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LIENS
Thèse
DOCTEUR EN DROIT
(Doctorat d’Etat)
Par
JURY
Directeur de thèse :
Membres de jury :
Thèse
DOCTEUR EN DROIT
(Doctorat d’Etat)
Par
JURY
Directeur de thèse :
Membres de jury :
Page 8
CA Cour d’appel
Cass. 1re, 2e ou 3e Cour de cassation, 1re, 2e, 3e chambre civile
Cass. ass. Plén. Cour de cassation, assemblée plénière
Cass. com. Cour de cassation, chambre commerciale
Cass. crim. Cour de cassation, chambre commerciale,
CAUE Conseil d’architecture, d’urbanisme et d’environnement
CCH Code de la construction et de l’habitation
CGI. <Code général des impôts
Chap. Chapitre
CU Certificat d’urbanisme
D. Décret
D. Dalloz (Recueil)
Defrénois Répertoire général du notariat Defrénois
DIA Déclaration d’intention d’aliéner
DPU Droit de préemption urbain
éd. éditeur, édition
Ex. Exemple :
FNAIM Fédération nationale des agents immobiliers
INSEE Institut national de la statistique et des études économiques
Isbn. (International standard book number), « numéro international
normalisé du livre »
JCl. Not. JurisClasseur- Encyclopédie notariale
JCP N JurisClasseur périodique semaine juridique), édition notariale
JO., JORF Journal officiel de la république française
Loi Alur n° 2014-366, 24/03/2014 : Accès au logement et à un
urbanisme rénové
obs. Observations
Ord. Ordonnance
PC Prêt conventionné
PLU Plan local d’urbanisme
Rép. min. Réponse ministérielle
RNU Règlement national d’urbanisme
SNPI Syndicat national des professionnels immobiliers
UNI Union nationale de l’immobilier
Univ. Université
UNPI Union nationale des propriétaires immobiliers
USA United State of América « États-Unis d’Amérique »
Page 9
S OMMAIRE
Page 10
I NTRODUCTION
1 - L’agent immobilier se trouve dans une situation paradoxale. La profession à laquelle il
appartient bat le record de la mauvaise réputation ; pourtant l’agent lui-même, regardé en
tant que personne exerçant ladite profession, est apprécié.
L’image de la profession, telle qu’elle circule en particulier sur internet, est exécrable. Dans
le meilleur des cas, l’agent immobilier y est présenté comme un parasite du marché de
l’immobilier, un intermédiaire inutile payé à ne rien faire puisque toute personne qui
souhaite vendre son bien ou qui désire acheter l’immeuble de ses rêves, est en mesure de le
faire elle-même, grâce aux annonces publiées dans les médias. Dans le pire des cas, les
détracteurs de l’agent immobilier voient en lui le requin de l’immobilier dont il faut se méfier
et qu’il est essentiel de fuir tant son parcours est semé d’abus et d’infractions. D’ailleurs,
n’est-ce pas aussi l’avis de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et la
répression des fraudes ? En effet, l’enquête nationale qu’elle a lancée fin 2006 et qui porte
sur des investigations menées dans 51 départements auprès de 1070 agences immobilières,
a montré que 830 agents immobiliers étaient en infraction par rapport à la réglementation1.
L’image de l’agent immobilier est tellement dégradée que les organismes professionnels
réunis en états généraux en 2011 s’en sont émus : « La profession mérite-t-elle de voir son
image souillée dans les médias ou dans l’esprit du législateur ? Certes non. Il apparaît
seulement primordial d’apporter de nouvelles garanties aux consommateurs… »2. C’est
pourquoi ils ont élaboré des propositions destinées à corriger la perception par le public de
leur profession.
2 - Pourtant, alors que la profession d’agent immobilier jouit d’une image déplorable, deux
sondages montrent le niveau de satisfaction très élevé dont sont crédités les agents
immobiliers par l’intermédiaire desquels ont été conclues des ventes d’immeubles.
Selon le premier sondage réalisé en 2005 par TNS Sofres à la demande du réseau immobilier
Page 11
« L’ADRESSE »3, « Avec 76% des transactions réalisées, les professionnels de l’immobilier
occupent aujourd’hui une place déterminante sur le marché de l’immobilier d’habitation
ancien… Les vendeurs passés par agence se disent… très satisfaits (33%) ou plutôt satisfaits
(57%) de la façon dont leur vente s’est réalisée. Soit un niveau de satisfaction total très élevé
(90%) ».
Vainement relativisera-t-on les résultats plutôt flatteurs de ce sondage, lesquels
s’expliqueraient largement par la conjoncture immobilière favorable qui existait lors du
début des années 2000. En effet, ils sont confirmés par un second sondage, effectué entre
juillet 2011 et janvier 2012 par l’Université Paris-Dauphine/IFOP, sur le thème « comment
font les Français pour acheter ou vendre un bien immobilier ? ».
Comment font les Français pour acheter ou vendre un bien immobilier ? Cf.pp.2-5
Les démarches des Les démarches des acheteurs Les démarches des vendeurs
particuliers 14% tentent uniquement d’acheter 5% tentent uniquement de vendre
10% tentent uniquement de réaliser de particulier à particulier ; de particulier à particulier ;
leur transaction en relation directe 34% tentent uniquement d’acheter 26% tentent uniquement de vendre
entre particuliers ; par agences immobilières ; par agences immobilières ;
30% tentent uniquement de réaliser 52% tentent à la fois d’acheter de 69% tentent à la fois de vendre de
leurs transactions par agences particulier à particulier et par particulier à particulier et par
immobilières ; agences immobilières. Cf. p. 4. agences immobilières. Cf. p.5
60% des français cumulent 2
démarches pour vendre ou acheter
un bien immobilier. Cf. p. 3
Les vendeurs qui combinent agences immobilières et service de mise en relation entre particuliers. Cf.p.6
61% combinent dès le début de leur démarche les services 39% privilégient les services de mise en relation entre
de mise en relation directe entre particuliers et agences particuliers au début de la commercialisation avant de faire
immobilières ; appel à un agent immobilier ;
(61% signent un mandat sans exclusivité au début de la (39% signent un mandat en cours de commercialisation,
commercialisation, ils se réservent ainsi la liberté de traiter tout en se réservant la liberté de traiter de particulier à
avec une ou plusieurs agences, et de particulier à particulier) Cf.p.6
particulier) Cf.p.6
3 asilverston.blog.lemonde.fr/2005/07/08/
Page 12
Efficacité de l’achat par mode de commercialisation et par région, p. 11.
Sur 100 acheteurs qui tentent entre particuliers : Sur 100 acheteurs qui tentent avec
intermédiaire :
74% 71% 77% 74% 21% 21% 21% 21%
N’ont pas N’ont pas N’ont pas N’ont pas N’ont pas N’ont pas N’ont pas N’ont pas
trouvé de trouvé de trouvé de trouvé de trouvé de trouvé de trouvé de trouvé de
bien à bien à bien à bien à bien à bien à bien à bien à
acheter acheter acheter acheter acheter acheter acheter acheter
Page 13
Mandat simple Mandat exclusif
Moins de 3 mois Plus de 3 mois Moins de 3 mois Plus de 3 mois
55 % 45 % 77 % 23 %
3 - Les chiffres qui précèdent parlent d’eux-mêmes : pour l’achat, les agents immobiliers
sont trois fois plus efficaces que les actions menées par les particuliers ou par d’autres
intermédiaires ; pour la vente, la proportion diminue un peu, les agents immobiliers étant
seulement 2,5 fois plus efficaces.
Alors, d’où vient une aussi gigantesque différence d’image entre la profession globalement
décriée et l’agent immobilier individuellement apprécié dans l’exercice de son métier ?
Une autre activité, plus récente et moins traditionnelle, est de nature à jeter l’opprobre sur
la profession d’agent immobilier : celle de vendeur de listes ou de fichiers, qui consiste à
proposer, moyennant rémunération, des listes ou des fichiers de logements à louer ou à
vendre. En pareil cas, le marchand de listes ou de fichiers ne joue nullement le rôle
d’intermédiaire entre les parties à un éventuel contrat de vente ou de bail. C’est à l’acheteur
de la liste qu’échoit la tâche de contacter le propriétaire de l’immeuble et de négocier avec
lui la conclusion du contrat. Bien entendu, l’acheteur ne dispose d’aucune garantie quant au
résultat de l’opération. Dans ces conditions, il est facile d’imaginer le lot d’abus, et par
conséquent l’intensité du sentiment de frustration, qu’une telle activité peut engendrer…6
4 Il suffit de citer un seul exemple : celui de la facturation des frais, problème qui devrait trouver sa
solution avec l’adoption de la loi ALUR du 24 mars 2014.
5 Par exemple, les syndics ont la fâcheuse tendance à multiplier le nombre de prestations facturées hors
forfait de gestion courante ou encore, lors de la passation d’un marché de travaux, à ne pas mettre en
concurrence les entreprises susceptibles de réaliser lesdits travaux. Au moins sur le premier point, la loi
ALUR devrait faire disparaître de tels comportements.
