Etudesafricaines 6198
Etudesafricaines 6198
Etudesafricaines 6198
184 | 2006
Parentés, plaisanteries et politique
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/etudesafricaines/6198
DOI : 10.4000/etudesafricaines.6198
ISSN : 1777-5353
Éditeur
Éditions de l’EHESS
Édition imprimée
Date de publication : 1 décembre 2006
ISBN : 978-2-7132-2129-3
ISSN : 0008-0055
Référence électronique
Cécile Canut et Étienne Smith, « Pactes, alliances et plaisanteries », Cahiers d’études africaines [En
ligne], 184 | 2006, mis en ligne le 08 décembre 2006, consulté le 19 avril 2019. URL : http://
journals.openedition.org/etudesafricaines/6198 ; DOI : 10.4000/etudesafricaines.6198
1 La notoriété nouvelle du thème des « relations à plaisanterie », ces dernières années, dans
l’espace public de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest méritait à tout le moins d’être
questionnée. Ce fut l’objectif du colloque Alliances à plaisanteries et politiques en Afrique de
l’Ouest qui a réuni anthropologues, politistes et sociolinguistes 7. Si ces fameuses relations
à plaisanterie ont été un temps un objet « classique » de l’anthropologie, il était
nécessaire de renouveler les questionnements sur cet ensemble de pratiques qui ont, à un
moment ou un autre, interpellé les chercheurs sur des terrains différents. Cet objectif
résultait d’un triple constat.
2 – Le retour critique, déjà ancien, sur certains topoi de la « bibliothèque coloniale »
(Mudimbe 1988) telle que la notion de « tribu » (Vail 1989), « ethnie » (Amselle &
M’Bokolo 1985 ; Chrétien & Prunier 1989), ou « caste » (Conrad & Frank 1995) avait jusque
récemment (Fouéré 2004) épargné le cas des « relations à plaisanterie », en raison sans
doute de son inactualité tant scientifique que politique, contrastant avec l’actualité des
disputes éthiques périodiquement relancées autour des vieux meubles du « tribalisme »
et de l’« ethnicité ».
3 – La déconstruction du paradigme fonctionnaliste largement opérée dans les sciences
sociales n’avait pas non plus atteint les rivages de cet objet « parenté à plaisanterie »
– des études récentes prolongeaient même plus que de raison ses vieux jours – alors
même que sa déconstruction offrait des opportunités d’analyses renouvelées des
« alliances à plaisanterie ».
4 – L’actualisation du thème lui-même devait finalement connaître un essor étonnant dans
l’espace politico-médiatique, résultant d’une conjonction de facteurs dont il faut rendre
compte, et dont l’émergence d’un discours réactif ou « dérivé », entendant inverser le
portrait ethniciste et négatif fait de l’Afrique, n’est pas le moindre.
5 Ainsi donc, sur la base de ce constat, se justifie une série d’analyses qui, dans leur
globalité, rendent compte à la fois des pratiques actuelles, sans cesse réinventées par les
individus dans leur vie quotidienne, et de la multiplication des mises en discours de ces
pratiques dans les espaces publics « africains »8 actuels qui empruntent précisément à
deux matrices déjà mises en question par ailleurs : l’ethnologique culturaliste de la
« bibliothèque coloniale » et l’irénisme du fonctionnalisme.
6 L’analyse de ces deux dimensions, pratique et discursive, se veut donc une interrogation
des enjeux éminemment politiques et contemporains de ces alliances à plaisanterie, afin
de sortir de l’ornière de la réification et de la déshistoricisation de ces pratiques, souvent
inconscientes, opérées à des fins louables, mais souvent illusoires, d’ingénierie
« culturelle » du social et de « pacification » des sociétés.
Les mots et les choses
7 Une des difficultés de l’exercice résidait dans l’adéquation entre « le mot » et « la chose ».
Une fois la critique du concept classique de « parenté à plaisanterie » opérée, l’important
est de constater la variété des pratiques dont il n’est pas toujours certain qu’elles doivent
se laisser réduire à un terme générique. Au sein d’un continuum de pratiques sociales
observables, lesquelles ranger sous l’étiquette savante de « relations à plaisanterie » ?
Cette étiquette elle-même n’est-elle pas vaine comme le soulignaient déjà avec
amusement Marcel Griaule (1948), Mary Douglas (1968) et Mary Tew (1951) ? Tant au plan
de la spécification des groupes et individus impliqués dans la relation – relations entre
cousins croisés, oncles maternels et neveux utérins, petits-enfants et grands-parents,
beaux-frères et belles-sœurs, classes d’âges alternées, matriclans, patriclans, groupes
qu’il a lui-même pratiquée (Mitchell 1956a), afin de saisir leurs usages renouvelés en
milieu urbain dans le cadre du « tribalism in town » (Mitchell 1956b). Par la suite, les
études des alliances à plaisanterie en situations urbaines ont été plutôt rares, hormis
quelques études à Dakar (Diarra & Fougeyrollas 1969), Dar-es-Salaam (Leslie 1963 : 37-38),
Kabwe en Zambie (Handelman & Kapferer 1972) et Kumasi au Ghana (Schildkrout 1975).
S’inspirant des travaux de Goffman (1961), l’étude comparative de Don Handelman et
Bruce Kapferer (1972) soulève notamment, à partir d’une analyse des interactions entre
travailleurs bemba et ngoni, la question de l’enjeu de la définition du « cadre » de
l’interaction de « joking relationship » en situation urbaine.
20 L’histoire des systèmes claniques dans l’Afrique des Grands Lacs donne également lieu à
des précisions sur les « alliances à plaisanterie » (Jervis 1939 : 56 ; d’Hertefelt 1971 : 6 ;
Mworoha 1977 : 35-38 ; Newbury 1991 : 120-125 ; Chrétien 2000 : 75-76), de même que
l’ethnographie de pratiques d’injures et de plaisanterie au Burundi (Rodegem 1976) et au
Rwanda (Freedman 1977). Les monographies ou travaux d’anthropologie de la parenté sur
des terrains est-africains complètent le tableau (Ouganda : Beattie 1957, 1958 ; Sharman
1969 ; Kenya : Ueda & Ueda 1975 ; McKay 1975 : 133-135 ; Herlehy 1984 : 305-306 ;
Tanganyika puis Tanzanie : Spies 1943 ; Mayer 1950, 1951 ; Christensen 1963 ; Beidelman
1963, 1964, 1966 ; Rigby 1968 ; Landsberg 1977 ; Heald 1990)18. Après la « Copperbelt » dans
les années 1950, analysée par l’École de Manchester, l’Afrique de l’Est anglophone semble
prendre le relais et être à la pointe de la recherche sur les relations à plaisanterie. Se tient
ainsi, en décembre 1966, au Makerere College de Kampala, une conférence entièrement
dédiée aux « joking relationships » (Desaï 1966). Parallèlement, en 1974, Stephen Lucas
publie à Dar-es Salaam, dans une perspective marxiste, l’étude la plus conséquente (sept
volumes) sur les relations d’utani en Tanzanie à partir, notamment, des récits d’origine de
ces relations dans les traditions orales.
21 On voit donc comment le concept de « joking relationship » ou « parenté à plaisanterie » a
été à l’origine – et le demeure dans les revues et manuels d’anthropologie – un concept
transculturel à l’homologation duquel les travaux africanistes ont largement contribué19.
De plus, le label savant a été réapproprié par divers discours dans les sociétés africaines
contemporaines, notamment en Afrique de l’Ouest, qui font parfois de ces parentés et
alliances à plaisanterie une spécificité africaine, un savoir-faire culturel local, qui
nécessite « explications » et « explicateurs » pour l’étranger qui n’est pas familier de ces
« usages très particuliers ». C’est un processus au terme duquel ces « relations à
plaisanterie », bien que non spécifiquement africaines, sont finalement parvenues à
emblématiser l’« africanité20 ».
L’Afrique de l’Ouest : une production continue
22 Très tôt, l’Afrique de l’Ouest se présente comme un espace-clé pour la recension
d’alliances à plaisanterie21. Dans la lignée de Delafosse (1912) quelques administrateurs et
militaires, fascinés par l’onomastique, et à la recherche d’un état-civil indigène
« adéquat », entretiennent un fort intérêt pour cet objet à partir de la recension quasi
administrative des alliances et équivalences entre jamuw mandingues et plus largement
ouest-africains, sans souci de théorisation (Arcin 1907 ; Humblot 1918 ; Delaforge 1932 ;
Delmond 1945 ; Pageard 1958 ; Molinié 1959)22. Parallèlement, l’École griaulienne poursuit
ses systématisations formelles des traditions orales en analysant ces alliances dans le
cadre des réflexions sur la notion de personne et les relations entre cosmogonie et ordre
social (Dieterlen 1951, 1955, 1959 ; Pâques 1954 ; Calame-Griaule 1954 ; Griaule 1973). Tous
ces travaux ont en commun de souligner « l’importance » des alliances en question, mais
métaphoriques que donnent à voir ces joutes orales actuelles, mais figures ô combien
historiques et récurrentes en Afrique de l’Ouest. Comme le rappelait Claude Meillassoux
(1978 : 132),
« Les brassages sociaux consécutifs aux déplacements des captifs, à la déportation
des populations, aux déplacements des soldats, à la fuite des populations harcelées,
aux mouvements des marchands : la menace constante qui pesait sur tous d’être
capturés en même temps que le désir de chacun de jouir de la servitude des autres,
ont contribué à la constitution d’un ensemble social très imbriqué, s’étendant sur
des milliers de kilomètres et dont les composantes, clans, castes et classes se
reconnaissent, s’opposent et s’unissent de proche en proche sur d’immenses
étendues. Entre elles et les unes contre les autres, se nouent des alliances
nombreuses, diverses, compulsives souvent, qui constituent par leur entrelacs un
tissu social symplectique, support d’un ensemble social original dont les
particularismes ethniques tendent à disparaître au profit d’une aire de socialisation
diffuse qui pénètre jusqu’au cœur de chaque État, de chaque clan » 29.
33 S’il faut souligner la diversité des récits d’origine de ces alliances à plaisanterie, ce sont
généralement des variations sur un même motif qui empruntent aux mythes et langages
politiques communs à toute la sous-région (séparation brutale, ingestion asymétrique,
migration commune, incendie qui crée confusion entre deux nourrissons, inversion des
rôles, échange d’attributs, tabou brisé, conquête euphémisée). Ces récits sont analogues
aux mythes d’origine des groupes socioprofessionnels et des relations dichotomiques
noble/griot, noble/personne de caste, aînés/cadets, oncle maternel/neveu utérin, enfants
de l’oncle maternel/enfants de la tante paternelle, maître/captif, vainqueur/vaincu… À
l’instar des travaux sur la production des hiérarchies sociales et des groupes
professionnels en milieu malinké et avoisinant, mettant en évidence le rôle de l’alliance
hiérarchique comme modèle de la relation politique et de l’intégration des étrangers
(Amselle 1977, 1990, 1996 ; Murphy & Bledshoe 1987 ; van Hoven 1997 ; Bellagamba 2002 :
77-114 ; Conrad & Frank 1995 ; Jansen & Zobel 1996 ; Tamari 1997 ; Giesing 2000 ; Timmer
2000 ; Schaffer 2003), l’historicisation des alliances à plaisanterie et de leurs récits
d’origine permet donc de saisir la production de couples d’opposition abstraite
structurants (maître/captif, patron/client, noble/personne de caste, vainqueur/vaincu,
civilisé/barbare, islamisé/païen, citadin/broussard, etc.)30. Cependant, malgré
l’imposition des lectures produites par les groupes dominants, les usages concrets de ces
couples d’oppositions disponibles laissent une grande marge d’interprétation et de
contestation pour les protagonistes, car renvoyant à un passé, sinon oublié, du moins
suffisamment lointain pour être l’objet d’euphémisations et de lectures contradictoires.
Ces « débats » historiques émiques, réactivés quotidiennement par les interactions
d’alliances à plaisanterie, permettent l’entretien d’ethnocentrismes réciproques et la
discussion publique de mémoires opposées mais partagées31. Il faut donc tenter de saisir
dans l’analyse des alliances à plaisanterie ces matrices d’identifications et de relations de
pouvoir qui assurent la mise en scène des relations de sujétion et de coexistence, ainsi
que la production de stéréotypes marquant des frontières symboliques entre groupes
(Barth 1969, Armstrong 1982). À cet égard, il est clair que la mise en frontières par la
métaphore servile, la plus souvent utilisée, mériterait d’être interrogée32.
34 Les alliances à plaisanterie sont ainsi un des modes, parmi d’autres, de relations possibles
avec « les autres » et de construction de l’extériorité (Amselle 1996) dont Claude Fay
(1995, 1997), poursuivant ses analyses précédentes, montre dans ce numéro qu’elles
forment un continuum (exclusion, élimination, hiérarchisation, juxtaposition) et qu’elles
ont pour enjeu la propriété et le pouvoir. Au sein de cette palette de relations du « tissu
pactuel » au Maasina, les relations de hoolaare (pacte de confiance formalisé entre groupes
ethniques différents) et celles de cousinage proprement dit (dendiraagu) sont
réinterprétées et manipulées à la faveur de la reformulation globale des rapports de
pouvoir et de propriété de l’État malien, notamment dans le cadre de la décentralisation.
La logique pactuelle entre groupes est performative, souligne Claude Fay, en ce qu’elle
« fabrique » des identités contraposées, généralement associées à des propriétés
professionnelles ou statutaires dont la distribution reflète les rapports de force entre ces
groupes. La réciprocité des prestations n’est donc pas exclusive de la hiérarchisation des
statuts. Entre contrat social, pacte politique et division du travail, l’alliance à plaisanterie
constitue une articulation et permet une distribution des différences qui vise l’intégration
hiérarchique et l’incorporation des dominés à travers une idéologie politique productrice
d’homologies et de correspondances (« Nous sommes les mêmes », « Nous ne faisons
qu’un ») si fréquente en Afrique.
35 Dans sa contribution, Youssouf Diallo analyse les interactions de groupes peuls qui,
comme les Ngoni de Tanzanie ou à l’instar des groupes commerçants, guerriers ou
maraboutiques de l’Afrique de l’Ouest, font partie de ces groupes mobiles qui ont le plus
grand nombre d’« alliés à plaisanterie ». Cette étude des pasteurs peuls dans l’espace
interstitiel (Kopytoff 1987) de l’ouest du Burkina Faso suppose d’interroger leurs relations
historiques aux royaumes de Ségou et de Kong, centres politiques dominants au XVIIIe
siècle, c’est-à-dire les alliances et équivalences qui se sont nouées entre ces groupes
périphériques et les puissances politiques dominantes. L’anthropologie historique de
Claude Fay et de Youssouf Diallo rappelle aussi comment ces alliances à plaisanterie,
instituées, sont des marqueurs de relations de pouvoirs entre « gens du pouvoir », d’une
part, et « gens de la terre », du « trou » ou de la « grotte », d’autre part. Elles déclinent à
la fois la répartition du pouvoir, la fabrique des identités et l’articulation des propriétés
entre Dogon et Bozo, Bozo et Peuls, Peuls et Bobo… Par-delà cette production et
reproduction des hiérarchies, les logiques de solidarité ne sont pas absentes de ces
relations d’alliances à plaisanterie qui comportent des avantages pratiques (logement,
échange de prestations, entraide cérémonielle etc.). Les alliances à plaisanterie, tout
comme la convertibilité des labels patronymiques, fonctionnent comme « structure
d’accueil » des étrangers (Amselle 1977, 1996), permettant l’incorporation aux groupes
dominants et le rappel des différentiels de prestige et de pouvoir, comme le souligne
Youssouf Diallo à travers l’exemple de la diffusion du jamu ouattara chez les groupes
dominés.
