures, d’une
discrimination et de violations très répandues de leurs droits de l’homme. Pendant des siècles, ils
ont souffert de la non reconnaissance de leurs institutions politiques et culturelles, et l’intégrité de
leurs cultures a été mise à mal. Par ailleurs, les peuples autochtones ont subi les effets néfastes des
processus du développement, ce qui menace sérieusement leur existence.
Pour réagir aux violations des droits de l’homme, les peuples autochtones et leurs organisations ont
fait du lobbying aux plans national et international afin qu’il soit remédié à ces violations. Après des
décennies pendant lesquelles ils ne se sont vu accorder que peu ou pas d’attention par la communauté
internationale, les peuples autochtones ont de plus en plus gagné en visibilité et se sont fait entendre au
sein des instances internationales.
L’Organisation internationale du travail (OIT) fut la première organisation internationale à s’intéresser
aux questions autochtones et tribales et à souligner la nécessité pour la communauté internationale de
s’intéresser à ces questions et de coopérer pour les traiter. Elle a œuvré en faveur de la protection et de
la promotion des droits des peuples autochtones et tribaux depuis le début des années 1920. L’OIT a
10 Fonds international de développement agricole, Engagement aux côtés des peuples autochtones – Politique, 2009.
élaboré deux instruments internationaux exclusivement consacrés aux peuples autochtones et tribaux :
la Convention relative aux populations aborigènes et tribales, 1957 (n° 107) – désormais fermée à la
ratification – et la Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 (n° 169).11
Le mouvement moderne des droits autochtones s’est accéléré dans les années 1960 et 1970,
lorsqu’un grand nombre d’organisations non gouvernementales (ONG), dont plusieurs étaient des
organisations s’occupant spécifiquement des peuples autochtones, ont été créées aux plans national
et international. Ces organisations ont mis en lumière la discrimination systémique et les violations des
droits de l’homme auxquelles étaient confrontés les peuples autochtones dans le monde entier. En
1971, la Sous-commission sur la prévention de la discrimination et la protection des minorités a nommé
l’un de ses membres, M. Martinez Cobo, Rapporteur spécial, chargé de réaliser une étude exhaustive
sur la discrimination à l’encontre des peuples autochtones et de recommander des mesures de portée
nationale et internationale en vue d’éliminer cette forme de discrimination. L’étude est désormais
couramment dénommée « Étude de Martinez Cobo ».12
Ces travaux fondateurs ont jeté les bases du système international contemporain des droits de l’homme des
peuples autochtones et ont favorisé la création, en 1982, du premier mécanisme des Nations Unies dont le
mandat est exclusivement centré sur les questions concernant les peuples autochtones : le Groupe de travail
sur les populations autochtones. Ses fonctions principales consistaient à accorder une attention particulière à
l’élaboration de normes relatives aux droits des populations autochtones. Il a achevé l’élaboration d’un projet
de déclaration sur les droits des peuples autochtones en 1993,13 en collaboration avec des participants
gouvernementaux, autochtones et non gouvernementaux. Le projet de déclaration a été adopté en 1994
par la Sous-commission et soumis à la Commission des droits de l’homme, qui a créé son propre groupe
de travail14 en 1995 pour examiner le projet. Il a été adopté par le Conseil des droits de l’homme lors de sa
première session, en juin 2006, par 30 voix pour, 2 voix contre, et 12 abstentions.15
Simultanément, dans l’ensemble du système des Nations Unies, une série d’initiatives accordèrent
une attention accrue aux droits des peuples autochtones, parmi lesquelles la création d’un Fonds de
contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones en 1985,16 la proclamation
de l’Année internationale des peuples autochtones du monde et l’adoption des deux Décennies
internationales consécutives des peuples autochtones du monde, qui ont débuté en 1995.17
Dans la même veine, le système des Nations Unies a créé un certain nombre de mécanismes ayant
pour mandat spécifique de s’occuper des droits de peuples autochtones :
• La première session de l’Instance permanente des Nations Unies18 sur les questions autochtones
s’est tenue en 2002. Cet organe consultatif auprès du Conseil économique et social a pour
11 En faisant œuvre de pionnière, la Convention n° 107 de l’OIT promouvait une approche assimilationniste. Dans les années qui ont
suivi son adoption et à la lumière de l’Étude de Martinez Cobo et des débats tenus pendant les sessions par le mécanisme des
Nations Unies consacré aux peuples autochtones (le Groupe de travail sur les populations autochtones, 1982), les limites de la
Convention n° 107 de l’OIT devinrent évidentes et les peuples autochtones demandèrent de nouvelles normes internationales. En
1988 et en 1989, l’OIT élabora une nouvelle convention – la Convention n° 169 de l’OIT– qui établit un cadre pour la protection
des peuples autochtones relevant du droit international. Depuis, elle sert de document de référence à plusieurs organisations
internationales élaborant des politiques et des programmes concernant les peuples autochtones.
12 “Étude du problème de la discrimination à l’encontre des populations autochtones” (E/1982/34).
13 E/CN.4/Sub.2/1993/26.
14 Groupe de travail chargé d’élaborer un projet de déclaration en application du paragraphe 5 de la résolution 49/214 de l’Assemblée
générale, résolution 1995/32 de la Commission des droits de l’homme.
15 Résolution 2006/2 du Conseil des droits de l’homme.
16 Résolution 40/131 de l’Assemblée générale. Le Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les peuples autochtones
a été créé pour aider les représentants des communautés et des organisations autochtones à participer aux délibérations du
Groupe de travail sur les populations autochtones. L’Assemblée générale a élargi le mandat du Fonds – résolution 56/140,
résolution 63/161 et résolution 65/198 – afin d’aider les représentants à participer aux sessions de l’Instance permanente, du
Mécanisme d’experts, du Conseil des droits de l’homme et d’autres organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme.
17 La résolution 48/163 de l’Assemblée générale des Nations Unies a créé la première Décennie internationale des peuples
autochtones du monde (1995-2004), coordonnée par le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Une
seconde Décennie (2005-2014) a été créée par la résolution 59/174, et est coordonnée par le Secrétaire général adjoint aux
affaires économiques et sociales. Des fonds d’affectation spéciale ont été créés en 1995 et 2004 afin de financer les projets et
les programmes des deux Décennies.
18 Résolution 2000/22 du Conseil économique et social. Pour en savoir plus, veuillez consulter : http://social.un.org/index/
IndigenousPeoples.aspx.
droits de l’homme et sur les libertés fondamentales existantes en ce qui concerne la situation spécifique
des peuples autochtones.
L’importance de la reconnaissance des droits des peuples autochtones par l’Assemblée générale ne
peut pas être sous-estimée. M. Wilton Littlechild, membre actuel et Président du Mécanisme d’experts
sur les droits des peuples autochtones, exprime ce sentiment :
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones précise de quelle façon
la Déclaration universelle des droits de l’homme s’applique à notre survie, à notre dignité et à
notre bien-être. Comme un Ancien souhaitait que je vous le dise, « Désormais, je ne suis pas un
objet, je ne suis pas un sujet, je suis un être humain ! »22
Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a souligné qu’avec l’adoption de la
Déclaration, le moment est désormais venu de passer à l’action pour faire respecter les droits des
peuples autochtones :
La Déclaration est un geste visionnaire visant à prendre en compte les droits de l’homme des
peuples autochtones. Elle définit un cadre permettant aux États de construire ou reconstruire leurs
relations avec les peuples autochtones. Résultat de plus de deux décennies de négociations,
elle constitue pour les États et les peuples autochtones une occasion importante de renforcer
leurs liens, de promouvoir la réconciliation et de s’assurer que le passé ne se reproduira pas.
J’encourage les États membres et les peuples autochtones à se rassembler dans un esprit de
respect mutuel et à utiliser la Déclaration comme le document vivant qu’elle constitue, de façon
à ce qu’elle ait un effet réel et positif dans le monde entier.23
Le présent Manuel montrera de quelle façon les INDH peuvent jouer un rôle constructif dans ce
processus permanent.
31 Rapport du Groupe de travail d’experts sur les peuples/communautés autochtones de la Commission africaine, adopté par la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (2003), p. 92-93.
32 Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council v
Kenya, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 276/2003 (4 février 2010), par. 162.
33 Article 1(2).
34 Commission nationale bangladaise pour les droits de l’homme, Strategic Plan of the National Human Rights Commission 2010-
2015 ; disponible à l’adresse suivante : www.nhrc.bd.
Chapitre 2 :
Le contenu de la Déclaration :
égalité et non discrimination,
intégrité culturelle et droits collectifs
QUESTIONS CLÉS
• Qu’entend-on par « discrimination formelle » et par « discrimination de fait » ?
• Pourquoi est-il nécessaire d’adopter des mesures spéciales pour les
peuples autochtones ?
• Qu’est-ce qu’une culture autochtone ?
• En quoi les droits collectifs diffèrent-ils des droits individuels ?
• Pourquoi les droits collectifs sont-ils importants pour les peuples
autochtones ?
1. LE DROIT À L’ÉGALITÉ ET
À LA NON-DISCRIMINATION
La non-discrimination et l’égalité sont des composantes fondamentales du droit international des droits
de l’homme et sont indispensables à l’exercice et la jouissance des droits civils, politiques, économiques,
sociaux et culturels.
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a précisé que le terme « non-discrimination »
ne signifie pas qu’il soit nécessaire d’appliquer un traitement uniforme lorsqu’il existe des différences
importantes entre la situation d’une personne ou d’un groupe et celle d’une autre personne ou d’un
autre groupe, ou, en d’autres termes, s’il existe une raison objective et raisonnable d’appliquer un
traitement différencié.35 Il est important que les États prennent en considération les caractéristiques
particulières des peuples autochtones lorsqu’ils appliquent dans leur législation et dans la pratique le
principe de non-discrimination.
La Déclaration prévoit que les autochtones, peuples et individus, sont libres et égaux à tous les autres
et ont le droit de ne faire l’objet, dans l’exercice de leurs droits, d’aucune forme de discrimination.36 Elle
demande expressément aux États de prendre des mesures pour combattre les préjugés et éliminer la
discrimination ; promouvoir de bonnes relations entre les peuples autochtones et non autochtones ; et
mettre en œuvre des mécanismes efficaces visant à prévenir et à pallier toute forme de propagande
dirigée contre des peuples autochtones dans le but d’encourager la discrimination raciale ou ethnique
ou d’y inciter.37
35 Recommandation générale n° 32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination.
36 Article 2.
37 Article 15 (2)
Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs | 11
Le droit à l’égalité et à la non-discrimination exige des États qu’ils combattent à la fois la discrimination
formelle et concrète et la discrimination de facto. L’élimination de la discrimination formelle peut exiger
d’un État que sa Constitution, sa législation, ses réglementations ou ses politiques n’exercent pas de
discrimination envers les peuples autochtones. L’élimination de la discrimination de facto exige des
États qu’ils appliquent des lois et des politiques favorisant l’égalité réelle des peuples autochtones dans
la jouissance de leurs droits. En raison de l’obligation d’éliminer la discrimination et d’organiser l’égalité,
les États sont tenus de réglementer la conduite des acteurs publics et privés, et de mettre en œuvre des
politiques assurant une réelle égalité.38
Dans le contexte des peuples autochtones, le droit à l’égalité et à la non-discrimination est considéré
comme offrant une double protection. D’une part, il concerne plus spécialement les conditions
intrinsèquement requises pour préserver le mode de vie des peuples autochtones et, d’autre part, il
accorde une attention particulière aux attitudes et comportements qui excluent les peuples autochtones
de la société au sens large ou les tiennent à l’écart de celle-ci.39
Le Mécanisme d’experts a noté, cependant, que certains États semblent percevoir un conflit entre les
droits garantis par la Déclaration et le principe d’égalité. En effet, certains d’entre eux considèrent que le
principe d’égalité interdit aux États de traiter un groupe différemment d’un autre groupe. En particulier,
certains États interprètent le droit à l’égalité comme interdisant les programmes spécialisés destinés
aux peuples autochtones. Le Mécanisme d’experts a néanmoins souligné que, pour parvenir à l’égalité
réelle, il peut s’avérer nécessaire de traiter les peuples autochtones comme un groupe distinct confronté
à des circonstances exceptionnelles.40 De même, la Commission interaméricaine des droits de l’homme
a considéré comme un principe bien établi du droit international que le traitement inégal de personnes
se trouvant dans une situation inéquitable n’est pas assimilable à une discrimination.41 Dans la même
veine, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a estimé que :
... traiter de manière égale des personnes ou des groupes dont les situations sont objectivement
différentes constituera en effet une discrimination, de même que le fait de traiter de façon inégale
des personnes dont les situations sont objectivement identiques.42
La Convention n° 169 de l’OIT, la Cour interaméricaine des droits de l’homme et les organes conventionnels
de l’Organisation des Nations Unies ont pris acte de la nécessité de « mesures spéciales » pour les
peuples autochtones. Ce sont des mesures destinées à remédier à une discrimination passée ou à
corriger des inégalités contemporaines.
Certains ont estimé que des mesures spéciales sont nécessaires pour les peuples autochtones en
raison de leur plus grande vulnérabilité, de leurs expériences historiques de marginalisation et de
discrimination et des répercussions démesurées que les violations des droits de l’homme continuent
d’avoir sur eux.43 Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a expressément considéré
que lorsque la discrimination à l’encontre d’un groupe particulier s’est généralisée, les États doivent
adopter une approche systématique visant à éliminer ladite discrimination.44
38 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale n° 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice
des droits économiques, sociaux et culturels.
39 E/CN.4/1989/, par. 5
40 A/HRC/EMRIP/2012/4, par. 87.
41 Saramaka People v Suriname, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Jugement du 28 novembre 2007, Série C n° 172,
par. 103.
42 Recommandation générale n° 32 (2009) concernant la signification et la portée des mesures spéciales dans la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination.
43 Voir par exemple Comité des droits de l’homme, observation générale n° 18 (1989) sur la non-discrimination, par. 10 ; Comité
pour l’élimination de la discrimination raciale, observation générale n° 32 (2009) concernant la signification et la portée des
mesures spéciales dans la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination, par. 15 ; Commission
interaméricaine des droits de l’homme, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights Over Their Ancestral Lands and Natural Resources :
Norms and Jurisprudence of the Inter-American Human Rights System (OEA/Ser.L/V/II. Doc. 56/09, 2009), par. 18. Voir également
les Preliminary Observations of the Inter-American Commission on Human Rights on its Visit to Honduras, 15-18 May 2010 (DOC
OEA/Ser.L/V/II. Doc. 68), par. 26.
44 Observation générale n° 20 (2009) sur la non-discrimination dans l’exercice des droits économiques, sociaux et culturels.
12 | Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a attiré l’attention sur la distinction qu’il convient
d’opérer entre, d’une part, les mesures spéciales et temporaires visant au développement des groupes
ethniques et, d’autre part, les droits permanents des peuples autochtones.45 Il a précisé que les droits
des peuples autochtones, notamment les droits aux terres traditionnellement occupées par eux, sont
des droits permanents qui ne doivent pas être confondus avec des mesures spéciales et temporaires.
« Les États parties doivent soigneusement respecter la distinction entre mesures spéciales et droits
permanents dans leur législation et leur pratique. Cette distinction signifie que les personnes qui peuvent
se prévaloir de droits permanents peuvent également bénéficier de mesures spéciales. »46
Une telle approche peut fréquemment obliger les États à consacrer davantage de ressources aux
groupes particulièrement vulnérables.47 Lorsqu’ils adoptent des mesures visant à assurer l’égalité réelle,
il est important que les États facilitent également l’exercice par les peuples autochtones de leur droit de
participer à la prise de décision sur des questions qui les concernent. Les États doivent faire en sorte
que des mesures spéciales soient conçues et mises en œuvre conformément à la consultation préalable
des communautés affectées et avec la participation active de ces communautés.48 Toutefois, l’adoption
de mesures spéciales ne doit pas compromettre la reconnaissance des droits des peuples autochtones
en tant que droits distincts et permanents.49
La reconnaissance – par certains États – des droits fonciers détenus collectivement par des peuples
autochtones fournit des exemples de mesures spéciales.50 Dans le cadre de l’affaire Endorois, la
Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a estimé que ces mesures spéciales sont
nécessaires pour remédier à la discrimination à laquelle les peuples autochtones ont été confrontés
dans le cadre d’un système de propriété qui ne reconnaissait pas les droits de propriété collectifs des
peuples Endorois.51 Dans le cadre de l’affaire Saramaka, la Cour interaméricaine a estimé que :
... l’objet et le but des mesures spéciales requises au nom des membres de communautés
tribales et autochtones sont de garantir qu’ils puissent continuer à vivre de façon traditionnelle,
et que leur identité culturelle, structure sociale, système économique, coutumes, croyances et
traditions distincts soient respectés, garantis et protégés par les États.52
Le Rapporteur spécial sur les droits des populations autochtones a fait remarquer qu’une approche
holistique doit être adoptée lorsqu’il s’agit d’élaborer des mesures spéciales visant à remédier à des
inégalités. En particulier, les politiques destinées à lutter contre les inégalités réelles ne doivent pas se
limiter aux aspects sociaux et économiques de la vie des autochtones, et doivent également prendre en
compte le droit à l’autodétermination, le droit de conserver des identités culturelles distinctes et le droit
de conserver des liens avec leurs terres ancestrales.53 Par conséquent, les efforts visant à remédier aux
inégalités réelles doivent être adoptés en collaboration avec les peuples autochtones, en leur permettant
de prendre en main leurs propres affaires, conformément à leurs cultures et à leurs croyances.
Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs | 13
La Déclaration accorde également une attention particulière à la situation des femmes et des enfants
autochtones et exige qu’ils soient pleinement protégés contre toutes les formes de discrimination.54 En
particulier, tous les droits reconnus dans la Déclaration doivent être garantis de la même façon à tous
les autochtones, hommes et femmes.55 Il est important de souligner que les politiques discriminatoires
à l’égard des peuples autochtones peuvent avoir des répercussions démesurées sur les femmes
autochtones en raison de leur sexe.56 Le Mécanisme d’experts a salué les programmes nationaux
qui, non contents de chercher à remédier aux déséquilibres entre les peuples non autochtones et les
peuples autochtones, visent tout particulièrement à garantir l’égalité entre les hommes et les femmes
autochtones.57 À cet égard, il est important que les États aident les femmes autochtones à prendre leur
destin en main, qu’ils veillent à les faire participer à la conception, à la mise en œuvre et au suivi des
programmes, et qu’ils s’appuient sur les initiatives prises par les femmes autochtones.
Parfois, des tensions ont été perçues entre le droit à l’égalité et le droit des peuples autochtones à
la culture. Il a été affirmé que les traditions et coutumes autochtones peuvent être discriminatoires,
notamment à l’égard des femmes. Par exemple, certaines pratiques culturelles peuvent faire obstacle
à l’éducation des filles ou empêcher les femmes d’hériter de terres ou de participer aux processus de
prise de décisions.58Le Mécanisme d’experts a prévenu que de telles pratiques ne doivent pas être
évaluées d’un point de vue non autochtone. Ce qui peut être perçu comme une discrimination doit être
replacé dans les contextes historiques et les pratiques culturelles autochtones. Lors de l’évaluation de
telles pratiques, il faut accorder la priorité au point de vue de la victime de la pratique discriminatoire
présumée. De fait, le point de vue des femmes autochtones est souvent unique et différent de ceux des
femmes non-autochtones. Néanmoins, la discrimination à l’encontre des personnes doit être éliminée.59
Des femmes Wayuu – peuple faisant partie du groupe autochtone le plus important de Colombie – subviennent à leurs besoins grâce à l’artisanat,
dans le village de Pessuapa, près de la frontière avec le Venezuela. Photo ONU/Gill Fickling.
54 Article 22 (2).
55 Article 44.
56 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, recommandation générale n° 25 (2000) sur la dimension sexiste de la
discrimination raciale, par. 2.
57 A/HRC/EMRIP/2012/4, par. 69.
58 Organisation internationale du travail, Indigenous & Tribal Rights in Practice, A Guide to ILO Convention No. 169 (2009).
59 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 86-87.
14 | Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs
L’article 46(2) de la Déclaration stipule que toute restriction doit être « conforme aux obligations
internationales relatives aux droits de l’homme ». Elle doit par ailleurs être « non discriminatoire et
strictement nécessaire à seule fin d’assurer la reconnaissance et le respect des droits et libertés d’autrui
et de satisfaire aux justes exigences qui s’imposent dans une société démocratique ».
Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs | 15
spiritualité, de l’appartenance, des arts, de la littérature, des savoirs traditionnels, des coutumes,
des rituels, des cérémonies, des modes de production, des fêtes, de la musique, des sports et
des jeux traditionnels, du comportement, des habitudes, des outils, du logement, du vêtement,
des activités économiques, de la morale, des systèmes de valeur, des cosmologies, des lois et
des activités telles que la chasse, la pêche et la cueillette.68
Le Comité des droits de l’homme a jugé que, pour les peuples autochtones, le droit à la culture peut
exiger qu’un ensemble d’autres droits soient également respectés. Ceux-ci peuvent inclure le droit de
participer à des activités coutumières ;69 le droit d’accéder à des terres, territoires et ressources ;70 le
droit à la famille ;71 et le droit de participer aux processus décisionnels qui affectent leurs droits culturels.72
Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a demandé aux États de « reconnaître que
la culture, l’histoire, la langue et le mode de vie propres des populations autochtones enrichissent
l’identité culturelle d’un État, de les respecter en tant que telles, et de promouvoir leur préservation »,
d’« offrir aux populations autochtones un environnement se prêtant à un développement économique
et social durable, qui soit compatible avec leurs caractéristiques culturelles » et de « veiller à ce que
les collectivités autochtones puissent exercer leurs droits d’observer et de revitaliser leurs traditions
culturelles et leurs coutumes, ainsi que de préserver et d’utiliser leurs langues. »73
Par ailleurs, la notion de spiritualité autochtone est intrinsèquement liée à la culture. L’adoption de
politiques qui promeuvent certaines religions ou qui interdisent les pratiques spirituelles autochtones, ou
l’incapacité des dispositions législatives ou d’autres institutions gouvernementales, telles que la police
et les tribunaux, à respecter les pratiques spirituelles autochtones, peuvent compromettre le droit à la
culture. Le Mécanisme d’experts a attiré l’attention sur le droit des peuples autochtones au rapatriement
de leurs objets de culte et restes humains, ce qui peut exiger la coopération de personnes ou
d’organisations œuvrant sur les lieux où ces objets et restes sont entreposés, par exemple les musées.74
Tout en saluant les efforts déployés pour promouvoir la diversité culturelle grâce à des politiques et des
programmes qui cherchent à soutenir les aspects esthétiques de l’expression culturelle, le Rapporteur
spécial sur les droits des peuples autochtones a souligné que les États doivent s’engager de la même
façon à reconnaître la diversité culturelle sous toutes ses formes, y compris les structures politiques et
sociales, les modes d’utilisation des terres et les approches du développement.75
Le Mécanisme d’experts a par ailleurs souligné que les femmes et les enfants autochtones sont
souvent d’importants dépositaires de la culture.76 Néanmoins, ils peuvent aussi être affectés de façon
disproportionnée par des violations du droit à la culture. De ce fait, le Comité des droits de l’enfant a
jugé que les États peuvent être contraints d’adopter des mesures spéciales visant à faciliter la réalisation
du droit à la culture des peuples autochtones.77 En adoptant de telles mesures, les États doivent tenir
compte de l’importance du caractère collectif de la jouissance – par les enfants autochtones – du droit
68 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 51-52. Voir également Comité des droits de l’homme, observation générale n° 23 (1993) sur l’article
27 (les droits des minorités), par. 7 ; et Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale n° 21 (2009)
sur le droit à la culture, par. 10.
69 Lansman v Finland, Communication n° 511/1992, points de vue adoptés le 26 octobre 1994.
70 Bernard Ominayak, Chief of the Lubicon Lake Band v Canada, Communication n° 167/1984, points de vue adoptés le 26 mars
1990. Voir également Comité des droits de l’homme, observation générale n° 23 (1993) sur l’article 27 (les droits des minorités),
par. 3.2 et 7.
71 Hopu & Bessert v France, Communication n° 549/1993, points de vue adoptés le 29 juillet 1997.
72 Mahuika v New Zealand, Communication n° 547/1993, points de vue adoptés le 15 novembre 2000. Le Comité des droits
de l’homme a jugé que le droit à l’autodétermination est lié de façon intrinsèque au droit à la culture. Le Comité a jugé qu’afin
de faciliter l’application des articles 1 et 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, les États sont tenus
d’accorder aux peuples autochtones davantage d’influence sur les processus décisionnels relatifs aux questions qui affectent leur
environnement naturel, leurs moyens de subsistance et leur culture. Voir également Comité des droits de l’homme, « Observations
finales sur les États-Unis d’Amérique » (15 septembre 2006), par. 37 ; et Comité sur les droits économiques, sociaux et culturels,
observation générale n° 21 (2009) sur le droit de chacun à prendre part à la vie culturelle, par. 3, 7 et 36-37.
73 Recommandation générale n° 23 (1997) sur les peuples autochtones.
74 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 56-61.
75 « La situation des peuples autochtones au Botswana » (A/HRC/15/37/Add.2), par. 30.
76 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 79.
77 Comité des droits de l’enfant, observation générale n° 11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits au titre de la
Convention.
16 | Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs
à leurs cultures et de la nécessité d’inclure les peuples autochtones dans les décisions concernant
les intérêts supérieurs des enfants, y compris de la nécessité de respecter la sensibilité culturelle.78
L’enseignement des langues est l’un des piliers de la préservation des cultures des peuples autochtones.
Il est important de prendre des mesures efficaces pour préserver les langues autochtones et de veiller
à ce que les enfants autochtones apprennent dans leur langue pendant leurs premières années de
scolarisation et bénéficient d’une éducation multiculturelle qui ne dévalorise pas leur identité culturelle
autochtone.
Père et fille Squamish. Bella Bella, nation Heiltsuk, Canada. Photo ONU/John Isaac.
78 Ibid.
79 A/HRC/EMRIP/2012/3, par. 53-54.
Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs | 17
Compte tenu du caractère collectif inhérent aux cultures autochtones, les droits individuels ne sont
pas toujours suffisants pour refléter pleinement les droits des peuples autochtones. Les droits énoncés
dans la Déclaration cherchent à protéger, outre les droits individuels, les droits collectifs des peuples
autochtones car la reconnaissance de ces droits est nécessaire pour assurer la continuation de
l’existence, du développement et du bien-être des peuples autochtones en tant que peuples distincts.
L’expérience suggère que si les droits collectifs des peuples autochtones ne sont pas respectés, ces
cultures risquent de disparaître sous le joug de l’assimilation que leur inflige la société dominante.
La notion selon laquelle les peuples autochtones peuvent détenir des droits – tels que le droit à la
propriété – en tant que groupe est conforme au principe de non-discrimination et au droit à la culture.
Par exemple, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a demandé à un État partie des
informations relatives à la protection des droits collectifs des peuples autochtones liés à leurs savoirs
traditionnels et leur patrimoine culturel, y compris leurs terres ancestrales, en tant que partie intégrante
de leur identité culturelle.80 La Cour interaméricaine et la Commission des droits de l’homme ont
confirmé dans un certain nombre de cas que les peuples autochtones détiennent des droits collectifs à
la propriété de leurs terres et de leurs ressources.
Par exemple, dans l’affaire Mayagna (Sumo) Awas Tingni vs Nicaragua, la Cour a jugé que :
… parmi les peuples autochtones, il existe une tradition communautaire relative à une forme
commune de propriété collective de la terre, selon laquelle la propriété de la terre ne s’articule
pas autour d’une personne mais plutôt d’un groupe et de sa communauté. Du fait même de leur
existence, les groupes autochtones ont le droit de vivre librement sur leur territoire ; les liens étroits
des peuples autochtones avec la terre doivent être reconnus et compris comme constituant la
base de leurs cultures, de leur vie spirituelle, de leur intégrité et de leur survie économique.81
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a abondé dans le même sens et a
reconnu les droits collectifs aux terres dans l’affaire Endorois.82
Les organes conventionnels des Nations Unies et le Mécanisme d’experts ont reconnu la nécessité de
faciliter le respect des droits collectifs. Par exemple, l’élément collectif inhérent aux cultures autochtones
trouve un écho dans leur éthique traditionnelle du travail, leurs valeurs communes et leurs structures
sociétales fondées sur l’unité familiale. Au sein des communautés autochtones, ces valeurs se sont
notamment exprimées par le truchement de mécanismes tels que le conseil des anciens, qui est
traditionnellement habilité à résoudre les problèmes de la communauté.
Le Mécanisme d’experts a noté que les contraintes imposées par les instances gouvernementales et
administratives ont fragilisé les mécanismes traditionnels qui donnent corps à l’aspect collectif sous-
jacent aux cultures autochtones.83 En effet, les exigences des gouvernements visant à ce que les
peuples autochtones s’organisent d’une façon acceptable pour les gouvernements peuvent ne pas
être adaptées aux formes d’organisation autochtones et peuvent porter atteinte à leurs cultures.
Par ailleurs, la Déclaration cherche à protéger et à préserver les savoirs traditionnels des peuples autochtones,
notamment les expressions culturelles, ainsi que les ressources génétiques. En matière de propriété
intellectuelle, de nombreux cadres juridiques actuels privilégient la défense des individus au détriment
des intérêts des communautés ou des groupes de personnes, et ne réussissent donc pas à protéger de
façon appropriée les droits collectifs des peuples autochtones.84 Le Mécanisme d’experts a souligné la
nécessité – pour les mécanismes juridiques internationaux – de combler ces lacunes et d’accorder toute
leur attention à la protection des droits des peuples autochtones relevant de la Déclaration.85
18 | Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs
Des problèmes d’ordre pratique peuvent se poser lorsqu’il s’agit de déterminer qui peut représenter les
bénéficiaires des droits collectifs. Les difficultés peuvent s’avérer particulièrement difficiles à surmonter
pour remplir les obligations liées à l’acquisition d’un consentement préalable, libre et éclairé, mettre en
place un partage des avantages juste et équitable ou exploiter les voies de recours légales. Le Mécanisme
d’experts a souligné que, lorsqu’il est difficile de déterminer qui sont les représentants légitimes, les
communautés autochtones devraient être autorisées à résoudre ces problèmes conformément à leurs
coutumes, à leur culture et à leurs institutions décisionnelles.86
Enfant jouant avec le poster de la Journée internationale des peuples autochtones du monde. Siège des Nations Unies, New York.
Photo ONU/Stephenie Hollyman
86 Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, « Rapport de suivi sur les peuples autochtones et le droit de
participer à la prise de décisions, l’accent étant mis sur les industries extractives » (A/HRC/EMRIP/2012/2), par. 15-16.
Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs | 19
Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a identifié des mécanismes juridiques
prévoyant la consultation générale des peuples autochtones pour toutes les questions affectant
directement leurs intérêts, ainsi que l’obligation de fournir des informations complètes à tous les stades
du processus décisionnel, comme étant des pratiques exemplaires susceptibles de garantir les droits
collectifs des peuples autochtones.87 La reconnaissance juridique des villages autochtones en tant
qu’unités administratives est une autre pratique exemplaire saluée par le Rapporteur spécial.88
87 « La situation du peuple sami dans la région Sápmi de la Norvège, de la Suède et de la Finlande » (A/HRC/18/35/Add.2), par. 16.
88 « La situation des peuples autochtones en République du Congo » (A/HRC/18/35/Add.5), par. 42.
20 | Chapitre 2 : Le contenu de la Déclaration : égalité et non discrimination, intégrité culturelle et droits collectifs
Chapitre 3 :
Le contenu de la Déclaration :
l’autodétermination ; l’autonomie ;
ainsi que la participation,
la consultation et le consentement
QUESTIONS CLÉS
• Qu’est-ce que l’autodétermination ?
• Pourquoi le droit à l’autodétermination est-il important pour les peuples
autochtones ?
• Que peuvent faire les peuples autochtones pour promouvoir et exercer
leur droit à l’autodétermination ?
• Quelles procédures devraient être utilisées pour consulter les peuples
autochtones ? Qu’entend-on par consentement préalable, libre et éclairé ?
• Quand le droit au consentement est-il applicable ?
1. LE DROIT À L’AUTODÉTERMINATION,
L’AUTONOMIE GOUVERNEMENTALE ET LES
INSTITUTIONS AUTOCHTONES
Les peuples autochtones ont de longues traditions d’autonomie gouvernementale, de processus
décisionnel indépendant et d’autosuffisance institutionnelle. Bien qu’il existe des variations selon les
circonstances particulières, les peuples autochtones du monde entier exercent ce qui est désormais
décrit comme le droit à l’autodétermination, à savoir un droit intrinsèque qui découle de leurs structures
politiques, économiques et sociales, ainsi que de leurs cultures, traditions spirituelles, histoires et
philosophies, tout au long de leurs histoires.89
Des formes historiques et, dans de nombreux cas, contemporaines de discrimination ont entravé le
libre exercice du droit à l’autodétermination des peuples autochtones et ont empiété sur leur capacité
à contrôler les décisions qui ont un impact sur leurs vies quotidiennes. Dans de nombreux cas,
l’absence de participation active des peuples autochtones aux processus décisionnels a eu des effets
préjudiciables, a entraîné leur marginalisation et a pérennisé un ensemble de problèmes économiques,
sociaux, culturels et physiques.
Les droits des peuples autochtones à être autonomes et à s’administrer eux-mêmes sont évoqués tout
au long de la Déclaration, mais principalement dans les articles 3 et 4. Ces dispositions affirment que :
Les peuples autochtones ont le droit à l’autodétermination […] dans l’exercice de leur droit à
l’autodétermination, [les peuples autochtones] ont le droit d’être autonomes et de s’administrer
eux-mêmes pour tout ce qui touche à leurs affaires intérieures et locales.
89 Déclaration des Nations Unies sur les peuples autochtones, septième paragraphe du préambule.
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 21
22 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
assistance financière et technique, de la part des États et dans le cadre de la coopération internationale,
pour jouir des droits énoncés dans la Déclaration (article 39). Le Rapporteur spécial sur les droits des
peuples autochtones a recommandé à un État de prévoir un financement suffisant de façon à ce que les
peuples autochtones puissent efficacement exercer leurs fonctions d’autogouvernance.97
Il a été souligné que les peuples autochtones sont « distincts, tout en étant rattachés à de plus grandes
unités d’interaction sociale et politique ».98 L’autodétermination est la base sur laquelle reposent ces
interactions et la participation active des peuples autochtones facilite le dialogue réel et de bonne foi :
La condition fondamentale de la réalisation, dans la pratique, du droit à l’autodétermination est
la confiance entre les peuples. Il est impossible d’établir la confiance sans coopération, sans
dialogue et sans respect. Les gouvernements n’ont rien à redouter des peuples autochtones ; ils
peuvent apprendre à respecter et à faire confiance […] pour être en mesure de vivre ensemble
paisiblement, sans exploitation ou domination, [les peuples autochtones et les gouvernements]
doivent continuellement renégocier les modalités de leur relation.99
Par conséquent, la reconnaissance et la promotion du droit des peuples autochtones à l’autodétermination
étayent les processus d’élaboration et de maintien de relations constructives entre les peuples
autochtones et les États et facilitent les efforts déployés de part et d’autre pour surmonter l’héritage des
injustices historiques :
[L]e droit à l’autodétermination des peuples autochtones devrait en général être interprété comme
étant leur droit de négocier librement leur statut et leur représentation au sein de l’Etat dans lequel
ils vivent. La meilleure définition qu’on puisse en donner est celle d’une sorte de “construction
tardive de l’Etat” en vertu de laquelle les peuples autochtones - après avoir été longtemps isolés
et exclus - seraient à même de s’associer à tous les autres peuples qui constituent l’Etat, dans
des conditions justes et acceptées par tous. Ce qui revient non pas à faire de l’autochtone un
citoyen comme tous les autres, mais bien plutôt à reconnaître que le tissu de l’Etat est constitué
de peuples distincts qui s’y trouvent incorporés dans des conditions qu’ils ont acceptées.100
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 23
Les peuples autochtones peuvent exercer leur droit à l’autodétermination en participant aux processus
législatif et décisionnel de l’État et en influant sur ces processus. On citera par exemple la Loi n° 5-2011
relative à la promotion et à la protection des droits des populations autochtones de la République du
Congo, que le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a décrite comme ayant été
élaborée d’une façon participative et qui constitue « une importante bonne pratique dans la région pour
la reconnaissance et la protection des droits des peuples autochtones. »101
Les peuples autochtones peuvent également exercer un contrôle sur les fonctions législatives et
administratives de l’État dans les domaines qui affectent leurs nations ou communautés grâce à un
24 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
transfert des pouvoirs de gouvernance de l’État. Des exemples de transfert du pouvoir décisionnel ont
été donnés, notamment, par des représentants des Parlements sami norvégien, suédois et finlandais.102
Une autre option de mise en œuvre du droit à l’autodétermination est la reconnaissance effective,
par l’État, des institutions politiques et juridiques des peuples autochtones et l’exercice de pouvoirs
décisionnels directs conformément à leurs propres lois, traditions et coutumes.
Outre ces approches, certains États, en collaboration avec des peuples autochtones, ont franchi des
étapes significatives visant à renforcer les pouvoirs législatifs et administratifs des peuples autochtones
en leur donnant la garantie d’être représentés au sein des organes législatifs, en concluant des ententes
d’autonomie gouvernementale protégés par la Constitution et en exigeant que l’État soit officiellement
tenu de consulter les peuples autochtones lorsque des décisions administratives et législatives sont
susceptibles d’avoir un impact sur les intérêts des peuple autochtones.103
Par exemple, le Parlement néo-zélandais comprend des sièges qui ont été spécialement réservés aux
autochtones maori, le nombre de « sièges maori » étant déterminé sur la base du rapport entre la
population maori et la population totale. De même, la Constitution du Burundi réserve six sièges de
l’Assemblée nationale et du Sénat aux populations autochtones batwa. La Constitution de l’Inde prévoit
également de réserver des sièges du Parlement aux tribus autochtones répertoriées.
Comme indiqué précédemment, le droit à l’autodétermination est un sujet à multiples facettes et il se
rattache à l’exercice significatif de l’ensemble des droits protégés par la Déclaration, notamment le
droit de conserver et de développer les structures institutionnelles visant à soutenir l’exercice du droit à
l’autodétermination. La Déclaration reconnaît expressément le droit des peuples autochtones d’établir
et de contrôler leurs systèmes et établissements scolaires (article 14) et le droit de promouvoir, de
développer et de conserver leurs systèmes ou coutumes juridiques (article 34). L’exercice du droit à
l’autodétermination s’exprime souvent par le biais de l’élaboration de traités, accords et arrangements
constructifs reposant sur un accord commun conclu entre les peuples autochtones et les États.104 Il
convient également de souligner que la Déclaration stipule expressément que l’exercice des droits
énoncés dans la Déclaration ne couvre pas les activités ou les droits qui auraient pour effet de
compromettre l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant.105
La jurisprudence des organes et des mécanismes des Nations Unies donne des orientations importantes
sur la mise en œuvre du droit à l’autodétermination. Par exemple, le Rapporteur spécial sur les droits
des peuples autochtones a recommandé aux États de procéder à la reconnaissance effective des
institutions, des compétences et du droit coutumier des peuples autochtones, dans la mesure où ils sont
compatibles avec les normes universelles des droits de l’homme. Il a également recommandé que les
peuples autochtones disposent de plus amples pouvoirs décisionnels sur les prestations des services
gouvernementaux mises en œuvre au sein de leurs communautés, qu’ils soient mieux représentés au
sein des institutions législatives, exécutives et judiciaires aux niveaux local, national et fédéral, et que
soient organisées des consultations appropriées des peuples autochtones pour toutes les décisions
législatives ou administratives susceptibles de les affecter.106
Le droit à l’autodétermination est également intrinsèquement lié aux droits des peuples autochtones sur
les terres et les ressources naturelles, qui ont été identifiés par le Rapporteur spécial comme la condition
préalable de la continuité de l’existence des peuples autochtones dans le monde en tant que peuples
distincts.107
La promotion et l’exercice du droit à l’autodétermination exigent également que les peuples autochtones
participent activement à l’élaboration et au renforcement des institutions autochtones et des autres
102 A/HRC/18/35/Add.2.
103 Union interparlementaire, Implementing the United Nations Declaration on the Rights of Indigenous Peoples: A Handbook for
Parliaments (2012).
104 Voir article 37 de la Déclaration, et avis n° 2 (2011) du Mécanisme d’experts : Les peuples autochtones et le droit de participer à
la prise de décisions, par. 34.
105 Article 46 (1).
106 A/HRC/12/34/Add.2, par. 78-82.
107 A/HRC/18/35/Add.2, par. 79.
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 25
facettes du droit à l’autodétermination. Le Rapporteur spécial a souligné que les « peuples autochtones
doivent veiller à renforcer leurs capacités à contrôler et à gérer leurs propres affaires et à participer
efficacement à toutes les décisions les affectant, dans un esprit de coopération et de partenariat avec
les autorités gouvernementales et les ONG avec lesquelles ils ont choisi de travailler ».108 Renforcer les
institutions et l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones est une étape importante sur la
voie d’une autonomisation qui leur permettra de prendre le contrôle de leurs propres affaires dans tous
les aspects de la vie et de assurer que les processus du développement sont conformes à leurs propres
modèles culturels, valeurs, coutumes et points de vue.
2. PARTICIPATION ET CONSULTATION
Le droit international relatif aux droits de l’homme fait référence au droit à la participation sous une
forme générale ou détaillée.109 La Déclaration contient plus de 20 dispositions affirmant le droit des
peuples autochtones de participer à la prise de décisions et s’articulant, notamment, autour (a) du droit
à l’autodétermination ; (b) du droit à l’autonomie ou à l’autonomie gouvernementale ; (c) du « droit de
participer » ; (d) du « droit à être activement impliqué » ; (e) de l’obligation des États d’« obtenir leur
consentement préalable, libre et éclairé » ; (f) de l’obligation de tenter d’obtenir le « libre accord » des
peuples autochtones ; (g) de l’obligation de « consulter les peuples autochtones et de coopérer avec
eux » ; (h) de l’obligation de prendre des mesures « de concert » avec les peuples autochtones ; et (i) de
l’obligation de « respecter les coutumes » des peuples autochtones.110
L’article 18 de la Déclaration établit que « les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise
de décisions sur des questions qui peuvent concerner leurs droits, par l’intermédiaire de représentants
qu’ils ont eux-mêmes choisis conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver
et de développer leurs propres institutions décisionnelles ».
