Universite D'État D'Haïti Faculté Des Sciences Humaines Année Préparatoire
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A. Je vous propose un document tiré sur un site internet qui est assez structurant sur
l’organisation de la Psychologie comme discipline scientifique, comme méthode de
traitement et comme discours explicatif du fonctionnement du comportement
humain.
Si l'on entend par psychologie l'ensemble des discours qui se rapportent à l'âme ou à l'esprit
humain, son origine se confond avec celle du discours philosophique. Le
mot psychologie vient du grec psuchè (l'âme) et logos (discours rationnel, ou science).
Ainsi, au sens premier, la psychologie est la science de l'âme. Ce dernier terme doit être
compris non pas d'un point de vue théologique mais au sens de principe d'animation ou de
vie. L'âme est donc le principe qui donne vie au corps, mais elle peut également être définie
comme une substance matérielle, de nature très subtile, qui réside dans le corps.
Le rapport de l'âme au corps, question fondamentale, peut donc s'entendre de diverses
façons. Si l'âme est considérée comme matérielle, sa relation au corps est assez simple à
comprendre dans la mesure où il s'agit de faire interagir deux substances matérielles. La
chose se complique quand âme et corps sont des substances hétérogènes comme dans le
cas des représentations dualistes. Ainsi chez Platon, l'âme est considérée comme
emprisonnée dans le corps et la relation entre les deux entités se décrit dans l'allégorie du
cocher et de l'attelage. Il revient à l'âme de diriger le corps comme le cocher doit mener
l'attelage. Une autre solution consiste à considérer le rapport de l'âme et du corps comme
un cas particulier de la relation plus générale entre forme et matière. Ainsi Aristote
considère l'âme comme un principe organisateur, une forme, qui structure la matière
corporelle.
De façon schématique, on peut admettre que ce sont ces trois principales façons de se
représenter la relation entre l'âme et le corps qui caractérisent les grandes orientations de
la pensée occidentale.
Si la psychologie est la science de l'âme, on remarque cependant que le mot n'existe pas
dans la langue savante avant la fin du XVIe siècle. La première occurrence attestée apparaît
dans un texte de Johannes Freigius, en 1575, et le mot psychologia se répand surtout à
partir des travaux de deux philosophes réformés: Rodolphe Goclenius de Marburg et
Rodolphe Snellius de Leyde. Ces deux auteurs définissent la psychologia comme la science
de l'âme unie au corps et vont, contre l'aristotélisme scolastique, revenir à une conception
dualiste des rapports entre l'âme et le corps. La formulation philosophique la plus achevée
de cette psychologie dualiste est proposée par Descartes dans le Discours de la méthode,
paru en 1637. Inspirée par les travaux des anatomistes du XVIe siècle, la psychologia se
propose d'analyser les facultés de l'âme comme l'anatomie décompose le corps en ses
organes.
Plus tard, David Hume inscrit le modèle de l'association des idées dans le paradigme plus
large de la physique de Newton, en soutenant que les idées s'associent comme les planètes
s'attirent. Un pas décisif est accompli par les philosophes utilitaristes comme Jeremy
Bentham ou John Stuart Mill, qui formulent une théorie des motifs de l'action. Nos actions
sont déterminées par les circonstances extérieures auxquelles nous sommes confrontés. Il
s'agit là d'une première extériorisation du modèle associationniste. En effet, les idées sont
remplacées par les actions, manifestations extérieures observables et manipulables. La
psychologie associationniste se donne clairement une ambition politique de gestion sociale.
Dans le même temps, des médecins anglais, comme Thomas Willis ou Robert Whytt,
décrivent le mouvement réflexe, système sensori-moteur élémentaire, qui deviendra le
support physiologique du comportement. Le milieu médical propage plutôt des idées
matérialistes et propose une psychologie qui considère la pensée comme le produit de
l'organisation corporelle et, en particulier, cérébrale. Un auteur comme La Mettrie, dont
l'ouvrage L'Homme-machine (1747) fit scandale, est tout à fait représentatif de ce courant
de pensée.
La révolution biologique
Au début du XIXe siècle se constitue la biologie, théorie générale du vivant, qui souligne
l'importance des fonctions vitales alors que les sciences naturelles du XVIIIe siècle,
orientées vers la classification des espèces animales et végétales, insistaient davantage sur
les formes et leur diversité. À cette même période, Jean-Baptiste Lamarck fait connaître
ses conceptions transformistes: la nature et les espèces animales et végétales sont inscrites
dans un processus historique qui en modifie les formes en fonction de l'action de
l'environnement. Dans cette nouvelle orientation biologique, la psychologie déplace son
objet d'investigation et le couple âme-corps se voit remplacé par la nouvelle relation entre
l'organisme et son environnement. Mais c'est surtout l'évolutionnisme darwinien qui va
opérer le bouleversement le plus profond en matière de psychologie.
