Le Médecin Malgré Lui - Molière
Le Médecin Malgré Lui - Molière
Le Médecin Malgré Lui - Molière
ISBN : 978-2-03-586653-0
AVANT D’ABORDER L’ŒUVRE
Fiche d’identité de l’auteur
Molière
Nom : Jean-Baptiste POQUELIN, dit MOLIÈRE.
Naissance : janvier 1622, à Paris.
Famille : père tapissier du roi, mère morte en 1632.
Jeunesse : collège à Paris chez les jésuites puis études de droit à Orléans.
En 1642, prend la charge de tapissier à la demande de son père. Rencontre
la comédienne Madeleine Béjart.
Rupture : en 1643, quitte la demeure familiale et renonce à sa charge
pour devenir comédien. La famille Béjart l’invite à s’engager dans sa
troupe.
Les débuts : en 1643, création de l’Illustre-Théâtre, représentations à
Paris. En 1645, début d’une période itinérante de treize ans en province.
Première comédie en 1655, à Lyon : L’Étourdi. En 1657, la troupe joue à
Dijon, Lyon, Grenoble, Rouen (rencontre avec Corneille).
Paris et la reconnaissance royale : en 1658, Molière met en scène
Nicomède de Corneille puis la farce du Docteur amoureux. Immense
succès et faveur royale. Se produit au théâtre du Petit Bourbon, puis au
théâtre du Palais-Royal. En 1662, épouse Armande Béjart, de vingt ans sa
cadette : ce mariage fera l’objet de bien des calomnies. Création de
L’École des femmes (1662) : Molière est accusé de blasphème et
d’immoralité. En 1664, anime la fête « Les Plaisirs de l’île enchantée », à
Versailles, puis création du Tartuffe : la pièce est interdite sous la pression
des dévots. La troupe devient troupe officielle du roi en 1665, mais le
scandale causé par Dom Juan oblige Molière à retirer sa pièce. En 1666,
après le demi-échec du Misanthrope, retour à la farce avec Le Médecin
malgré lui. Suivront Le Bourgeois gentilhomme, Les Fourberies de
Scapin.
La disgrâce et la mort : Molière est supplanté dans la faveur royale par
Lulli. Le Malade imaginaire, comédie-ballet, est créé à Paris en l’absence
du roi. Le 17 février 1673, Molière meurt, en sortant de scène.
Enterrement de nuit à Paris, sans inhumation chrétienne.
Pour ou contre Molière ?
Pour
Charles Augustin SAINTE-BEUVE :
« Le Sganarelle de Molière, dans toutes ses variétés de valet, de mari,
[…] de tuteur, de fagotier, de médecin, est un personnage qui appartient
en propre au poète. »
Portraits littéraires, 1844
Jacques COPEAU :
« C’est pour être si peu surchargé que son comique nous paraît si fort.
C’est à son aération qu’il doit d’être à ce point délié, clair, tonique. »
Souvenirs du Vieux-Colombier, Nouvelles Éditions latines, 1931
Contre
Nicolas BOILEAU :
« C’est par là que Molière illustrant ses écrits Peut-être de son art eût
remporté le prix, Si, moins ami du peuple en ses doctes peintures, Il
n’eut point fait souvent grimacer ses figures, Quitté pour le bouffon,
l’agréable et le fin. »
Art poétique, 1674 (à propos des Fourberies de Scapin)
Jean-Jacques ROUSSEAU :
« Examinez le comique de cet auteur : partout vous trouverez que les
vices de caractère en sont l’instrument, et les défauts naturels le sujet ;
que la malice de l’un punit la simplicité de l’autre, et que les sots sont
victimes des méchants : ce qui, pour n’être que trop vrai dans le monde,
n’en vaut pas mieux à mettre au théâtre avec un air d’approbation. »
Lettre à d’Alembert sur les spectacles, 1758
Repères chronologiques
Fiche d’identité de l’œuvre
Le Médecin malgré lui
Auteur : Molière, à 44 ans, vient de mettre en scène Le Misanthrope.
Genre : théâtre (farce).
Forme : dialogue en prose.
Structure : trois actes qui correspondent à trois thèmes : la querelle de
ménage, la satire de la médecine, l’intrigue amoureuse.
Principaux personnages : Sganarelle, fagotier déguisé en médecin, le
plus présent sur scène, joyeux, insolent,ivrogne et paresseux. Martine, sa
femme, intelligente et rusée. Géronte, vieillard cupide qui veut marier sa
fille malgré elle. Lucinde, sa fille, jeune première mais pas si ingénue,
amoureuse de Léandre. Jacqueline, la nourrice, haute en couleurs. Lucas,
son mari jaloux et benêt, et Valère, domestiques de Géronte. Thibaut,
paysan, et son fils Perrin.
Sujet : Martine, battue par son mari, décide de se venger en faisant croire
qu’il est médecin et qu’il a obtenu des guérisons miraculeuses, mais qu’il
ne se reconnaît médecin que par la force. Valère et Lucas assènent donc
des coups de bâton à Sganarelle pour qu’il avoue ! Dans la maison de
Géronte, leur maître, Sganarelle va soigner Lucinde, devenue subitement
muette. Là, sous son nouvel habit, il joue gaiement son rôle, donne à son
tour des coups de bâton à Géronte, courtise Jacqueline sous les yeux de
son mari, et après la consultation de Lucinde, assaisonnée de latin de
cuisine, se fait grassement payer par le vieillard. Léandre, l’amoureux de
la jeune fille, révèle à Sganarelle la supercherie : Lucinde feint d’être
muette pour empêcher le mariage arrangé par son père. Sganarelle, à
nouveau richement payé par Léandre, accepte de les secourir. Lucinde
avoue ses sentiments à son père et s’enfuit alors avec Léandre, tandis que
Sganarelle occupe Géronte. Mais Lucas le dénonce : Sganarelle est
menacé de pendaison, avant qu’un coup de théâtre n’arrange
heureusement la situation.
Pour ou contre Le Médecin malgré
lui ?
Pour
Marie-Thérèse de SUBLIGNY :
« Molière, dit-on, ne l’appelle
Qu’une petite bagatelle ;
Mais cette bagatelle est d’un esprit si fin
Que, s’il faut que je vous le die,
L’estime qu’on en fait est une maladie
Qui fait que dans Paris tout court au Médecin. »
La Muse dauphine, août 1666
René BRAY :
« C’est un chef-d’oeuvre, et qui fut accueilli comme tel. La farce y
prend de l’ampleur. Le poète prouve qu’il a pleine conscience de la
fonction comique du genre. »
Molière, homme de théâtre, Mercure de France, 1954
Contre
VOLTAIRE :
« Le Médecin malgré lui soutint Le Misanthrope ; c’est peut-être à la
honte de la nature humaine, mais c’est ainsi qu’elle est faite : on va plus
à la comédie pour rire que pour être instruit. Le Misanthrope était
l’ouvrage d’un sage qui écrivait pour les hommes éclairés ; et il fallut
que le sage se déguisât en farceur pour plaire à la multitude. »
Vie de Molière avec de petits sommaires de ses pièces, 1739
Pour mieux lire l’œuvre
Au temps de Molière
En 1666, Molière triomphe comme auteur, comédien et chef de troupe du
roi. Mais il est aussi l’objet de nombreuses critiques lorsqu’il fait
représenter Le Médecin malgré lui.
Considéré jusque-là comme un simple amuseur, il s’est lancé depuis
quelques années dans un genre intermédiaire, à la frontière du tragique, où
la peinture de caractères s’enrichit d’une réflexion sur l’hypocrisie dans
les comportements individuels et les institutions sociales, ce qui lui vaut
de violentes critiques. Le Tartuffe, où l’on voit un faux dévot s’établir dans
une famille qu’il tente de dilapider, a été interdit. Le personnage de Dom
Juan qui, dans sa quête du plaisir et de la liberté, tient tête jusqu’au bout à
la menace chrétienne de l’Enfer, et qui finit par prendre le masque du
dévot pour que la société le laisse tranquille, relance le scandale. Deux
mois avant Le Médecin malgré lui, Molière subit un échec avec Le
Misanthrope : Alceste y apparaît en révolté, qui condamne l’hypocrisie
d’une société fondée sur le mensonge.
On considère généralement que Le Médecin malgré lui, écrit juste après
Le Misanthrope, marque un retour au gros rire destiné à plaire et à
accroître les recettes. De fait, cette pièce est une de celles que Molière a
reprises le plus souvent (59 fois), ce qui témoigne de son succès.
Sganarelle, le médecin
Molière retrouve avec cette farce le personnage de Sganarelle, qu’il a
toujours interprété, et déjà présent dans cinq pièces écrites de 1660 à
1666 : Sganarelle ou Le Cocu imaginaire, L’École des maris, Le Mariage
forcé, Dom Juan, L’Amour médecin. Incarnation suprême et dernière, le
Sganarelle du Médecin malgré lui était en fait apparu pour la première fois
dans une farce datant de la période de l’Illustre Théâtre : Le Médecin
volant, où il était déjà un médecin rusé et joyeux. Ainsi, le dernier
Sganarelle rejoint le premier.
Un lien unit donc le personnage à l’habit de médecin, qu’il endossait
rapidement dans Dom Juan, et qu’il assume triomphalement dans Le
Médecin malgré lui. Cette pièce appartient en effet à la lignée des
comédies de Molière qui proposent une satire de la médecine, jusqu’à la
dernière, Le Malade imaginaire, où le vieil Argan vit entre purges et
lavements, victime de M. Fleurant l’apothicaire, de M. Purgon, et surtout
de Diafoirus père et fils, médecins imbé ciles et ignorants. La figure du
médecin est d’ailleurs une très vieille source comique, comme l’atteste, au
Moyen Âge, le fabliau du Vilain Mire, dont s’inspire ici Molière. Il faut
dire que le médecin-apothicaire, avec ses allures de sorcier, est aussi un
bonimenteur, dont le bagout était bien connu des habitants de Paris.
