Borgi Sameh These
Borgi Sameh These
Borgi Sameh These
l’assurance et de l’audit
Sameh Borgi
THESE
En vue d’obtenir le grade de Docteur de l’Université de Paris I
Discipline : Sciences Economiques
Sa m e h BOR GI
Directeur de Thèse
Fr a n ço is PAN N EQ U IN
JURY
M. Daniel Serra, Professeur à l’Université de Montpellier I (Rapporteur)
M. François Pannequin, Maître de conférences à l’école Normale Supérieure de Cachan
(Directeur de thèse)
M. Louis Lévy-Garboua, Professeur à l’Université de Paris I (Examinateur)
Mme. Marie Claire Villeval, Directrice de Recherche CNRS – GATE, Lyon (Rapporteur)
M. Serge Blondel, Professeur à l’Institut National d’Horticulture -Angers (Examinateur)
M. Thierry Chauveau, Professeur à l’Université de Paris I (Président)
L’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne n’entend donner aucune approbation
ou improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être
considérées comme propres à leur auteur.
Introduction générale 1
Introduction Générale
La fraude à l’assurance :
La fraude à l’assurance représente un risque croissant pour les assureurs. A la base, il s’agit
d’un problème d’asymétrie d’information entre les parties contractantes, l’assureur et l’assuré.
Cette asymétrie d’information est à l’origine de l’apparition de différentes formes de fraude :
la fraude à la souscription, le non respect des termes du contrat, la création volontaire d’un
dommage, la déclaration d’un faux sinistre ou encore le gonflement du montant du dommage
pour bénéficier d’indemnités plus généreuse. Selon un récent sondage d'Accenture1, près du
tiers des Américains croient que les gens qui commettent des fraudes à l'assurance, le font
parce qu'ils estiment payer trop cher leur assurance ou pour compenser les franchises élevées
(24 %). Presque tous les répondants à cette enquête (95 %) indiquent qu'il est important que
les sociétés d'assurance enquêtent sur les réclamations potentiellement frauduleuses,
principalement en vue de contrôler la hauteur des primes. La majorité des répondants (56 %)
estiment que ce type de fraude se produit parce que les gens croient pouvoir s'en tirer. «Le
secteur de l'assurance continue d'être de plus en plus vulnérable à la fraude», indique Michael
Lucarini, associé dans le domaine de l'assurance chez Accenture, qui ajoute « qu'il existe de
nouvelles technologies pouvant aider à prévenir et à contrer le problème ». Pour lui, les
1
Conseil en stratégie management et services d’ingénierie ayant pour métier le conseil, les solutions
technologiques et l’externalisation, pour constamment évoluer.
Introduction générale 2
grandes sociétés d'assurance doivent mettre en œuvre une technologie Web qui aide à
réévaluer les réclamations pour détecter les fraudes et qui alerte les personnes appropriées
lorsque des seuils sont dépassés ou que certaines parties sont impliquées.
Une vaste étude de recherche réalisée en1994, par la Coalition Canadienne Contre la Fraude à
l’Assurance (CCCFA), et reprise en 1997, a établi le coût de la fraude à l'assurance à 1,3
milliard de dollars par année. Ce qui signifie qu'entre 10 et 15 % des réclamations d'assurance
étaient jugées potentiellement frauduleuses. En 2001, La CCCFA estime que la fraude
représente plus de 6% du montant des primes d’assurances. Les médias canadiens se servent
constamment de ce message lorsqu'ils traitent du crime coûteux de la fraude à l'assurance. Les
résultats d'une étude de recherche indépendante pan-canadienne, qui fut réalisée en 2000, ont
montré que le coût de la fraude à l'assurance en matière de préjudice corporel, est de l'ordre de
500 millions de dollars par année. Selon cette étude, plus de 26 % de toutes les réclamations
pour préjudice corporel contiennent un élément de fraude. La CCCFA a limité son action à
une série de mesures visant à réduire la fraude d'assurance en matière de préjudice corporel,
surtout après la publication d'une étude réalisée par le Bureau d'assurance du Canada sur les
coûts liés aux demandes d'indemnité dans ce domaine. La publication en 2001 d'un sondage
national d'opinion publique révéla, que 92 % des canadiens désapprouvent la soumission
d'une réclamation fausse ou exagérée. La CCCFA a maintenu des contacts suivis avec ses
membres et a mis en place une série de nouvelles initiatives visant à accroître la
sensibilisation de la population et de l'industrie, à implanter des chapitres régionaux et en
accroître le rayonnement, à renouveler et à créer des outils pouvant aider l'industrie de
l'assurance dans sa lutte contre la fraude à l'assurance.
Le comité européen des sociétés d’assurance (1996) estime que le coût de la fraude est au
dessus de 2% du montant annuel des primes. Dans plusieurs pays européen, la fraude
représente entre 5 et 10% des indemnités remboursées par an (Viaene, Ayuso et Guillen,
2005).
En matière de lutte contre la fraude, il est important de rappeler le rôle central des experts en
assurance et des investigateurs. Ces enquêteurs sont sélectionnés en raison de leurs
compétences et ont pour mission de découvrir si les faits déclarés par les assurés sont erronés
et doivent, par conséquent, mobiliser les moyens de preuve qui pourront être utilisés par les
assureurs lors d’un procès. De plus, en France, les organismes institutionnels ont créé
l’Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance (ALFA), sous la forme juridique d’une
Introduction générale 3
association sans but lucratif. ALFA a pour vocation de protéger les assureurs et les assurés
contre la fraude. Elle s’inscrit donc dans une perspective d’intérêt général et a pour mission de
doter les entreprises d’assurances d’une structure opérationnelle anti-fraude. Il faut noter aussi
que les assureurs font appel dans la majorité des cas, à la jurisprudence qui leur permet de
réprimer les malversations. Ceci concerne surtout, la fausse déclaration intentionnelle. Au-
delà, la fraude peut être sanctionnée pénalement de manière de plus en plus sévère. En se
référant aux articles L.113-8 et L.113-9 du code des assurances, la fraude détectée entraîne
l’annulation du contrat d’assurance et que lorsque l’élément intentionnel est établi, l’assuré
perd tout droit à garantie et toutes les primes payées restent acquises à l’assureur.
Le cadre théorique :
Comme nous l’avons déjà mentionné plus haut, le problème de la fraude à l’assurance est
appréhendé par la majorité des travaux théoriques, comme étant à la base, un problème
d’asymétrie d’information, qui peut entraîner l’apparition des phénomènes de risque moral et
de sélection adverse entre l’assureur et l’assuré. Sans engagement dans une procédure d’audit
crédible, l’assureur ne peut jamais obtenir cette information, comme il ne peut jamais
découvrir le type de l’assuré avec qui il contracte : est-il du type honnête ou opportuniste ?
(voir Picard, 1996b). Dans leur travail sur les contrats d’assurance, Bond et Crocker (1997)
considèrent que les assurés possèdent l’information privée concernant leurs pertes actuelles et
qu’ils ont la possibilité de s’engager dans des manœuvres évasives. Les auteurs montrent
comment les problèmes de risque moral et d’asymétrie d’information peuvent affecter
l’efficience du contrat d’assurance. Dans nos modèles théoriques, présentés dans ce travail,
cette information privée que détient l’assuré concerne la réalisation effective et l’ampleur du
sinistre. Nous supposons, que la fraude consiste à déclarer un faux sinistre (sinistre qui n’a en
réalité jamais eu lieu) ou à gonfler le montant du dommage (déclarer un montant supérieur à
celui du dommage réel). Par conséquent, l’assureur ne peut obtenir cette information (montant
du dommage réel) qu’en s’appuyant sur une expertise. A cette étape de l’analyse, est évoqué
un deuxième problème, à savoir l’engagement de l’assureur dans une procédure d’expertise.
Par engagement, nous désignons que l’assureur annonce, dès la signature du contrat, sa
stratégie d’audit (vérification de la déclaration). Un courant théorique sur ce sujet, tel que le
travail de Picard (1996a, 2000), s’est intéressé à l’étude du marché d'assurance avec fraude et
audit. Son modèle est proche de celui étudié par Graetz, Reinganum et Wilde (1986) portant
sur l’évasion fiscale. Il montre que l'équilibre dépend de la capacité de l'assureur à s'engager
Introduction générale 4
ou non dans une stratégie d'audit crédible. Il prouve comment, parce que la fraude ne peut être
totalement éliminée, l'absence d'engagement contribue à pénaliser les assurés honnêtes et à
remettre en cause l'assurance elle-même. Pour notre travail, qu’elle soit déterministe ou
aléatoire2, nous supposons que la stratégie d’audit est prédéfinie par le contrat d’assurance
(hypothèse d’engagement confirmée).
La modélisation que nous adoptons pour décrire la relation entre les deux parties (assureur et
assuré), est basée sur un jeu simple (2 joueurs), séquentiel, à information imparfaite3 : les
deux parties connaissent les caractéristiques pertinentes du jeu, mais seul l’assuré est informé
de la survenance effective et de la taille réelle du dommage.
Parallèlement, nous faisons appel aux critères de l’espérance d’utilité pour formuler le
programme d’optimisation. Cette modélisation a pour but de résoudre le problème de fraude
et de caractériser les stratégies optimales de l’assureur (indemnité d’assurance, sanction en cas
de fraude, stratégie d’audit) et de l’assuré (comportement honnête ou frauduleux). Le principe
de révélation représente un autre concept clé de notre analyse, dans la mesure où il permet à
l’assureur d’avoir un avantage de Stackelberg sur l’assuré : le contrat d’assurance offert,
incite les assurés à déclarer la vérité. « Le principe de révélation énonce qu’on peut se limiter
à des mécanismes directs (où l’agent annonce son information) et révélateur (où il est de
l’intérêt de l’agent de faire des annonces véridiques) »4. En effet, la caractérisation de
l’équilibre se fonde sur la maximisation de l’espérance d’utilité de l’assuré sous contrainte de
participation de l’assureur (profit positif) et sous contraintes d’incitation de l’assuré (ce
dernier a toujours intérêt à déclarer la vérité).
Pour tester la validité de leurs prédictions théoriques, certains travaux, tels que Crocker J. et
Tennyson S. (2002), Dionne G. et Gagné R. (2002), Rejesus R. (2002), Dionne G. et Caron
(1997), Dionne G. et Belhadji (1996), Dionne G. Giuliano F. et Picard P. (2003), Boyer M. et
Schiller J. (2003), Crocker K. et Moran J. (2003), se sont fondés sur des études empiriques
concernant les données statistiques de certains secteurs d’assurance, et principalement
l’assurance automobile. Néanmoins, ces études traitent uniquement les opinions. Nous avons
besoin d’une étude complémentaire permettant d’examiner les interactions des agents dans
2
L’audit déterministe signifie la vérification systématique du sinistre déclaré et l’audit aléatoire représente la
vérification du dommage avec une probabilité qui dépend de l’ampleur du dommage.
3
Pour une description plus complète de la théorie des jeux, voir Montet C. et Serra D. (2003)
4
Cité dans : Bernard SALANIE (1994) : « Théorie des Contrats », p 12.
Introduction générale 5
des conditions contrôlées. Pour cette raison, nous avons opté pour une approche
expérimentale. Le recours à ce type d’analyse se justifie par la difficulté de vérifier la
robustesse des résultats théoriques dans des environnements naturels. Notre travail
expérimental, qui fut (à notre connaissance) le premier à étudier le phénomène de fraude à
l’aide d’une expérimentation, consiste à reproduire en laboratoire ces hypothèses théoriques,
afin de reconstituer une situation économique simplifiée et pour laquelle, l’ensemble des
variables est contrôlé par l’expérimentateur. Il s’agit de tester la théorie dans un cadre bien
spécifique composé d’un environnement, une institution et des comportements5. Nous avons
mis en oeuvre le protocole expérimental, que nous avons programmé sur un logiciel
spécifique (REGATE6), en essayant de nous rapprocher au maximum des conditions du
modèle théorique pour pouvoir en réfuter ou en valider les prédictions.
La dernière étape de ce travail, consiste à exploiter les résultats expérimentaux à l’aide des
analyses statistiques sur des données agrégées et individuelles. Nous avons procédé aux tests
non paramétriques pour comparer certains contextes, et à l’estimation de deux types de
modèles, Probit de panel et régression par GLS, pour définir les décisions des assurés et des
assureurs.
L’organisation de la thèse :
Cette thèse a pour objectif d’étudier le phénomène de fraude à l’assurance dans plusieurs
contextes et d’analyser l’efficacité de l’audit en matière de lutte contre les comportements
évasifs des assurés. Ce travail examine, dans un contexte d’audit coûteux, une situation où les
assurés possèdent l’information privée quant à l’ampleur et la réalisation de leurs dommages.
L’assureur ne peut obtenir cette information que sur la seule base de déclaration de sinistre.
Nous mettons l’accent sur la possibilité pour les assurés, de supporter des frais de falsification
(fraude coûteuse) visant à rendre l’activité de contrôle plus difficile et même imparfaite. Le
but est d’établir une comparaison des deux versions d’audit (parfait et imparfait) et de
caractériser la stratégie optimale de l’assureur (politique d’audit, profil d’indemnisation et
sanction) permettant d’induire des comportements honnêtes de la part des assurés.
Notre travail s’articule autour de deux axes :
5
Pour une définition plus détaillée, voir note de bas de page N°5, chapitre 3.
6
Logiciel expérimental, Romain ZEILIGER, CNRS-GATE, université Lumière Lyon 2 (France).
Introduction générale 6
Chapitre 1 :
Dans le premier chapitre, nous présentons, à travers une synthèse analytique les différents
scénarios de la fraude à l’assurance, et les actions entreprises par les assureurs pour combattre
ce phénomène. Cette analyse nous permet de dégager et de définir les difficultés que
rencontrent les assureurs quant aux moyens utilisés pour cerner le problème de la fraude.
Nous avons, remarqué qu’il existe un manque de chiffres et de données fiables sur le sujet. Le
phénomène de fraude a certes suscité beaucoup de recherches et d’études, mais il reste tout de
même difficile à quantifier. Les assureurs ont besoin de recherches et de statistiques qui
servent d’appui quant à l’adoption de techniques de lutte efficaces. C’est sur cette base qu’est
établi ce chapitre, pour montrer que l’étude théorique et empirique du phénomène de fraude
permet d’éveiller la conscience des assureurs sur la gravité de ce problème menaçant leurs
profits et le fonctionnement de leurs compagnies.
Chapitre 2 :
L’objectif du deuxième chapitre est de synthétiser une revue de la littérature groupant les
différents courants théoriques qui traitent le problème de fraude et d’audit à travers des
modèles économiques. Dans un premier temps, nous évoquons les hypothèses de base des
différentes modélisations, notamment, le problème d’asymétrie d’information entre les
contractants et l’hypothèse d’engagement de l’assureur dans une stratégie d’audit crédible.
Ensuite, notre démarche est dichotomisée en deux parties essentielles. La première est dédiée
aux principaux modèles économiques caractérisant l’audit déterministe et la manipulation des
coûts de contrôle par l’assuré. La deuxième est consacrée aux travaux théoriques portant sur
l’audit aléatoire. Nous élaborons pour chacune des deux formes d’audit, un modèle simple
inspiré de la littérature pour en expliquer les rouages. La dernière partie de ce chapitre
consiste à évoquer le problème d’imperfection de l’audit et à exposer les différentes
prédictions théoriques et leurs validations empiriques.
Introduction générale 7
Cette synthèse nous a servi de base pour dégager notre problématique et construire notre
méthodologie.
Chapitre 3 :
Chapitre 4 :
Chapitre 5 :
Dans le chapitre 5, nous traitons un modèle, utilisant le même cadre d’analyse que celui du
chapitre 4, à la seule exception près que nous adoptons l’hypothèse alternative selon laquelle
Introduction générale 9
l’audit aléatoire est cette fois imparfait. L’idée est que nous supposons que la fraude est
coûteuse pour l’assuré et nécessite que ce dernier investisse en frais de falsification permettant
de rendre l’activité de contrôle plus difficile. L’assureur devient incapable de détecter la
fraude avec certitude. Nous supposons que les frais de falsification représentent une fonction
croissante de la fraude. Pour ce qui est de l’audit, il existe une probabilité p dépendante des
coûts de falsification, que l’assuré fraudeur puisse échapper à la détection. Le programme
d’optimisation vise à maximiser l’utilité espérée de l’assuré sous les contraintes de
participation de l’assureur (profit positif), les contraintes d’incitation (l’assuré est amené
toujours à déclarer la vérité) et les contraintes de plausibilité du contrat d’assurance. La
résolution de ce programme, nous permet de définir le profil d’indemnisation optimal et de
caractériser la politique d’audit permettant d’atténuer l’ampleur de la fraude et de dissuader
les assurés. Les prédictions de cette partie théorique sont testées par une expérimentation
reproduisant en laboratoire les hypothèses du modèle théorique. Les données expérimentales
ont été analysées à l’aide de tests statistiques (non paramétriques) et de modèles
économétriques (Probit multinomial ordonné).
Chapitre 1 10
Introduction : ............................................................................................................................ 11
Section 1 : Etude analytique des différentes formes de fraude................................................. 13
1.1. L’organisation du sinistre par l’assuré : ........................................................................15
1.1.1. Le faux sinistre : .....................................................................................................15
1.1.2. La provocation du sinistre par l’assuré :.................................................................17
1.2. La fraude après la survenance du sinistre :...................................................................18
Section 2 : L’expertise des sinistres et la détection de la fraude .............................................. 20
2.1. La preuve de la mauvaise foi et de la réticence:............................................................... 20
2.2. La vérification de la réalité des déclarations par l’Expert:...............................................23
2.3. Le pouvoir d’investigation des enquêteurs d’assurances : ................................................ 29
2.4. La création d’un organisme professionnel : L’Agence pour la Lutte contre la Fraude à
l’Assurance (ALFA). ................................................................................................................31
2.4.1. Le bureau central d’investigation des assurances :....................................................32
2.4.2. Le bureau central d’information inter-assurances: .....................................................32
2.4.3. Le commissaire de police, chargé de mission : ..........................................................32
Section 3 : La politique de prévention et de dissuasion de la fraude........................................ 33
3.1. Sanction et pénalité : ......................................................................................................... 33
3.2. La prévention de la fraude :............................................................................................... 39
3.2.1. La nécessité de l’information et du contact entre assureurs et assurés :....................39
3.2.2. La nécessité d’une politique rigoureuse de règlement de sinistre : ............................41
Section 4 : La nécessité de confrontation des problèmes de fraude implicites : ...................... 42
4.1. L’insuffisance de l’information :...................................................................................42
4.2. Le litige experts – assureurs : .......................................................................................43
4.3. Le problème d’incitation à la fraude : ...........................................................................44
4.4. Le manque de moyens de répression des enquêteurs : ..................................................47
Section 5 : Critiques et réflexions à promouvoir...................................................................... 48
5.1. Le développement de la centralisation des données :...................................................49
5.2. L’accroissement de la circulation de l’information :....................................................49
5.3. L’intérêt de l’homogénéité des actions des assureurs : ................................................50
5.4. La nécessité des études et des statistiques :..................................................................51
5.5. La nécessité de réduire le problème d’aléa moral : ......................................................51
Conclusion et discussion : ........................................................................................................ 53
Chapitre 1 11
Introduction :
1
L’article L 113-8, Code des Assurances : « Indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve
des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration
intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou
en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence
sur le sinistre.
Les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à
titre de dommages et intérêts. Les dispositions du second alinéa du présent article ne sont pas applicables aux
assurances sur la vie. »
2
L’article L 121-3, CA (partie législative) : « Lorsqu'un contrat d'assurance a été consenti pour une somme
supérieure à la valeur de la chose assurée, s'il y a eu dol ou fraude de l'une des parties, l'autre partie peut en
demander la nullité et réclamer, en outre, des dommages et intérêts. S'il n'y a eu ni dol ni fraude, le contrat est
valable, mais seulement jusqu'à concurrence de la valeur réelle des objets assurés et l'assureur n'a pas droit aux
primes pour l'excédent. Seules les primes échues lui restent définitivement acquises, ainsi que la prime de l'année
courante quand elle est à terme échu. »
3
L’article L. 121-4, CA : « Celui qui est assuré auprès de plusieurs assureurs par plusieurs polices, pour un
même intérêt, contre un même risque, doit donner immédiatement à chaque assureur connaissance des autres
assureurs. L'assuré doit, lors de cette communication, faire connaître le nom de l'assureur avec lequel une autre
assurance a été contractée et indiquer la somme assurée. Quand plusieurs assurances contre un même risque sont
contractées de manière dolosive ou frauduleuse, les sanctions prévues à l'article L. 121-3, premier alinéa, sont
applicables. Quand elles sont contractées sans fraude, chacune d'elles produit ses effets dans les limites des
garanties du contrat et dans le respect des dispositions de l'article L. 121-1, quelle que soit la date à laquelle
l'assurance aura été souscrite. Dans ces limites, le bénéficiaire du contrat peut obtenir l'indemnisation de ses
dommages en s'adressant à l'assureur de son choix. Dans les rapports entre assureurs, la contribution de chacun
d'eux est déterminée en appliquant au montant du dommage le rapport existant entre l'indemnité qu'il aurait
versée s'il avait été seul et le montant cumulé des indemnités qui auraient été à la charge de chaque assureur s'il
avait été seul. »
4
Assureur / n°31- Juin 1996
Chapitre 1 12
La fraude à l’assurance consiste en un acte volontaire commis par l’assuré en vue de tirer de
son contrat d’assurance un profit illégitime. Cependant, pour qu’il y ait fraude, il faut que
l’assuré soit de mauvaise foi. Il n’y a pas de fraude si l’assuré a agi par erreur ou en croyant
qu’il ne commettait aucune irrégularité.
Les relations contractuelles qui s’établissent entre les compagnies d’assurances et leurs
assurés se résument à des transferts monétaires : contre paiement d’une prime d’assurance, le
contrat garantit le versement d’indemnités en cas de dommage. Les montants de ces transferts
dépendent évidemment, des déclarations de l’assuré, que ce soit à la signature du contrat pour
fixer le montant de la prime (déclaration du risque) ou en cours de contrat (déclaration du
dommage). Inévitablement, l’industrie de l’assurance comporte une partie importante de
fraudeurs qui essaient de tirer des gains illicites.
Nous distinguons généralement trois formes de fraude :
* la fraude à la souscription, qui consiste à dissimuler ou falsifier la nature du risque à
assurer, pour bénéficier des primes moins élevées ;
* le non respect des termes du contrat en matière de prévention ou de précaution ;
* enfin, la fraude à proprement parler, qui consiste à créer un sinistre (incendie
criminel), à déclarer un faux sinistre, ou tout simplement à gonfler le montant des dommages
pour bénéficier d'indemnités plus importantes.
Pour combattre cette fraude, les compagnies d’assurance font appel à des experts en raison du
particularisme d’un sinistre, ou tout simplement parce qu’il présente un certain coût.
L’étendue de la mission de l’expert est variable, ses limites sont définies par celui qui le
mandate. En effet, l’évaluation au juste prix des réparations du dommage, rôle essentiel de
l’expert, doit mettre un frein à l’exagération de celles-ci, et éviter la couverture des dommages
antérieurs. Les justificatifs, souvent insuffisants, voir inexistants, rendent cette évaluation
délicate. A travers son expérience, et sa connaissance de la psychologie des assurés, l’expert
peut aisément critiquer chaque indice de fraude. Une fois relevé un premier indice, il doit
rechercher s’il en existe d’autres, et informer le plus vite possible l’assureur. Il lui fournit les
éléments qu’il a pu découvrir d’après les indices qu’il juge troublants. Il lui expose toutes les
contradictions et anomalies qu’il a enregistrées. Ces éléments sont utiles pour que l’assureur
puisse prendre des mesures particulières : soit qu’il confie une mission d’enquête à un de ses
préposés, à un enquêteur indépendant ou à un agent d’investigation d’ALFA5, soit qu’il
5
ALFA : Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance.
Chapitre 1 13
choisisse de dénoncer les faits au Procureur de la République ou de déposer une plainte contre
X.
Néanmoins, il est impératif à toutes les sociétés d’assurance, d’orienter leur attention vers
certains problèmes de fraude implicites. En effet, il nous semble indispensable, de créer un
climat relationnel rigoureux entre l’assureur et l’assuré. Souvent, ce qui est constaté pour la
majorité des cas, est que l’assuré n’entre en contact avec l’assureur que pour payer la prime
ou pour demander une indemnisation. En revanche, l’assureur a intérêt à instaurer un dialogue
élargi avec l’assuré qui doit être directement informé et rappelé du danger et des
conséquences d’un comportement frauduleux. Notamment, il faut bien s’assurer de la bonne
compréhension par l’assuré, en ce qui concerne les garanties, les indemnités, les exclusions et
surtout les sanctions qui découlent de la fraude.
La circulation de l’information ne doit pas aussi manquer à l’ensemble des compagnies
d’assurance. Il est obligatoire, pour tous les assureurs, de communiquer toute information
relative au problème de fraude. En effet, à travers une centralisation des renseignements
détenus par chacune des sociétés, toutes les autres pourront bénéficier d’une information plus
complète et plus efficace.
Il existe encore d’autres problèmes liés à la fraude, que les assureurs doivent résoudre pour
assurer un bon fonctionnement de leur métier. Nous citons à titre d’exemple le problème
d’incitation à la fraude, l’existence de litige entre l’expert et l’assureur, le manque de moyens
de répression des enquêteurs…
L’objectif de ce chapitre est donc d’analyser les différents comportements frauduleux des
assurés, d’extraire les problèmes sous-jacents à la fraude et d’éveiller l’attention des assureurs
sur certains points négligés ou encore oubliés.
Notre démarche est simple, nous commençons par une explication du phénomène de fraude et
des différents scénarios, ensuite nous présentons les solutions entreprises par les assureurs
pour lutter contre cette délinquance et enfin, nous exposons certaines critiques auxquelles
nous proposons des solutions. La conclusion est consacrée à présenter notre problématique à
travers certaines questions de recherche qui nous semblent intéressantes à étudier.
Les cas de fraude sont tellement nombreux et variés que nous optons pour une classification
selon la nature des différents scénarios.
Chapitre 1 14
• L'exagération des dommages, pouvant apparaître dans tous les cas d'assurance.
L'assuré présente de faux documents, ou fait appel à de faux témoignages pour attester
de la présence lors du sinistre (vol ; incendie ; dommages, etc.…) de biens inexistants
ou non sinistrés, mais ayant été déplacés.
• Les incendies volontaires, rencontrés dans les entreprises en difficultés financières, ou
concernant des biens difficiles à vendre.
• Les fausses déclarations de bris de glace afin de financer une réparation ou un
entretien de véhicule non indemnisable. Cette fraude apparaît également, sur
proposition d'un garagiste lors d'une reprise d'un véhicule, afin d'augmenter le montant
de la cession par le client. Dans tous les cas il y a complicité du garagiste qui fournit
une fausse facture.
• Les faux cambriolages dans lesquels l'assuré met en scène un vol dans son commerce
ou entreprise dans le but d'obtenir l'indemnisation d'objets qu'il n'a jamais possédés ou
qu'il a dissimulés.
• Les faux vols automobiles, dans le but d'obtenir un remboursement de dommages non
couverts, de faire rembourser des réparations importantes, pour faire face à un crédit
aux remboursements trop élevés, ou de se défaire d'un véhicule difficile à vendre.
• Les sinistres réels déclarés à une fausse date. Dans ce cas, l'assuré victime ou auteur
d'un sinistre non couvert, souscrit un contrat ou une garantie complémentaire, et
déclare le sinistre à une date postérieure.
• Les faux accidents de circulation. Ils permettent à l'assuré d'éviter un "malus" dans un
sinistre dont il est responsable (impact contre un corps fixe), en déclarant un accident
de parking, sans tiers identifié. L'assuré peut aussi se déclarer responsable d'un
accident, afin de faire prendre en charge des réparations d'un véhicule accidenté
antérieurement, ou pour faire indemniser les dommages d'un tiers qui est son
complice; ce dernier cas est fréquent lorsqu'un véhicule de location est en cause.
• Les fausses déclarations en matière d'assurances individuelles, corporelles, maladie,
ou vie. Elles se traduisent par :
- des arrêts de travail de complaisance, fréquents dans les assurances individuelles,
permettant d'obtenir des indemnités journalières indues.
- des faux certificats ou de complaisance concernant des taux d'incapacité établis à un
niveau plus élevé que la réalité, avec une simulation d'invalidité par l'assuré lors des contrôles
ou expertises.
Chapitre 1 15
Cette énumération de scénarios de fraude à l'assurance, n'est bien sûr pas limitative.
L'assurance apparaît comme une cible privilégiée pour les fraudeurs qui tirent, des profits
considérables de cette activité, dont l'ensemble des assurés supporte le coût.
A ce niveau une classification des pratiques de fraude semble être indispensable pour
distinguer :
- la création d’un sinistre : l’assuré organise lui-même le sinistre, que ce dernier soit
imaginaire ou réel ;
- la fraude consécutive à un sinistre aléatoire : après la survenance d’un sinistre, dont
la cause est extérieure à l’assuré, celui-ci, tente obtenir une indemnité à laquelle il n’a
pas droit.
par son médecin, tenta d’obtenir l’indemnité prévue à son contrat. Cet assuré, victime d’un
accident, obligé de cesser son activité professionnelle et contraint d’être assisté d’une tierce
personne, fut filmé alors qu’il se déplaçait seul dans la région.
L’assuré peut réclamer une indemnité suite à un sinistre dont il a été victime, mais dont il a
provoqué la réalisation. L’assureur n’a dés lors, aucune prestation à effectuer, puisqu’il s’agit
d’un sinistre volontaire.
Nous avons déjà abordé le cas du vol d’automobile précédemment. Mais nous soulignons ici
le problème des véhicules projetés dans des ravins ou réduits à l’état de cube métallique. En
effet, l’assuré subit réellement un sinistre, et il ne court pas le risque que l’assureur lui
propose de reprendre le véhicule contre remboursement de l’indemnité. Le véhicule a été
effectivement sinistré, même si cela résulte du fait volontaire de l’assuré.
Parmi les sinistres volontaires, c’est sans aucun doute l’incendie qui inquiète le plus les
assureurs, en raison de son coût. Il s’avère très difficile de prouver qu’un incendie est
volontaire, si l’on admet «qu’un sinistre ne présente pas un caractère douteux, si ses causes
sont parfaitement établies, ou si leur probabilité est très grande, à défaut de preuve »6. Les
motivations de l’assuré pour ce type de fraude sont très différentes : Par ce moyen, un gérant
d’entreprise, peut éviter la ruine de son entreprise, peut éviter des problèmes avec
l’administration fiscale, transformer ou changer ses locaux grâce à l’indemnité d’assurance.
Du coté des agriculteurs, on peut relater le cas d’une récolte assurée pour une valeur
supérieure à son cours, et qui flambe mystérieusement7. Des bâtiments anciens, spacieux,
construits en pierre de taille se révèlent invendables, mais leur incendie peut être une source
d’enrichissement lorsque l’assuré perçoit une indemnité correspondant à la valeur à neuf de ce
bien8.
Concernant les simples particuliers, si les cas semblent plus rares, ils existent néanmoins. Le
particulier peut-il être délivré du paiement des échéances d’un prêt contracté pour une maison,
ou un véhicule. L’assuré peut provoquer l’incendie d’une propriété construite sans permis,
dans une zone inconstructible, et dés lors invendable.
6
Note sur les sinistres douteux de l’Assemblé Plénière des Sociétés d’Assurance contre l’incendie et les Risques
Divers, Novembre 1983
7
Vie française, 23 Juin 1980, article J. L Bengel
8
Compte rendu de réunion du 1er décembre 1982, Assemblé Plénière des Sociétés d’Assurance contre l’incendie
et les Risques Divers
Chapitre 1 18
Ces fraudes sont tellement fréquentes, qu’elles tendent à se banaliser. Acceptées par un grand
nombre de citoyens, pratiquées le plus souvent par des particuliers délinquants ou honnêtes,
l’ensemble de ces petites fraudes coûte cher à l’assurance. L’assuré a certainement subi un
dommage, mais il demande une indemnité à laquelle il ne peut prétendre, soit parce qu’il n’y
a pas droit, soit parce que son droit est en fait inférieur.
Nous élaborons cependant une classification en distinguant les deux hypothèses suivantes :
c) Celle où l’assuré peut modifier les circonstances de la survenance du sinistre ou bien
modifier la garantie.
d) Celle où l’assuré peut exagérer le montant des dommages.
Dans la première classe de fraude, le sinistre se produit dans des conditions qui n’ouvrent pas
droit à la garantie. En effet, l’assuré falsifie la réalité afin d’obtenir l’indemnité évitant que
l’assureur n’invoque une exclusion de risques ou une non assurance. Les cas sont très
nombreux en assurance automobile. L’assuré peut faire une fausse déclaration soit sur la date
ou l’heure de l’accident afin de faire jouer la garantie, soit encore sur les conditions de
réalisation du sinistre. Nous citons à titre d’exemple, les substitutions de conducteurs, où
l’auteur de l’accident, non titulaire d’un permis, se fait passer pour le passager. Aussi, en cas
d’accident survenu sans tiers identifié, l’assuré peut trouver un complice qui accepte de
participer à cet accident. Pour les déclarations de vol de voiture, nous citons le cas où l’assuré
dont le véhicule a en réalité été endommagé lors d’un accident mais qui n’est pas couvert,
déclare le vol de ce véhicule en raison de l’absence de garantie dommage dans le contrat.
En multirisques habitations, il existe de nombreuses possibilités de fraude quand aux
circonstances du dommage. L’assuré peut ainsi, modifier la date et l’heure du sinistre pour
faire jouer la garantie vol, incendie ou autres. Il peut également être l’auteur du dommage et
devenir la victime du sinistre provoqué par un ami complice, afin de faire jouer son assurance
responsabilité civile.
L’assurance maladie – accidents corporels montre aussi quelques cas de ce type de fraude. En
effet, un assuré qui se blesse au cours d’une compétition sportive, peut déclarer un accident
privé. Aussi, un assuré, victime d’un accident, tente, en modifiant les circonstances, de faire
supporter à l’assureur les conséquences d’un accident antérieur.
Chapitre 1 19
Pour ce qui est modification de garantie, l’assuré peut être non garanti pour le sinistre qu’il a
subi. Il décide alors de souscrire un contrat, ou alors, ce qui est plus fréquent, il opte pour une
extension de garantie du contrat initial, puis il déclare le sinistre. L’assuré falsifie la date de
survenance du sinistre, ou les factures d’achat ou de réparation qu’il présente à titre de
justificatifs, ou encore obtient le faux témoignage d’un ami. Cette manœuvre peut être faite à
l’initiative de l’assuré seul, mais aussi avec l’aide d’un intermédiaire.
Une deuxième méthode de fraude après sinistre est celle correspondant à l’exagération du
montant des dommages. Pour ce type de fraude, l’assuré peut agir seul comme il peut faire
recours à une tierce personne l’aidant à bien cacher la vérité. En effet, l’assuré peut,
préalablement au sinistre ou postérieurement à celui-ci, dissimuler une part des biens, afin
d’augmenter la valeur perdue. Cependant l’assuré peut agir seul lorsqu’il déclare un sinistre
survenu à un bien couvert par une sur–assurance qu’il sait être frauduleuse. C’est l’action de
certains assurés, victimes d’un cambriolage, plus rarement en cas d’incendie.
L’assuré qui cherche à convaincre l’assureur de la justesse de sa demande, peut faire appel à
l’intervention d’un tiers. Mais à ce niveau, il faut distinguer deux cas. Dans le premier, cet
intermédiaire peut être de bonne fois. Le cas le plus fréquent est celui des médecins, abusés
par les plaintes de leurs patients, peuvent confirmer la gravité de l’état de ceux-ci. Il en est de
même en matière de dommage aux biens (incendie, vol, dégâts des eaux…). Les tiers peuvent
confirmer que l’assuré était propriétaire de certains objets simplement parce qu’ils ont vu
l’assuré victime en possession de ceux-ci.
Dans le second cas, le tiers est de mauvaise fois. Il fournit à l’assuré des preuves écrites
erronées. En effet, les fausses factures ou celles d’un montant exagéré représentent un moyen
de déclaration frauduleuse en cas de vol ou d’incendie. Ça peut concerner aussi les effets
personnels des particuliers (bijoux, mobilier, vêtements…), les marchandises des entreprises,
les réparations de véhicule (bris de glace, carrosseries, accessoires)...etc. Devant toutes ces
manœuvres frauduleuses, l’assureur n’aura pas matériellement le temps de vérifier l’existence
de toutes les entreprises émettant des factures. Les faux témoignages donnés par des amis, ou
de la famille sont aussi très fréquents. Ils viennent souvent s’ajouter à la production des
fausses factures. Enfin les certificats de complaisance obtenus auprès des médecins,
moyennant ou non une rémunération, permettent à l’assuré d’obtenir une indemnité exagérée
par rapport à son dommage réel.
Cependant, pour faire face à cette diversité de pratiques de fraude, le premier devoir demandé
à l’assureur est d’apporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré. Il est vrai qu’il s’agit
d’une tâche relativement difficile, mais nous montrons dans ce qui suit que les assureurs
Chapitre 1 20
peuvent établir la preuve de la mauvaise foi par tous les moyens. Notamment, nous
distinguons deux catégories de moyens de preuve : ceux qui sont intrinsèques au contrat
souscrit par l’assuré; et ceux qui résultent d’un véritable travail d’investigation effectué par la
compagnie d’assurance.
Le contrat d’assurance est par définition basé sur la bonne foi des parties. Il s’applique à des
situations qui, pour des raisons commerciales ou économiques, ne peuvent être contrôlées
systématiquement par l’assureur. En effet, le contrat offre des opportunités de fraude lors de
sa conclusion ou de son exécution :
Lors de la conclusion :
– la dissimulation d’éléments qui permettent d’évaluer le risque à couvrir (fausse
déclaration intentionnelle) pour éviter un refus de couverture de la part de l’assureur,
ou pour obtenir des conditions de garantie plus avantageuses ;
– la dissimulation de l’existence d’autres garanties portant sur le même risque
(assurances multiples) pour préparer une indemnisation multipliée ;
– la souscription de garanties sur des biens qui n’existent pas ou dont la valeur déclarée
est délibérément surévaluée en vue de s’enrichir en cas de sinistre.
Lors de l’exécution :
– sinistre volontaire ou faux sinistre : l’assuré provoque volontairement un sinistre ou il
déclare un sinistre qui n’est pas survenu ;
– après un sinistre réellement survenu : l’assuré tente de faire entrer un sinistre dans le
cadre d’une garantie qui ne devait normalement pas jouer, ou il augmente le montant
des dommages qu’il prétend avoir subis.
La réticence s’analyse comme étant « l’omission volontaire d’une circonstance qui aurait dû
être déclarée9 ». Cette abstention est relevée le plus souvent en assurance automobile :
– en ce qui concerne la non déclaration d’aggravation de risque : nous citons le cas d’un
assuré (menuisier), couvert pour ses déplacements privés, qui utilise son véhicule pour
des fins professionnelles et oublie de déclarer à son assureur qu’il est devenu
représentant de commerce10 ;
– en ce qui concerne la non déclaration des antécédents : par exemple, l’assuré oublie de
déclarer sa condamnation pour conduite en état d’ivresse.
L’existence du questionnaire soumis à l’assuré lors de la signature du contrat, ne dispense pas
celui-ci de déclarer les circonstances connues de lui, de nature à faire apprécier à l’assureur
des risques pris en charge. A défaut de telles déclarations, la réticence est retenue.
A coté de la réticence, la déclaration volontaire d’un fait inexact est de loin la cause soulevée
le plus fréquemment par les assureurs pour obtenir la nullité du contrat. La preuve d’un acte
positif étant plus aisée que celle d’un comportement passif.
La mauvaise foi de l’assuré est appréciée souverainement par les tribunaux du fond11. Pour
cela, ils peuvent prendre en considération :
• L’attitude du souscripteur, qui a multiplié les fausses déclarations, ou dont les
mensonges sont évidents. Il dissimule par exemple, un accident récent ou
particulièrement grave. Le fait qu’il n’est pas le propriétaire du véhicule12; il
cherche à faire de substantielles économies sur le montant de la prime13 ; il produit
un document falsifié pour obtenir un bonus de 50%14 ; il déclare n’avoir jamais été
assuré auparavant pour échapper au malus… ;
• Sa capacité intellectuelle : sa mauvaise foi peut être écartée si, ne sachant ni lire ni
écrire, il n’a pu comprendre le sens du document soumis à sa signature15, elle peut
être au contraire admise si, par sa profession, il était en mesure d’en comprendre
l’exacte portée16. La cour de Dijon retient la nullité d’un contrat d’assurance
automobile pour non déclaration de sinistres antérieurs, alors que le souscripteur
était un illettré étranger, mais que celui-ci comprenait le français17
9
Cass. , ch. Civ, 23/10/1973 (RGAT 1974, p 208)
10
Cass. , 1ère civ., 1/03/1983 (J. A. 1983, p 248)
11
Civ. I, 17 juillet 1990, RGAT 90-814, note R. Maurice, Crim. 9 décembre 1992, RGAT 92-282
12
Civ. I. 8 novembre 1994, RGAT 95-34
13
Civ. I, 11 décembre 1990, RGAT 91-45, note de H. Maargeat et J. Landel
14
Civ. I, 14 novembre1995, RGAT 96-286, note F. Chardin
15
Civ. I, 17 novembre 1987, RGAT 88-21, note J. Bigot
16
Civ. I, 28 avril 1986, RGAT 86-392, note F. Chpuisat
17
Cour de Dijon, 10/12/1981 (P. V. , Contentieux – 21 janvier 1982)
Chapitre 1 22
• La qualité des documents remplis par lui : s’il répond de manière inexacte, par oui
ou par non, à des questions claires, précises et sans ambiguïté, cette circonstance
est de nature à établir sa mauvaise foi. Au contraire, si l’assureur se prévaut des
seules inexactitudes figurant sur le contrat, il n’est pas en mesure, à défaut d’une
quelconque déclaration écrite et personnelle de l’assuré, d’établir sa mauvaise
foi18. De même l’assureur ne peut se prévaloir d’une mention portée sur les
conditions particulières si elle ne figure pas sur la proposition signée par l’assuré19.
Les assureurs peuvent établir la preuve de la mauvaise foi par tous les moyens. Nous
distinguons deux catégories de moyens de preuve : ceux qui sont intrinsèques au contrat
souscrit par l’assuré; et ceux qui résultent d’un véritable travail d’investigation effectué par la
compagnie d’assurance.
Cependant, l'assureur qui cherche à prouver la mauvaise foi de son assuré doit tout d’abord,
commencer par analyser les réponses contenues dans le questionnaire soumis à l’assuré lors
de la conclusion du contrat, afin de pouvoir les comparer avec la réalité et déterminer la
fausseté ou les omissions dans les déclarations. Ainsi, la preuve mise à la charge de
l’assureur, peut être faite par tous les moyens, mais il est certain que celle-ci est facilitée en
présence d’un questionnaire.
Le questionnaire soumis à l’assuré à la souscription du contrat sert de moyen d’information
pour l’assureur sur son contractant et surtout sur le risque qu’il garantit. Les réponses
apportées dans ce questionnaire permettent de prouver la mauvaise foi de l’assuré. Pour un
dossier douteux contenant de fausses déclarations, le questionnaire sert, non seulement à
déterminer des circonstances que l'assuré a cachées (qu’il aurait dû déclarées lors de la
souscription du contrat), mais aussi à prouver si ce dernier a été de mauvaise foi. L’assureur
peut déduire la mauvaise foi du déclarant à partir des réponses fournies lors de la conclusion
du contrat. En effet, il devient plus difficile à l’assuré de prouver sa bonne foi, puisque le
questionnaire répond à toutes les exigences de précision. Une question précise doit amener
une réponse précise20. Les formules employées par l'assureur doivent être dénuées de toute
ambiguïté.
18
Crim. 12 mai 1993, RGAT 93-805, note de J. Landel
19
Crim. 13 février 1992, RGAT 92-539, note de J. Landel
20
L’article L. 113-2 du Code des Assurances stipule : « l’assuré est obligé…de répondre exactement aux
questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur
l’interroge lors de la conclusion du contrat sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur
les risques qu’il prend à sa charge ».
Chapitre 1 23
En conclusion, pour prouver la mauvaise foi de son contractant, l’assureur ne doit laisser
entrevoir aucun doute quant à son obligation d'information. L’assuré est supposé avoir une
parfaite connaissance sur l’intégralité du contrat lorsqu’il fournit ses réponses et son
consentement. Par conséquent, aucun doute ne doit subsister quant à l'origine des documents
produits par l'assureur21.
Au-delà de l'analyse du questionnaire soumis à l’assuré lors de la conclusion du contrat,
l'assureur peut, dans la majorité des cas, recourir à de véritables investigations effectuées par
des spécialistes du domaine. Cependant, il peut établir la preuve formelle de la mauvaise foi
de son contractant.
Il est ainsi indispensable de faire appel à des recherches permettant de prouver la fausseté des
déclarations de l'assuré, dès lors qu’il devient difficile pour le gestionnaire du dossier de
prouver de façon certaine la fraude dont la compagnie d'assurance est la victime. Ces
investigations englobent le plus souvent la vérification des faits déclarés par l’assuré,
l’appréciation de la cause du dommage, et l’évaluation de l’indemnité réparatrice du préjudice
subi. Elles permettent de confirmer les doutes de l'assureur. C'est pour cette raison que des
expertises et des recherches approfondies sont indispensables pour vérifier la réalité des faits
et démontrer éventuellement la mauvaise foi du déclarant.
Les actes frauduleux sont suffisamment répandus pour que les assureurs fassent leur possible
pour les combattre, tant dans leur intérêt que celui des assurés qu’ils représentent, puisque le
coût de la fraude est répercuté dans la prime d’assurance. Dans certains cas, il existe assez
d’indices en faveur d’un acte volontaire pour que le sinistre fasse l’objet d’une enquête et
pour que des poursuites soient engagées. L’assureur doit alors, suivre le déroulement de
l’enquête, en se constituant partie civile par exemple. En cas de condamnation pénale pour
escroquerie, ou acte volontaire, l’assureur peut se prévaloir de la décision pour invoquer la
faute intentionnelle.
En l’absence d’enquête pénale, l’assureur peut prendre la décision de faire procéder à une
enquête si des indices en nombre suffisant peuvent laisser croire à l’existence d’un dommage
21
Selon l’article L. 112-3 du Code des Assurances, l’assureur «ne peut se prévaloir du fait qu’une question
exprimée en termes généraux n’a reçu qu’une réponse imprécises ». Autrement dit, si l’assureur veut une
réponse précise, il faut que sa question le soit également. De même à défaut de remise par l’assureur de
document (le questionnaire), il ne pourra se prévaloir d’une mauvaise appréciation du risque qui lui est proposé.
Chapitre 1 24
frauduleux. Les indices qui doivent attirer l’attention de l’assureur sont surtout liés au
contexte du sinistre, aux circonstances du sinistre et au déroulement du règlement.
Cependant, le recours à l'expertise est envisageable pour prouver la mauvaise foi de l'assuré;
mais les juges de fond ne sont pas tenus de suivre les conclusions de l'expert. Cette solution
traditionnelle a été retenue par la cour de cassation, notamment le 5 Juillet 1989 malgré les
constatations d'une compagnie d'assurance déboutée de sa demande d'annulation du contrat
sur la base de l'article L 113- 8 du Code des assurances.
Les compagnies d’assurance font appel à des experts en raison du particularisme d’un sinistre,
ou tout simplement parce qu’il présente un certain coût. L’étendue de la mission de l’expert
est variable, ses limites sont définies par celui qui le mandate.
Les experts se doivent donc:
• de savoir les indices de fraude et cela, dans toutes les branches où ils peuvent
être amenés à régler des sinistres ;
• d’informer les assureurs des indices qu’ils ont pu découvrir, des soupçons qu’ils
peuvent avoir quant au caractère frauduleux d’un sinistre ;
• d’assister les assureurs, leurs préposés ou auxiliaires (inspecteurs, enquêteurs,
agents d’investigation d’ALFA22) chaque fois qu’une société d’assurances juge
opportun d’ouvrir une information sur un sinistre qui apparaît « douteux ».
En présence de plusieurs indices permettant de suspecter l’existence d’une fraude, l’assureur a
intérêt à procéder rapidement à des investigations qui lui permettent de confirmer ou
d’infirmer ses soupçons. Il peut notamment :
• vérifier si d’autres contrats ont été souscrits par l’assuré, questionner le cas échéant
les précédents assureurs ou les autres assureurs garantissant l’assuré pour d’autres
risques, consulter le fichier des fraudes mis au point par les organisations
professionnelles ;
• Prendre des mesures rapides pour garder les lieux en état, prélever les traces, en
requérant en cas de besoin les services d’un huissier de justice, afin de conserver
les preuves éventuelles d’un acte volontaire ;
• Faire procéder à une enquête, de préférence par des enquêteurs spécialisés. En
effet, celle-ci doit être menée avec tact et discrétion, dans le respect de la vie
privée à laquelle chacun a droit23, en évitant le recours à des moyens illégaux. De
plus le rapport d’enquête doit être précis, étayé par des documents justificatifs
22
ALFA : Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance
23
Article. 9 al. 1er Code civile
Chapitre 1 25
24
Source A. G. F.
25
Cass. 1ère civ., 9/11/1981 (D., 1983, p. 303)
Chapitre 1 26
26
ALFA : Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance.
Chapitre 1 27
Mais la constitution d’un dossier photographique n’intéresse pas seulement les sinistres
incendie. Un tel dossier peut constituer une source d’informations précieuses pour d’autres
événements (explosion, vol, cambriolage...).
Le plus important dans ce genre d’affaires, est que l’enquête doit être menée avec tact et
discrétion, dans le respect de la vie privée à laquelle chacun a droit, en évitant le recours à des
moyens illégaux. De plus le rapport d’enquête doit être précis, étayé par des documents
justificatifs (témoignages, etc.) assez convaincants pour que le juge les prenne en
considération.
En conclusion, nous confirmons que le rôle de l’expert est central dans la détection de la
fraude. Passons sur les problèmes de compétences : c’est aux experts eux-mêmes à veiller aux
qualités professionnelles de l’ensemble des membres de leur profession. En revanche, la
spécialisation et la vigilance, dont peuvent se prévaloir les experts, sont des éléments
importants pour les assureurs. C’est une évidence, mandater un expert non spécialisé pour un
vol de meubles anciens est normal, et peut coûter cher à la compagnie, si l’expert en toute
confiance, suit les prétentions de l’assuré victime. La spécialisation est un gage de bonne et
juste évaluation, nécessaire pour établir à son juste montant l’indemnisation due à l’assuré.
A ces problèmes de spécialisation et de vigilance s’ajoute celui de l’extension des fonctions
de l’expert. Initialement, arbitre entre deux parties, il tend à devenir régleur de sinistre. Le
détourner de ses fonctions premières, c’est diminuer son esprit d’objectivité pour n’en faire
qu’un « expert – régleur de compagnie ». Or l’expert est un des éléments extérieurs, qui est le
plus à même de détecter la fraude existante s’il est délivré des contraintes émanant de chacune
des parties.
Enfin, il faut encore rappeler que, pour certains sinistres, la complexité et la difficulté de
gestion des dossiers associés et présentés à l’assureur, nécessitent non seulement
l’intervention de l’expert mais également un véritable travail d’investigation du coté des
enquêteurs. Ces recherches approfondies sont indispensables pour vérifier la réalité des faits,
apprécier la cause du dommage et démontrer éventuellement la mauvaise foi du déclarant
pour confirmer les doutes de l’assureur.
Dans le paragraphe suivant, nous présentons les causes d’un recours au pouvoir
d’investigation, la mission accomplie par les enquêteurs, et enfin, les limites et les lacunes de
cette profession.
Chapitre 1 29
Les enquêtes sont menées selon des méthodes et avec des moyens très différents selon les
sociétés ou mutuelles d’assurances. Les enquêteurs dans leur recherche, pour prouver la
fraude à l’assurance, vont bénéficier d’un champ d’investigation très étendu. En effet, ils
possèdent de larges pouvoirs pouvant être comparés à ceux des officiers de gendarmerie ou
des fonctionnaires de police judiciaire. Ils sont sélectionnés, en raison de leur compétence.
Leur compétence territoriale correspond approximativement au ressort d’une ou deux Cours
d’Appel. Une formation continue leur est dispensée. Elle porte sur des données techniques
spécialisées relatives au vol et à l’incendie, des examens critiques des causes de sinistres
invoquées, des méthodes et conseils d’enquête, une documentation juridique des décisions
relatives à l’assurance. A la suite de la saisine de ce service par la compagnie, une distribution
des affaires est effectuée en fonction de la zone géographique concernée mais aussi de la
spécificité de l’affaire. Toutefois, les enquêteurs de province peuvent être saisis directement
par les compagnies. Leur mission est de découvrir la réalité, et de ménager des moyens de
preuve à l’assureur. Mais, au delà de leurs investigations, leur principale préoccupation
demeure le respect des principes fondamentaux des droits de la défense afin de donner à leurs
enquêtes et aux preuves recueillies, la probité nécessaire, pour être produites lors d’une
instance devant une juridiction.
Ces enquêteurs ont pour mission de démontrer que les faits déclarés par l’assuré sont erronés.
Ils doivent, si cela leur est possible, ménager les moyens de preuves qui pourront être utilisés
par l’assureur lors d’un procès. A partir des pièces du dossier de sinistre, et éventuellement de
celles de production, qui leur sont communiquées par la compagnie, les enquêteurs effectuent
leurs recherches : vérification des éléments du dossier, témoignages…
La recherche d’éléments d’informations constitue le fondement de leur moyen
d’investigation, dans la mesure où elle ne porte pas atteinte aux droits des personnes. Le
travail de recherche de l’agent d’investigation pour prouver une fraude à l’assurance, peut être
mené dans de nombreuses directions : en vérifiant les divers fichiers, en se rendant dans les
endroits où le sinistre peut avoir laissé des traces ou des indices, en entrant en relation avec
l’intermédiaire pour vérifier les conditions de souscription, la régularité des règlements, la
personnalité de l’assuré. Il peut demander des précisions à l’expert, aux ingénieurs et
généralement à tous les techniciens, sur des points particuliers pouvant être utilisés pour ou
contre l’assuré.
Chapitre 1 30
Il peut rendre visite aux personnes ou aux commerçants ayant fourni des justificatifs ou
susceptibles de donner des informations.
L’enquêteur peut également vérifier la réalité des factures, des encaissements, en contrôlant la
véracité des témoignages et leurs valeurs, en effectuant des démarches auprès de certains
organismes privés ou officiels pouvant détenir des informations utiles : banques, sociétés de
prêts, conservation des hypothèques.
Il a également la possibilité de se rapprocher des services officiels d’enquêtes territorialement
compétents afin de leur fournir des informations éventuellement utilisables pour l’ouverture
d’une enquête préliminaire ou bien pour leur demander des renseignements qui permettraient
soit d’étayer la bonne foi de l’assuré, soit de confirmer les doutes initiaux. Il est
indispensable, pour ces enquêteurs de conserver des traces écrites de tous les renseignements
qu’ils ont pu recueillir. Ceux-ci peuvent résulter de documents obtenus de façon régulière au
cours des investigations, c’est à dire de véritables factures, des photographies probantes, des
résultats d’analyses, des bulletins d’hospitalisations. Il est à noter que les méthodes des agents
d’investigation s’adaptent aux recherches effectuées permettant d’aboutir à la preuve formelle
de l’innocence ou de la culpabilité de l’assuré.
Deux rapports sont ensuite établis : l’un souvent verbal, pour la compagnie, comportant tous
les éléments consécutifs à l’enquête, l’autre destiné, avec l’accord de l’enquêteur, à être
produit en justice, dépouillé des renseignements qui ne peuvent être portés sur la place
publique.
Désormais, de nombreuses entreprises d’assurances ne font pas appel systématiquement à
l’organisation mise en place par ALFA, mais préfèrent solliciter soit des détectives privés, soit
leur propre service d’enquêtes. Ce fait est d’autant plus regrettable que la raison de ce refus
est essentiellement due à des raisons de nature économique, car le coût des enquêtes menées
par ALFA est estimé trop élevé.
En outre, le recours à d’autres sources demeure-t-il nécessaire ? Celles-ci sont les suivantes :
• Les services spécialisés de police : leur objectif majeur est de démasquer des escrocs
et les trafics organisés.
• Les enquêteurs privés : certains d’entre eux ne travaillent qu’avec une compagnie,
d’autres reçoivent leurs missions de plusieurs d’entre elles. Les assureurs ont pris
l’habitude de recourir à ces enquêteurs privés afin de déceler les manœuvres
frauduleuses dont ils étaient victimes. Mais en raison des abus constatés, tant au
niveau de la qualité des services que leur coût, les assureurs ont tenté de s’organiser en
Chapitre 1 31
L’agence de lutte contre la fraude à l’assurance s’est développée en premier lieu aux Etats-
Unis et au Canada, premiers pays à avoir pris conscience du problème de la fraude. En
France, la création d’un organisme officiel représentatif de la profession de l’assurance est
devenu une nécessité. En effet, pour pallier la carence des pouvoirs publics afin de saisir un
phénomène ne cessant de se développer et ne pouvant être abandonné, les assureurs ont mis
en place, le 1er janvier 1989, l’Agence pour la Lutte contre la Fraude à l’Assurance (ALFA)
sous la forme juridique d’une association sans but lucratif de la loi du 1er janvier 1901.
ALFA a pour vocation de protéger les assureurs et les assurés contre la fraude. A ce titre, elle
s’inscrit dans une perspective d’intérêt général. Elle a pour mission de doter les entreprises
d’assurances d’une structure opérationnelle anti-fraude destinée à leur fournir sur le plan
national les moyens centralisés :
• d’un service d’enquête ;
• d’une information inter-assurances ;
• d’une interface avec les pouvoirs ;
• d’une action d’étude et de réflexion, de formation et de sensibilisation.
Appropriée à la mission pour atteindre les objectifs visés, l’ALFA comprend :
Chapitre 1 32
Il s’agit dans ce paragraphe d’étudier les différentes sanctions prévues en cas de fausse
déclaration ou d’omission ayant pour effet de fausser l’opinion de l’assureur.
L’incertitude jurisprudentielle a une conséquence directe sur l’application des sanctions de
l’article L. 113-8 du code des assurances27, devant entraîner l’annulation du contrat
d’assurance en cas de fraude. Ainsi, lorsque l’élément intentionnel est établi, le contrat est
nul, l’assuré perd tout droit à la garantie, et toutes les primes payées restent acquises à
l’assureur28. Cette nullité connaît des applications particulières qui permettent de s’interroger
sur l’adéquation du terme de nullité employé par le législateur.
Cette constatation démontre l’importance considérable du choix de l’action que va intenter
l’assureur pour faire condamner son contractant. En revanche, et du fait de la nullité du
contrat, l’assureur peut également se faire rembourser toutes les indemnités d’assurances
27
L’article L. 113-8 CA prévoit que « indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des
dispositions de l’article L. 132-26, le contrat d’assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration
intentionnelle de la part de l’assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l’objet du risque ou
en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence
sur le sinistre… »
28
L’article L. 113-8 CA « …Les primes payées demeurent alors acquises à l’assureur, qui a droit au paiement
de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts… ».
Chapitre 1 34
réglées en paiement de sinistres antérieurs ainsi que les intérêts de celles-ci dus à partir du
jour où l’assuré les a perçues indûment. Cela signifie que l’annulation obéit à la règle
classique de la rétroactivité. Dés lors, les parties doivent être remises en état où elles se
trouvaient avant la souscription de la convention.
Toutefois, les tribunaux considèrent que l’assureur ne peut plus se prévaloir de la nullité du
contrat lorsque par exemple il accepte, après la connaissance de la fausse déclaration, de
payer des prestations ou de missionner un expert29.
Si l’on fait référence au droit commun, la règle de rétroactivité de la nullité du contrat,
implique la récupération des primes par l’assuré, afin de remettre les parties à l’état initial de
la souscription du contrat.
De plus, l’article L. 113-8 du code des assurances autorise l’assureur à conserver toutes les
primes encaissées, et même de percevoir les primes échues avant la demande d’annulation du
contrat si elles ne lui sont pas encore payées.
Egalement, si l’on suit ce principe de rétroactivité, il est impérativement demandé à l’assuré
de restituer toutes les indemnités qu’il a perçues depuis la date de prise d’effet de la nullité.
Toutefois, la récupération de toutes ces sommes (indemnités perçues et primes échues) par
l’assureur, demeure très difficile en raison de l’impossibilité dans laquelle se trouve
généralement l’assuré de rembourser.
Nous pouvons ainsi en conclure, que l’application de l’article L. 113-8 du code des assurances
représente une garantie permettant à l’assureur de sanctionner gravement le comportement
d’un individu ayant commis des actes frauduleux à son encontre.
En cas de fausse déclaration non intentionnelle, et lorsque l’assuré est de bonne foi, sa
déclaration erronée fausse l’opinion de l’assureur, déséquilibre son engagement vis-à-vis du
risque qu’il a accepté et justifie une correction du contrat.
Cette correction diffère selon que l’inexactitude sera découverte avant ou après le sinistre :
• Avant le sinistre : D’après l’article L. 113-9 du Code des Assurances30 ;
l’assureur peut choisir entre deux actions possibles : Soit il accepte de
maintenir le contrat à condition de l’adapter ainsi que la prime, et que cette
adaptation soit acceptée par l’assuré. Mais, en cas de refus de ce dernier, le
contrat sera résilié. Soit, il décide de se séparer de son client s’il voit qu’il
29
CIV. I, 18 janvier 1977, D. 77-IR-287, note C. Berr et H. Groutel.
30
D’après l’article L. 113-9 CA, si l’omission ou la fausse déclaration « …est constaté avant tout sinistre,
l’assureur a le droit soit de maintenir le contrat, moyennant une augmentation de prime acceptée par l’assuré, soit
de résilier le contrat dix jours après notification adressée à l’assuré par lettre recommandée, en restituant la
portion de la prime payée pour le temps où l’assurance ne court plus… ».
