UNE DE: Histoire
UNE DE: Histoire
UNE DE: Histoire
DE
SPIE
NAÎTRE ET RENAÎTRE
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e
Jean MONVILLE avec la collaboration de Xavier BEZANÇON
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UNE HISTOIRE
DE
SPIE
Direction éditoriale et recherches
Jean Monville - Xavier Bezançon - Pascal Omnès
Iconographie
Jérôme Da Cunha, direction de la communication SPIE
Coordination éditoriale
Pascal Omnès
Assistance
Lydia Cantèle
Documentaliste web
Véronique Vuillemin-Filippi
Photogravure
Guy Lorand
Imprimé par
Estimprim - Montbéliard
Photo de couverture
Raoul Dufy, La Fée électricité (détail), Musée d’Art Moderne Paris, © RMN/ ADAGP
JEAN MONVILLE
avec la collaboration de
Xavier Bezançon
UNE HISTOIRE
DE
SPIE
NAÎTRE ET RENAÎTRE
UNE HISTOIRE DE
SOMMAIRE
SPIE
NAÎTRE ET RENAÎTRE
Chapitre 1
L’épopée de la vapeur et du métal
et l’émergence des dynasties industrielles, XIXe siècle p. 10
Chapitre 2
Naissance de la Société de Construction des Batignolles : construire des locomotives p. 14
Chapitre 3
La Société de Construction des Batignolles découvre l’exportation, 1871-1885 p. 26
Chapitre 4
La crise économique de la fin du XIXe siècle et la première mondialisation p. 32
Chapitre 5
L’épopée de la grande exportation
de la Société de Construction des Batignolles,1885-1939 p. 38
Chapitre 6
Naissance de Schneider et Cie et du royaume industriel du Creusot, XIXe siècle
p. 62
Chapitre 7
La puissance industrielle de l’Angleterre au milieu du XIXe siècle p. 72
Chapitre 8
Schneider entrepreneur à la découverte du monde, 1880-1940 p. 76
Chapitre 9
Le groupe Empain, le Métro de Paris et la naissance de SPIE, 1900 p. 94
Chapitre 10
La SPIE et l’électrification des chemins de fer, des usines, des villes
et des campagnes…, 1900-1940 p. 102
Chapitre 11
Les années noires de la guerre et la chute de la SCB, 1940-1954 p. 112
Chapitre 12
Vers la fusion de la Société de Construction des Batignolles avec la SPIE, 1955-1968 p. 126
Chapitre 13
La SPIE : de l’électricité aux raffineries et aux pipelines du Sahara, 1948-1968 p. 132
Chapitre 14
Crise dynastique chez Schneider et entrée d’Empain : une nouvelle donne pour SPIE p. 144
Chapitre 15
La brève histoire de CITRA : une croissance non maîtrisée, 1949-1971 p. 150
Chapitre 16
Bâtir une entreprise pluridisciplinaire à vocation mondiale, les années 1968-1982 p. 166
Chapitre 17
La chute de la maison Empain… Grandeur et décadence au Creusot… p. 182
Chapitre 18
« Notre chantier : le monde », les années 1980 p. 190
Chapitre 19
La tempête, 1991 p. 212
Chapitre 20
Du côté de chez Schneider… p. 220
Chapitre 21
Exister, 1992-1995 p. 224
Chapitre 22
Vers de nouveaux horizons p. 244
Chapitre 23
To be or not to be « one AMEC » p. 260
Chapitre 24
Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE p. 270
Chapitre 25
Épilogue p. 290
TAGS,
MODE D’EMPLOI…
Introduction À l’instar d’un document électronique proposant des liens hypertextes, ce livre contient des codes
à la lecture imprimés appelés aussi tags. Les possesseurs de smartphones* pourront les scanner afin d’accé-
« augmentée »
der à des « hypercontenus» multimédias issus d’Internet, venant enrichir le texte écrit. Le mode
d’emploi est très simple :
1. Commencez par télécharger gratuitement l’application Mobiletag® sur votre mobile à partir du
site www.mobiletag.com ou de l’App Store.
2. Lancez l’application.
3. Positionnez votre Smartphone comme si vous preniez le tag en photo. L’application le scannera
et vous dirigera vers le site internet concerné.
…ET VERSION
VIRTUELLE
Une histoire de SPIE, naître et renaître est également disponible sur Internet en version virtuelle
interactive richmédia. Comme cela est illustré ci-dessous, cette version électronique propose de
nombreux contenus supplémentaires parmi lesquels des documents anciens numérisés pouvant
être à leur tour consultés. Ce format, qui s’adapte à la plupart des plateformes techniques, offre
des fonctionnalités évoluées telles que l’accessibilité numérique des contenus aux non-voyants ou
le partage sur les réseaux sociaux.
histoire.spie.
com
PRÉFACE
J’ ai le grand plaisir de préfacer cette nouvelle édition de l’ouvrage de Jean Monville, Une his-
toire de SPIE, Naître et Renaître, revue et augmentée de quelques épisodes qui sont, comme les
précédents, contés avec finesse, allant et avec cette bonne humeur si nécessaire à la réussite des
entreprises humaines.
Avant d’en être le narrateur amusé, Jean Monville a été l’acteur engagé de nombre des scènes qu’il
nous fait revivre. Quelques-uns de ces événements dans la longue suite de rêves et d’actions, de
succès et de calamités, de choix subis ou voulus, qui ont forgé SPIE.
Prendre conscience à temps que le monde a changé, se séparer de métiers que l’on a tant aimés,
aborder de nouveaux rivages, ouvrir de nouveaux fronts, se remettre en cause sans se renier :
l’ardente quête du chemin idéal ! Ambition ou chimère, lucidité ou aveuglement, ténacité ou en-
têtement, audace ou témérité, prudence ou pusillanimité : qu’elle est étroite la voie à emprunter,
qu’il est difficile le métier d’entrepreneur, mais qu’il est beau aussi !
Je ne connais pas de plus précieux viatique pour ce parcours exigeant que le partage de valeurs
sincèrement vécues, sans angélisme ni cynisme.
Que vaut la pertinence d’une stratégie sans la qualité de sa mise en œuvre ? Sans les hommes qui
la font vivre et lui donnent du sens ? Le succès est dans la cohérence des milliers de décisions qui se
prennent tous les jours, à tous les niveaux de l’entreprise. Indulgence ou complaisance, humanité
ou faiblesse, volonté d’excellence ou raideur, lucidité ou froideur : le talent est dans la nuance.
Oui, pour ce long voyage, les seuls vrais compagnons restent celles et ceux qui ont porté, qui portent
et qui porteront ces valeurs : les femmes et les hommes de SPIE.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
À toutes les époques, ils ont fait tous les métiers, sur tous les continents, dans toutes les langues.
Chez des milliers de clients, sur des milliers de chantiers, ils se sont passé les relais, transmis les savoirs,
confié les équipes. Ils ont appris des anciens, formé les jeunes. Ils ont été électriciens, charpentiers,
soudeurs, maçons, tuyauteurs, comptables, ingénieurs. Ils ont donné leur énergie et leurs talents.
En plus de 150 ans, le destin de l’entreprise a croisé celui de centaines de milliers d’entre eux. SPIE
a influencé leur vie et celle de leur famille. Les uns après les autres, petit à petit, ils ont fait la SPIE
d’aujourd’hui.
Leur souvenir demeure et leur œuvre reste visible dans le monde entier. Ils sont toujours là.
Gauthier
Louette C’est avec fierté, et surtout la conscience de ce que je leur dois, que j’ai pris le relais en tête de leur
longue colonne.
GAUTHIER LOUETTE
Président-directeur général de SPIE
Avant-propos
AVANT-PROPOS
L e temps a passé depuis la parution de Naître et Renaître, une histoire de SPIE. Des événements
importants se sont produits, qui ont remodelé le profil et le périmètre du Groupe. J’ai donc adhéré
avec enthousiasme à l’idée d’une nouvelle édition pour retracer les faits marquants qui ont ponctué
ces dernières années, et notamment ceux qui ont conduit notre entreprise à reprendre son destin
en main sous son nom historique SPIE.
L’approche est identique à la précédente. Elle consiste à traiter de façon plus « journalistique » et
moins « historique » la période en cours – en l’occurrence celle du LBO –, qui n’a pas encore été
soumise au filtre du temps. Le chapitre qui s’y réfère est de ce fait plus détaillé. Il se veut aussi plus
pédagogique car il est le reflet d’une réalité vivante, encore en devenir, sur laquelle les collaborateurs
de SPIE continuent à exercer leur influence et leur volonté.
Ce qui était hier le « présent » – la fin du RES et l’entrée dans le groupe AMEC – peut aujourd’hui
être relaté sous de nouveaux angles et avec davantage de recul. Pour le passé plus ancien, la
précédente édition n’a été que peu modifiée. Elle n’a fait l’objet que de quelques modifications
rédactionnelles, ainsi que d’un ajout sur « l’aventure » des chemins de fer en France au XIXe siècle,
domaine essentiel pour notre groupe à ses débuts.
En revanche, la forme et la présentation ont été profondément remaniées, – pour les moderniser,
mais aussi et surtout pour mieux mettre en évidence les interactions d’une entreprise qui a connu
trois siècles avec les vicissitudes de la « grande histoire » dans laquelle se sont inscrites sa vie et
son évolution. Le recours aux « tags » qui parsèment les pages de la nouvelle édition – et dont
les modalités d’utilisation sont exposées en page 2 – permet en effet d’élargir le point de vue du
lecteur en lui donnant un accès immédiat à des « hypercontenus » (texte, audio, vidéo, site web…)
en rapport avec les sujets abordés ou les personnages mentionnés dans le cours du texte. Une ver-
sion virtuelle richmédia, ou « e-livre » et également accessible en ligne. Elle propose de nombreux
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
contenus augmentés supplémentaires, parmi lesquels des documents anciens de l’entreprise qui
ont été numérisés et peuvent ainsi être parcourus par « l’hyperlecteur ».
Je suis fier d’avoir participé à cette passionnante expérience de combinaison des nouvelles tech-
nologies à l’édition classique, avec comme stade ultime celui de l’hyperlivre ® et de l’e-livre. Une
histoire de SPIE, Naître et Renaître sera en la matière une des réalisations les plus abouties. Qu’il
me soit permis de remercier ici tous ceux qui, avec conviction et engagement, y ont apporté leur
contribution.
Je continue bien sûr à revendiquer l’opinion exprimée dans la préface de la première édition. En
substance, que toute histoire, grande ou petite, est nécessairement contée à travers le ressenti de
l’auteur. Et que le refus de tout jugement et de toute prise de position conduit inévitablement à un
récit « sec, ennuyeux et sans intérêt », comme le soulignait la citation à laquelle j’avais eu recours
pour me conforter ! Je réaffirme à nouveau que le but de ma démarche n’est pas « de découvrir
une vérité historique abstraite, et qui de toute manière n’existe pas ». Il est seulement de susciter
Jean Monville l’intérêt du lecteur et de l’inciter à former son propre jugement.
JEAN MONVILLE
Président d’honneur de SPIE
1846 : fondation des Établissements Ernest Goüin et Cie, qui prendront ultérieurement le nom
de Société de Construction des Batignolles.
1900 : création de la Société Parisienne pour l’Industrie des Chemins de Fer et des Tramways
électriques, SPIE.
2003 : AMEC prend le contrôle de SPIE S.A., qui devient AMEC SPIE
2006 : AMEC cède AMEC SPIE au fonds d’investissement PAI, l’entreprise reprenant le nom
de SPIE.
VAPEUR
L’ÉPOPÉE DE LA
ET DU METAL
ET L’ÉMERGENCE
DES DYNASTIES
INDUSTRIELLES
L e XIXe siècle, temps des ruptures et des contrastes. Avec son cortège de vers sublimes et de
chants désespérés, le romantisme triomphe encore quand la révolution industrielle commence à
couvrir l’Angleterre de fumée et de suie. En France, Napoléon III ouvre les frontières et libère les
énergies pour bâtir une société industrielle sur les ruines encore chaudes de la IIe République qui, Révolution
elle, rêvait de libérer l’homme et avait aboli l’esclavage. L’avenir se construit sur des idées nouvelles industrielle
et généreuses qui visent à remodeler ou même à réinventer la politique et les rapports sociaux,
pour leur redonner un sens et promouvoir de nouvelles pratiques. Mais il repose aussi sur cette
révolution industrielle, cette nouvelle civilisation de la vapeur et du métal qui s’étend maintenant
à toute l’Europe de l’Ouest et au continent nord-américain.
Les entreprises utilisent l’énergie fossile à travers les innombrables inventions liées à la vapeur
fournie par le charbon. Les industries métallurgiques prospèrent et les travaux publics modifient la
physionomie des villes et des transports. Les idées libérales aboutissent à confier au secteur privé le
financement, la conception et la gestion de très nombreux services publics. À travers une multitude
de concessions, les pouvoirs publics chargent les entreprises du développement des villes, voire de
régions entières.
Les grandes sociétés métallurgiques se diversifient rapidement dans les travaux publics et constituent
des acteurs majeurs de la vie sociale : grâce à elles, la population se met à voyager, à s’éclairer, à
se loger, à se laver, bref, à vivre...
Ce foisonnement d’idées nouvelles favorise l’émergence d’hommes d’exception qui vont bâtir les
premiers empires industriels. En France, trois d’entre eux sont à l’origine de SPIE :
• Ernest Goüin, né en 1815, qui fonda en 1846 une société en commandite spécialisée dans
le matériel et les infrastructures ferroviaires et lui donna ultérieurement le nom de Société de
Construction des Batignolles.
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Édouard Empain En 2006, SPIE retrouva un actionnariat français quand elle fut
© photo Yves Chanoit. cédée par AMEC au fonds d’investissement PAI.
L’épopée de la vapeur et du métal et l’émergence des dynasties industrielles
François
Bonhommé
François Bonhommé,
Le Creusot, puits Saint-Pierre
et Saint-Paul, 1866
© G. Dagli Orti
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« LE TRAIN PASSA, DANS SON OURAGAN DE BRUIT, DE FUMÉE ET DE FLAMME. »
Locomotive Paris-Orléans
archives SPIE
Naissance de la Société de Construction des Batignolles : construire des locomotives
NAISSANCE DE
LA SOCIÉTÉ DE CONSTRUCTION DES
BATIGNOLLES
CONSTRUIRE DES LOCOMOTIVES
:
Ernest Goüin, né en 1815, créa à 31 ans une société qui devait porter le prestige de
Ernest
Goüin
l’entreprise française de BTP – y compris les concessions de chemins de fer – dans
le monde entier.
Édouard Goüin, son père 1 , travaillait dans l’industrie textile, à Nantes, ville ouverte sur
les grandes entreprises maritimes. Au contact des armateurs, Ernest Goüin apprend
que dans les opérations les plus aventureuses, la réussite et le gain s’obtiennent
en mariant risque et préparation. Dans ce milieu industriel où il vit, il suit l’intérêt
de son père pour la toute nouvelle énergie, la vapeur, venue au début du siècle
révolutionner l’industrie. Son père, qui effectue de fréquentes visites en Angleterre,
lui relate les réalisations et les progrès de la technique. Ernest Goüin apporte une
attention particulière aux chemins de fer, notamment au premier chemin de fer créé
dans le monde : celui reliant Liverpool à Manchester. Il s’intéresse au capital investi,
aux recettes brutes, aux dépenses, à la nature du trafic, avec une minutie qui étonne
en cette période où la France semble indifférente au progrès.
Il passe avec succès l’examen d’entrée à Polytechnique à 19 ans. Deux ans plus tard,
il est reçu premier à l’État-Major : une brillante carrière militaire s’offre à lui, mais
son goût pour l’industrie s’est affirmé au cours de ses études scientifiques.
Il se rend en Angleterre pour acquérir la formation technique qui lui permettra de réa-
liser ses ambitions : construire des machines. Il va étudier la construction mécanique. 1 - Voir annexes 1 et 2, généalogie
Elle seule l’attire : il a vu les locomotives anglaises, il a vu comment on les fabriquait, sa vocation simplifiée de la famille Goüin.
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s’est précisée. De retour en France, il entre dans l’une des toutes premières sociétés
de chemin de fer, celle qui construit la liaison Paris - Saint-Germain et que finance le
banquier Pereire, où il devient chef des ateliers de fabrication. Nous sommes en 1845.
L’obstination d’une élite éclairée – les Fould, les Pereire, les Rothschild – qui a déjà financé
les quelque 500 km de voies ferrées construites, a eu raison de l’incompréhension et
de l’hostilité de ceux qui, en 1832 et dans les années suivantes, tournaient en dérision
ces machines qu’ils estimaient surtout dangereuses. Thiers n’avait-il pas dit que cette
invention n’était promise à aucun avenir en France ?
La loi du 11 juin 1842, organisant le statut des chemins de fer et qui fut votée par 255
voix contre 83, témoigne de la fin de cette période d’incrédulité. Les lignes Paris-Rouen
et Paris-Orléans sont un succès. On comprend maintenant, dans tout le pays, la source
de richesses et de profits que représentent les chemins de fer ; chaque département
veut avoir son exploitation de voies ferrées. Les compagnies commandent du matériel :
Isaac et Jacob Émile Pereire, le temps n’est plus où construire des locomotives était une aventure.
hommes d’affaires français,
fondateurs de la Société de 18 FÉVRIER 1846 : CRÉATION
crédit mobilier (1852). DE LA SOCIÉTÉ ERNEST GOÜIN ET CIE
Gravure de Chapon
© Harlingue / Roger-Viollet
Ernest Goüin va pouvoir réaliser son rêve. On imagine que les commanditaires ne sont pas longs
à faire confiance à cet homme dynamique, dans la force de l’âge. Quand il leur soumet les projets
qui sont le fruit de ses études en Angleterre, sa conception d’une usine moderne, les modifica-
tions qu’il compte apporter à l’usinage des locomotives, ils souscrivent volontiers une ou plusieurs
Les frères parts de la société en commandite dont il sera le gérant. N’expose-t-il pas une bonne partie de sa
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fortune personnelle : six actions,
soit 150 000 F ?
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Le petit village des Batignolles, aux aspects encore campagnards, était sa banlieue. Ernest Goüin y
avait logé, étudiant. Le long de cette route qui menait à Clichy, il acheta un terrain de 14 000 m2
enclos de murs pour 90 000 F.
Il y construira son usine selon un plan qu’il a exposé aux commanditaires, plan longuement médité
avec ses amis d’Angleterre et parfaitement adapté à la construction de locomotives.
En quelques mois, les bâtiments s’élèvent : remblai de 12 000 m3, murs de clôture, ateliers de forge
et de chaudronnerie, de tours d’ajustage et de montage, magasin, petite maison d’habitation et
bureaux. L’outillage vient pour une part de Paris, mais le plus important a été commandé en An-
gleterre et n’arrive que lentement.
Dans le même temps, il consacre une part importante des bénéfices à créer une société de secours
mutuels. C’est la première des actions sociales, symbole de la solidarité au sein du personnel, qui
deviendront vite une tradition dans la Société. Dans l’esprit d’Ernest Goüin, il n’y a pas là une mani-
festation uniquement charitable, mais un acte de justice... Car pour ce saint-simonien, la puissance
n’est légitime que si elle s’exerce pour le bien de tous. C’était aussi une forme de courage car le
patronat social était mal perçu à cette époque. Son exemple et ses actes lui ont vite acquis l’estime
de ses ouvriers. II est pour eux un homme juste, un patron loyal. Ils savent qu’il est un technicien
hors pair, un animateur incomparable. Ils ont confiance en lui.
Dans les bureaux des Batignolles, les ingénieurs apportent inlassablement des perfectionnements à
leur technique. C’est ainsi qu’ils élaborent les premières locomotives Crampton pour les chemins de
fer du Nord et les premières locomotives à rail central qui permettront de franchir les montagnes.
Dès 1847, la société livre vingt machines : les compagnies du Nord, d’Orléans, de l’Ouest et de
l’État se disputent les dates de livraison. Mais la révolution de 1848 déstabilise les compagnies de
chemins de fer, qui doivent interrompre les travaux de construction du réseau et faire appel au
gouvernement pour les soutenir sous forme de garantie d’intérêt et de prolongation de concessions.
La société d’Ernest Goüin passe, quant à elle, sans trop de difficultés, ce cap délicat. Tandis que
l’on se bat dans les rues, les ouvriers des Batignolles restent à leur poste et les ateliers ne sont pas
fermés un seul jour. Il en résulte néanmoins un ralentissement de la fabrication des locomotives,
qui pousse Ernest Goüin à rechercher d’autres débouchés. Au demeurant, depuis la création de la
société, la construction de locomotives ne suffit plus à satisfaire son goût d’entreprendre.
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Le fer, meilleur marché, détrône le bois ; le procédé Bessemer, employé pour la fabrication de
l’acier, réduit de moitié le coût de celui-ci. Sa production décuple : il cesse d’être un métal de luxe.
On commence à chauffer les hauts fourneaux à la houille, et non au bois. La production de fonte
augmente dans des proportions considérables. Tout ce qui se construisait en bois, en pierre, avec
3 - D’après William H.C. Smith, du ciment, va désormais se construire en fer, en fonte, en acier, et s’assembler avec des vis et des
« Napoléon III » boulons. Cette technique naissante, c’est le bureau d’études de l’avenue de Clichy qui l’a élabo-
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rée : il est en avance sur ses concurrents, et la Société Ernest Goüin et Cie
réalise la construction du premier grand ouvrage d’art en métal, le pont
d’Asnières, qui mesure 160 m d’ouverture totale sur la Seine, résultat qui
n’aurait pas pu être obtenu avec de la pierre.
Dès lors, Ernest Goüin s’applique à perfectionner ses techniques de
construction, ce qui vaut à ses ouvrages d’art d’être primés à tous les
concours internationaux.
À l’origine, les âmes (ou parois verticales des poutres) étaient composées
de tôle simplement raidie, dans le courant et sur les appuis, par des renforts
uniquement verticaux et convenablement espacés. C’est sur ce principe Pont du chemin de fer
que fut construit le pont d’Asnières en 1852 puis, en 1853, le pont sur la Garonne, à Langon. Ce à Asnières
dernier, dont les portées atteignaient 80 m, se révéla si parfait sous les charges d’épreuve que sa © CAP / Roger-Viollet
… ET À LA CONSTRUCTION NAVALE
Les travaux de tôlerie et de mécanique auxquels la société était habituée devaient donc trouver
facilement leur utilisation dans les constructions maritimes. Aussi, la Société Ernest Goüin et Cie
fit-elle l’acquisition d’un important chantier maritime situé à Nantes et combina la construction
des navires sur cales avec la fabrication des machines dans les ateliers de l’avenue de Clichy. C’est
à cette occasion que le capital social fut porté de 1 250 000 F à 2 875 000 F et que la durée de la
Société en commandite fut prorogée jusqu’au 1er janvier 1872. Les nouveaux chantiers débutèrent
avec un carnet de commandes où figuraient trente-cinq navires, partie en bois, partie en fer, et
Le transatlantique partie mixte. Bien qu’il s’agît d’une technique nouvelle et difficile, la réussite fut totale. Bientôt, la
Eugène Pereire marine impériale passait aux chantiers de Nantes d’importantes
entrant au port d’Alger commandes : avisos à vapeur, batteries blindées flottantes. Pour
© LL / Roger-Viollet
le gouvernement italien, ils construisirent une frégate blindée de
800 chevaux et le premier cuirassé de la marine italienne. L’Égypte
commanda des bateaux à vapeur, des coques de dragues, des Le transatlan-
chalands à vapeur, etc. tique Eugène
Pereire
Pour les particuliers, Ernest Goüin mit au point des voiliers en
tôle dont le prix n’était pas supérieur à celui des voiliers en bois
de même type. Enfin, c’est dans ce chantier que les aubes du
La Fayette, le premier bateau de la Compagnie Transatlantique,
furent supprimées et remplacées par des hélices. Malgré leur exis-
tence relativement éphémère, les chantiers de Nantes avaient
rendu le service en vue duquel ils avaient été créés : pallier l’irré-
gularité des commandes de chemin de fer.
Vue générale du port
de Nantes au XIXe siècle DES PONTS MÉTALLIQUES
© ND / Roger-Viollet
AUX TRAVAUX D’INFRASTRUCTURES
La bonne réputation que la Société s’était acquise dans la construction des tabliers métalliques
des ponts amenèrent les compagnies et les gouvernements intéressés à lui confier successivement
les maçonneries, les fondations et les travaux des abords des ponts sur des longueurs toujours
croissantes. Elle fut donc de plus en plus active dans le domaine des infrastructures ferroviaires.
Elle débuta dans cette voie en 1862, en entreprenant, à forfait, pour la compagnie du Nord de
l’Espagne, la reprise des travaux pour la traversée des Pyrénées, entre Olazagoitia et Beasain. Cette
section, longue de 25 km, ne comprenait
pas moins de vingt-six tunnels. Les travaux
furent livrés à la date convenue.
En 1867, la Société entreprit la traversée des
Apennins où les terrains étaient plus ma-
laisés encore qu’en Espagne et où la fièvre
et le choléra menaçaient à tout instant le
personnel. Cependant, une nouvelle fois,
les travaux furent menés à bonne fin.
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Naissance de la Société de Construction des Batignolles : construire des locomotives
Victoria n’avaient pas hésité à entreprendre un long voyage pour venir admirer les merveilles de Expo
l’Exposition Universelle. Paris sortait alors des mains d’Haussmann, qui avait consacré seize ans universelle
de sa vie à l’embellir. Mais la Seine demeurait souillée par les eaux de la Bièvre que des tanneries, 1867
installées sur ses bords depuis le XVIIIe siècle, rendaient noires et fétides.
La Ville de Paris eut l’idée de s’adresser à la Société Ernest Goüin et Cie, qui n’hésita pas à sortir de
son domaine de prédilection du ferroviaire et sut proposer des solutions originales et innovantes.
Après de longues études, on s’arrêta sur un projet qui consistait à réunir les eaux de la Bièvre et
celles de tous les égouts de la rive gauche dans un grand collecteur passant sous la Seine pour
aller se déverser dans celui d’Asnières, en aval du barrage de Suresnes. La partie délicate de cette
opération, le passage sous la Seine, consistait à réaliser un siphon en amont du pont de l’Alma.
D’une longueur de 156 m, il permettait au grand égout de Paris rive gauche de gagner la rive droite
en direction du champ d’épandage de Gennevilliers. La grosse difficulté du nettoyage périodique
de ce siphon fut résolue par une invention très ingénieuse : une grosse boule, pesant 200 kilos,
et dont le diamètre est légèrement inférieur à celui du tube, est lancée le long de la génératrice
supérieure du siphon. En l’obturant partiellement, elle crée un violent courant dans le périmètre
inférieur qui nettoie le siphon. Il suffit de faire cette manœuvre une fois tous les deux jours pour
maintenir le siphon absolument propre.
Au conseil d’administration réuni le 2 décembre 1871 à cette occasion, il déclare : « Il y aura vingt-
six ans, au début de l’année 1872, que vous m’avez confié vos capitaux. Je crois que vous pouvez
me rendre cette justice que tous mes efforts ont tendu à justifier cette confiance. Les résultats que
nous avons obtenus pendant notre association nous ont donné un intérêt moyen de 12 % l’an après
avoir affecté 2 millions à l’amortissement et près d’1 million à la réserve. De plus, nous sommes
arrivés à jouir, parmi les constructeurs d’Europe, d’une notoriété qui nous permet de rechercher
toutes les entreprises. »
Cependant, si la société reçoit une nouvelle forme juridique, elle ne va pas, pour autant, s’effacer
dans l’anonymat ; devenue Société de Construction des Batignolles, elle garde en sous-titre le
nom sous lequel elle a acquis son prestige :
Ernest Goüin et Compagnie.
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La création des chemins de fer symbolise le La France s’engage lentement dans le processus
XIXe siècle : le tournant industriel du pays naît de construction des lignes. La loi du 7 juillet 1833
de leur apparition. sur l’expropriation pour cause d’utilité publique
prévoit que les chemins de fer ne pourront être
LE DÉBUT DU CHEMIN DE FER exécutés qu’en vertu d’une loi qui sera rendue
publique après une enquête administrative. De
Une période expérimentale ou pionnière dé- petites lignes (Alès–Beaucaire, Paris–Versailles,
marre par la première ligne concédée à Beau- Montpellier–Sète, Mulhouse–Thann, Bordeaux–
nier par ordonnance royale du 26 février 1823. La Teste) sont alors créées et concédées pour une
Il s’agit de la liaison Saint-Étienne–Andrézieux période déterminée.
avec une traction à chevaux. Les Frères Seguin
obtiennent ensuite deux nouvelles conces- Bientôt l’État commence à s’intéresser aux dé-
sions en 1826 et 1828, pour les lignes Saint- tails des conditions techniques de la construc-
Étienne–Lyon et Andrézieux–Roanne. En 1832, tion et de l’exploitation des lignes concédées.
la compagnie Saint-Étienne–Lyon inaugure le À cet égard, la célèbre concession aux frères
transport des voyageurs et l’emploi de la loco- Pereire de la ligne de chemin de fer Paris–Saint-
motive pour la traction des trains. Germain constitue une étape essentielle ; elle
Le chemin servira de modèle, avec les 48 articles de son
de fer Toutes ces concessions furent attribuées cahier des charges, annexé à la loi du 9 juillet
par ordonnance royale à perpétuité, sans re- 1835, aux actes analogues établis dans les
prise éventuelle par l’État, aux seuls frais années qui suivent. Constituée par MM. de
des concessionnaires et avec des cahiers des Rothschild, d’Eichtal, Davillier et Émile Pereire, * Ce qui
charges très sommaires. la société concessionnaire, au capital de 6 mil- correspondrait
à 25 / 30
lions de F *, est approuvée par ordonnance du millions d’€
4 novembre 1835. 2010
À gauche ;
wagon à galerie
de communication
archives X. Bezançon
À droite ;
intérieur
d’un wagon-lit
archives X. Bezançon
L’âge d’or
du chemin de fer
Naissance de la Société de Construction des Batignolles : construire des locomotives
À partir de 1840, la France s’organise pour pro- tarifs et le cahier des charges en fonction des
mouvoir de façon active la création de lignes progrès réalisés.
de chemin de fer par voie de concession à des Cette loi, dite « charte des chemins de fer »,
compagnies privées. L’État adopte tout d’abord fixait, entre autres, les axes jugés stratégiques :
la loi du 3 mai 1841. Celle-ci constitue la grande – Lignes de Paris
loi sur l’expropriation pour cause d’utilité pu- • sur la frontière de Belgique, par Lille et
blique qui met les compagnies concession- Valenciennes ;
naires sur un pied d’égalité avec l’État et les • sur l’Angleterre, par un ou plusieurs
collectivités locales. points du littoral de la Manche, à détermi-
ner ultérieurement ;
LA CHARTE DES CHEMINS DE FER • sur la frontière d’Allemagne, par Nancy et
Strasbourg ;
En 1841, la France avait concédé 806 km de • sur la Méditerranée, par Lyon, Marseille
lignes de chemin de fer, dont 569 km étaient et Sète ;
en exploitation. À cette même date, les chiffres • sur la frontière d’Espagne, par Tours, Poi-
étaient respectivement pour l’Angleterre de tiers, Angoulême, Bordeaux et Bayonne ;
3 800 km et 1 000 km. Le véritable dévelop- • sur l’Océan, par Tours et Nantes ;
pement du réseau va s’opérer grâce à la loi • sur le centre de la France, par Bourges ;
du 11 juin 1842, aux termes de laquelle l’État – Lignes de la Méditerranée sur le Rhin par
se charge de toute l’infrastructure, notamment Lyon, Dijon et Mulhouse ;
des terrassements et des travaux d’art. La « su- – Lignes de l’Océan à la Méditerranée par Bor-
perstructure », les dépenses d’exploitation et deaux, Toulouse et Marseille.
le matériel roulant sont, quant à eux, confiés à
des compagnies fermières dont le bail doit être
assez court pour qu’on puisse en modifier les
À gauche ;
locomotive Decauville
pour voie étroite
archives X. Bezançon
À droite ;
machine perforatrice
de tunnel
archives X. Bezançon
22
23
NAÎTRE ET RENAÎTRE 2
L’âge d’or
du chemin de fer
Naissance de la Société de Construction des Batignolles : construire des locomotives
ensuite les nombreuses demandes présentées, 1908, il prend le contrôle de tout le réseau de
qui s’avéraient souvent un peu hasardeuses. l’Ouest. Il est alors créé une administration au-
D’ailleurs, la plupart de ces petites lignes ne tonome, dotée d’un budget annexe.
générèrent pas, dans les régions qu’elles des-
servaient, un trafic suffisant pour rémunérer les Le monde changeait et l’âge d’or du chemin de
capitaux engagés. Les entreprises concession- fer touchait à sa fin. La phase d’expansion et de
naires ne tardèrent donc pas à tomber dans une conquête dont il avait été l’un des fondements
situation très critique et à se voir dans l’impos- majeurs tout au long du XIXe siècle arrivait à
sibilité non seulement d’achever la construc- son terme. L’urbanisation était en marche. Mé-
tion des lignes qui leur avaient été concédées, tros et tramways allaient prendre le relais…
mais encore d’exploiter de façon rentable celles
qui avaient été livrées à la circulation.
24
25
« ON ESTIME LES GRANDS DESSEINS
LORSQU’ON SE SENT CAPABLE DES GRANDS SUCCÈS. »
Pont de Budapest
archives SPIE
La Société de Construction des Batignolles découvre l’exportation
LA SOCIÉTÉ DE CONSTRUCTION
DES
DÉCOUVRE
BATIGNOLLES
L’EXPORTATION
1871-1885
« Dans notre réunion d’aujourd’hui, je puis vous dire que mes espérances étaient bien fondées, que
nos entreprises de Belgique, d’Autriche et de Russie ont marché régulièrement malgré les troubles
que la guerre de 1870 avait apportés dans toutes nos relations et qu’elles se sont terminées dans
des conditions satisfaisantes. »
Au lendemain de la guerre de 1870, à mesure que l’industrie française se ressaisit, l’entreprise di-
rigée par Ernest Goüin va bénéficier de ses succès passés en France, en Espagne et en Italie. C’est
en Europe centrale – où les pays ressentent la nécessité croissante de se moderniser, de se doter de
chemins de fer, de ponts, de viaducs – que son activité internationale va se relancer. La France qui
éprouve le besoin d’alliances pour faire contrepoids à l’influence allemande dans les Balkans, est
disposée à consentir aux pays d’Europe centrale une aide financière considérable. La Roumanie et
la Hongrie seront les premières à en profiter.
Lorsque la Roumanie s’adresse à la France, en 1873, pour la construction de sa grande voie ferrée
centrale de Pitesci à Craiova, destinée aux grands express internationaux, Ernest Goüin ne manque
pas de saisir cette opportunité. Cette affaire lui semble, en effet, essentielle pour le développement
international de la SCB. Elle lui paraît, en outre, bien adaptée pour mettre à l’épreuve son fils Jules.
Ce dernier, qui a obtenu son diplôme d’ingénieur des Arts et Manufactures en 1869, a pris en
Guerre charge, dès 1871, des chantiers de construction de lignes de chemin de fer en France, dans les
de 1870 régions de Poitiers et de Saumur. Mais l’aventure roumaine risque d’être beaucoup plus difficile.
Dès son arrivée à Bucarest, de multiples intrigues se nouent. Les hommes d’affaires, les banquiers
du Reich tentent, par tous les moyens, de faire échouer la première grande entreprise française
d’après-guerre à l’étranger. Le chantier se développe sur 140 km de long. Il comporte des terrasse-
26
27
NAÎTRE ET RENAÎTRE 3
ments importants et de nombreux ouvrages d’art, parmi lesquels on doit citer les ponts de Slatina,
sur l’Olt (375 m), et de Balsu, sur l’Oltezza (120 m). L’absence presque complète de matériaux oblige
à transporter le ballast sur de grandes distances et à établir, partout où cela s’avère nécessaire,
des fours pour produire les briques utilisées dans la construction des ouvrages et bâtiments. Les
équipes de la SCB doivent vérifier les terrassements, la voie, les stations, les viaducs, les ponts en
construction. Il leur faut subir pendant des jours et des jours l’inexorable pluie qui démolit le travail
de la veille, tasse les remblais, fait descendre les voies et donne aux stations l’aspect de marécages.
Les délais sont cependant tenus et la ligne est mise en circulation fin janvier 1875.
Ordre de
François-
Joseph
De même, la Hongrie fait appel à la SCB lorsqu’elle décide de construire un pont monumental de
570 m de portée sur le Danube, entre les deux parties de sa capitale, Buda et Pest. Ce pont, baptisé
Pont Marguerite, est achevé en août 1875. Le jour de l’inauguration officielle, l’Empereur d’Au-
triche remet à Ernest Goüin la plaque de Commandeur de l’Ordre de François-Joseph, cependant
que différentes décorations récompensent les ingénieurs qui, pendant trois ans, ont collaboré à la
réalisation de cette véritable œuvre d’art.
De toutes parts, les félicitations affluent, rendant unanimement hommage à la technique française.
Grâce à ses entrepreneurs et à ses industriels, la France, quatre ans après la défaite, était à nouveau
présente en Europe centrale. Elle devait y demeurer soixante-cinq ans.
UN NOUVEL ESPACE :
L’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS
Plus de quarante ans après la prise d’Alger, la présence française est désormais bien assurée en Al-
gérie, où la colonisation s’est intensifiée après la guerre de 1870. Par ailleurs, la IIIe République étend
progressivement ses possessions en Afrique Noire. La SCB va donc saisir les nouvelles opportunités
de développement qu’offre l’ouverture du continent africain. En l’absence d’administration très
structurée et de maîtres d’ouvrage disposant de compétence technique, la formule concessionnaire
s’imposait naturellement.
Forte de ses capacités industrielles et financières, comme de ses nombreuses références, la SCB va
présider, en investissant elle-même des capitaux importants, à la création de sociétés auxquelles
elle rétrocédera les concessions qui lui seront offertes. Elle ira même jusqu’à prendre à sa charge
les risques de l’exploitation des réseaux et apportera une aide totale pour combler les premiers et
inévitables déficits.
SCB
Schneider SPIE
50
00
50
00
18
19
19
20
La Société de Construction des Batignolles découvre l’exportation
Cie des Chemins de fer de Bône-Guelma, locomotive à voyageurs à 3 essieux couplés et à bogie
(voie d’1 m, roues d’1,50 m)
archives SPIE
Ses aventures africaines n’empêchent pas la SCB de s’intéresser aux grands projets de la métropole.
Peu après la guerre de 1870, le tunnel sous la Manche semble proche de se réaliser. Des études
sérieuses qui viennent d’être entreprises ont conclu qu’il est techniquement possible de relier par
ce moyen la France à l’Angleterre. Une concession de 99 ans est accordée en 1875 à la Channel
Perforatrice Beaumont
archives SPIE Tunnel Railway Company (CTRC) et les travaux
débutent par une galerie de 1 670 m sous
la mer en partant du puits de Sangatte. Ils
sont effectués par une perforatrice à air com-
primé, ancêtre des tunneliers modernes, que
les ateliers de l’avenue de Clichy construisent
en 1882. Il s’agit de la perforatrice Beaumont
inventée par le Colonel Frederick Beaumont
et mise au point avec l’aide de Thomas En-
glish. Elle peut percer une galerie de 2,135 m
de diamètre. Ce même matériel devait être
La Société de Construction des Batignolles découvre l’exportation
également employé du côté anglais. Un banquet organisé au fond du puits de forage et présidé
par le Prince de Galles salua l’événement. L’expérience, bien que concluante, fut arrêtée, les géné-
raux britanniques s’étant opposés au projet. On n’en parlera plus jusqu’en 1920, époque où il fut
demandé à la CTRC de reprendre ses études en vue de la réalisation définitive de l’ouvrage projeté,
études rapidement décommandées à nouveau, pour des raisons économiques et politiques.
En 1880, sous les auspices de la Banque de France – dont Ernest Goüin était depuis 1875 un des
régents –, la Compagnie du Canal de Pierrelatte était constituée pour tenter de réaliser un projet
datant de Louis XIV.
Le 13 juin 1695, le Roi-Soleil en avait, en effet, accordé la concession à son cousin le Prince de
Conti, avec autorisation d’établir dans le Rhône une prise d’eau destinée à irriguer les territoires
des communes de Pierrelatte jusqu’à Mondragon. Mais ni le Prince de Conti, ni ses héritiers ne se
passionnèrent pour cette entreprise au point de la faire aboutir et, après un début d’exécution, le
canal fut comblé sous la Révolution. Napoléon voulut relancer le projet mais ne réussit pas à faire
reprendre les travaux, et les diverses tentatives lancées de 1838 à 1870 se terminèrent toutes en
désastre financier pour les concessionnaires.
Un atelier au Creusot
Archives Schneider
La crise économique de la fin du XIXe siècle et la première mondialisation
CRISE
LA ÉCONOMIQUE DE LA
FIN DU XIX SIÈCLE ET LA PREMIÈRE e
MONDIALISATION
LA CRISE ÉCONOMIQUE
La conjoncture économique se dégrade progressivement dès 1870 en Europe et au début des
années 1880 en France. Un krach bancaire et financier se produisit en 1881-1882 – on parlerait
aujourd’hui de l’éclatement d’une bulle spéculative – à l’issue duquel la croissance économique
diminua de moitié au Royaume-Uni et en France, passant de 3 % l’an à 1,5 % l’an. Les marchés
nationaux européens devinrent nettement moins porteurs pendant environ 15 années, ce qui pro-
voqua d’importantes difficultés pour nombre d’entreprises et poussa les plus dynamiques d’entre
elles, telles la Société de Construction des Batignolles ou Schneider, à rechercher de nouveaux
débouchés à la grande exportation.
Cette crise toucha, à la fois, l’agriculture et l’industrie lourde. Les cours des denrées agricoles
Mérite
s’effondrèrent d’un quart par suite de la mondialisation de leur marché et de l’apparition d’une Agricole
concurrence en provenance des pays nouveaux d’Amérique. Jules Méline, ministre de l’Agriculture
de 1883 à 1885 – il fonda le Mérite Agricole – fut l’un des principaux instigateurs de la mise en place
d’une politique protectionniste destinée à soutenir l’économie nationale, tant dans sa composante
agricole que dans sa composante industrielle. « L’école protectionniste » parvint à ses fins en 1892
par l’instauration du « double tarif douanier ».
Dans le domaine industriel, l’origine de la nouvelle concurrence était double. En Amérique du Nord, on
assista à l’émergence de grandes régions industrielles, comme celle des grands lacs ou celle des Appa-
laches, avec la ville de Pittsburgh qui devint un grand centre de sidérurgie, métallurgie et mécanique.
En Europe, la France et le Royaume-Uni furent, en outre, soumis à la très forte poussée alle-
mande avec l’essor de la Ruhr, et à la percée de la Russie. Face à cette concurrence renforcée,
32
33
NAÎTRE ET RENAÎTRE 4
Production de fonte et d’acier des grandes puissances économiques (en millions de tonnes)
USA Royaume-Uni Allemagne France Russie Autriche- Japon Italie
Hongrie
1880 9,3 8,0 4,1 1,9 0,95 1,0 - -
1900 10,3 5,0 6,3 1,5 2,2 1,1 - 0,1
1910 26,5 6,5 13,6 3,4 3,5 2,1 0,15 0,7
1913 31,8 7,7 17,6 4,6 4,8 2,6 0,25 0,9
D’après « Rise and Fall of Powers » de Paul Kennedy
Cette confrontation économique provoqua à la fois une guerre des prix et une recherche intense de
gains de productivité pour retrouver la compétitivité. La première entreprise française de sidérurgie
fut balayée. Plusieurs zones où s’était développée la « première industrialisation », notamment dans
le pourtour du Massif central, furent soumises à une crise aiguë : leurs installations industrielles
La Grande traditionnelles disparurent et il leur fallut se reconvertir face à la concurrence étrangère et à celle
Dépression de nouvelles régions comme le Nord et la Lorraine, qui réalisèrent d’importants investissements en
fin XIXe siècle
hauts fourneaux plus modernes et de plus grande capacité. Certains sites métallurgiques dans le
Forez, le Gard ou au Creusot optèrent pour une évolution intégrée vers l’aval. Délaissant largement
les industries métallurgiques de base, ils évoluèrent en deux décennies vers la métallurgie différen-
ciée, la mécanique lourde, la chaudronnerie, la production de tubes et l’électromécanique alors à
ses débuts. D’autres sites, en Ardèche ou dans l’Allier, disparurent au contraire de façon définitive.
LA PREMIÈRE MONDIALISATION
ET LE DILEMME FRANÇAIS DE L’ÉPARGNE
Dans ce contexte, les Français eurent, il y a un siècle, le même type de réactions que celles ren-
contrées aujourd’hui. Le bouleversement des équilibres mondiaux et la remise en cause des flux
économiques traditionnels générèrent des frustrations et des inquiétudes profondes quant à leurs
conséquences potentielles sur les modes d’organisation et les styles de vie de la société française.
Les termes « mondialisation » ou « globalisation » n’étaient pas alors utilisés, mais on retrouve
durant la période 1870-1914 beaucoup des ingrédients qui caractérisent les phénomènes actuels :
apparition de nouvelles technologies, développement des communications, diminution des coûts de
transport, migrations de populations vers les pays à hauts salaires, mouvements massifs de capitaux
La crise économique de la fin du XIXe siècle et la première mondialisation
vers les économies émergentes, délocalisations industrielles... La Chine fascinait déjà par la taille de
son marché et les opportunités qu’elle pouvait offrir, mais elle effrayait aussi car on percevait que,
forte de son réservoir d’hommes, elle pouvait devenir « l’atelier du monde » et engendrer des baisses
de salaires associées à une dégradation générale des conditions de travail et à un accroissement
du chômage. Un économiste reconnu et compétent, Edmond Théry, écrivit Le Péril jaune en 1901.
La nature des problèmes auxquels se trouvèrent confrontés les différents pays et les réponses
qu’ils y apportèrent varièrent très sensiblement. Les grands bénéficiaires furent d’abord les États-
Unis où affluèrent à la fois hommes et capitaux. L’Allemagne, dont l’industrialisation avait débuté
plus tardivement qu’en Angleterre ou en France, procéda à des investissements considérables, les
banques orientant l’épargne vers l’industrie nationale. C’est ainsi que se créèrent les fondements
du capitalisme rhénan, qui vit pendant plus d’un siècle les établissements financiers étroitement
associés au contrôle capitalistique des groupes industriels. Certains pays subirent, à l’inverse, de
Edmond
véritables traumatismes. L’Irlande et la Suède, par exemple, perdirent 10 % de leur population en
Théry
raison des départs massifs vers le Nouveau Monde. L’Angleterre et la France se trouvèrent, quant à
elles, confrontées à des problèmes de gestion d’épargne. L’Angleterre, qui perdit progressivement
son leadership industriel car elle investissait moins que ses concurrents américains et allemands en
forte croissance, géra néanmoins ses excédents financiers de manière avisée. Elle les orienta à 30 %
vers ses colonies dont certaines, comme l’Inde ou l’Australie, recelaient un potentiel économique
conséquent, et à 70 % vers les États-Unis. La France dut faire face, comme le Royaume-Uni, à un
vieillissement des usines de la première industrialisation et à la saturation de ses besoins en matière
d’infrastructures de transport ferroviaire. Elle eut, en outre, un handicap complémentaire majeur, la
stagnation de sa population, qui ne favorisa pas le développement de la consommation et diminua
de ce fait les besoins de capacités industrielles.
Le pays, qui s’était remarquablement développé sous le Second Empire, bénéficiait de revenus ap-
préciables et donc d’une épargne disponible très abondante puisqu’il consommait et investissait peu.
Maintenir cette épargne en France aurait provoqué un effondrement des taux d’intérêt et déses-
péré les rentiers ! Il y eut bien des débats, souvent très vifs, à ce sujet, et il est intéressant de noter
que la frontière entre les groupes de pensée antagonistes ne suivait pas celle entre la droite et la
gauche. Certains cercles conservateurs se laissèrent aller à développer des opinions antisémites
pour justifier leur opposition à l’exportation de l’épargne, alors que d’autres la soutenaient parce
qu’ils craignaient l’arrivée du socialisme en France. À gauche ne régnait pas non plus l’unanimité.
Un homme comme Jean Jaurès était lui-même partagé. Il considérait que la France ne devait pas,
pour des raisons morales, soutenir le régime despotique du tsar, mais trouvait en revanche normal
que la France contribue au développement des pays émergents en y injectant une partie de son
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 4
Henri épargne, à condition de faire preuve de mesure et de sagesse. Les industriels enfin étaient divisés.
Germain
Certains d’entre eux, et notamment les exportateurs de biens d’équipement tel Schneider, criti-
quaient fermement la politique financière de la France, qui facilitait parfois l’achat de produits de
leurs concurrents. On assista, à l’inverse, à des démarches actives de délocalisation, avec l’installation
d’usines et d’ateliers en Europe de l’Est.
Les tenants d’une politique de relance de l’investissement industriel en France n’eurent pas, en
définitive, gain de cause. Les gouvernements de la République optèrent pour la solution financière,
Titre russe de 1907
© Jean Vigne / Kharbine-Tapabor. le placement des excédents à l’étranger. Il y eut une
Illustration de Hilly tirée sorte de conjonction d’intérêts et de pulsions entre les
du Sourire du 9 février 1911 épargnants, les banques et les gouvernants. Attirés
© Collection Kharbine-Tapabor.
par un effet de mode, les petits épargnants se pré-
cipitèrent par millions sur les bons du Trésor de pays
exotiques, avec une certaine irrationalité, commune
en fait à toutes les spéculations, car le supplément
de rendement restait au demeurant assez faible. Les
grandes banques commerciales, qui engrangeaient
à l’occasion de la collecte des fonds de confortables
commissions, poussèrent évidemment dans le sens
de cette politique en la justifiant de façon un peu
spécieuse. Henri Germain, fondateur du Crédit Lyon-
nais, écrit ainsi dans le rapport d’activité de 1907 de
son établissement : « Les entreprises industrielles,
même les mieux conçues, même les plus sagement
administrées, comportent des risques que nous
considérons comme incompatibles avec les emplois
de fonds d’une banque de dépôts » 5. Cette stratégie visait sans aucun doute
à préserver les intérêts des actionnaires, mais le choix délibéré du courtage de
valeurs mobilières étrangères ne faisait guère de cas des risques encourus par
les clients ! Ceci étant, les gouvernements successifs de la IIIe République portent
une lourde responsabilité en la matière. Tout concentrés qu’ils étaient dans leur
volonté de revanche contre la Prusse, ils décidèrent d’utiliser la manne financière
dont ils disposaient pour s’attirer des amitiés à l’Est de l’Europe. Et même lorsqu’il
apparut que les finances publiques de notre allié russe étaient pour le moins chancelantes, les im-
pératifs diplomatiques s’imposèrent face au souci de transparence et de bonne gestion financière :
il fallait poursuivre dans les orientations antérieures et masquer la triste réalité ! Ceci se traduisit
Colonisation
française par des exportations continues de capitaux représentant 3,5 % du revenu national 6, pourcentage
au XIXe siècle supérieur au niveau actuel. Au début du XXe siècle, les avoirs français à l’étranger s’élevaient à 50
milliards de F 7. Seule la Grande-Bretagne nous dépassait en ce domaine, mais avec un portefeuille
d’actifs financiers beaucoup plus sain comme on l’a vu : 70 % aux USA. Les destinations prioritaires
des investissements financiers français étaient sensiblement plus risquées avec la Russie, le Proche-
Orient et l’Amérique latine. Les colonies ne donnèrent pas lieu à des investissements massifs avant le
5 - D’après Suzanne Berger, « Notre premier conflit mondial et ne prirent une importance significative que durant la période 1920-1940.
première mondialisation, Leçons
d’un échec oublié » La République
Il faut bien en convenir, l’approche géopolitique des dirigeants français conduisit notre pays à
des Idées, Le Seuil, 2003.
6 - « L’économie française au XIXe opter pour une stratégie d’investissements très audacieuse, les intérêts des épargnants passant
siècle » de Maurice Lévy-Leboyer manifestement au second plan : le résultat en fut désastreux au plan financier car, après la guerre,
et François Bourguignon, ils perdirent tous leurs avoirs. Les entreprises furent, quant à elles, confrontées pendant de longues
Paris Economica, 1985.
7 - Soit l’équivalent de 180 milliards années à un marché intérieur peu attrayant. L’exportation était, dans ce contexte, la seule voie de
d'€ 2010. secours pour les plus dynamiques d’entre elles.
La crise économique de la fin du XIXe siècle et la première mondialisation
La SCB ne resta pas, elle, à l’abri des frontières et partit à l’assaut du monde…
archives SPIE.
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« ... PENCHÉS À L’AVANT DES BLANCHES CARAVELLES
ILS REGARDAIENT MONTER EN UN CIEL IGNORÉ
DU FOND DE L’OCÉAN DES ÉTOILES NOUVELLES. »
L’ÉPOPÉE DE LA GRANDE
EXPORTATION
DE LA SOCIÉTÉ DE CONSTRUCTION DES
BATIGNOLLES
1885-1939
L e problème qui se pose, en 1885, est de trouver des débouchés pour la Société de Construc-
tion des Batignolles, devenue une entité industrielle aux activités multiples et à qui la France
n’offrait plus un champ d’expansion suffisant. Jules Goüin, confronté, en outre, à la récession
de la fin du siècle, consacrera ses efforts à faire de la SCB une entreprise susceptible d’opérer
dans le monde entier.
SCB
Schneider SPIE
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00
50
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1885-1939 : l’épopée de la grande exportation de la Société de Construction des Batignolles
Après ces brillantes réalisations dans l’Est méditerranéen, la Société devient, en 1894, adjudicataire
pour la construction de deux lignes du réseau égyptien, celles de Menouf à Achmoun (25 km) et
de Belcas à Kafr-el-Cheik (45 km) en Basse-Égypte.
Mais la SCB n’entend pas limiter sa présence aux pays riverains de la Méditerranée et n’hésite pas
à aborder des contrées plus lointaines. Ainsi, en 1889, la Société obtient du gouvernement de la
République argentine la concession avec garantie d’intérêt de la ligne de Villa-Mercedes à La Rioja
(615 km de voies). Elle crée la Compagnie Française du Nord-Ouest argentin. Malheureusement
l’Argentine est déjà instable et la révolution, qui éclate peu de temps après, interrompt l’entreprise.
Le gouvernement rachète les 80 km construits entre Villa-Mercedes et la Toma pour les exploiter
La Goulette
lui-même.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 5
Inauguration
à Saint-Pétersbourg
du pont Troïtsky
sur la Néva
par
p le Tsar Nicolas II
et la Tsarine,
le 19 mai 1903.
archives SPIE.
1885-1939 : l’épopée de la grande exportation de la Société de Construction des Batignolles
LES PROUESSES
DANS LES CONSTRUCTIONS DE PONTS
Contre l’Allemagne, qui essaie d’imposer partout son hégémonie, la France cherche des
alliances. Sa diplomatie s’oriente vers la Russie. En octobre 1896, Nicolas Il vient à Paris. En
août 1897, Félix Faure lui rend sa visite à Saint-Pétersbourg. La Société de Construction des
Batignolles récolte les fruits de ces contacts politiques et se voit chargée de la construction
d’un pont monumental sur la Néva, le pont Troïtsky. Le Président de la République française,
avec à ses côtés Jules Goüin, en pose la première pierre lors d’une somptueuse cérémonie.
Pour construire ce magnifique ouvrage, la Société dut créer sur les bords même du fleuve
un très important chantier, où furent assemblées et rivées les pièces préparées par un atelier
installé à Volynkino, faubourg de Saint-Pétersbourg.
Long de 580 m, large de 24 m, le pont comporte pour le passage des navires une travée mobile se
manœuvrant électriquement. L’inauguration, qui eut lieu le 19 mai 1903, en présence du Tsar et de
la Tsarine, constitua le clou des fêtes données à l’occasion du deuxième centenaire de la fondation
de Saint-Pétersbourg. Une flottille formée de petits bateaux datant de l’époque de Pierre le Grand
reçut les honneurs de navires de guerre géants, au milieu des hourras de la foule. Après l’achèvement
du pont, le gouvernement russe confia aux ateliers de Volinkyno l’exécution d’un grand nombre
de tabliers métalliques (environ 150), notamment pour le Transsibérien.
Ce pont Troïtsky ajoute encore à la renommée que les chemins de fer de Roumanie et le pont de
Budapest avaient déjà valu à la Société de Construction des Batignolles dans les Balkans. L’Europe
balkanique est à cette période aux mains de la SCB, grâce à son ingénieur-conseil Guérard. C’est
lui qui a étudié et dirigé les travaux des ports de Constanza (1891), de Bourgas et de Varna (1894-
1909), le premier exécuté en partie par Hallier, le second réalisé par la SCB.
Capitalisant sur ses références balkaniques, la
Société va obtenir, en Grèce, la concession de la
construction et de l’exploitation du chemin de fer du Viaduc de l’Assopos,
en Grèce
Pirée à Salonique. Une convention, signée en 1900
archives SPIE.
avec le gouvernement hellénique, régla toutes les
conditions de la création de cette ligne. Les deux
chaînes du Parnasse et des Monts Othrys furent
franchies grâce aux tours de force des ingénieurs :
on parvint, par une série de tunnels et de viaducs
d’une grande hardiesse, à établir une voie accrochée
au flanc de la montagne.