La Déclaration exige que les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples
autochtones intéressés – par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives – avant
d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les
peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en connaissance
de cause (article 19).
Le droit à la participation est également présent dans les articles de la Déclaration affirmant les droits
des peuples autochtones à être consultés sur les décisions qui affecteront leurs intérêts ou à consentir
à ces décisions.
Le Mécanisme d’experts s’est intéressé au lien entre le droit à l’autodétermination et la participation
des peuples autochtones à la prise de décisions. Il a souligné que l’autodétermination est un processus
en cours qui permet de s’assurer que les peuples autochtones continuent de participer à la prise
de décisions et d’avoir le contrôle sur leurs propres destinées. En d’autres termes, cela signifie que
les institutions décisionnelles devraient être conçues de façon à permettre aux peuples autochtones
de prendre les décisions liées à leurs affaires internes et locales, et de participer collectivement aux
processus décisionnels externes conformément aux normes relatives aux droits de l’homme.111
D’autres organes des Nations Unies se sont intéressés à des éléments du droit des peuples autochtones à
l’autodétermination dans le contexte de la consultation et de la participation. Le Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale a souligné l’importance de la participation des représentants librement
choisis de populations autochtones aux processus de négociation constitutionnelle et a recommandé le
26 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
respect – dans le cadre de ces négociations – du principe du consentement préalable, libre et éclairé.112
Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a également émis une observation générale sur
le droit à la culture soulignant la dimension collective de la culture des peuples autochtones ainsi que
l’importance que revêtent les terres des peuples autochtones pour ces cultures. Dans son observation
n° 21, le Comité traite de l’obligation :
… [d’]autoriser et [d’]encourager la participation de personnes appartenant à d[…]es peuples
autochtones [..] à l’élaboration et à la mise en œuvre des lois et politiques les concernant.113
Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a recommandé aux États de donner
davantage d’occasions aux peuples autochtones de participer aux processus décisionnels et de
reconnaître, renforcer et prendre en compte les propres institutions et autorités décisionnelles des
peuples autochtones.114 Il a par ailleurs souligné que l’implication des peuples autochtones dans les
processus décisionnels se traduit par une amélioration des résultats des projets et des programmes. Il
a constaté que si l’on n’implique pas les autochtones par voie de consultation dès le lancement d’une
initiative officielle, les programmes publics, même ceux qui se veulent particulièrement avantageux
pour les autochtones, perdent dès le départ de l’efficacité. Tout déficit de consultations conduit
immanquablement à des situations conflictuelles, dans lesquelles les autochtones expriment leur colère
et leur méfiance, et qui dans certains cas dégénèrent en violences.115
Le Mécanisme d’experts a achevé une étude sur le droit des peuples autochtones de participer au
processus décisionnel et a émis un avis sur le sujet à l’intention du Conseil des droits de l’homme.116 Il a
souligné les occasions spéciales dont disposent les INDH pour promouvoir la participation des peuples
autochtones aux débats et aux décisions qui les concernent. 117
112 Par exemple, le Comité a envoyé le 13 mars 2009 une lettre d’avertissement sur ce sujet au gouvernement du Népal, disponible
à l’adresse suivante : www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/early_warning/Nepal130309.pdf.
113 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale n° 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la
vie culturelle, par. 55 e).
114 A/HRC/18/35/Add.5, par. 83.
115 A/HRC/12/34, par. 36.
116 Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, « Rapport d’étape sur l’étude sur les peuples autochtones et le
droit de participer à la prise de décisions » (A/HRC/15/35, 2010), « Rapport final sur l’étude sur les peuples autochtones et le
droit de participer à la prise de décisions » (A/HRC/18/42, 2011), comprenant également l’avis n° 2 sur les peuples autochtones
et le droit de participer à la prise de décisions, et le « Rapport de suivi sur les peuples autochtones et le droit de participer à la
prise de décisions, axé sur les industries extractives » (A/HRC/EMRIP/2012/2), comprenant également l’avis n° 4 sur les peuples
autochtones et le droit de participer à la prise de décisions, axé sur les industries extractives. La question de la participation
des peuples autochtones au système de l’Organisation des Nations Unies a également été examinée dans un rapport du
Secrétaire général, « Moyens de promouvoir la participation de représentants de peuples autochtones reconnus aux travaux de
l’Organisation des Nations Unies portant sur des questions les intéressant » (A/HRC/21/24, 2012).
117 A/HRC/EMRIP/2011/2, annexe, par. 37.
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 27
118 A/HRC/EMRIP/2012/2, annexe : avis n° 4 sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions, axé sur les
industries extractives, par. 40. Voir également le rapport du Représentant spécial du Secrétaire général chargé de la question des
droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises (A/HRC/17/31) et la résolution 17/4 du Conseil des droits
de l’homme.
119 Voir articles 19, 32 et 46 de la Déclaration. Voir également A/HRC/12/34, par. 46-53.
120 A/HRC/12/34, par. 46 et 49.
121 Voir les observations finales du Comité sur la Bolivie (État plurinational de) (CERD/C/BOL/CO/17-20) et l’Équateur (CERD/ECU/
CO/20-22).
122 Observations finales sur le Mexique (CERD/C/MEX/Q/16-17).
123 Observations finales sur l’Éthiopie (E/C.12/ETH/CO/1-3).
124 Observations finales sur la Namibie (CRC/C/NAM/CO/2-3).
28 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
peuvent également jouer un rôle important dans la promotion et la protection des droits des peuples
autochtones.125
Les objectifs de ces consultations peuvent varier considérablement. En conséquence, le Rapporteur
spécial sur les droits des peuples autochtones a invité les États et le secteur industriel à aller au-delà des
ententes de compensation et, lorsque les peuples autochtones en expriment le souhait, à encourager
la participation au capital et le partage des bénéfices des sociétés extractives. Le Rapporteur spécial
a également recommandé diverses formes d’interaction entre les peuples autochtones, les États et
les entreprises. Par exemple, en rapport avec un vaste projet de développement hydroélectrique, il a
recommandé la création d’un groupe d’experts indépendants afin de faciliter la consultation qui sera
menée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies.
3. CONSENTEMENT PRÉALABLE,
LIBRE ET ÉCLAIRÉ
Le consentement préalable, libre et éclairé va au-delà de la consultation. Les États ont l’obligation
d’obtenir le consentement – qui est l’objectif de la consultation – avant que les actions suivantes ne
soient menées :
• L’adoption de mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples
autochtones (article 19)
• La mise en œuvre de projets ayant des incidences sur les terres, territoires et ressources des
peuples autochtones, notamment en ce qui concerne l’utilisation ou l’exploitation des ressources
minérales ou autres (article 32).
Une bergère mongolienne trait des yaks à Must, dans la province du Khovd, en Mongolie. Photo ONU/ Eskinder Debebe.
125 Voir A/HRC/17/31 et la résolution 17/4 du Conseil des droits de l’homme. Pour un examen approfondi de la responsabilité des
entreprises en matière de respect des droits des peuples autochtones, voir le rapport du Rapporteur spécial sur la situation des
droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones (A/HRC/15/37).
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 29
Dans certaines circonstances, l’État a l’obligation d’obtenir un consentement des peuples autochtones
concernés qui va au-delà de l’obligation générale susmentionnée. Par exemple, la Déclaration exige
explicitement des États qu’ils obtiennent le consentement des peuples autochtones dans les cas de :
Réinstallation des peuples autochtones après enlèvement de force à leurs terres ou territoires (article 10)
• Stockage ou la mise au rebut de matières dangereuses sur les terres ou territoires des peuples
autochtones (article 29)
• Par ailleurs, les peuples autochtones qui ont – contre leur gré – perdu possession de leurs terres,
et dont ces terres ont été « confisquées, prises, occupées, exploitées ou dégradées sans leur
consentement préalable » ont droit à une restitution ou à une autre réparation appropriée qui peut
prendre la forme de terres équivalentes par leur qualité et leur étendue ou d’une indemnisation
juste, correcte et équitable (article 28). En outre, les peuples autochtones ont droit à réparation
en ce qui concerne les biens culturels, intellectuels, religieux et spirituels qui leur ont été pris sans
leur consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause (article 11).
D’autres circonstances peuvent également exiger le consentement préalable, libre et éclairé, selon la
nature de la mesure proposée et la portée ou l’ampleur de ses effets sur les peuples autochtones. Selon
le Mécanisme d’experts, le droit au consentement préalable, libre et éclairé fait « partie intégrante »
du droit à l’autodétermination et obtenir ce consentement est exigé pour les questions qui sont d’une
importance fondamentale pour les droits, la survie, la dignité et le bien-être des peuples autochtones.126
De même, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a souligné que « si les effets
sur la vie ou les terres des autochtones sont directs et sensibles, on est presque certain que la décision
ne doit pas être prise sans le consentement des intéressés. Dans certains contextes, cette éventualité
peut se renforcer jusqu’à devenir une interdiction de lancer la mesure ou d’entreprendre le projet si les
autochtones n’y consentent pas. »127
Dans son interprétation des droits des peuples autochtones en vue de l’application de la Convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Comité pour l’élimination
de la discrimination raciale demande également les processus de consultation et de consentement
éclairé. Dans sa recommandation générale n° 23, le Comité exige des États parties qu’ils s’assurent
que les peuples autochtones jouissent des droits égaux de participer à la vie publique et qu’aucune
décision directement liée aux peuples indigènes ne soit prise sans leur consentement éclairé. En ce qui
concerne les droits spécifiques aux terres et aux ressources, le Comité demande la restitution dans
les situations où les décisions ont été prises sans le consentement préalable et éclairé des peuples
autochtones concernés. Il a également souligné l’obligation des États de s’assurer que le droit des
peuples autochtones au consentement préalable, libre et éclairé est respecté lors de la planification
et de la mise en œuvre des projets affectant l’utilisation de leurs terres et de leurs ressources.128
Plus récemment, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a encore élargi la portée du
consentement préalable, libre et éclairé dans son observation générale n° 21. Dans son interprétation
des droits culturels, le Comité souligne que le droit de participer à la vie culturelle inclut les droits des
peuples autochtones à la restitution ou au retour des terres, territoires et ressources traditionnellement
utilisés et possédés par les communautés autochtones si ils ont été pris sans le consentement préalable
et éclairé des peuples concernés. Il demande également aux États parties de « respecter le principe
du consentement préalable des peuples autochtones, librement donné et en connaissance de cause,
pour toutes les questions visées par leurs droits spécifiques » et d’« obtenir leur consentement libre et
éclairé lorsque la préservation de leurs ressources culturelles, notamment celles qui sont associées à
leurs mode de vie et expression culturelle, est menacée ».129
126 Avis n° 2 (2011) sur les peuples autochtones et le droit de participer à la prise de décisions.
127 A/HRC/12/34, par. 47.
128 Voir, par exemple, les observations finales du Comité sur la République démocratique populaire lao (CERD/LAO/CO/16-18) et sur
le Canada (CERD/CAN/CO/19-20).
129 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, observation générale n° 21 (2009) sur le droit de chacun de participer à la
vie culturelle.
30 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
Dans le même ordre d’idées, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a jugé dans l’affaire Saramaka
que l’État a non seulement l’obligation de consulter les peuples autochtones, mais aussi d’obtenir leur
consentement préalable, libre et éclairé, conformément à leurs coutumes et traditions, dans les cas de
projets de développement ou d’investissement de grande envergure susceptibles d’avoir un impact
majeur sur le territoire des peuples autochtones.130
En ce qui concerne l’application pratique du consentement préalable, libre et éclairé, l’orientation
suivante a été donnée :
Libre suppose l’absence de coercition, d’intimidation ou de manipulation, et Préalable suppose
que le consentement a été sollicité suffisamment longtemps avant toute autorisation ou début
d’activité et que les délais nécessaires aux processus autochtones de consultation et de
recherche d’un consensus ont été respectés. Éclairé suppose que l’on dispose des informations
qui couvrent (au moins) […] la nature, l’ampleur, l’évolution, la réversibilité et la portée de tout
projet ou activité proposé ; la (les) raison(s) ou objectif(s) du projet ou de l’activité ; leur durée ;
la localisation des zones concernées ; une évaluation préliminaire des incidences économiques,
sociales, culturelles et environnementales probables, y compris les risques potentiels ; […] le
personnel susceptible de contribuer à l’exécution du projet […] ; et les procédures possibles
dans le cadre du projet. […] Ce processus peut prévoir la possibilité d’un consentement différé.
[…] La consultation et la participation sont des éléments essentiels du consentement.131
Un certain nombre d’organismes intergouvernementaux d’aide au développement et d’institutions
financières internationales ont intégré le consentement préalable, libre et éclairé dans leurs politiques et
programmes relatifs aux peuples autochtones. La politique du Programme des Nations Unies pour le
développement sur les peuples autochtones « encourage et soutient le droit des peuples autochtones
à donner librement un consentement préalable informé concernant la planification et la programmation
du développement quand ils risquent d’en être affectés ».132 La Operational Policy on Indigenous
Peoples and Strategy for Indigenous Development [Politique opérationnelle relative aux peuples
autochtones et la stratégie pour le développement autochtone] adoptées par la Banque interaméricaine
de développement promeut « les mécanismes et les processus de participation qui doivent tenir
compte du principe général du consentement préalable, libre et éclairé des peuples autochtones »133 et
stipule qu’« avant d’approuver les opérations qui pourraient avoir des effets néfastes particulièrement
significatifs sur les peuples autochtones, la Banque exigera la preuve que le promoteur du projet est
parvenu à des accords satisfaisants et dûment documentés avec les peuples concernés, ou qu’il a
obtenu leur consentement. »134 La Banque européenne pour la reconstruction et le développement
reconnaît également la nécessité d’obtenir le consentement préalable, libre et éclairé des peuples
autochtones avant de commencer toute activité sur les terres traditionnelles, de réinstaller les peuples
autochtones ou de réaliser tout projet proposant d’utiliser les ressources culturelles, les connaissances,
les innovations ou les pratiques des peuples autochtones à des fins commerciales.135
La question de savoir auprès de qui l’État peut obtenir le consentement est fondamentale. À cet égard,
plusieurs communautés autochtones à travers le monde ont créé leurs propres protocoles sur la façon
dont les gens de l’extérieur devraient communiquer avec elles pour obtenir leur consentement préalable,
libre et éclairé. Le consentement des peuples autochtones devrait être accordé conformément à leurs
lois et pratiques coutumières. Cela ne signifie pas nécessairement que chacun des membres doit être
d’accord, mais plutôt que le processus de consentement sera entrepris par le biais de procédures et
130 Saramaka People v Suriname, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Jugement du 28 novembre 2007, Série C n° 172.
131 Instance permanente de l’Organisation des Nations Unies sur les questions autochtones, « Rapport sur les travaux de l’Atelier
international sur le consentement préalable, libre et éclairé et les peuples autochtones, New York, États-Unis d’Amérique, 17-19
janvier 2005 » (E/C.19/2005/3), par. 46-49.
132 Programme des Nations Unies pour le développement, Le PNUD et les Peuples Autochtones : Une Politique d’Engagement
(2001).
133 Banque interaméricaine de développement, Operational Policy on Indigenous Peoples and Strategy for Indigenous Development
(2006), p. 34.
134 Ibid., p. 39.
135 Banque européenne pour la reconstruction et le développement, Performance Requirement PR-7 (2008).
Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement | 31
d’institutions définies par les peuples autochtones eux-mêmes. Les peuples autochtones devraient
spécifier quelles institutions représentatives sont habilitées à exprimer le consentement au nom des
peuples ou des communautés concernées.
Par ailleurs, des mécanismes et des procédures devraient être créés pour vérifier que le consentement
préalable, libre et éclairé a été recherché. Pour que ces mécanismes puissent fonctionner de façon
appropriée, les peuples autochtones doivent participer à leur élaboration. Les États doivent prévoir des
mécanismes de réparation efficaces pour les situations où le consentement préalable, libre et éclairé n’a
pas été recherché. Cette réparation peut prendre la forme d’une restitution ou d’une indemnisation. S’il
est déterminé que les éléments d’un consentement préalable, libre et éclairé n’ont pas été respectés, la
procédure peut déboucher sur une révocation du consentement accordé.
Les États disposent de multiples possibilités pour s’assurer que les peuples autochtones bénéficient
de la pleine application du principe du consentement préalable, libre et éclairé, mais encore faut-il que
ces peuples s’impliquent réellement et d’une façon qui corresponde à leur culture et à leurs institutions.
32 | Chapitre 3 : Le contenu de la Déclaration : l’autodétermination, l’autonomie, ainsi que la participation, la consultation et le consentement
Chapitre 4 :
Le contenu de la Déclaration :
les terres, les territoires et les
ressources ; le développement
respectueux de l’identité ; et la
réparation et l’indemnisation
QUESTIONS CLÉS
• Qu’entend-on par terres, ressources et territoires des peuples
autochtones ?
• Quels types de relations les peuples autochtones entretiennent-ils avec
leurs terres, leurs ressources et leurs territoires ?
• Existe-t-il des protections pour les terres, les ressources et les territoires
des peuples autochtones ?
• Quelles sont les possibilités de réparation dont disposent les peuples
autochtones concernant leurs droits à des terres, territoires et
ressources ?
• Qu’entend-on par développement respectueux de la culture et de
l’identité ?
136 Commission interaméricaine des droits de l’homme, Indigenous and Tribal Peoples’ Rights Over Their Ancestral Lands and
Natural Resources: Norms and Jurisprudence of the Inter-American Human Rights System (OEA/Ser.L/V/II. Doc. 56/09, 2009),
par. 56.
Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité, | 33
et la réparation et l’indemnisation, | 33
clair que la plupart des mouvements locaux et nationaux de peuples autochtones sont nés des
luttes contre les politiques et mesures qui portaient atteinte aux régimes fonciers et systèmes
de gestion des ressources coutumiers, ou étaient discriminatoires à leur égard, comme les
expropriations et l’exploitation des ressources sans le consentement des peuples autochtones,
qui ont contraint ceux-ci à se déplacer et les ont dépossédés de leurs territoires. La survie des
cultures spécifiques propres aux peuples autochtones dépend du libre accès de ces peuples aux
terres, territoires et ressources naturelles et du respect de leurs droits en la matière.
Les droits fonciers et l’accès à la terre, ainsi que le contrôle de la terre et de ses ressources sont
décisifs pour les peuples autochtones de par le monde. Leur survie économique et culturelle
dépend de ces droits et de cet accès. Pour survivre en tant que peuples distincts, les peuples
autochtones et leurs communautés doivent être en mesure de posséder, de conserver et de
gérer leurs territoires, terres et ressources naturelles.137
Priver les peuples autochtones des ressources naturelles dont sont dotées leur terres et territoires
reviendrait à les priver de tout droit significatif à l’autodétermination et à un développement autonome et,
dans de nombreux cas, à les priver effectivement de leurs cultures et de la jouissance d’autres droits de
l’homme en raison de leur extrême pauvreté et de l’absence d’accès à leurs moyens de subsistance.138
Deux des principales contraintes pesant sur la libre et pleine jouissance des droits des peuples
autochtones aux terres, territoires et ressources naturelles sont liées d’une part à la non-reconnaissance
par les États de l’existence de l’usage, de l’occupation et de la propriété autochtones et, d’autre part,
au non-octroi par les États aux peuples autochtones du statut et de la capacité juridiques ainsi que des
autres droits légaux appropriés à la propriété foncière.139
D’autres groupes autochtones sont confrontés à des défis liés à l’abrogation de traités et à la non-
démarcation des terres par les États.
Les questions relatives aux droits fonciers et aux peuples autochtones peuvent être à l’origine d’un
certain nombre de difficultés et de désaccords lorsque les dispositions du droit national ont été élaborées
sans tenir compte de l’appropriation, de la reconnaissance ou de la protection des droits des peuples
Femme autochtone Bakoya devant sa maison, dans le village d’Imbong, dans la province d’Ogooué-Ivindo, au nord-est du Gabon.
Photo ONU/Gill Fickling.