36 Le lien entre pratiques de plaisanterie et différence des statuts avait déjà été bien mis en
évidence par Robert Launay (1977) dans son article Joking Slavery. Dans ce volume, Robert
Launay revient sur cette question mais sous l’angle d’une micro-politique des relations à
plaisanterie. À partir d’une série de cas d’étude concernant les Jula du nord de la Côte-
d’Ivoire, l’auteur dissocie la pratique des senankuya de toute systématisation en termes de
relations humaines ou de nom (jamu) pour lui redonner son caractère purement
incidentiel et interactionnel. Apparaissant entre des groupes ou des individus, cette
pratique advient non pas comme un épiphénomène d’autres relations déjà instituées (en
aval), mais est, au contraire, créatrice (en amont) de nouvelles relations. Ce changement
de point de vue est justifié par l’observation approfondie d’une multitude de
transformations identitaires, de jeux sur le choix même des cousins, de mises en cause
des valeurs soi-disant instituées des cousinages, des négociations sociales ou familiales
consécutives des pratiques de senankuya. Aucune de ces relations à plaisanterie n’est donc
39 Dans sa contribution, Dennis Galvan s’intéresse aux facteurs qui conditionnent l’efficacité
ou non de ces cousinages envisagés comme institutions transethniques informelles et
syncrétiques. À partir d’une étude de terrain dans plusieurs villages en pays serer au
Sénégal, l’auteur propose de cerner les conditions de possibilité des effets des cousinages
à plaisanterie en termes de promotion de la tolérance et de la coopération, et du rôle
qu’ils peuvent jouer dans l’entretien d’un sentiment national. Les économies politiques
locales du sens, les versions concurrentes de l’histoire des groupes sociaux, les
« ressources culturelles » mobilisées par les acteurs, les intérêts politiques, le contexte
d’urbanisation et de migration sont ainsi des facteurs à prendre en compte pour pouvoir
mesurer au niveau local les chances de succès d’activation de rhétoriques et pratiques du
cousinage à plaisanterie. Au niveau national, l’entreprise de promotion de l’unité
nationale par le discours de célébration du cousinage entrepris par l’ancien gouverneur
Saliou Sambou par exemple, n’est possible qu’en raison des autres adjuvants symboliques
de l’unité nationale au sénégal : l’héritage populaire du diopisme, l’État culturel
senghorien, l’islam confrérique, le mbalax entre autres. Par cette approche en termes
d’institution syncrétique reconnaissant la part de créativité et de recombinaisons
permanentes opérées par les individus, Dennis Galvan propose ainsi d’éviter les
dichotomies paralysantes (le néo-primordialisme et sa critique, le néo-fonctionnalisme et
sa critique) au profit d’une analyse des conditions de possibilité, tant pratiques que
symboliques, des cousinages.
Des pratiques diverses
40 La plupart des auteurs de ce volume soulignent ainsi la large palette d’usages de ces
relations, et des inventions à diverses fins (obtenir des renseignements, des faveurs,
résoudre un conflit, bénéficier d’hospitalité et d’attention, sauver sa vie, faire des
critiques voilées, obtenir un soutien électoral) qui font partie d’un répertoire d’actions, et
qui sont actualisées en fonction de stratégies d’acteurs et de contextes de possibilité.
41 Mais les attentes de solidarité ou de pacification sont souvent contredites par les intérêts
politiques et économiques en jeu. Ainsi, Dennis Galvan souligne que la politique des
factions du parti dominant neutralise les effets potentiels de coopération des cousinages.
Les conflits fonciers et la détérioration des conditions socio-économiques des
protagonistes entravent durablement les logiques de coopération et durcissent les
stéréotypes (O’Bannon 2003). Sten Hagberg rappelle que lors des conflits politiques les
plus intenses au Burkina Faso, la parenté à plaisanterie n’a pas été utilisée. Ferdinand De
Jong (2005) montre que la rhétorique des cousinages déployée par certains acteurs dans le
conflit casamançais ne permet pas de s’attaquer aux causes réelles du conflit.
42 Comme le montrent tous les auteurs, les instrumentalisations diverses des relations de
cousinage ne réussissent qu’en fonction des contextes de plausibilité et de légitimité. La
réussite dépend de l’articulation à des intérêts, notamment des groupes dominants ou
perçus comme légitimes, qui tentent ainsi d’imposer leur version de l’histoire et de la
mémoire des relations entre les deux parties, leur version de l’alliance. Mais elle reste
conditionnée par la ratification – ou non – par les destinataires de cette lecture, de
l’idéologie produite, de la version historique mobilisée, du stéréotype proposé.
43 Les relations de pouvoir et l’asymétrie sont donc au cœur de cette micro-politique des
relations à plaisanterie. Mais les contestations sont toujours possibles dans le cadre de
cette relation de pouvoir. Ceci est permis notamment par la métaphore de l’esclavage et
de la captivité qui est facilement retournée, comme base pour la réclamation ludique de
« droits » pour le dominé du jour, et génératrice de « devoirs » pour le dominant du jour.
48 Cependant, les contributions de Denis Douyon et Cécile Canut soulignent que dans le
contexte urbain, où la convertibilité des identités permise par l’anonymat est encore
accrue, offrant ainsi des possibilités de dissimulations, de conversions, de changements
de statuts, les occasions d’activation de parentés fictives, sur le modèle des relations à
plaisanterie, se multiplient. Elles s’étendent à des individus et des groupes qui n’étaient
pas préalablement insérés dans ces réseaux de relation, que ce soit par le biais des
patronymes alliés dont le nombre tend à s’étendre ou par celui de la standardisation des
relations entre groupes, souvent par transitivité. Par ailleurs, comme l’évoque Mark
Davidheiser, les jeunes ont tendance à se « traditionaliser » en vieillissant, et de
nombreux interlocuteurs admettent de fait découvrir « l’utilité » de ces relations avec
l’âge.
49 L’instrumentalisation des relations à plaisanterie est le plus sûr indicateur de la vitalité
de ces pratiques pour lesquelles il se trouve constamment des occasions d’actualisation,
car les acteurs en attendent certains bénéfices, comme le montre Denis Douyon lorsqu’il
analyse la « senankuyamania » dans la vie politique malienne. L’évidence de ces
transformations et de ces recompositions permanentes de la logique des pactes et
alliances conduit donc à proposer une analyse aux antipodes de toute idée de
perpétuation à l’identique de supposées « pratiques ancestrales ». C’est sans doute dans
ce domaine des usages stratégiques et d’instrumentalisations que les recherches les plus
prometteuses restent à faire37.
50 Au-delà de ces pratiques concrètes, le présent volume se propose donc de rendre compte
du déploiement des alliances à plaisanterie (pratiques et récits) dans l’espace public et
médiatique contemporain à des fins ludiques mais aussi stratégiques. Les pratiques de
plaisanterie entre certains groupes, caractérisant des « alliances », redéploient dans
l’espace médiatique les questions de préséance qui se jouent symboliquement.
Espaces publics et performance
51 Les espaces privilégiés de déploiement renouvelés de ces pratiques sont bien sûr les
espaces publics et les scènes politiques contemporaines, à destination d’un « public » :
lecteur de journal, auditeur de radio en langue nationale, spectateur, électeur.
52 La pratique peut être essentiellement ludique, ainsi que l’illustrent de nombreux
exemples issus de la chanson contemporaine. Ainsi, par exemple, la présentation, par les
humoristes « chanteurs » sénégalais Tonton Ada et Sylla Mounial, d’une lutte entre un
Serer et un Toucouleur visant à les départager une fois pour toutes (Étienne Smith dans
ce volume), ou bien la chanson Sordassi kè du chanteur guinéen Cheikh Pénor Traoré
moquant publiquement la gloutonnerie des Condé38, ou encore celle de la chanteuse
guinéenne Mama Diabaté39.
53 Certains journaux jouent un rôle prépondérant dans la mise en écrit et en dessin des
relations à plaisanterie, de façon quasi systématique dans le cas du Journal du Jeudi au
Burkina Faso (Sten Hagberg dans ce volume qui analyse la ligne éditoriale de ce journal
dirigé par Boubacar Diallo), mais aussi dans le journal guinéen Le lynx, ou bien
l’Observateur Paalga au Burkina Faso (« Nobila-cabaret » alias Boniface Batiana) ou dans les
journaux sénégalais L’Observateur ou Le Quotidien (rubrique d’été Le Coin du Couz’ dans
laquelle le journaliste Soro Diop ridiculise les Ndiayène). Certains politiciens, certaines
personnalités ou des citoyens ordinaires y sont l’objet de remarques ironiques, de la part
de journalistes attentifs au moindre « saalit » de leurs cousins, si haut placés soient-ils.
54 Les comiques ne sont pas en reste comme par exemple Baïlo Sow, en Guinée, se moquant
des Diakhanké (Kouyaté 2003 : 32). Au-delà des radios rurales et communautaires qui
consacrent des émissions entières aux cousinages40, les radios et télévisions nationales
sont parfois le lieu d’expression de ces pratiques de plaisanterie. Ainsi, les émissions Rions
un peu et Éclats de rire au Mali, par exemple, qui offraient une large place aux appels
d’auditeurs faisant des blagues sur leurs senankuw ou la série humoristique Vis-à-vis au
Burkina qui raille par imitation des accents ou des accoutrements les « types » peuls ou
bobo (Sissao 2002 : 152). Le théâtre populaire emprunte aussi largement à cette
thématique.
55 La littérature fait parfois place au thème, que les alliances à plaisanterie appartiennent au
décor culturel de l’intrigue (Kourouma 1990 : 37, 42, 117, 183 ; Ba 1991 : 266s, 275s, 316,
1994 : 91, 103, 180 ; Ndiaye 1999 : 13-14 ; Prignitz 2001 ; Sissao 2002) 41 ou qu’elles
constituent un des moyens de la narration comme dans Peuls de Tierno Monenembo
(2004) qui s’ouvre sur cette dédicace : « Pour ces idiots de Sérères »42…
56 Certains forums Internet, enfin, participent activement au renouvellement des pratiques
de cousinage. Il s’agit le plus souvent d’une pratique ludique entre internautes, mais aussi
parfois d’un débat sur ces pratiques, leurs sens et leur avenir43.
57 C’est donc toute une certaine culture « populaire » de la satire et du comique44 qui
emprunte largement dans le stock des stéréotypes ethniques disponibles, et à l’esprit des
alliances à plaisanterie, sans s’y limiter. L’ethnicité, sous cette forme ludique, est
omniprésente dans l’espace public des pays concernés. La dimension ludique, pour
essentielle qu’elle soit, ne doit cependant pas faire oublier l’ambiguïté du cadre de cette
expression médiatisée de stéréotypes ethniques, pas toujours réciproques45.
58 Cette pratique ludique souligne en tout cas que cette parole plaisante s’émancipe de
certaines codifications pour s’intégrer dans le champ de l’« humour ethnique »
universellement pratiqué (Davies 1990 ; Gundelach 2000 ; Vucetic 2004) et emprunte au
registre mondialisé des plaisanteries. Le contenu des échanges de plaisanteries est parfois
influencé par les motifs globaux d’histoires drôles qui circulent notamment par le biais
d’Internet. Ainsi cette « Lettre d’une maman toucouleur à son fils » dans le journal
sénégalais Le Quotidien, qui se présente comme une raillerie typique (sous-entendu de la
part des Serer) envers les Toucouleur est l’exacte reprise d’une blague sur les blondes qui
circule en Europe46. De même, sur certains forums Internet, les blagues émises
empruntent tantôt au registre habituel des alliances à plaisanterie (gloutonnerie, esclave/
roi, type physique), tantôt au registre mondialisé des blagues. Bien que ces alliances à
plaisanterie conservent en partie leur spécificité – car malgré les extensions soulignées,
cet humour ne cible pas n’importe quel groupe, mais bien ceux concernés par ces
alliances – n’assiste-t-on pas en effet à une évolution vers des pratiques plus classiques de
« railleries ethniques » qui tendent de plus en plus à devenir un sous-genre particulier de
cet humour ethnique universel. Quoi qu’il en soit, ces usages médiatiques soulignent bien
la créativité et la plasticité de ces pratiques, que l’on ne peut réduire à de simples
instrumentalisations.
59 Toutefois, ces instrumentalisations, notamment dans le monde politique, existent bel et
bien. Ces pratiques d’alliances à plaisanterie peuvent faire le miel des hommes politiques,
même si leur utilisation dépend des contextes, du rapport à la culture populaire et au
« style politique » propre de chaque homme politique. Ainsi le président Senghor au
Sénégal ou Lamizana au Burkina Faso ont fait de la rhétorique du cousinage une
constante de leur pratique politique vernaculaire. Les hommes politiques maliens, comme
le montre Denis Douyon dans son analyse des usages et mésusages des senankuya dans la
vie politique malienne, tendraient même à l’utiliser de plus en plus. Ces usages
stratégiques, souligne-t-il, donnent lieu à toutes sortes de manipulations : « le cousinage
est devenu le moyen d’énoncer les grands principes et de faire de petits arrangements. »
Mais la part de stratégie et de ruse n’est pas l’apanage des élites politiques, car les
individus-électeurs savent également l’utiliser pour tenter de faire entrer l’élu dans une
relation morale d’accountability et reformuler les logiques clientélistes à leur avantage.
Les contributions de Sten Hagberg et Denis Douyon invitent donc à penser la part de ces
pratiques d’alliances à plaisanterie dans la formation d’une culture politique burkinabè
ou malienne. Les alliances à plaisanterie font partie d’un savoir culturel partagé entre
élites politiques et populations comme le rappelle Sten Hagberg, reprenant l’analyse
d’Achille Mbembe (2000) sur la communauté épistémique commune aux gouvernants et
gouvernés en postcolonie qui relève à la fois du partage d’une bouffonnerie ritualisée et
d’une domination d’autant plus hégémonique. Cette ambiguïté se retrouve dans les
représentations sur les qualités morales qui font un « bon politicien ». L’imputation de la
pratique du cousinage à un leader politique est tantôt positive (« il pratiquait bien », « il
pratiquait beaucoup », « il restait enraciné dans sa culture », « il était plus proche des
gens »)47 tantôt négative (« il en usait et en abusait », « il peut tromper les gens », « il
jouait trop de la corde sensible »). Au-delà de cette ambivalence constitutive, les alliances
à plaisanterie sont donc essentielles à la compréhension des imaginaires politiques.