Molière enfant y fut sans doute sensible lorsqu’il accompagnait son grand-
père au Pont-Neuf. Car Sganarelle est surtout, dans Le Médecin malgré
lui, l’emblème du comédien qui, par ses prouesses et ses voltiges, fait
triompher l’amour et la comédie. Le spectateur, loin de le condamner, est
ébloui par ses facéties verbales qui lui permettent de saper l’autorité d’un
vieillard tyrannique, tandis qu’il sème le désordre et la gaieté dans un
univers familial triste, fondé sur le respect et l’obéissance au père et au
maître tout-puissant. Ainsi, Sganarelle obéit bien au sens étymologique de
son nom. Le verbe italien sgannare signifie « désabuser », « détromper » :
Sganarelle, grâce à son déguisement, révèle au spectateur l’hypocrisie
d’une société. La farce, sans quitter pour autant le registre comique,
permet au public d’en prendre conscience.
L’essentiel
Après l’échec du Misanthrope, Molière revient au rire populaire de la
farce et à l’un de ses personnages favoris, qu’il interprète lui-même,
l’extraordinaire Sganarelle, dont l’exubérance et les capacités
d’improvisation rappellent la folie des personnages masqués de la
commedia dell’arte. Sganarelle offre à Molière une nouvelle occasion
de critiquer les pseudo-médecins de l’époque, mais surtout la possibilité
d’une revanche contre tous les rabat-joie sûrs d’eux, dont le vieux
Géronte est ici la figure.
L’œuvre aujourd’hui
Des signes trompeurs
Certes, la médecine d’aujourd’hui n’est pas celle d’autrefois, mais la
condamnation d’une institution qui a un tel pouvoir reste d’actualité. Les
médecins au temps de Molière s’exprimaient en latin ou avec des termes
techniques et savants, inintelligibles pour les autres, portaient avec
solennité robes noires et chapeaux…
Or toutes ces mesures d’intimidation utilisées par les médecins au temps
de Molière, fondées sur le vêtement, la gestuelle, le langage, n’ont pas
disparu. Ainsi, certains médecins peuvent encore aujourd’hui faire peur
lorsque, à un patient angoissé, ils imposent un diagnostic obscur, sans que
l’on ose leur opposer quoi que ce soit. Car le pouvoir des médecins repose
sur la peur, ce que mettra en scène Molière dans Le Malade imaginaire
avec Argan, si hanté par son angoisse de mort et d’abandon, qu’il « gobe »
tout.
Ici aussi, Géronte « gobe » tout, jusqu’au plus incroyable. Cependant, ce
n’est pas la peur de la mort qui l’anime, mais son goût pour l’argent,
puisqu’il ne pourra marier sa fille malade à temps pour en tirer un grand
profit financier. Aussi le spectateur peut-il se réjouir à bon droit que
Géronte reçoive des coups de bâton et perde sa bourse, juste punition de sa
convoitise et de ses abus de pouvoir.
Dès lors, c’est surtout la bêtise du dupé qui est mise en scène : Géronte
croit aux signes que lui donne Sganarelle, son vêtement, son langage, ses
postures… et c’est la force aveugle de la crédulité, toujours
contemporaine, qui se trouve condamnée. Pensons aujourd’hui à ceux qui
croient les charlatans, paient cher pour des potions ou des formules
magiques…
Reste que si Sganarelle, en trompant Géronte, fait du spectateur le
complice amusé de cette mascarade, n’oublions pas qu’il dupe aussi
Thibaut et Perrin, de simples paysans, inquiets pour la santé de la mère de
famille. Si la scène reste dans le ton de la farce, le faux médecin n’en est
pas moins redoutable, volant plus pauvre que lui, jouant de la légitime
angoisse de voir mourir un être cher.
Finalement, tout est affaire de langage et d’autorité, comme nous
l’indiquait d’emblée la première réplique de la pièce : « C’est à moi de
parler et d’être le maître. » Et malheur à ceux qui, tel le paysan
analphabète, sont exclus de la maîtrise du langage : ils seront forcément
dupés. La robe noire des médecins, même parodiquement portée par un
bouffon virtuose de l’intrigue et du verbe, nous rappelle aussi d’autres
robes, celles des dévots, à qui Molière s’était affronté dans Le Tartuffe. Par
ailleurs, dans son ultime réplique adressée à sa femme (« et songe que la
colère d’un médecin est plus à craindre qu’on ne pourrait croire »),
Sganarelle continue à jouer de son habit pour réaffirmer son autorité virile
et conjugale. Méfions-nous des postures et des beaux-parleurs, semble
nous dire Molière, surtout quand ils sont au service d’un pouvoir : sous le
rire final, demeure la menace.
Scène 1
SGANARELLE, MARTINE, paraissant sur le théâtre en se
querellant.
SGANARELLE. Non, je te dis que je n’en veux rien faire, et que c’est à moi
de parler et d’être le maître.
MARTINE. Et je te dis moi, que je veux que tu vives à ma fantaisie1, et que
je ne me suis point mariée avec toi pour souffrir tes fredaines2.
SGANARELLE. Oh ! la grande fatigue que d’avoir une femme ! et
qu’Aristote3 a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un
démon !
MARTINE. Voyez un peu l’habile4 homme, avec son benêt d’Aristote.
SGANARELLE. Oui, habile homme. Trouve-moi un faiseur de fagots5 qui
sache, comme moi, raisonner des choses, qui ait servi six ans un fameux
médecin, et qui ait su dans son jeune âge son rudiment6 par cœur.
MARTINE. Peste du fou fieffé7 !
SGANARELLE. Peste de la carogne8 !
MARTINE. Que maudit soit l’heure et le jour, où je m’avisai d’aller dire oui !
SGANARELLE. Que maudit soit le bec cornu9 de notaire qui me fit signer ma
ruine !
MARTINE. C’est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire ! devrais-
tu être un seul moment sans rendre grâces au Ciel de m’avoir pour ta
femme ? et méritais-tu d’épouser une personne comme moi ?
SGANARELLE. Il est vrai que tu me fis trop d’honneur : et que j’eus lieu de
me louer la première nuit de nos noces ! Eh ! morbleu ! ne me fais point
parler là-dessus : je dirais de certaines choses…
MARTINE. Quoi ! que dirais-tu ?
SGANARELLE. Baste10, laissons là ce chapitre, il suffit que nous savons ce
que nous savons, et que tu fus bien heureuse de me trouver.
MARTINE. Qu’appelles-tu bien heureuse de te trouver ? Un homme qui me
réduit à l’hôpital11, un débauché, un traître qui me mange tout ce que
j’ai ?…
SGANARELLE. Tu as menti ; j’en bois une partie.
MARTINE. Qui me vend, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis.
SGANARELLE. C’est vivre de ménage12.
MARTINE. Qui m’a ôté jusqu’au lit que j’avais !…
SGANARELLE. Tu t’en lèveras plus matin.
MARTINE. Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison.
SGANARELLE. On en déménage plus aisément.
MARTINE. Et qui, du matin jusqu’au soir, ne fait que jouer et que boire.
SGANARELLE. C’est pour ne me point ennuyer.
MARTINE. Et que veux-tu, pendant ce temps, que je fasse avec ma famille ?
SGANARELLE. Tout ce qu’il te plaira.
MARTINE. J’ai quatre pauvres petits enfants sur les bras…
SGANARELLE. Mets-les à terre.
MARTINE. Qui me demandent à toute heure du pain.
SGANARELLE. Donne-leur le fouet. Quand j’ai bien bu et bien mangé, je
veux que tout le monde soit saoul13 dans ma maison.
MARTINE. Et tu prétends, ivrogne, que les choses aillent toujours de même ?
SGANARELLE. Ma femme, allons tout doucement, s’il vous plaît.
MARTINE. Que j’endure éternellement tes insolences et tes débauches ?
SGANARELLE. Ne nous emportons point, ma femme.
MARTINE. Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger à ton
devoir ?
SGANARELLE. Ma femme, vous savez que je n’ai pas l’âme endurante14, et
que j’ai le bras assez bon.
MARTINE. Je me moque de tes menaces !
SGANARELLE. Ma petite femme, ma mie15, votre peau vous démange, à
votre ordinaire.
MARTINE. Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.
SGANARELLE. Ma chère moitié, vous avez envie de me dérober quelque
chose16.
MARTINE. Crois-tu que je m’épouvante de tes paroles ?
SGANARELLE. Doux objet de mes vœux, je vous frotterai les oreilles.
MARTINE. Ivrogne que tu es !
SGANARELLE. Je vous battrai.
MARTINE. Sac à vin !
SGANARELLE. Je vous rosserai17.
MARTINE. Infâme !
SGANARELLE. Je vous étrillerai18.
MARTINE. Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, gueux,
bélître, fripon, maraud, voleur19 !…
SGANARELLE. (Il prend un bâton, et lui en donne.) Ah ! vous en voulez,
donc.
MARTINE, criant. Ah! ah ! ah ! ah !
SGANARELLE. Voilà le vrai moyen de vous apaiser.
Scène 2
M. ROBERT, SGANARELLE, MARTINE.
Scène 3
MARTINE, seule.
Va, quelque mine29 que je fasse, je n’oublie pas mon ressentiment30 et je
brûle en moi-même de trouver les moyens de te punir des coups que tu me
donnes. Je sais bien qu’une femme a toujours dans les mains de quoi se
venger d’un mari, mais c’est une punition trop délicate pour mon pendard,
je veux une vengeance qui se fasse un peu mieux sentir ; et ce n’est pas
contentement31 pour l’injure32 que j’ai reçue.
Action
1. Relevez les didascalies dans la première scène. En quoi permettent-
elles de distinguer différents moments de la progression dramatique ?
2. Montrez que l’on peut découper cette scène 1 en trois parties.
3. Comment s’achève la première scène ? À votre avis, qui, de
Sganarelle ou de Martine, l’emporte ?