La deuxième partie de l’ouvrage, Larissa-Salonique,
ne put être commencée qu’en 1914, à la veille des
hostilités. Il fallut la continuer en pleine guerre, avec
des moyens de fortune et au prix de mille sacrifices.
Mais les services rendus par cette ligne pour le ravi-
taillement de l’armée d’Orient devaient récompenser tous ces efforts.
Quand la Société entreprend, en 1902, ces travaux en Grèce, elle peut fournir la caution d’une Le viaduc
réussite exceptionnelle dans son domaine d’excellence, les grands ouvrages d’art métalliques. de Viaur
Elle accumule les références à l’étranger, bien sûr, mais également en France où cette même
année sera lancé, sur la ligne de Carmaux à Rodez, le fameux viaduc du Viaur. Faire passer
un chemin de fer à 115 m de hauteur au-dessus d’une vallée large de 500 m avait posé un
problème technique que vingt ans d’études n’avaient pu résoudre avant que l’administration
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s’en remit à la solution présentée par l’ingénieur Paul Bodin, de la Société de Construction
des Batignolles, au concours ouvert entre les constructeurs les plus réputés. Ce pont, qui
présente une travée centrale de 220 m d’ouverture, établit un record mondial en son temps.
Paul Bodin
Viaduc de Faux-Namti
(Yunnan)
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Le Chemin
Che de fer du Le traité du 9 juin 1885 avec le gouvernement
Yunnan fut une réali- chinois, qui mit fin au conflit soulevé précisé-
sation « folle », issue ment par l’occupation française du Tonkin, pré-
d’une ppolitique colo- voyait dans son article 7 la création de voies de
nial
niale débordante, communication entre cette province et la Chine
et dont la réa- pour rendre plus fréquentes et plus sûres les
lis
lisation d’une relations commerciales.
in
incroyable dif-
fi
ficulté revêt La région du Yunnan, ravagée par les guerres
le
les caractéris- civiles, habitée par une population clairsemée,
ttiques d’une ne paraissait pas offrir matière à une intense
vvéritable épo- activité économique, mais elle était l’anti-
pée qui se chambre de la riche province du Se-Tchouan.
retrouve sou- Dès 1887, un grand programme
vent contée de travaux publics, élaboré par
dans les une commission interministé-
histoires de rielle siégeant à Paris, inclut le
concessions. chemin de fer de la vallée du
Fleuve Rouge au Tonkin et son
Le Yunnan, prolongement vers le Yunnan.
province
chinoise si- En 1897, une mission d’études
tuée au nord était envoyée par le ministre
du Tonkin, des Affaires étrangères, sous
était presque la direction de M. Guillemoto,
inaccessible. Pour le relier par voie ferrée à ingénieur en chef des Ponts et
la Birmanie, le gouvernement anglais avait Chaussées, pour procéder à
tenté de construire une ligne, au départ de une reconnaissance préa-
Rangoon, sur le golfe du Bengale, mais elle fut lable du chemin de fer
abandonnée en 1903 en raison des difficultés et à une étude géolo-
techniques. gique et minière.
Et il y eut l’incroyable
aventure du Yunnan… 44
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Et il y eut l’incroyable
aventure du Yunnan…
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La disparition de Jules Goüin, le 10 septembre 1908, ne devait pas changer fondamentalement les
grandes orientations stratégiques de la SCB en matière de construction. Son fils Gaston lui succède
et il est, comme son père, attiré par les pays neufs. Il réalise à partir de 1905, en participation avec
un groupe financier, les travaux d’assainissement de la ville de Santiago, au Chili, où il installe un
vaste réseau de distribution d’eau potable comportant plusieurs centaines de kilomètres de cana-
lisations. Les travaux sont réceptionnés en 1911.
À la même époque, la SCB prend la direction des travaux d’amélioration du port de Pernambouc,
au Brésil, où elle construit 3 000 m de quais, un pont métallique et les équipements de levage.
Mais l’éclatement du premier conflit mondial va tarir l’activité de génie civil. Le dernier grand chantier
de la SCB, avant le déclenchement des hostilités, sera la liaison ferroviaire Rhin-Rhône, entre Brigue
et Dysentis, réalisée dans un site montagneux très complexe, pour le compte des Chemins de Fer
Helvétiques. Tous les contrats internationaux seront interrompus. Le seul qui reprendra, pour des
raisons stratégiques, sera le second tronçon du chemin de fer grec. En 1916, la jonction est établie
entre les deux sections des chemins de fer helléniques, à Papapouli. Dès lors, les
armées d’Orient peuvent recevoir avec régularité les armes et le ravitaillement,
Gaston Goüin qui ne leur parvenaient que très difficilement par la mer.
Dès 1920, dans ses ateliers 11 dotés d’un outillage moderne et où sont mis en pratique les principes
du taylorisme étudiés en Amérique, sa filiale fabrique en effet près de 200 locomotives par an et en
répare 120 dans le même temps. Cette stratégie va s’avérer judicieuse pendant quelques années, 11 - Leur surface couverte s’étendait
permettant à la SCB de dégager de confortables excédents financiers. sur près de 5 hectares.
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Le retournement brutal du marché ferroviaire, en 1924, laissa la SCB sans réaction. Jean-Roland
Gosselin, neveu de la femme du fondateur, qui succéda à Édouard Goüin, n’avait pas anticipé cette
évolution. La trésorerie dégagée pendant la période florissante des activités mécaniques et militaires
ne fut pas réinvestie pour améliorer la productivité. De plus, aucune diversification majeure ne fut
engagée dans ce secteur. L’entreprise enregistra de lourdes pertes en 1925, ce qui contraignit Jean-
Roland Gosselin à la démission. La situation des activités mécaniques ne pouvait plus désormais
être redressée et les ateliers de l’avenue de Clichy furent fermés.
Sans base de marché solide en France métropolitaine, sans réel savoir-faire en bâtiment, la SCB
n’avait pu bénéficier de la reconstruction. En outre, ne s’étant pas orientée vers les infrastructures
de production et de transport d’électricité, elle n’avait pas accès à ce marché, l’un des rares offrant
un potentiel de croissance.
Ernest Goüin, troisième fils de Jules, qui deviendra président en 1931, est chargé de faire évoluer
les activités du groupe pour, en particulier, lui faire acquérir un savoir-faire dans le bâtiment 12.
Mais en fait, il poursuivra, lui aussi, la politique des grands chantiers de ses prédécesseurs. À partir
de 1930, après la cession des activités de construction métallique, le chiffre d’affaires France est
pratiquement négligeable, l’activité se répartissant pour un tiers dans les colonies et pour deux tiers
à l’export, principalement en Europe de l’Est (voir annexes 4 et 5).
En France, le principal chantier dans les années 30 fut la reconstruction du barrage de Suresnes,
12 - Il est, en effet, architecte de réalisé dans les temps en dépit d’une crue exceptionnelle.
formation.
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C’est sous la présidence de Jean-Roland Gos- une série de bassins pris sur la mer et limités
selin que la SCB fut appelée à entamer la plus par des quais d’une longueur totale de plus de
importante de toutes les constructions entre- 7 km, ainsi que les dragages afférents se mon-
prises après la Première Guerre : la création du tant à 16 millions de m3. À cette occasion, les
Port de Gdynia. ingénieurs français inaugurent une méthode
La victoire des alliés avait donné une petite originale pour les quais. Les caissons en béton
côte en mer libre à la Pologne, mais le port de armé sont couchés sur le sol, leur base étant
Dantzig restait ville internationale. Les Polo- dressée verticalement et tournée vers le large.
nais voulurent avoir leur port à eux. En 1923, le Après prise complète du béton, le sol est dra-
gouvernement polonais fait procéder à l’étude gué devant et sous chaque caisson qui est re-
de divers emplacements et fixe son choix sur morqué au lieu de pose, puis immergé.
Gdynia, un petit port de pêche dont la minus-
cule jetée abrite trente barques. Le 31 décembre 1930, les travaux de la pre-
En six ans, grâce à l’activité et à l’énergie des mière tranche sont terminés et livrés à l’exploi-
entreprises, une cité de 30 000 habitants et un tation. La ville de Gdynia est déjà passée à 32
port moderne, doté de tous les perfectionne- 000 habitants. Elle s’étend sur 14 km2.
ments techniques, vont surgir de terre. En 1931, on procède à l’aménagement du port
La construction du port est confiée à un consor- en construisant 21 km de voies ferrées. En
tium formé par la Société de Construction des 1938, le trafic général annuel du port atteint
Batignolles, MM. Schneider, la Société Hersent 9 millions de tonnes. Gdynia arrive ainsi au
et quatre autres sociétés d’Anvers et de Copen- quatrième rang des ports du Nord de l’Europe.
hague.
Les travaux comprennent l’exécution, en deux
étapes, de 5 500 m de brise-lames protégeant
Le port Gdynia
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Ombres et lumières
du Congo-Océan
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Chemin de
Savorgnan Le chantier
fer Congo –
de Brazza sanglant
Océan
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car il permettait aux entreprises de disposer de tances furent mal organisés et entraînèrent de
main-d’œuvre à très faible coût et d’éviter ainsi nombreux décès. Sur le site, l’hébergement
des investissements lourds en matériel. précaire, le ravitaillement irrégulier et insuffi-
sant, les conditions climatiques éprouvantes,
Il va toutefois sans dire que la pénibilité extrême des travaux, furent autant
les travailleurs, presque tou- de causes de maladies et d’accidents.
jours recrutés contre leur gré,
n’étaient ni désireux, ni en me- L’affaire tourna même au scandale, la presse de
sure, compte tenu des mauvais la métropole évoquant un drame qui se jouait
traitements qu’ils subissaient au Congo. Le grand reporter Albert Londres
fréquemment, de faire preuve avança le chiffre de 17 000 morts. Il n’était
de beaucoup de zèle dans sans doute pas loin de la réalité, les études
l’exécution de leurs tâches. réalisées ultérieurement confirmant cet ordre
Les entreprises utilisaient, en de grandeur. Dans la région du Mayombé, le
fait, des méthodes archaïques chantier s’avéra particulièrement meurtrier, le
avec des rendements déri- taux de décès s’élevant à plus de 20 % pour la
soires, les transports s’effec- main-d’œuvre originaire de la région côtière.
tuant à dos d’homme et les
terrassements à la main... Cette véritable hécatombe fut ensuite oubliée
ou passée sous silence... Le succès technique
Dans le cas du Congo-Océan, passa au premier plan, et la SCB bénéficia des
la SCB eut recours à cette for- retombées médiatiques de ses réalisations
mule, qui en l’espèce était to- à l’occasion de l’exposition coloniale de 1931
talement inadaptée en raison organisée par le maréchal Lyautey. Pour ce
des effectifs considérables que qui est des habitants de l’Afrique équatoriale
nécessitait le chantier. Près française, ce fut une toute autre affaire. Les
de cent trente mille hommes déplacements de populations autochtones et
participèrent, en effet, à la l’indisponibilité des travailleurs mobilisés à la
construction de la ligne, soit réalisation d’un ouvrage dont l’ampleur dépas-
12 % environ de la population sait de très loin les possibilités locales, désor-
d’hommes adultes des zones ganisèrent les structures tribales et le fragile
soumises au recrutement. équilibre qui caractérisait l’économie de sub-
La région du Congo, très peu sistance de ces contrées. À l’issue de ce gigan-
peuplée, n’était évidemment tesque chantier, le Congo était exsangue...
pas capable de fournir les ef-
fectifs nécessaires. Il fallut faire
appel à des populations originaires du Moyen-
Congo, du Tchad et de l’Oubangui-Chari. Les
transports de personnel sur de longues dis-
Exposition L’Afrique
Albert coloniale
internationale équatoriale
Londres
(1931) française
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Quand les lumières de l’Empire s’éteignirent, les agapes se firent plus frugales. La concurrence devint
plus rude dans un marché ferroviaire en forte régression, car la construction du réseau français de
voies ferrées marqua une pause jusqu’à la relance du plan Freycinet en 1878. Fort des références de
la SCB et de la qualité de ses équipes, Ernest Goüin entreprit alors de se développer hors de France
– principalement dans le domaine colonial des travaux publics – portant ses efforts sur l’empire
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Exercices Capacité d’autofinan- colonial français en cours de formation et sur l’Europe (cf.
cement/CA TTC annexes 3-b et 3-c). La part des activités « mécaniques et
1872-73 à 1875-76 10,2 % métalliques », encore largement prédominante à la fin
1876-77 à 1880-81 13,7 % de l’Empire, ne représentait plus que 20 % de l’ensemble
1881-82 à 1884-85 13,3 % en 1885, à la disparition d’Ernest Goüin.
Source : Thien Rang-Ri Park, volume 1.
Grâce à cette stratégie « projets infrastructures ferro-
viaires export », l’entreprise réussit une brillante perfor-
mance. Bénéficiant en outre du « 3e réseau » en France, elle multiplia par plus de 3 son chiffre
d’affaires 13 de 1870 à 1885.
Fives-
Lille
Les marges fléchirent d’abord fortement – elles revinrent en fait à des niveaux plus normaux – avant
de progresser à nouveau.
L’importance croissante des activités de travaux publics conduisit à réduire de façon significative
les investissements dans les activités industrielles. De ce fait, les bénéfices, très largement réinvestis
durant la période 1855-1870 quand il fallut construire et équiper les ateliers de mécanique (cf. an-
nexe 3-a), donnèrent lieu, au contraire, à des distributions de dividendes 14 très significatives qui
firent la fortune des actionnaires de la SCB.
Quelques années après que Jules Goüin eut pris en main les chantiers de la SCB, les retombées du
plan Freycinet 15 s’amenuisèrent et le chiffre d’affaires de l’entre-
période CA TTC moyen prise chuta fortement. période 1908-1914
annuel entreprises CA TTC mensuel
(en millions de F) Touchée dans son ensemble par la récession, l’Europe ne pouvait moyen
1885-1890 35,5 apporter une source alternative de croissance. Mais en dépit (en millions de F)
de ce contexte très pénalisant, la SCB ne changea pas de cap,
1890-1900 14,4 GTM 53,6
son président continuant à miser très largement sur le secteur
1900-1914 25,2 ferroviaire. Il ne chercha à tirer profit ni des projets de trams et SGE 29,5
Source : Thien Rang-Ri Park, volume 2
de métros, ni des opportunités qu’ouvrait l’énergie électrique et SCB 26,8
13 - Le chiffre d’affaires était voisin de s’engagea sans doute trop timidement dans les marchés d’in- Fougerolle 22,3
34 millions de F en 1885, soit l’équiva-
frastructures portuaires. Elle se trouva de ce fait dépassée par
lent de 140 millions d'€ 2010. RGCCF 22,3
14 - Plus de 85 % des résultats nets des concurrents plus dynamiques et plus innovants, de création
Source : Thien Rang-Ri Park, volume 2
furent distribués pendant la période plus récente, GTM et SGE.
1872-1885.
15 - Cf. « L’âge d’or du chemin de
fer », p. 24-25. Ce plan lançait la L’évolution comparée de la SCB et de Schneider – dont la stratégie se tournait prioritairement
construction d’un 3e réseau. vers l’industrie – est également très éloquente. Contrairement au groupe du Creusot, qui réalisa
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Coulés dans le moule de cette civilisation d’expansion et de conquête, les hommes qui firent la
réputation et l’histoire de la SCB partirent loin de leur terre natale pour devenir des bâtisseurs
« au-delà des mers et tout autour du monde », selon les termes mêmes du petit-fils du fondateur,
lors de son allocution de 1946, date du centenaire de la Société. Mais un glissement s’opéra alors
dans les valeurs de la SCB : l’initiative devint audace, l’innovation voyage, et l’entrepreneur se fit
aventurier, non sans panache…
L’épopée du Yunnan est l’illustration la plus évidente de ce glissement. Les conditions de réalisa-
tion du projet et les risques encourus par les équipes de chantier étaient, en effet, bien éloignés
des standards traditionnels de la SCB en matière de sécurité – 20 % des 60 000 coolies employés
trouvèrent la mort sur le chantier. La Société prit en outre, dans
cette affaire, un risque financier considérable : comme on l’a noté, exercice capacité
le tribunal arbitral valida une réclamation de 158 millions de F en d’autofinance-
1908 16 . Même si la SCB ne portait qu’une partie des risques 17, ses ment / CA TTC
engagements étaient très élevés au regard de ses fonds propres18.
1885-87 16,8 %
La stratégie export de la SCB paraît donc pour le moins avoir été
assez audacieuse. 1887-90 7,1 %
1890-1900 12,2 %
Cette remarque se reflète dans la volatilité des marges de l’entre- 1900-07 5,9 %
prise (cf. tableau ci-contre). Très élevée au début de la présidence
1908-14 8,6 %
de Jules Goüin, elle baisse fortement avec la disparition progressive
Cf. annexe 3-a
des bénéfices du plan Freycinet. Durant la difficile période de la fin
du siècle, la SCB privilégie leur maintien au détriment de la croissance de son chiffre d’affaires.
Au début du XXe siècle, le contrat du Yunnan pèse sur sa rentabilité19. La Société continue néanmoins
à verser des dividendes substantiels – elle distribue la quasi totalité de ses résultats durant les dix
dernières années de la présidence de Jules Goüin (cf. annexe 3-a). Les marges se redressent après 16 - Ce qui correspondrait à environ
570 millions d'€ 2010 !
la fin de l’aventure chinoise, quand son fils Gaston lui succède, en 1908. 17 - Compte tenu de son association
avec la Régie de construction des
La SCB réussit une performance financière honorable sur la période 1885-1914. Elle est encore un Chemins de Fer (RGCCF).
18 - Environ 6 millions de F en 1913.
des leaders reconnus et respectés de la profession. Mais face à des concurrents plus innovants et
19 - La marge capacité d’autofinance-
plus agressifs, elle a déjà amorcé son déclin à la veille de la Grande Guerre. ment / CA TTC tombe à moins de 2 %
en 1906-1907.
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Le premier conflit mondial voit un très fort développe- (en millions de F 1913)
ment des activités d’armement et de mécanique alors
CA moyen total 17,8
que le chiffre d’affaires BTP décroît très sensiblement
et devient quasi nul en 1917 et 1918 (cf. annexe 4). CA moyen mécanique 11,2
Les chiffres d’affaires annuels moyens de la période CA moyen TP 6,6
1914-1923 ressortent comme il apparaît sur le tableau
ci-contre :
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La rentabilité s’est-elle aussi dégradée par rapport à la période précédant le premier conflit mondial, où
La Société de les dividendes annuels approchaient 2 millions de F 1913. Les études réalisées par le professeur Barjot 22
Construction
des
montrent, en outre, que la performance de la SCB est inférieure à celle de ses concurrents GTM et SGE
Batignolles sur la période 1919-1939.
Un autre élément essentiel est
évidemment la concentration des
Autofinancement brut moyen de 1929 à 1939
risques sur un petit nombre de
(en millions de F 1913)
grandes affaires. L’arrêt des activi-
SCB GTM SGE
tés mécaniques, en 1927, fut né-
faste à cet égard, puisqu’il faisait 0,35 0,85 1,14
disparaître une source de chiffre
d’affaires complémentaire, plus
régulière dans le temps. La SCB chercha à atténuer ce risque de « volatilité » des grands projets en
investissant une partie de ses fonds propres dans des participations générant un flux récurrent de divi-
dendes 23. Mais le remède était insuffisant face à des risques unitaires considérables, comme le chantier
du port de Gdynia.
Il apparaît, en définitive, que la SCB ne sut pas capitaliser sur les retombées financières, pourtant subs-
tantielles, de ses activités d’armement et de réparation ferroviaire pendant la Première Guerre mondiale
Livret de présentation de la
Société de Construction des
Batignolles édité en 1932
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promesses. Elle sut, néanmoins, faire preuve d’agressivité commerciale et d’imagination financière. Elle
innova notamment en recourant largement aux fournitures allemandes dans le cadre de procédures La crise
de dommages de guerre. de 1929
Mais la crise des années 30 accentuera encore ces problèmes, les détenteurs de capitaux se montrant
de plus en plus réticents à l’égard des placements internationaux. Le montage du financement des
grandes infrastructures devint, de ce fait, de plus en plus délicat, comme l’illustrent les difficultés
permanentes rencontrées par la SCB en Pologne ou en Yougoslavie.
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« MESSIEURS, JE VIENS D’ÉPROUVER LA PLUS GRANDE JOIE DE MA VIE.
MESSIEURS, LE CREUSOT VIENT DE VENDRE QUINZE LOCOMOTIVES À L’ANGLETERRE ! VOUS
AVEZ ENTENDU, MESSIEURS, À L’ANGLETERRE ! »
NAISSANCE DE IE
SCHNEIDER ET C
ET DU ROYAUME INDUSTRIEL
DU CREUSOT
XIXe SIÈCLE
A ucune société française ne s’illustre autant que Schneider au XIXe siècle dans le développement
de la trilogie énergie-vapeur, industrie du métal, ferroviaire... Mais son fondateur ne tarde pas à
chercher des débouchés complémentaires à la production de ses ateliers du Creusot. Les travaux
publics constituent une diversification immédiate : les ponts et les charpentes métalliques sont
nécessaires à la construction des lignes de chemin de fer.
Royaume
Adolphe, l’aîné, prend en charge la direction commerciale à Paris, tandis qu’Eugène est responsable
industriel
du Creusot de la direction technique. Lorsqu’Adolphe meurt accidentellement en 1845, Eugène reste seul
gérant et la société prend la raison sociale « Schneider & Cie », qu’elle conservera jusqu’en 1949. Eugène
ne Schneider,
Schneider
gérant de 1836 à 1875
archives Schneider.
Né en 1805, Eugène a suivi, à partir de 1822, les cours du soir de l’École centrale à Paris. Comme 25 - Cf. annexe 9, généalogie
il est courant à l’époque, c’est un admirateur de l’Angleterre où il se rend à deux reprises, en 1840 simplifiée de la famille Schneider.
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et en 1844. À l’instar des Goüin, il acquiert la conviction que la France doit égaler la Grande-
Bretagne et qu’elle en a la capacité.
Pour lui, le temps n’est plus à la fabrication des armes des guerres napoléoniennes à l’heure
où les nouvelles technologies sont la navigation à vapeur et les chemins de fer. Adolphe
Schneider
En 1839, il achète des terrains à Chalon-sur-Saône et y installe des chantiers destinés à la
Première locomotive construite
en France, 1838 construction de bateaux à vapeur et en 1840, il reçoit la commande de 4 machines de 450 CV
archives Schneider. destinées aux paquebots transatlantiques prévus par la loi de 1840. Puis les Chantiers de Chalon
livrent, en 1843, le premier remorqueur pour la Saône et les premiers vapeurs pour la navigation
sur le Rhône, qui constitue le problème de transport le plus important à résoudre à cette époque.
Jusqu’en 1854, les chantiers réalisent tous les nouveaux moyens de transport du Rhône,
les « toueurs » – bateaux-grappins qui se hissaient sur des chaînes placées au fond Eugène
Schneider
du fleuve pour franchir les rapides encore nombreux sur le Rhône – des bateaux pour
voyageurs et des bateaux de plaisance.
La création des premières machines à vapeur pour les chemins de fer, dans les années
1820, avait placé les Britanniques en position de leaders pour la fabrication de rails et
de machines. Mais cela ne décourage pas Eugène Schneider. Les usines du Creusot vont
Locomotive « Great Eastern
Railway », 1865 fabriquer la première locomotive française en 1838, quelques années avant Ernest Goüin dans son
archives Schneider. atelier des Batignolles. Très vite, le développement du chemin de fer se transforme en révolution
ferroviaire, après la loi tant attendue de 1842. Les usines du Creusot accroissent sensiblement leur
secteur « locomotives » qui devient, en 1846, l’activité principale de Schneider.
Les ingénieurs de la société conçoivent un procédé essentiel, les bandages sans soudure pour roues
de locomotives et de wagons. Ce sont 700 locomotives qui sont livrées entre 1855 et 1865, dont
40 % pour l’exportation. La fourniture à la compagnie britannique « Great Eastern Railway »,
d’une quinzaine de machines marque l’apogée du succès. Comme les compagnies de chemins
de fer le paient pour partie en actions, Eugène Schneider devient membre de plusieurs conseils
d’administration où sont décidées les commandes. Outre les lignes Paris-Sceaux, Montereau-Troyes
et le chemin de fer du Centre, il entre au conseil d’administration de la Compagnie du PLM (Paris-
Lyon-Méditerranée).
PONTS ET CHARPENTES
Les chemins de fer réveillent l’ensemble de l’économie et provoquent d’autres innovations dans
le bâtiment et le génie civil. Les constructions des gares et des ponts sont révolutionnées par les
nouvelles techniques sidérurgiques.
Les Chantiers de Chalon réalisent, en 1853, leur premier pont en « fil de fer », celui de Lyon-Vaise,
au moment où se développent à une échelle nationale les constructions de ponts en concession.
Dans la décennie suivante, ils vont livrer plus de 450 ponts pour la France et l’étranger. C’est le
tournant décisif de l’introduction du métal dans la construction des ouvrages d’art et celui de
l’entrée des sidérurgistes dans les travaux publics : les Goüin et les Schneider suivent une même
logique économique et commerciale. La France va donner ses lettres de noblesse à la construction
des ponts métalliques.
Dès 1857, les Chantiers de Chalon construisent leur première charpente pour les entrepôts de
Bercy. Comme pour les ponts, la maîtrise de la charpente métallique les amène à répondre à des
demandes étrangères qui les transforment en exportateurs de grande réputation. Ils effectuent sous
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Naissance de Schneider et Cie et du royaume industriel du Creusot
Le Creusot, écomusée
de la communauté,
Jean Rixens (1846-1924) :
Les Fondeurs, 1887,
huile sur toile
© G. Dagli Orti.
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vapeur, celui-ci permet la fabrication de pièces de forge d’une taille considérable. Eugène Schneider
augmente le nombre de hauts fourneaux de 4 en 1844 à 10 en 1857. Cherchant à économiser la
main-d’œuvre, il investit sans cesse pour rationaliser son outil de production et en améliorer l’effi-
cacité. En 1867, il réalise la construction d’une forge de 16 hectares capable de produire 150 000
tonnes de fer à l’année.
Par ailleurs, il mène une politique d’intégration des activités de son groupe en amont, en effec-
tuant des travaux dans les bassins houillers pour relier les gisements et, pour s’assurer une sécurité
d’approvisionnement en charbon, en entrant dans la société anonyme des houillères de Brassac,
de Beaubrun et des mines de Montand.
À partir de 1860, la firme va se consacrer au développement de l’acier, nouvelle révolution
26 - Plus tournée vers les TP que
Schneider, la SCB avait un capital sidérurgique après la domination du coke pour la production de fer et de fonte. C’est, en effet,
largement inférieur à cette date. l’époque où les procédés nouveaux autorisent une production d’acier à un prix nettement réduit,
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Naissance de Schneider et Cie et du royaume industriel du Creusot
La guerre de 1870 offre à Schneider et Cie, qui produit déjà des compo-
sants d’artillerie (batteries, bouches à feu, affûts), l’occasion de créer un
matériel d’artillerie en compétition avec les canons Krupp en acier fondu.
La mise au point de ce nouvel acier amène les ingénieurs du Creusot,
MM. Osmond et Werth, à fonder la science métallographique contem-
poraine. Ils publient leurs travaux dans Théorie cellulaire des propriétés
de l’acier en 1885.
Henri Schneider (1840-1898), bien que régent de la Banque de France, vice-président du Comité des
Forges, administrateur des chemins de fer du Paris-Orléans et du Midi, est moins « entrepreneur »
Presse à gabarier
de 3000 tonnes, Le Creusot
© Boyer / Roger-Viollet.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 6
Dès l’origine, Schneider Les Schneider créent, dès 1837, une infirmerie y
va mener une politique associant rapidement une prestation médicale
sociale « éclairée », gratuite et un service gratuit de soins à domi-
fondée sur un triptyque cile, puis un véritable hôpital en 1879. Ils ou-
– la santé, le logement vrent un hôtel-Dieu à la fin des années 1880.
et l’enseignement – qui Alors que l’idée est quasiment révolutionnaire,
constitue une avan- ils fondent une caisse de prévoyance en 1838
cée remarquable pour offrant des prestations médicales et des alloca-
l’époque. En dehors de tions au personnel. Celle-ci distribue aussi des
quelques rares entrepre- pensions aux parents des ouvriers morts au tra-
L’infirmerie-hôpital en 1845 neurs « sociaux » (Koe- vail, soixante ans avant la loi qui rendra cette
archives Schneider.
chlin, Leclaire, Godin, couverture obligatoire.
Goüin) le XIXe siècle se Une caisse et une maison de retraite voient le
distingue par un égoïsme jour en 1877, également soixante ans en avance
caractérisé des classes sur les dispositions légales.
sociales dirigeantes à
l’égard des classes labo- Ils ouvrent aussi, dès 1836, une école primaire
rieuses. et une école supérieure technique pouvant
Même s’il s’agit aussi recevoir deux cents élèves et un cours de pré-
de s’attacher la main- paration aux grandes écoles françaises d’ingé-
d’œuvre et de favoriser nieurs. Mais, très rapidement, ils mettent aussi
la qualité du travail, l’ap- en place des écoles d’apprentissage par corps
proche n’en reste pas de métiers. Ils créent des bourses pour les su-
moins généreuse et in- jets doués qui veulent poursuivre leurs études
L’École Spéciale du Creusot
archives Schneider. telligente. d’ingénieur et ils participent à la fondation
Des cités ouvrières sor- d’écoles publiques.
tent du sol à la Ville-Dieu
et à Montchanin alors
qu’il n’existe dans ces
années 1860 que trois
Type de maison ouvrière
ou quatre exemples si- archives Schneider.
sociale « éclairée »
Naissance de Schneider et Cie et du royaume industriel du Creusot
que son père Eugène I. Il développera néanmoins son groupe durant la sévère récession
Henri de la fin du siècle, notamment grâce aux fournitures d’armement. Mais il laissera Henri de
Schneider Wendel, membre du conseil de surveillance de Schneider et Cie en 1877, réaliser en Lorraine
un complexe industriel de premier plan qu’il aurait pu construire lui-même et dont il va
dépendre. En 1888, il crée cependant de nouveaux ateliers au nord des usines du Creusot.
LE DÉVELOPPEMENT DE L’ÉLECTRICITÉ
Son fils Eugène II (1868-1942), plus dynamique, saisit les nouvelles opportunités qu’offre
Eugène II l’électricité – les premières réalisations en la matière datent de 1888 avec l’éclairage public
Schneider à Paris – et crée des ateliers d’électrochimie et d’électrométallurgie, l’électricité autorisant
Henri Schneider,
la fabrication d’aciers spéciaux grâce aux très hautes températures qu’elle permet d’at-
cogérant de 1867 à 1875,
teindre. À l’inverse de son père, il est doté d’ambitions parfois excessives.
gérant de 1875 à 1898
archives Schneider.
L’électrification des usines du Creusot en 1897 permet l’ouverture d’un atelier de construc-
tion de matériel électrique, qui fournit des locomotives électriques aux tramways de
Grenoble en 1900 et du matériel électrique pour le Métropolitain. Schneider est chargé
de l’éclairage de la rive gauche de Paris en 1903 à partir de l’usine d’Issy.
L’association avec la société Westinghouse permet à la société de se lancer dans la construc-
tion de matériel (des alternateurs, des transformateurs et des moteurs).
Les fortes commandes d’acier dues aux travaux du Métropolitain entraînent un sensible
accroissement des cadences qui se traduisent par des grèves en 1899, à la suite desquelles
sont nés les délégués ouvriers. Puis de 1902 à 1904, la firme traverse une crise de grande
ampleur en raison d’une surcapacité générale en Europe de l’Ouest.
Les grands travaux sont, à cette époque, favorisés par les idées libérales diffusées par Becquey, le
directeur de l’École des Ponts et Chaussées, en matière de concessions. Schneider va être amené
à s’intéresser aux canaux, aux infrastructures de chemins de fer et aux ponts.
La construction du canal du Centre et du canal Saint-Louis qui desservent les
établissements du Creusot conduit la société à réaliser ses premières écluses
en métal. Les travaux du chemin de fer de 6 km des mines de fer d’Allevard
la poussent à s’intéresser directement aux travaux publics.
À partir de 1853, les ponts livrés par les Chantiers de Chalon qui bénéficient
des inventions de Seguin – ponts à fil de fer – vont figurer dans la liste des
ponts « historiques » : le pont Morand (1853), le pont tournant de Brest
construit en 1860 et le viaduc de Grandfrey, à Fribourg, en 1878. Ils demeurent
jusqu’à la fin du siècle une production essentielle dans le catalogue des ateliers.
Ils les assemblent ou les livrent en pièces détachées sans s’occuper des fonda-
tions et des maçonneries. Mais le rapprochement avec l’entreprise Hersent et
les nécessités liées à la réalisation des contrats propres à Schneider vont ame-
ner les chantiers de Chalon à se transformer en entreprise de travaux publics.
Brest (Finistère),
le pont tournant Le développement de caissons métalliques pour réaliser des fondations à l’air comprimé pousse
© Collection Roger-Viollet.
Eugène I et Schneider à créer, aux alentours de 1865, un département spécifique pour leur fabrica-
tion. Les techniques d’utilisation de l’air comprimé venaient de connaître d’importantes innovations
sur le chantier du percement du Mont-Cenis (1857-1871). L’ingénieur suisse Daniel Colladon avait,
dès 1852, lancé l’idée de se servir de l’air comprimé par des compresseurs pour procéder à l’exca-
vation et à l’aération du tunnel pendant les travaux. Il avait démontré que l’air comprimé, destiné
à actionner les machines perforatrices, peut se transporter, avec une perte mineure de puissance,
à de grandes distances. L’ingénieur anglais, M. Bartlet, exécuta, dès 1855, la première machine
perforatrice fonctionnant à l’air comprimé. C’est Germain Sommeiller qui modifia la perforatrice
Bartlet et dirigea le percement du tunnel.
À peu près à la même époque, Hildevert Hersent réalise le pont de Kehl en exécutant les fonda-
tions grâce à l’air comprimé. Schneider livre, à partir de 1865, les premiers caissons pour les ponts
d’Arles et de Saint-Gilles et, associé à l’entreprise Hersent, réalise plusieurs chantiers en Autriche,
notamment sur le pont de Linz.
En revanche, les deux sociétés travaillent dans le domaine portuaire, tant au port militaire de Toulon
que pour la forme du bassin de radoub de Saigon, à Bordeaux ou à Lisbonne pour la construction de
SCB
Schneider SPIE
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Naissance de Schneider et Cie et du royaume industriel du Creusot
kilomètres de quais le long de la Garonne ou du Tage. Le marché des caissons est toutefois limité ;
les commandes sont très cycliques, ce qui pose des problèmes de plan de charge.
En revanche, les bons ouvriers ne sont pas sur les Chantiers de Chalon mais au Creusot, où les
conditions de rémunération, les niveaux de formation et les avantages sociaux sont bien supérieurs.
Les contremaîtres de Chalon ont, sous leurs ordres, un personnel ouvrier moins discipliné et souvent
négligent. Maurice Michel-Schmidt conserve, dans un premier temps, les méthodes de travail de son
prédécesseur Pradel, mais il doit réorganiser le fonctionnement de l’usine à la suite des graves défi-
ciences techniques de fabrication qui provoquèrent l’effondrement de plusieurs ponts livrés au Chili.
La réputation de Schneider et Cie est en jeu. Maurice Michel-Schmidt entend donc moderniser
Société Daydé
l’outillage vieillot et peu efficace, et améliorer le professionnalisme du personnel. Il organise alors un
et Pillé
véritable « espionnage industriel » en demandant à Berthet, son chef d’atelier de travaux publics,
de se faire embaucher dans les trois sociétés parisiennes de travaux publics (Daydé et Pillé, Baudet
et Donon, Moisant Laurent Savey), afin de connaître leurs méthodes de travail, les éventuelles nou-
veautés de leur outillage pour la fabrication des infrastructures en acier, et de tenter de débaucher
des ouvriers ou des contremaîtres de qualité.
La différence des salaires entre Chalon et Paris empêche l’aboutissement de ce projet ; les contre-
maîtres parisiens refusent de venir. Mais Maurice Michel-Schmidt réussira néanmoins à renouveler
et à faire croître ses effectifs qui passent de 350 ouvriers sous Pradel à 1 200 en avril 1900.
Honoré de Balzac
LA PUISSANCE INDUSTRIELLE
DE L’ ANGLETERRE
AU MILIEU DU XIX SIÈCLE e
L a plupart des industriels français du milieu du XIXe siècle vont chercher au Royaume-Uni les
modèles de développements économiques, les principes d’organisation des usines, les nouvelles
technologies. On peut réellement parler du rêve anglais des jeunes industriels. Mais il ne s’agit pas
que d’un rêve, car l’Angleterre est devenue une formidable puissance économique.
Si l’on considère le seul PNB, l’écart avec les autres puissances économiques reste encore raison-
nable au milieu du siècle, car des pays comme la France ou la Russie bénéficient d’importantes
productions agricoles.
Mais si l’on se réfère aux seules activités industrielles, l’Angleterre a indubitablement pris une
position dominante.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 7
La France, pénalisée par la Révolution et les guerres napoléoniennes, est distancée de plus en plus
largement par l’Angleterre qui va générer, en 1860, près de 20 % de la production industrielle
mondiale. Ceci étant, la performance de la France est tout à fait respectable. Les premières années
du Second Empire, en particulier, sont marquées par une forte croissance. « Après le coup d’État,
se produisirent des phénomènes absolument contraires à ceux qui avaient suivi la révolution de
1848... Ce n’étaient plus des bandes d’insurgés qui parcouraient la ville, mais des escouades de
maçons, de charpentiers, d’ouvriers de toutes sortes allant à leur travail... Les maisons n’étaient
plus menacées par le canon ou l’incendie mais par l’indemnité féconde de l’expropriation. » Cette
effervescence que décrit L. Girard dans son ouvrage La Politique des travaux publics du Second
Empire entraîne une forte progression de l’activité économique. Le taux de croissance annuel de la
production industrielle est voisin de 7 % pendant les 10 premières années de l’empire, soit le double
de celui de l’industrie anglaise pendant la même période, et celui de la production agricole de près
de 6 % 30. Ayant dépassé la Russie, et précédant encore les États-Unis, la France est pour quelques
années encore la 2e puissance industrielle mondiale ! La plupart des autres pays européens sont
soit en état de quasi-stagnation ou de croissance faible pour des raisons politiques ou structurelles
(Autriche-Hongrie, Italie), soit seulement en voie de démarrage (Allemagne). En dehors de l’Europe,
le décollage des États-Unis est impressionnant tandis que toutes les autres puissances (Chine, Inde,
Japon) sont en décroissance.
30 - D’après l’ouvrage de
William H. C. Smith, « Napoléon III »
La puissance industrielle de l’Angleterre au milieu du XIXe siècle
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« CETTE TERRE NE PEUT AVOIR D’ÉGALE... C’EST EXACTEMENT COMME SI DIEU AVAIT VOULU
POURVOIR LÀ À TOUS LES BESOINS DE L’HOMME. »
SCHNEIDER
ENTREPRENEUR
À LA DÉCOUVERTE DU MONDE
1880-1940
L es chantiers de Chalon, qui prendront par la suite la dénomination « Direction des Travaux Pu-
blics » (DTP), participent sur tous les continents à de grands projets d’infrastructures qui apportent
des débouchés aux productions industrielles du Creusot – charpentes métalliques au XIXe siècle,
équipements portuaires au XXe siècle. La première grande aventure de Schneider entrepreneur à
l’exportation fut celle du Chili.
La DTP Pourquoi la DTP réalisa-t-elle ses premiers grands chantiers internationaux dans un pays aussi éloigné
de ses bases ? Il est bien difficile de répondre aujourd’hui à cette question.
Avant l’arrivée de Maurice Michel-Schmidt en 1895, la DTP n’existait qu’à
l’état latent dans la section des Ponts et Charpentes et la documentation
spécifique est donc quasi inexistante. En outre, Henri Schneider, qui dirigea
le groupe de 1875 à 1898 et qui était connu pour son attentisme, avait par
ailleurs un goût prononcé pour le secret.
L’histoire retient seulement que Schneider prit pied en 1888 sur ce marché en
construisant le viaduc de Malleco. Suite à cette prestigieuse réalisation, qui
lui valut l’estime et la reconnaissance des autorités locales, le gouvernement
chilien attribua à la firme l’édification de tous les ponts en acier de toutes les
nouvelles lignes de chemins de fer en construction.
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Mais cette énorme commande tourne, quelques années plus tard, à la catastrophe : en 1897, les
ponts se fissurent, parfois même jusqu’à la rupture comme celui de Maipocho, à Talagante, qui tue
vingt personnes en 1898. L’économie trop grande de métal, recherchée par Pradel, en est la cause.
Le gouvernement chilien réclame une fabrication plus solide et oblige Schneider à s’associer avec
une entreprise chilienne de travaux publics : Lever-Murphy. Schneider se charge de la fourniture de
l’ossature en acier des piles et des travées tandis que l’entreprise chilienne assure le montage de
celle-ci. Cette collaboration se poursuit pendant vingt ans, Schneider étant parvenu à reconquérir
la confiance de son client, les Chemins de Fer Chiliens, dont il reste le fournisseur permanent face
à une concurrence allemande et anglaise.
Vietnam,
chemin de fer de Hanoi
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des Chemins de Fer Chinois, la ligne de Pékin à Hankéou. Celle-ci intéresse les Français, qui sont prêts
Chemin de fer
du Yunnan à construire et à exploiter la ligne entière pour relier l’Indochine à la Russie d’Extrême-Orient par la
Chine, via le Yunnan et le Kouang-Si. Projet grandiose, mais non dénué de risques en tous genres.
Une société d’études de chemins de fer en Chine est créée, en 1897, par un groupement franco-
belge comprenant deux banques (la Banque de Paris et des Pays-Bas et la Société Générale de
Belgique), cinq entreprises industrielles belges et quatre entreprises françaises (Fives-Lille, Schneider,
Cail et la Société de Construction des Batignolles).
La part de fourniture de chacun des entrepreneurs est vite décidée : les rails seront fournis par
les Belges et les ponts par les Français, l’ensemble étant géré par un « Comité d’Exécution et de
Direction ». Les entreprises françaises créent un catalogue de plans types de tabliers métalliques,
pour lequel les ingénieurs de la société d’études choisissent le modèle utile.
L’année suivante, le groupement signe avec la Compagnie des Chemins de Fer Chinois des contrats
pour la fourniture des équipements d’infrastructure et la construction de cette ligne, et organisent
un emprunt de 112,5 millions de F 31 à 5 %, d’une durée de 30 ans, garanti par le gouvernement
chinois.
Tunnel en Chine
archives SPIE.
Dès le début de 1899, le comité d’exécution de la société d’études lance la construction des trois
premiers ponts à double voie, dont un de 240 mètres. En dépit d’un plan de charge très tendu, en
raison notamment des travaux du Métropolitain de Paris, les chantiers de Chalon parviennent à
livrer dès l’année suivante les ponts prévus.
Le contrat de Pékin-Hankéou sera une bonne affaire pour Schneider. L’entreprise réussira à engranger
des bénéfices tout en risquant peu de capitaux, son rôle étant limité, à l’intérieur du consortium,
à celui d’un fournisseur de charpentes.
En dépit de ce succès, la société décide de ne pas demeurer dans la région, tirant la leçon des graves
déboires rencontrés au Tonkin.
CONSÉCRATION EN FRANCE
En France, l’entreprise reste très active. Au demeurant, le tarif douanier protectionniste créé par 31 - Soit près de 390 millions
Méline rend les ventes sur le marché national beaucoup plus attrayantes que celles réalisées à d'€ 2010
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Le début du XXe siècle est marqué par un profond bouleversement de la hiérarchie industrielle et
par la montée concomitante des nationalismes.
La France ne résiste pas à la percée de l’industrie des pays « neufs », l’Allemagne et les États-Unis.
Elle est, en outre, handicapée par l’évolution de sa démographie, problème qui va continuer à
l’affecter après-guerre.
Le recul économique de la France est déjà effectif au début du siècle. Il deviendra encore plus évi-
dent et manifeste après le traumatisme du premier conflit mondial. Des groupes industriels comme
Schneider vont de ce fait régresser de 1900 à 1940 par rapport à leurs concurrents de pays plus
dynamiques et performants. Et pourtant, dans ce contexte peu favorable, le département « Entre-
prise » va remarquablement tirer son épingle du jeu tout au long de cette période. En effet, alors
que l’ère des ponts et charpentes touche à sa fin avec le ralentissement des investissements dans
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le domaine ferroviaire, la Direction des Travaux Publics, bénéficiant des synergies avec son groupe,
va saisir les opportunités nouvelles qui s’offrent à elle : infrastructures portuaires tout d’abord, puis
équipements hydroélectriques et investissements pétroliers et gaziers à partir de 1920.
Schneider se groupe en 1900 avec les frères Fougerolle et les tout jeunes « Grands Travaux de
Marseille » (GTM) pour répondre à l’adjudication du port de Montevideo. Mais l’affaire est attribuée
à un autre groupe français. En revanche, l’affaire de Rosario, réalisée cette fois-ci en groupement
avec Hersent, sera un succès.
À la suite de plusieurs échecs commerciaux, le groupe revoit son organisation. Maurice Michel-
Schmidt obtient que les études et la gestion des projets complexes de travaux publics soient cen-
tralisées à Chalon. À partir de 1904, Chalon se présente comme une entreprise générale, les
autres services du groupe devenant ses fournisseurs et partenaires qu’elle rémunère à hauteur
d’un pourcentage des bénéfices.
Le port de
Casablanca
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Le coût de l’investissement
s’élève à 51 millions de F de
l’époque 34 .
LE PORT DE ROSARIO
Situé à 300 km de Buenos Aires, il nécessi-
tait des installations maritimes à la hauteur
du très fort développement de l’Argentine. En
1899, le Parlement lance un concours interna-
tional pour la concession du port de commerce
à Rosario, auquel Schneider et son associé
Hersent décident de participer. Déclarés ad-
Le port
34 - Soit l’équivalent judicataires en 1902, ils créent une société au
de Rosario
de 180 millions d'€ 2010. capital de 10 millions de F, chargée d’assurer
en 2007
la construction puis l’exploitation du port. Wikipedia.
concessionnaire
Schneider entrepreneur à la découverte du monde
Alors que la crise économique s’éloigne, Chalon traite moins d’affaires de ponts, mais de plus en
plus de ports et Maurice Michel-Schmidt, qui a gagné son autonomie de gestion, enregistre de
nombreux succès en 1906 et 1907, notamment à Bordeaux et au Maroc, à Casablanca et à Safi,
l’empire colonial devenant progressivement l’une des zones prioritaires pour Schneider.
Trois sections séparées sont donc créées à Chalon : la Marine, l’Artillerie et les Travaux Publics. La
Direction des Travaux Publics, ou DTP, dotée d’un atelier de 7 800 m2 de surface, est opérationnelle
au 1er janvier 1907, Maurice Michel-Schmidt devenant directeur des Travaux Publics des Établisse-
ments Schneider. Malgré la centralisation des principaux services de la firme à Paris, la direction de
la DTP reste, dans un premier temps, à Chalon, près de son personnel.
Mais en 1909, elle s’installe en définitive à Paris, où elle dispose de son propre service commercial.
Charles Laroche succède alors à Maurice Michel-Schmidt, qui part pour le Havre comme entrepre-
neur de travaux publics. Laroche est l’ancien maître d’ouvrage des chantiers du Havre. D’abord
ingénieur du service maritime de la Seine Inférieure, il a ensuite travaillé à la société d’études des
ports de l’Empire ottoman, consortium détenu à 25 % par Schneider 35.
Il s’occupe du brise-lames d’Alexandrie et resserre encore les liens avec Hersent pour les affaires
portuaires complètes, qui demeurent le but principal de la DTP.
La DTP reste présente en Amérique du Sud jusqu’en 1910, notamment à La Paloma (Uruguay),
mais n’est pas retenue à Pernambouc et à Buenos Aires.
Hersent et Schneider s’intéressent, en commun, à des ports au Mexique. Le groupement obtient, en
1912, le port de la Barra en Uruguay, mais il s’agit de la dernière affaire car la présence de Schneider
en Amérique latine, en dehors de Rosario, touche à sa fin.
LE RECENTRAGE GÉOGRAPHIQUE
DES ACTIVITÉS INTERNATIONALES DE DTP
En fait, tirant les leçons de ses aventures lointaines en Extrême-Orient et en Amérique latine,
parfois couronnées de succès mais parfois aussi sources de problèmes et de déboires, la DTP se
recentre progressivement sur les colonies d’Afrique et sur l’Est de l’Europe, encore mal équipé en
infrastructures, pour ses activités hors du territoire métropolitain.
Lyautey (1854-1934),
Le Maroc dans son appartement parisien
de la rue Bonaparte à Paris
© Harlingue / Roger-Viollet.
Suite à l’établissement du Protectorat français au Maroc en 1912, le
général Lyautey met en place une administration française et cherche
à relancer la vie économique du Maroc. Il décide en particulier la
construction d’un grand port moderne et choisit, à cet effet, le site
35 - Le Consortium des Ports ottomans
Lyautey de Casablanca. Schneider et son associé Hersent obtiennent, à l’issue a été formé par Schneider, Hersent,
d’un concours international, le contrat de réalisation des travaux. la Société de Construction des
Ces derniers s’élèvent à 46 millions de F 36, alors que le budget du Batignolles et la Régie Générale des
Chemins de fer.
Maroc ne dépasse pas 16 millions ! Un emprunt émis en France, 36 - Soit l’équivalent de 140 millions
en 1914, couvre largement cette somme. Le Maroc représente d'€ 2010.
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L’Europe orientale
En Europe orientale, le principal projet de Schneider fut celui du port Empereur Pierre le Grand,
réalisé de 1913 à 1917 en association avec Hersent et Ackerman Van Haaren. Ce port, situé à Reval,
aujourd’hui en Estonie, était le 2e de la Baltique et devait être impérativement modernisé. Il abritait,
en outre, des chantiers navals dont Schneider devait assurer la gestion.
Les
La collaboration avec les banques est loin concession attribuée au groupe Hersent-
d’être toujours fructueuse, les intérêts di- Schneider en 1902, les deux sociétés es-
vergeant souvent. Les industriels français saient de trouver le financement auprès des
relations
se « révoltent », dans les années 1900, banques, mais elles échouent et, in fine,
contre la politique des banques qui lèvent doivent s’entendre avec le gouvernement
des emprunts obligataires, offrant aux argentin pour aboutir.
avec
économies étrangères les moyens de les La fondation par Schneider en 1904 de la
concurrencer. Banque de l’Union Parisienne (BUP), notam-
La collaboration avec les banques aboutit ment pour répondre à des projets portuaires
les
parfois à des échecs (Paratoff en Russie en (Pernambouc et Buenos Aires), n’améliore
1897, en raison des erreurs de la Banque de pas la situation.
Paris et des Pays-Bas), parfois à des « ca- Il faudra attendre les années 1910 pour que
banques
fouillages » dans des montages d’opéra- les banques françaises, réprimandées par le
tions de ports (Rosario et Pernambouc). Quai d’Orsay, apportent un soutien plus actif
Dans le cas du port de Rosario, une fois la aux industriels français.
Schneider entrepreneur à la découverte du monde
Avec l’arrivée de la guerre de 1914-1918, la DTP réduit son chiffre d’affaires en France, mais dé-
veloppe son activité dans les colonies. Elle produit des ponts de campagne et effectue nombre de
travaux de renforcement de ports et de cantonnements, ainsi que des centrales électriques, dont
l’importance va devenir croissante.
L’ENTRE-DEUX-GUERRES
ET L’ENTRÉE DANS LE DOMAINE
DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU PÉTROLE
LES INFRASTRUCTURES HYDRO-ÉLECTRIQUES
LE PÉTROLE
Un texte de loi du 16 mars 1928 encourage l’industrie française à s’intéresser au raffinage du pétrole.
En six ans, le nombre des raffineries, situées pour l’essentiel dans les ports où Schneider est déjà
présente, va passer de 2 à 15 en France. La DTP se lance dans la réalisation d’usines clés en main
et la Compagnie Française de Raffinage, née en 1929, lui commande des réservoirs et des unités
de cracking qui assurent la transformation du pétrole en sous-produits. Elle construit également
l’usine de Gonfreville puis celle de Martigues.
Mais Schneider est également très actif en Afrique du Nord, où sa présence permanente lui assure
des revenus récurrents. Elle réalise notamment des extensions, dans de bonnes conditions finan-
cières, aux ports de Casablanca et de Safi transformés en ports phosphatiers, ports où elle est déjà
intervenue. Le programme d’électrification du Maroc constitue, par ailleurs, à cette époque une
source importante d’activité, avec des constructions de centrales thermiques et hydrauliques, des
lignes de transport et de distribution d’électricité et des caténaires. Le groupe livre, à cette occasion,
de nombreux équipements tels que vannes, conduites, ponts roulants, dans le cadre de sa stratégie
traditionnelle associant activités d’entreprise et activités industrielles.
Le port
d’Alger
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Schneider entrepreneur à la découverte du monde
Plus importants encore, les travaux de la digue du port d’Alger nécessitent une compétence acquise
dans les difficiles travaux de Casablanca. La Chambre de Commerce, concessionnaire des travaux,
doit réaliser une jetée d’1,5 km, par 15 m de fond, et lance à cet effet au début des années 20,
un concours international que remporte la DTP, qui s’associe à Hersent et Daydé pour exécuter les
travaux. Laroche et Bénézit, son adjoint, ont prévu d’utiliser des blocs de 450 tonnes autobloquants.
Il faut concevoir un portique supportant ce poids dont le modèle est déposé par la DTP. Elle en
déposera d’autres, à l’occasion de cette réalisation, d’un grand renom à son époque.
En Europe même, le groupe s’intéresse aux ports du Pirée, de Budapest et de Gdynia. Le port de
Budapest, en dépit de multiples difficultés liées à la situation politique, est livré en 1928. Silésie
L’entreprise participe aux côtés de la SCB aux travaux du port de Gdynia, où le consortium français
rencontrera souvent des problèmes pour obtenir ses règlements.
La DTP réalise, par ailleurs, un chantier majeur en Pologne, la ligne de chemin de fer Silésie–Baltique
(Herby-Nowe-Gdynia), tout en participant au capital de la Compagnie franco-polonaise de chemins
de fer chargée de l’exploiter. Elle exécutera jusqu’en 1939 environ 500 km de voies ferrées.
■ 3e phase : entre-deux-guerres
Stratégie France, colonies, Europe de l’Est, avec développement dans le domaine de l’énergie
électrique (stratégie électromécanique de Schneider) et démarrage d’activités de diversification
(pétrole/gaz, entreprise générale industrielle) aux côtés des activités traditionnelles portuaires et
ferroviaires qui se poursuivent.
Durant la 1re phase, Schneider, l’un des acteurs majeurs du grand mouvement de mondialisation
ferroviaire, n’hésite pas à s’engager, de façon active, dans des opérations souvent considérables.
Celles-ci débouchent parfois sur des partenariats public-privé (PPP) qui nécessitent l’investissement
de capitaux importants dans des sociétés concessionnaires. Cette politique de PPP, qui sera poursuivie
par Schneider dans la phase ultérieure, celle des ports, est évidemment un atout considérable pour
la DTP. Celle-ci bénéficie de l’appui de son groupe et opère donc dans des conditions financières
favorables. Elle peut assumer seule certains contrats, mais s’associe souvent, notamment à l’export,
avec des entreprises de construction. Ceci étant, la DTP reste une entité de taille réduite, ses effectifs
ne dépassant pas 350 personnes lorsque Pradel en assure la direction. En outre, les chantiers de
Chalon apparaissent clairement, pendant plusieurs décennies, comme un auxiliaire qui ne reçoit pas
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D’un point de vue géographique, Schneider comprit l’intérêt et le potentiel considérable que pou-
vaient représenter les colonies françaises. Ce nouvel espace économique, à fort potentiel puisque
démarrant de zéro, bénéficiait, évidemment, d’un environnement politique légal et financier beau-
coup moins incertain que celui de l’Amérique du Sud ou de l’Extrême-Orient. Durant cette période, la
DTP se présente comme une entreprise « hybride », dont l’une des priorités est d’écouler les produits
industriels de Schneider mais qui cherche, en parallèle, à développer ses propres compétences de
construction et d’entreprise générale. Bien que sa taille et ses effectifs soient en forte augmentation,
elle continue néanmoins à former des consortiums avec des sociétés de génie civil « amies », telle
que Hersent, dans le cadre des grands projets. Cette approche partenariale lui permet à la fois de
progresser en expertise et d’assurer une meilleure maîtrise de ses risques que par le passé. La DTP
établit ainsi les bases de son développement futur.
La DTP était déjà une entreprise importante en 1913 avec un chiffre d’affaires de 12 millions de F,
soit l’équivalent de 36 millions d'€ 2010.
Durant la 3e phase, de 1920 à 1940, Schneider ne modifie pas sa stratégie géographique, fondée
sur l’Europe et les colonies. En revanche, le groupe du Creusot prend le virage de l’électricité et
entre de plain-pied, comme l’un des grands acteurs, dans le marché de l’électromécanique.
La DTP bénéficie, là encore, du mouvement stratégique en l’accompagnant et en y apportant ses
compétences spécifiques, en s’associant d’abord, sur les nouveaux marchés comme les barrages,
avec de véritables spécialistes, GTM et SGE par exemple, puis en développant progressivement une
expertise propre dans le domaine du génie civil de ce type d’ouvrages.