Comme l’affirme Sten Hagberg, « la parenté à plaisanterie ouvre un espace culturellement
construit pour les rires, satires et amusements dans la culture politique burkinabè ».
60 Au-delà du repérage d’une culture politique partagée, il faut analyser comment ces
pratiques s’exercent dans les lieux de pouvoir, dans l’enceinte des assemblées, des
administrations, des entreprises, dans le commandement territorial48, lors de meetings et
tournées politiques, des grands événements nationaux49, ce à quoi s’attellent certaines
études (Canut, Davidheiser, Douyon, Fay, Galvan, Hagberg, Smith). Toutefois, en raison
des visions romancées données par les acteurs de l’utilisation du cousinage à plaisanterie
dans le fonctionnement politique quotidien des institutions, la prudence est nécessaire en
ce domaine et les analyses doivent toujours se fonder sur l’observation. Ces études
s’intègrent enfin dans la problématique plus large de l’utilisation du langage et de la
métaphore de la parenté en politique qui, loin d’être spécifique à l’Afrique et aux alliances
à plaisanterie, prend dans le cadre de ces alliances une dimension encore plus évidente.
61 Mais au-delà de ces pratiques ludiques et stratégiques individuelles, les alliances à
plaisanterie sont également prises dans des logiques discursives de patrimonialisation qui
s’inscrivent parfois dans le cadre de véritables politiques symboliques d’État.
Savoirs locaux, audience globale :
canonisation de la tradition, acte 2
« Le sinangouya ou “cousinage à plaisanteries” est l’un des traits saillants de la
culture malienne et le socle de l’unité nationale. Véritable institution précédant
toutes les autres, il permet à deux, voire plusieurs, ethnies, races ou communautés
de se tourner en dérision, mais aussi – et c’est là le plus important – de pacifier les
rapports sociaux grâce à l’intercession en cas de conflit notamment […].
Des informations complémentaires sur le “cousinage à plaisanteries” seraient
appréciées »50.
62 Une partie des contributions de ce volume s’intéresse donc plus particulièrement à la
mise en discours des alliances à plaisanterie à des fins de promotion, processus dont
l’actualité n’est plus à découvrir. La « production en masse des traditions » (Hobsbawm &
Ranger 1983 ; Anderson 1983 ; Thiesse 1999 ; Dimitrijevic 2004), constat devenu classique,
trouve ici un vaste champ d’analyse. Ce large mouvement de standardisation des
identités, de canonisation des mythes et traditions orales et de « recyclage de la tradition
anthropologique » (Hagberg dans ce volume), observable en Afrique comme ailleurs,
place dans les États considérés ici ces relations à plaisanterie au cœur du processus. Ce
phénomène d’ampleur, à propos duquel nous manquons sans aucun doute de recul, donne
lieu à des interprétations divergentes, y compris au sein des différentes contributions
rassemblées ici.
63 Au-delà des conflits d’interprétations, trois types de processus sont toutefois
régulièrement mis en lumière dans l’ensemble des travaux : stratégies de
patrimonialisation, essais de créations de communautés nationales imaginées, et
construction de discours à destination du reste du monde. Bien qu’ils soient
intrinsèquement liés, nous proposons de les décliner séparément.
Logiques de patrimonialisation
64 La patrimonialisation des alliances à plaisanterie, considérées comme faisant partie d’un
héritage culturel d’ensemble à préserver, est, malgré des objectifs souvent divergents, le
produit conjoint de créateurs, journalistes, entrepreneurs culturels, associations,
chercheurs ou hommes politiques. Cette stratégie de patrimonialisation transforme la
pratique, à laquelle se greffe désormais un discours réflexif de valorisation et d’explication
de cette pratique à destination d’un public.
65 La chanson contemporaine, formidable vitrine pour un pays comme le Mali par exemple,
s’empare ainsi des senankuya dans un souci de valorisation du pays et de ses « valeurs »
supposées uniques : la chanteuse Rokia Traoré51, ses compatriotes Habib Koïte (chanson
Baro) et Adama Yalomba (chanson Jamana), ou encore le chanteur guinéen Pathé Moloko
(chanson Sanakuyagaal)52, la chanteuse sénégalaise Ndèye Kassé (chanson Serer)53, ou le
groupe nigérien Sogha (chanson Baaseterey) actualisent par exemple cette thématique
patrimoniale. Le réseau des radios rurales et communautaires, autre vecteur de la
médiatisation patrimoniale, joue un rôle actif dans le recueil et l’activation sur les ondes
des légendes sur l’origine de ces cousinages, associées à des récits sur les fondations de
village. Les différentes versions sont parfois débattues en direct entre les invités et les
auditeurs. Se constituent de la sorte de nouveaux corpus de « traditions » des cousinages.
Au-delà des radios, toute une série d’acteurs, des ministères concernés aux ONG, sont
engagés dans la patrimonialisation de cette « pratique », sorte de « mapping » 54, qui fait
désormais partie de la politique culturelle des États, en partenariat avec des institutions
relevant de l’Union africaine comme le CELHTO de Niamey55 et des acteurs internationaux
comme Intermédia consultants, le Club du Sahel, ou Enda Tiers-Monde. Ainsi, au Mali, on
peut relever l’entrée des « parentés à plaisanterie » au musée national56. L’audiovisuel
s’empare en effet de cette thématique. À partir d’un séjour au Burkina et au Sénégal, le
réalisateur belge Jacques Faton (1999) a publié un livre et réalisé un film documentaire
sur le sujet57. Au Burkina Faso, le directeur du Journal du Jeudi, Boubacar Diallo, a
également réalisé un film de promotion de la parenté à plaisanterie (Hagberg dans ce
volume).
66 La prise en charge étatique du discours de promotion des alliances à plaisanterie s’est
amplifiée ces dernières années comme en témoignent la Semaine nationale de la culture
au Burkina Faso et les Grandes conférences du ministère de la Culture, qui ont largement
traité du thème (Kompaoré 1999 ; Nyamba 1999 ; Topan 1999), ainsi que les Festivals des
68 Dans ces entreprises de promotion, on trouve quantité d’acteurs aux statuts et objectifs
différents. Des individus qui activent le registre de la légitimité « traditionnelle », mais
qui sont de fait bien plus que des traditionnistes ou responsables politiques
« traditionnels », comme El Hadj Sékou Tall (1996), le Larlé Naaba Tigré, qui dirige la
revue Tradition et Modernité au Burkina Faso60, Bakary Soumano, ancien « chef des griots »
au Mali61. Mais aussi des chercheurs comme Raphaël Ndiaye de Enda Tiers-Monde ou
Alain Sissao, des journalistes comme Martin Faye ou Boniface Batiana, des animateurs
d’émissions culturelles à la radio ou à la télévision, des hommes de théâtre comme
Prosper Kompaoré, des écrivains comme Cheikh Hamidou Kane, des érudits comme Saliou
Kandji, des militants des langues nationales comme Babacar Sédikh Diouf ou Yoro Doro
Diallo, un gouverneur comme Saliou Sambou au Sénégal, un magistrat comme Siriman
Kouyaté en Guinée, Mgr Anselme Sanon au Burkina, le directeur du CELHTO Mangoné
Niang à Niamey. Certains de ces entrepreneurs culturels fournissent une expertise sur le
sujet des « alliances à plaisanterie » et sont consultés par divers acteurs internationaux62.
Derrière un discours unanime se nichent évidemment des querelles de positionnement,
des tentatives de monopolisation de l’expression du savoir local, des contestations de
and joking, irrespective of the place or circumstances. Japanese textbooks cite the efforts
of Malians to build friendly interpersonal relations as an example of a culture that places
importance on greetings »71.
75 Ces récits fonctionnent comme la valorisation d’une « expertise nationale »72. Dans cette
optique, promotion touristique et célébration des alliances à plaisanterie ne font souvent
qu’une73. Ce discours n’est d’ailleurs pas propre aux États considérés, car la suggestion
(paradoxale ?) de l’exportation de ces « pratiques de paix », propres au « génie » national,
aux autres continents qui en sont démunis, est repris par des intellectuels provenant
d’horizons divers74.
76 Pour les acteurs locaux, la logique est d’ancrer ces formulations nationales dans le passé,
leur donner une profondeur historique, processus classique de naturalisation de la
communauté imaginée, visant à faire croire que les nations et le sentiment national
préexistent aux États hérités de la période coloniale. Ces groupes reliés entre eux par le
cousinage auraient ainsi eu la conscience « ancestrale » de leur destin commun. Selon ce
récit, les alliances à plaisanterie seraient au minimum l’indice, au maximum la cause,
d’un sentiment national fondé sur une unité culturelle antérieure aux États. Le discours
d’Amadou Toumani Touré, clôturant la Biennale des Arts de 2003, est un bon exemple de
ce processus discursif de naturalisation de la nation malienne : « Exception en Afrique,
rarement un peuple a préexisté de manière aussi incontestable à un État. Cimentée par
l’histoire, la conscience malienne est une réalité, fondée sur la conviction collective
d’appartenir à une nation, dont l’âge et l’étendue dépassent largement ceux de l’actuelle
république du Mali. Diversité ethnique et solidarités culturelles. Cet état d’esprit découle
des faits : à un moment donné d’une histoire plus que millénaire, chacune des grandes
ethnies a connu une période de gloire, en régnant sur les autres. Les relations entre les
groupes ethniques ont été consolidées par le brassage entre les communautés et fortifiées
par le sinankuya ou cousinage à plaisanteries » 75. Le récit nationaliste malien proclame
ainsi que les senankuya sont des « ficelles relationnelles », héritage d’un passé de diversité
et de brassages76. Elles sont l’indice visible que la « démocratie » et la « décentralisation »
ne sont pas une importation mais une tradition locale, relevant d’un savoir-faire malien
depuis l’Empire « fédéral » de Sunjata Keïta et la Charte de Kurukan Fuga 77.
77 Il convient donc d’analyser comment les alliances à plaisanterie sont intégrées dans ces
récits nationaux des convergences, et transformées en nœuds de connexion des
différentes communautés au sein de l’ensemble national (De Jong 2005 ; Galvan et Smith
dans ce numéro). Dans ce récit, les alliances à plaisanterie fonctionnent comme
opérateurs symboliques du passage de la pluralité des « ethnies » à la « nation », fruit de
leur combinaison. L’objectif, somme toute très renanien (Renan 1882), consiste à donner
une valeur d’intégration aux conflits du passé (qu’ils soient nommés comme tels ou
euphémisés en « alliances », « brassages » et « convergences ») et donc à ces alliances qui
en sont la trace vernaculaire et le souvenir ludique (Smith dans ce volume).
78 À ce niveau, certaines des interprétations des contributeurs de ce volume divergent
quelque peu : faut-il voir dans cette articulation la volonté de créer un sentiment national
par « connexité » (Smith, Galvan) ou l’indice de replis communautaires favorisés par un
discours ethnicisant (Fouéré, Canut) ? La conciliation de ces deux approches reste
toutefois possible à travers l’analyse de l’ambiguïté et des difficultés inhérentes au projet
d’articulation des différences communautaires et de l’unité nationale. Marie-Aude Fouéré
et Cécile Canut soulignent, en ce sens, qu’il s’agit avant tout d’un discours réactif. La
réaction concerne d’une part la matérialité de ces conflits et, d’autre part, la lecture
ethniciste véhiculée par le discours dominant des médias occidentaux qui contribue
fortement à la construction d’un discours nationaliste dérivé. Ce discours s’est saisi de
l’objet disponible « parenté à plaisanterie », codifié et prêt à l’emploi au rayon des
traditions répertoriées de la bibliothèque coloniale, afin d’apporter des « remèdes » et de
canoniser un « outil » essentiel à l’intégration nationale78. Dans une Afrique présentée
systématiquement comme le continent déchiré par les conflits ethniques79, l’objectif
serait, de manière originale et africaine, de trouver les moyens de « recoller les
morceaux » (sous-entendu ethniques), de « colmater les brèches » entre les
particularismes, pour reprendre l’expression senghorienne. À cet égard, on peut
remarquer l’ambiguïté intrinsèque du discours valorisant à la fois les différences
communautaires (nécessaires pour que les alliances à plaisanterie fonctionnent) et les
convergences dans l’unité nationale (De Jong 2005).
79 On notera cependant que les discours de valorisation des alliances à plaisanterie propices
à l’expression, au plan externe, d’une singularité africaine, au plan interne, émergent
précisément en contrepoint des logiques de l’autochtonie (Bayart, Geschiere & Nyamnjoh
2001) que ce soit au Sénégal avec la crise casamançaise (De Jong 2005 ; Smith dans ce
volume), ou au Burkina de la part d’acteurs de la société civile qui trouvent là l’occasion
de critiquer la manipulation de l’ethnicité par certains politiciens (Hagberg dans ce
volume). Si ces discours de célébration des alliances à plaisanterie contribuent sans
doute, par leur dimension performative, à standardiser voire à durcir des identités, il est
difficile d’y voir, dans l’intention, une logique communautariste, de l’ethnisme ou du
localisme, puisqu’au contraire il s’agit de récupérer, domestiquer, et réordonner les récits
ethniques dans le grand récit national(iste) (Smith et Galvan dans ce numéro ; De Jong
2005). Cette entreprise de promotion des cousinages s’adosse au pari que reconnaître
culturellement les ethnicités, les célébrer ensemble pour délégitimer les imaginations
séparatistes, permettrait d’éviter toute utilisation politique de la différence. Selon cette
prémisse, l’ethnicité devrait être culturellement légitime pour être politiquement
illégitime.
80 Par ailleurs, ne faut-il pas distinguer intentionnalité et conséquences ? On peut de la sorte
souligner les instrumentalisations diverses des alliances à plaisanterie par des acteurs
avec des objectifs différents, mais dont l’effet commun parfois involontaire est de
contribuer à valider la catégorie « ethnie ». Ce discours est une réaction « de l’intérieur »
même de cette catégorie. Ne pouvant se résoudre à l’abandon de la notion comme l’y
appelle l’anthropologie déconstructionniste, tout en étant une réaction à l’ethnisme, ce
discours a pour objectif affiché de sauver l’« ethnie » (passablement essentialisée, réifiée
et folklorisée au passage) de l’autochtonie en investissant les relations interethniques des
vertus agglutinantes et pacificatrices supposées des alliances à plaisanterie pour produire
des ethnicités non closes. La catégorie « ethnie » est donc à la fois confirmée et dépassée.
