Méthode de Rééducation Des Troubles Articulatoires Isolés Avec Guide Langue

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Méthode de rééducation

des troubles articulatoires isolés


avec les guide-langue
de S. Borel-Maisonny

Christiane Langel
Orthophoniste
Maîtrise de linguistique
Ex-chargée d'enseignement à l'Université Paris VI

fil
Editions Jaquet
Editions Jaquet
SOMMAIRE

AVANT-PROPOS 5

INTRODUCTION 7

LES SUBSTITUTIONS [k] ¢ [t] et [g] ¢ [d] 9

LES SUBSTITUTIONS [J1 ¢ [s] et [3] ¢ [z] 15

LES SIGMATISMES ANTERIEURS ..............•........... 19


'

LES SIGMATISMES LATERAUX ........•.................... 25


l. Correction du [s] schlinté : 1ère étape 27
2. Correction du [s] schlinté : 2ème étape 29
3. Correction du U1 schlinté 30

LA SUBSTITUTION [I] ¢ [j] .............................•... 33

LES GUIDE-LANGUE 37

3
AVANT-PROPOS

Cet ouvrage est issu d'un exposé oral présenté en 1991 au Congrès de l'ASHA
(American Speech and Hearing Association) à Atlantic City (USA). Il s'agissait de
faire connaître à un public d'orthophonistes américains les guide-langue de Suzanne
BOREL-MAISONNY utilisés depuis des décennies en France pour la correction des
troubles d'articulation.

Pour la préparation de ce travail, nous avions rencontré à plusieurs reprises


Madame BOREL, fondatrice de l'orthophonie en France, alors âgée de 91 ans.

Elle-même avait été, dès 1920, l'élève de l'Abbé ROUSSELOT, créateur de la


phonétique expérimentale, et fut amenée à collaborer avec le Docteur VEAU,
chirurgien fort connu, lui aussi, pour avoir révolutionné les techniques opératoires
dans le domaine des fentes labiales et palatines.

Madame BOREL nous exposa comment elle avait eu l'idée, vers 1926, pour
rééduquer l'articulation des enfants opérés par le Docteur VEAU, de fabriquer ces
petits instruments : les guide-langue.

Dans une salle du Service de Stomatologie de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul,


elle fabriquait elle-même ses guide-langue à partir d'aiguilles à tricoter ou de crochets,
et d'une résine dont se servaient les dentistes à l'époque. Cette résine étant modelable
à chaud, elle façonnait les formes dont elle avait besoin, puis les plongeait dans un
récipient contenant un liquide froid pour solidifier l'embout.

Ainsi est née la collection des guide-langue dont le nombre a récemment été
ramené de 24 à 13. En effet, certains instruments quasiment inutilisés ont été
abandonnés, et une collection plus réduite apparaît, d'utilisation plus facile, plus
aisément stérilisable et plus économique.

Malgré l'ancienneté de ces instruments de travail et la relative désaffection


qu'ils ont pu connaître pendant une période, dans les années 70 et 80, l'expérience nous
a montré que leur utilisation se justifie encore pleinement.

5
INTRODUCTION

Nous ne prétendons pas ici à l'exhaustivité en matière de rééducation


articulatoire. D'ailleurs les guide-langue ne sauraient être utilisés pour la correction de
tous les troubles d'articulation isolés.

Cette instrumentation, cependant, s'avère des plus précieuses dans un certain


nombre de cas bien délimités. En effet, son usage, associé à une bonne connaissance
de la phonétique articulatoire et à une analyse fine des mouvements et positions à
rectifier, permet d'établir, chaque fois qu'il se justifie, un conditionnement stable en un
minimum de temps.

Nous avons choisi de ne présenter ici que les quelques cas de correction
articulatoire pour lesquels nous avons le plus fréquemment recours aux guide-langue.
Les principes généraux de leur utilisation seront donnés au fur et à mesure de l'exposé
des différents exemples.

7
LES SUBSTITUTIONS
[k] ¢ [t] et [g] ¢ [d]

Pour la figuration des phonèmes et le placement des guide-langue, deux


présentations, dont on peut voir les premiers exemples ci-dessous, seront utilisées tout
au long de ce manuel:

1° des coupes sagittales des cavités sus-glottiques et organes articulatoires,


images réalisées d'après des radiographies décalquées,

2º des palatogrammes permettant d'observer la forme du contact de la langue


sur la voûte palatine.