4. Comment la scène 2 s’enchaîne-t-elle à la précédente ?
Personnages
5. Qu’apprend-on sur Sganarelle dans la première scène ?
6. Étudiez l’apparition de M. Robert : a-t-il une fonction dans l’intrigue ?
7. Quel portrait pouvez-vous dresser de Martine à la fin de l’acte ?
Langue
8. À quoi renvoie le pronom « en » dans la première réplique ? Que
devez-vous imaginer ?
9. Comment s’enchaînent les deux premières répliques ? Trouve-t-on,
plus loin dans la scène, le même procédé ?
10. Expliquez « faiseur de fagots » (sc. 1).
11. Expliquez « Apprenez que Cicéron dit qu’entre l’arbre et le doigt il ne
faut point mettre l’écorce » (sc. 2). Trouvez-vous ailleurs dans la scène
le même procédé comique ?
12. Expliquez la dernière réplique de la première scène.
13. Relevez et étudiez quelques jurons.
14. Quels verbes apparaissent le plus fréquemment dans la scène 2 ?
Quelles constructions syntaxiques sont reprises ?
Écriture
15. Rédigez une scène de théâtre où, à l’occasion d’une dispute, deux
personnages en viennent à échanger des jurons. N’oubliez pas les
didascalies…
À retenir
Les trois premières scènes constituent une attaque joyeuse de la pièce et
la situent aussitôt dans le genre de la farce, entraînant le spectateur dans
un climat de folie. Molière a choisi d’ouvrir sa pièce sur un mode
vivant et extrêmement rapide, tout en livrant certaines informations sur
Sganarelle qui auront une suite dans la pièce. Il ne s’agit donc pas
d’une exposition figée, mais d’une exposition en action.
Scène 4
VALÈRE, LUCAS, MARTINE.
SGANARELLE entre sur le théâtre en chantant et tenant une bouteille. La, la,
la…
VALÈRE. J’entends quelqu’un qui chante, et qui coupe du bois.
SGANARELLE. La, la, la… Ma foi, c’est assez travaillé pour boire un coup.
Prenons un peu d’haleine. (Il boit et dit après avoir bu :) Voilà du bois qui
est salé1 comme tous les diables. (Il chante.)
Qu’ils sont doux,
Bouteille jolie,
Qu’ils sont doux,
Vos petits glougloux !
Mais mon sort ferait bien des jaloux,
Si vous étiez toujours remplie.
Ah ! bouteille, ma mie,
Pourquoi vous videz-vous ?
Allons, morbleu ! il ne faut point engendrer de mélancolie.
VALÈRE, bas, à Lucas. Le voilà lui-même.
LUCAS, bas, à Valère. Je pense que vous dites vrai, et que j’avons bouté le
nez dessus.
VALÈRE. Voyons de près.
SGANARELLE, les apercevant, les regarde en se tournant vers l’un puis vers
l’autre, et abaissant sa voix, dit en embrassant sa bouteille. Ah ! ma petite
friponne ! que je t’aime, mon petit bouchon ! (Il chante.)
Mais mon sort… ferait… bien des jaloux,
Si…
Que diable ! à qui en veulent ces gens-là ?
VALÈRE, à Lucas. C’est lui assurément.
LUCAS, à Valère. Le velà tout craché comme on nous l’a défiguré2.
SGANARELLE, à part. (Ici il pose la bouteille à terre, et Valère se baissant
pour le saluer, comme il croit que c’est à dessein3 de la prendre, il la met de
l’autre côté ; ensuite de quoi, Lucas faisant la même chose, il la reprend et
la tient contre son estomac, avec divers gestes qui font un grand jeu de
théâtre.) Ils consultent4 en me regardant. Quel dessein auraient-ils ?
VALÈRE. Monsieur, n’est-ce pas vous qui vous appelez Sganarelle ?
SGANARELLE. Eh ! quoi ?
VALÈRE. Je vous demande si ce n’est pas vous qui se nomme Sganarelle.
SGANARELLE, se tournant vers Valère, puis vers Lucas. Oui et non, selon ce
que vous lui voulez.
VALÈRE. Nous ne voulons que lui faire toutes les civilités5 que nous
pourrons.
SGANARELLE. En ce cas, c’est moi qui se nomme Sganarelle.
VALÈRE. Monsieur, nous sommes ravis de vous voir. On nous a adressés à
vous pour ce que nous cherchons ; et nous venons implorer votre aide, dont
nous avons besoin.
SGANARELLE. Si c’est quelque chose, Messieurs, qui dépende de mon petit
négoce6, je suis tout prêt à vous rendre service.
VALÈRE. Monsieur, c’est trop de grâce que vous nous faites. Mais,
Monsieur, couvrez-vous, s’il vous plaît ; le soleil pourrait vous
incommoder.
LUCAS. Monsieu, boutez dessus7.
SGANARELLE, à part. Voici des gens bien pleins de cérémonie8. (Il se
couvre.)
VALÈRE. Monsieur, il ne faut pas trouver étrange que nous venions à vous :
les habiles gens sont toujours recherchés, et nous sommes instruits de votre
capacité.
SGANARELLE. Il est vrai, Messieurs, que je suis le premier homme du
monde, pour faire des fagots.
VALÈRE. Ah ! Monsieur !
SGANARELLE. Je n’y épargne aucune chose, et les fais d’une façon qu’il n’y
a rien à dire.
VALÈRE. Monsieur, ce n’est pas cela dont il est question.
SGANARELLE. Mais aussi je les vends cent dix sols9 le cent.
VALÈRE. Ne parlons point de cela, s’il vous plaît.
SGANARELLE. Je vous promets que je ne saurais les donner à moins.
VALÈRE. Monsieur, nous savons les choses.
SGANARELLE. Si vous savez les choses, vous savez que je les vends cela.
VALÈRE. Monsieur, c’est se moquer que…
SGANARELLE. Je ne me moque point, je n’en puis rien rabattre10.
VALÈRE. Parlons d’autre façon, de grâce.
SGANARELLE. Vous en pourrez trouver autre part à moins : il y a fagots et
fagots ; mais pour ceux que je fais…
VALÈRE. Eh ! Monsieur, laissons là ce discours.
SGANARELLE. Je vous jure que vous ne les auriez pas, s’il s’en fallait un
double11.
VALÈRE. Eh ! fi!
SGANARELLE. Non, en conscience ; vous en payerez cela. Je vous parle
sincèrement, et ne suis pas homme à surfaire12.
VALÈRE. Faut-il, Monsieur, qu’une personne comme vous s’amuse à ces
grossières feintes ? s’abaisse à parler de la sorte ? qu’un homme si savant,
un fameux médecin comme vous êtes, veuille se déguiser aux yeux du
monde, et tenir enterrés les beaux talents qu’il a ?
SGANARELLE, à part. Il est fou.
VALÈRE. De grâce, Monsieur, ne dissimulez point avec nous.
SGANARELLE. Comment ?
LUCAS. Tout ce tripotage ne sart de rian ; je savons ce que je savons.
SGANARELLE. Quoi donc ! que me voulez-vous dire ? Pour qui me prenez-
vous ?
VALÈRE. Pour ce que vous êtes, pour un grand médecin.
SGANARELLE. Médecin vous-même ; je ne le suis point, et ne l’ai jamais été.
VALÈRE, bas. Voilà sa folie qui le tient. (Haut.) Monsieur, ne veuillez point
nier les choses davantage : et n’en venons point, s’il vous plaît, à de
fâcheuses extrémités.
SGANARELLE. Quoi donc ?
VALÈRE. De certaines choses dont nous serions marris13.
SGANARELLE. Parbleu, venez-en à tout ce qu’il vous plaira, je ne suis point
médecin, et ne sais ce que vous me voulez dire.
VALÈRE, bas. Je vois bien qu’il faut se servir du remède. (Haut.) Monsieur,
encore un coup, je vous prie d’avouer ce que vous êtes.
LUCAS. Eh ! testigué !14 ne lantiponez15 point davantage, et confessez à la
franquette16 que v’s êtes médecin.
SGANARELLE, à part. J’enrage !
VALÈRE. À quoi bon nier ce qu’on sait ?
LUCAS. Pourquoi toutes ces fraimes17-là ? À quoi est-ce que ça vous sart ?
SGANARELLE. Messieurs, en un mot autant qu’en deux mille, je vous dis
que je ne suis point médecin.
VALÈRE. Vous n’êtes point médecin ?
SGANARELLE. Non.
LUCAS. V’n’êtes pas médecin ?
SGANARELLE. Non, vous dis-je !
VALÈRE. Puisque vous le voulez, il faut donc s’y résoudre.
(Ils prennent un bâton et le frappent.)
SGANARELLE. Ah ! Ah ! Messieurs ! je suis tout ce qu’il vous plaira.
VALÈRE. Pourquoi, Monsieur, nous obligez-vous à cette violence ?
LUCAS. À quoi bon nous bailler18 la peine de vous battre ?
VALÈRE. Je vous assure que j’en ai tous les regrets du monde.
LUCAS. Par ma figué !19 j’en sis fâché franchement.
SGANARELLE. Que diable est ceci, Messieurs ? De grâce, est-ce pour rire ou
si tous deux vous extravaguez20, de vouloir que je sois médecin ?
VALÈRE. Quoi ! vous ne vous rendez pas encore, et vous vous défendez
d’être médecin ?
SGANARELLE. Diable emporte si je le suis !
LUCAS. Il n’est pas vrai qu’ous sayez médecin ?
SGANARELLE. Non, la peste m’étouffe ! (Là, ils recommencent de le battre.)
Ah ! ah ! Eh bien, Messieurs, oui, puisque vous le voulez, je suis médecin,
je suis médecin ; apothicaire21 encore, si vous le trouvez bon. J’aime mieux
consentir à tout que de me faire assommer.
VALÈRE. Ah ! voilà qui va bien, Monsieur : je suis ravi de vous voir
raisonnable.