Nous disposons d’éléments bilantiels à partir des années 20. L’activité de la DTP est enregistrée compta-
blement en trois parties distinctes : entreprises directes, participations gérées, participations non gérées.
Les « entreprises directes » correspondent à des contrats de taille petite ou moyenne, réalisés par le
groupe seul, dans des domaines variés : pétrole, hydrogénation de houille, poudreries, électricité, etc.
Les participations gérées et non gérées concernent des contrats de taille importante, en forte
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Le Creusot,
atelier d’ajustage de blin-
dages et atelier de finissage
des blindages de navires
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majorité dans le domaine portuaire et accessoirement dans les barrages et les projets ferroviaires.
Les participations gérées sont plus rémunératrices en raison des honoraires de gérance qu’elles
impliquent. Le chiffre d’affaires des participations non gérées, parfois qualifiées de « dormantes »,
n’est généralement pas comptabilisé. Ces affaires non gérées sont utilisées par la DTP comme un
moyen d’apprentissage et de formation dans des affaires où elle estime ne pas maîtriser suffisam-
ment les techniques à utiliser, le béton armé par exemple.
Nous ne disposons pas des résultats de 1920 à 1925, mais différents docu-
ments mentionnent qu’ils ont été nettement bénéficiaires de 1920 à 1924, et
déficitaires en 1925 suite à des difficultés sur le contrat du barrage des Rhues
dans le Massif central.
Au-delà de 1926, les marges sont très fluctuantes d’une année à l’autre, va-
riant de 2 % à 12 %, mais les moyennes sont néanmoins remarquablement
élevées : 7,6 % pour la période 1926-1931, 7 % pour la période 1931-1936.
Même si l’on opère un correctif en ajoutant au chiffre d’affaires la quote-part
de la DTP dans les participations non gérées, le résultat s’élève néanmoins à
5 %, en moyenne, du chiffre d’affaires sur la période 1926-1936. La DTP, tout
en restant spécialisée dans les grands projets, avait réussi à bien équilibrer
son portefeuille et dégageait d’excellentes marges, certaines implantations
Vue partielle de l’atelier étant semble-t-il très rentables. Ainsi disait-on souvent avant la Seconde Guerre
de grosse chaudronnerie des mondiale que les agences ou filiales de Schneider en Afrique du Nord lui permettaient de payer la
chantiers de Chalon-sur-Saône totalité de ses dividendes.
archives Schneider.
En tout état de cause, Victor Bénézit, polytechnicien de la promotion 1900, qui succède à Charles
Laroche en 1922, aura réussi une très belle performance stratégique tout au long de la période où il
préside aux destinées de la DTP. Cette dernière deviendra une entreprise de construction de premier
plan et Victor Bénézit obtiendra de bien meilleurs résultats que bon nombre de ses concurrents
comme SCB, SGE ou GTM. Il surmontera remarquablement les effets de la crise économique du
début des années 30 et n’enregistrera des difficultés qu’à l’approche du second conflit mondial.
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Le groupe n’a jamais paru aussi puissant à l’aube des années 30. Après une décennie d’investisse-
ments, de développement de nouveaux produits et de mise en place de coopérations industrielles,
son chiffre d’affaires a atteint 580 millions de F en 1926-1927, puis 742 millions de F en 1929-1930.
Certes, la croissance réelle en francs constants est plus faible, mais elle demeure respectable : + 5 %
l’an. Vers 1930, le groupe emploie 130 000 personnes, dont 10 000 seulement au Creusot qui
n’est qu’un établissement, certes important, dans un groupe diversifié. Les activités traditionnelles
comprennent la métallurgie pour un peu plus de 20 % du total, les activités navales pour près d’un
tiers, l’armement pour près d’un quart et la construction, secteur de la DTP, dont le poids varie entre
5 % et 10 % du total, compte tenu de la cyclicité de son chiffre d’affaires. La grande nouveauté
est l’électricité avec, notamment, le développement continu de l’usine de Champagne-sur-Seine
qui produit tous types d’équipements et de matériels électriques, et qui apporte des synergies à
l’activité de la DTP. Sa part reste toutefois minoritaire à l’échelon de l’ensemble du groupe qui,
curieusement, ne cherche pas à y acquérir son autonomie.
Il procède d’abord à des achats de brevets à des « inven- Données financières du groupe Schneider
teurs » extérieurs, puis noue en 1929 une alliance straté- Chiffre d’affaires 1926 : 580 MF soit environ 340 M€ 2010
gique avec Westinghouse qui permet de donner à l’usine
1929 : 742 MF soit environ 400 M€ 2010
de Champagne une véritable dimension européenne.
activité BTP : 5% à 10 % du total (hors participations non gérées)
Après 1930, les années de crise vont s’avérer difficiles à Capital 1837 : 4 MF x 4,2 37 soit environ 19 M€ 2010
surmonter. Aucun domaine ne sera épargné, mais les ac- 1873 : 27 MF x 3,6 37 soit environ 108 M€ 2010
tivités nouvelles liées à l’électricité vont particulièrement 1924 : 100 MF x 0,74 38 soit environ 83 M€ 2010
souffrir. Sa filiale spécialisée, le Matériel Électrique SW, va
37 - Estimé par interpolation entre les
subir des pertes régulières pendant la décennie qui précède
années 1800 et 1900
le second conflit mondial. Sa concurrente Alsthom rencontrera d’ailleurs le même type de problèmes. 38 - Coefficient INSEE
En revanche, Jeumont, société sœur de SPIE dans le groupe Empain (cf. chapitre suivant), résistera
mieux car elle pourra bénéficier des marchés captifs apportés par ses sociétés sœurs : métro de
Paris, tramways, sociétés de production et distribution d’électricité, etc. La stratégie d’intégration
d’Empain s’avéra en fait plus adaptée à la conjoncture difficile de cette phase de crise économique.
En définitive, la société électrique du groupe Schneider ne sera sauvée que grâce à l’appui des Le comité des Forges
autres secteurs. de France : la commission
Il est intéressant de noter l’appauvrissement patrimonial dû à l’inflation galopante des années 1920. de direction en 1914. Premier
Le capital de Schneider a en fait diminué, à francs constants, entre 1873 et 1924. Le manque de rang, quatrième à partir de la
dynamisme de l’économie française avant 1914, et le gauche, Eugène Schneider
© Collection Roger-Viollet
séisme de la Première Guerre mondiale sont, sans nul
doute, à l’origine de cette destruction de valeur. Schnei-
der est sans conteste un géant de l’industrie française
durant l’entre-deux-guerres mais sa position, comme
celle de l’économie française, s’est en fait affaiblie à
l’échelon mondial au terme du demi-siècle qui vient
de s’écouler depuis l’instauration de la IIIe République.
Le comité des
Forges
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« JE HAIS CES CŒURS PUSILLANIMES QUI, POUR TROP PRÉVOIR LES SUITES
DES CHOSES, N’OSENT RIEN ENTREPRENDRE. »
EMPAIN
LE GROUPE
LE METRODE PARIS
ET LA NAISSANCE DE SPIE
1900
ÉDOUARD EMPAIN :
UN ENTREPRENEUR HORS DU COMMUN
L’empire industriel Empain est né en Belgique au XIXe siècle de l’extraordinaire esprit d’entreprise
de son fondateur, Édouard Empain 39, qui fut anobli en 1907 avec le titre de baron en raison de
l’exceptionnelle réussite de son groupe. Son rôle déterminant dans l’organisation de la logistique
de l’armée belge durant le premier conflit mondial lui valut, par ailleurs, d’être nommé général en
1917. Il devint de ce fait le « général baron Édouard Empain ».
Rien ne le prédisposait pourtant à une telle carrière. Son père François-Julien, descendant
d’une famille de petits brasseurs de bière, était l’instituteur du village. Aîné d’une famille
nombreuse de sept enfants aux ressources limitées, Édouard ne put débuter ses études
Édouard
Empain secondaires qu’à l’âge de 15 ans mais, les temps étant difficiles, il dut quitter le collège
trois ans plus tard pour gagner sa vie. Il entra alors comme dessinateur à la Société Mé-
tallurgique à Bruxelles, entreprise spécialisée dans la production de matériel ferroviaire,
tout en suivant avec assiduité des cours du soir pour compléter sa formation. Il n’obtint
jamais de diplôme d’ingénieur mais, selon la rumeur publique, il aimait néanmoins qu’on
l’appelât « Monsieur l’Ingénieur » lorsqu’il atteignit l’apogée de sa carrière. Son poste de
dessinateur l’amena à collaborer à la mise au point d’une locomotive pour voies étroites, Le général baron
Édouard Empain
première mission qui fut déterminante dans l’orientation de sa carrière. Remarqué par un des archives SPIE.
administrateurs du groupe, Arthur du Roy de Blicquy, il gagne sa confiance et son soutien pour la
création de ses premières entreprises en Belgique.
Esprit curieux, il poursuivait pour son propre plaisir des études de géologie en parallèle avec sa 39 - Voir annexe 11, généalogie simpli-
carrière professionnelle dans le domaine de la mécanique. Consulté à titre d’expert par un banquier fiée de la famille Empain.
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français, Henri de Lamonta, dans une affaire de carrières en Belgique, il produisit une analyse et
Le Congo un rapport dont la rigueur et la qualité frappèrent le donneur d’ordre. Ce fut l’origine des relations
belge amicales et d’affaires avec ce banquier, qui permirent à Édouard Empain de s’introduire et de se
faire apprécier dans les milieux économiques et politiques français.
Fort de ses appuis dans les deux pays et, bien sûr, de ses qualités d’entrepreneur, il put y développer
de fortes positions industrielles, principalement dans le domaine des transports, tout en s’adaptant
aux évolutions du marché. Selon M. Fauvelais 40, les capitaux investis se répartirent comme suit :
Période 1883-1887 : 96 % dans les chemins de fer secondaires Il anticipa et accompagna les
évolutions technologiques et
Période 1887-1900 : 72 % dans les chemins de fer secondaires
comprit, en particulier, tout
21 % dans les tramways le potentiel que représentait
7 % dans le métro de Paris le développement de l’élec-
Période 1901-1913 : 13 % dans les chemins de fer secondaires tricité. Son groupe se pré-
sentait comme une galaxie
22 % dans les tramways
complexe de holdings et de
42 % dans le métro de Paris sociétés opérationnelles, fruit
23 % dans la production d’électricité de son imagination et de sa
Heliopolis
et les matériels électromécaniques force créatrice, mais il savait
y faire jouer les synergies
entre sociétés sœurs. Ses in-
vestissements dans le domaine des transports étaient, en fait, fondés sur le triptyque conception,
réalisation, exploitation, ce qui permettait de générer de nombreuses coopérations intragroupes.
Édouard Empain enregistra évidemment quelques échecs dans le foisonnement de ses projets, mais
il réussit à bâtir un groupe puissant et rentable, ce qui lui valut l’estime et le respect des communau-
tés financières et industrielles. Entrepreneur dans l’âme, il ne manqua pas d’élargir ses domaines
d’activités vers la métallurgie, la mécanique, l’immobilier, la construction, la banque. Il s’intéressa
à bien d’autres contrées que la Belgique et la France, saisissant en particulier les opportunités
qu’offrait la colonisation du Congo belge. Il réalisa, en outre, un projet grandiose en Égypte, la
construction d’une ville nouvelle de 30 000 habitants à Héliopolis, dans la banlieue du Caire. Il fut
inhumé en 1930 dans la crypte de la cathédrale qu’il y avait fait ériger, privilège autrefois réservé
aux rois et aux reines !
LE CONCOURS DE LA CRÉATION
DU MÉTRO DE PARIS
La Ville de Paris ne faisait plus face, à la fin du XIXe siècle, à l’explosion des besoins de transport et
malgré la création de multiples tramways, il apparaissait nécessaire de réaliser un métropolitain.
Elle reçut un nombre considérable de projets de construction de transports par voie ferrée, et souvent
à vapeur, au cours du XIXe siècle. L’installation d’un ensemble de transport en commun souterrain
était une gageure, et seule l’utilisation de l’électricité comme force motrice permettait de résoudre
les problèmes liés à l’aération d’une voie souterraine.
En 1890, un entrepreneur, J.B. Berlier, avait suggéré un système de tramways tubulaires souterrains
sous Paris. Il s’agissait de mettre en œuvre la méthode dite du « bouclier », un tunnelier aux carac-
40 - « Histoire des groupes Empain téristiques sommaires dont la poussée s’effectuait à l’aide de vérins, la protection des ouvriers étant
et Schneider », archives Empain. assurée par un avant-bec métallique. Les tunnels devaient être peu profonds et les rails devaient
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LE LANCEMENT DU CONCOURS
Ce projet prévoyait une voie étroite et l’emploi de trains légers à trac-
tion électrique. La construction des infrastructures de génie civil était
réalisée par la Ville de Paris, les installations électriques, la fourniture
du matériel roulant et l’exploitation étant, quant à elles, du ressort d’un
concessionnaire. Il fut adopté par délibération en date du 9 juillet 1897.
Il fut décidé qu’au terme de la concession, tous les réseaux reviendraient
à la Ville. La durée pratique de la concession ne devait pas excéder 40
ans, la Ville entrant gratuitement à son expiration en possession de la
superstructure et des immeubles nécessaires à l’exploitation : usines
d’électricité, ateliers, dépôts.
La municipalité assumait la totalité du risque des travaux d’infrastruc-
tures, tandis que le concessionnaire portait tous ceux relatifs au matériel
et à l’exploitation de la superstructure.
Premiers pro- L’appel d’offres ne prévoyait aucune subvention ni garantie d’intérêt. La
jets du métro Ville demandait, au contraire, une redevance de 10 centimes par billet Paris. Coupe des égouts de la
parisien rue Saint-Antoine. À gauche :
de première classe et de 5 centimes par billet de seconde classe pour couvrir le service de la dette
mise en place pour financer les infrastructures de génie civil. Les prévisions du nombre de voyageurs, l’ancien égout ; au centre : le
fondées sur les statistiques d’utilisation des omnibus et des tramways, étaient assez fiables et les métro ; à droite : l’égout col-
coûts de génie civil bien cernés par les services techniques de la municipalité, qui disposaient des lecteur. Aquarelle du musée
d’Hygiène de Paris, 1900,
références des travaux d’assainissement réalisés en sous-sol. Les niveaux de redevance demandés © Boyer / Roger-Viollet.
permettaient donc à la Ville d’envisager sereinement l’équilibre financier de son projet 41. Le prix
du billet de seconde classe était fixé de façon indicative à 20 centimes, incluant une redevance de
5 centimes.
Le préfet invita les candidats à la concession à se manifester entre le 5 mars et le 5 avril 1897 pour
produire leurs offres. Il était spécifié que chacun demeurait libre de faire les propositions que son
expérience lui suggérait, la Ville se réservant de traiter « avec celui qui apporterait les plus avan-
tageuses ». Six demandes en concession furent déposées et une commission fut constituée pour
examiner, en détail, les différents projets. Celle-ci proposa de ne retenir, au final, que deux d’entre
elles, celle de la Compagnie Générale de Traction, filiale du groupe Empain et mère de la future SPIE,
appuyée par M. Schneider & Compagnie, et celle de M. Lalance, directeur du secteur électrique de
Clichy, appuyé par la Banque de Paris et des Pays-Bas.
L’offre de la Compagnie Générale de Traction prévoyait, entre autres, des billets ouvriers. Au prix de
Fulgence 20 centimes aller-retour, ils étaient utilisables jusqu’à 9 h du matin, et le concessionnaire en étendit
Bienvenue la validité au dimanche matin. Il institua également un tarif de 5 centimes pour les enfants des
écoles communales accompagnés de leurs maîtres. La première classe fut négociée à 25 centimes,
dont 10 pour la Ville.
En fait, Édouard Empain proposa à la Ville une véritable politique tarifaire fondée sur une hypothèse
de forte élasticité de la demande, que les faits confirmèrent. Cette approche tarifaire créative, que
la Ville n’avait pas envisagée et que les autres concurrents rejetaient – ils se refusaient à baisser les
prix des billets – fut la clé de son succès. Soulignons, également, que la Compagnie Générale de
Traction prévoyait pour le personnel ouvrier un statut en avance sur son temps : durée de travail
de 10 heures et instauration de congés payés.
L’ingénieur en chef Bienvenüe fit un rapport à la commission d’examen des offres, le 14 avril 1897,
sur les projets retenus. Le caractère moderne et innovant du projet Empain lui valut de l’emporter.
Il fut désigné à l’unanimité et le rapport de cette commission, adopté sans réserve par le préfet
Julien de Sèlves, fut transmis le 8 mai 1897 à la Ville de Paris.
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Le groupe Empain, le métro de Paris et la naissance de SPIE
Tickets de
publics décidèrent de fixer le prix de vente du ticket à un niveau inférieur à son prix de revient. métro
L’écart était compensé par le versement d’une subvention. jusqu’à 1918
À la mort du général baron en 1929, la CMP avait un effectif de 10 000 personnes et transportait
400 millions de voyageurs par an sur un réseau de 130 km de voies. Au lendemain de la guerre et
à la veille de la nationalisation, la CMP transporta plus de 1 milliard de passagers.
Du lancement du métro, l’histoire ne retient souvent que le nom de Fulgence Bienvenüe, directeur
des services techniques de la Ville de Paris. Mais à une époque où tous doutaient, c’est bien Édouard
Empain qui sut mobiliser toutes les ressources humaines, financières et techniques nécessaires à sa
Paris (XVe et XVIe).
réalisation. Il eut foi en son projet gigantesque, aidé par une poignée d’hommes qui l’assistèrent
Le pont de Bir-Hakeim,
et jouèrent un rôle déterminant dans le succès de l’opération : les administrateurs et dirigeants
autrefois pont de Passy,
de la SPIE, Jean Benard, André Berthelot et Marcel Ulrich, Raymond Legouez, adjoint de Fulgence
construit de 1903 à 1906.
Bienvenüe, qui rejoignit la CMP, et Christian Devillers, polytechnicien, fils spirituel du général baron, © ND / Roger-Viollet.
entré à la CMP en 1922, et qui fut le premier à lancer le concept du RER, le réseau express régional.
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« C’EST LA NUIT QU’IL EST BEAU DE CROIRE À LA LUMIÈRE. »
LASPIE ET
L’ELECTRIFICATION
DES CHEMINS DE FER, DES USINES,
DES VILLES ET DES CAMPAGNES…
L a Société Parisienne pour l’Industrie des Chemins de Fer et des Tramways Électriques, qui a
pour objet à l’origine, en 1900, l’étude, le financement et la réalisation de l’alimentation électrique
André
Berthelot
des réseaux ferrés, va se diversifier vers les industries de production et de distribution d’électricité.
Elle sera rapidement connue sous le sigle SPIE.
Son premier conseil d’administration se tient à Paris le 30 mai 1901. Il désigne André Berthelot, fils
du chimiste Marcellin Berthelot, comme président, poste qu’il occupera jusqu’en 1937. Le capital
de la société est fixé à 25 millions de F.
SPIE deviendra progressivement à la fois une société holding et une entreprise d’ingénierie et de
travaux, intervenant très largement pour ses sociétés filiales, concessionnaires de transports ferro-
viaires et urbains ou productrices et distributrices d’électricité.
Le portefeuille initial de la SPIE est très éclectique. Il comprend des participations dans les tramways
de Lille, dans divers tramways de la banlieue nord de Paris, dans les chemins de fer du Calvados, dans
divers chemins de fer d’intérêt local (à Rennes, dans la Haute-Saône, le Jura, la région de Reims) et
à l’étranger dans les tramways de Tachkent, en Ouzbékistan, sans compter une participation très
exotique dans les tramways d’Astrakhan, à traction animale !
SPIE participe, dès 1902, à la création de la Société d’Électricité de Paris (SEP), reprend en 1904 les
ateliers de Jeumont, par la suite dénommés FACEJ, et devient actionnaire du Métro de Paris. Elle
détiendra ultérieurement des participations dans les autres sociétés de production et de distribution
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d’électricité contrôlées par Empain en France : électricité et Gaz du Nord, électricité de la Seine,
Société Nantaise d’éclairage et de Force par l’électricité.
Les différentes sociétés françaises du groupe Empain constituent en fait un marché captif pour le
service Travaux de SPIE qui travaille en partenariat avec elles pour la conception et la réalisation des
ouvrages. Ce service Travaux bénéficiera donc de la puissance du groupe Empain, qui avait réussi
à mobiliser de très importants capitaux en début de siècle. Il sut se concentrer sur ses domaines
d’excellence et éviter les aventures grandioses trop risquées. En dehors de la France, il se tourna
presque exclusivement vers les colonies, en s’associant avec d’autres sociétés de son groupe pour
la réalisation, en entreprise générale, d’ensembles industriels dans le domaine de l’énergie et des
raffineries.
Au début du XXe siècle, les voies ferrées restent généralement le mode de transport le plus économique.
On continue donc à réaliser des tramways urbains, des chemins de fer métropolitains, ainsi que
des chemins de fer d’intérêt local
ou général, permettant de relier les
Dès la fin du XIXe siècle, usines, entrepôts et magasins, aux
des projets de tramways réseaux nationaux.
électriques ont émergé
comme ici à Tours, en 1899 SPIE exécute de nombreux projets
(d’après un dessin de Poyet). comprenant des relevés, tracés,
© Collection Roger-Viollet.
nivellements, devis, ainsi que des
travaux d’infrastructures. Elle a élargi
ses compétences au génie civil afin
de proposer une offre plus complète
à ses clients. Elle est ainsi en mesure
de prendre en charge terrassements,
maçonneries et ouvrages d’art en
complément des travaux purement
47 - Avant 1908, elle avait à son actif
ferroviaires (pose de voies et d’appareils de voies, ballastage, dépose de voies, etc.).
le ballastage et la pose des voies de
roulement et du troisième rail conduc- SPIE obtient de multiples adjudications des services « voies et bâtiments » et « lignes nouvelles »
teur des lignes suivantes :
des grandes compagnies de chemins de fer françaises dans les projets dits d’intérêt général, et
n° 3 et 3 bis : Porte des Lilas - Porte
Champerret, participe également à la construction des lignes d’intérêt local, notamment celles gérées par les
n° 4 : Porte de Clignancourt - Porte sociétés concessionnaires de son groupe, déjà citées.
d’Orléans,
n° 7 : Porte de la Villette - Pré Saint-
Gervais Cette activité « d’offre globale » concerne aussi les raccordements industriels, qui constituent l’une
n° 8 : Auteuil - Place de l’Opéra. de ses spécialités. Elle se charge non seulement d’établir des projets et de les défendre auprès des
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La SPIE et l’électrification des chemins de fer, des usines, des villes et des campagnes…
compagnies de chemins de fer intéressées, mais encore de rédiger les contrats d’embranchements
au mieux des intérêts de ses clients.
Montrant à nouveau son goût pour l’innovation, elle développe après le premier conflit mondial
une nouvelle activité : la création des lignes de contact pour traction électrique – caténaires – qui
exigent un personnel et des équipes bien entraînées car elles sont généralement exécutées dans
des conditions difficiles sur des voies ferrées en service. Les Chemins de Fer du Midi lui passent
commande de la caténaire Montrejeau-Luchon. Les Chemins de Fer Paris-Orléans lui confient
l’électrification de la voie quadruple Étampes-Brétigny, qui exige des prouesses techniques du fait
de l’intensité du trafic, du poids et de la vitesse des trains.
Locomotive électrique
du réseau Paris-Orléans
© Collection Roger-Viollet.
Centrale de
Saint-Denis
Centrale de Saint-Denis les souvenirs amers qu’il laissa expliquent en partie, au-delà des problèmes purement politiques, la
© Médiathèque EDF.
décision de nationalisation prise après la Seconde Guerre mondiale.
Dans le domaine des stations centrales thermiques, la SPIE fut particulièrement active dans le Nord
de la France pour le compte d’une société de son groupe, la Société Électricité et Gaz du Nord, à
Jeumont, Maubeuge, Lomme, Valenciennes-Anzin et Aulnoye.
Elle s’impliqua également dans le développement de l’aménagement des chutes d’eau et la construc-
tion des stations centrales hydro-électriques. En parallèle, le groupe Empain prit, à travers la SEP,
des participations dans des sociétés productrices d’énergie électrique hydraulique dans le Sud de
la France.
Elle érigea une part significative des lignes électriques aériennes installées en France, après la guerre 48,
48 - Notamment Jeumont-Hirson et La
Carnaille-Fourmies, les lignes 15 000
et participa à la mise en place de nouveaux réseaux de distribution basse tension 49.
volts des Chemins de Fer du Midi à
Dax, Orthez, Pau, etc. Pour l’alimentation des grandes agglomérations à forte densité de population, les canalisations
49 - Jeumont, Reims, Valenciennes,
électriques souterraines étaient considérées comme préférables, en raison d’une meilleure sécurité
Sains du Nord, Orsinval, Solesmes, Le
Quesnoy, Salins en Amiénois, Bavay, d’exploitation. À la fin des années 1920, on atteignait 60 000 volts dans ces canalisations souter-
etc. raines. La SPIE sut se montrer innovante commercialement : son service Travaux s’occupait de la pose
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La SPIE et l’électrification des chemins de fer, des usines, des villes et des campagnes…
canalisations 60 000 volts avec feeder entre la sous-station de Billancourt et le poste de transfor-
mation aérosouterrain de Villejuif.
PIPELINES ET RAFFINERIES
L’intérêt du groupe Empain pour l’énergie l’amènera naturellement à s’intéresser au gaz et au
pétrole. Pendant l’entre-deux-guerres, la France s’est efforcée de rattraper son retard dans le do-
maine des pipelines : canalisations de transport et réseaux de distribution des carburants liquides
et gazeux entre un centre de production et un centre d’utilisation. La SPIE commença ainsi à se
positionner sur ce créneau des pipelines. Elle développa ses compétences dans le domaine des
hydrocarbures – feeders de gaz, pose de gazoducs ou d’oléoducs – et les élargit à la construction
de raffineries de pétrole montées et livrées « clés en main ». En exploitant les procédés techniques
les plus modernes – tubes d’acier et soudure électrique –, la société acquit dans ce domaine une
situation prépondérante : l’étude et la réalisation à Vaux-en-Bugey du premier pipeline à haute
pression installé en France furent le point de départ de nombreuses autres installations : La Pallice,
Sète, Gennevilliers, Le Havre. Usine de liquéfaction de gaz
naturel à Skikda en Algérie
© photos Hugues - Tarbes.
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Comme la Société de Construction des Batignolles et la Direction Travaux Publics de Schneider, SPIE
participa à l’expansion économique des colonies françaises en créant des voies ferrées en Algérie,
au Sénégal, en Côte-d’Ivoire.
Raffinerie de Tamatave,
Madagascar
LE SERVICE TRAVAUX : UNE APPROCHE GLOBALE
archives SPIE. EN ENTREPRISE GÉNÉRALE, CONFORTÉE PAR LES ACTIVITÉS
D’EXPLOITANT DE SON GROUPE
La SPIE vante dans une plaquette commerciale son « organisation puissante, à la fois financière et
technique, ayant pour principal objet le développement de toutes les industries se rattachant aussi
bien aux chemins de fer et tramways qu’à la production et à la distribution de l’énergie électrique ».
L’activité industrielle de SPIE, dans la terminologie de l’époque, se concentre « dans l’exécution
de nombreuses entreprises pour le compte de différents clients, sociétés, grandes compagnies et
administrations publiques. Étudier, entreprendre et mener à bonne fin toutes installations et tous
travaux concernant les chemins de fer, voies ferrées, embranchements et raccordements industriels,
stations centrales, canalisations électriques, etc. Telle est la raison d’être du service Travaux de la
Société Parisienne pour l’Industrie Électrique ».
La société comprend que la complexité des problèmes à résoudre dans l’industrie moderne rend
de plus en plus nécessaire la spécialisation des techniciens ; le rôle de l’ingénieur est primordial et
une affaire n’est saine que dans la mesure où les études préliminaires ont été assises sur des bases
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La SPIE et l’électrification des chemins de fer, des usines, des villes et des campagnes…
Compte tenu de la structure juridique retenue pour la SPIE, il est impossible de disposer de chiffres
comptables pour le seul « service Travaux », département spécialisé rattaché à un holding qui
recevait des dividendes de ses sociétés concessionnaires filiales, mais n’établissait pas de véritables
comptes consolidés. 50 - « Réduire le plus possible la
main-d’œuvre par l’emploi d’engins et
On peut, néanmoins, mettre en évidence les grandes étapes de l’évolution du « service Travaux », d’outils appropriés est la préoccupa-
tion de tous les instants du personnel
notamment l’élargissement de son domaine d’activité, et relever certains éléments quantitatifs ou dirigeant des chantiers à la Société
qualitatifs dans les comptes-rendus des AGO de la SPIE. Parisienne Électrique. »
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En matière de fonds propres, les éléments dont nous disposons ne concernent que le holding SPIE
et seulement ses comptes sociaux. On peut noter que, société de tête du groupe Empain, SPIE
disposait en France de fonds propres largement supérieurs à ceux de la SCB à la veille du premier
Extrait de registre de conseil. conflit mondial : 6 millions de F 1913 pour SCB. On constate néanmoins un net « appauvrissement »
patrimonial en 1927 avec une très forte diminution du capital en francs constants.
Pour les résultats, les chiffres sont encore plus difficiles à interpréter en
Capital en millions Capital en millions l’absence de consolidation des comptes. Les comptes rendus d’AGO
de francs courants de francs constants 1913 donnent des résultats pour le « holding » de 4,1 millions de F en 1902, de
1901 25 28,8 4,1 millions de F en 1913 et de 5,1 millions de F en 1927. Ces résultats,
1902 40 46,0 qui correspondent aux bénéfices provenant du service Travaux et aux
remontées de dividendes des filiales, représentent entre 8 % et 10 %
1913 50 50,0
du capital. Ils sont sans doute inférieurs aux résultats consolidés, si l’on
1927 65 11,9 suppose qu’une partie seulement des profits remonte vers la société mère.
Mais là encore, l’évolution en francs constants n’est pas favorable dans
les années 20, le résultat 1927 ne représentant que 0,9 million de F 1913.
1939 Si la crise économique des années 30 accentua le déclin du groupe Empain, elle n’en fut cependant
en France pas la seule cause. La plus importante fut sans doute la disparition du général baron en mars 1929.
SPIE subit également une lourde perte en 1933 avec le décès accidentel de son directeur général,
M. Ulrich, qui jouait un rôle essentiel dans l’animation du groupe en France. Édouard Empain et
Marcel Ulrich disparus, SPIE, tout en restant financièrement saine, perdit semble-t-il de son dyna-
misme dans les années 30, vivant un peu sur ses acquis antérieurs.
La situation continua évidemment à se dégrader avec la guerre, les résultats 1943 s’élevant à
environ 0,7 million de F 1913 et les fonds propres au 31 décembre 1945 à 10,5 millions de F
1913 seulement. La nationalisation de 1946 s’avéra donc être une très mauvaise opération pour
51 - Hors participations non gérées le groupe Empain, les indemnisations ayant été déterminées alors que la situation patrimoniale et
pour DTP. la rentabilité étaient au plus bas.
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« LIFE IS A TALE TOLD BY AN IDIOT,
FULL OF SOUND AND FURY,
SIGNIFYING NOTHING. »
Port de Djibouti,
archives SPIE.
Les années noires de la guerre et la chute de la SCB
Le gouvernement d’Édouard Daladier fit voter la loi du 7 juillet 1938 portant sur la mobilisation
industrielle en temps de guerre, permettant de conclure des marchés de gré à gré. Les chantiers
effectués par la SCB, en métropole, durant l’année 1939-1940, portèrent sur les fortifications et la
construction d’usines d’armement et la construction de locomotives par sa filiale « la Compagnie
Générale de Construction de Locomotives Batignolles-Châtillon », qui connut alors un remarquable
essor. Les nombreuses commandes de locomotives l’obligèrent
à iinstaller de nouveaux ateliers à Nantes pour son propre
compte, mais également pour celui des ministères de la
co
Guerre et de la Marine. Elle sous-traita divers marchés de
construction d’ateliers à la SCB. Son développement fut
tel qu’elle se proposa, en avril 1940, d’augmenter son
capital social afin de le porter de 20 à 40 millions de F, ce
qu’elle ne fit pas en raison des circonstances.
La guerre impliqua donc le retour de la SCB en métro-
pole, tout d’abord avec des marchés de défense natio-
nale puis, sous Vichy, avec des chantiers en zone libre et
le maintien d’une activité réduite dans l’empire colonial.
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Le 10 août 1940 étaient créés les 200 comités d’organisation pour diriger toute l’activité du pays.
Le 10 septembre, la création de l’Office Central de Répartition des Produits Industriels donnait au
gouvernement le droit exclusif de procéder au partage des matières premières rationnées. La SCB
fut représentée par Gaston Haelling au Comité d’Organisation du Bâtiment et des Travaux Publics,
qui comprenait quatre membres et était assisté de deux commissions consultatives, bâtiment et
52 - Pierre David-Weill était le fils travaux publics.
de David David-Weill, descendant
d’Alexandre Weill qui fut l’associé des Ceci n’empêcha pas les ponctions de l’occupant sur les entreprises françaises en général et sur celles
maisons « Lazard Frères et Cie » à San
Francisco de 1857 à 1880 et à Paris de du BTP en particulier. En effet, les versements de l’État français représentèrent 20 % du revenu
1884 à 1906. national en 1941 et 1942, puis 37 % en 1943 et 27 % en 1944.
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Ernest Goüin prit des dispositions pour permettre à la SCB de rétablir les relations avec ses différents
chantiers de l’extérieur et rechercher des contrats en zone libre, mais les travaux d’aménagement
du territoire, voulus par Vichy, en Camargue et en Sologne, et les marchés privés tel celui des Salins-
de-Giraud pour le compte de Pechiney, restèrent très limités et n’empêchèrent pas un effondrement
de l’activité. Le chiffre d’affaires France ne dépassait pas 15 % du total en 1940-1942 et il était
insuffisant pour compenser l’arrêt d’un grand nombre de contrats internationaux.
Le Reich avait besoin d’une main-d’œuvre active pour remplacer les travailleurs allemands mobilisés.
Fritz Sauckel fut chargé de faire venir, de gré ou de force, le plus grand nombre de travailleurs en
Allemagne et la SCB versa sa part du tribut exigé. Puis, par ordonnance, les autorités décrétèrent
l’interdiction d’ouvrir des grands chantiers civils dont le coût dépassait 0,1 million de F, dans le Nord
de la France, sans autorisation préalable des autorités d’occupation.
En outre, l’occupant procédait, dans le même temps, à d’importantes réquisitions de matériel, de
matériaux et d’hommes et l’on retrouve dans les rapports du conseil d’administration les « pertur- Fritz
bations et brimades que la société enregistre sur ses différents chantiers ». Sauckel
Pendant ce temps, l’activité export n’était guère brillante. La SCB avait dû fermer toute une série
de chantiers en Europe (Pologne, Yougoslavie, Portugal). En Afrique, il fut extrêmement difficile
de maintenir la réalisation des opérations en cours. En 1941, il ne restait plus que les travaux des
chemins de fer du Mozambique qui se poursuivaient, dans des conditions néanmoins si difficiles
que la SCB fut obligée de former une association pour les mener à terme.
Barrage de
Sansanding
Géomètres et ingénieurs
à Djibouti
Archives SCB.
Les autres chantiers de la Société de Construction des Batignolles dans l’Empire souffraient du
poids de la guerre. Le siège social ne reçut aucune nouvelle de Pointe-Noire jusqu’en 1944, ce qui
n’empêcha pas les travaux de se poursuivre. Le port put même servir à accueillir des navires alliés.
Pareillement coupées de la métropole à compter de l’année 42, les agences de Djibouti et d’Abidjan
gardèrent une activité à un rythme ralenti.
La fin de la guerre fut une période très noire pour l’entreprise. Ses dirigeants, confrontés aux
difficultés presque insurmontables de la vie quotidienne et soumis aux législations en vigueur du
régime de Vichy et des autorités allemandes – la famille Goüin était apparentée à la communauté
53 - La construction du barrage
juive par des unions matrimoniales et par les actionnaires de la firme –, durent faire face à des de Sansanding avait débuté en 1934
dilemmes insolubles dans leurs relations avec l’occupant, qui n’hésitait pas à utiliser la menace de et se poursuivit jusqu’en 1947.
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Propagande :
mur de
l’Atlantique
la déportation, moyen de pression usuel pour les nazis. Ernest Goüin accepta, en définitive, de
participer à la construction du mur de l’Atlantique, ce qui lui valut d’être incarcéré à la Libération.
Trois PDG se succédèrent alors à la tête de la firme, du 30 septembre 1944 au 25 octobre 1946.
Jules Aubrun assura l’intérim de la présidence jusqu’au 4 mai 1945. Henry Goüin lui succéda le
24 mai 1945, mais démissionna en 1946 en raison d’un désaccord avec son conseil. C. Candelier,
polytechnicien et membre du corps des Ponts et Chaussées, prit la présidence le 15 février 1946.
Fin 1945, le commissaire du gouvernement rendait une décision de classement dans l’instruction
ouverte contre Ernest Goüin, qui retrouva son poste de PDG le 25 octobre 1946.
LA CHUTE DE LA SOCIÉTÉ
DE CONSTRUCTION DES BATIGNOLLES
La France de l’après-guerre était exsangue. Le rationnement généralisé maintenait une économie
de temps de guerre et les difficultés matérielles étaient considérables pour les entreprises en raison
de la pénurie de matières premières et d’énergie. La fermeture des chantiers de la guerre s’opéra
promptement : les contrats publics et privés furent, en règle générale, résiliés faute de crédits, et
ce fut notamment le cas de celui du barrage de Luzech arrêté fin 1944.
Les destructions résultant des faits de guerre étaient importantes dans un pays qui avait, au de-
meurant, peu investi entre les deux guerres mondiales. Pourtant, les travaux s’avérèrent modestes
dans un premier temps, voire décevants, et le conseil d’administration souligne en 1945 que les
travaux de la reconstruction se sont bornés à « des travaux de première urgence » tandis que les
travaux publics « sont restés à l’état de projet pour des raisons d’ordre budgétaire ou de mise au
point des études ».
Toutefois, dès 1946, les pouvoirs publics commencent à lancer toute une série d’investissements
lourds dans les domaines du charbon, de l’électricité, de l’acier, du ciment et des transports. Toute
la profession des Travaux Publics doit se mobiliser pour faire face à ces marchés considérables. De
son côté, la SCB, qui vient de devenir centenaire, décide en 1946 de procéder à une augmentation
de capital de 240 millions de F, qui lui permet d’investir. Elle est maintenant en mesure d’acquérir
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Pelle Marion
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s’étala sur cinq ans, exigeant notamment 1 000 000 m3 de terrassements. L’inauguration eut lieu
le 25 octobre 1952 en présence de Vincent Auriol qui ne manqua pas de souligner « le caractère Vincent
grandiose » de l’ouvrage. Avec une production de 2 milliards de kWh, la chute de Donzère- Auriol
Ci-contre, barrage
de Donzère-Mondragon :
barrage usinier
et barrage de navigation
Archives SCB.
Ci-dessous, barrage
de Foum-el-Gherza, 1948-1950
Archives SCB.
La SCB voulait également retrouver la place qu’elle s’était constituée dans les
colonies durant l’entre-deux-guerres. Répondant aux appels d’offres relatifs aux
investissements du Fonds d’Investissement pour le Développement Économique et
Social (F.I.D.E.S) et de la Caisse Centrale de la France d’Outre-Mer 56, elle retrouva
Barrage de
une forte position en Afrique Équatoriale Française, et se développa en Afrique du Foum-el-
Nord, particulièrement en Algérie (barrage de Foum-el-Gherza). Elle effectua aussi Gherza
des travaux au Maroc, à Djibouti, au Congo français, au Congo belge, au Cameroun,
en Oubangui-Chari et au port d’Abidjan, en Côte-d’Ivoire.
Mais l’empire colonial français ne suffisait pas aux ambitions des dirigeants de la
SCB. Oublieux des déboires liés à leur politique « tout-export » de l’avant-guerre,
pourtant si proches, ils répondirent de nouveau à l’appel du grand large… Atavisme
culturel, sans doute, volonté de poursuivre les idéaux d’antan et les rêves d’aventures de
leurs prédécesseurs...
La relance de missions de prospection sur les marchés étrangers – Amérique latine, Égypte,
Turquie, Arabie Saoudite et Inde – démarra dès 1946 et dura jusqu’en 1954. Le conseil
d’administration donnait les plus vastes pouvoirs à son délégué afin qu’il puisse conclure des
contrats de travaux. La société ne chercha pas à se réimplanter dans les pays d’Europe centrale,
qui appartenaient désormais au bloc de l’Est. Elle chercha simplement à solder les chantiers
de Gdynia 57 et de Yougoslavie.
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Travaux à Douala,
au Cameroun.
Photos prêtées par M. Émile Eugène.
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La récession du marché français des infrastructures à partir de 1952 58 – qui entraîna une baisse de
30 % du chiffre d’affaires de la profession – aggrava encore la situation de la SCB, qui n’engagea
plus qu’un petit nombre de contrats tel le 3e tronçon du Grand Canal d’Alsace. La poursuite de
l’activité en Afrique était dans ce contexte très problématique, les banques exigeant des garanties
de plus en plus élevées en contrepartie de leurs engagements.
Par ailleurs, la société ne parvenait plus à faire face à ses échéances. Les créanciers de la firme
acceptèrent l’échelonnement des dettes de la SCB en mai 1952, solution qui ne constitua toutefois
qu’un sursis. De 1950 à 1954, la SCB avait constitué des provisions considérables et liquidé une
partie de ses titres en portefeuille.
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La construction du barrage d’Idfina fit bascu- transféré, dans des conditions obscures, à la
Guerre de
ler l’histoire de la Société de Construction des Société de Construction des Batignolles et à la
Palestine de
Batignolles. De 1948 à 1954, l’avenir de la SCB NMH à partir des études de la firme tchèque et 1948
fut largement lié au règlement de la question au niveau de prix de l’ouvrage fixé par celle-ci
d’Idfina. Ce chantier fut obtenu en groupement sans que la SCB en ait contrôlé le bien-fondé.
en mai 1948 avec la Société « Netherlandsche Or, non seulement le coût des travaux s’avéra
Maatschappi Voor Haenwerken » à 50 %, la beaucoup plus élevé, mais en outre le maître
SCB en assurant la gérance. De type barrage- d’œuvre refusa les variantes proposées par la
réservoir-irrigation, l’ouvrage était situé sur la société. Il fallut rattraper le retard des deux
branche Rosette du Nil, suffisamment près de premières campagnes de travaux par une troi-
la mer pour, en périodes de basses eaux, main- sième en 1950 tout en constatant la montée des
tenir un réservoir d’eau douce pour les besoins dépenses.
agricoles du delta du Nil. Long de 483 m, l’ou- Les événements politiques de l’année 1948 en
vrage se composait de 46 arches et nécessitait Palestine entraînèrent une dégradation des re-
250 000 m3 de terrassements et 200 000 m3 de lations diplomatiques entre la France et l’Égypte
béton. compliquant les pourparlers que la SCB enta-
Devant faire face à de nombreuses difficul- mait avec les autorités égyptiennes. Bien que
tés accroissant le coût des travaux, la SCB fut l’administrateur, Yves Bréart de Boisanger, ait
confrontée en permanence au refus du maître été reçu par le ministre des Travaux publics
d’ouvrage de signer un avenant au contrat ini- égyptiens au mois de février 1953 et qu’on ait
tial, ce qui engendra un endettement croissant constaté les défaillances du maître d’œuvre et
que la SCB ne put rapidement plus assumer. les répercussions de la guerre en Palestine qui
Malgré l’incontestable succès technique de avaient bouleversé le chantier, le ministre op-
l’ouvrage, salué par l’État égyptien, ce dernier posa une fin de non-recevoir et conseilla à la
refusa toutes les réclamations qui atteignaient SCB d’introduire une requête en Conseil d’état
presque 2 milliards de F en 1952 59. Bien évi- statuant au contentieux ! Lequel était réputé
demment, certains éléments imprévus avaient pour sa lenteur de procédure… que la Société
gonflé les coûts en cours de construction. Mais de Construction des Batignolles était incapable
la principale cause des déboires tenait à la lé- de supporter.
gèreté dont firent preuve les dirigeants. 59 - Soit l’équivalent
L’affaire avait été attribuée en premier lieu de 40 millions d'€ 2010.
à une firme tchèque et le marché fut ensuite
Le barrage
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Henry Goüin consacra une part importante de sa vie à la mise en valeur de l’abbaye de Royaumont
dont il était propriétaire. Il y installa, dès 1936, un centre culturel international et créa en 1963 la
« Fondation Royaumont (Goüin-Lang) pour le progrès des sciences de l’homme ».
L’APRÈS-GUERRE
Il n’y eut de reprise sensible de l’activité qu’en 1948, lorsque les grands projets français de re-
construction passèrent du stade des études à celui des réalisations et que la société commença à
recueillir les fruits de son intense programme de prospection à l’exportation entamé en 1946. À cet
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égard, les rapports du conseil d’administration à l’AGO du 6 juin 1947 et à l’AGO du 25 juin 1948
sont explicites. Ils affirment avec force : « notre conseil a la volonté de voir la société retrouver à
l’étranger la place prépondérante qu’elle occupait avant 1940 » ; « nous avons, en effet, tourné
nos yeux et nos efforts vers l’étranger ».
L’activité subit ensuite le contrecoup des restrictions budgétaires après 1952, et la société ne pouvait,
par ailleurs, maintenir ses efforts à l’exportation en raison de la dégradation de sa situation finan-
cière. La SCB n’avait donc pu retrouver de façon stable, dix ans après la Seconde Guerre mondiale,
son chiffre d’affaires antérieur.
La rentabilité, quant à elle, évolua d’abord de façon positive mais fut rapidement affectée par
les problèmes égyptiens. L’entreprise réagit alors sur deux fronts. Au plan de la trésorerie, elle
réussit à mobiliser les concours nécessaires pour couvrir son découvert de chantier, le rapport des
commissaires aux comptes sur l’exercice 1949 précisant aux actionnaires que le poste « autres
créanciers » du bilan au 31 décembre 1949 incluait « le crédit pour le barrage égyptien », à hau-
teur de « 552 millions de F » 60, soit un montant supérieur au capital de la société. La situation de
la trésorerie resta toutefois très tendue, et lors de l’AGO relative aux comptes de l’exercice 1950,
venue très tardivement en 1951 – le 20 décembre –, le conseil demande aux actionnaires « de lui
laisser le soin de ne décider la mise en paiement du divi-
dende que lorsque son paiement sera compatible avec
les nécessités de trésorerie de la société » !
Au plan des résultats, la SCB chercha à étaler les pertes
dans le temps, bénéficiant de la bonne rentabilité des
opérations en France et dans les colonies 61. Le conseil, en
pleine contradiction avec lui-même, continue de prôner
un effort constant de prospection à l’export alors qu’il se
félicite de la qualité des contrats français et qu’il reconnaît
que « la réalité est autrement décevante pour certaines
entreprises à l’étranger ».
Il affirme en même temps, comme il est d’usage, sa
satisfaction quant à la performance technique de
l’entreprise, et sa certitude que les provisions passées
pour les contrats étrangers seront largement suffisantes.
Mais bien sûr, comme il est d’usage également, ce ne
fut pas le cas. Il fallut en fait que la SCB complète les
dotations ou provisions jusqu’en 1956, après l’entrée de Les grands maîtres
la SPIE à son capital. de la construction
Monographie des industries du bâtiment,
des travaux publics et des matériaux de construction.
L’annexe 12 montre que, sur la période 1949-1956, la SCB aura donc dû provisionner plus de 1,65
milliard de F, soit plus de trois fois son capital et près de deux fois ses fonds propres. Pour ne pas
désespérer ses actionnaires, elle parvint néanmoins à dégager un résultat positif chaque année et
à distribuer un dividende raisonnable. Mais l’âge d’or était bien révolu : les résultats, amputés par
les provisions, restèrent à des niveaux largement inférieurs à ceux des années 1935-1939, et à plus
forte raison à ceux du début du siècle.
60 - Soit 16 millions d’€ 2010.
Si la SCB put, malgré ses malheurs égyptiens, donner le change en matière de résultats, elle ne 61 - La provision pour impôts repré-
parvint jamais, en revanche, à rembourser intégralement les concours bancaires à court terme qu’elle sentait 90 millions de F au titre de
avait dû mettre en place pour financer le découvert d’Idfina. Les ventes de matériel permirent de l’exercice 1950.
62 - L’augmentation de capital de
le réduire, mais il subsista et la société se trouva à nouveau, en 1954, dans une situation financière 1954 qui permit l’entrée de la SPIE
délicate. Si elle avait stoppé la distribution de ses dividendes dès 1950, ce qui aurait été justifié, s’élevait à 120 millions de F, soit moins
elle aurait sans doute pu continuer à vivre seule 62. Mais cette mesure n’était pas « vendable » à de 4 années de dividendes.
122
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ses actionnaires qui, moins d’un an auparavant, l’avaient suivie une seconde fois dans une aug-
mentation de capital. Ceux-ci réalisèrent peu à peu que la SCB s’était mise dans une impasse. Elle
n’avait plus d’arguments pour convaincre les banques de la soutenir dans le lancement des grands
projets export, dont l’obtention est coûteuse et le plus souvent aléatoire, et qui nécessitent, lors de
leur mise en vigueur, des engagements financiers importants en trésorerie et en cautions. Elle se
condamnait donc à la stagnation et était devenue totalement vulnérable, à la merci de la prochaine
affaire difficile. Les actionnaires de la SCB en tirèrent les conclusions et se tournèrent vers le groupe
Empain et la SPIE…
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Les années noires de la guerre et la chute de la SCB
La plaquette du centenaire
de la Société de Construction
des Batignolles, éditée en 1946,
illustrée par le graveur Decaris.
L’œuvre
d’un siècle
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« IL VAUT MIEUX ENCORE ÊTRE MARIÉ QU’ÊTRE MORT. »
FUSION
VERS LA
DE LA SOCIÉTÉ DE CONSTRUCTION DES
BATIGNOLLES
AVEC LA SPIE
1955-1968
La nouvelle direction souhaitait en finir avec la politique hasardeuse et entêtée qui avait presque
mené la firme à la faillite. Appauvrie par les pertes du barrage d’Idfina, la Société de Construction
des Batignolles se trouvait dans une situation peu enviable, d’autant que bon nombre de ses chan-
tiers en cours risquaient de générer de nouveaux déficits.
Il importait, en premier lieu, de faire reconnaître le bien-fondé de ses réclamations. Mais alors que
Événements de
le contentieux d’Idfina était sur le point de trouver un règlement, les événements survenus à Suez Suez
en 1956, opposant la France et l’Égypte, reportèrent sine die le règlement de cette affaire. Il fallut 1956
également provisionner des chantiers en Turquie, en Irlande et au Congo belge. La société avait
entamé, à juste titre, des procédures judiciaires contre ces divers gouvernements mais leur lenteur
l’obligea à s’armer de patience et, dans l’attente de leur issue 63, ses finances restèrent chancelantes.
La société n’était pas en mesure de reprendre son développement et connut en conséquence une
longue phase de quasi-stagnation de 1955 à 1962. 63 - Le règlement des indemnités
d’Idfina n’intervint qu’en 1968, 19
En 1955, Paul Royer donna une forte impulsion pour positionner la SCB sur des adjudications de ans après la réalisation du chantier !
Quant au contrat du port d’Izmir, signé
chantiers modestes ou moyens. Moins liée au déroulement d’un ou de deux grands contrats, l’activité
en 1954 et dont les travaux furent
dépendait désormais d’une série d’affaires plus diversifiées. Il chercha également à redynamiser sa réceptionnés en 1959, il était encore
filiale régionale, la SOTRABAS. en phase contentieuse à cette date.
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À côté des chantiers de petite taille, la SCB continuait à s’intéresser à quelques grands projets en
Grand Canal
France. Elle obtint notamment en 1955, à la tête d’un puissant groupement 64, les travaux du canal d’Alsace
64 - La Société Ossude, la Société
Industrielle Foncière Routière, les En- de Vogelgrün dans le cadre de la réalisation du Grand Canal d’Alsace. Ce contrat faisait suite à celui
treprises Grands Travaux Hydrauliques obtenu en 1953 par la SCB, à la tête du même groupement. Celui-ci réalisa, en outre, les travaux de
et la Société Anonyme des Anciennes la chute de Fessenheim, le canal de Marckolsheim (1958), puis les travaux de la chute de Gerstheim
Entreprises Léon Chagnaud.
(1965), soit en tout cinq biefs sur les huit que comptait le Canal d’Alsace.
LE DÉVELOPPEMENT DE LA CONSTRUCTION
ET DE L’IMMOBILIER : CRÉATION EN COMMUN
AVEC SPIE DE COTRABA
ET DE SOCIÉTÉS CIVILES IMMOBILIÈRES
Marché de la Villette à Paris Ce n’est qu’au début des années 1950 qu’un grand mouvement de construction est lancé avec
© studio Martin.
l’appui de textes législatifs telle que la loi du 9 août 1953 qui, s’inspirant d’une réalisation du patronat
du Nord de la France, impose aux employeurs une cotisation d’1 % sur
les salaires pour financer les logements des salariés. L’insuffisance du
parc de logements découle de la faiblesse des travaux d’avant-guerre,
du renouveau démographique et de l’exode rural. Le développement
de la SCB dans le bâtiment s’inscrivait très naturellement dans sa
politique de redéploiement sur le marché français. Toutefois, sa si-
tuation financière restant fragile, la création d’une filiale commune
avec la SPIE permettait de réduire les coûts de développement qui
lui incombaient. C’est dans ce contexte que s’inscrit la création, en
1961, de la société de Construction Travaux et Bâtiment, COTRABA.
Les 500 000 F de capital de la SARL sont répartis pour moitié entre
les deux sociétés fondatrices. Dès 1962, COTRABA a de nombreux
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Vers la fusion de la Société de Construction des Batignolles avec la SPIE
La stratégie France fut, de ce fait, quelque peu fluctuante, avec certains revirements par rapport
aux orientations initiales. En 1962, date d’entrée du baron Édouard-Jean Empain au conseil d’ad-
ministration de la Société de Construction des Batignolles, la volonté de développement dans le
bâtiment fut confirmée. Les dirigeants firent le choix de la croissance externe pour répondre à la
forte demande de travaux de bâtiment et de promotion immobilière.
En revanche, la société décida de ne répondre désormais qu’à des appels d’offres de grands chantiers
de génie civil. Elle enregistra quelques succès significatifs : un barrage sur la Garonne, les aména-
gements des chutes de Saint-Julien, une raffinerie pour la Compagnie Française de Raffinage, la
construction de la gare Paris-Austerlitz, en 1965, et de l’échangeur de la Porte de Bagnolet 65 en
1966. Mais cette stratégie de grands chantiers France fut difficile à mettre en œuvre et n’apporta
pas les résultats souhaités. Les maîtres d’ouvrages publics découpaient les ouvrages en lots moyens
pour accroître une concurrence déjà vive entre les entreprises françaises.
En fait, la SCB faisait face à un dilemme. Sa volonté de retour sur le marché national se heurtait à
l’impossibilité d’y obtenir un volume suffisant de grands projets. En outre, elle restait trop chargée
en frais de structure, conséquence de sa vocation antérieure « grands projets », et sa culture restait
très marquée par l’attirance pour l’export. La SCB ne pouvait échapper à son destin : elle repartit
pour l’international !
65 - Outre l’échangeur entre le
Ce faisant, ses dirigeants durent affronter une difficulté supplémentaire : la disparition de l’Empire boulevard périphérique et l’autoroute,
français. Tirant les conclusions de la fin de l’ère coloniale, la SCB y ferma ses filiales et mit fin à ses il fallait réaliser un parking d’intérêt
régional de 2 000 places, une gare
implantations. Elle parvint néanmoins à prendre d’importants contrats à Madagascar. La République routière d’autobus et une station de
malgache, aidée par la coopération de l’État français, lui confia en effet, en 1962, la construction métro.
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La SCB faillit rééditer avec le chantier de Callao, au Pérou, ses ennuis d’Idfina : elle prit, en effet,
les travaux d’extension du port de Callao, sans que le contrat n’indique clairement les obligations
du maître d’ouvrage et de son assistant. De 1961 à 1968, l’administration et le groupement de la
SCB 67 furent en conflit permanent mais les litiges furent en définitive tous solutionnés.
66 - Groupement créé en 1953 et qui
comprenait, également, CITRA et la
Le grand chantier de l’Afrique australe fut l’aménagement de l’Orange River obtenu en 1967, la
Compagnie Française d’Entreprises
(CFE). SCB travaillant en groupement pour ce contrat de 130 millions de F 68.
67 - Groupe Palacios, l’Entreprise
Combot, la SAM et l’entreprise Ces actions de développement vigoureuses à l’export, couplées avec la poursuite de son renforce-
SEROCI.
68 - Soit l’équivalent de 145 millions ment sur le marché national, permirent à la SCB d’enregistrer une remarquable croissance entre
d’€ 2010. 1962 et 1965, dépassant 14 % l’an.
