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Sommaire
L’arrêt du 5 juillet 2018 revient sur le principe de la déchéance de garantie et ses
conditions de mise en oeuvre. La solution qu’il retient peut surprendre. L’affaire est
simple. Un assuré déclare le vol de sa voiture auprès de son assureur et précise que
son kilométrage au moment du sinistre est « d’environ 80 000 kilomètres ». Une
facture d’entretien établie un mois plus tôt indique pourtant un kilométrage de 87 325
kilomètres. S’estimant victime d’une fausse déclaration de sinistre, l’assureur oppose
donc à son assuré la clause de déchéance figurant au contrat et le déchoit de sa
garantie. En cause d’appel, les juges estiment que l’assuré s’est effectivement rendu
coupable d’une « fausse déclaration susceptible d’avoir une incidence sur les
conséquences du sinistre ». Ils le déboutent par conséquent de ses prétentions. La
deuxième chambre civile de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en ces
termes :
Texte(s) appliqué(s)
Code civil – art. 1103 nouv. – art. 1134 anc.
La déchéance de garantie comme sanction
contractuelle de la fausse déclaration de
sinistre.
Alors que la loi précise les sanctions applicables en cas de fausse déclaration des
risques (V. C. assur., art. L. 113-8 et L. 113-9), aucune disposition ne prévoit de
façon générale la sanction de la fausse déclaration de sinistre. Cependant, le
législateur reconnaît implicitement à l’assureur le droit d’inclure au contrat une
clause de déchéance de garantie (V. C. assur., art. L. 112-4, al. 2 : « Les clauses de
police édictant des nullités, des déchéances […] »). Cette possibilité a été également
reconnue par la Cour de cassation (Civ. 1re, 2 juill. 1996, n° 94-15.294 : « Les
parties peuvent librement stipuler, dans un contrat d’assurance, les clauses de
déchéance qui ne sont pas interdites par la loi »). L’arrêt du 5 juillet 2018 s’insère
naturellement dans cette perspective jurisprudentielle.
C’est précisément sur ce point que la solution retenue par l’arrêt du 5 juillet 2018
peut surprendre. La Cour affirme, en effet, que « l’assureur doit établir la mauvaise
foi de l’assuré » pour appliquer la clause de déchéance en cas de fausse déclaration
de sinistre. Certes, l’assurance repose sur la confiance et l’on sait combien le contrat
doit s’exécuter de « bonne foi » (M. Picard et A. Besson, Traité général des
assurances terrestres, t. 1, 5e éd., LGDJ, 1985, n° 42). Néanmoins, ne devrait-on
pas toujours s’en remettre à la loi des parties en matière de déchéance de garantie ?
La Cour semble ici imposer de façon générale une condition de mise en oeuvre aux
déchéances de garantie – la preuve de la mauvaise foi de l’assuré -, rappelant en
cela certaines dispositions spéciales du code des assurances en matière
d’assurances maritimes (V. C. assur., art. L. 172-28, seul article qui érige la
déchéance en sanction légale). La Cour de cassation semble vouloir limiter in fine la
liberté contractuelle en conditionnant l’application de la clause de déchéance à un
élément intentionnel. La clause de déchéance deviendrait la sanction de la seule
mauvaise foi de l’assuré, prise indépendamment de ses conséquences financières
pour l’assureur.
Cette clause peut poser quelques problèmes d’interprétation. Elle semble en effet ne
sanctionner que les fausses déclarations faites de mauvaise foi – ce dont
témoignent certainement les termes « moyens frauduleux » et « poursuites pénales
» – rapprochant ainsi les modalités de la déchéance aux éléments constitutifs de
l’infraction d’escroquerie. Selon cette lecture, la cour d’appel aurait effectivement dû
vérifier que l’assureur apportait non seulement la preuve d’une fausse déclaration
mais également celle de la mauvaise foi de l’assuré.
À retenir
Hormis quelques exceptions, la sanction des fausses déclarations de sinistre n’est
pas prévue par la loi. Les parties peuvent néanmoins stipuler au contrat une clause
de déchéance. Le cas échéant, il leur revient de préciser les conditions de sa mise
en oeuvre. Cependant, la Cour de cassation semble ici subordonner l’application de
la clause à la preuve par l’assureur de la mauvaise foi de l’assuré. Il reste à savoir
s’il s’agit d’une solution de principe marquant un tournant jurisprudentiel ou
simplement d’une solution motivée par la rédaction particulière de la clause du cas
d’espèce.