LUCAS. Vous me boutez la joie au cœur, quand je vous vois parler comme
ça.
VALÈRE. Je vous demande pardon de toute mon âme.
LUCAS. Je vous demandons excuse de la libarté que j’avons prise.
SGANARELLE, à part. Ouais ! serait-ce bien moi qui me tromperais, et
serais-je devenu médecin sans m’en être aperçu ?
VALÈRE. Monsieur, vous ne vous repentirez pas de nous montrer ce que
vous êtes ; et vous verrez assurément que vous en serez satisfait.
SGANARELLE. Mais, Messieurs, dites-moi, ne vous trompez-vous point
vous-mêmes ? Est-il bien assuré que je sois médecin ?
LUCAS. Oui, par ma figué !
SGANARELLE. Tout de bon ?
VALÈRE. Sans doute.
SGANARELLE. Diable emporte si je le savais !
VALÈRE. Comment ! Vous êtes le plus habile médecin du monde.
SGANARELLE. Ah ! ah !
LUCAS. Un médecin qui a guéri je ne sais combien de maladies.
SGANARELLE. Tudieu !
VALÈRE. Une femme était tenue pour morte il y avait six heures ; elle était
prête à ensevelir, lorsque, avec une goutte de quelque chose, vous la fîtes
revenir et marcher d’abord par la chambre.
SGANARELLE. Peste !
LUCAS. Un petit enfant de douze ans se laissit choir22 du haut d’un clocher,
de quoi il eut la tête, les jambes et les bras cassés ; et vous, avec je ne sais
quel onguent, vous fîtes qu’aussitôt il se relevit sur ses pieds, et s’en fut
jouer à la fossette.
SGANARELLE. Diantre !
VALÈRE. Enfin, Monsieur, vous aurez contentement avec nous et vous
gagnerez ce que vous voudrez, en vous laissant conduire où nous
prétendons vous mener.
SGANARELLE. Je gagnerai ce que je voudrai ?
VALÈRE. Oui.
SGANARELLE. Ah ! je suis médecin, sans contredit. Je l’avais oublié ; mais
je m’en ressouviens. De quoi est-il question ? Où faut-il se transporter ?
VALÈRE. Nous vous conduirons. Il est question d’aller voir une fille, qui a
perdu la parole.
SGANARELLE. Ma foi, je ne l’ai pas trouvée.
VALÈRE, bas, à Lucas. Il aime à rire. (À Sganarelle.) Allons, Monsieur.
SGANARELLE. Sans une robe de médecin ?
VALÈRE. Nous en prendrons une.
SGANARELLE, présentant sa bouteille à Valère. Tenez cela, vous : voilà où
je mets mes juleps23. (Puis se tournant vers Lucas en crachant.) Vous,
marchez là-dessus, par ordonnance du médecin.
LUCAS. Palsanguenne !24 velà un médecin qui me plaît ; je pense qu’il
réussira, car il est bouffon.
1. Du bois qui est salé : jeu de mots. Selon Sganarelle, couper du bois, comme avaler un aliment
salé, donne soif.
2. Défiguré : décrit.
3. À dessein : dans le but.
4. Ils consultent : ils se consultent, s’interrogent.
5. Civilités : politesses.
6. Négoce : commerce.
7. Boutez dessus : mettez votre chapeau sur votre tête.
8. Cérémonie : démonstration, souvent excessive, de courtoisie, de politesse.
9. Sol : ancienne monnaie ; cent dix sols constituent le prix d’une place dans les loges en 1666.
10. Je n’en puis rien rabattre : je ne peux en baisser le prix.
11. S’il s’en fallait un double : même si vous m’en donniez seulement un double, c’est-à-dire deux
deniers de moins.
12. Surfaire : demander une somme excessive.
13. Marris : fâchés.
14. Testigué ! : juron patois signifiant « par la tête de Dieu ! ».
15. Lantiponer : perdre du temps, traînasser.
16. À la franquette : franchement, sans cérémonie.
17. Fraimes : manières.
18. Bailler : donner.
19. Par ma figué ! : juron patois signifiant « par ma foi ».
20. Extravaguer : divaguer, délirer.
21. Apothicaire : homme qui préparait et vendait les potions prescrites par les médecins
(l’équivalent du pharmacien aujourd’hui), mais qui avait aussi pour charge de pratiquer les
lavements et les saignées.
22. Choir : tomber.
23. Juleps : potions sucrées.
24. Palsanguenne ! : juron patois signifiant « par le sang de Dieu ! ».
Clefs d’analyse
Acte I, scènes 4 et 5
Action
1. Quelle nouvelle intrigue est révélée dans la scène 4 ?
2. La scène 5 permet un retournement de situation. Lequel ? Quand se
produit-il ? Quel trait de caractère découvrez-vous chez Sganarelle ?
3. Étudiez le comique gestuel dans la scène 5. Outre le bâton, quel est
l’autre objet scénique important ?
4. Étudiez le jeu de scène à la fin de l’acte I. Quel est son effet ?
5. Quelle est l’attente du spectateur à la fin de l’acte I ?
Personnages
6. Quels nouveaux personnages apparaissent à la scène 4 ?
7. Quel mot essentiel, utilisé par Sganarelle à la scène 1 et repris par
Lucas, réapparaît en début de la scène 4 ? En quoi cela contribue-t-il à
l’attente du spectateur ?
8. Comment Martine s’y prend-elle pour convaincre ses interlocuteurs
que Sganarelle est médecin ?
9. Quels éléments du caractère de Sganarelle, déjà apparus à la première
scène, réapparaissent au début de la scène 5 ?
Langue
10. Comment définiriez-vous le langage de Lucas ? Donnez des exemples.
11. Comparez les répliques de Valère et Lucas et analysez l’effet comique.
12. Expliquez les mots de Lucas : « pardu », « paroquets », « vela » (sc.
4), « ne sart de rian » (sc. 5).
13. Relevez les deux passages de récit dans la scène 4. Quel titre pourriez-
vous leur donner ?
14. Comparez les récits de guérison faits par Martine dans la scène 4 et
leur transcription dans la scène 5. Qu’en déduisez-vous ?
15. Relevez et classez les procédés comiques exploités dans la scène 5.
Écriture
16. Faites parler, à la première personne, un personnage qui fait des fautes
de grammaire et de vocabulaire.
À retenir
Le premier acte est une farce à lui tout seul : le stratagème de Martine a
réussi puisqu’elle se venge des coups de bâton qu’elle a reçus par ceux
qu’infligent à son mari Valère et Lucas. Mais une autre intrigue surgit,
celle du mariage empêché. Et le spectateur s’interroge : comment le
fagotier va-t-il pouvoir jouer son rôle de médecin ? Sganarelle va
désormais être ce médecin malgré lui programmé par le titre.
ACTE II
Une chambre de la maison de Géronte.
Scène 1
GÉRONTE, VALÈRE, LUCAs, JACQUELINE.
VALÈRE. Oui, Monsieur, je crois que vous serez satisfait ; et nous vous
avons amené le plus grand médecin du monde.
LUCAS. Oh ! morguenne ! il faut tirer l’échelle après ceti-là1 : et tous les
autres ne sont pas daignes de li déchausser ses souillez.
VALÈRE. C’est un homme qui a fait des cures2 merveilleuses.
LUCAS. Qui a gari des gens qui estiants morts.
VALÈRE. Il est un peu capricieux, comme je vous ai dit ; et, parfois, il a des
moments où son esprit s’échappe, et ne paraît pas ce qu’il est.
LUCAS. Oui, il aime à bouffonner, et l’an dirait parfois, ne v’s en déplaise,
qu’il a quelque petit coup de hache à la tête.
VALÈRE. Mais, dans le fond, il est toute science ; et bien souvent il dit des
choses tout à fait relevées3.
LUCAS. Quand il s’y boute4, il parle tout fin drait5 comme s’il lisait dans un
livre.
VALÈRE. Sa réputation s’est déjà répandue ici ; et tout le monde vient à lui.
GÉRONTE. Je meurs d’envie de le voir ; faites-le-moi vite venir.
VALÈRE. Je vais le quérir6.
JACQUELINE. Par ma fi, Monsieu, ceti-ci fera justement ce qu’ant fait les
autres. Je pense que ce sera queussi queumi7, et la meilleure médeçaine, que
l’an pourrait bailler à votre fille, ce serait, selon moi, un biau et bon mari,
pour qui alle eût de l’amiquié8.
GÉRONTE. Ouais ! nourrice, ma mie, vous vous mêlez de bien des choses !
LUCAS. Taisez-vous, notre minagère Jaquelaine , ce n’est pas à vous à
bouter là votre nez.
JACQUELINE. Je vous dis et vous douze que tous ces médecins n’y feront
rian que de l’iau claire ; que votre fille a besoin d’autre chose que de ribarbe
et de sené9, et qu’un mari est un emplâtre10 qui garit tous les maux des
filles.
GÉRONTE. Est-elle en état maintenant qu’on s’en voulût charger, avec
l’infirmité qu’elle a ? Et lorsque j’ai été dans le dessein de la marier, ne
s’est-elle pas opposée à mes volontés ?
JACQUELINE. Je le crois bian, vous l’y vouilliez bailler cun homme qu’alle
n’aime point. Que ne preniais-vous ce Monsieu Liandre, qui li touchait au
cœur ? Alle aurait été fort obéissante ; et je m’en vas gager qu’il la
prendrait, li, comme alle est, si vous la li vouilliez donner.
GÉRONTE. Ce Léandre n’est pas ce qu’il lui faut ; il n’a pas du bien comme
l’autre.
JACQUELINE. Il a un oncle qui est si riche, dont il est hériquié.
GÉRONTE. Tous ces biens à venir me semblent autant de chansons11. Il n’est
rien tel que ce qu’on tient ; et l’on court grand risque de s’abuser12, lorsque
l’on compte sur le bien qu’un autre vous garde. La mort n’a pas toujours les
oreilles ouvertes aux vœux et aux prières de Messieurs les héritiers ; et l’on
a le temps d’avoir les dents longues13, lorsqu’on attend pour vivre, le
trépas14 de quelqu’un.