Pour leurs promoteurs, il s’agit de la mobilisation politique des alliances interethniques
ou trans-ethniques, donc de l’entre deux des groupes, et non des « ethnies » en tant que
telles, même s’il est clair que cette mobilisation conduit à des processus d’essentialisation
et de réification similaires à ceux produits dans la mobilisation « ethnique »80. Leur
objectif n’en est pas moins de montrer que les « ethnies » peuvent être transcendées non
seulement par la citoyenneté importée, mais aussi et surtout par la civilité trans-ethnique
locale, « précoloniale », jugée par eux plus attentive à l’altérité dans l’articulation
nécessaire des différences que « l’universalisme abstrait » (Smith dans ce volume). Une
des voies de sortie de ce débat entre les auteurs est de le réinscrire – et de la sorte le
« résolution des conflits » chez les « autres »82. Peu importe finalement l’origine de cette
« tradition » réinventée des cousinages, sauf à rester paradoxalement prisonnier du
fantasme de l’« origine ». Les interprétations peuvent donc s’accorder sur l’idée que cette
entreprise de promotion néo-traditionaliste n’est pas un simple calque des injonctions
des organisations internationales, qui, rappelons-le, n’ont généralement aucune idée de
ce dont il s’agit quand sont évoquées les « alliances à plaisanterie », mais bien un créneau
d’acteurs – les « développeurs autochtones » comme les appelle Marc Poncelet (1994) –
qui savent allier leurs propres stratégies de mise sur agenda et les « oripeaux du lexique
international » (Mbembe 2000) dont notamment celui du « recours culturel » (Poncelet
1994).
84 Il n’en reste pas moins, comme le montrent Marie-Aude Fouéré et Cécile Canut, que sont
en jeu dans ce discours de réinvention des alliances à plaisanterie autant les inventions
nationales singulières (sénégalaise, malienne, burkinabè…) que l’image de l’Afrique en
général et son rapport au reste du monde83. Ce discours fait bien partie d’un discours plus
large sur la « démocratie africaine », « les droits de l’Homme » et la « diversité
culturelle » (Fouéré 2005). « L’arbre à palabres » et les « cousinages à plaisanterie », re-
décrits et ré-interprétés à travers le vocabulaire de la démocratie et du multiculturalisme
contemporain, seraient les topoi de l’Afrique et son inscription dans la mondialité, à la fois
spécificités valorisées et subsumées sous le motif plus global des réquisits du Zeitgeist
mondial84. Faut-il y voir un énième avatar de l’afrocentrisme renaissant (Fouéré, Canut
dans ce volume) ou des logiques classiques d’appropriation et d’indigénisation-
endogénéisation (Hagberg, Smith, Galvan dans ce volume) ? Quoi qu’il en soit, la logique
du mimétisme fonctionne à plein85.
85 Ce volume ne prétend pas épuiser la question, mais propose de renouveler le champ des
études sur les « parentés à plaisanterie », tombé en désuétude après son âge d’or dans
l’anthropologie classique, pour interroger leurs usages politiques et contemporains qui
n’avaient pas fait jusqu’à présent l’objet d’une analyse propre. Trois domaines ont été
privilégiés : la dynamique des interactions en milieu urbain comme rural, le déploiement
dans les espaces publics, enfin le discours de promotion de ces alliances à plaisanterie.
L’investigation de ces trois dimensions a ainsi permis d’aborder les champs de recherche
plus larges des relations intercommunautaires, des scènes politiques contemporaines et
des processus de réinvention des traditions en Afrique de l’Ouest. La rupture avec le
fonctionnalisme et l’approche ethnologique culturaliste a permis de réintroduire et
d’affirmer la dimension politique présente dans les usages passés et actuels des alliances,
et une interrogation des usages contemporains tant pratiques que savants.
86 Cependant, les limites de cette entreprise sont nombreuses. Il manque par exemple à ce
volume des études sur la problématique du genre dans ces relations à plaisanterie, sur les
aspects sociolinguistiques, sur les genèses historiques de ces relations… Sur ce dernier
point, il reste sans aucun doute à déterminer plus précisément la matrice de ces relations
dans des contextes donnés (s’il en est une qui soit commune à la variété des pratiques
subsumées sous ce concept). Quelle est la part relative de l’esclavage et de la captivité, de
l’islam, des institutions politiques précoloniales et notamment les pactes de sang et
pratiques de serments, des stratifications sociales, du commerce de longue distance, des
migrations, des conquêtes militaires, des contraintes environnementales, de
l’organisation matrilinéaire, des relations avunculaires et entre cousins-croisés…86 dans la
genèse des logiques pactuelles et des imaginaires afférents87 ?
87 Par ailleurs, un des problèmes les plus délicats demeure l’entrecroisement des logiques
universitaires et politico-pratiques. Pour certains chercheurs, il s’agit de dévoiler les
relations de pouvoir et de domination indubitablement présentes dans ces pratiques, ou
bien de souligner l’illusion irénique de l’ingénierie culturelle et les malentendus
intrinsèques du néo-traditionalisme culturaliste. D’autres ont au contraire pour objectif
de cartographier, de recenser, de standardiser et promouvoir ces relations, de désactiver
la matrice hiérarchique en soulignant la symétrie des protagonistes88. Ces promoteurs ont
donc intérêt à l’oubli des conditions de production et d’exercice de ces alliances pour
promouvoir un sentiment national ou la résolution des conflits. Il apparaît que ce vaste
mouvement de réinvention et de codification des traditions politiques, culturelles,
religieuses dans lesquelles s’inscrit l’entreprise de promotion des cousinages, est un des
aspects de la créativité politique du continent, à propos duquel le chercheur manque de
recul lorsqu’il veut en évaluer l’impact. À titre provisoire, donc, l’analyse au cas par cas et
les tentatives d’interprétation selon des points de vue multiples semblent être la solution
la plus prudente pour analyser les ressorts, les opportunités et contraintes, les objectifs,
les héritages intellectuels, la mobilisation de ressources sociales spécifiques des acteurs
impliqués dans cette entreprise de promotion des cousinages. L’avenir seul dira si cette
entreprise de promotion s’inscrit dans une tendance durable de réinvention politique
originale du continent consécutive à la crise des grands récits (ethnologie, modernisation,
développement, nationalisme, ajustement, démocratisation, bonne gouvernance) ou dans
une mode passagère de célébration culturaliste d’un continent à la sociabilité
supposément si « plaisante »…
88 Quoi qu’il en soit, la dynamique sociale des alliances à plaisanterie suscitera
probablement encore longtemps les questionnements et les analyses dont les
explorations dans ce volume mériteront d’être prolongées, tant leur intrication aux
constructions politiques africaines les rend incontournables.
BIBLIOGRAPHIE
ABDY, D. C.
1924 « Notes on Utani and Other Bondei Customs », Man, 24 : 152-154, 164-166.
ABRAHAMS, R. G.
1967 The Peoples of Greater Unyamwezi, Tanzania, London, International African Institute.
AMES, D. W.
1956 « The Selection of Mates, Courtship and Marriage among the Wolof », BIFAN, Série B., 18 (1) :
156-168.
AMSELLE, J.-L.
1977 Les négociants de la savane. Histoire et organisation sociale des Kooroko (Mali), Paris, Anthropos.
ANDERSON, B.
1996 [1983] L’imaginaire national. Réflexions sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La
Découverte.
APTER, A.
1983 « In Dispraise of the Kings : Rituals “Against” Rebellion in South-East Africa », Man, 18 (3) :
521-534.
ARCIN, A.
1907 « L’organisation sociale en Guinée française. Les Familles », Revue coloniale, 46 : 18-43.
ARMSTRONG, J.
1982 Nations Before Nationalism, Chapel Hill, University of North California Press.
ARNAUD, R.
1921 « Notes sur les montagnards Habe des Préfectures de Bandiagara et de Hombori (Soudan
français) », Revue d’ethnographie et des traditions populaires, 2 : 241-314.
BÂ, A. H.
1991 Amkoullel, l’enfant peul, Paris, Actes Sud.
1994 Oui mon commandant !, Paris, Actes Sud.
BÂ, O.
1977 Le Foûta Tôro au carrefour des cultures, Paris, L’Harmattan.
BADINI, A.
1996 « Les relations de parenté à plaisanterie : éléments des mécanismes de régulation sociale et
principe de résolution des conflits sociaux au Burkina Faso », in R. O TAYEK et al. (dir.), Le Burkina
Faso entre révolution et démocratie (1983-1993), Paris, Karthala : 101-116.
BARKÉ, A.
1996 « Le cousinage croisé, une institution socioculturelle en milieu africain qui participe à un
mécanisme de prévention et de modération des conflits interethniques », Annales de L’Université
Abdou Moumouni de Niamey, t. V, Niamey.
BARRINGTON, L. W. (ed.)
2006 After Independence : Making and Protecting the Nation in Postcolonial & Postcommunist States, Ann
Arbor, University of Michigan Press.
BARTH, F. (ed.)
1969 Ethnic Groups and Boundaries. The Social Organisation of Culture Difference, Bergen, Universitet
Forlaget ; London, George Allen & Unwin.
BAZIN, J.
1988 « Princes désarmés, corps dangereux. Les “rois-femmes” de la région de Ségou », Cahiers
d’Études africaines, XXVIII (3-4), 111-112 : 375-442.
BEATTIE, J. H. M.
1957 « Nyoro Kinship », Africa, 27 : 317-340.
1958 « Nyoro Marriages and Affinity », Africa, 28 : 1-22.
BÉCHET, E.
1889 Cinq ans de séjour au Soudan français, Paris, Plon-Nourrit & Cie.
BEIDELMAN, T. O.
1963 « The Blood Covenant and the Concept of Blood in Ukaguru », Africa, 33 : 321-342.
1964 « Intertribal Insult and Opprobrium in an East African Chiefdom », Anthropology Quarterly, 37
(2) : 33-52.
1966 « Utani : Some Kaguru Notions of Death, Sexuality and Affinity », Southwestern Journal of
Anthropology, 22 (4) : 354-380.
BELLAGAMBA, A.
2002 Ethnographie, histoire et colonialisme en Gambie, Paris, L’Harmattan.
BERLIN, I.
1992 [1970] « The Bent Twig : On the Rise of Nationalism », in I. B ERLIN (ed.), The Crooked Timber of
Humanity : Chapters in the History of Ideas, New York, Vintage Books.
BOILAT, D. (Abbé)
1984 [1853] Esquisses sénégalaises, Paris, Karthala.
BONTE, P.
1998 « Esclaves ou cousins : évolution du statut servile dans la société mauritanienne », in B. S
CHLEMMER (dir.), Terrains et engagements de Claude Meillassoux, Paris, Karthala : 157-182.
BOSWELL, D. M.
1969 « Personal Crisis and the Mobilization of the Social Network », in J. C. M ITCHELL (eds.), Social
Network in Urban Situations. Analysis of Personal Relationships in Central African Towns, Manchester,
Manchester University Press : 32-56.
BOULÈGUE, J.
1999 « Conflit politique et identité au Sénégal. La bataille de Bunxoy (c. 1796) », in J.-P. C HRÉTIEN
& J.-L. TRIAUD (dir.), Histoire d’Afrique. Les enjeux de mémoire, Paris, Karthala : 93-99.
BRACKELAIRE, J.-L.
1992 « Les relations de plaisanterie des Tarahumaras », Anthropologiques, 4 : 45-60.
1993 « Changer pour rire. Les relations de plaisanterie des Tarahumaras : figure et mesure du
changement », Anthropologie et sociétés, 17 (3) : 125-140.
BRADNEY, P.
1957 « The Joking Relationship in Industry », Human Relations, 10 (2) : 179-187.
BRANT, C.
1948 « On Joking Relationships », American Anthropologist, 50 (1) : 160-162.
BRELSFORD, V.
1935 « History and Customs of the Basala », The Journal of the Royal Anthropological Institute, 65 :
205-215.
CALAME-GRIAULE, G.
1954 « Les moqueries de villages au Soudan français », Notes Africaines, 61 : 12-19.
CAMARA, M.
1969 La parenté plaisante chez les Soussou de Guinée, Dakar, Enda Coorcom.
CAMARA, S.
1992 [1969] Gens de la parole. Essai sur la condition et le rôle des griots dans la société malinké, Paris,
Karthala-ACCT ; Conakry, SAEC.
CANUT, C.
2002 « Pouvoirs, places et filiation. Les Senankuya en milieu urbain au Mali », Cahiers de
Praxématique, 38 : 175-197.
CHATTERJEE, P.
1986 Nationalist Thought and the Colonial World : A Derivative Discourse ?, London, Zed Books.
CHRÉTIEN, J.-P.
2000 L’Afrique des Grands Lacs. Deux mille ans d’histoire, Paris, Champs-Flammarion.
CHRISTENSEN, J. B.
1963 « Utani : Joking, Sexual License and Social Obligations among the Luguru », American
Anthropologist, 65 : 1314-1327.
CNRST
1995 Plan stratégique de la recherche scientifique, Ouagadougou, Centre national de la recherche
scientifique et technologique.
COLSON, E.
1953 « Clans and the Joking Relationships among the Plateau Tonga of Northern Rhodesia »,
Kroeber Anthropological Society, 8-9 : 45-58 (repris in The Plateau Tonga, Manchester, Manchester
University Press, 1962 : 66-83).
1968 Political Style and the Joking Relationship : The Northern Territory Legislative Council and the
Darwin City Council, Presented at the Social Science Seminar, California Institute of Technology.
CRÉPON, M.
1996 Les géographies de l’esprit. Enquête sur la caractérisation des peuples de Leibniz à Hegel, Paris,
Payot & Rivages.
DALE, G.
1896 « Account of the Principal Customs and Habits of the Natives Inhabiting the Bondei
Country », Journal of the Royal Anthropological Institute, XXXV : 181-239.
DAVIES, C.
1990 Ethnic Humor around the World. A Comparative Analysis, Bloomington, Indiana University Press.
DEE-GRA-REDEP
DE HEUSCH, L.
1974 « The Debt of the Maternal Uncle : Contribution to the Study of Complex Structures of
Kinship », Man, 9 : 609-619.
DE JONG, F.
2005 « A Joking Nation : Conflict Resolution in Senegal (Casamance) », Canadian Journal of African
Studies, 39 (2) : 389-413.
DELAFORGE, Capt.
1932 « Étude sur quelques Prénoms et Noms de Famille Bambara », Outre-Mer, IV (2-3) : 119-143.
DELAFOSSE, M.
1912 Haut-Sénégal Niger, 3. vols., Paris, E. Larose.
DELMOND, P.
1945 « Quelques observations sur l’état-civil indigène au Soudan occidental », Bulletin de l’IFAN, 7 :
54-79.
DESAÏ, R. H.
1966 « On Joking Relationship Among the Asians of East Africa », Kampala, Makerere College,
Sociology Department Working Papers, 29.
DESPLAGNES, L.
1907 Le plateau central nigérien. Une mission archéologique et ethnologique au Soudan français, Paris,
Larose.
DIAGNE, S. B.
1992 « L’avenir de la tradition », in M.-C. DIOP (dir.), Sénégal : trajectoires d’un État, Paris, Karthala-
CODESRIA : 279-300.
DIANÉ, A.
