Séance … Dissertation sur la DDFC
SUJET
Dans le blog du Nouvel Observateur Féministes en tous genres (aujourd’hui fermé),
Olivier Blanc, biographe d’Olympe de Gouges, avait écrit en 2013 un article intitulé : «
Olympe de Gouges : une féministe, une humaniste, une femme politique ». En
quoi ces caractérisations correspondent-elles à votre lecture de la DDFC ?
INTRODUCTION
[Amorce] Olympe de Gouges est traditionnellement considérée comme une
pionnière du féminisme en France ; en effet son œuvre La Déclaration des droits des
femmes et de la citoyenne est un plaidoyer pour les droits des femmes. [transition vers
le sujet] « Féministe », c’est aussi en partie par cet adjectif qu’Olivier Blanc, biographe
d’Olympe de Gouges, la présente dans le titre d’un article intitulé « Olympe de Gouges :
une féministe, une humaniste, une femme politique ». [question] En quoi ces
caractérisations correspondent-elles bien au projet de La Déclaration des droits des
femmes et de la citoyenne ? [explication du sujet] Olivier Blanc énumère trois adjectifs
qui sont en réalité complémentaires : De Gouges défend non seulement la cause des
femmes (c’est une « féministe »), mais aussi plus largement les droits humains universels
à l’épanouissement et au progrès (c’est une « humaniste ») ; enfin, cette démarche n’est
pas simplement théorique mais aussi « politique » car l’œuvre n’est pas un essai théorique
mais une revendication militante. [problématique] En quoi le combat politique de De
Gouges pour les droits des femmes révèle-t-il plus largement un engagement humaniste ?
[plan] Nous étudierons ces trois caractéristiques successivement pour voir d’abord en
quoi De Gouges est une féministe qui défend la cause des femmes ; puis, une humaniste
défendant l’épanouissement individuel de tous les opprimés ; enfin, une femme politique,
qui destine son œuvre à une modification pratique des lois et de la société de son temps.
[I. De Gouges, une « féministe »] Tout d’abord, il s’agit de voir en quoi Olympe De
Gouges. défend la cause des femmes, apparaissant ainsi comme une pionnière du «
féminisme » moderne.
[1) La revendication de nouveaux droits pour les femmes] [argument] «
Féministe » est évidemment le premier qualificatif auquel l’on songe pour caractériser La
Déclaration des droits des femmes et de la citoyenne (que nous abrégerons désormais
par commodité en DDFC). En effet, le titre même est programmatique : il s’agit pour
Olympe de Gouges de proposer, sur le modèle pastiché de la Déclaration de 1789,
d’étendre les nouveaux droits nés de la Révolution à l’ensemble de la société, c’est-à-dire
également aux femmes. [exemple 1] La féminisation du titre et l’ajout systématique des «
femmes » au sein des articles signalent immédiatement la volonté de l’autrice de prendre
le parti des oubliées de la révolution. [exemple 2] Pour l’autrice, la Révolution n’a en effet
pas permis une amélioration de la condition féminine, dont le sexe était « autrefois
méprisable et respecté, et depuis la révolution, respectable et méprisé. » [exemple 3]
C’est pourquoi De Gouges propose une modification de la loi, dans la partie centrale qui a
donné son titre à la déclaration, pour atteindre une parfaite égalité entre hommes et
femmes : même possibilité d’accès au pouvoir politique et législatif, aux professions
pénibles et manuelles ; égalité devant la justice, les impôts, la propriété… Les mesures de
De Gouges sont bien « féministes » car elles visent à l’extension des droits des femmes
dans une époque où celles-ci sont encore cantonnées à la sphère domestique, assujetties
à la tutelle familiale ou conjugale.