JACQUELINE. Enfin j’ai toujours ouï dire qu’en mariage, comme ailleurs,
contentement passe richesse15. Les bères et les mères ant cette maudite
couteume de demander toujours : « Qu’a-t-il ? » et « Qu’a-t-elle ? » et le
compère Biarre16 a marié sa fille Simonette au gros Thomas pour un
quarquié de vaigne17 qu’il avait davantage que le jeune Robin, où alle avait
bouté son amiquié ; et velà que la pauvre creiature en est devenue jaune
comme un coing, et n’a point profité tout18 depuis ce temps-là. C’est un bel
exemple pour vous, Monsieu. On n’a que son plaisir en ce monde ; et
j’aimerais mieux bailler à ma fille un bon mari qui li fût agriable, que toutes
les rentes de la Biausse19.
GÉRONTE. Peste ! Madame la nourrice, comme vous dégoisez20 ! Taisez-
vous, je vous prie, vous prenez trop de soin21, et vous échauffez votre lait.
LUCAS, en disant ceci, il frappe sur la poitrine de Géronte. Morgué ! tais-
toi, t’es cune impartinante. Monsieu n’a que faire de tes discours, et il sait
ce qu’il a à faire. Mêle-toi de donner à téter à ton enfant, sans tant faire la
raisonneuse. Monsieu est le père de sa fille ; et il est bon et sage pour voir
ce qu’il faut.
GÉRONTE. Tout doux ! Oh ! tout doux !
LUCAS, frappant encore sur la poitrine de Géronte. Monsieu, je veux un
peu la mortifier22, et li apprendre le respect qu’alle vous doit.
GÉRONTE. Oui ; mais ces gestes ne sont pas nécessaires.
Scène 2
VALÈRE, SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.
Scène 3
SGANARELLE, GÉRONTE, LUCAS, JACQUELINE.
1. Il faut tirer l’échelle après ceti-là : personne ne peut être comparé à cet homme-là.
2. A fait des cures : a obtenu des guérisons.
3. Tout à fait relevées : qui manifestent beaucoup d’intelligence et de savoir.
4. Quand il s’y boute : quand il s’y met.
5. Tout fin drait : tout fin droit, c’est-à-dire exactement.
6. Quérir : chercher.
7. Queussi queumi : du pareil au même.
8. Pour qui alle eût de l’amiquié : pour qui elle aurait de l’amour.
9. De ribarbe et de séné : la rhubarbe et le séné (drogue obtenue avec les gousses de ce petit arbre)
étaient couramment employés par les médecins de l’époque pour leurs vertus laxatives.
10. Emplâtre : pâte épaisse que l’on applique sur la peau pour la faire adhérer (le mot est masculin).
11. Chansons : fariboles, choses de rien.
12. S’abuser : se tromper.
13. Avoir les dents longues : avoir faim.
14. Trépas : mort, décès (registre soutenu).
15. Contentement passe richesse : dicton populaire qui signifie « mieux vaut le bonheur que la
richesse ».
16. Biarre : Pierre, en patois.
17. Un quarquié de vaigne : un quartier de vigne (le quart d’un arpent, soit à peu près 1 000 m2).
18. Tout : du tout.
19. Biausse : déformation du nom Beauce, région agricole réputée pour la richesse de ses terres.
20. Dégoiser : ne pas cesser de parler (familier et péjoratif).
21. Vous prenez trop de soin : vous vous faites trop de souci.
22. Mortifier : punir.
23. Hippocrate : célèbre médecin grec du IVe siècle av. J.-C., auteur de nombreux traités et du
fameux Serment que prêtaient, et que prêtent encore, les futurs médecins.
24. Licences : diplômes qui donnent le droit d’exercer la médecine.
25. Goguenard : qui aime plaisanter.
26. Je suis votre serviteur : formule de politesse, ici destinée à mettre fin à la conversation.
27. Je vous suis obligé de : je vous remercie de, je vous suis reconnaissant de.
28. Nourricerie : terme inventé par Molière. L’art d’être nourrice.
29. Fortuné : heureux.
30. Grâces : désigne de manière abstraite le charme d’une femme, son attrait. Ici, le geste de
Sganarelle souligne que ces « bonnes grâces » sont, très concrètement, les formes généreuses de
la nourrice.
31. Capacité : savoir-faire, récompense.
32. Vartigué : juron en patois.
33. Lantiponages : discours inutiles.
34. Tout à l’heure : bientôt, dans un instant.
35. Visite : examine.
36. Nanin : non (déformation de nenni).
37. Office : rôle, charge.
Clefs d’analyse
Acte II, scènes 1 à 3
Action
1. Où se situe l’acte II ? Quel est le changement de décor par rapport à
l’acte I ?
2. En quoi la première partie de la scène 1 assure-t-elle le lien avec ce qui
précède ?
3. Sur quel procédé repose le comique de la première partie de la scène
1?
4. La situation de parole Géronte-Jacqueline ne vous en rappelle-t-elle
pas une autre ? Laquelle, et quelle est la différence ?
5. Quel est l’effet du jeu de scène final (scène 1) ?
6. Montrez que toute la première partie de la scène 2 repose sur un
retournement de situation. Ce procédé comique est-il déjà apparu dans
la pièce, et où ?
7. Pourquoi y a-t-il changement de scène entre les scènes 2 et 3 ? Quel
est cependant le lien entre ces deux scènes ?
8. Le trio Sganarelle, Jacqueline, Lucas : quand commence-t-il ? Quelles
sont les feintes de Sganarelle pour contourner le mari ? Quelle est sa
nouvelle stratégie à la fin de la scène 3 ?
Personnages
9. Comment Géronte apparaît-il sur scène ?
10. Comment imaginez-vous l’entrée en scène de Sganarelle à la scène 2 ?
11. Le personnage de Jacqueline a-t-il une fonction dramatique ? En quoi
sa présence relance-t-elle le comique ?
12. Que penser de la fin de la scène 3 ? N’y a-t-il pas quelque chose de
commun entre Jacqueline et Martine ?
Langue
13. Expliquez, à la scène 1, « qui a gari des gens qui estiants morts », « il
a quelque petit coup de hache à la tête ».
14. Relevez et étudiez l’aparté de Sganarelle dans la scène 2. Quelle est la
différence de niveau de langue avec le discours qui suit ?
15. Relevez les points de suspension à la scène 2. Montrez qu’on peut les
ranger en deux catégories selon leur valeur.
Écriture
16. Vous écrirez, en argumentant, une défense du mariage d’amour contre
le mariage imposé.
À retenir
Le déguisement de Sganarelle lui vaut d’immédiats avantages dans la
maison de Géronte : les coups de bâton à Géronte, les tentatives de
séduction de Jacqueline sous le nez de son mari… Le ton de la farce
s’accentue encore, notamment avec le comique grivois qui se noue
autour du personnage de Jacqueline et la scène de séduction paillarde,
où le corps l’emporte. Et c’est bien Géronte, le vieillard barbon, père et
maître tyrannique, dont on attend qu’il soit le dindon de la farce…
Scène 4
LUCINDE, VALÈRE, GÉRONTE, LUCAS, SGANARELLE,
JACQUELINE.
Scène 5
SGANARELLE, LÉANDRE.
1. Entends : comprends.
2. La matière est-elle louable ? : la matière désigne, elliptiquement, la matière fécale, c’est-à-dire
les selles. Cette formule était d’un usage courant à l’époque.
3. D’abord : tout de suite.
4. Humeurs : les médecins du temps de Molière, fidèles à la théorie d’Hippocrate, pensaient que le
corps humain était constitué de quatre substances liquides (bile, atrabile, flegme et sang). Les
« humeurs peccantes » désignent les humeurs nocives, à l’origine des maladies.
5. Exhalaisons : ce qui s’exhale, émane d’un corps.
6. Cabricias […] casus : cette réplique joue du non-sens et du charabia. Sganarelle mêle à des mots
inventés des mots latins réels (avec des incorrections, des fautes de déclinaison), comme si lui
revenaient, déformés, des souvenirs du rudiment évoqué à la première scène.
7. Je n’y entends goutte : je n’y comprends rien.
8. Armyan : mot inventé.
9. Nasmus : mot inventé, qui, par sa terminaison en us, fait plus songer au latin qu’au grec…
10. Cubile : le mot n’a rien d’hébreu, il signifie lit en latin.
11. Malignité : propriété nuisible, nocivité.
12. Ossabandus […] milus : nouvelle énumération de termes inventés.
13. D’une : selon une.
14. Vertu sympathique : capacité de guérir à distance.
15. Amiable : conciliatrice (cf. l’expression « à l’amiable »).
16. Clystère dulcifiant : lavement qui adoucit.
17. Ma fi: ma foi.
18. Rétive : récalcitrante, qui se refuse à.
19. Vous soumettre à la raison : vous plier, vous ramener à la raison.
20. Mercenaire : qui travaille pour de l’argent ; d’où, ici : inspiré par la seule considérations du gain.
21. Toute sorte d’accès m’est fermé auprès d’elle : il m’est impossible de la rencontrer.
22. Malavisé : sot (littéralement : qui n’est pas avisé).
23. Honnête homme : homme du monde, agréable et distingué dans ses manières comme par
l’esprit.
24. Feinte maladie : maladie factice, dissimulée.
25. Ils n’ont pas manqué de dire : ils n’ont, bien sûr, pas pu s’empêcher de dire.
26. Procédait : venait, provenait.
27. Qui du cerveau […] qui du foie : l’un du cerveau, un autre des entrailles, un autre encore…
Clefs d’analyse
Acte II, scènes 4 et 5
Action
1. La scène 4 est-elle attendue ? Quel titre pourriez-vous lui donner ?
2. Diagnostic, cause, remède : montrez qu’à chaque étape du discours de
Sganarelle, Molière exploite un comique différent.