34 | Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité,
34 | Chapitre 4 : et la réparation et l’indemnisation
autochtones à des terres, territoires et ressources naturelles. De nombreux peuples autochtones font
l’expérience de la perte de leurs terres en raison d’expropriations liées à des intérêts nationaux et les
mesures d’éloignement et de réinstallation qui en découlent ont de multiples effets négatifs sur le bien-
être des communautés autochtones et sur l’exercice de leurs droits.140
Les impacts sociaux, environnementaux et culturels des projets de développement de vaste envergure
et des industries extractives constituent également une préoccupation croissante pour les peuples
autochtones. Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a identifié le sujet des
industries extractives comme devant faire l’objet d’une attention particulière pendant son mandat.141
Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité, | 35
et la réparation et l’indemnisation, | 35
La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a confirmé que les peuples autochtones
détiennent des droits de propriété sur les terres et les ressources naturelles qu’ils utilisaient
traditionnellement. À partir d’un point de vue exposé par la Commission africaine dans le cadre de
l’affaire Endorois, les conclusions suivantes peuvent être tirées :
1) La possession traditionnelle de terres par des peuples autochtones a un effet équivalent à celui
d’un plein titre de propriété accordé par un État ;
2) La possession traditionnelle donne aux peuples autochtones le droit d’exiger la reconnaissance
officielle du tire de propriété et son enregistrement ;
3) Les membres des peuples autochtones qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté,
ont quitté leurs terres traditionnelles ou en ont perdu la possession, conservent leurs droits de
propriété sur ces terres même en l’absence de titre légal, sauf si les terres ont été légalement et
de bonne foi transférées à des tiers ; et
4) Les membres des peuples autochtones qui ont perdu la possession de leurs terres pour des
raisons indépendantes de leur volonté et dont les terres ont été légalement transférées à des tiers
innocents, ont droit à la restitution des terres ou à l’obtention d’autres terres, équivalentes par
leur qualité et leur étendue. En conséquence, la possession n’est pas une condition préalable à
l’existence de droits des autochtones à la restitution de leurs terres.143
Dans l’affaire Endorois, la Commission africaine a jugé que, dans sa volonté de créer une réserve
animalière, l’État a illégalement expulsé les Endorois de leurs terres ancestrales et détruit leurs
possessions. Elle a également considéré que les bouleversements et les déplacements subis par les
Endorois ainsi que le déni de leurs droits à la propriété sur les terres ancestrales étaient disproportionnés
par rapport à l’intérêt qu’était censé représenter pour le public la création de la réserve animalière.
Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a activement promu les droits des peuples
autochtones sur les terres et les ressources naturelles grâce à des rapports thématiques ou relatifs à des
visites dans les pays.144 Les droits autochtones liés à la protection des terres, territoires et ressources
ont des implications qui vont au-delà de la simple protection des terres. Les préoccupations qui s’y
rattachent ont été examinées par plusieurs détenteurs de mandat au titre des procédures spéciales.
Le Rapporteur spécial sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant
et, dans ce contexte, du droit à la non discrimination, a recommandé que des mesures soient prises
pour protéger les terres autochtones dans le cadre de la protection du droit à un niveau de vie suffisant.
Le Rapporteur spécial a également noté que les « mesures visant à la réalisation du droit des peuples
autochtones à un logement convenable devraient inclure le respect de leurs terres traditionnelles et
l’élaboration de politiques en matière de terres et de logements sensibles à leur culture ».145
À plusieurs reprises, le Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation a recommandé aux États de
prendre des mesures visant à protéger les droits des peuples autochtones à des terres afin de s’assurer
qu’ils puissent exercer leur droit à l’alimentation.146
Les droits des peuples autochtones à des terres et à des ressources découlent de leurs droits à l’intégrité
culturelle, à la non discrimination, à l’autodétermination et à la propriété, notamment de leur droit à la
propriété ou à l’utilisation collective. La consultation et le droit au consentement sont également des
éléments fondamentaux des droits des peuples autochtones à des terres et à des ressources naturelles.
L’interprétation de ces droits par les organes régionaux et internationaux des droits de l’homme, ainsi
que leur application en rapport avec les droits des peuples autochtones à des terres et à des ressources
naturelles sont examinées aux Chapitres 2 et 3 du présent Manuel.
143 Centre for Minority Rights Development (Kenya) and Minority Rights Group International on behalf of Endorois Welfare Council v
Kenya, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, 276/2003 (4 février 2010), par. 209.
144 Voir, par exemple, les rapports soumis par le Rapporteur spécial au Conseil des droits de l’homme sur les industries extractives
exerçant leurs activités sur des territoires autochtones ou à proximité de ces territoires (A/HRC/18/35 et A/HRC/21/47).
145 E/CN.4/2006/41/Add.3, p. 22.
146 A/HRC/13/33/Add.5.
36 | Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité,
36 | Chapitre 4 : et la réparation et l’indemnisation
3. LE DÉVELOPPEMENT RESPECTUEUX DE LA
CULTURE ET DE L’IDENTITÉ
Bien que les peuples autochtones aient le droit de se développer de concert avec les communautés
et les sociétés plus larges au sein desquelles ils vivent, il existe souvent des problèmes particuliers
qui doivent être pris en considération à l’occasion des initiatives de développement susceptibles de
les affecter.147 Le concept de développement respectueux de la culture et de l’identité reconnaît que
les peuples autochtones peuvent évaluer le bien-être de leurs communautés ainsi que l’utilisation
appropriée de leurs terres, territoires et ressources d’une façon distincte de celles des communautés
non autochtones.
Dans de nombreux cas, les paradigmes du développement de la modernisation et de l’industrialisation
se sont souvent traduits par la destruction de tout système économique, social, éducatif, culturel,
spirituel ou encore de santé, de gouvernance ou de connaissances des peuples autochtones ainsi que
par l’appauvrissement des ressources naturelles. Par ailleurs, les peuples autochtones ont également
été confrontés à des défis lorsqu’ils on tenté de préserver les stratégies et politiques qu’ils utilisaient pour
leurs terres, territoires et ressources, notamment parce que leurs cultures et identités sont considérés
comme des « obstacles » au progrès. Le développement respectueux de la culture et de l’identité se
caractérise par une approche holistique qui tente de s’appuyer sur les droits collectifs, la sécurité ainsi
qu’un plus large contrôle et l’autogouvernance des terres, des territoires et des ressources.148
La Déclaration constitue un cadre normatif complet, favorable au développement respectueux de la
culture et de l’identité, principalement traité dans les articles 3 et 32. Ces articles reconnaissent le droit
des peuples autochtones à définir et élaborer des priorités et des stratégies relatives à la mise en valeur
de leurs terres, territoires et ressources, et s’appuyant sur leur droit à l’autodétermination. Le droit des
peuples autochtones à préserver leurs propres institutions représentatives et à veiller à ce qu’elles soient
respectées et consultées par les États et les sociétés est au cœur de l’exercice de l’autodétermination.
Les savoirs traditionnels et les langues sont des éléments essentiels d’un développement vu sous
l’angle de la culture et de l’identité, et les intérêts, les savoirs et les expériences des peuples autochtones
doivent être au centre des méthodologies visant à construire des connaissances relatives aux peuples
autochtones.149
Les INDH sont bien placées pour promouvoir un développement respectueux de la culture et de
l’identité. Les difficultés liées aux terres, territoires et ressources peuvent être portées à l’attention des
INDH et, grâce à l’application de la Déclaration, les INDH peuvent contribuer aux efforts déployés pour
s’assurer que les stratégies et les priorités des peuples autochtones sont respectées. Les INDH peuvent
également participer à la recherche et à l’élaboration des politiques ayant pour objet de renforcer les
connaissances relatives aux droits des peuples autochtones, notamment le droit à l’autodétermination,
et donner des conseils en vue de la création de structures institutionnelles destinées à soutenir la mise
en œuvre de ces droits.
4. RÉPARATION ET INDEMNISATION
Les INDH sont également bien placées pour promouvoir et protéger les droits des peuples autochtones
grâce à l’application et à la promotion des articles de la Déclaration relatifs aux terres, territoires et
ressources. La Déclaration reconnaît différents droits à réparation et indemnisation au titre de la violation
des droits des peuples autochtones à des terres, ressources et territoires.
Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité, | 37
et la réparation et l’indemnisation, | 37
L’article 28 présente les droits des peuples autochtones à réparation et indemnisation auxquels ils
peuvent prétendre lorsque leurs terres, territoires et ressources ont été pris, exploités ou dégradés
sans leur consentement. Ces droits prévoient une voie de recours pour les peuples autochtones qui ne
possèdent plus leurs terres et territoires de façon à ce que :
• Dans la mesure du possible, les terres, territoires et ressources que les peuples autochtones ne
possèdent plus leur soient restitués
• Lorsque cela n’est pas possible, une indemnisation juste leur soit versée, qui peut prendre la
forme d’autres terres, territoires et ressources, d’une indemnité pécuniaire, d’opportunités de
développement (en d’autres termes des opportunités d’emploi) ou de tout autre avantage que
les peuples autochtones jugeront approprié.
Reproduisant l’approche adoptée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale dans sa
recommandation générale n° 23, la restitution des terres et des territoires doit être considérée comme
la principale réparation. Les autres formes de réparation et d’indemnisation ne doivent être envisagées
que lorsque la restitution n’est pas possible.150
150 Voir également J. Gilbert et C. Doyle, “A New Dawn over the Land: Shedding Light on Collective Ownership and Consent” in
Reflections on the UN Declaration on the Rights of Indigenous Peoples, S. Allen et A. Xanthaki, éd. (2011), p. 299.
38 | Chapitre 4 : Le contenu de la Déclaration : les terres, les territoires et les ressources, le développement respectueux de l’identité,
38 | Chapitre 4 : et la réparation et l’indemnisation
Chapitre 5 :
La mise en œuvre de la Déclaration
QUESTIONS CLÉS
• Quel est le statut juridique de la Déclaration ?
• Quels types de liens existe-t-il entre la Déclaration et les autres normes
internationales ?
• Quel rôle peuvent jouer les INDH pour faire progresser les droits des
peuples autochtones ?
Cependant, l’adoption de la Déclaration sur les droits des populations autochtones, aussi
importante soit-elle, ne changera pas en elle-même la vie quotidienne des hommes, des femmes
et des enfants dont elle défend les droits. [Nous jugeons donc] nécessaire l’engagement politique
des Etats, la coopération internationale ainsi que le soutien et la bonne volonté de l’opinion
publique pour créer et mettre en œuvre une série de programmes intensément politiques, conçus
et entrepris en consultation avec les populations autochtones elles-mêmes.153
La Déclaration est le reflet d’une approche qui impose aux États des obligations et des responsabilités.154 En
conséquence, le système de l’Organisation des Nations Unies recommande de plus en plus fréquemment
aux États de prendre des mesures concrètes et ciblées à cet égard. Par exemple, le Rapporteur spécial
sur les droits des peuples autochtones a fait des recommandations aux États afin qu’ils examinent les lois
et les politiques ayant un impact sur les peuples autochtones à la lumière de la Déclaration.155
Comme indiqué précédemment, les droits des peuples autochtones sont fondés sur les instruments
internationaux des droits de l’homme. Les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils
et politiques, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et de la
Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale s’appliquent
tout particulièrement aux questions relatives aux peuples autochtones. Dans leurs rapports et leurs
recommandations, les organes conventionnels ont proposé des interprétations générales des droits
énoncés dans ces traités et de leur application aux peuples autochtones :
• Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a émis la recommandation générale
n° 23 qui demande aux États parties de s’assurer que les droits des peuples autochtones à
la culture, aux terres et à la participation politique sont reconnus. Il a également spécifié dans
une observation générale sur les mesures spéciales que les droits des peuples autochtones,
qui sont des droits permanents, ne doivent pas être confondus avec les « mesures spéciales »
temporaires – qui sont des mesures ayant pour objet de remédier à une discrimination passée ou
de rectifier des inégalités contemporaines.
• Le Comité des droits de l’enfant a adopté une observation générale importante et complète
sur les droits de l’enfant autochtone et a fait référence à la Déclaration dans son examen des
rapports des États parties.
• Le Comité des droits de l’homme continue d’invoquer le droit à l’autodétermination en rapport
avec les peuples autochtones, notamment l’article 1 (2) (le droit à librement disposer des richesses
naturelles et le droit de disposer en toute sécurité de leurs moyens de subsistance). Il a également
souligné que les États ont l’obligation de « s’assurer du fait que les peuples autochtones sont
effectivement en mesure d’exercer leur droit à un consentement préalable, libre et informé ».156
Par ailleurs, le Comité a considéré que l’article 27 (le droit à la culture) constitue une base légitime
pour les revendications des peuples autochtones en matière de terres et de ressources.
• Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a également fait référence à l’article 1
pour ce qui concerne l’exercice effectif, par les peuples autochtones, de leurs droits aux
domaines, terres et ressources naturelles ancestraux. Il a adopté une observation générale sur
la non discrimination en matière de droits économiques, sociaux et culturels qui présente un
intérêt particulier pour les peuples autochtones. Le Comité a également adopté une observation
générale importante sur le droit à prendre part à la vie culturelle qui contient un texte substantiel
sur les peuples autochtones et qui réitère les droits reconnus dans la Déclaration. Il rattache
les droits territoriaux à l’identité culturelle en utilisant les propres termes de la Déclaration sur le
droit des peuples autochtones à posséder et à contrôler leurs terres, territoires et ressources, et
153 Communiqué commun du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme par intérim et du Rapporteur spécial sur
la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales des peuples autochtones (9 août 2008), disponible en anglais à
l’adresse suivante : www.un.org/events/indigenous/2008/hcmessage.shtml.
154 Voir, par exemple, les articles 38, 41 et 42 de la Déclaration.
155 Par exemple, le Rapporteur spécial a recommandé à la Fédération de Russie de « procéder à un examen complet des lois
et des politiques de la Fédération de Russie afin de s’assurer de leur compatibilité avec la Déclaration, et de prendre des
mesures coordonnées supplémentaires pour mettre en œuvre les règles de la Déclaration dans le contexte particulier des peuples
autochtones de Russie » (A/HRC/15/37/Add.5), par. 82.
156 CCPR/C/TGO/CO/4, par. 21.
souligne également que les États doivent respecter le principe du consentement préalable, libre
et éclairé pour toutes les questions affectant les droits des peuples autochtones.
Un certain nombre de facteurs supplémentaires donnent du poids à l’importance de la Déclaration et à
son potentiel en matière d’influence sur les normes des droits de l’homme :
Lors de son adoption, la Déclaration a été soutenue par la plupart des États. Seulement quatre États
ont voté contre (l’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les États-Unis) et onze États se sont
abstenus.157 Depuis, les quatre États qui avaient voté contre ont changé d’avis. Ce soutien mondial
témoigne de l’existence d’un consensus international sur une expression normative des droits des
peuples autochtones qui est conforme aux normes internationales existantes en matière de droits de
l’homme. La référence constante à la Déclaration dans le processus de l’examen périodique universel
(EPU) témoigne également de l’existence de ce consensus international.158
• L’élaboration de la Déclaration a duré 20 ans. Pendant cette période, les peuples autochtones et les
États ont activement participé à ce que les États ont appelé les « négociations ».159 En conséquence,
la Déclaration est la preuve du terrain d’entente auquel ont pu parvenir les peuples autochtones du
monde et les États membres de l’Organisation des Nations Unies.160 Comme l’a noté le Rapporteur
spécial sur les droits des peuples autochtones, la défense et la participation des peuples autochtones
entreprises depuis des décennies confèrent une très haute légitimité à la Déclaration et les normes
qu’elle contient « reflètent, pour l’essentiel, les propres aspirations des peuples autochtones ».161
• Il est de plus en plus fréquemment avancé que la Déclaration fait déjà partie du droit coutumier
international.162
157 “General Assembly adopts Declaration on the Rights of Indigenous Peoples; ‘Major step forward’ towards human rights for all,
says President, 61st session of the General Assembly, 107th and 108th Plenary Meeting” (GA/10612), 13 septembre 2007.
158 Voir, par exemple, A/HRC/12/8/Add.1, par. 6 ; et A/HRC/11/17, par. 86 ainsi que les recommandations 45 et 52.
159 E. Voyiakis, “Voting in the General Assembly as Evidence of Customary International Law?” in Reflections on the UN Declaration
on the Rights of Indigenous Peoples, 216.
160 E/C.19/2009/14, annexe, par. 9.
161 A/65/264.
162 E/C.19/2009/14, annexe, par. 6-13 ; et J. Anaya et S. Wiessner, “OP-ED: The UN Declaration on the Rights of Indigenous
Peoples: Towards Re-empowerment” in Jurist, 3 octobre 2007, disponible en anglais à l’adresse suivante : http://jurist.org/
forum/2007/10/un-declaration-on-rights-of-indigenous.php.
PRINCIPES DE PARIS
Compétences et attributions
1. Une institution nationale est investie de compétences de protection et
de promotion des droits de l’homme.
2. Une institution nationale est dotée d’un mandat aussi étendu que
possible, et clairement énoncé dans un texte constitutionnel ou
législatif, déterminant sa composition et son champ de compétence.
3. Une institution nationale a, notamment, les attributions suivantes :
a) Fournir à titre consultatif au gouvernement, au parlement et à tout autre organe
compétent, soit à la demande des autorités concernées, soit en usant de sa faculté
d’autosaisine, des avis, recommandations, propositions et rapports concernant toutes
questions relatives à la protection et à la promotion des droits de l’homme. L’institution
nationale peut décider de les rendre publics. Ces avis, recommandations, propositions
et rapports ainsi que toute prérogative de l’institution nationale se rapportent aux
domaines suivants :
i) Toutes dispositions législatives et administratives, ainsi que celles relatives à
l’organisation judiciaire destinées à préserver et étendre la protection des droits
de l’homme. A cet égard, l’institution nationale examine la législation et les textes
administratifs en vigueur, ainsi que les projets et propositions de lois, et fait les
recommandations qu’elle estime appropriées en vue de s’assurer que ces textes
soient respectueux des principes fondamentaux des droits de l’homme. Elle
recommande, si nécessaire, l’adoption d’une nouvelle législation, l’adaptation de la
législation en vigueur, et l’adoption ou la modification des mesures administratives ;
ii) Toute situation de violation des droits de l’homme dont elle déciderait de se saisir ;
iii) L’élaboration des rapports sur la situation nationale des droits de l’homme en
général, ainsi que sur des questions plus spécifiques ;
iv) Attirer l’attention du gouvernement sur les situations de violations des droits de
l’homme dans tout pays, lui proposer toutes initiatives tendant à y mettre fin et, le
cas échéant, émettre un avis sur les positions et réactions du gouvernement.
b) Promouvoir et veiller à l’harmonisation de la législation, des règlements et des pratiques
nationaux avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, auxquels
l’Etat est partie, et à leur mise en œuvre effective ;
Ce vaste mandat permet aux INDH de s’impliquer auprès de l’ensemble des acteurs pertinents au niveau
national, ainsi que d’interagir avec les mécanismes internationaux, afin de contribuer à la promotion, à la
protection et à la réalisation des droits de l’homme des peuples autochtones tout en les faisant progresser.
Par exemple, les INDH peuvent utiliser leurs compétences techniques pour contrôler et conseiller les
gouvernements afin de s’assurer que leurs lois et leurs politiques sont conformes avec les droits énoncés
dans la Déclaration et qu’elles garantissent leur protection. Par ailleurs, les fonctions éducatives des
INDH peuvent contribuer à la sensibilisation aux droits de l’homme des peuples autochtones et à la
façon dont ils peuvent être exercés.
Généralement, les INDH disposent également de pouvoirs quasi-judiciaires qui leur permettent
d’examiner et quelquefois de déposer des plaintes, ainsi que de tenir des audiences publiques ou de
mener des enquêtes nationales sur des violations des droits de l’homme des peuples autochtones.
Partie II
Activités et fonctions nationales
des institutions nationales des droits
de l’homme
45
Introduction à la Partie II
Les États sont les principaux responsables de la promotion et de la protection des droits de l’homme
des peuples autochtones.163
Par définition, les INDH jouent le rôle clé consistant à aider leur État à remplir ses obligations en matière
de droits de l’homme. Elles peuvent jouer un rôle majeur, notamment en défendant et en conseillant l’État
et d’autres acteurs, tels que les sociétés, mais aussi en faisant pression sur eux afin qu’ils assument
leurs responsabilités.164
Les INDH peuvent jouer un rôle important en matière de sensibilisation du public aux questions relatives
aux droits de l’homme et disposent d’opportunités stratégiques pour collaborer avec les organisations
de peuples autochtones et d’autres ONG dans le but de prendre en compte les questions relatives aux
droits de l’homme des peuples autochtones.
Par ailleurs, les INDH contrôlent le respect, par les États, des normes nationales et internationales
relatives aux droits de l’homme et nombre d’entre elles ont pour fonction de traiter des plaintes et
d’enquêter sur des plaintes.
Enfin, les INDH sont très bien placées pour s’impliquer auprès du système international des droits de
l’homme et contribuer ainsi aux processus internationaux d’établissement de rapports et à la diffusion
des informations pertinentes au plan national.
La deuxième partie du présent Manuel décrit les actions concrètes que peuvent mener les INDH pour
faire progresser les droits des peuples autochtones, tels qu’ils sont énoncés dans la Déclaration.
163 Il convient de souligner que le rôle des sociétés – et tout particulièrement des sociétés transnationales – est un sujet auquel la
sphère des droits de l’homme porte un intérêt croissant. Voir, par exemple, A/HRC/15/37, par. 26-91.
164 APF, Advisory Council of Jurists Reference on Human Rights, Corporate Accountability and Government Responsibility (2008).