On rencontre assez fréquemment chez les jeunes enfants une antériorisation du


point d'articulation des consonnes [k] et [g], qui deviennent alors analogues à [t] et
[d].

Figure 1

[t]

Figure 2

[k]
9
Dans ce cas, pour obtenir l'articulation des palatales [k] et [g], il est nécessaire
de modifier la position de la langue en réalisant simultanément deux choses :

1 º maintenir l'apex lingual en position basse,

2º refouler le dos de la langue vers le haut et vers l'arrière, contre la voûte


palatine.

On peut atteindre ce but en utilisant un abaisse-langue en bois, lequel présente


toutefois certains inconvénients. Tout d'abord, le contact rugueux de l'instrument de
bois est plus ou moins désagréable, sans parler du réflexe nauséeux qu'il déclenche
assez fréquemment. En outre, l'abaisse-langue rappelle à certains enfants des
explorations ORL ressenties comme intempestives, voire brutales, d'où souvent une
appréhension que ne suscite en général pas le guide-langue, inconnu de l'enfant. Enfin,
l'abaisse-langue à modèle unique répond moins bien à nos besoins que les guide-
langue de formes variées, ainsi que nous allons le voir.

Pour la correction de la substitution [k] ¢ [t] , nous utilisons couramment


différents guide-langue placés dans la cavité buccale comme l'indiquent les schémas
ci-dessous.

a) Avec un enfant de 5 ans environ, puisque c'est l'âge auquel on a le plus


fréquemment à rééduquer ce type de trouble, le guide-langue "nn 11" est
particulièrement adapté. La figure 3 indique comment s'effectuent les deux fonctions :

1 º maintien de l'apex lingual contre le plancher buccal,

2º aplatissement du dos de la langue qui s'élève en direction de la voûte


palatine.

J
I
Figure 3

guide langue "nn 11"

10
b) Certains sujets réagiront mieux avec le guide langue "nn4" placé comme l'indique
la figure 4.

Figure 4

guide langue "nn4"

c) Enfin, on peut préférer l'utilisation d'une spatule: guide-langue "nn9" ou "nn12",


ou même "nn13" dont la largeur permet d'éviter le relèvement des bords de la langue
à l'avant, pour un adulte par exemple.

Figure 5

guide langue "nn 13"

Ce premier cas illustre un principe général de l'utilisation des guide-


langue: pour un phonème déterminé, il n'y a pas de guide-langue spécifique. Il se peut
qu'on utilise en fait plus souvent certains instruments pour obtenir un phonème donné,
mais le choix dépendra en définitive du mouvement erroné à supprimer, de la position
nouvelle à établir, de la taille et des réactions des organes phonateurs du sujet.

De façon générale, grâce à l'utilisation du guide-langue, le patient va dès la


première séance s'entendre prononcer correctement le son qu'il n'était jamais parvenu
à émettre. Il perçoit en même temps la correspondance de ce son et du mouvement qui
permet de le produire.

11
Très rapidement, on fera répéter des syllabes sans sens, puis des mots et des
phrases. Et ainsi de suite, du simple au complexe, selon la procédure traditionnelle et
au rythme des possibilités du sujet.

Autre avantage du guide-langue par rapport à l'abaisse-langue à modèle


unique : Madame BOREL nous enseigne comment ces instruments permettent
d'établir un conditionnement visuel qu'on peut substituer très vite à l'aide auditivo-
kinesthésique de départ. En effet, si l'on a pris soin d'utiliser toujours le même
instrument ou le même type d'instrument pour un sujet donné et pour l'acquisition d'un
phonème donné, il suffira au bout d'un certain temps, variable selon les cas, de
présenter le guide-langue qui a servi à produire le son correct à la vue du patient pour
qu'aussitôt celui-ci trouve de lui-même le mouvement à effectuer.