Chapitre 1 35
possible pour l’assureur de résilier le contrat en suivant l’article L. 113-4 CA comme l’article
L. 113-9 CA relatif à la fausse déclaration non intentionnelle, dans un délai limite de dix jours
et après notification à l’assuré. Et cependant, la partie de prime non courue doit être restituée
à l’assuré. De plus, l’assureur peut résilier le contrat dans un délai de trente jours qui suivent
la nouvelle proposition liée à l’adaptation de la prime, et ce, en cas où l’assuré ne donne pas
suite à cette proposition ou bien il la refuse36.
Dans le tableau suivant, nous donnons un résumé des mesures entreprises par les compagnies
d’assurances en cas de fausse déclaration intentionnelle et en cas d’aggravation du risque. Ces
mesures sont établies sur la base des articles L. 113-2, L. 113-4, L. 113-8 et L. 113-9 du code
des assurances.
Tableau récapitulatif :
Fausse Déclaration, Aggravation, Modification
Fausse Déclaration du Sanctions Appliquées au contrat
risque lors de la souscription Avant sinistre Après sinistre
Intentionnelle Nullité Nullité
Résiliation ou adaptation Règle proportionnelle de
Non intentionnelle
du contrat prime
36
L’article L.113-4 CA permet à l’assuré de refuser d’adapter la prime, le contrat peut être résilié dans les trente
jours de la nouvelle proposition : « …si l’assuré ne donne pas suite à la proposition de l’assureur ou s’il refuse
expressément le nouveau montant, dans le délai de trente jours à compter de la proposition, l’assureur peut
résilier le contrat au terme de ce délai, à condition d’avoir informé l’assuré de cette faculté, en la faisant figurer
en caractères apparents dans la lettre de proposition… ».
Chapitre 1 37
Toutefois, devant cette complexité et cette insécurité des décisions jurisprudentielles pouvant
parfois aboutir à une absence de sanction selon les preuves accumulées par la compagnie
d’assurances, il est possible pour cette dernière d’agir sur le fondement de l’article L. 113-9
du code des assurances. En effet, en cas d’impossibilité d’apporter une preuve formelle de la
mauvaise foi de l’assuré, l’assureur peut intenter une action sur la base de cet article afin de
ne pas laisser impuni l’ensemble des fausses déclarations.
Plus généralement, selon que la preuve de mauvaise foi de l’assuré soit établie ou pas,
l’assureur se trouve devant un choix de deux actions possibles. S’il considère que la mauvaise
foi n’existe pas ou est impossible à démontrer, il agira sur le fondement de l’article L. 113-9
du code des assurances. S’il estime que la mauvaise foi existe, il agira sur le fondement de
l’article L. 113-8 du code des assurances.
Article L. 113-8 CA
Article L. 113-9 CA
Enfin, en matière pénale, c’est sur la base du code de procédure pénale qu’il faut agir. Ainsi,
en ce qui concerne la charge d’apporter la preuve, il est indispensable d’appliquer la règle
fondamentale de la présomption d’innocence.
En effet, la compagnie d’assurance, victime de la fraude, se contentera dans la majorité des
cas de rapporter la preuve du dommage et du lieu de causalité avec l'information commise, la
preuve du délit pénal reposant essentiellement sur le ministère public, représenté par le
Chapitre 1 38
Procureur de la République. Ce dernier reçoit des plaintes et apprécie la suite à leur donner. Il
fait également procéder à tous les actes et recherches nécessaires à la poursuite des
infractions. Le juge d’instruction est saisi soit par un réquisitoire introductif émanant du
Procureur, soit par une plainte avec constitution de partie civile de la société d’assurance.
Pour parvenir à la manifestation de la vérité, il peut être aidé par la police judiciaire. En
matière pénale, l’administration de la preuve est également facilitée puisqu’aux termes de
l’article 427 du code de procédure pénale37 «hors les cas où la loi dépose autrement, les
infractions peuvent être établies par tous moyens de preuve et le juge décide d’après son
intime conviction.»
Ainsi, le juge doit faire reposer sa conviction sur des éléments soumis à la libre discussion des
parties et se fonder sur des présomptions dès lors que les faits qui lui servent de fondement
ont été produits à l’audience.
Les preuves sont d’abord recueillies au cours de l’enquête réalisée par la police, puis lors de
l’instruction préparatoire pour être examinées, discutées, éventuellement complétées au cours
de l’audience devant le tribunal correctionnel. Les moyens de preuve employés par la police
au cours de l’enquête sont principalement les constatations des officiers de police judiciaire,
les auditions des personnes susceptibles d’apporter des renseignements, les perquisitions et
saisies de pièces à conviction. Il est également possible de procéder à des examens techniques
et scientifiques.
Par la suite, au cours de l’instruction préparatoire, le juge dispose de tous les moyens de
preuve admis par le droit pénal: la perquisition ou l’expertise judiciaire.
Enfin, lors de l’audience, les magistrats procèdent à une nouvelle instruction au cours de
laquelle les preuves figurant au dossier sont examinées et confrontées.
Les moyens de preuves utilisables, tant devant les juridictions civiles que devant les
juridictions pénales sont très nombreux et facilitent la démonstration de la fraude dont
l’assureur est victime.
Une fois la fraude est démontrée, il ne reste plus à ce dernier qu’à mettre en marche la
machine judiciaire pour enclencher le processus répressif afin d’obtenir réparation de son
préjudice. Pour ce faire, l’assureur peut agir contre l’assuré fraudeur soit devant la juridiction
civile en réparation du manquement à l’obligation contractuelle de bonne foi édictée dans
37
L’article 427 du code de procédure pénale stipule : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les
infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction.
Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et
contradictoirement discutées devant lui. »
Chapitre 1 39
l’article 1134 du code civil38, soit devant la juridiction pénale lorsqu’il s’estime victime des
manœuvres frauduleuses.
Si l’assuré a fraudé, il est normal que le couperet de la sanction pénale ou civile tombe, mais
il en est de la lutte contre la fraude comme de toutes les luttes : la répression utilisée seule est
insuffisante. Elle doit toujours s’accompagner de mesures de préventions.
Ce qui est constaté le plus souvent est que l’assuré n’entre en contact avec son assureur que
pour payer la prime ou pour demander une indemnisation en cas de survenance d’un sinistre.
En revanche, il est important d’attirer l’attention de l’assuré sur le problème de fraude à
l’assurance et les sanctions qui en découlent. Créer une publication régulière qui permet de
circuler un certains nombre d’informations nouvelles pour l’assuré et de le rappeler des
problèmes importants qu’il a pu oublier, nous semble être indispensable pour créer un climat
relationnel rigoureux entre les deux contractants.
38
L’article 1134 du code civil stipule : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les
ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi
autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Chapitre 1 40
Cependant, pour une meilleure prévention, l’assureur a intérêt à instaurer un dialogue élargi
avec l’assuré. Pour cela, il peut faire appel à un intermédiaire qui a pour mission d’engager un
tel dialogue et sur différents points. Cet intermédiaire doit s’assurer de la bonne
compréhension par l’assuré en ce qui concerne les garanties, les indemnités, les
remboursements, les exclusions…Cette meilleure connaissance, de la part des assurés, peut
les conduire à chercher à mieux se couvrir et à ne pas penser que l’assureur est le seul
responsable d’une indemnité insuffisante. En effet, pour certains gens honnêtes, il existe une
mentalité de petit fraudeur ; telle qu’un assuré mal indemnisé représente un fraudeur
potentiel : sinistré et volé par son assureur.
Néanmoins, il existe des assurés qui connaissent parfaitement les clauses de leur contrat. Ils
savent ce qu’ils doivent faire pour garantir la meilleure indemnisation possible sans se servir
des tentatives de fraude ou de tricherie. Que cette catégorie de gens soient sur-informée
n’amène guère à développer la fraude ni à rendre les sous-informés (mal-indemnisés) plus
malins.
Un autre moyen pour sensibiliser les assurés quand aux justificatifs et conséquences de la
fraude, consiste à effectuer des expertises préalables ou des expertises bidons permettant
l’intermédiaire d’induire des réflexes qui seront profitables lors de la survenance d’un sinistre
et incitant les assurés à se procurer des moyens de preuve.
A l’aide d’une information sur les moyens de protection pour l’ensemble des garanties portant
sur les biens, l’intermédiaire peut se prévenir du risque couvert et de la fraude. Il doit par
exemple, insister sur le marquage des véhicules afin de se trouver un moyen de lutte contre le
vol et contre l’assurance des cartes grises, des épaves, des véhicules en mauvais état qui
représentent des objets d’incitations aux faux vols.
Enfin, il faut noter aussi, qu’il est indispensable d’avertir l’assuré sur les sanctions civiles et
pénales encourues en cas de fraude et que cet avertissement aura un effet dissuasif. En
revanche, il s’avère difficile aux assureurs d’informer les assurés des moyens de lutte contre
la fraude dont ils disposent, sans les faire sentir qu’on les suspecte à priori. Nous suggérons
que cette sensibilisation devrait avoir lieu avant la survenance du sinistre, voir lors de la
signature du contrat. L’assureur fait signer son client, outre le contrat, un texte distinct
rappelant l’ensemble des sanctions et des actions prises contre les déclarations frauduleuses.
Ce texte serait remis immédiatement ou envoyé quelques jours après à l’assuré afin
d’augmenter l’impact de cette information.
En conclusion, nous pensons que c’est aux compagnies d’assurance et aux divers organismes
de la profession d’instaurer un climat relationnel franc et d’assurer une information plus large
Chapitre 1 41
portant sur les mécanismes de l’assurance. Ils doivent viser à améliorer leur image de marque,
établir un contrat de manière moins occasionnelle, plus diffuse et plus régulière. Cette
politique nous semble efficace et rigoureuse pour faire face aux problèmes de fraude à
l’assurance. L’information doit porter sur les techniques de lutte mises en place, sur les coûts
encourus, sur les conséquences pécuniaires, pénales et civiles entreprises pour sanctionner les
fraudeurs (majoration de la prime, annulation du contrat, restitution des indemnités…).
Il est nécessaire pour les sociétés d’assurance d’informer l’assuré de la mise en place d’une
politique de règlement de sinistre de rigueur ainsi que de leurs décisions d’accroître leur
vigilance quant aux problèmes de fraude.
En effet, chaque assureur doit exiger à son contractant une preuve tangible de l’existence et de
la valeur du bien à assurer lors de la souscription du contrat. Cette mesure doit être entreprise
afin d’éviter les demandes d’indemnités de biens n’existant pas et qui sont déclarés volés.
L’assuré qui a acheté un véhicule à un particulier sans même exiger une facture, ne sait pas
que celle-ci pourrait lui être demandée en cas de vol.
En revanche cette méthode pourrait inciter les assurés malins ou encore « débrouillards » à se
procurer des factures de complaisance aux comptes des assurés plus honnêtes qui peuvent être
conduits à leur tour à pratiquer ce genre de fraude. Ainsi, la facture d’achat a un rôle très
important et doit obligatoirement être jointe au certificat de vente (par exemple lors de la
demande de carte grise à la préfecture).
Il est à noter aussi que le dossier de sinistre doit être construit avec toute rigueur :
• L’assureur doit exiger une déclaration de sinistre écrite, où l’assuré énonce le plus
de renseignements possibles sur le dommage. Ceci permet de regrouper toutes les
pièces nécessaires pour un dossier de sinistre : la déclaration du risque, la
déclaration de sinistre, la facture, les certificats médicaux, les procès verbaux, les
témoignages…Ce dossier servira ensuite à apporter les éléments de preuve
indispensables.
• L’assuré doit fournir à l’assureur tous les justificatifs des renseignements énoncés
lors de la déclaration du sinistre.
• L’assureur doit effectuer les vérifications de ces renseignements ainsi que de leurs
justificatifs.
Chapitre 1 42
• Faire appel le plus vite possible à l’expert qui doit se rendre rapidement sur les
lieux afin d’éviter les mauvais conseils d’amis et de garder les lieux en état,
prélever les traces, et conserver les preuves éventuelles d’un acte volontaire. En
cas de doute, une collaboration entre un intermédiaire et l’expert s’avère utile pour
cerner les qualités morales de l’assuré.
Enfin, il est plus judicieux de recourir aux enquêteurs ALFA ou privés chaque fois qu’une
société d’assurances juge opportun d’ouvrir une information sur un sinistre qui apparaît
« douteux ».
Il est indispensable que le dossier de sinistre soit géré rigoureusement de façon à pouvoir
dissuader l’assuré de tout comportement de fraude. Néanmoins, l’assureur peut refuser de
régler toute indemnité d’assurance, lorsque l’assuré s’engage dans des manœuvres
frauduleuses. Il attend ensuite à l’appeler éventuellement à comparaître en justice, en versant
le cas échéant des indemnités de retard.
Cependant, lorsque l’assureur arrive à rassembler un certain nombre de faits et à montrer la
mauvaise foi de l’assuré fraudeur, il peut systématiquement entreprendre une poursuite
pénale.
A notre avis, il est suffisant d’avoir un dossier douteux dans une compagnie d’assurance pour
que les services de règlement de sinistre parviennent à détecter des fraudes de même nature.
Avoir une personne affectée à ces problèmes de sinistres douteux, les aidera à cette détection.
Il est vrai que ces problèmes ne sont que marginaux par rapport à la totalité des dossiers
d’assurance d’une compagnie, mais une telle sensibilisation sur les techniques de fraude, les
moyens de lutte et de prévention contribue énormément à accroître la vigilance.
Il existe des problèmes implicites à la fraude à l’assurance, auxquels, les assureurs doivent
apporter des réponses. Parmi ces problèmes, nous citons les suivants :
Il est absolument obligatoire pour toutes les compagnies d’assurance d’être indiscret sur tout
ce qui concerne le problème de fraude. En effet, à travers une centralisation des
renseignements détenus par chacune des sociétés, que toutes les autres pourront bénéficier
Chapitre 1 43
d’une information la plus complète et la plus efficace possible et leurs études deviennent plus
performantes en les alimentant systématiquement des données qu’ils sont à même de recevoir.
Les sociétés d’assurance disposent d’un moyen informatique, ce qu’on appelle messagerie
électronique qui fonctionne sur un réseau, auquel chaque correspondant anti-fraude accède
par un code. A l’aide de cette technique, celui-ci peut transmettre, soit des demandes de
renseignements, soit des réponses à ces demandes, l’ensemble étant centralisé et communiqué
à tous les correspondants anti-fraude ou simplement à ceux qui sont susceptibles d’être
concernés.
Il ne s’agit pour nous que de rappeler, que le fonctionnement des fichiers constitués semble
être insuffisant et ne représente qu’une technique particulièrement adaptée pour répertorier les
fraudeurs. Cependant, ce moyen n’est pas infaillible, et les fichiers n’étant d’aucune utilité
lorsque l’assuré fraude pour la première fois.
Dans le cadre de sa mission, l’expert effectue les recherches et les contrôles nécessaires,
recueille le maximum d’éléments suivant ses doutes, ses soupçons, et les hypothèses qu’il a
formulées. Ensuite, il passe le relais à l’assureur. Son rôle est par conséquent central dans la
détection de la fraude.
Désormais, se méfier des problèmes de compétences des experts, est impératif aux sociétés
d’assurance. Mais c’est aux experts eux-mêmes, à veiller aux qualités professionnelles de
l’ensemble des membres de leur profession. En revanche, la spécialisation et la vigilance,
dont peuvent se prévaloir les experts, sont des éléments importants pour les assureurs. En
effet, lorsque l’assureur engage un expert non spécialisé pour un vol de véhicules anciens par
exemple, peut coûter cher à la compagnie. Cependant, la spécialisation de l’expert mandaté,
représente un gage de bonne évaluation pour fixer le juste montant de l’indemnité à payer à
l’assuré.
Un autre problème, vers lequel les assureurs doivent orienter leur attention, est celui de
l’extension des fonctions de l’expert. Le premier rôle qui doit être joué par ce dernier, est
d’essayer d’arbitrer entre les deux contractants : l’assureur et l’assuré. Mais dans la majorité
des cas, l’expert tend à se transformer en régleur de sinistre. Ainsi, ce détournement de sa
mission première peut diminuer son esprit d’objectivité et le faire passer d’un « expert-
détecteur de fraude » à un « expert-régleur de compagnie ». Cependant, il ne faut jamais
oublier que l’expert n’est qu’un élément extérieur qui a pour mission d’effectuer les contrôles
Chapitre 1 44
et les vérifications nécessaires pour orienter et aider l’assureur à combattre les manœuvres
frauduleuses.
La position de l’expert reste toutefois délicate. En effet, il peut être confronté à un problème
important, lors de l’évaluation du sinistre à indemniser. Nous savons que l’expert est toujours
mandaté par l’agent avec visa de la compagnie. L’expert peut décider de réduire le montant de
l’indemnité d’assurance par rapport à ce qui a été demandé par l’assuré, ou dans certains cas
la refuser. Ceci peut l’amener à agir à l’encontre des intérêts de l’agent qui peut décider de ne
plus le mandater et ne plus faire appel à ses services.
Dans le cas contraire, où l’expert parait plus généreux et augmente le montant de l’indemnité
par rapport à ce qui a été demandé, cette surévaluation du dommage peut entraîner la censure
de la compagnie.
La solution est donc de rester au milieu, il ne faut ni trop augmenter, ni trop réduire le
montant de l’indemnisation. Mais cet arbitrage, ne doit guère amener à une lutte impartiale
contre la fraude, y compris les exagérations et les modifications des circonstances.
Les assureurs cherchent toujours à enrayer le problème de fraude, mais il existe toujours des
faits plus ou moins incitant à la fraude. Souvent, les assureurs connaissent ces faits, mais ils
ne savent pas trop comment les éviter. D’ailleurs, en général, les mesures restrictives sont
créées par les pouvoirs publics et non par les assureurs eux-mêmes. Les assureurs paraissent
parfois impuissants pour trouver une solution claire aux cas de fraude qu’ils rencontrent.
Les compagnies d’assurance doivent donc, prendre en compte le fait que certaines clauses
sont souvent trop insidieuses et donc très tentantes au comportement de fraude. Les assureurs
devraient peut-être arrêter les remboursements monétaires au profit des remboursements en
nature. A savoir, ne pas payer les réparations d’un véhicule sans vérifier les factures, ou
proposer une réparation dans un garage agrée ; ou ne pas rembourser un bien immobilier
sinistré mais proposer son remplacement en nature. Détaillons encore plus ces points :
• En assurance auto :
- La carte grise d’un véhicule réduit à l’état d’épave peut donner lieu à des fraudes. Il est donc
indispensable, de mettre en place un système de retrait de carte grise efficace.
- La garantie de bris de glace a fait l’objet de nombreux abus. Le remboursement immédiat,
sur simple présentation de facture, a permis de régler plus de pare-brises qu’il n’en était
Chapitre 1 45
fabriqués. Les assureurs doivent ainsi, être plus attentifs et vigilants devant les possibilités de
fausses factures.
- Dans l’ancien système de bonus-malus, l’accident de parking était sans effet sur le malus.
C’est ainsi qu’un grand nombre d’accidents sans collision avec un autre véhicule se sont
transformés en accidents de parking.
- Un certain assureur de fabricant de système de protection anti-intrusion s’engage à payer la
différence entre le prix du véhicule neuf et l’indemnité payée par l’assureur du véhicule, s’il
est volé dans les deux ans et s’il n’est pas retrouvé ou s’il est déclaré irréparable.
• En assurance d’immeubles :
Le remboursement d’immeubles détruits en valeur d’usage, représente un élément central
d’incitation aux incendies volontaires, permettant de gagner une indemnité sans que l’on
exige la reconstruction de l’immeuble. Nous proposons ainsi, d’obliger l’assuré dans ce cas de
reconstruire le bâtiment. A défaut de reconstruction, l’assureur peut rembourser l’indemnité
d’assurance en fondant ses calculs sur la valeur vénale de l’immeuble.
• En assurance multirisques habitation :
Le premier exemple qui attire notre attention est l’abus de fraude dans la garantie dommage
électrique. Ce sinistre représente en réalité un entretien et ne doit cependant pas être couvert.
En effet, dans cette garantie, la fraude est très facile à réaliser et sa détection est minime, vu
les coûts de vérification qu’elle génère et qui sont dans la majorité des cas, plus élevés que le
dommage même. A ce problème de coût prohibitif, s’ajoute le problème que les
intermédiaires sont souvent peu regardants sur la réalité et l’ampleur de ces sinistres. Ce qui
permet à leur clientèle d’être satisfaite de récupérer la prime.
• En assurance d’objets précieux :
Cette garantie représente beaucoup d’inconvénients lorsque les biens sont assurés au sein
d’une multirisques habitation. En effet, un assuré mal remboursé en cas de sinistre, peut
systématiquement se transformer en fraudeur potentiel. Toutefois, la tendance des sociétés
d’assurance est de réduire dans ce genre de contrat la part d’indemnité consacrée aux objets
précieux. Mais, cette forme de multirisques habitation intéresse beaucoup d’assurés et permet
en conséquence de favoriser la fraude systématiquement. D’autre part, l’intermédiaire peut
aussi orienter les préférences des assurés vers une garantie spécifique des objets de valeur.
Les assureurs doivent ainsi, trouver un moyen efficace pour lutter contre les déclarations des
biens inexistants ou d’un montant exagéré par rapport à la valeur réelle des objets volés.
Chapitre 1 46
Nous suggérons d’avertir les assurés à l’aide d’une clause contractuelle contresignée, où ces
derniers doivent déclarer avoir pris connaissance, qu’en absence d’expertise préalable, ils
doivent prouver la valeur des objets volés.
La liste d’exemples que nous venons de citer n’est pas exhaustive. Il existe encore d’autres
problèmes qui peuvent éveiller chez les assurés un comportement de fraude. Nous tenons à
attirer l’attention des assureurs sur les points suivants :
• En général, et dans la majorité des cas, les assureurs se contentent de refuser de
prendre en charge le sinistre, sans faire constater la nullité du contrat par un juge. Les
fraudeurs ne risquent donc pas ou que très peu de peine de justice. De plus, les
assureurs n’intentent pas de procès à l’encontre de l’assuré, même si toutes les preuves
formelles sur le comportement de fraude sont établies. Cette procédure est trop
coûteuse et n’aboutit pas à une peine pour l’assuré. Souvent, en cas de détection de la
fraude, il n’est demandé à l’assuré que de restituer les frais de dossier encourus par
l’assureur. Cependant, les avantages financiers procurés par le comportement
frauduleux, s’avèrent plus élevés que le risque de peines juridiques.
• Un deuxième point important qu’il faut citer, est que nous constatons qu’il existe un
manque de communication entre les compagnies d’assurance d’un pays à un autre.
L’importance de cette remarque réside dans le fait que cette attitude encourage la
fraude, dans la mesure où les assurés peuvent vendre une voiture à l’étranger et la
déclarer volée dans leur pays d’origine. Ainsi, l’ouverture au marché unique va
accroître encore plus ce type de fraude.
• Pour les assurances de vol de vélo, comme celles de vol de voitures, la compagnie
d’assurance qui travaille avec une chaîne de grande surface propose aux assurés un
remboursement intégral de leur vélo s’il est volé moins d’un an après son achat. Cette
clause d’assurance semble incitante à la fraude.
• La franchise est par définition la part de sinistre qui reste à la charge de l’assuré. Elle
est à l’origine destinée à limiter le problème d’aléa moral. Mais on s’aperçoit de plus
en plus que sa valeur n’est pas efficace dans la mesure où elle est devenue un moyen
qui incite à frauder. En effet, les assurés augmentent le montant des dommages lors
des déclarations auprès des assureurs afin de trouver un moyen pour récupérer cette
franchise.
Chapitre 1 47
D’autre part, et du coté de l’assureur, cette franchise ne lui permet même pas de
récupérer les coûts de vérification. Cependant, le concept de franchise semble ne plus
être efficace, sauf pour les petits dommages que les assurés ne déclarent pas.
• Il faut attirer l’attention des assureurs sur le fait que la rapidité de remboursement des
sinistres représente un élément central d’incitation à la fraude. En effet, les assureurs
indemnisent les assurés sans attendre de vérifier les preuves d’achat. Cette rapidité
dans le règlement représente une attitude de l’assureur pour satisfaire son client, mais
cela ne favorise pas la lutte contre la fraude. Il faut que les règlements soient moins
rapides, pour permettre un contrôle du sinistre, et proposer une indemnité plus grande
pour l’assuré en contrepartie du temps perdu (récompense), s’il s’avère bien sûr que la
déclaration n’est pas frauduleuse.
• Un dernier point d’incitation à la fraude, est que le délai probatoire pour les contrats
d’assurance vie est passé de deux ans à un an en cas de suicide du souscripteur.
Pour conclure, nous notons qu’en France, l’élaboration des fichiers informatique pour
recenser les fraudeurs n’est pas très appréciée par les autorités compétentes. En revanche, de
tels fichiers sont beaucoup plus précis au Royaume-Uni et soumis à moins de contraintes. Les
compagnies d’assurance allemandes se sont aussi trouvées confrontées aux autorités pour
élaborer ces fichiers. Mais, elles ont réussi, à mettre en œuvre un fichier basé sur des données
numériques codées et qui ne violent pas le caractère personnel des données.
Devant la perfection dont disposent les fraudeurs pour organiser une mise en seine d’un
sinistre ou falsifier une facture ou autre, les enquêteurs se trouvent souvent face à un manque
de moyens répressifs et une incapacité d’apporter les preuves à ces manœuvres évasives. En
effet, juridiquement, rien ne contraint les commerçants qui ont fabriqué des factures à un
assuré, à refuser de recevoir l’expert qui vient chercher quelques éléments de preuve de la
fraude organisée par l’assuré. Ce dernier, peut même aller jusqu’à porter des menaces à
l’égard des enquêteurs.
De plus, nous constatons que les marges de manœuvres des enquêteurs sont tellement faibles
qu’ils n’arrivent pas dans beaucoup de cas à apporter la preuve de la mauvaise foi de l’assuré
et à démontrer la fraude avec pertinence.
Chapitre 1 48
Normalement, au moment des enquêtes, les assurés et les témoins doivent établir leurs
déclarations sous serment, mais certains d’entre eux, prennent peur et se rétractent. En
revanche, ce-ci n’est pas le cas de beaucoup de fraudeurs qui sont scrupuleux.
Il arrive des fois où les assurés avouent avoir fraudé lors de la déclaration de leurs dommages,
mais ils espèrent tout de même qu’on leur rembourse les indemnités calculées sur la base des
vraies factures. Désormais, les assureurs ne payent rien comme indemnité, dans le sens où la
moindre preuve de fausses déclarations donne droit à l’assureur de ne rien rembourser.
En général, les enquêteurs sont sélectionnés d’anciens fonctionnaires de police judiciaire, et
doivent par conséquent subir des tests psychologiques avant d’être nommés comme
enquêteurs. Le problème ici est que, dans certains cas de fraude compliqués, l’enquête peut
durer longtemps, ce qui favorise l’établissement d’un climat amical entre l’assuré et
l’enquêteur. Ce dernier, peut dans ce cas, se transformer en complice de l’assuré fraudeur. En
revanche, penser de cette façon veut dire qu’on peut soupçonner tout le monde. Mais nous
avons l’intention de rappeler que les enquêteurs ne sont pas très bien payés par rapport à la
quantité de travail qu’ils élaborent. Ce-ci peut facilement les pousser à se trouver eux-mêmes
des moyens pour améliorer leurs gains.
Lorsque l’assuré fraudeur se rend compte que l’enquêteur a pu rassembler suffisamment de
preuves pour le condamner, il peut tenter de le soudoyer. Dans ce cas, il est suffisant que cet
enquêteur ait des difficultés financières pour qu’il passe du côté de l’assuré.
Même si le fraudeur ne prend pas l’initiative de soudoyer l’enquêteur, ce dernier peut tout de
même, trouver un arrangement avec les fraudeurs soumis à de faibles peines, et pour qui il a
dû effectuer une enquête pénible pour les culpabiliser.
Il est vrai que ce problème d’enquêteurs fraudeurs est relativement très rare, mais il est
conseillé que les compagnies d’assurance s’en méfient.
Dans ce qui précède, nous avons cherché à soulever les problèmes que peuvent rencontrer les
assureurs, dans le but d’attirer leur attention sur certains points sous-jacents au phénomène de
fraude. Nous allons dans ce qui suit, détailler point par point les critiques adressées aux
professionnels de l’assurance, et présenter les solutions à envisager pour lutter d’une façon
plus efficace contre la fraude.
Chapitre 1 49
Comme on l’a déjà mentionné précédemment, les fichiers informatiques représentent une
source de renseignements très utiles à toutes les sociétés d’assurance. Notamment, ces fichiers
permettent de répertorier les fraudeurs et facilitent leur identification, en cas de besoin, sans
pour autant qu’il y aura viol des secrets personnels.
Ces fichiers semblent être d’une grande importance, et il s’avère aussi utile d’en rajouter
d’autres :
• Un fichier sur les personnes : Ce fichier servira à répertorier la vie d’assuré des gens et
à présenter des indications sommaires, permettant d’orienter les recherches dans des
directions utiles et de gagner beaucoup de temps pour les dossiers compliqués.
• Un fichier sur les objets précieux : Ce fichier d’identification et de recherche des
objets précieux est d’une grande importance, devant ce que reçoivent les assureurs
comme fausses déclarations et ce qu’ils supportent comme frais.
• Un fichier régional sur les enquêtes et les expertises en cours : Ce fichier est très utile,
dans la mesure où les experts sensibilisés au problème, veillent à ce qu’un même
sinistre ne soit pas indemnisé plusieurs fois. Il est demandé aussi à chaque expert
d’attirer l’attention de ses confrères sur les qualités morales d’un assuré qui a été déjà
suspecté de fraude lors d’une expertise antérieure.
• Un fichier informatique international : Ce fichier sert à faciliter les communications
entre les compagnies d’assurance d’un pays à un autre. Cependant, l’ouverture sur
d’autres marchés permet d’éviter un certains nombre de fraude, telle que par exemple,
la vente d’un objet ou d’un véhicule à l’étranger et le déclarer volé au pays d’origine.
et lui être remis immédiatement ou lui être expédié quelques jours après. Cette
attitude, permet de faire comprendre à l’assuré le danger de la criminalité qu’il en est
aussi victime, surtout en matière d’escroquerie à l’assurance.
• L’information des professionnels de l’assurance : Il est important d’effectuer des
stages, des formations continues, des séminaires et des publications sur le thème de
fraude. Ce que nous avons remarqué, est que ces manifestations et ces sources
d’information jugées d’une extrême importance, sont de plus en plus développées
dans d’autres pays, tels que les Etats Unis et le Canada, et restent très peu répandues
en France. En outre, les professionnels d’assurances, ont eux-mêmes besoin d’être
sensibilisés de l’ampleur et du danger du problème de fraude dont les tentatives de
lutte s’avèrent marginalisées par rapport aux objectifs de profits et d’image de marque.
• La nécessité de la collaboration : Il est fondamental qu’il y ait une collaboration étroite
entre les assureurs, les enquêteurs, les experts, les autorités, les services de police et
pompiers, et les fonctionnaires de la juridiction.
En cas d’incendie par exemple, les procès verbaux des premiers arrivants sur les lieux,
tels que les policiers et les pompiers, sont d’une grande importance et utilité. C’est à
l’aide de ces procès et de ces observations minutieuses, que les assureurs arrivent à
construire leurs preuves pour vaincre la réticence des juges à sanctionner ces délits.
Nous suggérons ainsi, de rassembler toutes les parties intéressées au cours d’un
séminaire et évoquer ces thèmes.
D’après des études faites sur la fraude à l’assurance dans certains pays étrangers, notamment,
le Canada et les Etats-Unis, il existe un comportement homogène de l’ensemble des assureurs,
en ce qui concerne leurs actions anti-fraude. En effet, ces compagnies d’assurances étrangères
suivent toutes et obligatoirement un même règlement qui va dans le sens de la prévention, de
l’observation et de l’éclaircissement de la fraude et de l’escroquerie.
En revanche, cette homogénéité n’est malheureusement pas appliquée en France. Le seul
point commun entre les assureurs français est le refus de payer ce qui n’est pas dû. Au-delà,
chacun agit à son propre intérêt et à sa propre manière.
Chapitre 1 51
Il est nécessaire de mettre en place des unités plus homogènes, manifestant des
comportements plus sévères et permettant de garantir une lutte efficace. Cette sévérité doit
servir à sanctionner et dissuader les fraudeurs.
C’est au sein d’organismes communs à toutes les sociétés d’assurances, tel que l’ALFA, que
cette coordination pourrait s’établir. Les assurances françaises, doivent s’organiser et suivre
l’exemple canadien et américain pour mettre en place une structure efficace : notamment au
canada, on parlait des S.A.C.A. (Services Anti-Crime des Assureurs) et aux Etats-Unis, on
parlait du I.C.P.I. (Insurance Crime Prevention Institut).
l’assuré puisse révéler son type, que le contrat soit adapté à lui et que le marché puisse
fonctionner d’une façon normale.
Le problème ici est que les contrats des bas risques vont certainement attirer les assurés à
hauts risques. En effet, la présence d’individus à hauts risques sur le marché d’assurance va
chasser39 les bas risques. Il faut que les assureurs leurs proposent des contrats à forte prime
mais avec une assurance complète, et pour les bas risques, un contrat avec prime actuarielle et
couverture partielle.
Il faut noter ensuite, que cette classification de la clientèle crée entre autre, un problème de
généralisation des contrats de franchise. Néanmoins, la franchise est génératrice de fraude.
Les assurés refusent de supporter une partie du sinistre. La solution pour eux est de frauder en
augmentant la déclaration de dommage pour récupérer la franchise. Pour eux frauder est
normal puisqu’ils paient déjà une prime élevée. Néanmoins, il ne faut pas condamner
uniquement les individus à bas risques de fraude, car il ne faut pas oublier la tentation des
hauts risques à se transformer en bas risques et qu’ils puissent trouver de la franchise un
moyen de fraude. En conclusion, il n’existe pas de profil type du fraudeur. Ce qu’on peut dire
à ce niveau, est qu’il s’agit juste d’un individu qui espère avoir plus qu’il en a droit avec tout
moyen.
Parallèlement à ce problème de classification, les assureurs doivent penser à résoudre le
problème d’aléa moral40. Il faut que les sinistres soient aléatoires pour que le marché
d’assurance fonctionne correctement. L’assuré ne doit pas par conséquent agir ni sur la
périodicité du sinistre ni sur son ampleur.
En résumé, le problème d’asymétrie d’information entre l’assureur et son contractant peut
générer un problème de fraude. A la base, il s’agit du manque d’information sur le type de
l’assuré (bas risque ou haut risque) ainsi que sur le fait s’il est mal intentionné ou pas. Ce
problème semble se répercuter sur l’assureur, mais il ne faut pas oublier qu’il a aussi un grand
effet sur l’assuré lui-même. En effet, l’existence d’aléa moral, influe directement sur les
primes et sur les remboursements d’assurance du fait que l’assureur va proposer des contrats
différents (primes différentes, et indemnités différentes).
39
Il s’agit d’un terme utilisé par Akerlof, qui a étudié les marchés de ventes de voitures d’occasions et s’est
aperçu que les mauvais clients chassaient les bons clients.
40
Risque moral : traduction de l’expression anglaise « hazard moral » qui montre l’existence d’une asymétrie
d’information sur les variables endogènes entre l’assuré et l’assureur. L’assuré peut agir sur cette asymétrie
avant ou après la signature du contrat.
Chapitre 1 53
Conclusion et discussion :
en découle. Cette éventualité pousse certains assurés à profiter des petits sinistres pour se
procurer un moyen d’obtention d’une indemnité plus élevée. Ce point d’arbitrage entre la
minimisation des coûts d’un coté et la lutte contre les manœuvres frauduleuses d’un autre
coté, nous semble très central, dans la mesure où il nécessite une étude plus précieuse et plus
approfondie. De surcroît, il s’avère intéressant de tester l’efficacité ainsi que la forme d’audit
la plus pertinente. Faut-il mener un audit déterministe ou un audit aléatoire ? Sur quelle base
l’assureur doit s’appuyer pour prendre sa décision d’audit ? Quelle mesure faut-il
entreprendre et quel contrat faut-il offrir pour inciter l’assuré à ne pas frauder ?
Un autre point que nous avons discuté dans ce chapitre, concerne les mesures répressives et
les sanctions appliquées aux comportements frauduleux. Il s’agit de l’application des lois
fixées par les législations et du recours aux procédures pénales pour définir et décider, de quoi
doit-on sanctionner telle délinquance, telle escroquerie ou tel crime…Le problème que nous
avons distingué est qu’il n’est pas toujours vrai que les assureurs appliquent avec certitude ces
pénalités et fassent appels aux juges. En effet, et dans la majorité des cas, les assureurs se
contentent de refuser de prendre en charge le sinistre. Les fraudeurs ne risquent donc pas ou
que très peu de peine de justice. De plus, les assureurs n’intentent pas de procès à l’encontre
de l’assuré, même si toutes les preuves formelles sur le comportement de fraude sont établies.
Cette procédure est trop coûteuse et n’aboutit pas à une peine pour l’assuré. Souvent, en cas
de détection de la fraude, il n’est demandé à l’assuré que de restituer les frais de dossier
encourus par l’assureur. Cependant, les avantages financiers procurés par le comportement
frauduleux, s’avèrent plus élevés que le risque de peines juridiques.
Ces constations, nous ont poussé à réfléchir encore plus sur la crédibilité et l’efficacité des
systèmes de sanctions utilisés pour combattre la fraude. La question qui nous a orienté est la
suivante: est ce que les sanctions appliquées par les assureurs pour pénaliser la fraude sont
assez sévères pour avoir un effet dissuasif efficace ?
Une dernière réflexion sur laquelle nous pouvons mettre l’accent dans notre recherche, est
relative à l’effet de l’ampleur et de la fréquence de survenance des sinistres sur le
comportement de l’assuré vis-à-vis de la fraude. Notamment, nous cherchons à expliquer la
décision de fraude par le biais de certaines variables qui ont un rapport direct avec l’assuré.
D’après ce que nous avons remarqué dans les différents dossiers de fraude étudiés, il existe
des sinistres qui sont plus sujets à la fraude que d’autres. En assurance automobile, les
exemples sont multiples et variés. En effet, les enquêtes réalisées confirment que les cas sont
très nombreux et les fraudes sont tellement fréquentes qu’elles tendent à être banalisées (bris
de glace, faux vol de voitures, faux cambriolages, faux accidents de circulation…).
Chapitre 1 55
A quoi est due cette abondance de fraude dans ce domaine d’assurance ? S’agit-il d’un
mauvais fonctionnement de la profession? Ou bien de non-conformité des contrats par rapport
aux risques couverts ? Ou tout simplement d’un domaine très favorable pour que l’assuré en
trouve facilement un moyen pour se procurer de l’argent ?
Enfin, il faut noter que l’assureur n’est pas tout seul responsable du développement de la
fraude ; l’assuré aussi en est le premier coupable. C’est ce qui fait de la fraude un problème
majeur qui nécessite une étude très minutieuse et plus approfondie. Le manque de guide
économique et d’appui statistique à l’ensemble des assureurs, nous a motivé à élaborer une
approche expérimentale qui combine trois types d’analyse. La première est théorique. Elle
adopte une modélisation qui formalise économiquement le problème de fraude. Cette
modélisation, analyse l’interaction entre un assuré averse au risque et un assureur neutre au
risque. La stratégie de l’assuré est définie par son choix de frauder ou de dire la vérité au
moment de la déclaration du sinistre. Par contre, celle de l’assureur consiste à décider de
mener ou pas un audit. Une extension de notre modélisation consiste à introduire la possibilité
pour l’assuré de recourir à un intermédiaire pour falsifier le sinistre. Cette falsification, sert à
rendre l’audit plus difficile et du coup, l’assureur ne peut plus détecter la fraude avec
certitude. Nous visons à confronter les deux versions d’audit : parfait et imparfait; afin
d’élaborer une comparaison et en retirer les solutions pour combattre la fraude d’une façon
efficace.
La méthodologie que nous avons adoptée, dans la deuxième classe d’analyse, se fonde sur une
étude expérimentale de la fraude à l’assurance. Il s’agit de tester en laboratoire, les prédictions
de la théorie. Cette étude a pour objectif d’analyser à différents niveaux les comportements de
fraude manifestés par les assurés, leurs motivations à entreprendre de telles actions, et le
pouvoir de l’audit et des sanctions à créer des effets dissuasifs efficaces. Notamment, la
confrontation des assurés aux assureurs, nous aide à mieux contrôler, les problèmes de risque
moral et d’information que nous avons soulevés précédemment.
Enfin, le troisième type d’analyse est économétrique et nous permet de tester la validité de
nos résultats expérimentaux.
Chapitre 2 56
Introduction générale :
1
Cette terminologie est issue des travaux de Weisberg et Derrig (1993)
2
Par exemple, dans leur étude portant sur l’assurance des accidents corporels d’automobile, Weisberg et Derrig
(1991, 1992) ont montré que le taux de fraudes soupçonnées est de 10%. Le pourcentage de sinistres douteux,
atteint 48,2% en 1989 après la réforme de la loi de l’assurance automobile de 1988. En outre, selon Mooney et
Salvatore (1990), presque 13% des sinistres en assurance automobile, en Floride, sont frauduleux. Les études
économiques de Dionne et St Michel (1991) et Dionne et al. (1992), portants sur la compensation des
travailleurs, montrent que l’exagération des montants de dommage est particulièrement importante pour certains
sinistres, tels que les problèmes de la colonne vertébrales ou des douleurs de dos, qui sont très difficiles à
diagnostiquer. L’organisation américaine de lutte contre la fraude (U.S. Coalition Against Insurance Fraud
[CAIF]) note qu’en 1992, le coût de la fraude s’élève à 850$ par famille américaine (voir Lloyd’s List Insurance,
26 avril 1995).
Chapitre 2 58
estime que la fraude à l’assurance atteint 2 billions de Dollars des primes d’assurance
automobile dans le pays. Boyer et Schiller (2003) affirment qu’aux Etats-Unis, la fraude à
l’assurance automobile représente une industrie réalisant des chiffres prohibitifs de multi
billions de Dollars. « The United States General Accounting Office » estime que 1 dollar sur
7 dépensé en frais médicaux est associé à la fraude et qu’en 1998 le coût de sinistre
frauduleux s’élève à 12 billions de dollars (Department of Justice, 1999)3. Brockett et al.
(1998) montrent que le montant de la fraude aux Etats-Unis est de 20 billions de Dollars
annuellement, dont 6 billions peuvent être attribués aux excès de paiement. En étudiant les
bases de données des assureurs, Weisberg et Derrig (1991) estiment que 10% de l’ensemble
des sinistres sont frauduleux, 35% à 48% d’entre eux prennent l’aspect d’une exagération du
dommage.
Le bureau d’assurance canadien reconnaît l’importance de la fraude dans le pays. En 2000, la
Coalition Canadienne contre la Fraude à l’Assurance trouve que 25% des accidents déclarés
contiennent des éléments de fraude – coûtant 500 millions de dollars à l’industrie, par an.
Pour le Canada Atlantique, spécifiquement, le même rapport avance que 28% des déclarations
d’accidents sont frauduleux, ce qui équivaut à un montant fluctuant entre 40 millions et 60
millions de dollars.
3
Source : Departement of Justice Health Care Fraud Report, Fiscal Year 1998. Washington, DC: Departement of
Justice, 1999.
Chapitre 2 59
4
Des hypothèses alternatives ont été considérées par la littérature traitant le contexte financier : aversion au
risque par Winton (1995), audit stochastique par Krasa et Villamil (1994) et Boyd et Smith (1994), hétérogénéité
et information privée concernant le type de l’emprunteur par Boyd et Smith (1993) et contrats multi-périodiques
par Chang (1990).
Chapitre 2 60
L’audit aléatoire, quant à lui, désigne la vérification non systématique des sinistres, c'est-à-
dire l’assureur contrôle les dommages avec une probabilité qui dépend de l’ampleur de la
perte déclarée. Comme le montre initialement Townsend (1979), l’audit aléatoire peut
dominer l’audit déterministe au sens de Pareto. Mookherjee et Png (1989), montrent que
lorsque la procédure d’audit est aléatoire, le contrat optimal existe si l’assuré manifeste un
degré minimal d’aversion au risque. Ces deux auteurs montrent que la police d’audit optimale
correspond à l’audit aléatoire (quelle que soit la taille du sinistre), si à l’équilibre, et pour tous
les états de nature, l’assuré peut être sanctionné en cas de fausse déclaration. Ils proposent
aussi, de récompenser l’assuré honnête en cas d’audit, en lui remboursant une indemnité plus
élevée que celle versée en cas de non vérification du sinistre.
La plupart des études effectuées sur la fraude à l’assurance et l’audit, utilisent le paradigme
connu sous la dénomination « Etat de Vérification Coûteuse », pour analyser l’impact des
sinistres frauduleux sur les polices d’assurance ainsi que sur le fonctionnement des marchés
d’assurance. Ce paradigme constitue une classe particulière des modèles économiques avec
asymétrie d’information (risque moral ex post), où la manipulation de l’information est
possible pour la partie informée (comportement opportuniste). Cette information ne peut être
obtenue par la partie non informée qu’à un certain coût (généralement fixe). Pour plus de
détails voir, Coestier et Fombaron (2003) et Boyer (2003). D’autres travaux théoriques
utilisent un deuxième paradigme appelé « Etat de Falsification Coûteuse ». Ce paradigme est
tel que, l’exagération des montants de sinistres rend l’occurrence et la magnitude du
dommage, très coûteuses à vérifier (les coûts de contrôle sont prohibitifs). Pour plus de détails
sur les modèles avec état de falsification coûteuse, voir Picard (2000). Crocker et Morgan
(1998), présentent un modèle dans lequel les assurés sont capables de dépenser des ressources
leur permettant de falsifier les dommages et rendre leur vérification impossible. La stratégie
d’audit optimale, implique la sur-assurance des petits montants de sinistres et l’assurance
partielle des grands dommages. Néanmoins, les auteurs montrent qu’à l’équilibre, il existe
toujours un certain degré de fraude. Certains travaux empiriques ont testé cette prédiction
théorique, tels que Dionne et Gagné (1997, 20015) et Crocker et Tennyson (1998, 2002).
En outre, il existe une hypothèse importante à laquelle toute modélisation doit s’intéresser. Il
s’agit de l’hypothèse d’engagement. Boyer et Schiller (2003) supposent que la compagnie
5
Dionne et Gagné (2001) montrent que le contrat de franchise peut avoir un effet sur le niveau de falsification à
l’équilibre. Ils confirment que ce type de contrat est observé sur plusieurs marchés. En effet, une franchise élevée
peut inciter à la fraude, particulièrement lorsque l’assuré anticipe que le sinistre aura une très petite probabilité
pour être vérifié. Nous donnons plus de détails sur ce papier dans le paragraphe traitant le cas de falsification et
d’imperfection d’audit.
Chapitre 2 61
d’assurance est incapable de s’engager dans une procédure d’audit lorsque le sinistre est déjà
déclaré. Cependant, à l’équilibre, la fraude existe. Par conséquent, le problème pricipal-agent
est non résolu, comme le prouve Khalil (1997). Boyer (2003) et Crocker et Tennyson (1999)
montrent que lorsque l’assureur est incapable de s’engager dans une stratégie d’audit, le
contrat optimal utilisant l’approche d’état de falsification coûteuse, est similaire au contrat
optimal utilisant l’approche d’état de vérification coûteuse (voir Lacker et Weinberg, 1989 et
Crocker et Morgan, 1998).
En résumé, l’objectif de ce chapitre est de présenter les différents courants théoriques qui ont
traité le problème de fraude et d’audit. Notre démarche porte ainsi, sur les trois parties
suivantes : La première partie concerne la présentation des différentes hypothèses posées pour
formuler le problème de fraude dans un contexte d’audit. Notamment, il s’agit de présenter
l’hypothèse d’asymétrie d’information et celle d’engagement. La deuxième partie est dédiée à
la présentation des travaux s’intéressant à l’audit déterministe et à la manipulation des coûts
de contrôle par l’assuré. Dans cette partie, nous recourons à un modèle simple inspiré de la
littérature. Enfin, dans la troisième partie, nous mettons l’accent sur l’audit aléatoire. En effet,
nous présentons une formulation théorique de la fraude en cas d’audit aléatoire, dont les
résultats sont similaires à ceux de la littérature sur le sujet.
Ce chapitre va nous servir de base pour notre partie théorique consacrée à la modélisation
économique du phénomène de fraude à l’assurance selon les deux versions d’audit (parfait et
imparfait).
« La littérature sur les marchés en information imparfaite, dont l’assurance fournit un champ
privilégié d’application, distingue habituellement deux catégories de phénomènes :
• ceux qui sont liés à l’inobservabilité d’une caractéristique inaltérable du bien ou
service échangé, que l’on qualifie de phénomène d’antisélection.
Chapitre 2 62
• Ceux qui proviennent de l’inobservabilité d’une action entreprise par l’un des deux
partenaires de l’échange, que l’on classe sous la rubrique de phénomènes de « moral
hazard » ce qu’on traduit parfois par risque moral. »6
Les allocations Pareto-optimales associées aux marchés concurrentiels peuvent ne pas exister
à cause de deux problèmes majeurs : le risque moral et la sélection adverse. Ces deux
phénomènes sont liés à l’inobservabilité d’une caractéristique inaltérable du bien échangé ou
de l’individu. Les marchés d’assurance représentent un contexte privilégié pour l’étude de tels
phénomènes. En cas de fraude, il s’agit d’une part de l’inobservabilité de l’ampleur et de la
survenance effective du dommage, et d’autre part, de l’inobservabilité de la nature de l’assuré
« honnête ou opportuniste ». En effet, d’après Ligon et Thistle (1996a), l’offre
monopolistique d’assurance parvient dans les marchés où les problèmes de risque moral et de
sélection adverse sont présents simultanément. Ainsi, et à cause de la complexité analytique,
les deux phénomènes ont été rarement considérés ensembles dans les modèles économiques
traitant les marchés d’assurance. Toutefois, le problème de risque moral implique la non
convexité des courbes d’indifférences des consommateurs (voir Arnott et Stiglitz, 1988). Par
conséquent, lorsqu’il s’agit de traiter les questions concernant l’équilibre en présence d’un
problème de sélection adverse dans les marchés d’assurance concurrentiels (Rotschild et
Stiglitz, 1976 ; Wilson, 1977 ; Miyazaki, 1977 ; et Spence, 1978), l’analyse devient plus
difficile (voir Arnott, 1991).
Plus récemment, la littérature a étudié les marchés où les problèmes de risque moral et de
sélection adverse sont simultanément présents. Par exemple, Laffont et Tirole (1986) et Picard
(1987) ont essayé de caractériser les programmes d’optimisation incitatifs, lorsqu’il existe à la
fois un problème de risque moral et un problème de sélection adverse, mais ils n’ont traité que
le cas d’agents neutres au risque. Baron et Besanko (1987) ont procédé à une extension de
cette approche et ce, en traitant le cas où les agents sont averses au risque. La simultanéité de
la présence de la sélection adverse et du risque moral a été aussi considérée par Dionne et
Lassere (1988), Hoy (1989), Bond et Crocker (1991), et Stewart (1994).
Dionne et Lasserre (1988) étudient le cas d’un assureur monopole et lorsque les contrats
s’établissent sur plusieurs périodes. Ils prouvent que le contrôle des déviations des pertes par
rapport à la moyenne permet de contrôler les déviations des efforts par rapport au niveau
efficient. De plus, ils montrent que l’autosélection7 peut aider à résoudre le problème de
6
Cité dans : Microéconomie de l’assurance, Dominique Henriet et Jean Charles Rochet, ed. Economica (1991)
7
L’autosélection se réfère à l’ensemble des choix que font des individus avec différentes caractéristiques
lorsqu’ils font face à plusieurs contrats.
Chapitre 2 63
risque moral, aussi bien que le problème de sélection adverse. Hoy (1989) s’est focalisé sur la
valeur de l’information en présence de sélection adverse et de risque moral. Bond et Crocker
(1991) considèrent le cas où l’information cachée concerne les biens dont la consommation
est corrélée avec la probabilité de perte. Stewart (1994) caractérise l’équilibre des marchés
d’assurance compétitifs, en présence de risque moral et de sélection adverse et se focalise sur
les effets de richesse, lorsque les deux problèmes sont présents simultanément sur le marché.
Ligon et Thistle (1996a) ont essayé de résoudre les problèmes informationnels de sélection
adverse et de risque moral à travers l’étude du cas d’un assureur monopole sur une seule
période. Leur modèle représente une généralisation du modèle de sélection adverse de Stiglitz
(1977). Les auteurs montrent que les distorsions dues au risque moral sont suffisamment
modérées, et par conséquent la courbe d’iso-profit de l’assureur est concave et la courbe
d’indifférence du consommateur est convexe. Ensuite, ils étudient le fait que le problème de
sélection adverse peut intervenir d’une façon endogène, en déterminant la valeur de
l’information compte tenu du type du consommateur. L’information peut être acquise avant
ou après la négociation du contrat. Cependant, selon Ligon et Thistle (1996a), l’information
postérieure au contrat a de la valeur puisqu’elle permet d’avoir un niveau d’effort choisi de
façon optimale. Ces résultats représentent l’extension de certains travaux, tels que Crocker et
Snow (1992), Doherty et Thistle (1996) et Ligon et Thistle (1996b) traitant la valeur de
l’information en cas de sélection adverse, et Boyer, Dionne et Khilstrom (1989) et Hoy (1989)
étudiant la valeur de la disponibilité de l’information en cas de risque moral.
Comme nous l’avons déjà mentionné au début de cette section, les problèmes de sélection
adverse et de risque moral ont largement été étudiés par la littérature travaillant sur les
marchés d’assurance. L’hypothèse majeure sur laquelle est fondée toute modélisation du
phénomène de fraude à l’assurance avec audit, est notamment la détention de l’information
privée en ce qui concerne la réalisation effective et l’ampleur du dommage par l’assuré. Ceci
amène par conséquent à l’apparition d’un problème de risque moral entre l’assureur et
l’assuré, et au problème de sélection adverse. Sans engagement dans une procédure d’audit
crédible, l’assureur ne peut jamais obtenir cette information, comme il ne peut jamais
découvrir le type de l’assuré avec qui il contracte : est-il du type honnête ou opportuniste ?
(voir Picard, 1996b). Bond et Crocker (1997) ont caractérisé les contrats d’assurance
optimaux dans un contexte de fraude et en supposant que les coûts de contrôle sont
endogènes. Les auteurs se sont fondés sur l’approche de Townsend (1979). Ils ont considéré
que les assurés possèdent de l’information privée sur leurs pertes actuelles et qu’ils ont la
possibilité de s’engager dans des manœuvres évasives. Les auteurs ont montré comment les
Chapitre 2 64
L’hypothèse d’engagement signifie que l’assureur peut s’engager dès la signature du contrat
dans une stratégie d’audit. En effet, l’assureur annonce dès le début qu’il va vérifier la
déclaration de sinistre de l’assuré avec une probabilité d’audit prédéfinie. Compte tenu de ce
contrat proposé et de la probabilité d’audit, l’assuré choisit de révéler ou pas son information
privée. En outre l’hypothèse de non engagement signifie que l’assureur n’est pas capable
d’annoncer sa stratégie d’audit dés le départ. Sa décision d’audit n’est prise qu’une fois que la
déclaration de dommage est effectuée.
Chapitre 2 65
Sous le paradigme « d’état de vérification coûteuse », l’assureur s’engage dès le départ dans
une stratégie d’audit et il n’aura aucune incitation à mener un audit ex post. Par conséquent, le
contrat optimal induit l’assuré à ne pas faire de déclarations frauduleuses, et l’assureur préfère
par conséquent ne pas mener un audit ex post et économiser les coûts de vérification. En
revanche, sous l’hypothèse de non-engagement, le contrat optimal prend la forme suivante :
l’assuré est incité à ne pas déclarer un sinistre frauduleux et l’assureur est motivé à mener un
audit. Sans engagement, la stratégie d’audit représente la meilleure réponse aux stratégies de
fraude des opportunistes8.
Au-delà de l’audit en assurance, Beaudry et Poitevin (1995) présentent une étude sur l’audit
financier, décrivant la relation entre un emprunteur et un prêteur. Pour expliquer le problème
de non engagement, Khalil (1997) s’intéresse à une approche concernant le régulateur
monopoliste.
Pour Picard (1996b), l’engagement produit un avantage de Stackelberg9 à l’assureur, comme
dans la littérature portant sur les impôts sur les revenus, où l’administration fiscale joue
comme un « Stackelberg Leader », lorsqu’il s’agit de choisir sa stratégie d’audit fiscal (voir
Reinganum et Wilde [198510, 198611] ; Border et Sobel12, 1987 et Mookherjee et png, 1989).
En revanche, être incapable à s’engager supprime tous les avantages d’être un leader.
8
Greenberg (1984), Reinganum et Wilde (1985), Graetz et al. (1989), Erard et Feinstein (1994) se sont focalisés
sur le jeu d’audit coûteux. Khalil (1997) et Choe (1998) considère de plus le problème de caractérisation du
contrat. Le résultat le plus important est que l’audit est effectué avec une probabilité positive (équilibre en
stratégies mixtes dans le jeu d’audit-fraude).
9
En cas d’engagement dans une stratégie d’audit, la compagnie d’assurance a un avantage de Stackelberg dans
le jeu d’audit : la probabilité de vérification est choisie de façon à minimiser le coût espéré étant donnée la
fonction de réaction des assurés opportunistes.
En revanche, sous l’hypothèse de non engagement, le résultat du jeu d’audit est associé à un équilibre Bayesien
parfait où : premièrement, la stratégie des opportunistes est optimale étant donnée la police d’audit,
deuxièmement, l’audit est optimal étant donnée les croyances des assureurs sur la probabilité de fraude ; et enfin
les croyances des assureurs dépendent des probabilités de perte et des stratégies des opportunistes utilisant la
règle de Bayes.
10
Reinganum et Wilde (1985) présentent un modèle où l’administration fiscale (collecteur d’impôt) maximise
son revenu net et utilise un programme de somme forfaitaire d’impôt. Les auteurs montrent que le programme
optimal est déterministe.
11
Reinganum et Wilde (1986) montrent que le seul équilibre possible représente un équilibre en stratégies
mixtes, tel que la probabilité d’audit est aléatoire et la fraude ne peut pas être totalement éliminée.
12
Border et Sobel (1987) s’intéressent à l’étude de la relation principal agent dans un contexte d’impôt avec
asymétrie d’information sur le revenu de l’agent. Ils supposent que le principal – informé uniquement sur la
distribution de probabilité de la richesse de la population – dispose de moyens coûteux pour parvenir à découvrir
la richesse réelle des contribuables. Les auteurs tiennent compte des programmes de révélation directe, c’est-à-
dire les programmes où l’agent déclare sa vraie richesse et contribue aux paiements nécessaires à son principal
dont le montant de ces transferts est calculé sur la base de la déclaration de revenu. Le principal est supposé
s’engager dans une procédure de contrôle stochastique. Il choisit ainsi la probabilité d’audit avec laquelle il
contrôlera la déclaration de revenu du contribuable. Leur modèle montre qu’un programme efficient est
Chapitre 2 66
expertise qui empêche totalement la fraude est non crédible. En d’autres termes, à l’équilibre
d’un jeu d’audit en cas de non engagement, il y aura nécessairement quelques degrés de
fraude pour que l’audit soit crédible, et ces sinistres frauduleux font accroître le coût
d’assurance et pénalisent les assurés honnêtes. Sur ce sujet, Boyer (1999) a formulé un
modèle où il considère que l’assureur ne peut pas s’engager dans une stratégie d’audit. Il
montre que l’incapacité d’engagement de l’assureur amène au fait que le problème principal
agent ne peut être résolu. Cela veut dire que la stratégie optimale de l’assuré est de ne pas dire
la vérité. Il est ainsi optimal pour l’assuré de déclarer un faux sinistre afin de bénéficier d’une
indemnité plus généreuse (voir aussi Sanchez et Sobel, 1993 ; Graetz, Reiganum et Wilde,
1986 et Boyer, 1998). Dans le modèle de Boyer (1999) l’incitation de l’assuré à faire une
déclaration fausse existe. Ce modèle est établi de façon à introduire l’idée que l’assuré et
l’assureur agissent dans un jeu avec asymétrie d’information auquel est associé un seul
équilibre de Nash en stratégie mixte. Les résultats de Boyer sont les suivants : i) Le fraudeur
préfère garantir plus que l’assurance complète (il choisie un niveau de couverture qui lui
rembourse plus que le montant de sa perte réelle) ; ii) Le contrat de pooling est tel que le
fraudeur finit par avoir le même contrat que dans une économie où il n’existe pas de gens
honnêtes ; iii) S’il existe suffisamment de gens fraudeurs dans l’économie, alors la probabilité
de déclarer de faux sinistres est indépendante de la proportion exacte de chaque type d’agents
dans l’économie. Cette probabilité est égale à la probabilité de déclarer un sinistre frauduleux
dans une économie où il n’existe pas de gens honnêtes.
Plus récemment, Boyer (2001), propose une caractérisation du contrat d’assurance sous le
paradigme d’état de vérification coûteuse. Il suppose que l’assureur, ne peut pas s’engager
dans une stratégie d’audit. Il considère sur un marché compétitif, qu’un assuré averse au
risque et prudent, contracte avec un assureur neutre au risque. Il suppose que l’occurrence de
la perte est connaissance commune et que la distribution des pertes est discrète. Le coût
d’audit parfait et la pénalité appliquée au fraudeur étant fixes. Boyer, caractérise le seul
équilibre possible du jeu d’audit, sous plusieurs hypothèses : i) la région de non audit
correspond à l’extrémité la plus basse de la distribution de pertes, ii) une indemnité fixe doit
être payée aux sinistres non vérifiés, iii) l’indemnité d’assurance ne doit pas décroître lorsque
les déclarations de dommages augmentent. Pour l’assuré, la stratégie optimale est de déclarer
la plus grande perte non contrôlée dans la région de non audit et de déclarer la vérité dans la
région d’audit. Le contrat d’assurance optimal est tel que, les plus grandes pertes sont
surcompensées et les plus petites pertes sont en moyenne, sous-compensées. Par conséquent,
avec un taux de chargement assez élevé, aucune surcompensation ne peut avoir lieu et le
Chapitre 2 68
contrat d’assurance optimal se base sur certains instruments : le contrat optimal est caractérisé
par une franchise pour la région de non audit, et par un plafond de remboursement et une
provision de coassurance (la compensation, plus petite que le dommage, croît mais moins vite
que la perte) pour les grandes pertes. Ce résultat contredit l’idée selon laquelle la franchise et
la coassurance ne représentent pas la manière optimale de contrôler la fraude à l’assurance
(voir Dionne et Gagné, 1997).