1997 De la modernité politique au Sénégal : rôle et place des sous-préfets dans le processus de production de
la nation, Thèse de doctorat, Paris, EHESS.
DIETERLEN, G.
1951 Essai sur la religion bambara, Paris, PUF.
1955 « Mythe et organisation sociale au Soudan français », Journal de la Société des Africanistes, 15
(1-2) : 39-76.
1959 « Mythe et organisation sociale en Afrique occidentale », Journal de la Société des Africanistes,
29 (1) : 119-138.
DIMITRIJEVIC, D. (dir.)
2004 Fabrication des traditions. Invention de la modernité, Paris, Éditions de la Maison des sciences de
l’Homme.
DIOUF, M. M.
1996 Lances mâles. Léopold Sédar Senghor et les traditions Sérères, Niamey, CELHTO.
DIOUF, B. S.
1997 L’éthique des cousinages ou l’humour au service de la paix, non publié.
DIOUF, M.
1998 [1994] Sénégal, les ethnies et la nation, Dakar, NEAS.
DOKE, C. M.
1931 The Lambas of Northern Rhodesia. A Study of Their Customs and Beliefs, London, Georg G. Harrap
& Co Ltd.
DOUGLAS, M.
1968 « The Social Control of Cognition : Some Factors in Joke Perception », Man, 3 : 361-376.
DOUMBIA, P. E. N.
1936 « Étude du clan des forgerons », Bulletin du comité d’études historiques et scientifiques de l’AOF,
19 : 334-380.
DOUMBIA, T.
2002 « Les relations à plaisanteries dans les sociétés mandingues », Recherches africaines, janvier-
juin : 28-42.
DOUYON, D.
1995 Le discours mangu chez les Dogon (Ireli). Description, analyse et fonctionnement sociologique, Thèse
de doctorat, nouveau régime, Paris, INALCO.
DRIVER, H. E.
1961 Indians of North America, Chicago, University of Chicago Press.
DRUCKER-BROWN, S.
1982 « Joking at Death : The Mamprusi Grandparent-Grandchild Joking Relationship », Man, 17
(4) : 714-727.
DUBUCH, C.
1985 « Langage du pouvoir, pouvoir du langage », Politique africaine, 20 : 44-53.
DUPIRE, M.
1979 « Obscénité et société virelangues Serer (Senegal) », Research in African Literatures, 10 (1) :
75-89.
EGGAN, F.
1937 Social Anthropology of North American Indian Tribes, Chicago, University of Chicago Press.
EISENSTADT, S. N.
1956 « Ritualized Personal Relations : Blood Brotherhood, Best Friends, Compadre, etc. Some
Comparative Hypotheses and Suggestions », Man, 56 : 90-95.
EVANS-PRITCHARD, E. E.
1929 « Some Collective Expressions of Obscenity in Africa », Journal of the Royal Anthropological
Institute, 49 : 311-331.
1933 « Zande Bloodbrotherhood », Africa, 6 : 369-401.
FATON, J.
1999 Du coq à l’âme, Wissous, Amok Éditions.
FATON, J. (dir.)
1998 La parenté à plaisanterie. À propos de…, Bruxelles, Atelier Graphoui.
FAY, C.
1995 « Car nous ne faisons qu’un. Identités, équivalences, homologies au Maasina (Mali) », Cahiers
des Sciences humaines, ORSTOM, 31(2) : 427-456.
1997 « “Les derniers seront les premiers” : peuplements et pouvoirs mandingues et peuls au
Maasina (Mali) », in M. DE BRUIJN & H. VAN DIJK (dir.), Peuls et Mandingues. Dialectique des
constructions identitaires, Paris, Karthala-ASC : 165-191.
FERME, M.
2001 The Underneath of Things, Violence, History and the Everyday in Sierra Leone, Berkeley, University
of California Press.
FORREST, J. B.
2004 Subnationalism in Africa : Ethnicity, Alliances and Politics, Boulder-London, Lynne Rienner.
FORTES, M.
1945 The Dynamics of Clanship among the Tallensi, London, Oxford University Press.
1949 The Web of Kinship Among the Tallensi, Oxford, Oxford University Press.
FOUÉRÉ, M.-A.
2003 « La dimension politique de l’utani », Annuaire de l’Afrique orientale, Nairobi, IFRA.
2004 L’objet ethnologique « relations à plaisanteries » dans l’espace est-africain (Tanzanie) : de la
construction savante d’une coutume à la restitution des situations sociales de l’utani, Thèse de doctorat,
Paris, EHESS.
2005 « Les métamorphoses des “relations à plaisanteries”. Un nouvel enjeu politique dans la
construction des États-nations », Cahiers d’Études africaines, XLV (2), 178 : 389-430.
FREEDMAN, J.
1977 « Joking Affinity and the Exchange of Ritual Services among the Kiga of Northern Rwanda :
An Essay on Joking Relationship Theory », Man, 12 (1) : 154-165.
GAILEY, H. A.
1975 Historical Dictionary of the Gambia, The Scarecrow Press Inc., Metuchen, N.J.
GAILLARD, G. (dir.)
2000 Migrations anciennes et peuplement actuel des Côtes guinéennes, Paris, L’Harmattan (« Cahiers
lillois d’économie et de sociologie »).
GAMBLE, D. P.
1957 The Wolof of Senegal. Together with Notes on the Lebu and the Seerer, London, International
African Institute.
GIESING, C.
2000 « Fari Sangul, Sangulé Faring. Migration et intégration politique dans le monde mandé selon
les traditions des guerriers koring de la Sénégambie méridionale », in G. G AILLARD (dir.), op. cit. :
241-306.
GIRIER, C.
1996 Parlons soninké, Paris, L’Harmattan.
GIRLING, F. K.
1957 « Joking Relationships in a Scottish Town », Man, 57 : 102.
GLUCKMAN, M.
1954 Rituals of Rebellion in South-East Africa, Manchester, Manchester University Press.
1955 Custom and Conflict in Africa, Oxford, Blackwell.
1965 Politics, Law and Ritual in Tribal Society, Oxford, Blackwell.
GOFFMAN, E.
1961 Encounters : Two Studies in the Sociology of Interaction, Indianapolis, Bobbs-Merril.
GOODALL, E. B. H.
1921 Some Wemba Words : Some Meanings and Explanations, London, Oxford University Press.
GOODY, J.
1959 « The Mother’s Brother and the Sister’s Son in West Africa », Journal of the Royal
Anthropological Institute, 89 : 61-88.
1962 Death, Property and the Ancestors : A Study of the Mortuary Customs of the LoDagaa of West Africa,
Stanford CA, Stanford University Press.
GRAVRAND, H.
1983 La civilisation sereer. Cosaan : les origines, Dakar, NEAS.
GREENFELD, L.
1992 Nationalism : Five Roads to Modernity, Harvard, Harvard University Press.
GRIAULE, M.
1948 « L’alliance cathartique », Africa, 18 (4) : 242-258.
1973 « The Mother’s Brother in the Western Sudan », in P. A LEXANDRE (ed.), French Perspectives in
African Studies, London, International African Institute, Oxford University Press : 11-25.
GULLIVER, P. H.
1957 « Joking Relationships in Central Africa », Man, 57 : 225.
1958 « Joking Relationships in Africa », Man, 58 : 191.
GUNDELACH, P.
2000 « Joking Relationships and National Identity in Scandinavia », Acta Sociologica, 43 : 113-122.
HAMMOND, P. B.
1964 « Mossi Joking », Ethnology, 3 : 259-267.
HEALD, S.
1990 « Joking and Avoidance, Hostility and Incest : As Essay on Gisu Moral Categories », Man, 25
(3) : 377-392.
HERLEHY, T. J.
1984 « Ties That Bind : Palm Wine and Blood-Brotherhood at the Kenya Coast during the 19 th
Century », The International Journal of African Historical Studies, 17 (2) : 285-308.
D’HERTEFELT, M.
1971 Les clans du Rwanda ancien. Éléments d’ethno-sociologie et d’ethno-histoire, Tervuren, Musée royal
d’Afrique centrale.
HOCART, A. M.
1923 « The Uterine Nephew », Man, 23 : 4.
1935 « Blood-Brotherhood », Man, 35 : 113-115.
HOFFMAN, B.
2000 Griots at War : Conflict, Conciliation and Cast in Mande, Bloomington, Indiana University Press.
HOUNTONDJI, P. J. (dir.)
1994 Les savoirs endogènes. Pistes pour une recherche, Dakar, Codesria ; Paris, Karthala.
VAN HOVEN, E.
1997 L’oncle maternel est roi. La formation des alliances hiérarchiques chez les Mandingues du Wuli
(Sénégal), Leiden, CNWS.
HOWELL, R. W.
1973 Teasing Relationships, Addison-Wesley Module in Anthropology, 46.
HUMBLOT, P.
1918 « Du nom et des appellations chez les Malinkés des vallées du Niandian et du Milo (Guinée
française) », Bulletin du comité d’études historiques et scientifiques de l’AOF : 519-540.
IDRISSA, K.
1997 « Ethnicité, politique et démocratie au Niger », Sociétés africaines et diaspora, 5 : 45-72.
INNES, G.
1974 Sunjata : Three Mandinka Versions, London, SOAS.
1976 Kaabu and Fuladu. Historical Narratives of the Gambian Mandinka, London, SOAS.
1978 Kelefa Saane. His Career Recounted by Two Mandinka Bards, London, SOAS.
IRVINE, J.
1974 « Strategies of Status Manipulations in the Wolof Greeting », in R. B AUMAN & J. SHERZER
(eds.), Explorations in the Ethnography of Speaking, Cambridge, Cambridge University Press :
167-191.
1993 « Insult and Responsibility : Verbal Abuse in a Wolof Village », in J. H ILL & J. IRVINE (eds.),
Responsibility and Evidence in Oral Discourse, Cambridge, Cambridge University Press : 105-134.
JAFFRELOT, C.
2005 « For a Theory of Nationalism », in C. JAFFRELOT & A. DIECKHOFF (eds.), Revisiting Nationalism,
London, Hurst : § 1.
JERVIS, T. S.
1939 « A History of “Robusta” Coffee in Bukoba », Tanganyika Notes and Records, 8 : 47-58.
JUNOD, H. A.
1912 The Life of a South-African Tribe, Neufchatel, Imprimerie Attinger Frères.
KANE, C. H.
1961 L’aventure ambiguë, Paris, Julliard.
1995 Les gardiens du temple, Paris, Stock.
KEDOURIE, E.
1960 Nationalism, London, Hutchinson.
KEDOURIE, E. (ed.)
1971 Nationalism in Asia and Africa, London, Weidenfeld & Nicolson.
KENNEDY, J. G.
1970 « Bonds of Laughter among the Tarahumara Indians : Towards a Rethinking of Joking
Relationships Theory », in W. GOLDSCHMIDT & H. HOIJER (eds.), The Social Anthropology of Latin
America, Berkeley, University of California Press.
KOMPAORÉ, P.
1999 « La parenté à plaisanterie : une catharsis sociale au profit de la paix et de la cohésion
sociale au Burkina Faso », La problématique des alliances et des parentés à plaisanterie au Burkina Faso :
historique, pratique et devenir, Ouagadougou, Les Grandes conférences du ministère de la Culture,
des Arts et du Tourisme.
KONATÉ, D.
1999 « Les fondements endogènes d’une culture de la paix au Mali : les mécanismes traditionnels
de prévention et de résolution des conflits », in Les fondements endogènes d’une culture de la paix en
Afrique : Mécanismes traditionnels de prévention et de résolution des conflits, Paris, UNESCO.
KOPYTOFF, I. (ed.)
1987 The African Frontier. The Reproduction of Traditional African Society, Bloomington, Indiana
University Press.
KOUROUMA, A.
1990 Monné, outrages et défis, Paris, Points-Seuil.
KOUYATÉ, S.
2003 Le cousinage à plaisanterie, notre héritage commun, Conakry, Éditions Ganndal.
LABOURET, H.
1929 « La parenté à plaisanteries en Afrique Occidentale », Africa, 2 : 244-254.
1931 Les tribus du rameau lobi, Paris, Institut d’Ethnologie.
1934 Les Manding et leur langue, Paris, Larose.
LALLEMAND, S.
1975 « “Têtes en loques” : insulte et pédagogie chez les Mossi », Cahiers d’Études africaines, XV (4),
60 : 649-667.
1977 « Relations à plaisanterie, relations froides », in Une famille mossi, Paris, Ouagadougou, CNRS-
CVRS, Recherches Voltaïques, 17 : 269-294.
LANDSBERG, P. W.
1977 Kinship and Community in a Tanzanian Coastal Village, Ph. D. Dissertation, Davis, University of
California.
LAUNAY, R.
1977 « Joking Slavery », Africa, 47 (4) : 413-422.
1995 « The Dieli of Korhogo. Identity and Identification », in D. C. C ONRAD & B. E. FRANK (eds.),
Status and Identity in West Africa. Nyamakalaw of Mande, Bloomington-Indianapolis, Indiana
University Press : 153-169.
LEENHARDT, M.
1930 Notes d’Ethnologie Néo-calédoniennes, Paris, Institut d’ethnologie.
1947 Do kamo : la personne et le mythe dans le monde mélanésien, Paris, Gallimard.
LEGRÉ OKOU, H.
1994 Les conventions indigènes et la législation coloniale, Abidjan, Éditions Neter.
LERICHE, A.
1956 « Anthroponymie toucouleur », BIFAN, 18 (1-2) : 169-185.
LESLIE, J. A. K.
1963 A Survey of Dar-Es-Salaam, Oxford, Oxford University Press.
LEWIS, R.
1954 Sierra Leone : A Modern Portrait, London, Her Majesty’s Stationnary Office.
LONG, S.
2005 « À quoi joute-t-on ? Devinettes tonales chez les Moose », ethnographiques.org, 7.
LOWIE, R. H.
1912 « Social Life of the Crow Indians », Anthropological Papers of the American Museum of Natural
History, 9 (2) : 179-253.
1917 « Notes on the Social Organization and Customs of the Mandan, Hidatsa and Crow Indians »,
Anthropological Papers of the American Museum of National History, 21 (1) : 97-99.
LUCAS, S. (ed.)
1974 Utani Relationships in Tanganyika, Université de Dar-es-Salaam, 7 vol.
LUNDBERG, C. C.
1969 « Person-focused Joking : Pattern and Function », Human Organization, 28 : 22-28.
LUOMALA, K.
1966 « Numbskull Clans and Tales : Their Structure and Function in Assymetrical Joking
Relationships », in J. GREENWAY (ed.), The Anthropologist Looks at Myth, Austin, University of Texas
Press : 157-198.
LY, B.
1966 L’honneur et les valeurs morales dans les sociétés ouolof et toucouleur du Sénégal : étude de sociologie,
Thèse de doctorat, 2 vol., Paris, FLSH.
MAC ALPINE, A. G.
1906 « Tonga Religious Beliefs and Customs », Journal of the Royal African Society, 18 : 264-267.