46
Chapitre 6 :
Accessibilité des INDH aux peuples
autochtones
QUESTIONS CLÉS
• Comment les INDH peuvent-elles se positionner et se mettre en avant afin
d’être accessibles aux peuples autochtones?
• Comment les INDH peuvent-elles effectivement tendre la main aux
peuples autochtones ?
• Comment les INDH peuvent-elles construire une présence autochtone au
sein de leur institution ?
Modalités de fonctionnement
Dans le cadre de son fonctionnement, l’institution nationale doit :
e) Constituer en son sein en tant que de besoin des groupes de travail et se doter de
sections locales ou régionales pour l’aider à s’acquitter de ses fonctions ;
f) Entretenir une concertation avec les autres organes juridictionnels ou non, chargés
de la protection et de la promotion des droits de l’homme (notamment ombudsmen,
médiateurs, ou d’autres organes similaires) ;
g) Compte tenu du rôle fondamental que jouent les organisations non gouvernementales
pour amplifier l’action des institutions nationales, développer des rapports avec les
organisations non gouvernementales qui se consacrent à la protection et la promotion
des droits de l’homme, au développement économique et social, à la lutte contre le
racisme, à la protection des groupes particulièrement vulnérables (notamment les
enfants, les travailleurs migrants, les réfugiés, les handicapés physiques et mentaux) ou
à des domaines spécialisés.
Pour que les INDH contribuent effectivement à la protection, à la promotion et à la réalisation des droits
de l’homme des peuples autochtones, elles doivent être structurées et fonctionner d’une façon qui soit
aisément accessible aux peuples autochtones et au grand public.
1. ACCESSIBILITÉ
1.1. PROMOUVOIR LA SENSIBILISATION À L’INDÉPENDANCE DES INDH
Il est important que les INDH se mettent en avant et qu’elles promeuvent leurs fonctions auprès de la société.
Cette autopromotion devient plus importante lorsque les INDH ciblent une minorité ou des groupes
marginalisés, tels que les peuples autochtones. Si les peuples autochtones ignorent l’existence et les
fonctions des INDH, ils estimeront qu’elles ne sont pas accessibles.
Les formes de communication habituelles peuvent s’avérer insuffisantes lorsqu’il s’agit de mettre en
œuvre des activités d’information censées tendre la main aux peuples autochtones. Conformément
aux principes des droits de l’homme, il est de la responsabilité des INDH d’adapter leurs messages
promotionnels afin de répondre aux besoins de ses différents interlocuteurs, notamment aux besoins
des peuples autochtones. En conséquence, les INDH devront élaborer des méthodes d’information
souples et culturellement appropriées et, le cas échéant, utiliser des langues autochtones.
Un message important qu’il convient de communiquer aux peuples autochtones est que les INDH
qui ont le « statut A » – c’est-à-dire celles qui appliquent les Principes de Paris – sont des organes
indépendants. Les activités promotionnelles ciblées qui soulignent l’indépendance des INDH par rapport
à l’État peuvent aider les peuples autochtones à prendre conscience de cette indépendance.
166
Pour en savoir plus sur les stratégies de promotion des INDH, veuillez consulter le Chapitre 7.
1.3. ACCESSIBILITÉ
Les INDH doivent également être physiquement accessibles à leurs interlocuteurs. Les peuples
autochtones vivent souvent dans des lieux géographiquement isolés et l’inaccessibilité physique des
INDH peut poser de sérieux problèmes. 167
Il n’est pas rare que les INDH aient un bureau dans la capitale du pays ou dans un autre lieu central où
vivent un grand nombre d’habitants. Les contraintes budgétaires rendent parfois cette réalité inévitable.
Néanmoins, il est important que les INDH n’excluent pas involontairement les peuples vivant dans des
régions reculées. Parmi les possibilités dont disposent les INDH pour améliorer le rayonnement de leurs
activités d’information, il convient de citer :
• La décentralisation géographique
• Le déploiement d’agents œuvrant sur le terrain
• La création de « centres de consultations »
• Le dialogue avec les organisations de peuples autochtones, les organisations professionnelles et
les organes représentatifs
• L’utilisation créative des technologies, notamment Internet et les réseaux sociaux
• Des expositions itinérantes dans les régions rurales
Il est particulièrement important que la capacité des INDH à recevoir les plaintes et à enquêter sur les
violations des droits de l’homme de façon appropriée ne soit pas entravée par la situation géographique
des peuples autochtones. En tant que de besoin, les INDH peuvent élaborer d’autres procédures visant
à faciliter l’examen et le traitement efficaces des plaintes sans qu’il soit nécessaire que les personnes se
rendent personnellement dans les bureaux des INDH.168
166 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
167 Ibid.
168 National Human Rights Institutions: History, Principles, Roles and Responsibilities, p. 82-83.
169
Outre l’accessibilité physique, les INDH doivent être culturellement accessibles aux peuples autochtones.
Les INDH peuvent prendre une série de mesures afin de s’assurer que les peuples autochtones
se sentent culturellement sécurisés lorsqu’ils dialoguent avec elles. Certaines de ces mesures sont
présentées en détail dans les sous-sections suivantes.
Pour favoriser un engagement effectif au côté des peuples autochtones, les INDH ne doivent pas se
contenter de s’assurer que leurs structures sont accessibles. Tisser des liens de coopération reposant sur la
confiance et le respect mutuel doit être considéré comme une priorité par les INDH, les peuples autochtones
et les organisations qui se consacrent aux peuples autochtones. L’obligation de consulter et le principe du
consentement préalable, libre et éclairé doivent présider à la création et à la pérennisation de ces liens.
169 Présentation dans le cadre de l’atelier du HCDH, Toward an Operational Guide for National Human Rights Institutions: Possible
good practices in addressing the rights of Peuples Indigenous peoples, Geneva, Switzerland, 11 July 2011.
170 Pour en savoir plus, veuillez consulter : www.chrc-ccdp.ca/preventing_discrimination/forum_2010_forum/archives-eng.aspx.
Les organisations des peuples autochtones peuvent apporter leur expertise à la INDH et lui permettre
ainsi de s’assurer que ses activités visant à établir des contacts avec les peuples autochtones sont
correctement ciblées et qu’elles sont culturellement et linguistiquement appropriées. Par ailleurs, les
liens de coopération avec les organisations des peuples autochtones peuvent contribuer à instiller l’idée
de la légitimité de l’INDH et de ses activités dans l’esprit des peuples autochtones concernés. Ceci peut
aider à dissiper l’éventuelle réticence à entamer le dialogue avec l’INDH.
La nécessité d’établir des liens de coopération avec les organisations des peuples autochtones est
présentée de façon plus approfondie au Chapitre 7, dans le contexte des activités promotionnelles des
INDH.
Les programmes pour l’emploi et les politiques d’embauche ciblées peuvent devenir des instruments
efficaces de la présence « autochtone » au sein des INDH.
171 Voir les New Delhi Guidelines on the establishment of National Institutions on the Rights of Indigenous Peoples, disponibles à
l’adresse suivante : www.aitpn.org/NIRIPS/new_delhi_guidelines.pdf.
172 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
173
Créer une présence autochtone au sein des INDH est un objectif qui peut également être atteint
grâce à des programmes de travail spécifiques. Les INDH peuvent chercher à créer des unités ou des
programmes spécialement centrés sur les progrès à accomplir en matière de protection, de promotion
et de réalisation des droits de l’homme des peuples autochtones. 174
Un programme de travail peut être d’ordre général (centré sur la situation globale des peuples
autochtones d’un État spécifique) ou être focalisé sur un domaine thématique particulier (par exemple,
les droits des peuples autochtones sur les terres, territoires et ressources). Le personnel employé dans
le cadre de ces programmes doit répondre à des critères de sélection supplémentaires, de façon à
ce qu’il soit dûment qualifié et habitué à travailler de manière sensible et appropriée avec les peuples
autochtones.175
S’il s’avère difficile de sélectionner un personnel approprié, les INDH peuvent recruter des consultants
dûment qualifiés et expérimentés afin de les faire travailler sur les programmes ou projets pertinents. De
nouveau, les partenariats et les collaborations avec les organisations de peuples autochtones joueront
un rôle important. 176 177
175 Ibid.
176 Informations fournies par la Commission australienne des droits de l’homme.
177 A/HRC/15/37Add.4, par. 78.
Rituel du Hongi, salut Maori exécuté nez contre nez. Il est le symbole du partage de la force de vie et du souffle de la vie. Photo ONU/Evan Schneider.
181
181 Groupe des Nations Unies pour le développement, L’approche fondée sur les droits de l’homme dans le domaine de la coopération
pour le développement (2003).
10. L’analyse de situation doit permettre de déterminer les causes immédiates, sous-jacentes
et essentielles des problèmes de développement.
11. Il est important, lorsqu’on établit des programmes, de fixer des objectifs et des cibles
mesurables.
12. Il faut mettre au point et maintenir des partenariats.
13. Les programmes doivent promouvoir l’obligation de rendre compte à toutes les parties
prenantes.
Coopérer avec les peuples autochtones exige de reconnaître et de respecter la nature collective des
communautés autochtones. Par conséquent, pour exercer leurs activités de plaidoyer en faveur des
droits de l’homme des peuples autochtones, il est important que les INDH :
• Reconnaissent et ne négligent pas la nature collective des droits de l’homme des peuples
autochtones
• Fassent preuve de respect à l’égard des cultures et des particularités autochtones, notamment
en ce qui concerne les processus décisionnels
• Se conforment au principe du consentement préalable, libre et éclairé (voir Chapitre 3 pour
de plus amples détails). Le consentement préalable, libre et éclairé est enraciné dans le droit
à l’autodétermination et exige la participation active des peuples autochtones aux actions
susceptibles d’avoir un impact sur leurs vies. 182
182 Commission philippine des droits de l’homme et Commission néozélandaise des droits de l’homme, Building Human Rights
Communities: The experience of three indigenous peoples in the Philippines (2011).
Outre l’adoption d’une approche fondée sur les droits de l’homme, la coopération des INDH avec les
peuples autochtones doit être conforme aux principes suivant qui coïncident avec les thèmes clés de
la Déclaration :
• La non-discrimination
• L’égalité des sexes
• L’autodétermination
• Les droits collectifs
• Le droit de définir les priorités en matière de développement et de décider de leur mise en
œuvre.183 184
Les étapes décrites ci-après apportent une aide pratique aux INDH souhaitant nouer un dialogue
efficace avec les peuples autochtones.
183 Groupe des Nations Unies pour le développement, Directives sur les questions relatives aux peuples autochtones (2009), p. 12-16.
184 Défenseur du peuple du Pérou, Department Report No. 011-2009-DP/AMASPPI-PPI (2009).
Chapitre 7 :
Sensibilisation et éducation
QUESTIONS CLÉS
• Que peuvent faire les INDH pour sensibiliser un large public à la
Déclaration et aux droits des peuples autochtones ?
• Quelles activités éducatives et de formation les INDH peuvent-elles mettre
en œuvre en rapport avec la Déclaration?
185
Principes de Paris
Compétence et attributions
3. Une institution nationale a, notamment, les attributions suivantes :
f) Être associée à l’élaboration de programmes concernant l’enseignement et la recherche
sur les droits de l’homme et participer à leur mise en œuvre dans les milieux scolaires,
universitaires et professionnels;
g) Faire connaître les droits de l’homme et la lutte contre toutes les formes de discrimination,
notamment la discrimination raciale, en sensibilisant l’opinion publique notamment par
l’information et l’enseignement, en faisant appel à tous organes de presse.
Modalités de fonctionnement
Dans le cadre de son fonctionnement, l’institution nationale doit :
c) S’adresser directement à l’opinion publique ou par l’intermédiaire de tous organes de
presse, particulièrement pour rendre publics ses avis et recommandations.
Pour jouir de leurs droits, les peuples doivent y avoir été sensibilisés et comprendre comment les
exercer. À cet égard, les programmes de sensibilisation et d’éducation sont essentiels. Afin d’en tenir
compte, le système international des droits de l’homme oblige les États à promouvoir la sensibilisation et
l’éducation aux normes relatives aux droits de l’homme.186 Ces obligations concernent aussi directement
les activités promotionnelles et éducatives sur la Déclaration et en relation avec les questions des droits
de l’homme intéressant les peuples autochtones.
Par exemple, le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones a fait la recommandation
suivante au gouvernement du Brésil :
En partenariat avec les peuples autochtones, et avec le soutien des Nations Unies […] élaborer et
mettre en œuvre une campagne nationale d’éducation sur les questions autochtones et le respect
185 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, observation générale n° 17 (1993) concernant la création d’organismes
nationaux pour faciliter l’application de la Convention.
186 Voir, par exemple, l’article 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
189
189 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
190 Commission canadienne des droits de la personne, Guide des droits de la personne à l’intention des Premières nations :
droits – responsabilité – respect (2011), disponible à l’adresse suivante : http://www.nwac.ca/sites/default/files/imce/
WEBSITES/201107-12/guide_pn.pdf
2. ÉDUCATION ET FORMATION
Le mandat des INDH va au-delà des activités promotionnelles et inclut l’élaboration et la mise en œuvre
de programmes d’éducation et de formation aux droits de l’homme adaptés aux différents groupes de
la collectivité.
191 Présentation dans le cadre de l’atelier du HCDH, Towards an Operational Guide for National Human Rights Institutions: Possible
good practices in addressing the rights of Indigenous Peoples.
192 Amnesty International, National Human Rights Institutions: Recommendations for Effective Protection and Promotion of Human
Rights (2001).
193
En premier lieu, les INDH peuvent promouvoir, élaborer et mettre en œuvre des programmes de
formation à l’intention des agents publics dont les travaux ont des effets sur les peuples autochtones.
Ces activités doivent veiller à intégrer les principes et les normes relatifs aux droits de l’homme dans
tout programme de formation sur les peuples autochtones actuellement dispensé à l’intention d’agents
publics.
Lorsqu’il n’existe pas de matériels de formation destinés aux agents publics sur les activités en rapport
avec les peuples autochtones, les INDH doivent chercher à élaborer des matériels qui reposent sur une
approche fondée sur les droits de l’homme et qui incluent les normes présentées dans la Déclaration.
Les INDH doivent être conscientes du fait que leurs programmes de formation peuvent être perçus
par les agents publics comme une intrusion dans leur travail, sans prise en compte de l’importance du
contexte. Pour faire face à la résistance que les agents publics sont susceptibles de leur opposer, les
INDH auront intérêt à établir des contacts avec la direction des institutions d’État. Le soutien apporté aux
programmes de formation par la hiérarchie d’une organisation peut leur conférer la légitimité nécessaire
pour encourager un changement de comportement au sein de l’organisation. Cette approbation
donnée par les hiérarques est doublement nécessaire, car si la direction de l’institution d’État n’est pas
convaincue du bien-fondé de la protection, de la promotion et de la réalisation des droits de l’homme
des peuples autochtones, il est peu probable que la formation reçoive un accueil favorable ou qu’elle
soit efficace. 195
Il est important que les INDH adoptent une stratégie qui va présider à la conception et à la mise en œuvre
des programmes de formation. Lors de l’élaboration, de la révision ou de l’utilisation des matériels, les
INDH doivent s’assurer qu’ils s’articulent autour de questions pratiques et opérationnelles.
Dans les cas où un programme de formation est susceptible de se voir opposer une résistance
importante, l’INDH peut préférer en élaborer le contenu et veiller à le tester en interne.196 L’INDH peut
également choisir d’élaborer elle-même les matériels et programmes de formation des formateurs, et
exploiter ainsi efficacement des ressources financières et humaines limitées.
195 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
196 APF, Association pour la prévention de la Torture et HCDH, Preventing Torture: An Operational Guide for National Human Rights
Institutions (2010), p. 56.
Femme Masai (Kenya) participant à l’exposition In Celebration of Indigenous Peoples, aux Nations Unies. Photo ONU/Stephenie Hollyman.
Les INDH doivent avoir un plan d’éducation aux droits de l’homme établi en corrélation avec le plan
stratégique et le plan d’action annuel des INDH. Les activités pédagogiques que peuvent mener les
INDH sont nombreuses : séminaires, ateliers et sessions de formation professionnelle destinés, soit
à l’ensemble de la population, soit à des groupes spécifiques. Les initiatives en matière d’éducation
qui ciblent un large public peuvent comprendre l’élaboration de programmes scolaires et universitaires
centrés sur les droits de l’homme, les campagnes nationales menées dans les médias et les publications
sur les droits de l’homme.
Les activités de sensibilisation et d’information qui s’articulent autour de la Déclaration peuvent
comprendre :
• La direction d’ateliers et de formations à l’intention de peuples autochtones et de leurs
organisations
• La direction d’ateliers et de formations à l’intention d’agents de l’État et de bureaucrates
• La traduction de la Déclaration dans des langues autochtones
• L’élaboration d’outils et de matériels pédagogiques rédigés dans un langage simple
• La production de matériels par le biais d’un large éventail de supports, notamment les sites Web,
les documentaires, les programmes audio et les réseaux sociaux
• La diffusion de communiqués de presse lorsque des activités menées dans le pays peuvent être
liées à des droits énoncés dans la Déclaration ou avoir un impact sur l’exercice de ces droits
197
• L’évocation de la Déclaration et de son impact dans les discours, documents et publications.
3.2. DIFFUSION
Pour que les informations produites par l’INDH puissent être utilisées de façon efficace et efficiente, il est
fondamental qu’elle adopte une stratégie de diffusion. Les informations peuvent cibler des destinataires
très variés – services gouvernementaux, ONG, grand public et peuples autochtones – et il est donc
important que la stratégie tienne compte de leurs spécificités.
Dès lors que public ciblé a été sélectionné, l’INDH doit identifier les opportunités de diffusion les plus
appropriées. Les médias généralistes et spécialisés sont des vecteurs de diffusion utiles. Cependant,
les diffusions à grande échelle doivent également s’appuyer sur les services et réseaux existants, tels
que les écoles, les universités, les bibliothèques, les bureaux gouvernementaux, les organisations
communautaires, les organisations professionnelles, les organismes représentatifs et les organisations
de peuples autochtones.
198
DoCip
DoCip est un centre de documentation et d’information créé en 1978 à
l’initiative des délégations autochtones qui participaient à la première
Conférence internationale des ONG s’intéressant aux questions
autochtones qui se soit tenue aux Nations Unies.
En tant que centre d’information, le doCip :
[…] publie une revue trimestrielle - l’Update/Informativo - qui rend
compte des principaux processus internationaux concernant les
questions autochtones : résumés des interventions, agendas,
présentation de rapports, déclarations des peuples autochtones et
annonces, notamment. Publié en quatre langues, l’Update/Informativo
permet à chacun de disposer de la même information, condition de
base pour l’élaboration de consensus. Envoie des messages collectifs
à 2500 adresses autochtones lorsque l’information ne peut attendre la
publication de la revue. Maintient à jour son site Internet. Répond à toute
autre demande d’information.198
Le site Web du centre doCip comprend une vaste collection de documents
internationaux historiquement importants pour les organisations
autochtones et de textes recueillis auprès des instances internationales
correspondantes.
Les INDH peuvent utiliser les ressources publiées sur le site Web
et promouvoir son utilisation par les peuples autochtones et leurs
organisations au sein de leur juridiction.
Les événements promotionnels jouent un rôle important en matière de sensibilisation du grand public
à la problématique des droits de l’homme et de présence de l’INDH au sein de la communauté. Les
INDH ne doivent pas se limiter à un type d’événement et doivent sélectionner les événements les plus
adaptés à leurs publics cibles. Des occasions de collaboration avec des initiatives ou programmes
communautaires existants peuvent également se présenter. Les événements promotionnels peuvent
inclure :
• Les événements s’articulant autour de thèmes en rapport avec les droits de l’homme et
organisés à l’intention d’enfants en âge de fréquenter l’école, tels que les concours de dessin ou
de photographie
• Les conférences universitaires et les autres événements organisés dans des établissements de
l’enseignement supérieur
• Les événements publics célébrant des dates importantes, telles que l’anniversaire de l’adoption
de la Déclaration (13 septembre) et la Journée internationale des peuples autochtones (9 août)
• Les récompenses et les prix dans le domaine des droits de l’homme
• Le lancement des publications importantes
• Les concours artistiques ou musicaux organisés autour de thèmes en rapport avec les droits de
l’homme.
Les organisations des peuples autochtones et les organisations professionnelles seront les vecteurs
essentiels de la diffusion des produits et des informations réalisés par les INDH auprès des peuples
autochtones et des communautés.
3.3. PARTENARIATS
Les travaux des INDH bénéficient énormément des partenariats et collaborations visant à mener des
activités de sensibilisation et d’information. Ces partenariats contribuent à s’assurer que les efforts
déployés par les INDH ont un impact maximal. 199
3.3.1. L’État
Dans la mesure du possible, les INDH doivent chercher à établir des relations de travail coopératives
avec l’État. Comme indiqué précédemment, l’agrément donné par l’État aux programmes éducatifs
destinés aux agents publics renforcera leur adoption et leur efficacité.
Par ailleurs, les INDH peuvent chercher à obtenir auprès de l’État des financements supplémentaires
qui leur permettront d’élaborer et de mettre en place des matériels de sensibilisation et d’information
destinés au grand public et aux peuples autochtones.