En comparant les résultats obtenus dans les deux cas d’audit (avec et sans engagement),
Picard (1996b) en tire plusieurs propriétés communes :
- Une grande proportion d’assurés opportunistes ne fait pas décroître le coût d’assurance.
- A l’équilibre, une grande proportion d’assurés fraudeurs pousse la compagnie à mener
plus fréquemment un audit.
- A l’équilibre lorsque l’utilité espérée est plus grande pour les opportunistes que pour les
assurés honnêtes, les opportunistes fraudent systématiquement.
- L’utilité espérée des opportunistes ne peut être plus grande qu’en cas de couverture
positive.
Picard (1996b) caractérise l’équilibre d’un marché concurrentiel à libre entré, dans un
contexte de fraude et en présence d’un problème de sélection adverse, à l’aide d’un contrat
unique qui maximise l’utilité espérée des assurés honnêtes sous la contrainte que les
opportunistes ne peuvent pas être exclus. Il montre que l’utilité espérée des assurés honnêtes
en cas d’engagement sur la stratégie d’audit est plus importante qu’en cas de non engagement.
Pour approfondir son analyse, Picard montre que la fraude à l’assurance entraîne quelques
degrés d’inefficience15 du marché, même si les compagnies agissent comme des leaders de
Stackelberg dans un jeu d’audit. L’ampleur de cette inefficience est plus importante lorsque la
pénalité payée par les opportunistes est faible. Picard met l’accent sur le coût social spécifique
dû à l’incapacité de s’engager dans une stratégie d’audit. Comme solution concevable au
15
Picard (1996a, 2000) développe un modèle d'équilibre sur un marché d'assurance avec fraude et audit, proche de celui
étudié par Graetz, Reinganum et Wilde (1986) portant sur l’évasion fiscale. Dans son modèle, l'équilibre obtenu dépend de la
capacité de l'assureur à s'engager ou non dans une stratégie d'audit crédible. Il montre comment, parce que la fraude ne peut
être totalement éliminée, l'absence d'engagement contribue à pénaliser les assurés honnêtes et à remettre en cause l'assurance
elle-même. Dans leurs travaux traitant des problèmes d’engagement, Khalil et Parigi (1994) montrent qu’il y a une perte
d’efficacité liée à l’incapacité pour l’assureur de s’engager dans une procédure d’audit crédible. En effet, le contrat optimal
avec engagement n’est déjà qu’un contrat de second rang. Lorsque l’engagement n’est pas possible, il subsiste un taux de
fraude dont le coût est répercuté sur l’assuré, entraînant ainsi une perte de bien être.
Chapitre 2 69
16
Pour l’analyse économique de la délégation de l’activité d’audit à un agent externe, voir Melumad et Mookherjee (1989) et
Faure-Grimaud et al. (1999).
17
L’honoraire de l’investigateur peut être une fonction croissante du nombre de sinistres vérifiés. Cependant les
conséquences du pré-engagement doivent être obtenus en annonçant publiquement qu’un contrat incitatif a été signé avec
l’investigateur. Pour ce qui est de la délégation du pouvoir d’investigation, comme étant un mécanisme d’engagement dans le
domaine d’audit des impôts sur les revenus, on peut citer les travaux de Melumad et Mookherjee (1989).
18
Boyer (2000) utilise le terme « Insurance Fraud Bureau » comme étant une expression générique pour faire
référence à une agence chargée de l’investigation et la lutte contre la fraude à l’assurance. Il dit que ce n’était pas
son intention d’utiliser ce terme pour référer directement à une agence particulière comme le « Insurance Fraud
Bureau of Massachusetts ».
Chapitre 2 70
qui est devenue, entre autre, un secteur d’activité (voir Dornstein, 1996). La deuxième raison
est qu’une grande partie de la littérature a (au moins implicitement) négligé le rôle de ce
bureau. Enfin, il est typiquement présumé que ce bureau existe pour freiner la fraude en
économie. En effet, sa présence est toujours bénéfique.
Boyer a utilisé la même approche que Townsend (1979), avec la seule différence que le
principal n’est pas autorisé à s’engager ex ante dans une stratégie d’audit. Il suppose de plus
qu’il existe deux types d’assureurs dans l’économie : ceux avec des coûts d’audit élevés et
ceux avec des coûts d’audit faibles. Boyer utilise une approche de la théorie des jeux, où il
considère que l’assuré détient l’information privée quant à la réalisation du dommage.
L’équilibre du jeu est en stratégies mixtes, bayesien parfait. L’agent qui subit un dommage
choisit entre déclarer ou pas le sinistre, tandis que le principal qui reçoit une déclaration
choisit entre contrôler ou pas ce dommage. Le résultat le plus intéressant de ce papier, est de
supposer l’existence d’un bureau de fraude à l’assurance qui se charge des investigations.
L’auteur montre que ce bureau implique un coût d’audit égal au coût moyen de l’industrie, et
que l’utilité espérée des assurés doit être croissante. Contrairement à Townsend (1979), dans
le modèle de Boyer, la fraude existe à l’équilibre à cause de l’impossibilité de résoudre le
problème principal-agent. D’une part, parce qu’il peut ne pas être possible pour la compagnie
d’assurance de pénaliser d’une façon considérable le fraudeur : la sanction est toujours fixée
par la législation et elle est jugée typiquement petite19. D’autre part, le principe de révélation
ne peut pas être utilisé, du fait que l’assureur ne peut pas s’engager dans une stratégie d’audit
crédible.
Ce qu’il faut mentionner à ce stade, est que cette partie externe engagée pour effectuer les
investigations, doit prendre en charges d’autres fonctions. Par exemple, elle doit participer à
financer l’activité d’audit sans pour autant qu’elle soit elle-même chargée de la prise de la
décision d’audit. En effet, d’après Picard (1996b), le rôle de l’agence commune financée par
les cotisations des compagnies d’assurance est de subventionner les coûts d’audit. Il montre
que ce mécanisme allège le problème d’engagement et évite l’inefficience du marché,
puisqu’il n’y a pas d’asymétrie d’information entre l’agence et l’ensemble des assureurs en ce
qui concerne les coûts d’audit. Certains travaux montrent encore plus que cette subvention des
19
Dans la littérature étudiant les impôts sur les revenus, ce problème n’est pas rencontré. Le gouvernement peut
fixer une pénalité pour résoudre le problème principal-agent et ceci en baissant l’utilité du fraudeur. Cette
approche implique que la pénalité tend vers l’infini plus vite que la probabilité d’audit tend vers zéro. Pour plus
de détails voir Becker (1968) et Ehrlich (1972). Ainsi, lorsqu’on fait appel à la cour, alors c’est au juge de fixer
cette pénalité. En effet, les membres de jury ne considèrent pas la fraude comme un véritable crime, comme tout
autre crime. Cummins et Tennyson (1996) présentent les résultats d’une étude où la fraude est considéré comme
un acte acceptable. Weisberg et Derrig (1991) trouvent que uniquement 2,6% des sinistres frauduleux impliquent
suffisamment de preuves pour être jugés par la loi.
Chapitre 2 71
coûts d’audit peut conduire à des degrés d’efficience du marché plus élevés. En effet, Boccard
et Legros (2002) prouvent que l’agence de centralisation de l’audit, créée de façon
coopérative par les compagnies d’assurance, représente une source de richesse lorsque le
marché d’assurance implique un degré intermédiaire de concurrence.
Une autre fonction indispensable qui doit être accomplie par cette agence commune en tant
que partie externe, consiste à transmettre l’information concernant les sinistres. Schiller
(2002), analyse l’impact des systèmes de détection de la fraude offerts par une tierce partie
externe, sur l’activité d’audit ainsi que sur le contrat d’assurance à l’équilibre. Le type de
fraude considéré est la déclaration de faux sinistre. Le système de détection de la fraude,
fournit une information indirecte sur l’état de nature qui représente une information statistique
exogène sur la fraude, que l’assuré est incapable d’influencer et qui aide l’assureur à formuler
ses soupçons de fraude. Egalement, Schiller montre qu’à l’équilibre, le contrat d’assurance
implique une surcompensation (indemnité plus grande que le dommage). L’indemnité est plus
grande lorsque la probabilité de fraude est plus petite.
Dionne, Giuliano et Picard (2003) définissent la stratégie d’investigation optimale de
l’assureur dans un contexte similaire à celui représenté par Schiller (2002). Le type de fraude
considéré correspond à la déclaration d’une perte inexistante en réalité. L’assureur perçoit un
signal (déclaration de sinistre) qui ne peut être contrôlé par le fraudeur. La stratégie
d’investigation de l’assureur consiste en une prise de décision (probabilité) concernant la
transmission des sinistres suspects à une unité d’investigation spécialisée (qu’ils notent
SIU20), chargée d’effectuer les expertises nécessaires. Ils appellent cette règle d’audit « la
stratégie d’indicateurs de fraude ». En effet, la décision des assureurs est basée sur un seuil de
suspection à partir duquel tous les sinistres sont transmis à la SIU. L’objectif des auteurs est
d’établir un lien entre les résultats théoriques et la réalité. Ils utilisent la méthode du
« scoring »21 comme procédure d’implantation d’une stratégie d’audit optimale.
Théoriquement, ils montrent que la classification des indicateurs de fraude correspond à un
ordre croissant de la probabilité de fraude et cette forme d’audit représente une stratégie
optimale même lorsque les budgets d’investigations sont contraints. Ainsi, la politique d’audit
optimale doit contenir un élément incitatif qui pousse les individus à ne pas frauder.
20
SIU : Special Investigation Unit
21
La méthode de « scoring » représente une approche alternative à l’audit qui diffère de la méthodologie
standard d’audit déterministe et d’audit aléatoire. Cette méthode contribue à travers l’identification des
déclarations soupçonnées à ce qu’elles soient auditées en priorité. Elle est maintenant utilisée par les banque
pour le management des risques de crédit, par les corporations pour les décisions d’embauche, par les
administrations fiscales pour les impôts et enfin par les assureurs pour détecter la fraude.
Chapitre 2 72
En contrepartie des avantages offerts par de tels organismes, Boyer et Schiller (2003) voient
qu’il faut associer un certain coût à la création du bureau de coordination des sinistres
suspects (CSIC). Ils ajoutent aussi, qu’il est indispensable de montrer que le gouvernement est
capable de financer cette réglementation. Une première pensée consiste à ce que les
compagnies d’assurance réalisent des profits espérés nuls et par conséquent les assurés
supportent les coûts associés à la fraude. Comme le démontre Boyer (2001a), la meilleure
façon de financer ces dépenses est de taxer les indemnités plutôt que les primes car les taxes
ont un effet à la fois sur la décision de fraude de l’assuré et sur la décision d’audit de
l’assureur. En effet, d’une part, la taxe sur l’indemnité fait baisser l’indemnité nette d’impôt
que l’assuré perçoit en cas de survenance de sinistre et par conséquent, il gagne moins en
déclarant un sinistre frauduleux, toute chose étant égale par ailleurs. D’autre part, la taxe sur
l’indemnité fait accroître l’incitation des assureurs à mener un audit puisque les sinistres
frauduleux deviennent plus coûteux pour eux.
Pour Boyer et Schiller (2003), il existe un autre avantage lié à la taxation de l’indemnité.
Cette dernière implique un effet de redistribution puisque, c’est uniquement les assurés
déclarants des sinistres qui financent ce système ainsi que les coûts d’audit dans cette
économie. Par conséquent, il y aura proportionnellement plus de taxes à payer par les agents
qui déclarent des sinistres frauduleux. Le CSIC qui est financé par les taxes sur les indemnités
et qui a pour but de réduire le coût d’audit des assureurs, peut considérablement, réduire le
montant de la fraude dans l’économie. Ce raisonnement est vrai lorsque le CSIC se charge de
toutes les investigations ou même lorsqu’il fournit des éléments pouvant guider les
compagnies à déterminer les sinistres qui doivent être audités.
L’objectif de cette section est de présenter un modèle économique inspiré de la littérature qui
traite le phénomène de fraude à l’assurance dans un contexte d’audit déterministe. A travers
ce modèle, nous visons à étudier les comportements individuels des agents économiques.
D’une part, il s’agit de soulever le problème de fraude et d’en retirer les problèmes implicites
rencontrés par les assureurs, et d’autre part, il s’agit d’analyser les contrats d’assurances
optimaux et d’étudier la crédibilité de la procédure d’audit déterministe. Nous commençons
par la présentation des différentes approches théoriques dans un premier temps, ensuite le
Chapitre 2 73
22
Basées sur la présentation initiale du problème contenu dans l’étude de Akerlof (1970) du marché de
« Lemons », les analyses concernant les situations où les assurés possèdent l’information asymétrique sur la
probabilité de survenance des pertes assurables, se focalisent sur les problèmes de sélection adverse (Rothschild
and Stiglitz [1976] ) et les problèmes de risque moral ( Shavell [1979] ).
23
Rotschild et Stiglitz (1976) et Wilson (1977) ont été les premiers à s’intéresser au problème d’asymétrie
d’information dans le contexte d’assurance. Ces auteurs s’intéressent à un produit d’assurance non obligatoire
offert à une population d’assurés potentiels homogène du point de vue des caractéristiques observables. La
source des problèmes d’antisélection est l’hétérogénéité de cette population du point de vue du risque de
sinistre : coexistence de « bons » risques et de « mauvais » risque, indispensables à priori. Comme l’a souligné
Akerlof (1970), l’asymétrie d’information peut engendrer l’échec de tous les marchés, notamment les marchés
d’assurance. Plusieurs solutions ont été proposées pour pallier cet échec. En particulier l’introduction des
contrats de franchise dans le cadre des marchés d’assurance.
En effet, au lieu d’offrir un seul contrat d’assurance pour tous les individus, les assureurs peuvent offrir un menu
de contrats d’assurance parmi lequel chaque individu pourra choisir une police d’assurance. L’apparition des
contrats de franchise a pour conséquence l’existence de deux catégories d’équilibre à savoir : un équilibre de
pooling où les individus de toutes les catégories achètent le même contrat ou encore un équilibre séparateur où
chaque catégorie d’individus s’auto sélectionne et achète le contrat qui lui est destiné.
Chapitre 2 74
24
Arrow (1974) a montré que l’absence de transactions contingentes est étroitement liée aux problèmes de risque
moral et d’asymétrie d’information. Ainsi, pour qu’un contrat soit contingent, il faut absolument que le fait
qu’un événement est survenu ou pas soit connu. Cependant, lorsque cette information n’est connue que par un
seul contractant, alors la série de contrats possibles et contingents est limitée à ceux où la vérification est facile
pour les deux contractants. Radner (1968), a formalisé cette notion par la limitation exogène des contrats entre
les agents, à ceux qui sont contingents en ce qui concerne les événements dans le partage d’information entre les
deux agents. Radner suggère que la structure d’information dans une économie doit être coûteuse et endogène.
Le papier de Townsend (1979) représente ainsi une extension des thèmes suggérés par Arrow et Radner.
25
Pour ce qui est perfection de contrôle, il doit être supposé que la décision de vérifier peut être prise ex ante à
un certain coût fixe et que ultérieurement, toutes les réalisations doivent être observées. Cette proposition illustre
le modèle de Kihlstrom et Pauly (1971) et implique que l’un des deux agents économiques, offre soit un contrat
d’assurance complète à l’autre agent, soit aucune couverture d’assurance.
Chapitre 2 75
soigneux est coûteux et peut être effectué soit avant, soit après la réalisation de l’output. En
revanche, le modèle de Townsend (1979) a pour but de mettre l’accent sur la nature coûteuse
des contrôles et ne se préoccupe pas de l’étude de la question de synchronisation des
observations.
Une première voie de l’analyse de Townsend (1979) porte sur une économie d’échange pure,
composée de deux agents. Il suppose que l’un des deux agents (agent 2) est averse au risque et
qu’il dispose d’une dotation de bien de consommation aléatoire qui ne peut être connue par
l’autre agent (agent 1) qu’à un certain coût. Le contrat établi entre les deux individus définit
tout d’abord l’échange contingent ainsi que les transferts nets de consommations de biens
bilatéraux. Sous d’autres interprétations, l’échange est motivé par des considérations de
partage de risque. Alternativement, l’agent 2 peut être considéré comme un individu qui
souffre d’une perte aléatoire et veut acheter une assurance de l’agent 1. La réalisation de cette
perte représente une information privée pour l’assuré à moins qu’il y ait vérification.
Townsend suppose que l’audit est parfait : s’il y a vérification, la réalisation de l’état de
nature est connue sans erreur par l’agent 1. Une première partie de cette analyse fait recours à
l’audit déterministe. L’auteur considère une région de vérification, c’est-à-dire un intervalle
dans lequel toute déclaration de l’agent 2 est contrôlée par l’agent 1. Le contrat établi entre les
deux individus représente une spécification contingente du transfert net de l’agent 2 à l’agent
1 (en assurance ce transfert correspond à la prime) et de la région de vérification. Le coût
d’audit peut être considéré comme une variable exogène (une constante indépendante de la
réalisation actuelle de la dotation de bien de consommation de l’agent 2), ou bien peut
dépendre de la réalisation de la dotation de bien (directement ou alternativement à travers le
transfert (la prime)).
Le contrat est dit révélateur26 si et seulement si la région de vérification et le transfert
correspondent bien aux valeurs prédéfinies par le contrat. Cependant, aucune incitation ne
poussera l’agent 2 à frauder. Le résultat auquel aboutit Townsend est que le transfert
26
« Le principe de révélation énonce qu’on peut se limiter à des mécanismes directs (où l’agent annonce son
information) et révélateur (où il est de l’intérêt de l’agent de faire des annonces véridiques).
Le principe de révélation : si l’allocation y*(θ) peut être mise en œuvre par un mécanisme quelconque, on peut
aussi la mettre en œuvre par un mécanisme direct révélateur, où l’agent révèle son information θ »
Cité dans : Bernard SALANIE (1994) : « Théorie des Contrats », p 12.
Chapitre 2 76
Pour définir les contrats optimaux, Townsend s’est référé à la résolution d’un programme de
maximisation de l’espérance d’utilité de l’agent 2 sous certaines contraintes : une restriction
relative au fait que l’utilité espérée de l’agent 1 ne doit pas être inférieure à une constante K,
une deuxième restriction qui représente la contrainte d’incitation et enfin une dernière
contrainte de non négativité du profit de l’agent 1.
En se fondant sur l’analyse de Townsend, Picard (1996a, 2000) traite le problème de fraude à
l’assurance en intégrant la possibilité d’audit déterministe27 coûteux. La modélisation qu’il a
adoptée pour formaliser ce problème, repose sur la détermination des contrats d’assurance
optimaux qui permettent l’arbitrage entre deux objectifs conflictuels : partager le risque entre
l’assureur et l’assuré et minimiser les coûts de vérification. La procédure d’audit déterministe
permet à l’assureur d’avoir l’information parfaite sur l’état de sinistralité qui représente une
information privée pour l’assuré.
Picard a défini la police d’assurance comme un contrat spécifiant le remboursement non
négatif d’une indemnité d’assurance en contrepartie du paiement d’une prime. Il suppose que
le dommage est connu uniquement par l’assuré à moins qu’il y a vérification. A cet égard,
l’assureur supporte un coût d’assurance composé d’un coût administratif fixe, si le dommage
est déclaré et d’un coût d’audit si la déclaration est vérifiée. Conformément aux critères de
l’espérance utilité, les assurés sont averses aux risques et cherchent à maximiser leurs utilités
espérées. De plus, Picard définit la région de vérification comme un intervalle dans lequel
toute déclaration est expertisée. Le contrat d’assurance optimal est, un contrat incitatif défini,
27
Pour des raisons de simplification, Picard (1996a, 2000) limite son étude à l’analyse de l’audit déterministe,
dans lequel les sinistres sont vérifiés avec certitude ou non vérifiés du tout. Cette simplification de la procédure
d’audit a permis l’auteur de se focaliser sur la relation entre l’auditeur et l’assureur. Pour l’audit aléatoire, voir
Townsend (1979), Baron et Besanko (1984) et Mookherjee et Png (1989).
Chapitre 2 77
par la vérification de toute déclaration qui excède un seuil de sinistre prédéfini par l’assureur.
La solution de Picard, consiste en un contrat de franchise pure (couverture complète au delà
de la franchise) qui incite les assurés à ne pas frauder. Cette proposition représente une
extension des résultats obtenus par Hubermann, Mayers et Smith (1983)28, et fournit un
nouveau motif pour les contrats de franchise, autre que l’interprétation habituelle en terme de
coûts de transaction (Arrow, 1971) ou de risque moral (Holmstrom, 1979). Pour Picard,
l’indemnité d’assurance doit être égale à l’utilité marginale de la richesse finale dans chaque
état où il y a vérification. Ceci signifie que toute croissance de l’indemnité d’assurance dans
un intervalle inclus dans la région de vérification doit être compensée par une croissance de la
prime.
Un autre papier intéressant et allant dans le même sens que la modélisation de Picard (1996a,
2000) est celui de Bond et Crocker (1997). Les auteurs ont essayé de caractériser les contrats
d’assurance optimaux dans un environnement d’état de vérification coûteuse avec coûts de
contrôle endogènes. En se basant sur l’approche de Townsend (1979), les auteurs ont
considéré un contexte dans lequel les assurés détiennent l’information privée quand à leurs
pertes actuelles. Après avoir observé sa perte économique, chaque assuré doit choisir de
s’engager ou pas dans des manœuvres évasives. Il s’agit en fait, de l’étude de l’efficience d’un
contrat d’assurance dans un contexte d’asymétrie d’information et de risque moral.
Une première partie de leur analyse est dédiée à l’étude des contrats optimaux lorsque les
coûts d’audit déterministe sont exogènes. Le contrat d’assurance représente une spécification
de l’indemnité d’assurance et de la région de vérification. Pour caractériser l’équilibre, les
auteurs ont adopté le programme d’optimisation habituel, à savoir la maximisation de l’utilité
espérée de l’assuré sous la contrainte d’incitation et la contrainte de ressources de l’assureur
(profit non négatif). Ces deux contraintes conduisent toutes les deux i) à des contrats
caractérisés par des indemnités constantes ; ii) à la non nécessité de l’audit pour des nivaux de
perte bas ; iii) et à la nécessité de l’audit, avec assurance complète pour des pertes plus
grandes.
Après avoir présenté les différentes approches du problème de fraude à l’assurance, en
présence d’audit déterministe, nous allons dans le paragraphe suivant adopter un modèle
simple composé de deux agents économiques (l’assureur et l’assuré). Nous commençons dans
une première étape par la présentation du cadre d’analyse, ensuite nous essayons dans une
seconde étape de caractériser le contrat d’assurance optimal.
28
La démonstration de Hubermann, Mayers et Smith (1983) est plutôt informelle, alors que Picard (1996)
montre l’optimalité d’un contrat de franchise standard, en utilisant un argument de contrôle optimal.
Chapitre 2 78
La modélisation que nous avons adoptée29 pour formaliser le problème de fraude dans un
contexte d’audit déterministe est la suivante. Nous considérons deux agents : une compagnie
d’assurance, neutre au risque et un assuré qui fait preuve d’aversion pour le risque. Les
préférences de l’assuré sont représentées par une fonction d’utilité u de type Von-Neumann
Morgenstern, strictement croissante et deux fois continûment différentiable et strictement
concave ( u ' > 0 et u" < 0 ).
L’assuré dispose d’une richesse initiale w et il est confronté à un risque de perte assurable
noté x .
La nature définit deux états possibles : perte avec une probabilité π et pas de perte avec une
probabilité (1-π). Pour des raisons de simplification, nous supposons que le montant de la
perte ne puisse prendre que deux valeurs aléatoires possibles : M avec une probabilité q1 / π et
La relation assureur-assuré peut être décrite comme un jeu d’audit à trois étapes :
29
Cette modélisation est inspirée de la littérature traitant le problème de fraude et en présence d’audit
déterministe, notamment les papiers de Picard (1996a, 2000) et celui de Bond et Crocker (1997). Notre objectif
est de présenter un modèle économique simple permettant d’expliquer comment on peut formaliser le
phénomène de fraude et analyser les comportements stratégiques de l’assuré et de l’assureur.
Cette modélisation nous servira de base pour élaborer une extension théorique, que nous présentons dans le
chapitre 3.
Chapitre 2 79
L’assuré qui subit une perte x peut choisir de frauder et déclarer L ou M à l’assureur. Ce
dernier procède à une vérification à partir d’un seuil de sinistre L. la région de vérification R
est ainsi définie par [L,M] ⊂ [0,x].
Ainsi, s’il y a vérification, le dommage x est connu sans erreur par l’assureur.
Pour le premier état de nature (perte), l’assuré se trouve devant deux risques de perte
probables : M et L. Si l’assuré subit un dommage d’un montant M, sa stratégie optimale
consiste alors à déclarer la vérité : d = M. L’assureur procède à une vérification de cette
déclaration (puisque M∈R). L’assuré est honnête, il reçoit alors le remboursement
d’assurance IM qui lui procure une utilité égale à u(w − P − M + IM) dans ce cas.
La déclaration d = M est vérifiée par l’assureur. L’audit est parfait : la fraude est
systématiquement détectée. A cette déclaration frauduleuse, correspond l’indemnité
d’assurance IM , ainsi que la sanction S1 . Dans ce cas l’utilité de l’assuré s’écrit :
u(w − P − L + IM − S1) .
Si par contre l’assuré décide de ne pas frauder, il déclare d = L à son assureur. Cette
déclaration lui procure une indemnité IL et son utilité devient égale à u(w − P − L + IL) .
Pour le deuxième état de nature (non perte), la stratégie de l’assuré est définie par les deux
possibilités de fraude suivantes : déclarer d = L avec une probabilité α L ou bien déclarer
30
Nous supposons implicitement que la fraude ne génère aucun coût pour l’assuré. Il existe néanmoins plusieurs
modèles qui intègrent les coûts de falsification. Nous citons les travaux de Lacker et Weinberg (1989) et Crocker
et Tennyson (1996).
Chapitre 2 80
Pour la déclaration de perte d = L, l’assureur sanctionne l’assuré par S2 après une détection
de la fraude par expertise. Dans ce cas, son utilité prend la valeur
suivante u(w − P + IL − S2) . Il le sanctionne par S3 , lorsqu’il fraude et déclare d = M. Cette
Perte
(1-β)
non fraude: d=L audit u(w − P − L + IL)
N
.
non fraude : d=0 u(w − P)
α0
(1–π)
αM
Figure.1: Les stratégie de fraude en cas d’audit déterministe à partir d’un seuil L
Chapitre 2 81
Le contrat d’assurance optimal doit inciter l’assuré à déclarer toujours l’état de perte réel.
Pour ce fait, il faut que l’utilité de l’assuré en cas de fraude ne soit jamais supérieure à son
utilité lorsqu’il est honnête. Nous définissons ainsi la contrainte d’incitation.
Nous pouvons écrire le système (1) suivant :
u(w − P − L + IM − S1) < u(w − P − L + IL)
u(w − P + IL − S2) < u(w − P)
u(w − P + IM − S3) < u(w − P)
Cela revient à dire que pour dissuader toute manœuvre frauduleuse, l’assureur doit imposer un
système de sanction, de telle sorte que l’assuré n’aura aucun intérêt à frauder. Ainsi, la
sanction doit être fixée à un niveau plus élevé que le gain espéré de la fraude. Ce résultat nous
permet de dire, qu’un refus de remboursement du dommage, n’est pas suffisant pour inciter
l’assuré à être honnête.
Chapitre 2 82
En effet, réfuter tout comportement de fraude se traduit par le fait que les pénalités appliquées
par l’assureur amènent à avoir des probabilités de fraude toutes nulles. Autrement dit, il faut
β = 0
que : α M = 0
α = 0
L
Intégrons cette contrainte dans notre jeu, d’après le principe de « backward induction »,
l’arbre de décision sera réduit à ce qui suit:
q1 / π
perte
π q2 / π
(1-π)
Figure 2 : L’équilibre
EU = π q1 / πu (w − P − M + IM ) + π q 2 / π u (w − P − L + IL) + (1 − π) u(w − P)
Le contrat d’assurance est un optimum de premier rang. Ce contrat est tel qu’il maximise
l’espérance d’utilité de l’assuré sous la contrainte de profit non négatif de l’assureur. Cette
contrainte de participation (CP) s’écrit :
* * *
Le programme de l’assureur est de déterminer IL , I M et P qui maximisent l’espérance
u ( w − P − L + I L ) = u ( w − P) I M = M
donc
u ( w − P − M + I M ) = u ( w − P ) I L = L
Cette constatation prouve que l’assurance avec couverture complète est optimale.
D’où la proposition suivante :
Proposition 1 :
Un contrat d’assurance optimal avec audit déterministe satisfait les conditions suivantes :
i) IM > IL pour tout M > L : l’indemnité d’assurance est une fonction croissante
du dommage.
ii) Ix = 0 pour tout x < L : l’indemnité est nulle pour tout dommage inférieur à L.
I =M
iii) IM = L l’assurance complète est optimale, au-delà du seuil d’expertise.
L
31
Le Lagrangien du programme d’optimisation s’écrit :
L(IM, IL, P) = EU − µ { πq1 / πIM + πq 2 / πIL + [π + (1 − π)(α L + α M )]c − P }
µ étant le multiplicateur de Lagrangien associé à la contrainte de participation de l’assureur.
Les conditions de premier ordre nous donnent :
(1) ∂L = 0 u' (w − P) = µ
∂P
(2) ∂L = 0 u' (w − P − L + IL) = µ
∂IL
(3) ∂L = 0 u' (w − P − M + IM) = µ
∂IM
Nous pouvons ainsi déduire d’après ce système que :
u' (w − P) = u' (w − P − L + IL) = u' (w − P − M + IM) = µ
Donc u(w − P − L + IL) = u(w − P − M + IM)
Chapitre 2 84
I (x)
IM
IL
45°
L M x
Figure. 3 : Indemnité d’assurance optimale
Ce résultat est équivalent à celui de Picard32 (1996a, 2000) et Bond et Crocker33 (1997).
Il s’agit d’un contrat de franchise pure : Assurance complète au-delà de la franchise-expertise
(le seuil de sinistre L).
Rappelons que pour parvenir à empêcher totalement l’assuré de frauder, le système de
sanction appliqué doit satisfaire la condition suivante :
S1 > I M − I L
S2 > I L
S >I
3 M
32
Picard (1996a, 2000) montre que le contrat d’assurance optimal satisfait les conditions suivantes :
i) t(x)=0 si x<=m, avec t(x) l’indemnité d’assurance et m le seuil de sinistre à partir duquel il y a
vérification.
ii) t(x)=x+z–m si x>m
avec m>0, 0<z<m et M=(m, x ] ; M est la région de vérification.
Le contrat d’assurance optimal est un contrat de « franchise pure » : t(x)=sup{0, x–m} avec m>0 et M=(m, x ].
Le résultat de Picard signifie qu’aucune déclaration de sinistre n’est déposée si la perte est inférieure au seuil
m>0. Alors que, toute déclaration supérieure à m est vérifiée par l’assureur et l’indemnité d’assurance optimale
est la couverture partielle. Cette proposition s’interprète de la façon suivante : pour des raisons de minimisation
de coût, il est optimal de choisir un seuil positif m, pour décroître les coûts administratifs et les coûts d’audit.
Ainsi t(.) doit égaliser l’utilité marginale de la richesse finale pour chaque état où il y a vérification et l’utilité
marginale espérée de la richesse finale.
33
Bond et Crocker (1997) trouvent que le contrat d’assurance optimal associe une indemnité fixe α avec non
vérification à toutes les pertes inférieures à la valeur seuil m. Tandis que l’assuré contrôlé reçoit une indemnité
complète lorsque le dommage excède le seuil m. Ce contrat illustre une discontinuité de l’indemnité au niveau m
de la région de vérification.
Chapitre 2 85
signifie qu’un refus de remboursement n’est pas suffisant pour dissuader la fraude.
S1 = I M − I L + A
Ainsi : S2 = I L + A avec A > 0
S = I +A
3 M
(A) étant une constante positive qui représente le montant d’une amende fixe que le fraudeur
détecté doit payer à son assureur.
Nous pouvons résumer nos résultats dans la proposition suivante :
Proposition 2 :
En cas de fraude et en présence d’audit déterministe parfait, un système de sanction optimal
ii) Un refus de remboursement n’est pas tout seul suffisant pour dissuader la
fraude, d’où la nécessité de l’amende.
Proposition 3 :
L’assureur doit ajuster la prime à la hausse, lorsque
i) les coûts d’audit augmentent à cause de l’augmentation des probabilités de fraude,
ii) le coût d’indemnisation augmente.
Par conséquent, à coût d’audit (c) fixe, toute augmentation de β , α M ou α L doit être
compensée par une augmentation de la prime.
Lorsque l’assuré peut augmenter le coût d’audit à travers les probabilités de fraude, pour
équilibrer ses ressources avec ses emplois, l’assureur doit ajuster la prime d’assurance à la
hausse.
Ainsi une augmentation des probabilités de fraude et/ou de la fréquence de survenance des
sinistres entraîne une hausse des indemnités d’assurance espérées. Ceci oblige l’assureur à
procéder à une majoration de la prime d’assurance (application du système Bonus – Malus).
34
Un contrat d’assurance optimal est établi de sorte que l’assureur fera un profit nul. Cela signifie que la prime
payée par l’assuré va être exactement égale à l’indemnité espérée plus le coût de fraude, c'est-à-dire le coût de
détection de la fraude plus les indemnités versées si la fraude n’est pas détectée.
Chapitre 2 87
d’observer le coût encouru par son auditeur : est-il un consultant physique, un expert, un
investigateur ou un manipulateur de sinistre? De son coté, l’assuré supporte des coûts, surtout
lorsque cela nécessite une collusion avec un intermédiaire (garagistes, avocats…) qui est
capable de falsifier le dommage et le rendre plus coûteux. Ceci permet de créer des
dommages supplémentaires et donc d’affecter le coût d’audit. Ces dépenses font accroître
pour l’auditeur le coût d’avoir l’information claire et véritable sur la perte. Ainsi, un problème
de risque moral s’établit entre l’assureur et l’auditeur. Ce problème est lié au fait qu’il s’avère
difficile pour l’assureur de surveiller les coûts d’audit. Le contrat d’assurance est contraint par
la participation de l’auditeur (la non négativité de son profit). Ce dernier n’accepte le contrat
que si son utilité espérée dépasse son utilité de réserve. La solution optimale proposée par
Picard consiste en un contrat de franchise avec coassurance pour les nivaux de dommages
élevés. La contrainte de lutte contre la manipulation des coûts d’audit implique une liaison
étroite entre le paiement d’indemnité à l’assuré et les honoraires versés à l’auditeur. De
surcroît, les intermédiations élevées doivent entraîner des transferts faibles pour l’auditeur
afin que l’assuré soit dissuadé de manipuler les coûts d’audit.
Un auditeur averse au risque doit recevoir une compensation sous forme de prime de risque
pour que sa contrainte de participation soit satisfaite. Cependant, le taux de coassurance35
pour les nivaux de dommages élevés fait décroître la prime de risque ce qui est en fin de
compte bénéfique pour l’assuré.
D’autre part, Bond et Crocker (1997) s’intéressent à l’étude des contrats d’assurance
optimaux lorsque les coûts de contrôle sont endogènes. Les auteurs définissent l’efficience
des programmes d’assurance comme étant un arbitrage entre l’obtention de l’information
privée concernant la perte (pour permettre l’assurance contre les fluctuations de la richesse),
et le besoin d’atténuer les incitations des assurés (pour ne plus accroître le coût social). Les
auteurs montrent que le contrat d’assurance optimal réconcilie ces conflits à travers une
combinaison d’incitations. Les hypothèses du modèle, concernent le fait que les agents
peuvent effectuer des actions ayant un effet sur ces coûts. Ces actions, qu’ils appellent coûts
d’évasion 36, sont supposées correspondre à des coûts privés, mais qui font bénéficier d’une
35
Ces résultats peuvent être comparés à d’autres cas de coassurance traités dans la littérature. En effet, Raviv
(1979) montre que la coassurance est optimale si l’assureur est averse au risque ou bien lorsque les coûts
d’assurance représentent une fonction convexe de la couverture. Egalement, Hubermann, Mayers et Smith
(1983) montrent que les règlements de faillite peuvent conduire l’assureur à offrir une sous-couverture pour les
grandes pertes. Il s’agit en fait, d’une explication complémentaire de la coassurance et du plafond de
remboursement, qui résulte de l’imperfection de l’activité d’audit menée par l’assureur
36
La notion d’évasion avancée par Bond et Cocker (1997) diffère substantiellement de l’approche d’état de
falsification coûteux adoptée par Lacker et Weinberg (1989). Ces derniers présentent un environnement dans
Chapitre 2 88
lequel un individu contrôlé peut investir dans des dépenses de falsification de façon à présenter le dommage avec
ambiguïté à l’assureur. Au contraire, l’approche de Bond et Crocker consiste à supposer que l’assureur peut
toujours établir l’état de perte actuel, mais l’assuré peut aussi manipuler les coûts d’audit pour rendre la
vérification plus difficile.
Chapitre 2 89
permettent d’atténuer les incitations de fraude telles que les dommages faciles à contrôler sont
surpayées et les dommages faisant preuve de coûts très élevés sont sous-payés.
Les contrats optimaux définis par Bond et Crocker (1997) diffèrent de ceux caractérisés par
Lacker et Weinberg (1989) dans leur modèle portant sur les coûts de falsification. En effet,
pour Bond et Crocker, les contrats avec vérification coûteuse impliquent un remboursement
constant des petites pertes et une couverture complète des grandes pertes. En revanche, le
contrat optimal défini par Lacker et Weinberg en cas de non falsification, implique un
remboursement constant des grandes pertes et une coassurance pour les petites pertes.
L’objectif de cette section est d’étudier une deuxième version de l’audit à savoir, l’audit
aléatoire. Notre but consiste à caractériser le contrat d’assurance optimal que l’assureur doit
offrir afin de lutter contre la fraude. Nous consacrons le premier paragraphe à l’étude des
différentes approches théorique qui ont traité ce sujet. Ensuite, nous proposons une
formulation du problème de fraude avec possibilité d’audit aléatoire, à l’aide d’un modèle
inspiré de la littérature.
Dans ce paragraphe, nous allons présenter les différentes approches théoriques qui
s’intéressent au phénomène de fraude avec possibilité d’audit aléatoire. La majorité de ces
travaux fait recours à la théorie des jeux en asymétrie d’information et utilise un modèle de la
théorie des contrats à savoir le modèle Principal-Agent pour décrire les relations entre les
individus. Le point commun à l’ensemble de ces théories est qu’elles sont toutes basées sur le
principe de révélation. Dans un contexte d’assurance, le principal est l’assureur et l’agent est
l’assuré. Ce dernier détient l’information privée quant à la réalisation et/ou l’ampleur de son
dommage. L’assureur ne peut obtenir cette information qu’en s’appuyant sur un audit
coûteux. Toutefois, l’assuré peut frauder lors de la déclaration de sa perte. Selon le principe
de révélation, le principal doit offrir un contrat d’assurance, tel que son profit n’est jamais
négatif (la contrainte de participation) et tel que l’agent aura toujours intérêt à révéler son
information privée (la contrainte d’incitation). Le contrat optimal est établi en maximisant
Chapitre 2 90
37
Dans un contexte de risque moral pur, c’est-à-dire lorsque le principal peut observer la réalisation de revenu de
l’agent sans coût, Grossman et Hart (1983), ont montré que dans un programme optimal, la consommation peut
Chapitre 2 91
effet, le niveau de revenu réalisé représente une information privée pour l’agent et ne peut être
connu par le principal qu’en procédant à une expertise coûteuse. Plus généralement, l’habilité
du principal à offrir l’assurance à l’agent est contrainte par l’inobservabilité de l’action prise
par l’agent et par l’imperfection de l’observabilité de la réalisation de revenu38.
La modélisation adoptée est la suivante : l’agent observe d’une façon privée la réalisation de
son revenu et va déclarer cette réalisation au principal. Ce dernier ne peut avoir l’information
complète sur ce revenu qu’en procédant à une expertise aléatoire et en supportant un coût
positif qui dépend du niveau réel du revenu réalisé. Sur la base de sa déclaration, l’agent doit
transférer un certain montant au principal. S’il s’avère après vérification que l’agent est
fraudeur, une certaine pénalité positive lui est appliquée. Pour dissuader tout comportement
frauduleux, l’objectif du principal est donc d’offrir un contrat permettant de maximiser
l’utilité espérée de l’agent, sous la contrainte de profit espéré minimum (pour le principal) et
la contrainte d’incitation appropriée.
Le contrat d'assurance optimal est un contrat révélateur: la stratégie optimale de l'assuré,
compte tenu du contrat d'assurance, est de toujours déclarer la vérité. En effet, pour que la
déclaration de revenu soit non frauduleuse, le contrat optimal doit offrir à l’agent une utilité
espérée postérieure à l’audit, plus grande que celle procurée en cas de non audit. Par
conséquent, la stratégie de contrôle optimale est une stratégie aléatoire qui associée à un
niveau de sanction suffisamment élevé, incite les agents à toujours déclarer la vérité.
L’audit aléatoire est optimal, si à l’équilibre et pour tous les états de nature, l’assuré peut être
sanctionné en cas de déclaration frauduleuse. De plus, les auteurs proposent de récompenser
les assurés honnêtes en leur versant des indemnités plus généreuses que celles payées en cas
de non vérification des sinistres39.
être non monotone dans le revenu. Selon ces auteurs, il est possible de montrer que les transferts optimaux
peuvent être non monotone. Ils ont montré aussi qu’il est impossible pour la consommation d’être décroissante
en fonction du revenu.
38
Au-delà des considérations de risque moral, l’analyse de Mookherjee et Png, diffère de celle de Reinganum et
Wilde (1985) et Border et Sobel (1987) dans deux aspects essentiels. Dans les deux modèles, l’objectif du
principal est de maximiser les revenus collectés sans tenir compte de la contrainte de participation de l’agent.
Deuxièmement, ils considèrent que l’agent est neutre vis-à-vis du risque. Comme le démontre Border et Sobel,
une police optimale ne va pas typiquement exister lorsque l’agent peut être induit à déclarer la vérité avec une
perte aléatoire lourde à sa charge. Par conséquent, Border et Sobel imposent un plafond aléatoire sur la taille de
la récompense payée pour les déclarations honnêtes et qui ont été vérifiées.
39
Dans cette proposition Mookherjee et Png, se limitent aux transferts non arbitraires. En effet, dans un contexte
d’impôt sur les revenus, ceci peut être justifié par les conditions d’équité horizontale. Ainsi, l’existence d’un
programme optimal est directe et simple lorsque on limite la consommation de l’agent à un nombre fini de
valeurs alternatives, telles que dans les travaux de Prescott et Townsend (1984) et Townsend (1988).
Chapitre 2 92
Mookherjee et Png ont essayé d’orienter leur modèle dans plusieurs directions. L’une des
interprétations les plus pertinente est d’essayer d’étudier la relation principal-agent dans un
contexte d’impôt. Ils appliquent ainsi, leur modèle à une population de contribuables
identiques assez importante–pour pouvoir appliquer la loi des grands nombres–. Le
programme du principal est donc de maximiser la fonction de bien être social. Cette
optimisation permet de définir les taxes, les probabilités d’audit ainsi que les pénalités sous la
contrainte d’incitation pour les contribuables, la contrainte de revenu minimum pour le
planificateur et les contraintes de non négativité des consommations.
Dans des considérations d’assurance, cette formulation de l’équilibre est représentée par la
maximisation de la fonction d’utilité espérée de l’assuré sous la contrainte de profit minimum
de l’assureur. Les auteurs montrent de plus que cette formulation est équivalente au problème
dual de la maximisation du profit du principal sous la contrainte de participation ex ante de
l’agent.
Notons aussi que le travail de Mookherjee et Png (1989) est étroitement lié au travail de
Baiman et Demski (1980) et Dye (1986) qui se sont intéressés à analyser les contrats
optimaux entre un agent averse au risque et un principal neutre au risque. Ces auteurs
présentent un contexte où l’agent et le principal observent le revenu réalisé. Sur la base du
revenu observé, le principal peut effectuer une investigation sur l’effort fourni par l’agent, et
supporter un coût de contrôle. Cependant, dans les modèles de Baiman et Demski et Dye, les
stratégies d’investigation sont désignées pour améliorer les incitations à l’effort pour l’agent,
alors que pour Mookherjee et Png, la vérification affecte à la fois les incitations à l’effort ainsi
que les incitations à dire la vérité.
Comme extension des travaux cités ci-dessus, Fagart et Picard (1999) essaient de caractériser
le contrat d’assurance optimal (indemnité et audit) lorsque la procédure d’expertise est
aléatoire. Ils montrent que la probabilité d’audit est croissante en fonction de la taille de la
déclaration de sinistre, et que cette probabilité est nulle pour les dommages de petite taille. Le
contrat d’assurance optimal est un contrat de franchise à laquelle est ajoutée une franchise
« évanescente » lorsque la déclaration est non vérifiée.
L’approche avancée par Fagart et Picard représente une analyse normative des contrats
d’assurance avec état de vérification coûteuse, initialement élaborée par Townsend (1979).
Les deux auteurs se sont focalisés sur une question posée mais non entamée par Mookherjee
et Png (1989). Notamment, que devraient être le taux de couverture et la probabilité d’audit
lorsque ce dernier est aléatoire ? La caractérisation obtenue sous aversion absolue au risque
constante est intuitive. La couverture d’assurance est nulle, lorsque le dommage est inférieur à
Chapitre 2 93
un certain seuil. Alors que, si le dommage excède ce seuil, l’assuré reçoit une indemnité avec
franchise. Cette franchise est constante lorsque la déclaration est vérifiée, et disparaît lorsque
les déclarations sont très élevées. En revanche, lorsque l’aversion absolue au risque est
décroissante, à cause de l’effet de richesse, il est optimal d’appliquer une couverture positive
pour les petites pertes, afin de pouvoir alléger l’intensité des contraintes d’incitation. Dans un
tel cas, le taux de couverture doit être non monotone, ce qui confirme la conjecture de
Mookherjee et Png (1989).
Le cadre d’analyse est similaire à celui représenté dans le paragraphe précédent avec audit
déterministe. Essayons de rappeler brièvement les notations utilisées. Avant tout l’assureur
offre un contrat d’assurance qui peut être accepté ou refusé par l’assuré. Si ce dernier accepte
le contrat, le jeu se déroule comme suit. Tout d’abord, l’état de la nature se réalise. Aux états
« perte », « pas de perte » sont associées les probabilités respectives π et (1– π).
L’assuré peut ensuite choisir de faire une déclaration frauduleuse de façon à maximiser son
espérance d’utilité, sachant qu’il peut être contrôlé.
En cas de perte, lorsque l’assuré subit un dommage x = L avec une probabilité q 2 / π , il n’a
aucun intérêt à ne pas déclarer sa perte. L’audit est parfait et ne génère aucun coût pour
l’assuré. Son seul comportement stratégique consiste alors à décider de frauder ou non en
déclarant d = M avec M > L. La stratégie de l’assuré est représentée par la probabilité β de
frauder lorsque x = L avec 0 ≤ β ≤ 1.
avec S1 . Son utilité est alors égale à u(w − P − L + IM − S1) . Dans le cas où cette
Chapitre 2 94
déclaration n’est pas vérifiée, l’assureur lui verse l’indemnité (non méritée) IM , ce qui lui
procure une utilité égale à u(w − P − L + IM) .
Si par contre, l’assuré décide de ne pas frauder, il subit le dommage x = L, et déclare la vérité
(d = L) à son assureur. Ce dernier peut aussi procéder à une vérification de la déclaration.
L’assuré reçoit l’indemnité d’assurance quelque soit la stratégie de l’assureur (audit ou pas
d’audit). Son utilité sera dans les deux cas égale à u(w − P − L + IL) .
Lorsque l’assuré ne subit pas de dommage x = 0, et il sait qu’il peut être contrôlé, il peut
comme même décider de frauder. La fraude dans ce cas, consiste à déclarer un sinistre qui n’a
en réalité jamais eu lieu. L’assuré fraudeur peut déclarer un faux sinistre à son assureur :
Mais si l’assureur ne vérifie pas la déclaration de l’assuré, il ne peut pas détecter la fraude.
L’assuré reçoit une indemnité (non méritée) IL s’il déclare d = L, ce qui lui procure une
utilité u(w − P + IL) . Il reçoit IM , s’il déclare d=M et son utilité sera égale à
Si par contre, l’assuré est du type honnête, il ne fait pas de déclaration auprès de l’assureur
lorsqu’il ne subit pas de sinistre. L’utilité de l’assuré s’écrit alors u(w − P) .
Dans la majorité des analyses économiques fondées sur la théorie Principal-Agent, (voir
Myerson, 1981 ; Harris et Townsend, 1981 ; Mookherjee et Png, 1989 ; Border et Sobel,
1987), les auteurs montrent qu’en se basant sur le principe de Révélation40, le principal peut,
40
Le principe de révélation stipule que le principale offre des contrats acceptés par l’agent (sous la contrainte de
participation) et tels que l’agent sera toujours incité à révéler son information privée (Sous la contrainte
d’incitation).
Chapitre 2 96
limiter l’ensemble des contrats possibles aux contrats révélateurs. Ces contrats sont dits
incitatifs41, et ils sont établis de telle sorte que l’agent soit toujours amené à révéler son
information privée.
Lorsqu’il est possible pour l’assureur de s’engager sur toutes les clauses du contrat,
notamment sur la fréquence de l’audit et la taille de la sanction, l’assuré ne se trouve plus
devant une incertitude vis-à-vis du comportement de l’assureur. Par conséquent, lorsqu’il
choisit sa déclaration optimale, il connaît parfaitement tous les termes du contrat, y compris
ses chances d’être sanctionné s’il fraude. Nous définissons le contrat incitatif comme étant un
contrat tel que, la meilleure stratégie de l’assuré est alors de déclarer l’état de perte réel et de
révéler son information privée à l’équilibre.
Nous supposons que l’assureur propose un contrat révélateur (I, P, S, λ) qui spécifie pour
chaque déclaration de dommage, une indemnité d’assurance qui ne dépend que de l’état de la
nature (« perte » ou « non perte ») et de la probabilité de contrôle.
Le contrat d’assurance optimal est défini tel que l’espérance d’utilité de l’assuré soit
maximisée sous les contraintes suivantes :
(1) l’assuré n’aura jamais intérêt à frauder
(2) le profit de l’assureur est toujours positif
Formellement, l’espérance d’utilité de l’assuré s’écrit:
Ensuite, il faut noter que le système doit obéir au principe de rationalité individuelle de
l’assuré. En effet, on doit ajouter à ce programme d’optimisation, la condition d’acceptation
du contrat par l’assuré. Il s’agit de la contrainte de rationalité individuelle de l’assuré,
représentée à l’aide de l’expression suivante : EU ≥ U
41
Contrats incitatifs : contrats compatibles avec la contrainte d’incitation. Dans notre contexte, la contrainte
d’incitation représente la contrainte pour laquelle l’utilité de l’assuré en cas de fraude n’est jamais supérieure à
son utilité en cas d’honnêteté.
Chapitre 2 97
d’utilité de l’assuré :
Max EU
S/C Acceptation du contrat d’assurance par l’assuré : EU ≥ U
Contrainte de participation de l’assureur (CP)
Contrainte d’incitation de l’assuré (CI)
La taille de la pénalité : S ≤ S
La probabilité d’audit 0 ≤ λ ≤ 1
Proposition 4 :
Il est optimal
i) d’expertiser les sinistres avec une probabilité inférieure à 1 si, après expertise, on
peut pénaliser l’ assuré ;
ii) d’imposer des pénalités plus que compensatoire des indemnités payées aux assurés
(Plus l’assureur indemnise plus il a intérêt à augmenter les sanctions) ;
iii) d’accroître les sanctions lorsque l’ampleur de la fraude43 est importante.
42
Le Lagrangien du programme s’écrit alors :
L(P, S1, S2, S3, c, IL, IM, θ1, θ2) =
[πq1 / π + πq2 / π β + αM(1 − π) ]IM + [πq2 / π (1 − β) + (1 − π)αL ]IL
EU − θ1
− πq2 / π β λ S1 − (1 − π)αLλ S2 − (1 − π)αM λ S3 + λ [π + (1 − π)(αL + αM) ]c − P
π q2 / π β λ u (w − P − L + IM − S1) + π q2 / π β (1 − λ) u (w − P − L + IM)
+ (1 − π) αL λ u (w − P + IL − S2) + (1 − π) αL(1 − λ) u (w − P + IL)
− θ2
+ (1 − π)αM λ u (w − P + IM − S3) + (1 − π)αM(1 − λ) u (w − P + IM)
− πq1 / π u(w − P − M + IM) − πq2 / π (1 − β)u(w − P − L + IL) − (1 − π)α0u (w − P)
43
S3 = S1 + L donc S3 > S1 : S3 représente la sanction en cas de non perte et lorsque l’assuré déclare un
dommage M à l’assureur (x=0 et d=M). S1 représente la sanction en cas de perte et lorsque l’assuré augmente le montant du
dommage lors de sa déclaration de sinistre (x = L et d = M). Nous pouvons également conclure que plus la différence entre la
perte réelle et la déclaration de l’assuré est grande (M–0 > M–L) plus la sanction est grande S3 > S1 .
Chapitre 2 99
Il est intéressant d’ajouter, qu’en cas de non perte, pour dissuader l’assuré de frauder, il faut
que le montant de la sanction dépasse le montant de l’indemnité d’assurance espérée. En effet,
si S2 = IL ou S3 = IM (refus d’indemnisation), l’assuré choisit de frauder, puisque la
détection de la fraude ne lui fait rien perdre, il tentera ses chances et déclare une perte qui n’a
en réalité jamais existé pour récupérer une indemnité non méritée s’il ne sera pas pris par
l’assureur.
En cas de perte, nous trouvons que IM − S1 < L . L’indemnité d’assurance nette de la
sanction est partielle, le contrat optimal est donc un contrat à couverture partielle44.
Proposition 6 :
Quelque soit la stratégie de fraude de l’assuré, déclaration de faux sinistre ou exagération du
montant de dommage, une police d’audit aléatoire optimale, doit :
i) pénaliser la fraude par une amende croissante en fonction de l’ampleur de la
fraude ;
ii) appliquer une sanction assez importante pour compenser les indemnités
payées ainsi que le coût d’audit ;
iii) offrir une couverture d’assurance partielle.
Si nous considérons maintenant que l’assuré est indifférent entre frauder et dire la vérité, alors
la contrainte d’incitation sera vérifiée en égalité. Nous pouvons écrire que :
π q 2 / π β λ u (w − P − L + IM − S1) + π q 2 / π β (1 − λ) u (w − P − L + IM)
44
La comparaison des issues de fraude avec celle de non fraude nous permet d’écrire les résultats suivants :
u' (w − P) < u' (w − P − L + IM − S1) donc u(w − P) > u(w − P − L + IM − S1)
*)
puisque u″ < 0 . D’où S1 > IM − IL
*) u' (w − P) < u' (w − P + IL − S2) donc u(w − P) > u(w − P + IL − S2) puisque u″ < 0
. D’où S2 > IL
*) u' (w − P) < u' (w − P + IM − S3) donc u(w − P) > u(w − P + IM − S3) puisque
λ est la probabilité d’audit pour laquelle l’assuré est juste indifférent entre frauder et dire la
vérité. Cette probabilité représente le rapport entre le gain à frauder en terme d’utilité lorsque
l’assureur ne procède pas à un audit et la désutilité liée à la fraude si un audit est effectué. Il
s’agit d’une « probabilité seuil » en dessous de laquelle, il n’est pas possible que l’assuré soit
honnête. Comme le montrent dans leurs travaux, Polinski et Shavell (1979), cette probabilité
ne peut exister que lorsque la taille de la sanction est limitée. Sah (1991) utilise la
dénomination « gain relatif à frauder ». Il montre également, que plus la sanction est sévère
ou plus l’indemnité est grande, plus ce ratio est faible.
∂λ ∂λ
Dans notre modèle > 0 et > 0 , nous pouvons par conséquent, conclure que :
∂ IM ∂ IL
Proposition 7 :
L’accroissement du gain de la fraude dû à l’accroissement de l’indemnité d’assurance,
entraîne l’augmentation de λ .
Cette proposition souligne l’idée qu’il devient de plus en plus difficile à l’assureur
d’empêcher l’assuré de faire une déclaration frauduleuse, lorsque le gain à frauder augmente.
Dans ce cas, il faut augmenter la fréquence d’audit.
∂λ ∂λ ∂λ
De plus, > 0, > 0 et > 0 . Ce qui confirme que :
∂ S1 ∂ S2 ∂ S3
Proposition 8 :
A probabilité d’audit fixée, augmenter le niveau de la sanction permet de réduire le niveau
de fraude.
Nous retrouvons ainsi, le résultat de Becker (1968) : parce que l’audit est parfait, il est
possible de dissuader l’agent d’accomplir un acte criminel en le menaçant d’une sanction
extrême avec une fréquence d’audit très faible.
Chapitre 2 101
Contrairement à Becker (1968) et Ehrlich (1972), Boyer et Schiller (2003) ne supposent pas
que la pénalité est infinie et par conséquent, la probabilité d’audit tend vers zéro. Ce sont
ainsi, les juristes et les juges qui fixent cette pénalité, et donc sa taille ne peut être explicite
dans le contrat. Toutefois, dans ce cas la fraude peut ne pas être considérée comme un
véritable crime. Cummins et Tennyson (1996) présentent une étude où la fraude est admise
comme un acte acceptable. Weisberg et Derrig (1991) trouvent que uniquement 2,6% des
sinistres frauduleux impliquent suffisamment de preuves pour être jugés par la loi.
Plus particulièrement, Andreoni (1991) considère le cas où les erreurs judiciaires peuvent être
commises par un juge devant décider de condamner ou non, au delà de tout doute raisonnable,
un accusé. Il montre que les pénalités maximales uniformes (c-à-d identiques quelque soit
l’ampleur du crime), peuvent encourager le crime plutôt que le contraire. Il en déduit que le
niveau de la sanction doit dépendre de l’ampleur du crime.
En revanche, d’après Crocker et tennyson (2002) les pénalités légales associées aux sinistres
frauduleux sont non triviales. Dans leur étude, effectuée au « Insurance Fraud Bureau of
Massachusetts », à la période 1991 et 1999, Derrig et Zicko (2000) trouvent que pour 3,1 cas
des sinistres suspects, uniquement 1,9 qui ont été poursuivis. Par contre pour Cremer,
Marchand et Pestieau (1990), laisser une partie du crime non punie s’avère optimal. En effet,
cette proposition implique un niveau de bien être plus élevé que celui résultant d’une mise en
vigueur totale.
De plus, Weisber et derrig (1991) montrent que, uniquement une très petite proportion des
sinistres soupçonnés de fraude (2,6%) est poursuivie. Pour eux, la lutte contre la fraude est
plus efficace lorsqu’il s’agit d’expertise et d’investigation que de poursuite des criminels.
Egalement, selon Boyer et Schiller (2003), la création d’un bureau spécialisé de suspicion des
sinistres (CSIC : Coordinated Suspicious Insurance Claims bureau) représente le moyen le
plus efficient pour atteindre de tels objectifs. Pour Crocker et Tennyson (1999), en pratique,
les assureurs sont contraints par le respect des pénalités qu’ils peuvent unilatéralement
imposer aux fraudeurs. Cependant, le recours aux négociations des indemnités représente un
moyen de dissuasion efficace pour combattre la falsification des sinistres.
Chapitre 2 103
Dionne, Giuliano et Picard (2003, 2005) ont défini le « scoring », comme étant une
méthodologie ou un instrument d’implémentation de la stratégie d’audit optimale. Cette
approche de « scroring » se base sur le modèle de Tonnsend (1979) et Gale et Hellwig (1985)
concernant l’audit déterministe au sein du paradigme d’état de vérification coûteuse, et qui
diffère de l’approche d’audit aléatoire : le « scoring » permet de savoir si la déclaration doit
faire l’objet d’investigations plus approfondies. Par exemple, « Moody’s Investors Service »
(2000) a développé le modèle de « RiskClac » pour les firmes privées. Dans ce modèle, on
utilise des variables financières pour accéder aux risques de carence des clients en se servant
du moyen informatique en ce qui concerne les scores des individus. Ce type de modèle peut
de même être appliqué pour la modélisation des crédits octroyés par les consommateurs
(Dionne et al., 1996) et pour les décisions d’audit prises par les firmes en ce qui concerne
l’élaboration de projet d’investissement ou de la valeur résiduelle d’une firme en faillite.
L’objectif de Dionne, Giuliano et Picard est de formuler un model d’audit optimal qui est
étroitement relié aux procédures d’audit utilisées en pratique par les assureurs, par les
banquiers ou par les administrations fiscales. Notamment, ils veulent montrer que la méthode
de « scoring » représente un élément essentiel de la stratégie optimale d’audit. Elle permet de
savoir quand est ce qu’un audit doit être effectué selon les signaux reçus.
La fraude à l’assurance représente un cas privilégié pour l’étude de la théorie d’audit optimal
et en particulier, de la méthode de « scoring ». Récemment, les analyses économiques de la
fraude à l’assurance ont été développées selon deux catégories :
• La première approche est théorique ; ses fondations remontent à la théorie d’audit
optimal. Elle vise à analyser la stratégie des assureurs en cas de sinistres frauduleux
(voir Picard, 2000). Cette première approche se focalise essentiellement sur les
questions suivantes : Que doit être la fréquence d’audit optimale et comment les
opportunistes réagissent-ils face à la stratégie d’audit ? Quelle est la conséquence de
la fraude potentielle sur la caractérisation du contrat d’assurance, et spécialement sur
l’indemnité d’assurance? Quel est l’effet dissuasif de la police d’audit ?