Photo 1

Plus tard, et toujours selon un principe de conditionnement visuel, nous


remplacerons le guide-langue par un geste de rappel. Madame BOREL a ainsi mis au
point une série de gestes ( un par phonème) dont nous nous servons par ailleurs dans
sa méthode d'apprentissage de la lecture. Ex: [k]

12
Photo 2

Ici, l'index dirigé en un geste bref vers l'intérieur de la bouche entrouverte


indique que l'occlusion se fait par contact du dos de la langue avec l'arrière du palais.

Ce geste de rappel, tout comme le guide-langue utilisé au départ, sera supprimé


dès qu'il ne sera plus nécessaire. Il faudra "déconditionner après avoir conditionné".

13
LES SUBSTITUTIONS
U1 e> [s] et [3] e> [z]

Ce second exemple de substitution de phonèmes est sans aucun doute celui que
nous avons à rééduquer le plus fréquemment chez les enfants francophones.

Pour obtenir le phonème lf] à partir d'un [s] déjà existant, il faut

1 º créer un résonateur buccal plus grand en faisant reculer l'apex lingual,


2º obtenir simultanément la projection labiale vers l'avant.

Figure 6

[s]

Figure 7

[J]
Si la projection labiale est relativement simple à réaliser d'emblée, par imitation
visuelle, par pression de la main sur les joues de l'enfant ou par reproduction de bruits
familiers (chut! - la locomotive à vapeur), il n'en va pas toujours de même pour le
recul de la langue.

Ici, plus encore que pour les phonèmes [k] et [g] envisagés précédemment, la
position linguale est peu accessible au contrôle visuel, d'où l'intérêt du recours au
guide-langue pour faire produire, dans un premier temps et de façon passive, à la fois
le mouvement et le son voulus.
15
a) Avec les enfants de 5 ou 6 ans, l'utilisation du guide-langue "nn4", en forme de
demi-sphère et placé comme indiqué sur la figure 8, est généralement la solution la
plus efficace. Notons ici que le serrage de la tige du guide-langue par les incisives
juste à l'arrière de l'embout plastique permet d'éviter la propulsion mandibulaire
adoptée par certains enfants pour différencier la série [J]-[3] de la série [s]-[z], et si
difficile à corriger par la suite.

Figure 8

guide langue "nn4"

b) Pour un sujet plus âgé, on obtiendra plus sûrement le recul lingual avec d'autres
guide-langue, le "nn6" en particulier.

Figure 9

guide langue "nn6"

Ces choix ne sont d'ailleurs pas les seuls possibles. L'important est de se
souvenir qu'avec un même sujet et pour un même phonème à corriger, on choisira
toujours le même instrument, qu'on utilisera en bouche le moins longtemps possible
pour laisser le relais au conditionnement visuel, par l'instrument lui-même ou par le
geste de rappel.

16
l
Dans le cas présent ( obtention de UJet [3]), en même temps qu'on fait reculer
l'apex lingual grâce au guide-langue, on suscite la projection labiale en exerçant avec
la main une pression sur les joues du patient.

Photo 3

Par la suite, ce mouvement seul suffira à entraîner, par synergie, le recul lingual
souhaité.

Photo 4

17
Ce geste de la main appuyant simultanément sur les deux joues est précisément
le geste de rappel qu'a choisi Madame BOREL pour symboliser le phonème [Jl

L'orthophoniste le fera donc sur lui-même (stimulus visuel seul) après l'avoir
fait sur le patient. Alors nombreux sont les ,sujets qui spontanément copient le geste
en miroir et se facilitent ainsi la tâche.

Photo 5

Puis viendront comme toujours et successivement le stade des syllabes sans


sens, avec voyelles facilitatrices pour commencer, le stade des mots et des phrases,
puis celui de la "lecture indirecte".

Si l'un des principaux mérites de notre instrumentation est de faire gagner un


temps précieux en début de traitement, l'intervention quasi-systématique des parents
pour un travail d'équipe avec l'enfant à la maison permet ensuite "d'économiser" bien
des séances.

Toutefois, l'aide des parents n'étant guère sollicitée avant le stade de la lecture
indirecte, ces derniers, sauf exception, n'auront jamais à se servir des guide-langue.

18
LES SIGMATISMES ANTERIEURS

La prononciation interdentale ou addentale des constrictives [s] et [z] participe


chez l'enfant d'une tendance générale à antérioriser les points d'articulation des
phonèmes, tout comme les deux exemples envisagés précédemment (substitutions
[k-g] ¢ [t-d] et [J-3] ¢ [s-z]).