MARIKO, K. A.
1990 « La parenté à plaisanteries comme facteur d’intégration sociale en Afrique occidentale »,
Colloque international, Aires culturelles et création littéraire en Afrique, Biennale des arts et des
lettres, Dakar, 12-18 décembre, NEAS-ACTT : 35-38.
MAUSS, M.
1928 « Parentés à plaisanterie », Paris, Annuaire de l’École pratique des hautes études, Section des
sciences religieuses (« Les classiques en sciences sociales »), Melun, Imprimerie administrative :
3-21.
MAYER, P.
1950 « The Privileged Obstruction of Marriage Rites among the Gusii », Africa, 20 : 113-125.
1951 « The Joking of “Pals” in Gusii age-sets », African Studies, 10 : 27-41.
MBEMBE, A.
1996 « La “chose” et ses doubles dans la caricature camerounaise », Cahiers d’Études africaines,
XXXVI (1-2), 141-142 : 143-170.
2000 De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala.
McKAY, W. F.
1975 A Precolonial History of the Southern Kenya Coast, Ph. D. Thesis, Boston University.
McNAUGHTON, P. R.
1988 The Mande Blacksmiths : Knowledge, Power and Art in West Africa, Bloomington, Indiana
University Press.
McVICAR, Rev.
1935 « Sibs, Privileged Familiarity and Cross-Cousin Marriage among the Waluguru », Primitive
Man, 8 : 57-67.
MEAD, M.
1934 « Kinship in the Admiralty Islands », Anthropological Papers of the American Museum of Natural
History, 34 (2) : 189-358.
MEEK, C. K.
1925 The Northern Tribes of Nigeria : An Ethnographical Account of the Northern Provinces of Nigeria
Together with a Report on the 1921 Decennial Census, 2 vol., London, Oxford University Press.
MEILLASSOUX, C.
1978 « Rôle de l’esclavage dans l’histoire de l’Afrique occidentale », Anthropologie et Sociétés, 2 (1) :
117-148.
MEÏTÉ, M.
2004 « Les alliances à plaisanteries comme voie », Éthiopiques, 72.
MELLAND, F. H.
1967 [1923] In Witch-Bound Africa. An Account of Primitive Kaonde Tribe and Their Beliefs, London,
Franck Cass & Co. Ltd.
MITCHELL, C.
1956a The Yao Village : A Study in the Social Structure of a Malawian Tribe, Manchester, Manchester
University Press.
1956b « The Kalela Dance, Aspects of Social Relationships among Urban Africans in Northern
Rhodesia », The Rhodes-Livingstone Papers, 27, The Rhodes-Livingstone Institute, Manchester
University Press : 35-44.
MKANGI, K.
1997 Indigenous Social Mechanisms of Conflict Resolution in Kenya : A Contextualized Paradigm for
Examining Conflict in Africa, Nairobi, University of Nairobi.
MOLINIÉ, Lt
1959 Les systèmes patronymiques au Soudan Central, Centre militaire d’information et de
spécialisation pour l’Outre-Mer, 4e trimestre, 544/A.
MONENEMBO, T.
2004 Peuls, Paris, Éditions du Seuil.
MONTEIL, L.-P.
1894 De Saint-Louis à Tripoli par le Lac Tchad. Voyage au travers du Soudan et du Sahara accompli
pendant les années 1890-91-92, Paris, Félix Alcan.
MONTEIL, C.
1903 Monographies de Djenné, cercle et ville, Tulle, Imprimerie Jean Mazeyrie.
1915 Les Khassonké. Monographie d’une peuplade du Soudan français, Paris, Ernest Leroux.
1924 Les Bambara du Ségou et du Kaarta : Étude historique, ethnographique et littéraire d’une peuplade du
Soudan français, Paris, Larose.
MOREAU, R. E.
1941 « The Joking Relationship (utani) in Tanganyika », Tanganyika Notes and Records, 12 : 1-10.
1944 « Joking Relationships in Tanganyika », Africa, 14 (7) : 386-400.
MUDIMBE, V. Y.
1988 The invention of Africa. Gnosis, Philosophy and the Order of knowledge, Bloomington, Indiana
University Press.
MWOROHA, E.
1977 Peuples et rois de l’Afrique des lacs, Dakar, NEA.
MYAMBA, F.
2000 Joking Relationship as Peace Enhancement in the Society. Case Study : Njombe, Iringa, Tanzania,
Dissertation, The University of Dar-es-Salaam.
2001 Peace and Culture : A Case of Reproduction and Articulation of Utani Among the Bena Ethnic Group in
Tanzania, Dar-es-Salaam, Ministry of Education and Culture.
N’DIAYE, B.
1970a Les castes au Mali, Bamako, Éditions populaires.
1970b Groupes ethniques au Mali, Bamako, Éditions populaires.
NDIAYE, R.
1992 « Correspondances ethno-patronymiques et parenté plaisantante : une problématique
d’intégration à large échelle », Environnement africain, 8 (3-4) : 97-128.
1999 « La Tradition orale : de la collecte à la numérisation », papier présenté à la 65 e Conférence
générale de l’International Federation of Library Associations, 20-28 août, Bangkok.
2000 « La Sinankuya : la parenté plaisante comme moyen de résolution des conflits », Colloque
sous-régional, Parenté plaisante, citoyenneté et culture de la paix, 24-27 janvier, Dakar, Cercle de
l’Union.
2001 « Parenté à plaisanterie, citoyenneté et culture de la paix en Afrique de l’Ouest », Colloque
sous-régional des Églises, Réconciliation et charité, 28 mars, Dakar.
NDIAYE, S. W.
1999 Un pont de lumière pour le fleuve, Dakar, NEAS.
NEWBURY, D.
1991 Kings and Clans : Ijwi Island and the Lake Kivu Rift, 1780-1840, Madison, The University of
Wisconsin Press.
NIANE, D. T.
1960 Soundiata ou l’épopée mandingue, Paris, Présence africaine.
NICOLAISEN, J.
1963 Ecology and Culture of the Pastoral Tuareg. With Particular Reference to the Tuareg of Ahaggar and
Ayr, Copenhague, National Museum.
NYAMBA, A.
1999 « La problématique des alliances et des parentés à plaisanterie au Burkina Faso : historique,
pratique et devenir », Les Grandes conférences du ministère de la Communication et de la Culture du
Burkina Faso, Ouagadougou : 73-91.
2001 « Les relations de plaisanteries au Burkina Faso : un mode de communication pour la paix
sociale », Communication, 21 (1) : 119-140.
O’BANNON, B. R.
2003 Do Not Speak to Me of Cousinage : Neoliberalism, Changing Identities and Conflict Management in
Senegal, Paper presented at the African Studies Association, october, Annual Meeting, Boston.
PAGEARD, R.
1958 « Notes sur les rapports de “senankouya” au Soudan français, particulièrement dans les
cercles de Ségou et de Macina », Bulletin de l’IFAN, XX, série B : 123-141.
1959a « Note sur les Diawambé ou Diokoramé », Journal de la Société des Africanistes, 29 (2) :
239-260.
1959b « Note sur les Kagoro et la chefferie de Soro », Journal de la Société des Africanistes, 29 (2) :
261-271.
PALAU-MARTI, M.
1960 « Conduites abusives permises en Afrique », Bulletin de l’IFAN, XXII : 299-327.
PÂQUES, V.
1954 Les Bambaras, Paris, PUF.
PARKIN, D.
1980 « The Creativity of Abuse », Man, 15 : 45-64.
PAULME, D.
1939 « Parenté à plaisanteries et alliance par le sang en Afrique occidentale », Africa, XII (4) :
433-444.
1968 « Pactes de sang, classes d’âge et castes en Afrique noire », Archives européennes de Sociologie,
9 (1) : 12-33.
PEDLER, M. F. J.
1940 « Joking Relationship in East Africa », Africa, 13 : 170-173.
PÉLISSIER, P.
1966 Les paysans du Sénégal. Les civilisations agraires du Cayor à la Casamance, Saint-Yrieix,
Imprimerie Fabrègue.
PERINBAM, B. M.
1997 Family Identity and the State in the Bamako Kafu, c.1800-c.1900, Boulder, Westview Press.
PERSON, Y.
1968 Samory. Une révolution Dyula, 2 vol., Nîmes, Imprimerie Barnier.
PONCELET, M.
1994 Une utopie post-tiermondiste. La dimension culturelle du développement, Paris, L’Harmattan.
POUWER, J.
l964 « Radcliffe-Brown’s Ideas on Joking Relationships Tested by Data from Mimika »,
International Archives of Ethnography, 1 : l1-30.
PRIGNITZ, G.
2001 « La mise en scène du plurilinguisme dans l’œuvre de Jean-Hubert Bazié. Une
représentation de la situation sociolinguistique du Burkina », Cahiers d’Études africaines, XLI (3-4) :
795-814.
RADCLIFFE-BROWN, A. R.
1924 « The Mother’s Brother in South Africa », South African Journal of Science, 21 : 542-555.
1940 « On Joking Relationships », Africa, 13 (3) : 195-210.
1949 « A Further Note on Joking Relationships », Africa, 19 : 133-140.
1968 [1952] Structure et fonction dans la société primitive, Paris, Éditions de Minuit.
RADIN, P.
1923 The Winnebago Tribe, Lincoln, University of Nebraska Press.
RENAN, E.
1947 [1882] « Qu’est-ce qu’une nation ? », Conférence à la Sorbonne du 11 mars 1882, in H. P
SICHARI (dir.), Œuvres complètes d’Ernest Renan, t. I, Paris, Calmann-Lévy : 887-906.
REYNOLDS, V.
1958 « Joking Relationships in Africa », Man, 58 : 21.
RICHARDS, A. I.
1935 « Preliminary Notes on the Babemba of North-Eastern Rhodesia », Bantu Studies, 9 (3) :
225-253.
1937 « Reciprocal Clan Relationships among the Bemba of N.E. Rhodesia », Man, 37 : 188-193.
RIESMAN, P.
1974 Société et liberté chez les Peuls Djelgôbé de Haute-Volta. Essais d’anthropologie introspective, Paris,
Mouton.
RIGBY, P.
1968 « Joking Relationships, Kin Categories and Clanship among the Gogo », Africa, 38 : 133-155.
RODEGEM , F. M.
1976 « Les injures agonistiques des gardiens de bétail au Burundi », Psychopathologie africaine, XII
(3) : 413-442.
SALAMONE, F. A.
1979a « Children’s Games as Mechanisms for Easing Ethnic Interaction », Anthropos, 74 : 201-210.
1979b « Dukawa-Kamberi Relationships of Privileged Familiarity : Implications for the Theory of
Play », Ethnicity, 6 (12) : 123-136.
SAMBOU, S.
2005 Aguène et Diambone, Dakar, Niamagne Édition.
SARR, S.
2000 « L’Afrique, un défi pour l’éducation à la paix », Conférence à Lomé.
SCHAFFER, M.
2003 Djinns, Stars and Warriors. Mandinka Legends from Pakao, Senegal, Leiden, Brill.
SCHIAVONE, C.
2001 La parole plaisante nel romanzo senegalese postcoloniale, Roma, Bulzoni.
SCHILDKROUT, E.
1975 « Ethnicity, Kinship and Joking among Urban Immigrants in Ghana », in B. DU TOIT & H. SAFA
(eds.), Migration and Urbanization : Models and Adaptive Strategies, The Hague, Mouton : 245-263.
1978 People of the Zongo : The Transformation of Ethnic Identities in Ghana, Cambridge, Cambridge
University Press.
SCHOTTMAN, W.
1998 « The Joking Relationship as Practised by the Batoombu of Benin », in E. B OESEN, C. HARDUNG,
R. KUBA (dir.), Regards sur le Borgou : pouvoir et altérité dans une région ouest-africaine, Paris,
L’Harmattan : 155-174.
SCRIVENOR, T. V.
1937 « Some Notes on Utani, or the Vituperative Alliances Existing between the Clans in the
Masasi District », Tanganyika Notes and Records, 4 : 72-74.
SESSOUMA, D.
1993 « Les parentés à plaisanterie », Regard, 37 : 8-11.
SHARMAN, A.
1969 « “Joking” in Padhola : Categorical Relationships, Choice and Social Control », Man, 4 (1) :
103-117.
SIRAN, J.-L.
2006 « Idéal du mariage et plaisanterie », L’Homme, à paraître.
SISSAO, A. J.
2002 Alliances et parentés à plaisanterie au Burkina Faso : mécanismes de fonctionnement et avenir,
Ouagadougou, Sankofa & Gurli Éditions.
SISSOKO, F. D.
1950 « L’humour africain », Présence Africaine, 8-9 : 227-239.
SMITH, P.
1973 « Principes de la personne et catégories sociales », in La notion de personne en Afrique Noire,
Paris, Éditions du CNRS.
SMITH, A. D.
1983 Theories of Nationalism, London, Duckworth.
SMITH, É.
2004 « Les cousinages de plaisanterie en Afrique de l’Ouest, entre particularismes et
universalismes », Raisons politiques, 13 : 157-169.
DE SOUSBERGHE, L.
1955a Structures de parenté et d’alliance d’après les formules Pende (ba-Pende, Congo belge), Bruxelles,
Académie
NOTES
1. « Democratic Mali Sets an Example », State Magazine, no 467, pp. 10-15, April 2003. State
Department, United States of America.
2. T. S. DIALLO, « À propos du pacte national », Guinea Forum, <http://www.guinea-
forum.org/Analyses/index.asp ?ana=357&Lang=F>.
3. Macky SALL, Premier ministre du Sénégal, Discours de politique générale, 20 octobre
2004.
4. B. A. BEOGO, « Burkina Faso, terre bénie », in L’Opinion, no 390, dossier Journée nationale
de Pardon, 23-29 mars 2005.
5. Abdrahamane SALIOU, « Élections présidentielles : les raisons du succès ! », Haske, 21
novembre 2004.
6. <http://www.everyculture.com/To-Z/Zambia.html>.
7. Colloque tenu au Centre d’études et de recherches internationales (CERI) à Paris les 27
et 28 octobre 2005, dont ce numéro reproduit certaines contributions. Cette thématique a
également été abordée lors de trois manifestations récentes : un atelier tenu au Max
Planck Institute for Social Anthropology (Halle), intitulé Friendship, Descent, Alliance in
Africa, le 18 décembre 2002 ; lors d’un atelier au meeting annuel de l’African Studies
Associations de 2003 à Boston, intitulé Joking Kinship and Interethnic Cooperation in
Senegambia, et un séminaire de l’Institut d’études africaines d’Aix-en-Provence, intitulé
Pardon, palabre, plaisanterie : espaces publics africains et passés recomposés, le 16 novembre
2005.