Chapitre 2 104
Il s’agit d’une approche fondée sur le paradigme d’état de vérification coûteuse, où les
assurés détiennent l’information privée en ce qui concerne leurs pertes et les assureurs
peuvent vérifier les sinistres en supportant un coût d’audit. Ces modèles s’intéressent
aux effets de dissuasion des stratégies d’audit et aux conséquences de la fraude sur les
contrats d’assurance. Des hypothèses importantes ont été fondées sur la possibilité
pour les assureurs de s’engager dans une police d’audit ainsi que sur la capacité des
fraudeurs à manipuler les coûts d’audit et à rendre la vérification des sinistres plus
difficile (Crocker et Morgan, 1998 ; Townsend, 1979 ; Crocker et Tennyson, 1999 et
Picard, 1996, 2000).
• La seconde catégorie est plutôt statistique. Elle se focalise sur la significativité de la
fraude dans les portefeuilles d’assurance et en particulier, comment la fraude peut être
détectée. Elle vise aussi à étudier les mécanismes de détection automatique qui
permettent de minimiser les coûts de fraude. Pour plus de détails, voir Derrig (2002)
et Dionne (2000). Et voir aussi Dionne et Gagné (2001, 2002), Derrig et Weisberg
(2003), Artis et al. (2002) et Crocker et Tennyson (2002) pour les différentes
applications économétriques. Ainsi, la méthode de « scoring » représente l’un des
éléments clefs de cette approche statistique.
Comme le démontre Derrig (2002) et Tennyson et Salmsa-Forn (2002), lorsqu’il existe des
soupçons de fraude, les sinistres sont toujours traités selon une procédure à deux étapes :
après vérification minutieuse, le dommage est soit remboursé suivant la démarche
d’indemnisation habituelle, soit il fera l’objet d’investigation plus approfondie. Cette
investigation peut prendre différentes formes : se référer à une unité d’investigation spéciale,
chercher des témoignages enregistrés ou des avoues donnés avec serment de la part de
l’assuré ou d’un témoin à l’accident, ou encore faire des enquêtes sur place.
Encore plus, Dionne, Giuliano et Picard (2003) ont voulu établir la liaison entre ces deux
branches de la littérature économique. Ils ont construit un modèle basé sur le paradigme d’état
de vérification coûteuse et qui présente une stratégie d’investigation similaire à la méthode de
« scoring ». Ils ont formulé une hypothèse importante concernant l’accès des assureurs à
l’information : Ils supposent que les assureurs sont capables de percevoir des signaux relatifs
aux sinistres frauduleux. De plus, les auteurs considèrent que les assurés ne peuvent ni
observer ni manipuler ces signaux, car les assureurs les gardent avec discrétion. En utilisant
les donnés d’une compagnie d’assurance européenne importante, en assurance automobile, les
Chapitre 2 105
auteurs arrivent à calibrer leur modèle et dégager la stratégie d’audit optimale45. Ils
confirment en conclusion que leur analyse procure une procédure facile et automatique pour
la détection de la fraude à l’assurance. Ils prouvent dans leur partie empirique i) qu’ils sont
capables de calculer un indice critique de suspicion46 ; ii) que si l’assureur implémente cette
stratégie d’audit, alors 68% des sinistres frauduleux sont audités et uniquement 4% des
sinistres non frauduleux seront vérifiés ; iii) que l’assureur qui applique cette méthode peut
sauver plus que 22 millions d’euros alors qu’il a déjà payé 51 millions d’euros pour les
sinistres frauduleux.
Généralement on distingue deux types de stratégies adoptées par les assureurs pour réduire
l’incidence des sinistres frauduleux. La première consiste à auditer les sinistres qui présentent
des caractéristiques observables de la fraude potentielle et à éliminer ceux jugés non valides.
Selon Crocker et Tennyson (2002), lorsqu’il est possible de mener des audits coûteux et des
investigations, et de sanctionner les fraudeurs par refus d’indemnisation, on peut dire que les
assureurs disposent de moyens efficaces pour réduire les coûts de fraude. Désormais, lorsqu’il
s’agit d’accidents à caractéristiques physiques non observables, la procédure d’audit devient
plus difficile à réaliser et perd son effet dissuasif. Cette éventualité implique la nécessité de la
seconde catégorie de stratégie de lutte contre la fraude. Il s’agit de la sous-indemnisation des
sinistres, qui représente un moyen efficace pour dissuader les gens sinistrés d’investir dans
des activités privées et coûteuses désignées à gonfler les dommages.
45
Les auteurs montrent que la stratégie d’audit optimale, prend la forme de ce qu’ils appellent « red flags
strategy » qui consiste à se référer à une unité d’investigation spéciale lorsque certains indices de fraude sont
observés. La classification des indices de fraude correspond à un ordre croissant des probabilités de fraude, et
une telle stratégie parait optimale lorsque la police d’investigation est contrainte par le budget.
46
Indice de suspicion : seuil à partir duquel toute déclaration doit être auditée.
Chapitre 2 106
Ce sujet a été très bien apprécié par les théoriciens. Dans ce domaine, nous pouvons citer les
travaux de Dionne et St Michel (1991) et Dionne et al. (1992) qui ont effectué des études
économétriques sur l’assurance du travail. Les auteurs ont montré que la fraude qui consiste à
exagérer la gravité de la maladie est très fréquente surtout pour les cas difficiles à
diagnostiquer. Cette littérature nous fait inspirer une étude importante, qui doit côtoyer
l’analyse du phénomène de fraude. Notamment, il s’agit de mettre l’accent sur la qualité de
l’audit et la difficulté d’apporter la bonne preuve à la fraude. Par la falsification, les assurés
réussissent à rendre l’activité de contrôle difficile et imparfaite. Sur ce sujet, Puelz et Snow
(1995) s’intéressent à l’analyse du problème de la fraude à l’assurance avec audit imparfait.
Ils supposent que l’assureur a le choix entre deux techniques d’audit toutes les deux
imparfaites. Les auteurs montrent que l’assureur utilise la technique la plus fiable, mais aussi
la plus coûteuse, pour des dommages importants et d’autres techniques pour des dommages
plus faibles. Baron et Besanko (1984) et Laffont et Tirole (1986) présentent des modèles dans
lesquels l’audit est possible mais ne peut pas être effectué parfaitement.
Comme nous l’avons déjà mentionné dans les paragraphes précédents, les analyses
économiques traitant le problème de fraude avec possibilité d’audit sont dichotomisées en
deux paradigmes différents, « l’état de vérification coûteuse » et « l’état de falsification
coûteuse ».
Le premier paradigme a été étudié au début par Townsend (1979) et a été récemment repris
dans un contexte d’assurance par Dionne et Viala (1992), Kaplow (1994) et Bond et Crocker
(1997). Ce paradigme stipule qu’uniquement l’assuré est informé de l’état de perte actuel et
l’assureur ne peut observer cette perte qu’en supportant un coût d’audit fixe. L’assureur peut
ainsi éliminer l’avantage informationnel de l’assuré mais en réservant une partie de ses
ressources au coût de vérification. Le problème central de cette littérature est de trouver la
façon la plus efficiente à accorder à la stratégie de contrôle coûteuse.
Chapitre 2 107
approche basée sur la négociation des indemnités peut avoir un effet dissuasif important
comme elle peut représenter la meilleure solution adaptée à ce genre de problème (voir
Lacker et Weinberg, 1989 ; Crocker et Tennyson, 1999 et Crocker et Morgan, 1998). Dans
leurs travaux, ces auteurs suggèrent que la meilleure façon d’étudier le phénomène de fraude
est d’établir un modèle où l’agent peut cacher le vrai état de nature, mais à un certain coût. Ce
type d’approche implique l’existence de quelques degrés de fraude à l’équilibre.
En particulier, Lacker et Weinberg (1989) étudient les arrangements optimaux de partage de
risque entre deux agents, (le premier est neutre au risque et le second est averse au risque)
sous la contrainte de la capacité de l’agent 2 à falsifier le dommage à un certain coût. Ils
montrent que les contrats de non-falsification optimaux sont dominés par des contrats qui
impliquent quelques degrés de falsification.
Plus récemment, Crocker K.J. et Tennyson S. (2002) ont réalisé une étude empirique sur
l’assurance automobile et portant sur la fraude avec possibilité de falsification coûteuse. Les
auteurs ont développé un modèle visant à déterminer l’indemnisation optimale. Leur modèle
suit celui de Crocker et Morgan (1998) qui caractérisent les contrats d’assurance optimaux
dans un contexte où l’assuré peut s’engager dans une stratégie de falsification coûteuse pour
pouvoir augmenter le montant du dommage réel. Crocker et Tennyson considèrent que
l’assuré subit une perte assurable dont l’ampleur représente une information privée47.
L’assureur peut observer uniquement la taille du dommage, qui peut être plus grande que
celle du sinistre réel et ceci lorsque l’assuré peut choisir d’investir dans des frais de
falsification pour gonfler le montant de la perte. Face aux sinistres frauduleux, l’assureur doit
choisir une stratégie de remboursement, qui consiste en un « profil d’indemnisation » lié à la
taille du dommage. La stratégie d’indemnisation optimale implique un conflit entre les
tentatives de l’assureur (à travers la sous-indemnisation) pour dissuader les assurés de falsifier
et le désir de l’assureur d’éviter les coûts causés par le litige concernant ce sous-paiement. En
effet, l’objectif de ce papier est d’étudier le sous-paiement des sinistres comme étant un
mécanisme de dissuasion de la fraude. Ainsi, les auteurs considèrent un contexte dans lequel
les assureurs font face à des assurés sinistrés qui investissent des ressources pour falsifier les
dommages et les rendre plus élevés. Ils arrivent à la conclusion que lorsque les sinistres
peuvent être dichotomisés en deux catégories avec des coûts de falsification différents, alors
47
Le paradigme d’état de falsification coûteuse adopté par Crocker et Tennyson (2002) suppose que l’asymétrie
d’information (l’ampleur de la perte actuelle) est inaltérable, à l’encontre de l’approche d’audit (état de
vérification coûteuse) qui permet à l’agent non informé d’obtenir cette information privée en supportant un coût
d’audit.
Chapitre 2 109
la stratégie d’indemnisation optimale consiste en une indemnité d’assurance élevée pour une
certaine classe de sinistres et basse pour l’autre. Systématiquement, il s’agit de sous payer les
gens ayant des frais de falsifications bas. Pour approfondir leur analyse, les auteurs se sont
orientés vers l’étude des données concernant les indemnités d’assurance des accidents
corporels en assurance automobile. Ils ont trouvé que la catégorie de sinistres jugés faciles à
falsifier et susceptibles à l’inflation, est systématiquement sous-compensée en comparaison
avec la catégorie de sinistres difficiles à falsifier. Ce travail est étroitement lié à certains
travaux antérieurs de la littérature sur l’assurance et les litiges entre les contractants. En effet,
Cooter et Rubinfeld (1989) représentent une vue d’ensemble sur les différentes approches
traitant ce problème. Plus récemment, des études empiriques effectuées par Farber et White
(1991) ont porté sur l’effet de la qualité des soins médicaux sur la responsabilité des
mauvaises pratiques. A cet égard, Kessler (1995) s’est intéressé à l’étude de l’effet de la
négligence sur les indemnités. Il a utilisé des données sur les indemnisations en assurance
automobile et a trouvé que les remboursements sont plus élevés en cas de négligence relative
qu’en cas de négligence contributive (faute de la victime). D’autre part, Sykes (1996) a étudié
l’impact de la mauvaise foi et a montré que les litiges coûteux peuvent servir comme
procédure de sélection pour l’assureur l’aidant à identifier les sinistres frauduleux. Le
contexte considéré, est celui dans lequel les experts peuvent construire des soupçons de fraude
sur la base de certaines caractéristiques spécifiques des sinistres. En supposant que l’assureur
est contraint de couvrir complètement le dommage ou refuser de l’indemniser totalement,
Sykes montre que la stratégie optimale de l’assureur est de refuser les sinistres soupçonnés
avec une probabilité positive, et que le litige coûteux amenant parfois à refuser des vrais
sinistres qui sont soupçonnés par erreur, peut contraindre la proportion de sinistres rejetés.
Dans notre contexte, ceci signifie que les fraudeurs peuvent supporter des frais de falsification
pour valider leurs sinistres.
Conclusion et Discussion :
L’objectif de ce chapitre est de présenter les différentes approches théoriques qui ont traité le
phénomène de fraude à l’assurance avec possibilité d’audit. L’hypothèse centrale sur laquelle
se focalisent ces études, est celle liée au problème d’asymétrie d’information entre l’assureur
et l’assuré. En effet, la réalisation et/ou l’ampleur du dommage représente une information
privée pour l’assuré, et l’assureur ne peut obtenir cette information qu’en s’appuyant sur une
Chapitre 2 110
procédure d’audit. L’activité d’audit revêt généralement deux formes différentes : l’audit
déterministe et l’audit aléatoire. La première forme représente le fait que toute déclaration de
sinistre soit systématiquement vérifiée par l’assureur, alors que la seconde forme implique le
fait que l’assureur choisit une probabilité d’audit avec laquelle il s’engage à contrôler les
dommages. La littérature sur ce sujet fait utilisation intensive de la théorie des jeux pour
formaliser le problème et les relations entre les deux contractants sont décrites à partir d’un
modèle simple de la théorie des contrats à savoir le modèle principal agent. De plus, la
majorité des modélisations sont fondées sur le paradigme d’état de vérification coûteuse qui
stipule, que l’assureur supporte des coûts généralement fixes pour contrôler les déclarations.
Une hypothèse alternative et à laquelle se sont intéressés plusieurs auteurs est celle portant sur
le problème d’engagement de l’assureur dès la signature du contrat dans une stratégie d’audit
crédible. Il est ainsi montré qu’en cas de non engagement, le problème principal-agent ne peut
être résolu et qu’à l’équilibre il existe toujours quelques degrés de fraude. La solution
proposée par les théoriciens est de déléguer le pouvoir d’investigation à un organisme
commun à toutes les compagnies d’assurance. Ainsi, l’action collective permet d’apaiser ce
problème de fraude et de dissuader l’évasion. Le programme d’optimisation repose sur la
maximisation de l’utilité espérée de l’assuré sous la contrainte de participation de l’assureur,
la contrainte d’incitation de l’assuré et les contraintes de faisabilité du contrat. Comme
illustration des différentes modélisations de notre revue de littérature, nous avons mis en
œuvre deux modèles: celui avec audit déterministe et celui avec audit aléatoire. Nous avons
montré que le refus d’indemnisation n’est pas suffisant pour éliminer la fraude. Il est donc
indispensable de sanctionner le fraudeur par une amende croissante en fonction du degré de
fraude. En cas d’audit aléatoire, nous avons montré de plus, que l’assurance partielle est
optimale. Nos résultats sont similaires principalement à ceux de Picard (1999) et Mokherjee et
Png (1989).
Il existe encore un deuxième courant de pensées qui s’est focalisé sur le paradigme d’état de
falsification coûteuse. Ce deuxième paradigme suppose que l’assuré peut investir dans une
activité de falsification afin de rendre l’activité d’audit plus difficile. L’assureur ne peut, par
conséquent, détecter la fraude avec certitude. L’audit est dans ce cas dit imparfait : la fraude
n’est pas systématiquement détectée lorsqu’un audit est mené.
L’étude bibliographique des différentes approches théoriques traitant le problème de fraude et
d’audit va nous servir de base pour notre prochain travail, dans lequel nous modélisons la
fraude dans un contexte d’audit (parfait et imparfait).
Chapitre 3 111
Introduction Générale:
Combattre la fraude à l’assurance représente un problème majeur qui concerne l’ensemble des
sociétés d’assurance. En effet, l’accent est mis non seulement sur la quantification de ce
phénomène mais surtout sur la gestion et le contrôle de cette fraude. Un courant de travaux
récents s’est intéressé à l’analyse du contrôle de la fraude en lien avec les possibilités
d’investigation (voir Picard, 1996 ; Boyer, 2000 et Schiller, 2003). Tandis qu’une majorité de
cette littérature a pris comme point de départ, l’asymétrie d’information entre l’assureur et
l’assuré en s’appuyant sur le principe de révélation (voir Townsend, 1979 ; Mookherjee et
Png, 1989 et Bond et Crocker, 1997). En particulier, lorsque les assurés détiennent
l’information privée en ce qui concerne leurs dommages, les contrats d’assurance doivent
souvent impliquer des procédures d’expertise permettant aux assureurs de vérifier l’ampleur
et la survenance effective des sinistres déclarés par les assurés. La procédure d’expertise,
encore appelée audit, revêt de multiples formes. Nous en distinguerons deux : l’audit
déterministe et l’audit aléatoire.
L’audit déterministe spécifie si une vérification du sinistre a lieu ou pas, en fonction de
l’ampleur des dommages (Townsend, 1979). Tandis qu’avec l’audit aléatoire, la vérification
des sinistres est non systématique ; l’assureur contrôle les dommages avec une probabilité qui
dépend de l’ampleur de la perte déclarée.
Il s’agit dans ce chapitre, de présenter et de comparer ces deux formes d’audit et d’associer
une propriété particulière à l’audit déterministe pour avoir ce qu’on appelle « l’audit
systématique probabiliste ». L’idée est que lorsque l’assureur reçoit la déclaration de sinistre,
il procède systématiquement à une vérification de celle-ci, mais il est possible que l’audit
n’arrive pas à détecter la fraude avec certitude. Plus précisément, il existe une probabilité p
telle que le fraudeur ne soit pas pris par son assureur et échappe par conséquent à la sanction ;
d’où la dénomination « probabiliste ». Nous visons à intégrer dans notre analyse le rôle de la
qualité de l’audit dans la détection de la fraude. En effet, les moyens dont disposent les
fraudeurs pour organiser la mise en scène ou la falsification d’un sinistre sont tels que les
enquêteurs et les experts se trouvent souvent face à un manque de moyens répressifs et une
incapacité d’apporter les bonnes preuves.
Nous développons dans une première section, un modèle théorique décrivant la procédure
d’audit en assurance et nous montrons comment la procédure aléatoire peut dominer la
Chapitre 3 113
procédure déterministe. Nous mettons l’accent sur l’équivalence potentielle de ces deux
formes du point de vue des chances de détection de la fraude. Cette équivalence s’observe
lorsqu’avec l’audit aléatoire, l’assuré a p chances d’être contrôlé (audit aléatoire parfait),
tandis qu’avec l’audit déterministe, bien qu’il soit toujours contrôlé, il a p chances d’être
détecté en cas de fraude (audit déterministe mais imparfait).
Dans la section 2 de ce chapitre, nous présentons une étude expérimentale s’intéressant à
l’analyse des comportements individuels des assurés face aux deux formes d’audit : l’audit
aléatoire parfait et l’audit systématique probabiliste. Le but de cette étude est de tester la
robustesse de nos résultats théoriques et de comparer les deux versions d’audit à travers les
données expérimentales.
Chapitre 3 114
Section 1 : Audit déterministe probabiliste versus audit aléatoire parfait (Le modèle)
La modélisation que nous adoptons pour formaliser le problème de fraude avec possibilité
d’audit consiste à distinguer deux formes d’audit : l’audit déterministe probabiliste et l’audit
aléatoire parfait. Potentiellement, il s’agit de deux formes équivalentes, mais nous cherchons
toutefois, à établir et démontrer l’efficacité de l’une par rapport à l’autre. La question centrale
qui oriente notre recherche est la suivante : faut-il mener un audit aléatoire de très bonne
qualité ou un audit déterministe de qualité moindre ? Pour ceci nous considérons un assuré
averse au risque, disposant d’une richesse initiale (W) lui permettant de payer la prime
d’assurance (P) pour être couvert contre un risque de perte (x). Cette assurance lui garantit
une indemnité (I) en cas de dommage. L’assuré a la possibilité de frauder et déclarer un faux
sinistre ou en exagérer le montant. Nous supposons que la fraude ne génère aucun coût pour
l’assuré. L’assureur de son coté, est neutre au risque, dispose d’une dotation initiale (V),
encaisse la prime d’assurance et rembourse l’indemnité en fonction de la déclaration reçue. Il
ne peut savoir si l’assuré est fraudeur ou honnête qu’en s’appuyant sur une expertise.
L’expertise, encore appelée audit, est déterministe probabiliste si l’assureur contrôle
systématiquement toute déclaration de dommage mais il n’arrive pas avec certitude à détecter
la fraude. Par contre, on parle d’audit aléatoire parfait, lorsque l’assureur contrôle les
déclarations avec une certaine probabilité et arrive systématiquement à détecter la fraude.
Nous étudions un contrat d’assurance qui s’établit entre un assuré averse au risque et un
assureur neutre au risque. Contre paiement d’une prime P, l’assuré peut obtenir une
couverture d’assurance contre un risque de perte x i ∈ X = {x 0 , x 1 , x 2 ,..., x n }. L’assuré
dispose d’une richesse initiale W0 et subit un dommage x i avec une probabilité q i , telle
n
que ∑ q i = 1 . Nous supposons de plus que l’ampleur et la réalisation du sinistre représentent
i =0
une information privée pour l’assuré. Ce dernier doit déclarer le sinistre à l’assureur et peut
Chapitre 3 115
nous supposons constant. La procédure d’audit est supposée ici, aléatoire et parfaite. Ceci
veut dire que l’assureur choisit une probabilité avec laquelle il vérifie les déclarations et que
la détection de la fraude est systématique.
Lorsque l’assuré subit un dommage x i ∈ {x 0 , x 1 , x 2 ,..., x n }, il peut choisir de déclarer
de l’assureur à l’assuré en cas de non audit. A l’assuré fraudeur est appliquée une sanction
monétaire notée S. Ceci veut dire que lorsque pour un sinistre x i ∈ {x 0 , x 1 , x 2 ,..., x n }, l’assuré
Audit
λ
di > xi Assureur
qi (1 - λ )
N xi ∈ X Assuré Non audit
Audit
λ
di = x i Assureur
(1- λ )
Non audit
La matrice des gains:
Assuré
Fraude Non fraude
Assureur di > xi di = xi
( W0 − P − x i − S) ( W0 − P − x i + I A ( x i ))
Audit
λ ( V0 + P + S − C) ( V0 + P − I A ( x i ) − C)
( W0 − P − x i + I A (d i )) ( W0 − P − x i + I A ( x i ))
Non audit
(1- λ ) ( V0 + P − I A ( x i ))
(V0 + P − I A (d i ))
qi qi
• = que l’assuré soit honnête : le dommage réel est xi
q 0 +q 1 +q 2 + ... + q i i
∑q
k =0
k
qi −1 q
• = i i −1 que l’assuré fraude : le dommage réel est xi −1
q0 +q1+q 2 + ... + qi
∑ qk
k =0
qi − 2 q
• = ii − 2 que l’assuré fraude : le dommage réel est xi − 2
q0 +q1+q 2 + ... + qi
∑ qk
k =0
q2 q2
• = que l’assuré fraude : le dommage réel est x 2
q0 +q1+q 2 + ... + qi i
∑ qk
k =0
q1 q1
• = que l’assuré fraude : le dommage réel est x1
q0 +q1+q 2 + ... + qi i
∑ qk
k =0
q0 q0
• = que l’assuré fraude : le dommage réel est x 0
q0 +q1+q 2 + ... + qi i
∑ qk
k =0
Plus précisément, lorsque l’assureur reçoit une déclaration de dommage d i = x i , il ne peut
savoir qu’il s’agit d’une déclaration honnête ou frauduleuse que sur la base d’une vérification
de cette déclaration. Pour choisir sa stratégie d’audit optimale, l’assureur procède au
raisonnement suivant : Il est possible que l’assuré soit honnête, c'est-à-dire que le dommage
qi
réel soit x i (comme cela a été déclaré). Cette éventualité peut survenir avec i
chances.
∑q
k =0
k
Ce ratio de vraisemblance qui représente la croyance de l’assureur sur le fait que le dommage
x i soit survenu, lorsqu’il reçoit la déclaration d i = x i , n’est autre que le rapport entre la
probabilité d’avoir l’événement x i , soit q i , et la probabilité que la déclaration de sinistre soit
i
d i = x i . Cette dernière est égale à ∑q
k =0
k , car une déclaration d i = x i peut correspondre à
n’importe quel sinistre x k , avec x k ∈ {0, x 1 , x 2 ,..., x i }. Il est possible donc que l’assuré soit
fraudeur et déclare d i = x i , alors que le sinistre réel est dans l’ensemble {0, x 1 , x 2 ,..., x i −1 }.
Chapitre 3 118
Nous remarquons ainsi, que plus le montant du dommage déclaré augmente plus il y a de
chance que la déclaration soit frauduleuse c’est-à-dire moins l’assureur y croit.
Proposition 1 :
L’assureur est incité à contrôler plus fréquemment les grandes déclarations de sinistres, car
la fiabilité des déclarations est inversement proportionnelle au montant déclaré1.
Dans ce qui suit nous schématisons la situation de l’assureur lorsqu’il reçoit une déclaration
d i = x i . Nous représentons toutes les possibilités qui peuvent survenir ainsi que les gains
correspondants. On rappelle que V0 représente la richesse initiale de l’assureur, P est la prime
d’assurance, C est le coût de l’audit, I(d i ) est l’indemnité d’assurance et S est la sanction
appliquée en cas de fraude.
En cas d’audit :
q0
i
: que x 0 G A = V0 + P − C + S
∑ qk
k =0
L’assureur reçoit
q1
di = x i i
: que x1 G A = V0 + P − C + S
∑ qk
k =0
Les éventualités
possibles
qi −1
i
: que xi −1 G A = V0 + P − C + S
∑ qk
k =0
qi
i
: que xi G A = V0 + P − C − I(d i )
∑ qk
k =0
1
Pour expliquer la proposition 2, il suffit juste de donner un exemple. Si l’assuré déclare un dommage dont le montant est
x 20 , alors pour l’assureur, il est possible que cette déclaration soit honnête, comme il est possible aussi qu’elle soit
frauduleuse. En effet, le dommage réel peut être également x 20 , ou bien peut être x 0 ou x 1 ou x 3 ….ou encore x 19 . Il
existe ainsi, 20 éventualités de fraude et uniquement une seule éventualité d’honnêteté. C’est ce qui explique le fait, que les
petits montants de sinistres sont moins douteux, c’est-à-dire ont moins de chances d’être frauduleux, alors que les grands
montants de dommages sont plus douteux, c’est-à-dire ont beaucoup plus de chances d’être frauduleux et doivent par
conséquent être contrôlés plus fréquemment. Par conséquent, la fiabilité de la déclaration est inversement proportionnelle au
montant déclaré.
Chapitre 3 119
qi
Lorsque l’assureur reçoit une déclaration d i = x i , d’après lui, il n’y a que i
chances que
∑ qk
k =0
i −1
q ∑q k
xi soit le montant de dommage réel et 1 − i i = k =0
chances que ça soit une
q k
i
∑k =0
qk ∑
k =0
déclaration frauduleuse (c'est-à-dire le vrai montant de dommage a une valeur dans
l’ensemble {x 0 , x 1 , x 2 ,..., x i −1 }). De surcroît, le gain de l’assureur en cas de fraude est égal à
G A = V0 + P − C − I(d i ) .
Ceci veut dire que l’assureur reçoit la prime d’assurance, supporte le coût d’audit, sanctionne
le fraudeur si la fraude existe et indemnise l’assuré honnête.
On en déduit alors, que si l’assureur décide de mener un audit lorsqu’il reçoit la déclaration
d i = x i , alors l’espérance de son gain sera égale à :
i −1
∑q k
qi
GA = k =0
i
(V0 + P − C + S) + i
(V0 + P − C − I A (d i ) )
∑q
k =0
k ∑q
k =0
k
i −1
.
∑q k
qi
= V0 + P − C + k =0
i
S− i
I A (d i )
∑q
k =0
k ∑q
k =0
k
Chapitre 3 120
q0
i
: que x 0 G A = V0 + P − I A (d i )
∑ qk
k =0
L’assureur reçoit
q1
di = x i i
: que x1 G A = V0 + P − I A (d i )
∑ qk
k =0
Les éventualités
possibles
qi −1
i
: que xi −1 G A = V0 + P − I A (d i )
∑ qk
k =0
qi
i
: que xi G A = V0 + P − I A (d i )
∑ qk
k =0
Si l’assureur ne procède pas à une vérification de la déclaration, alors quelle que soit la
stratégie de l’assuré (fraude ou non fraude), le gain de l’assureur est toujours égal à
G A = V0 + P − I A (d i ) .
i −1
∑qk
⇔ V0 + P − λC + λ k =i 0 S − i i I A (d i ) − [1 − λ ]I A (d i ) ≥ 0
q
q
∑
k =0
k ∑
k =0
qk
Quant à l’assuré, ce dernier choisit la déclaration d i = x i , s’il fait face à l’une des deux cas
suivants :
• x i est l’état de perte réel : l’assuré ne fraude pas.
• l’état de perte réel est dans l’ensemble {0, x 1 , x 2 ,..., x i −1 }: l’assuré décide de frauder. Il
déclare un dommage supérieur à la perte réelle.
En effet, pour l’état de perte x i , l’assuré a intérêt à déclarer d i > x i si et seulement si :
λ( W0 − P − x i − S) + (1 − λ)( W0 − P − x i + I A [d i ]) >
λ( W0 − P − x i + I A ( x i )) + (1 − λ)( W0 − P − x i + I A ( x i ))
⇔ (1 − λ) I A (d i ) − λS > (1 − λ)I A ( x i ) + λI A ( x i )
⇔ λ[I A (d i ) + S − I A ( x i ) + I A ( x i )]< I A (d i ) − I A ( x i )
I A (d i ) − I A ( x i )
⇔ λ< = λi
[I A
(d i ) + S − I A ( x i ) + I A ( x i ) ]
Proposition 2 :
Afin de dissuader la fraude, l’assureur a intérêt à vérifier les déclarations de dommage avec
une probabilité λ > λ .
Ce seuil λ représente une probabilité limite pour laquelle l’assuré est juste indifférent entre la
fraude et l’honnêteté. C’est le rapport entre le gain de la fraude en cas de non audit et la perte
liée au fait de supporter une sanction S, si la fraude est détectée. Dans le papier de Sah (1991),
ce ratio est appelé « gain relatif à la fraude », mais il est exprimé en terme d’utilité et non pas
en terme de gain. Cet auteur montre aussi que plus la sanction est élevée ou plus l’indemnité
est grande, plus ce ratio est faible. Polinsky et Shavell (1979) montrent que cette probabilité
ne peut exister que lorsque la taille de la sanction est limitée.
Chapitre 3 122
On peut ainsi, définir ce qu’on appelle la contrainte d’incitation de l’assuré qui traduit le fait
que l’assuré est toujours amené à déclarer la vérité. Ceci veut dire que l’espérance de gain de
l’assuré lorsqu’il fraude n’est jamais supérieure à son espérance de gain lorsqu’il est honnête.
Nous pouvons, ainsi conclure que l’objectif de l’assureur est de choisir une fréquence d’audit
λ * optimale qui :
• Maximise son gain espéré (non négatif)
• Sous la contrainte que l’assuré ne fraude jamais
Mathématiquement, ceci est équivalent au système suivant :
i −1
∑qk
Max E ∏ = W + P − λC + λ k =0 S − q i I A (d i ) − [1 − λ ]I A (d i )
q
i i
∑ k ∑ qk
k =0 k =0
S / C λ < λ < 1
i
avec λ = I A (d i ) − I A ( x i )
pour tout d i > x i avec x i ∈{x 0 , x 1 ,..., x n }⊂ [0, x n ]
i
[I A
( d i ) + S − I A
( x i ) + I A ( x i ) ]
∑
k =0
qk
Pour ce premier cas, le profit espéré de l’assureur est croissant en fonction de λ . Or,
l’assureur doit fixer la fréquence d’audit de façon à inciter l’assuré à ne pas frauder. Pour faire
face à tous les événements de pertes possibles, l’assureur doit fixer cette fréquence à son
niveau maximal, soit :
I A (d i ) − I A ( x i ) I A (x n ) − I A (x 0 ) I A (x n )
λ* = max = =
[I A (d i ) + S − I A ( x i ) + I A ( x i )] [I A ( x n ) + S − I A ( x 0 ) + I A ( x 0 )] [I A ( x n ) + S]
Chapitre 3 123
I A (x n )
λ* = < 1 : représente le seuil maximal de la fréquence d’audit.
I A (x n ) + S
Ce résultat est intuitif et traduit l’idée que lorsque la sanction imposée par l’assureur est
suffisamment élevée, de façon à ce que le gain espéré de l’audit soit supérieur au coût, alors
l’augmentation de la fréquence d’audit entraîne la croissance du profit de l’assureur. D’autre
part, on peut conclure aussi que pour les grands montants de sinistres, dont les indemnités
correspondantes dépassent le coût d’audit, l’assureur a intérêt à augmenter sa fréquence de
contrôle. Ceci veut dire, que pour l’assureur, si le coût d’indemnisation est supérieur au coût
de contrôle, alors il a intérêt à vérifier la déclaration.
fixer la probabilité d’audit à un niveau légèrement supérieur à λ i . Cela se produit pour les
petites déclarations, pour lesquelles les chances de fraude sont basses. Pour cette classe de
dommage la fréquence d’audit ne doit pas être très élevée, il suffit juste qu’elle dépasse
légèrement la probabilité seuil λ i , pour laquelle l’assuré est indifférent entre la fraude et
l’honnêteté. Par conséquent, avec cette stratégie, l’assureur arrive à induire un comportement
non frauduleux du coté de l’assuré. L’idée est tout simplement que les petits montants de
dommages (qui sont inférieurs au coût d’audit), coûtent beaucoup plus pour l’assureur
lorsqu’il les vérifie que lorsqu’il les rembourse sans les contrôler.
La distinction des deux cas précédents revient au fait de distinguer deux classes de
dommages : les grands dommages et les petits dommages. Selon cette distinction, nous avons
montré que les montants de sinistre élevés sont plus sujets à une expertise que les petits
montants de sinistre. En matière de coût d’assurance, il est de l’intérêt de l’assureur
d’augmenter la fréquence du contrôle lorsqu’il s’avère que l’indemnité à payer est plus
importante que le coût d’expertise. De même, il a intérêt à diminuer la fréquence de contrôle
lorsque le montant de l’indemnité d’assurance est inférieur au coût d’audit. Nous résumons
ce résultat dans le corollaire 1.
Chapitre 3 124
Corollaire1 :
La stratégie optimale de l’assureur est de fixer la fréquence d’audit de façon à inciter
l’assuré à ne jamais frauder :
I A (x n )
i) à un niveau λ * telle que : λ < λ* = < 1 pour les grands sinistres :
I A (x n ) + S
Le cadre d’analyse est similaire à celui représenté dans le paragraphe précédent. La seule
différence est que nous considérons ici, que la procédure d’audit est déterministe au lieu
qu’elle soit aléatoire et que la détection de la fraude est probable et non systématique.
Rappelons brièvement les notations utilisées. Nous supposons qu’un assuré averse au risque
contracte avec un assureur neutre au risque pour être couvert contre une perte
x i ∈ X = {x 0 , x 1 , x 2 ,..., x n }⊂ [0, x n ] . Il dispose d’une richesse initiale W0 et paye une prime
d’assurance P, qui lui garantit une indemnité en cas de dommage. Nous admettons que
l’assuré détient l’information privée quant à la réalisation et l’ampleur de la perte et qu’il
doive effectuer une déclaration auprès de l’assureur. Ce dernier ne peut obtenir cette
information qu’en vérifiant la déclaration du dommage à l’aide d’une expertise. Il dispose
d’une dotation initiale V0 et supporte ainsi un coût C que nous supposons constant.
d i ≥ x i sans supporter un coût. Autrement dit, nous supposons que la fraude ne génère aucun
coût pour l’assuré2. L’assureur s’engage à contrôler systématiquement cette déclaration. En
revanche, l’assureur ne peut pas détecter la fraude avec certitude, à cause de la mauvaise
qualité de l’audit. Ce dernier est dans ce cas imparfait ou encore « systématique
probabiliste ». La fraude ne peut donc être détectée qu’avec une probabilité p.
Soit I(d i ) , l’indemnité d’assurance. A ce niveau, il a fallu faire une distinction entre
l’indemnité d’assurance correspondante au cas de détection de la fraude par l’audit et celle
2
Dans cette première étape de l’analyse, nous supposons que la fraude est non coûteuse. Dans le chapitre 5, nous
introduisons la possibilité que l’assuré investisse en frais de falsification (fraude coûteuse).
Chapitre 3 125
correspondante au cas de non détection de la fraude. Mais, vu que l’assureur ne peut pas
observer si l’audit mené est parfait ou pas, alors on ignore cette distinction et on considère que
l’indemnité d’assurance est tout simplement dépendante de la déclaration du dommage.
Le jeu peut être caractérisé à l’aide du schéma suivant :
1. la nature définit un état de perte x i ∈ X avec une probabilité q i ;
2. l’assuré choisit de déclarer d i ≥ x i à l’assureur ;
3. ayant reçu cette déclaration de dommage, l’assureur procède systématiquement à une
vérification de celle-ci, mais il n’a que p chances de détecter la fraude.
p
Détection
L’arbre de décision :
Détection
p
di > xi Assureur
qi (1-p)
N x i ∈ {0,..., x n } Assuré Non détection
Détection
p
di = x i Assureur
(1-p)
Non détection
3
On ne considère que le cas où l’assureur n’arrive pas à détecter la fraude. C’est-à-dire, à cette étape de
l’analyse, l’imperfection de l’audit ne concerne pas le fait de condamner un assuré honnête de fraude.
Chapitre 3 126
Assuré
Fraude Non fraude
Assureur di > xi di = x i
( W0 − P − x i − S) ( W0 − P − x i + I( x i ))
Détection
p
Audit ( V0 + P + S − C) ( V0 + P − I( x i ) − C)
déterministe N
( W0 − P − x i + I(d i )) ( W0 − P − x i + I( x i ))
(1 – p)
Non détection
(V0 + P − I(d i ) − C) ( V0 + P − I( x i ) − C)
Proposition 3 :
Il est de l’intérêt de l’assureur de mener un audit de bonne qualité et de fixer une sanction
monétaire élevée, pour dissuader la fraude.
Si nous supposons maintenant que l’assuré est indifférent entre la fraude et l’honnêteté, alors
son gain espéré associé au cas de fraude sera égal à celui associé au cas de non fraude. Ainsi:
EG F = EG NF
⇔ W0 − P − x i − pS + (1 − p)I(d i ) = W0 − P − x i + I( x i )
I(d i ) − I( x i )
⇔ p= = pi
S + I(d i )
p i représente la probabilité seuil de détection de la fraude, pour laquelle l’assuré est juste
indifférent entre la fraude et l’honnêteté. Ainsi, l’assuré préfère ne pas frauder si p > p i et
peut par contre être incité à frauder si p < p i . Le résultat est intuitif et traduit le fait que, plus
la qualité de l’audit est meilleure (p est élevé), plus l’audit a un effet dissuasif sur la fraude.
Nous remarquons de plus, que cette probabilité p i tend à augmenter lorsque la différence
entre le sinistre réellement survenu et celui déclaré est grande. Plus précisément, plus le
sinistre déclaré a une valeur élevée, plus il a de chance d’être frauduleux à l’égard de
l’assureur, et donc plus il y aura de chances de détecter la fraude. p i atteint une valeur
maximale lorsque, l’assuré déclare un faux sinistre d’un montant égal à x n .
I( x n ) − I( x 0 ) I( x n )
Ainsi : p max = =
S + I( x n ) S + I( x n )
Chapitre 3 128
Toutefois, pour cette version de l’audit, la stratégie de fraude de l’assuré dépend étroitement
de la qualité de cet audit. Plus précisément, lorsque cette dernière est mauvaise ( p < p ), la
détection de la fraude est peu fréquente, et par conséquent, l’assuré est de plus en plus incité à
la fraude. La probabilité de la fraude prend des valeurs extrêmement élevées : rien n’empêche
l’assuré d’exagérer le montant d’un dommage ou de déclarer un faux sinistre si même en
vérifiant sa déclaration, il n’a que de très faibles chances d’être détecté. En revanche, lorsque
l’assureur améliore la procédure d’expertise, le taux de détection de la fraude est élevé
( p > p ) et l’assuré est motivé à déclarer la vérité. Même en terme de maximisation de gain, il
est de l’intérêt de l’assuré de choisir de déclarer le vrai sinistre à l’assureur, car dans ce cas il
est plus probable d’avoir une indemnité d’assurance que de payer une sanction (en cas de
détection de la fraude). L’assureur atteint l’optimum lorsque la probabilité de détection de la
fraude est maximale ( p = p max ).
Proposition 4 :
L’audit systématique probabiliste est efficace (dissuasif de la fraude) si et seulement si la
I( x n )
probabilité de détection de la fraude atteint une valeur maximale p max =
S + I( x n )
Nous désignons par l’efficacité de l’audit systématique probabiliste, le pouvoir dissuasif de de
la fraude d’une part, et la maximisation du gain de l’assureur d’autre part. Il est vrai qu’il
suffit que la probabilité de détection de la fraude soit supérieure au seuil d’indifférence p > p ,
pour que l’assuré soit incité à l’honnêteté, mais pour atteindre l’optimum, il est de l’intérêt de
l’assureur que l’audit mené soit de très bonne qualité, c’est-à-dire que p = p max .
Nous distinguons de plus, que p max est en relation négative avec la sanction S. En effet, plus
on augmente S, plus il est possible de diminuer p max . Ce résultat traduit le fait que l’assureur
qui fait appel à un audit imparfait, peut menacer l’assuré par une sanction très sévère. Cette
politique, lui permet d’atténuer l’ampleur de la fraude et de compenser la mauvaise qualité de
l’audit. Autrement dit, si l’assureur n’arrive pas à atteindre la valeur optimale de la probabilité
de détection de la fraude ( p max ), il peut alors fixer la sanction à sa valeur maximale pour
induire l’assuré à âtre honnête. Nous pouvons ainsi conclure que lorsque l’audit est
systématique probabiliste, l’assureur se trouve devant deux stratégies possibles : la première
consiste à améliorer au maximum la qualité de l’audit pour qu’il soit dissuasif, en augmentant
Chapitre 3 129
menacer l’assuré d’une sanction maximale (très sévère) s’il s’avère difficile d’augmenter p.
Corollaire 2 :
Lorsque l’audit est imparfait, l’assureur doit recourir à l’une des deux stratégies
substituables suivantes :
• améliorer au maximum la qualité de l’audit
• menacer l’assuré par une sanction maximale en cas de fraude
La sanction peut être fixée à un niveau maximal mais ne doit pas dépasser une certaine limite.
Cependant, et en réalité, un fraudeur est sanctionné par le remboursement des indemnités
indûment reçues. C’est pour cette raison que nous supposons que la sanction S, reste toujours
inférieure à un montant maximal. Dans d’autres travaux sur la fraude à l’assurance, tels que
Picard (2000) par exemple, la sanction est supposée fixée par la loi ou tout simplement sujette
à la contrainte de liquidité de l’assuré.
1.1.3. Quelle procédure faut-il mener ? Audit Aléatoire Parfait (AAP) ou Audit Systématique
Probabiliste (ASP) :
Il s’agit dans ce troisième paragraphe de comparer les deux procédures d’audit présentées
dans les deux paragraphes précédents. Notamment, nous cherchons à montrer laquelle des
deux formes d’audit est la plus efficace à l’égard de l’assureur, en matière de coût d’assurance
et de gain, et à l’égard de l’assuré, en matière de dissuasion de la fraude. La question centrale
qui oriente notre analyse est la suivante : faut-il mener un audit aléatoire de très bonne qualité
ou un audit déterministe de qualité moindre ?
Potentiellement, il parait que les deux procédures sont équivalentes, notamment le cadre
d’analyse traduit exactement les mêmes hypothèses: la nature définit un état de perte
assurable, l’assuré observe ce dommage et le déclare à l’assureur avec possibilité de fraude.
Ensuite si l’audit est aléatoire alors il y aura λ chances de détecter la fraude ( λ est la
probabilité d’audit) et si l’audit est déterministe alors il y aura p chances de détecter la fraude
(audit imparfait et p est la probabilité de détection de la fraude). Il s’agit en fait, du même
principe si p = λ . En revanche, si on se focalise sur le programme de l’assureur, il est clair
qu’il s’agit du même objectif à savoir la maximisation du profit espéré de l’assureur sous la
Chapitre 3 130
contrainte d’incitation de l’assuré. Cette dernière qui traduit le fait que l’assuré soit toujours
amené à déclarer la vérité, est exactement la même pour les deux programmes. En effet, en
comparant le gain de l’assuré avec fraude avec celui sans fraude, nous trouvons que pour
l’audit aléatoire parfait, l’assureur doit fixer la fréquence d’audit entre le seuil d’indifférence
de l’assuré et 1. Pour l’audit systématique probabiliste, la probabilité de détection de la fraude
– qui reflète la qualité de l’audit – doit de même avoir une valeur comprise entre le niveau
seuil d’indifférence de l’assuré et 1. Par contre, la comparaison des deux profits respectifs de
l’assureur respectivement en cas d’AAP et en cas d’ASP, prouve qu’il ne s’agit pas de la
même valeur. Ceci revient au fait que le coût par audit n’est pas le même. En effet, pour
l’audit aléatoire, l’assureur ne supporte le coût d’audit que s’il contrôle la déclaration de
dommage. Ainsi, contrôler avec une probabilité λ , signifie supporter le coût d’audit avec une
probabilité λ . Par contre, lorsque l’audit est déterministe, la vérification des dommages est
systématique. Cela signifie que l’assureur supporte le coût d’audit avec une probabilité égale
à 1 > λ . Plus précisément, le coût d’audit espéré est plus grand en cas d’audit déterministe
qu’en cas d’audit aléatoire.
Les profits de l’assureur en AAP et en ASP s’écrivent respectivement :
EΠ AAP = λ(V0 + P − λC − I A (d i )) + (1 − λ)(V0 + P − I A (d i ))
= V0 + P − λ{C + I A (d i )}− (1 − λ)I A (d i )
D : détection
EΠ ASP = V0 + P − C − pI D (d i ) − (1 − p)I D (d i ) avec
D : non détection
En cas de fraude, ces profits s’écrivent respectivement :
EΠ AAP = V0 + P − λ{C − S}− (1 − λ)I A (d i )
EΠ ASP = V0 + P − C + pS − (1 − p)I(d i )
Si on considère que l’assureur utilise le même système d’indemnisation4, pour le cas d’audit
aléatoire, c'est-à-dire I A (.) = I A (.) = I(.) , alors ce résultat est bien confirmé et on aura :
EΠ ASP < EΠ AAP . Cette inégalité prouve que du coté de l’assureur, il est préférable de mener
un audit aléatoire de bonne qualité que de mener un audit déterministe imparfait, même si les
deux procédures amènent au même résultat (mêmes chances de détection p = λ ).
4
Considérer que I A (.) = I A (.) = I(.) , nous sert juste de moyen pour simplifier les calculs, à la limite on peut
prouver que, en cas d’audit aléatoire on a I A (.) < I A (.) . Ce résultat avancé par Mokherjee et Png (1987) et
prouvé par notre modèle présenté dans le chapitre suivant, traduit le fait que l’assureur peut récompenser l’assuré
honnête, en lui versant une indemnité plus généreuse lorsqu’il vérifie sa déclaration. Cependant, on ne
s’intéresse pas à la définition des profils d’indemnisation optimaux dans cette étape de l’analyse, on reste
focalisé juste sur les stratégies d’audit pour en définir la plus efficace.
Chapitre 3 131
D’autre part, d’après la proposition 3, pour maximiser son profit, l’assureur doit contrôler plus
fréquemment les grands dommages qui dépassent le coût de l’audit et contrôler moins
fréquemment les petits dommages dont le montant reste inférieur à celui du coût d’audit.
C’est à l’assureur de définir quel sinistre contrôler et quel sinistre ne pas contrôler. Ainsi, λ
I A (x n )
est fixée à son niveau maximal soit λ* = < 1 , lorsque les déclarations sont trop
I A (x n ) + S
élevées, et il suffit qu’elle dépasse λ lorsque les déclarations sont relativement petites. En
revanche, lorsque l’audit est systématique probabiliste, l’assureur procède toujours à un audit,
mais il n’arrive pas avec certitude à détecter la fraude. Ceci dépend de la qualité de cet audit.
Plus ce dernier est de bonne qualité, plus la probabilité de détection est grande. La seule
stratégie de l’assureur est donc d’essayer d’améliorer la qualité de l’audit au maximum pour
pouvoir maximiser son profit et pouvoir dissuader la fraude. Notamment, pour atteindre
I( x n )
l’optimum, p doit être égale à p max = .
S + I( x n )
Nous trouvons que p max = λ max . Ceci veut dire, que nous pouvons avoir le même taux de
détection de la fraude avec les deux politiques, sauf que l’AAP est plus efficace que l’ASP,
d’une part parce qu’il permet à l’assureur d’avoir un plus grand profit et d’autre part, il est
plus facile à manipuler (augmenter ou diminuer la fréquence de contrôle selon le cas).
Proposition 5 :
Il est plus efficace pour l’assureur de mener un audit aléatoire de bonne qualité qu’un audit
déterministe de moindre qualité.
Chapitre 3 132
Section 2 : L’expérimentation
(Mars-Avril 2002)
L’étude expérimentale, présentée dans ce chapitre a pour objectif de comprendre les décisions
individuelles dans un contexte de fraude à l'assurance et d’audit. Nous envisageons ici, de
poursuivre à différents niveaux l’analyse expérimentale du rôle que peuvent jouer les deux
procédures d’audit (les procédures déterministes et les procédures aléatoires) dans la détection
de la fraude. Nous voulons introduire dans cette étude, les difficultés de preuves rencontrées
par les assureurs. Nous supposons à présent que la technique de contrôle déterministe ne
permet pas de vérifier de façon certaine l’exactitude de la déclaration de l’assuré et que la
procédure aléatoire est parfaite, c’est-à-dire, la détection de la fraude est systématique. Il
s’agit tout simplement, de comparer ces deux formes d’audit et de montrer à travers les
résultats expérimentaux, la supériorité de l’une par rapport à l’autre. En effet, nous avons
retenu les cinq questions suivantes que nous cherchons à vérifier pour définir notre protocole
expérimental :
1. Contrôler plus fréquemment les dommages importants et moins fréquemment les
dommages plus faibles, permet-il d’atténuer l’ampleur de la fraude?
5
L’environnement représente l’ensemble des caractéristiques de l’expérience, le nombre de participants, les
dotations initiales, le nombre ainsi que le types de biens mis en jeu…
L’institution représente les moyens de communication entre les participants (les règles de décision).
Et enfin les comportements représentent les différentes actions prises par les joueurs.
Chapitre 3 133
Ces questions ont été retenues pour étudier les stratégies de fraude et l’efficacité des
procédures d’audit. Cette analyse est nécessaire pour au moins deux raisons : d’une part pour
cerner de façon précise les comportements frauduleux des assurés dans un contexte
d’expertise (parfaite et imparfaite) et d’autre part pour vérifier les prédictions théoriques.
Les sujets :
Vingt quatre sujets volontaires ont participé à cette expérimentation. L’âge moyen des
participants est de 24 ans. Les sujets sont des étudiants qui préparent des thèses de toutes les
disciplines (langue, économie et gestion, comptabilité…). 17 sujets sont des résidents à la cité
universitaire internationale de paris et les 7 autres sont des étudiants au département
d’Economie et de Gestion de l’ENS de cachan. En effet, nous nous sommes adressés à des
étudiants et non pas de vrais assurés pour la simple raison qu’ils sont plus disponibles et plus
faciles à joindre. Une annonce décrivant l’expérimentation, sa durée et son intérêt a été
distribuée dans les boites au lettres des étudiants. Les intéressés ont répondu par simple
papier, sur lequel, ils ont communiqué leurs coordonnées téléphoniques et leurs disponibilités
pour participer. Nous les avons contacté pour fixer les rendez-vous. Le recrutement des sujets
était simple du fait que dans cette expérimentation, on fait passer les sujets un par un.
Chapitre 3 134
Les sujets ont été convoqués pour passer chacun tout seul et jouer contre l’ordinateur sur
lequel nous avons programmé l’expérimentation. Il s’agit d’une feuille Excel comprenant
toutes les informations nécessaires pour répondre aux questions. Chaque participant suit une
seule catégorie de rôle (assuré) et il est placé devant un ordinateur disposé de manière à ce
que l’expérimentateur ne puisse pas voir l’écran. A tout moment, le joueur a la possibilité de
consulter l’historique des tours déjà joués. La session contient 30 répétitions et dure entre 45
et 60 minutes.
Les instructions (voir annexe 3.1.) ont été lues par l’expérimentateur, devant chaque
participant, afin qu’il puisse poser des questions avant de commencer le jeu. Il s’agit
d’expliquer le jeu et le contenu de l’écran pour éviter toute confusion et pour éviter aussi que
le joueur se trouve devant une situation ambiguë et ne puisse par conséquent, répondre
correctement au jeu. Nous avons insisté aussi sur le fait de considérer ces situations
hypothétiques comme des situations réelles. Pour ce faire, nous avons donné des exemples
concrets qui ont permis d’inciter les joueurs à révéler leurs vrais comportements.
La rémunération :
Les participants à cette expérimentation ont été rémunérés à la fin de la session en argent
liquide, d’une part pour que la rémunération des efforts soit immédiate et d’autre part, parce
que l’impact visuel de l’argent est plus important que tout autre moyen de paiement.
Selon sa performance pendant les trois phases de l’expérimentation, chaque assuré reçoit une
rémunération proportionnelle à son gain expérimental moyen. Ceci permet de garantir que les
joueurs considèrent toutes les périodes du jeu et de réduire la variance dans les réponses.
Il s’agit dans cette expérimentation de jouer le rôle d’un assuré devant un assureur fictif
(l’ordinateur). Chaque sujet est considéré être propriétaire d’un bien d’une valeur de 10000€.
Il est ainsi confronté à des situations de risque qui l’obligent à souscrire auprès de son
assureur, et contre paiement d’une prime, un contrat d’assurance qui l’indemnise en cas de
Chapitre 3 135
dommage. Cette souscription comprend des garanties spécifiques qui interviennent en cas de
sinistre. Au début de la première période, l’assuré est doté d’un capital initial (9000€), lui
permettant d’acheter son contrat d’assurance.
A chaque période, l’assuré est confronté à des pertes probables qui s’échelonnent entre 0 et
7000€. Il lui est demandé de faire une déclaration auprès de son assureur et il peut décider de
frauder ou non. La pratique de fraude revêt une multitude de formes différentes. Nous
distinguons les deux hypothèses suivantes:
1. Celle où l’assuré déclare un faux sinistre : déclarer un montant de dommage alors
qu’il n’a pas réellement subi de sinistre (perte = 0 et déclaration = L > 0).
2. Celle où après la survenance du sinistre, l’assuré tente d’obtenir une indemnisation
plus généreuse : la fraude consiste à augmenter le montant de dommage subi (perte
= L et déclaration = M > L).
La fraude ne peut être détectée que sur la seule base de déclaration de sinistre effectuée par
l’assuré. Il convient de distinguer deux procédures d’expertise: les procédures déterministes et
les procédures aléatoires.
L’Audit Aléatoire :
La stratégie d’audit est définie par une probabilité λ , de vérifier la déclaration de l’assuré.
L’audit est supposé parfait : la fraude est systématiquement détectée lorsqu’un audit est
effectué. Une fois que l’assuré a effectué sa déclaration de sinistre, il est probable, avec λ
chances, que celle-ci soit vérifiée. Le fraudeur détecté est par conséquent sanctionné. Cette
pénalisation peut passer par une clause du contrat d’assurance qui spécifie qu’aucune
indemnité ne sera due à l’intéressé et qu’éventuellement une amende sera appliquée en cas de
fausse déclaration.
L’audit aléatoire fera l’objet d’une première phase expérimentale.
Dans une deuxième phase de l’expérience, le jeu est établi avec l’audit déterministe ou encore
appelé systématique : Chaque déclaration de dommage est contrôlée. En revanche, nous
supposons que l’audit soit imparfait. Ainsi, il n’est pas toujours possible que la fraude soit
détectée. L’imperfection de l’audit revient au fait que l’assureur n’est pas toujours capable de
détecter la fraude. Par conséquent, il existe une probabilité p pour que le fraudeur passe entre
les mailles du filet et ne soit pas sanctionné.
Chapitre 3 136
Neuf sujets ont participé à cette deuxième phase de l’expérimentation. Les instructions sont
similaires à celles de la première phase. Mais c’est l’étape relative à l’audit qui change. Pour
ceci nous considérons le jeu à trois étapes suivant :
• première étape : survenance et déclaration du sinistre par l’assuré.
L’assuré paye la prime P. Il est confronté (30% de chance) à des états de pertes probables (qui
s’échelonnent entre 0 et 7000 €). Il doit déclarer le dommage à l’assureur et peut choisir de
frauder.
• deuxième étape : audit systématique probabiliste mené par l’assureur.
Il s’agit d’un audit déterministe: toute déclaration de sinistre est vérifiée systématiquement.
L’audit est supposé imparfait : la fraude n’est pas systématiquement détectée.
Pour chaque fraudeur il existe une probabilité p pour qu’il soit détecté par l’assureur.
Pour les 10 premières périodes, cette probabilité est de 10%. On la fait augmenter à 30% pour
les 10 périodes qui suivent et à 50% pour les 10 dernières périodes.
• troisième étape : indemnisation et sanction.
Le fraudeur contrôlé mais non détecté, échappe à la sanction et reçoit l’indemnité
correspondant à sa déclaration.
Le fraudeur parfaitement contrôlé sera sanctionné par un refus de remboursement et par une
amende S.
Dans ce paragraphe, nous étudions d’une part les stratégies des assurés lorsque l’audit est
aléatoire et d’autre part leurs comportements lorsque l’audit est systématique. Cette étude
nous permettra de juger de quelle procédure, l’assureur doit se servir pour dissuader les
fraudeurs.
Il s’agit dans cette première section d’analyser les décisions de fraude lorsque la procédure
d’audit est aléatoire, c’est-à-dire lorsque les déclarations des assurés sont contrôlées avec une
probabilité λ = 10%, ensuite λ = 30% et enfin λ = 50%. Plus précisément, nous comptons
vérifier les prédictions théoriques, stipulant que :
Chapitre 3 138
i) les déclarations élevées doivent être contrôlées plus fréquemment car elles sont
plus sujettes à la fraude (proposition 1) ;
ii) l’ampleur de la fraude diminue lorsque la probabilité d’audit est supérieure à la
probabilité d’audit seuil (proposition 2) ;
iii) les déclarations ayant un montant supérieur au coût d’audit sont contrôlées
avec une probabilité maximale et les déclarations ayant un montant inférieur au
coût d’audit sont contrôlées avec une probabilité légèrement supérieure au
seuil d’indifférence (corollaire 1).
D’après la proposition 2, l’assureur a intérêt à vérifier les déclarations de dommage avec une
probabilité λ > λ pour dissuader la fraude. Pour tester cette hypothèse avec les résultats de
notre expérimentation, nous avons calculé pour chaque dommage et pour chaque déclaration
respective ce seuil d’indifférence λ (théorique), ainsi que le taux de fraude associé à chaque
probabilité d’audit λ , avec λ ∈ {10%,30%,50%}. Nous présentons nos résultats dans le
tableau 1, ci-dessous. Nous tenons à rappeler que le choix des fréquences d’audit 10%, 30% et
50% n’était pas arbitraire. Lors de l’élaboration du protocole expérimental, nous avons
calculé la probabilité seuil maximale λ max (théorique), que nous avons trouvée égale à 88%6 et
la probabilité seuil minimale λ min (théorique) égale à 6%. C’est sur cette base que nous avons
fixé les taux 10%, 30% et 50%. De plus, le but de cette expérimentation est l’étude des
comportements des assurés dans un contexte de fraude. Pour ceci, dans certains cas, on
dépasse les probabilités seuils pour tester si on peut induire des comportements honnêtes et
dans d’autres, on reste en dessous de λ pour tester aussi si les gens fraudent. Fixer des
fréquences d’audit au-delà de 50% fait converger certainement la majorité des participants
vers une seule stratégie (non fraude).
En effet, les plus grandes valeurs de λ s’expliquent par des écarts très grands entre les
sinistres réellement survenus et les déclarations effectuées par les assurés. Ceci est intuitif et
traduit le fait que plus le gain de la fraude augmente, plus l’assureur a intérêt à augmenter la
fréquence de contrôle. Si nous regardons dans le tableau 1, nous trouvons que le taux de
fraude s’échelonne entre 0% et 13% même pour une fréquence d’audit de 10%. La stratégie
6
λ max correspond au cas où l’assuré ne subit pas de dommage et déclare un faux sinistre avec une valeur
I A (x n ) 8000
maximale égale à 8000€. Nous trouvons que λ max = = =88%. λ min correspond au
I A (x n ) + S 8000 + 1000
cas où l’assuré subit le plus grand sinistre.
Chapitre 3 139
d’audit aléatoire parait ainsi dissuasive et permet d’atténuer l’ampleur des fausses
déclarations. Il est vrai aussi qu’il s’avère difficile à l’assuré d’apporter la bonne preuve pour
une déclaration de sinistre n’ayant jamais eu lieu ou pour réclamer une valeur de dommage
beaucoup plus élevée que la valeur du dommage réel. Même si la fréquence d’audit est peu
élevée (10% ou 30%), beaucoup d’assurés fraudeurs ne cherchent qu’à récupérer le montant
de la prime d’assurance. C’est pour cette raison que le taux de fraude est assez élevé pour les
déclarations légèrement supérieures aux sinistres réels et pour lesquelles le seuil
d’indifférence λ est proche des fréquences d’audit.
Constat 1 :
Le taux de fraude diminue lorsque la probabilité d’audit seuil (seuil d’indifférence)
augmente.
35%
Taux de Fraude
30%
25%
p=10%
20%
15% p=30%
10% p=50%
5%
0%
-5% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
probabilité seuil
30% p=10%
20% p=30%
p=50%
10%
0%
-10% 0% 20% 40% 60% 80% 100%
probabilité seuil
Chapitre 3 140
probabilité seuil
Ceci vérifie notre résultat théorique, que les assurés sont indifférents entre la fraude et
l’honnêteté lorsque la fréquence d’audit est égale au seuil λ et choisissent de frauder si cette
fréquence d’audit est inférieure à λ . Dans le tableau 1, nous montrons que le taux de fraude
s’échelonne entre 27% et 40% pour tous les cas où la fréquence d’audit est inférieure ou égale
à λ . En revanche, pour les fraudes importantes (différence importante entre le sinistre réel et
la déclaration), le taux de fraude ne dépasse pas les 13% et égale 0% dans la majorité des cas.