Ce phénomène est à rattacher au mode de déglutition dit "infantile", à rattacher


aussi au fait que, chez l'enfant, la langue est relativement plus grosse par rapport au
volume de la cavité buccale qu'elle n'est chez l'adulte.

Il n'est donc pas surprenant que, ces conditions anatomiques et physiologiques


se modifiant jusqu'à l'adolescence, le sigmatisme antérieur ait tendance à régresser
spontanément sans traitement.

Chacun sait qu'il n'en va pas toujours ainsi et que certains adultes conservent à
des degrés divers ce sigmatisme interdental ou addental généralement lié à une posture
linguale basse et antérieure, et à une déglutition atypique, le tout souvent dans un
contexte orthodontique également perturbé.

Les schémas présentés ci-dessous figurent :

1 º La version interdentale du [s] dont on sait qu'elle a valeur phonologique


dans d'autres langues que le français. C'est par exemple le "th sound" de
l'anglais.
Notons au passage que chez les sujets anglophones, le sigmatisme interdental
sur [s] et [z] existe et semble n'être ni plus ni moins fréquent que chez nous.

(l)<Jüv
Figure 10
Interdental

19
2° La version addentale, souvent plus difficile à corriger que la précédente, ne
serait-ce qu'en raison d'un contrôle visuel moins évident.

Figure 11 Addental

3º La version standard où l'apex lingual est légèrement dirigé vers le bas. La


langue ménage alors entre elle et la barrière des incisives un petit résonateur
antérieur qui permettra la production du son sifflant caractéristique du [s].

Figure 12 [s]

Si le recours au guide-langue s'avère nécessaire, on l'utilisera dans un premier


temps pour indiquer au patient la zone vers laquelle doit se diriger l'apex lingual (les
alvéoles des incisives inférieures). Puis on procédera comme indiqué ci-après.

20
a) Le guide-langue le plus employé pour la correction du sigmatisme interdental sur
[s], du moins chez les jeunes enfants, est le "nnl", constitué d'une petite boule. On
demande au sujet de reproduire, sur imitation, le son entendu : un [s] prolongé, tout
en tenant entre les incisives la tige du guide-langue, les lèvres étant étirées vers
l'arrière à la manière d'un sourire. On obtient ainsi :

1 º le resserrement des maxillaires,


2º le retrait obligé de la langue dans la cavité buccale,
3º la création du résonateur antérieur caractéristique des sifflantes.

Figure 13

guide langue "nnl"

Photo 6

21
b) Pour un adolescent ou un adulte, le choix du guide- langue "nn2", de forme à peu
près identique mais de volume plus important, sera préférable. On pourra d'ailleurs, en
exagérant un peu le recul lingual, éviter de faire passer le sujet du sigmatisme
interdental à un sigmatisme addental peut-être encore plus difficile à corriger par la
suite.

Figure 14

guide langue "nn2"

c) Enfin, on peut avoir à créer sur le dos de la langue le sillon médian nécessaire à la
production correcte des sifflantes par l'utilisation du guide-langue "nn3" qui assurera
cette fonction en plus des autres décrites ci-dessus.

Figure 15

guide langue "nn3"

22
Signalons ici un point sur lequel Madame BOREL insistait tout
particulièrement à propos de la manière dont les guide-langue fonctionnent.

Lorsqu'on veut obtenir le recul du point d'articulation d'un phonème, comme


dans les cas exposés précédemment, il ne s'a~it pas d'exercer sur la langue une
pression vers l'arrière, qui par réaction entraînerait presque à coup sûr une poussée
linguale vers l'avant, à l'encontre du but recherché. Mais il faut comprendre que, pour
un phonème donné, le son juste est obtenu, entre autres choses, par une certain degré
de tension musculaire. Or, cette tension, nous l'obtenons par le simple contact de la
langue avec l'instrument, puis, comme on l'a vu, par la vision seule de l'instrument.

En somme, on pourrait presque dire que le guide-langue ne sert pas à créer le


mouvement mais à le suggérer, les organes phonateurs adoptant alors la position et
surtout le degré de tension nécessaires à l'émission juste.