199 HCDH, Note on the outcome of the subregional consultation, The Operationalization of the United Nations Declaration on the
Rights of Indigenous Peoples by National Human Rights Institutions.
200 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
L’implication des organisations de peuples autochtones ne se limite pas nécessairement aux activités
ciblant les peuples autochtones. Ces organisations peuvent présenter le contexte, fournir des études de
cas et donner des conseils sur des sujets de préoccupation précis ainsi que d’autres renseignements
précieux pour les responsables des activités de sensibilisation et d’information de l’ensemble de la
population soucieux de s’assurer que, généralement, la promotion des droits de l’homme répond aux
attentes de peuples autochtones.
3.4. MÉDIAS
Les médias constituent l’un des piliers de l’élaboration et de l’expression des idées et des points de
vue. La mesure dans laquelle les médias traditionnels peuvent être utilisés comme partenaires de la
promotion des droits de l’homme des peuples autochtones dépend en grande partie des structures
sociales et politiques à l’œuvre dans la juridiction de chacune des INDH.
Néanmoins, les INDH doivent chercher – si possible – à travailler de façon constructive avec les médias.
Les médias peuvent jouer un rôle important en matière d’information du grand public sur les normes
relatives aux droits de l’homme, de sensibilisation à la problématique des droits de l’homme et aux
violations de ces droits et peuvent attirer l’attention sur les activités des INDH. 201
Le Centre Jordanien des droits de l’homme est actif sur les principaux
réseaux sociaux. Il a un compte Twitter, Facebook et YouTube, et publie
également un bulletin d’information électronique. Il utilise ces différentes
formes de médias comme un mécanisme permettant de diffuser des
rapports, des communiqués de presse et d’autres nouvelles et informations
sur l’institution auprès d’un vaste public.201
Les nouvelles technologies ont créé de nouveaux modes de communication, notamment par
l’intermédiaire des réseaux sociaux tels que Facebook, Twitter et YouTube. Ces technologies permettent
aux INDH de communiquer rapidement et à moindres frais avec différents groupes de personnes.
Elles peuvent également constituer un moyen efficace de nouer le dialogue avec des populations
géographiquement isolées. Cependant, il convient de ne pas perdre de vue que l’accès à ces formes
de communication n’est pas toujours possible dans les zones reculées. 202
201 Pour en savoir plus, veuillez consulter le site à l’adresse suivante : www.nchr.org.jo/english/home.aspx.
202 Pour en savoir plus, veuillez consulter le site à l’adresse suivante : www.witness.org.
Un débat réunissant des représentants de médias autochtones du monde entier sur le thème « Les médias autochtones – Responsabiliser les autochtones en
leur donnant la parole » a été organisé en 2012 à l’occasion de la Journée mondiale des peuples autochtones. Sur l’écran géant, on reconnaît M. Ban Ki-moon,
Secrétaire général des Nations Unies (à gauche) et le Grand Chef Edward John, Président de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions
autochtones. Photo ONU/Devra Berkowitz.
Pour nouer efficacement le dialogue avec les médias, les INDH doivent élaborer une stratégie de
communication. Cette stratégie doit identifier les initiatives qui peuvent bénéficier de l’implication des
médias et peut comprendre des mesures visant, par exemple, à recruter des responsables des relations
publiques ou des attachés de presse, à former le personnel aux techniques de la communication et/ou
à tisser des liens avec les personnages clés des médias.
Chapitre 8 :
Promouvoir le respect de la
Déclaration
QUESTIONS CLÉS
• Comment les INDH peuvent-elles promouvoir la réforme des lois,
politiques et pratiques qui affectent la jouissance des droits de l’homme
des peuples autochtones?
• Comment les INDH peuvent-elles utiliser la Déclaration pour plaider en
faveur de la réforme des lois, politiques et pratiques affectant les droits
des peuples autohcotnes ?
203
ii) Toute situation de violation des droits de l’homme dont elle déciderait de se saisir ;
iii) L’élaboration des rapports sur la situation nationale des droits de l’homme en
général, ainsi que sur des questions plus spécifiques ;
iv) Attirer l’attention du gouvernement sur les situations de violations des droits de
l’homme dans tout pays, lui proposer toutes initiatives tendant à y mettre fin et, le
cas échéant, émettre un avis sur les positions et réactions du gouvernement.
b) Promouvoir et veiller à l’harmonisation de la législation, des règlements et des pratiques
nationaux avec les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, auxquels
l’Etat est partie, et à leur mise en oeuvre effective ;
c) Encourager à la ratification desdits instruments ou à l’adhésion à ces textes et s’assurer
de leur mise en œuvre.
La plupart des INDH exercent une fonction de surveillance et font régulièrement rapport au gouvernement
sur la situation des droits de l’homme dans le pays.
Généralement, la législation fondatrice de l’INDH dresse les limites de ses fonctions de suivi. Par
exemple, les INDH dont les mandats sont étroitement définis peuvent ne disposer que d’une autorité
indépendante limitée pour conseiller le gouvernement, alors que les INDH disposant de mandats plus
étendus peuvent être en mesure d’élaborer des points de vue plus sophistiqués et de jouir ainsi d’une
autorité leur permettant d’influer davantage sur les réformes politiques et législatives entreprises par le
gouvernement.204
203 Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, Recommandation générale n° 17 (1993) concernant la création d’organismes
nationaux pour faciliter l’application de la Convention.
204 National Human Rights Institutions: History, Principles, Roles and Responsibilities, p. 105.
205 Manuel de formation sur le monitoring des droits de l’homme, Série sur la formation professionnelle n° 7/Rév.1 (Publication des
Nations Unies, à paraître).
Natalya Komarova, Gouverneur de l’Okrug autonome de Khanty-Mansiysk, Vladimir Lukin, Médiateur de la Fédération de Russie et Ryszard Komenda, Conseiller
principal pour les questions relatives aux droits de l’homme auprès des équipes de pays des Nations Unies en Fédération de Russie lors de la réunion régionale
organisée au Khanty-Mansiysk pour débattre des droits et des affaires des peuples autochtones, le 19 juin 2013. Photo : Olesia Minyaylo.
206 Programme des Nations Unies pour le développement et Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Toolkit
for Collaborating with National Human Rights Institutions (2010), p. 34-35.
207 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
Participantes à la cinquième session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones. Photo ONU/Paulo Filgueiras
208 National Human Rights Institutions: Recommendations for Effective Protection and Promotion of Human Rights, recommandation 3.7.
209 210
des instruments internationaux contenant des normes relatives aux droits de l’homme, ainsi que la mise
en œuvre ultérieure de ces normes, au plan national.
2.1. LA DÉCLARATION
D’abord et avant tout, les INDH doivent évaluer si leur État a officiellement apporté son soutien à la
Déclaration, soit à la date de son adoption à l’Assemblée générale, soit par le biais d’une annonce
ultérieure. 211
Lorsque leur État n’a pas encore clairement indiqué qu’il soutient la Déclaration, les INDH peuvent
élaborer une stratégie qui débouchera sur un soutien officiel. Différentes approches peuvent être
utilisées :
• Sensibiliser le public grâce à des campagnes, communiqués de presse et discours
• Faire du lobbying auprès du gouvernement, tant au niveau des parlementaires que des
représentants de l’exécutif
• Émettre des recommandations officielles à l’intention du gouvernement
• Plaider auprès des mécanismes internationaux des droits de l’homme, tels que les organes
conventionnels, et faire des recommandations grâce à des processus parallèles d’établissement
de rapports.
• Conformément à la Déclaration, les INDH doivent élaborer ces stratégies en travaillant
conjointement avec les organisations de peuples autochtones. 212
211 L’Énoncé du Canada appuyant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (12 novembre 2010) est
disponible à l’adresse suivante : http://www.aadnc-aandc.gc.ca/fra/1309374239861/1309374546142.
212 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
Les INDH doivent également évaluer si leur État a formulé des réserves213 concernant ces traités relatifs
aux droits de l’homme. Les INDH peuvent faire du lobbying auprès de leur État s’il n’est pas partie aux
principaux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme ou afin qu’il lève toute réserve qu’il est
susceptible d’avoir émise.
Les INDH doivent également examiner la position de leur État quant aux instruments régionaux
pertinents. 214
213 On entend par réserve « une déclaration unilatérale, […] faite par un État […] à la signature, à la ratification, à l’acte de confirmation
formelle, à l’acceptation ou à l’approbation d’un traité ou à l’adhésion à celui-ci, par laquelle cet État ou cette organisation vise à
exclure ou à modifier l’effet juridique de certaines dispositions du traité dans leur application à cet État ou à cette organisation » ;
Convention de Vienne sur le droit des traités, article 2 (1) (d). On notera également que l’article 19 de la Convention de Vienne
stipule qu’un État peut formuler une réserve à moins que la réserve ne soit interdite par le traité ou que la réserve ne soit
incompatible avec l’objet et le but du traité.
214 Commission Bangladaise des droits de l’homme, National seminar on ILO convention 169 and human rights of Indigenous
Peoples in Bangladesh, Dhaka, Bangladesh, 8 June 2011. Pour en savoir plus, veuillez consulter le document à l’adresse
suivante : www.nhrc.org.bd/PDF/seminar%20on%20169.pdf.
215 Le système juridique et politique d’un État détermine si celui-ci est moniste ou dualiste. Voir The International Covenant on Civil
and Political Rights: Cases, Materials and Commentary (2e éd.) ; S. Joseph, J. Schultz et M. Castan, éd. (2004) ; p. 14.
216 217
L’intégration des traités relatifs aux droits de l’homme dans les dispositions nationales aura un effet
démesurément positif pour les peuples autochtones en raison de leur vulnérabilité aux violations des
droits de l’homme. Il convient de souligner que l’intégration dans les législations nationales de la
Convention n° 169 de l’OIT sera particulièrement bénéfique pour les peuples autochtones parce qu’elle
s’intéresse tout particulièrement à la problématique des peuples autochtones.
Outre leurs activités classiques de lobbying, les INDH doivent encourager leur État à réfléchir précisément
à la façon dont la mise en œuvre nationale des normes internationales peut faire positivement progresser
la promotion, la protection et la réalisation des droits de l’homme des peuples autochtones. À cet
égard, la consultation des peuples autochtones et l’établissement de liens réels avec ces peuples seront
extrêmement importants.
Même lorsqu’elles ne sont pas mises en œuvre au plan national, les normes internationales peuvent
avoir un impact indirect sur le droit national, car les normes peuvent être utilisées par l’appareil judiciaire
pour interpréter les dispositions ambiguës de la législation.218 Si leur mandat les y autorise, les INDH
peuvent jouer un rôle stratégique de premier plan en donnant des conseils aux tribunaux (en qualité
d’amicus curiae) sur les normes relatives aux droits de l’homme pertinentes et applicables.
216 Commission népalaise des droits de l’homme, NHRC e-bulletin, Vol. 5, No. 3 (13 juin 2007), p. 4, disponible à l’adresse suivante :
http://nhrcnepal.org/nhrc_new/doc/newsletter/Ebulletin-Vol5-5.pdf.
217 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
218 Voir R v Secretary of State for the Home Department ex parte Brind (1991) AC 696, p. 747 ; Attorney General of Botswana v Dow
(1994) (6) BCLR 1, par. 29-30 ; et The International Covenant on Civil and Political Rights: Cases, Materials and Commentary, p.
16.
219
Les réformes législatives ne suffisent pas, à elles seules, pour réaliser la mise en œuvre efficace
des normes internationales.220 Un certain nombre d’instruments, de politiques, de pratiques et de
programmes législatifs ont une incidence sur l’efficacité ou l’inefficacité de la mise en œuvre. Les
activités de promotion exercées par les INDH doivent mettre l’accent sur le fait que la législation n’est
que le début du processus de mise en œuvre au plan national et qu’elle ne doit pas être considérée
comme une fin en soi.221
Les INDH peuvent également promouvoir un plan d’action national sur les droits de l’homme, qui peut
faire expressément référence aux obligations internationales de l’État. Ce plan peut présenter les étapes
stratégiques nécessaires pour assurer la protection, la promotion et la réalisation des normes relatives
aux droits de l’homme. Les INDH peuvent fournir à l’État une assistance technique pendant la phase
d’élaboration de son plan d’action national sur les droits de l’homme.
Plus les normes énoncées dans la Déclaration sont utilisées pour contrôler la capacité des États à
honorer leurs engagements en matière de droits de l’homme des peuples autochtones, plus ces normes
ont tendance à devenir des instruments de référence.
219 Manuel Coy et al v The Attorney General of Belize et al, Cour suprême du Belize, Demandes n° 171 et 172 (2007). Voir également
A/HRC/9/9, par. 54.
220 Comité des droits de l’homme, observation générale n° 3 (1981) sur la mise en œuvre du Pacte dans le cadre national (article 2).
221 Toolkit for Collaborating with National Human Rights Institutions, p. 38.
222 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
223
4.2. PLAINTES
L’article 40 de la Déclaration oblige les États à élaborer des « procédures justes et équitables » ainsi que
des « voies de recours efficaces » pour toute violation des droits de l’homme des peuples autochtones.
Les Principes de Paris prévoient également que les INDH doivent traiter et résoudre les plaintes relatives
aux droits de la personne. Il est indiqué au Chapitre 9 que, en fonction de leur mandat, les INDH
connaissent et règlent un maximum de plaintes issues de peuples autochtones. Sont notamment visées
toutes les plaintes directement liées à la Déclaration.
Lorsque les INDH ne disposent pas d’un mandat suffisamment large pour connaître et résoudre les
plaintes déposées par des autochtones au titre de violations de leurs droits de l’homme, notamment
des violations énoncées dans la Déclaration, elles peuvent procéder à des activités de lobbying auprès
de leur État en rapport avec cette question.
223 Ibid.
224 A/HRC/9/9, par. 52-53.
Comme pour la mise en œuvre des traités, généralement, la législation ne suffit pas – à elle seule – à
assurer la protection, la promotion et la réalisation des droits de l’homme des peuples autochtones. Par
conséquent, un plan national efficace doit inclure les éléments suivants :
• La participation active des peuples autochtones à chacune des phases de conception,
d’élaboration, de mise en œuvre, de contrôle et d’évaluation
• Une forme de protection législative
• Un mécanisme visant à examiner les lois et politiques existantes (voir ci-après)
• Un mécanisme de plaintes efficace
• Une éducation aux droits de l’homme des peuples autochtones à l’intention des législateurs et
des responsables de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques
• Un mécanisme visant à examiner le plan national et, le cas échéant, à faciliter les amendements.
Déléguées autochtones Saami lors de l’ouverture de la douzième session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones.
Photo ONU/Rick Bajornas
Chapitre 9 :
Enquêtes et plaintes
QUESTIONS CLÉS
• Les INDH sont-elles habilitées à enquêter sur des plaintes individuelles et
collectives concernant des violations de droits de l’homme des peuples
autochtones ?
• Que peuvent faire les INDH pour encourager la mise en place de voies de
recours à l’intention des peuples autochtones dont les droits de l’homme
ont été violés ?
Principes de Paris
Modalités de fonctionnement
Dans le cadre de son fonctionnement, l’institution nationale doit :
a) Examiner librement toutes questions relevant de sa compétence, qu’elles soient
soumises par le gouvernement ou décidées par autosaisine sur proposition de ses
membres ou de tout requérant ;
Principes complémentaires concernant le statut des commissions ayant des compétences à
caractère quasi juridictionnel
Une institution nationale peut être habilitée à recevoir et examiner des plaintes et requêtes
concernant des situations individuelles. Elle peut être saisie, par des particuliers, leurs
représentants, des tierces parties, des organisations non gouvernementales, des associations
et syndicats et toutes autres organisations représentatives. Dans ce cas, et sans préjudice
des principes ci-dessus concernant les autres compétences des commissions, les fonctions
qui leur sont confiées peuvent s’inspirer des principes suivants :
a) Rechercher un règlement amiable par la conciliation ou, dans les limites fixées par la loi,
par des décisions contraignantes, ou, le cas échéant, en ayant recours en tant que de
besoin à la confidentialité ;
b) Informer l’auteur de la requête de ses droits, notamment des voies de recours qui lui
sont ouvertes, et lui en faciliter l’accès ;
c) Se saisir des plaintes ou requêtes ou les transmettre à toute autre autorité compétente
dans les limites fixées par la loi ;
d) Faire des recommandations aux autorités compétentes, notamment en proposant des
adaptations ou réformes des lois, règlements et pratiques administratives, spécialement
lorsqu’ils sont à l’origine des difficultés rencontrées par les auteurs des requêtes pour
faire valoir leurs droits.
Enquêter sur les allégations de violations des droits de l’homme et résoudre ces allégations sont des
fonctions essentielles des INDH. La façon dont elles s’acquittent de leur tâche en matière de traitement
des plaintes varie en fonction de la spécificité de leur mandat. Les INDH peuvent être habilitées à :
Examiner les plaintes individuelles et recommander des voies de recours et des mécanismes de
réparation aux autorités compétentes
• Examiner les plaintes déposées par des groupes ou des communautés et donc à reconnaître les
droits collectifs détenus par les peuples autochtones
• Renvoyer les affaires devant les autorités compétentes, notamment les organismes
gouvernementaux, le parlement, les autorités judiciaires et le ministère public
• Chercher à obtenir des recours ou une réparation au nom des plaignants par l’intermédiaire des
cours et des tribunaux
• Conseiller les cours et les tribunaux en tant qu’amicus curiae
• Donner des instructions juridiquement contraignantes et prendre des décisions ayant force
obligatoire
• Ordonner que les autorités qui ont violé les droits indemnisent les victimes
• Pour les INDH situées à l’extérieur de la région Asie-Pacifique, ester en justice devant des
instances régionales telles que les cours internationales des droits de l’homme.227
Danseur autochtone des Philippines lors de la cérémonie d’ouverture de l’Année internationale des peuples autochtones. Photo ONU/John Isaac
227 Toolkit for Collaborating with National Human Rights Institutions, p. 32.
228
228 Commission philippine des droits de l’homme, “Statement on the human rights situation in Barangay Didipio, Kasibu, Nueva Vizcaya”
(17 janvier 2011), disponible à l’adresse suivante : www.chr.gov.ph/MAIN%20PAGES/news/PS_17Jan2011_didipio.htm.
Les principales caractéristiques des mécanismes d’enquête efficaces sur les plaintes déposées sont
les suivantes :
• La capacité juridique appropriée
• Un ensemble de priorités défini et approprié
• Des compétences organisationnelles
229 230
• La volonté politique de mener ses travaux à bien.
ne pas s’occuper de questions qui ne relèvent pas de leur mandat. Généralement, les plaintes doivent
être en rapport avec des droits de la personne garantis par la Constitution, la législation ou tout autre
instrument considéré comme faisant partie intégrante du droit national.
Étant donné que les INDH sont d’une nature relativement récente et « non contraignante »,231 elles
peuvent ne pas avoir un mandat spécifique et bien défini leur permettant d’enquêter sur les violations
relevant de la Déclaration. Cependant, il convient de rappeler que la Déclaration s’appuie sur des
normes relatives aux droits de l’homme existantes et qui s’appliquent aux peuples autochtones. De ce
fait, si une plainte est recevable au titre d’un autre instrument, l’INDH est néanmoins habilitée à examiner
la plainte et à utiliser la Déclaration comme outil d’interprétation. 232
Afin d’optimiser la capacité des INDH à recevoir les plaintes des peuples autochtones concernant des
droits de l’homme et afin d’optimiser les chances de voir la Déclaration stimuler le traitement de ces
plaintes, il est important que les agents des INDH soient formés de façon appropriée. À cet égard, le
présent Manuel et les matériels de formation dont il est assorti procureront des avantages pratiques
au sein des INDH ainsi qu’aux membres du personnel responsables de la gestion des plaintes et des
enquêtes auxquelles elles donnent lieu.
Lorsque les INDH ont pour mission de conduire des modes de règlement alternatifs des différends, il est
souhaitable que les agents responsables des plaintes bénéficient d’une formation de développement
professionnel. Dans le cadre de cette formation, l’accent pourrait être placé sur les modèles autochtones
de modes de règlement alternatifs des différends.
Par ailleurs, les INDH peuvent jouer un rôle précieux dans les situations de conflit ou de conflit qui
s’intensifie entre des communautés autochtones et l’État ou d’autres groupes, notamment des sociétés
privées. Les situations de conflit peuvent être assorties de menaces potentielles ou réelles :
• D’une utilisation de terres et de territoires par des industries extractives
• D’un usage de la force à l’encontre de manifestations pacifiques organisées par des communautés
autochtones
• D’une arrestation illégale ou arbitraire de dirigeants autochtones.
Les INDH peuvent exercer un certain nombre d’activités visant à promouvoir la résolution pacifique de
ces problèmes, notamment les efforts visant à :
• Promouvoir le dialogue entre les parties
• Promouvoir la création et le développement de mécanismes de construction de la paix
• Encourager les concessions acceptables et nécessaires afin de traiter les questions relatives aux
droits de l’homme qui ne sont peut-être pas à l’origine du conflit.233
Les INDH peuvent également jouer un rôle important en contribuant à remédier aux désavantages ou
inégalités entravant les négociations ou les dialogues avec l’État ou des sociétés privées.