6 Là encore, la loi ALUR tente de régler les difficultés les plus flagrantes, spécialement l’article 6 modifié de
la loi Hoguet prévoit en son I dernier alinéa que la convention conclue entre le marchand de liste et le
Page 14
4 - Cependant, si, laissant de côté ces activités à problèmes, l’attention se recentre sur
l’activité d’entremise dans la vente d’immeuble, alors la contradiction entre la mauvaise
image de la profession et le taux élevé de satisfaction accordé aux agents immobiliers par
leurs clients tend à s’effacer.
Au fond, les critiques adressées à la profession sont l’œuvre de ceux qui ne connaissent pas
l’agent immobilier, tout simplement parce qu’ils n’y ont jamais eu recours ou qu’ils sont, par
principe, réfractaires à son intervention.
Au contraire, la bonne image de l’agent, révélée par les sondages précités, repose sur
l’opinion émise par ceux qui n’ont pas craint de faire appel à un agent immobilier et qui, ce
faisant, ont eu l’occasion de découvrir que, grâce à ses qualités propres, il leur a rendu un
réel service.
Certes, les agents immobiliers ne jouissent pas tous de la formation la plus adéquate pour se
livrer à cet exercice délicat de l’entremise en vue de la conclusion d’une vente ; certes, ils
évoluent dans un milieu où la concurrence exacerbée, entre eux et avec d’autres
professionnels, les conduit parfois à adopter des comportements qui ne favorisent guère les
intérêts des vendeurs ou des acheteurs. Mais il reste que parmi tous ceux qui opèrent sur le
marché de l’immobilier, ils sont les plus aptes à mener à son terme le processus compliqué
de la vente immobilière. Parce qu’ils connaissent bien, dans leur territoire d’implantation, le
marché de l’immobilier qu’ils prospectent en permanence, ils sont en mesure de conclure les
transactions au plus vite et au prix le plus juste. Or ce sont là les deux qualités qui justifient
leur intervention et qui attestent du véritable service qu’ils rendent à leurs clients. Et ces
qualités sont d’autant plus précieuses qu’aujourd’hui seuls les biens proposés au prix du
marché se vendent et qu’un bien trop cher qui reste sur le marché, finit par se déprécier.
propriétaire du bien inscrit sur la liste « comporte une clause d'exclusivité d'une durée limitée aux termes
de laquelle ce dernier s'engage, d'une part, à ne pas confier la location ou la vente de son bien à (un autre
intermédiaire) et, d'autre part, à ne pas publier d'annonce par voie de presse ». En outre, selon le II de
l’article 6, la convention doit préciser « l’ensemble des obligations professionnelles qui incombent au
professionnel …, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à
ce dernier. Elle précise également les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération
lorsque la prestation fournie au client n’est pas conforme à la nature promise dans ladite convention », les
conditions et les modalités d’application de la mesure de remboursement partiel ou total étant définies
par décret.
7
Voir les études et analyses des instituts spécialisés: Notaires-Insee ; note de conjoncture des notaires de
France ; chiffres-clés du logement de l’Institut de l’épargne immobilière « www.ieif.fr »; Fédération,
française du bâtiment (www.ffbatiment.fr) ; Fédération nationale des agents immobiliers
« www.fnaim.fr »; la base de données du fonds documentaire du CRDD- ministère du développement
durable- (www.developpement –durable.gouv.fr).
Page 15
- En termes de patrimoine, il représente le quart du patrimoine global de la France
(entendu ici comme l’ensemble des actifs financiers et non financiers) ;
- En termes de production, il se situe à la deuxième place derrière les services aux
entreprises et constitue le sixième employeur avec 2 millions de personnes (selon
la définition de l’Insee, les services aux entreprises correspondent aux activités
de postes et télécommunications, conseils et assistance, services opérationnels
et recherche et développement) ;
- En termes de consommation et d’investissement, il contribue à 20% des
dépenses et 45% des montants engagés.
- Le patrimoine immobilier national est estimé à 8.214 milliards d’euros, soit le
quart du patrimoine national chiffré à 32.382 milliards d’euros.
- Le logement représente 21% du patrimoine immobilier, les bâtiments non
résidentiels en représentent 5% ;
- Le patrimoine immobilier a été multiplié par 2,4 entre1999 et 2009 contre 1,8
pour l’ensemble du patrimoine national ;
- En 1999, la valeur ajoutée9 crée par le secteur immobilier représentait 19,5
milliards d’euros dont 14% pour les activités immobilières10. Dix ans plus tard,
elles représentent 343,1 milliards d’euros. Dans la production de richesse,
l’immobilier représente 20% de la valeur ajoutée.
- L’immobilier représente 7,7% de l’emploi total en 2009 ; il reste le sixième
employeur français (2 000 000 d’emplois) derrière les branches éducation, santé,
action social et commerce ; et le 2ème secteur d’activités, n°1 pour les services
aux entreprises.
- L’immobilier représente la première destination d’investissement depuis près de
cinquante ans. En 2009, il participe à hauteur de 45% au flux d’investissement
dans formation brute de capital fixe, contre moins de 41% en 1999. A l’intérieur
du secteur immobilier, la part dévolue aux « activités immobilières » ne
représente que 13%, mais elles connaissent une progression sur dix ans (82%)
supérieure au « bâtiment » (68%). C’est en outre le premier poste de
consommation. L’immobilier a concentré 20% des dépenses des ménages en
2009 (221milliards d’euros).La majeure partie (84%, 186 milliards d’euros)
représente la location11.
En 2014, le marché immobilier a enregistré environ 700 000 transactions, dont 68% réalisées
par les agents immobiliers, alors que la construction du neuf a stagné autour de 350.000
logements, soit 150.000 de moins que nécessaire pour résorber le déficit de logement. En
2015, le marché de l’ancien a enregistré environ 800 000 transactions, volume sur lequel le
8
Voir l’étude en bref de Charles-Henri de Marignan - Analyste Immobilier -« L’immobilier dans
l’économie » (sur données Insee), in : «www.ieif.fr ».
9
Selon la définition de l’Insee, la valeur ajoutée correspond à la valeur de la production diminuée des
consommations intermédiaires.
10 Selon la définition de l’Insee, les activités immobilières regroupent trois types d’activités : 1) celle des
marchands de biens qui consiste en achat et revente de biens immobiliers leur appartenant en propre; 2)
la location et l’exploitation de biens immobiliers en propre ou loués ; 3) les activités immobilières pour le
compte de tiers qui comprend notamment l’activité des agences immobilières, celle des autres
intermédiaires d’entremise, l’activité d’administrateur de biens immobiliers, l’activité de transaction des
notaires, etc.
11 Ce chiffre comprend à la fois des loyers « imputés » (propriétaires - occupants) conformément à la
Page 16
chiffre d’affaires réalisé par les agents immobiliers représente une somme de 9, 5 milliards
d’euros12.
De 1974 à 1975, l’économie connaît une crise internationale consécutive au premier choc
pétrolier et au conflit israélo-palestinien. Cette crise entraîne un ralentissement des
transactions immobilières.
De 1976 à 1979, l’économie mondiale repart ; les transactions aussi et avec elles les prix de
l’immobilier, d’autant qu’en France, il est désormais possible d’imputer les déficits fonciers
sur les revenus fonciers et que l’inflation n’est pas maîtrisée.
De 1980 à 1985, une nouvelle crise de l’économie mondiale due au second choc pétrolier,
aux conséquences du renversement du Shah d’Iran et à celles de la guerre entre l’Iran et
l’Irak se communique au marché immobilier.
De 1997 à 2001, la forte baisse des taux d’intérêts conduit à l’expansion du marché
immobilier ; en particulier, le nombre des acquisitions de résidences principales augmente
significativement. Pourtant, de 2002 à 2003, la seconde guerre du golfe en Irak suite à
l’invasion du Koweït cause le ralentissement du marché immobilier.
Page 17
enfin la crise de la dette souveraine des Etats avec la dette grecque et la crise de l’euro, à
quoi s’ajoutent l’instabilité politique en Afrique sub-saharienne, l’état de guerre en Libye,
Syrie, Irak et Ukraine, la hausse considérable de l’immigration et la menace de terrorisme.
Dans un tel contexte, le marché de l’immobilier souffre, au point que fin 2012, il ne reste en
France qu’environ 27 000 agences immobilières tandis que, durant cette même année, 3 000
d’entre elles ont fermé ; et la part de marché des agents immobiliers sur le marché de la
négociation de logements s'élève à 68 %13.
Non seulement le marché immobilier réagit aux changements d’ordre économique, mais
encore il est sensible à toute évolution d’ordre législatif ou réglementaire. Spécialement,
toute réforme touchant au droit fiscal, au droit du crédit ou des baux à usage d’habitation ne
manquera pas d’avoir des répercussions sur le marché immobilier. C’est dire que, par
exemple, la profonde instabilité du droit fiscal en matière d’investissement locatif et l’idée
d’une réglementation contraignante des loyers ne contribuent pas à favoriser l’essor de
l’immobilier locatif.