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Vers la fusion de la Société de Construction des Batignolles avec la SPIE
également le cas en décembre 1964 quand la SCB signa en son nom et aux noms de la SPIE, de la
Écluse
CGE et de SONECOTRA, le contrat pour la réalisation de l’aéroport de Damas en entreprise générale. de Chatou
Dès 1966, la direction d’Empain avait procédé à une étude préalable de cette opération. Début
novembre 1967, la SCB annonça qu’elle avait engagé des pourparlers avec la SPIE en vue du re-
groupement des activités des deux sociétés « qui étaient complémentaires », l’une apportant ses
compétences en génie civil, l’autre ses compétences électriques et électromécaniques.
Les conseils d’administration s’accordèrent sur le principe de la fusion à la mi-novembre de l’année
1967. Le premier conseil d’administration de la nouvelle société, qui prit le nom de Spie Batignolles,
ne se réunit que le 18 septembre 1968, mais l’activité commune avait démarré dès le 1er janvier.
Un nouvel administrateur fut coopté en la personne de Raymond Brissaud. Cet ingénieur des Mines,
licencié en droit, était administrateur directeur général du groupe Empain-Electrorail depuis 1957
et ami personnel d’Édouard-Jean Empain. René Berthon et Paul Royer prenaient les fonctions de
PDG et de DG, les structures centrales étant entièrement réorganisées.
Comme on l’a vu, l’entreprise se lança à nouveau, après la phase de stagnation 1955-1962,
vers l’exportation, son portefeuille étant situé pour les deux-tiers hors de France en 1965
après trois années d’expansion. La SCB se résolut à reprendre des risques et ce dans des
conditions devenues plus difficiles, puisque la décolonisation avait fermé le marché protégé
des entreprises françaises en Afrique francophone.
Elle réussit, néanmoins, à les maîtriser au cours de la période, mais ne dégagea pas de ré-
sultats élevés, en dépit de sa croissance rapide de 1962 à 1965.
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« CE QUI EMBELLIT LE DÉSERT, DIT LE PETIT PRINCE,
C’EST QU’IL CACHE UN PUITS QUELQUE PART. »
Saint-Exupéry
LASPIE : DE L’ÉLECTRICITÉ
AUX RAFFINERIES ET
AUX PIPELINES DU SAHARA
1948-1968
D ans les années 1920 et 1930, la SPIE s’était focalisée sur ses domaines d’excellence, la
construction et l’exploitation des infrastructures d’énergie et de transport ferroviaire. En dépit des
nationalisations qui la privèrent de l’appui des sociétés concessionnaires de son Groupe, la SPIE sut,
après le second conflit mondial, capitaliser sur son acquis technique. Elle bénéficia des marchés
porteurs de l’après-guerre et réalisa une croissance exponentielle, son chiffre d’affaires passant de
16,9 millions de F en 1947 à 484,2 millions de F en 1967. Les activités pétrolières et gazières, en
Gouverne-
France et en Afrique du Nord, constituèrent un relais de croissance essentiel.
ment
provisoire
LA NATIONALISATION
ET LA RENAISSANCE DE LA SPIE
LA NATIONALISATION
Avec la fin de la Seconde Guerre, les idées do-
minantes sont celles du Conseil National de la
Résistance, et le Gouvernement Provisoire sou-
haite effectuer une nationalisation pour faire
retour à la Nation de la propriété des grands
moyens de production. Sont particulièrement Journal Résistance
des 2 et 3 décembre 1945,
visés les industriels du secteur électrique qui,
article sur le projet
bien qu’ayant développé un remarquable outil
de nationalisation de cer-
de production et de distribution d’électricité taines banques d’affaires
entre les deux guerres sur la base de concessions © Collection Roger-Viollet.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 13
locales, n’ont pas toujours su bien gérer leur relationnel politique. Malgré l’action défensive qu’ils
conduisent auprès du gouvernement, Marcel Paul, le ministre communiste à la production indus-
trielle, met en place cette nationalisation sous forme d’un compromis, le secteur privé conservant
les activités de construction.
La loi, votée le 8 avril 1946 à la quasi-unanimité, procède à la nationalisation de la production, du
transport, de la distribution, de l’importation et de l’exportation de l’électricité et du gaz. Électri-
cité de France (EDF), établissement public créé à cet effet, est chargé de la gestion des entreprises
nationalisées.
Tramways de
Lille À cette date, la SPIE, holding du groupe Empain en France, possède un portefeuille d’actions aux
activités étendues, réparties au sein de plusieurs domaines d’activités : production et distribution
d’électricité (SEP, Électricité et Gaz du Nord), transports urbains et interurbains (Métropolitain,
Tramways de Lille, Chemins de fer économiques du Nord, Chemins de fer vicinaux, Chemins de fer
du Calvados), construction électrique (Forges et Ateliers de Construction Électrique de Jeumont).
Elle possède également divers intérêts en Égypte et en Russie.
La SPIE doit abandonner ses principales filiales françaises titulaires de concessions. L’indemnisation
s’effectue par remise d’obligations de la Caisse Nationale d’Équipement de l’Électricité et du Gaz,
transformée en novembre 1948 en Caisse Nationale de l’Énergie. Normalement fondée sur la
base du cours des actions, elle est, en réalité, très faible pour les sociétés d’électricité, d’autant
que les versements s’étendent de 1947 à 1952. À cette date, SPIE obtient la restitution du do-
maine privé de la Société d’Électricité de Paris, qui détient un important portefeuille de valeurs.
Une autre société va réintégrer le groupe Empain, la SGTE. Issue de la partie non nationalisée
de la Cie du Métro, elle hérite, notamment, de références et de moyens d’ingénierie dans les
domaines du ferroviaire et de l’énergie. Société sœur de SPIE, elle accompagnera celle-ci dans
toute une série de projets concernant ces deux secteurs et, en particulier, dans les grands projets
« clés en main de métros ».
LA RENAISSANCE
Ce grave revers de fortune patrimonial ne décourage toutefois pas les dirigeants d’Empain et de
SPIE, qui vont repartir de l’avant. S’appuyant sur le savoir-faire de leurs équipes, ils bénéficieront de
l’important programme de reconstruction de l’après-guerre en se concentrant sur trois domaines
d’activité : l’électricité, les voies et la traction électrique, les canalisations.
La SPIE construisit également de très nombreux réseaux d’électrification rurale pour les départements
et les communes (souvent groupées en syndicats), système qui autorise des économies d’échelles
en raison d’aires d’interventions plus vastes.
EDF jouait un rôle majeur en tant que client et spécificateur sur ce marché concurrentiel où se re-
trouvaient des entreprises aussi puissantes que la Société Générale d’Entreprise ou la Compagnie
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La SPIE : de l’électricité aux raffineries et aux pipelines du Sahara
René Berthon
René Berthon, né en 1914, ancien élève de sident-directeur général en 1966
l’École polytechnique, ingénieur du génie ma- de la Société de Construction des
ritime, consacre toute sa carrière à la direction Batignolles, puis PDG de Spie Ba-
d’entreprises de travaux publics. Son entrée tignolles en 1968.
dans le groupe Empain, fruit des hasards de Il entre en 1970 au Conseil d’ad-
CND-
Castille
la guerre, date de juin 1943, lorsqu’il accepte ministration de la CITRA comme
le poste de directeur adjoint de sa filiale élec- administrateur, et en devient le
tricité de Paris, ce qui lui permet de quitter président un an plus tard. Il a oc-
discrètement la ville de Brest, car le réseau cupé durant sa carrière les plus
de résistance, CND-Castille du Colonel Rémy hautes fonctions de direction des
auquel il appartient, vient d’être démantelé. Il trois composantes originelles de
devient ensuite successivement directeur gé- Spie Batignolles : SPIE, SCB, CI-
néral adjoint en 1948, puis directeur général TRA. Il a réalisé la fusion des deux premières
en 1957 de la Société Parisienne pour l’Indus- en 1968 avant d’absorber la troisième en 1972.
trie électrique ; administrateur en 1954, puis
vice-président-directeur général en 1964, pré-
Générale d’Entreprise Électrique, mais également des entreprises moyennes. L’offre était donc assez
morcelée, les parts de marché restant faibles 69.
LE FERROVIAIRE
La traction électrique est, au début de la période, le second secteur en importance, avec un peu
moins d’un tiers de l’activité.
Locomotive électrique
2D2-9101 de la SNCF, 1952
© Boyer / Roger-Viollet
Les destructions dues à la guerre sont de très grande ampleur : la bataille du rail ajoutée aux bom-
bardements de la Libération ont anéanti plus de 50 % du réseau ferré national.
Outre les travaux commandés par la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF), des
clients privés demandent à la SPIE d’effectuer des raccordements particuliers de leurs usines au
La bataille réseau ferré, notamment les sociétés sidérurgiques qui dépendent totalement du rail.
du rail La SNCF confie dès 1947 à la SPIE une part du programme d’électrification en courant continu
entre Mâcon et Lyon, travaux qui ne finiront qu’en 1952 en raison des ralentissements des crédits
budgétaires. Confiante dans les capacités de l’entreprise, la SNCF choisit la SPIE en 1949 pour
réaliser l’électrification de la ligne d’essais de traction en courant monophasé 20 000 V entre Aix-
les-Bains et La Roche-sur-Foron.
SPIE électrifie selon le vieux standard d’avant-guerre, en courant continu 1 500 V, la ligne Lyon/
Saint-Étienne, mais les installations électriques réalisées sont désormais en courant monophasé
25 000 V, tension qui permet une amélioration des caténaires. Elle réalise également les traverses
nouvelles en béton précontraint.
70 - Restaient deux exceptions no- Mais bientôt la plupart des axes sont électrifiés 70 et la SNCF n’est plus le fer de lance du dévelop-
tables, la rive droite du Rhône et la val- pement de la SPIE. Malgré le programme Louis Armand 71, la proportion des activités ferroviaires
lée de la Garonne, ce qui constitua un
enjeu important pour les entreprises
va fortement décroître durant les années 50.
du secteur durant les années 1970.
71 - Louis Armand fut président de la TOUJOURS LE MÉTRO...
SNCF de 1955 à 1958, puis d’Euratom
de 1958 à 1959.
SPIE, fidèle à ses origines, entreprend des recherches pour accroître la qualité des transports mé- Louis
Armand
tropolitains. En 1951, elle prend une participation dans une SARL dénommée « Les Véhicules
Guidés sur Pneumatiques » dont l’objet principal est l’étude, la construction, la fourniture et la
mise en marche de tous véhicules guidés circulant sur plates-formes indépendantes et montés sur
pneumatiques, et qui est à l’origine des métros sur pneus.
LE PÉTROLE ET LE GAZ
Pipeline de Hassi-Messaoud,
La baisse des commandes dans le domaine ferroviaire rend nécessaire la recherche de nouveaux
Sahara algérien Le métro
archives SPIE. moteurs de croissance. La société donne, à cet effet, priorité au secteur du gaz et du pétrole dès le
sur pneus
début des années 50. Cette stratégie va lui permettre
de compenser les pertes de chiffres d’affaires des
activités en déclin.
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La SPIE : de l’électricité aux raffineries et aux pipelines du Sahara
Ce virage vers le pétrole/gaz permit à la SPIE d’amortir les nombreux soubresauts économiques
qui marquèrent la conjoncture française durant cette période, les clients publics 72 réduisant
fortement leurs programmes d’investissement durant les phases de récession, qu’elle surmonta
de ce fait sans enregistrer d’inflexion dans sa croissance 73. Les marchés du pétrole/gaz furent,
par ailleurs, la principale source de son activité internationale, et ceci même après la décoloni-
sation en Algérie.
Forte de l’expérience acquise en France, SPIE va étendre son activité de pose de gazoducs et d’oléo-
ducs à l’international. En Europe, elle prend position sur l’important marché hollandais à travers
une société locale, AIGB, dans laquelle elle détient 35 %.
Mais c’est bien évidemment la découverte du pétrole en Afrique du Nord qui ouvre les perspectives
les plus larges. La politique active de développement des champs pétrolifères (Hassi-Messaoud) et
gaziers entraîne le lancement de vastes programmes de construction d’infrastructures de transport 72 - Leur proportion était de 80 %
et de stockage. La SPIE s’est associée avec Entrepose, son principal concurrent français, pour former du CA en 1958-59 et s’est abaissée
à 40 % en 1962-63.
le GREP (Groupement des sociétés Entrepose et Parisienne pour l’Industrie), qui sera le support de 73 - Taux de croissance moyen annuel
leur activité pipeline au Sahara. de + 22 % l’an après 1957.
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La SPIE est également active dans les domaines pétroliers et pétrochimiques en Afrique noire. Elle
termine, en 1966, la raffinerie de Tamatave à Madagascar et entame, la même année, la construc-
tion d’une usine d’engrais chimiques à Dakar.
Les activités africaines de pétrole/gaz étaient donc devenues essentielles à l’équilibre de la société.
Nous ne disposons pas de statistiques comptables sur la période, mais une analyse des travaux en
cours réalisée sur les comptes de 1965 montrent que leur part y représentait 20 % du total.
La notoriété et l’expérience ainsi acquises lui permettent d’entrer en relation avec les ingénieries
américaines et en particulier avec Bechtel, avec laquelle elle va construire en partenariat des ouvrages
« clés en main » pour le raffinage du pétrole. Elle découvre, grâce à ces associations, de nouvelles
activités et reconnaît aussi « améliorer son organisation et ses méthodes ». Cette coopération avec
le groupe américain, qui contribuera à diffuser une culture de « management de projets » chez
SPIE, la confortera très sensiblement dans le domaine pétrochimique. Il n’est pas une des raffineries
françaises dans laquelle la société ne soit pas intervenue de façon significative.
Mais l’aventure saharienne permit aussi de jeter les bases d’une activité pipeline internationale. Spie-
Capag, créé dans les années 1970, s’appuya sur les expériences et les compétences ainsi acquises
pour participer sous toutes les latitudes et dans le monde entier aux grands projets d’oléoducs et
de gazoducs de la seconde moitié du XXe siècle.
L’ACTIVITÉ INTERNATIONALE
En Afrique, l’activité hors pétrole-gaz resta très mineure. La société réalisa néanmoins des travaux
électriques au Maroc – où elle détenait plusieurs filiales – et dans divers pays : Mauritanie, Came-
roun, Gabon, Centrafrique, Côte-d’Ivoire.
En Europe, son activité est plus variée. Outre sa présence dans le pipeline en Hollande, elle est
également active au Portugal et en Espagne.
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France
Le CEA et EDF envisagent, à partir de 1955, l’élaboration d’un pro-
gramme français de construction de centrales nucléaires. EDF, qui CEA
devient maître d’œuvre indépendant, opte pour la filière à uranium
naturel, du type Marcoule, pour construire une centrale à Chinon
en 1957.
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Dans l’analyse de la répartition du chiffre d’affaires, le poste « divers » comprend les activités in-
génierie, les activités bâtiment et immobilier, les quotes-parts de SPIE dans certains projets export.
reste équilibrée et dont la rentabilité, quoique en diminution, demeure suffisante pour financer la
croissance (taux de croissance moyen de 13 % l’an de la capacité d’autofinancement sur dix ans).
La fusion pure et simple était exclue pour des raisons évidentes. Il fallait, au préalable, redresser
la situation financière de la SCB en apurant les nombreux litiges et réclamations encore en cours.
Il fallait également prendre en considération les profondes différences culturelles entre une SPIE
très ancrée sur son marché français et ses spécialités techniques, et une SCB orientée depuis des
décennies vers le grand large. La solution choisie par René Berthon et Paul Royer fut celle du bon
sens : ne pas brûler les étapes en jouant la progressivité – redressement de la SCB, coordination du
développement de SPIE et SCB, réalisation en joint-venture ou en consortium de grands chantiers
en France ou à l’export, création de filiales communes comme Cotraba dans le bâtiment.
Si la méthode fut bonne, les résultats, eux, ne furent sans doute pas à la hauteur des attentes car,
comme on l’a vu, la période de convalescence de la SCB fut excessivement longue. L’entrée de SPIE
dans le capital de la SCB se fit sur la base d’une valorisation à 100 % de 600 millions de F 1954,
soit l’équivalent de 12 millions d’€ 2010. La SCB réussit à distribuer des dividendes chaque année,
mais le rendement financier fut en réalité faible compte tenu de la forte inflation (4,5 % l’an en
moyenne de 1954 à 1967) et des taux d’intérêt élevés.
Si l’on se place en 1968, à la date de la fusion, on peut estimer la valeur de la nouvelle société
Spie Batignolles à dix fois ses résultats, soit 46 millions de F, qui équivalent à 50 millions d’€ 2010.
Or, la part dans les apports revenant à la SCB s’élevait à 22,7 %, ce qui conduit à une valorisation
implicite de cette dernière de 12,5 millions d’€ 2010. On peut donc conclure qu’il n’y a pas eu de
création de valeur par la SCB de 1954 à 1968.
Les marges de la SCB restaient par ailleurs faibles au milieu des années 60 et celles de la SPIE s’étaient
réduites. Dans ces conditions, la fusion entre les deux entités s’imposa comme une nécessité : elle
permettait de réduire les frais de structures, améliorait la rentabilité, optimisait le potentiel com-
mercial et contribuait à créer un vaste ensemble disposant de toutes les compétences techniques
pour le pilotage des contrats d’entreprise générale. Ce dernier argument joua, semble-t-il, un rôle
décisif. Comme nous allons le voir, Empain avait lancé une offensive pour prendre le contrôle de
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Schneider qui battait alors son plein. Les dirigeants du groupe belge avaient l’ambition de créer une
entité qui assurerait la direction des grands contrats pluridisciplinaires. La fusion de SPIE et de la SCB
permettait d’atteindre cet objectif. La nouvelle société Spie Batignolles, de taille équivalente à celle
de sa concurrente du groupe Schneider, Citra, mais avec des compétences plus larges, s’imposerait
comme un leader naturel dans le cadre du futur groupe Empain-Schneider. SPIE, seule, aurait été
de taille inférieure à celle de Citra, alors en pleine croissance.
Le pari était ambitieux : il s’agissait de créer un nouveau concept d’entreprise intégrée, disposant
à la fois de compétences de « construction » et « d’ingénierie électrique et électromécanique ».
Le pari était également risqué : en raison des différences de culture entre SPIE et SCB, profession-
nalisme technique d’un côté, esprit d’aventure et capacité à maîtriser les grands projets de l’autre.
Les opportunités qui découlèrent de la fusion des groupes Empain et Schneider pour Spie Batignolles
dans les domaines de l’énergie nucléaire, du transport ferroviaire et de l’ingénierie de « process »
justifièrent cependant, durant les années 70, l’intérêt de cette stratégie.
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« LE MARIAGE EST UNE CHOSE IMPOSSIBLE, ET POURTANT LA SEULE SOLUTION. »
Alain-Fournier, Correspondance
Cette solution, qui assure la continuité dans la direction du groupe, va toutefois provoquer
un nouvel affrontement entre les deux clans familiaux qui s’étaient constitués avant-guerre.
Antoinette Schneider et May de Brissac, qui disposent de 18 % du capital, souhaitent en effet Charles Schneider
archives Schneider.
porter à la gérance ou à la cogérance l’époux de cette dernière, Pierre de Cossé, duc de Brissac et
président du Matériel Électrique S W. Tout sépare les protagonistes : leurs ambitions personnelles,
leur tempérament, leur milieu social. Lilian Schneider, ancienne actrice qui s’est beaucoup investie
dans les institutions sociales du groupe, n’est pas proche du cercle aristocratique fermé auquel
appartiennent les membres de l’autre partie de la famille.
L’opposition familiale devient une affaire d’État ! Le ministre des Finances de l’époque, Wielfried
Baumgartner, élabore finalement un compromis avec la veuve de Charles Schneider, qui accepte de
s’adjoindre un second cogérant à vie, Albert de Boissieu, directeur financier du groupe et président
de l’Union Européenne. Mais les deux cogérants ne s’entendent guère et veillent plus à protéger leurs
attributions réciproques qu’à préparer l’avenir du groupe. Lilian Schneider, entièrement tournée vers
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le maintien de la tradition, s’oppose à toute restructuration en dépit des nuages qui commencent
à s’amonceler. Quant à Albert de Boissieu, financier très orthodoxe, sa propre vision de l’industrie
ne dépasse guère les liaisons financières entre sociétés et l’animation d’un club de dirigeants liés
par leur passé et leurs amitiés.
Le groupe Schneider
en France dans les années 60
archives Schneider.
Or Schneider ne va pas bien... Son endettement dépasse 60 % de son chiffre d’affaires et son
bénéfice tombe à 7 millions de F en 1961, l’exploitation devenant déficitaire à partir de 1962. La
Bourse sanctionne cette dégradation et le cours de l’action, qui s’élevait à 400 F à la mort de Charles
Schneider, baisse à 200 F en 1963.
Le groupe, malgré le lustre de son passé, apparaît désormais comme fragile et son avenir incertain.
La famille de Brissac en tire alors les conclusions : elle décide de vendre. Après quelques contacts
infructueux, une réponse positive est transmise par le groupe Empain. L’état-major du groupe belge
voit plusieurs avantages à l’opération. Empain et Schneider, tous deux licenciés de Westinghouse,
viennent d’entamer des négociations pour le rapprochement de Jeumont avec le Matériel Électrique
S-W. Dans de nombreux secteurs, ils sont soit complémentaires, soit concurrents. Des restructura-
tions industrielles génératrices de synergies peuvent donc être envisagées.
L’acquisition des actions d’Antoinette Schneider et de May de Brissac est effectuée à partir de juin
1963. Empain, qui s’est associé pour ce faire à la société de Banque et de Participation et à Michel
Bolloré, procède par ailleurs à des achats en Bourse qui portent sa participation à 30 %. Le groupe
belge est ainsi devenu le principal actionnaire de Schneider.
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Crise dynastique chez Schneider et entrée d’Empain : une nouvelle donne pour SPIE
FRANCE, TERRE
DU CAPITALISME ÉTATIQUE !
Cette offensive belge provoque un véritable séisme à l’intérieur de Schneider bien sûr mais égale-
ment dans certains milieux gouvernementaux où l’on considère comme intolérable que la firme du
Creusot soit « contrôlée par des étrangers » ! Le baron Édouard Empain et son directeur général
René Brissaud, soumis à de très fortes pressions, sont contraints de composer. Ils doivent accepter
notamment la réduction de leur participation de 30 % à 25 % et la nomination d’un troisième
gérant à vie – ce qui nécessitera la modification des statuts en décembre 1963 – en la personne de
Roger Gaspard, ancien directeur général et président d’EDF.
Le choix est judicieux : sa nomination rassure le personnel et les cadres du groupe, qui voient en lui un Georges
rempart contre Empain et un lien fort avec EDF, très important client du groupe. Paradoxalement, elle Pompidou
satisfait également Empain car elle contribue à faire retomber les tensions. Ce qui est plus étonnant,
c’est la forme prise par cette nomination. Roger Gaspard recevra en effet une « véritable lettre de
mission » du Premier ministre Georges Pompidou, que les tenants les plus convaincus de l’antilibé-
ralisme n’oseraient même plus, aujourd’hui, solliciter ou seulement imaginer ! Le Premier ministre
lui indique en substance
qu’il lui doit sa nomination
et qu’il importe qu’il veille au
respect de l’intérêt général,
sans se soucier apparem-
ment de la loi sur les socié-
tés commerciales et de l’exis-
tence d’actionnaires privés.
Cette solution, pour le moins Conférence de presse
« étrange » en matière de du président de Gaulle
gouvernement d’entreprise au palais de l’Élysée à Paris
le 17 mai 1967,
et de management, pleine
André Malraux, Louis Joxe,
d’ambiguïtés porteuses de
Georges Pompidou,
graves malentendus po-
Michel Debré
tentiels entre l’entreprise et © Collection Roger-Viollet.
Après une tentative d’alliance avortée avec la Banque de l’Indochine, qui devait lui servir d’allié
français pour prendre le contrôle de Schneider, le groupe belge se retrouve, en 1966, actionnaire à
23 % d’une société devenue une SA classique et dont Roger Gaspard est le président. Ce dernier a
engagé, dès 1963, un vigoureux effort de modernisation et de rationalisation. Le temps des maîtres
de forges et des commandites est désormais révolu…
d’abandonner son poste et cherchant à retrouver ses fonctions par voie judiciaire. Mais les temps
Charles changent : le général de Gaulle quitte le pouvoir et Georges Pompidou se rallie à des philosophies
de Gaulle plus libérales en matière industrielle. Les pouvoirs publics français donnent finalement leur béné-
diction à la montée en puissance d’Édouard-Jean Empain, qui viendra s’installer en 1971 dans les
bureaux de Schneider, rue d’Anjou. Une page est tournée et le mariage est consommé après de
longues et difficiles fiançailles !
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Crise dynastique chez Schneider et entrée d’Empain : une nouvelle donne pour SPIE
Cet adossement à Empain-Schneider va lui ouvrir, dans les décennies qui suivent, les portes du
programme nucléaire français dans les domaines des tuyauteries, du contrôle commande et de Métro
l’électricité générale, et bien sûr, du génie civil après la constitution de Spie Batignolles. Dans le de Caracas
secteur ferroviaire, cette approche intégrée permettra à SPIE et Empain-Schneider d’assurer le pi-
lotage de très grandes opérations de métros « clés en main » comme celui de Caracas. Le groupe
fera alors jeu égal avec la CGE et Alsthom au plan industriel, bénéficiant en outre des compétences
génie civil de Spie Batignolles.
Le baron Édouard-Jean Empain était convaincu de la supériorité des approches intégrées pour
la conception et la réalisation des grands projets dans les domaines du transport, de l’énergie et
de l’industrie. Curieusement, il prônait même pour son groupe une forme « d’autosuffisance »,
c’est-à-dire la capacité à réaliser seul, sans aucun apport externe, l’ensemble d’un projet. Cette
vision traduisait, sans aucun doute, une volonté de puissance comme une attirance vers les grands
contrats. La SPIE avait fondé sa prospérité et sa croissance sur ses métiers de spécialités. Elle était
entrée de façon sélective dans l’entreprise générale. Le « jeune baron » et son état-major avaient,
semble-t-il, des ambitions plus larges. Ils voulaient faire de la pluridisciplinarité le cœur du métier
de l’entité qu’ils entendaient constituer, Spie Batignolles, pour intervenir dans le monde entier.
La création de la nouvelle entreprise fut, comme on l’a vu, décidée en novembre 1967 et concrétisée
l’année suivante. Celle-ci employait 10 000 personnes et se situait au tout premier rang des sociétés
françaises du secteur avec un chiffre d’affaires total hors taxes de 702 millions de F 78, l’activité
construction issue de la SCB pesant à elle seule 191 millions de F.
LA BRÈVE HISTOIRE
DE CITRA
UNE CROISSANCE NON MAÎTRISÉE
1949-1971
L a Compagnie Industrielle de Travaux (Citra) n’existe, en tant qu’entité juridique, qu’à partir
du 20 décembre 1949, date à laquelle une assemblée générale vote l’augmentation de capital de
Schneider et Cie et la scission de ses actifs. Trois sociétés anonymes distinctes furent alors créées.
La SFAC La SFAC, Société des Forges et Ateliers du Creusot, se voit attribuer un capital de 7 milliards de F
et les actifs industriels du Creusot, du Breuil, de Chalon-sur-Saône, d’Anzin, de Saint-Étienne, etc.
La Citra, dotée d’un capital de 750 millions de F 79, reprend l’ensemble du fonds de commerce du
groupe dans le domaine des travaux publics, c’est-à-dire l’ancienne DTP. Enfin, la Société Générale
Française des Mines se voit attribuer la concession et les actifs de mines de fer.
Charles Schneider assure personnellement la présidence de la SFAC et de la Citra avec l’appui, pour
cette dernière, de Maurice Nicolas et Gérard Le Bel.
LE TEMPS DE LA RECONSTRUCTION
De 1945 à 1954, Citra doit, à l’instar de ses consœurs, reconstruire
son propre outil... et la France.
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La brève histoire de CITRA : une croissance non maîtrisée
et l’Entreprise Vigner & Michel-Schmidt, vieux partenaires qui ont travaillé ensemble cinquante ans Ci-contre : Le Havre, la grande
sur le chantier du port ! forme de radoub et pont de
Vienne sur le Rhône
Les travaux de reconstruction exécutés entre 1945 et 1952 par la DTP et son groupement s’élèvent (illustrations de Vecou)
archives Schneider.
en cumul à 3 200 millions de F. Il fallut reconstruire ou réparer les formes de radoub 5 et 6 et la
grande forme 7 construite entre 1920 et 1928 par la DTP. Ce caisson métallique de 60 m de largeur
sur 345 m de long, fabriqué au Creusot, pouvait accueillir des navires de 315 m de long et 38 m
de large. En 1950, la Compagnie obtint en outre, également dans le cadre d’un groupement, le
marché de reconstruction de la Gare Maritime, d’un montant, considérable pour l’époque, de
1,2 milliard de F 80. Travaux de
reconstruction
Mais la Citra ne se limita pas au domaine portuaire. Elle reconstruisit de nombreux ponts, dont celui
sur le Rhône à Vienne, doté d’un cintre central de 500 tonnes sans appuis intermédiaires, l’arche
franchissant la passe navigable ayant une portée de 108 m. La Citra fit un intense effort d’inves-
tissement dans les années d’après-guerre et celui-ci porta ses fruits : comme le signalait Charles
Schneider dans son rapport lors de l’assemblée générale ordinaire de Schneider & Cie du 27 juin 1952.
« Les résultats du Département des Travaux Publics se sont soldés constamment en perte pendant
l’Occupation, du fait que durant cette période nous n’avons accepté aucun travail pour l’ennemi.
Nous sommes heureux de vous informer que ce département contribue au contraire, cette année,
pour une part notable aux résultats que nous vous présentons. »
LA POLITIQUE AUSTRALIENNE
La mission effectuée en 1949 par le directeur général de Citra, Gérard Le Bel, fit apparaître qu’il
n’existait en Australie aucune entreprise de génie civil de taille significative, car les travaux pu-
blics étaient généralement exécutés en régie directe par les administrations. La Tasmanie signa,
la première, un contrat pour la construction d’un tunnel d’adduction d’eau d’un montant de
629 millions de F. Cette première implantation en Tasmanie ouvrit à Citra une très longue phase
de travaux en Océanie et dans la zone australe du Pacifique. Le très gros chantier des Snowy
Mountains, consistant à construire la plus grande centrale électrique souterraine australienne,
s’étala de 1954 à 1959. En 1963, la Compagnie se lança dans la promotion immobilière en
Gérard Le Bel, à droite, remet la clé
créant Anjou Developments Pty Ltd, qui effectua sa première opération : l’ensemble immobilier de
du port de Tandjunk Priok, Indonésie,
l’American Club à Sydney.
à Monsieur Abdulmutalib
archives SPIE.
De 1966 à 1972, la principale filiale à l’étranger,
tant en activité qu’en rentabilité, était la filiale aus-
tralienne : réalisant des travaux portuaires à White
Bay dans le port de Sydney en 1969, elle achevait
la même année des barrages en Nouvelle-Galles
du Sud, dont le principal, Pindari. Elle entamait,
derechef, d’autres barrages à Lidell, Carcoar et
Toonumbar et des travaux routiers importants
– échangeur routier à Perth, autoroute à Mel-
bourne. À travers un contrat signé avec les mines
d’étain de Stanhorpe en 1971, la Citra devint le
Centrale de Trewallyn, Tasmanie,
tunnel d’amenée d’eau
premier terrassier d’Australie et probablement l’un
archives SPIE. des plus grands du monde 81.
Barrage de Toonumbar,
1969-1971, Australie.
Échangeur de Perth, Australie LES GRANDS PROJETS À L’EXPORTATION : LA CCI
archives SPIE.
La Compagnie des Constructions Internationales (CCI) avait pour but de s’intéresser aux grands
marchés étrangers. Elle avait été formée par cinq entreprises : la Citra, la Société Générale d’Entre-
81 - À 9 km de Stanhorpe, en Nou- prises (SGE), la Société Française d’Entreprise de Dragage et de Travaux Publics (SFEDTP), la Société
velle-Galles du Sud, la Citra-Construc- Campenon-Bernard et la Société des Grands Travaux de Marseille (GTM). Ces sociétés entretenaient
tion passa un contrat avec la Shaw
River Alluvials pour procéder au lavage entre elles des liens de longue date : leurs dirigeants et leurs équipes se connaissaient, ayant travaillé
de 100 000 cubic yards de minerais. ensemble sur les mêmes chantiers. L’idée d’une association permanente était née en 1963 afin
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Barrage de
Serre-Ponçon
Ci-contre : barrage
de Serre-Ponçon
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La CCI était dotée d’une présidence tournante : son premier président fut, en 1965 et 1966,
M. Donnadieu de Vabres, président de Campenon-Bernard ; en 1967 et 1968, ce fut Gérard Le Bel
alors vice-président-directeur général de la Citra ; en 1969, le poste fut occupé par le président de
la SGE, Jean Matheron.
Dès 1965, les membres de la CCI, en association avec des entreprises italiennes, furent déclarés
adjudicataires des travaux du barrage du Keban, en Turquie, la première des très grandes réalisations
de la CCI. La Citra fut mandatée par la CCI pour diriger le consortium de cet énorme barrage qui
apporta à ses membres un résultat légèrement bénéficiaire.
Les succès s’accumulèrent ensuite : barrage de Tarbela (600 millions de dollars), canal de liaison de
Chasma Jhelum, au Pakistan, barrage de Shah Abbas Kebir, en Iran, centrale nucléaire de Vandellos,
en Espagne, aménagements hydroélectriques à Cabora Bassa sur le Zambèze, au Mozambique,
barrage de l’Orange Fish en Afrique du Sud, port de Damiette en Égypte… Fin 1969, le carnet de
commandes de la CCI représentait 1,5 milliard de F pour ses membres.
Usine-barrage de Seyssel
L’ACTIVITÉ FRANCE
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L’ASSISE RÉGIONALE
Le développement prévisible du marché français nécessitait de s’implanter durablement
Viaduc de l’Olifant’s River.
dans les départements, ce que la société mit en œuvre avec pragmatisme, comme en Al-
Chemin de fer Sishen
sace. Elle avait travaillé assez longuement dans cette région dans le cadre des Saldanha, Afrique du Sud :
grands travaux du canal d’Alsace. Elle avait ainsi créé un mises en place par poussage
noyau stable d’activité dans l’Est de la France, qui archives SPIE.
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La Citra figurait parmi les entreprises les mieux placées pour participer aux travaux de génie civil de
ce secteur en raison de son appartenance au groupe Schneider, impliqué dans le développement
de la filière nucléaire.
Framatome
le point de départ de la Compagnie dans ce
domaine. Alors que la SFAC était l’architecte
industriel, Citra exécuta de 1954 à 1959, pour
le compte du CEA, un vaste programme de
travaux : centre de production de plutonium,
étude et exécution du génie civil du réac-
teur G1, de la centrale thermique de 5 000 kW
Schneider avait noué des relations d’af- et de la cheminée d’évacuation de l’air faisant
faires avec l’américain Westinghouse dès fonction de réfrigérant. La construction de ce
1907 et ce dernier était devenu l’un des lea- type de cheminée, d’une hauteur de 100 m et
ders américains du nucléaire civil. Schnei- d’un diamètre de 10 m qui devait se généraliser
der s’était lancé dans le nucléaire au début par la suite, fut réalisée en béton précontraint
des années 1950 83. Grâce à la création, en avec l’aide de l’inventeur français, M. Freyssinet.
1958, avec Westinghouse de la Société fran- Citra fut ensuite chargée des travaux de génie
co-américaine de construction atomique civil des réacteurs G2 et G3, en association avec
(Framatome), le groupe se positionnait la SGE. Les études de réalisation des caissons
dans la technique américaine de la filière à cylindriques en béton précontraint de 20 m
eau pressurisée (le procédé PWR) alors que de diamètre extérieur, destinés à recevoir les
la France développait également la filière réacteurs, furent confiées à MM. A. Coyne et
graphite gaz à laquelle la SFAC participait J. Bellier. Les bétons soutenaient une pression
par ailleurs. Framatome donnait à Citra de 300 kg/cm2. Entre 1954 et 1959, le montant
l’appui technologique américain. des travaux réalisés s’éleva à 10 milliards de F.
Par ailleurs, comme la société était présente dans la zone Pacifique et jouissait d’une bonne réputa-
tion auprès des autorités du CEA, la Citra travailla à l’aménagement des centres d’essais nucléaires
du Pacifique en Polynésie française.
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On s’aperçut alors que le colosse qui s’était constitué en 20 ans avait des pieds d’argile !
Le groupe Empain-Schneider, nouvellement constitué n’avait pas le choix : il devait assurer le re-
dressement de Citra. Il fit donc procéder à son absorption par Spie Batignolles en septembre 1972.
En 1970, deux nouveaux administrateurs issus d’Empain étaient entrés au conseil de Citra, René Engen
et René Berthon. Dès la fin de 1971, une mise en commun des services fonctionnels et techniques
de Citra et de Spie Batignolles dans le domaine du génie civil et du bâtiment est organisée sur le site
du nouveau siège social de la Compagnie à Vélizy. Maurice Nicolas démissionne de ses fonctions à la
présidence de Citra en 1971 au profit de René Berthon. Ce dernier déclare alors : « J’ai pris la prési-
dence de Citra à un moment critique de son histoire puisque l’exercice 1970 de Citra et de ses filiales
SGCI et Citrem a été très défi-
citaire et que 1971, malgré les
dispositions déjà prises, sera
encore mauvais (…). Est-ce à
dire que nous devons déses-
pérer ? Je n’aurais pas accepté
la présidence si je n’avais pas
pensé que la situation pouvait
être redressée… Nous avons
de bonnes équipes ; notre
réputation est intacte ; nous
entretenons d’excellentes
relations avec de nombreux Séminaire des délégués
maîtres d’ouvrages... Nous commerciaux à l’étranger
devons, tout d’abord, réduire en 1970. En position 1, 2, 3
notre chiffre d’affaires, qui a et 4 : MM. Collantoni, Nicolas,
crû trop rapidement, pour le Le Bel et Auprince
archives SPIE.
1 2 3 4 mettre en harmonie avec nos
ressources financières. »
De 1966 à 1971, la Citra connut une très vive croissance à l’étranger et en France. Pourtant, les
dirigeants dénonçaient le niveau aberrant des prix ainsi que le découpage excessif des chantiers
en lots trop restreints pratiqué sur le marché national. La multiplication de petites adjudications
résultait d’une politique délibérée de l’administration qui ne servait personne. Elle empêchait les
entreprises innovatrices de mettre en jeu leurs solutions originales : toutes subissaient les consé-
quences des prix bas.
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Mais ceci impliquait en même temps une prise de risques significative. Lorsque la progression de
l’activité France fut freinée à partir de 1966, la croissance des filiales étrangères, comme on l’a vu,
prit le relais. De ce fait, la Citra accrut la proportion de son chiffre d’affaires dans les secteurs à
risques, éloignés du siège et donc plus difficiles à contrôler. La sélectivité dans le choix des zones
d’action commerciale et des affaires suivies fut manifestement insuffisante.
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Citra est donc bien loin d’égaler les performances de la Direction des Travaux Publics de Victor
Bénézit avant la guerre.
À partir de 1959, la situation semble s’améliorer et la société va distribuer des dividendes pendant Porto Rico
10 années, mais compte tenu de la croissance extrêmement rapide, et donc insuffisamment sé-
lective, les marges sont réduites : le résultat net ne représentait que 0,4 % du chiffre d’affaires en
1968. La prise en compte des pertes subies sur les affaires de Porto Rico et d’Awash provoquèrent
ensuite une descente aux enfers.
L’annexe 18 résume le bilan financier de l’aventure Citra, en comparant en euros 2002 les capitaux
investis et les dividendes perçus. Il apparaît comme désastreux pour Schneider, même en l’absence
de toute actualisation : 45,6 millions d’€ 2002 investis, 19,9 millions de dividendes distribués. En
outre, la valeur finale de la société étant négative – les pertes enregistrées en 1970 et 1971 étaient
supérieures aux fonds propres –, le bilan financier est encore aggravé puisque Spie Batignolles dut
prendre en charge les déficits.
Citra avait apparemment réussi, en 20 ans, une remarquable mutation. Société précédemment
spécialisée dans le génie civil des grandes infrastructures, elle s’était diversifiée dans les travaux
routiers, l’électricité, le montage mécanique, l’entreprise générale et avait développé, en France, un
réseau régional de bâtiment et de petit génie civil. Elle était également présente dans le domaine
des concessions : la société de Financement, de Construction et d’Exploitation de Parcs de Station-
nement, 53 % aux mains de Citra, avait pour objet de monter des opérations de parkings dans la
capitale. À l’international, Citra avait mené une politique originale qui lui avait permis de prendre
des positions fortes en Australie et en Extrême-Orient.
87 - Source : comptes rendus d’AGO,
archives Schneider.
Elle apparaissait donc logiquement comme une entreprise puissante et performante aux yeux de 88 - Elles se répartissaient en trois
ses concurrents et à ceux des équipes d’Empain, qui cherchaient alors à prendre le contrôle de branches dans le domaine industriel :
mécanique et électricité, BTP, sidé-
Schneider. Mais derrière ces apparences se cachaient des faiblesses ou des insuffisances rédhibi- rurgie et usines. Par ailleurs, dans le
toires, insuffisances qu’on pouvait également déceler au niveau de la société mère. Les activités de domaine financier, Schneider possédait
Schneider étaient de fait très hétérogènes et relevaient d’une multitude de sociétés 88. L’organisation la banque de l’Union Européenne,
qui était devenue l’une des premières
mise en place en 1949 devait en principe assurer la cohérence du groupe. Selon les déclarations
banques d’affaires de la place finan-
de ses dirigeants : « Cette organisation, tout en maintenant à l’ensemble l’efficacité d’action et cière de Paris sous l’impulsion d’Albert
la souplesse de fonctionnement nécessaires » permet à Schneider et Cie « de se consacrer plus de Boissieu et de Jean Terray.
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librement aux tâches de coordination et de promotion des activités des sociétés du groupe sur les
CITRA
plans financier, industriel et commercial. »
En réalité, la direction centrale du groupe se révéla extrêmement légère et ténue, les dirigeants des
filiales constituant plus un club d’amis qu’un véritable comité exécutif attaché à définir et à mettre
en place des stratégies cohérentes pour l’ensemble des secteurs du groupe. Le siège de Schneider
manquait sans doute de ressources en hommes et en capitaux, mais peut-être plus encore de
volonté de définir un grand dessein et d’en maîtriser l’exécution. En fait, le manque de directives
fermes du siège et l’absence de procédures fiables de contrôle des engagements et des réalisations
autorisèrent des dérives stratégiques et financières majeures.
La stratégie d’expansion se mua en fait en aventurisme débridé et la Citra n’y survécut pas. En
quelques années, un demi-siècle de progrès et de patients efforts furent anéantis... Il revint à Spie
Batignolles d’en recueillir l’héritage.
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« DEMAIN NE SERA PAS COMME HIER. IL SERA NOUVEAU ET IL DÉPENDRA DE NOUS.
IL EST MOINS À DÉCOUVRIR QU’À INVENTER. »
Gaston Berger
BÂTIR UNE
PLURIDISCIPLINAIRE À VOCATION
ENTREPRISE
MONDIALE
LES ANNÉES 1968-1982
UN LEADER EUROPÉEN
La fusion SPIE-SCB avait donné naissance à Spie Batignolles, l’un des leaders
français du BTP. L’absorption de Citra, en 1972, va propulser Spie Batignolles
au rang des leaders européens. Elle va aussi amputer sa croissance durant
trois années, le temps nécessaire pour assainir les comptes.
La place de Spie Batignolles dans le classe- ses implantations et la taille de ses contrats, en France, en particulier, lui assurent une
ment des premières entreprises européennes stabilité plus grande que jamais. »
de travaux publics
(par leur chiffre d’affaires TTC, après absorption de Citra ; Dans sa définition du profil de Spie Batignolles, René Berthon fixe un triple objectif :
chiffres exprimés en millions de francs en 1972 89)
avoir une solide base française d’activités, bénéficier d’implantations géographiques qui
Holzmann 2 800 garantissent un lissage du chiffre d’affaires et avoir accès aux grands contrats interna-
Hochtief 2 500 tionaux en mettant en œuvre des techniques sophistiquées.
Spie Batignolles 2 100
Strabag 1 700 L’INTÉGRATION DE CITRA
John Laing 1 400
L’apport de Citra était loin d’être négligeable : en France, l’intégration des activités régio-
Costain 1 300 nales de génie civil de Citra France dans celles de Spie Batignolles renforça les positions
Bovis Holding 1 200 du Groupe. La fusion des filiales bâtiment SGCI et COTRABA fut plus problématique
Taylor Woodrow 1 200 et plus longue à se matérialiser du fait de leur concurrence exacerbée. Elles furent, en
définitive, absorbées par Citra France. Citrem apporta dans le domaine électrique ses
positions dans l’industriel et en particulier dans la métallurgie, ainsi que quelques parts
de marchés complémentaires dans les domaines des caténaires et des lignes THT. Enfin, les activités
de concession – autoroutes AREA et parkings – furent regroupées avec celles de Spie Batignolles
et formèrent ainsi un ensemble important.
Dans le domaine des grands projets, Citra apportait ses compétences de bureau d’études, ses
capacités de management et de réalisation de très grandes opérations, sa participation à la CCI,
ses liens avec les activités industrielles de Schneider et avec sa filiale ingénierie ENSA, qui deviendra
Océanie Creusot Loire Entreprises (CLE).
L’apport de Citra posait, en revanche, des problèmes non négligeables : il fallait la redresser et
« réduire la voilure », comme le soulignait René Berthon dans une interview au journal d’entreprise
Rencontres peu après l’opération. Par ailleurs, la fusion apparaissait comme délicate en raison des
différences culturelles fortes entre les deux entités. La césure entre les équipes ex-Citra et les équipes
89 - In P. Danon et M. Karako - ex-Société de Construction des Batignolles dans le domaine du génie civil international dura de
Croissance et concentration dans le longues années avant de disparaître au début des années 80.
bâtiment en 1970, t. 2, ministère de
l’Environnement et du cadre de vie,
1978, p. 75. Il s’agit, pour Spie Bati- UNE VOLONTÉ DE RÉÉQUILIBRER
gnolles, du chiffre d’affaires consolidé. LE PORTEFEUILLE D’ACTIVITÉS
90 - Notamment au Maroc (depuis
1907), en Algérie (depuis 1927), en
Autriche (depuis 1950), en Uruguay L’absorption de Citra faisait de Spie Batignolles une société à dominante génie civil et bâtiment,
avec la Saceem (depuis 1951), en alors que ses succès antérieurs et sa rentabilité provenaient d’abord des activités électricité, pétrole/
Indonésie (depuis 1956), en Polynésie gaz et entreprise générale. Les dirigeants du Groupe, conscients de cette évolution, cherchèrent
et dans les Caraïbes (depuis 1964), en
Thaïlande (depuis 1965), en Turquie
à rétablir un équilibre entre le génie civil et les autres activités, soit par croissance interne, soit par
(depuis 1966), enfin en Nouvelle-Calé- croissance externe.
donie (depuis 1968).
91 - Rattachées respectivement à Cette volonté de rééquilibrage stratégique conduisait donc assez naturellement à une organisation
Paul Royer, Henri Lacoste, Georges de
Buffévent, Claude Coppin et Jacques par métier – génie civil et bâtiment, entreprise générale, pipeline, électricité générale, électricité
Hébrard. régionale 91 – qui facilitait la recherche et la mise en œuvre des opérations de renforcement des
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Bâtir une entreprise pluridisciplinaire à vocation mondiale
secteurs prioritaires. La dissémination des sièges des différentes activités en région parisienne – Pa-
ris puis Puteaux, Levallois, Vélizy, Clichy, Orly et Marolles principalement – rendait toutefois plus
complexe la coordination du nouvel ensemble.
LE RENFORCEMENT
DES ACTIVITÉS ÉLECTRIQUES
La volonté de rééquilibrage passait d’abord par le renforcement du Département Électricité Gé-
nérale (DEG) 92, placé sous l’autorité de Claude Coppin. Rassemblant tous les moyens d’études et
de réalisation, il devint le pôle de compétence du Groupe en ce domaine et fut systématiquement
associé aux activités pluridisciplinaires des autres filiales ou secteurs d’activité : entreprise générale
92 - Il comprenait PEI (Postes, Électri-
bien évidemment, génie civil pour les barrages ou les aéroports, projets de pipelines… Cette par- cité Industrielle, Instrumentation), les
ticipation à des grands projets fut bénéfique en terme d’image, de références et de savoir-faire, et activités lignes THT et caténaires et la
permit ainsi au Département Électricité Générale d’accéder aux grands projets de pétrole, pétro- filiale CITREM venant de Citra.
93 - En Iran, avec des contrats de
chimie et activités à process, soit seul, soit en association ou en sous-traitance des grandes sociétés lignes THT développées par Citrem,
d’ingénierie telles CLE, Technip, Heurtey, Foster Wheeler, Litwin, Bechtel. de postes et stations de pompage, au
Maroc avec la naissance de la filiale
Élecam, en Côte-d’Ivoire, au Came-
À l’étranger, dans le cadre de la politique de développement menée par l’entreprise – qui amènera roun, au Venezuela et en Uruguay.
Spie Batignolles à obtenir en 1977 l’Oscar de l’Exportation –, le Département Électricité Générale 94 - SPIE réalisait au centre d’essais
renforça ses positions dans de nombreux pays 93 et créa des départements électriques à côté des EDF des Renardières, en coopération
avec Merlin Gerin, les montages des-
implantations des autres divisions (Australie, avec l’électrification des chemins de fer du Queens- tinés aux tests de très haute tension
land, Afrique du Sud, Abu Dhabi, Indonésie, etc.). Cette période vit également les premiers succès (1 000 KV).
européens en Espagne, en Belgique et en Russie, par exemple. 95 - Dans le cadre du groupement
France Technique qui rassemblait, pour
En France, les équipes du DEG purent bénéficier de marchés porteurs : investissements d’EDF 94,
la réalisation des sous-ensembles élec-
grandes infrastructures de transport ou de l’industrie. Trois secteurs, par essence pluridisciplinaires, tromécaniques, SPIE et CGEE. Il s’avéra
méritent une mention particulière : les aéroports, le ferroviaire et le nucléaire. très rentable pour les électriciens.
LES MÉTROS
Ce domaine était fondamental pour Spie Batignolles car il per-
mettait de faire jouer sa pluridisciplinarité et ses synergies avec
Schneider.
Claude Coppin
Ce polytechnicien, ingénieur du Trindel qui montera progressivement en puis-
Génie Maritime, entré en 1971 sance.
au moment de l’absorption Claude Coppin a fortement contribué à l’essor
de Citrem (travaux électriques de ces activités, transformant ainsi progressi-
et mécaniques), prend tout vement Spie Batignolles en un groupe à domi-
d’abord en charge l’électricité nante électrique.
et le nucléaire du Groupe, qu’il Son aptitude à la gestion, à la négociation de
développe dans deux axes : contrats et ses capacités stratégiques font
• axe spécialités, avec le Dépar- qu’après son départ en retraite en 1991, il est
tement Électricité Générale, puis rappelé par Didier Pineau-Valencienne pour
avec les activités de projets de la DEN (Division prendre la présidence en février 1992, au mo-
Électricité et Nucléaire) ment où le Groupe traverse les pires difficul-
• axe régional avec les activités régionales tés. Il accepte, non sans courage, et reste pré-
électriques de Spie Batignolles, puis avec Spie sident de Spie Batignolles jusqu’en 1995.
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La région PACA offrit ainsi à Spie Batignolles l’opportunité de poursuivre la tradition des grands
projets de métros initiée au début du siècle.
À l’étranger, le DEG fut partie prenante – seul ou en association – dans la réalisation des métros de
Santiago au Chili, de Rio et de Belo Horizonte au Brésil.
Le groupe Empain-Schneider pouvait traiter dans le domaine ferroviaire d’égal à égal avec son
grand rival, la Compagnie Générale d’Électricité. Comme la CGE, il était producteur de matériel
roulant et disposait de capacités d’ingénierie et d’installations d’infrastructures caténaires et voies.
Mais Spie Batignolles bénéficiait en plus de ses moyens propres pour la réalisation du génie civil
qui, dans certaines affaires clés en main, fut intégré dans les projets. Pour maximiser les chances de
réussite de l’industrie nationale et bénéficier du plein appui des autorités françaises en matière de Métro de Belo Horizonte, Brésil
archives SPIE.
soutien politique et de mise à disposition de financements, les deux groupes décidèrent de s’allier.
Les années 1970 virent donc la constitution de deux groupements français d’installations de métros
à l’exportation, Frameca (voir encadré ci-dessous) et Interinfra, dans lesquels Spie Batignolles jouera
un rôle essentiel, soit en direct, soit à travers sa filiale d’ingénierie SGTE.
Frameca
Spie Batignolles et sa filiale ingénierie La participation de Spie Batignolles incluait
SGTE ont organisé, en 1976, le groupement le pilotage du groupement français à travers
FRAMECA 96 qui devait remporter deux an- SGTE, ainsi qu’une partie des travaux de
et
nées plus tard l’appel d’offres international voie ferrée et d’électrification.
relatif à la réalisation clés en main du Métro Au fil des années, FRAMECA a obtenu six
de Caracas. La première tranche fut mise en contrats relatifs à des extensions qui ont été
le Métro
service en 1983. lancées entre 1985 et 1994, le chiffre d’af-
faires cumulé de FRAMECA repré-
sentant 15,5 milliards de F, dont
de
environ un tiers pour le groupe
SPIE. D’autres extensions sont en
négociation ou à l’étude.
En dehors du premier contrat,
toutes les études d’avant-projet
ont été réalisées par la SGTE.
Le Métro de Caracas a d’emblée
Caracas
connu un très grand succès et les
Caraqueños se le sont approprié,
en faisant un modèle d’ordre, de
sécurité et de gestion. La rela-
tion entre l’exploitant CAMC et
le concepteur-constructeur FRA-
MECA s’est toujours inscrite dans
la continuité au plan humain, ce
qui a beaucoup contribué à l’ex-
cellence de la relation commer-
ciale constatée pendant plus de
30 ans.
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Métro du Caire
Philippe Guignard, © Xipe Totec, archives SPIE.
Maurice Cancelloni
Polytechnicien, ingénieur des du Métro de Caracas, le contrat de la ligne 1 du
Ponts et Chaussées, Maurice métro. Il sut, à cette occasion, fédérer toutes
Cancelloni entre chez Spie Ba- les compétences du Groupe et convaincre son
tignolles en 1970. Directement client de traiter globalement l’ensemble de
rattaché au président René l’opération.
Berthon, il prend la direction Nommé président de Spie Batignolles Bâti-
générale ou la présidence de ments et Travaux Publics en 1980, il fut directe-
plusieurs sociétés du Groupe ment impliqué dans la réalisation de très gros
telles que CERCI, de 1973 à projets comme l’aéroport de Bagdad en Irak,
1975. Il assure en outre le pilo- le barrage de la Vueltosa au Venezuela ou la
tage complet de grandes opéra- raffinerie de Port Harcourt au Nigeria.
tions en France et à l’internatio- Maurice Cancelloni prit également la prési-
97 - Framatome, Framateg, Alsthom, nal et mène d’importantes négociations, telle dence de Sogeparc (1982-1985) et celle d’In-
SPIE. celle de la concession des autoroutes alpines terinfra (1985-1990). À la fin des années 80,
98 - (en p. 173) On rappelle que (AREA). il participa de façon active à l’élaboration
Thermatome était une filiale commune
de l’accord relatif au litige des centrales nu-
à Spie Batignolles, Merlin Gerin et
Jeumont Schneider. Elle connaissait, à Il est directeur général de la SGTE lorsque FRA- cléaires d’Iran pour le compte du groupement
côté de sa spécialité dans le nucléaire, MECA, qu’elle pilote, signe avec la Compagnie français 97, ce qui permit à Spie Batignolles de
une forte activité dans le domaine des libérer d’importantes provisions.
centrales thermiques : Bouchain, La
Maxe, Porcheville et les deux centrales
de 600 MW Cordemais et Aramon.
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EDF sut mettre en place une véritable politique de partenariat avec tous les acteurs engagés dans
le programme nucléaire, ce qui permit de le mener à bien dans les délais prévus.
Le « choc pétrolier » de 1973 incite le gou- Les acteurs du monde secret du nucléaire fran-
Le premier vernement à équiper la France d’un parc de çais, sans doute férus d’histoire, choisirent la
choc pétrolier
centrales nucléaires et EDF lance en consé- date symbole du 4 août pour régler leurs diffé-
quence la même année un programme dit CP1 rends… et se répartir les privilèges.
de 12 tranches rigoureusement identiques
de 900 MW selon la filière PWR dont Empain- Dans « Schneider, l’histoire en force », Tristan
Schneider détient la licence, sur les sites de de la Broise et Felix Torres rapportent comment
Tricastin, Gravelines et Dampierre. Jacques Dollois, directeur industriel du groupe
Ce programme devait être suivi d’un autre pro- Empain-Schneider, découvre au hasard d’une
gramme dit CP2, selon la filière eau bouillante visite impromptue, le 2 août 1975, une agitation
(BWR), que développait la Compagnie Générale fébrile dans les couloirs du siège du groupe, à
d’Électricité (CGE) et dont les deux premières une période où habituellement le silence et le
tranches devaient être installées à Chinon. calme sont de rigueur.