8. Le terme est entre guillemets car le processus de valorisation et de re-découverte des
« traditions » d’alliances à plaisanterie est indissociablement local et global, national et
cosmopolite, africain et mondial. Les inventions de la tradition (HOBSBAWM & RANGER
1983) sont généralement le co-produit de logiques internes et externes, que ce soit la
production des nationalismes européens ou celle des divers afrocentrismes. On se gardera
donc ici de toute caricature de ces processus en termes d’invention exogène ex nihilo ou
de son pendant indigéniste d’agency purement locale.
9. Cette distinction faite par RADCLIFFE-BROWN (1940) entre relation symétrique
(égalitaire) et asymétrique (inégalitaire) est critiquable, car il existe en fait tout un
continuum possible entre la symétrie et l’asymétrie.
10. C’est pourquoi l’on préfère utiliser le terme d’« alliance à plaisanterie » que celui de
« parenté à plaisanterie », selon la distinction faite par Sory CAMARA (1992 : 39).
11. On peut ainsi relever, par exemple, comme termes utilisés pour décrire les alliances à
plaisanterie ou des « pactes » plus formalisés, les termes senankuya et jo en bamanakan,
njongu et kallengoraaxu en soninke, kal et gàmmu en wolof, dendiraagu njongu (ou
dendiragaal) et hoolaare en pulaar, sanawuya et dankutoo en maninkakan, sanakuyagaal en
pulaar du Fuuta-Jalon, maasir en serer, agilor en joola, rakiire en moore, moal en lobi, díkal ε
en bissa, mangu en dogon, bariwa en bwaba, baaseterey en songoy, ubuse en kinyarwanda,
1973, 1978 ; SCHILDKROUT 1975 ; SALAMONE 1979a, 1979b ; DRUCKER-BROWN 1982 ; WEGRU
2000).
22. La recension de MOLINIÉ (1959) est la plus aboutie. Elle se présente comme un annuaire
des jamuw, véritable répertoire alphabétique classant pour chaque jamu ses senankuw, ses
équivalents dans les autres communautés, son terroir d’origine, son tana (interdits), le
mythe d’origine, etc.
23. Marie-Aude FOUÉRÉ (2004 : 75-79) a bien souligné la prégnance du modèle jural dans la
théorisation des relations à plaisanterie par les anthropologues.
24. On note cependant que le CODESRIA et l’ouvrage programmatique sur les « savoirs
endogènes », édité par Paulin HOUNTONDJI (1994) ne se sont pas emparés de cette
thématique.
25. Un exemple parmi d’autres, pris dans le champ journalistique ivoirien : « La parenté à
plaisanteries : quel impact dans une Côte-d’Ivoire en crise ? », Le Patriote, 13 octobre 2003.
26. Cette question complexe de la hiérarchie et de la domination est traitée plus loin dans
l’introduction.
27. Le Quotidien, 27 mai 2004.
28. Au-delà de ces éléments de contexte global, chacune des scènes nationales étudiées
dans ce volume a ses dynamiques internes, évoquées par les auteurs, qui ne sont pas sans
conséquences sur la saillance de la problématique des alliances à plaisanterie : le conflit
casamançais au Sénégal, la crise politique de l’après Zongo au Burkina Faso, la
décentralisation et le développement du tourisme au Mali, etc.
29. On peut faire des remarques similaires concernant l’espace est-africain. CHRISTENSEN
(1963 : 1323), discutant les études de MOREAU (1941) et SPIES (1943), souligne que les
relations d’utani ont pour origines la guerre, le commerce longue-distance, l’esclavage et,
parfois, « l’acte du bon samaritain » (SPIES 1943 : 49).
30. Pour Tal TAMARI (1997 : 133), le lien entre senankuya et « castes » est explicite, car elle
fait l’hypothèse que « la relation entre nobles et gens de caste aurait […] pu naître d’une
alliance à plaisanterie […] scellée dans des conditions d’inégalité particulièrement
marquées ». Sur ce point, voir PAULME 1939, 1968 ; CAMARA 1969, 1992 : 38-50 ; AMSELLE
1977 : 37-48 ; LAUNAY 1995 : 161 ; TAMARI 1997 : 131-138. Dans le cas de la senankuya entre
Peuls et forgerons (DOUMBIA 1936), ou entre certains patronymes et certains groupes
professionnels, l’analogie est encore plus flagrante.
31. Ainsi, des plaisanteries entre Toucouleur et Serer sur les causes du « départ » des
Serer du Tekrur rapportées par les traditions orales (refus de l’islamisation ou fuite
d’esclaves), entre Joola et Serer à propos du mythe d’Ageen et Jamboñ (qui était « devant »
et qui était « derrière » dans la pirogue de la légende des deux sœurs), entre Peuls et
forgerons (qui a fait advenir l’autre à la condition d’homme), entre Peuls et Jaaxanke (qui
a capturé l’autre), entre Peuls et Malinké sur la chute de Kansala (quelle version de la
bataille imposer), etc. Derrière ces mémoires apparemment divergentes, c’est tout de
même une même matrice politico-culturelle faite d’oralité et de récits à large diffusion
dans toute la sous-région qui se retrouve. Pour un exemple de la construction de
mémoires partagées de la bataille de Bunxoy entre le Kajoor et le Fuuta, voir BOULÈGUE
1999.
32. En effet, l’esclavage domestique précolonial semble constituer une des matrices des
relations de cousinage à plaisanterie observées actuellement (LAUNAY 1977). Le langage
atteste de l’héritage de la servilité dans les imaginaires et de la transition délicate du
statut d’« esclave » (bien réel) à celui de « cousin ». Ainsi, en 1954, un chef vaï de Sierra-
Leone peut répondre à son interlocuteur qui lui demande si l’esclavage est encore
pratiqué : « No, we don’t have slaves now – we have cousins » (rapporté sans précision sur
le contexte de l’énonciation par LEWIS (1954 : 67, italiques de Lewis). Sur les résonances de
l’esclavage dans les métaphores de la parenté en Sierra Leone, voir M. FERME (2001 :
82-88). Sur le difficile et incertain passage des harâtin du statut d’« esclave » à celui de
« cousin » (notamment par le mariage) de leurs anciens maîtres dans la société maure,
voir BONTE (1998 : 170-182). On note d’ailleurs que les premières mentions des alliances à
plaisanterie dans la littérature des voyageurs ou des administrateurs coloniaux laissent
planer une ambiguïté quant au caractère métaphorique ou réel de l’esclavage entre
« alliés ». TAUTAIN (1885 : 8) comme LABOURET (1929 : 251) insistent ainsi sur l’asymétrie
radicale et l’unilatéralité de ces « alliances » pensées par analogie avec l’esclavage. On
trouve par ailleurs, dans le récit de voyage de Parfait-Louis MONTEIL (1894 : 99s), un
exemple saisissant d’une « capture » rhétorique de villageois bobo par un griot peul, qui
en fait ses « esclaves » et les oblige à un acte de soumission envers Monteil. Il ne semble
pas s’agir à l’époque d’une quelconque alliance à plaisanterie entre Peuls et Bobo comme
elle se pratique actuellement…
33. Point déjà souligné par David PARKIN (1980).
34. Cela n’implique pas pour autant d’adhérer à l’hypothèse cathartique ou à une analyse
du type de celle de Max GLUCKMAN (1954) en termes de « rituels de rébellion ». Pour une
analyse du rituel Ncwala (présenté par Gluckman comme le rituel de rébellion par
excellence), comme une forme de relation à plaisanterie, voir APTER (1983) qui tente de
réconcilier les approches de Gluckman, Beidelman et Radcliffe-Brown.
35. « Undoubtedly easier communications are breaking down the observances. As
between the Chagga and Pare the forfeit customs are said to be a thing of the past because
intercourse is so frequent. Among the Bondei the “joking” is obsolescent. It seems
impossible that Zigua living on the main Turiani-Korogwe road could keep open house for
the Nyamwezi, the Sukuma, the Kami, the Luguru, the Hehe, the Gogo, and the Zaramu
who now pass in such numbers on their way to work on the sisal estates. And it is obvious
that a place like Tanga market, with its admixture of tribes, would be in constant uproar
if mutual recrimination, “April fooling”, and forfeiting went on with pristine vigour.
Other Western influences must have a damping effect… » (MOREAU 1944 : 398-399).
36. À ce compte-là, qu’est-ce qui différencie ces pratiques de plaisanterie de celles, par
exemple, entre commissaires européens que rapportent Marc ABÉLÈS et Irène BELLIER
(1996) ?
37. Les labels ethniques et patronymiques étant labiles et manipulables, il est très
fréquent qu’un individu se fasse passer pour un « cousin à plaisanterie » afin de bénéficier
des avantages attendus de la relation (demander un service, bénéficier de dons lors de
cérémonies, profiter de l’hospitalité, échapper à une sanction, faire basculer une
interaction ou une négociation à son avantage, sauver sa vie, tenter de gagner des
électeurs, etc.). Au-delà de ces instrumentalisations jugées illégitimes et abusives une fois
découvertes, les alliances à plaisanterie sont fréquemment utilisées dans le cadre de
pratiques professionnelles pour faciliter le contact, faire passer un message ou obtenir
des renseignements (agent de recensement, personnel médical, commerçant, facteur,
enseignant, chercheur, agent d’encadrement agricole, personnel d’ONG ou personnel
administratif en tournée de sensibilisation, politicien, magistrat, policier, etc.).
38. Chanson Sordassi kè, Album Kéléa, s.d.
39. Dans la chanson Bara bali, à travers un dialogue avec son guitariste Petit Condé,
l’artiste dénonce la fainéantise de la plupart des patronymes (KOUYATÉ 2003 : 39). Condé et
Diabaté, comme leurs équivalents Koné et Traoré, sont senankuw.
40. Sous la forme d’une émission culturelle invitant un érudit chargé de parler de ces
alliances et d’en faire la liste, ou bien tout simplement sous forme ludique, notamment
par le biais des appels des auditeurs.
41. Chez certains auteurs comme Amadou Hampathé Ba, la logique de patrimonialisation
est très présente, car ces usages sont toujours suivis de notes de bas de pages ou de
parenthèses pour expliquer ces pratiques au lecteur non initié. Chez d’autres auteurs
(Tierno Monenembo, Ahmadou Kourouma, Jean-Hubert Bazié), l’usage des alliances à
plaisanterie dans le roman est d’ordre plutôt ludique, faisant partie du décor culturel
n’ayant pas besoin d’être expliqué.
42. À l’inverse, tout au long du roman, les Peuls sont moqués selon le point de vue des
Serer.
43. Les forums sénégalais, maliens, et guinéens ont notamment été consultés. On note
qu’avec le support écrit, l’ambiguïté du « cadre » de l’interaction est accrue et donne
souvent lieu à des malentendus et polémiques. Voir également le débat sur un forum
camerounais sur la possibilité ou non de l’importation de la pratique « burkinabè » de la
parenté à plaisanterie au Cameroun : « Les moqueries inter-tribus au Cameroun… est-ce
possible ? » (sic).
44. Qui ne se limite évidemment pas à la pratique des alliances à plaisanterie. La dérision
populaire du pouvoir autoritaire a largement été analysée dans le cadre des analyses du
« politique par le bas » (TOULABOR 1981 ; DUBUCH 1985 ; MBEMBE 1996, 2000 : 139-186) mais
jusqu’à présent le comique populaire puisant dans le registre des alliances à plaisanterie
(HAGBERG et DOUYON dans ce volume) n’avait pas été étudié.
45. Ainsi dans les années 1980, certains auditeurs de l’émission Rions un peu de l’ORTM au
Mali ont pu se plaindre que les blagues visaient trop exclusivement une certaine
communauté. De même, sur des forums Internet sénégalais ou guinéens, des remarques
sont faites en ce sens par les internautes. C’est toute l’ambiguïté du « cadre » de
l’interaction, les blagues dépréciatives n’étant pas limitées aux échanges plus ou moins
codifiés et réciproques du cousinage. Il suffit à cet égard de rappeler la prégnance funeste
de certains stéréotypes au Rwanda ou en Côte-d’Ivoire par exemple, qui ont aussi
emprunté le canal de « blagues » radiodiffusées qui faisaient rire y compris les groupes
visés…
46. Le Quotidien, 24 juillet 2005.
47. Ainsi, les jugements posthumes portés sur Senghor au Sénégal ou Lamizana au
Burkina Faso.
48. Au Burkina Faso, Alain SISSAO (2002 : 141) appelait ainsi de ses vœux un
« commandement apaisé », qui « permettait de mieux comprendre les populations
administrées » à l’image de la nomination d’administrateurs cerma en pays lobi et
inversement. Au Sénégal, la question s’est posée notamment à propos du conflit en
Casamance dont certaines lectures en termes d’« erreurs » ou d’« abus » du
commandement territorial ont un temps justifié la nomination d’administrateurs serer en
pays joola. Certains auteurs ont affirmé que gouverneurs et préfets au Sénégal étaient
parfois délibérément nommés dans des régions où ils comptent de nombreux cousins (V
ILLALON 1995 : 54 ; DIANÉ 1997 : 360 ; DE JONG 2005 : 398). Cela semble s’être effectivement
pratiqué, mais ne constitue absolument pas une règle générale. Quoi qu’il en soit, cette
utilisation (réelle ou réclamée) des liens d’alliance à plaisanterie entre communautés par
Nos Diakhanké en Guinée, qu’est-ce qu’ils sont sympas (agréables) ! […]/Eyoo chers amis,
amusez-vous donc ! Eyoo, chers amis, la Sanakuya est la tradition/[…] Nos Ba, ne vous
gonflez pas, “Super Diallo” arrive en personne ! […] Diallo, nous sommes tous les mêmes !
Ba, nous sommes tous pareils ! Nobles Barry, nous sommes tous les mêmes ! Sow, nous
sommes tous pareils ! » Chanson Sanakuyagal, album éponyme, CDS Production, 2002.
Traduit du pulaar par Mamadou Diallo.
53. Le clip (2006) accompagnant la chanson est une mise en scène de la communauté
serer, notamment ses grands hommes (Senghor), agrémentée de clins d’œil aux cousins
toucouleur et joola.
54. À prendre au sens propre, car Alain Sissao a, par exemple, réalisé une carte des
« ethnies » alliées à plaisanterie au Burkina Faso, Raphaël Ndiaye ou Yoro Doro Diallo au
Sénégal ont procédé à des recensions patronymiques pour établir la liste des alliances
entre patronymes. L’ONG Enda a même matérialisé ces alliances et équivalences
patronymiques en faisant porter des pancartes par des enfants avec un patronyme,
montrant ses équivalents et alliés.
55. Le CELHTO a notamment numérisé un grand nombre d’émissions de radios rurales de
divers pays d’Afrique de l’Ouest sur le thème des « alliances à plaisanterie » dans le cadre
du projet ARTO.
56. Sacrée plaisanterie, film de David HELFT et Ewa SANTAMARIA, La Nomade Production &
l’ORTM, s.d. [1993], 55’, avec le célèbre acteur Bala Moussa Keïta.