Parler dents serrées : une technique très souvent utile.

On enseigne en général que dans la correction des sigmatismes antérieurs, dès


la répétition des syllabes "consonne+ voyelle ouverte" et a fortiori lorsqu'on aborde
les mots et les phrases, les arcades dentaires ne doivent pas rester en occlusion, ceci
afin d'éviter de donner à la parole un caractère artificiel.

Or, l'expérience nous a montré que, lorsque le recul lingual nécessaire est
acquis (avec ou sans recours initial au guide-langue) la prononciation dents
modérément serrées pendant les exercices d'articulation, et jusque dans la pratique de
la lecture indirecte ou directe, aide souvent le patient à stabiliser sa langue de la
manière nouvellement apprise.

Lorsque ensuite intervient le passage dans la parole courante, c'est tout


naturellement que les mâchoires se desserrent, la langue ayant pris, grâce à cet
artifice peu orthodoxe, l'habitude de se positionner correctement pour la production
des constrictives, objets de la rééducation.

23
LES SIGMATISMES LATERAUX

Alors que normalement l'articulation des constrictives [s]-[z] et [J]-[3] nécessite


le passage de l'air par un canal médian dirigé d'arrière en avant et creusé sur le dos de
la langue, si cette dernière prend appui sur le palais de telle sorte qu'elle empêche la
formation de ce canal, le flux d'air va s'échapper unilatéralement ou bilatéralement
selon différentes modalités, variables d'un sujet à l'autre, mais dont le résultat restera
parfaitement reconnaissable à l'audition comme un phénomène unique.

Les trois schémas de la figure 16 sont des représentations théoriques faites à


partir de dizaines de palatogrammes réels, et destinées à figurer les contacts
anormaux langue/palais ainsi que les déviations de l'air phonatoire qui s'ensuivent.

Figure 16

25
Le sigmatisme latéral, plus souvent appelé schlintement (Borel), peut affecter
diversement le système phonétique du sujet:

1 º Seuls [s] et[z] peuvent être schlintés, U] et [3] restant indemnes.


2º Seuls [J] et [3] peuvent être schlintés, [s] et [z] restant indemnes.
3º Les quatre phonèmes peuvent être latéralisés.
4 º En outre, il n'est pas rare qu'un même patient présente un sigmatisme interdental
sur la série [s]-[z] et latéral sur la série UJ-(3].

La rééducation du schlintement est réputée difficile en raison précisément du


polymorphisme de ce trouble. De plus, contrairement au sigmatisme interdental, il ne
montre aucune tendance à régresser spontanément avec l'âge en l'absence d'une rééducation
appropriée.

Pour les besoins de cette publication, nous avons recherché les dossiers des patients
rééduqués par nous sur une période de 1 O ans, soit pour un sigmatisme interdental soit pour
un schlintement. Il se trouve que les pourcentages de réussite sont sensiblement les mêmes
pour les deux types de troubles. Précisons toutefois qu'en raison de la qualité des
prescripteurs, essentiellement orthodontistes ou odonto-stomatologistes, notre population
comportait très peu d'enfants de moins de 8 ans, une majorité de grands enfants, de pré-
adolescents ou d'adolescents et une quantité non négligeable d'adultes. De là nous
concluons qu'avec une technique précise, fondée d'abord sur le conditionnement neuro-
musculaire, la rééducation du schlintement n'est pas plus difficile que celle du sigmatisme
interdental qui peut sembler a priori plus simple.

C'est dans la correction de ces sigmatismes latéraux que l'utilisation des guide-
langue nous a toujours paru la plus utile, pour ne pas dire indispensable.

Pour la correction d'un [s] schlinté, nous procédons habituellement en deux temps :

1 º Le patient "schlinteur" ayant du mal à garder la langue plate en position


symétrique---> 1ère étape---> utilisation d'un premier type d'instruments (pages 27
et 28).

2º Ce même patient ayant du mal à former puis à conserver sur le dos de la langue
la gouttière médiane qui permettra l'écoulement normal de l'air phonatoire --->
2ème étape---> utilisation d'un deuxième type d'instruments (page 29).

Pour la correction du [J] schlinté, nous aborderons d'emblée la 2ème étape


mentionnée ci-dessus, mais tout un travail de tonification des bords de la langue et surtout
des joues, voire des lèvres, sera effectué parallèlement au travail de positionnement lingual.

