9 Calmettes Spi43
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Résumé : La démarche d’investigation constitue une des démarches que les enseignants
des disciplines scientifiques, en Collège, mettent en œuvre dans les classes. Les programmes
officiels en proposent une description mettant en évidence notamment son articulation autour
d’une situation-problème. Dans la littérature didactique, les références utilisées sont sociocons-
tructivistes, d’un point de vue épistémologique et d’un point de vue pédagogique. La recherche
présentée permet d’analyser des situations de classe ordinaires réalisées par des enseignants sta-
giaires et expérimentés. Elle met en évidence une certaine variabilité dans les mises en œuvre.
Des écarts et des tensions avec les demandes institutionnelles peuvent parfois être repérés. Des
entretiens menés avec les enseignants permettent de les discuter.
Mots-clés : Références – Démarche d'investigation – Situation d’enseignement – Di-
dactique de la physique.
Utilisée à l’école primaire, dans le cadre du plan de rénovation – puis plan ré-
nové – de l’enseignement des sciences et de la technologie (MEN 2000), la démarche
d’investigation (DI) est aujourd’hui inscrite dans les programmes de Collège des dis-
ciplines scientifiques. Cette démarche constitue une évolution curriculaire récente et
une nouvelle forme d’enseignement-apprentissage, au moins d’un point de vue insti-
tutionnel. Dans cet article, l’intérêt est porté à la mise en œuvre de cette démarche
dans des séances de physique.
LA DÉMARCHE D’INVESTIGATION :
RÉFÉRENCES POUR UNE ANALYSE DU TRAVAIL ENSEIGNANT
La démarche d’investigation dans les textes
Les programmes (MEN 2005, MEN 2007) proposent de manière brève, dans
l’« introduction commune à l’ensemble des disciplines scientifiques » (mathémati-
ques, SVT, physique et chimie) une description de la DI sous la forme d’un « cane-
vas » décrit par « sept moments » sans que cependant « l’ordre dans lequel ils se suc-
cèdent […] constitue […] une trame à adopter de manière linéaire. » Un sujet d’étude
peut être traité en plusieurs séances et « le temps consacré à chacun [des moments]
doit être adapté au projet pédagogique de l’enseignant. »
Les sept moments identifiés sont les suivants :
1. Le choix d’une situation - problème par le professeur.
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DÉMARCHE D’INVESTIGATION EN PHYSIQUE
seignant et des élèves dans la construction des savoirs. En particulier, les élèves éla-
borent des productions en réponse aux tâches, effectuent des apprentissages (ce n’est
pas que du réinvestissement) et les tâches conceptuelles sont à la charge de l’élève.
La DI « fait l’objet d’une promotion institutionnelle intense » (Pélissier et
Venturini 2008). Des équipes d’enseignants, réunis sous la direction des inspections
pédagogiques régionales, réfléchissent à sa mise en œuvre et constituent des docu-
ments de travail pour la classe : fiches descriptives de séances pour l’enseignant, fi-
ches de travail pour les élèves, recherches de situations de départ. Leurs propositions
sont diffusées par différents médias : sites Internet des académies, revues profession-
nelles, manuels, listes de diffusion.
Dans les citations extraites des situations, les notations suivantes sont adop-
tées :
Lieu Locuteur Repère de séance ou d’entretien
Intervention en formation Formateur ou enseignant (A, F, numéro de la séance (1 ou 2)
B, etc.)
Intervention en séance de Enseignant (A, B, etc.) Lieu (L ou T), numéro de séance (1 ou 2)
classe
Entretien Enseignant (A, B, etc.) Lieu (L ou T), E (entretien), numéro de la
séance (1 ou 2)
Un des intérêts du dispositif est lié à la complémentarité des données : prati-
ques déclarées – lors des séances de formation – et pratiques observées. En effet, les
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déclarations sont attachées à un point de vue de l’acteur – qui explicite un vécu – mais
ces données sont insuffisantes pour une analyse de tous les événements car, dans le
déclaratif, certains phénomènes didactiques notés par le chercheur dans la classe ne
sont pas exposés. C’est le cas notamment dans les phases de modélisation, dans la
construction du milieu didactique (matériels, contraintes temporelles, prérequis, con-
signes), dans les interactions portant sur des concepts (Calmettes 2008a, Calmettes et
al. 2008c).
Les séances de formation en IUFM et les séances de classe étudiées peuvent
être qualifiées d’« ordinaires » dans la mesure où il s’agit de « caractériser leur fonc-
tionnement habituel du point de vue des contenus disciplinaires en jeu. Il n’y a pas en
arrière-plan de volonté de transformation des dispositifs » (Laborde et al. 2002, 95).
Le chercheur n’est ni formateur, ni évaluateur institutionnel des pratiques de classe.
Durant la première séance de formation, le formateur, en s’appuyant sur le
descriptif donné par les textes officiels, présente les fondements et les enjeux de la DI.