Mais au printemps 1975, Alsthom, filiale de la
CGE, qui avait reçu à ce titre commande de huit Sa surprise est plus grande encore lorsqu’il
tranches, réalise son incapacité à tenir ses en- constate qu’elle est provoquée par les allées
gagements. La situation est d’autant plus déli- et venues des dirigeants de la CGE et de ses
cate pour la CGE que le CEA signe, le 10 juillet, filiales tenant un véritable conclave avec leurs
un mémorandum d’accord avec Creusot-Loire homologues de Creusot-Loire, Jeumont Schnei-
et Framatome prévoyant son entrée dans le ca- der et Framatome. Jacques Dollois parviendra à
pital de cette dernière, et devient de ce fait un joindre les dirigeants du groupe non encore pré-
allié pour le groupe Empain-Schneider. venus, et notamment ceux de Spie Batignolles,
pour les associer aux discussions en cours.
Mais c’est compter
sans Ambroise Roux,
Centrale nucléaire de Chooz
© EDF. président de la CGE,
qui maîtrise mieux que
quiconque les arcanes
du pouvoir politico-in-
dustriel. Ce qui était
un échec se transforme
en retrait stratégique,
avec la bénédiction des
pouvoirs publics tout
acquis à la défense du
champion désigné de la
construction électrique
et électromécanique en
France.
Au terme de deux jours et deux nuits d’intenses Empain-Schneider et, il faut le souligner, excep-
discussions, un accord sera signé le 4 août 1975 tionnellement bénéfiques pour Thermatome :
et avalisé par un comité interministériel le 6 elle eut la charge, seule, de réaliser la totalité
août. René Engen, directeur général d’Empain- de tous les contrôles commandes des îlots
Schneider, n’était pas présent, Jacques Dollois nucléaires des programmes successifs d’EDF
déclarant ignorer si cette absence était délibé- (900 MW, 1 300 MW) et des centrales réalisées
rée ou non ! à l’exportation avec Framatome – Koeberg en
Cet accord sera complété en 1976 par des Afrique du Sud, Daya Bay et Lingao en Chine,
conventions additionnelles dites « accords du Uljine en Corée du Sud – malgré les multiples
11 novembre » – lorsqu’on est dans l’histoire, tentatives du groupement concurrent (CGEE
il est important d’y rester. L’ensemble de ces Alsthom) de remettre en cause cet acquis. Ther-
accords, conclus avec la bénédiction de l’État, matome put ainsi se placer par la suite sur l’im-
conduisait à une rationalisation des ressources portant programme de maintenance qui suivit
d’Empain-Schneider et de la CGE et au partage la réalisation.
du rôle et des compétences des deux groupes Les accords complémentaires dans l’hydraulique
en ce domaine, dans le respect de leurs inté- de novembre 1976 permirent à Thermatome
rêts respectifs, sans oublier, bien sûr, l’intérêt de développer derrière Creusot-Loire Neyrpric
national, si cher aux fonctionnaires et hommes et sa filiale brésilienne Mecanica Pesada une
politiques arbitres de ces grandes manœuvres forte activité grâce à l’important programme de
très caractéristiques de la culture économique centrales hydrauliques dans ce pays (Tucurui,
française ! Balbina…), et au département Électricité
Les conséquences de ces accords furent globa- Générale de SPIE de participer à la réalisation
lement positives pour les sociétés du groupe des contrôles commandes au sein d’une société
commune avec CGEE :
Hydroexport.
Centrale nucléaire
de Daya Bay, Chine
© G. Liesse.
nçais
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triels, etc. Elle vient sensiblement renforcer les capacités du Groupe dans les activités « process ».
Spie Batignolles, entreprise générale, et Speichim vont pouvoir réaliser des ensembles intégrés.
Speichim étendra par la suite ses activités au traitement et l’élimination des effluents industriels.
Au travers de cette nouvelle filiale, Spie Batignolles a affirmé sa présence en Chine et en URSS,
où elle a accumulé des succès commerciaux pendant plus d’une décennie.
Devenue avec l’absorption de Citra une puissante société de génie civil, Spie Batignolles poursuit
donc sa politique de grande exportation, appuyée sur un réseau de filiales et d’implantations locales
qu’elle continue à développer.
En 1976, la filiale brésilienne de Spie Batignolles, fondée en 1934, absorbe la Guaiba Obras Publicas,
donnant naissance à la BGOP dont les activités s’étendent au génie civil, à la route, aux bâtiments
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L’inflation élevée de la période donne l’illusion d’une très forte croissance. En fait, celle-ci reste
faible de 1968 à 1976, la progression de l’activité provenant essentiellement de l’absorption de
Citra en 1972 (voir annexe 19).
La croissance devient vigoureuse à partir de 1976, après la crise pétrolière qui a généré une abon-
dance de pétrodollars. Même si l’on déduit du chiffre d’affaires total celui des principales acquisi-
tions 99, la progression reste très significative : près de 10 % l’an en volume de 1976 à 1982, ce qui
confirme le caractère très porteur des marchés de Spie Batignolles durant cette période, principa- Pétrodollar
lement à l’exportation, comme le met en évidence l’annexe 20. Le pourcentage d’activité export,
voisin de 40 % en 1968, croît jusqu’en 1981 – il atteint alors 64,7 % avec le développement des
grands contrats. À cette date, l’international représente près des deux tiers du chiffre d’affaires,
les grands chantiers pluridisciplinaires contribuant pour plus d’un quart à l’activité totale au début
des années 1980.
L’annexe 20 montre, en outre, que le rééquilibrage recherché en faveur de l’électricité s’est effecti-
vement matérialisé. La part de ce secteur passe en effet de 30 % au début des années 70 à 44 %
au début des années 80.
99 - Incluant Speichim, Capag et Trin- Les marges vont d’abord décroître, conséquence de l’intégration de Citra et des difficultés ren-
del acquise durant l’année charnière contrées sur un contrat en Algérie avec la Sonatrach qui nécessite la constitution de provisions
1982, celle où René Berthon cède la importantes en 1971 et 1972. La rentabilité s’améliore ensuite de façon sensible, portée par la
présidence à Georges de Buffévent.
L’acquisition de Trindel est analysée au croissance et la conjoncture favorable à l’exportation (cf. annexe 19).
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La progression des marges est surtout significative en fin de période, quand Spie Batignolles com-
mence à engranger les profits de ses grands contrats bénéficiaires et, en particulier, ceux de Koe-
berg et Sasol en Afrique du Sud. Mais celles-ci, en dépit de leur amélioration, restent modestes et
représentent 1,2 % du chiffre d’affaires en 1981. En outre, la rentabilité s’avère insuffisante pour
assurer le financement de la croissance. Spie Batignolles dut en effet réaliser quatre augmentations
de capital, en 1971, 1975, 1979 et 1982.
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Le 6 octobre 1973, jour de la fête juive du Kip- absorbés aisément par les pays industrialisés.
pour et en plein mois de ramadan, le président Ils provoquèrent un net ralentissement de leurs
égyptien Anouar Al Sadate déclenche une of- économies – avec une régression de la produc-
fensive armée contre Israël. Ses blindés tra- tion industrielle en 1974 – ainsi qu’une forte
versent le Canal de Suez, percent les lignes augmentation du chômage et de l’inflation.
israéliennes et ses troupes pénètrent profon- Les pays industrialisés réagirent en mettant sur
dément dans le Sinaï, tandis qu’au nord les pied des politiques visant à réduire la consom-
Syriens avancent de plusieurs kilomètres sur le mation de pétrole, tout en recherchant des
plateau du Golan. Mais les généraux israéliens sources alternatives d’énergie – c’est dans ce
vont bientôt réagir et lancer une contre-attaque contexte que fut lancé le programme français
victorieuse. de construction de centrales nucléaires. Ils
Depuis plusieurs années déjà, les pays s’engagèrent par ailleurs dans un vigoureux
exportateurs de pétrole regroupés au sein effort d’exportation d’équipements et de ser-
de l’OPEP cherchaient à imposer une hausse vices vers les pays producteurs de pétrole. Les
du prix du baril aux grandes compagnies banques recyclèrent une part non négligeable
internationales. Le succès militaire israélien va des excédents financiers disponibles vers les
jouer un rôle de catalyseur sur la politique de pays en voie de développement.
l’OPEP. Elle décide, sous la pression des pays Spie Batignolles, si elle souffrit de la conjonc-
arabes, d’utiliser l’arme du pétrole pour frapper ture économique morose sur son marché inté-
les économies occidentales et récupérer une rieur, bénéficia en revanche de la position du
part beaucoup plus importante de la manne groupe Schneider dans le domaine nucléaire,
pétrolière. et sut se développer avec détermination sur les
Dès le 18 octobre 1973 elle double les prix et nouveaux marchés de l’exportation.
réduit de 5 % la production. Le prix du « Saudi Mais le second choc pétrolier du début des an-
Arab light » va passer de 2,6 US $ en septembre nées 80 finit par créer une situation de crise
1973 à 11,7 US $ en mars 1974. Il se stabilise à généralisée dans l’économie mondiale. Celle-ci
ce niveau pendant 5 ans, puis s’envole à nou- se doubla d’une crise financière, des capitaux
veau du fait de la révolution iranienne et de considérables ayant été investis à mauvais es-
la guerre Irak/Iran qui provoquent une forte cient dans des projets non rentables. Les pays
réduction des exportations de ces deux pays. emprunteurs se trouvèrent ainsi placés dans
Le prix du baril dépassera 35 US $ en 1981 et une situation de banqueroute financière.
restera proche de 30 US $ pendant 5 ans. Dans ce contexte les prix du baril s’effondrè-
On peut mesurer l’importance des consé- rent en 1987 et les grands marchés internatio- Crise
quences financières de cette crise pétrolière. naux accessibles aux entreprises européennes pétrolière
Par rapport au début de la décennie 1970, c’est de construction se tarirent. en 1973
un flux supplémentaire de 200 milliards de dol-
lars par an qui vient alimenter les caisses des
pays de l’OPEP au début des années 80. De tels
transferts ne pouvaient évidemment pas être
La crise pétrolière
de 1973 180
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« BUT THE DECLINE OF ROME WAS THE NATURAL AND INEVITABLE EFFECT
OF IMMODERATE GREATNESS. »
LA CHUTE DE LA MAISON
EMPAIN…
GRANDEUR
ET DÉCADENCE AU CREUSOT…
Mais l’empire des barons belges, constitué au hasard des initiatives souvent géniales de son fondateur,
était à vrai dire quelque peu hétéroclite dans ses implantations et dans ses activités. De Charleroi
à Léopoldville en passant par Paris et Héliopolis en Égypte, de la mécanique à l’électricité et aux
mines en passant par la production d’énergie, les concessions de transport urbain et l’immobilier,
il manquait d’unité et de principes directeurs dans son architecture. Lorsque le baron Jean disparaît Nasser
prématurément en 1946, son fils Édouard-Jean, successeur désigné, n’a que 9 ans. C’est donc au
baron Édouard, neveu du fondateur, qu’un conseil de gérance confie la présidence du groupe. Il
confortera son pouvoir en épousant la veuve du baron Jean 100.
Dès sa prise de pouvoir, le baron Édouard est confronté à de graves problèmes. La guerre a fortement
affecté la rentabilité du groupe et, dès 1946, les activités de production d’électricité en France et
Indépendance
le métro de Paris sont nationalisés. L’un des atouts majeurs du groupe disparaît donc, car l’intégra- du Congo
tion verticale (fabrication d’équipements, ingénierie, installation, exploitation) constituait un point belge
fort pour Empain et lui avait permis de mieux résister à la crise des années 30. En 1956, Nasser
séquestre, après l’affaire de Suez, les avoirs belges en Égypte. En 1960, le Congo belge accède à
l’indépendance. Des pans entiers du groupe sont perdus et, avec eux, les bénéfices récurrents qu’ils
dégageaient. Le groupe Empain se recentre alors sur la France, avec notamment ses fleurons SPIE
et Jeumont. Mais il ne parviendra pas à reconstituer son potentiel bénéficiaire. Les activités belges, 100 - Voir annexe 11, généalogie
et notamment les Ateliers de Constructions Électriques de Charleroi (ACEC), s’épuisent dans des simplifiée de la famille Empain.
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projets de développement très coûteux et risqués qui dépassent leurs capacités réelles. Des pertes
apparaissent et la rentabilité baisse. Les membres de la famille continuent, néanmoins, à gérer leurs
rapports selon des procédures royales en élaborant des « conventions » qui portent les noms de
leur lieu de signature !
Ainsi, le « jeune » baron Édouard-Jean évince le « vieux » baron Édouard en 1967 en application
d’une de ces conventions, celle dite « de Neuilly ». Les dirigeants belges du groupe qui s’inquiétaient,
en effet, de l’immobilisme grandissant du président, poussèrent alors le jeune héritier à prendre le
pouvoir. Ses initiatives et son affrontement avec Schneider et les autorités françaises provoquèrent
des mouvements salutaires organisationnels et stratégiques. Il sut faire preuve de patience, atten-
dant son heure, pour faire basculer les alliances au sein du conseil d’administration de Schneider.
Mais cette habile manœuvre, qui lui permit de prendre le pouvoir et donna au monde extérieur
l’illusion que la puissance des Empain était intacte, fut, en fait, le dernier mouvement offensif du
groupe. Le jeune baron ne sut ou ne put ultérieurement exercer le pouvoir. La maison Empain,
financièrement affaiblie, s’avérait en effet incapable de mobiliser les fonds nécessaires à la conduite
d’affaires industrielles d’envergure.
Son organigramme juridico-financier, d’une incroyable complexité, permettait à ses actionnaires
ultimes, en l’occurrence les barons Édouard-Jean et Édouard, de maintenir leur pouvoir en engageant
un minimum de capitaux. Schneider et Spie Batignolles y figuraient comme des filiales de énième
rang, noyées au milieu d’une kyrielle de sociétés. Mais l’opacité du dispositif de contrôle actionnarial
constituait évidemment un obstacle rédhibitoire à la recherche de capitaux frais.
L’extrême variété des activités du groupe – illustrée par le diagramme de la page 185 – lui donnait le
caractère d’un conglomérat aux orientations stratégiques confuses. La fragilité qui en résultait était
encore accentuée par l’existence d’arrangements peu satisfaisants auxquels ses dirigeants avaient
dû se résoudre au fil du temps. Ainsi, en 1969, Édouard-Jean Empain avait accepté un contrôle
50/50 du nouvel ensemble sidérurgique issu du rapprochement, sur l’initiative des pouvoirs publics,
de la SFAC (groupe Schneider) et de CAFL (contrôlé par le holding Marine-Firminy appartenant
aux de Wendel). Ce partage du pouvoir avec une direction générale bicéphale était à l’évidence
inefficace. Empain-Schneider tenta de rompre l’équilibre en lançant une offensive boursière en
1973-74. Mais celle-ci échoua.
La fin est proche… Plus intéressés par les jeux financiers, ventes et achats de participations, que
par la gestion quotidienne des actifs industriels, les « maires du palais » laissent « l’empire » se
féodaliser. Tout n’est pas négatif au demeurant. Spie Batignolles réalise des performances hono-
rables. Merlin Gerin est à la veille d’une étonnante aventure industrielle. La réussite de Framatome
est unanimement saluée et reconnue. Mais dans les secteurs de la sidérurgie, de la métallurgie et
de la mécanique, les pertes structurelles se creusent...
Édouard-Jean Empain s’adonne désormais à d’autres formes de jeu, qui le conduiront à quitter
la rubrique financière des journaux pour entrer dans celle des faits divers 101. Dérive d’un homme,
dérive d’un groupe... La valeur boursière s’effondre. En 1981, un groupe d’investisseurs composé
L’enlèvement principalement de Paribas et d’AXA rachète à Édouard-Jean Empain sa participation dans le groupe
d’É-J Empain
pour quelques dizaines de millions de francs et l’évince de la direction. Il charge Didier Pineau-
Valencienne d’une mission écrasante : redresser le groupe et le relancer. Vaste programme, qui
donnera lieu à un remarquable mouvement stratégique aboutissant à la création d’un groupe
leader mondial dans le domaine du matériel électrique basse tension. Mais avant d’en arriver là,
Didier Pineau-Valencienne devra d’abord s’intéresser à « l’homme malade » du groupe Schneider,
101 - Édouard-Jean Empain fut enlevé
et séquestré suite à des dettes de jeu Creusot-Loire.
non honorées.
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La chute de la maison Empain… Grandeur et décadence au Creusot…
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TRANSPORTS
DU JOUET
CHIMIE
PUBLICITÉ
NAUTISME-TOURISME
LOISIRS
Quand Didier Pineau-Valencienne ouvrit le dossier Creusot-Loire, il s’attendait à une situation grave...
Il la trouva désespérée. Le plus surprenant sans doute était la myopie collective, pour ne pas dire
l’aveuglement de l’équipe dirigeante qui, plutôt que de remettre en cause ses dogmes, ses habitudes
et ses privilèges, marchait sereinement vers le désastre, indifférente aux évolutions économiques
et à la dure réalité des chiffres. Elle avait trouvé un moyen très efficace pour y échapper : ne pas
les connaître, et un autre tout aussi simple : les nier, quand il lui fallait néanmoins y faire face.
Didier Pineau-Valencienne, dans ses souvenirs, cite une anecdote édifiante à cet égard. Lorsque
Creusot-Loire dégagea en 1981 un résultat positif de 41 millions de F après 4 années de déficit,
Philippe Boulin, son directeur général, fit paraître un article dans Valeurs Actuelles dont le titre était
« Creusot-Loire redressé ». Mais il oublia de souligner deux points essentiels : le résultat positif
provenait en fait d’un profit exceptionnel sur un apport d’actif pour 334 millions de F et de la prise
en compte des premiers bénéfices significatifs de Framatome (374 millions de F en 1981 contre 16
millions de F en 1980). Or, Schneider, compte tenu de la structure du capital de Framatome, n’avait
pas le contrôle de l’emploi des bénéfices de cette société.
En réalité, la crise était profonde et irréversible dans les secteurs en déclin, avec des volumes en
baisse et des marges qui s’effondraient... Les diagnostics se multiplient et confirment, hélas, les
impressions premières : la situation est dramatique ; les restructurations industrielles à engager
et les besoins de financement qu’elles nécessitent sont considérables. Dans un contexte où la
quasi-totalité des dirigeants de Creusot-Loire s’étaient voilé la face devant l’ampleur du désastre
imminent, la révélation des problèmes dans toute leur étendue ne pouvait qu’engendrer conflits
et malentendus. Philippe Boulin doit démissionner, « l’establishment » industriel proteste puis
cherche à investir la place, les pouvoirs publics ne savent plus qui croire ni à quel saint se vouer.
La négociation qui sera menée pendant plus d’un an peut paraître quelque peu surprenante avec
le recul du temps et les motivations des décideurs politiques bien incertaines et difficiles à appré-
hender. Ce qui est certain, en revanche, c’est que l’histoire de Creusot-Loire se termina tristement
L’affaire
par une liquidation de biens. Creusot-Loire
à la Une
CHRONOLOGIE DE L’AFFAIRE CREUSOT-LOIRE
> 1981 avril Remise du premier audit Arthur Andersen.
Premières craintes sur la santé de Creusot-Loire.
> 1982 avril Forte dégradation des comptes de Creusot-Loire, annonce du sinistre
de Phoenix Steel aux États-Unis.
14 juin Philippe Boulin est nommé président de Creusot-Loire.
septembre Olivier Bès de Berc est nommé administrateur directeur général
de Creusot-Loire.
novembre Remise du second audit Arthur Andersen.
décembre Philippe Boulin abandonne la présidence de Creusot-Loire.
> 1983 1er janvier Le nouveau président de Creusot-Loire, Didier Pineau-Valencienne,
entame l’inventaire économique approfondi de l’entreprise.
6 janvier Remise du rapport de Bossard Consultants.
janvier/février « Mise à plat » de Creusot-Loire, qui fait apparaître
une forte détérioration des comptes de l’entreprise mettant en cause
son équilibre structurel de financement.
22 mars Première des notes et des courriers alertant les pouvoirs publics
sur les problèmes de fond de Creusot-Loire, qui l’amènent au bord
du dépôt de bilan.
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La chute de la maison Empain… Grandeur et décadence au Creusot…
Crise de la sidérurgie,
manifestation des syndicats
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La chute de la maison Empain… Grandeur et décadence au Creusot…
Pour Spie Batignolles, les conséquences de ces évolutions furent considérables. L’idée d’une stratégie
intégrée dans les domaines de l’énergie nucléaire et du transport ferroviaire perdait son sens et
Spie Batignolles se retrouvait très affaibli face à ses concurrents et partenaires du groupe Alsthom,
devenu hégémonique. Bien sûr, les dirigeants de Schneider continuaient à inclure, dans la définition
du profil du groupe, les activités d’entreprise et s’enorgueillissaient, le cas échéant, des réalisations
prestigieuses de leur filiale. Mais chacun, dans les équipes de Spie Batignolles, ressentait le carac-
tère artificiel de cette situation : le fossé culturel et l’écart entre les préoccupations opérationnelles
grandissaient de manière irréversible. La séparation à venir était écrite sur le « grand rouleau ». La
crise qui secoua Spie Batignolles au début de la décennie 1990 en hâta le déroulement.
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« BÂTIR DES CHÂTEAUX EN ESPAGNE NE COÛTE RIEN,
MAIS LEUR DESTRUCTION EST TRÈS COÛTEUSE. »
François Mauriac
« NOTRE CHANTIER :
LE MONDE »
L es années 80 furent marquées à la fois par de grands desseins et par de grandes désillusions.
Le slogan « Notre chantier : le monde », qui fut adopté à cette époque, illustre bien ce que fut alors
le projet d’entreprise de Spie Batignolles. Le pari était de se différencier des concurrents grâce à la
multiplicité des compétences apportées aux clients – pluridisciplinarité – et par la capacité à gérer
des grands projets dans toutes les régions du monde et dans des environnements parfois difficiles
voire hostiles.
Portée par une conjoncture favorable et forte de l’appui de Schneider, sa société mère, Spie Bati-
gnolles va, à la fin des années 70 et au début des années 80, décrocher de très gros contrats sur
tous les continents.
Georges de Buffévent poursuit la mise en œuvre de la stratégie imaginée par René Berthon et les
dirigeants d’Empain-Schneider qui fut, dans un premier temps, couronnée de succès et permit la
réalisation d’une série de très grands contrats pluridisciplinaires : centrales nucléaires, barrages,
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Georges de Buffévent
Georges de Buffévent, poly- Le secteur électrique va répondre aux at-
technicien et ingénieur des tentes : en prospérant tout au long des années
Ponts et Chaussées, a 44 ans 1980, il contribuera à renforcer et à consolider
lorsqu’il prend la présidence le Groupe. L’entrée dans la promotion immo-
de Spie Batignolles en 1982, bilière et de loisirs, et certaines acquisitions
succédant à René Berthon. étrangères telle Comstock aux États-Unis, se
Précédemment directeur gé- révèleront en revanche être des initiatives
néral de Spie Capag (1977- malheureuses.
1982), il a ainsi acquis l’expé- La situation financière de Spie Batignolles, par
rience des grands chantiers ailleurs affaiblie sous le poids de quelques
internationaux. litiges importants sur de grands contrats, va
Sans remettre en cause l’or- donc se dégrader fortement à la fin de la dé-
ganisation, il accentue néan- cennie, ce qui entraînera son départ de la pré-
moins la décentralisation de sidence en 1992.
la gestion des unités opéra- C’est Georges de Buffévent qui a fait le choix
tionnelles afin de les rendre plus réactives. dans les années 80 de réunir sur le Parc Saint-
Mais ces mesures s’avèreront insuffisantes Christophe, à Cergy-Pontoise, toutes les
face à la mutation des marchés, affectés par équipes du holding et des sièges des filiales
l’insolvabilité croissante des pays en voie de Spie Batignolles. Ce site, dont le caractère
de développement et par l’apparition de prestigieux est unanimement reconnu, a indu-
nouveaux concurrents locaux sur tous les bitablement contribué à renforcer l’image du
continents. groupe.
Dans ce contexte peu favorable, l’activité
export va régresser, entraînant des pertes si-
gnificatives de chiffre d’affaires.
Pour les compenser, Georges de Buffévent
va poursuivre le développement des
activités électriques déjà entamé par son
prédécesseur et engager une politique active
de diversification.
métros et voies ferrées, aéroports, usines d’engrais, usines chimiques, lignes et postes, oléoducs
et gazoducs, ensembles tertiaires... L’éclectisme de Spie Batignolles est éclatant et la liste de ses
références impressionne par la taille et la complexité des projets, par leur caractère prestigieux,
par le nombre de pays concernés. Le Groupe avait su développer une culture originale, creuset de
disciplines et de compétences très variées, qu’il parvenait à concilier en dépit de leur diversité et
des conflits d’intérêt inévitables qu’engendrait leur cohabitation.
Les premières expériences remontaient aux années 60, fruits de la coopération de SPIE et Bechtel
dans les raffineries et ensembles pétrochimiques. Cette culture pluridisciplinaire s’était ensuite
renforcée et enrichie avec la constitution de Spie Batignolles, et les apports des sociétés sœurs du
groupe Empain-Schneider dans les domaines de l’énergie et des transports ferroviaires. Elle atteint
son apogée au début des années 80, portée par la vague d’investissements qu’avaient généré les
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LA MISE EN ŒUVRE
DE LA STRATÉGIE PLURIDISCIPLINAIRE
Deux impératifs majeurs s’imposaient aux dirigeants de Spie Batignolles pour mener à bien cette
stratégie : favoriser les synergies internes et disposer d’un réseau d’implantations internationales
indispensable pour l’obtention et la réalisation des grands contrats.
La formule mise en place pour gérer les synergies fut globalement une réussite. Chacune des grandes
directions de la société disposait des ressources et des compétences pour assurer le montage et la
réalisation de grands contrats pluridisciplinaires. Toutefois, afin d’assurer une totale maîtrise des
risques techniques, le Groupe imposait à la direction pilote de s’appuyer, chaque fois que nécessaire,
sur les compétences des autres directions. La solution retenue consista à créer des « joint-ventures »
internes, dotées d’une comptabilité et de comités de gérance spécifiques. Elle s’avéra généralement
bien adaptée et constitua un facteur clé de succès pour de nombreux contrats.
Usine de laminage à froid, Dans certains cas, comme ceux de l’aciérie de Cilegon en Indo- Adduction
CRMI, Cilegon (Indonésie) nésie, de l’adduction d’eau de Bagdad en Irak ou de l’unité de d’eau
et inauguration production d’oxygène de Sasol en Afrique du Sud, toutes les à Bagdad,
par le président Suharto composantes export de Spie Batignolles furent Irak
archives SPIE. archives SPIE.
partie prenante du projet.
Pour la réalisation des centrales nucléaires, l’in-
tégration verticale de Spie Batignolles dans le
groupe Empain apporta toute son efficacité : Spie
Batignolles Bâtiment et Travaux Publics (SBTP) et
la Division Électricité et Nucléaire (DEN) travaillè-
rent avec Jeumont Schneider et Merlin Gerin.
Le coût de ces implantations et les frais de remises d’offres continuèrent dans les
années 80 à enregistrer des hausses très importantes, alors que les marchés ten-
daient à se rétracter. Ce paradoxe tenait au fait que les frais commerciaux, gérés au
niveau des filiales, n’étaient pas maîtrisés au niveau central. Il fut l’une des causes
des problèmes financiers du Groupe à la fin de la décennie.
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acquisition de Trindel
Alsthom (dont le nom sera orthogra-
phié par la suite Alstom).
108 - Sources internes Trindel
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Jean-Paul Jacamon
Diplômé de l’École polytechnique L’expérience qu’il a ainsi acquise, notamment
(1966), ingénieur du corps des sa maîtrise des activités électriques, conduit
Mines, Jean-Paul Jacamon rejoint Claude Coppin à le choisir comme directeur gé-
le groupe Empain-Schneider néral après la crise de 1992. Il contribuera du-
en 1981 après différentes rant la période 1992-1995 à réorienter la stra-
missions au service de l’État et tégie du Groupe et à négocier avec Schneider
notamment à la Datar. Il exerce les modalités de sa restructuration. Au terme
tout d’abord des missions de ce processus, Didier Pineau-Valencienne le
d’études au siège avant d’être rappelle auprès de lui en 1995.
détaché chez Spie Batignolles Il sera successivement directeur général Eu-
en 1983 en tant que directeur de rope, directeur général et vice-président-direc-
l’Établissement de tuyauteries teur général de 1999 à 2002, date à laquelle il
de centrales nucléaires de Ferrière-la-Grande. quitte Schneider. Il est depuis lors administra-
Il prend ensuite la direction générale de la teur de différentes sociétés. Il a été en particu-
Division ingénierie et entreprises générales lier membre du « board » d’AMEC plc jusqu’en
en 1985, puis celle de la Division électricité et 2006.
nucléaire en 1988.
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L’ÉCHEC NORD-AMÉRICAIN...
Fascinante et paradoxale Amérique qui draine des milliers de chercheurs de toutes nationalités et
qui développe des technologies de pointe, mais conserve pour ses activités de construction des
structures corporatistes d’un autre âge, presque médiévales, véritable carcan juridico-légal, inex-
tricable et insurmontable. Toute entreprise américaine doit opter soit pour un statut « union », et
les équipes de chantier lui sont fournies par les syndicats dans le cadre d’accords professionnels,
soit pour un statut « non union », et elle recrute alors au sein d’une population instable qu’il n’est
pas aisé de fidéliser. Chercher à créer une culture d’entreprise, en capitalisant le savoir-faire acquis
sur les affaires est, dans un tel contexte, une véritable gageure. Par ailleurs, les grandes ingénieries
s’appropriant l’essentiel de la partie amont des projets – études de faisabilité, conception, achats –,
Le Métro
de New York
la valeur ajoutée rémanente des entreprises de construction est réduite à la portion congrue. Dans
le domaine de l’ingénierie électrique, les marges brutes dégagées par les entreprises américaines
ne représentent en fait que la moitié de celles de leurs homologues européennes. Face à de tels
obstacles, la réussite est improbable et pour beaucoup d’entreprises européennes qui ont traversé
l’Atlantique, le rêve américain s’est vite transformé en cauchemar.
Spie Batignolles n’échappa pas à la règle ; son expansion nord-américaine lui amènera bien des
déboires. Elle se matérialisa en 1987 par l’acquisition de Comstock, n°2 de l’entreprise électrique et
de l’ingénierie métallurgique et sidérurgique aux États-Unis. Ressentie lors de sa réalisation comme
un mouvement stratégique majeur, l’opération se révéla malheureuse, la société recelant à côté
de centres de profits rentables de nombreux foyers de pertes récurrentes. Elle nécessita l’envoi
d’un nombre important de managers français, qui parvinrent à arrêter les hémorragies et à rétablir
l’équilibre des comptes. Mais la rentabilité resta marginale et la qualité des équipes américaines
insuffisante. Comstock présentait, en définitive, peu d’intérêt – en dehors de son activité ingénierie
sidérurgique qui sera apportée à Clecim – et elle sera revendue quelques années plus tard à un prix
largement inférieur à son coût d’acquisition…
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Musée d’art
moderne,
Nice
L’imprimerie
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et Roissy Théâtre
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Cependant, la coexistence des deux réseaux régionaux, Citra France et Spie Construction, fut difficile
à vivre, entraînant de multiples problèmes vis-à-vis de la clientèle. Peut-être trop hâtivement créée,
Spie Construction fut absorbée par Spie Citra en 1991.
L’IMMOBILIER
L’immobilier apparut également comme un relais
de croissance qui pouvait, en outre, apporter des
synergies à l’activité bâtiment. Créée en 1986, la
Direction Générale du Développement (DGD) mit en
œuvre une stratégie qui s’articulait autour de trois
axes : promotion immobilière, aménagement urbain,
loisir. Dans le secteur de la promotion immobilière, la
DGD concentra son action sur la région parisienne.
Dans celui de l’aménagement urbain, elle intervenait
dans le montage, la maîtrise d’ouvrage et
l’exploitation de centres commerciaux 109, et gérait
la participation de Spie Batignolles dans Financière
Sogeparc, société spécialisée dans le financement
des parkings publics.
Dans le domaine des TGV, la DEN réalisa pour le compte de la SNCF l’essentiel des caténaires durant
cette décennie. Par ailleurs, si la partie génie civil du contrat tunnel sous la Manche s’avéra peu
intéressante financièrement pour les entreprises du groupement TML concernées, le sous-ensemble
infrastructures électriques et électromécaniques, réalisé par une joint-venture 110 Spie Batignolles/
Balfour Beatty, fut en revanche un succès à la fois technique et financier.
En France, les activités électriques régionales issues de Spie Batignolles et de Trindel, regroupées
au sein de Spie Trindel 111 et enrichies d’autres apports tels CEE et Drouard Régions, poursuivent
leur montée en puissance. Leur rentabilité n’est pas à cette époque très élevée, mais elles bâtissent
progressivement leur base d’implantations locales qui leur permettra de réaliser dans les années
1990 un remarquable essor.
Claude Coppin fut dans ce contexte nommé directeur général du Groupe en 1987. L’ensemble des
activités électriques et électromécaniques – DEN, DIEG, et Spie Trindel – lui furent rattachées, ce
qui représentait la moitié du chiffre d’affaires du Groupe. Jean-Paul Jacamon prit alors la direction
de la DEN tout en assurant la présidence de Spie Trindel.
BILAN ÉCONOMIQUE
ET FINANCIER 1982-1990
UNE POLITIQUE ACTIVE DE CROISSANCE EXTERNE
POUR COMPENSER LA BAISSE DES GRANDS CONTRATS
INTERNATIONAUX
On constate (voir annexe 24) un net ralentissement de la croissance (+ 3 % l’an en volume de
1982 à 1990) qui met en évidence la récession du marché des grands contrats export. La réponse
de Spie Batignolles consista à réaliser, principalement de 1986 à 1990, les acquisitions déjà citées
et à développer très fortement les activités bâtiment et immobilier en France.
Tableau électrique.
Installation de climatisation.
Contrôle/commande.
de centrale nucléaire.
Pose de caténaires.
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Les pertes de 1991 et des exercices suivants constituèrent, en fait, des correctifs des arrêts de ré-
sultats positifs trop optimistes sur la période 1986-1990.
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L’implantation de Spie Batignolles sur le Parc nouveau siège inauguré par le Premier ministre,
Saint-Christophe fut une initiative majeure de Michel Rocard, en 1988.
Georges de Buffévent durant sa présidence. A 35 km au nord-ouest de Paris, dans la ville
nouvelle de Cergy-Pontoise, très bien reliée à
Le 11 juin 1985 eut la capitale, à proximité immédiate de la gare de
lieu la cérémonie Cergy Saint-Christophe desservie par le RER,
de plantation du le Parc Saint-Christophe s’étend sur un terrain
premier arbre sur le d’une cinquantaine d’hectares dominant l’Oise.
site du Parc Saint-
Christophe à Cergy- Campus à l’américaine, le Parc Saint-Christophe
Pontoise. a été conçu avant tout comme un outil de travail,
reflet de la culture d’un grand groupe de dimen-
Trois ans plus tard, sion internationale, riche de la diversité des mé-
les 3 500 personnes tiers exercés et de leur synergie.
composant l’essen-
tiel des sièges, des La maîtrise d’œuvre de conception du Parc a été
équipes d’études, assurée par le cabinet d’architectes Saubot et
d’ingénierie et de direction de projets du Jullien et par Alain Provost, paysagiste. Sa réa-
Groupe Spie Batignolles seront réunies dans ce lisation a mobilisé plusieurs filiales du Groupe :
Le parc
Saint-Christophe
« Notre chantier : le monde »
SGTE, Citra, Spie Construction, SCGPM et Spie gressivement tranformé, à partir de 2000, en un
Trindel. campus « multi-entreprises » ouvert à des PME
et à des grandes sociétés françaises et étran-
L’évolution de la stratégie du groupe – qui l’a gères. Son site prestigieux continue à être una-
amené à se tourner vers les services d’ingénie- nimement apprécié par tous ses visiteurs.
rie électrique – a contribué à diminuer consi-
dérablement la présence de ses équipes sur le
Parc Saint-Christophe. Celui-ci s’est donc pro-
Google earth
parc
St-Christophe
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« LES RAMES SONT BRISÉES ALORS LA PROUE SE DÉTOURNE
ET EXPOSE AUX VAGUES LE FLANC DU BATEAU ;
AUSSITÔT, ABRUPTE, DE TOUTE SA MASSE, SURVIENT UNE MONTAGNE LIQUIDE. »
LA TEMPÊTE
1991
LE RETOURNEMENT DU MARCHÉ
La stratégie de grands projets pluridisciplinaires de Spie Batignolles s’adaptait remarquablement à
la situation économique mondiale du début des années 1980, période où l’entreprise enregistra,
comme on l’a vu, de nombreux succès commerciaux.
Mais cette conjoncture favorable ne dura pas. L’abondance des liquidités générées par les pays
producteurs de pétrole conduisit les banques à des excès. Insuffisamment sélectives dans le choix
des affaires qu’elles finançaient, elles se virent rapidement confrontées aux problèmes de solvabilité
de leurs emprunteurs. Un très grand nombre de pays en voie de développement se trouvèrent en
effet dotés d’investissements improductifs, mal adaptés à leurs besoins ou surdimensionnés et leur
situation financière dégradée leur interdisait tout nouvel engagement.
Il en résulta une forte contraction du marché, aggravée par l’apparition simultanée d’une concurrence
d’entreprises issues des pays émergents pratiquant des prix très compétitifs et par le tarissement
Concurrence
des ressources financières, consécutives à la chute des prix du pétrole à la fin de la décennie. des pays
La technicité et la compétence devinrent alors essentielles pour affronter ce retournement brutal du émergents
marché. Les capacités d’ingénierie du Groupe (Speichim, Clecim, Département « Entreprises Générales
Industrielles ») constituaient un atout à cet égard, mais il apparut qu’elles étaient trop concentrées sur
des niches étroites et des marchés à caractère trop cyclique. Par ailleurs, la tentative d’élargissement
de ce portefeuille par une prise de participation dans l’ingénierie anglaise Davy avait tourné court.
Le génie civil de Spie Batignolles, en dépit de ses références et de ses capacités reconnues de « pro-
ject management », ne pouvait pas apporter la nécessaire « différenciation » face aux entreprises
issues des pays émergents.
Dans ce contexte de concurrence accrue, ce ne fut donc pas tant la dérive de quelques grands
contrats – certains posèrent en effet de graves problèmes comme Bombay, HBJ, Guavio, Siape,
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Aménagement hydro-
électrique du Guavio, Colombie MRAC, etc. – qui mit à mal la stratégie de Spie Batignolles, que le « dévoiement » de cette stratégie.
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Les grands contrats pluridisciplinaires apportèrent, en effet, en dépit des pertes importantes enregis-
Usine d’engrais, SIAPE, Tunisie trées sur certains d’entre eux, une contribution largement positive aux résultats du Groupe durant la
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décennie 1980. La rentabilité de certains d’entre eux fut, effectivement, véritablement exceptionnelle.
Il y eut « dévoiement » car les dirigeants du Groupe ne se résolurent que tardivement à tirer les
conclusions des évolutions du marché et à imposer aux équipes de terrain une adaptation aux
nouvelles réalités. L’entreprise cherchait, au contraire, à maintenir coûte que coûte ses niveaux
d’activité. Les ressources importantes, issues des bons contrats, finirent donc par être dilapidées
dans la gestion d’affaires non maîtrisables et face à des clients dont la mauvaise foi n’avait d’égale
que leur impécuniosité. Avec la contraction du marché, les frais commerciaux prirent des propor-
tions démesurées : excès de frais de délégations commerciales et de frais d’études pour suivre des
affaires mal ciblées par des équipes craignant la sous-charge ou, pire encore, pour prendre des
contrats sortant des domaines de compétence du Groupe.
Et par suite des difficultés à trouver de véritables projets pluridisciplinaires, certains opérationnels
cherchèrent à pérenniser des implantations issues d’un grand contrat en créant des centres de profits
régionaux permanents, spécialisés dans les petites affaires locales, qui s’avérèrent déficitaires dans
la quasi-totalité des cas (Nigeria, Afrique du Sud, Chili, etc.) et contribuèrent à accroître les frais
fixes des structures permanentes.
On était donc bien loin de la stratégie imaginée au début de la décennie 1970.
D’une façon peut-être plus insidieuse, l’augmentation des frais généraux pesa de façon substantielle
sur les comptes de Spie Batignolles. La formidable croissance du chiffre d’affaires, qui fut multiplié
par 20 en francs courants de 1970 à 1990, généra une croissance équivalente aux prélèvements
du siège, appelés « domiciliations ». Spie Batignolles aurait pu, grâce à elles, dégager des marges
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La tempête
Scène de la construction
du pipeline HBJ, Inde
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complémentaires ou des provisions additionnelles. Mais il n’en fut rien. La société géra mal sa
décentralisation en maintenant des strates successives et redondantes de frais fonctionnels centraux
(commercial, DRH…) et continua à affecter des frais généraux non justifiés aux grands contrats qui
disposaient, par leur organisation même, de l’essentiel de leurs ressources de gestion.
En dépit de l’aboutissement positif de la réclamation sur le contrat de la centrale d’Iran, plus
d’1,5 milliard de F de créances impayées figuraient au bilan de Spie Batignolles en 1991, la plus
importante étant celle relative à HBJ.
Construction du pipeline HBJ, Inde
Ce dernier contrat constitue un cas particulier qui archives SPIE.
mérite d’être souligné. Il comportait une clause d’ar-
bitrage international ainsi qu’une clause prévoyant la
résolution amiable des litiges pendant la réalisation
du contrat, destinée, en principe, à protéger l’entre-
preneur. En fait, le client GAIL s’employa à empêcher
l’utilisation de cette dernière et justifia ensuite son
refus d’entrer en arbitrage international par le fait
qu’aucun litige n’avait été soulevé pendant la phase
de réalisation du contrat ! La France apportait de très
importants financements au projet, crédits export
François-
et crédits d’aide, et exerça une pression politique
Xavier
sur les autorités indiennes. Le litige fut finalement Ortoli
résolu grâce à la nomination d’une commission fran-
co-indienne, présidée côté français par le ministre
François-Xavier Ortoli, mais ses travaux n’aboutirent
qu’en 1996.
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Certaines des initiatives prises par la direction générale du Groupe pour compenser la baisse des
grands projets furent malheureusement menées à contretemps.
LE DÉSASTRE DE L’IMMOBILIER
L’aventure immobilière de Spie Batignolles engendra des pertes colossales qui atteignirent près
de 3 milliards de F, soit l’équivalent de 600 millions d’€ 2010. La société cumula les erreurs en ce
domaine : opérations à « contre-cycle », choix des hommes, entrée dans le domaine du loisir tota-
lement inconnu du Groupe, investissements dans les centres commerciaux très consommateurs de
capitaux, manque de rigueur de gestion, absence de réel contrôle des engagements...
L’impact financier de la diversification immobilière, par son ampleur même, fut une des causes
majeures de la crise de 1991.
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La contribution des filiales étrangères fut également très négative durant la décennie, avec les pertes
des filiales africaines et brésiliennes, et surtout la disparition de la filiale australienne de Citra (CCL).
Cette filiale, devenue incontrôlable après le décès de son dirigeant, M. Collantoni, généra plus de
500 millions de F de pertes au milieu des années 1980, soit l’équivalent de trois années de résultat
consolidé du groupe à cette période !
Aux États-Unis, le holding Spie Group qui, rassemblait toutes les filiales opérationnelles, fut fortement
handicapé par les malheurs déjà mentionnés de la principale d’entre elles, Comstock.
Dans le domaine des parkings, Spie Batignolles réalisa, en revanche, une belle performance. Sa
filiale, Sogeparc, était devenue l’un des leaders du marché, derrière GTM. Mais les difficultés
financières du Groupe conduisirent Georges de Buffévent à vendre sa participation dans Soge-
parc à la fin des années 80, pour dégager à la fois des plus-values comptables et des ressources
financières.
LE DILEMME DE LA PLURIDISCIPLINARITÉ
L’opéra
Bastille Cette liste des différentes origines des pertes de l’exercice 1991 peut paraître surprenante et
presque incohérente, tant les causes de l’effondrement à venir sont disparates et variées. Pourquoi
Spie Batignolles eut-elle à subir autant de coups du sort, de revers de fortune, en une période au
demeurant assez courte ? Lorsqu’on l’interrogeait sur ce sujet, Georges de Buffévent répondait
qu’il avait conscience d’avoir commis des erreurs dans le choix des hommes...
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 19
Ce fut probablement l’une des origines des problèmes du Groupe, notamment dans les secteurs de
diversification tels que l’immobilier et le loisir où la direction fut confiée à des hommes qui n’étaient
pas issus de Spie Batignolles et dont les capacités n’avaient pu être évaluées au préalable. Mais ce
ne fut pas la seule.
Les succès commerciaux du début des années 1980 conduisirent Spie Batignolles à valider sans
restrictions sa stratégie « Notre chantier : le monde ». Ce faisant, les dirigeants négligèrent quelques
facteurs sous-jacents essentiels, et en premier lieu le caractère non reproductible de certains contrats
majeurs. Ainsi, l’affaire de Koeberg en Afrique du Sud qui, à elle seule, apporta plusieurs années
de résultat, ou l’affaire de BWSA, en Irak, qui dégagea une très forte contribution, paraissent
indubitablement liées à la situation politique exceptionnelle qui régnait dans ces deux pays au
moment de leur réalisation. Les dirigeants sous-estimèrent en second lieu l’appui que leur avait
apporté l’adossement au groupe Empain-Schneider, dans sa configuration ancienne. Quand sa
société-mère, redevenue Schneider, se fut délestée de ses activités dans le domaine de
la production d’énergie et du ferroviaire, Spie Batignolles perdit à l’évidence des atouts
déterminants dans le domaine des contrats pluridisciplinaires.
Avec des compétences propres en matière d’ingénierie « process » insuffisantes pour
lui assurer des relais de croissance à l’international, et des positions France manquant
de solidité dans le domaine du BTP, l’entreprise était donc durablement affaiblie dans
les grands projets.
Les actions stratégiques engagées pour remédier à cet état de fait furent, comme on l’a
vu, menées de façon trop hâtive et trop désordonnée.
La résistance des activités de spécialités électriques justifie d’ailleurs, a contrario, cette
Centrale nucléaire de Civaux analyse. Peu concerné par les contrats pluridisciplinaires – en période de pointe, la partie
archives SPIE.
« contrats pluridisciplinaires » de l’activité électrique de Spie Batignolles était voisine de
5 % –, le secteur électrique sut, au contraire, se développer de façon spectaculaire en
s’appuyant sur une forte base française, sous l’impulsion de Claude Coppin.
Mais ce dernier, en désaccord avec la stratégie de développement tous azimuts dans
l’immobilier et le loisir, abandonna la direction générale fin 1990. Georges de Buffévent
réorganisa, en conséquence, la direction autour d’un comité restreint comprenant trois
directeurs généraux : Jean-Louis Bitouzet, Jean Coret et Jean-Paul Jacamon.
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La tempête
Tout au long de son histoire, les chantiers inter- camps loin des zones habitées. Les phases de
nationaux ont profondément marqué et façonné crise politique furent, en outre, à l’origine de si-
la culture de Spie Batignolles. Dans son incons- tuations très tendues pour les équipes chargées
cient collectif, les souvenirs de certains grands de les gérer. La révolution iranienne en est l’un
chantiers se sont parfois parés des couleurs des exemples ; certains expatriés durent quitter
de véritables épopées, attachant rêve et aven- le pays de manière peu orthodoxe en traver-
ture aux missions lointaines des expatriés. Les sant, parfois à pied, les zones montagneuses
capacités techniques et les compétences indis- d’Asie Mineure. Quelques années plus tard,
pensables au succès des projets internationaux durant la guerre Iran/Irak, les hommes de Spie
ne constituent qu’une part des qualités néces- Batignolles et de Fougerolle qui terminaient la
saires à leur conduite dans les pays en voie construction de l’aéroport de Bagdad durent à
de développement. Souvent réalisés dans des maintes reprises se réfugier dans des abris lors
environnements hostiles du fait des conditions d’attaques aériennes. Au même moment, leurs
climatiques, de l’organisation juridique balbu- collègues de Spie Capag, basés à Basrah pour
tiante, des problèmes politiques ou de tout autre la construction d’un pipeline vers l’Arabie Saou-
facteur insoupçonné au moment de la signature dite, essuyaient de façon quotidienne les tirs
du contrat, les grands projets nécessitent de la d’obus à fragmentation iraniens.
part des managers rigueur et méthode, mais Les problèmes tournèrent même au cauchemar
aussi une forte capacité à assumer des situa- en Colombie où, en janvier 1991, une colonne de
tions de crise, à s’adapter à des circonstances guérilleros du FARC et de l’ELN attaqua le chan-
imprévues, à savoir résister ou composer selon tier de Spie Capag. Trois techniciens français fu-
les cas, sans autre guide que leur ressenti face rent pris en otage et durent parcourir la jungle
aux événements ou leurs expériences passées. colombienne pendant sept longs mois, sous le
À la longue, l’exceptionnel finit donc, le plus na- contrôle de leurs ravisseurs. L’ambassadeur de
turellement, par devenir normalité. En revanche, France, Monsieur Paul Dijoud, s’impliqua per-
le retour à des paysages plus traditionnels peut sonnellement dans cette affaire et joua un rôle
être ressenti comme une épreuve : lorsque déterminant dans son dénouement. Les trois
Claude Coppin décida de centrer les efforts com- otages furent libérés, sains et saufs, fin juillet
merciaux sur l’Europe, certains ingénieurs se 1991.
montrèrent réticents à partir pour l’Allemagne Mais les crises graves furent, en définitive, des
alors qu’à la même époque, ils partaient en exceptions, des événements très rares qui n’eu-
Chine, sans arrière-pensée, pour participer à la rent pas d’influence réelle sur la stratégie. C’est
construction d’un barrage sur le fleuve Jaune. en réalité le tarissement des marchés et la mon-
Ce n’est pas, en tout cas, la recherche de condi- tée des concurrents issus des pays émergents
tions de vie attrayantes qui explique ces atti- qui provoquèrent le retrait progressif de Spie Le fleuve
Jaune
tudes, car peu nombreux furent les sites recon- Batignolles du marché des grands projets d’in-
nus pour leur caractère idyllique ! frastructures hors d’Europe.
Ces conditions s’avéraient le plus souvent diffi-
ciles, et même fort rudes, lorsque les contraintes
opérationnelles imposaient l’établissement de
L’international : aventures au
soleil ou tristes tropiques ? 218
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« MAIS IL EST INFINIMENT RARE QU’ON SE QUITTE BIEN,
CAR SI ON ÉTAIT BIEN, ON NE SE QUITTERAIT PAS. »
DU CÔTÉ
DE CHEZ SCHNEIDER
1968-1997
LE POINT DE VUE DE L’ACTIONNAIRE
Être une société mère n’est pas une tâche simple : il n’est pas aisé de brider sa fille alors qu’elle
semble promise à un bel avenir. Durant les années 70, le groupe Empain-Schneider exerçait un
contrôle assez lâche sur ses filiales qui pouvaient vivre assez librement, parfois même en véritable
autarcie. Rien ne fut refusé à Spie Batignolles, qui put lever des capitaux à sa guise et financer sa
croissance. Les fées de la conjoncture s’en mêlèrent aussi, apportant des flots de pétrodollars aux
clients du groupe.
Toute concentrée sur ses problèmes de développement, l’entreprise ne versa à ses actionnaires que
des dividendes raisonnables, dont le montant cumulé en euros constants était simplement équiva-
lent à celui des augmentations de capital.
cumul des cumul des solde
dividendes augmentations La création de valeur ne pouvait provenir,
en millions d'€ versés de capital dans ces conditions, que de la progression
période 1968-1982 63,3 – 85,3 – 22,0 du prix des actions puisque les dividendes
étaient réinvestis. De ce point de vue, la
période 1983-1990 96,6 – 61,2 + 35,4
société mère se devait d’octroyer un sa-
total 159,9 – 146,5 + 13,4 tisfecit à sa fille.
(cf. annexe 25) Au départ de René Berthon, en 1982 (voir
annexe 26), la création de valeur est en
effet impressionnante. Le coefficient de progression de la valeur de l’action depuis 1968 est proche
de 15 en francs courants et de 4 en euros constants. En outre, la société est faiblement valorisée
par la Bourse en 1982 (moins de 6 fois le résultat net consolidé). Le « prix stratégique » aurait pu
représenter le double ou le triple à cette date, comme le montreront les événements de 1986-1987.
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L’OFFENSIVE DE BOUYGUES
Didier Pineau-Valencienne
Né en 1931, vendéen d’ori- Après la mise en place des contrôles de ges-
gine, diplômé de l’école tion de la direction Stratégie et Plan, il dirige
HEC, il prend, en 1958, après les divisions Polymères, Pétrochimie, et ac-
trois ans de service militaire cède, en 1979, au comité exécutif du groupe.
dans la Marine et un rapide Les plus hautes responsabilités lui sont alors
passage dans l’édition, la ouvertes.
responsabilité de la petite Lorsqu’il choisit de venir chez Empain-
banque du groupe Empain, Schneider, en décembre 1980, c’est en y
la PBI, présidée par Raymond apportant l’expérience qu’il s’est forgée.
Brissaud. Il devient ensuite le Il devint en 1981 président-directeur général
président-directeur général de Schneider, poste qu’il conservera jusqu’en
de la société Carbonisations 1999. Au cours de son mandat, il a transformé
et Charbons Actifs (CECA), Schneider, qui était précédemment un conglo-
filiale commune d’Empain et mérat aux multiples activités déficitaires, en
de Rhône-Poulenc, qu’il par- un groupe centré sur le matériel électrique
vient à redresser alors qu’elle est au bord de présent dans le monde entier et détenant des
la faillite. positions de leader sur ses marchés.
En 1974, la CECA est vendue et Didier Pineau- Après son départ de Schneider, il devient
Valencienne rejoint Rhône-Poulenc. La philo- président du fonds d’investissement Sagard,
sophie et les méthodes de management de senior advisor au Crédit Suisse First Boston
Renaud Gillet et de Jean Gandois le marquent et administrateur de plusieurs sociétés fran-
profondément. çaises et internationales.
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Du côté de chez Schneider…
les comptes : en 1990, la valeur de la société représente plus de 12 fois le résultat net. Notons
que la valeur ressortant de l’offensive Bouygues présente un caractère un peu théorique. En cas
d’accord avec Schneider, Bouygues eût sans doute exigé des garanties de passif substantielles…
ÉPILOGUE
En 1997, Schneider encaissera 350 millions de F nets à l’occasion de la vente de Spie Batignolles 113,
soit 60 millions d’€ 2010, après avoir supporté un coût de « deafeasance », déduction faite des
économies d’impôts, d’environ 1,2 milliard de F, soit 215 millions d’€ 2010.
Les conséquences de la stratégie de Spie Batignolles dans la seconde moitié des années 80 furent
donc très lourdes et les regrets de sa société mère à la hauteur des espoirs déçus. Mais la perte de
valeur qui en résulta était, à vrai dire, négligeable au regard de la valorisation atteinte par Schneider
après son redéploiement, brillamment réussi, vers la basse tension et les automatismes. La seule
sortie de Spie Batignolles du groupe Schneider, interprétée par les marchés financiers comme le
signe d’une évolution définitive et irréversible, effaça totalement les conséquences négatives des
déboires qu’elle avait subis. En fait, rien n’est immuable en matière de stratégie… Il est un temps
où l’on ne doit pas vendre, il est un temps où l’on doit vendre !
Archives SPIE
Exister
EXISTER
1992-1995
EXISTER
Claude Coppin fut rappelé à la présidence de Spie Batignolles en février par Didier Pineau-Valen-
cienne, dès l’annonce du départ de Georges de Buffévent. Quelques semaines après sa nomina-
tion, il organisa une réunion des cadres dirigeants qui était attendue avec impatience. Il y exposa
les grandes lignes de ses orientations stratégiques – la sortie des activités de promotion, dont
la situation était catastrophique, constituait un
élément essentiel – et fit part de sa confiance
dans les capacités de redressement de la société.
Mais lorsqu’il annonça que sa première priorité
était d’encaisser 1 milliard de francs de créances,
ce fut un choc pour l’assistance. Chacun comprit
que ces créances n’étaient pas provisionnées et
que la situation de l’entreprise était pire que pré-
vue. L’enjeu était donc l’existence même de Spie
Batignolles.
Il revenait à Claude Coppin, dans ce cadre, de
convaincre l’actionnaire de s’armer de patience,
car les opérations de redressement seraient né-
Claude Coppin cessairement délicates et complexes, alors que
rappelé à la
présidence Schneider, soucieux d’améliorer sans tarder son
image boursière, était au contraire demandeur
de solutions rapides. Il était clair que les activités
électriques allaient devenir le socle sur lequel se
construirait l’avenir du Groupe, complétées par
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celles de la construction, encore fragiles, mais qui pouvaient être redressées. Le maintien des ac-
tivités d’ingénierie paraissait, du fait de leur taille insuffisante, très incertain, mais Claude Coppin
ne souhaitait pas prendre le risque de déstabiliser encore plus les équipes, déjà traumatisées par
les pertes de l’exercice 1991, et évita d’engager le débat à ce sujet pendant les premiers mois de
sa présidence.