3. Quel objet scénique apparaît dans les deux scènes ? Commentez.
4. Ne peut-on pas imaginer pour la scène 5 un nouveau décor ? Pourquoi
et lequel ?
5. Quel est le coup de théâtre dans la dernière scène de l’acte ? À quelle
nouvelle intrigue Sganarelle se prépare-t-il ?
Personnages
6. Combien y a-t-il de personnages sur scène dans la scène 4 ? Qui parle
le plus ? De ce simple relevé numérique, que pouvez-vous déjà
déduire ?
7. Quel personnage nouveau apparaît à la scène 4 ?
8. Quel personnage nouveau apparaît à la scène 5 ? En a-t-il déjà été
question auparavant ?
9. À quelle nouvelle cause Sganarelle va-t-il s’appliquer désormais ? Est-
ce seulement l’argent qui l’y décide ? Quelle nouvelle dimension
prend alors le personnage ?
Langue
10. Expliquez l’expression de Sganarelle : « Il ne faut pas qu’elle meure
sans l’ordonnance du médecin ».
11. À qui s’adresse l’expression de Sganarelle « lorsque le médecin fait
rire le malade, c’est le meilleur signe du monde » ?
12. Étudiez l’effet comique des « interventions » de Lucinde.
13. Étudiez la réplique de Sganarelle « Cabricias… casus » (sc. 4).
14. Commentez l’emploi du « nous » par Sganarelle à la scène 4.
15. Étudiez le langage de Léandre dans la scène 5. Quel rôle joue-t-il ici ?
À quel type de comédie appartient-il ?
Écriture
16. Imaginez une scène de consultation aujourd’hui, où vous ferez parler
un médecin qui s’exprime en langage obscur.
17. Écrivez une scène de théâtre où vous mettrez en scène un personnage
muet.
À retenir
L’acte I se terminait sur une attente, à laquelle répond l’acte II : le
médecin malgré lui est un extraordinaire comédien, notamment dans la
scène 4, véritable morceau de bravoure où il déploie tout son talent.
Comme le premier, cet acte constitue une farce à lui tout seul, où
Sganarelle dupe Géronte. Reste que le coup de théâtre final crée une
nouvelle attente. Au médecin malgré lui succède une malade malgré
elle, dont le silence joue théâtralement le sort des jeunes filles
soumises : Lucinde n’a pas le droit à la parole.
ACTE III
Un lieu voisin de la maison de Géronte.
Scène 1
LÉANDRE, SGANARELLE.
Action
1. Que s’est-il passé de la fin de l’acte II à la première scène
2. La scène 2 fait-elle avancer l’intrigue ?
3. En quoi la scène 2 a-t-elle un lien avec celle qui précède ? Quelle
réplique de Sganarelle vous semble-t-elle illustrer ?
4. De quelle scène de l’acte II la scène 2 est-elle reprise ? Et quelle est la
différence ?
Personnages
5. Étudiez la tirade de Sganarelle dans la première scène. Que nous
apprend-elle sur l’évolution du personnage ?
6. Thibaut et Perrin ne vous rappellent-ils pas un autre personnage déjà
apparu ?
7. De la tirade de Thibaut à sa reprise par Sganarelle, de quelle
opposition Molière joue-t-il ? L’avez-vous déjà observée ailleurs dans
la pièce, et où ?
8. Que pensez-vous du remède proposé par Sganarelle ?
Langue
9. Que révèle la comparaison entre le médecin et le cordonnier (scène
1) ?
10. Relevez les principales impropriétés du discours de Thibaut. Quel est
l’effet comique ?
11. Expliquez la réplique de Sganarelle à Perrin : « Ah ! je vous entends,
vous » (sc. 2).
12. Lisez la dernière réplique de Sganarelle à la scène 4 de l’acte II et
confrontez-la à la scène 2. Qu’en pensez-vous ?
Écriture
13. Transposez la tirade de Thibaut en langage courant. Quel est l’effet de
cette transposition ?
À retenir
La scène 2 est une illustration de la longue tirade de la première scène :
on passe de la théorie à la pratique, ou comment duper grâce à l’habit et
aux beaux discours. Cette scène, comparable à celle avec M. Robert au
premier acte, est un sketch : le père et le fils qui paient deux écus au
faux médecin contre un morceau de fromage, personnages au patois
ridicule, sont de simples faire-valoir sans destin dans l’intrigue. Mais
cette scène laisse aussi affleurer un versant plus noir.
Scène 3
JACQUELINE, SGANARELLE, LUCAS, dans le fond du théâtre.
Scène 4
GÉRONTE, LUCAS.
1. Amusé : occupé à.
2. Qu’il opère : qu’il agit.
3. Faisant des signes […] apothicaire : Sganarelle imite le geste qui consiste à administrer un
lavement, activité ordinaire des apothicaires.
Clefs d’analyse
Acte III, scènes 3 à 5
Action
1. En quoi la scène 3 rompt-elle avec la précédente ? À quelle intrigue
est-elle liée ?
2. En quoi cependant se rattache-t-elle à ce qui précède ?
3. Dans la scène 3, étudiez la didascalie finale. Que nous révèle-t-elle ?
En quoi lecteur et spectateur sont-ils ici dans des positions
différentes ?
4. Quelle nouvelle vengeance semble s’annoncer à la scène 3 ?
5. Quelle autre vengeance laisse entendre la scène 4 ? Aura-t-elle des
répercussions ?
6. Observez la longueur des scènes 4 et 5. Quelle est leur fonction
essentielle ?
7. Étudiez le comique de geste à la fin de la scène 5.
Personnages
8. Dans la scène 3, quelle est la stratégie de Sganarelle pour obtenir les
faveurs de Jacqueline ? Sur quels procédés repose l’effet parodique ?
Et que pensez-vous de son dernier argument ?
9. Que pensez-vous de l’attitude de Sganarelle face à Géronte à la scène
5 ? Marque-t-elle une progression ? À quel élément nouveau cela est-il
dû ? Et que laisse-t-elle présager ?
Langue
10. Relevez quelques incorrections dans le discours de Jacqueline.
11. Quel est le jeu de mots dans l’expression de Sganarelle : « j’ai des
remèdes qui se moquent de tout » (sc. 5) ?
Écriture
14. maginez une scène de théâtre, pas forcément comique, où un
personnage caché surprend un discours qu’il n’aurait pas dû entendre.
À retenir
La scène 3 de l’acte III joue d’une situation particulièrement
savoureuse : la didascalie finale révèle au lecteur la présence de Lucas,
qui vient d’assister à l’échange entre Jacqueline et Sganarelle. La place
de cette information à la fin de la scène invite à une relecture propre à
la situation théâtrale. Si, à la première lecture, il ne s’agissait que d’une
scène de séduction banale, la seconde nous fait découvrir le texte dans
sa perversité joyeuse, où un mari entend dire par sa femme qu’elle
envisage de le tromper !
Scène 6
JACQUELINE, LUCINDE, GÉRONTE, LÉANDRE, SGANARELLE.
Action
1. De quelle scène de l’acte II cette scène est-elle la reprise ? Quels sont
les éléments nouveaux ?
2. Cette scène est-elle attendue ?
3. Relevez la didascalie du début de la scène : que nous apprend-t-elle
sur la disposition scénique des personnages et sur l’enjeu de la scène ?
4. Relevez les trois mouvements de la scène, en vous fondant notamment
sur les didascalies. Qui est le maître du jeu ?
5. Sur quels retournements de situation repose cette scène ? Étudiez
notamment les répliques de Géronte.
Personnages
6. Quels sont les personnages présents sur scène ?
7. Quel personnage reste muet pendant toute la scène ? Pourquoi à votre
avis ? Et pourtant en quoi sa présence est-elle indispensable ?
8. Comment s’exprime, dans le duo qui l’oppose à sa fille, la défaite de
Géronte ?
Langue
9. Le discours de Lucinde : quel est le premier mot prononcé ? Montrez
l’importance des tournures négatives. Quels sont les champs lexicaux
opposés ?
10. Que désigne le pronom « nous » dans « notre apothicaire nous servira
pour cette cure » ?
11. Étudiez le jeu sur le double sens dans la dernière tirade de Sganarelle,
en relevant certains mots et expressions.
Écriture
12. Écrivez, à la première personne, un discours de rébellion d’une fille,
ou d’un fils, contre son père.
13. Imaginez un duo au théâtre où un personnage empêche l’autre de
parler.
À retenir
Admirable renversement dans cette scène : l’explosion verbale de
Lucinde contraint à son tour aux balbutiements Géronte, sans cesse
interrompu par les affirmations décidées de sa fille. La scène est une
des plus comiques de la pièce : la fausse muette devient une vraie
bavarde, et le père, d’abord réjoui de voir sa fille guérie, se fâche de
cette « impétuosité de paroles » qui lui fait perdre son pouvoir… Mais,
au-delà de ce jeu, la scène offre la représentation d’une émancipation.
Et c’est l’accès à la parole qui permet la libération.
Scène 7
GÉRONTE, SGANARELLE.
GÉRONTE. Quelles drogues, Monsieur, sont celles que vous venez de dire ?
Il me semble que je ne les ai jamais ouï1 nommer.
SGANARELLE. Ce sont drogues dont on se sert dans les nécessités urgentes.
GÉRONTE. Avez-vous jamais vu une insolence pareille à la sienne ?
SGANARELLE. Les filles sont quelquefois un peu têtues.
GÉRONTE. Vous ne sauriez croire comme elle est affolée2 de ce Léandre.
SGANARELLE. La chaleur du sang fait cela dans les jeunes esprits.
GÉRONTE. Pour moi, dès que j’ai eu découvert la violence de cet amour, j’ai
su tenir toujours ma fille renfermée.
SGANARELLE. Vous avez fait sagement.
GÉRONTE. Et j’ai bien empêché qu’ils n’aient eu communication ensemble.