7 - Une première complication vient de la diversité des personnages qui interviennent sur
le marché de l’immobilier.
En effet, si du côté de l’offre, on trouve sur le marché du neuf des entreprises de production,
les constructeurs et les promoteurs, tel n’est pas le cas du côté de la demande où si l’on
trouve parfois des entreprises de distribution, le plus souvent l’offre s’adresse à des
particuliers isolés. Dans le marché de l’ancien, l’essentiel de l’offre est composé de
particuliers, lesquels font, le plus souvent, face à la demande d’autres particuliers.
Or, dans la mesure où la majorité des opérateurs sont des particuliers isolés, on comprend
que la présence sur le marché d’intermédiaires tels que les agents immobiliers présente une
utilité, certes pour rapprocher vendeurs et acquéreurs, mais, mieux encore, pour aider ces
derniers à s’entendre et à conclure la transaction.
Cependant, les agents immobiliers ne sont pas les seuls intermédiaires à intervenir sur le
marché de l’immobilier. Il en existe d’autres, en sorte que la concurrence entre tous les
intermédiaires est exacerbée, qu’il s’agisse de la concurrence entre les seuls agents
Page 18
immobiliers14 ou de la concurrence entre ceux-ci et les autres intermédiaires, et tout
spécialement des notaires, qui sont, en matière d’intermédiation, les principaux rivaux des
agents immobiliers15.
Reste que les agents immobiliers occupent la première place sur le marché de l’immobilier,
même si, comme l’écrit la Tribune16, « Entre 3.000 et 3.500 agences immobilières, sur un
total de 25 000, ont fermé leurs portes en 2008 en France en raison de la crise(…). La baisse
du nombre d’agences survient après une période euphorique, avec l’explosion des prix de
l’immobilier, qui avait vu leur nombre fortement augmenter ». Dans le même ordre d’idées,
Ouest France écrit sous le titre « Les métiers de l’immobilier dans le rouge » : « Depuis le
début 2012, la FNAIM, qui représente 40% du marché, a enregistré 350 cessations d’activités,
soit déjà plus de 1.000 emplois supprimés. Le secteur est touché de plein fouet par la chute
du nombre des transactions d’environ 20%, souligne J.-F.Buet, le président de la FNAIM. Ces
fermetures ne concernent encore que les petites structures indépendantes qui exercent dans
les petites villes ou dans le tissu rural et ne touchent ni la gestion locative ni les activités de
syndic, mais nous prévoyons la destruction de près de 5.000 emplois d’ici la fin de l’année »17.
8 - Une seconde complication vient de la nature des biens proposés sur le marché de
l’immobilier. Ce ne sont pas des produits standardisés ; l’immeuble n’est pas une chose de
genre, mais un bien individualisé. Or, parce que l’immeuble est un bien individualisé, le
marché immobilier est un marché nécessairement segmenté à cause de l’absence
d’homogénéité des immeubles.
14 A titre d’exemple et sur la base référentielle du seul département de la Moselle où nous avions créé le
1er février 1973 notre agence immobilière, celle-ci, dont l’activité a pris fin le 31 décembre 2004 pour
cause de retraite, détenait la carte professionnelle « transactions sur immeubles et fonds de
commerce/gestion » n° 100. Au 1er janvier 2013 le nombre de ces cartes délivrées dans ce même
département était passé à 867. Certes, cela ne signifie pas qu’en 40 ans le nombre des agences en Moselle
a été multiplié par 8,7 car il faut tenir compte du nombre de radiations intervenues, nombre
malheureusement impossible à obtenir en dépit de toutes nos démarches (au passage, il faut déplorer un
tel manque d’accessibilité aux données de la profession). Au moins, cela donne une idée de l’état de
concurrence exacerbée qui se joue aujourd’hui sur le marché entre agents immobiliers.
15 L’état de la concurrence entre agents immobiliers et notaires est impossible à chiffrer, car les notaires
gardent les statistiques relatives à leurs activités de transaction immobilière à usage interne ; on peut
d’ailleurs se demander si ce n’est pas pour masquer leur moindre pénétration du marché par rapport aux
agents immobiliers.
16 La Tribune, 28 juillet 2008.
17 Ouest France, 1er octobre 2012.
Page 19
Ainsi, a été mentionnée plus haut une première distinction qui sépare le marché immobilier
en marché du neuf et marché de l’ancien. La distinction, commode, est couramment
utilisée ; mais elle ne rend pas compte de toute la réalité du marché.
Une autre approche consiste à distinguer selon la destination de l’immeuble, lequel peut
servir à loger des personnes ou à abriter des activités. Mais là encore, cela ne suffit pas à
appréhender tous les aspects du marché. Par exemple, les locaux d’activités ne sont pas
identiques et interchangeables selon le type d’activités qui y est exercé : usage commercial,
usage industriel, usage de bureaux, usage de loisir, etc… La constatation est la même pour
les locaux d’habitation des personnes qui peuvent être collectifs ou individuels.
9 - Non seulement l’immeuble est un bien individualisé, mais encore, et tout spécialement
lorsqu’il sert à loger les gens, c’est un bien chargé d’affects de toutes sortes.
D’abord, puisque la vocation du bien immobilier est de loger des personnes ou d’abriter des
activités, il est clair lorsque l’immeuble est destiné à loger les gens, qu’une telle fonction lui
confère une dimension sociale qui justifie l’intérêt que les pouvoirs publics lui portent. Cette
fonction montre aussi que le marché locatif joue un rôle non négligeable dans l’équilibre du
marché des immeubles à usage d’habitation destinés à la vente, le premier servant de
soupape d’ajustement pour les personnes en attente d’accès à la propriété ou à celles qui ne
souhaitent pas, pour diverses raisons, devenir propriétaires. Dès lors, le bon fonctionnement
du marché de la vente dépend du bon fonctionnement du marché locatif, les deux marchés
étant indissolublement liés.
Ensuite, et certainement parce que le fait d’abriter des personnes n’est pas anodin,
l’immeuble véhicule toutes leurs passions et émotions, celles attachées au vécu du vendeur
ou celles projetées par l’acquéreur, qu’elles manifestent des besoins tels que le besoin de
sécurité ou celui de reconnaissance sociale, qu’elles relèvent des goûts en matière
d’esthétique, qu’elles remuent des souvenirs plus ou moins profondément enfouis dans la
mémoire ou encore qu’elles expriment un attachement à certains symboles, à commencer
par l’attachement traditionnel des Français au droit de propriété18.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue l’esprit de spéculation qui anime les parties à la vente :
vendeur et acquéreur veulent tous deux réaliser une bonne opération, chacun caressant
l’espoir de recevoir plus que ce qu’il donne en échange, car l’immeuble est considéré comme
un investissement.
18 Les Français sont très attachés à la propriété, puisqu’il existe 58% de ménages propriétaires de leur
logement et que la plupart des autres aspirent à l’être un jour. Au contraire, dans la tradition anglaise,
50% des propriétés appartiennent encore actuellement à de grands propriétaires privés ou à des
institutions, qui soumettent leurs biens au système de concession à long terme, jusqu’à 99 ans et au-delà
(par baux emphytéotiques), tandis que les autres 50% appartiennent à des propriétaires privés.
Page 20
L’idée d’investissement s’impose lorsque celui qui achète le fait dans le but de louer
l’immeuble à des tiers, le revenu escompté des loyers futurs représentant une large part de
la valeur de l’immeuble. Mais elle vaut aussi pour celui qui achète pour se loger. Dans les
deux cas, en effet, l’immeuble est créateur de richesse par l’usage qui en est fait, le loyer
perçu ou économisé représentant cette richesse, laquelle joue un rôle essentiel lors de la
vente d’un immeuble.
L’idée est tout aussi évidente pour celui qui vend. Pour le vendeur, la valeur de l’immeuble
est le montant théorique espéré de l’échange entre lui et un acheteur ; mais en réalité le
prix du bien constaté dans l’échange, après le jeu de l’offre et de la demande, est souvent
différent du montant espéré initialement. En effet, la dynamique qui déclenche le prix
résulte de l’anticipation du futur, c’est-à-dire d’un calcul qui renvoie à une dimension de
rationalité ; mais les parties à la vente ne sont pas toujours en état de faire preuve de
rationalité.
C’est alors à l’agent immobilier que revient la tâche d’ajuster la position du vendeur et celle
de l’acquéreur, en fonction de paramètres rationnels tels que l’anticipation actualisée des
loyers futurs pour l’acquéreur, la valeur de remplacement pour le vendeur et, pour les deux
parties, la prise en compte des travaux d’amélioration et d’entretien rendus nécessaires
pour pallier l’inconfort ou la vétusté de l’immeuble objet de la vente. Or, en accordant les
points de vue du vendeur et de l’acquéreur, il ne fait aucun doute que l’agent immobilier
participe, à son échelle, à la rencontre de l’offre et de la demande, et donc au bon
fonctionnement du marché immobilier.