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La lutte fut longue, ardue. Il y eut quelques échecs et quelques trahisons. Claude Coppin :
« Toute période difficile
GTM refusa d’honorer ses engagements de combler le découvert du
est opportunité. »
chantier du Guavio. Mais lorsque, quelques semaines plus tard, la archives SPIE.
réclamation fut réglée par le client, beaucoup plus rapidement que
prévu, GTM ne refusa pas, bien sûr, sa quote-part de l’encaisse-
ment... Il y eut des opérations exceptionnelles par leur nature :
la première guerre du golfe, qui avait interrompu les contrats de
Guerre
pipelines irakiens, permit de résoudre de façon élégante les récla- du golfe
mations en cours. Les tribunaux londoniens ordonnèrent, en effet,
le déblocage des fonds immobilisés sur des comptes séquestres dans
des banques de la City, qui assuraient la sécurité des règlements. Le solde
des sommes disponibles fut utilisé, en accord avec l’ONU, pour acheter des
céréales. Au terme d’une opération juridico-financière extrêmement délicate et dont la dimension
politique ajoutait encore à la complexité, Spie Capag eut la satisfaction de nourrir Bagdad pendant
plusieurs mois tout en ayant obtenu le règlement de ses factures.
Un travail considérable fut effectué. Les encaissements reçus dépassèrent 800 millions de F. La
transaction sur l’affaire HBJ (cf. p. 215) n’était toutefois pas suffisante pour solder les comptes
à la hauteur des attentes. Il fallut attendre la restructuration financière de 1996 pour dégager
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d’importantes économies fiscales complémentaires sur ce contrat. In fine, Claude Coppin dépassa
donc, de fait, son objectif.
Par ailleurs, Spie Batignolles joua un rôle déterminant dans la résolution des litiges opposant le
concessionnaire du tunnel sous la Manche, Eurotunnel, au groupement constructeur TML. Ainsi
que l’expliquait Claude Coppin dans un article de l’AGEFI du 18 juin 1993, le problème ne consistait
pas uniquement à négocier la réclamation sur les coûts de construction, il fallait aussi modifier le
contrat pour assurer la mise en service de l’ouvrage par étapes et hâter ainsi le transfert de pro-
priété pour permettre à Eurotunnel de le mettre en exploitation aussi rapidement que possible.
Les propositions de Spie Batignolles furent retenues par ses partenaires de TML et par le client
Eurotunnel, puis mises en œuvre à la satisfaction des deux parties.
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La situation de Spie Batignolles restait préoccupante à la fois au plan des résultats, des fonds propres
et de la trésorerie. L’échec de la vente de Spie Capag renforça sans doute Schneider dans l’idée
que la vente du secteur Ingénierie et Entreprises Générales (DIEC) était inévitable. Claude Coppin
partageait cette analyse et se résolut alors à renoncer au « tripode » électricité, construction, en-
treprise générale, car le plan de charge de la DIEC était devenu très insuffisant.
Des discussions furent engagées avec le groupe américain Fluor. Mais en parallèle, Technip, qui
craignait l’implantation de son concurrent américain en France, fit le siège de Didier Pineau-Valen-
cienne chez Schneider et emporta l’affaire en juin 1993 114, après une négociation marathon qui
créa quelques tensions entre Spie Batignolles et son actionnaire. Cette cession avait un caractère
défensif : il s’agissait en fait d’éviter des frais de restructuration à venir. Elle ne dégagea aucune
plus-value comptable et se traduisit par une sortie de trésorerie compte tenu des caractéristiques
inhérentes aux activités d’entreprise générale.
Il fallut donc procéder, en raison des pertes subies par Spie Batignolles après 1991 (274 millions
de F en 1992 et 215 millions de F en 1993), à la réévaluation de certains actifs, et à la vente de 114 - Le choix de Technip, dont
50 % de Spie Trindel à Schneider, sur la base d’un prix à 100 % d’1,3 milliard de F. Cette cession, l’actionnaire de référence était alors le
groupe pétrolier Elf, n’était sans doute
réalisée durant l’exercice 93, présentait l’avantage de conserver l’intégralité de la filiale dans le
pas étranger à l’entrée de celui-ci
groupe Schneider, tout en permettant de réintégrer de la trésorerie et des résultats dans une filiale dans le capital d’un des holdings de
qui, autrement, risquait de devenir exsangue. Spie Batignolles gardait la gestion de Spie Trindel. contrôle de Schneider, la SPEP.
Centrale thermique
En 1993, le Groupe céda en outre à Framatome sa participation dans Jeumont Schneider Auto- de Tit Mellil, Maroc
mation (JSA), société spécialisée dans l’automatisation des laminoirs et des grands équipements © Studio Pons.
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de la métallurgie. JSA, dépendant de sa société sœur Jeumont Schneider Industrie (JSI) pour la
fourniture de moteurs et de variateurs de vitesse, ne pouvait en effet vivre de façon autonome Variateur
alors que Schneider avait décidé de céder JSI à Framatome. de vitesse
LE RECENTRAGE STRATÉGIQUE
DE SPIE BATIGNOLLES
Les activités de génie industriel cédées, Spie Batignolles se concentra donc sur ses deux métiers
historiques, l’électricité et la construction. Des actions rigoureuses menées dans les secteurs en crise
– immobilier et construction notamment, qui se restructura sous l’impulsion de François-Xavier
Clédat, responsable des activités régionales
de BTP en France – permirent de redresser
la situation. La société restait globalement
déficitaire mais ses résultats opérationnels
étaient à l’équilibre.
TGV Rhône-Alpes,
Bourreuse
archives SPIE.
Tunnel de la Chamoise
© J-P Mirabel.
L’ÉVOLUTION DE LA FRANCE
115 - Dans le domaine des transports
urbains, le contrat phare de la période La société n’a pas perdu, durant les années 90, son leadership dans la réalisation des infrastructures
sera la concession du tramway de de systèmes de transport 115 et dans ses autres activités de spécialités (nucléaire, lignes THT, pipelines,
Caen, obtenu en association avec le fondations spéciales, travaux souterrains). Toutefois, les grands projets nucléaires et ferroviaires
Canadien Bombardier et faisant appel
à un système innovant (véhicule sur touchent à leur fin et avec eux, l’âge d’or de la DEN, devenue Spie Enertrans. Ils dégagent encore
pneus, guidage par rail). une rentabilité significative mais il apparaît, d’ores et déjà, que le relais devra être pris par les acti-
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vités régionales de Spie Trindel. Yannic Burin des Roziers, son nouveau directeur général lance en
1993 son projet d’entreprise : « Spie Trindel, devenir l’entreprise de référence ». Ce sera le point
de départ d’une grande aventure de développement en France et en Europe.
Par ailleurs, la construction est en voie d’opérer un virage majeur. Les grands projets de génie civil
sont en déclin et François-Xavier Clédat réoriente progressivement les activités de construction vers
le bâtiment et le génie civil régional, en ciblant une clientèle fidélisée 116.
Yannic Burin des Roziers est né en novembre pour ses clients, ses actionnaires et
École Bréguet 1940. Diplômé de l’école Bréguet, il entre chez ses collaborateurs.
CEEMTP, filiale de Citra, en 1967. Lancé officiellement en 1997, ce
Il rejoint le Groupe Spie Batignolles en 1970 projet contribua à renforcer la co-
pour prendre en charge la responsabilité des hésion interne dans la période du
activités de lignes et postes THT de l’agence RES 117 et fut pour l’entreprise tout
de Téhéran. En 1975, il poursuit sa carrière in- entière une véritable source de re-
ternationale en Afrique du Sud, où il participe nouveau et de progrès.
aux projets de Sasol puis de Koeberg dans Son action à la tête de Spie Trindel
le cadre de la filiale locale de Thermatome, s’avéra essentielle à la réussite du
dont il rejoint le siège en 1982 comme respon- Groupe, dont il devint directeur gé-
sable des activités internationales, avant d’en néral en novembre 1998. Confronté
prendre la direction de 1986 à 1988. à la faible progression du marché
Il part ensuite pour les États-Unis et devient français, il mena parallèlement et
président-directeur général de LK Comstock avec détermination le développement euro-
(filiale américaine de Spie Batignolles). péen des activités de services de proximité et
Dès qu’il prend les commandes de Spie Trin- une politique d’acquisitions de nouvelles com-
del en 1993, Yannic Burin des Roziers nourrit pétences – dans le génie climatique et la com-
de grandes ambitions pour ses équipes. Il les munication notamment. Une mutation pro-
entraîne progressivement dans un projet d’en- fonde de Spie Trindel s’ensuivit, l’entreprise 116 - Après une courte embellie, le
treprise mobilisateur et clairement formulé : laissant loin derrière elle l’image de simple BTP devait subir une nouvelle récession
« devenir l’entreprise de référence » à la fois installateur qui était la sienne auparavant. de 1997 à 2000.
117 - Rachat de l’Entreprise
par ses Salariés, réalisé en 1997
(voir chapitre 22).
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Tramway
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Strasbourg
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Tunnel
« Vue des Alpes », Métro de Lisbonne,
Suisse Portugal
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Ci-contre : tramway
de Strasbourg
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François-Xavier Clédat
François-Xavier Clédat est né en juillet 1946. Xavier Clédat fut l’un des premiers à proposer
Ingénieur ESTP et diplômé d’un 3e cycle de la solution du RES à Didier Pineau-Valencienne.
gestion à l’Université de Paris-Dauphine, il Il appuya Jean Monville dans ses démarches et
entre chez Bouygues en 1970 en tant qu’ingé- sut motiver ses troupes, qui contribuèrent au
nieur structure puis ingénieur commercial. Il succès de l’opération en 1997.
devient ensuite responsable administration- Lorsque AMEC manifesta son intention de se
gestion-finances, puis directeur de filiale. désengager de Spie Batignolles – devenue en
Il rejoint en 1981 le groupe SGE, qu’il quitta 1998 la filiale BTP du Groupe –, il sut réagir en
en 1986 pour entrer chez Spie Batignolles en proposant une offre de reprise
tant que directeur général de SCGPM. Il prend de 51 % des actions de cette
la présidence de Spie Citra en décembre 1992 société sous forme de LMBO,
et devient directeur général de la branche y associant les 78 cadres diri-
Construction en juillet 1995. Il est nommé di- geants de l’entreprise et Bar-
recteur général du Groupe le 26 février 1997, clay’s Private Equity France.
fonction qu’il occupera jusqu’en 2003. L’opération se conclut avec
François-Xavier Clédat adhéra spontanément succès le 5 septembre 2003.
au projet de montage du RES qu’allait piloter François-Xavier Clédat est de-
Jean Monville en 1996 et 1997. Responsable puis lors président-directeur
des activités de bâtiment et de génie civil, général de Spie Batignolles.
qui posaient problème à Schneider, François-
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L’ORIENTATION EUROPÉENNE
Claude Coppin affirme très clairement que le Groupe doit trouver en Europe une source impor-
tante d’expansion. Spie Batignolles va prendre des positions intéressantes au Portugal (métro de
Lisbonne, pipeline de Setubal-Braga), en Suisse (tunnels ferroviaires) et en Allemagne (pipeline Mer
du Nord-Ludwigshafen, projets berlinois). Alors que les projets portugais, bénéficiant de la manne
financière bruxelloise, vont se dérouler sans crise majeure, les affaires allemandes, et en particulier
celles concernant Berlin, nécessiteront une forte implication de la direction du Groupe.
L’AVENTURE ALLEMANDE
À la suite des événements historiques intervenus de 1989 à 1991, de
RDA
vastes programmes d’investissements sont lancés durant cette période.
dates historiques Spie Batignolles décide en conséquence de s’y intéresser et cible d’em-
novembre 1989 chute du mur de Berlin blée trois créneaux : le ferroviaire dans les nouveaux Länder (ex-RDA),
octobre 1990 réunification RFA / RDA les tunnels et les fondations spéciales, l’énergie avec les pipelines et les
lignes THT.
juin 1991 Berlin capitale fédérale
février 1992 traité de Maastricht La Deutsche Bahn, bien au fait des références de Spie Batignolles et
décembre 1994 départ des Alliés confiante dans ses compétences, incita vivement l’entreprise française
septembre 1998 départ de H. Kohl, mandat de G. Schröder à s’intéresser à ses projets. Spie Batignolles bénéficia pour ce faire de
janvier 2003 traité de l’Élysée la situation du marché allemand : la concurrence était alors cartellisée,
les prix bien supérieurs aux prix français ou internationaux – plus de
50 % dans certains créneaux – et l’écart de coût de main-d’œuvre et
de management de l’ordre de 20 % entre la France et l’Allemagne. Tout militait pour l’entrée sur
Mittelstand ce nouveau marché : le volume de travaux neufs et de réhabilitations dans les nouveaux Länder,
les directives anticartel allemandes et européennes et les fonds structurels alloués par Bruxelles.
Le rachat à la Treuhandanstalt, l’organisme de privatisation mis en place après la réunification,
d’entreprises kombinats de l’ex-RDA fut un moment envisagé. Mais les risques sociaux et financiers
qu’impliquaient de tels projets parurent excessifs et Spie Batignolles préféra s’orienter vers des
partenariats locaux. Les « majors » allemands n’ayant pas réagi positivement, elle opta en défini-
tive pour une alliance avec le Mittelstand, ce réseau d’entreprises moyennes, socle de l’économie
allemande – alliance inattendue, mais
qui se révéla efficace et durable.
Ci-contre : axe nord-sud
de Berlin, le Spreebogen
archives SPIE. L’aventure allemande ne fut pas un long
Voie fixe sur béton, fleuve tranquille. Au début des années
Francfort/Cologne 90, le pays était encore économique-
archives SPIE. ment prospère et le financement des
contrats ne posait pas de problème
majeur. L’abondance des contrats limi-
tait l’acuité de la concurrence et, même
si les marges avaient déjà diminué,
l’époque de la cartellisation touchant
à sa fin, elles demeuraient encore fort
confortables. C’est ainsi que Spie Ba-
tignolles put enlever, face aux géants
allemands trop sûrs d’eux-mêmes, le
contrat du Stadtbahn, associée dans le
cadre d’un vaste consortium avec un
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à des forces énormes, elles devaient être fixées par de puissants ancrages. Plus de 30 000 mètres
linéaires furent utilisés au total. Les imperfections pouvant provoquer la formation de véritables
geysers, les équipes de Spie Fondations plongèrent dans les eaux noires et glacées à maintes reprises
pour vérifier la qualité des bétons et des ancrages.
Le projet commença dans des conditions difficiles : le premier hiver fut en effet particulièrement
rude avec des températures inférieures à – 20°C, la Spree se couvrant d’une couche de glace d’une
épaisseur de plus de 60 centimètres. Il fut impossible dans ce contexte d’entamer les travaux de
déminage indispensables dans ce secteur qui avait été soumis à d’intenses bombardements et tirs
d’obus durant les derniers mois de la guerre. Le chantier n’hiverna pas pour autant et dès le dé-
gel, les plans furent approuvés et les équipes mobilisées. En dépit de la complexité du projet, Spie
Fondations surmonta les difficultés de toutes natures qui apparurent tout au long de la réalisation
de l’ouvrage. La performance exceptionnelle de l’entreprise fut saluée par le client.
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Il apparut clairement que le temps glorieux des grands chantiers de génie civil export touchait à sa
fin. Spie Batignolles, comme la plupart de ses confrères français et européens, fut donc amenée à
restreindre progressivement son activité dans ce domaine.
Métro de Caracas, Venezuela
archives SPIE.
Pour les autres activités internationales plus
ciblées – métros et pipelines –, le début des
années 90 allait en revanche constituer une
période favorable. En dépit de problèmes
de financement inévitables, les projets de
métros du Caire et de Caracas se dérou-
lèrent de façon satisfaisante. À Athènes,
le sous-sol – plus approprié à la recherche
archéologique qu’à l’ouverture de tun-
nels – réserva de désagréables surprises aux
génie-civilistes du consortium ! Les activités
électromécaniques, voies ferrées et électri-
cité n’y rencontrèrent, en revanche, pas de
problème majeur.
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Au siècle dernier, fin 1990, Spie Capag, associé de 75 ans, ancien policier au temps de l’admi-
à un partenaire australien, Mac Connel Dowell, nistration australienne de la Papouasie, avait
remporta un contrat de pose de pipeline en Pa- pris sa retraite en ce lieu qu’il aimait, entouré
pouasie-Nouvelle-Guinée, pays mystérieux qui de ses nombreuses épouses et d’une ving-
occupe la moitié Est d’une grande île située au taine d’enfants. Il était apparemment le seul
nord de l’Australie, dont l’autre moitié, territoire blanc à Kikori, mais avoua un jour, presque à
indonésien, s’appelle Iran Jaya. contrecœur, qu’un missionnaire suisse y vivait
également. Leurs relations étaient en effet
Le chantier se situait dans un environnement quelque peu distantes, car ce missionnaire, le
hostile, presque extrême. Dans la zone du pi- Père Antoine, le vilipendait sans ménagement
peline, il tombe, en effet, près de 12 mètres du fait de sa polygamie peu compatible avec les
d’eau par an, et cette partie de l’île est recou- enseignements de l’Église. Mais, roi débonnaire
verte d’une jungle impénétrable. Les problèmes et tolérant, il organisa néanmoins la rencontre.
logistiques furent donc considérables. En l’ab- Le Père Antoine arriva sous une pluie battante,
sence de toute route ou chemin, il fallut trouver protégé par un immense ciré jaune. C’était un
des péniches de débarquement pour atteindre petit homme, sans âge, sec comme un sarment,
et équiper le camp de base n° 2 en remontant perclus de rhumatismes qui lui tordaient les ge-
la rivière Kikori. La seule trace de civilisation noux. Cependant, en dépit des atteintes de la
était constituée par une piste d’atterrissage en vieillesse, ses magnifiques yeux bleus, surmon-
tôles d’acier, vestige de la bataille de la Mer de tés d’une belle crinière blanche, lui donnaient
corail, encore utilisée par le « roi » d’un village un regard bon et malicieux. Cela faisait trente
portant le même nom que la rivière, Kikori, qui ans qu’il évangélisait le pays, dans un état d’ex-
possédait un petit Cessna hors d’âge qu’il pilo- trême pauvreté bien conforme aux préceptes
tait lui-même. Ce roi, un vieux Néo-Zélandais des Saintes Écritures, et, dans sa paroisse, aus-
si vaste que l’Île-de-France, il devait faire face,
seul, aux besoins de ses ouailles.
La cloche
du Père Antoine
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ries. Il cherchait donc des sources pour les par conviction religieuse, soit par incapacité à
villageois, leur apprenant à les capter et à les en percevoir la dimension spirituelle. Heureu-
canaliser avec des bambous. Gagnant ainsi leur sement, la langue anglaise apporta la solution,
confiance, il avait réussi à se faire accepter et car « bell » peut signifier enveloppe, protection
ensuite à les évangéliser. Tâche considérable et – carter en « franglais » – d’une pièce méca-
non dénuée de risques, car les hommes blancs nique. La cloche fut donc importée sous la ru-
remplissaient de stupeur et d’effroi les popula- brique « carter d’embrayage pour
tions autochtones… pompe d’épreuve », une magnifique
cloche Paccard, fabriquée en Savoie,
Entre les équipes de Spie Capag et le Père An- qui produisait la note sol, idéale
toine, le courant passa immédiatement. Le pour la transmission du son. Il resta
missionnaire leur transmit son savoir sur les à l’installer de manière à en tirer la
coutumes et valeurs locales, ce qui s’avéra très meilleure efficacité face à la concur-
précieux lorsque les Papous furent intégrés rence adventiste. Un jeune ingé-
dans les équipes de chantier. nieur stagiaire français, admirateur
Le directeur de projet, Jacques Pégaz, Savoyard de Gustave Eiffel, dessina une tour
comme le Père Antoine, déclara un jour : « il métallique de 15 mètres de haut, qui
faut l’aider ». Et les Français lui fournirent les fut réalisée par le chaudronnier néo-
moyens d’ériger un oratoire et une maison zélandais du projet, tout acquis à la
en dur, un peu moins spartiate que la cabane cause du Père Antoine.
où il vivait jusqu’alors. Pourtant un problème
continuait à le ronger. Il s’en ouvrit un soir à Depuis lors, le voyageur égaré, assez
ses hôtes, sans doute aidé par les effets d’une présomptueux pour avoir osé affron-
boisson écossaise très prisée par les pipeliners. ter l’enfer vert de la haute vallée du
Son obsession était la concurrence déloyale Kikori, peut entendre, le soir venu,
que lui livraient les « adventistes du septième le tintement rassurant d’une cloche
jour », petits missionnaires besogneux mais ef- savoyarde qui appelle à la prière
ficaces qui bénéficiaient d’une arme secrète le la communauté catholique gran-
« gong ». Une vieille bouteille de gaz sans fond, dissante. Selon des témoignages
sur laquelle ils frappaient pour attirer et guider dignes de foi, le Père Antoine s’est
les villageois, les jours d’office. L’assemblée en effet définitivement imposé face
réagit vite et de façon unanime : il fallait fournir aux adventistes. Cette histoire édi-
une cloche au Père Antoine ! fiante met en évidence, si besoin
était, le rôle évangélisateur du pipe-
Mais la mise en œuvre de ce projet n’était pas line, encore hélas trop méconnu !
si simple. Il n’était pas possible de mettre dans
la confidence les partenaires australiens, pro-
testants avérés ou buveurs de bière et parfois
les deux à la fois, qui s’y seraient opposés, soit
Cloche
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Jean-Claude Perrin
Après avoir occupé différents postes de direc- demande de Claude Coppin, comme directeur
tion financière chez Corning, Chapelle Darblay général administration et finances de Spie
et Matra Horlogerie, Jean-Claude Perrin, HEC Batignolles, alors en pleine crise. Il jouera
promotion 1968, intègre le siège du groupe un rôle déterminant dans la conception et la
Schneider en 1982 comme contrôleur de ges- mise en œuvre de la restructuration financière
tion et participe, à ce titre, aux négociations de entreprise par Schneider préalablement à la
cessions d’activités consécutives aux restruc- cession de sa filiale.
turations entreprises par son président Didier Jean-Claude Perrin est rappelé en 1995 par
Pineau-Valencienne. Didier Pineau-Valencienne comme directeur
En 1984, il rejoint Spie Batignolles, que général finances de Schneider, membre du
Schneider contrôlait majoritairement, comme comité exécutif. Il deviendra en 1999 directeur
directeur administratif et financier de la des filiales et participations.
branche Électricité et Nucléaire. Il est ensuite
envoyé à New York en 1988 et devient Senior
Executive Vice President de Comstock, filiale
américaine acquise depuis peu par Spie
Batignolles. Il s’engage activement dans
le programme de réorganisation de cette
société, qui posait de nombreux problèmes
opérationnels et financiers.
Il réintègre le siège de Schneider en 1989
à la direction du contrôle de gestion du
groupe, avant d’être détaché en 1992, à la
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VERS LE RES
RES
Claude Coppin avait réussi à gagner du temps, ce qui était essentiel. En effet, pendant toute cette
période, la nouvelle équipe de direction renforça sa cohésion et prit la mesure des enjeux straté-
giques et organisationnels ainsi que de l’évolution de l’environnement concurrentiel. Appuyé par
Jean-Paul Jacamon et Jean-Claude Perrin, Claude Coppin fit progressivement admettre à Schnei-
der qu’aucune solution immédiate n’était envisageable en raison des pertes complémentaires
enregistrées de 1992 à 1994 et de la complexité des problèmes de garantie dans les activités de
construction. L’échec des discussions avec des sociétés de premier plan, comme l’espagnol Dra-
gados, était bien là pour l’attester. La nécessité d’une restructuration financière complémentaire
se fit donc progressivement jour.
Le projet d’absorption de la société mère Schneider par sa filiale Spie Batignolles, fiscalement
très attractive, émergea alors et l’idée d’un RES prit corps progressivement. L’exemple d’Eiffage
confortait les dirigeants 118 à cet égard. Mais, au-delà d’une appréciation sur sa faisabilité technique,
cette idée de RES reposait sur leur volonté de lancer ensemble un grand projet et de proposer un
nouvel avenir à leurs équipes.
Archives SPIE
Vers de nouveaux horizons
VERS DE NOUVEAUX
HORIZONS
Le RES fut à la fois l’aboutissement d’années d’efforts et de réflexions mettant un terme à une période
de doute et de régression, et l’acte fondateur d’une nouvelle SPIE. Mais la voie vers sa concrétisa-
tion fut parsemée d’embûches, et ponctuée d’épisodes sans suites, sources de désappointements
et d’espoirs déçus. Ces événements, parfois anecdotiques mais souvent riches d’enseignements,
sont relatés en annexe 28.
La démarche vers le RES faillit d’ailleurs ne jamais commencer, car au cours de l’été 1995, Eiffage et
Paribas, son actionnaire de référence, s’invitèrent de façon impromptue dans le débat sur l’avenir Eiffage
de Spie Batignolles. Ils lancèrent en effet une offre de rachat et d’absorption par Eiffage qui fut à
deux doigts d’aboutir. Mais Didier Pineau-Valencienne, le PDG de Schneider, la rejeta en définitive,
peu convaincu par un paiement en actions et dissuadé par l’étendue des garanties de passif solli-
citées par les acquéreurs.
Il s’ensuivit un nouveau tour d’Europe mais, l’un après l’autre, les prétendants potentiels décli-
naient. C’est ainsi que, progressivement, prit corps le projet de RES. Il apparut, en cette période
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très troublée pour les grandes entreprises de BTP – nombre d’entre elles enregistrèrent des pertes
considérables – que seul l’actionnariat salarié constituerait un argument décisif pour un investisseur,
qu’il soit industriel ou financier. Le personnel manifesterait ainsi sa confiance en l’avenir et faciliterait,
par sa présence à ses côtés, le redécollage de l’entreprise.
Peter Mason, qui venait de prendre le poste de CEO 119 d’AMEC, major anglais de la construction
et de l’ingénierie, vit immédiatement, contrairement à tous ses confrères, l’intérêt du projet et sut
saisir l’opportunité. Entre lui et Jean Monville, le courant était passé. Le projet des dirigeants de
SPIE lui parut clair et crédible. Il comprit qu’il ne risquait pas gros – son investissement minoritaire
n’était assorti d’aucune garantie additionnelle, financière ou autre – mais qu’en revanche, il pouvait
gagner beaucoup si le RES était couronné de succès.
Didier
Pineau-
Didier Pineau-Valencienne, persuadé de la viabilité du projet et satisfait
Valencienne
par le montant de la transaction – 1 milliard de F, soit environ 150 millions © J. Boissay.
d’€ – sut prendre une décision difficile : il passa outre l’avis négatif de son
Réunion du personnel
archives SPIE. banquier conseil et donna son feu vert à son lancement.
UN MONTAGE FINANCIER
ET JURIDIQUE ORIGINAL
Le montage juridico-financier de l’opération constituait un dispositif essentiel car il devait garantir,
au-delà de la période de souscription, le fonctionnement harmonieux du RES jusqu’à son dénoue-
ment, c’est-à-dire la sortie du capital des salariés actionnaires. Sa conception et sa mise en place
furent évidemment le résultat d’un long et délicat travail d’équipe, mais l’architecte de ce système
complexe fut indubitablement Olivier Dubois. Fort de sa riche expérience des RES et des LBO acquise
119 - Chief Executive Officer. Ce poste
correspond à celui d’un directeur lors de son passage chez Paribas, il apporta une contribution majeure à la définition des orientations
général dans une S.A. française. et à l’élaboration des solutions retenues.
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Olivier Dubois
Lorsqu’Olivier Dubois entre chez Spie Bati- experts, sut proposer à Jean
gnolles en 1991 en tant que directeur de la Monville un montage financier
stratégie, le Groupe est en pleine tempête, innovant dont la complexité né-
mais il rêve de découvrir l’entreprise et se cessita plus de cinq mois de tra-
montre prêt à en affronter les réalités. An- vail acharné, mais qui se révéla
cien élève de l’Essec et de Sciences-Po Pa- efficace et parfaitement appro-
ris, il a alors 37 ans et vient de passer près prié au problème posé.
de onze ans à la Banque Paribas au sein du Durant la période 1997-2002, il
département des affaires industrielles où il joua un rôle éminent dans l’ani-
fut, entre autres, l’un des pionniers dans l’art mation du Groupe et sa contri-
du montage de LBO, et participa notamment bution au financement de SPIE
à la réalisation du RES Fougerolle en 1990. et aux opérations de croissance
Une riche expérience dont il sut faire profiter externe fut déterminante.
l’entreprise quelques années plus tard dans Après avoir participé de façon active durant
le cadre de ses fonctions de directeur général l’été 2002 aux négociations avec AMEC sur
adjoint Administration et Finances. Lorsqu’en les modalités de levée de l’option de rachat
1996 germa l’idée d’un RES pour faciliter la des actions des salariés et sur leur valorisa-
sortie de Spie Batignolles du groupe Schnei- tion, Olivier Dubois rejoignit Technip en tant
der, Olivier Dubois, s’appuyant sur quelques que directeur général Finances et Contrôle.
Le financement de l’opération fut assuré de façon assez originale. Tirant les conclusions des diffi-
cultés de certains RES dans le domaine de la construction, l’équipe dirigeante décida de ne loger
aucun endettement externe au niveau du holding d’acquisition Financière Spie Batignolles (FSB).
L’endettement – consenti sous forme d’un prêt sans recours de la Société Générale – fut porté
exclusivement par un holding intermédiaire Financière Spie Trindel (FST) possédant Spie Trindel à
100 % (voir annexes 29 et 30). Le caractère récurrent et peu cyclique des activités de Spie Trindel
permit, de cette manière, la mise en place d’un financement stable et peu risqué.
Le nombre total des souscripteurs s’éleva à 12 000, à rapporter à un effectif total France de 18 000.
Dans chaque catégorie de salariés, les pourcentages de souscription furent les suivants :
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La participation des ouvriers et des ETAM avait été facilitée par la mise à disposition de prêts,
d’abord consentis par Spie Batignolles, et qui furent ensuite relayés par les banques. Les cadres
engagèrent 2 mois de salaire et les cadres dirigeants, qui participèrent à 99 %, près de 40 % de
AMEC SPIE Rail, leur rémunération annuelle.
Manchester South,
Royaume-Uni
archives SPIE.
AMEC, PARTENAIRE ET ACTIONNAIRE
Du fait de sa taille et de ses compétences, AMEC était un
partenaire industriel de qualité. Spie Batignolles assura donc
immédiatement sa crédibilité vis-à-vis de ses clients et de ses
confrères, qui ne purent mettre en doute la viabilité de l’as-
sociation. Celle-ci n’était pénalisée par aucun recouvrement
géographique majeur. Elle offrait au contraire des possibilités
de développement significatives à Spie Batignolles dans le
domaine ferroviaire en Grande-Bretagne. Ce potentiel fut
exploité dès l’origine avec la création d’une société commune
50/50 AMEC SPIE Rail Systems qui, combinant les compé-
tences techniques des équipes françaises et la connaissance
de l’environnement contractuel et commercial du partenaire
anglais, prit un remarquable essor sur le marché des projets Système
ferroviaire
neufs et de réhabilitation du réseau anglais. AMEC SPIE Rail britannique
Systems répondit pleinement aux attentes des deux parte-
naires. Partant de zéro en 1997, son activité de travaux fer-
roviaires devint, en 2002, supérieure à celle réalisée par SPIE
en France dans le même secteur.
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À la suite d’une importante acquisition en Amérique du Nord 121, AMEC crut rapidement et son
chiffre d’affaires dépassa 6,5 milliards d’€ dès 2003, le Royaume-Uni ne représentant plus qu’un
tiers environ du total.
UN REDRESSEMENT SPECTACULAIRE
D’IMPORTANTES MESURES DE RÉORGANISATION
Il apparut rapidement que la restructuration de Spie Enertrans 122, avec une activité trop hétéroclite
et une multiplicité de centres de profit, était impérative. Deux pôles distincts furent donc créés, l’un
consacré aux transports ferroviaires, l’autre à l’énergie, incluant Spie Capag. Pierre Fortuné assurait la
responsabilité du secteur ferroviaire et Bernard Wagon celui de l’énergie. L’organisation régionale de
Spie Automation, jusque-là distincte, s’intégra par ailleurs à celle de Spie Trindel. Enfin, les activités
nucléaires furent regroupées dans Thermatome, qui devint Spie Thermatome, filiale rattachée au
pôle énergie de Spie Enertrans. Au préalable, SPIE avait racheté à Schneider sa participation dans
cette filiale commune. Ce bouleversement organisationnel qui affectait les activités électriques,
provoqua le départ de plusieurs dirigeants du Groupe en 1997.
L’équipe de direction générale se cristallisa autour de quatre personnes : Jean Monville, président-
directeur général ; François-Xavier Clédat, directeur général en charge de la construction (auquel
fut également rattachée Spie Enertrans, quelques mois après sa réorganisation) ; Yannic Burin des
Roziers, directeur général en charge de Spie Trindel et de ses filiales ; et Olivier Dubois, directeur
général adjoint chargé de la stratégie et des finances.
Au plan du management, la forte croissance des activités régionales conforta la culture de décen-
tralisation et d’initiative locale, indissociables d’une approche commerciale fondée sur la proximité
du client. Mais, au-delà des évolutions internes, les acquisitions, réalisées pour l’essentiel durant la
seconde phase du RES, injectèrent du sang neuf dans l’entreprise et contribuèrent très fortement
à la revivifier.
Jean Monville
Jean Monville est né le 7 novembre 1944. Di- d’activités et reprise de la croissance. En
plômé de l’École polytechnique et licencié moins de six ans, le Groupe, naguère orienté
ès Sciences économiques, il intègre Spie Ba- vers le BTP et les grands projets internatio-
tignolles en 1978 en tant que directeur du naux, réalise sous sa houlette une profonde
département Finances export du Groupe. De mutation en se tournant majoritairement vers
1984 à 1992, il est directeur général adjoint les services de proximité et entame un déve-
puis directeur général de Spie Capag. loppement européen.
Devenu en 1992 directeur du marketing Le succès industriel et financier du RES conduit
Groupe, il est ensuite nommé, en juin 1995, AMEC à lever son option d’achat de SPIE et à
administrateur-directeur général de Spie Ba- en prendre le contrôle total le 5
tignolles. mars 2003.
À cette date, l’entreprise, gravement secouée Jean Monville intègre alors AMEC
par les lourdes pertes de 1991 et la crise du plc en tant que « executive di-
BTP qui a touché l’ensemble de la profession, rector » et assure, à ce titre, la
se voit contrainte, de par la volonté de son direction générale de l’Europe
actionnaire Schneider, de se chercher un continentale et des activités
repreneur. Il doit assumer cette mission tout d’infrastructures ferroviaires de
en poursuivant le travail de réorganisation l’ensemble du nouveau groupe,
et de restructuration déjà entamé par son présidant ainsi la destinée des
prédécesseur, Claude Coppin. sociétés AMEC SPIE SA et AMEC
C’est dans ce contexte que sera lancé le RES, SPIE Rail SA.
réalisé avec le soutien du britannique AMEC, Lors de la cession de SPIE par AMEC, il jouera,
qui permettra au personnel de prendre le aux côtés de Peter Mason, un rôle déterminant
contrôle de l’entreprise le 26 février 1997. dans le choix du repreneur – le groupe de LBO
Jean Monville, désigné comme président-di- PAI partners –, devenant le président de SPIE à
recteur général, engage les collaborateurs compter de 2006, poste qu’il assura jusqu’au
de SPIE dans un projet ambitieux comportant 31 décembre 2009. Depuis le 1er janvier 2010,
trois volets principaux : poursuite du redres- Jean Monville est président d’honneur de SPIE.
sement déjà entamé, refonte du portefeuille
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LE RETOUR À LA CROISSANCE
ET L’APPORT DES ACQUISITIONS
LAURENT BOUILLET :
UN COUP DE GÉNIE… CLIMATIQUE
SPIE rachète L’acquisition de Laurent Bouillet marqua les esprits car elle apparut, compte tenu de sa taille 123,
Laurent comme un mouvement stratégique majeur.
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Lorsque SPIE s’y intéresse, en 1999, c’est dans le but de se renforcer dans le domaine prometteur du
génie climatique où ses positions commerciales sont géographiquement limitées – principalement
à la région parisienne. La société Laurent Bouillet jouit quant à elle d’une excellente réputation
dans ce secteur. Également présente en Île-de-France, elle apporte en complément d’excellentes
implantations dans d’autres régions, ainsi que sa filiale belge, Air et Chaleur. SPIE acquiert Laurent
Génie climatique
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Bouillet en novembre 1999 et double ainsi ses parts de marché de génie climatique en France,
totalisant un chiffre d’affaires de l’ordre du milliard de F en 2000 dans ce secteur.
SPIE Communications
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C’est en s’appuyant sur ses métiers d’origine que SPIE avait choisi, à la fin des années 90,
d’élargir progressivement ses compétences vers le domaine des télécoms et des réseaux de
communication. C’est ainsi qu’était née, en 2000, la marque Spie Netcom, qui avait structuré
ses activités autour d’offres dédiées aussi bien aux opérateurs qu’aux entreprises industrielles et SPIE rachète
MNCD
tertiaires. Le marché était alors en pleine croissance et les dirigeants de SPIE songèrent à nouer
des alliances pour élargir leurs compétences et préparer les innovations technologiques futures.
Dans ce contexte, SPIE, qui avait déjà procédé à des acquisitions plus mineures en 1999, dé-
cida de passer à la vitesse supérieure en reprenant, dès octobre 2001, l’un des poids lourds du
secteur de la téléphonie d’entreprise – plus de 200 millions d’€ de chiffre d’affaires – : Matra
Nortel Communications Distribution (MNCD).
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rateurs, et dans la maintenance de leurs installations. Acquise en 2002, Foraid (CA : 46 millions d’€
pour un effectif de 600 personnes) apportait une activité récurrente de maintenance et de services,
en particulier dans le domaine du forage sur les champs pétroliers, au travers de ses nombreuses
implantations sur la côte Ouest de l’Afrique : Gabon, Congo, Angola, Nigeria. Avec l’arrivée d’Ipedex
début 2003 (CA : 125 millions d’€ pour un effectif de 1 700 personnes), l’entreprise élargit encore
ses capacités techniques et sa présence géographique, notamment au Moyen-Orient et en Asie du
Sud-Est. La filiale Spie Enertech, spécialisée dans l’instrumentation, vint naturellement rejoindre le
pôle de services pétroliers.
L’AMBITION EUROPÉENNE
Dans le domaine des infrastructures ferroviaires, le succès d’AMEC SPIE Rail au Royaume-
Uni permit de constituer un leader européen. Dans celui de l’ingénierie électrique, Spie
Trindel était restée confinée jusqu’en 1995 au territoire français, les activités interna-
tionales, qu’elles soient de projet ou de proximité, étant confiées à sa société sœur
Spie Enertrans. La reprise de la gestion de la filiale belge Abay TS en 1996, à la
veille du RES, fut la première étape du déploiement européen de Spie Trindel.
Celle-ci vécut alors une véritable révolution culturelle pour assumer sa nouvelle
mission : développer au plan européen son
modèle d’entreprise, fondé sur le service
de proximité.
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Channel
AMEC SPIE Rail, filiale commune de SPIE des travaux électromécaniques associés
et d’AMEC (50/50), s’est vu attribuer le sur un parcours de 70 km.
premier projet de ligne grande vitesse en Le CTRL constituait le plus grand projet de
Tunnel
Grande-Bretagne, le CTRL, destiné à relier chemin de fer réalisé en Grande-Bretagne
le tunnel sous la Manche à Swanley dans depuis plus d’un siècle.
le Kent, où il se raccorde au réseau exis- AMEC SPIE Rail était, en outre, chargée
Rail Link
tant. Signé le 24 janvier 2000, à Londres, de concevoir et de réaliser les essais
avec Union Railways South Ltd, ce contrat préalables au transfert de l’ouvrage au
« conception-construction » d’environ client. Bénéficiant de ses coopérations
(CTRL)
200 millions d’€ comprenait les études, la antérieures avec la SNCF et Eurostar, et de
fourniture des équipements, l’installation l’expérience acquise dans le tunnel sous
d’une plate-forme de travaux, la réalisa- la Manche et dans des grands projets de
tion de la voie ferrée, des caténaires et métros tels Caracas et Athènes, la société
mena à bien l’ensemble des opérations.
À cette occasion, elle battit à plusieurs
reprises le record anglais de vitesse sur
rail en le portant à 334,7 km/heure le
30 juillet 2003.
Mise en service durant le dernier trimestre
2003, la nouvelle ligne fut prolongée dans
un second temps par un tronçon complé-
mentaire permettant d’accéder à la gare
Arrivée du matériel
de chantier
londonienne de Saint-Pancras.
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L’approche de l’« alliance », qui consiste à rassembler dans une équipe intégrée les représentants du
client et ceux du « contractor », fut imaginée en premier lieu par les compagnies pétrolières dans
les projets off-shore puis étendue par les maîtres d’ouvrage britanniques aux projets de construction
et de réhabilitation des infrastructures ferroviaires. AMEC SPIE Rail Systems testa cette formule avec
succès, notamment dans les contrats de West Anglia et de Manchester South.
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Spie Capag, dans le cadre d’un consortium fran- projet. Plus de 102 organisations non gouverne-
co-américain 126, se vit confier, en septembre mentales veillèrent au respect des engagements
2000, la construction de l’oléoduc d’ExxonMo- pris par le maître d’ouvrage et les entreprises.
bil reliant le champ de Doba, au Tchad, au lit- Le consortium avait l’obligation de maximiser
toral camerounais. Long de 1 070 km, l’oléoduc le recours aux ressources locales de main-
traverse des étendues de savane au Tchad avant d’œuvre 127 et de sous-traitance.
d’aborder des zones de forêt tropicale vallon- Il dut, en conséquence, procéder, tout au long
nées, dans la région de Yaoundé. Dans la partie du contrat, à un vaste effort de recensement de
ouest du tracé, les pluies concernent six mois compétences et de formation. Les problèmes de
de l’année, avec des niveaux de précipitations sécurité reçurent une attention toute particu-
de l’ordre de 3 000 mm par an. lière avec près de 34 000 séances de rappel de
consignes de sécurité. La population nomade
Première des compagnies pétrolières améri- des Pygmées fit, quant à elle, l’objet d’un plan
caines, ExxonMobil impose des contraintes particulier afin de définir des postes de travail
extrêmement rigoureuses en matière de déve- adaptés. 126 - Le partenaire étant la société
Wilbros.
loppement durable dans ses projets. Celles-ci Ces démarches de prévention ne se limitèrent
127 - L’effectif moyen total s’est élevé
furent encore renforcées du fait de la présence pas au personnel employé par le chantier. Elles à 5 000 personnes pendant la durée
de la Banque Mondiale dans le financement du visèrent aussi les habitants des zones du tracé : du chantier.
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Vers de nouveaux horizons
Le projet
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BILAN STRATÉGIQUE
ET FINANCIER 1997-2002
Les données de l’annexe 33 illustrent cette mutation. Le Groupe est en rupture claire avec son
ancien slogan « Notre chantier : le monde ». En 2002, le chiffre d’affaires « reste du monde » ne
représente plus que 8 % du total, alors qu’il avait dépassé 60 % au début des années 80. SPIE est
devenue une société européenne : la part purement française reste prédominante, mais les activi-
tés dans les autres pays, poussées par les acquisitions de Spie Trindel et les contrats ferroviaires en
Grande-Bretagne, ont dépassé 20 % du total, soit cinq fois le niveau de 1990.
Le rôle prioritaire du pôle électrique et électromécanique, déjà perceptible à la fin des années 80, a
continué à s’affirmer, favorisé par l’expansion européenne de Spie Trindel et par la diversification vers
de nouvelles activités : génie climatique, systèmes de transmission de données, services pétroliers.
Le poids de la construction a notablement diminué : 28 % du total, contre 72 % pour l’ensemble
Spie Trindel, Spie Communications, Spie Energie Services, Spie Rail 128.
L’activité est devenue beaucoup plus récurrente, moins sensible aux effets de cycles dans le domaine
des investissements d’infrastructures et avec des montants de contrats beaucoup plus faibles. Le
profil de risque s’est donc considérablement amélioré.
Les meilleures performances sont celles des filiales françaises de Spie Trindel et de Spie Énergie
Services. Les filiales européennes et Spie Communications dégagent des marges plus réduites.
SPIE - Analyse de la crois-
sance de l’activité 1998-2002
UNE POLITIQUE
Taux de croissance annuel DE CROISSANCE
total organique AMBITIEUSE
Activités régionales européennes (Spie Trindel, Spie Communications) 17,3 % 4,6 %
Le tableau ci-contre résume
Énergie : projets et services (Spie Énergie Services) 13,6 % 21,1 %
les principaux traits de la crois- 128 - SPIE
Sous-total énergie, génie électrique et communications 16,5 % 8,2 % sance de SPIE à partir de 1998, Enertrans a
apporté, en
Spie Rail 9,6 % 9,6 % et en particulier le poids relatif 2002, ses actifs
Spie Batignolles (activités régionales) 8,4 % 6,9 % de la croissance organique et « Énergie » et
de la croissance externe. « Rail » à deux
SBTPI (activités internationales de génie civil) non significatif sociétés : Spie
Énergie Services
Total SPIE 11,0 % 7,4 %
et Spie Rail.
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Vers de nouveaux horizons
La forte croissance organique des filiales rail est liée au développement des activités anglaises. Celle
de Spie Enertrans n’est pas en revanche significative, l’augmentation de son chiffre d’affaires étant
imputable à l’impact du contrat Tchad-Cameroun de Spie Capag.
En ce qui concerne Spie Batignolles, il convient de noter que la filiale construction du Groupe a
bénéficié d’un rebond du marché après la récession de 1997-2000.
La liste des acquisitions (cf. annexes 31 et 32) reflète fidèlement les choix stratégiques : bâtir une
offre régionale multitechnique – électrique et mécanique – et développer des services spécialisés
dans les télécoms, l’énergie et le pétrole-gaz en particulier.
Principalement concentrées sur les activités de services, ces acquisitions ont été en totalité auto-
financées grâce à l’amélioration de la rentabilité. L’annexe 35 montre que l’exploitation a généré
un excédent de trésorerie au terme de la période du RES en dépit de l’importance de la croissance
externe. Celle-ci ne déséquilibre pas la situation financière de la société et peut donc, de façon
durable, faire partie intégrante du modèle d’entreprise.
Archives SPIE
To be or not to be « one AMEC »
TO BE OR NOT TO BE
« ONE AMEC »
L’entrée dans un grand groupe peut entraîner une évolution irréversible et marquer la fin d’une
histoire. Mais ce ne fut pas le cas pour l’intégration de SPIE dans AMEC. Celle-ci donna lieu, comme
on le verra, à des ajustements stratégiques majeurs, mais ne constitua en définitive qu’une étape
supplémentaire dans la longue vie du Groupe.
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AMEC SPIE Rail, dirigée par Pierre Fortuné, regroupe quant à elle l’ensemble des filiales d’AMEC
spécialisées dans les infrastructures ferroviaires.
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To be or not to be « one AMEC »
La fraction anglaise des activités rail – qui comprenait des activités de service, d’entretien et main-
tenance, ainsi que des projets –, enregistra une croissance vigoureuse et devint un moment pré-
pondérante. Les dirigeants d’AMEC et ceux des grands clients anglais, ne virent toutefois aucune
objection à ce que la responsabilité de l’activité ferroviaire fût très largement confiée à des équipes
françaises. Ce point mérite d’être souligné.
La création, courant 2003, de la marque AMEC SPIE commune aux deux sociétés souligne à la fois la
mutation réalisée, le nouveau lien avec AMEC et les spécificités des activités d’Europe continentale.
UNITÉ ET DIVERSITÉ
Faire partie d’un groupe coté et diversifié n’est pas une sinécure, tant la nécessité
de discours politiquement corrects impose des approximations de langage, préju-
diciables à la clarté et à la pertinence des messages délivrés à chacune des entités
opérationnelles. SPIE, qui en fit l’expérience dans le cadre du groupe Schneider, le
ressentit à nouveau après son intégration dans AMEC plc, société cotée au Stock
Exchange.
Il ne fait en effet aucun doute que la signature d’un grand contrat avec un major
pétrolier est beaucoup plus lisible et « productive », en termes de communication,
que le renouvellement de quelques dizaines de contrats d’éclairage public dans des
bourgades françaises totalement inconnues des analystes financiers londoniens. Ces
derniers, personnages puissants et mystérieux, montraient d’ailleurs de la réticence
à admettre les lois pourtant éprouvées de la statistique. Qu’une multi-
tude de petits contrats très courts puisse conduire à plus de stabilité
que des activités à long carnet de commande semblait dépasser
leur entendement. Il est vrai que, de 2003 à 2006, les financiers et
conjoncturistes croyaient en une croissance illimitée dans le temps
de l’activité mondiale. Alan Greenspan, leur sorcier bien-aimé, avait,
pensaient-ils, définitivement tordu le cou aux cycles dévastateurs…
Dans ce contexte, la communication financière était axée sur les
grands projets du secteur de l’énergie, alors en plein essor. Les ac-
tivités régionales de SPIE éveillaient à l’évidence moins d’échos et
paraissaient souffrir d’un handicap irrémédiable : leur corrélation
avec le PIB des pays de l’Europe de l’Ouest.
On est évidemment bien loin du technicien d’AMEC SPIE dont le professionnalisme pragmatique,
l’accent du terroir et la silhouette familière, constituent pour le client la preuve tangible de l’ancrage
local de SPIE et de son engagement à l’assister dans la durée.
ONE AMEC…
La volonté de créer une unité d’image se traduisit par une stratégie de communication baptisée
« One AMEC », peu cohérente avec la réalité opérationnelle du groupe en constitution. AMEC SPIE,
comme nombre d’entités opérationnelles anglaises ou nord-américaines, dut se soumettre à bien
des contorsions. Il fallut éclater l’activité entre des segments stratégiques soigneusement définis,
sans aucune latitude d’ajustement.
L’objectif affiché était de supprimer toute référence aux marques commerciales existantes et aux
origines géographiques des filiales opérationnelles.
Cette segmentation était la suivante :
ETS (Engineering and Technical Services)
• Multitechnical (Multi-technique)
• Environmental Services (Services à l’environnement)
• Design and Engineering Services (Ingénierie)
Les activités pipeline subirent, quant à elles, un sort peu commun. Répertoriées dans le pétrole-gaz
– qui comportait deux centres de profit, amont et aval –, elles n’en furent pas moins confiées aux
responsables géographiques des zones où elles étaient basées (USA, Canada et AMEC SPIE pour
la France).
LE GROUPE AMEC
Est-ce à dire que le nouvel ensemble était trop hétéroclite, insuffisamment cohérent pour effacer les
pesanteurs du passé, et donc pour créer une culture qui lui soit propre ? Non. Une telle conclusion
serait hâtive et inappropriée. Il existait indubitablement une fierté d’appartenance à un groupe
devenu l’un des majors européens, dont les équipes partageaient des valeurs fortes. AMEC pouvait
notamment s’honorer de remarquables performances en matière de sécurité. Et la promotion de la
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To be or not to be « one AMEC »
diversité culturelle n’était pas un vain mot. Des filiales anglaises se virent placées sous la responsabilité
de managers français ou américains, sans que cela éveillât la moindre objection.
Mais AMEC souffrait de défauts de jeunesse. Avec l’acquisition du groupe d’ingénierie Agra en
Amérique du Nord et l’intégration de SPIE, sa taille avait doublé en 2 ans. Le temps passant, l’or-
ganisation et la segmentation stratégique auraient pu s’ajuster pour aboutir à la constitution d’un
groupe d’ingénierie et services à dominante énergie. Ce ne fut pas le cas. Pénalisée par des contrats
difficiles et de nombreux litiges en Amérique du Nord, AMEC ne sut pas réagir assez vite pour y
porter remède en cédant certains actifs non stratégiques et en prenant des mesures de redressement
Bourse de
drastiques. Or la Bourse de Londres, comme ses consœurs, exige des résultats rapides. Elle avait
Londres
admis le manque de lisibilité initial et la coexistence de plusieurs modèles d’entreprise. Ce qu’elle
n’admit pas, en revanche, c’est qu’activité, résultats et marges ne progressent pas réellement en
4 ans, ainsi qu’il ressort de l’annexe 37. Les analystes financiers londoniens en conçurent de la
lassitude et la sanctionnèrent : le cours de bourse d’AMEC reflétait celui d’une société sans réel
potentiel de croissance, et son price/earnings ratio fut aligné sur le secteur le moins attrayant pour
les financiers, la construction.
L’ÉCLATEMENT
Certains actionnaires importants, qui avaient cru au projet d’AMEC, réagirent vigoureusement,
exigeant du conseil d’administration et de la direction générale du Groupe des remises en cause
fondamentales. Leurs opinions furent relayées par de nouveaux administrateurs indépendants, qui
contestèrent nombre des décisions antérieures.
Dès 2002, il était clair dans l’esprit des de Spie Batignolles à Financière Spie Bati-
dirigeants et des administrateurs d’AMEC gnolles, elle-même détenue à 50,1 % par
que la construction ne ferait pas partie, Magellan Management et 49,9 % par Bar-
dans l’avenir, des priorités d’AMEC. Les clay’s Private Equity France.
équipes de Spie Batignolles en avaient François-Xavier Clédat devint président-
vite pris conscience. François-Xavier directeur général de la nouvelle Spie Bati-
Clédat réagit sans attendre et proposa gnolles, assisté dans sa mission par Fran-
La
un projet de LMBO 130, qui fut accepté çois-Xavier Anscutter, directeur général
dans son principe en décembre 2002 par délégué.
Peter Mason. Une nouvelle société Spie De ce fait, AMEC SPIE fut, dès sa constitution
Batignolles fut constituée, par apports en 2003, une société exclusivement dévolue
d’actifs, à la fin de l’exercice, pour faciliter
la transaction. Soixante-dix-huit cadres
dirigeants décidèrent, dès le début de 2003,
aux activités électriques et électroméca-
niques. Les cessions des autres activités de
construction d’AMEC s’étalèrent sur la pé-
cession
de se réunir au sein d’une société baptisée
Magellan Management pour prendre le
contrôle de leur entreprise en s’associant
riode 2004-2006.
des
activités
130 - Leveraged
Management avec un partenaire financier, Barclay’s
Buy Out, c’est- Private Equity France, qui apportait le
à-dire rachat complément des capitaux nécessaires.
construc-
de l’entreprise
par ses diri-
Les discussions avec AMEC débouchèrent,
geants, faisant le 23 avril 2003, sur un protocole d’accord
appel à des qui permit d’ouvrir des négociations en vue
tion
financements
de la cession. Celle-ci se concrétisa le 5
bancaires.
septembre 2003, jour où AMEC céda 51 %
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Mais Peter Mason fit face et garda l’initiative tout au long des multiples « strategic reviews » qui
furent lancées pendant deux ans. Et il se fit le promoteur, en dépit de la profonde remise en cause
que cela impliquait, de la solution la plus favorable aux intérêts des actionnaires : l’éclatement
complet du groupe.
Il proposa de transformer AMEC en une société d’ingénierie pétrole-gaz, également présente dans
les autres domaines de l’énergie, et notamment celui de l’électricité nucléaire. Cette orientation fut
approuvée par le conseil d’AMEC au cours du second semestre 2005, et la sortie de SPIE du groupe
anglais officialisée par un communiqué de presse en date du 24 novembre de la même année.
Les débats furent assez rudes tout au long des séances de Conseil d’AMEC. Le flegme et
l’« understatement », arts dans lesquels les Britanniques sont pourtant passés maîtres, y firent
souvent défaut. Peter Mason, dont le mandat de CEO ne fut d’ailleurs pas renouvelé, quitta AMEC en
2006. Et cependant, son plan fonctionna à merveille. L’entreprise réalisa tout d’abord de significatives
plus-values dans la cession de quelques unités opérationnelles – AMEC SPIE, promotion immobilière,
PPP. Mais surtout le cours de bourse s’envola, multiplié par trois ! AMEC était désormais perçue et
traitée comme une société d’ingénierie.
Le successeur de Peter Mason ne manqua pas de s’attribuer tout le crédit de ce succès…
LA SORTIE DE LA CONSTRUCTION
La cession de Spie Batignolles en 2003 fut, bien sûr, un fait marquant. Mouvement stratégique
essentiel qui allait déterminer l’avenir de SPIE, et ceci dès sa mise en vente par AMEC en 2006. Avec
des activités de construction incluses dans le périmètre cédé, le profil des acheteurs et les modes
de valorisation auraient été, à n’en point douter, fort différents.
Forclum Les activités de lignes THT et de centrales à l’exportation avaient été progressivement interrompues.
Il restait néanmoins à prendre position sur le secteur « postes export », activité à la fois volatile et
risquée, du fait notamment de la difficulté à maîtriser les sous-traitants de génie civil. Tirant avantage
d’une embellie de l’activité – liée à d’importantes commandes algériennes –, AMEC SPIE décida en
2005 de la céder. Forclum manifesta son intérêt, mais à la condition que la cession portât également
sur les activités postes et lignes THT France. La transaction fut en définitive conclue sur ces bases, à la
satisfaction d’AMEC. Elle permettait en effet d’éviter d’importants problèmes sociaux. Le chiffre d’af-
faires des activités cédées s’élevait à environ 70 millions d’€, avec une marge avant impôts de 3,6 %.