[2) Un intérêt porté aux intérêts spécifiquement féminins]. [argument] «
Féministe », l’autrice l’est aussi car au-delà de l’égalité des droits, elle porte sur la
condition féminine un regard fondé sur son expérience personnelle. En tant que femme,
De Gouges a dû en effet se battre d’autant plus pour se faire entendre. Mariée de force,
elle plaide pour le droit au divorce ; veuve, elle a renoncé à se remarier pour pouvoir jouir
de sa propriété intellectuelle. [exemple 1] C’est donc naturellement qu’elle porte son
intérêt sur des questions assez absentes des discours politiques de son temps, et qui
concernent surtout les femmes : le mariage, la grossesse, l’héritage…Elle va même
jusqu’à raconter une petite anecdote personnelle (celle du cocher qui a voulu l’escroquer)
pour exemplifier son propos de manière pragmatique. [exemple 2] L’article 11 de la
Déclaration par exemple prévoit que les femmes aient le droit d’assumer une grossesse
sans préjugé « barbare », ce qui annonce le droit moderne des femmes à disposer de
leurs corps. [exemple 3] Également, dans la dernière partie, « Forme du contrat social
entre l’Homme et la femme », l’autrice formalise des revendications pratiques pour
améliorer la condition des femmes : égalité des sexes au sein du couple marié, protection
apportée aux enfants illégitimes, encadrement de la prostitution… Les mesures féministes
de De Gouges sont donc pionnières des légiférations modernes en matière du droit des
femmes.
[Conclusion du I] Féministe, Olympe de Gouges l’est à la fois dans ses
revendications pour la condition féminine et les droits légaux, mais aussi dans l’intérêt
porté aux droits spécifiquement propres aux femmes. [transition] Cependant, ce
féminisme, novateur pour l’époque, procède aussi d’une philosophie « humaniste ».
[II. De Gouges, une « humaniste »] Certes féministe, De Gouges est en effet
aussi une humaniste, dans le sens où elle défend des valeurs qui visent à un
épanouissement humain collectif.
[1) Une œuvre qui défend les valeurs des Lumières] [argument] Au-delà des
droits des femmes, De Gouges plaide en réalité pour des droits individuels universels ,
sous-tendus par les valeurs des Lumières : égalité, justice, liberté, progrès, bien
commun... En défendant les droits des femmes, De Gouges propose en réalité un modèle
de société égalitaire. [exemple 1] D’ailleurs, on constate que le terme d’ « égalité » et le
principe de « liberté » sont présents dans presque tous les articles de la Déclaration : il
s’agit pour les femmes d’obtenir une égalité vis-à-vis de la propriété, de la fiscalité, de la
justice, de la liberté d’opinion et d’expression… etc. [exemple 2] De plus, on remarque
que l’œuvre est destinée aux deux sexes : elle s’adresse successivement à l’« Homme »,
puis aux « Femmes ». L’emploi de substantifs collectifs révèle que De Gouges envisage
son modèle de société pour tous et non seulement pour la seule catégorie des femmes.
[exemple 3] Enfin, De Gouges fonde son argumentaire sur « la loi de nature et de la
raison » (valeurs héritées des Lumières) ; dans son adresse à « l’Homme », elle considère
d’ailleurs que la loi de la nature a été arbitrairement bafouée par les hommes qui ont fait
des discriminations là où la nature n’en fait pas. Elle considère donc que son plaidoyer se
fonde sur une loi immatérielle et universelle, qui dépasse les juridictions humaines et
historiques. L’objectif de De Gouges est de permettre « le bonheur de tous », plaidant
donc pour le progrès, la concorde et la paix de l’humanité toute entière.
[2) Une défense de tous les opprimés] [argument] De plus, De Gouges apparaît
bien comme une humaniste dans la mesure où elle élargit son plaidoyer aux droits
d’autres catégories de personnes, et pas seulement les femmes. [exemple 1] En effet,
dans la dernière partie, « Forme du contrat social... », elle évoque le partage équitable de
l’héritage en défendant les droits des enfants illégitimes. [exemple 2] Elle défend
également le droit des esclaves en réclamant pour eux un droit à la liberté et la filiation,
s’inscrivant ainsi dans un débat qui a traversé tout le siècle des Lumières. En effet,
Condorcet, Voltaire, Diderot, Marivaux…, tous ont remis en doute la légitimité morale de
l’esclavage, en dénonçant sa barbarie, son injustice et son cynisme marchand, sous des
formes littéraires variées (essai, conte philosophique, théâtre engagé, discours…)
L’esclavage sera d’ailleurs une première fois aboli par les Révolutionnaires.
[Conclusion du II] Ainsi, La DDFC s’intègre plus largement dans un plaidoyer
humaniste qui défend les valeurs des Lumières (liberté, égalité, justice, bonheur,
solidarité...) en élargissant sa défense à tous les opprimés à qui leurs droits naturels ont
été retirés de manière arbitraire. (transition] Cependant, De Gouges n’est pas qu’une
philosophe ou une théoricienne puisque son œuvre a vocation à avoir un effet politique
immédiat.