10 - De fait, l’agent immobilier est l’acteur principal d’une pièce qui se joue à trois
personnages : l’agent, son client, qui souhaite vendre ou acheter et fait appel pour cela aux
services de l’agent, enfin toute personne qui envisage sérieusement de devenir le
cocontractant du client de l’agent.
Les rapports à trois personnes sont toujours délicats dans la mesure où deux d’entre elles se
liguent volontiers contre la troisième. C’est précisément ce qu’il faut éviter ici, où le couple
qui s’est formé entre l’agent et son client implique logiquement une certaine complicité née
de la relation de confiance établie entre l’agent et son mandant, complicité qui risque de
susciter de la méfiance chez le tiers qui envisage de contracter avec le mandant. Pour ne pas
le rebuter, il est indispensable que l’agent immobilier parvienne à le faire entrer dans le
climat de détente qu’il a su créer avec son client. Cependant, cela n’est possible que si
l’agent se montre capable d’arbitrer avec sagesse les conflits d’intérêts qui ne manqueront
pas de surgir entre son client et le tiers, tous deux porteurs d’intérêts radicalement
divergents.
Page 21
d’arguments rationnels, à accepter l’idée d’un juste prix19. Notamment, l’agent peut les
convaincre en leur indiquant le prix auquel ont été vendus sur le marché local des
immeubles comparables ou encore leur signaler, à condition qu’il en existe sur ce même
marché, le prix des biens de remplacement.
11 - Une relation juridique à trois personnes est toujours originale ; mais ici, l’originalité est
poussée à son paroxysme.
Entre l’agent immobilier et son client, il existe évidemment un contrat, dont la nature est
d’ailleurs ambiguë, mais que l’on qualifie volontiers de mandat. Le service que l’agent rend à
son client consiste à trouver le troisième personnage avec lequel le client, qu’il soit vendeur
ou qu’il soit acheteur, conclura la vente. On a donc deux contrats, mais ceux-ci sont passés
entre des personnes différentes : le mandat entre l’agent et son client, la vente entre le
client et le tiers découvert par l’agent. On imagine alors la complexité de la situation lorsque
l’une des parties au contrat de vente, mécontente de l’opération, entreprend d’engager la
responsabilité civile de l’agent immobilier.
Bien entendu, le service que l’agent rend à son client est rémunéré20. Ses honoraires, fixés
librement par lui, varient en fonction du type du bien entre 4 et 10% du prix de vente de
l’immeuble. Mais, bizarrerie étonnante, ce n’est pas nécessairement le client qui, bien qu’il
soit le bénéficiaire du service rendu, supporte le poids de la rémunération à verser à l’agent.
Le mandat peut en effet prévoir que sa rémunération est à la charge du cocontractant du
client. Outre qu’une telle solution défie les règles habituellement applicables aux contrats,
elle renforce l’idée que l’activité de l’agent immobilier ne profite pas uniquement à son
client, mais aussi à la personne qui contracte avec lui.
C’est d’ailleurs elle qui a, en partie, justifié l’intervention du législateur, lequel a posé les
bases des règles qui encadrent aujourd’hui l’exercice de la profession d’agent immobilier.
12 - Avant la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dite loi Hoguet du nom du député initiateur du
texte, l’activité d’entremise s’exerçait dans la plus totale liberté. La profession d’agent
19 C’est pourquoi l’on ne saurait souscrire à l’opinion de l’auteur anonyme du « guide de la vente
immobilière », publié sur le site http://www.impotrevenu.fr, selon laquelle l’agent, mandataire du vendeur
appâterait ce dernier en lui faisant miroiter un prix élevé, pour ensuite le mettre en condition d’accepter
un prix de vente beaucoup plus bas, inférieur à la valeur du bien sur le marché.
20 Pendant longtemps, la rémunération était appelée « commission » ; mais depuis la loi ALUR du 24 mars
2014 qui a modifié l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970, l’agent immobilier perçoit des « honoraires ».
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immobilier ne présentait aucune spécificité, en ce sens que les agents immobiliers relevaient
simplement de la vaste catégorie des agents commerciaux, dont certains s’étaient
spécialisés dans le domaine des transactions immobilières. Le contrat entre l’agent
immobilier et son client était conclu sans avoir à respecter la moindre contrainte, au point
que rien ne s’opposait à ce qu’il fût passé verbalement. Surtout, la rémunération de l’agent,
librement convenue entre celui-ci et le client, était due indépendamment de la conclusion
effective de la transaction projetée, ce qui n’avait pas manqué d’inciter certains agents à
adopter des conduites critiquables au détriment de leurs clients qui avaient payés un service
purement fictif.
Il est certain que la loi Hoguet a apporté un progrès décisif dans la lutte contre les
comportements déviants de certains agents immobiliers. Pour autant, l’œuvre du législateur
ne s’est pas arrêtée là ; une bonne vingtaine de textes, lois ou ordonnances, sont venus
modifier les dispositions initiales de la loi de 1970. Si la plupart de ces textes n’ont apporté
que des modifications ponctuelles sur lesquelles il n’y a pas lieu de s’attarder, en revanche la
loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi ALUR21, mérite une attention particulière.
Selon les pouvoirs publics, la loi ALUR permet des avancées significatives sur les trois
objectifs qu’elle poursuit : réguler les marchés immobiliers et encadrer les pratiques
abusives, favoriser l’accès au logement en protégeant les populations les plus vulnérables et
développer l’innovation et la transparence dans le domaine de l’habitat22. On constate
immédiatement que sur les trois objectifs, les deux derniers objectifs peuvent être laissés de
côté, le deuxième parce qu’il s’intéresse au développement de l’offre de logement et à
l’amélioration des relations entre bailleurs et locataires23, et le troisième parce qu’il
concerne de nouvelles formes d’habitat, notamment l’habitat participatif, et la transparence
dans les attributions du logement social. Reste alors le premier objectif qui, par les idées
auxquelles il se réfère, la régulation des marchés immobiliers et l’encadrement des pratiques
abusives, renvoie clairement aux thèmes qui sont au cœur du présent travail.
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s’agissant des copropriétés dont le syndic est un professionnel de l’immobilier, la loi ALUR,
allongeant la liste des activités énumérées par l’article 1er de la loi Hoguet, déclare celle-ci
applicable aux syndics professionnels de l’immobilier25 et soumet ces derniers à différentes
mesures26, telles que l’ouverture au nom du syndicat d’un compte bancaire séparé 27 et le
respect du contrat type de syndic dont le contenu est tel défini par le décret du 26 mars
201528. En particulier, le contrat doit fixer une rémunération annuelle forfaitaire pour les
prestations de gestion courante du syndic, ainsi qu’une liste limitative des prestations non
incluses dans le forfait pouvant donner lieu à rémunération supplémentaire.
Mais, s’agissant des modifications apportées par la loi ALUR à la loi Hoguet, celles qui visent
à encadrer les pratiques abusives commises par les agents immobiliers en tant
qu’intermédiaires dans les ventes, sont marginales. Par exemple, lorsque le contrat passé
entre l’agent et son client contient une clause d’exclusivité, il doit désormais préciser « les
actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée
ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées
pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties »29 ou encore, si le client
n’agit pas dans le cadre de ses activités professionnelles, le contrat doit mentionner « en
caractères très apparents les dispositions du deuxième alinéa de l’article 78 du décret »
d’application de la loi Hoguet, dispositions qui protègent le client en cas de clause
d’exclusivité30. De même, lorsque le client relève du Code de la consommation, «les
modalités de non reconduction des contrats définies aux deux premiers alinéas de l’article L.
136-1 du code de la consommation sont mentionnées de manière lisible et visible… »31.
14 - Ainsi, il faut signaler que la loi ALUR renforce les exigences de la loi Hoguet relatives à la
compétence dont doivent faire preuve les agents immobiliers, en les soumettant à une
obligation de formation continue32 ou encore en précisant davantage les conditions
25 L’article 24 de la loi ALUR ajoute en effet un 9ème point à la liste des activités soumises à la loi du 2
janvier 1970 et énoncées par son article 1er.
26 En outre, les articles 52 et 53 de la loi ALUR réforment en profondeur le statut des copropriétés, en
exigeant leur immatriculation au registre des copropriétés destiné, selon l’expression du nouvel article L
711-1 du Code de la construction et de l’habitation, à « faciliter la connaissance des pouvoirs publics sur
l'état des copropriétés et la mise en œuvre des actions destinées à prévenir la survenance des
dysfonctionnements ». L’article 54 impose lors de la vente de lots de copropriété des mesures qui ont pour
but d’informer les acquéreurs de la situation financière de la copropriété ; à cet égard, divers documents
doivent être annexés à la promesse de vente, faute de quoi le délai de rétractation prévu par l’article L
271-1 du Code de la construction et de l’habitation ne saurait courir.
27 Article 55 de la loi ALUR, qui réforme sur de nombreux points les dispositions de l’article 18 de la loi n°
65-557 du 10 juillet 1965, relatives aux pouvoirs du syndic.