SGANARELLE. Fort bien.
GÉRONTE. Il serait arrivé quelque folie, si j’avais souffert qu’ils se fussent
vus.
SGANARELLE. Sans doute.
GÉRONTE. Et je crois qu’elle aurait été fille à s’en aller avec lui.
SGANARELLE. C’est prudemment raisonné.
GÉRONTE. On m’avertit qu’il fait tous ses efforts pour lui parler.
SGANARELLE. Quel drôle3 !
GÉRONTE. Mais il perdra son temps.
SGANARELLE. Ah ! ah !
GÉRONTE. Et j’empêcherai bien qu’il ne la voie.
SGANARELLE. Il n’a pas affaire à un sot, et vous savez des rubriques4 qu’il
ne sait pas. Plus fin que vous n’est pas bête.
Scène 8
LUCAS, GÉRONTE, SGANARELLE.
Scène 9
MARTINE, SGANARELLE, LUCAS.
1. Ouï : entendu.
2. Affolée : amoureuse à en être folle (l’équivalent actuel serait « folle de »).
3. Drôle : voyou, personnage sans scrupules.
4. Rubriques : ruses.
5. Je prendrais quelque consolation : mon chagrin serait un peu soulagé.
Scène 11
LÉANDRE, LUCINDE, JACQUELINE, LUCAS, GÉRONTE,
SGANARELLE, MARTINE.
1. Votre vertu […] considérable : votre force d’âme mérite que je la prenne en considération, que je
la considère avec la plus grande estime.
2. L’effet en est trop beau pour en garder du ressentiment : le résultat (le mariage des jeunes
gens) est trop beau pour que Sganarelle garde le souvenir rancunier des coups de bâton.
3. En faveur […] élevé : en considération de la haute charge (celle de médecin) où tu m’as fait
parvenir.
4. De ma conséquence : de mon importance.
Clefs d’analyse
Acte III, scènes 7 à 11
Action
1. Que s’est-il passé entre la scène 6 et la scène 7 ? Quand le lecteur en a-
t-il la confirmation ?
2. Quel retournement de situation s’opère aux scènes 8 et 9 ? En quoi ce
renversement est-il visible dans le langage et la posture de Sganarelle
dans les scènes 8 à 11 ?
3. Observez la longueur des scènes 7 à 11 par rapport à la précédente.
Quel est le changement de rythme et comment l’expliquez-vous ?
4. En quoi la scène 11 offre-t-elle un dénouement de convention ? Vous
paraît-il vraisemblable ?
5. Cherchez, dans la scène 1 de l’acte II, la réplique qui pouvait annoncer
la péripétie finale.
Personnages
6. Sur quel procédé comique repose la scène 7 ? En quoi le personnage
de Géronte y est-il définitivement ridiculisé ?
7. La réapparition de Martine à la scène 9 : a-t-elle changé par rapport à
l’acte I ? Sur quoi se fonde le comique ?
8. Quelle est la fonction de Léandre au début de la scène 11 ?
9. Quels sont les personnages présents dans la scène 11 ? Relevez les
personnages muets : comment expliquez-vous leur silence ?
Langue
10. Expliquez le comique de la réplique de Sganarelle à la scène 9 : « tu
me fends le cœur ».
11. Expliquez, à la scène 11, la réplique de Géronte : « Monsieur, votre
vertu m’est tout à fait considérable ».
12. Expliquez, à la scène 11, la dernière réplique de Léandre. Comment
Sganarelle entend-il « l’effet en est trop beau » ?
13. À quel registre appartient le dernier énoncé de Sganarelle ? En a-t-il
déjà proféré de semblables dans la pièce ? Dans quelles scènes et face
à qui ?
Écriture
14. Écrivez une tirade dans laquelle Martine exprime son chagrin sincère à
l’annonce de la future pendaison de Sganarelle.
À retenir
L’ultime péripétie, ou catastrophe, permet à la pièce de se clore sur un
dénouement de convention, joué à la va-vite : la réconciliation de tous
autour d’un mariage bourgeois. Mais Sganarelle, dans sa dernière
réplique, retrouve sa position initiale de « maître », confortée par son
rôle de médecin, qu’il brandit comme une menace contre Martine. De
médecin malgré lui, il est devenu un médecin sûr de son pouvoir, et
cette ultime parole, tout comme la première, est bien une parole de
tyran. Ou comment l’habit de médecin a remplacé le bâton !
POUR APPROFONDIR
Thèmes et prolongements
La satire de la médecine
Le comique
Le comique de situation
Par cette expression, on souligne que l’intrigue, sans souci de
vraisemblance, est fondée sur l’incongruité des situations, jouant sur le
désordre des identités, faisant se côtoyer des personnages qui n’auraient
jamais dû se rencontrer… Il en va bien ainsi pour l’intrigue « folle » du
Médecin, qui pourrait être résumée ainsi : rossée par son mari, une femme
rusée rencontre par hasard deux valets à la recherche d’un médecin ; elle
les dupe et ils battent son mari, qui à son tour bat et dupe Géronte, qui lui-
même séquestre sa fille, dont la fausse maladie permet d’introduire le faux
médecin qui profite de son habit pour courtiser la femme de celui qui l’a
battu et favoriser l’intrusion d’un faux apothicaire, vrai amoureux, qui
profite à son tour de sa prétendue qualité pour s’enfuir avec la jeune fille !
Soit une accumulation de méprises, de renversements et de coups de
théâtre.
Le comique de mots
Jurons, jeux de mots, plaisanteries grivoises, intrusion de termes inventés,
altération de la grammaire et de la syntaxe à travers le jargon campagnard,
production d’un galimatias à travers la fausse langue savante, allusions
scatologiques, rudiments de latin, onomatopées, baragouin inintelligible
(et sur ce point paysans, médecin et malade sont à égalité), fabrication
d’un double sens à destination du public : la pièce offre une véritable fête
langagière. À cette intrigue folle correspond un langage tout aussi fou,
saisi, dès la première scène, d’une liberté jubilatoire, hors de toute
intention morale (d’emblée, le mari ivrogne, égoïste et tyrannique nous
fait cependant rire). Évidemment Sganarelle, par son inventivité verbale,
est l’incomparable maître de cette fête.
Les jeux de scène
Bastonnades à répétition – le bâton est l’accessoire traditionnel de la farce,
et la répétition est au fondement du comique –, jeu avec la bouteille, avec
la bourse remplie de pièces d’or (Sganarelle, par trois fois, la prend sans
en avoir l’air, feint le désintéressement et empoche l’argent), empoignade
de Lucas violentant son maître, pirouettes imposées à son mari par
Jacqueline, œillades amoureuses sur les tétons de la nourrice… la pièce
abonde en didascalies indiquant des jeux de scène, des mimiques, des
mouvements du corps (par exemple à la scène 2 de l’acte II, lorsque,
feignant d’embrasser Lucas, Sganarelle parvient à étreindre Jacqueline),
qui, hérités de la commedia dell’arte, donnent à la pièce son rythme si
rapide et joyeux. Le spectacle que propose Le Médecin malgré lui est
d’abord visuel – en cela, les lecteurs que nous sommes sont tristement
frustrés –, et là encore, c’est Sganarelle qui, occupant l’espace scénique,
dynamise, crée le déplacement, provoque l’accélération, introduit le
désordre et la mobilité dans l’univers statique du bourgeois Géronte.
La satire des ridicules
Molière se moque ici de certains types de caractère, de posture sociale et
de profession. Soit, à travers Lucas, la satire du mari jaloux qui, caché,
assiste malgré lui à son procès (III, 3), soit encore, à travers Géronte, la
satire du père cupide dupé par sa propre fille, soit, à travers Sganarelle,
c’est-à-dire ce simple fagotier habile en roueries, la satire des médecins
ignorants. Mais Molière se moque surtout de tous ces crédules qui croient
ferme à tout ce qu’on leur raconte. Ainsi Géronte ne paraît-il pas
s’inquiéter des notions sommaires d’anatomie que lui livre Sganarelle…
Les objets
Les accessoires
Dans ses Mémoires, le décorateur Mahelot dresse la liste des objets que
Molière utilisait pour la représentation du Médecin malgré lui : « des bois,
une grande bouteille, deux bottes, trois chaises, un morceau de fromage,
des jetons, une bourse ».
Aux objets qui n’ont qu’une fonction utilitaire, comme le siège que
réclame Géronte lors de la scène de consultation, ou référentielle (les
fagots permettent de caractériser socialement Sganarelle), s’adjoi gnent
des objets dotés d’une valeur symbolique. Ainsi le bâton, la bouteille,
l’argent.
Le bâton nous renvoie, dès la première scène, à l’univers de la farce. Il est
l’arme des petits, là où les personnages nobles de la tragédie portent et
manient l’épée, et il permet toutes sortes de jeux de scène comiques, de
multiples renversements de situation.
La bouteille apparaît à la scène 5 de l’acte I : Sganarelle lui dédie un
véritable chant d’amour avant qu’elle ne devienne l’objet d’un important
jeu de scène. Molière joue ici d’une caractéristique du valet depuis
l’Antiquité, personnage jovial qui aime boire.
Enfin, autre emprunt aux comédies antiques : le jeu autour de la bourse,
comme pour les bastonnades, repose sur le comique de répétition (II, 4 ;
II, 5 et III, 2).
Les costumes
Dans la scène 4 de l’acte I, Molière insiste sur la tenue « extravagante » de
son héros : « c’est un homme […] qui porte une fraise, avec un habit jaune
et vert ». Ce costume ne renvoie pas à la silhouette reconnaissable d’un
bûcheron au temps de Molière. Il s’agit bien d’un accoutrement bouffon
propre au climat de comédie : le célèbre Brighella qui, avec Arlequin,
forme le couple des valets rusés dans la commedia dell’arte, porte un
même costume bicolore.
Surtout, on assiste dans la pièce à deux déguisements : celui, à l’acte II, de
Sganarelle vêtu « en robe de médecin, avec un chapeau des plus pointus »,
et celui de Léandre, à l’acte III.