Ceci confirme le fait que, si l’assureur augmente sa fréquence de contrôle au-delà du seuil
d’indifférence, il arrive à induire des comportements honnêtes de la part des assurés. Le petit
nombre de fraudeurs qu’on peut qualifier de fraudeurs malins et qui déclarent des faux
sinistres ou encore des montants très élevés pour des petits dommages, ont suivi le
raisonnement suivant. Pour eux, la décision du montant à déclarer revient tout simplement à
choisir de frauder ou pas et si on fraude alors on déclare le maximum7.
Constat 2 :
Augmenter la fréquence d’audit au delà du seuil d’indifférence permet d’induire des
comportements honnêtes.
7
Autrement dit, c’est comme s’ils font face à un jeu de loterie, tel que par exemple pour un petit sinistre (1000€, ou même 0€), déclarer un
montant maximal (8000€), ne fait perdre à l’assuré que le montant du dommage (1000€ ou 0€) et une amende de 1000€7. Ainsi, même si la
fréquence d’audit est élevée, le fraudeur n’aura que très peu de chances de gagner les 8000€ devant perdre 1000€. Par contre, si le sinistre
réel est d’un montant élevée, nous trouvons qu’il y a très peu de fraudeurs qui essayent d’augmenter leurs déclarations. Pour eux, ça peut
être considéré comme une surestimation du dommage et non pas une fraude.
Chapitre 3 141
8
Légende du tableau 1 :
I A (d i ) − I A ( x i )
proba seuil = Probabilité d’audit seuil = λ =
S + I A (d i ) + I A ( x i ) − I A ( x i )
Taux de fraude = nombre de fraudeurs / nombre d’assurés (15 assurés).
Nombre de fraudeur = combien d’assuré ont déclaré au taux d’audit X %, entre x et y pour un sinistre L
Chapitre 3 142
9
D’après le test Shapiro et Wilk (1965) , la variable AFit (ampleur de la fraude à chaque
période t et pour chaque assuré i) semble ne pas respecter la condition de normalité10. Pour
chacune des variables (AF), associées respectivement aux probabilités d’audit λ = 10%,
λ = 30% et λ = 50%, nous rejetons l’hypothèse nulle selon laquelle AF est distribuée selon
la loi normale (voir table ci-dessous).
Nous optons pour le test des rang signés de Wilcoxon (1945)11, où nous comparons les 3
traitements ( λ = 10%, λ = 30% et λ = 50%). Sous l’hypothèse nulle nous admettons que les
deux traitements sont similaires, c’est-à dire que l’ampleur de la fraude est la même pour deux
probabilités d’audit différentes. Ainsi nous écrivons :
9
Nous supposons sous l’hypothèse nulle que la variable FA suit la loi normale. Nous rejetons H0, lorsque Pr>z
est inférieure à 5%.
10
les tests non paramétriques sont très utiles lorsque la condition de normalité est violée. La question qui se pose dès lors est
« Comment peut-on savoir si la distribution d’une population est normale ? ». A partir de la distribution des données dans les
échantillons et en utilisant un test statistique adéquat, il est possible, par inférence, de se faire une idée quant à la normalité de
la distribution des scores dans la population. Il existe plusieurs tests statistiques qui permettent de vérifier si des données sont
normalement distribuées. Citons par exemple le test W de Shapiro et Wilk (1965) ou le test K2 de D’Agostino et Pearson
(1971).
11
Voir le détail de ce test en annexe 3.2.
Chapitre 3 143
sign | obs sum ranks expected sign | obs sum ranks expected
--------+----------------------------- ---------+------------------------------
positive| 41 4337 4622.5 positive | 47 5230.5 4348.5
negative| 45 4908 4622.5 negative | 31 3466.5 4348.5
zero| 64 2080 2080 zero | 72 2628 2628
--------+------------------------------ ---------+------------------------------
all| 150 11325 11325 all | 150 11325 11325
Pour le premier test ( λ = 10% contre λ = 30%), nous acceptons l’hypothèse H 0 , puisque la
Prob > |z| est supérieure à 5%. Les assurés ne sont pas affectés par l’augmentation de la
probabilité d’audit, lorsqu’elle passe de 10% à 30%. Nous pouvons conclure que l’audit
aléatoire est non efficace, lorsqu’il est peu fréquent. Par contre, le test de wilcoxon, montre
Chapitre 3 144
une différence significative à 10% pour les traitements (10 – 50) et (30 – 50)12. L’ampleur de
la fraude est plus importante, lorsque la fréquence d’audit est basse.
Constat 3 :
L’augmentation de la probabilité d’audit permet d’atténuer l’ampleur de la fraude.
Ampleur de la fraude
4000
3500
3000
2500 AFM 10%
2000 AFM 30%
1500 AFM 50%
1000
500
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Dans cette régression, nous étudions l’ampleur de la fraude ( AFit ) en fonction de certaines
12
Traitement 10 – 50 correspond à la comparaison de l’ampleur de la fraude lorsque λ = 10% et λ = 50%
Traitement 30 – 50 correspond à la comparaison de l’ampleur de la fraude lorsque λ = 30% et λ = 50%
Chapitre 3 145
ε it la variable aléatoire portant les propriétés usuelles (moyenne 0, non corrélée avec elle-
même, non corrélée avec les variables explicatives, non corrélée avec ν et homoscédastique).
Les résultats de cette régression13 (par GLS) sont donnés respectivement dans les trois tables
suivantes :
13
Dans la table, on désigne par sigma_u = σ ν et par sigma_e = σ ε
σ ν2
rho = ρ =
σ ν2 + σ ε2
lorsque rho = 0, la composante de la variance associée au niveau de panel n’est pas importante, et l’estimateur de
panel ne diffère pas de l’estimateur groupé (pooled estimator).
• Pour p = 10%
• Pour p = 30%
• Pour p = 50%
D’après les trois régressions précédentes, nous constatons que le modèle est globalement
significatif (cf. test de Wald, Prob > chi2 = 0.000), ainsi que les coefficients des différentes
variables explicatives (dont certaines variables ne sont significatives qu’à 10%).
Les estimateurs des variables (dommage et SR) sont affectés d’un signe négatif et celui de la
variable sdom est affecté d’un signe positif, dans les trois cas. Ce résultat indique que
l’ampleur de la fraude diminue
lorsque le montant du dommage augmente,
lorsque l’assuré subit un dommage,
lorsque la sanction relative augmente.
Ce résultat indique que les assurés ont moins tendance à faire gonfler leurs déclarations
lorsque le montant du dommage réel est assez élevé. En effet, à cause de la sévérité de la
sanction, il n’est pas intéressant à l’assuré de frauder lorsque le dommage survenu est
important, puisque dans ce cas, il risque supporter lui-même le dommage, en plus du
paiement d’une amende à l’assureur. Par contre, lorsque le dommage est de petite taille, ou
nul, la déclaration frauduleuse détectée amène uniquement au paiement de l’amende. En
revanche, le gain de la fraude est important si l’assuré échappe à la détection. D’où le constat
suivant :
Chapitre 3 148
Constat 4 :
La fraude est moins importante en cas de dommage de grande taille que de dommage de
petite taille.
Ce résultat est en accord avec la théorie (proposition 1), dans la mesure où les grandes
déclarations peuvent correspondre au cas où l’assuré subisse un petit dommage et gonfle le
montant de la déclaration (fraude plus importante). En plus de la sévérité de la sanction, pour
les sinistres de montants élevés, le fraudeur a moins de marge de manœuvre pour gonfler sa
déclaration.
Constat 5 :
La fraude est moins importante lorsque la sanction est assez sévère.
Ce constat s’explique, en plus du signe négatif de la variable SR (sanction relative), aussi par
le signe positif du coefficient de la variable G (gain espéré de la fraude). Ceci dit que lorsque
le gain de la fraude augmente, l’ampleur de la fraude augmente aussi. En effet, d’après le
tableau 2 ci–dessous, nous constatons que pour les cas où la fréquence d’audit est de 10% ou
de 30%, le taux de fraude s’échelonne entre 7% et 13%. Ce taux reste relativement bas,
expliquant le fait que seulement une minorité d’assurés prennent le risque de faire des
déclarations élevés pour de petits sinistres et en présence d’audit. Pour eux, la fraude est une
source de gain, et consiste à choisir entre perdre l’indemnité d’assurance (relativement petite
pour des dommages petits) et payer l’amende avec une faible chance, ou bien gagner une
indemnité non méritée, assez élevée (correspondant à une déclaration élevée) avec forte
chance. Nous avons remarqué aussi, que cette classe d’assurés correspond à ceux qui
disposent d’un capital de début de période assez important leur permettant de faire face aux
pertes en cas de détection, ou bien ceux qui voient qu’ils ont beaucoup perdu du fait de payer
des primes d’assurance sans être sinistrés et veulent profiter de la fraude pour récupérer ce
qu’ils ont payé sans en bénéficier. Ce comportement concerne surtout le cas de déclaration de
faux sinistre14, ou celui d’exagération de dommage pour les grands montants de sinistre. Pour
le premier cas, la fraude détectée ne fait perdre à l’assuré que le montant de l’amende et pour
le second cas, le montant de la fraude est relativement petit par rapport au dommage réel, et
donc l’assuré peut être pardonnée par l’assureur, en considérant cette fraude comme une
14
Faux sinistre : déclarer un dommage qui n’a jamais eu lieu.
Chapitre 3 149
surestimation du sinistre. Avec cette manœuvre, le fraudeur tente se faire payer par son
assureur un ancien dommage non réclamé ou non remboursé, ou bien récupérer le montant de
la prime. Ceci explique encore plus le signe positif du coefficient de la variable Det. En effet,
lorsque l’assuré est détecté précédemment, et lorsque la probabilité d’audit n’est pas très
élevée, l’assureur peut encore tenter d’augmenter son gain par la fraude.
Constat 6 :
Lorsque le gain de la fraude augmente, l’assureur a intérêt à augmenter la fréquence de
contrôle.
15
Voir encore le tableau 2-bis1 et le tableau 2-bis2 en annexe 3.4.
Chapitre 3 150
Ce second paragraphe, est dédié à la description ainsi qu’à l’analyse de nos résultats
expérimentaux concernant l’audit déterministe. Nous visons également à tester les
propositions 3 et 4 présentées dans la partie théorique de ce chapitre et à vérifier les
hypothèses suivantes :
L’assureur doit mener un audit déterministe de bonne qualité et appliquer une
sanction élevée pour dissuader la fraude (proposition 3) ;
L’audit systématique probabiliste est efficace lorsque la probabilité de détection est
maximale (proposition 4) ;
Lorsque la procédure d’audit est imparfaite, l’assureur doit améliorer au maximum
la qualité de cet audit et menacer les fraudeurs par une sanction sévère (corollaire 2).
L’idée ici consiste à tester l’évolution du taux de fraude moyen18 en fonction de l’évolution de
la probabilité p.
Pour ceci, nous avons besoin des 3 tests suivants :
Test 1 : H 0 : Taux de fraude (pour p = 10%) = taux de fraude pour (p = 30%)
16
Avant d’opter pour le test non paramétrique de Wilcoxon, il convient de vérifier la condition de normalité.
D’après le test d’Agostino, la condition de normalité est violée. Pour la variable TFM (pour λ = 10%, λ = 30%
et λ = 50%), nous rejetons l’hypothèse nulle selon laquelle cette variable suit la loi normale.
17
Pour plus de détail sur ce test, voir annexe 3.2.
18
Le taux de fraude moyen, représente pour chaque assuré le taux de fraude sur les 10 périodes jouées.
Chapitre 3 151
Les résultats de ces trois tests figurent respectivement dans les 3 tables suivantes :
sign | obs sum ranks expected sign | obs sum ranks expected
---------+----------------------------- ---------+------------------------------
positive | 7 31 22.5 positive | 4 20.5 22
negative | 2 14 22.5 negative | 4 23.5 22
zero | 0 0 0 zero | 1 1 1
---------+----------------------------- ---------+------------------------------
all | 9 45 45 all | 9 45 45
Pour les trois tests, nous acceptons l’hypothèse nulle, selon laquelle les deux traitements sont
semblables puisque Prob > |z| est supérieure à 5%.
Constat 7 :
Malgré l’accroissement des chances de détection de la fraude, l’audit systématique
probabiliste n’est pas parfaitement dissuasif.
Evolution du TFM
1,2
1
0,8 TFM 10%
0,6 TFM 30%
0,4 TFM 50%
0,2
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9
Ce constat traduit l’idée que le taux de fraude moyen suit la même variation pour les 3 cas,
avec de légères diminutions lorsque la probabilité de détection de la fraude (p) augmente,
comme le montre le graphique 3 ci-dessus. C’est pour cette raison que nous trouvons que les
trois traitements sont semblables, selon le test de wilcoxon19.
Ce résultat est en accord avec la théorie (proposition 3 et 4), dans la mesure où p = 50% n’est
pas suffisante pour que la procédure d’audit soit dissuasive. Il est de l’intérêt de l’assureur de
mener un audit de bonne qualité, pour pouvoir induire des comportements honnêtes.
19
Le même test appliqué pour comparer l’ampleur de la fraude dans les 3 cas (p = 10%, p = 30% et p = 50%),
montre aussi que les trois traitements sont semblables. Ce qui confirme qu’en cas d’audit systématique
probabiliste, l’augmentation des chances de détection, n’affecte pas le comportement de l’assuré. (voir les
résultats de ce test en annexe 3.7.
Chapitre 3 153
Nous remarquons de plus, d’après le tableau 3, que même si la probabilité de détection est
plus importante que la probabilité de détection seuil maximale (p> p max théorique)20, il existe
toujours un taux de fraude positif. Ce qui prouve encore plus que l’audit est non efficace. En
effet, les petits dommages sont plus sujets à la fraude puisque la sanction relative est petite.
Pour ces sinistres, même 50% de chance de détection n’est pas suffisant pour dissuader
totalement la fraude (les taux de fraude sont assez élevés). Ces taux tendent à baisser pour les
sinistres de plus grands montants, auxquels correspondent des p max moins élevés21. Ceci
confirme bien notre proposition 4. Pour les petits sinistres dont la probabilité de détection
(10%, 30% et 50%) est en dessous de p max , le taux de fraude réel est assez élevé. Nous en
déduisons que l’audit déterministe imparfait n’est pas dissuasif, si le taux de détection
n’atteint pas son niveau maximal. En revanche, le taux de fraude tend à décroître, lorsque les
sinistres sont de montants élevés et ne laissent pas trop de chances pour frauder. A ces
sinistres correspondent des probabilités seuil p max basses ( p max <10% pour un dommage =
7000), ce qui prouve d’une part la décroissance du taux de fraude et d’autre part l’efficacité de
l’audit (dissuasif) malgré son imperfection. Cette interprétation donne lieu au constat suivant :
20
p max représente la valeur maximale que peut atteindre la probabilité de détection seuil p , pour chaque sinistre
I(d i ) − I( x i )
éventuel. p max = avec I(d i ) l’indemnité correspondant à la déclaration (d i ) , I( x i )
I( d i ) + S
l’indemnité correspondant au dommage ( x i ) et S la sanction.
Probabilité seuil : probabilité de détection pour laquelle l’assuré est juste indifférent entre la fraude et
l’honnêteté. Pour plus de détail, voir section 1 (audit systématique probabiliste).
21
Exemple : pour un sinistre de 6000, p max = 19% qui est < 30% et à 50%, c’est ainsi que le taux de fraude pour
ces deux niveaux de détection est nul.
Chapitre 3 154
Constat 8 :
L’ampleur de la fraude diminue lorsque :
• les dommages réellement survenus sont importants ;
• lorsque la probabilité de détection de la fraude augmente ;
• et lorsque la sanction est élevée
Nous désignons par AFit l’ampleur de la fraude (= déclaration – dommage), pour l’assuré i
les propriétés usuelles (moyenne 0, non corrélée avec elle-même, non corrélée avec les
variables explicatives, non corrélée avec ν et homoscédastique).
L’estimation de ce modèle pour les 3 cas (p = 10%, p = 30% et p = 50%) par GLS, nous
donne les résultats suivants :
22
Nous admettons le même modèle que dans le paragraphe précédent (audit aléatoire), nous gardons ainsi les
mêmes hypothèses ainsi que les mêmes notations.
Chapitre 3 155
• Pour p = 10%
------------------------------------------------------------------------------
AF | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
dommage | -.4574188 .113968 -4.014 0.000 -.680792 -.2340455
SR | -.384131 .1108185 -3.466 0.001 -.6013311 -.1669308
G | .1090425 .0294906 3.698 0.000 .051242 .1668429
Det | 1560.793 855.7982 1.824 0.068 -116.5407 3238.127
_cons | 819.1849 445.0815 1.841 0.066 -53.15886 1691.529
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | 0
sigma_e | 1714.3665
rho | 0 (fraction of variance due to u_i)
-----------------------------------------------------------------------------------
• Pour p = 30%
------------------------------------------------------------------------------
AF | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
dommage | -.405269 .090494 -4.478 0.000 -.582634 -.2279041
SR | -.3090397 .098784 -3.128 0.002 -.5026529 -.1154266
G | .1506463 .040138 3.753 0.000 .0719773 .2293154
Det | -72.60946 571.5956 -0.127 0.899 -1192.916 1047.697
_cons | 1111.514 444.9302 2.498 0.012 239.4669 1983.561
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | 274.17475
sigma_e | 1435.9121
rho | .03517607 (fraction of variance due to u_i)
------------------------------------------------------------------------------
Chapitre 3 156
• Pour p = 50%
------------------------------------------------------------------------------
AF | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
dommage | -.3883093 .1020711 -3.804 0.000 -.5883649 -.1882537
SR | -.3357777 .1120414 -2.997 0.003 -.5553749 -.1161806
G | .0152559 .0484419 0.315 0.753 -.0796885 .1102003
Det | 1217.415 563.2416 2.161 0.031 113.4817 2321.348
_cons | 1702.69 439.4888 3.874 0.000 841.3081 2564.073
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | 245.90948
sigma_e | 1622.2204
rho | .02246281 (fraction of variance due to u_i)
------------------------------------------------------------------------------
Ces trois régressions montrent que le modèle est globalement significatif pour les trois cas (cf.
test de Wald, Prob > chi2 = 0.000). Les estimateurs des différentes variables sont aussi
significatifs, à l’exception de la variable Det qui est non significative dans le cas où p = 30%,
et la variable G qui est non significative dans le cas où p = 50%.
Les coefficients des variables dommage et SR sont affectés d’un signe négatif alors que ceux
des variables G et Det sont positifs. Ceci montre que, la fraude est d’autant plus importante
pour les petits dommages et lorsque la sanction est basse. En effet, pour les petits sinistres, les
sujets, soit déclarent des montants très grands pour la simple raison que l’amende est
relativement petite par rapport au gain de la fraude et les chances de détection ne sont pas très
élevées, soit essayent de gonfler un peu la déclaration pour récupérer juste la prime payée.
Pour cette classe de dommages, les assurés comparent les gains de la fraude (indemnités non
mérités) aux pertes liées au fait d’être détecté et sanctionné. Lorsqu’ils estiment que les
chances de détection sont minimes et que la sanction n’est pas aussi importante par rapport au
gain, les gens choisissent sans doute de frauder (choisir par exemple entre gagner 8000 avec
90% de chances et perdre 1000 avec 10% de chances). Alors que, pour les sinistres de plus
grandes tailles, l’ampleur de la fraude tend à baisser, puisque la sanction devient élevée (refus
de remboursement du sinistre + amende).
En conclusion, nous confirmons qu’il est de l’intérêt de l’assureur d’améliorer au maximum la
qualité de sa stratégie d’audit, et d’appliquer une amende qui dépend de l’ampleur de la
Chapitre 3 157
fraude (l’écart entre le dommage réel et la déclaration)23. Ces constatations sont conformes
aux propositions théoriques.
En conclusion, nous tenons à ajouter une dernière constatation relative à la distinction de deux
catégories de fraudeurs24 :
• Une première catégorie, correspond aux assurés que nous qualifions de « fraudeurs
peu opportunistes ». Pour ces sujets, l’ampleur de la fraude n’est pas très importante.
Ceci explique le comportement d’assurés qui cherchent à récupérer la prime
d’assurance payée sans en bénéficier, par manœuvres frauduleuses.
• Une deuxième catégorie de sujets, correspond aux assurés que nous qualifions de
« fraudeurs trop opportunistes ». Ces sujets ont tenté d’obtenir des indemnités
auxquelles ils n’ont pas droit en augmentant le montant du dommage déclaré. Ils ont
ainsi déclaré des dommages beaucoup plus importants que leurs pertes réelles, pour la
simple raison de maximisation de gain. Pour eux, frauder c’est gagner de l’argent et
leur décision revient tout simplement à choisir de frauder ou pas et si c’est frauder
alors c’est déclarer le maximum pour gagner le maximum.
Dans les graphiques ci-dessous, nous présentons pour chaque sinistre, les taux de fraude réelle
(en ordonné) correspondant à chaque série de déclaration (en abscisse) et nous montrons les
écarts entre les dommages réels et les déclarations25. Egalement, nous montrons pour les trois
phases de l’expérimentation (p=10%, p=30% puis p=50%), comment nous pouvons distinguer
la classe des fraudeurs peu opportunistes de celle des fraudeurs trop opportunistes26.
23
Il est vrai que dans notre expérimentation, il a fallu utiliser une amende non fixée de façon exogène, mais pour des raisons
de simplification du protocole expérimental, il n’était pas possible pour nous de pouvoir tester plusieurs propriétés à la fois.
Ceci revient au fait que le temps consacré pour chaque session ne doit pas être encore plus long et que les participants sont
des étudiants et n’ont que quelques connaissances dans le domaine de l’assurance et ne sont pas en mesure de pouvoir tout
gérer à la fois. On était juste satisfait par l’étude de leurs comportements face aux deux formes d’audit pour pouvoir par la
suite les comparer.
24
Voir tableau 3-bis1 et tableau 3-bis2 en annexe 3.5.
25
Les grands écarts entre les déclarations et les pertes sont apparus surtout pour les pertes de petites tailles. Ceci
s’explique par le fait que la sanction (refus d’indemnisation et amende) encourage à augmenter au maximum le
montant de dommage à déclarer, lorsque le dommage réel est d’un montant relativement bas. En effet, nous
avons appliqué une amende constante et indépendante du gain de la fraude. Ceci a poussé certains sujets à
raisonner de la façon suivante : pour une perte relativement petite (entre 0 et 2000), déclarer un montant maximal
(8000) revient exactement à décider entre gagner 8000 en cas de non détection de la fraude et perdre au plus
3000 (non indemnisation de la perte 2000 et l’amende 1000) en cas de contrôle très parfait. Si la probabilité de
détecter la fraude avec exactitude est relativement petite (10% ou même 30%), un sujet trop opportuniste choisit
sans doute de frauder et déclare un montant de dommage maximum.
26
Les fraudeurs trop opportunistes occupent l’extrémité droite de l’histogramme (déclaration très importante par
rapport au dommage réel) et les fraudeurs peu opportunistes occupent l’extrémité gauche de l’histogramme
(déclaration proche du dommage réel).
Chapitre 3 158
50%
40%
audit 10%
30%
audit 30%
20%
audit 50%
10%
0%
]4000, 5000] ]5000, 6000] ]6000, 7000] ]7000, 8000]
Chapitre 3 159
60%
audit 10%
40%
audit 30%
20%
audit 50%
0%
]5000, 6000] ]6000, 7000] ]7000, 8000]
2.2.3. Quelle procédure faut-il mener ? Audit Aléatoire Parfait (AAP) ou Audit Systématique
Probabiliste (ASP) :
Nous arrivons au point central de notre étude, à savoir la comparaison des deux formes
d’audit : l’audit aléatoire parfait (AAP) et l’audit systématique probabiliste (ASP). Ainsi,
d’après la proposition 5, l’audit aléatoire parfait est plus efficace que l’audit systématique
probabiliste. Il convient à ce niveau de comparer les taux de fraude réelle correspondant à
chaque forme d’audit (voir tableau 4 et graphique 5 ci-dessous).
40% 40%
30% 30%
ASP(10%) ASP (30%)
20% 20% AAP (30%)
AAP(10%)
10% 10%
0% 0%
0 2000 4000 6000 8000 0 2000 4000 6000 8000
Sinistre Sinistre
25%
20%
15% ASP (50%)
10% AAP (50%)
5%
0%
0 2000 4000 6000 8000
Sinistre
Vu que la condition de normalité27 est violée, nous optons pour le test U de Mann Whitney
(1947)28, permettant de comparer les deux traitements suivants :
Traitement 0 : le comportement de fraude lorsque l’audit est systématique probabiliste.
Traitement 1 : le comportement de fraude lorsque l’audit est aléatoire.
Puisque nous disposons de trois sénarios :
p=10% et λ =10%
p=30% et λ =30%
p=50% et λ =50%
il est commode d’effectuer respectivement pour chaque cas le test suivant :
H 0 : Taux de fraude moyen (ASP) = taux de fraude moyen (AAP)
27
D’après le test d’Agostino et al (1990)
28
Pour plus de détail sur ce test, voir annexe 3.3.
Chapitre 3 161
Les résultats des trois tests sont donnés respectivement, dans les trois tables suivantes :
• Test 1 (10%):
• Test 2 (30%):
• Test 3 (50%) :
Pour les trois cas nous rejetons l’hypothèse nulle selon laquelle les deux traitements sont
équivalent puisque Prob > |z| est inférieure à 5%. Ceci signifie que le taux de fraude moyen en
cas d’audit systématique probabiliste est plus important que le taux de fraude moyen en cas
d’audit aléatoire parfait, pourtant les chances de détection de la fraude sont les même. Nous
pouvons conclure que l’audit aléatoire parfait est plus efficace que l’audit systématique
probabiliste.
Constat 9 :
L’audit aléatoire parfait est plus efficace que l’audit systématique probabiliste.
Ce constat est en accord avec la proposition 5 de la partie théorique (voir encore tableau 4-bis
en annexe 3.6).
Chapitre 3 163
Conclusion Générale:
Dans ce chapitre, nous avons présenté deux formes d’audit : l’audit aléatoire et l’audit
déterministe. Par audit aléatoire, nous désignons toute procédure d’expertise menée de façon
non systématique et nous supposons qu’elle est parfaite (la détection de la fraude est
systématique). Nous avons montré que pour cette première forme :
la probabilité d’audit doit être fixée à un niveau dépassant le niveau seuil pour
lequel l’assuré est juste indifférent entre la fraude et l’honnêteté ;
il est de l’intérêt de l’assureur de contrôler plus fréquemment les grandes
déclarations de sinistre car elles sont plus douteuses29 ;
la probabilité d’audit peut être fixée à son niveau maximal pour les déclarations
dépassant le coût d’audit, alors qu’il suffit qu’elle dépasse légèrement le seuil d’indifférence
pour les déclarations inférieures au coût.
Pour ce qui est de l’audit déterministe, appelé audit systématique probabiliste, toute
déclaration de sinistre est contrôlée par l’assureur, mais la qualité de cet audit n’est pas aussi
bonne pour que la fraude soit détectée avec certitude. L’assureur n’arrive pas toujours à
détecter les fraudeurs. Pour cette deuxième forme, nous montrons aussi que :
l’audit n’est effectif (crédible et dissuasif de fraude) que s’il est de bonne qualité ;
il existe un seuil de probabilité de détection maximal que l’assureur doit atteindre
pour induire l’assuré à ne pas frauder ;
la sanction monétaire imposée par l’assureur peut représenter un substitut à un audit
de bonne qualité, si elle est très sévère. En effet, l’assureur qui n’arrive pas à garantir un audit
de meilleure qualité, peut menacer l’assuré par une sanction élevée pour l’inciter à
l’honnêteté.
Enfin, dans une dernière partie, nous dressons une comparaison entre l’audit aléatoire parfait
et l’audit systématique probabiliste. Nous montrons que même si ces deux types d’audit
confrontent l’assuré aux mêmes arbitrages (mêmes chances de détection), il s’avère plus
profitable à l’assureur, de recourir à l’audit aléatoire car il est plus efficace (le taux de la
fraude est plus faible).
29
Déclarations douteuses signifie qu’elles ont plus de chances d’être frauduleuses.
Chapitre 3 164
Il est commode que cette comparaison, soit complétée par une analyse plus approfondie en ce
qui concerne la qualité de l’audit. En effet, nous avons considéré dans ce chapitre que la
fraude est non coûteuse à l’assuré et que l’audit est imparfait sans que nous donnions la cause
principale à cette imperfection. Nous objectons dans les deux chapitres suivants à introduire,
la possibilité de falsification des dommages (fraude coûteuse) par l’assuré pour rendre
l’activité d’audit imparfaite. Notamment, par rapport à la version d’audit aléatoire présentée
dans ce chapitre, nous considérons des interactions entre des assurés et des assureurs30, et que
la fréquence d’audit (parfait) dépende des décisions des assureurs et qu’elle n’est pas fixée de
façon exogène (chapitre 4). Ensuite, nous intégrons dans notre analyse, l’imperfection de
l’audit à travers la falsification, et nous comparons ce contexte à celui de l’audit parfait
(chapitre 5).
30
Dans ce chapitre, nous avons considéré dans la partie expérimentale que la fréquence d’audit est fixe et que les
sujets sont des assurés qui jouent contre un assureur fictif (l’ordinateur). Par contre dans le chapitre 4, nous
considérons un contexte plus concret, où les sujets sont des assurés et des assureurs qui interagissent pendant un
certain nombre de période.
Chapitre 3 165
Annexe 3.1. :
Les instructions
Audit aléatoire
A chaque période, l’ordinateur vous affecte aléatoirement une perte d’un montant compris
entre 0 et 7000 €. Vous devez ainsi effectuer votre déclaration de sinistre. De plus vous avez
la possibilité de frauder de deux façons différentes.
• Déclarer un montant de sinistre alors que vous n’avez pas subi de perte (il s’agit donc
d’un faux sinistre : perte = 0 et vous déclarez un montant de perte positif soit 4000€
par exemple)
• Ou bien augmenter le montant de sinistre (par exemple votre perte est de 1000 € et
vous déclarez 3500 €).
Votre déclaration est susceptible d’être contrôlée par l’assureur. L’ordinateur choisit
aléatoirement si on vérifie votre déclaration. Si vous êtes fraudeur on vous sanctionne lorsque
on vous contrôle. Si vous n’êtes pas contrôlé, vous recevez l’indemnité correspondant à votre
déclaration et aucune pénalité ne vous est appliquée.
Le gain de la période dépend ainsi des variables suivantes : le capital initial, la perte, la
déclaration, la prime, et la sanction éventuelle.
Chapitre 3 166
A partir de la 2ème période et ça sera de même pour toutes les périodes qui suivent :
• Si vous êtes fraudeur pendant la période précédente, deux cas de figure se présentent :
soit vous êtes contrôlé, auquel cas vous serez sanctionné par un refus d’indemnisation
et d’une amende de 1000 €, soit vous ne l’êtes pas et vous recevez la totalité de
l’indemnité dans ce cas;
• L’ordinateur vous calcule vos gains et vous affecte la nouvelle perte,
• Le montant de cette perte vous est indiqué,
• Vous devez taper le montant de votre déclaration dans la case correspondante et
attendre la suite.
• L’ordinateur établit aléatoirement si vous êtes contrôlé, puis recommence les calculs
des gains …
La session s’étale sur 30 périodes identiques mais la fréquence de contrôle varie tous les dix
périodes. Pour les dix premières périodes, vous avez 10% de chances d’être contrôlé (à
chaque période) ; pour les 10 périodes qui suivent, vous avez 30% de chances d’être contrôlé
et pour les dix dernières périodes, vous avez 50% de chance d’être contrôlé.
Si vous avez des questions concernant ces instructions, nous vous remercions de les poser
avant de commencer le jeu.
Merci pour votre participation.
Chapitre 3 167
Pour vous familiariser avec les instructions qui peuvent vous paraître difficiles, commençons
par l’exemple suivant :
Time
Votre perte est de 6000€
Vous devez payer une prime de 500€
Votre capital initial est de 9000€
Tapez votre déclaration et attendez la suite
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10….30
Déclaration
Sanction = indemnité + 1000 (si fraude)
Indemnité
Sanction = 0 (si non fraude)
Sanction
Gain final
Gain final = Capital initial – perte – prime + indemnité – sanction
Chapitre 3 168
A chaque période, l’ordinateur vous affecte aléatoirement une perte d’un montant compris
entre 0 et 7000 €. Vous devez ainsi renseigner votre déclaration de sinistre. De plus vous avez
la possibilité de frauder de deux façons différentes.
• Déclarer un montant de sinistre alors que vous n’avez pas subi de perte (il s’agit donc
d’un faux sinistre : perte = 0 et vous déclarez un montant de perte positif soit 4000€
par exemple)
• Ou bien augmenter le montant de sinistre (par exemple votre perte est de 1000 € et
vous déclarez 3500 €).
Votre déclaration est systématiquement contrôlée à chaque période, mais il est possible que
la fraude ne soit pas détectée. L’assuré fraudeur est sanctionné lorsqu’il est parfaitement
contrôlé. S’il n’est pas détecté malgré un contrôle, il reçoit l’indemnité correspondant à sa
déclaration et aucune pénalité ne lui est appliquée.
Le gain de la période dépend ainsi des variables suivantes : le capital initial, la perte, la
déclaration, la prime, et la sanction éventuelle.
• le montant de votre capital initial qui vous permet de souscrire un contrat d’assurance,
soit 9000 €.
• le montant de la prime que vous devez payer, soit P= 500 €.
• le montant du dommage (entre 0 et 7000€).
Vous devez également renseigner votre déclaration de sinistre à l’assureur.
A partir de la 2ème période et ça sera de même pour toutes les périodes qui suivent :
• Si vous êtes fraudeur pendant la période précédente, deux cas de figure se présentent :
soit vous êtes parfaitement contrôlé, auquel cas vous serez sanctionné par un refus
d’indemnisation et d’une amende de 1000 €, soit vous ne l’êtes pas et vous recevez la
totalité de l’indemnité dans ce cas;
• l’ordinateur vous calcule vos gains et vous affecte la nouvelle perte,
• Le montant de cette perte vous est indiqué ;
• Vous devez taper le montant de votre déclaration dans la case correspondante et
attendre la suite.
• L’ordinateur établit aléatoirement si vous êtes parfaitement contrôlé ou pas puis
recommence les calculs des gains …
La session s’étale sur 30 périodes identiques mais la probabilité de détection de la fraude varie
tous les dix périodes. Pour les dix premières périodes, chacun parmi vous a 10% de chances
d’être détecté (à chaque période) ; pour les 10 périodes qui suivent, il a 30% de chances d’être
détecté et pour les dix dernières périodes, il a 50% de chances d’être détecté.
(être détecté veut dire être parfaitement contrôlé)
Si vous avez des questions concernant ces instructions, nous vous remercions de les poser
avant de commencer le jeu.
Merci pour votre participation.
Pour vous familiariser avec les instructions qui peuvent vous paraître difficiles, commençons
par l’exemple suivant :
Chapitre 3 170
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10….30
Perte 6000
Déclaration
Gain final Gain final = Capital initial – perte – prime + indemnité – sanction
Chapitre 3 171
Annexe 3.2.
Test des rangs signés de Wilcoxon (1945)
Il existe une catégorie de tests statistiques qui ne se basent pas sur l’estimation de paramètres
et qui n’imposent pas de conditions d’applications strictes concernant la forme de la
distribution d’échantillonnage. Ces tests sont appelés « tests non paramétriques » ou « tests
indépendants de toute distribution ».
Le test des rangs signés de Wilcoxon est utile pour analyser les décisions des individus. Il
permet d’apporter un jugement tel que « supérieur à » lorsqu’il s’agit de comparer deux
échantillons reliés.
Les différentes étapes du test :
• Calculer les différences ( D i ) entre des paires de scores provenant de deux séries
d’observations X et Y. D i est égale à la différence entre la ième observation de la série
X et la ième observation de la série Y.
D i = X i − Yi
• Classer les D i positifs par ordre croissant. Classer les D i négatifs par ordre croissant,
mais sans tenir compte du signe.
• Attribuer un rang à chaque D i positif et à chaque D i négatif.
• Interclasser les deux séries en tenant compte uniquement de la valeur absolue des
différences (si deux D i ou plus sont égales, on leurs attribue le même rang).
Résultats du test :
Si les deux séries d’observations sont équivalentes (H0 est vraie : Prob > |z| est supérieure à
5%), alors la somme des rangs ayant un signe positif et la somme des rangs ayant un signe
négatif, ne sont pas très différentes. On rejette H0 lorsque les sommes des rangs sont très
différentes (Prob > |z| est inférieure à 5%) et on conclue que les deux séries d’observations ne
sont pas équivalentes.
Chapitre 3 172
Annexe 3.3.
Test U de Mann-Whitney (1947)
les statistiques de Mann et Whitney notées U x et U x . Les deux méthodes ont été mises en
place parallèlement et elles sont équivalentes. La méthode de Mann et Whitney est plus
simple d’utilisation.
Wx est la somme des rang des mesures x i dans l’ensemble d’individus et Wy la somme des
Annexe 3.4.
Tableau 2 –bis131: Taux de fraude réelle / Taux de fraude détectée.
Sinistre Déclaration audit 10% audit 30% audit 50%
TFR TFD TFR TFD TFR TFD
]0,3000] 87% 8% 87% 46% 67% 50%
0 ]3000,5000] 27% 0% 27% 25% 20% 67%
]5000,8000] 13% 50% 20% 67% 33% 60%
]1000,3000] 53% 0% 60% 33% 33% 40%
1000 ]3000,5000] 7% 0% 20% 0% 13% 0%
]5000,8000] 13% 0% 0% 0% 0% 0%
]2000,3000] 27% 50% 27% 0% 27% 75%
2000 ]3000,5000] 20% 0% 13% 50% 20% 0%
]5000,8000] 7% 0% 13% 100% 0% 0%
]3000,4000] 27% 25% 27% 50% 20% 33%
3000 ]4000,6000] 13% 0% 7% 0% 7% 100%
]6000,8000] 0% 0% 7% 0% 7% 0%
]4000,5000] 13% 0% 7% 100% 20% 33%
4000 ]5000,6000] 13% 0% 0% 0% 13% 50%
]6000,8000] 0% 0% 7% 100% 0% 0%
5000 ]5000,6000] 13% 0% 20% 33% 20% 33%
]6000,8000] 13% 0% 7% 0% 0% 0%
6000 ]6000,7000] 13% 0% 13% 0% 0% 0%
]7000,8000] 13% 0% 0% 0% 7% 0%
7000 ]7000,8000] 33% 0% 20% 67% 13% 50%
Tableau 2 – bis2 :
taux de fraude
réelle
Déclaration Sinistre audit 10% audit 30% audit 50%
0 87% 87% 67%
<=3000 1000 53% 60% 33%
2000 27% 27% 27%
0 50% 47% 53%
1000 20% 20% 13%
2000 27% 26% 20%
]3000,8000] 3000 40% 40% 34%
4000 26% 13% 33%
5000 26% 27% 20%
6000 26% 13% 7%
7000 33% 20% 13%
31
Légende du tableau 2 :
TFR = Taux de Fraude Réelle.
Représente combien d’assurés sur 15 ont déclaré entre x et y pour un sinistre L.
TFD = Taux de Fraude Détectée
Représente combien de fraudeurs parmi ceux qui pour un sinistre L ont fait une déclaration frauduleuse entre x et y, ont été détectés.
Chapitre 3 174
Annexe 3.5.
Annexe 3.6.
Tableau4-bis : TFR (ASP/AAP)
Annexe 3.7.
Test de wilcoxon appliqué en cas d’audit systématique déterministe, pour comparer l’ampleur
de la fraude dans les 3 cas (p =10%, p = 30% et p = 50%) :
Introduction Générale :
1
Schiller (2005) explore un modèle basé sur l’engagement dans une activité d’audit au sein du paradigme d’état
de vérification coûteuse. L’auteur considère que le système de détection de la fraude fournie une information sur
l’état de perte réelle. Il suppose que cette information ne peut pas être manipulée par l’assuré. L’idée centrale de
son papier consiste à : chercher quel effet exerce le système de détection sur le jeu d’audit ainsi que sur le contrat
d’assurance optimal ; explorer les conditions sous lesquelles, le système de détection avec coût fixe est
implémenté dans un marché compétitif.
Chapitre 4 181
travaux cités, consistent en ce que i) l’audit aléatoire est optimal et ii) qu’il est de l’intérêt de
l’assureur de récompenser l’assuré honnête en cas de vérification de sa déclaration. Ceci
souligne l’idée qu’il est optimal de payer une indemnité plus généreuse en cas d’audit. Cette
littérature a pris comme point de départ le problème d’asymétrie d’information (voir
Chiappori, Jullien, Salanié et Salanié, 2004)2 entre l’assureur et l’assuré qui peut être résolu
grâce au principe de révélation (voir Townsend, 1979 ; Mookherjee et Png, 1989 et Bond et
Crocker, 1997). En particulier, lorsque les assurés détiennent l’information privée sur leurs
dommages, les contrats d’assurance doivent souvent impliquer des procédures d’expertise
permettant aux assureurs de vérifier l’occurrence des sinistres. Selon Fagart et Picard (1999),
ces contrats assurent l’arbitrage entre deux objectifs conflictuels : le partage de risque entre
l’assuré et l’assureur d’un coté et la minimisation du coût de vérification espéré d’un autre
coté. Cet arbitrage permet l’apparition de la police d’audit qui associe un niveau de couverture
d’assurance à la procédure de vérification. Dans ce contrat, la vérification des sinistres n’est
pas systématique. L’assureur contrôle les dommages avec une probabilité qui dépend de
l’ampleur de la perte déclarée.
Il faut noter aussi, que la plupart des modèles économiques traitant le problème de fraude se
fondent sur le paradigme « d’état de vérification coûteuse » (voir Schiller, (2005), Schiller
(2003) et Stadler et Castrillo, (2002)), que nous utilisons -nous même- comme comme
mécanisme théorique pour notre modèle présenté dans ce chapitre. Ce paradigme présente un
contexte particulier pour les modèles économiques traitant l’asymétrie d’information. Nous
considérons une économie composée de deux parties, dont l’une est plus informée que l’autre.
La partie la moins informée ne peut obtenir l’information qu’en supportant un certain coût.
D’où la dénomination d’état de vérification coûteuse. En particulier, dans un contexte
d’assurance, la vérification concerne les déclarations de sinistre et le coût n’est autre que le
coût d’audit. Pour plus de détails sur ce sujet, nous citons les travaux de Coestier et Fombaron
(2003) et Boyer (2003). L’une des hypothèses les plus importantes de ce paradigme est celle
de l’engagement de l’assureur dans une stratégie d’audit dès la signature du contrat. Ceci
signifie que l’assureur annonce dès le début qu’il va vérifier les déclarations de dommage
avec une probabilité prédéfinie. Pour Picard (1996b), l’engagement produit un avantage de
Stackelberg pour l’assureur, exactement comme dans le contexte de l’impôt sur le revenu, où
l’administration fiscale joue comme un leader de Stackelberg en matière de stratégie d’audit
2
Dans ce papier les auteurs présentent une étude empirique sur l’assurance automobile en France. Cette étude a
pour objectif de tester les prédictions théoriques concernant l’existence d’une corrélation positive entre la
couverture d’assurance et le risque ex post. Ils montrent ainsi que cette corrélation estimée n’est pas
significativement positive.
Chapitre 4 182
fiscal. De nombreux travaux économiques se sont intéressés à l’étude de ce cas. Nous citons à
titre d’exemple ceux de Reinganum et Wilde (1985, 1986), Border et Sobel (1987) et
Mookherjee et Png (1989). Dans notre cas, nous supposons que l’assureur s’engage dans une
stratégie d’audit et notre travail consiste à définir la probabilité d’audit optimale. Cette
stratégie est définie de façon à ce que l’activité d’audit soit parfaite et dissuasive.
Un dernier point central de notre travail s’intéresse au sujet de l’efficacité des mesures
répressives et des sanctions appliquées. Le papier de Becker (1968) est le premier à avoir
analysé l’impact des sanctions sur le comportement criminel des individus. L’auteur prouve
qu’il est optimal d’adopter des sanctions sévères associées à une fréquence de contrôle faible
mais suffisante pour dissuader la fraude. Suivant cette idée, nous cherchons à caractériser
l’arbitrage entre l’ampleur de la sanction adoptée et la fréquence d’audit utilisée.
Cette modélisation fait l’objet de la première partie du chapitre et est suivie d’une deuxième
partie expérimentale servant à tester les résultats théoriques mis en exergue. Au plan
expérimental, il s’agit au travers d’un échantillon d’étudiants acceptant volontairement de
participer à cette expérimentation, d’analyser la fraude avec possibilité d’audit. L’expérience
s’est effectuée en laboratoire, sur ordinateurs, et à l’aide d’un logiciel spécifique REGATE3 à
partir duquel nous avons programmé le protocole issu des hypothèses du modèle théorique.
L’objectif essentiel de cette expérimentation est de valider ou de rejeter certaines propositions
théoriques en garantissant et en contrôlant la cohérence entre la réalité expérimentale et la
théorie de référence. Pour ceci, nous avons eu recours à un jeu d’assurance entre des assurés
et des assureurs, en les confrontant à un vrai problème de fraude à l’assurance avec possibilité
d’audit.
3
REGAT : logiciel expérimental, Romain Zeiliger, GATE, Université de Lyon 2.
Chapitre 4 183
x 0 < x1 < x 2 < ......... < x n . A chaque risque de perte xi est associée une probabilité qi
probabilité (1 − π) = q0 .
Contre paiement d’une prime P, l’assuré souscrit un contrat d’assurance lui garantissant une
indemnité en cas de dommage. Il peut être incité à frauder. En effet, l’assureur connaît la
probabilité de survenance de la perte, mais seul l’assuré dispose de l’information privée sur la
réalisation et la taille de cette perte.
Le jeu se déroule comme suit. Tout d’abord, l’état de nature (perte ou non perte) se réalise.
L’assuré peut ensuite choisir de faire une déclaration frauduleuse de façon à maximiser son
espérance d’utilité. Nous élaborons une classification en distinguant les deux hypothèses
suivantes :
• Celle où l’assuré organise le sinistre, que ce dernier soit imaginaire ou réel. Le sinistre
déclaré à l’assureur n’a en réalité jamais eu lieu. Mais une mise en scène est organisée
par l’assuré, pour faire croire à la survenance du dommage : il s’agit d’un faux
sinistre ;
• Celle où après la survenance du sinistre, dont la cause est extérieure à l’assuré, celui-ci
victime d’un préjudice, tente obtenir une indemnisation à laquelle il n’a pas droit : il
s’agit de l’exagération du montant de sinistre.
Chapitre 4 184
IA (xi , di) = IAi le transfert de l’assureur à l’assuré en cas d’audit. IA (xi , di) dépend à la
fois de la déclaration di et de la vraie valeur du sinistre xi .
La détection de la fraude implique une sanction pour l’assuré. On note cette pénalité
S avec S ≤ S . Pour des raisons de cohérence avec la réalité, nous supposons que la sanction
ne peut pas atteindre des valeurs extrêmement élevées. Ceci traduit le fait que la fraude à
l’assurance amène souvent l’assuré à rembourser les indemnités reçues et au pire des cas à
une sentence de prison limitée. Ce sont uniquement les actes criminels qui sont sanctionnés
par une peine d’emprisonnement. C’est pour cette raison que nous considérons que la sanction
S ne doit pas dépasser un niveau maximum S . Pour Picard (2000), S < S traduit le fait que
l’assuré est soit affecté par une contrainte de liquidité, soit que cette sanction est fixée par la
législation.
Nous supposons de plus que l’assureur a la possibilité de sanctionner directement le fraudeur
et qu’il peut choisir lui-même le niveau de la sanction. Conformément à la réalité, il a fallu
faire appel à un troisième agent qui joue le rôle du juge et qui a la charge d’appliquer la
pénalité au fraudeur. Pour simplifier notre modèle, nous supposons que l’assureur peut jouer
lui-même le rôle du juge. L’expert et l’assureur se fondent dans un seul agent économique,
l’assureur.
Nous schématisons ci-dessous le jeu d’assurance. Il s’agit d’un jeu à information imparfaite:
les agents connaissent les caractéristiques pertinentes du jeu mais l’assuré est le seul à détenir
l’information quant à la survenance et la taille du sinistre. Ce jeu comporte quatre étapes
comme l’indique la figure ci-dessous:
Chapitre 4 185
Nous avons présenté la forme normale d’un jeu séquentiel. Il nous reste à définir les gains des
deux joueurs et tracer l’arbre de décision.
4
Il est possible que lorsqu’il ne subit pas de sinistre, l’assuré puisse tenter d’avoir une indemnisation par le biais de la
fraude. On envisage ici le cas de faux sinistre qui traduit le fait que l’assuré déclare un dommage à l’assureur alors qu’en
réalité aucun sinistre n’a eu lieu. Ceci est illustré par le cas initial qui correspond à l’événement de perte x0 auquel est
associé la probabilité q0 . L’assuré choisit ainsi une déclaration d(x 0) ∈ {x1, x 2,..., x n }. Selon la déclaration reçue,
l’assureur choisit la probabilité d’audit λ[d(x 0)] pour savoir si le dommage déclaré correspond bien au dommage réel ou
pas. En fonction du résultat de l’audit, l’indemnité d’assurance est définie. En cas de fraude, la sanction S est appliquée.
xi avec une probabilité qi , la stratégie de l’assuré consiste à
D’une façon générale, lorsque la nature définit l’état de perte
choisir le montant de la déclaration dans l’ensemble {xi, xi +1, xi + 2,..., x n }. Déclarer d(x i) = xi représente le cas
d’honnêteté, alors que déclarer d(x i) > xi implique une fraude qui se traduit par une exagération du montant du
dommage. Puisque la taille de la perte représente une information privée pour l’assuré, alors l’assureur ne peut obtenir cette
information qu’en s’appuyant sur une expertise de la déclaration. La stratégie de l’assureur est définie ainsi par la probabilité
λ(di) de vérifier la déclaration di de l’assuré. En cas d’audit, l’assuré reçoit l’indemnité IA (xi , di) qui dépend à la fois
du sinistre survenu et de la déclaration de l’assuré. Par contre en cas de non audit, le transfert de l’assureur à l’assuré est
I A (d i ) et dépend uniquement de la déclaration di .
Chapitre 4 186
Pour garantir une indemnité, l’assuré paye la prime P. Il dispose d’une richesse initiale W0 et
ses préférences sont définies à l’aide d’une fonction d’utilité concave. Nous supposons que
l’assuré n’accepte le contrat d’assurance que lorsque son utilité espérée (avec assurance) est
supérieure à son utilité de réserve (sans assurance):
n
EU(avec assurance) ≥ U = ∑ q i U( W0 − x i )
i =0
contre lorsque la déclaration de dommage est non vérifiée, cette richesse finale s’écrit
Wf = W0 − P − xi + IA(xi) . L’utilité espérée de l’assuré lorsqu’il fait face à un sinistre xi
et déclare di s’écrit :
x0 Assureur
A ( W0 − P − S; P + S − C)
d(x 0) = x n A (W0 − P + IA (x n ) ; P − IA (x n ))
A ( W0 − P + I A ( x1 ); P − I A ( x1 ) − C)
d(x1) = x1 A ( W0 − P − x1 + I A ( x1 ); P − I A ( x1 ))
q1 Assuré A ( W0 − P − x1 − S; P + S − C)
x1 d(x1) = x 2
A ( W0 − P − x1 + I A ( x 2 ); P − I A ( x 2 ))
Assureur
A ( W0 − P − x1 − S; P + S − C)
d(x1) = xi A ( W0 − P − x1 + I A ( x i ); P − I A ( x i ))
A ( W0 − P − x1 − S; P + S − C)
d(x1) = x n
N
A ( W0 − P − x1 + I A ( x n ); P − I A ( x n ))
Assureur
A ( W0 − P − x i + I A ( x i ); P − I A ( x i ) − C)
d(xi) = xi A ( W0 − P − x i + I A ( x i ); P − I A ( x i ))
qi Assuré A ( W0 − P − x i − S; P + S − C)
xi d(xi) = xi +1
A ( W0 − P − x i + I A ( x i +1 ); P − I A ( x i +1 ))
d(xi) = xi + 2 A ( W0 − P − x i − S; P + S − C)
A ( W0 − P − x i + I A ( x i + 2 ); P − I A ( x i + 2 ))
A ( W0 − P − x i − S; P + S − C)
d(xi) = x n
A ( W0 − P − x i + I A ( x n ); P − I A ( x n ))
Assureur
A ( W0 − P − x n + I A ( x n ); P − I A ( x n ) − C)
qn Assuré
xn d(x n ) = x n
A ( W0 − P − x n + I A ( x n ); P − I A ( x n ))
Chapitre 4 188
Comme nous l’avons noté précédemment, Wf représente la richesse finale de l’assuré. En cas
d’audit, Wf = W0 − P − xi + IA(xi, di) ; par contre lorsque la déclaration de dommage est
non vérifiée, cette richesse finale s’écrit Wf = W0 − P − xi + IA(xi) . L’assuré est averse au
i =0
Il faut noter que le profit de l’assureur doit être non négatif pour que celui-ci accepte le
contrat d’assurance.
A travers cette modélisation, nous cherchons à définir les niveaux optimaux de sanction et de
probabilité d’audit qui peuvent dissuader la fraude. Pour ceci, nous supposons que le contrat
d’assurance optimal maximise l’utilité espérée de l’assuré sous la contrainte de participation
(CP) de l’assureur (l’assureur réalise toujours un profit positif) et les contraintes d’incitation
(CI) de l’assuré (l’assuré a toujours intérêt à déclarer la vérité).
Ces contraintes d’incitation sont propres au contrat révélateur et traduisent le fait que l’utilité
espérée de l’assuré en cas de fraude n’est jamais supérieure à son utilité espérée en cas
d’honnêteté. Formellement, ces contraintes s’écrivent:
{λ(xi) U(W0 − P − xi + IA(xi, xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi))}
≥ {λ(di) U(W0 − P − xi + IA(xi, di)) + (1 − λ(di)) U (W0 − P − xi + IA(di))}
n(n + 1)
Il existe contraintes d’incitation prenant cette forme5.
2
Il faut noter que les montants de moindre valeurs ( x k < x i ) sont évidemment exclus du
champ des fausses déclarations6 ( d i > x i ). Alternativement, nous ajoutons les contraintes
d’incitation suivantes à notre programme :
{λ(xk) U(W0 − P − xk + IA(xk, xk)) + (1 − λ(xk)) U (W0 − P − xk + IA(xk))}
≥ {λ(xi) U(W0 − P − xk + IA(xk, xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xk + IA(xi))}
n(n + 1)
De la même façon nous montrons qu’il existe contraintes de cette forme7.
2
En cas de fraude (di > xi) , I A ( x i , d i ) = −S
Sans perte de généralité, on considère que IA(xi, xi) = IA(xi) .
Le contrat d’assurance optimal est tel que l’espérance d’utilité de l’assuré est maximisée sous
les deux contraintes suivantes :
5
Pour l’état de perte x0 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans
l’ensemble {x 0, x1, x 2, x3,....., x n }, alors pour cet état il existe n contraintes d’incitation.
Pour l’état de perte x1 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble {x1, x 2, x3,....., x n },
alors pour cet état il existe (n-1) contraintes d’incitation.
Pour l’état de perte xi , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{xi, xi +1, xi + 2, xi + 3,....., x n }, alors pour cet état il existe (n-i) contraintes d’incitation.
En fin, Pour l’état de perte x n −1 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble {x n −1, x n },
alors pour cet état il existe une seule contrainte d’incitation.
En totalité, il existe n + (n − 1) + (n − 2) + ... + 1 = n(n + 1) contraintes d’incitation.
2
6
Nous désignons par cette contrainte alternative, le fait que le montant xi ne doit pas faire lui-même l’objet
d’une déclaration frauduleuse. C'est-à-dire, il n’est pas optimal de déclarer xi lorsque le dommage réel
est x k < xi
7
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x1 , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x 0 }, alors pour cette déclaration il existe 1 seule contrainte d’incitation.
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x 2 , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x0, x1}, alors pour cette déclaration il existe 2 contraintes d’incitation.
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte xi , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x 0, x1, x 2, x3,....., xi −1}, alors pour cette déclaration il existe i contraintes d’incitation.
En fin, Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x n , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans
l’ensemble {x 0, x1, x 2,..., x n −1}, alors pour cette déclaration il existe n contraintes d’incitation.
En totalité, il existe n + (n − 1) + (n − 2) + ... + 1 = n(n + 1) contraintes d’incitation.
2
Chapitre 4 190
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
≥ {λ(d ) U(W − P − x
i 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
pour tout d i > x i avec x i ∈{x 0 , x 1 ,..., x n } (CI1 )
S ≤ S et 0 ≤ λ( x i ) ≤ 1 pour tout x i
I A ( x i ) ≥ −S et I A ( x i ) ≥ −S pour tout x i
i =0
i =0
i =0 i =0
i =0
Chapitre 4 191
i =0 i =0
Sachant que U est croissante et concave, alors on peut écrire :
i i 0
i =0 i =0
n
Or : ∑ q U( W
i =0
i 0 − xi ) = U
Ainsi, nous montrons que si la contrainte de participation de l’assureur n’est pas saturée à
l’optimum, alors l’utilité espérée de l’assuré est inférieure à son utilité de réserve8.
La contrainte de rationalité individuelle de l’assuré (EU ≥ U ) est donc, intégrée
implicitement dans le programme, à travers la contrainte de participation de l’assureur.
En résumé, la caractérisation du contrat d’assurance optimal permet de répondre aux deux
questions suivantes : i) Quelle est la probabilité optimale que l’assureur doit choisir pour
dissuader les déclarations frauduleuses ? ii) Quel est le profil d’assurance optimal que
l’assureur doit utiliser pour avoir un contrat dissuasif ?
Nous définissons le contrat d’assurance comme étant la spécification des trois fonctions
suivantes :
λ (.) :[0, x n ] → [0,1]
I A (.) : [0, x n ] → [−S,+∞[
I A (.,.) : [0, x n ] × [0, x n ] → [−S,+∞[
La résolution du programme d’optimisation nous permet d’avoir la proposition 1, dont les
démonstrations figurent en annexe 4.2 de ce chapitre.
Proposition1 :
Le contrat d’assurance optimal possède les propriétés suivantes :
i) λ(xi) < 1 pour tout xi si on a :
{λ(x ) U(W
i 0 − P − x i + I A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}> U(W0 − P − x i − S)
ii) IA(xi) > IA(xi) pour tout xi tel que λ(xi) > 0
iii) si λ(di) > 0 pour une déclaration di alors il existe un dommage xi tel que :
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
= {λ(d ) U(W − P − xi 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
8
Ceci veut dire que l’assuré n’accepte pas le contrat d’assurance : si son utilité de réserve est supérieure à son utilité espérée
en cas où il achète le contrat d’assurance, alors il préfère la non assurance.
Chapitre 4 192
La proposition 1 est similaires aux résultats de Mokherjee et Png (1987) et ceux de Fagart et
Picard (1999).
Dans cette proposition, la condition C figurant dans (i) et qui stipule que pour tout xi ,
l’utilité espérée de l’assuré en cas d’honnêteté est supérieure à son utilité en cas de fraude
détectée, est illustrée par l’inéquation suivante :
{λ(x ) U(W
i 0 − P − x i + I A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}> U(W0 − P − x i − S)
Ceci indique qu’une pénalité significative peut être imposée aux fraudeurs détectés pour avoir
déclaré des sinistres frauduleux. En effet, Mokherjee et Png (1987) supposent que
W0 − x i = P − S . Ceci signifie que la richesse finale ( Wf = W0 − P − x i − S ) est nulle
( Wf = 0 ) pour tout assuré fraudeur détecté, et qu’elle est positive à l’optimum pour tout
assuré honnête. D’autre part, Fagart et Picard (1999) ont supposé que P − S ≡ S , c’est-à-dire
que la pénalité possède une limite supérieure soit à cause de la contrainte de liquidité de
l’assuré ou encore à cause de la fixation de cette sanction par la législation. Pour ces deux
auteurs, la condition C n’est établie que si la sanction S est fixée à un niveau suffisamment
élevé.
Dans la proposition 1, la première hypothèse (i), implique que l’audit doit être aléatoire si
l’utilité espérée de l’assuré en cas d’honnêteté est supérieure à son utilité en cas de fraude.
Ceci illustre l’idée que l’assuré préfère ne pas frauder lorsque l’audit est déterministe (la
probabilité d’audit est égale à 1). Dans ce cas, le fait de décroître légèrement la probabilité
d’audit, permet de réduire le coût espéré pour l’assureur. Par conséquent cela permet de
décroître la prime P, et implicitement accroître l’utilité espérée de l’assuré, sans induire ce
dernier à frauder. La deuxième hypothèse (ii) montre que l’indemnité d’assurance d’un assuré
honnête en cas d’audit, doit être plus généreuse que celle versée en cas de non audit. Cette
proposition illustre l’idée que l’assureur doit récompenser l’assuré honnête en cas de
vérification de sa déclaration. Ce résultat a été initialement avancé par Mookherjee et Png
(1987). En effet, si pour un dommage xi on a IA(xi) < IA(xi) et on augmente IA(xi)
d’incitation et permet par contre d’accroître l’utilité espérée de l’assuré, ce qui contredit
l’optimalité du contrat initial. En outre, si IA(xi) = IA(xi) , la même variation n’exerce aucun
effet de premier ordre sur l’utilité espérée et cela permet à l’assureur de réduire la probabilité
Chapitre 4 193
d’audit ( λ(xi) ) sans perturber la contrainte d’incitation. Le coût espéré décroît, ce qui
implique une décroissance de la prime P et par conséquent une croissance de l’utilité espérée.