28 Article 55 de la loi ALUR et décret n° 2015-342 du 26 mars 2015.
29 Nouvel alinéa ajouté par l’article 24 de la loi ALUR à l’article 6. I de la loi Hoguet.
30 Nouvel alinéa ajouté par l’article 24 de la loi ALUR à l’article 7 de la loi Hoguet.
31 Autre nouvel alinéa ajouté par l’article 24 de la loi ALUR à l’article 7 de la loi Hoguet
32 Article 3-1 de la loi Hoguet créé par l’article 24 de la loi ALUR.
Page 24
auxquelles les personnes qu’ils emploient peuvent être habilitées par eux à exercer des
activités d’entremise33. De même, la loi ALUR prend des précautions pour que les clients
auxquels l’agent propose les services d’une entreprise soient informés des « liens directs de
nature capitalistique…ou juridique » que l’agent ou son personnel entretient avec ladite
entreprise34.
Mais le plus important n’est pas là : il réside dans le nouveau titre II bis que la loi ALUR
insère dans la loi Hoguet, titre consacré à l’encadrement et au contrôle des activités de
transaction et de gestion immobilières.
En effet, jusqu’à la loi ALUR, le législateur n’envisageait la profession d’agent immobilier que
dans une démarche d’ordre micro-économique, c’est-à-dire qu’il la regardait uniquement à
travers le prisme du rapport contractuel singulier que l’agent noue avec son client et, au-
delà, à travers le prisme de l’exercice individuel de la profession. Mais, avec la création du
« Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières dont la mission est de veiller
au maintien et à la promotion des principes de moralité, de probité et de compétence
nécessaires au bon accomplissement des activités (d’entremise) »35, le regard du législateur
s’élargit : il s’inscrit désormais dans une perspective d’ordre macro-économique.
Ce n’est plus seulement le contrat singulier passé entre l’agent immobilier et son client qui
est pris en considération, mais l’ensemble de tous les contrats passés par tous les agents. En
d’autres termes, il s’agit maintenant de veiller au bon fonctionnement du marché de
l’immobilier.
15 - Dès lors, il ne fait aucun doute qu’une étude qui ambitionne d’expliquer la fonction de
l’agent immobilier dans la vente d’immeuble achevé doit être menée aussi bien sous l’angle
macro-économique du marché, que sous l’angle micro-économique des deux contrats qui
permettent de finaliser le processus de vente, le premier étant passé entre l’agent
immobilier et son client et le second entre l’acquéreur et le vendeur.
C’est pourquoi il convient d’examiner d’abord la place de l’agent immobilier sur le marché
de l’immobilier, puis le rôle de l’agent immobilier dans la conduite du processus de vente.
Page 25
P REMIERE PARTIE
16 - L’agent immobilier n’est que l’un des divers intervenants qui sont susceptibles d’opérer
sur le marché de l’immobilier. Mais, parmi tous les acteurs du marché complexe de
l’immobilier, il est, de loin, l’intermédiaire le plus fiable (chapitre 1). Mieux encore, son
activité fait de lui un rouage structurant du marché de l’immobilier (chapitre 2).
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CHAPITRE 1
17 - L’agent immobilier appartient à une profession dont l’activité est réglementée par la loi
n°70-9 du 2 janvier 1970 et par son important décret d’application n° 72-678 du 20 juillet
1972. Une telle appartenance est évidemment de nature à légitimer la confiance que
vendeurs et acheteurs accordent à l’agent immobilier.
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Section 1 : L A FIABILITE ATTACHEE A LA REGLEMENTATION DE LA
PROFESSION D ’ AGENT IMMOBILIER
La loi et son décret ont été modifiés à maintes reprises. S’il est inutile d’entrer dans le détail
de toutes les modifications qui ont eu lieu depuis l’origine, il est indispensable, en revanche,
de signaler les importantes modifications apportées à la loi de 1970 par la loi ALUR de 2014,
ainsi que par la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des
chances économiques.
Outre que ces deux lois ont renforcé les dispositions du titre 1 de la loi, titre consacré à
l’exercice des activités d’entremise et de gestion des immeubles et fonds de commerce,
elles ont surtout mis en place, en ajoutant à la loi Hoguet un titre II bis, l’encadrement et le
contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières. Désormais, non seulement
le Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières veille au maintien et à la
promotion des principes de moralité, de probité et de compétence nécessaires au bon
accomplissement des activités effectuées par l’agent immobilier36 ; mais encore une
commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières connaît de
l’action disciplinaire exercée, à raison de faits commis dans son ressort, à l’encontre par des
agents immobiliers37.
19 - La loi Hoguet ne vise pas directement la profession d’agent immobilier. Comme son
intitulé l’indique, elle s’intéresse aux « activités d’entremise et de gestion des immeubles et
des fonds de commerce ». Mais, en énonçant toutes les opérations assujetties à la
réglementation qu’elle édicte, opérations qui constituent l’activité habituelle de l’agent
immobilier, la loi enserre nécessairement sa profession dans un réseau d’obligations que
l’agent immobilier doit impérativement respecter.
Mais ce n’est pas parce que la loi Hoguet vise des opérations et non la profession d’agent
immobilier, qu’il faut en déduire que tous ceux qui interviennent sur le marché de
l’immobilier pour effectuer lesdites opérations sont soumis au « statut » de l’agent
immobilier. En réalité, les intervenants sur le marché de l’immobilier ne sont pas tous
assujettis aux règles que la loi de 1970 a édictées.
Dans ces conditions, il convient d’étudier le champ d’application de la loi Hoguet (§1), avant
d’examiner en quoi l’application de la loi offre à ceux qui contractent par l’intermédiaire de
l’agent immobilier des garanties spécifiques (§2).
36 Sur la mission du conseil national de la transaction et de la gestion immobilière, voir supra, n° 390 - .
37 Sur l’action disciplinaire exercée contre les agents immobiliers, voir supra, n° 391 - .
Page 28
§ 1 - Le champ d’application de la loi Hoguet
20 - L’article premier de la loi de 1970 énumère une longue série d’opérations qui portent
sur les biens d’autrui et qui, même effectuées à titre accessoire, entrent dans son champ
d’application. La liste, qui vise en son 3° un acte aussi désuet que la « cession d’un cheptel
mort ou vif », et qui a été à plusieurs reprises complétée par de nouvelles opérations38,
contient évidemment toutes les opérations que l’agent immobilier accomplit
habituellement, et particulièrement celles qui nous intéressent, noyées dans le 1° de
l’article, à savoir « l’achat, la vente, la recherche, l’échange, la location ou sous-location,
saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ».
Cependant, l’agent immobilier n’est pas le seul à s’entremettre entre celui qui désire vendre
et celui qui désire acheter ; d’autres personnes le font également, mais ne sont pas soumises
à la loi de 1970. En effet, l’article 2 exempte certains professionnels du champ d’application
de la loi.
21 - La liste d’exclusion établie par l’article 2 de la loi de 1970 concerne aussi bien des « non
professionnels », que des professionnels. Il n’y a pas lieu de s’attarder sur les premiers, qu’il
s’agisse de la personne qui vend un immeuble lui appartenant ou de son conjoint 39 ou
encore qu’il s’agisse de la personne représentant légal d’un incapable ou mandataire d’un
proche parent ou allié40, ces derniers souhaitant acheter ou vendre un bien leur
appartenant. En revanche, les professionnels mentionnés dans la liste méritent de retenir
l’attention.
Parmi les professionnels exclus du champ d’application de la loi Hoguet, l’article 2 distingue
entre deux catégories. La première catégorie est composée de professions dont le législateur
renvoie au pouvoir exécutif le soin de fixer la liste « en considération du contrôle dont leur
activité professionnelle fait l’objet ainsi que des garanties financières qu’ils offrent pour
l’exercice de cette activité ». En l’occurrence, cette liste figure à l’article 95 du décret du 20
juillet 1972. La seconde catégorie est composée de professions dont l’article 2 fixe lui-même
la liste.
38 La dernière modification, fruit de la loi ALUR du 24 mars 2014, a ajouté à la liste les fonctions de syndic
de copropriété.
39 Alinéa 2 de l’article 2 de la loi du 2 janvier 1970.
40 Alinéa 3 de l’article 2.
Page 29
1 - Les professions exclues en raison de l’article 95 du décret de 1972
S’il n’est pas question ici d’entrer dans le détail de chacune de ces professions, il semble
cependant opportun de s’intéresser à celles qui interviennent le plus fréquemment en
qualité d’intermédiaires dans les ventes immobilières, à savoir les notaires, les avocats et les
administrateurs judiciaires.
23 - Les notaires sont des officiers publics titulaires d’une charge dont ils sont propriétaires
en France de l’intérieur. Dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle,
ils ne sont pas propriétaires de leur office notarial ; ils sont nommés par le Garde des Sceaux
ministre de la Justice qui les choisit en fonction de leur état d’avancement sur une liste à
laquelle ils accèdent après avoir réussi l’examen d’aptitude de notaire qu’ils passent soit
après leur cursus universitaire, soit par la voie de la formation professionnelle après un stage
dans une étude, soit enfin par certaines passerelles professionnelles.