231 Pour une analyse plus approfondie de cette question, voir Chapitre 5.
232 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
233 National Human Rights Institutions: History, Principles, Roles and Responsibilities, p. 93-95.
Un mécanisme de gestion des plaintes rigoureux peut être divisé en trois étapes fondamentales :
• La résolution précoce
– Le tri
– Le conseil
– Les autres mécanismes de règlement des litiges ou de médiation (s’ils sont du ressort de
l’INDH)
• L’enquête sur la plainte
– Les stratégies de gestion des cas
– L’enquête
– La communication des constatations
– L’examen des possibilités en matière de recours national et international
• Les recommandations et les voies de recours
– La diffusion des rapports, résultats et recommandations relatifs aux cas de violation
– Les efforts déployés pour que soit appliquée une voie de recours, notamment un règlement,
une décision judiciaire ou une intervention confidentielle
– La communication avec les organes conventionnels et les organismes régionaux lorsque les
voies de recours internes et nationales ont été épuisées.236
Il est particulièrement important que les INDH veillent à ce que leurs mécanismes de plainte soient
accessibles aux peuples autochtones. Comme nous l’avons souligné aux Chapitres 6 et 7, les INDH
doivent exercer des activités de sensibilisation ciblant les peuples autochtones afin de s’assurer que
leurs fonctions et leur mandat en matière de gestion des plaintes sont bien compris. Par ailleurs, les
processus doivent être souples afin de s’assurer que la participation des peuples autochtones sera
optimale. Les INDH devront notamment s’assurer que :
• Le dépôt d’une plainte est gratuit
• Des capacités suffisantes sont disponibles pour recevoir les plaintes orales et écrites
234 L’Équipe de pays des Nations Unies (UNCT) existe dans 136 pays et couvre l’ensemble des 180 pays où sont mis en oeuvre
des programmes des Nations Unies, principalement dans les pays en développement. L’UNCT assure la coordination et la prise
de décision interinstitutions au niveau des pays. Leur principal objectif est de veiller à ce que les différents organismes aient des
projets et des activités en commun qui garantissent l’obtention de résultats concrets et conformes à l’agenda du développement
des gouvernements. Pour en savoir plus, veuillez consulter : www.undg.org/index.cfm?P=1257.
235 Pour en savoir plus, veuillez consulter le site de la Commission à l’adresse suivante : www.nhrc.nic.in/nhrc.htm.
236 Toolkit for Collaborating with National Human Rights Institutions, p. 33.
Femme cuisinant du riz dans le village de Melsanakuppam, dans le Tamil Nadu, au sud de l’Inde. Photo ONU/P. Sudhakaran.
3.1. ENTRETIEN
La première étape consiste à rapidement interroger le plaignant, en personne de préférence, et avec un
interprète, si nécessaire. L’étape suivante consiste à vérifier les informations recueillies dans le cadre de
l’entretien. Il est important d’examiner si :
• Le témoignage est conforme aux autres sources indépendantes (par exemple, les organisations
de peuples autochtones ou les ONG concernées)
• Le témoignage correspond à des politiques et schémas de comportement connus qui ont un
impact sur les peuples autochtones
241
• D’autres témoignages et éléments probants corroborent la déclaration du plaignant
• Le témoignage est compris par l’agent de l’INDH en dépit des barrières linguistiques et culturelles.
240 Les informations présentées dans cette section proviennent essentiellement du document suivant : Prévenir la torture – Guide
pratique à l’intention des institutions nationales des droits de l’homme, p. 36-42.
241 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
En outre, les rapports pertinents sur les violations de droits de l’homme auxquelles ont été confrontés
des peuples autochtones doivent être conservés, notamment :
• Les données sur le nombre de plaintes reçues et résolues en rapport avec des peuples autochtones
• Les décisions prises dans le cadre d’affaires judiciaires pertinentes (c’est-à-dire dans le même
pays, dans d’autres juridictions et par des organismes intergouvernementaux)
• Les rapports préparés par des ONG et des organisations de peuples autochtones
• Les rapports d’organismes régionaux et internationaux (c’est-à-dire du Rapporteur spécial sur les droits
des peuples autochtones, de l’Instance permanente ou du Mécanisme d’experts) et d’autres INDH
• Les rapports établis par des médias sur des violations de droits des peuples autochtones.
Ces informations supplémentaires peuvent être utilisées pour contribuer au recoupement des allégations
et identifier les ensembles de violations de droits de l’homme.
Toutes les informations doivent être systématiquement compilées dans un format d’enregistrement
officiel permettant à d’autres agents ou services de l’INDH d’analyser et d’utiliser les données de façon
appropriée. Les données comprenant des informations confidentielles doivent être conservées dans un
lieu sûr et, dans la mesure du possible, être dépersonnalisées.
Lorsqu’elles enregistrent et stockent ces informations, les INDH doivent être conscientes du fait que
les peuples autochtones ont souffert pendant des décennies du détournement de leur identité, de leur
culture et de leurs pouvoirs décisionnels. Ce détournement a souvent pris la forme d’archives d’État.
La propriété et le contrôle de ces documents sont entre les mains de leur créateur, à savoir l’État.
Cependant, ces archives peuvent contenir des images de formes importantes d’expression culturelle et
de savoirs autochtones (par exemple de danses ou de cérémonies).242
Cet héritage a deux impacts principaux sur la capacité des INDH à créer un compte rendu efficace de
l’enquête menée sur une plainte déposée par une personne ou un peuple autochtone. Premièrement,
il peut y avoir une hésitation à fournir des informations que l’INDH va enregistrer. Deuxièmement, il
peut s’avérer nécessaire d’élaborer – en commun avec les peuples autochtones – un protocole
permettant d’enregistrer et d’archiver les documents relatifs aux peuples autochtones. Les principes de
la Déclaration peuvent servir de base à l’élaboration de ce protocole, notamment :
• L’autodétermination
• La participation au processus décisionnel
• Le consentement préalable, libre et éclairé
• Les droits à la culture.243
Si un protocole est élaboré puis promu auprès des communautés autochtones, il est probable qu’il contribuera
à faire reculer les hésitations des plaignants à fournir des informations que les INDH enregistreront.
244
244 Ce cas a été évoqué dans un document préparé par Mario Gomez sur les Commissions nationales des droits de l’homme et
les droits économiques, sociaux et culturels pour Circle of Rights, Economic, Social and Cultural Rights Activism: A Training
Resource, disponible à l’adresse suivante : www1.umn.edu/humanrts/edumat/IHRIP/circle/modules/module23.htm#_edn13.
Chapitre 10 :
Enquêtes publiques
QUESTIONS CLÉS :
• Quels sont les avantages et les inconvénients, pour les INDH, de
mener des enquêtes publiques sur les droits de l’homme des peuples
autochtones ?
• Quelles sont les étapes qui doivent être franchies pour préparer et mener
une enquête publique ?
Mener une enquête publique – également dénommée enquête nationale – sur des violations systémiques
ou extrêmement graves de droits de l’homme peut s’avérer une stratégie efficace pour les INDH.
Une enquête publique permet aux INDH d’enquêter au-delà d’une plainte individuelle et d’identifier
des questions structurelles ou des causes sous-jacentes en rapport avec des violations de droits de
l’homme. Des données efficacement recueillies dans le cadre de plaintes individuelles peuvent fournir
les preuves nécessaires pour justifier une enquête publique.
Si des INDH ne parviennent pas à faire état de violations graves ou systémiques de droits de l’homme,
cela peut porter atteinte à leur crédibilité. Pour les peuples autochtones, cela peut donner lieu à une
certaine méfiance et se traduire par un désengagement vis-à-vis de l’INDH.
Une enquête publique est particulièrement importante lorsqu’il devient évident qu’une INDH ne peut pas
résoudre un problème de droits de l’homme par l’intermédiaire de son programme de suivi ou de ses
mécanismes de plainte habituels.
Les enquêtes publiques sont également utiles car elles attirent souvent l’attention des médias, ce
qui favorise la sensibilisation et le soutien du public et peut déboucher sur une réforme législative ou
politique.
Pour en savoir plus sur la préparation et la tenue d’une enquête publique, on se référera au Manual on
Conducting a National Inquiry into Systemic Patterns of Human Rights Violation [Manuel sur la tenue
d’enquêtes publiques sur les ensembles systémiques de violations de droits de l’homme] publié par
l’APF et l’Institut Raoul Wallenberg des droits de l’homme et du droit humanitaire.245
245 Le Manuel a été publié en 2012 et est disponible en anglais à l’adresse suivante : www.asiapacificforum.net/support/resources.
1.2. ENQUÊTER SUR LES CAUSES SYSTÉMIQUES DES VIOLATIONS DES DROITS DE
L’HOMME
Les violations des droits de l’homme auxquelles sont confrontés les peuples autochtones sont
fréquemment causées par des problèmes sous-jacents et systémiques, telle que l’exclusion du
processus décisionnel. Une enquête publique peut devenir un moyen efficace d’examiner les causes
sous-jacentes des désavantages et des violations des droits de l’homme dont souffrent les autochtones.
2.1. RESSOURCES
Une enquête publique efficace exige de réaliser un investissement significatif en termes de temps,
d’expertise et de ressources humaines et financières que l’on devra lui consacrer. Les ressources
nécessaires dépendront de la portée de l’enquête (par exemple, sera-t-elle focalisée sur les droits de
l’homme des peuples autochtones en général ou sur aspect thématique précis ?) Des membres de
la Commission ainsi que des agents de l’INDH spécialistes des politiques, des médias et questions
administratives devront être habilités à exercer les activités relevant de l’enquête. Lorsque l’INDH ne
disposera pas de l’expertise nécessaire, elle devra faire appel à des consultants externes.
250
Un autochtone s’exprime lors d’une audience publique organisée dans le cadre de l’Enquête nationale sur les droits aux terres des peuples autochtones
de Malaisie. Photo : Commission malaisienne des droits de l’homme.
250 Commission malaisienne des droits de l’homme, “SUHAKAM to conduct a national inquiry into the land rights of indigenous
peoples in Malaysia”, disponible à l’adresse suivante : www.suhakam.org.my/web/682315/13.
Le lancement public doit communiquer les informations aux peuples autochtones dans un format
culturellement approprié et accessible et dans une langue aisément compréhensible, notamment par
les personnes et les communautés concernées par l’enquête.
Pour renforcer la participation du public à l’enquête, il conviendra d’explorer des méthodes innovantes
de réception des informations et des déclarations écrites. L’enquête pourra notamment recourir aux
médias sociaux, courriels et autres entretiens vidéo.
3.8. SUIVI
Les INDH doivent établir un dialogue avec les autorités compétentes afin de discuter des étapes de la
mise en œuvre des recommandations du rapport. Ces étapes devront faire l’objet d’un suivi.
Les INDH doivent également assurer un suivi auprès des peuples autochtones et des communautés
qui ont participé à l’enquête publique et leur transmettre un rapport sur la mise en œuvre des
recommandations.
251 252
251 Commission sud-africaine des droits de l’homme, Report on the Inquiry into Human Rights Violations in the Khomani San
Community (2004), p. 9-10, disponible à l’adresse suivante : www.sahrc.org.za/home/21/files/Reports/KHOMANI_SAN_
ENGLISH_FINAL.pdf.
252 Ibid., p. 4.
Partie III
L’action des institutions nationales des
droits de l’homme au plan international
105
106
Chapitre 11 :
Le Conseil des droits de l’homme
QUESTIONS CLÉS
• Comment les INDH peuvent-elles utiliser les mécanismes du Conseil
des droits de l’homme pour faire progresser les droits des peuples
autochtones ?
• Est-il possible d’établir des liens entre les mécanismes internationaux des
droits de l’homme et les activités nationales des INDH afin de protéger et
de promouvoir les droits des peuples autochtones ?
Le Conseil des droits de l’homme est un organe permanent des Nations Unies qui a pour objectif de
renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme à travers le monde. Il a été créé en 2006
par adoption de la résolution 60/251 de l’Assemblée générale afin de remplacer la Commission des
droits de l’homme. Il a pour mandat d’exercer ses activités en se fondant sur les principes d’égalité,
d’universalité, d’objectivité et de non-sélectivité.
Le Conseil des droits de l’homme est établi à Genève. Il est composé de 47 États membres élus par
l’Assemblée générale par un vote secret. La situation des droits de l’homme des États candidats, tout
comme les engagements qu’ils ont pris volontairement en la matière, doivent être pris en considération
pour élire les États membres.
L’ancienne Commission des droits de l’homme était un organe subsidiaire du Conseil économique et
social, tandis que le Conseil des droits de l’homme est un organe subsidiaire de l’Assemblée générale.
Une nouvelle dimension a ainsi été conférée au Conseil des droits de l’homme au sein du système des
Nations Unies.
Les INDH qui ont été dotées d’une accréditation de « statut A » conformément aux Principes de Paris
se sont vu reconnaître les droits de participation suivants au Conseil des droits de l’homme :
• Un statut d’accréditation distinct (différent de celui des États et des ONG)
• Le droit de s’exprimer sur l’ensemble des points de l’ordre du jour
• Le droit de s’exprimer immédiatement après l’État lors du dialogue interactif
• Le droit de faire des déclarations écrites qui seront incluses dans les comptes rendus officiels
des réunions
• La possibilité d’utiliser la vidéo-conférence pour participer au dialogue interactif
• L’attribution de places spéciales.
Le Conseil des droits de l’homme prévoit un certain nombre de mécanismes auxquels les INDH peuvent
recourir, notamment :
• L’examen périodique universel
• Les procédures spéciales, y compris le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones
(voir Chapitre 13)
Ouverture de la 21e session du Conseil des droits de l’homme. Photo : ONU/Jean-Marc Ferré.
• La procédure de plainte
• Le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones (voir Chapitre 13)
• Le Forum social.
1.1. PRINCIPES
• Universalité : L’ensemble des 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies sont
examinés et toutes les questions relatives aux droits de l’homme sont examinées.
• Périodique : Les examens sont effectués régulièrement et ne sont pas des événements non
récurrents.
• Égal : Le processus de l’examen suit un cadre convenu d’un commun accord et qui garantit le
traitement égal de l’ensemble des États.
• Coopératif : L’examen repose sur des informations fiables et objectives et sur un dialogue
interactif. L’implication totale de l’État faisant l’objet de l’examen est essentielle.
• Examen par les pairs : L’EPU est un processus d’examen des États intergouvernemental et
effectué par les pairs.
• Axé sur l’action : Les recommandations émises par les États ont pour objectif de promouvoir
des actions positives.
1.2. PÉRIODICITÉ256
• Le premier cycle de l’EPU a duré quatre ans ; le second cycle et les cycles suivants dureront
quatre ans et demi.
• Trois sessions de l’EPU sont organisées chaque année ; chacune des sessions dure deux
semaines.
• 14 États sont examinés à chacune des sessions ; 42 États sont examinés chaque année.
260
260 Comité international de coordination des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme, National
Human Rights Institutions and Universal Periodic Review Follow-up, p. 1-2, disponible à l’adresse suivante : http://nhri.ohchr.org/
EN/IHRS/UPR/Pages/default.aspx.
261 Résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, partie I.D, par. 15.
262 Résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, partie I.D, par. 15 (a).
263 APF, UPR Good Practice Compilation (2010), par. 3, disponible à l’adresse suivante : www.asiapacificforum.net/working-with-
others/un/human-rights-council/upr.
Les INDH peuvent également encourager leur gouvernement à diffuser un projet de rapport national
pour commentaires, comprenant notamment les commentaires de l’INDH.
Par ailleurs, les INDH doivent élaborer leur propre rapport en s’appuyant sur « [d’]autres informations
crédibles et dignes de foi ». Pendant le premier cycle de l’EPU, les informations fournies par les INDH ont
généralement été intégrées dans les informations fournies par les ONG et « d’autres parties prenantes ».
Néanmoins, pendant le second cycle et les cycles suivants, le « résumé des informations fournies par
les autres parties prenantes concernées devrait contenir, selon qu’il conviendra, une section distincte
consacrée aux contributions de l’institution nationale des droits de l’homme de l’État examiné dont
l’accréditation s’est faite en pleine conformité avec les Principes de Paris ».264
264 Résolution 16/21 du Conseil des droits de l’homme, part I.C.1, par. 9.
265 Résolution 5/1 du Conseil des droits de l’homme, part I.E, par. 26.
266 La liste des recommandations que chaque État a acceptées ou refusées est disponible à l’adresse suivante : www.upr-info.org.
267 Résolution16/21 du Conseil des droits de l’homme, part I.C.2, par. 13.
Les autres INDH de « statut A » sont également autorisées à faire des déclarations orales pendant la
session, si le temps le permet. Cependant, les déclarations doivent porter sur le projet de rapport et non
pas sur le dialogue interactif avec l’État examiné.
Suivi de
l’examen
Débat et
adoption du Processus
document final national
en plénière Cycle de
l’EPU
Examen au sein
Déclarations du Groupe
écrites après de travail
la session sur l’EPU
269
19e session du Conseil des droits de l’homme. Pendant la session, les membres se sont penchés sur les rapports de l’examen périodique universel consacrés,
notamment, à l’Irlande, au Swaziland, à la Syrie et à la Thaïlande, dans le cadre du processus du Conseil consistant à examiner périodiquement les bilans en
matière de droits de l’homme de l’ensemble des 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies. Photo : ONU/Jean-Marc Ferré.
269 A/HRC/14/NI/10.
270
270 National Human Rights Institutions and Universal Period Review Follow-Up, p. 1-2.
273 274
273 National Human Rights Institutions and Universal Periodic Review Follow-up, p. 3.
274 Ibid., p. 6.
2. PROCÉDURES SPÉCIALES
Les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme sont des experts indépendants spécialistes
des droits de l’homme qui ont pour mandat de faire rapport et de donner des conseils sur la situation
en matière de droits de l’homme d’un point de vue thématique ou dans une perspective spécifique à
un pays.
Le système des procédures spéciales est un élément central du dispositif de l’Organisation des Nations
Unies relatif aux droits de l’homme et couvre l’ensemble des droits de l’homme : civils, culturels,
économiques, politiques et sociaux. Au 1er janvier 2013, il y avait 36 mandats thématiques et 12 mandats
concernant un pays particulier.275
275 La liste des procédures spéciales est disponible à l’adresse suivante : www.ohchr.org/EN/HRBodies/SP/Pages/Welcomepage.
aspx.
276 APF, Position Paper: Engagement of National Human Rights Institutions with Special Procedures (2007), par. 24.
Chef autochtone de l’Amazonie occidentale (Brésil) prononçant une invocation à l’occasion de la Semaine mondiale de l’harmonie interconfessionnelle.
Photo : ONU/Devra Berkowitz.
Enfin, les INDH peuvent régulièrement communiquer avec le détenteur de mandat et lui fournir des
informations sur les progrès accomplis dans la mise en œuvre des recommandations du rapport. 280
280 International Human Rights and the International Human Rights System: A Manual for National Human Rights Institutions,
p. 53-54.
Participants à la réunion plénière de la cinquième session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones.
Photo ONU/Paulo Filgueiras
281 International Human Rights and the International Human Rights System: A Manual for National Human Rights Institutions,
p. 50-54.
Chapitre 12 :
Organes conventionnels
QUESTIONS CLÉS
• Comment les organes conventionnels peuvent-ils contribuer à la
promotion et à la protection des droits de l’homme des peuples
autochtones ?
• De quelles façons les INDH peuvent-elles interagir avec les organes
conventionnels pour attirer l’attention sur la situation des peuples
autochtones en matière de droits de l’homme ?
Les organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme sont des comités d’experts indépendants
qui procèdent au suivi de la mise en œuvre des traités internationaux. Ils sont créés par le traité dont ils
assurent le suivi282 et leur principale fonction consiste à étudier les rapports des États parties.
Outre leur obligation de mettre en œuvre d’importantes dispositions du traité, chaque État partie doit
soumettre des rapports périodiques à l’organe conventionnel compétent sur la façon dont les droits
sont mis en œuvre. Par exemple, les États parties à la Convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale sont régulièrement tenus de soumettre des rapports au
Comité pour l’élimination de la discrimination raciale.
Pour en savoir plus sur l’interaction des INDH avec le système des organes conventionnels, voir la Note
d’information du HCDH283 et le manuel de formation de l’APF sur le système international des droits de
l’homme.284
282 Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a été créé par la résolution 1985/17 du Conseil économique et social.
283 Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, Information Note: National Human Rights Institutions (NHRIs)
interaction with the UN Treaty Body System (2011), disponible en anglais à l’adresse suivante : http://nhri.ohchr.org/EN/
ICC/AnnualMeeting/24/4NHRI%20Treaty%20Bodies%20Engagement/NHRIs%20and%20the%20Treaty%20Bodies.
Infonote.11.4.2011.doc.
284 International Human Rights and the International Human Rights System: A Manual for National Human Rights Institutions, chap.
10-11 et 12.