Ce qui contredit aussi l’optimalité du contrat initial. Enfin, l’hypothèse (iii) montre que pour
une déclaration di vérifiée avec une probabilité positive λ(di) > 0, il existe un niveau de perte
xi , tel que l’assuré est indifférent entre dire la vérité ou frauder. En d’autres termes,
lorsqu’une déclaration di est contrôlée avec une probabilité positive, une décroissance de la
probabilité d’audit λ(di) peut inciter l’assuré à frauder pour au moins un niveau de dommage
xi . Egalement, si ce n’est pas le cas, alors une baisse de cette probabilité n’affecte pas la
contrainte d’incitation. Cette variation permet à l’assureur d’économiser en coût de l’audit et
s’ensuit par une baisse de la prime d’assurance. Ainsi, ce phénomène amène à accroître
l’utilité espérée de l’assuré, et ce qui contredit l’optimalité du contrat initial.
Lemme 1 :
Lorsque la fonction d’utilité de l’assuré est CARA, et si on a : IA(xi) > IA(xi) > IA(x̂i)
et que :
U( W0 − P + I A ( x̂ )) ≥ (1 − λ( x i )) U( W 0 −P + I A ( x i )) + λ( x i ) U( W0 − P − S) ∀x i ∈ X ( 2)
que soit le montant du dommage réel, si et seulement si, il est dissuadé de frauder lorsqu’il a
le droit d’avoir la plus petite indemnité d’assurance9.
De surcroît, le nouveau programme d’optimisation s’écrit comme suit :
n
Maximiser EU = ∑ qi {λ(xi) U(W0 − P − xi + IA(xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi))}
i =0
Sous Contraintes:
U( W0 − P + I A ( x̂ )) ≥ (1 − λ( x i )) U( W 0 −P + I A ( x i )) + λ( x i ) U( W0 − P − S)
∀x i ∈ X (CI)
La résolution de ce programme d’optimisation nous permet d’avoir la proposition 2 dont la
démonstration figure en annexe 4.3.
Proposition 2 :
La probabilité d’audit représente une fonction strictement croissante et concave avec
l’indemnité d’assurance versée en cas de non audit I A .
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
λ( x i ) =
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P − S)
0 IA
9
Ceci signifie que l’utilité de l’assuré lorsqu’il reçoit la plus petite indemnité est plus importante que son utilité
espérée, lorsqu’il déclare n’importe quel montant de dommage x i , avec I A ( x i ) > I A ( x i ) > I A ( x̂ i )
Chapitre 4 195
La proposition 2, montre que la procédure d’audit optimale est aléatoire et que la probabilité
d’audit représente le rapport entre le gain de la fraude en terme d’utilité lorsque l’assuré est
non contrôlé, et la désutilité liée au fait d’être sanctionné en cas de détection de la fraude. La
variation de cette probabilité par rapport à l’indemnité d’assurance versée en cas de non audit
est positive, ce qui implique la croissance de λ(.) en fonction de I A . Ceci est intuitif et traduit
le fait que, lorsque le coût d’indemnisation augmente pour l’assureur, ce dernier devient incité
à augmenter la probabilité de vérification des déclarations. En effet, lorsque le gain de la
fraude augmente, il devient de plus en plus difficile à l’assureur de dissuader l’assuré de faire
une déclaration frauduleuse. Par conséquent, il doit le contrôler plus fréquemment.
Corollaire 1 :
Pour dissuader la fraude, l’assureur peut faire appel à l’une des deux politiques suivantes :
• Imposer une sanction extrêmement élevée et contrôler moins fréquemment les
déclarations de dommage à l’aide de l’audit ;
• Imposer une sanction plus limitée associée à un audit plus fréquent.
Dans ce dernier paragraphe, nous présentons le profil d’indemnisation optimal offert par
l’assureur, lorsqu’il est possible pour l’assuré de frauder et lorsqu’il est possible aussi de le
détecter à l’aide de l’audit. Nous résumons nos résultats dans la proposition 3 (voir preuve, en
annexe 4.4) :
Chapitre 4 196
Proposition 3 :
En tenant compte du principe de révélation, un contrat incitatif doit avoir le profil
d’indemnisation suivant :
• En cas d’audit, le contrat d’assurance optimal est l’assurance complète :
IA (x i ) = x i ∀ xi ∈ X
• En cas de non audit, le contrat d’assurance optimal est le contrat de franchise :
I A ( x i ) = x i − f Ai ∀ x i ∈ X , avec 0 < f A0 < f A1 < f A2 < .... < f An
La proposition 3, signifie que l’assurance complète est optimale en cas de vérification des
déclarations avec audit aléatoire parfait et quand il est possible pour l’assureur de sanctionner
le fraudeur en lui appliquant une sanction maximale S . Par contre, en cas de non audit, le
contrat d’assurance optimale est le contrat de franchise : à chaque dommage xi est associée
une franchise f Ai telle que : 0 < f A0 < f A1 < f A2 < .... < f An .
IA
IA
a
c b
−S 0 x1 x 2 x3 xi −1 xi x n −1 x n
Le cas d’audit illustre le contrat d’assurance complète. Toutes les indemnités IAi relatives aux
points xi se trouvent sur la droite IA . Cependant, pour le cas de non audit, le nuage de points
désigné par IA sur la figure 2, illustre les indemnités d’assurance avec franchise, associées à
tous les points xi de l’ensemble {x 0, x1,..., xi..., x n }. Dans ce qui précède, nous avons montré
Chapitre 4 197
que l’indemnité d’assurance est croissante en fonction du dommage et que la franchise pour
un état i est plus importante que celle relative à l’état (i -1). Mathématiquement nous
IA(xi) > IA(xi −1)
écrivons :
f A(xi) > f A(xi −1)
Donc nous pouvons en déduire que : IA(xi −1) = xi −1 − f Ai −1 < IA(xi) < xi − f Ai −1 10
Le schéma suivant illustre les différents scénarios auxquels l’assuré est confronté.
Audit Sanction : −S
déclaration : di = x j > xi
Audit Indem : xi
déclaration : di = xi
10
La valeur de l’indemnité I A(xi) correspond à un point du segment]a b[. Ce dernier correspond à l’intersection de la
droite xi et l’aire comprise entre le segment [c a] (son équation respective est: xi − f Ai −1 ) et le segment [c b] (son
équation respective est: IA (xi −1) ).
Chapitre 4 198
faire une déclaration frauduleuse, il est plus probable que l’assuré soit sanctionné et paye la
pénalité (S) que d’avoir une indemnité d’assurance positive. De plus, s’il n’est pas contrôlé, la
franchise associée à une déclaration plus élevée est plus importante. On en déduit que pour les
deux cas (audit et non audit), l’assuré est toujours incité à dire la vérité. Le contrat
d’assurance appliquant ce profil d’indemnisation est révélateur (il amène l’assuré à dire la
vérité).
Section 2 : L’expérimentation
Mars-Avril 2003
La difficulté de vérifier les prédictions théoriques dans des environnements naturels a été à
l’origine de l’apparition de l’économie expérimentale. Il s’agit de la reconstitution en
laboratoire d’une situation économique pour laquelle l’ensemble des variables est contrôlé par
l’expérimentateur (voir Shawn M.D. et Dana Y.H. (2005)11). Selon Dionne G. (1998), une
autre difficulté dans la mesure empirique, réside dans le fait que les chercheurs n'ont pas plus
d'information que les décideurs. Il propose trois solutions pour pallier cette difficulté: 1)
utiliser des sondages confidentiels; 2) développer des stratégies économétriques permettant
d'isoler l'effet voulu ; 3) ou encore se fonder sur une approche expérimentale. A notre avis,
même des analyses empiriques par questionnaires, telles que les travaux de Carassus D. et
Cormier D. (2002), ne permettent pas de donner une vision plus réaliste des comportements
individuels. Ces deux auteurs présentent une étude qui a pour objectif d’analyser les normes et
les comportements des commissaires aux comptes français en matière d’évaluation du risque
de fraude. L’analyse du questionnaire recensé, est fondée sur les réponses de quatre-vingts
commissaires aux comptes, représentant près de 10 % de la population interrogée. Leurs
résultats montrent que les facteurs organisationnels des cabinets d’audit sont reliés au fait
d’être confronté à des cas de fraude et au fait de découvrir la fraude. En outre, il apparaît que
les auditeurs qui intègrent le risque de fraude dans leur mission d’audit externe légal,
démarche préconisée par les nouvelles normes internationales d’audit, sont davantage
susceptibles de découvrir les cas de fraude. L’évolution engagée en matière de prévention et
de détection de la fraude au plan international pourrait donc trouver un terrain d’application
favorable chez les commissaires aux comptes français. Il est vrai que cette étude empirique,
permet d’explorer de nouvelles méthodes pour améliorer la lutte contre la fraude, mais à notre
égard, elle ne donne qu’une idée générale sur la pratique d’audit et ne permet pas d’étudier le
phénomène à travers les décisions individuelles.
11
Les auteurs présentent une approche expérimentale, permettant de tester en laboratoire, l’effet des honoraires
de non audit sur la perception de l’indépendances des auditeurs par les investisseurs.
Chapitre 4 200
En effet, la majorité des travaux empiriques, tels que, Dionne, Giuliano et Picard (2005),
Viaene, Ayuso et Guillen (2005), Van Shiou Yang et San Yih Hwang (2006), Viaene, Dedene
et Derrig (2005), Rejussus (2003), Artis, Ayuso et Guillen (2002)…, se sont intéressées à
l’étude du phénomène de fraude et d’audit, en utilisant des bases de données recueillies auprès
de certaines compagnies d’assurance. En revanche, ces études empiriques, ne permettent pas
d’examiner les interactions des agents dans des conditions contrôlées. Sur cette voie, Amy K.
Choy et Ronald R. King (2003) joignent deux types de théories (« Mental model theory » en
psychologie cognitive (Johnson –Laird 1983) et « General Systems theory » de Bertalanffy
1968). Les auteurs formulent certaines hypothèses qu’ils appellent « System- Mediated
Mental Model » permettant de prouver comment la connaissance des systèmes, améliore la
prise de décision. Parallèlement, ces auteurs ont testé en laboratoires ces prédictions
théoriques en appliquant le contexte d’audit présenté dans l’approche de Bell et al. (1997).
L’économie expérimentale, représente donc une approche permettant à l’expérimentateur de :
• maîtriser les règles institutionnelles12 et de mettre l’accent sur la pertinence des
hypothèses de comportements13 et sur leurs changements générés par des
modifications au niveau de l’environnement14 ou de l’institution ;
• contrôler l’ensemble du processus de production des données (Hey et Mariateresa,
1991) ;
• et enfin de ne dépendre d’aucun organisme pour accéder aux données (Friedman et
Sunder, 1994).
Dans cette section, nous présentons une étude expérimentale, qui a pour objectif de
comprendre les décisions individuelles dans un contexte de fraude à l'assurance. On envisage
ici de poursuivre à différents niveaux, l’analyse du rôle que peut jouer la procédure
d’audit aléatoire dans la détection de la fraude.
A l’aide d’une expérience en laboratoire, nous cherchons à mesurer le phénomène de fraude
qui reste très mal appréhendé par les assureurs. Notre objectif est de déterminer la fréquence
d’audit optimale ainsi que le profil d’indemnisation, permettant de combattre la fraude et la
falsification. Cette information est nécessaire pour au moins deux raisons : d’une part pour
cerner de façon précise les comportements évasifs des assurés dans un contexte d’expertise et
d’autre part pour vérifier les prédictions théoriques.
12
L’institution représente l’ensemble des moyens de communication et de règles de décision des joueurs.
13
Les comportements reflètent les actions des joueurs.
14
L’environnement représente les différentes caractéristiques de l’expérimentation, nombre de joueurs, le bien
mis en jeu, les dotations…
Chapitre 4 201
Les sujets :
Nous avons organisé 12 sessions expérimentales avec des étudiants (soixante douze étudiants)
du département d’économie et de gestion, de l’Ecole Normale Supérieure de Cachan. L’âge
moyen des participants est de 21 ans et 66% sont des garçons. Les sujets sont des étudiants en
Licence Economie et Gestion, de niveau DEUG. Le recrutement des sujets a été fait à l’aide
d’une annonce affichée au département et qui décrit, l’objet de l’expérimentation, sa durée
ainsi que son intérêt. Les étudiants intéressés ont pris contact avec nous, pour s’inscrire sur
des fiches, indiquant, leurs noms et leurs coordonnées téléphoniques. Nous les avons contacté
par la suite, pour convenir d’un rendez-vous et leur préciser, l’heure exacte, et les lieux du
déroulement de l’expérimentation. A chaque session, participent six sujets, dont l’un joue le
rôle de l’assureur et les cinq autres, le rôle d’assurés. Le choix que les sujets soient des
étudiants et non pas de vrais assurés ou assureurs revient tout simplement à la facilité de les
joindre, et à leurs disponibilités.
informé du résultat du round joué : L’assuré est informé du résultat de l’expertise (s’il est
fraudeur, s’il a été détecté ou pas, son gain de la période et la sanction monétaire). Par contre,
l’assureur est informé du degré de la fraude concernant les déclarations contrôlées, sans pour
autant qu’il n’arrive à identifier les personnes. A tout moment, les joueurs ont la possibilité de
consulter un écran secondaire contenant l’historique des tours déjà joués.
Description de la session :
Rémunération :
Quand la session est terminée, chaque joueur est rémunéré de manière individuelle et
anonyme. La somme finale gagnée par chaque participant dépend de ses propres décisions.
Cette rémunération comprend deux éléments : une participation forfaitaire de 8€, à laquelle
s’ajoute une prime liée à la performance du joueur. Cette prime est proportionnelle à la
moyenne des capitaux détenus à la fin de chaque période. Les gains finaux sont ainsi, compris
entre 10€ et 20€. En effet, dans un contexte de fraude à l’assurance, il s’avère très délicat de
choisir quel mode de rémunération on doit utiliser. D’une part, la rémunération des sujets en
fonction de leurs gains expérimentaux, peut les inciter à frauder et d’autre part, payer une
même et seule somme pour tous les participants ne permet pas de révéler leurs vrais
comportements. Pour tenir compte de cet arbitrage, nous avons opté pour une rémunération
composée d’une partie forfaitaire (récompense pour la participation) et d’une autre partie
variable, dépendant de la performance de chaque joueur (la moyenne de ses gains). Cette
rémunération a été faite en argent liquide, pour que la récompense des efforts soit immédiate.
En plus, payer les sujets proportionnellement à leur gain moyen, permet de les inciter à
considérer toutes les périodes du jeu et de réduire la variance dans les réponses.
Chaque assuré est propriétaire d’un bien. Il est confronté à des situations de risque qui
l’obligent à souscrire auprès de son assureur et contre paiement d’une prime un contrat
d’assurance qui l’indemnise en cas de dommage. Au début de chaque période, l’assuré est
doté d’un capital, lui permettant d’acheter sa police d’assurance. Cette dotation initiale permet
aux joueurs de ne pas se retrouver avec des gains négatifs en fin de période15. Une fois l’état
de nature réalisé, l’assuré déclare le montant de dommage à l’assureur, et peut décider de
frauder : soit déclarer un sinistre qui n’a en réalité jamais eu lieu, soit augmenter le montant
du dommage.
15
Dans notre partie théorique, nous supposons que les assurés sont caractérisés par une même fonction d’utilité
qui est concave, et donc par une même aversion au risque. Se placer dans les conditions exactes de la théorie,
s’avère difficile voir impossible dans un contexte expérimental. Pour pallier ce problème, nous avons confronté
les sujets aux mêmes risques de pertes (pas de distinction de haut risque et de bas risque). En plus, le fait que
l’utilité des assurés avec assurance, soit supérieure à son utilité sans assurance, le pousse à s’assurer. Pour les
assureurs, pour induire la neutralité au risque, nous avons opté pour l’octroi d’une dotation initiale élevée.
Chapitre 4 204
L’assureur ne peut détecter le comportement frauduleux que sur la seule base des déclarations
de sinistres effectuées par l’ensemble des assurés. Sa stratégie est ainsi, définie par le choix de
mener les contrôles qui lui paraissent pertinents. La détection de la fraude implique
l’application d’une sanction : refus d’indemnisation et paiement d’une amende.
Plus précisément, chaque période est marquée par les trois étapes suivantes :
• Première étape : survenance du sinistre et déclaration de l’assuré.
L’assuré est confronté à des pertes probables qui s’échelonnent entre 0 et 5000 €. Il a une
chance sur trois de subir une perte. Il dispose d’un capital initial pour acheter son contrat
d’assurance. Il paye la prime P, pour bénéficier d’un remboursement en cas de sinistre.
L’assuré doit déclarer sa perte à l’assureur.
• Deuxième étape : audit aléatoire parfait mené par l’assureur.
Une fois que les assurés ont effectué leurs déclarations lors de la première étape, l’assureur
peut procéder à une vérification de ces déclarations. L’audit est supposé parfait : la fraude est
systématiquement détectée en cas de contrôle.
• Troisième étape : indemnisation et sanction.
L’audit permet de révéler deux résultats : fraude ou non fraude.
Un fraudeur contrôlé est puni par un refus d’indemnisation et par une amende. Un fraudeur
non contrôlé échappe à la sanction et reçoit l’indemnité correspondant à sa déclaration et à
laquelle il n’a pas droit.
Il se peut que la déclaration d’un assuré honnête soit vérifiée. L’assuré honnête reçoit une
indemnité quelle que soit la stratégie de l’assureur (audit ou non audit) à laquelle est ajouté un
bonus récompensant son honnêteté.
simples des modèles de « scoring »16 (Weisberg et Derrig, 1998, Brockett et al. 1998) et les
modèles Logit et Probit (Viaene, Dedene et Derrig, 2005, Artis et al. 1999, Belhadji et al.
2000). Suivant cette voie de recherche, nous présentons dans ce paragraphe, une approche
expérimentale qui a pour objectif de valider ou réfuter les prédictions théoriques présentées
dans la première section de ce chapitre. En effet, l’analyse expérimentale permet, à côté de la
vérification des hypothèses du modèle, de mettre en évidence les régularités des
comportements et d’explorer d’autres résultats non prédites par la théorie. Toutefois, il
s’avère parfois difficile de pouvoir tester directement ces propositions à travers les
observations expérimentales. Pour ceci, nous avons retenus les quatre questions suivantes :
Question n°1 :
Est-ce que l’audit aléatoire est efficace pour induire des comportements honnêtes de la part
des assurés ?
Question 2 :
Est-il dissuasif de verser une indemnité plus généreuse en cas d’audit (récompenser les
assurés honnêtes par un bonus)?
Question 3 :
Quel est l’effet de l’indemnité d’assurance sur la fréquence d’audit ?
Question 4 :
Est-il possible pour l’assureur d’imposer une sanction très sévère et diminuer la fréquence de
contrôle ?
Pour répondre à cette série de questions, nous nous reposons sur les deux axes suivants :
D’une part, nous étudions les stratégies des assureurs, notamment, la décision d’audit, son
effet dissuasif, et les éléments sur lesquels se fonde l’assureur pour faire son choix. D’autre
part, nous mettons l’accent sur les stratégies des assurés, et notamment sur la décision de
fraude et l’ampleur de la fraude (la différence entre la déclaration et le dommage réel) à
travers certaines composantes, telles que, la sinistralité, la fréquence de l’audit, la détection de
la fraude, le taux de couverture…Cette analyse nous permet de cerner le phénomène de la
fraude et d’étudier l’efficacité de l’audit.
16
Pour plus de détail sur les modèles de « scoring », voir chapitre 2, section 4, paragraphe 4.1.
Chapitre 4 206
a/ la décision de fraude :
Il s’agit dans ce paragraphe d’exploiter un modèle Probit17 de panel avec effets aléatoires,
permettant d’expliquer la décision de fraude prise par l’assuré. Cette estimation est proche de
celle présentée dans le papier d’Ayuso M., Guillén M. et Pinquet J.(2006), qui adoptent une
approche statistique se basant sur l’estimation d’un modèle à deux équations sur la fraude et
l’audit (probit bivarié avec censure)18, et de celle de Viaene et al. (2005), qui exposent une
estimation de la décision de fraude, en fonction de certaines variables (âge du conducteur,
Sexe, nombre de sinistres survenus au passé, week-end, montant du dommage…), à partir de
base de données de l’assurance automobile en Espagne.
Dans notre modèle, la variable latente ( Fraude*it ) indique la propension à frauder d’un
individu i (i =1…..60), à la période (round) t (t =1…17). Fraude*it est expliquée par un vecteur
17
Dans la pratique, les modèles probit et Logit sont très similaires en termes d’ajustement statistique. En effet,
les distributions normale et logistique font partie de la même famille de lois exponentielles. On note des
différences uniquement dans le cas de très grands échantillons, car le comportement de ces deux distributions de
probabilité ne diffère qu’aux extrémités du support (faibles et fortes valeurs de la fonction de répartition F). Pour
la loi normale, les probabilités extrêmes sont moins pondérées, la fonction de répartition tendant plus vite vers 0
ou vers 1. (pour plus de détails, voir ALBAN THOMAS « Econométrie des variables qualitatives », DUNOD,
2000).
18
Les biais de sélection sont créés par des disparités entre le domaine d'estimation d'un modèle statistique et son
domaine d'application. C'est le cas pour les modèles évaluant le risque de fraude, qui sont estimés sur les seuls
sinistres audités mais appliqués sur tous les sinistres entrants. Or les sinistres audités sont une minorité, étant
choisis suite à une sélection sévère effectuée par des experts. Ce papier présente une approche statistique qui
contrebalance le biais de sélection sans recourir à une stratégie d'audit aléatoire. Les auteurs estiment un modèle
à deux équations sur l'audit et la fraude (un modèle probit bivarié avec censure), sur une partie d'une base de
sinistres où les experts sont laissés libres de leur décision d'auditer. Ils corrigent ainsi la surestimation attendue
du risque de fraude en cas d'estimation d'une seule équation. Les résultats sont proches de ceux obtenus par audit
aléatoire, au prix d'une instabilité des résultats par rapport à l'ensemble des composantes de régression. Ils
comparent ensuite des politiques d'audit à partir des différentes approches.
Chapitre 4 207
La variable latente Fraude*it est inobservable, mais nous pouvons observer si l’individu i
Dans les deux tableaux suivants nous présentons respectivement, la série des variables
explicatives (définitions et notations respectives) et leurs descriptions statistiques (moyenne,
écart-type, valeur maximale, valeur minimale).
Les résultats de cette régression19 (estimateurs, écart-types…) sont présentés dans la table
suivante:
------------------------------------------------------------------------------
Fraude | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
Dom | -.0007484 .0000673 -11.118 0.000 -.0008804 -.0006165
FA | -.5458889 .253975 -2.149 0.032 -1.043671 -.048107
CTR | .1705812 .1007168 1.694 0.090 -.0268201 .3679826
Tdet | -.2668184 .1918675 -1.391 0.164 -.6428717 .1092349
_cons | .5963731 .1360732 4.383 0.000 .3296745 .8630717
---------+--------------------------------------------------------------------
/lnsig2u | -1.817375 .3520015 -5.163 0.000 -2.507285 -1.127465
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | .4030528 .0709376 .285463 .569081
rho | .1397491 .0423174 .075349 .2446292
------------------------------------------------------------------------------
Likelihood ratio test of rho=0: chi2(1) = 24.07 Prob > chi2 = 0.0000
La régression montre que le modèle est globalement significatif (cf. test de Wald, Prob > chi2
= 0.000) et que les coefficients des différentes variables explicatives sont aussi significatifs (à
l’exception de la variable Tdet). Cette estimation nous a permis de retirer les constatations
suivantes :
Constat 1: Les assurés ont tendance à frauder moins lorsqu’ils font face à des dommages de
taille importante.
En effet, le signe négatif du coefficient de la variable Dom it , indique que lorsqu’ils subissent
des dommages de tailles importantes, les assurés préfèrent déclarer la vérité, car la fraude est
19
Lnsig2u : représente le log de l’écarttype : ln( σ u ), sigma_u représente l’écart-type ( σ u ) et
σ 2u
rho = ρ = , lorsque rho est égal à zéro, ceci signifie que la composante de la variance du niveau de
σ 2u + 1
panel (panel-level variance) est non importante et que l’estimateur de panel (panel estimator) n’est pas différent
de l’estimateur de la regression groupée (pooled estimator).
Un test de rapport de vraisemblance sur le fait que rho = 0, est inclus en bas de la table. Ce test compare
l’estimateur de la regression groupée (probit) avec l’estimateur de panel.
Chapitre 4 209
plus risquée dans ce cas (risque de non indemnisation est plus important). Ceci est relié au fait
que pour les sinistres importants, la sanction (refus d’indemnisation + amende) devient assez
sévère et donc dissuasive. Tandis que pour les petits dommages, ou pour les cas où l’assuré ne
subisse pas de sinistre, ce dernier ne risque perdre que le montant de l’amende qui peut être
négligeable devant une fausse déclaration importante et garantissant une indemnisation en cas
de non détection.
1,2
0,8
TFM
0,6
0,4
0,2
0
0 100 240 250 300 400 520 820 940 950 1000 1050 1300 1500 2100 4300 5100
Dommage
TFM
Constat 2: Un audit parfait assez fréquent permet d’avoir un effet dissuasif sur les fraudeurs.
lorsque la procédure d’audit est parfaite, c’est-à-dire que la détection des fraudeurs est
systématique, une augmentation de la fréquence de contrôle ( FA it ) permet de diminuer la
probabilité de fraude.
Chapitre 4 210
TFM
1,2
1
0,8
TFM
0,6
0,4
0,2
0
0,2 0,4 0,4 0,5 0,53 0,56 0,59 0,6 0,63 0,65 0,67 0,7 0,72 0,75 0,78 0,85 1
FAM
Constat 3 : être contrôlé par l’assureur en (t-1) peut encourager l’assuré à frauder en t.
pouvons conclure que le fait d’être contrôlé par l’assureur à la période (t-1) peut encourager
l’assuré à frauder en t. En effet, ce dernier révise à la baisse ses croyances en ce qui concerne
la vérification de sa déclaration, puisqu’elle a été vérifiée à la période précédente.
Encore plus, la variable T det it est non significative, prouvant le fait que la détection de la
b/ L’ampleur de la fraude :
Pour l’assuré, la décision de fraude révèle la prise de deux décisions successives : choisir de
frauder ou non et choisir aussi quel montant déclarer à l’assureur. De surcroît, nous avons
opté pour l’étude de la régression suivante :
ε it la variable aléatoire portant les propriétés usuelles (moyenne 0, non corrélée avec elle-
même, non corrélée avec les variables explicatives, non corrélée avec ν et homoscédastique).
------------------------------------------------------------------------------
AF | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
Sdom | -261.9431 28.49489 -9.193 0.000 -317.792 -206.0941
SAN | -.7493076 .0148547 -50.442 0.000 -.7784223 -.7201929
Det | 71.21304 28.78397 2.474 0.013 14.79751 127.6286
G | .2656785 .0335691 7.914 0.000 .1998843 .3314727
BR | -165.1583 117.7881 -1.602 0.101 -396.0187 65.70207
_cons | 60.81399 24.04142 2.530 0.011 13.69368 107.9343
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | 0
sigma_e | 340.73236
rho | 0 (fraction of variance due to u_i)
------------------------------------------------------------------------------
Le modèle est globalement significatif (cf. test de Wald, Prob > chi2 = 0.000) ainsi que les
différents estimateurs. Le R 2 (within, between et overall)21 est de l’ordre de 0,75 prouvant la
bonne qualité de l’ajustement.
Le test de Multiplicateur de Lagrange pour les effets aléatoires (var ( ν i ) = 0) de Breusch et
Pagan (1980) et le test de spécification de Hausman (1978)22, montrent que le modèle est bien
spécifié.
20
Dans la table, on désigne par sigma_u = σ ν et par sigma_e = σ ε
σ ν2
rho = ρ = , lorsque rho = 0, la composante de la variance associée au niveau de panel n’est pas
σ ν2 + σ ε2
importante, et l’estimateur de panel ne diffère pas de l’estimateur de la régression groupée (pooled estimator).
21
y it = α + x it β + υ i + ε it le modèle à estimer. R 2 représente la mesure habituelle de la qualité de
Soit
Les estimateurs des variables Det et G, sont de signe positif, par contre les coefficients des
variables Sdom, SAN et BR (BR est significative uniquement à 10%) présentent un signe
négatif.
Nous constatons que l’ampleur de la fraude dépend négativement de la variable (Sdom). Ceci
souligne l’idée que l’augmentation de la déclaration de dommage est préférable beaucoup
plus pour les petits montants de sinistres que pour les grands montants, à cause de
l’importance de la sanction dans le second cas par rapport au premier. Lorsque l’assuré ne
subit pas de dommage, le fait de déclarer un montant élevé (ampleur de la fraude élevée) ne
lui fait risquer que l’amende. Par contre, pour un sinistre de taille relativement importante, la
fraude devient plus risquée, lorsqu’elle est détectée (elle entraîne, en plus de l’amende un
refus d’indemnisation). D’où le constat 4 :
22
Ces deux tests s’effectuent à la suite de l’estimation du modèle. Le test de mulltiplicateur de lagrange, vérifie
si var ( ν i ) = 0. Lorsque prob > chi2 = 0.000, on rejette l’hypothèse nulle, ce qui confirme que ν i est non corrélé
avec les variables explicatives x it . Ensuite, le test de Breuch Pagan, permet de tester si le modèle est bien
spécifié et s’il présente des résultats significatifs. Il s’agit de tester la différence entre les estimateurs du modèle à
effet aléatoire et ceux du modèle à effet fixe. Le modèle est bien spécifié si cette différence est non significative.
Chapitre 4 214
600
500
400
AFM
300
200
100
0
491,071 544,706 550,595 567,059 622,941 711,765 729,412 756,471 756,471 764,286 800 900
Dommage moyen
L’estimateur de la variable Det est de signe positif. Ceci indique que, lorsque l’assuré est
détecté par l’assureur et sanctionné en conséquence, il essaie dans la période qui suit de
récupérer sa perte (sanction). Ce qui prouve que l’assureur tend à accroître sa déclaration
lorsque le gain espéré de la fraude augmente (le signe du coefficient de la variable G est
positif). D’autre part, la variable SAN a un effet négatif sur la variable AF. Ce résultat traduit
l’idée que l’ampleur de la fraude diminue lorsque la sanction appliquée à l’assuré augmente.
D’où le constat suivant :
800
700
Ampleur de la Fraude
600
500
400
300
200
100
0
201,06 208,24 213,53 214,47 216,18 228,68 266,94 313,88 359,17 368,76 497,26 609,53
Sanction Moyenne
Enfin, le coefficient de la variable BR (significative à 10%) est négatif, ce qui prouve que
l’ampleur de la fraude diminue lorsque l’assureur s’engage à verser un bonus pour un assuré
honnête contrôlé. Par conséquent, récompenser les assurés honnêtes par versement
d’indemnité plus généreuse en cas d’audit permet d’atténuer les manoeuvres frauduleuses. Ce
résultat est illustré par le constat 6.
a/ Décision d’audit :
Pour étudier la stratégie de l’assureur, nous devons en premier lieu vérifier l’optimalité de
l’audit aléatoire, lorsque les profils d’indemnisation et de sanction permettent de dissuader
l’assuré de tout comportement frauduleux. En second lieu, nous mettons l’accent sur la
décision de fraude en fonction de certains paramètres.
D’après le tableau 1 et la figure 7, ci-dessous, nous remarquons que, la fréquence d’audit (FA)
est toujours inférieur à 1. Ceci prouve, que les assureurs, n’ont pas eu recours à l’audit
déterministe (contrôle systématique des déclarations), et ont préféré, de mener un audit
aléatoire.
Fréquence d'Audit
1,2
1
0,8
FA
FA
0,6
FA=1
0,4
0,2
0
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
groupe
D’après le test de Shapiro et Wilk (1965), la condition de normalité est violée pour la variable
(FA). En effet, nous rejetons l’hypothèse nulle selon laquelle (FA) suit la loi normale (Pr > z
= 0.00085) comme le montre la table ci-dessous :
Chapitre 4 217
Nous optons ainsi, pour un test des rang signés de Wilcoxon23 (1945). Sous l’hypothèse H 0 ,
nous admettons que les assureurs optent pour l’audit déterministe. Ainsi :
H 0 : La fréquence d’audit = 1
H A : La fréquence d’audit ≠1
Les résultats de ce test (donnés dans la table suivante), montrent que nous ne pouvons
accepter l’hypothèse nulle. En effet, Prob > |z| = 0.0000. De plus la somme des rangs négatifs
(FA < 1) est très importante par rapport à la somme des rangs nuls (FA = 1). La somme des
rangs positifs (FA > 1) est nulle.
Nous confirmons bien que les assureurs optent pour un audit aléatoire (FA < 1).
Ho: FA = 1
z = -10.771
Prob > |z| = 0.0000
Pour approfondir notre analyse, nous exploitons un modèle Probit, permettant d’expliquer la
décision d’audit prise par l’assureur. La variable latente ( Audit *it ) indique la propension à
auditer de l’assureur i (i = 1…12) à la période t (t = 1….17). Audit *it est expliquée par un
23
Voir les détails de ce test en annexe 3.2 chapitre 3.
Chapitre 4 218
ayant comme distribution statistique la loi de Gauss (distribution normale), avec une moyenne
0 et une variance σ 2 .
Audit *it = δX it + v it
La variable latente Audit *it est inobservable, mais nous pouvons observer si l’individu procède
Dans le tableau suivant nous présentons la série des variables explicatives, et leurs notations
respectives :
La variable Dec it permet d’étudier l’effet de l’indemnité d’assurance sur la décision d’audit.
------------------------------------------------------------------------------
Audit | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
-----------------------------------------------------------------------------
Dec | .0007859 .000054 14.562 0.000 .0006801 .0008916
Tdet | -.3136802 .1723289 -1.820 0.069 -.6514386 .0240782
CAR | 1.071966 .1971583 5.437 0.000 .6855427 1.458389
_cons | -.6048654 .1364464 -4.433 0.000 -.8722954 -.3374354
-----------------------------------------------------------------------------
/lnsig2u | -1.147369 .3187884 -3.599 0.000 -1.772183 -.5225555
-----------------------------------------------------------------------------
sigma_u | .5634455 .0898099 .4122639 .770067
rho | .2409699 .0583075 .1452711 .3722549
------------------------------------------------------------------------------
Likelihood ratio test of rho=0: chi2(1) = 42.65 Prob > chi2 = 0.0000
L’estimation montre que le modèle est globalement significatif (cf. test de Wald, prob > chi2
= 0.000) ainsi que les coefficients des différentes variables explicatives. Nous pouvons en
retirer les constations suivantes :
1,2
1
0,8
FA
0,6 FA
0,4
0,2
0
944,44 1028,7 1061,7 1253,6 1311,5 1379,5 1411,5 1447,1 1503,3 1814,7 1845,4 4564,9
déclaration
Constat 9 : L’audit est plus saillant pour les assurés auxquels l’assureur fait moins
confiance.
Ce constat traduit l’hypothèse que lorsque le taux de détection de la fraude augmente, suite à
une augmentation du taux de fraude, l’assureur augmente la probabilité de contrôler
(puisqu’il ne fait plus confiance en cet assuré). Ce qui indique le signe négatif du coefficient
de la variable Tdet (significatif à 10%). Plus précisément, lorsque sur un certain nombre de
périodes, le taux de détection des déclarations frauduleuses contrôlées augmente, l’assuré en
question prend une mauvaise réputation (fraudeur) et son assureur ne fait plus confiance en
lui. Il doit par conséquent accroître la probabilité de le contrôler.
Enfin, le coefficient de la variable CAR (coût d’audit relatif) est de signe positif. On s’attend
normalement à ce que ce coût d’audit ait un effet négatif sur la décision d’audit. Toutefois,
tout en ayant comme objectif la maximisation de ses gains, l’assureur se trouve très souvent
devant l’impossibilité de pouvoir minimiser ces coûts. En effet, lorsque le taux de la fraude
augmente, il est beaucoup plus bénéfique pour l’assureur de vérifier les déclarations des
assurés et supporter ainsi des coûts, que de rembourser des indemnités non mérités sans les
contrôler. Ce comportement se manifeste surtout pour les déclarations de montants élevés. Par
contre, pour les petites déclarations, le coût de l’audit est parfois plus élevé que l’indemnité.
Dans ce cas, même si l’assureur est sûr qu’il s’agit d’une déclaration frauduleuse, il décide de
n’engager aucune activité de contrôle. Du coté des assurés, on a remarqué que plusieurs
d’entre eux, font des déclarations de montant très proche du coût d’audit (mais tout en étant
inférieur). Ce résultat se résume dans le constat suivant :
Chapitre 4 221
Constat 10: La probabilité d’audit est moins élevée pour les petits dommages (dont le
montant est inférieur au coût d’audit), bien que le taux de fraude soit plus élevé (par rapport
aux dommages de montant élevé).
b/ La fréquence de l’audit :
Pour mieux étudier l’activité de l’audit, nous avons utilisé la régression par GLS suivante, où
nous expliquons la fréquence d’audit, à l’aide de certaines variables explicatives (le taux de
fraude détectée, l’indemnité d’assurance, le coût de l’audit et le gain de l’assureur). Soit le
modèle suivant :
FA it = α 1 + α 2 TFD it + α 3Sdec it + α 4 CA it + α 5 G it + w it
La liste des variables incluses dans ce modèle est représentée dans le tableau suivant :
aléatoire ( ν i ) et d’une variable aléatoire ( u it ) portant les propriétés usuelles (moyenne 0, non
corrélée avec elle-même, non corrélée avec les variables explicatives, non corrélée avec le
paramètre individuel et homoscédastique).
La description statistique (moyenne, écart-type, valeur max, valeur min) des différentes
variables explicatives est donnée dans la table ci-dessous :
Les résultats de l’estimation par GLS sont résumés dans le tableau suivant :
------------------------------------------------------------------------------
FA | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
Sdec | .0000278 5.21e-06 5.334 0.000 .0000176 .000038
CA | .0025915 .0002174 11.918 0.000 .0021653 .0030177
G | .0000125 5.16e-06 2.417 0.016 2.36e-06 .0000226
_cons | .4140069 .0374689 11.049 0.000 .3405692 .4874446
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | .06678548
sigma_e | .15769043
rho | .15209076 (fraction of variance due to u_i)
------------------------------------------------------------------------------
L’estimation montre que le modèle est globalement significatif (cf. test de Wald, Prob > chi 2
= 0.000) et que les différentes variables explicatives ont un effet significatif sur la variable à
expliquer. Le R 2 intergroupe (between) et le R 2 de la régression groupée (overall), sont
respectivement égaux à 0.8998 et 0.5675, ce qui souligne la bonne qualité de l’ajustement.
Le test de Multiplicateur de Lagrange pour les effets aléatoires (var ( ν i ) = 0) de Breusch et
Pagan (1980) et le test de spécification de Hausman (1978), montrent qu’il n’existe pas de
différence significative entre les estimateurs du modèle à effet fixe et celui à effet aléatoire.
Ceci prouve que notre modèle est bien spécifié.
La variable Sdec a un effet positif sur la variable FA. Ce qui prouve que lorsque l’assureur
estime que le montant d’indemnité d’assurance à rembourser est assez élevé, il augmente la
fréquence d’audit, dans le sens où il est plus intéressant à lui, de supporter des coûts d’audit
que de rembourser des indemnités importantes. C’est ce qui explique aussi l’effet positif des
variables CA (coût d’audit) et G (gain de l’assureur en fin de période) sur la fréquence de
l’audit. Nous constatons que malgré la hausse des coûts, l’assureur continue à augmenter la
fréquence de contrôle. Ceci indique que pour les déclarations élevées, l’assureur trouve plus
opportun de les vérifier (supporter des coûts d’audit en conséquence) que de les rembourser
sans contrôle. D’où le constat 11 :
Nous visons dans ce paragraphe à préciser comment les constations empiriques issues de la
partie expérimentales, permettent de valider les prédictions théoriques de notre modèle
théorique. Nous procédons dans un premier temps, à dresser un tableau récapitulant les
différents résultats, et dans un deuxième temps, à exposer les différentes interprétations.
Constats Propositions
L’idée centrale de cette analyse est de définir la procédure d’audit optimale permettant de
dissuader la fraude. Notamment, il s’agit de mettre l’accent sur l’indemnité optimale à verser
Chapitre 4 225
aux assurés, sur la fréquence d’audit optimale utilisée par l’assureur et sur la sanction
optimale appliquée aux fraudeurs. Ce paragraphe a pour but de confronter les prédictions
théoriques et les constatations expérimentales afin de donner une caractérisation plus
spécifique au contrat d’assurance optimale. Cette synthèse est dichotomisée en deux parties
fondamentales :
• La première s’intéresse à définir l’indemnité d’assurance optimale, dans un
contexte de fraude et d’audit aléatoire parfait.
• La seconde, concerne la caractérisation de la politique d’audit optimale
- fréquence d' audit
permettant de dissuader la fraude .
- Sanction
L’hypothèse centrale qui distingue cette étape de l’analyse, est que l’audit aléatoire est
optimale [proposition 1, (i)]. D’ailleurs, cette proposition a été pleinement vérifiée par le
constat 7, où nous distinguons que les sujets de notre expérience optent pour l’audit aléatoire :
d’une part, l’audit systématique peut inciter à la fraude (constat 3), et d’autre part l’audit
aléatoire permet de faire face aux assurés auxquels on fait moins confiance (constat 9).
Chapitre 4 226
Une deuxième réflexion majeure concerne l’arbitrage entre la sanction à adopter pour
pénaliser les fraudeurs et la fréquence d’audit qui lui est associée pour les dissuader. En effet,
l’assureur peut avoir le choix entre deux politiques : d’une part, il peut utiliser une sanction
très sévère et diminuer la fréquence d’audit, et d’autre part, il peut adopter une sanction plus
limitée mais tout en augmentant la fréquence de contrôle (corollaire 1). Cette hypothèse a été
pleinement confirmée par les constats expérimentaux. La probabilité de fraude diminue
lorsque les dommages sont de taille importante (constat 1). De surcroît, l’ampleur de la
fraude est plus élevée lorsqu’il s’agit de déclaration de faux sinistre que d’augmentation du
montant du dommage (constat 4). Ceci est relatif au fait que la sanction appliquée par
l’assureur devient plus sévère (refus d’indemnisation + amende), lorsque le montant de la
déclaration augmente (constat 5).
Chapitre 4 227
Conclusion générale :
Plusieurs manœuvres frauduleuses permettent aux assurés de tirer des gains illégitimes. Nous
considérons une classification en distinguant les deux classes de fraude suivantes :
• La déclaration d’un faux sinistre ;
• L’exagération du montant du dommage.
Pour combattre cette fraude, l’assureur doit s’engager dans une procédure d’audit crédible. La
procédure d’audit optimale est la procédure aléatoire. Il s’agit de choisir la fréquence d’audit
pertinente pour dissuader la fraude. Cette fréquence d’audit est dépendante de l’ampleur du
dommage déclaré. Par conséquent, les déclarations de taille importante sont plus fréquemment
contrôlées.
Alternativement, l’assureur a la possibilité de décroître la fréquence de contrôle, et appliquer
en contrepartie, une sanction très sévère aux fraudeurs. Expérimentalement, nous avons
montré que cette politique est efficace en matière de dissuasion.
Pour inciter les assurés à être honnêtes, l’assureur verse des indemnités plus généreuses en cas
d’audit. Plus précisément, il s’agit de récompenser les assurés honnêtes pour avoir vérifier
leurs déclarations.
Cette analyse concerne le paradigme d’« état de vérification coûteuse », selon lequel, la
fraude ne génère pas de frais pour l’assuré. Par contre, le contrôle des déclarations, fait
supporter à l’assureur un coût. De plus, l’audit est supposé parfait, de sorte que la fraude soit
systématiquement détectée. Il est encore important d’intégrer dans cette étude, la possibilité
pour l’assuré d’engager des frais pour frauder. Cela, lui permet de rendre l’activité d’audit
plus difficile, de sorte que l’assureur n’arrive pas à détecter la fraude avec certitude. Ce
paradigme est connu sous la dénomination d’« état de falsification coûteuse ». Cette réflexion
fait l’objet du chapitre suivant.
Chapitre 4 228
Annexe 4.1
n
Maximiser EU = ∑ qi {λ(xi) U(W0 − P − xi + IA(xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi))}
i =0
Sous Contraintes:
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
≥ {λ(d ) U(W − P − x
i 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
pour tout d i > x i dans{x 0 , x1 ,..., x n } (CI)
{λ(x k ) U(W0 − P − x k + I A (x k )) + (1 − λ(x k )) U (W0 − P − x k + I A (x k ))}
≥ {λ(x i ) U(W0 − P − x k − S) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x k + I A (x i ))}
pour tout x i > x k dans{x 0 , x1 ,..., x n } (CI)
+ θ1 P − ∑ q i {λ(x i ) [C + I A (x i )]+ (1 − λ(x i )) I A (x i )}
n
i =0
n {λ(x i ) U(W0 − P − x i + I A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
+ ∑ θ 2i
i =0 − {λ(d i ) U(W0 − P − x i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
n n {λ(x k ) U(W0 − P − x k + I A (x k )) + (1 − λ(x k )) U (W0 − P − x k + I A (x k ))}
+∑ ∑θ
− {λ(x i ) U(W0 − P − x k − S) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x k + I A (x i ))}
3ki
k =0 i =k +1
∂L
∂I = 0 (1)
Ai
∂L
∂I = 0 (2)
Ai
∂L
=0 (3)
∂λ i
∂L = 0 ( 4)
∂θ1
∂L = 0 (5)
∂θ 2i
∂L = 0 ( 6)
∂θ 3ki
(1) ⇔ q i λ(x i ) U' (W0 − P − x i + I A (x i )) − θ1q i λ(x i ) + θ2i λ(x i ) U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = 0
⇔[qi λ(x i ) + θ2i λ(x i )]U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = θ1qi λ(x i )
⇔[qi + θ2i ]U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = θ1q i
θ1q i
⇔ U' (W0 − P − x i + I A (x i )) =
qi + θ2i
(2) ⇔ q i [1 − λ(x i )] U' (W0 − P − x i + I A (x i )) − θ1qi [1 − λ(x i )] + θ2i [1 − λ(x i )] U' (W0 − P − x i + I A (x i ))
− θ3ki [1 − λ(x i )]U' (W0 − P − x k + I A (x i )) = 0
⇔[qi + θ2i ]U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = θ1q i + θ3ki U' (W0 − P − x k + I A (x i ))
θ1q i θ
⇔ U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = + 3ki U' (W0 − P − x k + I A (x i ))
qi + θ2i qi + θ2i
θ3ki
⇔ U' (W0 − P − x i + I A (x i )) = U' (W0 − P − x i + I A (x i )) + U' (W0 − P − x k + I A (x i ))
qi + θ2i
(3) ⇔ qi {U(W0 − P − x i + I A (x i )) − U (W0 − P − x i + I A (x i ))}− θ1qi [C + I A (x i ) − I A (x i )]
+ θ2i {U(W0 − P − x i + I A (x i )) − U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
− θ3ki {U(W0 − P − x k − S) − U(W0 − P − x k + I A (x i )}
⇔[qi + θ2i ]{U(W0 − P − x i + I A (x i )) − U (W0 − P − x i + I A (x i ))}=
θ1qi [C + I A (x i ) − I A (x i )]+ θ3ki {U(W0 − P − x k − S) − U(W0 − P − x k + I A (x i )}
⇔{U(W0 − P − x i + I A (x i )) − U (W0 − P − x i + I A (x i ))}=
θ1q i
[C + IA (xi ) − IA (xi )]+ θ3ki {U(W0 − P − x k − S) − U(W0 − P − x k + IA (xi )}
qi + θ2i qi + θ2i
i =0
Chapitre 4 230
Annexe 4.2 :
Preuve de la proposition 124
• Preuve de (i) : λ(xi) < 1 pour tout xi si on a :
{λ(x ) U(W
i 0 − P − x i + I A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}> U(W0 − P − x i − S)
Appelons cette condition C : cette condition signifie que l’utilité espérée de l’assuré en cas de
non fraude et quand il est possible pour l’assureur de contrôler la déclaration de dommage est
supérieure à son utilité lorsqu’il subit un sinistre et il est sanctionné.
Ecrivons : V( x i ) = {λ( x i ) U( W0 − P − x i + I A ( x i )) + (1 − λ ( x i )) U ( W0 − P − x i + I A ( x i ))}
Montrons tout d’abord que si cette condition n’est pas établie alors la stratégie d’audit
optimale est déterministe (Townsend, 1979). Autrement dit, si la condition C est vérifiée
alors λ( x i ) ∈ {0,1} pour tout x i ∈ X .
Pour ceci, supposons que la condition C n’est pas vérifiée lorsque la stratégie d’audit est
déterministe ( λ( x i ) = 1 pour tout x i ). Supposons aussi que C n’est pas vérifiée à
l’optimum : (*).
Soit x '∈ X, tel que V * ( x ' ) = U( W0 − P − x '−S)
Si I *A ( x" ) > −S pour x" dans X , alors λ * ( x" ) = 1 . Ailleurs la contrainte d’incitation n’est pas
vérifiée pour x i = x ' et d i = x" . Ainsi, on peut considérer que I *A ( x i ) = −S pour tout x i .
{
Le contrat optimal λ*, I *A maximise : }
n
EU = ∑ q i {λ( x i ) U( W0 − P − x i + I A ( x i )) + (1 − λ( x i )) U( W0 − P − x i − S)}
i =0
n
S / C P − ∑ q i {λ( x i )[I A ( x i ) + C] − (1 − λ( x i ))S}
i =0
I A ( x i ) ≥ −S et 0 ≤ λ( x i ) ≤ 1 pour tout xi ∈ X
Soit θ le multiplicateur de Kuhn – Tucker ; les conditions de 1er ordre s’écrivent :
∂L
(1) =0
∂I A
⇔ q i λ( x i ) U' ( W0 − P − x i + I A ( x i )) − q i λ( x i )θ = 0
⇔ λ ( x i )[U' ( W0 − P − x i + I A ( x i )) − θ] = 0
∂L
( 2) =0
∂λ
⇔ ω( x i ) = U( W0 − P − x i + I A ( x i )) − U( W0 − P − x i − S) − θ[I A ( x i ) + C + S] = 0
24
Cette démonstration est inspiré de celle de Fagart et Picard (1999).
Chapitre 4 232
ω( x i ) ≤ 0 si λ( x i ) = 0
avec ω( x i ) = 0 si 0 < λ( x i ) < 1 pour tout x i ∈ X
ω( x ) ≥ 0 si λ( x ) = 1
i i
D’après le résultat de (1), on peut écrire que I A ( x i ) = T + x i pour tout x i tel que λ( x i ) > 0 ,
où T est une constante telle que T + x i > −S si λ( x i ) > 0 .
On obtient :
∂ω( x i )
= U' ( W0 − P − x i − S) − U' ( W0 − P + T) > 0
∂x i
soit x̂ tel que ω( x̂ ) = 0 avec x̂ > −S − T . Si x i > x̂ , on a ω( x i ) > 0 , ce qui implique que
λ( x i ) = 1 . Si x i < x̂ , alors ω( x i ) < 0 et λ( x i ) = 0 . De plus, on a ω(0) < 0 , ce qui implique
que x̂ > 0 .
Choisir λ( x i ) = 1 , lorsque x i > x̂ et λ( x i ) = 0 si x i ≤ x̂ est optimal.
Nous avons ainsi montré, que lorsque si la condition C n’est pas établie alors la stratégie
d’audit optimale est déterministe.
Prouvons maintenant que la stratégie d’audit optimale est
aléatoire λ( x i ) < 1 pour tout x i ∈ X
Supposons que pour un contrat d’assurance A, on a
λ( x i ) = 1 pour tout x i dans{a 1 ,..., a 2 }⊂ X , avec a 1 < a 2 .
I A ( x i ) = I A ( x i ) = I A ( x i ) + Cπ et λ ( x i ) = 1 − π si x i ∈ {a 1 ,..., a 2 }.
• Preuve de (ii) IA(xi) > IA(xi) pour tout xi tel que λ(xi) > 0
θ1 q i
U' ( W0 − P − x i + I A ( x i )) = q + θ
i 2i
U' ( W − P − x + I ( x )) = U' ( W − P − x + I ( x )) + θ 3ki U' ( W − P − x + I ( x ))
0 i A i 0 i A i
q i + θ 2i
0 k A i
La fonction d’utilité U étant du type Von-Neumann Morgenstern avec U’>0 et U’’<0, nous
obtenons ainsi, le résultat suivant :
U(W0 − P − xi + IA(xi)) < U(W0 − P − xi + IA(xi))
⇒ En cas d’honnêteté de l’assuré, l’assureur doit lui verser un bonus s’il lui vérifie sa
déclaration.
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
= {λ(d ) U(W − P − x
i 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
Cette proposition signifie que lorsque la probabilité d’audit associée à une déclaration d i est
positive, alors il existe un dommage xi tel que l’assuré est indifférent entre frauder et déclarer
la vérité. Autrement dit, la contrainte d’incitation est saturée.
Supposons que pour un contrat d’assurance optimal A, on a λ(d i ) > 0 et que :
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
> {λ(d ) U(W − P − x
i 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
pour toute déclaration d i ∈ {a ,..., b}⊂ X avec a < b et pour tout sinistre x i ∈ X .
Soit A un contrat défini par {I A (.), I A (.), λ (.)} et qui est confondu avec A lorsque x i ∉ {a ,..., b}
et tel que :
I A (x i ) = I A (x i ) , I A ( x i ) = I A ( x i ) + ε( x i ), λ ( x i ) = λ( x i ) − µ( x i ) si x i ∈ {a ,..., b}
Chapitre 4 234
µ[I A ( x i ) + C − I A ( x i )]
η( x i ) ≡
1 − λ( x i ) + µ
Si µ( x i ) est suffisamment petite pour tout x i ∈ {a ,..., b}, alors A est compatible avec la
contrainte d’incitation. De plus pour tout x i ∈ {a ,..., b}on a :
[ ]
λ ( x i )[I A ( x i ) + C]+ 1 − λ ( x i ) I A ( x i ) = λ( x i )[I A ( x i ) + C]+ [1 − λ( x i )]I A ( x i )
Annexe 4.3 :
Preuve de la proposition 2
• preuve du lemme 1 :
Soit x̂ la déclaration de sinistre pour laquelle l’assuré aura la plus petite indemnité. Nous
écrivons ainsi : IA(x̂) = inf {IA, IA(xi), xi ∈ X } (1)
Supposons qu’on a :
U( W0 − P + I A ( x̂ )) ≥ (1 − λ( x i )) U( W 0 −P + I A ( x i )) + λ( x i ) U( W0 − P − S)
∀x i ∈ X ( 2)
Le terme à gauche de l’inégalité, représente l’utilité de l’assuré en cas où il ne subit pas de
sinistre et il reçoit la plus petite indemnité, et la partie de droite représente l’espérance
d’utilité de l’assuré fraudeur qui déclare un sinistre xi alors qu’il n’a pas subi de dommage.
U est CARA. La condition (2) peut ainsi s’écrire :
U( W0 − P − x i + I A ( x̂ )) ≥ (1 − λ( x j )) U( W 0 −P − x i + I A ( x j )) + λ( x j ) U( W0 − P − x i − S)
∀x j , x i ∈ X avec x j ≠ x i (3)
D’après (1) et (2) :
{λ(xi) U(W0 − P − xi + IA(xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi))} ≥ U(W0 − P − xi + IA(x̂))
pour tout xi dans {x0, x1,..., xn } (4)
d’où toutes les contraintes d’incitation sont vérifiées.
L’inégalité (4) traduit le fait que l’espérance d’utilité de l’assuré honnête est supérieure à son
utilité dans le cas où il reçoit la plus petite indemnité, et qui est elle-même supérieure
l’espérance d’utilité de l’assuré fraudeur.
• Preuve de la proposition 2 :
Le nouveau programme d’optimisation P2 s’écrit ainsi :
n
L = ∑ qi {λ(xi) U(W0 − P − xi + IA(xi)) + (1 − λ(xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi))}
i =0
+ θ1 P − ∑ q i {λ(x i ) [C + I A (x i )]+ (1 − λ(x i )) I A (x i )}
n
i =0
+ θ 2 {U( W0 − P + I A ( x̂ )) − (1 − λ( x i )) U( W 0 −P + I A ( x i )) − λ( x i ) U( W0 − P − S)}
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
λ( x i ) =
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P − S)
Plus l’assureur indemnise en cas de non audit, plus il a intérêt à augmenter la probabilité
d’audit.
Chapitre 4 237
Annexe 4.4
Preuve de la proposition 3 : indemnité optimale
⇔ U' (W0 − P − x 0 + IA(x 0)) = U' (W0 − P − x1 + IA(x1)) = ..... = U' (W0 − P − x n + IA(x n )) = θ1
θ
⇔ U' (W0 − P − xi + IA(xi)) = θ1 + 2 U' (W0 − P + IA(xi))
qi
θ
⇔ U' (W0 − P − xi + IA(xi)) = U' (W0 − P − xi + IA(xi)) + 2 U' (W0 − P + IA(xi)) (2)
qi
(1) et (2) prouvent que IA > IA
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
≥ {λ(d ) U(W − P − x
i 0 i − S) + (1 − λ(d i )) U (W0 − P − x i + I A (d i ))}
pour tout d i > x i dans{x 0 , x1 ,..., x n } (CI)
Pour un sinistre xi +1 , la contrainte d’incitation s’écrit :
Chapitre 4 238
{
d* ∈ xi +1, xi + 2,...., x n }
Soit d** la meilleure déclaration mensongère pour un sinistre xi +1 alors on a :
d * * ∈ {xi + 2, xi + 3,...., x n }
Essayons maintenant de formuler ce problème comme étant le choix entre des loteries,
W0 − P − x i +1 − S W0 − P − xi +1 + IA(xi +1)
λ* λ(xi +1)
Loterie L** Loterie Li+1
1− λ* 1 − λ(xi +1)
W0 − P − xi +1 + IA(d*)
W0 − P − xi +1 + IA(xi +1)
CI saturée : L * * ≈ Li + 1
W0 − P − x i − S W0 − P − xi + IA(xi)
λ* λ(xi)
Loterie L* Loterie Li
1− λ* 1 − λ(xi)
W0 − P − xi + IA(d*)
W0 − P − xi + IA(xi)
CI saturée : L * ≈ Li
On a ainsi :
L** L*
L* ~Li
L** ~Li+1
et par conséquent Li+1 Li (d’après l’axiome de transitivité
Chapitre 4 240
on a donc :
{λ(x ) U(W − P − x + I
i 0 i A (x i )) + (1 − λ(x i )) U (W0 − P − x i + I A (x i ))}
= {λ(d*) U(W − P − x − S) + (1 − λ(d*)) U (W0 − P − x i + I A (d*))}
(1)
0 i
W0 − P − x i − S W0 − P − x i − S
λ* λ **
Loterie L* est préférée à Loterie L**
1− λ* 1− λ **
W0 − P − xi + IA(d*) W0 − P − xi + IA(d * *)
(A1)
W0 − P − x i +1 − S W0 − P − x i +1 − S
λ ** λ*
Loterie L1** est préférée à Loterie L1*
1− λ ** 1− λ*
W0 − P − xi +1 + IA(d * *) W0 − P − xi +1 + IA(d*)
(A2)
(A3)
En effet :
I A ( x i ) − x i > I A ( x i +1 ) − x i +1
⇔ ( x i − f A i ) − x i > ( x i +1 − f Ai +1 ) − x i +1
⇔ f Ai < f Ai +1
Par récurrence, on prouve que f A 0 < f A1 < ... < f Ai .... < f An
Annexe 4.5.
Les instructions :
Vous participez à une expérimentation en économie. Lors de cette session, vous allez gagner une certaine somme d’argent. Vos gains dépendent
de vos décisions. Cette rémunération comprend deux éléments : une participation forfaitaire de 8€ à laquelle s’ajoute une prime liée à votre
performance. Cette prime est proportionnelle à la moyenne des capitaux détenus à la fin de chaque période. Les gains finaux seront compris entre
10€ et 20€.
Cette session comprend 17 périodes. Votre groupe est composé de 6 participants : un assureur et 5 assurés
Assureur
Assuré5
Assuré1
Assuré4
Assuré2 Assuré3
Les rôles d’assureur ou d’assuré seront affectés aléatoirement. Vous garderez les mêmes rôles et vous jouerez avec les mêmes personnes durant
ces 17 périodes.
Les assurés : On suppose que vous êtes propriétaire d’un bien d’une valeur de 5000€. Vous êtes ainsi confronté à des situations de risques qui
vous obligent à souscrire auprès de votre assureur, et contre paiement d’une prime, un contrat d’assurance multirisque qui vous indemnise en cas
de dommage.
243
A chaque période, vous avez une chance sur 3 de subir un dommage dont la valeur est comprise entre 1€ et 5000€. Le schéma suivant illustre les
différentes possibilités auxquelles vous serez confrontés.
Non Dommage
2/3
1/10 1€
1/3 1/10
Dommage
1/10
5000€
L’assureur : Vous êtes un assureur de cinq clients. Vous disposez d’un capital initial de 3000€. Vous devez rembourser les dommages déclarés
par les assurés et en contre partie vous recevez les primes d’assurance soit 3000€ (5*600).
244
Sachant que les assurés peuvent frauder, vous avez la possibilité de les contrôler. Autrement dit vous pouvez vérifier si la déclaration faite par
l’assuré correspond bien à son dommage réel. Toutefois cette procédure de contrôle est coûteuse. Le coût de vérification est dépendant de
l’ampleur du dommage déclaré :
En cas de détection de la fraude vous pouvez sanctionner l’assuré fraudeur : vous ne lui remboursez pas sa perte et vous lui faites payer une
amende en plus :
Au début de la session, l’ordinateur vous affecte aléatoirement l’un des deux rôles (assuré ou assureur).
Pour les assurés, au début de chaque période, vous devez payer la prime d’assurance (600€), et l’ordinateur vous indique le dommage que vous
avez subi. Vous devez par la suite faire votre déclaration de sinistre. De plus vous avez la possibilité de frauder.
Votre déclaration est susceptible d’être contrôlée par votre assureur.
• Si vous êtes fraudeur et que votre assureur vous a contrôlé, vous serez obligatoirement sanctionné.
• Si vous êtes fraudeur et non contrôlé vous recevrez l’indemnité correspondante à votre déclaration et aucune pénalité ne vous sera
appliquée.