Selon le site des notaires de France, les données statistiques du notariat en chiffres sur la
période du 1er juillet 2010 au 31 mai 2013 ont évolué ainsi :
FOCUS sur les 1er janvier 2007 1er juillet 31 mai 2013
Notaires : 2010
Nombre de notaires 8.494 9.002 9.446
Exercent en société 6268 6.566 6.895
Nombre de sociétés 2.660 2.779 2.918
Nombre d’offices 4.515 4.534 4.556
Nombre de Bureaux 1.302 1.317 1.326
annexes
Nombre de salariés 48.000 44.500 48.000
Nombre de notaires 1.929 (22,7%) 2.525 (28%) 3.063 (32%)
femmes
L’activité
économique du
notariat :
Chaque année, les N.C. 20 millions de
notaires reçoivent : personnes
Montant des capitaux N.C. 600 milliards
traités d’euros
41 A noter que la profession d’architecte que l’on s’attend à découvrir dans l’énumération n’y figure pas.
L’explication de leur absence doit être recherchée dans leur statut ordinal, lequel leur interdit toute
activité de transaction immobilière. Ils ne peuvent donc se livrer, à titre accessoire, qu’à des activités de
gestion immobilière. Mais, s’agissant de celles-ci, le dernier alinéa de l’article 95 réserve aux architectes
un sort particulier : ils sont seulement dispensés de produire les justifications relatives à leur aptitude
professionnelle.
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Nombre d’actes N.C. 3,6 millions 4 millions
authentiques établis
Chiffre d’affaires N.C. 5,5 millions 7 millions
réalisé d’euros d’euros
Répartition de
l’activité notariale
suivant le Chiffre
d’affaires :
Immobilier, ventes N.C. 49% N.C
construction, baux
Actes liés au crédit N.C. 14 % N.C
Actes de famille, N.C. 26 % N.C.
succession
Négociation N.C. 4% N.C.
immobilière
Droit de l’entreprise, N.C. 7% N.C.
conseil, expertise,
conseil patrimonial
Si, du point de vue de l’ordre des notaires, l’entremise des notaires se situe dans le
prolongement naturel de leur activité principale, dont elle constitue l’accessoire, telle n’a
pas été l’opinion des agents immobiliers.
Ces derniers ont en effet attaqué pour excès de pouvoir la décision du 10 février 1997 par
laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande tendant à
l'abrogation de l'arrêté du 27 mai 1982 portant approbation d'une annexe au règlement
intérieur du Conseil supérieur du notariat précisant les règles qui s'imposent aux notaires en
matière de négociation de biens à vendre ou à louer. Mais le Conseil d’Etat ne les a pas
suivis42.
Même échec lorsque les agents immobiliers se sont plaints devant le juge judiciaire de ce
que les formes de publicité auxquelles les notaires recouraient étaient contraires à leur
statut, qui interdit le démarchage des clients, et constitutives de concurrence déloyale à
Page 31
l'égard de la profession des agents immobiliers dénigrée par les notaires. La Cour de
cassation a rejeté le pourvoi formé par les agents immobiliers43. D’une part, « les procédés
invoqués aboutissaient à une publicité informative générale, ne consistaient pas à rechercher
à domicile des clients éventuels et ne comportaient aucune proposition personnalisée de
prestation de service, en a exactement déduit qu'aucun fait de démarchage ne pouvait être
retenu ». D’autre part, « le seul fait de s'attribuer des qualités ne signifie pas que les
entreprises concurrentes en soient dénuées, la cour d'appel, qui a estimé que les seules
revendications dans les publicités litigieuses "d'un service de professionnel" ainsi que des
qualités de "sécurité, compétence et efficacité" n'étaient pas constitutives d'un dénigrement
indirect a pu statuer comme elle l’a fait ».
24 - L’avocat exerce une profession libérale. L’activité immobilière qu’il lui est permis
d’exercer ne peut être qu’accessoire à son activité principale. Cette activité immobilière, par
nature commerciale, a été revendiqué par le barreau depuis une quarante d’années, les
avocats invoquant le fait que leurs activités ne se limitent pas aux affaires contentieuses,
mais incluent la négociation, l’entremise, le conseil, et la rédaction d’actes, etc. pour leurs
mandants.
Mais chaque barreau ayant son règlement intérieur propre, les avocats étaient ou non
autorisés à s’entremettre dans les opérations de vente immobilière, selon que le règlement
intérieur du barreau auquel ils appartenaient le permettait ou le refusait. Il en résultait une
situation disparate qu’il importait d’unifier.
Pour ce faire, l’avocat doit adresser au Bâtonnier une lettre déclarant sa volonté d’être
mandataire en transactions immobilières, cette activité, par hypothèse accessoire, étant
pratiquée en vue de la rédaction d’un contrat ou avant-contrat. L’avocat doit également
Page 32
ouvrir un sous-compte spécial CARPA, soumis au contrôle du Conseil de l’Ordre. Bien
entendu, dans son activité de mandataire en transactions immobilières, l’avocat reste tenu
de respecter les principes essentiels de sa profession et les règles du conflit d’intérêts en
sorte qu’il ne peut intervenir que pour l’une des parties et ne perçoit d’honoraires que de
celle-ci. Surtout, il doit disposer d’un mandat écrit définissant sa mission, laquelle est limitée
à une durée raisonnable.
Cependant, il s’agit probablement là d’une malfaçon dans la rédaction du texte, tant il paraît
logique de considérer que les mandataires qui, par hypothèse, ont pour tâche de vendre les
actifs de l’entreprise en état de liquidation judiciaire, ne sont pas soumis à la loi Hoguet en
raison de la stricte réglementation qui s’applique à leur profession.
26 - A côté des professions traditionnelles, dont les plus intéressantes du point de vue des
transactions immobilières viennent d’être examinées, l’alinéa 2 de l’article 95 du décret
mentionne un certain nombre d’entreprises qui sont également exemptées de l’application
des dispositions de la loi Hoguet et que nous laisserons de côté car elles exercent
uniquement des activités de gestion immobilières et cela dans le cadre d’une mission de
Page 33
service public. Il s’agit en effet des « sociétés filiales de sociétés nationales ou d’entreprises
publiques qui gèrent exclusivement les immeubles de ces sociétés ou entreprises, … (des)
organismes collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction, dans la
mesure où ces organismes gèrent les immeubles qu’ils ont construits… (et des) sociétés
d’économie mixte dont l’Etat ou une collectivité locale détient au moins 35 % du capital
social, ni aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural ».
Pas davantage ne nous retiendra l’alinéa 3 de l’article 95. En effet, le texte concerne « dans
les limites de leur compétence, (les) sociétés anonymes coopératives d’habitation à loyer
modéré de location-attribution mentionnées aux articles L. 422-13 et suivants du code de la
construction et de l’habitation, (et les) organismes d’habitation à loyer modéré mentionnés à
l’article L. 411-2 du code de la construction et de l’habitation ». C’est donc le secteur
particulier du logement social qui est en cause, pour les activités de gestion et pour les
transactions, même si les immeubles appartiennent à d’autres HLM, à des collectivités
publiques, à des sociétés d’économie mixte, à des organismes à but non lucratif ou à des
sociétés civiles coopératives de construction.
Reste alors à examiner la liste des professions expressément exclues par l’article 2 de la loi
Hoguet.
Il est parfaitement inutile de développer ces exceptions à l’application de la loi Hoguet, tant
il paraît évident que l’activité de ces diverses entreprises est dépourvue de lien avec
l’entremise dans la vente d’immeuble.
La même observation s’impose à propos d’une autre exception prévue par l’article 2 qui vise
« les représentants légaux ou statutaires de sociétés de construction régies par les articles L.
212-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation pour la réalisation des
premières cessions des parts ou actions ». En effet, les articles L 212-1 et suivants du Code de
la construction et de l’habitation sont relatifs aux sociétés qui ont pour objet la construction
ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées
aux associés en propriété ou en jouissance. Il est alors clair que l’activité de ces sociétés
dites de construction attribution est totalement étrangère à l’activité d’entremise dans la
vente d’immeuble, pas plus que la première cession des parts ou actions de la société
effectuées par la personne habilitée à la représenter.
Page 34
28 - Le promoteur immobilier est une personne dont l’activité consiste à réaliser un
programme de construction d’un ou de plusieurs édifices, des travaux d’étude à la
réalisation complète du programme, ainsi qu’à procéder à tout ou partie des opérations
administratives, juridiques et financières concourant à la réalisation dudit programme. Le
promoteur est donc un technicien de la construction qui opère soit au nom du maître de
l’ouvrage, soit en son nom propre.