[III. De Gouges, « une femme politique »] En effet, De Gouges inscrit son combat
dans une véritable démarche politique.
[1) Une œuvre qui rappelle un discours politique] [argument] D’abord, l’œuvre
a une dimension politique dans sa forme elle-même, puisque l’autrice s’y adresse à
différents interlocuteurs, comme si elle se trouvait dans une tribune virtuelle, à la manière
d’un discours politique. [exemple 1] En effet, elle varie ses interlocuteurs : une dédicace à
la Reine, un réquisitoire adressé aux hommes, un plaidoyer adressé aux femmes, la
déclaration adressées aux députés… On constate que non seulement elle cible surtout
des interlocuteurs liés au pouvoir politique et qui ont une réelle capacité d’action pratique
(les députés, la Reine), mais aussi que ces différents interlocuteurs composent finalement
une grande partie de la société. [exemple 2] De plus, les genres et procédés qu’elle utilise
appartiennent pour la plupart à la catégorie des discours rhétoriques : plaidoyer,
réquisitoire, apostrophes directes, utilisation du présent… Elle se place donc dans une
position de juge qui défend et accuse : il s’agit bien de réformer la société en s’adressant
directement à ses membres pour les faire réagir.
[2) Un discours au cœur de la Révolution] De plus, son discours s’inscrit très
clairement dans l’époque révolutionnaire (à la différence par exemple de Montesquieu ou
de Rousseau qui proposent des théories bien en amont de l’événement politique de la
Révolution). [exemple 1] En effet, elle choisit dans la dédicace initiale de s’adresser à la
Reine, et donc indirectement au pouvoir monarchique qui est encore en place en 1791 (ce
qui est une tactique politique de conciliation, qu’elle défendra même au moment de la
Terreur, ce qui lui coûtera la vie). [exemple 2] En outre, elle fait fréquemment référence à
la situation politique de son pays, en comparant notamment la période de l’Ancien-régime
et la période post-révolutionnaire. Par exemple, dans « Forme du contrat social... », elle
explique que les Révolutionnaires, en n’augmentant pas les droits des femmes, les ont
forcé à user des moyens corrupteurs de l’Ancien Régime, pour obtenir le pouvoir ou la
fortune : ruse, dissimulation, séduction, manipulation. « Une femme n’avait besoin que
d’être belle ou aimable », et elle constate que c’est hélas toujours le cas au moment où
elle s’exprime. [exemple 3] Enfin, la forme même de la Déclaration, qui reprend article par
article la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, est bien une manière de
compléter l’apport révolutionnaire en lui ajoutant une sorte d’amendement plus égalitaire.
De Gouges agit ainsi (virtuellement) comme une députée proposant de nouvelles lois à
faire voter l’assemblée (ce qu’elle demande explicitement).
[Conclusion du III] Ainsi, « femme politique », De Gouges l’est doublement : sa
démarche, inscrite dans l’événement politique révolutionnaire, prend la forme d’un
discours politique composite destiné à tous les membres de la société.
[Conclusion]
[rappel du sujet] Olivier Blanc synthétise les valeurs et les visées de De Gouges
par trois caractéristiques, disant que c’est « une féministe, une humaniste, et une femme
politique ». [résumé articulé logiquement de la réflexion] [I] En effet, nous avons vu
que l’autrice était évidemment une pionnière du féministe dans la mesure où La DDFC
aspire bien à défendre la légitimité des femmes à prétendre à des droits égaux aux
hommes, et même à des droits spécifique à leur condition féminine. [II] Cependant, le
féminisme d’Olympe de Gouges s’intègre dans une philosophie plus largement humaniste,
héritée des Lumières, et visant à promouvoir un modèle de société plus égalitaire, plus
harmonieux et pacifié, dans lequel tous ses membres collaborent et peuvent prétendre au
progrès, au bonheur et à la liberté. [III] Enfin, cette lutte pour l’égalité est un combat
politique puisque l’autrice s’adresse au corps social et notamment aux décisionnaires,
pour les faire réagir et surtout agir : son texte est moins une théorie qu’une proposition de
lois participant à la démarche révolutionnaire. [ouverture] La dimension politique de ce
texte mettra cependant plus d’un siècle à en voir des applications (droit de vote, droit de
propriété, contrat de mariage égalitaire…) et certaines de ses propositions sont encore
d’actualité dans le débat public (égalité dans le travail, droits des prostituées…)