285
Comité des droits de Pacte international sur les Oui Premier Protocole
l’homme droits civils et politiques facultatif (1966)
(1966)
Comité des droits Pacte international sur les Oui Protocole facultatif
économiques, sociaux et droits économiques, sociaux (2008)
culturels et culturels (1966)
Comité des droits des Convention relative aux Oui Protocole facultatif
personnes handicapées droits des personnes
handicapées (2006)
285 Le troisième Protocole facultatif établissant une procédure de présentation des communications a été ouvert à la signature en 2012.
Les activités des organes de traités chargés des droits de l’homme sont exercées par l’intermédiaire
d’un certain nombre de fonctions, conformément au traité spécifique dont elles relèvent. Ces activités
comprennent :
• Le système de présentation de rapports de l’État partie
• La réception des plaintes/communications individuelles
• L’élaboration des observations générales et des recommandations générales
• La conduite des enquêtes.
Les constatations et les recommandations des organes conventionnels fournissent des interprétations
et des déclarations de référence sur le contenu et la mise en œuvre du traité correspondant. Par
conséquent, ces travaux contribuent à l’élaboration de la jurisprudence internationale.
Les INDH peuvent jouer un rôle important dans ces fonctions en fournissant des informations utiles aux
organes conventionnels. Les INDH peuvent également utiliser les constatations et les recommandations
des organes conventionnels lorsqu’elles font du lobbying auprès de leurs gouvernements afin qu’ils
mettent en œuvre leurs obligations internationales et pour contrôler le respect – par les États – des
dispositions des traités.286
Afin de s’acquitter de leur responsabilité en matière de sensibilisation et d’éducation, les INDH peuvent
faire connaître et diffuser le texte des principaux instruments internationaux relatifs aux droits de
l’homme, ainsi que les conclusions, les points de vue et les décisions ayant trait aux communications et
observations générales des organes de traités.
Il est également nécessaire que les INDH sensibilisent un large public aux procédures de communications
des différents organes conventionnels. Elles soutiennent ainsi l’utilisation de ces procédures par les
victimes de violations des droits de l’homme et jouent un rôle stratégique dans la promotion des cas
susceptibles de créer une jurisprudence spécifique. Par ailleurs, les INDH peuvent élargir leur fonction
éducative afin d’y intégrer une formation professionnelle au processus d’établissement de rapports et
de mise en œuvre destinée aux principales parties prenantes nationales et internationales.
Villageoises de Kyauk Ka Char, dans l’État du Shan, au Myanmar. Photo ONU/Mark Garten.
286 Déclaration de Marrakech sur le renforcement de la relation entre les INDH et le système des organes de traités chargés des
droits de l’Homme (10 juin 2010), p. 4, cl. 17.
Pour chacune des fonctions des organes de traités, les INDH peuvent promouvoir la Déclaration en tant
qu’outil interprétatif permettant de comprendre comment le traité approprié est applicable aux peuples
autochtones de l’État partie. 287
Dans son observation générale sur les droits des enfants autochtones287,
le Comité des droits de l’enfant a explicitement utilisé la Déclaration
pour interpréter la façon dont la Convention est applicable aux enfants
autochtones :
10. En 2007, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la
Déclaration sur les droits des peuples autochtones, qui donne des
orientations importantes sur les droits des peuples autochtones
et fait expressément référence aux droits des enfants autochtones
dans un certain nombre de domaines.
45. Le Comité appelle l’attention des États sur le paragraphe 2 de
l’article 8 qui dispose que, si un enfant a été illégalement privé des
éléments constitutifs de son identité ou de certains d’entre eux,
l’État doit lui accorder une assistance et une protection appropriées,
pour que son identité soit rétablie aussi rapidement que possible.
Le Comité encourage les États parties à garder à l’esprit l’article
8 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples
autochtones qui dispose que les États doivent mettre en place des
mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant tout
acte qui priverait les autochtones, y compris les enfants, de leur
identité ethnique.
82. Enfin, le Comité invite instamment les États parties à adopter une
approche des enfants autochtones qui soit fondée sur les droits
et repose sur la Convention et d’autres instruments internationaux
pertinents comme la Convention no 169 de l’OIT et la Déclaration
des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Afin de
garantir le suivi effectif de la mise en œuvre des droits des enfants
autochtones, les États parties devraient renforcer leur coopération
directe avec les communautés autochtones et, si besoin, solliciter
la coopération technique d’organisations internationales, dont
les entités des Nations Unies. L’autonomisation des enfants
autochtones et l’exercice effectif de leur droit à leur propre culture,
leur propre religion et leur propre langue constituent l’un des
fondements essentiels d’un État pluriculturel qui s’acquitte de ses
obligations en matière de droits de l’homme.
287 Comité des droits de l’enfant, observation générale n°11 (2009) sur les enfants autochtones et leurs droits en vertu de la
Convention.
informations transmises par d’autres sources. S’appuyant sur ce processus, l’organe de traité adopte
des observations finales qui font référence aux aspects positifs de la mise en œuvre effectuée par l’État
et aux domaines pour lesquels elles recommandent que l’État prennent des mesures supplémentaires.
Pour chacune des phases de la procédure d’établissement et de présentation des rapports, les INDH
doivent utiliser la Déclaration afin d’interpréter la façon dont le traité approprié est applicable aux peuples
autochtones de leur pays et dans quelle mesure il a été mis en œuvre à cet égard. Les INDH doivent
défendre l’idée que l’organe de traité et leur État utilisent également la Déclaration à cette fin.
288 International Human Rights and the International Human Rights System: A Manual for National Human Rights Institutions, p. 121.
Aborigènes et insulaires du détroit de Torres lors de la cérémonie d’ouverture de l’exposition Indigenous Peoples: Honouring the Past, Present and
Future. Photo ONU/Mark Garten
289
Le rapport doit être équilibré et prendre en considération les effets positifs et négatifs. Si l’État a déployé
des efforts constructifs pour promouvoir et protéger les droits de l’homme, ces efforts doivent être pris
en compte.
Les rapports alternatifs doivent également suggérer des questions et des problèmes que l’organe de
traité peut soulever afin d’en débattre avec l’État, et proposer des recommandations que l’organe de
traité pourrait examiner dans le cadre de ses observations finales. 290
291 Un liste des organes de traités est disponible à l’adresse suivante : www.ohchr.org/EN/HRBodies/Pages/HumanRightsBodies.aspx.
292 International Human Rights and the International Human Rights System: A Manual for National Human Rights Institutions,
p. 118-119.
2. PLAINTES/COMMUNICATIONS INDIVIDUELLES
La plupart des organes de suivi des traités relatifs aux droits de l’homme294 peuvent prendre en
considération les plaintes émanant de particuliers estimant que leurs droits énoncés dans le traité
ont été violés (voir tableau ci-dessus). Il s’agit d’une fonction quasi-judiciaire. Les plaintes ne peuvent
être déposées qu’à l’encontre des États ayant reconnu l’organe de traité comme compétent pour
examiner les plaintes individuelles. Selon le traité concerné, la procédure impliquera de devenir partie à
un Protocole facultatif ou de faire une déclaration en vertu d’un article du traité.
293 Réponse au questionnaire du HCDH sur les bonnes pratiques qui peuvent être envisagées pour faire respecter les droits des
peuples autochtones.
294 Les informations relatives aux procédures de requête relevant des organes de traités sont disponibles à l’adresse suivante :
www2.ohchr.org/english/bodies/petitions/index.htm.
œuvre les constatations de l’organe de traité et d’offrir un recours approprié. Néanmoins, les points de
vue sur les communications relatives aux plaintes individuelles ne sont pas juridiquement contraignants.
L’organe de traité encourage activement l’État à mettre en œuvre sa décision, y compris par
l’intermédiaire de la procédure d’établissement des rapports de l’État partie. Le Conseil des droits de
l’homme encourage également l’État, par le biais de l’examen périodique universel, à mettre en œuvre
les décisions prises par les organes de traités.
Bien que certains États ne respectent pas les décisions des organes de traités, nombre d’entre eux ont
proposé aux plaignants différentes voies de recours. Ces décisions exercent par ailleurs une influence
sur l’élaboration des normes internationales car elles constituent un ensemble d’interprétations quasi-
judiciaires des traités.
En ce qui concerne les peuples autochtones, les décisions prises par le Comité des droits de l’homme
et le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale ont exercé une influence significative sur
l’élaboration des normes internationales en matière de droits de l’homme. Il est également envisagé que
la Déclaration donne une impulsion supplémentaire aux travaux des organes de traités.
3. OBSERVATIONS GÉNÉRALES
Les organes de traités émettent également des observations générales afin d’enrichir le contenu normatif
des obligations de procédure et de fond qu’ils comportent. Ces enrichissements font autorité et aident
les États parties à interpréter et à mettre en œuvre leurs obligations au titre des traités.
Les organes de traités se sont plus particulièrement intéressés aux questions relatives aux
droits de l’homme des peuples autochtones dans un certain nombre de leurs observations
générales ou recommandations générales, notamment :
Recommandation générale n° 23 (1997) du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale sur les
peuples autochtones.
Observation générale n° 21 (2009) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit de
chacun à participer à la vie culturelle.
Observation générale n° 20 (2009) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur la non-
discrimination dans l'exercice des droits économiques, sociaux et culturels.
Observation générale n° 17 (2005) du Comité des droits économiques, sociaux et culturels sur le droit
de chacun de bénéficier de la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production
scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur.
Observation générale n° 23 (1994) du Comité des droits de l’homme sur les droits des minorités.
Observation générale n° 11 (2009) du Comité des droits de l’enfant sur les enfants autochtones et leurs
droits découlant de la Convention.
Les INDH peuvent être consultées pendant la phase d’élaboration des observations générales. Elles
peuvent également recommander qu’un organe de traité examine une question pour laquelle une
observation générale s’avère nécessaire.
Les observations générales constituent une source précieuse d’informations de référence qui permettent
d’enrichir le contenu normatif des traités relatifs aux droits de l’homme. Les INDH peuvent utiliser ces
observations générales pour orienter les recommandations faites à leur État sur la meilleure façon de
mettre en œuvre ses obligations en matière de droits de l’homme.
Les INDH doivent surveiller et enregistrer les observations générales en rapport avec les droits de
l’homme des peuples autochtones.
295 296
295 Commission australienne des droits de l’homme, Social Justice Report 2005 (2005), chap. 2.
296 Pour en savoir plus, veuillez consulter : www.humanrights.gov.au/social_justice/health/index.html.
297 A/48/18, annexe III.
298 A/62/18, annexe III, par. 12 (h).
299 Voir www2.ohchr.org/english/bodies/cerd/docs/Laos_12.03.1010.pdf.
Le Comité peut décider de se saisir d’une situation particulière au titre de ses procédures d’alerte rapide
et d’intervention d’urgence en se fondant sur les informations mises à sa disposition par une INDH.300
Les INDH doivent également promouvoir la sensibilisation à ces procédures auprès des peuples
autochtones.
Chapitre 13 :
Mécanismes spécifiques aux droits
des peuples autochtones
QUESTIONS CLÉS
• De quelles façons les INDH peuvent-elles contribuer aux travaux de
l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones ?
• De quelles façons les INDH peuvent-elles interagir avec le Mécanisme
d’experts sur les droits des peuples autochtones?
• Comment les INDH peuvent-elles soutenir le Rapporteur spécial sur les
droits des peuples autochtones et contribuer à ses travaux ?
Les trois principaux mécanismes des Nations Unies qui œuvrent exclusivement à la promotion et à la
protection des droits des peuples autochtones sont :
• L’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, un organe subsidiaire
du Conseil économique et social
• Le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, un organe consultatif composé
de cinq experts du Conseil des droits de l’homme
• Le Rapporteur spécial sur les droits des peuples autochtones, l’une des procédures spéciales du
Conseil des droits de l’homme.
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 139
L’Instance permanente tient des sessions annuelles de deux semaines au Siège des Nations Unies à
New York. Elle a tenu sa première session en mai 2002.
L’Instance permanente est composée de 16 membres qui sont des experts indépendants siégeant à
titre personnel. Chacun des membres siège pendant trois ans et peut être réélu ou reconduit pour un
mandat supplémentaire. Huit membres sont élus par des organisations de peuples autochtones et les
huit autres membres sont désignés par les États et élus par le Conseil économique et social.304
L’Instance permanente est soutenue par un secrétariat, établi au Siège des Nations Unies au sein de
la Division des politiques sociales et du développement du Département des affaires économiques et
sociales des Nations Unies qui :
• Prépare les sessions annuelles de l’Instance permanente et qui apporte son soutien aux membres
• Prône, facilite et promeut la coordination de la mise en œuvre, au sein du système des
Nations Unies, des recommandations qui émergent de chaque session annuelle et promeut la
sensibilisation aux questions relatives aux peuples autochtones au sein du système des Nations
Unies et auprès des gouvernements et du grand public
• Sert de source d’information et de coordination pour les efforts de plaidoyer déployés en rapport avec
le mandat de l’Instance permanente et les problèmes persistants relatifs aux peuples autochtones.305
140 | Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones
Déléguée autochtone lors de la douzième session de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones.
Photo : ONU/Rick Bajomas.
306 Comme le stipule la résolution 2000/22 du Conseil économique et social au paragraphe 1, tous les participants sont des
observateurs.
307 Pour en savoir plus, veuillez consulter : www.un.org/esa/socdev/unpfii/en/session_faq.html#3.
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 141
308
Les INDH peuvent contribuer aux sessions de l’Instance permanente en faisant des déclarations orales
sur des points de l’ordre du jour, notamment sur le point permanent de l’ordre du jour qui est consacré
à la Déclaration. Elles peuvent également accueillir, indépendamment ou en partenariat avec d’autres
INDH ou organisations de peuples autochtones, des événements parallèles ayant pour objet d’attirer
l’attention sur un problème spécifique.309 Enfin, les INDH peuvent chercher à présenter des interventions
orales pendant la session.
142 | Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones
Les INDH sont bien placées pour nouer un dialogue avec l’Instance permanente dans le cadre des
activités qu’elles mènent au niveau national. De la même façon que pour les organes de traités, les
INDH peuvent constituer pour l’Instance permanente une importante source d’informations crédibles et
indépendantes.
L’Instance permanente a également pour fonction de coordonner et d’intégrer les questions autochtones
au sein du système des Nations Unies. Les INDH peuvent aider l’Instance permanente à accomplir cette
tâche en travaillant avec les organismes des Nations Unies œuvrant dans leur juridiction. 312
1.2.3. Diffusion
Les INDH peuvent diffuser des rapports et recommandations de l’Instance permanente, et procéder au
suivi des recommandations faites à l’intention des États.
312 Présentation à l’intention de la consultation sous-régionale organisée par le HCDH, The Operationalization of the United Nations
Declaration on the Rights of Indigenous Peoples by National Human Rights Institutions.
313 Les rapports soumis par des INDH au Mécanisme d’experts sont disponibles à l’adresse suivante : www.ohchr.org/EN/Issues/
IPeoples/EMRIP/Pages/ContributionsSession3.aspx.
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 143
314
Femme autochtone Amazigh, du Maroc, à la septième réunion de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones.
Photo : ONU/Paulo Filgueiras.
144 | Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones
Comme celle de l’Instance permanente, la session annuelle du Mécanisme d’experts donne aux INDH
une excellente occasion de travailler avec des organisations de peuples autochtones et de partager des
informations sur les bonnes pratiques. Les exemples de bonnes pratiques impliquant l’utilisation de la
Déclaration pour promouvoir et protéger les droits des peuples autochtones peuvent enrichir les travaux
des INDH. 315
2.2.2. Diffusion
Les INDHU peuvent diffuser les études et les conseils du Mécanisme d’experts, ainsi que
des rapports de suivi sur les recommandations qu’il a faites.
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 145
317
317 Résolution15/14.
146 | Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones
Il est important de souligner que le Rapporteur spécial est chargé de la promotion de la Déclaration et
des autres instruments internationaux pertinents. Le rapporteur spécial a également pour mandat de
travailler en étroite coopération avec les INDH.
Pour s’acquitter de ce mandat, le Rapporteur spécial :
• Promeut les bonnes pratiques, notamment les nouveaux dispositifs législatifs, programmes
gouvernementaux et accords constructifs entre les peuples autochtones et les États, visant à
mettre en œuvre les normes internationales relatives aux droits des peuples autochtones
• Fait rapport sur la situation générale des peuples autochtones en matière de droits de l’homme
dans les pays sélectionnés (on notera que le Rapporteur spécial ne peut visiter un pays que si
l’État lui a adressé une invitation officielle)
• Traite des cas spécifiques de violations présumées des droits de l’homme par le biais de
communications adressées à des États ou à d’autres organes
• Conduit des études thématiques sur des sujets particulièrement importants relatifs à la promotion
et à la protection des droits des peuples autochtones ou contribue à ces études.318
Dans son premier rapport soumis au Conseil des droits de l’homme, le Rapporteur spécial actuel a
procédé à une analyse de la Déclaration et des mesures qui doivent être prises par les parties prenantes
concernées, notamment les États, le système des Nations Unies, les peuples autochtones et la société
civile. Dans ce rapport, le Rapporteur spécial a indiqué souhaiter utiliser la Déclaration comme cadre
normatif pour orienter ses travaux.319
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 147
320
148 | Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones
Chapitre 13 : Mécanismes spécifiques aux droits des peuples autochtones | 149
Résumé
CHAPITRE 1 : CONTEXTE DE LA DÉCLARATION
• Les peuples autochtones ont des cultures, langues, systèmes juridiques et histoires uniques
et distincts. La plupart ont des liens étroits avec l’environnement et leurs terres et territoires
traditionnels. Il est également fréquent qu’ils aient hérité d’un déplacement hors des terres
et territoires traditionnels, d’un assujettissement, d’une destruction de leurs cultures, d’une
discrimination et de violations récurrentes de leurs droits de l’homme.
• Après des décennies pendant lesquelles ils ne se sont vu accorder que peu ou pas d’attention
par la communauté internationale, les peuples autochtones ont gagné en visibilité et se sont fait
entendre au sein des instances internationales.
• L’Étude Martinez Cobo a contribué à jeter les bases du système moderne et international des
droits de l’homme des peuples autochtones.
• La Déclaration est l’instrument le plus complet sur les droits des peuples autochtones.
• Le système des Nations Unies n’a pas élaboré une définition stricte des « peuples autochtones »
qui pourrait ne pas fonctionner dans tous les contextes et pourrait s’avérer, selon les cas,
insuffisamment ou démesurément inclusive.
• L’auto-identification est un critère clé de la détermination d’un groupe de personnes ou d’un
individu en tant qu’autochtone.
Résumé | 151
conformément à leurs propres procédures, ainsi que le droit de conserver et de développer leurs
propres institutions décisionnelles.
• La Déclaration exige que les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples
autochtones intéressés – par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives – avant
d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner
les peuples autochtones, afin d’obtenir leur consentement préalable, donné librement et en
connaissance de cause.
• La consultation et la participation sont des éléments essentiels du consentement.
152 | Résumé
• Les INDH sont encouragées à créer les conditions d’une présence autochtone au sein de leur
organisation. Il est important d’impliquer les peuples autochtones et leurs organisations dans le
processus de recrutement des membres autochtones du personnel.
• Les programmes de travail spécifiquement axés sur les autochtones favoriseront la présence
d’autochtones au sein des INDH. Les membres du personnel qui travaillent au sein de ces unités
doivent satisfaire à des critères de sélection supplémentaires de façon à ce qu’ils soient dûment
qualifiés et habitués à travailler de manière sensible et appropriée avec les peuples autochtones.
• Lorsqu’elles travaillent avec des peuples autochtones, les INDH doivent être guidées par une
approche fondée sur les droits de l’homme.
Résumé | 153
154 | Résumé
Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent de lettres majuscules et de
chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte signifie qu’il s’agit d’un document de l’Organisation.
HR/PUB/13/2
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : Un manuel à l’intention des
institutions nationales des droits de l’homme
© Forum Asie-Pacifique des institutions nationales des droits de l’homme et le Haut-Commissariat des
Nations Unies aux droits de l’homme, août 2013
L’APF et le HCDH autorisent la libre reproduction d’extraits de cette publication sous réserve que les éditeurs
soient dûment mentionnés et qu’un exemplaire de la publication comprenant l’extrait soit envoyé aux adresses
suivantes :
Crédits
Les photographies des Nations Unies sont la propriété de l’Organisation des Nations Unies, qui détient
l’ensemble des droits liés à leur utilisation.
Photographies de la couverture
À gauche : Femmes autochtones Hmong semant des pousses de riz au Vietnam. Photographie ONU/
Kibae Park.
Rangée inférieure, de gauche à droite : Femme Saami de Norvège pendant la onzième session de
l’Instance permanente des Nations Unies ; photographie ONU/Mark Garten. Enfants autochtones du peuple
Embera, en Colombie ; photographie ONU/Mark Garten. Un frère et une sœur autochtones d’Australie ;
© April Pyle/Amnesty International Australie. Danseur Apache Yellow Bird pendant la cérémonie d’ouverture
de la quatrième session du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones ; photographie
ONU/Jean-Marc Ferré.
APF et HCDH
La Déclaration des
Nations Unies sur les droits
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones : Un manuel à l’intention des institutions nationales des droits de l’homme
des peuples autochtones