Il insiste sur le choix de la situation-problème, sur les rôles des expériences (prouver,
tester des hypothèses, aider à la construction des lois), sur l’obstacle des conceptions
erronées, sur la nécessité de faire construire les connaissances par les élèves, de me-
ner des débats – et sur le rôle de l’enseignant durant les moments de la démarche : an-
ticiper les difficultés, guider, libérer, aider sans construire lui-même les savoirs. Les
stagiaires préparent ensuite par groupes les séances de classe.
L’analyse des données montre une grande diversité dans les pratiques des en-
seignants, diversité liée bien sûr à la variété des types de problèmes posés en classe
(établir une loi, comprendre un phénomène, construire un protocole expérimental,
etc.) mais pas seulement. Même si des enseignants construisent ensemble les fiches de
préparation – même problème, mêmes tâches à effectuer a priori pour les élèves,
même matériel –, des écarts entre les réalisations des séances en classe sont mis en
évidence.
Ces écarts montrent la complexité des situations de classe, l’importance des
contextes locaux (contraintes matérielles ou horaires, niveaux des élèves), l’étendue
des réflexions des élèves, la variété des réactions des enseignants aux perturbations.
L’attention est particulièrement portée aux moments de la démarche mis en
œuvre, à l’entrée dans la situation (situation problème), à la construction du milieu
didactique et aux modèles épistémologiques sous-jacents, à la prégnance des con-
ceptions et aux imprévus didactiques.
Résultats
Les moments de la démarche
Les contraintes horaires (durée des séances, 1 h, 1 h 30 min ou 2 h) limitent les
possibles. Même si les enseignants souhaitent, a priori, aborder une démarche avec les
six premiers moments (cas général), le septième (opérationnalisation, réinvestisse-
ments) étant reporté à la séance suivante, certains débutent la séance au niveau du
troisième, voire du quatrième moment, le problème ou/et les hypothèses relatives au
problème étant formulés alors de manière plus précise.
Formateur, L, F1 : « On peut se libérer du carcan des sept points. Il faut parfois adapter
en fonction des contraintes. »
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Enseignant D, L, F2 : « Je n’ai pas posé la question sous la forme d’un problème que
les élèves devaient traduire, avec un conflit entre idées, mais sous la forme plus directe : la
masse varie-t-elle s’il y a dilution ? »
Enseignant E, L, F2 : « On aborde une partie de la DI en une séance, hypothèses et ex-
périences, et on exploite les résultats pendant une autre séance. »
Dans tous les cas de séances observées et dans les propositions de fiches réali-
sées par les enseignants, au moins une expérience est à réaliser par les élèves. Dans
les DI, l’expérience est au cœur de l’activité de construction des connaissances.
Entrée dans la situation…
La situation-problème est souvent présentée avec une « accroche ludique »
(Formateur, T, F1). Il s’agit d’une question proposée par l’intermédiaire d’un média,
par exemple un extrait détourné de bande dessinée ou de série télévisée (enquête poli-
cière) ou d’un jeu (jeu de familles, classements de cartes, jeu de l’oie). Cet aspect est
d’autant plus prégnant que les élèves sont jeunes (5e ou 4e). Avec les élèves plus âgés
(3e), les enseignants utilisent également des documents scientifiques (histoire des
sciences, description d’un phénomène) ou technologiques (documentaire sur les alter-
nateurs dans les centrales électriques). Un point de départ sur une question reposant
sur « la vie de tous les jours » (Formateur, T, F1) peut aussi être envisagé.
Pour certains des enseignants, cette accroche permet d’entrer de manière moti-
vante dans l’activité proposée.
Enseignant C, T, F2 : « Les élèves sont en principe toujours enthousiastes quand on tra-
vaille sur des bandes dessinées ou sur des documents où figurent des personnages qu’ils
connaissent. »
D’autres font remarquer que ce détour peut rendre difficile l’appropriation
scientifique du problème et l’émergence des questions.
Enseignant D, L, F2 : « Dans la réalité, dans un camping, il y a des bornes électriques.
Les élèves ne voient pas pourquoi j’ai posé une question avec des piles. »
Enseignant G, T, F2 : « Je suis parti avec une histoire de jarres avec de l’eau […] Cer-
tains élèves ont voulu dessiner des jarres jusqu’au bout !!! »
Formateur, L, F2) : « L’habillage de la tâche ne doit pas faire oublier la question scien-
tifique sous-jacente qu’il convient de construire rapidement. C’est cela l’appropriation du pro-
blème. »
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DÉMARCHE D’INVESTIGATION EN PHYSIQUE
Imprévus didactiques
Bénaïoun-Ramirez (1999) établit une typologie des incidents et des imprévus
pouvant être mis en évidence dans le déroulement d’une séance. Un incident relève
d’un fait relevé par un observateur non acteur. Un imprévu correspond à un incident
perçu plus ou moins consciemment par l’enseignant. L’imprévu est didactique s’il est
lié aux apprentissages des élèves (questions surprenantes, voies différentes prises par
les élèves au regard de ce que l’enseignant a prévu) ou à l’enseignement (prévisions
d’activités non réalistes sous les contraintes de la séance, concepts trop difficiles).
Le caractère ouvert des séances avec DI peut conduire à un nombre important
d’imprévus, d’autant plus que cette démarche est tout à fait nouvelle aussi bien pour
les enseignants stagiaires que pour les enseignants expérimentés.