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To be or not to be « one AMEC »
En 1998, la SGTE, filiale d’ingénierie de SPIE, En 2000, le groupement conduit par Alstom,
réinvente la fourniture d’électricité des tram- dont Spie Enertrans pilote le sous-groupement
ways grâce à un système d’alimentation par le constitué pour la réalisation des voies ferrées,
sol. Cette innovation, conçue par une équipe se voit attribuer par la Communauté Urbaine
d’ingénieurs dirigée par Olivier Peyraud, répond de Bordeaux le projet de construction de la
au souci des municipalités de respecter l’esthé- première phase du tramway portant sur la réa-
tique de certains sites de centre-ville. lisation de trois lignes pour desservir les pôles
L’alimentation traditionnelle d’un tramway principaux de l’agglomération.
est réalisée par une ligne aérienne de contact Le projet, d’un montant de 290 millions d’€,
qui nécessite des ouvrages importants : po- porte sur la fourniture du matériel roulant, de
teaux et massifs en béton ou ancrage dans les la voie ferrée, du système d’alimentation par le
façades existantes. Le courant de traction est sol, du revêtement des voies et de la mainte-
capté par l’intermédiaire d’un pantographe et nance de l’ensemble.
le retour de ce courant de traction s’effectue Le système d’alimentation par le sol, conçu par
sur les rails de roulement. Le système Innorail Innorail, est installé sur une partie significative
remplace l’ensemble de la ligne aérienne et de du tracé (environ 8 km, soit 1/3).
ses supports par un système sécuritaire entiè- En octobre 2003, un tramway franchit le Pont de
rement intégré à la plate-forme du tramway. Ce Pierre à Bordeaux et inaugure la première circu-
système est constitué par des segments de rail lation, dans un espace public, d’une rame équi-
de 8 mètres affleurant la chaussée et séparés pée du système d’alimentation conçu et mis en
par des joints isolants de 3 mètres. Chaque œuvre par SPIE.
segment est contrôlé par un coffret d’alimenta- Ce système innovant nécessite d’importantes Alimentation
tion enterré dans la chaussée et n’est mis sous modifications du tramway – près d’une tonne de par le sol
tension que lorsqu’il se trouve entièrement re- matériel supplémentaire embarqué. De ce fait,
couvert par le véhicule. Les coffrets de faible SPIE prit la décision en 2003 de céder Innorail à
encombrement sont disposés dans l’entrevoie Alstom, SPIE conservant en exclusivité les tra-
tous les 22 mètres dans des regards intégrés au vaux d’installation.
revêtement. Le courant de traction est capté par
deux patins situés en zone médiane du véhicule
et espacés de 3 mètres de manière à permettre
le franchissement des joints iso-
lants sans perte d’alimentation.
joint isolant
Une antenne associée à chaque
patin permet la détection du
véhicule grâce à une boucle de
détection intégrée à chaque
segment.
coffret d’alimentation
patins/antennes
boucle de détection segment de rail 750 V segment de rail 0 V
Il fallut cependant déchanter. La « renationalisation » par le gouvernement Blair des activités an-
glaises de maintenance remit profondément en cause les orientations stratégiques de ce secteur
et influença de façon décisive les décisions prises en 2005 et 2006 le concernant.
Pipeline Caspienne- Les activités de service pétrole-gaz récemment acquises – Foraid et Ipedex – furent regroupées
Méditerranée en Géorgie avec celles issues de SPIE – Spie Enertech – dans un nouvel ensemble : SPIE Oil and Gas Services.
archives SPIE.
Ce secteur rencontra au départ de multiples difficultés, liées à la diversité de ses origines, et il fallut
procéder à un profond remaniement de son management. Cette réorganisation produisit rapide-
ment des effets positifs et permit le décollage du chiffre d’affaires (cf. annexe 49) et du résultat.
Elle permit dans les années qui suivirent une remarquable progression des marges.
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To be or not to be « one AMEC »
AMEC SPIE Rail – ne furent établis qu’en 2003 et 2004, la décision de cession d’AMEC SPIE ayant
été officialisée dès novembre 2005.
L’indicateur de résultat chez AMEC était le « PBT », c’est-à-dire le résultat opérationnel courant
avant impôts (voir annexe 37).
On constate une poursuite de l’amélioration des marges enregistrée pendant le RES. Le résultat
opérationnel courant avant impôts, peu différent de l’EBIT chez AMEC SPIE, dépasse 3,6 % en 2004.
AMEC SPIE regroupe les services multitechniques régionaux, AMEC SPIE Communications, ainsi
qu’AMEC SPIE Energie Services et ses filiales – Spie Capag, Spie Thermatome, Linelec, Cepel,
Foraid, Ipedex.
Les marges d’AMEC SPIE sont confortées par celles d’AMEC SPIE Energie Services et de ses filiales,
supérieures à celles de Spie Trindel durant cette période.
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« DONNEZ-MOI UN LEVIER ET JE SOULÈVERAI LE MONDE. »
Archimède.
Archives SPIE
Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
LELBO :
UN LEVIER POUR L’AVENIR
DE SPIE
SPIE, une
Comme on l’a vu, AMEC SPIE devait
entreprise s’intégrer à un groupe mondial d’in-
convoitée génierie et services axé sur l’énergie.
Avec l’éclatement du groupe AMEC
ressurgit l’identité historique du
groupe et son nom, SPIE, véritable
actif stratégique de
l’entreprise, qui reste
fortement ancré dans
la mémoire collective,
aussi bien dans celle
des collaborateurs que
celle des clients.
L’étape suivante consistait en la remise, le 2 juin 2006, d’offres engageantes par ces 4 concurrents
présélectionnés. Mais le scénario bien huilé se grippa. Eiffage, quoique non pré-qualifié, présenta
en effet une offre non sollicitée, assortie d’un prix supérieur à ceux fournis jusque-là, à titre indicatif,
par les compétiteurs dans le cadre du processus de cession.
Onze ans après sa tentative manquée de prise de contrôle en 1995, son PDG, Jean-François Roverato,
repartait à l’assaut ! Il forçait la main au Board d’AMEC qui, compte tenu du prix offert, ne pouvait
refuser de prendre en compte l’offre du groupe français. Cette situation provoqua d’importants
remous à l’intérieur de SPIE, dont les équipes n’entendaient pas perdre leur indépendance. Les
instances représentatives du personnel, quant à elles, ne manquèrent pas de faire savoir au Board
d’AMEC qu’elles ne pourraient émettre un avis sur
l’opération qu’au terme d’études détaillées et ap-
profondies sur ses conséquences sociales.
Le choix de PAI partners, leader français du LBO et l’un des principaux acteurs de ce secteur, consti-
tuait un gage de succès. Dès le début du mois de juin, les comités d’entreprise donnèrent leur aval
à la poursuite des négociations et la dernière condition suspensive (le feu vert des autorités de la
concurrence) fut levée le 20 juillet. Le 27 juillet 2006, un communiqué annonçait le « closing » de
l’acquisition d’AMEC SPIE, intervenu le jour même.
132 - Dont environ 52 millions d'€ de
capital proprement dit et 228 millions
Le financement fut rapidement mis en place. Avec une dette nette de 639 millions d’€ et des
d'€ d’ORANs – obligations rembour-
sables en actions ou en numéraire – fonds propres voisins de 280 millions d’€ 132 – soit un peu plus de 30 % du total à financer –, la
souscrites par les actionnaires. structure bilancielle de la holding de tête, FINANCIÈRE SPIE, était raisonnable au regard des critères
Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
de l’époque. Le ratio dette nette/EBITDA était quant à lui proche de 6 sur la base des résultats de
l’exercice 2005.
Le capital de FINANCIÈRE SPIE fut ouvert aux collaborateurs du Groupe, la culture issue du RES
l’imposant à l’évidence. Leur participation fut portée d’une part par un fonds commun de pla-
cement d’entreprise (FCPE) dans le cadre de la réglementation de l’Épargne salariale, et d’autre
part par des sociétés ad hoc pour les cadres de direction. Au total, la participation des salariés Vinci
actionnaires représentait 8,75 % du capital. On trouvera en annexes 38, 39 et 40 le schéma
juridique du LBO, des éléments complémentaires concernant l’épargne salariale et la description
des principes de gouvernance du LBO.
Cette décision mit donc fin à la belle aventure du pipeline dans le Groupe, entamée près d’un siècle
plus tôt. AMEC SPIE Capag, devenue l’un des leaders mondiaux du pipeline on-shore, resta dans
un premiers temps dans le périmètre AMEC. L’entreprise rejoignit ensuite le groupe Vinci, principal
actionnaire d’Entrepose à qui AMEC la céda en 2007.
La cession de SPIE Rail, qui intervint l’année suivante, avait une dimension encore plus symbolique
puisque l’activité ferroviaire était à l’origine du Groupe qui y avait fait ses premières armes dès le
milieu du XIXe siècle.
Les filiales de ce secteur avaient été incluses dans le périmètre de cession à PAI partners. Solution qui
s’imposait car, avec la renationalisation de la maintenance ferroviaire anglaise, le centre de gravité
de l’unité opérationnelle rail se situait à nouveau en France. Le modèle d’entreprise de l’activité rail
française, quoique différent de celui de l’ingénierie électrique, ne posait pas de problème majeur. Les
contrats de pose de caténaires ou de voies étaient le plus souvent de taille moyenne et les activités
françaises de maintenance apportaient une récurrence bienvenue au secteur.
Mais la confirmation, quelques mois plus tard, du lancement par les autorités françaises de gigan-
tesques projets de PPP – Partenariats Public Privé –, telle la nouvelle liaison TGV Tours-Bordeaux, SPIE cède
changea la donne. SPIE Rail, leader français incontesté dans le domaine des caténaires TGV et sa filiale rail
acteur majeur de la pose de voies, ne pouvait évidemment s’en désintéresser. Mais elle se trouva
confrontée à un dilemme insoluble. Soit elle cherchait à s’imposer comme partenaire de premier
rang dans les consortiums, mais elle devait alors accepter d’engager de très lourds frais d’études et
courir le risque de solidarité sur des affaires de taille considérable (plusieurs milliards d’€), soit elle
se résolvait à n’être qu’un sous-traitant, mais elle serait écartée du rôle de concepteur et inévitable-
ment laminée par les groupes de génie civil, leaders des consortiums. Aucune des deux solutions
n’était véritablement satisfaisante.
Sur ces entrefaites, Jean Monville reçut au cours de l’été 2006 des manifestations d’intérêt d’Alstom
et de Colas, filiale de Bouygues, pour l’achat de SPIE Rail. Après débat, il apparut que la solution de
la vente – bien qu’émotionnellement difficile à prendre – était la seule raisonnable et un processus
de cession fut mis en place avec l’aide de la banque Hawkpoint. Du fait du lancement des grands
projets, le know-how ferroviaire de SPIE était très convoité. Les deux autres grands français du génie
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UNE IMAGE FORTE AU SERVICE thon qui démarre pour lancer le chantier « iden-
D’UNE AMBITION PARTAGÉE tité et image » auprès des salariés.
La sortie du groupe AMEC imposait à AMEC SPIE Basée sur des audits de notoriété et d’image
– qui redevenait une entreprise de plein exer- externes (clients, leaders d’opinion, écoles,
cice – de revoir certaines bases de son identité. journalistes, la profession…) et sur une étude
Elle devait au minimum changer de nom, de interne réalisée d’une part, au travers de
logo et faire évoluer sa façon de se présenter. « groupes d’expression » représentatifs de la
Objectif : donner une nouvelle dimension au diversité de SPIE (métier, âge, ancienneté, sexe,
Groupe et renforcer son image. niveau de responsabilité, pays, région, filiale…)
Première apparition du logo en
pour sa partie qualitative, et d’autre part, d’un
interne dans le numéro spécial UNE DOUBLE DÉMARCHE INTERNE questionnaire envoyé aux salariés pour sa par-
du magazine interne Rencontres ET EXTERNE tie quantitative, la nouvelle identité de SPIE fut
d’août 2006. bâtie sur les valeurs d’entreprise
Convaincue de la nécessité d’impliquer les col- partagées au quotidien par les
laborateurs dans la construction de la nouvelle femmes et les hommes du Groupe.
identité, la direction générale souhaita, malgré Un document articulé autour de ces
les délais extrêmement courts imposés par la valeurs, baptisé L’ambition parta-
www. finalisation de la cession d’AMEC SPIE, qu’une gée, et résumant le nouveau projet
spie.com
démarche impliquant le plus de salariés pos- de développement du Groupe fut
sible soit mise en œuvre en complément des en- distribué à l’ensemble des salariés.
quêtes d’image externes. Ainsi, dès l’annonce
vers fin mai 2006 de l’accord intervenu entre
AMEC et PAI partners, c’est un véritable mara-
UN NOUVEAU LOGO : extrait de la présentation
du nouveau logo dans le numéro spécial de
Rencontres d’août 2006 :
« L’esprit pionnier, un territoire retrouvé.
Le nom SPIE, socle identitaire du logo, est conçu
dans une typographie inédite traduisant à la fois
le dynamisme et la stabilité, gage d’une réussite
durable… Le symbole qui l’accompagne évoque
tout autant la force de l’énergie, le rayonnement
international, la diversité des compétences, des
métiers et des clients. Comme une voile gonflée,
notre nouvelle identité visuelle souligne l’in-
dépendance retrouvée de SPIE et l’énergie qui
l’anime pour bâtir un avenir à la hauteur de ses
ambitions. »
L’évolution du logo SPIE de 1900 à 2006 est
proposée en annexe 55.
SPIE HISSE
SES NOUVELLES COULEURS
DE SPIE À MySPIE
MySPIE
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 24
civil, Vinci et Eiffage, ainsi que Balfour Beatty, major anglais du BTP et leader des infrastructures rail
en Europe, firent également acte de candidature.
L’opération fut lancée en septembre 2006. Alstom et Balfour Beatty se retirèrent, mais la compétition
resta vive entre les trois autres participants. Colas l’emporta en définitive. Un accord d’exclusivité
fut signé le 20 décembre 2006 et la cession proprement dite « bouclée » le 30 mai 2007 après
obtention de tous les accords nécessaires. Le « flash » d’information interne daté du même jour
– voir annexe 41 – rappelait les « riches heures » du rail chez SPIE.
ARGENT
FACILE …
L’argent coulait
à flot au début
de l’année 2007.
Les dettes d’ac-
SPIE back for recap of loan, SG and BNP mandated quisition des en-
treprises « sous
LBO » franchirent
allègrement le cap
des 6,5 EBITDA, ce
qui impliquait des
PER (ratio valeur de
l’entreprise/résultat
net) compris entre
15 et 20, donc
élevés, sans que la
croissance potentielle
des marchés où opéraient les entreprises concernées le justifiât. Les conditions de remboursement
devinrent de plus en plus lâches, tout en faveur des emprunteurs, qui virent avec satisfaction les
marges des banques se réduire du fait de la concurrence féroce qu’elles se livraient.
En parallèle, les pourcentages requis d’« equity », c’est-à-dire de fonds propres, s’abaissèrent en
Subprimes
dessous de 30 % du montant total à financer, accroissant l’effet de levier, et donc le rendement des
capitaux des investisseurs. Ces derniers, comme tout spéculateur qui s’enrichit, ne manquaient pas
de se féliciter de leur clairvoyance dans le choix de leurs investissements… À n’en point douter, le
133 - Rapport dette nette/fonds mouvement ascendant de la dette LBO et des ratios de « gearing » 133 eût continué si la croissance
propres. des crédits « subprimes » avait été un peu plus lente.
134 - Banque de Financement et
d’Investissement, activité bancaire
où sont traditionnellement logés les Dans ce contexte « d’exubérance irrationnelle » de la BFI 134, les emprunteurs devaient se défendre
financements de LBO. pour ne pas accepter toutes les alléchantes propositions de financement qui leur étaient soumises !
SCB
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Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
Au cours du deuxième trimestre 2007, PAI partners lança l’idée d’une « récap », terme impropre du
jargon LBO désignant, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer au premier abord, une opération
de restitution partielle de l’apport de fonds initial des actionnaires et un recours accru à la dette
bancaire (cf. annexe 43, « Petit lexique du LBO »). Inutile d’ajouter que les banquiers se bousculèrent
pour organiser le montage ! Ils le regrettèrent amèrement par la suite… mais n’anticipons pas !
L’annexe 44 illustre le mécanisme de l’opération. Les banquiers prirent à hauteur de près de 200 mil-
lions d’€ le relais des actionnaires, qui purent ainsi se reverser un montant équivalent en rembour-
sant l’essentiel des ORANs (obligations remboursables en actions ou en numéraire) qu’ils avaient
initialement souscrites. Les liquidités générées par la vente de SPIE Rail, grossies par la trésorerie
courante résultant d’une gestion efficace du besoin en fonds de roulement, purent de ce fait être
affectées à l’acquisition de Matthew Hall au Royaume-Uni. Simple et élégant ! Une belle opération
d’« amélioration de l’effet de levier », bien caractéristique de l’état d’esprit qui régna jusqu’à la fin
du premier semestre 2007, avant que la crise financière ne vint « chambouler » le petit monde du
LBO… L’empressement des banquiers à améliorer la rentabilité des fonds propres des actionnaires
de FINANCIÈRE SPIE, tout en réduisant leur propre rémunération, ne peut manquer de surprendre
les esprits simples ! Il s’explique en partie par le fait que les banques leaders engrangeaient de
confortables « fees »(c’est-à-dire des honoraires) à l’occasion de ces opérations… Mais on ne peut
s’empêcher de penser que, pris d’une sorte d’aveuglement ou de frénésie, les financiers avaient fini
par croire que les « arbres – ainsi probablement que leurs bonus – pouvaient monter jusqu’au ciel ».
Les collaborateurs de SPIE réagirent quant à eux de façon pragmatique. Leur apport de fonds
datant de 6 mois seulement pour ce qui est du FCPE, il apparut peu opportun de procéder aussi
rapidement à un remboursement anticipé, après une campagne active en faveur de la souscription
qui avait impliqué toute la direction générale du Groupe. PAI partners accepta alors de vendre
une partie de sa participation à hauteur des sommes reçues par les collaborateurs à l’issue du
remboursement des ORANs. De ce fait, la participation des salariés actionnaires dans FINANCIÈRE
SPIE passa de 8,75 % à 12,75 %.
Avec plus de 2 300 collaborateurs, cette entreprise avait enregistré en 2006 un chiffre d’affaires
d’environ 500 millions d’€ et dégagé un résultat d’exploitation de l’ordre de 15 millions d’€. Elle
opérait presque uniquement dans le secteur de l’immobilier tertiaire, si l’on exclut quelques clients
industriels, tel MacLaren. SPIE Matthew Hall, qui avait en effet réalisé les installations électroméca-
niques de la prestigieuse implantation du constructeur automobile à proximité de Londres, continuait
à en assurer la maintenance.
Le repositionnement stratégique de cette nouvelle filiale de SPIE, trop axée sur les grands projets
tertiaires au détriment des petits contrats récurrents et de la maintenance, fut très rapidement
engagé.
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277
NAÎTRE ET RENAÎTRE 24
LES ORIGINES DE MATTHEW HALL treprise – elle compte moins de dix employés à
la mort de son fondateur, en 1878 – n’en a pas
Rien ne prédisposait Matthew Hall, ouvrier qua- moins progressé et gagné sur le terrain les ga-
lifié dans une fonderie de plomb né dans un vil- lons qui vont lui permettre, avant la fin du XIXe
lage de la campagne anglaise, à devenir entre- siècle, de sortir de l’anonymat grâce à quelques
preneur. Et pourtant, en 1848, il quitte sa région réalisations prestigieuses.
natale de Newcastle-upon-Tyne pour s’établir à
Londres et devenir artisan plombier. Matthew Hall était à n’en point douter un
Il a de l’intuition : l’urbanisation galopante de homme de qualité. Excellent professionnel, il
l’Angleterre ouvre de vastes comprit aussi que l’avenir de son entreprise dé-
perspectives aux hommes pendait d’abord de sa capacité à détecter et à
comme lui qui maîtrisent le attirer les talents. La décision qu’il prit de s’at-
travail du plomb. Les besoins tacher les services de son neveu, Andrew Ans-
en installations sanitaires et ley Common, astronome et inventeur, est à cet
en chauffage vont croître de égard remarquable. Inutile d’effectuer de lon-
façon considérable. gues recherches pour affirmer que peu d’astro-
Quoiqu’à la pointe du moder- nomes ont joué un rôle éminent dans la plombe-
nisme, les baignoires et toi- rie. Mais l’essentiel n’est pas là. Il réside dans
lettes qu’installait le modeste l’exemplarité de la démarche du fondateur de
artisan à ses débuts n’ont évi- l’entreprise, que ses successeurs s’efforcèrent
demment pas laissé de traces toujours par la suite de prolonger, en recrutant
dans l’histoire de l’industrie des équipes dirigeantes de talent. Cette consta-
anglaise. Mais l’humble en- tation n’est pas neutre. Elle explique sans
conteste la pérennité de l’entreprise qui, résis-
tant aux crises, sut remarquablement s’adapter
aux évolutions du monde. Passer de l’ingénierie
des toilettes individuelles à celle des raffineries
n’est pas une mince performance, même en un
siècle !
Le plombier
et l’astronome…
Le LBO : un levier pour l’avenir
l avenir de SPIE
ll’économie
’ verte, tout brillant ingénieur et inventeur de multiples
een notant au passage brevets, qui intégra l’entreprise en 1890.
qque ces pratiques su- Son fils, Thomas Andrew Common, lui succéda da
rrannées sont après tout à sa mort en 1903 comme Senior Partner avant ant
moins risquées que les
m de devenir Managing Director en 1927 quand and
ttechniques financières Matthew Hall devint une « Private Company ». Il
ddéployées par les ban- abandonna ses fonctions en 1936, 88 ans après rès
qquiers du XXIe siècle… la création de l’entreprise par son grand-oncle.
le.
QQuand il rejoignit son Edwin Baden et Bertram Baden, les fils de H.E.
ooncle à la tête de l’en- Baden, rejoignirent l’entreprise en 1905 et 1911
911
ttreprise, A.A. Common respectivement, et y assumèrent les plus hautes
pparvint à instaurer la te- responsabilités. B. Baden, coopté comme Chair-
nnue d’une comptabilité man et Managing Director de Matthew Hall en
1936 au départ de T.A. Common, passa
ensuite le flambeau à son frère Edwin qui
quitta l’entreprise en 1964, 74 ans après
l’entrée de leur père. Dr Andrew Ainslie
Common.
Les deux « dynasties » Hall/Common et archives Matthew Hall.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 24
Matthew Hall au début trer visionnaire, ce qu’après tout on pouvait at- Les « fils Baden », Edwin et Bertram, hommes
des années 1960. tendre d’un astronome de talent ! Récompensé d’affaires avisés et férus de technique, furent
© Stewart Bale, archives Matthew Hall.
en 1883 par une médaille d’or de la Royal Astro- également à l’origine de deux mouvements
nomical Society pour la qualité des clichés de stratégiques majeurs :
la nébuleuse d’Orion qu’il avait réalisés grâce • Le lancement des activités de conditionne-
à un télescope de sa conception, A.A. Common ment d’air, avec un premier contrat au « Carre-
devint en effet président de cette noble et pres- ras Building » à Londres, en 1928.
tigieuse institution en 1895. • L’entrée de l’entreprise dans le domaine de
Mais A.A. Common, quoique ayant « la tête dans l’électricité – chauffage, séchage, éclairage –
les étoiles », était doté d’un bon sens que n’au- durant les années 1930.
rait pas désavoué son oncle. Il ne manqua pas Ils surent ensuite tenir la barre d’une main
le virage du chauffage central en s’appuyant sur ferme durant les années « noires » du second
son adjoint, H.E. Baden. conflit mondial. La participation de Matthew
En 1894, l’entreprise se vit attribuer son Hall à l’effort de guerre lui ouvrit d’ailleurs de
premier contrat majeur en ce domaine avec le nouveaux horizons technologiques. L’entre-
Walsingham Hotel. Réalisation prestigieuse prise apprit la mécanique, le travail des métaux,
car cet établissement, situé sur l’emplacement les applications du plomb dans la chimie et la
actuel du Ritz, à côté de Green Park, fut à l’époque fabrication des explosifs. Elle approfondit ses
considéré comme le plus grand au monde. connaissances en électricité et éclairage.
Le « sanitaire » et le « thermique » devinrent L’après-guerre vit Matthew Hall, sous
ainsi les pierres angulaires de l’activité de Mat- l’impulsion des deux frères, faire feu de tout
thew Hall sur lesquelles l’entreprise bâtit sa no- bois en matière d’innovations : gainage et
toriété et sa prospérité. protections de plomb pour l’industrie nucléaire,
Le plombier
et l’astronome…
Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
Matthew Hall
a 160 ans
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Dans un grand groupe – ce fut le cas chez AMEC –, la contrainte financière ne se pose pas dans
les mêmes termes. Elle existe, bien sûr, mais au niveau global. De ce fait, les unités opérationnelles
n’éprouvent généralement pas de difficulté à couvrir des besoins de trésorerie imprévus et liés à
des événements exceptionnels perturbant le déroulement « normal » d’une affaire. Ainsi AMEC
SPIE Capag ne rencontra aucun problème pour financer un découvert de près de 100 M$ durant
le cours de la réalisation du pipeline BTC. Ce qui aurait été plus délicat si cette filiale avait été rat-
tachée à une SPIE indépendante. La puissance financière des grands groupes favorise une forme
PAI partners
de laxisme dans le choix des affaires : pour autant que le risque final soit acceptable, leurs unités
opérationnelles sont même parfois incitées par leur Direction Générale – pour des raisons de plan
de charge et de communication boursière – à signer des contrats qui peuvent créer des besoins
de financement intermédiaires importants. Le LBO oblige au contraire les dirigeants à assurer une
parfaite cohérence entre la structure du portefeuille d’activités et les ressources financières de l’en-
treprise. D’où, par exemple, le choix délibéré, dans le cas de SPIE, d’éviter les trop grands projets
– de montants supérieurs à 10/20 millions d’€ – et de privilégier au contraire les petits contrats.
Stratégie au demeurant non pénalisante car, partout en Europe, ce segment du marché de l’ingé-
nierie électrique s’avère statistiquement plus rentable.
3URMHWV
La réponse à la question initiale – le LBO, un levier ? – est claire. Oui sans conteste, car il implique un
effort de réflexion stratégique riche d’enseignements pour l’entreprise. L’évolution du portefeuille
de SPIE, indubitablement positive en termes de performances, n’est pas étrangère au choix des
formules d’actionnariat, RES puis LBO.
Est-ce à dire que le LBO, est une solution idéale de long terme pour un groupe de la taille de SPIE ?
Là aussi la réponse s’impose d’évidence. Non... Lorsque l’entreprise s’est recentrée, qu’elle a amélioré
ses marges et optimisé ses besoins en fonds de roulement, elle doit chercher ailleurs ses sources de
progrès et de développement. Il lui faut se diversifier et favoriser la créativité. Et, il lui faut aussi, le
cas échéant, trouver des capitaux frais. Or la crise financière a contribué à augmenter le coût du
capital dans la formule du LBO, en diminuant ainsi l’attrait.
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Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
Cession
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4000 Arrêt Grands Projets
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Cession Cession solde
génie civil Construction projets
France électromécanique
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Cession Rail
2000
Les annexes 46 et 47 illustrent quant à elles la variété des compétences de SPIE et des marchés
sur lesquels elle opère. Cette « division des risques », qu’accentue le choix stratégique de privilé-
gier les petits contrats au détriment des grosses affaires, est le fondement de la stabilité et de la
« résilience » du modèle d’entreprise de proximité SPIE (cf. annexe 48) lequel, soumis au « crash
test » de la crise financière puis économique, a remarquablement résisté. La croissance organique
n’a pas subi de choc brutal frappant les entreprises opérant sur des marchés à caractère cyclique,
elle a seulement marqué une inflexion consécutive à la baisse des PIB des pays d’Europe de l’Ouest
où l’entreprise est implantée.
4000
Acquisition SPIE,
Acquisition de WHS partenaire
3500 de GAME nucléaire
de confiance
Acquisition durable
Acquisition de Matthew Hall
3000 d’Ipedex
Acquisition
2500 de FORAID
Acquisition
Acquisition de Controlec
2000 de MNCD
Il est intéressant de noter que les activités pétrole-gaz – dont la progression a été remarquable –
s’inscrivent également dans une démarche de proximité, avec des implantations permanentes sur
les champs pétroliers et gaziers, comme il ressort de l’annexe 49.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 24
GRANDIR
La cession de SPIE Rail, conjuguée avec la croissance du « free cash flow » (cf. annexe 43) et les
tirages sur une ligne de financement dite « CAPEX » 137, a permis à SPIE de mener une ambitieuse
politique d’acquisition, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La proportion du chiffre
d’affaires européen, hors France, a donc progressé pour atteindre 27 % à fin 2009 (cf. annexe 50).
Free cash flow
• Au Royaume-Uni, le modèle d’entreprise de SPIE Matthew Hall s’aligne progressivement sur
celui de SPIE, avec élimination des grands contrats risqués et aléatoires. Le chiffre d’affaires, de ce
fait, régresse mais la marge EBIT/chiffre d’affaires est en revanche en forte progression, dépassant
désormais 4 %.
Gauthier Louette
Gauthier Louette est né le 21 juillet 1961. Directeur des opérations dès 1993, il supervise
Diplômé de l’École polytechnique et de alors l’ensemble des chantiers de Spie Capag,
l’ENSTA (École nationale supérieure des de la Norvège à la Birmanie, en passant par la
techniques avancées) Gauthier Louette intègre Colombie, le Yémen et le Cameroun.
SPIE en 1986 comme ingénieur En 1998, Gauthier Louette est nommé direc-
de chantier chez Spie Capag. teur général de Spie Capag, poste qu’il occupe
Ce choix initial du terrain l’amè- jusqu’en 2002 quand lui est confiée la direc-
nera à participer dès le début tion de l’ensemble de la branche Pétrole-Gaz
de sa carrière à de nombreux du Groupe. Outre Spie Capag, celle-ci compre-
projets aussi divers que la mo- nait Spie Enertech, spécialisée dans l’électrici-
dernisation de la raffinerie de té, l’instrumentation et le contrôle commande,
Leuna en ex-Allemagne de l’Est, ainsi que la société Foraid nouvellement ac-
la réalisation clés en main d’un quise, spécialisée dans les services pétroliers.
terminal charbonnier en Indoné- Ipedex vint s’y joindre début 2003.
sie, la construction de gazoducs En juillet 2003, Gauthier Louette devient di-
en France ou d’oléoducs en Inde. recteur général d’AMEC SPIE. Il conduit à son
Ce goût prononcé pour la réalisation d’ou- terme le repositionnement stratégique du
vrages complexes et l’international lui per- Groupe engagé par Jean Monville à la fin des
met d’acquérir une expérience opérationnelle années 1990. Il mène une démarche vigou-
solide dans des contextes multiculturels. Di- reuse d’amélioration de la performance ainsi
recteur de projet à partir de 1992, il dirigera qu’une politique active d’acquisition, faisant
notamment la construction du pipeline de de SPIE un leader européen des services de
distribution de produits raffinés pour Nigeria proximité dans les domaines de l’énergie et
National Petroleum Corp (NNPC), projet de des communications. Gauthier Louette est
195 millions d’US$. président-directeur général de SPIE depuis le
1er janvier 2010.
137 - Destinée précisément à financer
les acquisitions, elle avait été fixée à
70 millions d’€ dans le cadre de la
« récap ».
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Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
Rachetée à sa société mère allemande SAG GmbH, Controlec est une entreprise
de services d’ingénierie, d’installations et de maintenance pour l’industrie dans les
métiers de l’électricité, de l’instrumentation et des automatismes. Basée à proxi-
mité de Rotterdam, Controlec réalisait au moment de son entrée dans le Groupe
un chiffre d’affaires d’environ 55 millions d’€ et employait 450 personnes. La
composante ingénierie de son portefeuille, en forte synergie avec les activités ins-
tallation de SPIE Nederland, s’est avérée un atout déterminant pour cette filiale.
L’acquisition de Heijmans Industrial Services – 335 collaborateurs, chiffre d’affaires
2007 de 70 millions d’€ –, également implantée près de Rotterdam, a permis à SPIE
d’accéder à des compétences mécaniques dans le cadre de son activité industrielle.
• Ces opérations ont été complétées par une série d’achats d’entreprises listés en
annexe 51. À noter, en France, où SPIE continue à diversifier son réseau d’implan-
tations régionales, la prise de contrôle de Juret en 2008. Avec ses équipes de près
de 600 personnes réparties au sein de ses 10 sites en Bretagne et dans les pays
de Loire, et son chiffre d’affaires de 75 millions d’€, ce groupe régional réputé est
venu renforcer les positions de SPIE dans l’Ouest de la France.
Les réformes mises en œuvre par Gauthier Louette et son équipe ont porté leurs fruits. La suppres-
sion d’un niveau opérationnel a fortement accru l’efficacité de l’organisation. Elle a permis des
réductions substantielles de frais de structure, tout en « rapprochant » les directions des filiales
de leurs clients. Motivées par les enjeux du LBO, les équipes ont largement dépassé les objectifs
initiaux. La marge EBIT/Activité progresse de 3,3 % en 2005 à la veille de la sortie d’AMEC, à
4,8 % à fin 2009. D’ores et déjà, plusieurs filiales France multitechniques, SPIE Oil and Gas Ser-
vices et SPIE Nucléaire, dépassent le seuil des 5 % et se situent donc au niveau des meilleures
« performeurs » de la profession.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 24
En termes de chiffre d’affaires, SPIE se situe en 2009 dans le peloton de tête européen, comme
l’illustre l’annexe 53.
L’entreprise a réussi une remarquable performance au cours des premières années du LBO en amé-
liorant son BFR de 217 millions d’€, soit l’équivalent d’un peu plus d’une année d’EBIT (173 mil-
lions d’€). On mesure ainsi l’importance de la performance et son impact déterminant sur les
capacités d’autofinancement de l’entreprise.
Communiqué
de presse
résultats 2009
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Le LBO : un levier pour l’avenir de SPIE
En dépit d’une crise économique sans précédent depuis 1929, la croissance de SPIE n’a marqué
qu’une légère inflexion en 2009 sans recul brutal du CA. Cette constatation illustre la robustesse
du modèle.
Tel qu’il a été conçu, il est garant d’une croissance autofinancée aux conditions minimales sui-
vantes : un portefeuille de clients diversifié atténuant la cyclicité, des marges suffisantes, un BFR
nul et une répartition de l’activité sur un très grand nombre de petits contrats qui diminue de ce
fait le « coût » du risque.
La croissance totale de SPIE (interne et externe) pourrait à nouveau atteindre 10 % l’an, seuil atteint
par l’entreprise au cours des dix dernières années. De « Naître et Renaître, un
nouveau projet pour SPIE »
L’annexe 54 en apporte la justification théorique. Les performances passées ne sont donc pas le à « SPIE, acteur de l’économie
fruit du hasard : elles résultent d’un modèle d’entreprise qui permet de générer une croissance verte » (rapports annuels
durable auto-financée. 2005-2009)
archives SPIE.
La création de valeur, hors tout effet de levier à caractère financier, a bien sûr bénéficié de l’amélio-
ration des marges, dans un contexte de maîtrise des risques et de recherche d’activités récurrentes.
Hegel.
Archives SPIE
Épilogue
ÉPILOGUE
PASSION D’ENTREPRENDRE
Il est, en cette fin 2010, deux catégories d’optimistes, bien différents. Les premiers, avec une certaine
candeur, pensent que la crise qui a éclaté en 2007 va profondément modifier les règles régissant
l’économie mondiale. Les seconds, oubliant le présent et rétifs à toute évolution de leurs valeurs,
affirment que la « reprise » se manifestera en 2011 141 et que tout recommencera comme avant,
mieux qu’avant.
L’entrepreneur ne se classe dans aucune de ces deux catégories. Ni naïf dans ses jugements, ni
passif dans sa conduite, il n’imagine pas pouvoir fonder ses plans sur l’avènement miraculeux de
comportements « moraux » ou sur d’improbables évolutions. Guidé par le désir et la passion – mo-
teurs de toute action créatrice –, il mène à bien ses projets avec détermination, courage et ténacité.
Il ne prétend pas s’abstraire du monde financier avec lequel il doit forcément composer ; il en ap-
prend le langage, les codes et les règles – aussi changeants et volatiles que les modes vestimentaires.
Mais, même s’il évite de le proclamer devant les banquiers et analystes qui l’observent et le jugent
– avec quelle légitimité d’ailleurs ? –, il a bien compris qu’effets de levier et autres artifices ne sont
pas créateurs de valeur, au sens où il l’entend lui-même.
Toute action entrepreneuriale s’inscrivant dans la durée, il privilégie les actionnaires qui, tout en
exigeant de lui rigueur et réactivité, ont la sagesse de ne pas négliger le long terme. Il s’emploie
à rentabiliser au mieux les capitaux qui lui sont confiés – juste rémunération du risque pris – mais
sans pour autant viser les rendements extravagants dont se vantent – se vantaient ? – maints
financiers. 141 - En 2009, ils l’avaient déjà
pronostiqué en 2010.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE 25
L’entrepreneur met les chiffres à leur juste place. Ils sont essentiels car, traduisant les performances
de l’entreprise, ils servent à la piloter et, bien sûr, à « l’apprécier ». Mais ils ne sont que la consta-
tation et l’enregistrement des performances, la partie passive du management. L’amélioration des
marges génère rarement de la passion.
L’objectif premier de l’entrepreneur est tout autre. Il consiste à communiquer son propre enthou-
siasme à ses collaborateurs, à la communauté d’hommes et de femmes qui l’entourent et le secon-
dent. Sans ce partage d’émotions et de valeurs, librement consenti et vécu, l’entreprise ne donnera
pas le meilleur d’elle-même. Elle perdra donc en efficacité, n’en déplaise aux purs gestionnaires…
COHÉRENCE
Économie
verte
Il serait erroné de qualifier de « conjoncturelle » la crise qui a frappé l’économie mondiale. Elle
résulte en réalité de l’inadaptation et des dysfonctionnements croissants d’un modèle économique
devenu défaillant face à un monde aux ressources limitées. Le développement ne pourra désormais
se définir et se poursuivre sur des bases identiques à celles du passé.
Dans ce contexte, «l’économie verte », c’est-à-dire une économie consciente de la rareté des
ressources naturelles, en particulier énergétiques, s’imposera naturellement à tous. Fervents du
retour à la bougie et de la décroissance rédemptrice ou observateurs pragmatiques moins portés
sur les dogmes s’affrontent, parfois avec vigueur, sur les mesures à prendre, et
les priorités sont encore loin de faire l’objet d’un consensus. Mais les deux camps
se rejoignent pour affirmer que la limitation des ressources naturelles générera
des contraintes sans cesse croissantes et que la chasse au gaspillage s’imposera
comme un impératif vital.
L’opinion publique, il faut s’en réjouir, est de plus en plus consciente de la nécessité
d’évaluer et de prendre en compte tous les impacts – positifs ou négatifs – de
l’activité économique. Cette préoccupation est évidemment partagée par les jeunes
collaborateurs de l’entreprise, qui reconnaissent en SPIE un groupe responsable
et innovant, dont l’ensemble des métiers contribue à répondre sur le long terme
L’économie verte, au cœur aux défis énergétiques et environnementaux. Il en résulte une convergence entre
du projet d’entreprise de SPIE les aspirations légitimes du corps social et des collaborateurs – volonté de préparer et de préserver
archives SPIE.
l’avenir – et les intérêts financiers de l’entreprise – potentiel de croissance du chiffre d’affaires et
des profits.
INDÉPENDANCE
En sortant d’AMEC, SPIE a reconquis sa liberté, c’est-à-dire la faculté de se développer de façon
indépendante en affectant ses ressources à son propre projet, sans subir les effets néfastes des
conflits d’intérêt « intragroupes ». Elle a désormais une vocation bien établie, l’ingénierie électrique,
et une stratégie sans ambiguïté, le déploiement de réseaux de services de proximité, au contact
de ses clients.
Épilogue
La mobilisation de toute une entreprise autour d’objectifs clairement exprimés et perçus a toujours
été et restera toujours un facteur inégalable de succès. Les expériences des électriciens de SPIE, dans
le cadre de l’ancienne Spie Batignolles ou du groupe AMEC, ont dans le passé étayé la pertinence
d’une telle affirmation. Les synergies, fréquemment vantées, avec les métiers du génie civil et du
bâtiment sont, en revanche, restées le plus souvent à l’état de promesses. Et l’évolution actuelle
de l’ingénierie électrique ne la rapproche pas des activités traditionnelles du BTP. Au contraire. Son
mode relationnel avec ses clients, fondé sur la récurrence et la proximité – avec un rôle croissant
de la maintenance –, ses caractéristiques de management et son contenu technologique l’en
éloignent irrémédiablement.
La participation des filiales électriques des groupes pluridisciplinaires aux grands projets d’infrastruc-
ture débouche bien souvent sur des partages de risques contre nature avec leurs sociétés sœurs.
Elle contribue seulement à une mutualisation des risques – positifs ou négatifs – qui n’a guère de
sens car les électriciens n’ont aucun levier réel sur la gestion des très grands projets.
SPIE
Il ne s’agit nullement de remettre en cause la légitimité du choix de certains grands groupes de en images
construction d’intégrer une composante « ingénierie électrique » dans leur portefeuille d’activités.
Les conclusions précédentes visent simplement à montrer que la justification de cette option ne relève
pas d’impératifs de « stratégie industrielle » – les synergies sont négligeables – mais de décisions à
caractère « patrimonial » de holdings cherchant à élargir leur éventail d’activités.
SPIE, pour la première fois depuis des décennies, ne se pose plus de questions sur la nature de
son « core business », et sur la cohérence de ses ambitions avec celles d’unités dont les intérêts
divergent des siens. Ayant goûté depuis le lancement du LBO aux bienfaits de cette indépendance
retrouvée, elle souhaite et croit possible de la conserver. Dans ce contexte, il n’apparaît pas opportun
de l’intégrer totalement dans un groupe de BTP en risquant de déstabiliser une entreprise dont la
stratégie de développement est clairement établie. Une association avec un acteur industriel de
la construction ou de l’énergie – devenant actionnaire de référence aux côtés du personnel – per-
mettrait en revanche, dans le cadre de règles du jeu clairement définies, de mettre en place des
coopérations profitables aux deux parties tout en préservant leur autonomie et leurs stratégies
respectives. Ce type de partenariat n’exclurait évidemment pas une entrée en bourse qui serait
de nature à faciliter l’apport de capitaux nécessaires au développement de l’entreprise, tout en
contribuant à sa notoriété tant auprès des investisseurs que du grand public.
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Annexes
ANNEXES
Annexe 1 .......................Arbre généalogique des Goüin Annexe 25.......................... Distributions de dividendes
Annexe 2 ................................................. Descendance et augmentations de capital de Spie Batignolles
d’Édouard Rodriguès-Henriquès Annexe 26.............Valeur boursière de Spie Batignolles
Annexe 3-a......................Activité et résultats de la SCB Annexe 27................. Organisation de Spie Batignolles,
Annexe 3-b ... Répartition de l’activité de la SCB (en %) période 1992-1995
Annexe 3-c ........................... Répartition géographique Annexe 28............................................ Journal du RES,
des marchés de TP de la SCB Rachat de l’Entreprise par ses Salariés
Annexe 4 ....................... Activité de la SCB par secteurs Annexe 29........... Schéma juridique et financier du RES
et par zones géographiques Annexe 30................Modalités de financement du RES
Annexe 5 ......Ventilation du chiffre d’affaires de la SCB Annexe 31....................... SPIE : acquisitions et cessions
Annexe 6 ............... Évolution de la rentabilité de la SCB stratégiques de la période du RES (1997-2003)
Annexe 7 ............................Structure du passif du bilan Annexe 32..........SPIE : croissance « quasi-organique »,
de la SCB de 1913 à 1940 période 1997-2002
Annexe 8 .............................Indice du coût des travaux Annexe 33...................SPIE : profil du chiffre d’affaires,
en France de 1913 à 1940 exercice 2002
Annexe 9 ....................................Généalogie simplifiée Annexe 34...............................SPIE : forte amélioration
de la descendance d’Henri Schneider de la rentabilité de 1997 à 2002
Annexe 10 ......................................Activité et résultats Annexe 35 .......................SPIE : reprise de la croissance
de la Direction Travaux Publics de Schneider Annexe 36 ..........Organisation AMEC SPIE SA en 2004
de 1925 à 1938 Annexe 37 ..................... AMEC : évolution de l’activité
Annexe 11...................................Généalogie simplifiée et des marges
de la famille Empain Annexe 38 ............................Schéma juridique du LBO
Annexe 12.......................... Évolution des résultats nets Annexe 39 .........................LBO SPIE : Épargne salariale
de la SCB de 1940 à 1956 Annexe 40 .......................................Gouvernance LBO
Annexe 13.......................... Évolution des résultats nets Annexe 41 ......................... Flash interne d’information
de la SCB de 1954 à 1967 annonçant la cession de SPIE Rail
Annexe 14...................................Répartition du capital Annexe 42 ....................Organisation SPIE SA, fin 2009
de SPIE au 30 juin 1966 Annexe 43 ......................................... Petit lexique LBO
Annexe 15.................................Évolution et répartition Annexe 44 ............................ « Récap » 2007 : tableau
du chiffre d’affaires de SPIE de 1947 à 1967 emplois-ressources FINANCIÈRE SPIE (FS)
Annexe 16...................................Évolution des marges Annexe 45-a ........... Matthew Hall : activité et résultats
de SPIE de 1948 à 1967 Annexe 45-b ..... Quelques dirigeants de Matthew Hall
Annexe 17.................................Évolution et répartition Annexe 46 ............. SPIE, répartition du CA par marché
des effectifs de SPIE Annexe 47 ................................. SPIE, un large éventail
Annexe 18 ... Augmentations de capital et distributions de compétences et de spécialistes
de dividendes de Citra de 1949 à 1968 Annexe 48 .......................SPIE, un modèle d’entreprise
Annexe 19............................... Activité et résultats nets fondé sur la proximité en Europe
de Spie Batignolles de 1968 à 1982 Annexe 49 .............SPIE, un modèle d’entreprise fondé
Annexe 20.......... Répartition du CA de Spie Batignolles sur la proximité, sur les champs pétroliers et gaziers
Annexe 21................. Organisation de Spie Batignolles, Annexe 50 ............SPIE, répartition du chiffre d’affaires
période 1982-1992 par zone géographique
Annexe 22................Quelques grands chantiers export Annexe 51....................................Liste des acquisitions
et leurs records Annexe 52 ..........................SPIE, une bonne résistance
Annexe 23................... Autres acquisitions stratégiques des marges malgré la crise
de la période 1982-1991 Annexe 53 ............................................... Concurrence
Annexe 24............................... Activité et résultats nets Annexe 54 ..Modèle de croissance ingénierie électrique
de Spie Batignolles de 1982 à 1991 Annexe 55 .......Évolution du logo SPIE de 1900 à 2006
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
Jules-Édouard — Marie-
Lucie — Wilbrod Chabrol Fanny — Georges Guiard
Thérèse Singer
Marguerite — Edmond de
Denise — marquis Guy de
comte Bernard de Ganay
Rivière de la Mure
Marie-Louise —
François Balsan
Adams Clifford
Marie-Laure —
Magdeleine _
Marie-Claire
Monique —
Jean-Pierre
Jean-Louis
Philippe
Charlie
Édouard Rodriguès-Henriquès —
Esther-Nancy Lopez de Saa
Etienne
René Guy Le Bret Jacques
Le Bret
Annexes
Exercice Chiffre Capacité Bénéfice Auto- Exercice Chiffre Capacité Bénéfice Auto-
d’affaires d’auto- distribué finance- d’affaires d’auto- distribué finance-
finance- ment finance- ment
ment ment
1846-47 1,78 0,063 0,063 0 1885-86 34,11 6,35 4,57 1,6
1847-48 3,02 0,063 0,063 0 1886-87 35,51 5,34 2,08 3,26
1848-49 3,33 0,063 0,063 0 1887-88 36,32 2,59 2,08 0,51
1849-50 3,30 0,070 0,070 0 1888-89 36,43 2,19 2,08 0,11
1850-51 3,38 0,065 0,065 0 1889-90 35,29 2,88 0 2,88
1851-52 6,21 0,063 0,063 0 1890-91 28,65 2,95 1,42 1,53
1852-53 9,13 0,181 0,063 0,118 1891-92 17,07 1,86 1,25 0,61
1853-54 9,77 0,247 0,110 0,137 1892-93 12,13 1,25 1,25 0
1854-55 11,45 0,334 0,251 0,083 1893-94 11,93 1,27 1,26 0,01
1855-56 13,69 0,577 0,063 0,514 1894-95 11,57 1,62 1,62 0
1856-57 12,23 0,560 0,220 0,340 1895-96 10,14 1,41 1,41 0
1857-58 12,44 0,532 0,144 0,388 1896-97 9,27 1,41 1,29 0,12
1858-59 17,97 0,526 0,180 0,346 1897-98 9,37 2,58 1,58 1,00
1859-60 19,19 0,764 0,180 0,584 1898-99 14,20 1,59 1,58 0,01
1860-61 17,45 0,749 0,288 0,416 1899- 19,93 1,59 1,58 0,01
1861-62 16,48 1,413 0,234 1,179 1900
1862-63 14,27 1,694 0,216 1,478 1900-01 20,61 1,59 1,58 0,01
1863-64 9,93 2,099 0,216 1,883 1901-02 23,69 1,60 1,58 0,02
1864-65 7,04 3,082 0,072 3,010 1902-03 25,27 1,42 1,42 0
1865-66 7,61 3,866 0,072 3,794 1903-04 21,11 1,42 1,42 0
1866-67 9,99 4,307 0,115 4,192 1904-05 22,60 1,62 1,42 0,2
1867-68 12,06 4,103 0,173 3,930 1905-06 27,44 1,74 1,42 0,32
1868-69 13,55 3,887 0,144 3,743 1906-07 28,50 0,53 1,42 – 0,89
1869-70 10,93 3,767 0,216 3,551 1907-08 23,52 2,71 1,62 1,09
1870-71 10,21 4,526 0,216 4,310 1908-09 22,01 2,40 1,68 0,72
Source : AG des Établissements Ernest Goüin et Cie, thèse de Rang-Ri Park, volume 4,
1909-10 23,90 1,74 1,65 0,09
La SCB de 1846 à 1971 et de 1885 à 1914.
1910-11 25,16 2,90 1,96 0,94
1911-12 28,92 2,00 1,96 0,04
1912-13 30,71 2,48 1,94 0,54
1913-14 29,81 1,66 0,92 0,74
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
Eugène I Schneider
Henri Schneider
(1840-1898)
Eudoxie Asselin
Zélie Asselin
1853-1942
1847-1869
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(*) D’après la thèse d’Agnès d’Angio, École nationale des Chartes, la politique de Travaux Publics du groupe Schneider de 1895 à 1949. Les taux d’inflation pris en compte sont ceux de l’annexe 8.
(**) En millions de francs constants 1913.
(***) ED : «Entreprises directes» réalisées par Schneider DTP seule, sans partenaire.
général baron Édouard Empain Maria Florence Anna Emma Louise Baron François Empain —
(1852-1929) — Jeanne Becker 1856 1860 1864 1868 1871 Gislaine de Mont-Blanc
baron Louis Empain (1908-1971) baron Jean Empain (1902-1946) baron Édouard Empain (1914-1984) — M-Christine Ghislaine Marguerite
— Geneviève Hone marié successivement à : Rozell Rowland (veuve du baron Jean) 1923 1920 1917
— Christiane — Rozell
de la Rochette Rowland
baron Édouard-Jean Empain
Diane (1949)
Huguette
Monique
Claude
Michel
Janine
(1937)
Luc
Résultat net
en MF en M€ Dividende
courants 2010 en MF
courants Annexe 14 : Répartition du capital de SPIE au 30 juin 1966
1954 41,3 0,8 35,4
1955 40,0 0,8 35,4 7,4 %
3,8 %
1956 37,0 0,7 35,4
1957 38,2 0,7 35,4
43,6 %
1958 39,5 0,7 35,4
1959 0,69 1,0 0,50 45,2 %
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
Annexe 22 : Quelques grands chantiers export et leurs records (à leur date de réalisation)
Installation électrique son passif. Les deux entreprises avaient, en 1983, remporté
En France, l’opération la plus significative dans ce secteur, en ensemble un important contrat pour l’usine de laminage à froid
dehors de l’acquisition de Trindel, est l’achat de la Compagnie de Cilegon à Java en Indonésie.
d’Entreprises Électriques (CEE). Cette société fut créée en 1985
par apport des activités d’installation d’équipements électriques Bâtiment
de la CSEE devenue ensuite Compagnie des Signaux. La CSEE Après une série de petites opérations 146, c’est en 1987 que
céda le contrôle de CEE à Spie Trindel en 1986. Avec une acti- SCGPM, entreprise familiale, rejoint Spie Construction pour
vité de 400 MF et un effectif de 1 000 personnes environ, les renforcer ce secteur d’activité. Le marché du bâtiment avait
agences de CEE bien implantées en Bretagne, Pays de Loire, repris en 1986, mais SCGPM n’avait pas rebondi. La société
Région Parisienne, Guadeloupe, Aquitaine, Sillon Rhodanien, et était en réelle difficulté, fin 1987, avec un carnet de commandes
très présentes dans les secteurs de la défense – arsenaux de Brest quasiment vide et une trésorerie très tendue. À l’époque, l’en-
et de Lorient – du nucléaire et des infrastructures de transport, treprise comptait 10 ingénieurs pour plus de 1 000 personnes,
rejoignirent le réseau de Spie Trindel, en 1987. et elle réalisait 600 millions de F de chiffre d’affaires. Un projet
En Europe, la reprise, en 1988, de l’entreprise électrique belge d’entreprise fut rapidement mis en place pour remplir le vide
Abay TS au groupe Schneider marque la première étape dans laissé par la disparition de la famille, ce qui permit la relance de
la stratégie européenne du Groupe. Initialement rattachée à la la société. C’est à l’occasion de cette acquisition que François-
DEN, elle rejoindra ultérieurement Spie-Trindel dont elle consti- Xavier Clédat rejoignit Spie Batignolles.
tuera la première filiale européenne. En 1989, l’achat de la société savoisienne de construction Ton-
della conforte le développement de l’activité construction et
Ingénierie permet une participation importante du Groupe aux travaux
Spie Batignolles cherchait à renforcer son portefeuille « pro- d’infrastructures et de bâtiment liés aux JO d’Albertville.
cess » dans le cadre de sa stratégie pluridisciplinaire. C’est dans Dans le domaine du génie civil, aucune acquisition majeure ne
ce contexte que s’inscrivit l’acquisition de Clecim. En 1985, fut réalisée au cours de la période, la dernière opération signi-
Clecim, filiale de Creusot-Loire, spécialiste de l’étude et de la ficative demeurant l’achat de SA Truchetet et Tansini, effectuée
réalisation d’équipements et d’ensembles industriels pour la si- en 1975. La SATT était une importante entreprise familiale de
dérurgie, les métaux non ferreux, le laminage, la coulée continue travaux publics et maritimes – 250 millions de F de chiffre d’af-
et les presses, entre chez Spie Batignolles, qui complète ainsi ses faires – qui s’était trouvée en difficulté en raison de retard de
capacités de conception et de réalisation de grands ensembles règlement de travaux à l’étranger et de la mauvaise rentabilité
industriels. Spie Batignolles reprend, pour 1 franc, cette société, d’une diversification récente mal maîtrisée dans le bâtiment. Son
qui est un des leaders mondiaux dans son domaine, en assurant directeur général, Guy Bidard rejoignit alors Spie Batignolles.
Un RES ne s’explique pas, il se vit jour après jour, heure après heure...
L’équipe de direction serait bien présomptueuse en prétendant qu’elle en maîtrisa le déroulement de bout en bout. Les imprévus,
la chance, et parfois le hasard marquèrent le voyage...
Mais il y eut, en permanence, un fil directeur, une volonté farouche d’arriver au port.
1. Intermède sans suite Didier Pineau-Valencienne s’était rendu dans les bureaux de
Claude Coppin, ayant accompli sa mission de relance de la Spie Batignolles le 22 mai 1995. Il avait défini, à cette occasion,
société, quitte la présidence le 26 février 1995. Il est remplacé la mission de Jean Monville et du Comité de Direction. Gérer
par Daniel Melin, précédemment directeur général de Schnei- Spie Batignolles en maîtrisant les risques et préparer sa sortie
der. Jean-Paul Jacamon a, de son côté, rejoint Schneider pour du groupe Schneider. Un incident oppose dès cette réunion
seconder Didier Pineau-Valencienne dès la fin 1994. Jean Renault, responsable du génie civil, à Didier Pineau-Va-
lencienne. Jean Renault quitte le Groupe en juin 1995, Jean
Daniel Melin semble au départ suivre un plan assez clair : Monville confiant à François-Xavier Clédat, déjà responsable
filialiser l’ensemble des activités pour faciliter des cessions de l’activité bâtiment et génie civil régional, l’ensemble du
partielles. Privilégier la vente de la construction et garder, le secteur construction.
cas échéant, les activités électriques chez Schneider.