L'idée darwinienne d'adéquation des espèces à l'environnement et le rôle de la sélection
naturelle se transposent facilement des caractères biologiques au comportement, qui relève
du même registre. La nouvelle psychologie, comme on la désigne bientôt, se définit alors
en fonction de la biologie et cherche à reformuler ses concepts dans le langage de la jeune
discipline. Il faut en finir avec la métaphysique et s'inspirer de la méthode expérimentale
que les biologistes pratiquent avec succès.
En 1866, Ernst Haeckel formule la loi de récapitulation qui articule développement
individuel et histoire des espèces, embryologie et évolution des espèces: l'ontogenèse
récapitule la phylogenèse. Haeckel offre ainsi un modèle théorique à la psychologie de
l'enfant qui éprouvait quelques difficultés à organiser les observations empiriques. En
montrant que la phylogenèse constitue la norme du développement individuel, Haeckel
rend possible une psychologie génétique qui fait de l'enfant un modèle des origines.
C'est cependant un philosophe qui fixe le nouvel objet et la nouvelle méthode de la
psychologie et indique le chemin à suivre pour que la jeune discipline accède au statut de
science positive. Dans la 45e leçon du Cours de philosophie positive (1838), Auguste
Comte esquisse le programme de la psychologie positive: étudier l'anatomie et la
physiologie du cerveau en s'inspirant des travaux de la phrénologie de Franz Gall, analyser
le comportement des animaux et réaliser des études comparatives, s'intéresser à la
pathologie pour éclairer le normal et s'efforcer de rendre compte du développement. Les
psychologues de la fin du XIXe siècle vont exécuter à la lettre ce programme, en mettant
l'accent, selon les pays, sur tel ou tel de ses aspects. Préférentiellement, l'Allemagne
développera une psychologie physiologique sous la houlette de Wilhelm Wundt, les États-
Unis se consacreront davantage aux questions d'apprentissage, la Russie développera, avec
Ivan Pavlov, les études sur les réflexes conditionnés et la France s'illustrera dans les
domaines de la psychopathologie et de la psychologie de l'enfant.
C'est dans cet environnement que la psychologie s'institutionnalise à la fin du XIXe siècle,
en se donnant des cursus universitaires spécifiques, en fondant des laboratoires spécialisés,
des revues, des sociétés savantes, en tenant ses premiers congrès internationaux et en
investissant les écoles, les hôpitaux, les casernes et les entreprises.
En 1936, Gordon Allport et Odbert ont recensé 18 000 mots permettant de psychologiser.
Parmi eux, 4 504 référaient à des traits de personnalité (consistance d'une personne à
travers les situations, différences entre les personnes). On se rendit vite compte que cet
immense lexique portait des redondances et n'était pas sans structure. Solomon Asch
montra que certains traits étaient plus centraux que d'autres dans la constitution de
l'impression qu'on a d'autrui. Raymond Cattell, puis Warren Norman s'attachèrent à
dégager un nombre restreint d'échelles bipolaires permettant de rendre compte de l'essentiel
de la sphère couverte par le lexique d'Allport et d'Odbert. Mais c'est le concept de théories
implicites de la personnalité qui eut le plus d'impact: les gens ont des croyances, ou des
théories, sur la façon dont les traits vont ensemble. Ainsi, une personne généreuse est aussi
chaleureuse, une personne anxieuse est aussi réservée, etc. De telles cooccurrences entre
les traits ont permis l'étude de la structure, dimensionnelle (ou taxinomique), du lexique
des traits, ainsi que celle des grands prototypes de personnalité auxquels se réfèrent les
gens dans leur caractérologie implicite. Aujourd'hui, on s'intéresse aussi volontiers à la
référence comportementale et affective qu'ont les traits dans la psychologie quotidienne.
Inutile de préciser que la psychologie savante de la personnalité ne s'est pas toujours
dégagée de cette caractérologie profane et n'a souvent fait qu'y apporter un brin de méthode.
Dès le début des années 1940, Fritz Heider avait remarqué que les gens, analystes des
relations interpersonnelles, avaient des préférences pour certaines structures de relations.
En 1958, il a montré comment ces structures sont des outils cognitifs du psychologue
quotidien qui sait juger du caractère plus ou moins confortable d'un état des relations
interpersonnelles et sait anticiper l'évolution de cet état.
Heider eut plus de succès avec ses considérations sur les processus d'attribution qui
deviendront l'objet central de la psychologie sociale des années 1970. Le psychologue
quotidien ne peut se satisfaire de ce qu'il observe des comportements. Il doit, à partir de ses
observations fluctuantes, inférer des invariants qui seront susceptibles de lui permettre de
prédire et de maîtriser ce qui peut advenir dans son environnement interpersonnel. Il va
donc se livrer à une analyse causale reposant sur l'opposition entre des causes portées par
les personnes et celles portées par les situations.