• Si vous êtes honnête, vous recevrez votre indemnité d’assurance (remboursement de votre dommage) + un bonus (50€)
Pour l’assureur, au début de chaque période vous recevez les déclarations de sinistre des cinq assurés. Vous décidez de menez les contrôles qui
vous paraissent pertinents. Afin de vérifier si les déclarations correspondent bien aux dommages effectifs, vous pouvez contrôler de 0 à 5 assurés.
N’oubliez pas que pour chaque contrôle vous supportez un coût.
245
Déroulement de la session :
Assureur
Capital initial 3000€
Les Primes reçues : 3000€ (600 x 5)
Reçoit les déclaration : Déc1 Déc 2 Déc3 Déc4 Déc5
Choisit qui contrôler :
Assuré1 Assuré2 Assuré3 Assuré4 Assuré5
Ordinateur
Fait les calculs des gains de chaque période et les
renvoie aux assurés et à l’assureur
246
NB : Lors du déroulement de l’expérience, l’expérimentateur est incapable d’observer vos comportements. En effet, suite au tirage au
sort, il ne sait pas identifier, qui est assureur, qui est assuré n°1, n°2, ect...
Il est interdit de communiquer durant la totalité de la session expérimentale. Si vous avez des questions concernant ces instructions, nous vous
remercions de lever la main ; nous viendrons répondre en privé à vos questions.
Merci pour votre participation.
Pour vous familiariser avec les instructions, commençons par l’exemple suivant :
247
Ecran de l’Assuré :
Ecran
Vousde
êtesl’assuré
un assuré :
Vous disposez d’un capital initial de 1000 € pour vous assurer
Vous devez payer une prime de 600€
Vous avez subi un sinistre de 100 €
Tapez le montant de votre déclaration de sinistre et validez par OK
300 OK
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Dommage 100
Indemnité = déclaration
Déclaration 300
Indemnité 300
Sanction =non indemnité + Amende (si contrôle)
Amende 350 Sanction = 0 (si non contrôle)
248
Ecran de l’assureur :
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Indemnités payées
Coût de contrôle
Amendes obtenues
Gain de la période= Cap initial+Primes-Cout-Indemnités+amendes
Gain final
Assuré1-Fraudeur
Assuré2-Fraudeur
Assuré3-Fraudeur
Assuré4-Fraudeur
Assuré5-Fraudeur
Ecran de l’assureur :
249
Now playing round N°1
Le coût de contrôle = 40€ si la déclaration <1000 et coût de contrôle = 80€ si la déclaration >= 1000€
Oui Non
Ecran deFeed-back
l’assuréInformation
: :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Assuré2-Fraudeur Non
Si l’assuré est fraudeur « Oui », s’il n’est pas fraudeur « Non »
Assuré3-Fraudeur Non
Assuré4-Fraudeur Non
Assuré5-Fraudeur Non
250
Chapitre 5 251
Introduction Générale :
Dans la situation où les assurés peuvent frauder lors de la déclaration de leurs pertes et quand
la vérification de ces dommages est coûteuse pour l’assureur, la police d’assurance optimale
doit trouver une solution aux deux objectifs conflictuels : partager le risque entre l’assureur et
l’assuré d’une part, et minimiser les coûts d’autre part. Nous visons, dans ce chapitre, à
caractériser le contrat d’assurance optimal dans un contexte de fraude coûteuse ou encore
appelée ici « falsification », lorsque la procédure d’audit est aléatoire. Nous supposons qu’il
est possible pour l’assuré de gonfler le montant de sa perte lors de la déclaration, à l’aide de la
falsification du sinistre. Cette falsification est coûteuse pour l’assuré surtout lorsqu’elle
nécessite une collusion avec un intermédiaire, qui peut l’aider à présenter le dommage avec
ambiguïté à l’assureur. Cette procédure a pour but de rendre l’audit plus difficile. L’assureur
devient par conséquent, incapable de vérifier de façon certaine l’exactitude de la déclaration
de l’assuré. Ce contexte est connu dans la littérature sous la dénomination « d’état de
falsification coûteuse » (voir Rejessus1 (2003) et Picard (2000)).
Sur ce sujet, l’étude empirique de Dionne et St Michel (1991), a montré que l’assurance
travail représente un domaine privilégié pour ce genre de fraude (falsification). En effet, en
assurance vie ou en assurance maladie, il s’avère souvent difficile d’apporter la bonne preuve
à la fraude, comme il est parfois, impossible même, d’observer physiquement le sinistre
déclaré. D’autre part, au sein du paradigme « d’état de falsification coûteuse », une analyse
initiée par Lacker et Weinberg (1989) et approfondie par Crocker et Morgan (1998) puis par
Crocker et Tennyson (2002), repose sur l’idée que l’assuré a la possibilité de supporter des
coûts, pour créer un dommage observable. Les auteurs montrent qu’à l’optimum, le contrat
génère toujours un certain degré de fraude. Pour eux, l’activité d’audit ne peut être pleinement
dissuasive. Comme le montre aussi, Puelz et Snow (1995), lorsque l’audit devient imparfait2,
1
Ce papier présente une étude empirique sur l’assurance corporelle aux Etats-Unis. Il s’agit d’étudier l’étendue
auquel le profil d’indemnisation de cette assurance est conforme aux prédictions théoriques issues des deux
modèles, « état de vérification coûteuse » et « état de falsification coûteuse ». Plus précisément l’auteur cherche
à spécifier lequel des deux mécanismes est plus approprié pour dissuader le problème d’hasard moral.
2
Une autre voie de recherche s’intéressant à l’étude de la qualité de l’audit (voir M. van Dijk, 2005,
Schwartz.1982; Kreutzfelt et Wallace, 1986; Kinney and McDaniel, 1989, Loebbecke et al., 1989), repose sur
des études empiriques, montre que les compagnies qui font face à des problèmes financiers commettent plus
d’erreurs comptables. Encore plus, si les auditeurs n’arrivent pas à découvrir ces erreurs, alors la compagnie
Chapitre 5 253
l’assureur est incité à utiliser les techniques d’expertise les plus fiables pour les dommages de
taille importante. Alternativement, une autre voie de recherche, repose sur l’idée qu’il existe
une deuxième stratégie, autre que l’audit pour lutter contre la fraude. En effet, lorsque les
dommages présentent un caractère observable, il est possible de les auditer et donc de
sanctionner les fraudeurs détectés. Par contre, lorsque ces dommages sont présentés d’une
façon ambiguë à l’assureur (par le biais de la falsification), ce dernier est incité à suivre une
politique de sous-indemnisation. Notamment, pour Crocker et Tennyson (1999, 2002), il
s’agit de surcompenser les petits dommages et sous payer les dommages de taille importante.
Pour Rejessus (2003), l’étude empirique sur l’assurance corporelle aux Etats-Unis, montre
que le profil d’indemnisation optimal pour dissuader la fraude est plus conforme aux
prédictions théoriques du paradigme d’état de vérification coûteuse. Ceci souligne l’idée que
ce paradigme est plus approprié que le paradigme d’état de falsification coûteuse, pour définir
le profil d’indemnisation optimal dans ce secteur d’assurance. En effet, au dessous d’un
certain seuil de sinistre, aucune indemnité n’est versée à l’assuré, et au delà de ce seuil, la
couverture d’assurance est complète. Le résultat de Rejessus (2003) est en accord avec celui
de Hyde and Vercammen (1997).
En se basant sur cette littérature, nous visons dans ce chapitre, à introduire dans notre analyse
l’imperfection de l’audit liée à la possibilité pour l’assuré d’investir dans une activité de
falsification. Nous voulons en particulier, intégrer les difficultés de preuve rencontrées par les
assureurs lors de l’expertise des sinistres. Pour cela, nous supposons qu’en cas de
falsification, la technique de contrôle ne permet pas de vérifier de façon certaine la
survenance et l’ampleur du dommage subi par l’assuré. L’imperfection de l’audit revient au
fait que l’assureur n’est pas toujours capable de détecter systématiquement la fraude.
Par rapport à la littérature sur le sujet de fraude, nous considérons une fusion des deux
paradigmes « état de vérification coûteuse »3 et «état de falsification coûteuse ». Il s’agit dans
ce chapitre, de considérer que l’assuré a la possibilité de choisir entre la fraude coûteuse et la
fraude non coûteuse. La première implique une procédure d’audit imparfait, tandis que la
seconde implique une procédure d’audit parfait. L’idée centrale de cette analyse est de
comparer ces deux versions d’audit, afin de dégager les meilleures stratégies que les assureurs
doivent adopter pour combattre la fraude.
audité peut tomber en faillite (dégradation de sa situation financière), (Stice, 1991; Lys and Watts, 1994 and
Pratt and Stice, 1994).
3
Le paradigme d’ « état de vérification coûteuse » suppose que l’assuré peut frauder sans qu’il n’engage de frais,
alors que l’assureur peut le contrôler (vérifier les déclarations) en supportant un coût d’audit.
Chapitre 5 254
Comme nous l’avons déjà mentionné dans l’introduction, Notre apport théorique consiste à
fusionner les deux paradigmes : « état de vérification coûteuse » et « état de falsification
coûteuse ». Notamment, il s’agit de considérer un contexte où la fraude peut être établie à
coût nul ou à coût positif. Le cadre d’analyse est identique à celui décrit dans le chapitre 4.
Rappelons brièvement les notations utilisées et les hypothèses posées. Il s’agit d’une
économie composée des deux agents suivants : un assureur neutre au risque et un assuré
averse au risque. Les préférences de l’assuré sont représentées par une fonction d’utilité U de
type Von-Neumann Morgenstern, strictement croissante et deux fois continûment
différentiable et strictement concave ( U ' > 0 et U" < 0 ).
L’assuré dispose d’une richesse initiale W0 . Il fait face à des événements de pertes
La réalisation et le niveau de perte possible représentent une information privée pour l’assuré.
En cas de sinistre, ce dernier doit déclarer le dommage à l’assureur. Il peut être incité à
frauder. Il choisit un niveau d i ∈ X ⊂ [0, x n ] qu’il réclame à l’assureur ( d i ≥ x i ). Afin
d’augmenter ses chances de ne pas être pris en cas d’audit, l’assuré peut investir en frais de
falsification afin de pouvoir gonfler le montant du dommage. Il supporte des frais Fi . Dans la
littérature traitant les coûts d’assurance, D’Arcy et Derrig (2005) adoptent un modèle qui
combine les coûts des sinistres, les coûts d’investigations et les frais éventuels encourus pour
réduire les coûts des sinistres. Pour ces auteurs, le sinistre déclaré à l’assureur comporte une
composante relative au dommage réel (qui doit être remboursée), une composante
représentant une charge excessive pour l’assureur (jugée comme étant non raisonnable), une
composante relative à un service non couvert et une dernière composante relative à un
incident non couvert par la police d’assurance (comme en assurance automobiles : les frais
médicaux, les accidents corporels…). Dans notre modèle, nous considérons que ces frais
Chapitre 5 256
p (α ) p( h i )
1 1
0 1 α 0 xn hi
Variation de p en fonction de α Variation de p en fonction de h i
pour d i − x i = h pour α = α
détection devient plus difficile (p augmente). De surcroît, p représente une fonction croissante
de α . Pour α = 0 , c’est-à-dire lorsque les frais de falsification sont nuls, on ne parle plus
d’imperfection de l’audit. p = 0 dans ce cas. Ceci traduit le fait que, lorsque l’assuré n’investit
pas en frais de falsification, toute tentative de fraude peut être systématiquement détectée par
l’audit qui est dans ce cas parfait. Par contre, lorsque α = 1 , ceci veut dire que l’assuré investit
le montant total de gain de fraude pour avoir une plus grande indemnité. Dans ce cas, l’audit
est complètement inutile du fait que p = 1 : la probabilité de non détection de la fraude est
égale à 1.
D’autre part, pour une même proportion de frais de falsification ( α donnée), augmenter la
déclaration du dommage par rapport à sa valeur réelle, rend la fraude plus facile à détecter. En
effet, deux assurés qui font face à un même sinistre et qui paient le même pourcentage de frais
( α = α ) pour falsifier ce dommage, tout en ayant deux déclarations différentes, n’auront pas
les mêmes chances d’être détectés par l’assureur. Celui déclarant un plus grand montant de
dommage aura plus de chance d’être pris, et celui déclarant un plus petit montant de
dommage aura plus de chance de passer entre les mailles du filet et échapper à la sanction. Ce
qui explique le fait que p est décroissante en fonction de ( h i ).
Pour Fi = 0 , l’assuré peut frauder sans encourir des dépenses de falsification. L’audit est dans
ce cas parfait et la détection de fraude est systématique. Ainsi, conformément à l’expression
de la probabilité de non détection de la fraude, lorsque les frais de falsification sont nuls cette
probabilité est nulle : p(Fi = 0) = 0 .
Fn 0 = max{Fi }= α( x n − x 0 ) = αx n représente le cas extrême, où l’assuré utilise les frais de
i = 0..n
falsification les plus élevés. Cette éventualité correspond au cas de non survenance de sinistre,
auquel l’assuré déclare un montant de dommage maximal. A ce montant de frais de
falsification correspond la probabilité d’imperfection d’audit la plus élevée p(Fn 0 ) = 1 .
D’autre part, l’assureur ne peut savoir si l’assuré est fraudeur ou honnête que sur la seule base
de la déclaration de sinistre. Il choisit une fréquence d’audit λi = λ(di) pour vérifier la
déclaration de dommage. En cas d’audit, il supporte le coût C.
Lorsque le dommage n’est pas contrôlé par l’assureur, le remboursement d’assurance est
IA(di) . En cas d’audit, le transfert IA(xi, di) , dépend à la fois de la vraie valeur du dommage
et de la valeur de la déclaration.
Notons par IAD(xi, di) le remboursement en cas de détection de la fraude à l’aide de l’audit et
IAD(xi, di) le remboursement en cas de non détection.
Chapitre 5 258
Lorsque l’assuré fraudeur est pris par l’assureur I A ( x i , d i ) = −S avec S ≤ S . La fraude est
pénalisée par une sanction monétaire S.
Les décisions éventuelles de l’assuré et les issues correspondant peuvent être résumées à
l’aide du schéma suivant :
Non falsification : F = 0
pU (W0 − P − x i − Fi + I AD ( x i , d i ) )
n
λ ( x j )
EU = ∑ q i + (1 − p) U(W0 − P − x i − Fi + I AD ( x i , d i ) ) pour d i ≥ x i ∈ X
i =0 + (1 − λ (d )) U (W − P − x − F + I (d ) )
i 0 i i A i
L’assureur est neutre au risque. Son profit espéré est EΠ :
i =0
Sur la base du principe de révélation, on se limite aux contrats incitatifs, où l’assuré déclare la
vraie valeur du dommage : d i ≡ x i avec Fi = 0 est la stratégie optimale de l’assuré. A la
Néanmoins, l’événement de perte x i ne doit pas faire lui aussi l’objet d’une déclaration
frauduleuse, pour tous les états de nature qui lui sont inférieures. Ceci veut dire que pour un
Chapitre 5 260
4
En cas de fraude, pour Fi ≥ 0 on a : I AD ( x i , d i ) = I AD (d i ) = −S et I AD ( x i , d i ) = I AD ( d i ) = I A ( d i )
Chapitre 5 261
n(n + 1)
doit pas faire l’objet d’une déclaration frauduleuse. Il existe aussi contraintes de
2
cette forme6. Enfin, (5), (6) et (7) sont les contraintes de plausibilité du contrat.
La résolution de ce programme d’optimisation nous a permis d’établir la relation entre la
probabilité d’imperfection de l’audit (p) et le profil d’indemnisation.
5
Pour l’état de perte x 0 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans
l’ensemble {x 0, x1, x 2, x3,....., x n }, alors pour cet état il existe n contraintes d’incitation.
Pour l’état de perte x1 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble {x1, x 2, x3,....., x n },
alors pour cet état il existe (n-1) contraintes d’incitation.
Pour l’état de perte xi , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans
l’ensemble {xi, xi +1, xi + 2, xi + 3,....., x n }, alors pour cet état il existe (n-i) contraintes d’incitation.
En fin, Pour l’état de perte x n −1 , la déclaration de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble {x n −1, x n },
alors pour cet état il existe une seule contrainte d’incitation.
En totalité, il existe n + (n − 1) + (n − 2) + ... + 1 = n(n + 1) contraintes d’incitation.
2
6
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x1 , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x 0 }, alors pour cette déclaration il existe 1 seule contrainte d’incitation.
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x 2 , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x0, x1}, alors pour cette déclaration il existe 2 contraintes d’incitation.
Pour la déclaration (frauduleuse) de perte xi , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans l’ensemble
{x 0, x1, x 2, x3,....., xi −1}, alors pour cette déclaration il existe i contraintes d’incitation.
En fin, Pour la déclaration (frauduleuse) de perte x n , la perte réelle de l’assuré peut avoir une valeur dans
l’ensemble {x 0, x1, x 2,..., x n −1}, alors pour cette déclaration il existe n contraintes d’incitation.
En totalité, il existe n + (n − 1) + (n − 2) + ... + 1 = n(n + 1) contraintes d’incitation.
2
Chapitre 5 262
Proposition 1 :
Le profil d’indemnisation possède les propriétés suivantes : si pour une déclaration de
dommage x i ∈ X
i) l’assureur offre toujours la même indemnité I A = I A , alors p = 1
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
ii) l’assureur offre I A > I A , alors 0≤p<
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
iii) l’assureur offre I A < I A , alors < p <1
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
Dans la proposition 1 (voir preuve en annexe 5.1.), nous montrons que i) lorsque l’assureur
offre la même indemnité en cas d’audit et en cas de non audit, alors la probabilité non
détection de la fraude est égale à 1. Dans ce cas, l’assureur n’a pas intérêt à mener un audit.
Ce dernier n’aura aucune valeur informationnelle, puisque quelle que soit la stratégie de
l’assureur (audit ou pas), la fraude est non détectée. Alors que ii) si l’assureur offre une
indemnité plus généreuse en cas d’audit, alors la probabilité d’imperfection de l’audit sera
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
dans l’intervalle 0, . Et finalement, iii) lorsque l’assureur
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
offre une indemnité plus généreuse en cas de non audit, alors la probabilité de non détection
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
de la fraude sera dans l’intervalle , 1 . La conclusion est
U' (W0 − P − x k − Fk + I A ( x i ) )
que :
Corollaire 1 :
Quel que soit le profil d’indemnisation offert, en cas de falsification, le contrat d’assurance
génère une imperfection de l’audit.
Pour baisser la probabilité de non détection de la fraude, l’assureur est incité à rembourser une
indemnité plus importante en cas d’audit. Il s’agit de récompenser l’assuré honnête pour avoir
vérifié sa déclaration.
Chapitre 5 263
Corollaire 2 :
Il est optimal de récompenser l’assuré par une indemnité plus généreuse, en cas d’audit.
De plus, lorsque p = 1, il n’est plus efficace de vérifier les déclarations de dommage, puisque
l’audit est de mauvaise qualité et génère un coût pour l’assureur sans qu’il ne lui permette de
détecter la fraude. L’audit est donc ineffectif et n’a aucune valeur informationnelle. A cause
de la falsification des dommages, l’assureur devient incapable d’observer la fraude et l’audit
s’avère donc inutile. Choisir λ = 0 est donc optimal. De surcroît, aucun contrat d’assurance ne
sera offert.
Corollaire 3 :
Lorsque p = 1 , la stratégie d’audit est ineffective. Dans ce cas, l’assureur n’aura jamais intérêt
à contrôler la déclaration de sinistre de l’assuré, ni à offrir un contrat d’assurance.
α = 1
De plus p(α, [d i − x i ]) = α 2 exp β(d i − x i ) = 1 ssi
et exp β(d i − x i ) = 1
i) α = 1 , le pourcentage de gain de la fraude dépensé est de 100%. L’assuré qui tente
de falsifier le sinistre doit dépenser le même montant qu’il veut gagner en frais de
falsification. Ce qui est illogique.
ii) exp β(d i − x i ) = 1 , cela veut dire que d i − x i = 0 , la déclaration est égale au sinistre
réellement survenue. Donc il n’y a pas de fraude.
Pour le reste de l’analyse, nous supposons que les préférences de l’assuré sont représentées
par une fonction d’utilité du type CARA7. Le but de cette hypothèse est de simplifier le
programme d’optimisation à travers la caractérisation des contraintes d’incitation. Lorsque U
U"
7
CARA : aversion au risque constante : Ceci signifie que = A avec A < 0 puisqu’on a
U'
U' > 0 et U" < 0 .
Chapitre 5 264
est CARA, nous montrons dans ce qui suit qu’il est possible de mieux définir certains
paramètres du modèle et d’étudier leurs variations les uns par rapport aux autres.
Commençons par poser le lemme suivant (voir preuve en annexe 5 .2.):
Lemme 1 :
Pour une fonction d’utilité U du type CARA,
Si on a : I A ( x̂ ) = Inf {I A (.), I A (.), ∀x i ∈ X} (1)
et U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) ≥
(1 − λ( x i )) U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) + λ( x i )[pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
∀x i ∈ X, avec Fi = Fi 0 = α( x i − x 0 ) ( 2)
alors toutes les contraintes d’incitation sont vérifiées.
montre que lorsque l’utilité de l’assuré en acceptant la plus petite indemnité est supérieure à
son utilité espérée en cas de fraude, alors toutes les contraintes d’incitation sont vérifiées.
L’idée est que si l’assuré est dissuadé de ce cas de fraude (qui est le cas extrême) alors il le
sera pour tous les autres cas.
Utilisant le lemme 1, le nouveau programme d’optimisation s’écrit alors comme suit :
Chapitre 5 265
Maximiser EU :
n
EU = ∑ qi{λ (xi)U (W0 − P − xi + IA(xi) ) + (1 − λ (xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi) )} (1)
i=0
U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) ≥
(1 − λ( x i ))U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) + λ( x i )[pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
∀x i ∈ X, et Fi = Fi 0 = αx i (3)
Proposition 2 :
U"
Lorsque U est CARA et =A
U'
qi
i) si I Ai > I Ai alors 0 ≤ p <
θ 2 exp[Ax i (1 − α)]
qi
ii) si I Ai < I Ai alors < p <1
θ 2 exp[Ax i (1 − α)]
iii) si I Ai = I Ai alors p = 1
U"
8
En effet, U étant une fonction d’utilité du type CARA, alors = A avec A < 0 .
U'
Ainsi nous pouvons dire que : LogU' = At + B et U' = exp(At + B)
D’après les conditions de premier ordre du programme d’optimisation, nous avons :
θ θ
U' (W0 − P − x i + I A i )1 − 2 p exp[Ax i (1 − α)] = U' (W0 − P − x i + I A i )1 − 2 exp[Ax i (1 − α)]
qi qi
θ2 θ
0r, 0 ≤ p ≤ 1 alors on peut dire que : 1 − p exp[Ax i (1 − α)] ≥ 1 − 2 exp[Ax i (1 − α)]
qi qi
Chapitre 5 266
Conformément au cas général, cette proposition montre, que lorsque U est CARA, il est
optimal d’offrir une indemnité plus généreuse en cas d’audit. Ceci permet de baisser la
probabilité de non détection de la fraude. Si par contre, l’assureur offre la même couverture
d’assurance pour le cas d’audit et celui de non audit, alors cette probabilité sera égale à 1 et
l’activité d’audit n’aura aucune utilité.
Dans ce paragraphe, nous mettons l’accent sur la stratégie d’audit optimale permettant de
dissuader la fraude. Il s’agit d’établir la relation entre l’audit d’une part, et les chances de
détection de la fraude d’autre part. Ensuite, nous définissons l’arbitrage optimal entre la
fréquence de contrôle et le profil d’indemnisation. Il convient tout d’abord, de donner
l’expression de cette probabilité d’audit à partir des conditions de premier ordre du
programme d’optimisation et d’établir par la suite la variation de celle-ci en fonction de
l’indemnité d’assurance et de la probabilité d’imperfection de l’audit. Ces résultats sont
résumés dans la proposition 3 (voir preuve en annexe 5.4.).
Proposition 3 :
Si I A ( x̂ ) = Inf {I A (.), I A (.), ∀x i ∈ X}, alors la probabilité d’audit prend la forme suivante :
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
λ( x i ) =
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
avec :
i) λ I A ' > 0 et λ I A " < 0 : λ(.) est croissante et concave en fonction de I A
ii) λ p ' > 0 et λ p " > 0 : λ(.) est croissante et convexe en fonction de p
La probabilité d’audit représente le rapport entre le gain de la fraude en terme d’utilité lorsque
l’assuré est non contrôlé par l’assureur et sa désutilité liée au fait d’être contrôlé et sanctionné
en cas de détection de la fraude.
i) Cette probabilité λ(.) est croissante et concave en fonction de l’indemnité d’assurance I A ,
( λ I A ' ≥ 0 et λ I A " ≤ 0 ). Ceci traduit le fait que, plus l’assureur indemnise (plus exactement
paye des indemnités non méritées), plus il a intérêt à augmenter la fréquence de contrôle.
Nous représentons cette relation dans la figure 2, ci-dessous.
Chapitre 5 267
Puisqu’on a : I A ( x̂ ) = Inf {I A (.), I A (.), ∀x i ∈ X} et I A n = Max I Ai , alors λ(.) tend vers λ < 1
i = 0...n
U( W 0 −P − Fn + I An ) − U( W0 − P − Fn + I A ( x̂ ))
λ= <1
U( W 0 −P − Fn + I An ) − [pU( W0 − P − Fn + I An ) + (1 − p) U( W0 − P − Fn − S)]
λ(.)
1
λ
0 I A ( x̂ ) IA n IAi
Lorsque p = 0, Fi = 0
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
λ( x i ) = = λ min > 0
U( W 0 −P + I A ( x i )) − [U( W0 − P − S)]
Lorsque p = 1, Fi = Max{αx i }= αx n
U( W 0 −P − αx n + I A ( x n )) − U( W0 − P − αx n + I A ( x̂ ))
λ( x n ) = = λ max < 1
U( W 0 −P − αx n + I A ( x n )) − [U( W0 − P − αx n − S)]
λ(.)
1
λ max
λ min
0 1 p
Figure3 : L’évolution de la probabilité d’audit optimale en fonction de la probabilité
d’imperfection de l’audit
Corollaire 4 :
Il est possible d’utiliser une fréquence de contrôle faible mais suffisante, associée à une
sanction monétaire très élevée pour dissuader l’assuré de frauder.
Ce corollaire souligne l’idée que la menace d’une sanction élevée représente une politique
dissuasive qu’on peut associer à un audit moins fréquent.
Chapitre 5 269
Dans ce paragraphe, nous visons à établir une comparaison entre les résultats du chapitre 4, où
l’audit est parfait et la fraude ne coûte rien à l’assuré, et les résultats de ce chapitre où nous
supposons que l’audit est imparfait lorsqu’il est possible pour l’assuré d’investir en frais de
falsification (fraude coûteuse). Notamment, nous mettons l’accent sur les stratégies d’audit et
sur les sanctions appliquées pour dissuader la fraude.
Notons par λ F la probabilité d’audit en cas de falsification (audit imparfait) et par λ NF la
U( W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
et λ NF =
U( W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P − S)
Proposition 4 :
Par rapport à la situation où l’audit est parfait, la falsification des dommages provoquant
l’imperfection de l’audit implique que :
i) la fréquence d’audit augmente suite à l’augmentation du taux de fraude :
λ F ( x i ) > λ NF ( x i ) pour tout x i ∈ X .
∂λ ∂λ λ
2
NF < F si p > 1 − NF
∂S ∂S λF
2
∂λ NF ∂λ F λ
> si p < 1 − NF
∂S ∂S λF
(voir preuve en annexe 5.5.)
Chapitre 5 270
Dans la proposition 4, nous montrons i) que par rapport à la situation où l’audit est parfait,
l’imperfection de l’audit résultant de la falsification des dommages, entraîne l’augmentation
de la fréquence de l’audit suite à l’augmentation du taux de fraude. En effet, lorsqu’il est
possible que l’activité d’audit soit plus difficile à l’assureur et lorsque la vérification des
déclarations de dommages ne permet pas de révéler la vérité avec certitude, la tendance de
fraude des assurés augmente systématiquement. Cette augmentation du taux de fraude par le
biais de la falsification des sinistres, oblige l’assureur à augmenter la fréquence du contrôle
pour pouvoir compenser la mauvaise qualité de l’audit. Plus précisément, en cas de non
falsification (fraude non coûteuse), la probabilité d’audit correspond à la probabilité de
détection de la fraude, puisque l’audit est parfait. Par contre, en cas de falsification, la
détection de la fraude est non systématique. Par conséquent, la probabilité de détection de la
fraude est égale au produit de la probabilité d’audit et de la probabilité complémentaire
d’imperfection de l’audit (1 – p). Ce qui explique le fait que λ F (probabilité d’audit imparfait)
doit être plus importante que λ NF (probabilité d’audit parfait) pour que l’assureur arrive à
augmente.
λ
2
∂λ NF ∂λ F
Respectivement, lorsque p < 1 − NF alors > , c’est-à-dire que λ NF décroît
λF ∂S ∂S
moins vite que λ F lorsque S augmente. Ceci explique le fait que si la probabilité
d’imperfection de l’audit est élevée, alors la décroissance de la fréquence d’audit à cause de
l’augmentation de la sanction est plus importante en cas d’audit imparfait qu’en cas d’audit
parfait. Ce résultat indique que lorsqu’il devient très difficile à l’assureur de détecter la
fraude, la menace d’une sanction sévère avec audit moins fréquent doit jouer au maximum.
Puisque l’audit n’a plus d’effet dissuasif (audit devient imparfait), la meilleure politique pour
l’assureur est donc d’appliquer une pénalité assez élevée pour les fraudeurs. D’autre part,
lorsque la probabilité de non détection de la fraude est relativement faible, la décroissance de
Chapitre 5 271
la fréquence d’audit est plus importante en cas d’audit parfait. Ceci prouve le fait que lorsque
la qualité de l’audit s’améliore, ce dernier devient crédible et l’assureur peut l’utiliser pour
dissuader les fraudeurs. Une politique de sanction sévère et d’audit peu fréquent est
intéressante beaucoup plus pour le cas d’audit parfait. Dans la figure 4 ci-dessous, nous
présentons les tendances approximatives des variations des deux probabilités ( λ F , λ NF ) en
λ F , λ NF
λF
λ NF
S
λ NF
2
λ NF
2
p < 1 − p > 1 −
λF λF
En conclusion, nous tenons à rappeler les différentes propriétés issues de notre modèle
théorique :
1. En ce qui concerne l’indemnité d’assurance optimale :
• Verser une indemnité plus généreuse en cas d’audit est incitatif à l’honnêteté.
• L’augmentation du coût d’indemnisation, nécessite une augmentation de la
fréquence de contrôle.
2. En ce qui concerne la politique d’audit optimale :
• Vu l’imperfection de l’audit, la fréquence d’audit doit augmenter pour compenser
la mauvaise qualité de ce dernier.
Chapitre 5 272
• Il est possible d’associer une sanction sévère à un audit moins fréquent, mais
suffisant pour que les fraudeurs ne se sentent pas à l’abri du contrôle.
Il est commode de tester ces hypothèses et de vérifier leurs validités. Pour ceci, nous
présentons dans la section suivante, une expérimentation, reconstituant en laboratoire, le
contexte de notre modèle théorique.
Chapitre 5 273
Section 2 : L’expérimentation
Mars-Avril 2003
9
Insatiabilité : le fait d’attribuer des gains aux joueurs permet d’induire des fonctions d’utilités monotone et
croissante en fonction de ces gains.
10
Proéminence : ce principe distingue l’économie expérimentale des autres types d’études empiriques (enquêtes,
simulations…). L’économie expérimentale reproduit en laboratoire des comportements naturels.
11
La dominance : les gains permettent d’expliquer les actions prises par les joueurs.
12
Le secret : traduit l’anonymat des gains et des dotations des différents joueurs (chaque joueur connaît
seulement ses propres gains et dotations), ce qui garantit l’autonomie des choix.
13
Le parallélisme : fonctionnement et validité des données malgré le changement du contexte.
Chapitre 5 274
Question 1 :
L’offre d’une indemnité d’assurance plus généreuse en cas de vérification des déclarations
honnêtes permet-elle d’atténuer l’ampleur de la falsification et implicitement celle de
l’imperfection de l’audit ?
Question 2 :
Quels sont les effets de l’indemnisation et de la probabilité de non détection de la fraude sur la
fréquence d’audit ?
Question 3 :
Est-il efficace, en cas de falsification, d’associer une sanction très sévère à un audit moins
fréquent ?
Question 4 :
Par rapport à la situation où l’audit est parfait, doit-on augmenter la fréquence d’audit lorsque
le taux de fraude augmente à cause de la falsification des dommages ?
Question 5 :
Relativement au degré d’imperfection de l’audit lié à la falsification des dommages par les
assurés, quel est l’arbitrage optimal entre l’audit et la sanction ?
Les sujets :
Les sujets (soixante-douze participants) qui ont participé à cette expérimentation sont des
étudiants en économie et gestion de l’ENS de Cachan. Leur recrutement a été fait à l’aide
d’une annonce affichée au département et qui les informe de l’objectif de l’expérimentation,
sa durée, ainsi que le mode de son déroulement. Les étudiants intéressés ont pris contact avec
nous pour s’inscrire. A chaque session, nous avons besoin de 6 participants, dont 5 parmi eux
sont des assurés et l’autre est un assureur. Au moment du recrutement, aucune information
concernant l’expérimentation n’a été fournie aux participants. Ils savent juste, qu’il s’agit
d’une expérimentation en assurance qui dure environ 60 minutes, qui s’effectue sur
ordinateurs et qu’elle est rémunérée.
l’interprétation des résultats se fait à l’aide d’un code de connexion affecté à chaque machine.
Ceci nous a facilité la tâche d’analyser les observations individuelles. Les assurés reçoivent
un premier écran les informant de la situation actuelle (qu’il est assuré, le montant du capital
initial, la prime, le sinistre…). Nous leur demandons à cette première étape s’ils acceptent de
falsifier ou pas (boutons oui et non). Une fois ils ont fait leurs choix, un deuxième écran
apparaît pour qu’ils effectuent leurs déclarations. Entre temps, On demande à l’assureur de
patienter jusqu’à recevoir sur son écran les différentes déclarations des assurés. Il choisit par
la suite de mener les contrôles qui lui paraissent pertinents. Ensuite, un autre écran apparaît
pour touts les participants les renseignant du résultat du round joué. Pour les assurés, on leur
dit s’ils ont été contrôlés ou pas, détectés ou pas, sanctionnés ou pas et combien ils ont gagné
à cette période. Pour l’assureur, on l’informe des assurés fraudeurs et détectés et de son gain
de fin de période. En plus, à tout moment, les joueurs ont la possibilité de consulter un écran
secondaire contenant l’historique des tours déjà joués.
Description de la session :
La durée moyenne de cette expérimentation est d’environ 60 minutes. Les instructions (voir
annexe 5.6.), ont été distribuées avant le début de la session (12 sessions ont été organisée) et
lues à haute voix par l’expérimentateur afin de rassurer les sujets quant à l’homogénéité des
informations. Ensuite, un questionnaire d’entraînement a été rempli collectivement afin
d’établir une connaissance commune entre les sujets. Chaque session comprend 6
participants (un assureur et 5 assurés) qui interagissent pendant 17 périodes ou répétitions
(rounds).
Ce sont les assurés qui jouent en premier. En effet, au début de chaque période, on
communique à chaque participant, l’information qu’il joue le rôle d’un assuré, et on le
renseigne du montant de sa dotation initiale, de la prime à payer et du sinistre survenu. On lui
demande ensuite de choisir s’il veut falsifier ou non. Bien sûr, la falsification (paiement de
frais) lui permet d’augmenter ses chances de ne pas être détecté en cas de contrôle (audit
imparfait). Par contre, il a la possibilité de frauder sans falsifier (fraude non coûteuse) et en
cas de contrôle, la détection est systématique (audit parfait). Une fois il a fait son choix, il doit
par la suite effectuer sa déclaration de dommage. L’assureur de son coté, patiente, et doit
attendre la réception de toutes les déclarations des assurés. Son rôle consiste à choisir qui
contrôler parmi les 5 assurés. Il n’a pas la possibilité de connaître si il y a eu falsification ou
pas. C’est l’ordinateur qui se charge de faire la sélection des fraudeurs qui ont falsifié et ceux
qui n’ont pas falsifié pour définir la qualité de l’audit (parfait ou imparfait). Ensuite, une fois
Chapitre 5 276
ces étapes effectuées, toutes les informations sont envoyées au serveur du réseau, pour qu’il
fasse les calculs des gains et renvoie les résultats aux joueurs. Ainsi de suite, se déroulent les
17 répétitions. A la fin, un écran de veille apparaît devant chaque joueur, et les ordinateurs
sont verrouillés jusqu’à ce que l’expérimentateur puisse enregistrer les données sur le serveur.
La rémunération :
La rémunération des joueurs représente la dernière étape de cette expérimentation. Les
théories économiques posent des hypothèses concernant les comportements des agents.
Notamment, des hypothèses concernant les préférences des individus qu’ils représentent à
l’aide des fonctions d’utilité. Sur ce sujet, l’économie expérimentale ne peut que mettre en
place des incitations (coûts, gains…) similaires à celles présentées dans la théorie. En effet,
les modèles d’assurance supposent que les agents ont des préférences pour les gains et que les
actions sont orientées par la maximisation de la fonction d’utilité de l’assuré et la
maximisation du profit de l’assureur. C’est pour cette raison, que nous rémunérons nos
participants en monnaie réelle et en fonction de leurs gains moyen. Cette rémunération est
faite de façon individuelle et anonyme. D’après les codes affectés aux différents ordinateurs,
nous arrivons à identifier les joueurs. Nous leur demandons de garder leur place jusqu’à la fin
de la session. Le serveur du réseau calcule pour chaque participant son gain total de
l’expérimentation. Ce dernier comprend une partie forfaitaire (indemnité de participation) et
une partie variable et dépendante de la performance de chacun. Ces gains monétaires ont été
convertis suivant un taux de change des gains expérimentaux. Le paiement relatif aux gains
moyens garantit que les joueurs considèrent toutes les périodes du jeu et réduit la variance
dans les réponses.
Chaque assuré est propriétaire d’un bien. Il est confronté à des situations de risque qui
l’obligent à souscrire auprès de son assureur et contre paiement d’une prime un contrat
d’assurance qui l’indemnise en cas de dommage.
Au début de chaque période, l’assuré est doté d’un capital, lui permettant d’acheter sa police
d’assurance. Une fois l’état de nature réalisé, l’assuré se trouve devant une première prise de
décision, qui correspond à choisir de falsifier ou non le dommage (investir dans des dépenses
de falsifications qui permettent de rendre l’audit imparfait). Lorsque l’assuré engage les frais,
Chapitre 5 277
la détection de la fraude n’est plus systématique. Il existe ainsi une probabilité positive que le
fraudeur ne soit pas pris par l’assureur. Toutefois, un assuré qui refuse de falsifier peut choisir
ensuite de frauder. Dans ce cas, la détection de la fraude est systématique (audit parfait).
L’assureur ne peut détecter le comportement frauduleux que sur la seule base des déclarations
de sinistres. Sa stratégie est définie par le choix de mener les contrôles qui lui paraissent
pertinents.
La détection de la fraude implique l’application d’une sanction : refus d’indemnisation et
paiement d’une amende.
En résumé, chaque période est marquée par les trois étapes suivantes :
• Première étape : survenance et déclaration du sinistre par l’assuré.
Cette étape est marquée par deux décisions que l’assuré doit prendre. Tout d’abord on lui
demande s’il est prêt à investir dans des dépenses de falsification pour diminuer ses chances
d’être détecté. Ensuite, ayant pris cette décision, il doit effectuer sa déclaration.
• Deuxième étape : audit aléatoire imparfait.
L’assureur reçoit toutes les déclarations de dommage. Il doit effectuer les contrôles qui lui
paraissent pertinents. En cas de falsification, l’audit ne permet pas de détecter
systématiquement la fraude. Par contre, s’il n’y a pas de falsification, l’audit est parfait.
En cas d’expertise, l’assureur supporte un coût.
• Troisième étape : indemnisation et sanction.
Le fraudeur contrôlé mais non détecté, échappe à la sanction et reçoit une indemnité
correspondant à sa déclaration.
Le fraudeur parfaitement contrôlé est sanctionné par un refus de remboursement et par une
amende.
Dans cette expérimentation, la décision prise par l’assuré consiste à choisir dans une première
étape de falsifier ou pas et dans une deuxième étape de frauder ou pas. On rappelle que la
falsification ou encore la fraude coûteuse permet de rendre l’activité d’audit imparfaite.
Toutefois, un assuré qui décide de ne pas falsifier peut tout de même frauder, mais dans ce cas
l’audit devient parfait (détection systématique de la fraude). Ce processus peut être résumé
par le schéma suivant :
Non détection
Audit imparfait
Falsification Fraude Détection
Non audit Non détection
Audit parfait Détection
Fraude
Non audit Non détection
Non falsification
Non Fraude Audit ou non Indemnité
14
72 sujets ont participé à cette expérimentation qui contient 12 sessions. Dans chaque session, il y a 1 assureur
et 5 assurés.
Chapitre 5 279
Fij est la fonction de répartition utilisée pour calculer la probabilité que l’assuré i choisit la
y ij = 1 si y i = j
i = 1,2,....60 et j = 0,1,2
= 0 sinon
On peut écrire la vraisemblance du modèle comme le produit des probabilités associées aux
différentes modalités, ceci pour tous les assurés :
36 2
L=∏ ∏ F ( X , β)
y ij
ij
i =1 j= 0
Il s’agit donc, d’un « Probit Multinomial Ordonné » (voir Caudill, Steven, Ayuso et
Mercedes (2005)15), où la variable à expliquer ( falsifraud it ) est codée comme suit :
Cette variable ( falsifraud it ) est fonction de la série des variables explicatives suivantes :
Dans les deux tableaux suivants, nous présentons respectivement, les définitions et les
descriptions statistiques (moyenne, écart-type, valeur minimale, valeur maximale) des
différentes variables explicatives :
15
Dans leur papier, les auteurs présentent une estimation du modèle (AAG) de Artis, Ayuso et Guillen (2002) à
l’aide d’un logit multinomial. La version contrainte de ce modèle est utilisée pour réexaminer, les données d’une
assurance espagnole. Les résultats indiquent comment on peut identifier les dommages frauduleux, en utilisant
l’approche de AAG.
Chapitre 5 280
CTR it Contrôle, représente une variable muette (dummy) qui prend la valeur
1 si l’assuré i a été contrôlé en (t – 1) et 0 sinon.
------------------------------------------------------------------------------
Falfr | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
sin | -.5329696 .3168885 -2.682 0.013 -1.15406 .0881204
Dom | -.0006188 .0000897 -6.898 0.000 -.0007946 -.000443
FA | -.0397287 .2008452 -0.198 0.843 -.4333781 .3539207
CTR | .3549311 .144254 2.460 0.014 .0721985 .6376637
Tdet | .0593163 .1819082 0.326 0.744 -.2972172 .4158499
FF | .0307913 .0021364 14.413 0.000 .0266041 .0349785
---------+--------------------------------------------------------------------
_cut1 | .5610009 .1749289 (Ancillary parameters)
_cut2 | 1.034732 .1796814
------------------------------------------------------------------------------
La régression montre que le modèle est globalement significatif (cf. test de rapport de
vraisemblance (LR), Prob > chi2 = 0.0000) et que les coefficients des variables (Sin, Dom,
CTR et FF) sont aussi significatifs. Toutefois, les paramètres des variables FA et Tdet sont
non significatifs. Le « pseudo R 2 » ( R 2 de Mcfadden) est de l’ordre de 0.6187 prouvant la
bonne qualité de l’ajustement. Nous constatons de plus, que les proportions des sujets qui
choisissent les modalités 0 et 2 (soit ne pas falsifier ni frauder (0), soit falsifier et frauder (2)),
sont respectivement de l’ordre de 0.4627 et 0.4863, par contre la proportion des sujets qui
fraudent sans falsifier (modalité 1) est très basse (=0.0510).
Cette estimation nous a permis de retirer les constatations suivantes :
Constat 1: Les assurés ont tendance à ne pas falsifier et à ne pas frauder lorsque le nombre
de sinistres subis augmente et lorsqu’ils font face à des dommages de taille importante.
En effet, le signe positif des coefficients des variables Sin it et Dom it indique que lorsque
l’assuré fait face à des sinistres fréquemment, il a de moins en moins tendance à falsifier et à
frauder. De plus la variable FF (frais de falsification) est affectée d’un signe positif. Ceci
prouve d’une part, que les frais de falsification permettent aux assurés de bien organiser la
fraude, et d’autre part, que ces assurés ne sont pas trop influencés par l’augmentation de ces
frais dans leurs décisions.
Lorsque l’état de sinistralité est important, la probabilité de falsifier et de frauder tend à
baisser. Ceci prouve qu’il est plus facile à l’assuré de falsifier lorsqu’il ne subit pas de
dommage, d’une part, parce que les frais relatifs ne sont pas trop élevés pour qu’ils soient
dissuasifs, et d’autre part, parce qu’en cas de détection de la fraude par l’assureur, le fraudeur
ne risque perdre que le montant de l’amende. Par contre, en cas de survenance effective du
dommage, le fraudeur risque supporter lui-même le dommage (refus d’indemnisation en cas
de détection). Par ailleurs, et dans le même sens que ce qui précède, pour les montants de
dommage élevés, la probabilité de falsification et la probabilité de fraude sont de moins en
moins importantes.
Constat 2 :
Même si l’audit fréquent peut avoir un effet dissuasif sur les fraudeurs, sa mauvaise qualité
peut le rendre non crédible et ineffectif.
Chapitre 5 282
b/ L’ampleur de la fraude :
Comme nous l’avons déjà mentionné dans les paragraphes précédents, la décision de
l’assureur est double : il s’agit tout d’abord de choisir entre falsifier ou pas, frauder ou pas, et
ensuite de choisir quel montant déclarer. Pour ceci, nous jugeons qu’il est intéressant
d’étudier l’effet de certaines variables (survenance de dommage, sanction appliquée, détection
de la fraude, gain espéré de la fraude…) sur l’ampleur de la fraude. Ainsi, nous utilisons la
régression suivante :
la variable aléatoire portant les propriétés usuelles (moyenne 0, non corrélée avec elle-même,
non corrélée avec les variables explicatives, non corrélée avec ν et homoscédastique).
Chapitre 5 283
Les définitions et les descriptions statistiques (moyenne, écart-type, valeur minimale, valeur
maximale) des différentes variables sont résumées dans les deux tableaux suivants :
------------------------------------------------------------------------------
AF | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
falsif | 1469.888 87.47755 16.803 0.000 1298.435 1641.341
Sdom | -370.1047 81.35634 -4.549 0.000 -529.5602 -210.6492
BR | -812.2548 222.4123 -3.652 0.000 -1248.175 -376.3348
San | -.475078 .0265638 -17.884 0.000 -.527142 -.423014
Det | -116.9981 91.21306 -1.283 0.200 -295.7725 61.77616
G | .1440229 .0294613 4.889 0.000 .0862798 .201766
_cons | 249.3387 73.8448 3.377 0.001 104.6056 394.0719
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | 0
sigma_e | 920.35591
rho | 0 (fraction of variance due to u_i)
------------------------------------------------------------------------------
L’estimation de ce modèle montre que ce dernier est globalement significatif (cf. test de
Wald, avec Prob > chi2 = 0.0000), ainsi que les paramètres des différentes variables
explicatives, à l’exception du coefficient de la variable Det qui présente un P>|z|=0.200
(variable non significative). Le R 2 inter-groupe16 est de l’ordre de 0.8749 et le R 2 de la
régression groupée est de l’ordre de 0.6156, prouvant la bonne qualité de l’ajustement surtout
pour le modèle utilisant la moyenne des groupes d’individus.
Le test de Multiplicateur de Lagrange pour les effets aléatoires (var ( ν i ) = 0) de Breusch et
Pagan (1980) et le test de spécification de Hausman (1978), montrent que notre modèle est
bien spécifié, du moment où les estimateurs du modèle à effet fixe et celui à effet aléatoire
sont statistiquement les mêmes.
16
R 2 représente la mesure habituelle de la qualité de l’ajustement dans une régression ordinaire. Les estimateurs
de α et β sont respectivement α ˆ et βˆ . y i = ∑ y it / Ti et x i = ∑ x it / Ti .
t t
chi2(6)=(b-B)'[S^(-1)](b-B),S=(S_fe-
S_re)
= 0.00
Prob>chi2 = 1.0000
Constat 3 :
La fraude est plus importante en cas de faux sinistre falsifié17.
17
Faux sinistre, signifie la déclaration d’un dommage qui n’a pas eu lieu en réalité, et falsifié signifie que
l’assuré supporte des frais (de falsification) pour rendre l’activité d’audit imparfaite (la détection de la fraude
n’est pas systématique).
Chapitre 5 286
Constat 4 :
Récompenser les assurés honnêtes par versement d’indemnité plus généreuse permet
d’atténuer l’ampleur de la fraude.
Ce constat est établi sur la base que le paramètre de la variable BR est de signe négatif. En
effet, le fait de verser un bonus pour les assurés honnêtes, permet d’atténuer l’ampleur de la
fraude. Le but d’une telle politique est d’encourager les gens honnêtes à continuer à déclarer
toujours la vérité. Ce bonus représente une récompense permettant de distinguer les assurés
honnêtes des assurés fraudeurs. Cela permet aussi d’inciter les fraudeurs à devenir honnêtes.
Ce résultat est encore en accord avec la constatation suivante :
Constat 5 :
Pénaliser les fraudeurs par refus d’indemnisation et paiement d’une amende est dissuasif.
3500
3000
2500
2000
AFM
1500
1000
500
0
189,41 282,35 310,82 408,24 534,71 545,06 587,65 704,12 871,18 1433,4 1582,4 2358,2
Sanction moyenne
Cette constatation relative à l’effet dissuasif de la sanction est illustrée par le signe négatif de
l’estimateur de la variable San. En effet, pénaliser les fraudeurs détectés par refus
d’indemnisation et par paiement d’une amende, a un impacte négatif sur l’ampleur de la
fraude. Ainsi, lorsque l’assuré fait face à un dommage et décide de le falsifier la déclaration, il
sait que même si l’audit est imparfait, l’assureur peut lui appliquer une sanction très sévère en
cas de détection. Par conséquent pour les dommages de taille importante, l’assuré n’est pas
incité à frauder car en cas de détection, il risque de supporter en plus des frais de réparation du
dommage (refus d’indemnisation) une amende.
D’autre part, l’estimation du modèle montre aussi que le coefficient de la variable G est
affecté d’un signe positif. Cette constatation indique le comportement type des opportunistes
Chapitre 5 287
qui n’ont pas été détectés plusieurs fois auparavant, et essayent de tirer profit de la fraude.
C’est ce qui confirme encore plus, que la variable Det soit non significative, dans la mesure
où malgré qu’elle puisse avoir un effet négatif sur l’ampleur de la fraude, elle ne représente
aucune influence sur le comportement des assurés. Ceci s’explique aussi, par l’imperfection et
l’ineffectivité de l’audit. Ces assurés opportunistes raisonnent de la façon suivante : s’ils
étaient détectés auparavant, cela ne signifie pas qu’ils pourront l’être à coup sûr
ultérieurement, puisqu’ils ont la possibilité de falsifier les dommages et rendre la détection de
la fraude non systématique. Ceci nous amène au constat 6 suivant :
Constat 6 :
Lorsque l’activité d’audit est imparfaite à cause de la falsification des dommages, la
détection passée de la fraude n’a pas d’effet sur le comportement futur de l’assuré.
a/ Décision d’audit :
1…17). Audit *it est expliquée par un vecteur de variables observables X , un vecteur de
La variable latente Audit *it est inobservable, mais nous pouvons observer si l’individu i
Dans les deux tableaux suivants nous présentons respectivement la série des variables
explicatives (définitions et notations respectives) et leurs descriptions statistiques (moyenne,
écart-type, valeur minimale, valeur maximale) :
Nom de la variable Description de la variable
Dec it Déclaration reçu par l’assureur i à la période t. Chaque assureur reçoit
5 déclarations à chaque période (5 assurés différents).
T det it Taux de détection de la fraude, représente pour chaque assuré le
nombre de fraudes détectées jusqu’à (t – 1), divisé par le nombre de
fois où il a été contrôlé.
nombre de fraudes détectées jusqu'à (t - 1)
T det it =
nombre de controle jusqu'à (t - 1)
------------------------------------------------------------------------------
Audit | Coef. Std. Err. z P>|z| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
Dec | .0009993 .0000802 12.459 0.000 .0008421 .0011565
Tdet | .1200971 .2611051 0.460 0.646 -.3916595 .6318537
CAR | 4.600357 .7167412 6.418 0.000 3.19557 6.005144
_cons | -.8399856 .1711103 -4.909 0.000 -1.175356 -.5046156
---------+--------------------------------------------------------------------
/lnsig2u | -.35966 .269513 -1.334 0.182 -.8878958 .1685757
---------+--------------------------------------------------------------------
sigma_u | .8354122 .1125772 .6414988 1.087942
rho | .4110419 .0652454 .2915443 .5420444
------------------------------------------------------------------------------
Likelihood ratio test of rho=0: chi2(1) = 100.49 Prob > chi2 = 0.0000
Chapitre 5 289
L’estimation montre que le modèle est globalement significatif (cf. test de Wald, Prob > chi2
= 0.0000) ainsi que les variables (Dec et CAR). Par contre, la variable Tdet est non
significative.
Cette estimation, nous a permis de dégager certaines constatations :
Constat 7 :
Les déclarations élevées ont plus de chance d’être contrôlées.
Ce constat est en liaison avec le signe positif du coefficient de la variable Dec. En effet,
lorsque la déclaration de dommage est importante, nous remarquons que la probabilité d’audit
est plus importante. Puisque l’audit est de mauvaise qualité, à cause de la falsification des
dommages par les assurés, l’assureur est incité à améliorer sa politique de contrôle afin de
pouvoir compenser cette défaillance au niveau de la détection de la fraude. Bien que ce
contrôle fréquent lui fait supporter des coûts, il s’avère plus intéressant à l’assureur de vérifier
les dommages (surtout de grandes tailles) avant de les rembourser.
Constat 8 :
La décision d’audit ne dépend pas du taux de détection de la fraude.
La variable Tdet est non significative (P>|z|=0.646). A première vue ce résultat nous parait
bizarre, dans le sens où l’audit doit être étroitement lié à la détection de la fraude. Néanmoins,
dans cette partie, l’audit est supposé de mauvaise qualité, c'est-à-dire qu’il ne permet pas de
détecter la fraude à coup sûr, à cause de la possibilité pour l’assuré de falsifier les dommages
avant de les déclarer. Par conséquent, le taux de détection de la fraude ne représente pour
l’assureur qu’une partie du taux de fraude réel. D’une part, parce que l’activité d’audit est
imparfaite (la détection de la fraude est non systématique) et d’autre part, parce que certains
fraudeurs réussissent à bien falsifier les dommages de façon à ce qu’il soit impossible pour
l’assureur d’observer la fraude.
Constat 9 :
Malgré l’augmentation des coûts d’audit, l’assureur continue toujours à contrôler.
Le coefficient de la variable CAR est affecté d’un signe positif. Ce qui explique l’idée que
malgré que le coût d’audit soit assez élevé, l’assureur décide tout de même de vérifier les
Chapitre 5 290
déclarations. Ainsi, puisque l’activité de l’audit est imparfaite et ne permet pas de détecter les
fraudeurs avec certitude, l’assureur trouve qu’il est plus intéressant de supporter des coûts
supplémentaires et de diminuer les chances de payer des indemnités non mérités, surtout
lorsque les déclarations sont importantes (le coût d’indemnisation est beaucoup plus élevé que
le coût d’audit).
b/ La fréquence d’audit :
Dans cette régression, nous expliquons la fréquence d’audit ( FA it ) dans chaque groupe
FA it = α 1 + α 2 p it + α 3 IMNA it + α 4 CA it + α 5 G it + w it
L’estimation montre que le modèle est globalement significatif, par contre certaines variables
explicatives sont non significatives. Le R 2 inter-groupes et le R 2 de la régression groupée
sont respectivement égaux à 0.6678 et 0.5086, prouvant la bonne qualité de l’ajustement.
Le test de Multiplicateur de Lagrange pour les effets aléatoires (var ( ν i ) = 0) de Breusch et
Pagan (1980) et le test de spécification de Hausman (1978), montrent que notre modèle est
bien spécifié, puisqu’il n’existe pas de différences significatives entre les estimateurs du
modèle à effet fixe et celui à effet aléatoire.
Chapitre 5 292
l’assureur observe le résultat de l’expertise (les fraudeurs détectés), après la vérification des
déclarations, il ne peut pas toutefois, se baser sur cette variable pour définir sa fréquence de
contrôle. Ainsi, même si cette probabilité tend à diminuer (la détection de la fraude
augmente), il continue toujours à augmenter la fréquence de contrôle pour pouvoir combler
l’imperfection de l’audit (augmenter les chances de détection des fraudeurs). D’où le constat
suivant :
Constat 10 :
La probabilité d’imperfection de l’audit n’a pas d’effet sur la décision de l’assureur.
Lorsqu’elle devient élevée, l’audit est ineffectif et l’assureur n’a plus intérêt à contrôler.
Ceci signifie, que grâce à la falsification des dommages, les fraudeurs réussissent à rendre
l’activité d’audit ineffective. Par conséquent, l’assureur est incité à ne pas contrôler, puisque
cela, lui fait encourir des coûts supplémentaires sans qu’il n’arrive à détecter la fraude.
Le coefficient de la variable CA est positif. Ce qui prouve que même si le coût de l’audit est
important, l’assureur continue à augmenter la fréquence d’audit. Ce résultat est en accord avec
Chapitre 5 293
Constat 11 :
L’assureur contrôle plus fréquemment les assurés, lorsque le coût d’indemnisation augmente.
1,2
1
0,8
FAM
0,6
0,4
0,2
0
1199 1326 1430 1469 1915 1950 2178 2250 2481 2914 3195 4144
IMNA
Vu que certaines variables sont non significatives, pour améliorer la qualité de l’estimation,
nous avons effectué une régression sur les moyennes des groupes. Plus précisément, nous
avons estimé l’équation de la forme : ŷ it = αˆ + x it βˆ , avec y it la variable à expliquer (FA
F(4,7) = 44.73
sd(u_i + avg(e_i.))= .0442957 Prob > F = 0.0000
------------------------------------------------------------------------------
FA | Coef. Std. Err. t P>|t| [95% Conf. Interval]
---------+--------------------------------------------------------------------
p | 1.006149 .2107759 4.774 0.002 .507743 1.504555
IMNA | 4.47e-06 .0000469 0.095 0.927 -.0001065 .0001155
CA | .0033934 .0004427 7.665 0.000 .0023465 .0044402
G | .000134 .0000342 3.921 0.006 .0000532 .0002149
_cons | -.8382999 .2070191 -4.049 0.005 -1.327822 -.3487775
------------------------------------------------------------------------------
Constat 12:
La fréquence d’audit est croissante en fonction du taux d’imperfection de l’audit.
Le coefficient de la variable p est positif, ce qui prouve que l’assureur tend à augmenter la
fréquence d’audit moyenne lorsque le taux d’imperfection de l’audit augmente. L’idée est que
l’assureur cherche à maximiser ses chances de détecter les fraudeurs, puisque l’activité
d’audit est imparfaite. De surcroît, en augmentant la fréquence de contrôle, il augmente la
probabilité de détection de la fraude (compenser la mauvaise qualité de l’audit).
1,2
Fréquence d'audit moyenne
0,8
0,6
0,4
0,2
0
0,3245 0,4029 0,4127 0,5794 0,5922 0,6118 0,6608 0,6618 0,6667 0,6906 0,7922 1
probabilité de non détection
Ce paragraphe a pour objet de préciser comment les constations empiriques issues de la partie
expérimentales, permettent de valider les prédictions théoriques de notre modèle. Dans un
premier temps, nous présentons un récapitulatif de ces différents résultats, et dans un
deuxième temps, nous exposons les différentes interprétations.
Constats Propositions
Propriétés du profil
d’indemnisation :
* si I A = I A , alors p =1
Les assurés ont tendance à ne pas falsifier
et à ne pas frauder lorsque le nombre de
1 sinistres subis augmente et lorsqu’ils font * si I A > I A , alors 0≤p<θ
face à des dommages de taille importante. Proposition 1
* si I A < I A , alors θ < p <1
Même si l’audit fréquent peut avoir un
effet dissuasif sur les fraudeurs, sa
2 mauvaise qualité peut le rendre non
crédible et sans effet. * Quel que soit le profil
d’indemnisation offert, le contrat
d’assurance implique une
Récompenser les assurés honnêtes par + imperfection de l’audit en cas de
versement d’indemnité plus généreuse falsification.
4 permet d’atténuer l’ampleur de la fraude. * Il est optimal de récompenser
l’assuré en cas d’audit : offrir une
Malgré l’augmentation des coûts d’audit, indemnité plus généreuse.
l’assureur continue toujours à contrôler. Corollaires * Lorsque p = 1 , la stratégie
9
(1,2,3) d’audit est ineffective. Dans ce
La probabilité d’imperfection de l’audit n’a cas, l’assureur n’aura jamais
pas d’effet sur la décision de l’assureur. intérêt à contrôler la déclaration de
10 Lorsqu’elle devient élevée, l’audit est sinistre de l’assuré, ni à offrir un
ineffectif et l’assureur n’a plus donc intérêt contrat d’assurance positif.
à contrôler.
Chapitre 5 296
2.3.2. Les constatations expérimentales sont elles conformes aux prédictions théoriques ? :
L’idée centrale de cette analyse est de définir le contrat d’assurance optimal, lorsqu’il est
possible pour l’assuré de frauder et éventuellement de falsifier les dommages. Nous sommes
ainsi, arrivés dans les parties théorique et expérimentale à définir les différentes clauses du
contrat et notamment, l’indemnité optimale, la fréquence d’audit optimale et la sanction
optimale. Ces trois variables centrales représentent la raison pour laquelle le chapitre présent
s’articule autour de deux axes principaux :
• Le premier axe, s’intéresse à la définition de l’indemnité d’assurance optimale,
dans un contexte de fraude coûteuse et d’audit imparfait.