26
l. Correction du [s] schlinté : 1ère étape

Nous faisons tout d'abord produire une articulation interdentale très exagérée
pour obtenir et vérifier l'aplatissement symétriq~e de la langue. S'il s'agit d'un enfant,
on peut lui faire tirer mollement la langue entre les incisives et la lui caresser à l'aider
d'un guide langue plat ("nn13" par exemple) ou encore lui demander d'imiter le chien
haletant.

Photo 7

Puis, quel que soit l'âge du patient, on utilisera un guide-langue plat et mince
que l'on introduira dans la région médiane, entre les incisives supérieures et la langue,
celle-ci restant toujours en position interdentale. Les figures 17, 18 et 19 représentent
l'utilisation de trois instruments de la série ("nn13", "nn9" et "nn5") qui seront choisis
en fonction de la taille et des réactions de la langue du sujet.

Figure 17

guide langue "nn 13"

27
Figure 18

guide langue "nn9"

Figure 19

guide langue "nn5"

Ici, la langue n'entrant pas en principe en contact avec le palais, nous n'avons
pas représenté les habituels palatogrammes mais une langue vue "d'en haut" dans
son rapport avec le guide-langue choisi.

Dans cette position, nous demandons au patient de souffler droit devant lui,
puis, lorsque la direction du souffle est bonne, de rentrer très progressivement la
langue derrière les incisives tout en la laissant plate et symétrique.

Photo 8

28
2. Correction du [s] schlinté : 2ème étape

Tout en invitant le patient à poursuivre le recul progressif de sa langue, nous


remplacerons le guide-langue plat par un autre instrument long et fin ("nn3"), destiné
à former et à maintenir le sillon médian nécessaire à la production du [s].

Photo 9

Figure 20

guide langue "nn3" [s]

Généralement, les premières fois que l'apex lingual, dans son mouvement de
recul, passe la barrière des incisives, la langue bascule et l'on entend à nouveau
schlinter. Il faut alors faire ressortir la langue et recommencer le recul progressif
jusqu'à ce que le souffle reste médian, même avec l'apex derrière les incisives. Le son
entendu sera alors le sifflement aigu caractéristique du [s] que l'on fera suivre de la
voyelle [i] facilitatrice, puis d'autres voyelles, selon la progression classique.

A ce stade, la rééducation du schlintement sur les consonnes [s] et [z] rejoindra


celle du sigmatisme interdental et se poursuivra de la même manière.

Notons pour terminer que bon nombre de schlintements sur [s] et [z} cèdent en
utilisant simplement la technique exposée précédemment pour les sigmatismes
antérieurs.

29
3. Correction du lf1 schlinté

Lorsqu'au départ les quatre consonnes sont schlintées, il est possible d'obtenir
Ia seconde série, [JJ-[3], à partir de la première, [s]-[z], déjà corrigée comme nous
venons de le voir. Il s'agira pour cela de réaliser simultanément deux gestes :

1 º la création d'un résonateur buccal plus grand en faisant reculer l'apex


lingual tout en maintenant ouvert le canal médian pour le passage de l'air
phonatoire. Les guide-langue "nn7" et "nnlO", utilisés comme indiqué sur les
figures 21 et 22, permettent d'assurer cette double fonction.

2º la projection labiale vers l'avant obtenue dans un premier temps par


pression de la main sur les joues du patient (cf. page 17, photo 3).

Figure 21

guide langue "nn7"

Figure 22

guide langue "nn I O"

30
Cette procédure pourra s'appliquer d'emblée pour l'obtention du [SJ dans les cas
où seule la série [J]-[3] est schlintée, ou lorsqu'elle s'avère plus facile à corriger que
la série [s]-[z]. L'utilisation des guide-langue "nn4" ou "nn6", de la manière exposée
pages 16 et 17, est parfois plus efficace dans ces deux derniers cas.

Un travail de tonificati on des bords de la langue, qu'on trouvera décrit dans


différents ouvrages, sera souvent nécessaire pour obtenir un résultat satisfaisant et
durable.