Le psychologue quotidien n'a pas seulement des concepts et des théories. Il dispose aussi
de connaissances sur l'applicabilité de ces concepts et théories, donc des connaissances sur
la valeur de ses savoirs dans un contexte précis. Sa cognition peut être ainsi quelquefois
pilotée par une métacognition. Il sait, par exemple, qu'il doit se méfier de ses stéréotypes
lorsqu'il n'a qu'une information catégorielle sur une personne.
Il est utile de restituer trois présupposés des psychologues savants qui s'engagèrent dans
l'étude de la psychologie quotidienne. Ils sont représentatifs de l'ambiance idéologique dans
laquelle est né l'engouement, dans les années 1940-50, pour les processus de connaissance:
C'était oublier que la construction des savoirs peut être une affaire collective, les
gens empruntant alors à un savoir socialement construit des clés pour une
compréhension normée de ce qui se passe.
• Le premier trait est une tension permanente entre la découverte et la mise en avant
d'heuristiques (par exemple, heuristique de la disponibilité), de biais (par exemple,
biais d'autocomplaisance), d'erreurs (par exemple, erreur fondamentale), de
distorsions (par exemple, distorsion systématique), d'illusions (par exemple,
illusion de contrôle) établissant clairement que le psychologue quotidien n'est pas
un scientifique spontané à la recherche de l'exactitude. De nombreux discours de
début ou de fin d'article s'attachent à argumenter qu'il n'est pas pour autant un
imbécile et qu'il sait même ce qu'il fait lorsqu'il s'adonne à une heuristique ou
lorsqu'il commet une erreur.
• Le second trait est le peu d'attention portée à ces aspects essentiels des savoirs
sociaux non scientifiques que sont leur dimension évaluative et leur normativité.
On peut démontrer que les traits qu'aime tant le psychologue quotidien ne sont pas de
bonnes caractéristiques descriptives au sens scientifique de ce terme. Sans doute est-ce
pour cela qu'ils sont si peu prédictifs. On peut tout aussi aisément démontrer qu'ils sont
particulièrement aptes à juger de la valeur sociale des gens. Dire qu'une viande est tendre
ne revient pas à tenir un discours de physiologie musculaire. C'est parler de la meilleure
façon de cuisiner cette viande, et bien sûr, de son prix. Dire qu'une plante est décorative ne
revient pas à discourir comme un botaniste. C'est parler de la meilleure façon d'utiliser cette
plante, et bien sûr de son prix. Dans les deux cas, c'est parler de la valeur, ou encore de
l'utilité sociale d'un objet, sans en savoir bien long sur ce qu'il est d'un point de vue
scientifique. Le psychologue quotidien confond le savoir du cuisinier et celui du
physiologiste, et c'est aussi le cas de nombreux psychologues professionnels. Ils croient
parler des gens alors qu'ils ne parlent que de ce qu'on peut faire avec eux, c'est-à-dire de
leur utilité sociale. En somme, ce savoir est un savoir plus évaluatif que descriptif.
Maintenant, on peut comprendre qu'une plante soit fière d'être décorative et qu'une autre
soit triste de ne point l'être. Si le psychologue quotidien est attaché aux traits, et notamment
à ceux qui semblent si bien le décrire, ce n'est peut-être que parce qu'il a internalisé, intégré
dans la connaissance qu'il a de lui-même la valeur que ce trait dénote, et qu'il ne se connaît
qu'à travers de telles valeurs ou utilités sociales. La norme d'internalité est la valorisation
sociale des explications internes des comportements et des renforcements. La dimension
évaluative des psychologisations quotidiennes nous renvoie directement aux processus
d'internalisation des utilités sociales.
Plus que sur un besoin d'exactitude, la psychologie quotidienne repose sur des normes de
jugement dont l'efficacité est plus sociale qu'épistémologique. Les chercheurs français ont
plus particulièrement étudié la norme d'internalité qui conduit à choisir les explications
(internes ou dispositionnelles) qui exacerbent le rôle de l'acteur comme facteur causal.
Ces explications sont préférées par les évaluateurs sociaux (enseignants, travailleurs
sociaux, chefs), même lorsqu'on explique des événements peu désirables, et les gens
n'hésitent pas à y avoir recours pour se faire apprécier. Il n'est pas exclu que la norme
d'internalité soit en partie responsable de l'erreur fondamentale d'attribution et de l'amour
qu'on porte aux personnes internes dans nos sociétés. La psychologie quotidienne active
probablement d'autres normes. En effet, le libéralisme fournit un modèle psychologique de
l'homme dont les principales propriétés peuvent prétendre à la normativité dans les
psychologisations quotidiennes (autosuffisance, différenciation individuelle, unicité,
etc...).
B. Je vous propose enfin quelques réponses aux questions courantes que tout nouvel
étudiant pourrait se poser au sujet de la Psychologie, du métier et de la pratique de
la Psychologie en Haïti.