La prégnance des conceptions, les difficultés de formulation d’hypothèses
constituent des imprévus didactiques qui conduisent souvent à une rupture dans les
modalités socioconstructivistes de la DI et à un retour à la coutume didactique dans
laquelle l’enseignant utilise un guidage strict des activités des élèves en indiquant de
manière détaillée – mais pas toujours justifiée – les opérations prédéterminées qu’ils
doivent réaliser (Richoux et Beaufils 2005), passant ainsi d’une posture de « guida-
ge » à celle d’une « tutelle » forte (Weil-Barais et Dumas-Carré 1998).
Enseignant G, T, E2 : « Il fallait que je reprenne la séance en main […] J’ai finalement
montré le protocole que j’aurais voulu qu’ils découvrent. »
Conscients de la potentialité de blocage dans le déroulement prévu, ou au dé-
calage possible dans l’avancée des activités suivant les groupes d’élèves, même s’ils
n’en prévoient pas toutes les raisons possibles, et « soumis à la contrainte du temps »
(entretien H, T, S2) certains enseignants anticipent, dès leurs préparations, des fiches
d’aide plus ou moins détaillées ou réfléchissent à des indications ponctuelles (des
« jokers » - Formateur, L, F2) qu’ils peuvent apporter aux élèves.
Enseignant H, T, F2 : « J’avais prévu, au cas où ils ne trouvent pas, de faire une expé-
rience […] Je mets un boulon dans un récipient avec de l’eau colorée, puis un autre, etc., jus-
qu’à ce que l’eau déborde. »
Enseignant C, L, F2 : « Il est difficile de prévoir, en préparant la séance, toutes les
questions que pourront poser les élèves. C'est pourquoi j’ai pensé à quelques indices […] Mais
ce qui est difficile à ce moment-là, c’est aussi de se retenir pour ne donner que les indices sans
explication pour ne pas casser l’intérêt de la démarche. »
Enseignant H, T, F2 : « Pour les élèves qui ne trouvent pas tout de suite, j’ai une fiche
que je leur donne pour qu’ils ne soient pas bloqués et ne retardent pas les autres. »
Les contraintes matérielles ou les questions posées par les élèves peuvent éga-
lement conduire à une réorientation des activités vers une fermeture de la démarche,
de manière plus ou moins argumentée.
Enseignant F, L, F2 : « Il y a des élèves qui se sont embarqués sur des pistes que je
n’avais pas prévues !!! […] Je n’avais pas tout le matériel qu’ils demandaient. »
Enseignant A, L, F2 : « J’ai fait comme si j’avais pas entendu et je me suis rabattu sur
une proposition d’un élève qui allait dans le sens que j’avais prévu. »
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CONCLUSION ET PERSPECTIVES
Les enseignants sont confrontés à la réalisation de séances avec DI. Les faits
précédemment relevés mettent en évidence les obstacles qu’ils rencontrent, les straté-
gies d’aide aux élèves qu’ils mettent en œuvre mais qui peuvent conduire à des évi-
tements ou à des restrictions en matière de formulation d’hypothèses (H, T, F2 ; C, L,
F2), parfois aussi des retours à des pratiques plus « stabilisantes […], aux anciennes
fiches détaillées [car] c’est la meilleure méthode et c’est beaucoup plus facile à orga-
niser » (A, T, E2).
Les enseignants relèvent la participation active des élèves, parfois déroutante
ou surprenante. Ils indiquent également que ceux, classés « en difficulté », y réussis-
sent, parfois mieux que « les bons » car « ils ont de l’imagination. » Le fait d’« auto-
riser l’erreur » modifie également les comportements : « les élèves d’habitude moins
brillants, n’ont pas peur, eux, de se tromper » (K, T, E2).
Les enseignants en formation font état de leur enthousiasme : « C’est un plaisir
quand ils échangent et discutent », de leurs réticences parfois : « C’est difficile ! Ils
partent dans tous les sens ! », de leurs hésitations quand : « le collègue d’à côté entre :
qu’est-ce que ce bruit ? » et d’expliquer que « Si ! La DI, c’est sérieux. » Ils recon-
naissent qu’il est parfois difficile de « supporter que les élèves passent une heure à
chercher quelque chose [qu’ils peuvent] leur apporter et [aimeraient] bien montrer »
(B, T, E1) et certains (stagiaires PLC2) ne l’ont « fait […] que parce que c’était une
contrainte de l’institution » (H, T, E2).
La DI constitue une innovation et une nouvelle classe de situations à gérer
pour les enseignants. L’opérationnalisation ne va pas de soi. Elle demande une impli-
cation certaine, une formation, du temps, un espace didactique, le développement
d’une attitude réflexive (Perrenoud 2001) afin que les enseignants puissent construire
les compétences professionnelles spécifiques à cette démarche.
Bernard CALMETTES
DiDiST – CREFI-T – Université de Toulouse 3
Gridife – ERT 64 – IUFM – Toulouse 2
bernard.calmettes@toulouse.iufm.fr
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Bibliographie
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