57. Du coq à l’âme, Graphoui, ASBL, 1999, 53’. Les objectifs du film résument tout à fait le
triple programme des entreprises de promotion de la parenté à plaisanterie : « Informer
sur un particularisme africain peu connu. Porter un regard différent sur les conflits
ethniques qui ravagent l’Afrique. Proposer une équivalence entre une donnée
socioculturelle africaine et l’humanisme occidental du XVIe siècle. » Le livre éponyme (F
ATON 1999) est né, nous dit l’auteur, d’une réflexion sur les conflits au Rwanda et Burundi.
L’ouvrage met côte à côte des extraits d’entretiens sur la parenté à plaisanterie au
Sénégal et au Burkina, des extraits de l’Éloge de la folie d’Érasme, et une lettre-témoignage
d’un ami réfugié burundais sur la violence politique dans la région des Grands Lacs. Par
cet agencement, l’auteur procède à une comparaison de la parenté à plaisanterie,
« pratique millénaire d’Afrique », avec l’humanisme d’Érasme qui utilisait les ressorts de
la littérature populaire, du carnaval et de la bouffonnerie pour critiquer les puissants de
son temps et les « guerres fratricides » de ses contemporains : « Comme Érasme, et bien
avant son temps, les ethnies rivales d’Afrique de l’Ouest utilisent l’humour pour
désamorcer la violence. »
58. À ne pas confondre, bien qu’elles se ressemblent, avec la Charte du Mande (« 1222 ») de
la confrérie des chasseurs (CISSÉ & KAMISSOKO 1991 : 39 ; CISSÉ, FOFANA & SAGOT-D
UVAUROUX 2003). La Charte de Kurukan Fuga (« 1236 »), présentée comme « la première
constitution démocratique de l’Empire médiéval du Mali » a été « restituée » par des
traditionnistes manding lors d’un atelier sur les radios rurales tenu à Kankan en Guinée
en mars 1998 sous l’égide de l’Agence internationale de la francophonie et Intermédia
Consultants (coopération suisse). Les traditionnistes venus du Sénégal, du Mali et de la
Guinée se sont réunis à huis-clos pour confronter leurs versions, puis le magistrat
guinéen, Siriman Kouyaté, a organisé la traduction et produit une version écrite en 44
articles précédés d’un préambule afin d’en faire l’équivalent d’une constitution moderne.
Tout comme la Charte du Mande, dont le calligraphe Aboubacar Fofana écrit que c’est un
« trésor caché » (CISSÉ, FOFANA & SAGOT-DUVAUROUX 2003), l’invention du « trésor » de la
Charte de Kurukan Fuga, qui doit être publiée prochainement par l’Union africaine avec une
préface de Djibril Tamsir Niane, est le fruit d’une véritable entreprise culturelle sous-
régionale, en partenariat avec des ONG du nord, de codification et production de
« textes » politiques africains. Avant même sa publication officielle, on note que certains
manuels scolaires l’ont déjà intégré comme « grand texte fondateur » organisant la
« citoyenneté de l’Empire », et qu’elle sert de support à des argumentations les plus
diverses (décentralisation, démocratie locale, protection de l’environnement, féminisme,
droit d’asile et immunités, droits de l’Homme, diversité culturelle, protection sociale, etc.)
qui ont en commun de chercher et « inventer » dans le passé prestigieux des empires
ouest-africains des équivalents de la Magna Carta (1215), du Bill of Rights (1628, 1689), de l’
Habeas Corpus (1679) de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (1789)
d’importation occidentale. L’inventeur de l’alphabet n’ko, Souleymane Kanté, avait déjà en
son temps insisté sur le « partage du monde » et l’institutionnalisation des senankuya
opérée par Sunjata Keïta lors de l’assemblée de Kurukan Fuga (AMSELLE 2001 : 198s) ainsi
que Djibril Tamsir NIANE (1960 : 138s). Dans la version « constitutionnelle » de la Charte
(1998), « l’article 7 » stipule : « Il est institué entre les mandenka le sanankunya (cousinage
à plaisanterie) et le tanamanyöya (forme de totémisme). En conséquence, aucun différend
né entre ces groupes ne doit dégénérer, le respect de l’autre étant la règle. Entre beaux-
frères et belles-sœurs, entre grands-parents et petits-enfants, la tolérance et le chahut
doivent être le principe. » Charte disponible sur le site : <http://www.africa-orale.org/
charte.rtf>. Un calendrier de l’an 764 de Kurukan Fuga (an 2000 de l’ère chrétienne) a été
édité et vendu lors du Salon du livre de jeunesse de Montreuil en 1999. Un film a
également été produit par le réalisateur malien Alioune Ifra NDIAYE, Le Bal de Kurukanfuga,
sur un spectacle conçu par BlonBa et l’ORTM autour de la proclamation de Kurukan Fuga.
Le film a été l’élément central des émissions de l’ORTM pour le passage à l’an 2000.
59. Ainsi le programme de la 13e édition de la Semaine nationale de la culture de 2006
prévoyait des séances quotidiennes de « joutes oratoires des parents à plaisanteries »
place de la mairie à Bobo-Dioulasso.
60. Interview du Larlé Naaba Tigré sur la « parenté à plaisanterie », dans la revue
française de coopération militaire et de défense Frères d’armes, no 244, 2004.
61. Interview de Bakary Soumano sur le sujet.
62. Ainsi Djibril Tamsir NIANE, Babacar Sedikh DIOUF, Saliou SAMBOU et Pathé DIAGNE,
entre autres, ont commis des contributions centrées sur la parenté à plaisanterie lors de
l’Atelier de réflexion Initiative de valorisation des capacités endogènes de prévention des conflits
et de gouvernance, Conakry, 9-11 mars 2005, Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE,
2005. Mangoné NIANG a présenté une communication sur la Charte de Kurukan Fuga comme
« mécanisme de gouvernance endogène pour la prévention des conflits », lors du Forum
intergénérationnel sur la gouvernance endogène, Ouagadougou, 26-28 juin 2006, organisé par
le Club du Sahel.
63. On note également que depuis 2004 l’association burkinabè Sagl-Taaba, qui sensibilise
sur des questions d’éducation civique et de morale par le biais du théâtre, s’est donnée
pour objectif de « redynamiser la parenté à plaisanteries au niveau national et dans les
pays francophones de la sous-région ; favoriser par ce fait l’intégration des peuples de
l’Afrique de l’Ouest ; anéantir ou tout au moins amoindrir, grâce à l’intégration des
peuples, les tensions interethniques et inter-étatiques ». Elle a notamment organisé une
« nuit de la parenté à plaisanteries », voir Le Pays, no 3242, 29 octobre 2004.
64. Au Sénégal, un militant de l’Association culturelle Ageen et Diambogne déclare que
« les jeunes ne connaissent pas tellement la portée de ce cousinage à plaisanteries. Mais
avec la création de l’association Ageen Jamboñ nous sommes en train de les former » ;
73. Les sites Internet et guides touristiques sont trop nombreux pour être cités ici, on
peut se contenter d’un exemple zambien pour une présentation des joking relationships
comme trait marquant du pays au même titre que ses paysages et sa faune.
74. Ainsi, le philosophe Jean-Louis SAGOT-DUVAUROUX dans sa « Lettre au consul de
France » (L’Humanité, 31 octobre 2002) propose d’en faire la base de nouvelles relations
entre ex-colonisateurs et ex-colonisés tout comme les senankuya aménageaient autrefois
les relations entre vaincus et vainqueurs, ou bien l’anthropologue Thomas Hylland E
RIKSEN : « This wonderful African institution deserves being exported to other continents.
Perhaps Jews and Palestinians, or Christians and Muslims, might want to give it a try ? »,
Risking security, Paradoxes of social cohesion, Thomas Hylland Eriksen Inaugural lecture,
Vrije Universiteit Amsterdam, 15 mars 2005.
75. Discours du 11 septembre 2003. Kélétigui MARIKO (1990 : 36) ne dit pas autre chose à
propos du Niger : « L’unité nationale au Niger a devancé la création de l’État et repose sur
les relations de parenté à plaisanteries entre les dix groupes ethnolinguistiques […]. » De
même au Sénégal, le Colloque sur les convergences culturelles de 1994 constatait que « l’unité
culturelle profonde de la nation n’est pas une construction politique mais le fruit de
brassages séculaires opérés dans des foyers de convergences tels que le Fouta et le Gabu.
Ceci démontre la possibilité au plan africain, d’une citoyenneté transcendant
l’appartenance ethnique et instituant la diversité comme étape d’une richesse, et non
comme une fin » (TAMBADOU 1996 : 36).
76. Discours du Premier ministre Mohamed Ag Hamani à la Conférence épiscopale de
l’Afrique de l’Ouest francophone, 4 février 2003. La phrase complète est la suivante :
« Carrefour de civilisations, le Mali est une nation héritière d’illustres empires et
royaumes, qui ont façonné son destin par un brassage multiséculaire transformant
partout sa diversité en ficelles relationnelles que chaque Malien est fier d’assumer par le
biais du cousinage à plaisanterie dont les répliques aromatisées sont des délices de
l’acception mutuelle. »
77. La presse américaine, à la recherche d’une démocratie dans le monde islamique et
d’un multi-ethnisme pacifique en Afrique, reprend à son compte l’idée des senankuya
comme facteur explicatif de l’exception malienne qui semble tant l’émerveiller : « Seeing
Mali », Washington Post, 20 mai 2001 ; « Democratic Mali Sets an Example », State Magazine,
avril 2003, no 467, 10-15 ; « Polling Timbuktu : Islamic Democracy ? Mali Finds a Way to
Make It Work », The Wall Street Journal, 22 juin 2004 ; « Miracle in Mali », The Wilson
Quaterly, 31 juillet 2006. Pour une analyse de la décentralisation au Mali et la mobilisation
de récits historiques de légitimation, loin des éloges appuyés des journalistes, voir A
MSELLE (2004) et FAY (dans ce volume).
78. Ainsi, par exemple, dans l’argumentaire du document officiel établissant les priorités
thématiques de la recherche au Burkina Faso, le génocide rwandais est expressément
mentionné comme contre-modèle soulignant l’urgence d’une réflexion sur la « gestion »
des « relations interethniques » et la nécessité d’enquêtes sur les « parentés à
plaisanteries » (CNRST 1995 : 361). Il en va de même dans l’ouvrage sur les Convergences
culturelles au Sénégal reprenant le colloque de juin 1994 (TAMBADOU 1996).
79. On remarque que la prégnance des stéréotypes ethnistes sur l’Afrique est telle que le
conflit et le « tribalisme » sont posés comme résultat normal et attendu de toute diversité
« ethnique ». C’est donc l’absence de conflit ethnique qui relèverait alors du « miracle »,
de la « chance » et de « l’exception »… Ainsi, sous forme lapidaire, le sous-titre de cet
article sur la parenté à plaisanterie au Burkina Faso : « Soixante-deux ethnies, zéro
conflit ! », (« Parenté à plaisanterie : moquez-vous mais ne vous battez pas ! », op. cit.). De
même dans Mond’Info, op. cit., le journal de l’ONG Enfants du Monde, on lit dans un article,
toujours à propos de la parenté à plaisanterie au Burkina Faso : « La paix sociale qui y
règne semble en contradiction avec le caractère composite et hétérogène de son peuple »
(nos italiques).
80. En insistant sur ce qui lie, on valide par là même les catégories qui doivent être
reliées. L’aporie du métissage, qui postule au préalable la distinction d’essences pures à
mélanger (AMSELLE 1990), n’est pas facilement résolue dans ce discours d’une
communauté nationale faite de la coalition d’éléments eux-mêmes métissés. Bien que
généralement dirigé contre le récit de l’autochtonie (en dehors de la valorisation d’une
« tradition africaine » vis-à-vis du reste du monde), le récit de promotion des alliances à
plaisanterie peut parfois aller de pair avec celui-ci. Ainsi le professeur ivoirien Henri
Legré célèbre-t-il les alliances à plaisanterie comme facteur d’unité en Côte-d’Ivoire…
mais pour mieux souligner « l’intrusion d’éléments exogènes » : « La Côte-d’Ivoire, bien
avant la colonisation, a mis en place des matériaux de la conscience nationale préétablie.
Je souligne par là la “parenté ou les parentés à plaisanterie”. Nous avons quatre ceintures
de parenté, quatre axes de “parentés à plaisanterie”, depuis les 18 montagnes jusque chez
les Lobi. Tous les peuples qui se trouvent dans cette ceinture, sont des parents. […] elle a
fait en sorte que tous ceux qui se considèrent comme des parents, et par ricochet, les
alliés des alliés, ne puissent jamais en venir aux mains, encore moins s’entretuer. C’est la
raison pour laquelle pendant très longtemps, on a connu une stabilité relative, et c’est ce
qui témoigne d’ailleurs de l’intrusion d’éléments exogènes dans le champ politique
ivoirien pour le désorganiser », L’Inter, no 1533, 19 juin 2003.
81. On notera que l’imagination impériale rétrospective de l’empire du Gabu donne aussi
lieu à des réappropriations plus autochtonistes, contre les États-nations existants, par
exemple dans le discours du MFDC en Casamance ou que l’appropriation de l’héritage des
empires du Mali et du Wagadou peut donner lieu à controverses entre États (Mali vs
Guinée, etc.).
82. La tension entre l’universalité ou la spécificité des remèdes aux conflits habite à la fois
les acteurs internationaux et les acteurs locaux.
83. On peut cependant se demander si ce discours n’édifie pas des frontières internes
entre Afrique de l’Ouest et Afrique centrale, voire entre peuples sahéliens et « peuples de
la forêt », reprenant à son compte une dichotomie raciale trop bien connue… En 1950, Fily
Dabo SISSOKO (1950 : 230) écrivait en ce sens : « Il [le senankuya] s’observe dans presque
toutes les races soudanaises lesquelles, paraît-il, se différencient par là des races bantoues
qui, par ailleurs, ignorent les castes. » C’est aussi le point de vue actuel d’un journaliste
américain, Yaroslav Trofimov : « That tradition is known to locals as “cousinage”, and
arose as a way to preserve peace as empire succeeded empire in medieval times. The
descendants of winners and losers were usually made “cousins” in order to bury
grievances. The tradition of loyalty to multiple cousin groups still defines social
relationships in Mali, in contrast to the tribal allegiances that are the rule in much of the Arab
world and tropical Africa further south », Wall Street Journal, 22 juin 2004 (nos italiques). On
remarque à l’inverse que dans les travaux sur la Tanzanie, par exemple, il est souligné
que les relations d’utani existeraient uniquement chez, et entre, les « tribus bantoues »
(sic) (CHRISTENSEN 1963 : 1324).
84. Cette double mise en scène des alliances à plaisanterie comme « chance » et spécificité
africaine d’une part et exemple à suivre pour d’autres contrées d’autre part, se retrouve
dans la plupart des articles de presse : « Lettre à Monsieur le consul de France au Mali de
AUTEURS
CÉCILE CANUT
MoDyCo-CNRS-Paris X-Nanterre.
ÉTIENNE SMITH