• Le second, concerne la caractérisation de la politique d’audit optimale
- fréquence d' audit
permettant de faire face à la fraude et à la falsification .
- Sanction
Chapitre 5 297
Les prédictions théoriques quant à l’intérêt d’offrir une indemnité plus généreuse en cas
d’audit afin d’atténuer l’ampleur de l’imperfection de l’audit, ont été pleinement vérifiées,
dans la mesure où :
• d’une part, les assurés ont tendance à ne pas falsifier et à ne pas frauder lorsque le
nombre de sinistres survenus augmente et lorsqu’ils font face à des dommages de
taille importante. Cette constatation traduit l’idée que, le fait de faire face à des
dommages fréquemment, pousse les assurés à être honnêtes surtout que l’audit leur
fait bénéficier d’un bonus pour leur honnêteté. En outre, lorsque ces dommages sont
élevés, la fraude – si elle est détectée – peut leur faire perdre le droit à l’indemnisation.
C’est pour cette raison, que les assurés n’ont pas intérêt à frauder dans ce cas
(dommages importants).
• d’autre part, et du coté de l’assureur, malgré l’augmentation du coût de l’audit, nous
constatons, qu’il continue toujours à contrôler dans le but d’augmenter ses chances de
détecter les fraudeurs et de ne pas payer d’indemnités non mérités. En outre, même si
l’audit fréquent peut avoir un effet dissuasif sur les fraudeurs, sa mauvaise qualité peut
le rendre non crédible et ineffectif.
Néanmoins, cette politique permet d’améliorer la qualité de l’audit en matière de détection de
la fraude, mais elle est toujours génératrice de fraude à cause de la falsification des
dommages.
Ce paragraphe concerne la politique d’audit optimale adoptée par l’assureur pour pouvoir
dissuader les fraudeurs. Notamment, il s’agit d’une part de préciser la fréquence d’audit
nécessaire pour compenser l’imperfection de l’audit et d’autre part, d’analyser le système de
sanction idéal permettant de rendre l’audit effectif.
Pour qu’il soit optimal, l’audit doit présenter une relation positive (croissante) entre la
fréquence de contrôle et l’indemnité d’assurance d’une part et la probabilité d’imperfection de
l’audit d’autre part. Ceci veut dire, comme nous l’avons déjà mentionné dans le paragraphe
précédent, que lorsque le coût d’indemnisation augmente pour l’assureur, ce dernier a intérêt à
contrôler plus fréquemment plutôt que de payer des indemnités non mérités. C’est ce qui
prouve que les déclarations élevées (indemnités élevées) ont plus de chance d’être contrôlées.
Chapitre 5 298
Il s’agit de comparer les résultats de l’expérimentation présentés dans le chapitre 4 avec ceux
du chapitre 5. Notamment, l’objectif de ce paragraphe est d’étudier l’impact de la fraude
coûteuse (falsification) sur les comportements individuels des assurés et des assureurs.
Plus précisément, il s’agit dans ce paragraphe de tester les prédictions théoriques suivantes :
• La fréquence d’audit est plus importante en cas d’audit imparfait ( λ F ) qu’en cas
d’audit parfait ( λ NF ). En effet, à cause de l’augmentation du taux de fraude par la
• Lorsque la probabilité d’imperfection de l’audit est basse, l’audit est dans ce cas
dissuasif, une politique menaçant d’une sanction sévère associée à un audit peu
fréquent est très efficace ( λ NF décroît moins vite que λ F lorsque S augmente).
18
Ceci découle du fait qu’il n’est pas de l’intérêt de l’assuré de frauder en cas où il fait face à un sinistre, parce
que la détection de la fraude lui fait supporter la charge de ce dommage (refus d’indemnisation) en plus du
paiement de l’amende. Par contre, la fraude devient plus bénéfique en cas de déclaration de faux sinistre
(dommage qui n’a pas eu lieu), dans la mesure où s’il est détecté, l’assuré ne risque de perdre que le montant de
l’amende.
Chapitre 5 299
L’idée centrale qui oriente cette comparaison, consiste à étudier l’efficacité d’une politique de
menace de pénalité sévère en cas où l’audit devient ineffectif. Plus précisément, il s’agit de
tester la sensibilité de la fréquence d’audit par rapport à une variation positive de la sanction
(et vice versa), dans le cas où l’audit est parfait (fraude non coûteuse) et dans le cas où l’audit
est imparfait (fraude coûteuse).
Pour ceci, nous effectuons les deux tests non paramétriques suivants :
Tout d’abord, nous effectuons un test de normalité de Shapiro – Wilk (1965), pour choisir
entre les tests usuels et les tests non paramétriques. Les résultats de ce test de normalité sont
donnés dans la table suivante:
Pour les deux variables (FAf : fréquence d’audit en cas de falsification, et FAnf : fréquence
d’audit en cas de non falsification), nous rejetons l’hypothèse nulle, selon laquelle la variable
en question suit la loi normale. Pour ceci, nous optons pour les tests non paramétriques afin de
comparer la fréquence d’audit en cas d’audit imparfait ( λ F ) avec la fréquence d’audit en cas
d’audit parfait ( λ NF ). Notamment, nous utilisons le test U de Mann Whitney (1947)19. Nous
19
Pour plus de détail concernant ce test, voir annexe 3.3. chapitre 3
Chapitre 5 300
l’assureur accroît la fréquence de contrôle en cas d’audit imparfait. Les résultats de ce test
sont donnés dans le tableau suivant :
Nous ne pouvons accepter l’hypothèse nulle H 0 , selon laquelle les deux fréquences sont
égales20. Ce résultat est en accord avec la théorie et prouve que l’assureur a intérêt à
augmenter la fréquence de contrôle, lorsqu’il est possible pour les assurés de falsifier les
dommages (le taux de fraude augmente).
1,2
0,8
FAM (falsif)
0,6 FAM (non falsif)
0,4
0,2
0
0 2 4 6 8 10 12 14
Session
Figure 8 : Comparaison des fréquences d’audit moyennes (FAM) selon les deux versions
d’audit (parfait et imparfait)
20
On rejette H 0 car d’après les résultats du test, on a trouvé que Prob > |z| = 0.0000 qui est largement inférieure à 5%.
Chapitre 5 301
∂λ ∂λ λ
2
NF < F si p > 1 − NF
∂S ∂S λF
2
∂λ NF ∂λ F λ
> si p < 1 − NF
∂S ∂S λF
Il s’agit dans ce paragraphe, d’effectuer aussi le test U de Mann Whitney. Toutefois, nous
avons deux inégalités à vérifier : chacune dépend de la valeur de la probabilité d’imperfection
de l’audit (p). Pour ceci, nous procédons comme suit :
2
∆λ NF ∆λ F λ
• Tout d’abord, nous calculons : 21
, , p et 1 − NF
∆S ∆S λF
∆λ NF ∆λ F
• Ensuite, nous classons les et les selon le fait que p soit supérieure ou
∆S ∆S
2
λ
inférieure à 1 − NF .
λF
• Enfin, nous effectuons un premier test de U de Mann Whitney pour le premier cas
2 2
λ λ
p > 1 − NF et un deuxième test de U pour le second cas p < 1 − NF .
λF λF
Conformément aux procédures de ce test, nous considérons les deux traitements indépendants
suivants :
Traitement 0 (Treat 0) : variation de la fréquence d’audit en cas de non falsification
∆λ NF
par rapport à la sanction ( ).
∆S
Traitement 1 (Treat 1) : variation de la fréquence d’audit en cas de falsification par
∆λ F
rapport à la sanction ( ).
∆S
* 1er cas : Pour cette première phase, il s’agit d’effectuer le test pour voir si la
variation de la fréquence d’audit λ par rapport à la sanction S est plus importante en cas de
21
∆λ NF représente la variation de la fréquence d’audit en cas de non falsification, entre deux périodes
successives.
∆λ F représente la variation de la fréquence d’audit en cas de falsification, entre deux périodes successives.
∆S représente la variation de la sanction, entre deux périodes successives
Chapitre 5 302
falsification. Sous l’hypothèse nulle, nous admettons que l’assureur adopte la même politique
de menace de sanction sévère pour pouvoir diminuer la fréquence de contrôle. Il n’est pas
affecté par la falsification des dommages par les assurés. En effet, nous écrivons :
∆λ F ∆λ NF
H 0 : =
∆S ∆S
H ∆λ F ∆λ NF
: >
∆S ∆S
a
Les résultats du test U de de Mann Whitney sont résumés dans le tableau suivant :
Nous rejetons l’hypothèse H 0 et nous acceptons le fait que la variation de la fréquence d’audit
par rapport à la sanction est plus importante en cas d’audit imparfait (falsification) qu’en cas
d’audit parfait. La somme des rangs est plus importante pour le traitement 1 (Treat 1)
∆λ F
correspondant à .
∆S
Ce résultat confirme bien notre hypothèse théorique pour laquelle
2
∂λ NF ∂λ F λ
< ssi p > 1 − NF et traduisant l’idée que la politique d’audit peu fréquent
∂S ∂S λF
associé à une sanction sévère n’est pas assez efficace pour être dissuasive de fraude, lorsque
l’audit est imparfait.
* 2ème cas : Pour cette deuxième phase du test, il s’agit d’effectuer le test pour voir si la
variation de la fréquence d’audit λ par rapport à la sanction S est plus importante en cas de
non falsification. En effet, nous écrivons :
Chapitre 5 303
∆λ F ∆λ NF
H 0 : =
∆S ∆S
H ∆λ NF ∆λ F
: >
a ∆S ∆S
Les résultats du test U de Mann Whitney sont résumés dans le tableau suivant :
Prob > |z| = 0.0602 ; l’hypothèse H 0 est rejetée au seuil 10%, mais elle ne l’est pas au seuil de
5%. Ce résultat indique que les deux variations ne sont pas statistiquement différentes à un
seuil inférieur à 6%.
Ce résultat n’est pas pleinement en accord avec notre hypothèse théorique pour laquelle
2
∂λ NF ∂λ F λ
> ssi p < 1 − NF . Théoriquement, nous avons montré que lorsque la
∂S ∂S λF
probabilité d’imperfection de l’audit est basse, l’audit imparfait peut être dissuasif. Pour ceci,
il est possible pour l’assureur de contrôler moins fréquemment les déclarations des assurés
mais tout en fixant une sanction monétaire assez élevée.
Néanmoins, dans l’expérimentation, lorsque la probabilité d’imperfection de l’audit est basse,
la diminution de la fréquence de contrôle, proportionnelle à l’augmentation de la sanction,
parait être équivalente dans les deux cas (audit parfait et audit imparfait). Ceci est liée au fait
que les assureurs préfèrent toujours une politique d’audit très fréquent, les permettant
d’augmenter les chances de détection de la fraude. Pour eux cette politique est plus efficace
que celle associant des sanctions élevées à un audit peu fréquent.
Chapitre 5 304
Conclusion Générale :
Ce dernier chapitre a fait l’objet d’une confrontation des prédictions théoriques aux résultats
expérimentaux. Nous avons pu retenir certaines constatations quant à la définition du contrat
d’assurance optimal, et l’arbitrage entre la sanction adoptée et la fréquence d’audit nécessaire
pour dissuader la fraude.
Nous avons ainsi montré qu’il est optimal de payer une indemnité plus généreuse
récompensant les assurés honnêtes. Cette politique permet d’atténuer l’ampleur de la fraude et
d’apaiser la probabilité d’imperfection de l’audit (probabilité de non détection de la fraude)
liée à la falsification des dommages.
Il est de l’intérêt de l’assureur d’augmenter la fréquence d’audit, lorsque le coût
d’indemnisation est jugé important. Ce résultat implique qu’il est préférable de supporter des
coûts d’audit supplémentaires que de rembourser des indemnités non méritées. De même,
lorsqu’il est imparfait, l’audit fréquent peut permettre d’augmenter les chances de détection de
la fraude.
D’autre part, l’assureur doit chercher l’arbitrage optimal entre la fréquence d’audit
utilisée et la sanction adoptée. Sur ce point, nous avons montré qu’il est possible d’associer
une sanction sévère à un audit peu fréquent mais suffisant pour que les assurés ne se sentent
pas totalement, à l’abri du contrôle. Cette politique peut ne pas être efficace, surtout lorsque
les chances de non détection de la fraude augmentent à cause de l’imperfection de la
procédure d’audit.
Enfin, à titre comparatif, entre l’audit imparfait et l’audit parfait ou plus
précisément, entre la fraude coûteuse et la fraude non coûteuse, nous avons constaté que
l’assureur est obligé d’augmenter la fréquence d’audit lorsque ce dernier est imparfait.
Autrement dit, suite à l’accroissement du taux de fraude à cause de la falsification des
dommages, l’augmentation de la fréquence d’audit permet de récompenser sa mauvaise
qualité.
Comme extension de notre travail, présenté dans ce chapitre, il serait intéressant de tester les
mêmes hypothèses théoriques à l’aide des bases de données de certaines compagnies
d’assurance et dans certains domaines, tels que, l’assurance maladie, l’assurance vie, et
l’assurance des accidents corporels, où la fraude et la falsification sont plus répandues.
Chapitre 5 305
Pour enrichir cette étude, basée sur la caractérisation de la politique d’audit optimale
nécessaire pour dissuader la fraude, nous avons l’intention de poursuivre cette recherche, en
considérant les deux axes suivants :
• D’une part, adopter une deuxième solution de lutte contre la fraude, à savoir la sous-
indemnisation des sinistres. Notamment, il s’agit au niveau de la partie théorique,
d’implémenter une politique de réglementation particulière, visant à sous payer les
sinistres dont la falsification est facile à établir. Plus exactement, lorsqu’il est possible
pour l’assuré de cacher les caractères observables du sinistre, la sous-indemnisation
des dommages incite à ne pas investir dans des activités privées (falsification)
permettant de créer de nouveaux sinistres ou de gonfler la valeur de ceux-ci.
Egalement, nous objectons à tester cette hypothèse, à travers une expérimentation en
laboratoire, où l’on considère les interactions entre des assurés et des assureurs, tout en
mettant l’accent sur la politique d’indemnisation plutôt que sur la politique d’audit.
• D’autre part, étudier une deuxième politique de sanction, à savoir le réajustement de la
prime d’assurance. Il s’agit de considérer que l’assureur qui détecte la fraude, peut
réajuster la prime d’assurance selon le coût d’indemnisation. Cette politique doit
discriminer entre les assurés honnêtes et les assurés fraudeurs, de façon à dissuader la
fraude.
Cette étude s’ensuit d’une expérimentation qui reconstitue en laboratoire ces
hypothèses théoriques et vérifie leur validité.
Chapitre 5 306
Annexe 5.1.
Preuve de la proposition 1 :
Le programme d’optimisation s’écrit :
Maximiser l’EU de l’assuré:
n
EU = ∑ qi{λ (xi)U (W0 − P − xi + IA(xi) ) + (1 − λ (xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi) )} (1)
i=0
n(n + 1) n(n + 1)
Il existe contraintes du type (3) et contraintes du type (4).
2 2
Le Lagrangien du programme s’écrit :
n
L = ∑ qi{λ (xi)U (W0 − P − xi + IA(xi) ) + (1 − λ (xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi) )}
i =0
+ θ1 P − ∑ q i {λ( x i )[I A ( x i ) + C] + (1 − λ( x i ))I A ( x i )}
n
i =0
Chapitre 5 307
i =0
Chapitre 5 308
1er cas : I A = I A
et on a aussi :
{U' (W 0 − P − x i + I A ( x i ) )− U' (W0 − P − x i + I A ( x i ) )}=
θ 3k
{U' (W0 − P − x k − Fik + I A ( x i ))− pU' (W0 − P − x k − Fik + I A (x i ) )}
[q i + θ 2ij ]
θ 3ki
alors puisque > 0 , on peut conclure que :
q i + θ 2ij
Annexe 5.2.
Preuve de Lemme 1 :
Si on a : I A ( x̂ ) = Inf {I A (.), I A (.), ∀x i ∈ X} (1)
et
U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) ≥
(1 − λ( x i )) U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) + λ( x i )[pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
∀x i ∈ X, avec Fi = α( x i − x 0 ) ( 2)
de plus U( W0 − P + I A ( x̂ )) ≥ U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
donc :
U( W0 − P + I A ( x̂ )) ≥
(1 − λ( x i )) U( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) + λ ( x i )[pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U ( W0 − P − Fi − S)]
∀x i ∈ X (3)
∀xi ∈ X
(5)
(4) et (5) permettent d’écrire :
(1 − λ ( x i )) U( W 0 −P − x i + I A ( x i )) + λ( x i ) U( W0 − P − x i + I A ( x i )) ≥
[
(1 − λ ( x j )) U( W 0 − P − x i − Fji + I A ( x j )) + λ ( x j ) pU( W0 − P − x i − Fji + I A ( x j )) + (1 − p) U( W0 − P − Fji − S) ]
∀x j , x i ∈ X avec x j ≠ x i
d’où toutes les contraintes d’incitation sont vérifiées.
Chapitre 5 311
Annexe 5.3.
Preuve de la Proposition 2 :
Maximiser EU :
n
EU = ∑ qi{λ (xi)U (W0 − P − xi + IA(xi) ) + (1 − λ (xi)) U (W0 − P − xi + IA(xi) )} (1)
i=0
U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) ≥
(1 − λ( x i )) U ( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) + λ ( x i )[pU ( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
∀x i ∈ X (3)
L = ∑ q i {λ ( x i ) U (W0 − P − x i + I A ( x i ) ) + (1 − λ ( x i )) U (W0 − P − x i + I A ( x i ) )}
n
i=0
+ θ1 P − ∑ q i {λ ( x i )[I A ( x i ) + C] + (1 − λ ( x i ))I A ( x i )}
n
i =0
U ( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) − (1 − λ ( x i )) U( W 0 − P − Fi + I A ( x i ))
+ θ2
− λ ( x i )[pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
i =0
(5) ⇔ U ( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) =
(1 − λ ( x i )) U ( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) + λ ( x i )[pU ( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U ( W0 − P − Fi − S)]
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
⇔ λ( x i ) =
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
U"
U étant une fonction d’utilité du type CARA, alors = A avec A < 0 .
U'
Ainsi : LogU' = Ax + B et U' = exp(Ax + B)
D’après les conditions de 1er ordre (1) et (2) on peut écrire :
(
U' (W0 − P − x i + I A i ) − U' W0 − P − x i + I A i )
=
θ2
qi
[
pU' ( W0 − P − Fi + I A i ) − U' ( W0 − P − Fi + I A i ) ]
=
θ2
qi
[
pU' ( W0 − P − αx i + I A i ) − U' ( W0 − P − αx i + I A i ) ]
=
θ2
qi
[
pU' ( W0 − P − x i + I A i + x i (1 − α)) − U' ( W0 − P − x i + I A i + x i (1 − α)) ]
θ2 θ
or, 0 ≤ p ≤ 1 alors 1 − p exp[Ax i (1 − α)] ≥ 1 − 2 exp[Ax i (1 − α)] (2)
qi qi
Chapitre 5 313
θ2
1er cas : si 1 > exp[Ax i (1 − α)]
qi
• pour p = 1
(1) ⇔ U ' (W0 − P − x i + I A i ) = U ' (W0 − P − x i + I A i )
⇔ IAi = IAi
• pour p < 1
θ2 θ
alors 1 − p exp[Ax i (1 − α)] > 1 − 2 exp[Ax i (1 − α)] > 0
qi qi
qi
et puisque U’ est décroissante, alors I Ai > I Ai pour p <
θ 2 exp[Ax i (1 − α)]
θ2
2ème cas : si 1 < exp[Ax i (1 − α)]
qi
• pour p = 1
(1) ⇔ U ' (W0 − P − x i + I A i ) = U ' (W0 − P − x i + I A i )
⇔ IAi = IAi
• pour p < 1
θ2 θ
alors 1 − exp[Ax i (1 − α)] < 1 − 2 p exp[Ax i (1 − α)] < 0
qi qi
θ2 θ
1− p exp[Ax i (1 − α)] < 1 − 2 exp[Ax i (1 − α)]
qi qi
qi
et puisque U’ est décroissante, alors I Ai < I Ai pour p >
θ 2 exp[Ax i (1 − α )]
θ2
3ème cas : si exp[Ax i (1 − α)] = 1
qi
θ2
alors 1 − exp[Ax i (1 − α)] = 0
qi
θ
par conséquent : U' (W0 − P − x i + I A i )1 − 2 p exp[Ax i (1 − α)] = 0
qi
θ2
Or, U est strictement croissante (U’>0), donc 1 − p exp[Ax i (1 − α)] = 0
qi
Chapitre 5 314
Annexe 5.4.
Preuve de la proposition 3 :
L’assureur choisit la probabilité d’audit de façon à saturer la contrainte d’incitation. D’après
la 5ème condition:
(5) ⇔ U ( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) =
(1 − λ ( x i )) U ( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) + λ ( x i )[pU ( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U ( W0 − P − Fi − S)]
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
⇔ λ( x i ) =
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
• Variation de λ en fonction de I A :
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) ≥ U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
Soit :
A = U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
B = [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
U' ( W 0 −P − Fi + I A ( x i ))[A − B]
alors λ' (.) =
[U(W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − B]
2
λ" (.) =
0
[U(W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − B]
4
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
λ( x i ) = =0
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
*) λ(.) = 1 si et seulement si :
U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) = [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
or à l’équilibre, on a :
U ( W0 − P − Fi + I A ( x̂ )) =
(1 − λ ( x i )) U ( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) + λ ( x i )[pU ( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U ( W0 − P − Fi − S)]
ce qui implique que d’après son expression que λ(.) = 0 , ce qui est contradictoire
donc λ(.) < 1
• Variation de λ en fonction de p :
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
λ( x i ) =
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
=
[U(W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi − S)]− p[U( W0 − P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi − S)]
Soit :
A = U( W0 − P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
B = [U( W0 − P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi − S)]
C = [U( W0 − P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi − S)]
A
alors λ ( x i ) =
B − pC
AC
⇔ λ ' (.) =
[B − pC]2
Chapitre 5 317
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
λ( x i ) =
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
Lorsque p = 0, Fi = 0
U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
λ( x i ) = = λ min > 0
U( W 0 −P + I A ( x i )) − [U( W0 − P − S)]
Lorsque p = 1, Fi = Max{αx i }= αx n
U( W 0 −P − αx n + I A ( x n )) − U( W0 − P − αx n + I A ( x̂ ))
λ( x n ) = = λ max < 1
U( W 0 −P − αx n + I A ( x n )) − [U( W0 − P − αx n − S)]
Chapitre 5 318
Annexe 5.5.
Preuve de la proposition 4 :
U"
La fonction d’utilité U étant CARA avec = A avec A < 0
U'
LogU' = At + K
⇔ U' = exp(At + K ) = exp At. exp K = B' exp(At )
B'
⇔U=− exp(At ) + C
A
⇔ U( t ) = C + B exp(At) avec B < 0, A < 0 et C > 0
Montrons que pour une fonction U CARA on a :
U(X − Fi ) − U(Y − Fi ) U(X) − U(Y)
=
U(X − Fi ) − pU( Z − Fi ) − (1 − p) U(T − Fi ) U(X) − pU( Z) − (1 − p) U(T)
U(X) = C + B exp(AX)
⇔ U(X) − U(Y) = C + B exp(AX) − C − B exp(AY)
⇔ U(X) − U(Y) = B[exp(AX) − exp(AY)]
et U(X) − pU( Z) − (1 − p) U(T) = C + B exp(AX) − p[C + B exp(AZ)]− (1 − p)[C + B exp(AT)]
= B[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]
U (X ) − U(Y) exp(AX) − exp(AY)
⇔ =
U(X) − pU( Z) − (1 − p) U(T) exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)
D’autre part on a :
Chapitre 5 319
∂λ NF − [U( W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))]U' ( W0 − P − S)
= <0
∂S [U(W 0 −P + I Ai ) − U(W0 − P − S)]2
∂λ F − [U( W 0 − P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))](1 − p) U' ( W0 − P − Fi − S)
= <0
∂S [U(W 0 −P − Fi + I A (x i )) − [pU(W0 − P − Fi + I A (x i )) + (1 − p)U(W0 − P − Fi − S)]]2
⇔
[U(X) − U(Y)]U' (T) = B[exp(AX) − exp(AY)]A.B exp(AT)
[U(X) − U(T)]2 B 2 [exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]
2
A exp(AT)[exp(AX) − exp(AY)]
=
[exp(AX) − exp(AT)]2
car :
U(T) = C + B exp(AT)
⇔ U' (T − Fi ) = AB exp(AT)
d’autre part :
U(X − Fi ) − U(Y − Fi ) B exp(−AFi )[exp(AX) − exp(AY)]
=
U(X − Fi ) − pU( Z − Fi ) − (1 − p) U(T − Fi ) B exp(−AFi )[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]
U(X − Fi ) − U(Y − Fi ) B exp(− AFi )[exp(AX) − exp(AY)]
⇔ =
[U(X − Fi ) − pU(Z − Fi ) − (1 − p) U(T − Fi )] [B exp(−AFi )]2 [exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]2
2
=
[exp(AX) − exp(AY)]
B exp(− AFi )[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]
2
De plus on a :
U(T − Fi ) = C + B exp(AT − AFi )
⇔ U' (T − Fi ) = AB exp(AT) exp(−AFi )
donc :
[U(X − Fi ) − U(Y − Fi )](1 − p) U' (T − Fi ) [exp(AX) − exp(AY)](1 − p)AB exp(AT) exp(−AFi )
=
[U(X − Fi ) − pU( Z − Fi ) − (1 − p) U(T − Fi )] B exp(−AFi )[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]2
2
=
[exp(AX) − exp(AY)](1 − p)A exp(AT)
[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]2
Il s’agit donc de comparer :
A exp(AT)[exp(AX) − exp(AY)] [exp(AX) − exp(AY)](1 − p)A exp(AT)
et 2
[exp(AX) − exp(AT)]2 [exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]
Chapitre 5 321
1er cas :
[exp(AX) − exp(AT)]2
⇔ p > 1−
[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]2
[exp(AX) − exp(AT)]2
2ème cas :
[exp(AX) − exp(AT)]2
⇔ p < 1−
[exp(AX) − p exp(AZ) − (1 − p) exp(AT)]2
[exp(AX) − exp(AT)]2
or :
[U(W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))](1 − p) U' ( W0 − P − Fi − S)
=
[U(W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]]
2
Il faut que :
p >1−
[U(W 0 −P + I A ( x i )) − [pU( W0 − P + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − S)]]
2
[U(W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P − S)]
2
2ème cas :
pour avoir
[U(W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))]U' ( W0 − P − S)
<
[U(W 0 − P + I Ai ) − U ( W0 − P − S) ]
2
Il faut que :
Chapitre 5 323
p <1−
[U(W 0 −P + I A ( x i )) − [pU( W0 − P + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − S)]]
2
[U(W 0 −P + I Ai ) − U( W0 − P − S)]
2
De plus :
U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − U( W0 − P − Fi + I A ( x̂ ))
λF U( W 0 −P − Fi + I A ( x i )) − [pU( W0 − P − Fi + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − Fi − S)]
=
λ NF U( W 0 − P + I A ( x i )) − U( W0 − P + I A ( x̂ ))
U( W 0 − P + I A ( x i )) − U( W0 − P − S)
Pour U CARA :
U(X − Fi ) − U(Y − Fi ) U(X) − U(Y)
U(X − Fi ) − pU( Z − Fi ) − (1 − p) U(T − Fi ) U(X) − pU( Z) − (1 − p) U(T )
=
U(X) − U(Y) U(X) − U(Y)
U ( X ) − U (T ) U ( X ) − U (T )
U ( X ) − U (T )
=
U(X) − pU( Z) − (1 − p) U(T)
Alors :
λF U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P − S)
=
λ NF U( W 0 −P + I A ( x i )) − [pU( W0 − P + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − S)]
et
λ NF U( W 0 −P + I A ( x i )) − [pU( W0 − P + I A ( x i )) + (1 − p) U( W0 − P − S)]
=
λF U( W 0 −P + I A ( x i )) − U( W0 − P − S)
λ NF
2
=
[U(W 0 −P + I A (x i )) − [pU(W0 − P + I A (x i )) + (1 − p)U(W0 − P − S)]] 2
Vous participez à une expérimentation en économie. Lors de cette session, vous allez gagner une certaine somme d’argent. Vos gains dépendent
de vos décisions. Cette rémunération comprend deux éléments : une participation forfaitaire de 8€ à laquelle s’ajoute une prime liée à votre
performance. Cette prime est proportionnelle à la moyenne des capitaux détenus à la fin de chaque période. Les gains finaux seront compris entre
10€ et 20€.
Cette session comprend 17 périodes. Votre groupe est composé de 6 participants : un assureur et 5 assurés
Assureur
Assuré5
Assuré1
Assuré4
Assuré2 Assuré3
Les rôles d’assureur ou d’assuré seront affectés aléatoirement. Vous garderez les mêmes rôles et vous jouerez avec les mêmes personnes durant
ces 17 périodes.
Les assurés : On suppose que vous êtes propriétaire d’un bien d’une valeur de 5000€. Vous êtes ainsi confronté à des situations de risques qui
vous obligent à souscrire auprès de votre assureur, et contre paiement d’une prime, un contrat d’assurance multirisque qui vous indemnise en cas
de dommage.
324
A chaque période, vous avez une chance sur 3 de subir un dommage dont la valeur est comprise entre 1€ et 5000€. Le schéma suivant illustre les
différentes possibilités auxquelles vous serez confrontés.
Non Dommage
2/3
1/10 1€
1/3 1/10
Dommage
1/10
5000€
En plus, vous avez la possibilité d’investir dans une activité de falsification, afin de rendre le contrôle plus difficile. Avec une dépense de
falsification, l’assuré fraudeur, réduit ses chances d’être pris par l’assureur en cas de contrôle.
Ainsi, au début de chaque période on vous demande si vous voulez supporter des frais de falsification, qui dépendent de votre déclaration. Si
vous acceptez cette dépense, il n’y aura que p chance d’être pris par l’assureur, si jamais vous êtes contrôlé. (p vous sera communiqué à chaque
fois)
325
Attention : il est illogique de falsifier sans frauder; (la falsification sert à diminuer la chance de détection de la fraude).
L’assureur : Vous êtes un assureur de cinq clients. Vous disposez d’un capital initial de 3000€. Vous devez rembourser les dommages déclarés
par les assurés et en contre partie vous recevez les primes d’assurance soit 3000€ (5*600).
Sachant que les assurés peuvent frauder, vous avez la possibilité de les contrôler. Autrement dit vous pouvez vérifier si la déclaration faite par
l’assuré correspond bien à son dommage réel. Toutefois cette procédure de contrôle est coûteuse. Le coût de vérification est dépendant de
l’ampleur du dommage déclaré :
En cas de détection de la fraude vous pouvez sanctionner l’assuré fraudeur : vous ne lui remboursez pas sa perte et vous lui faites payer une
amende en plus :
Au début de la session, l’ordinateur vous affecte aléatoirement l’un des deux rôles (assuré ou assureur).
Pour les assurés, au début de chaque période, vous devez payer la prime d’assurance (600€), et l’ordinateur vous indique le dommage que vous
avez subi. Vous choisissez au début de falsifier ou pas, ensuite, vous devez effectuer votre déclaration de sinistre.
Votre déclaration est susceptible d’être contrôlée par votre assureur.
• Si vous êtes fraudeur et que votre assureur vous a contrôlé, vous avez p chance d’être sanctionné (détecté).
• Si vous êtes fraudeur et non contrôlé vous recevrez l’indemnité correspondante à votre déclaration et aucune pénalité ne vous sera
appliquée.
• Si vous êtes honnête, vous recevrez votre indemnité d’assurance (remboursement de votre dommage) + un bonus (50€)
Pour l’assureur, au début de chaque période vous recevez les déclarations de sinistre des cinq assurés. Vous décidez de menez les contrôles qui
vous paraissent pertinents. Afin de vérifier si les déclarations correspondent bien aux dommages effectifs, vous pouvez contrôler de 0 à 5 assurés.
N’oubliez pas que pour chaque contrôle vous supportez un coût.
326
Déroulement de la session :
Assureur
Capital initial 3000€
Les Primes reçues : 3000€ (600 x 5)
Reçoit les déclaration : Déc1 Déc 2 Déc3 Déc4 Déc5
Choisit qui contrôler :
Assuré1 Assuré2 Assuré3 Assuré4 Assuré5
Ordinateur
Fait les calculs des gains de chaque période et les
renvoie aux assurés et à l’assureur
327
NB : Lors du déroulement de l’expérience, l’expérimentateur est incapable d’observer vos comportements. En effet, suite au tirage au
sort, il ne sait pas identifier, qui est assureur, qui est assuré n°1, n°2, ect...
Il est interdit de communiquer durant la totalité de la session expérimentale. Si vous avez des questions concernant ces instructions, nous vous
remercions de lever la main ; nous viendrons répondre en privé à vos questions.
Merci pour votre participation.
Pour vous familiariser avec les instructions, commençons par l’exemple suivant :
328
Ecran de l’assuré :
oui Non
Feed-back Information :
Ecran de l’assuré :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Dommage 100
Frais de
30
falsification
Déclaration 300
Indemnité = déclaration
Indemnité 300
329
Ecran de l’Assuré :
Ecran
Vousde
êtesl’assuré
un assuré :
Vous disposez d’un capital initial de 1000 € pour vous assurer
Vous devez payer une prime de 600€
Vous avez subi un sinistre de 100 €
Tapez le montant de votre déclaration de sinistre et validez par OK
300 OK
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Dommage 100
Indemnité = déclaration
Déclaration 300
Indemnité 300
Sanction =non indemnité + Amende (si contrôle)
Amende 350 Sanction = 0 (si non contrôle)
330
Ecran de l’assureur :
Feed-back Information :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Indemnités payées
Coût de contrôle
Amendes obtenues
Gain de la période= Cap initial+Primes-Cout-Indemnités+amendes
Gain final
Assuré1-Fraudeur
Assuré2-Fraudeur
Assuré3-Fraudeur
Assuré4-Fraudeur
Assuré5-Fraudeur
331
Ecran de l’assureur :
Now playing round N°1
Le coût de contrôle = 40€ si la déclaration <1000 et coût de contrôle = 80€ si la déclaration >= 1000€
Oui Non
Ecran deFeed-back
l’assuréInformation
: :
Période 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17
Assuré2-Fraudeur Non
Si l’assuré est fraudeur « Oui », s’il n’est pas fraudeur « Non »
Assuré3-Fraudeur Non
Assuré4-Fraudeur Non
Assuré5-Fraudeur Non
332
Conclusion Générale 333
Conclusion générale
L’objectif de cette thèse consiste à analyser dans un contexte de fraude à l’assurance avec
possibilité d’audit coûteux, les stratégies et les comportements individuels des assureurs et des
assurés. Pour atteindre notre but, et répondre aux questions de notre problématique, nous
avons procédé à une approche expérimentale combinant les trois parties suivantes:
Enfin, pour les deux versions de l’audit, l’assureur peut menacer les fraudeurs par une
sanction très sévère qu’il associe à un audit moins fréquent. Ce dernier doit être suffisant pour
que personne ne se sente totalement à l’abris du contrôle. Néanmoins, cette politique est
moins crédible quand l’audit est imparfait. La comparaison des deux optiques amène à
conclure que l’audit doit être plus fréquent lorsqu’il est possible pour l’assuré d’investir en
frais de falsification.
♣ L’exploitation statistique des résultats : Nous nous sommes efforcé de valider les
résultats expérimentaux à l’aide de tests non – paramétriques. Nous avons eu recours à deux
parties :
Conclusion Générale 335
• une analyse agrégée des données : il s’est agi de regrouper les observations
pour par exemple expliquer la variation de la fréquence d’audit en fonction du
taux de fraude dans l’échantillon, ou encore exprimer le comportement
frauduleux en fonction de l’efficacité de l’audit et de la sanction.
• une analyse des données par session : qui a consisté à traiter les observations
séparément, pour pouvoir affiner l’analyse et étudier les comportements
individuels.
A partir de cette analyse, nous avons pu dégager les cinq conclusions majeures suivantes :
1. L’audit aléatoire parfait domine l’audit déterministe imparfait, dans le
sens où le premier permet d’avoir un effet dissuasif plus important.
2. Lorsque la qualité de l’audit se dégrade, il est possible pour l’assureur
de recourir à une sanction très sévère pour pouvoir induire des
comportements honnêtes de la part des assurés.
3. Le contrat d’assurance, en cas de falsification des dommages (fraude
coûteuse), génère toujours un taux de fraude, quelle que soit la stratégie
dissuasive de l’assureur.
4. L’assureur a intérêt à payer une indemnité plus généreuse en cas
d’audit, d’une part pour récompenser les assurés honnêtes, et d’autre
part, pour atténuer l’ampleur de la non détection de la fraude due à
l’imperfection de l’audit.
5. L’assureur doit augmenter la fréquence de contrôle en cas de fraude
coûteuse, pour pouvoir compenser la mauvaise qualité de l’audit due à
la falsification des dommages par les assurés.
BIBLIOGRAPHIE
1. Abrahamse, A.F. et S.J. Carroll (1998): « The Frequency of Excessive Claims for
Automobile Personal Injuries », in Automobile Insurance: Road Safety, New
Drivers, Risks, Insurance Fraud and Regulation, G. Dionne and C. Laberge-
Nadeau (Eds), Kluwer Academic Publishers
2. Alary, D. and M. Besfamille (2000): «Do Insurance defrauders want to be
Punished? », Working Paper 2000/08, CREPP
3. Akerloff, G. (1970): «The market for Lemons: Quality Uncertainty and The
market Mechanism », Quarterly Journal of Economics, vol. 84, pp. 488-500.
4. Amy K. Choy et Ronald R. King (2003): «An Experimental Investigation of audit
decision – making, An evaluation using system – mediated mental models », Note
de recherche Avril23, Université de Washington.
5. Andreoni, James. (1991) : « Reasonable doubt and the optimal magnitude of fines :
shoud the penalty fit the crime ? », Rand Journal of Economics, vol.22, N°3, 385-
395.
6. Arnott, R. J. (1991): « Maral Hazard and Competitive Insurance Markets »,
G. Dionne, ed., Contributions to Insurance Economics (Norwell, Mass.: Kluwer
Academic Publishers), pp. 325-358.
7. Arnott, R. J. and J.E. Stiglitz (1988): « The Basic Analytics of Moral Hazard »,
Scandinavian Journal of Economics, vol. 90, pp. 383-413.
8. Arrow, K.J. (1971): « On Optimal Insurance Policies », Essays in The Theory of
Risk Bearing, appendix to essay 8, Markham, Chicago.
9. Arrow, K.J. (1973): « Optimal Insurance and Generalized Deductibles », Rand
Report.
10. Arrow, K. J. (1974): «Limited information and Economic analysis », American
Economic Review, Vol. 64, pp. 1-10.
11. Artis, M. Ayuso, M. Guillen, M (1999) : « Modeling Different Types of
Automobile Insurance Fraud Behavior in Spanish Market », Insurance
Mathematics and Economics, vol . 24, pp. 67-81.
338
24. Boyer, M. , Dionne, G. and Kihlstrom, R. (1989) : « Insurance and the Value of
Publicly Available Information », in T. Fomby and T.K. Seo, eds., Studies in the
Economics of Uncertainty: Essays in Honor of Josef Hadar (New York: Springer-
Verlag).
25. Boyer, M. (1998): « Over-Compensation as Partial Solution to Commitment and
Renegotiation Problem, The Case of Ex post Moral Hazard », Working Paper 98-
04. Risk Management Chair, HEC-University, Montréal.
26. Boyer, M. (1999): « When is The Proportion of Criminal Elements Irrelevant? A
Study of Insurance Fraud When Insurers Cannot Commit », in Automobile
Insurance: Road Safety, New Drivers, Risks, Insurance Fraud and Regulation, G.
Dionne and C. Laberge-Nadeau (Eds), Kluwer Academic Publishers
27. Boyer, M. (2000): « Centralizing Insurance Fraud Investigation », The Geneva
Papers on Risk and Insurance Theory, vol. 25, pp. 159-178.
28. Boyer, M. (2001): « Contracting under Ex post Moral Hazard and Non-
Commitment », CIRANO Scientific Series n°2001-30.
29. Boyer, M. (2001a): « Mitigating Insurance Fraud: Lump-Sum Awards, Premium
Subsidies and Indemnity Taxes », Journal of Risk and Insurance, vol. 68, pp. 403-
436.
30. Boyer, M. (2003): « Contracting under Ex post Moral Hazard, Costly Auditing and
Principal Non-Commitment », Review of Economic Design, vol.8, pp. 1-38.
31. Boyer, M. and Schiller, J. (2003): “Merging Automobile Insurance Regulatory
Bodies: The case of Atlantic Canada », CIRANO Scientific Series, N°2003s-70,
Décembre 2003.
32. Boyd, J.H. and B.D. Smith (1993): « The Equilibrium Allocation of Investment
Capital in The Presence of Adverse Selection and Costly State Verification »,
Economic Theory, vol. 3, pp. 427-451.
33. Boyd, J.H. and B.D. Smith (1994): « How Good are Standard Debt Contracts?
Stochastic Versus Nonstochastic Monitoring in a Costly State Verification
Environment », The Journal of Business, vol. 67, 539-561.
34. Brockett, P. L. , X. Xia and R. Derrig (1998): «Using Kohonen’s Self Organization
Feauture Map to Uncover Automobile Bodily Injury Claims Fraud », Journal of
Risk and Insurance, vol. 65, pp. 245-274.
340
35. Brockett, P.L., Derrig, R.A., Golden, L.L., Levine, A., Alpert, M. (2002): « Fraud
classification using principal component analysis of RIDITs », Journal of Risk and
Insurance, volume 69, pp. 341 – 372.
36. Caillaud, B., B. Julien and P. Picard (1993): «Competing vertical structures:
Precommitment and renegotiation », Econometrica, vol. 63, N°3, pp. 621-646.
37. Carassus D. et Cormier D. (2002) : « Etude empirique du risque de fraude comme
objet d’analyse de l’audit externe légal ». Institut d’Administration des Entreprises
– C.R.E.G., Université de Pau et des pays d’Adour, et Université du Québec à
Montréal.
38. Caudill, Steven, Ayuso et Mercedes (2005): « Fraud detection using a multinomial
logit model with missing information », Journal of Risk and Insurance.
39. Chang, C. (1990): « The Dynamic Structure of Optimal Debt Contracts », Journal
of Economic Theory, vol. 52, pp. 68-86.
40. Choe, C. (1998): « Contract Design and Costly Verification Games », Journal of
Economic Behavior and Organisation, vol. 34, pp. 327-340.
41. Coestier, B. and N. Fombaron (2003): « Audit in Insurance », Working Paper,
THEMA, Université de Paris X, Nanterre.
42. Cooter, R.D. and D. Rubinfeld (1989): « Economic Analysis of Legal Disputes
and Their Resolution », Journal of Economic Litterature, vol. 27, pp. 1067-1097.
43. Cremer, H. Marchand, M. and Pestieau, P. (1990): « Evading, Auditing and
Taxing: The Tax Complance Tradeoffs », Journal of Public Economics, vol. 43,
pp. 67-92.
44. Crocker, Keith J. and Tennyson, Sharon (1996): « Contracting with Costly State
Falsification: Theory and Empirical Results from Automobile Insurance », mimeo,
Departement of Economics, The Pennsylvania State University.
45. Crocker, Keith J. and Tennyson, Sharon (1999): « Costly State Falsification or
Verification? Theory and Evidence from Bodily Injury Liability Claims », in
Automobile Insurance: Road Safety, New Drivers, Risks, Insurance Fraud and
Regulation, G. Dionne and C. Laberge-Nadeau (Eds), Kluwer Academic
Publishers, Boston. pp. 119-130
46. Crocker, Keith J. and Tennyson, Sharon (2002): « Insurance Fraud and Optimal
Claims Settlement Strategies », The Journal of Law and Economics, vol. 45, 2
341
47. Crocker, Keith J. and Morgan, J. (1998): « Is Honesty the Best Policy? Curtailing
Insurance Fraud Through Optimal Contracts », Journal of Political Economy, vol.
106, pp. 355-375.
48. Crocker, K. J. and A. Snow (1986): « The efficiency effects of categorical
discrimination in the insurance industry », Journal of Political Economy, vol. 94,
pp. 321-344.
49. Crocker, K. J. and A. Snow (1992): « The Social Value of Hidden Information in
Adverse Selection Economies », Journal of Public Economics, vol. 48, pp. 317-
347.
50. Cummins, J. D. and S. Tennyson (1992): « Controlling Automobile Insurance
Costs », Journal of Economic Perspectives, vol. 6, pp. 95-115.
51. Cummins, J. D. and S. Tennyson (1996): « Moral Hazard in insurance Claiming:
Evidence from Automobile Insurance », Journal of Risk and Uncertainty, vol. 101,
pp. 29-50.
52. D’Arcy et Derrig (2005): « The Economics of insurance fraud investigation:
Evidence of a Nash equilibrium », Working paper, The Wharton School,
University of Pennsylvania, Insurance and Risk Management Department.
53. Derrig, R.A. and V. Zicko (2000): « Prosecution Outcomes 1991 trough 1999 »,
Boston MA: Insurance Fraud Bureau of Massachusetts.
54. Derrig, R.A. (2002): « Insurance Fraud », The Journal of risk and insurance, vol.
69, N°3, pp. 271-287.
55. Derrig, R.A. and Weisberg, H.I. (2003): « Auto Bodily Injury Claim Settlement in
Massachusetts », Document, Automobile Insurers Bureau of Massachusetts, 36p.
56. Derrig, R.A. et Ostaszewsky, K.M. (1995) : « Fuzzy techniques of pattern
recognition in risk and claim classification », Journal of Risk and Insurance,
volume 62, pp. 447 – 482.
57. Dewatripont, M. (1988): « Commitment through renegotiation-proof contracts
with third parties », Review of Economic Studies, vol. 55, pp. 377-390.
58. Diamond, D.W. (1984): « Financial Intermediation and Delegated Monitoring »,
Review of Economic Studies, vol. 51, pp. 393-414
59. Dijk M. van (2005): « Litigation and audit quality, two experimental studies »,
SOM theme C, Economic and Financial environment.
342
60. Dionne , G. and Lasserre (1988): « Dealing with Moral Hazard and Adverse
Selection Simultaneously », Working Paper, Economics Departement, Université
de Montréal.
61. Dionne, G. and P. Viala (1992) : « Optimal design of financial contracts and
moral hazard », Working paper, University of Montreal.
62. Dionne, G. and P. St-Michel (1991) : « Workers’ Compensation and Moral
Hazard », Review of Economics and Statistics, vol.73, 236-244.
63. Dionne, G. et al. (1992) : « Moral hazard, optimal auditing and worker’s
compensation », Working paper, University of Montreal.
64. Dionne, G. , Artis, M. Guillén, M. (1996): « Count Data Models For A Credit
Scoring System », Journal of Empirical Finance, vol. 3, pp. 303-325.
65. Dionne, G. and R. Gagné (1997): « The non-Optimality of Deductible Contracts
against Fraudulent Claims: An Empirical Evidence in Automobile Insurance »,
Working Paper, 97-05, Risk Manegement Chair, HEC Montréal.
66. Dionne G. (1998): « La mesure empirique des problèmes d’information », Cahier
de recherche 98-16, ISSN 1206-3290, HEC Montréal.
67. Dionne, G. (2000): « The Empirical Measure of Information Problems with
Emphasis on Insurance Fraud », Handbook of Insurance, G. Dionne, éd. Kluwer
Academic Publishers, Boston, pp. 395-419.
68. Dionne, G. and R. Gagné (2001): « Deductible Contracts Against Fraudulent
Claims:Evidence from Automobile Insurance », The Review of economics and
Statistics, vol. 83, pp. 290-301.
69. Dionne, G. and R. Gagné (2002): « Replacement Cost Endorsement and
Opportunistic Fraud in Automobile Insurance », Journal of Risk and Uncertainty,
vol. 24, pp. 213-230.
70. Dionne, G. , F. Giuliano and P. Picard (2003): « Optimal Auditing for Insurance
fraud », Working Paper, THEMA, Université de Paris X, the paper was presented
to the 2003 Risk Theory Seminar in Atlanta and the insurance Fraud Conference in
Newport, 2002.
71. Dionne, G. , F. Giuliano and P. Picard (2005): « Optimal auditing with scoring
theory and application to insurance fraud », Cahier de recherche N° 2005-037,
Ecole Polytechnique, CNRS, Laboratoire d’Econométrie.
343
87. Harris, M. and A. Raviv (1979): « Optimal Incentive Contracts with Imperfect
information », Journal of Economic Theory, vol. 20, pp. 231-259.
88. Hey, J. et F. Mariateresa (1991): « Insurance and saving », Applied Financial
Economics, Taylor and Francis Journals, volume 1, pp. 35-41.
89. Holmstrom, B. (1979): “Moral Hazard and Absorbability », Bell Journal of
Economics, vol. 10 (1), pp. 74-91.
90. Hoy, M. (1989): « The Value of Screening Mechanisms under Alternative
Insurance Possibilities », Journal of Public Economics, vol. 39, pp. 177-206.
91. Hoyt, R.E. (1989): « The effect of Insurance Fraud on the Economic System »,
Jouranl of Insurance Regulation, vol. 8, pp.304-315.
92. Huberman, G. , Mayers,D. et Smith, JR. (1983): « Optimal Insurance Policy
Indemnity Scheules”, Bell Journal of Economics, 14, 415-426.
93. Hyde C.E. et Vercammen J.A. (1997): « Costly Yield Verification, Moral Hazard,
and Corp Insurance Contract Form », Journal of Agricultural Economics, Vol 48,
pp. 393 – 407.
94. Innes, R.D. (1990) : « Limited Liability and Incentive Contracting with ex ante
action choices », Journal of Economic Theory, vol.52, 45-67.
95. Jeffrey M. Lacker and John A. Weinberg (1989): « Optimal Contracts under
Costly State Falsification», Journal of Political Economy, vol. 97, N°6
96. Kaplow, L. (1994): « Optimal Insurance Contracts When Establishing the Amount
of Losses is Costly », The Geneva Papers on Risk and Insurance Theory, vol. 19,
pp. 139-152
97. Kessler, D. (1995): « Fault, Settlement and Negligence Law », Rand Journal of
Economics, vol.26, pp.296-313.
98. Khalil, F. and Parigi, B.M. (1994) : « Optimal Loan Size and Collection of
Delinquent Consumer Accounts », mimeo, Université des Sciences Sociales de
Toulouse.
99. Khalil, F. (1997): « Auditing without Commitment », Rand Journal of Economics,
vol. 28, pp. 629-640.
100. Kihlstrom, R. and M. Pauly (1971): « The Role of Insurance in the Allocation
of risk », American Economic Review, vol. 61, pp. 371-379.
101. Kinney, W. et L. McDaniel (1989): « Characteristics of firms correcting
previously reported quarterly earnings », Journal of Accounting and Economics,
pp. 71 -93.
345
102. Krasa, S. and A. Villamil (1994): “Optimal Contracts with Costly State
Verification: The Multilateral Case », Economic Theory, vol. 4, pp. 167-187.
103. Kreutzfeldt R. et W. Wallace (1986): « Error characteristics in audit
populations: their profile and relationships to environmental factors », Auditing: A
Journal of Practice and Theory, pp. 20 – 43.
104. Lacker and Weinberg (1989): « Optimal Contracts under Costly State
Falsification », Journal of Political Economy, vol. 97, N°. 6, pp. 1345-1363.
105. Laffont, J.J. and J. Tirole (1986): « Using Cost Observation to Regulate
Firms», Journal of Political Economy, vol. 94, pp. 614-641.
106. Ligon, J. A. and Thistle, P.D. (1996a): « Information Asymmetries and
Informational Incentives in Monopolistic Insurance Markets », The Journal of Risk
and Insurance, vol. 63, N° 3, pp. 434-459.
107. Ligon, J. A. and Thistle, P.D. (1996b): « Consumer Risk Perceptions and
Information in Insurance Markets with Adverse Selection », Geneva Papers on
Risk and Insurance Theory.
108. Loebbecke, J.K. et al. (1989): « Auditors’ experience with material
irregularities: frequency, nature, and delectability », Auditing: a Journal of
Practice and Theory, pp. 1 -2.
109. Lys, T. et R.L. Watts (1994): « Lawsuits against auditors », Journal of
Accounting Research, p 65-93.
110. Major J.A. et Riedinger, D.R. (1992): « EFD: A hybrid knowledge/ statistical
based system for the detection of fraud », International Journal of intelligent
systems, Volume 7, pp. 687 -703.
111. Marter, S.S and H.I. Weisberg (1991): « Medical costs and automobile
insurance: A report on bodily injury liability claims in Massachusetts », Journal of
Insurance Regulation, vol. 9, pp. 382-421.
112. Melumad, N.D. and D. Mookherjee (1989): « Delegation as commitment: The
case of income tax audits », Rand Journal of Economics, vol. 20, N° 2, 139-163.
113. Mezda, R. (1998): « The Cheat, You Pay », Automobile Insurance: Road
Safety, New Drivers, Insurance Fraud and Regulation, G. Dionne and C. Laberge-
Nadeau éd. Kluwer Academic Press, Norwell (MA), pp. 191-194.
114. Miyzaki, H. (1977): « The Rat Race and Internal Labor Markets », Bell Journal
of Economics, vol. 8, pp. 394-418.
346
115. Moody’s Investors Service 2000, RiskClac For Priviate Companies: Moody’s
Default Model, New Tork.
116. Mookherjee, D. and Png, I. (1989) : « Optimal Auditing , Insurance and
redistribution », The Quaterly Journal of Economics, may 1989, 399-415.
117. Mooney, S.F and J.M. Salvatore (1990): « Insurance fraud project: Report on
research », Insurance Information Institute.
118. Myerson (1981): « Optimal Auction Design », Mathematics of Operations
Research, vol. 6, pp. 58-73.
119. Nielson, N.L. and A.E. Kleffner (2003) : « Auto Insurance Reform for
Canada’s Tort Provinces », Working Paper 2003-04, Haskayne School of
Business, University of Cagary.
120. Picard , P. (1987): « On the design of incentive Schemes under Moral Hasard
and Adverse selection », Journal of Public Economics, vol.33, pp. 305-331.
121. Picard, P. (1996) : « Auditing Claims in Insurance Market with Fraud »,
Working Paper 9420, CEPREMAP.
122. Picard, P. (1996a) : « On the design of Optimal Insurance policies under
Manipulation of Audit Cost », mimeo, THEMA, University Paris X-Nanterre and
CEPREMAP.
123. Picard, P. (1996b) : « Auditing Claims in Insurance Market with Fraud : The
Credibility issue », Journal of Public Economics, vol.63, 27-56.
124. Picard, P. (1999) : « Analyse économique de l’expertise », Problème
Economique n°2.625.
125. Picard, P. (1996) : « La fraude à l’assurance quelques éléments d’analyse »,
Risque N°27, 171-176.
126. Picard, P. (2000) : « On the design of Optimal Insurance policies under
Manipulation of Audit Cost », International Economic review, vol. 41, pp. 1049-
1071.
127. Picard, P. (2000) : « Economic Analysis of Insurance Fraud », Handbook of
Insurance, Ed. G. Dionne, Kluwer Academic Publishers.
128. Picard, P. Fagart, M-C (1999) : « Optimal Insurance Under Random
Auditing », The Geneva Papers on Risk and Insurance Theory, 24; 29-54
129. Polinski, A. Michell and Shavell, Steven (1979) : « The Optimal Tradeoff
between the Probability and Magnitude of Fines », The American Economic
Review, vol. 69, N°.5, 880-891.
347
130. Pratt, J. et J.D. Stice (1994): « The effects of client characteristics on auditor
litigation risk judgements, required audit evidence, and recommended audit fees »,
Accounting Review, pp. 639 – 656.
131. Prescott, E. and R. Townsend (1984): « Pareto Optimal and Competitive
Equilibria with Adverse Selection and Moral Hazard », Econometrica, pp. 21-46.
132. Puelz, R. and Snow, A (1995) : « Optimal Incentive Contracting with Ex ante
and Ex post Moral Hazards : Theory and Evidence », mimeo, Souther Metodist
University, University of Georgia.
133. Puelz, R. and Snow, A (1994) : « Evidence on Adverse Selection :
Equilibrium Signaling and Cross-Subsidization in the insurance market », Journal
of Political Economy, vol.102, N°.2, 237-257.
134. Radner, R. (1968): « Competitive equilibrium under Uncertainty »,
Econometrica, vol. 36, pp. 31-58.
135. Raviv, A. (1975): « Mathematical Models for Optimal Insurance Policy
Selection », Ph. D. dissertation, Northwestern University.
136. Raviv, A. (1979): « The Design of an Optimal Policy », American Economic
Review, vol. 69, n°1
137. Reinganum, J. and L. Wilde (1985): « Icome Tax Compliance in a Principal
Agent Framework », Journal of Public Economics, vol. 26, pp. 1-18.
138. Reinganum, J. and L. Wilde (1986): « Equilibrium Verification and Reporting
Policies in a Model of Tax Compliance », International Economic Review, vol. 27,
pp. 739-760.
139. Rejessus (2003): « Ex post Moral Hazard in Corp Insurance: Costly state
verification or falsification? », Economic Issues, volume 8, Part 2.
140. Rothschild, M. and J. Stiglitz (1976): « Equilibrium in Competitive Insurance
Markets: An easy on the Economics of Imperfect Information », Quarterly Journal
of Economics, vol. 90, pp. 629-650.
141. Sah. Raaj K. (1991): « Social Osmosis and Patterns of Crime”, Journal of
Political Economy, vol. 99, N°. 6, 1272-1295.
142. Sanchez and Sobel (1993): « Hierarchical design and enforcement of income
tax policiers », Journal of Public Economics, volume 50, Issue 3, March 1993, pp.
345 – 369.
143. Schwartz K.B. (1982): « Accounting changes by companies facing possible
insolvency », Journal of Accounting, Auditing and Finance, pp. 32-43.
348
171. Winton, A. (1995): « Costly State Verification and Multiple Investors: The
Role of Seniority », The Review of Financial Studies, vol. 8, pp. 91-123.
Ouvrages:
(2003)
4. Dominique HENRIET et Jean Charles ROCHET : « Microéconomie de l’assurance »,
édition Economica, (1991)
5. Georges DIONNE and Claire LABERGE NADEAU : « Automobile Insurance : Road
Safety, New Drivers, Risks, Insurance Fraud and Regulation », édition KLUWER
ACADEMIC PUBLISHERS, (1999)
6. Georges. DIONNE : « Handbook of Insurance » , edition KLUWER Academic
Publishers. (2000)
7. Georges Dionne: « Contributions to Insurance Economics » Norwell, Mass.: Kluwer
Academic Publishers, (1991)
8. J. KUGEL, and A. ROTH: « Handbook of Experimental Economics», édition New
York OXFORD
9. William GREENE : « Econométrie », édition française dirigée par Didier Schlacther,
Introduction Générale…………………………………………………………………….……1
Introduction Générale:............................................................................................................112
Section 1 : Audit déterministe probabiliste versus audit aléatoire parfait (Le modèle) .........114
1.1. Le cadre d’analyse :......................................................................................................... 114
1.1.1. Audit Aléatoire Parfait (AAP):.................................................................................114
1.1.2. Audit Systématique Probabiliste (ASP): ..................................................................124
1.1.3. Quelle procédure faut-il mener ? Audit Aléatoire Parfait (AAP) ou Audit
Systématique Probabiliste (ASP) : .....................................................................................129
Section 2 : L’expérimentation ................................................................................................ 132
2.1. Le design expérimental : ................................................................................................. 132
2.1.1. Les questions testées :...............................................................................................132
2.1.2. La description de l’expérimentation:........................................................................133
2.1.3. La description du protocole : ....................................................................................134
2.1.4. Objectif de chaque période :.....................................................................................136
2.2. L’analyse des résultats expérimentaux :.......................................................................... 137
2.2.1. L’audit aléatoire :......................................................................................................137
2.2.2. Audit systématique probabiliste : .............................................................................150
2.2.3. Quelle procédure faut-il mener ? Audit Aléatoire Parfait (AAP) ou Audit
Systématique Probabiliste (ASP) : .....................................................................................159
Conclusion Générale: .............................................................................................................163
Annexe 3.1. :........................................................................................................................... 165
Annexe 3.2..............................................................................................................................171
Annexe 3.3..............................................................................................................................172
Annexe 3.4..............................................................................................................................173
Annexe 3.5..............................................................................................................................174
Annexe 3.6..............................................................................................................................176
Annexe 3.7..............................................................................................................................177
Conclusion Générale……………………………………………………………………….333
Bibliographie…………………………………………………………………..…………...337
Résumé : Ce travail propose une approche expérimentale de la fraude à l’assurance. Nous présentons
d’abord les deux principaux paradigmes qui ont été développés dans la littérature économique pour
analyser la fraude à l’assurance d’un point de vue théorique : les mécanismes de vérification coûteuse et
les mécanismes de falsification coûteuse. Selon l’hypothèse de vérification coûteuse, l’assureur vérifie les
déclarations de dommages en supportant un coût d’audit. Cette procédure peut être déterministe ou
aléatoire. Selon l’hypothèse de falsification, c’est l’assuré qui engage certains frais visant à rendre l’audit
imparfait. L’assureur est, par conséquent, incapable de détecter la fraude avec certitude. Parallèlement à
cette modélisation, l’expérimentation menée dans ces contextes, confirme que l’audit aléatoire domine
l’audit déterministe et que l’application d’une sanction sévère permet de dissuader la fraude, d’atténuer
l’ampleur de la falsification et de compenser la mauvaise qualité de l’audit.
Abstract: This work provides an experimental approach to insurance fraud. We Study the links between
the two main paradigms of the literature: the costly state verification and the costly state falsification.
Under costly verification, claims may be investigated at some cost by the insurer, via audit strategies.
Audit can be deterministic or random. Under costly falsification, policyholders invest in private activities in
order to increase the imperfection of audit. It is impossible for the insurer to detect fraud with certainty. We
also have recourse to an experimental study to test theoretical predictions. Our experiments confirm that
random audit dominates deterministic audit, and that insurance companies attempt to reduce (or even
eliminate) fraud with a penalty imposed upon defrauders. These politic aims to alleviate the falsification
magnitude and to compensate the bad quality of audit.