Lorsqu’il opère au nom du maître de l’ouvrage, il exerce son activité dans le cadre d’un
contrat de promotion immobilière qui fait de lui le mandataire rémunéré du maître de
l’ouvrage, comme l’indique l’article 1831 du Code civil repris en cela par l’article L 221-1 du
Code de la construction et de l’habitation. En pareille hypothèse, le promoteur n’est qu’un
prestataire de services ; selon le contrat qui le lie au maître de l’ouvrage, il aura ou n’aura
pas pour tâche de commercialiser le programme. Mais s’il doit s’occuper de vendre
l’immeuble, alors il exerce une activité d’intermédiaire sur le marché immobilier. Du même
coup, il est soumis aux dispositions de la loi Hoguet.
Mais le promoteur peut également opérer en son nom propre, ce qui lui donne la qualité de
constructeur. Dès lors que cette qualité appartient au promoteur en tant que constructeur
individuel ou qu’elle appartient à la société de construction qu’il a créé pour développer le
programme en cause et à laquelle il a apporté des fonds, cela permet au promoteur de
commercialiser le programme immobilier sans être soumis aux dispositions de la loi
Hoguet48. A l’évidence, en pareil cas, le promoteur n’agit pas en tant qu’intermédiaire sur le
marché immobilier, mais en tant que constructeur-vendeur d’immeubles.
Agit également en tant que vendeur, et non en tant qu’intermédiaire, celui qu’on appelle
marchand de biens. En effet, ce dernier achète des immeubles pour les revendre. Et si une
telle activité lui vaut la qualité de commerçant, puisque sont commerçants ceux qui font des
actes de commerce à titre de profession habituelle49 et que l’achat d’un immeuble pour le
revendre est un acte de commerce50, elle le libère aussi de la loi de 1970.
48 A noter que le promoteur qui exerce la fonction de syndic statutaire pour la période allant de la mise en
place de la copropriété jusqu’à la première assemblée des copropriétaires en prolongement de sa gestion
de l’immeuble le temps de vendre les lots restants, n’est pas soumis à la loi lorsqu’il est titulaire d’un lot de
copropriété.
49 Voir l’article L 121-1 du Code de commerce.
50 Voir l’article L 110-1 du Code de commerce dont le 2° répute acte de commerce «Tout achat de biens
immeubles aux fins de les revendre, à moins que l'acquéreur n'ait agi en vue d'édifier un ou plusieurs
bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux ».
51 Les marchands de biens acquièrent les immeubles en exonération des droits de mutation habituels et
en franchise de droit d’enregistrement à condition que la revente intervienne dans un délai de quatre ans.
Seule la taxe de publicité foncière au taux de 0,615% est due. Lors de la revente des biens ou droits
immobiliers, il sera du la TVA au taux en vigueur sur le bénéfice réalisé résultant de la différence entre le
prix de vente et le prix d’achat majoré des frais et montants des travaux réalisés sur l’immeuble dans
l’intervalle. Bien entendu le profit subsistant est incorporé dans le chiffre d’affaire et suit la fiscalité
attachée à la personne morale de l’entreprise, ou à la personne physique du marchand de biens.
Page 35
B - Les intermédiaires soumis à l’application de la loi de 1970
Tel est le cas du professionnel qui se livre exclusivement à l’activité de syndic de copropriété
ou de celui qui vend exclusivement des listes ou des fichiers relatifs à l’achat, la vente ou la
location d’immeubles ; mais il faut bien remarquer qu’en général les agents immobiliers
cumulent leurs fonctions habituelles d’entremise avec les fonctions d’administrateur de
biens et de syndic de copropriété ou encore plus rarement avec celles de vendeurs de listes.
D’ailleurs, s’agissant de ce dernier cumul, l’article 79-3 du décret de 1972 prohibe les
opérations conjointes et simultanées de transaction et de vente de listes portant sur un
même bien. En revanche, le texte permet de faire suivre la vente de listes d’un mandat de
transaction ; mais, dans cette éventualité, l’agent immobilier doit, préalablement à la
signature du mandat, rembourser à son client la rémunération qu’il a perçue lors de la vente
de listes.
A noter que, depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, le professionnel qui se borne
exclusivement à rechercher un bien pour le compte d’un tiers sans procéder à la négociation
qui aboutira le cas échéant à l’achat du bien, relève désormais du 1° de l’article 1 de la loi de
1970, la loi ALUR ayant ajouté aux opérations visées par le 1° « la recherche ». C’est dire que
celui qu’on appelait avant l’adoption de la loi ALUR « chasseur de biens » et qu’on distinguait
de l’agent immobilier, doit désormais, par application de l’article 1er du décret de 1972
modifié par le décret du 19 juin 2015, être détenteur d’une carte professionnelle 54 portant la
mention « transactions sur immeubles et fonds de commerce », c’est-à-dire d’une carte qui
est le signe de l’exercice de la profession d’agent immobilier. Il semble donc qu’il n’y a plus
lieu, à présent, de distinguer le chasseur de biens de l’agent immobilier.
Enfin, sachant qu’en vertu de l’article 1er du décret du 20 juillet 1972, la carte
professionnelle portant la mention « transactions sur immeubles et fonds de commerce » est
obligatoire pour toutes les opérations visées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 5° et 8° de l’article 1er de la loi
Hoguet55, il est clair que les opérations prévues aux 4° et 5°, qui concernent respectivement
52 En pareil cas, l’agent immobilier devra être titulaire des quatre cartes professionnelles qui recouvrent
l’étendue de toutes les activités mentionnées à l’article 1 er de la loi Hoguet, c’est-à-dire non seulement la
carte « transactions sur immeubles et fonds de commerce », mais encore les cartes « gestion immobilière »,
« syndic de copropriété » et « marchands de listes ».
53 Voir supra, n° 20 -
54 Sur la carte professionnelle, voir infra, n° 36 et suivants.
55 Les opérations visées par le 1°, 2° et 3° de l’article 1 er de la loi recouvrent respectivement : l’achat, la
vente, la recherche, l’échange et la location d’immeuble, l’achat, la vente ou la location-gérance de fonds de
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la souscription, l’achat, la vente d’actions ou de parts de sociétés immobilières ou de
sociétés d’habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou
en propriété et l’achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l’actif social
comprend un immeuble ou un fonds de commerce, sont également considérées comme
relevant de l’activité de l’agent immobilier. C’est dire que le banquier qui se livrerait à de
telles opérations exerce à titre accessoire la profession d’agent immobilier et doit comme tel
respecter, outre les textes spécifiques du Code monétaire et financier relatif au démarchage
bancaire, les dispositions de la loi Hoguet.
Dans une vision idéale, on trouve en tête du personnel salarié le responsable de l’agence. Il
exerce une fonction de cadre qui correspond au niveau C4 de la convention collective
nationale. A titre de repère indicatif, son niveau de formation correspond à un diplôme de
l’éducation nationale de niveau I ou II. Son emploi (indicatif) est celui de responsable de
département ou d’entreprise, sa fonction (indicative) est d’assurer la direction de l’agence.
Dans ce cas, conformément au dernier alinéa de l’article 3 de la loi de 1970, « (i)l doit être
procédé à une déclaration préalable d’activité pour chaque établissement, succursale,
agence ou bureau par la personne qui en assure la direction. Cette personne doit, en outre,
satisfaire à la condition prévue au 1° (relative à l’aptitude professionnelle)56 et ne pas être
frappée d’une des incapacités ou interdictions d’exercer définies au titre II de la présente
loi ».
Surtout, la fonction de responsable d’agence implique que ce dernier soit habilité par l’agent
immobilier, titulaire de la carte professionnelle, à négocier, s’entremettre ou s’engager pour
son compte.
A cet égard, l’article 4 de la loi de 1970 impose que la personne habilitée « justifie d’une
compétence professionnelle, de sa qualité et de l’étendue de ses pouvoirs dans des conditions
fixées par décret en Conseil d’Etat ». En l’occurrence, il s’agit d’une attestation délivrée par
l’agent immobilier, laquelle doit être « conforme à un modèle déterminé par arrêté du
ministre chargé de l’économie »57. Bien entendu, le salarié de l’agence ainsi habilité exerce
commerce et la cession de cheptel. Quant au 8°, il concerne la conclusion de tout contrat de jouissance
d’immeuble à temps partagé régi par les articles L. 121-60 et suivants du code de la consommation.
56 Sur l’aptitude professionnelle, voir infra, n° 39 -
57 Article 9 du décret du 20 juillet 1972. Selon le texte, préalablement à sa délivrance, l’attestation doit
être visée par le président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la chambre
départementale d’Ile-de-France compétente en application du I de l’article 5, le président devant s’assurer
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alors son activité d’intermédiaire entre les vendeurs et les acheteurs sous la responsabilité
de l’agent immobilier, titulaire de la carte professionnelle.
Viennent ensuite, dans l’organigramme idéal, des cadres de différents degrés, qui tous
doivent également être habilités, par l’agent immobilier et dans le respect des formes
précitées, à négocier, s’entremettre ou s’engager pour son compte.