2. Une belle opération financière
C’est dans ce contexte que se poursuivent les contacts avec Didier Pineau-Valencienne comprend que la vente de Spie
le groupe suédois Skanska 150, alors en pleine expansion. Batignolles est conditionnée par une « defeasance » complé-
Échanges d’informations réciproques. Étrange stratégie de mentaire d’actifs « mous » : réclamations non négociées,
Skanska qui se développe rapidement à l’international avec immobilier, etc. La restructuration financière correspon-
des risques élevés et des marges faibles ! Qu’en pensent ses dante sera la dernière mission de Jean-Claude Perrin chez
actionnaires ? Spie Batignolles. Il la réalisera avec l’aide d’Olivier Dubois
Des écarts de prix dans les évaluations préalables. Mais, plus et de ses équipes et retournera ensuite chez Schneider
important, Skanska ne sent pas très bien les objectifs de pour y prendre la direction financière en mai 1995. Il
Daniel Melin. La négociation s’enlise. sera, par la suite, associé à ce titre aux opérations de
Les dirigeants de Spie Batignolles ne sentent pas, non plus, le désengagement de Schneider.
projet de leur président, étonnamment distant. Il démissionne Les activités électricité et génie civil encore portées par
du groupe Schneider le 27 juin 1995 et part vers de nouveaux Spie Batignolles sont filialisées. La société, après cette
horizons. Spie Batignolles ne l’aura pas vraiment passionné. opération, devient un pur holding.
Peu avant le départ de Daniel Melin eut lieu un déjeuner avec Du 9 mai 1995 au 23 mai 1995, OPA de Schneider sur
des représentants de Fiat qui proposèrent une fusion de Spie Spie Batignolles. Les porteurs d’actions Spie Batignolles
Batignolles avec Impregilo, filiale du groupe turinois. Fallait-il deviennent actionnaires de Schneider. Pour éviter ou du
rire, crier à l’escroquerie ou garder son calme et goûter le moins minimiser les risques de recours des minoritaires,
repas qui au demeurant était excellent ? Nous choisîmes la dont Schneider a gardé de mauvais souvenirs en Belgique,
dernière solution… Nos interlocuteurs, qui connaissaient la les anciens porteurs d’actions Spie Batignolles reçoivent,
« defeasance » des actifs et la restructuration financière de en outre, un certificat de valeur garantie (CVG). Le prix de
Spie Batignolles – voir ci-après –, nous proposaient tout sim- ce CVG fut fixé à un niveau très confortable en regard de
plement de participer aux pertes reconnues d’Impregilo, en la valeur économique de l’action. L’opération est suivie
ajoutant que tout cela était en fait sans importance puisque d’une absorption de Schneider par Spie Batignolles qui
la participation de Schneider, comme celle de Fiat, deviendrait reprend ensuite le nom de Schneider.
inférieure à 20 %, seuil de consolidation, et disparaîtrait donc Le 27 juin 1995, création d’une « nouvelle Spie Bati-
des comptes des deux groupes. Il était, en effet, prévu de gnolles » par apport d’actifs à une société préalablement
fusionner ensuite avec deux autres sociétés italiennes, sans constituée. Schneider conserve en « defeaseance » cer-
doute déficitaires, pour obtenir la dilution souhaitée ! tains actifs immobiliers et un nombre limité de grands
150 - Des contrats export.
discussions Le 27 juin 1995, André Chadeau et Jean Monville sont nom- Ces deux opérations, dont les fiscalistes avertis n’auront
avaient été
més respectivement président-directeur général et directeur pas manqué de percevoir la logique, permirent un nou-
engagées
dès 1993 par général. André Chadeau jouera un rôle de président « non veau départ du Groupe.
Jean-Claude exécutif » jusqu’au terme de la négociation du RES, appuyant
Perrin. sans réserve l’équipe de direction.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
vacances pour venir approuver l’offre de reprise par Eiffage. de Tarmac, car situé à quelques encablures du siège de sa
L’autre représentant de Paribas au conseil de Schneider est filiale française Nicolleti à Nice.
Amaury de Sèze, également administrateur d’Eiffage. Coup
de tonnerre dans le ciel bleu de juillet : Didier Pineau-Valen- Diverses réunions d’échange d’informations d’octobre à dé-
cienne présente au conseil l’offre alternative de GTM. Violente cembre avec les équipes de Tarmac.
réaction d’Amaury de Sèze qui quitte la salle, discrètement En parallèle, réunions de Jean Monville avec un actionnaire
suivi par Michel François-Poncet. important d’OCP, un des leaders espagnols du BTP, puis avec
Fiorentino Perez, son président, à Madrid. Excellent contact
Dans le désordre qui s’ensuit, personne ne songe à analyser avec un véritable professionnel… Mais Fiorentino Perez n’a
rationnellement les offres en présence. Encore sous le choc de pas oublié l’échec de la tentative de prise de contrôle de SAE
la sortie flamboyante d’Amaury de Sèze, les administrateurs par sa société quelques années auparavant. Son objectif prio-
ne sont plus d’humeur à débattre sereinement de l’avenir de ritaire devenir leader en Espagne. Second objectif devenir :
Spie Batignolles. Ils chargent leur président de clarifier les président du Real de Madrid. Il réussira brillamment dans ses
intentions des prétendants dans les meilleurs délais. Il ap- deux projets.
paraîtra ultérieurement que l’offre de GTM est inférieure de
20 % à celle d’Eiffage. Toutefois, Didier Pineau-Valencienne Tarmac n’a pas compris l’intérêt des activités électriques de
et ses proches ne sont pas réellement convaincus par l’offre proximité et concentre ses investigations sur la construction.
de Jean-François Roverato qui prévoit un paiement en actions
Eiffage et comporte quelques conditions additionnelles en Voyage de Jean Monville à Londres… Beauté des Jaguar… puis
matière de garanties. silence… Neville Sims a entamé une négociation d’échange
Dans la même journée du 21 juillet, et en dépit du déroule- d’actifs avec Wimpey.
ment inattendu et peu protocolaire du conseil de Schneider, Neville Sims ne préviendra jamais Jean Monville de l’issue de
un conseil d’administration d’Eiffage avalise l’offre présentée ses tractations et de ses intentions vis-à-vis de Spie Batignolles,
à Schneider et ses principales conditions. ni par téléphone, ni par lettre, pensant à juste titre que celui-ci
peut acheter un journal et le lire.
Durant le week-end qui suit, samedi 22 et dimanche 23 juillet,
GTM entame une « due diligence » succincte des comptes 5. Qui a peur de Spie Batignolles ?
de Spie Batignolles avec l’appui de la direction du Groupe, Pas les clients en tout cas. En dépit des multiples déclarations
des auditeurs, et des banques conseils, afin d’être en mesure alarmistes de l’actionnaire et d’expressions journalistiques
de présenter une offre définitive à Schneider avant la fin de comme « Spie Batignolles, le boulet de Schneider » qui finis-
la semaine suivante. André Jarosson rencontre à cet effet le sent par faire florès, les clients continuent à lui faire confiance.
président de Schneider le jeudi 27 juillet. Vers 20h30, Didier Son professionnalisme reconnu la protège des turbulences qui
Pineau-Valencienne appelle Jean Monville. La réunion s’est l’affectent à court terme.
mal passée. Le président de GTM a réclamé un audit préalable
approfondi de Spie Batignolles, ce que Didier Pineau-Valen- Les investisseurs financiers font preuve en revanche d’une
cienne a refusé. La négociation est rompue. extrême réticence. Il faut dire que la réputation de la pro-
fession est exécrable au milieu des années 90. Par ailleurs,
Le lendemain, vendredi 28 juillet à 8 h, petit déjeuner de fascinés comme toujours, par les modes, ils se précipitent en
travail du Comité de Direction de Spie Batignolles. Au même rangs serrés vers les nouvelles technologies, alors en pleine
moment, Didier Pineau-Valencienne rencontre Jean-François émergence, dédaignant tout ce qui ne ressort pas de secteurs
Roverato. À 8h30, Didier Pineau-Valencienne appelle Jean en vogue. Seul l’un d’entre eux, TCR, montrera un intérêt
Monville et lui indique que la négociation est également rom- soutenu pour le dossier Spie Batignolles, qu’il suivra jusqu’en
pue avec Eiffage, son interlocuteur ayant refusé de modifier septembre 1996 en apportant une contribution intéressante
son offre. Jean-François Roverato s’en tient, en fait, strictement à l’élaboration du schéma financier.
à la ligne de conduite qu’il s’était fixée au départ, son offre
n’est pas négociable. Pour ce qui est des concurrents du métier, la situation est, à
Fin de l’épisode. La colère de Paribas durera de longs mois… vrai dire, contrastée. Les Français comme GTM et Eiffage, dans
leur tentative de 1995, cherchaient à absorber les activités élec-
4. Vacances cannoises triques et à faire disparaître un concurrent dans la construction
Poursuite en août 1995 des contacts préliminaires engagés tout en laissant à Schneider le maximum de risques liés à la
avec Tarmac, devenu par la suite Carillon. reprise et à l’arrêt de cette activité. Des concurrents étrangers
comme Skanska et Tarmac, on l’a vu, n’ont pas su évaluer le
Réunion de travail, durant la seconde semaine d’août, au potentiel représenté par les activités électriques régionales. Le travail continue…
Carlton de Cannes, lieu stratégique pour Neville Sims, CEO Dragados et OCP n’ont pas donné suite, craignant les réactions archives SPIE.
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nationalistes du marché français. Hochtief, bien au fait des générateur de synergies pour les deux sociétés. Le prix est
malheurs de son confrère allemand Philip Holtzman avec Nord attractif pour Ginès, la participation des salariés dans un RES
France, se refuse également à toute acquisition en France. lui donne une garantie supplémentaire de réussite. Mais néan-
moins, Mariano est inquiet en cette belle journée de mars. Il
Le numéro 2 suédois, NCC, qui, comme Skanska, vivait des n’a pas encore convaincu Carlos March et il sait que, s’il n’y
jours heureux sur son marché national mais où il s’ennuyait réussit pas, ce sera peut-être la fin de Ginès Navarro. Il n’y
sans doute un peu, voulut aussi partir pour l’international. parviendra pas. En 1997, sa société sera absorbée par OCP
Contacté par Schneider, il ne donna toutefois pas suite, pré- qui prendra le nom de ACS.
férant investir sur les bords de la Baltique où il perdit en défi-
nitive beaucoup d’argent, sans faire preuve du même panache 6. AMEC
que Skanska qui lui n’hésita pas à se lancer à l’autre bout Les pérégrinations des négociateurs autour de l’Europe vont les
du monde ! Un autre grand Viking, le Norvégien Kvaerner, ramener vers les rivages de la Manche. André Safir, consultant
venait de s’illustrer par une politique d’acquisitions absolu- en stratégie de Schneider,
ment débridée qui avait, sans nul doute, fait le bonheur et est également en contact
la fortune de ses banques. Il était évident que l’aventure se avec les dirigeants d’AMEC,
terminerait en catastrophe, mais les dirigeants de Kvaerner numéro 1 anglais du secteur
étaient alors probablement les seuls à l’ignorer ! Ils avaient de la construction, qui vient
toutefois essuyé un sévère échec dans leur tentative d’OPA de résister à une tentative
sur AMEC en Angleterre, et n’étaient donc plus en mesure d’OPA de Kvaerner. La City
de prendre une initiative. a imposé un nouveau CEO,
Le Hollandais HBG aurait pu constituer un partenaire, mais Peter Mason. Ce dernier,
comme il venait de jeter son dévolu sur l’Allemand Weiss ancien de Balfour Beatty où
und Freitag, qui causera d’ailleurs sa perte, il n’était pas dis- il a côtoyé Spie Batignolles
ponible… Les entreprises belges comme B Six étaient trop à l’occasion du tunnel sous
petites… Les italiennes s’étaient autodétruites… la Manche, cherche des
opportunités de dévelop-
En ce début d’année 1996, le choix est donc devenu limité. pement hors d’Angleterre.
Il y eut une seconde initiative d’Eiffage, dans un schéma très André Safir organise une
différent de celui de 1995, impliquant son soutien au montage réunion, à Londres en mai
d’un RES par les salariés de Spie Batignolles. Mais les contacts 1996, entre Peter Mason et
avec Eiffage, réalisés par l’intermédiaire d’une banque, la CPR, Jean Monville. Des présentations des sociétés sont ensuite
seront interrompus en milieu d’année. Eiffage doit en effet organisées à Cergy. Bons contacts personnels et bonne adé-
faire face en 1996 à un difficile problème financier qui l’oblige quation stratégique : pas de recouvrement géographique,
à réaliser une augmentation de capital. L’Angleterre et l’Es- possibilité de développement conjoint dans le ferroviaire an-
pagne paraissent donc les seuls pays d’où peut émerger une glais, et le sentiment que Peter Mason et les dirigeants d’AMEC
solution industrielle. C’est la voie qui va être suivie. croient au projet du management de Spie Batignolles.
Mars 1996 : belle journée d’hiver en Andalousie, ciel clair d’un Rencontre à Londres entre
bleu pastel, couleurs douces… Jour de détente qui mènera Didier Pineau-Valencienne,
de Séville à Cadix, à travers une campagne verdoyante, une Jean-Claude Perrin et Peter
équipe de Spie Batignolles et les dirigeants de Ginès Navarro. Il Mason le 24 juillet 1996.
est apparu évident qu’il convenait de discuter avec ce groupe, La réunion se déroule dans
partenaire de longue date de Spie Batignolles en Espagne dans de bonnes conditions. Peter
le pipeline, le ferroviaire et les fondations spéciales. Mariano Mason indique à Didier
Lopez Plaza, président du groupe espagnol est un fier castillan, Pineau-Valencienne que si le personnel de Spie Batignolles
qui savoure ce retournement du destin. s’engage, AMEC ne sollicitera que des « due diligences »
restreintes. Didier Pineau-Valencienne, satisfait par cette
Mariano a parfois souffert dans le passé d’être traité en petit approche, confirme à Peter Mason l’ordre de grandeur
frère de Spie Batignolles. Mais il sait également que Ginès du prix de transaction. Conscient de la difficulté pour le
Navarro n’a pas la taille critique. Une acquisition en Espagne management de Spie Batignolles de mener en direct des
lui coûterait très cher et il a peu de chance d’en vendre l’idée négociations triangulaires, Didier Pineau-Valencienne lui
à ses actionnaires banquiers, la famille catalane March. De donne l’autorisation de choisir un banquier conseil. Le
…avec des équipes motivées, nombreux contacts ont eu lieu et des informations ont été choix du management, afin de réduire les risques de fuites
archives SPIE.
échangées. Le projet Spie Batignolles-Ginès a un sens, il est d’informations, se porte sur une banque non française, la
Annexes
Deutsche Bank – à l’époque DMG –, Marc Pandraud et Antoine quinzième révision d’un même document, il devient difficile
de Miramon étant responsables du dossier. de faire preuve du même enthousiasme créatif qu’en début
de discussion. Et lorsqu’on a oublié les raisons profondes de
Un cabinet d’avocats conseil, Wilkie Farr, vient également ap- ses propres exigences initiales, la seule solution consiste à
puyer les dirigeants de Spie Batignolles avec l’accord de Schnei- s’enterrer dans une tranchée profonde dont on ne peut plus
der. L’associé en charge du dossier, Michel Frieh, jouera un rôle vous déloger. Les participants en arrivent parfois à un point
essentiel dans le montage du RES aux côtés d’Olivier Dubois. où ils ne savent plus pourquoi ils sont là et pourquoi ils né-
gocient, ce qui ne les empêche pas, d’ailleurs, de poursuivre
7. Communiquer leur effort avec entêtement et acharnement. Les attitudes de
La communication fut un exercice délicat pendant toute la la partie adverse, des détails mineurs, prennent soudain une
durée de la période de crise, de 1992 à 1995. Il fallait, bien sûr, importance démesurée.
éviter, dans la mesure du possible, contradictions et dérapages,
mais cet objectif n’était pas facile à atteindre. D’un côté Didier Il est fondamental, dans de telles impasses, de briser la ratio-
Pineau-Valencienne exprimait la sensibilité de l’actionnaire qui nalité apparente mais inféconde des débats et la logique sous-
souhaitait sortir le plus rapidement possible d’un secteur non jacente de l’échec, d’introduire un peu de fantaisie, d’aborder
stratégique, de l’autre, Claude Coppin cherchait à exposer les problèmes sous des angles nouveaux, pour revigorer la
ses orientations pour le redressement de Spie Batignolles. La capacité créatrice des négociateurs. De jouer de tous les degrés
décision de Didier Pineau-Valencienne de s’appuyer sur le ma- de liberté bien sûr : prix, garanties, périmètre des actifs cédés.
nagement pour vendre sa filiale clarifie la situation. Glasnost De fixer des repères aussi.
du printemps 1996. L’équipe de la communication reprend
la maîtrise du contact avec la presse. Schneider ne cherchera Dans le cas de Spie Batignolles, il fallait déterminer, compte
plus à interférer de façon discordante. Importance du rôle de tenu de la « defeaseance » envisagée, ce qui serait vendu et
la presse. Ce qui est écrit dans les journaux a force de vérité. le prix des actifs cédés. Didier Pineau-Valencienne décida un
beau jour du prix : 1 milliard de F car c’était un chiffre rond.
On détermina ensuite ce qui était inclus dans le prix.
Ce milliard devint un élément essentiel, totalement intangible,
presque magique de la négociation. Tout pouvait être négocié,
mais pas le prix. Didier Pineau-Valencienne ajoutait au terme
de toute discussion : « je veux mon milliard ».
La manœuvre était en fait habile. Didier Pineau-Valencienne
prit la bonne voie en interdisant aux négociateurs de s’engager
dans une confrontation sur le prix, qui aurait pu provoquer des
tensions excessives et même la rupture du dialogue.
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317
NAÎTRE ET RENAÎTRE
Séances de travail avec Yannic Burin des Roziers et Bernard Le Cet exercice permit d’affiner les réflexions sur la structure de
Bourgeois, Directeur Financier de Spie Trindel, pour monter l’actionnariat. Le premier projet prévoyait trois entités juri-
le financement adossé au cash flow de Spie Trindel… Spie diques distinctes pour recueillir les souscriptions des cadres
Trindel, un paquebot stable qui résiste aux coups de vent, mais dirigeants, des cadres, des ouvriers et des em-
qu’il est difficile de faire accélérer instantanément. ployés. Cette formule avait été retenue parce
qu’elle permettait, dans les votes d’assemblées,
Contact pris avec Didier Pineau-Valencienne pour faire valider de prendre en compte plus aisément les montants
nos idées : accord sur les principes, les derniers paramètres souscrits et d’éviter des systèmes du type « un
sont définis, en particulier la répartition du « milliard » entre porteur de part, un vote ».
Spie Batignolles et Spie Trindel. Le prix de cession de la partici-
pation de Schneider dans Spie Trindel doit être égal à son coût Mais cette idée, après tout fort défendable, pro-
d’acquisition, soit 650 millions de F. Notre projet va pouvoir voqua un véritable tollé. Beaucoup y virent le
se développer. signe avant-coureur de la constitution de castes
bénéficiant d’avantages indus et ceci sans trans-
10. Vacance du pouvoir chez Spie Enertrans parence. Dans la culture française, le respect de
Crise chez Spie Enertrans, filiale spécialisée dans l’énergie l’égalité est une vertu cardinale. On supporte à la
et le ferroviaire. Le retournement de conjoncture était at- rigueur d’être « plus égal » que les autres, mais
tendu, mais il s’accélère et son ampleur est inattendue. Le jamais moins ! Il fallut donc repenser le projet
programme nucléaire français est interrompu prématurément, et s’orienter vers la constitution de deux structures définies
les commandes de tuyauteries s’effondrent, celles de lignes par le régime fiscal des investissements dont elles étaient le
et postes baissent fortement. La SNCF, surendettée, réduit réceptacle, régime spécifique du RES ou régime « Épargne
ses programmes d’investissements en caténaires et voies. Le Salariale ».
contrat du tunnel sous la Manche est maintenant terminé.
Beaucoup d’activités export sont désespérément déficitaires. Une autre caractéristique de la culture française est la re-
Les faiblesses de l’entreprise, autrefois masquées par le flot cherche d’avantages fiscaux de toutes natures. Les deux
des résultats bénéficiaires de quelques contrats bénis, appa- régimes offrant de tels avantages, la nouvelle solution fit
raissent soudain dans toute leur évidence : une myriade de l’unanimité.
centres de profits dont la seule justification est d’avoir été
créés un jour ; un système de gestion qui avale et digère des 12. Décider
chiffres dont les contrôleurs ne peuvent saisir le sens dans Le dossier est désormais clair. Deux décisions restent à
les entrelacs de ramifications et participations internes. Tout prendre : choisir le partenaire qui s’engage aux côtés du per-
changer ? Les dirigeants de Spie Enertrans semblent paralysés sonnel – AMEC ou l’investisseur financier – et donner le feu
par le poids du passé. Des études, des réflexions, mais trop vert pour le lancement du RES.
de lenteur dans l’action. Crise fort mal venue dans la phase Sur la première question, le consensus se fait rapidement dans
de lancement du RES. l’équipe de direction en faveur d’AMEC.
Bien sûr, les degrés de liberté seront plus restreints à terme,
11. Égalité, Fiscalité mais la solution industrielle est beaucoup plus solide, et la
Les réunions « Bilans et Perspectives » avaient un double sortie immédiate, en « cash », au cas où AMEC exercerait
objectif : présenter les nouvelles orientations stratégiques l’option d’achat qu’il a exigée, est attrayante pour les employés
et sensibiliser les équipes à l’éventualité, parmi d’autres actionnaires. Une sortie en Bourse est une voie beaucoup plus
solutions, d’un rachat de l’entreprise par ses salariés. Pour longue et plus aléatoire. Schneider penche également pour
le RES, rien n’était encore figé, il s’agissait simplement d’en AMEC, plus sécurisant pour lui au cas où les choses tourne-
prouver la faisabilité financière et d’échanger avec l’auditoire raient mal. La décision est prise.
sur quelques idées essentielles. La seconde décision allait donner lieu à des rebondissements
Annexes
de dernière minute. Une réunion de lancement du RES est téléphone mais sut, toute arrogance déployée, lui faire sentir,
programmée le vendredi 15 novembre 1996, mais il reste en quelques minutes, avec la sécheresse requise, l’étendue de
une question essentielle à résoudre : les employés devront-ils son désintérêt… Sans doute la définition de l’objectivité ?…
s’engager fermement à financer l’opération avant la signature Redonner le pouvoir à l’humour…
des accords définitifs avec Schneider ou devront-ils simplement
indiquer leur intention de financer, dans l’hypothèse où les Les syndicalistes : leur position est délicate en ces circons-
accords seraient signés ? Dans le second cas, il y a une consul- tances. Beaucoup de réunions, de l’engagement, des échanges
tation préalable, non engageante, suivie d’une opération de vifs et passionnés, souvent sincères. CFTC et CGC soutiennent
souscription si les accords sont signés. le projet, parfois avec des réticences individuelles liées à leur
filiale de rattachement, tous les secteurs n’étant pas appelés
Mercredi 13 novembre à 13 h, Jean Monville informe la au même développement. Les représentants de FO apportent
banque conseil de Schneider que la COB exige le principe également un appui sans réserve, en résistant jusqu’à la fin aux
d’une consultation préalable non engageante. Le banquier dérives démago-trotskystes de leurs dirigeants. Ils furent rem-
responsable du dossier, dont la rigidité et le manque d’imagi- placés peu après. La CFDT est déchirée comme il est d’usage,
nation n’ont d’égale que la perfection rigoureuse de ses tenues mais assume avec courage ses contradictions.
vestimentaires, indique qu’il s’opposera dans ces conditions
au projet des dirigeants. Les arguments qualitatifs, l’attache- La CGT… qu’en attendre sur un sujet aussi décalé ? Le thème
ment des équipes au Groupe, leur dévouement, les notions de l’actionnariat salarial, surtout dans sa forme RES, est bien
de valeurs, d’engagement le laissent de marbre. sûr à des années lumières des préoccupations traditionnelles
des cercles bien pensants poststaliniens. Désintérêt ou incom-
Jean Monville joint Didier Pineau-Valencienne par téléphone et pétence ? Nullement : résistance absolue au changement, vo-
un rendez-vous est fixé le lendemain jeudi 14 novembre, 10 h, lonté de s’ancrer dans des schémas préétablis, définitivement
à Boulogne. Jean Monville et François-Xavier Clédat, qui l’ac- figés. Les CGTistes sont des gens trop sérieux pour se laisser
compagne, réaffirment auprès de Didier Pineau-Valencienne la distraire par l’éphémère. Tel le géographe du Petit Prince de
confiance du management dans le succès du RES. Ce dernier, Saint-Exupéry, ils ne s’intéressent qu’aux structures immuables,
convaincu de la capacité des dirigeants de Spie Batignolles à indestructibles. « Il est très rare qu’une montagne change de
mobiliser leurs équipes et à réussir l’opération, donne son feu place, il est très rare qu’un océan se vide de son eau. Nous écri-
vert, seul, contre l’avis de son banquier. vons des choses éternelles. » La CGT vise l’éternité ! Décalage
absolu entre des engagements individuels d’une très grande
La réunion du 15 novembre aura bien lieu. sincérité et le carcan idéologique d’une organisation paralysée
par ses dogmes. Certains participèrent, à titre personnel, avec
13. Sous les feux de la rampe courage. Un merci leur est dû.
Cergy, 15 novembre 1996, 9 h. Réunion des Cadres dirigeants
du Groupe. 14. Dialogues et intentions
Lancement de la consultation « en vraie grandeur »
Silence, pas de voix, lumière aveuglante, pas de visages. Vendre après la réunion du 15 novembre. Même si « Bilan et
un RES à des projecteurs n’est pas chose aisée ! S’accrocher Perspectives » a relancé la communication, il subsiste
aux messages de l’écran, faire vivre sa conviction. Interventions un besoin fort d’expression et d’échange sur l’avenir.
de Jean Monville, François-Xavier Clédat, Yannic Burin des Contacts informels avec des membres du personnel,
Roziers, Olivier Dubois. Soutien sans faille au projet de tous les des syndicalistes, des cadres, des dirigeants opération-
orateurs. Message bien reçu, en dépit de quelques réactions nels. Les opérations « portes ouvertes » organisées
négatives, minoritaires. Répondre rapidement, ne pas laisser le soir donnent lieu à des discussions passionnées et
de place au doute. passionnantes.
Une deuxième réunion l’après-midi avec le personnel du siège, Difficile à expliquer : la forme juridique de FINANCIÈRE
salle archicomble. Spie Batignolles, le holding d’acquisition. La comman-
dite par action, un peu XIXe siècle, un peu poussié-
Poursuite des contacts avec les journalistes, entamés il y a reux. Qui est le commandité ? Une société anonyme
quelques mois : angoisse de l’article parfait à tout point de dont l’actionnaire majoritaire est le futur PDG de Spie
vue, mais où se glisse la petite phrase qui tue… Le début Batignolles. Sérieusement cadenassé ! Pouvoirs et droits des
d’une relation professionnelle, détendue mais efficace, de commanditaires, pas considérables : droit à l’information, droit
quelques années. Un accueil chaleureux, une écoute attentive d’approuver les comptes. Mais trois arguments finalement
de tous et de toutes… Sauf, bien sûr, de madame Orange, bien acceptés : en période de crise il faut un pouvoir fort, il
journaliste au Monde. Elle ne parla à Jean Monville que par faut éviter les luttes intestines si les affaires marchent bien,
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
les commanditaires reprennent le pouvoir en décidant ou non Et pourtant le sentiment que le projet se
d’injecter des fonds si les choses tournent mal. construit, jour après jour, heure après heure,
qu’au-delà des accrochages inévitables, une
Spie Enertrans en crise. Le débat existentiel en cours et la complicité se trame. Relations amicales et
nécessité de restructurations importantes marquent les esprits. suivies avec Peter Mason et Didier Pineau-
Pas d’engagement suffisant de la hiérarchie, pas de réelle Valencienne. Le temps est compté, mais
mobilisation. l’objectif est proche.
Dialogue constructif sur les pouvoirs des employés-action- Le 19 décembre 1996 : Schneider signe avec
naires. Certains salariés, appuyés par quelques syndicalistes, FINANCIÈRE Spie Batignolles et AMEC le
poussent à une forte représentation des commanditaires au contrat d’acquisition. FINANCIÈRE Spie Bati- Peter Mason
conseil d’administration de Spie Batignolles. Un compromis gnolles et AMEC pourront acquérir 100 % de archives SPIE.
est trouvé. Il y aura un représentant désigné par les conseils Spie Batignolles et 50 % de Spie Trindel auprès de Schneider,
de surveillance des Fonds communs de Placement porteurs pour autant que les souscriptions des salariés dépassant 180
des parts des salariés. Cet administrateur sera présent dans les millions de F. Et au-delà de 180 millions ? Les négociateurs
comités d’audit et de rémunération du conseil d’administration seraient ravis, mais éprouvent quelques difficultés à expliquer :
tout au long du RES. Apport qui s’avérera a posteriori très cocktail de droit et de mathématiques ! Peut-on être juriste
positif, gage de transparence et de fiabilité dans la commu- et mathématicien ?
nication financière. Quatre volumes, 1500 pages. Œuvre idéale pour les amateurs
de livres qui ne se lisent pas, riche et foisonnante de précisions
La hiérarchie et les directions des ressources humaines se sont et de nuances infinies, produit du choc des passions et des
fermement engagées dans les réseaux de province, Spie Trindel rationalités des négociateurs, prévoyant tout sauf évidem-
et Spie Citra. Travail efficace et en profondeur. Les intentions ment ce qui est imprévisible et, bien sûr, indéchiffrable après
de vote remontent, d’abord lentement, puis en s’accélérant. que le temps en aura terni ou même effacé le sens initial. Et
pourtant œuvre essentielle dans l’instant, sorte d’immense
Ligne d’arrivée : soutien massif des équipes Spie Citra, Spie puzzle où les joueurs se sont accordés pour modifier la forme
Trindel et de SBTP, beaucoup plus mesuré chez Spie Enertrans. des pièces et les assembler, dessinant soudain les formes du
Il faut maintenant conclure. projet dont ils rêvaient.
2. Le prix de souscription requis de 100 F est supérieur comité, Jean Monville devait, lors d’une réunion exceptionnelle
à la quote-part d’actif net consolidé correspondante de des cadres dirigeants, commenter la teneur de l’avertissement.
Spie Batignolles estimée au 31 décembre 1996 à 65,80 F. Cette réunion fut un échec : elle ne répondit pas aux attentes
3. Le minimum de souscription requis des salariés souhai- des participants et contribua peut-être plus à les inquiéter
tant participer à l’opération est de 100 F. Les montants de qu’à les motiver. Heureusement, les cadres dirigeants avaient,
souscription retenus par la société pour chaque catégorie comme la direction générale, la volonté d’aller jusqu’au bout
de salariés ne constituent que des hypothèses de travail. du chemin et de réussir le projet, en dépit d’un contexte, à
4. La société AMEC plc dispose d’une option d’achat vrai dire, peu favorable.
exerçable à sa seule initiative, qui ne constitue donc pas
une garantie ferme de rachat à terme. Ils avaient de fait bien du mérite à s’engager car leurs équipes
Son prix d’exercice est plafonné. AMEC restaient très hésitantes. La crise avait, après quelques années,
plc pourra exercer cette option après avoir instillé en chacun un doute profond et viscéral qu’accompa-
pris connaissance du prix résultant des ex- gnait le sentiment que tout pouvait basculer d’un moment
pertises réalisées. à l’autre, que Spie Batignolles ne maîtrisait plus son destin.
5. La détention indirecte d’actions de
FINANCIÈRE Spie Batignolles implique un Force est de reconnaître que des articles de presse relataient
risque d’illiquidité de leur investissement régulièrement les échecs passés, que l’actionnaire avait lui-
pour les souscripteurs dans le cas où la même dénoncé les erreurs de sa filiale et dit de façon expli-
société AMEC plc n’exercerait pas son cite qu’elle n’avait pas d’avenir en son sein. Cette amertume
option d’achat sur les actions FINANCIÈRE de Schneider – fort compréhensible au demeurant, compte
Jean Monville Spie Batignolles détenues par les FCPE et tenu de l’ampleur du désastre – se ressentait dans toutes les
archives SPIE. FSB Investissement. instances, réunions et séminaires du groupe.
6. La formule de calcul qui est retenue pour déterminer la va-
leur liquidative des parts des FCPE ne garantit pas leur valeur La situation était d’autant plus difficile à vivre que toute la
à terme qui dépendra de l’exercice de son option d’achat par profession était touchée. Certains des confrères et concur-
AMEC plc et, dans ce cas, des expertises réalisées. rents, rejetant avec fierté toute forme de médiocrité, s’étaient
7. Le mécanisme du prix plancher ne constituerait une distingués en enregistrant dans l’immobilier des pertes abys-
garantie que dans le cas où la société AMEC plc exercerait sales. Chaque semaine voyait son lot d’affaires de corruption,
son option d’achat. de financement illégal des partis politiques, d’abus de biens
sociaux faire la une des journaux – qu’on ouvrait sans enthou-
Sans commentaire, mais quelques questions : siasme par crainte de voir apparaître un nouveau scandale
éclaboussant la profession.
La COB a-t-elle exigé des avertissements aussi sévères de
Vivendi à l’occasion du lancement de ses plans d’épargne ? L’entreprise en question, la profession en question. Toute une
Si non, pourquoi Spie Batignolles a-t-elle fait l’objet d’un culture, tout un passé remis en cause, rejetés, dénoncés. Un
traitement de faveur ? monde qui s’effondre, provoquant l’incompréhension des
équipes face aux critiques virulentes de leur environnement.
Les actionnaires salariés de Vivendi ont perdu dans certains Autrefois admirées, louées pour leur courage et leur esprit
cas 70 % à 80 % de leur mise initiale. d’entreprise, encouragées à conquérir des marchés avec dé-
termination, elles se sentaient abandonnées et désemparées
Les actionnaires salariés de Spie Batignolles qui ont investi face aux nouvelles règles.
en épargne salariale auront, eux, encaissé 5,5 fois leur mise. Dans ce contexte, des réactions corporatistes se firent jour. On
Ont-ils le droit de considérer les fonctionnaires de la COB reprochait à Spie Trindel son incapacité à sortir des frontières
comme irresponsables ? françaises, ce qu’en fait on ne l’avait jamais autorisé à faire.
Selon que vous serez puissant ou misérable… Spie Enertrans se voyait vivement critiqué sur des aventures
internationales désastreuses sans justification stratégique. Les
17. Seule la victoire est jolie électriciens soulignaient, à l’envie, que la construction était
Le déclenchement de la dernière phase de l’opération – la fort éloignée des préoccupations de Schneider. Employés de
souscription – fut notifié par flash interne à l’ensemble du Spie Enertrans et de la construction soupçonnaient Spie Trindel
Groupe, le 8 janvier 1997. de visées autonomistes, hors du cadre de Spie Batignolles 151.
Un comité Groupe se tint le 13 janvier 1997. Les représentants
151 - Schneider était alors action-
des syndicats, tout concentrés qu’ils étaient sur leurs débats L’opération « Bilan et Perspectives » et les mesures de réorga- naire à 50 % de Spie Trindel et avait
et déchirements internes, n’attachèrent en définitive qu’un nisation du Groupe – rattachement des filiales européennes effectivement envisagé une solution
intérêt limité à la position de la COB. Mais à la sortie de ce d’électricité et de Spie Automation à Spie Trindel, redynami- spécifique pour cette filiale.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
sation de l’ensemble de la construction par François-Xavier Le 12 février 1997 vit la clôture des souscriptions.
Clédat – visèrent à redonner un sens à une Spie Batignolles Les intentions déclarées à la fin de l’année 1996 furent tota-
recomposée, adaptée à son nouvel environnement concur- lement confirmées. Les opérations d’achat de Spie Batignolles
rentiel. Le nouveau projet d’entreprise de Spie Batignolles et par FINANCIÈRE Spie Batignolles, le holding d’acquisition des
ceux propres à ses grandes filiales ne laissaient pas les équipes salariés, se réalisèrent le 26 février 1997.
indifférentes mais, indubitablement, des craintes subsistaient.
Un formidable défi avait été relevé par les collaborateurs de
Il va sans dire que le RES n’était en aucun cas ressenti comme Spie Batignolles, par leurs dirigeants et par leurs conseillers,
une opération capitalistique. Pour beaucoup de souscripteurs, juristes, fiscalistes, commissaires aux comptes 152, qui s’étaient
les sommes investies étaient presque sûrement perdues. Ils engagés à côté d’eux avec une détermination et une conviction
s’engageaient par devoir, par attachement au Groupe et non toutes particulières.
pas pour la défense de leur emploi personnel, car il avait été
clairement spécifié que le statut d’actionnaire ne pouvait pro- Tous savourèrent la victoire… Une victoire sur la fatalité et
curer aucun avantage – et l’ensemble des équipes, y compris sur le doute. Il ne restait plus qu’à agir et faire d’un rêve
les cadres dirigeants, considéraient ce principe comme intan- une réalité !
gible. Ils voulaient, en fait, donner une dernière chance à Spie
Batignolles et pensaient que sauver leur mise, sans plus-value PS : Pour compléter cette chronique, il convient de souligner le
particulière, était le seul objectif envisageable. L’importance rôle important que joua Rodolphe de la Boulaye, conseiller de
que prit dans les discussions avec AMEC la garantie d’un prix la direction générale, durant la préparation du RES.
de rachat minimal égal à 120 % du prix de souscription en cas
d’exercice de l’option, illustre bien cet état d’esprit.
72,2 %
100 %
27,8 % FINANCIÈRE
Schneider
Spie Trindel
MF 100 %
400
Prêt sans recours Autres filiales
Spie Trindel
Société Générale opérationnelles
Le capital de FINANCIÈRE Spie Trindel (FST) fut constitué par dernière céda à FST le solde de ses actions Spie Trindel d’une
apports d’actions Spie Trindel réalisés par Spie Batignolles et par valeur de 400 millions de F qui lui fut réglé au moyen de prêt sans
Schneider à hauteur de 650 millions de F et 250 millions de F recours. Spie Batignolles s’était, en outre, engagée à racheter à
respectivement. Spie Batignolles détenait ainsi une majorité de Schneider, en 3 ans maximum, l’intégralité de sa participation
72,2 % dans FST, la part de Schneider étant de 27,8 %. Cette dans FST, qui constituait de fait un relais de financement.
Besoins Ressources
Acquisition de 100 % 350 MF Souscriptions des salariés 270 MF
de Spie Batignolles de Spie Batignolles
Acquisition des 50 % de Spie Trindel 650 MF Souscription AMEC 192 MF
possédés par Schneider Crédit sans recours Société Générale 400 MF
Augmentation de capital 112 MF Crédit vendeur Schneider 250 MF
Total 1 112 MF Total 1 112 MF
Développement des services dans le secteur électromécanique 155 155 - Activités de BTP exclues.
156 - Pro forma, avec Ipedex à 100 %.
1997 2002 156
projets 21 %
projets 43 % services 57 % services 79 %
2,7% 2,9%
2,1%
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
2000
1500
1000
500
0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Annexe 37 : AMEC - évolution de l’activité et des marges AMEC : Exercice 2004 – analyse de l’activité et des marges
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327
NAÎTRE ET RENAÎTRE
FCPE
Structures d’investissement
Fonds gérés par PAI partners
des salariés et du management
Sociétés des cadres
Participation : Participation :
– initiale : 91,25 % – initiale : 8,75 %
– après août 2007 : 87,25 % – après août 2007 : 12,75 %
Holding FINANCIÈRE SPIE
SPIE SA
L’opération d’actionnariat salarié permit aux salariés adhérents Sur le périmètre concerné – France, Pays-Bas, Royaume-Uni,
au Plan Epargne Groupe d’acquérir des parts du FCPE SPIE Portugal, Belgique, Allemagne, Espagne –, 7 500 salariés ont
Actionnariat. Le montant total de la souscription a été de 15 mil- souscrit à l’opération pour un montant moyen de 2 006 € avec
lions de € abondés à 100 %, dans la limite d’un plafond de un abondement moyen de 1 900 €.
4 140 € par personne. Le conseil de surveillance du FCPE est composé de 8 membres
salariés porteurs de part (6 pour la France et 2 pour le reste de
La souscription fut réalisée en plusieurs étapes : après l’envoi l’Europe) et de 4 membres désignés par la direction de l’en-
d’un kit de souscription, le salarié avait la possibilité de sous- treprise.
crire par Internet ou par courrier. Le montant de l’abondement
individuel fut déterminé après réception de l’intégralité des L’Autorité des Marchés Financiers exerce un strict contrôle des
souscriptions. À l’issue de l’opération, le salarié reçut un relevé modalités de fonctionnement des FCPE, et en particulier de
d’opération lui indiquant à la fois le montant souscrit et l’abon- leur liquidité. Les actions SPIE n’étant pas cotées, le FCPE doit
dement versé, ainsi que le nombre total de parts du FCPE SPIE en permanence conserver un tiers de placements liquides pour
Actionnariat détenues. garantir le rachat des actions des sortants dans le cadre des
textes réglementant les cas de « sorties autorisées ».
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329
NAÎTRE ET RENAÎTRE
Filiales de spécialités
Directeur général SPIE Nucléaire : Francis Butel
Directeur général SPIE Communications : Gilles Brazey
~
Directeur général SPIE Oil and Gas Services: Yves Company
EBIT : Earnings Before Interest and Taxes correspond au résultat Free Cash Flow : flux de trésorerie disponible pour la société,
opérationnel de la société (hors discontinued – voir ci-dessous), après acquittement de l’impôt et des charges financières nettes,
c’est-à-dire au résultat avant prise en compte du résultat finan- pour le financement de sa croissance externe, le remboursement
cier et de l’impôt sur les sociétés. de la dette et la rémunération des actionnaires.
EBITDA : Earnings Before Interest, Taxes, Depreciation and Covenants : accords avec les banques prêteuses de la société
Amortization est comparable à l’EBE, l’Excédent Brut d’Exploi- portant sur le respect de certains ratios de structure financière
tation c’est-à-dire au résultat opérationnel (ou résultat d’exploi- ou de résultat durant le LBO.
tation) hors dotations aux amortissements et provisions pour Dette nette : représente l’endettement de la société à court
dépréciations d’actifs. et long terme, à l’exclusion des ORAN (Obligations à Option de
Pro forma : retraitement des états financiers ou de gestion afin Remboursement en Actions ou en Numéraire) et déduction faite
d’apprécier et de comparer les performances de l’entreprise sur des disponibilités et valeurs mobilières de placement.
des bases homogènes en termes de périmètre et de période. Levier (leverage ratio) : dans le cadre du LBO est mesuré par
Discontinued : se dit d’activités en cours d’interruption ou de le rapport entre la dette nette et l’EBITDA pro forma calculé sur
cession ; les opérations liées à ces activités sont considérées non douze mois glissants. Il permet d’évaluer la capacité d’endette-
récurrentes et suivies de façon distincte dans les états financiers ment de la société au regard de son activité récurrente ; il fait
ou de gestion. généralement l’objet d’un covenant.
BFR : le besoin en fonds de roulement représente les capitaux ORAN : Obligations à Option de Remboursement en Actions
nécessaires au fonctionnement de l’entreprise résultant de la ou en Numéraire, généralement souscrites par les actionnaires,
différence entre les besoins de financement liés au cycle de qui constituent des « quasi fonds propres ».
vente ou de production (stocks, créances clients et autres dé- Recap : opération de refinancement du LBO consistant à res-
biteurs) et les ressources apportées par le crédit fournisseur et tituer aux actionnaires une fraction de leur mise initiale grâce
autres créditeurs. à une augmentation des concours bancaires, et donc du levier.
Operating Cash Flow : flux de trésorerie généré par les opéra-
tions courantes de la société à travers l’EBITDA et la variation de
BFR, après financement des investissements de renouvellement.
Annexes
L’exercice 1939, favorisé par les commandes publiques liées Sur une longue période, l’entreprise progresse de façon signi-
à la préparation du conflit mondial, a vu l’entreprise réaliser ficative : l’EBITDA en £ constantes a doublé d’une décennie à
ses meilleures performances. Son chiffre d’affaires y a dépassé l’autre. En pourcentage il se situe, en revanche, à un niveau
1 million de £ – soit l’équivalent de 50 millions de £ 2010. Sa inférieur à celui d’avant-guerre.
taille était donc supérieure à celle de Spie ou de la Société de Matthew Hall a indubitablement bénéficié du développement
Construction des Batignolles à cette date. de ses activités « offshore » en Mer du Nord. Mais ses marges,
Son EBITDA s’élevait, toujours en 1939, à environ 4,3 % du comme celles de ses confrères du continent à cette période,
chiffre d’affaires. restent relativement faibles.
Lors de l’assemblée statuant sur les comptes de l’exercice sui-
vant, c’est-à-dire 1940, Bertram Baden précise que la marge Années 80
– qui s’est dégradée à 2,8 / 2,9 % – n’a jamais été aussi basse Les informations dont nous disposons sont parcellaires. Les seuls
depuis le début du siècle. Ceci implique que l’entreprise a tou- éléments disponibles sont les chiffres d’affaires de 1983 et 1987,
jours dégagé une marge au moins égale à 3 % depuis 1900, année précédant celle de la fusion avec AMEC.
ce qui est remarquable.
La situation se dégrade dans les années qui suivent. Les exer- Chiffre d’affaires en millions de £
cices les plus difficiles auront été 1940 et 1941 où, du fait des exercice M de £ courantes M de £ 2010
retards de règlement des clients publics, la trésorerie devient
1983 360 972
très négative. La société est même en perte en 1941 en raison
des très importants frais financiers. 1987 total 471 966
Mais, en règle générale, Matthew Hall maîtrise bien son besoin dont tertiaire 227 465
en fonds de roulement car, en dehors des deux années les plus
noires du conflit mondial, sa trésorerie sera restée constam- Là encore la croissance apparente doit être corrigée de l’in-
ment positive. flation. Notons que les activités « tertiaires », électriques et
mécaniques, représentaient environ la moitié du total en 1987.
2) Période 1950-1988 (année de la fusion avec AMEC)
3) Période 1988 à 2006 (phase AMEC)
Nous disposons paradoxalement de moins de documents que
pour la période précédente. Les sources sont constituées par Matthew Hall est éclatée après la fusion avec AMEC. Les activi-
une étude historique et par les rapports annuels conservés dans tés « offshore » rejoignent celles d’AMEC et la « maintenance
les archives de la société. tertiaire » est cédée pour l’essentiel. L’activité rémanente, consti-
tuée de projets d’installation électrique, prendra ultérieurement
Années 50 et 60 le nom d’AMEC BFS (Building Facilities Services).
La reprise économique de l’après-guerre, ainsi que la
diversification dans le domaine des raffineries et des industries Du fait des cessions précitées et de la crise de l’immobilier du
« process », ont permis à la société d’enregistrer un vif essor. début des années 90, le chiffre d’affaires régresse. Il s’élevait à
L’EBITDA décolle pour atteindre le chiffre de 565 000 £ en 1964, environ 165 millions de £ en 2000, pour un EBIT de 6,5 millions
soit l’équivalent de 8,6 millions de £ 2010. de £.
temps été développées par un pôle « multiservices » à l’intérieur près de 20 ans, n’a effectué aucune acquisition dans ce secteur
du groupe AMEC. Elle va redresser ce secteur très déficitaire dans et a prélevé l’intégralité de la trésorerie qu’il a dégagée.
les années qui suivent.
Devenue SPIE Matthew Hall en 2006, l’entreprise a intensifié ses
Du fait de l’apport de ce nouveau département et du développement efforts de développement dans le secteur de la maintenance,
des grands projets (notamment le terminal 5 d’Heathrow), le chiffre qui représente désormais plus d’un tiers de son activité et où
d’affaires augmente fortement et dépasse 360 millions de £ à la elle compte de nombreux clients de premier plan (Barclays, JP
veille de la reprise d’AMEC BFS par SPIE. Il reste cependant inférieur Morgan, Lilly, Tate Gallery, Lloyds, Mac Laren…). L’acquisition
à ce qu’il était, en livres constantes, en 1987 (cf. tableau ci-dessus). récente de WHS, bien implantée dans le domaine de la pro-
Cette constatation confirme que l’activité « ingénierie électrique » duction d’énergie au Royaume-Uni, a par ailleurs conforté ses
n’a pas été considérée comme prioritaire par AMEC qui, pendant positions commerciales.
26 %
Énergie
29 % Tertiaire
9%
Infrastructures
Source : documentation interne SPIE 16 % Collectivités
332
333
NAÎTRE ET RENAÎTRE
7,6 % Systèmes
11,5 % de communication & infogérance
Réseaux extérieurs 4,1 %
13,0 %
Spécialités nucléaires
Source : documentation interne SPIE Spécialités pétrole-gaz
SPIE
Matthew Hall Pays-Bas
Royaume-Uni •
SPIE SPIE
Belgium Nederland
SPIE Île-de-France
Belgique
Nord-Ouest
SPIE
France Ouest-Centre
SPIE Deutschland
System Integration
SPIE Est
Allemagne
SPIE
Sud-Est
Portugal
SPIE
Sud-Ouest
Espagne
ELECAM
Maroc
Annexes
Annexe 49 : SPIE, un modèle d’entreprise fondé sur la proximité, sur les champs pétroliers et gaziers
Royaume-Uni
France Paris Kazakhstan
France Pau
Syrie Iran
Algérie E.A.U.
Qatar
Libye Oman Vietnam
Venezuela Soudan Thaïlande
Nigeria Yémen Brunei
Malaisie
Gabon
Congo Indonésie
Angola
3 725 M d'€
25,4 % Europe Allemagne CA total 2009
(hors France) Belgique
61,4 % France
Pays-Bas
Espagne
Portugal
Royaume-Uni
Suisse
13,2 %
Source : documentation interne SPIE
International
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335
NAÎTRE ET RENAÎTRE
0 0
2005 2006 2007 2008 2009
Annexe 53 : Concurrence
3859
Impech
4323
CA 2008 ( en M d'€)
3747 CA 2009 ( en M d'€)
SPIE
3725
3516
Forclum + Clemessy + Crystal
3265
Fabricom + GTI (Benelux) 1852 158 Nota bene - Nous n’avons pas pris en compte :
– le groupe espagnol ACS dont les activités d’ingénierie
électrique de proximité sont incluses dans un pôle plus
ETDE (Bouygues) 1850 vaste « Servicios Industriales » incluant des activités de
1627 projet. On peut estimer que le CA des activités com-
parables à celles des concurrents ci-dessus est compris
Source : documentation interne SPIE, rapports annuels des sociétés concernées entre 3 500 et 4 000 M d’€.
946
SNEF – le groupe allemand Bilfinger en l’absence d’informa-
885 tions suffisamment précises sur la nature de ses activités
« services » dans le domaine de l’énergie.
157 - Pro forma, la fusion Vinci
Énergies-Cegelec, ne devant se
matérialiser qu’en 2010.
158 - Ces sociétés sont rattachées à
Suez. Si l’on consolidait leur CA, le to-
tal obtenu, 5 430 M d’€, les placerait
en seconde position.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
Ce calcul schématique, mais réaliste, montre qu’une entreprise Ceci montre qu’un objectif de croissance totale «durable»
d’ingénierie électrique peut autofinancer de façon durable une proche de 10 % est accessible.
croissance externe de 5 % l’an. Celle-ci s’ajoute à la croissance
dite organique qui, dans le secteur, est généralement légère- À l’inverse, si la marge est fortement réduite ou si la dette
ment supérieure à celle du PIB en euro courants (d’un point doit faire l’objet de remboursements, le potentiel de croissance
environ). externe « durable » peut devenir nul. Il en est de même si le
cash flow disponible doit être utilisé pour financer un besoin
complémentaire en fonds de roulement.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier toutes celles et ceux qui ont apporté aux auteurs leurs témoignages ou leurs conseils,
fourni des documents ou des photographies, qui ont contribué à l’élaboration ou à la relecture de l’ouvrage,
et en particulier Brigitte Bourillon pour sa contribution à la conception et à la réalisation de la première édition
en 2004 de Naître et Renaître.
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NAÎTRE ET RENAÎTRE
SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE
Sources – Anne Burnel, La Société de Construction des Batignolles
de 1914 à 1939, Histoire d’un déclin, Mémoires et do-
• Archives Nationales cuments de l’École des Chartes n° 41, Librairie Droz,
• Archives du groupe Schneider Genève, 1995.
• Archives de la Société de Construction des Batignolles – Rang-Ri Park-Barjot, « La Société de Construction des
• Archives du groupe Empain Batignolles des origines à la Première Guerre mondiale
• Archives SPIE (1846-1914) », thèse de doctorat de l’Université de Paris-
• Archives Spie Batignolles IV, sous la direction du professeur E. Bussière.
• Archives Matthew Hall – « Compagnie Générale de Construction de Locomo-
• Dossiers de presse SPIE tives Batignolles – Châtillon, CGCLBC ou LBC », rapport
• Documents internes SPIE historique interne.
• Archives de l’Académie François Bourdon, Le Creusot • SPIE
• Archives Royaumont – « Histoire des groupes Empain et Schneider » de Marcel
• CNUCED – Manuel des statistiques Fauvelais, archives Empain.
• Rapport Nexia International au conseil de surveillance – Stéphane Hole, « La SPIE 1945-1968. De l’installation
du FCPE électrique à la réalisation d’ouvrages clés en mains »,
• Rencontres : journal d’entreprise du groupe SPIE mémoire de maîtrise, Université de Caen, sous la direction
de Dominique Barjot, 1991.
Bibliographie – Journaux – Dossiers Internet • SPIE Matthew Hall
– « Mémo sur l’histoire de Matthew Hall », archives SPIE
Ouvrages concernant : Matthew Hall (auteur inconnu)
• Le groupe Schneider • Spie Batignolles
– Tristan de la Broise et Félix Torres, « Schneider, l’histoire – Marc Jayat, « Histoire d’un installateur électrique :
en force ». Trindel, 1923-1982 », mémoire de maîtrise, Université
– Agnès d’Angio, « La Politique de travaux publics du de Paris-IV (Sorbonne) sous la direction de François Caron,
groupe Schneider de 1895 à 1949 », thèse de l’École Na- 1990.
tionale des Chartes sous la direction de Dominique Barjot. – « Le Tunnel sous la Manche », étude interne.
– « La branche travaux publics de Schneider et Cie, nais- • Autres ouvrages
sance et développement (1895-1949) », Histoire, éco- – Suzanne Berger, Notre première mondialisation –
nomie et société, 1995, 14e année, n°4, p. 675-676. Leçons d’un échec oublié, coll. « La République des Idées
– Jean-Louis Beaucarnot, Les Schneider, une dynastie, », Seuil, 2003.
Hachette, 1986. – Xavier Bezançon, Les Services publics en France, Presses
• Le groupe Empain de l’École Nationale des Ponts et Chaussées, 1997.
– Marcel Fauvelais, « Histoire des groupes Empain et – Elvire de Brissac, Ô dix-neuvième, Grasset, 1998.
Schneider », archives Empain. – Albert Broder et Félix Torres, Alcatel Alsthom, Histoire
• La Société de Construction des Batignolles de la Compagnie Générale d’Électricité, Larousse, 1994.
– « L’Œuvre d’un siècle, 1840-1946 », ouvrage historique – Gaston Cadoux, Étude « Électricité et Transports Ur-
interne. bains, Londres, Paris, Berlin », Revues des Deux-Mondes,
– Dominique Barjot, « La Grande Entreprise française avril 1906.
de travaux publics (1883-1974), contraintes et straté- – P. Danon et M. Karako, Croissance et concentration
gies », thèse de doctorat d’État, Université de Paris-IV dans le bâtiment en 1970, Ministère de l’Environnement
(Sorbonne), sous la direction de François Caron, 1989. et du Cadre de vie, 1978.
– Dominique Barjot, « Un grand entrepreneur du XIXe – Christian Gérondeau, La Saga du RER, Presses de l’École
siècle : Ernest Goüin (1815-1885) », Nationale des Ponts et Chaussées, 2003.
Revue d’Histoire des Chemins de Fer (RHCF), n° 5-6, au- – Louis Girard, La Politique des travaux publics du Second
tomne 1991, p. 65-89. Empire, A. Colin, 1952.
Sources et bibliographie
– Roger-Henri Guerrand, Les Mémoires du métro, La Table – Didier Pineau-Valencienne, Dans la boucle de l’hiron-
Ronde, 1961. delle, Albin Michel, 2004.
– Paul Kennedy, The Rise and Fall of Great Powers, Ran- – Philippe Séguin, Louis Napoléon le Grand, Grasset,
dom House, 1988, Fontana Press, 1989. 1990.
– Maurice Levy-Leboyer et François Bourguignon, L’Éco- – W.H.C. Smith, Napoléon III, Hachette, 1982.
nomie française au XIXe siècle, Paris, Économica, 1985.
Crédits photographiques
ISBN : 978-2-87-623-278-5
(Imprimé en France)
Société de Construction des Batignolles, Schneider et SPIE, trois entreprises, trois cultures qui, à la fin
des années 1960, s’unissent et se mêlent au terme d’une route déjà longue pour poursuivre ensemble
l’aventure aux côtés des entreprises européennes qui les ont rejointes depuis. De la Monarchie de Juillet
à nos jours, plus de cent cinquante ans d’histoire au travers de révolutions, de guerres dévastatrices,
de conquêtes et d’effondrements d’empires coloniaux. De la civilisation du fer et de la vapeur à celle
de l’électricité, puis à celle des réseaux haut débit.
Dresser le portrait des entrepreneurs qui, au XIXe siècle, furent à l’origine du groupe SPIE, de ceux
qui l’ont ensuite animé, retracer les événements politiques et économiques qui ont influencé son
évolution, les grandes étapes de son développement et les réalisations qui ont marqué son existence,
tel est l’objet du présent ouvrage.
ISBN : 978-2-87-623-278-5
39 e TTC