Nous insisterons sur le fait que la rééducation du schlintement, particulièrement


lorsqu'il affecte les consonnes [J] et [3], ne se conçoit pas sans un renforcement
parallèle de la sangle labio-jugale.

Pour tonifier les joues du schlinteur, on utilise classiquement les guide-langue


plats et longs ("nn9" ou "nn12") ou encore ovoïdes ("nn2" ou "nn6") que l'on place à
l'intérieur de la joue. Le patient est alors invité à résister à la traction exercée vers
l'extérieur en ramenant l'instrument contre ses arcades dentaires par la seule
contraction de ses muscles jugaux.

Photo 10

31
En ce qui concerne les lèvres, l'exercice du bouton plat attaché à une cordelette
et inséré verticalement dans le vestibule entre incisives et lèvres dans le but de
renforcer l'orbiculaire par résistance à la traction exercée sur la cordelette est
maintenant suffisamment connu pour qu'il ne soit pas nécessaire d'y insister.

En revanche, nous reviendrons sur l'utilisation peut-être un peu oubliée du


guide-langue cylindrique ("nn8") qui permet d'exercer la projection labiale,
entraînement fort utile pour nombre de nos patients à la musculature hypotonique ou
trop peu mobile.

Photo 11

Pour les schlintements, peut-être plus encore que pour les sigmatismes
antérieurs, nous soulignerons l'intérêt de la prononciation dents serrées (cf. page 23)
pour stabiliser le positionnement lingual nouvellement acquis et faciliter le passage
dans la parole courante.

32
LA SUBSTITUTION
[1] e> [j]

Sans doute la plus fréquente des altérations pouvant affecter le phonème [l]
chez le jeune enfant, ce lambdacisme sera pour nous l'occasion d'évoquer plusieurs
utilisations un peu marginales des guide-langue.

Comme il apparaît ci-dessous, la production du phonème [l] nécessite

1 º l'élévation du bord antérieur de la langue contre l'avant du palais,

2º l'abaissement des zones dorsale et postérieure de la langue permettant la


sortie bilatérale du souffle phonatoire.

Figure 23

[j]

Figure 24

[I]

33
Pour obtenir d'emblée un [l] phonétiquement satisfaisant, on demandera au
sujet de tirer la langue et, tout en émettant sur imitation des vibrations laryngées,
d'aller toucher avec l'apex lingual un point situé sur sa lèvre supérieure, et si
possible sur le philtrum. Ce point, nous le lui indiquerons par contact avec
l'extrémité d'un guide-langue.

Photo 12

Ensuite, on utilisera la tige du guide-langue placée en travers de la langue ainsi


tirée, pour maintenir le passage bilatéral de l'air phonatoire.

Photo 13

Le sujet étant habitué au son correct, il sera invité à le reproduire tout en


rentrant progressivement l'apex lingual qui viendra toucher successivement le bord
des incisives supérieures, les alvéoles, puis la zone rétroalvéolaire, point d'articulation
normal du [l], cela tout en conservant le même dispositif.

34
Pour finir, la tige du guide-langue, reculée jusqu'aux commi ssures labiales,
maintiendra le dos de la langue en position basse pour empêcher le retour à
l'articulation d'un UJ.

Photo 14

Notons enfin qu'il est utile de se servir d'un guide-langue pour faire sentir au
patient de façon commode et précise la papille rétroincisive, zone prépalatale où se
situent également les points d'articulation des consonnes [t]-[d] et [n], ainsi que le
point d'appui normal de l'apex lingual au repos et lors de la déglutition dans les
rééducations orthodontiques.

35
LES GUIDE-LANGUE

La collection originale des guide-langue conçue par Madame BOREL-


MAISONNY comprenait 24 instruments. Aujourd'hui, certains d'entre eux étant
quasiment inutilisés, cette collection a été ramenée à 13.

Afin d'éviter les confusions, la nouvelle collection a fait l'objet d'une nouvelle
numérotation dont les références ont été utilisées tout au long de ce manuel, les
nouveaux numéros étant précédés de l'indication "nn" (nouvelle numérotation).

Les différents guide-langue de cette nouvelle collection sont présentés c1-


dessous.

nnl nn2 nn3 nn4 nnS nn6 nn7

nn8 nn9 nnlO nnll nn12 nn13


37

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