Ces déguisements ont d’abord une fonction dramatique : ils nouent et
dénouent l’intrigue, font avancer l’action. Dans la maison du maître, on ne
peut pénétrer que masqué, et l’habit d’apothicaire permet à Léandre,
méconnaissable, de voir Lucinde et de s’enfuir avec elle.
Ils ont aussi une fonction comique : on rit du stratagème du dupeur, et de
la bêtise du dupé. Ainsi rendent-ils ridicules les précautions du vieillard –
c’est le canevas comique traditionnel de la précaution inutile – et servent
le comique de situation : Géronte accueille chez lui l’amant dangereux
dont il voulait se protéger.
Les déguisements permettent en outre la satire d’un univers social fondé
sur les signes trompeurs et où « l’habit fait le moine ». Et d’une certaine
façon, c’est grâce au travestissement que la vérité, démasquée, surgit sur
scène : celle d’une société où l’apparence est reine. Enfin, de l’habit du
fagotier à celui du médecin, les costumes témoignent du goût de Molière,
grand acteur comique, pour le déguisement, les masques, la mise en scène
des corps bouffons. Il s’agit là, et c’est peut-être l’essentiel, d’une fonction
esthétique. Depuis sa première apparition, c’est toujours Molière qui,
grimé, les moustaches tombantes, incarnait le rôle sur scène. Or le succès
de Sganarelle représente bien l’apothéose du pouvoir de l’acteur, capable
de faire croire à ses mensonges, d’illusionner le public et finalement de
faire triompher, ne serait-ce que le temps d’une représentation, la vie et le
rire sur les forces du sérieux et de l’oppression sociale. Dans cette pièce
où, grâce au déguisement, c’est-à-dire à une arme spécifiquement
théâtrale, Sganarelle parvient à conquérir le pouvoir, on peut ainsi voir une
véritable apologie du théâtre.
Le personnage de Sganarelle
Petite méthode
Soyez attentifs aux registres ou niveaux de langue, qui se définissent
par une utilisation particulière de la prononciation, de la syntaxe, de la
grammaire.
• Le registre familier se signale par une articulation relâchée, un
vocabulaire souvent argotique, des incorrections grammaticales, des
phrases segmentées, l’absence de phrases complexes, la présence
d’éléments du type « hein », « tu vois », « alors ».
• Le registre soutenu se caractérise par une articulation soignée, un
vocabulaire plus riche et recherché, des constructions syntaxiques plus
complexes (la subordination notamment) et l’utilisation de temps
grammaticaux comme le passé simple. Ces registres de langue sont
propres à des situations données.
Exercice 2 : Le Médecin malgré lui, Acte II, scène
4
Petite méthode
• Il existe quatre modes des verbes en français : l’indicatif, l’impératif,
le subjonctif et le conditionnel. L’impératif est le mode d’expression
de l’ordre.
• « Sors ! » est un ordre, mais il peut être adouci par une formule de
politesse du type « s’il te plaît », qui, s’il ne change pas le sens du
verbe, modifie l’effet de cet ordre sur celui qui le reçoit.
• L’emploi de l’impératif n’implique pas en lui-même le point
d’exclamation et, là encore, la ponctuation finale transforme l’effet sur
le destinataire. Le point ou le point d’exclamation final est un
équivalent écrit de la force avec laquelle l’ordre est exprimé. En lisant
un texte à haute voix et en mettant le ton, vous pouvez ainsi être
sensible à ces variations.
Exercice 3 : Le Médecin malgré lui, Acte III,
scène 6
Petite méthode
• Le champ lexical désigne l’ensemble des mots d’un texte se
rapportant à un même domaine de réalité (par exemple, le champ
lexical de la vision regroupe les mots « regard », « œil », « voir »…).
L’étude des champs lexicaux dominants permet de dégager facilement
les principaux thèmes d’un texte.
• Le champ sémantique d’un mot regroupe la totalité de ses sens et de
ses emplois possibles. Dans un dictionnaire, vous trouverez, pour
chaque mot, dans un inventaire ordonné, l’ensemble des définitions
(donc le champ sémantique) de ce mot. Lorsqu’un mot revient plusieurs
fois dans un texte, il est toujours intéressant de faire l’analyse de son
champ sémantique : on examine comment les différents sens de ce
même mot s’organisent entre eux.
Outils de lecture
Aparté : propos d’un acteur qui est censé être entendu par les spectateurs,
tout en échappant aux autres personnages.
Apologie : discours visant à défendre, à justifier une personne, une
doctrine, une activité….
Bienséance (règle de la) : au XVIIe siècle, règle qui veut que, dans une
œuvre, on respecte les usages, la morale. Au pluriel : bienséances, règles
d’usage à respecter.
Burlesque : genre littéraire, introduit par Scarron au XVIIe siècle, qui
consiste à l’origine à traiter des sujets sérieux sur un mode ridicule. L’effet
burlesque repose sur un décalage entre le ton adopté et le sujet traité.
Caricature : peinture d’un caractère, d’une personne, d’une société,
accusant grossièrement les traits les plus significatifs, dans un but
comique.
Champ lexical : ensemble des mots qui désignent le même secteur de la
réalité et que l’on peut regrouper, d’après leur sens, sous une même
notion.
Champ sémantique : ensemble des emplois divers d’un même mot.
Chute : finale de phrase ou de paragraphe soulignée par une image, un
trait comique, un paradoxe…
Compagnie du Saint-Sacrement : association religieuse qui voulait faire
pression sur les particuliers et l’opinion publique. Elle est à l’origine de la
cabale des dévots menée contre Molière.
Coup de théâtre : événement inattendu qui amène un changement brutal
de la situation.
Dénouement (ou épilogue) : conclusion qui met un point final à l’intrigue
en réglant le sort des personnages.
Didascalie : indication de mise en scène fournie en dehors du texte
prononcé par les acteurs. On appelle didascalie initiale la première de la
pièce, celle qui donne la liste des personnages.
Exposition (scène d’) : scène destinée à informer le public de ce qui s’est
passé avant le lever du rideau et dont la connaissance est nécessaire pour
suivre l’intrigue, en général la ou les premières scènes de la pièce.
Genre : catégorie qui sert à rassembler des œuvres répondant à des
critères formels et thématiques semblables.
Intrigue : ensemble des événements qui sont au cœur de l’action de la
pièce.
Méprise : erreur qui consiste à prendre une personne ou une chose pour
une autre, situation qui en résulte.
Metteur en scène : personne qui élabore et supervise le spectacle et
assure ainsi son unité.
Monologue : propos qu’un personnage, seul sur scène, se tient à lui-
même, révélant ainsi au spectateur ses sentiments. Scène constituée par ce
type de tirade.
Pantomime : art de s’exprimer par les gestes, les jeux de physionomie,
les attitudes corporelles, sans passer par le langage.
Parodie : imitation burlesque ou satirique d’une œuvre célèbre ou
sérieuse, ou d’un style.
Péripétie : tout événement qui fait avancer l’action.
Réplique : partie du dialogue prononcée d’un seul tenant par un
personnage.
Satire : genre littéraire où l’auteur attaque les vices, les ridicules de ses
contemporains en s’en moquant. Adjectif : satirique.
Saynète : à l’origine, petite comédie bouffonne du théâtre espagnol que
l’on jouait pendant un entracte. Cela correspond à ce qu’on appelle
aujourd’hui un sketch.
Scénographie : ensemble des techniques qui envisagent l’organisation de
la scène et ses rapports avec la salle.
Sticomythie : succession de répliques de longueur égale ou à peu près
égale.
Théâtralité : ensemble des éléments qui donnent à un texte sa force
théâtrale.
Tirade : longue réplique.
Vraisemblance (règle de la) : règle selon laquelle une œuvre littéraire
doit avoir l’apparence du vrai.
Bibliographie et filmographie
Farces
Le Vilain Mire, anonyme, XIIIe siècle.
Dans cette courte pièce du Moyen Âge, qui a inspiré à Molière le
sujet du Médecin malgré lui, un paysan devient médecin parce que sa
femme, qu’il bat, veut se venger de lui.
La Farce de Maître Pathelin, anonyme, vers 1465.
Pièce comique médiévale, plus longue que toutes les autres farces,
qui exploite le comique de l’arroseur arrosé.
Filmographie
Molière ou la vie d’un honnête homme, d’Ariane Mnouchkine, 1977,
disponible en DVD.
Réalisé avec 120 comédiens, 600 participants, 1 300 costumes, 220
décors et deux années de travail, ce film de quatre heures raconte
l’aventure de Molière et de son siècle.
Molière, film de Laurent Tirard avec Romain Duris, 2007.
Le film imagine ce qu’ont pu être les années de jeunesse de
Molière, et ce qui a pu inspirer ses œuvres.
Le Médecin malgré lui, mise en scène de Dario Fo, réalisation Yves-
André Hubert, avec Catherine Hiegel, Gérard Giraudon, Marcel
Bozonnet…, édition de la Comédie-Française, 2002.
ONT COLLABORÉ À CE PETIT CLASSIQUE
Bel-Ami
Guy de Maupassant
Britannicus
Jean Racine
Contes De Grimm
Jacob et Wilhelm Grimm
Cyrano de Bergerac
Edmond Rostand
La Vénus d'Ille
Prosper Mérimée
Le Barbier de Séville
Pierre Augustin Caron Beaumarchais (de)
Le fantôme de Canterville
Oscar Wilde
Le fauteuil hanté
Gaston Leroux
Le grand Meaulnes
Alain-Fournier
Le Misanthrope
Molière
Les misérables
Victor Hugo
L'Ingénu
Voltaire
Micromegas - le monde comme il va
Voltaire
Phèdre
Jean Racine
Poil de Carotte
Jules Renard
Robinson Crusoé
Daniel De Foe
Thérèse Raquin
Émile Zola
Ubu roi
Alfred Jarry