Le cadre de niveau C3 rend compte de ses missions à la direction ou au chef d’agence. Il est
responsable de la bonne marche du ou des services ; sa contribution doit être déterminante
dans l’activité et les objectifs de la société. Le diplôme requis est de niveau I ou II, l’emploi
(indicatif) correspond au travail d’un chargé de mission, responsable de service, trésorier/
fiscaliste confirmé, négociateur expérimenté ; il participe à la définition de la politique de
l’entreprise dans différents domaines, élabore, met en œuvre et contrôle la stratégie
correspondante.
Après les cadres, viennent les agents de maîtrise, qui peuvent être des négociateurs
débutants, auquel cas l’habilitation précitée est nécessaire, ou des agents de gérance. Ils
assurent la commercialisation des biens en exécution des mandats, établissent des
documents administratifs, élaborent des documents de gestion et préparent des dossiers.
auprès du casier judiciaire national que le titulaire de l’habilitation n’est pas frappé d’une des incapacités
ou interdictions d’exercer définies au titre II de la loi du 2 janvier 1970.
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Viennent enfin les employés. Ils rédigent des courriers, tiennent les écritures dans les
registres, assurent la gestion administrative avec les clients, constituent des dossiers,
accueillent les clients et les orientent et prennent les rendez-vous téléphoniques avec les
responsables. Ils peuvent aussi effectuer de simples visites des lieux avec la clientèle.
Les VRP sont des salariés soumis à un statut particulier. Ils peuvent être attachés à un seul
agent immobilier, qui les emploie exclusivement, ou à plusieurs agents ; dans ce dernier cas,
ils sont dits VRP multicartes et jouissent d’une plus grande indépendance par rapport au VRP
salarié d’un seul agent. Qu’ils soient attachés ou non exclusivement à l’agent immobilier, ils
sont classés comme agent de maîtrise et assimilés cadre et ils sont généralement payés à la
commission, avec un minimum garanti sur la base des principes dito, le pourcentage de
commission rétrocédé variant dans une fourchette entre 20% et 30%. Le négociateur VRP
représente son employeur auprès de la clientèle qu’il prospecte à l’extérieur de l’agence
dans un secteur déterminé. Comme il visite la clientèle en vue de négocier, s’entremettre ou
s’engager pour le compte de son employeur, il est indispensable qu’il détienne l’attestation
prévue à l’article 4 de la loi de 1970.
Le principal avantage du statut de VRP réside dans le fait qu’en cas de rupture du contrat par
l’employeur, le VRP a droit à une indemnité de clientèle. Celle-ci est destinée à réparer le
préjudice résultant de la perte de la clientèle qu’il a créée, développée ou apportée à
l’entreprise ; en substance, la rupture du contrat de travail interdit au VRP de continuer à
tirer profit d’une clientèle qu’il a découverte, en passant avec elle de nouveaux contrats.
Mais, s’agissant de la vente d’immeuble, il est rare que le client démarché avec succès par le
VRP ait à nouveau, et à relativement bref délai, recours à l’agence pour l’achat ou la vente
d’un nouvel immeuble. Il faut donc en déduire que, sauf cas exceptionnel, le négociateur
VRP ne touchera pas d’indemnité de clientèle. Au moins pourra-t-il percevoir l’indemnité de
retour sur échantillonnage, qui a pour but de l’indemniser pour les ordres qui n’ont pas
encore été transmis à la date de son départ, mais qui se rattachent à des faits antérieurs à la
rupture du contrat.
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33 - Le nombre des agents commerciaux qui interviennent sur le marché immobilier en tant
que négociateurs pour le compte des agents immobiliers, tourne autour de la centaine de
milliers ; mais il tend à diminuer lorsque les affaires deviennent difficiles, car les agents
commerciaux doivent payer leurs charges patronales. Le pourcentage des commissions qui
leur sont rétrocédées par les agents immobiliers est plus élevé que celui qui revient aux
négociateurs salariés : il varie entre 50% et 80%, voire 90%, du montant des commissions.
Si l’article 4 de la loi de 1970 fait obligations aux agents commerciaux de détenir l’attestation
déjà évoquée à propos des négociateurs salariés, il rappelle également que les articles L 134-
1 et suivants du Code de commerce leur sont applicables, ce qui signifie concrètement qu’ils
doivent être immatriculés au registre spécial des agents commerciaux (RSAC) tenu au greffe
du tribunal de commerce59 dans le ressort duquel ils sont domiciliés et que leur inscription
au RSAC donne lieu à l’attribution d’un numéro d’immatriculation qui doit apparaître, avec
le lieu de l’immatriculation, sur les documents et correspondances à usage professionnel de
l’agent commercial60.
Surtout, l’alinéa 2 de l’article 4 leur impose de contracter une assurance « contre les
conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle » et les alinéas suivants
de l’article 4 édictent à leur encontre toute une série d’interdictions. Ainsi, ils ne peuvent
recevoir ou détenir, directement ou indirectement, des sommes d’argent, des biens, des
effets ou des valeurs ou en disposer à l’occasion de (leurs) activités (de négociateur) ; pas
davantage ils ne peuvent « donner des consultations juridiques ni rédiger des actes sous
seing privé, à l’exception de mandats conclus au profit d(e l’agent immobilier) ». Enfin, il leur
est interdit d’ « assurer la direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou
d’un bureau ».
34 - Une dernière hypothèse mérite d’être évoquée : que décider à propos de l’indicateur
d’affaires ?
Lorsqu’une personne se borne à indiquer une affaire, à titre amical, à un agent immobilier, il
s’agit d’un acte isolé qui ne génère aucun lien contractuel entre eux.
59 Dans les départements d’Alsace et de Moselle, l’immatriculation se fait au greffe du tribunal d’instance.
60 Voir l’article R 134-12 du Code de commerce.
61 Voir infra Note de bas de page n°250 : « Guide de l’agent immobilier ».
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En revanche, lorsque l’indicateur prend l’habitude de transmettre des indications d’affaires
contre rémunération, les choses se compliquent. L’activité d’indicateur devient sinon
professionnelle, du moins d’habitude.
Dans ce cas, l’indicateur a tout intérêt soit à cesser son activité, soit à la régulariser en se
déclarant, tant auprès des services des impôts et de l’Urssaf, qu’auprès de l’agent immobilier
afin que ce dernier officialise la relation nouée avec son indicateur en respectant les
prescriptions de l’article 4 de la loi de 1970. En effet, si l’indicateur et l’agent immobilier
préfèrent poursuivre leur relation occulte, ils risquent de sérieux ennuis.
Sachant que les agents contrôleur du fisc ainsi que ceux des Urssaf vérifient que le montant
annuel des sommes reçues ne dépasse pas un certain seuil, au-delà duquel ces revenus
seraient assimilés à ceux d’un emploi occulte, soumis à ce titre à imposition fiscale et sociale,
l’agent immobilier a toutes les chances d’être qualifié d’employeur de fait, avec les sanctions
pénales qui s’attachent au travail clandestin, sans parler de celles qui sont encourues pour
non respect des dispositions impératives de la loi Hoguet.
Précisément, les sanctions pénales prévues par la loi Hoguet au cas de violation de ses
prescriptions font partie des garanties que cette même loi apporte à ceux qui contractent
par l’intermédiaire des agents immobiliers.
Celle-ci a uniformisé les conditions d’accès à la profession d’agent immobilier et précisé les
conditions d’exercice des activités portant sur les biens d’autrui. Au fil du temps, le dispositif
a été modernisé pour mieux répondre aux nouvelles attentes des consommateurs et des
professionnels, l’objectif du législateur étant d’assurer une plus grande sécurité juridique
aux consommateurs dans leurs rapports avec les agents immobiliers.
Pour ce faire, le législateur se montre de plus en plus exigeant aussi bien sur les conditions
qui permettent d’accéder à la profession d’agent immobilier (A) que sur celles qui
gouvernent l’exercice de la profession (B).
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A - Les conditions d’accès à la profession
La carte est délivrée à la demande de celui qui ambitionne de devenir agent immobilier.
L’article 3, tel qu’il a été modifié par la loi ALUR, confie désormais au président de la
chambre de commerce et d’industrie territoriale, et non plus au préfet, le soin de délivrer la
carte professionnelle62. La demande est soit déposée contre décharge, soit adressée par
lettre R.A.R. ou par voie électronique au président de la Chambre de la C.C.I. territoriale,
dans le ressort de laquelle se trouve le siège de l’agent immobilier si la demande est
présentée par une personne morale, ou celui de son principal établissement s’il s’agit d’une
personne physique.
Bien entendu, le demandeur doit préciser la nature des opérations pour lesquelles il sollicite
l’obtention d’une carte professionnelle. Ainsi, pour l’exercice des activités d’entremise de
vente ou de location d’immeubles et de fonds de commerce, la carte professionnelle porte
la mention « transactions sur immeubles et fonds de commerce »63. Cette carte permet à son
titulaire d’exercer, outre l’entremise classique en matière immobilière ou de fonds de
commerce, d’autres activités énumérées à l’article 1er de la loi Hoguet, comme la
« conclusion de tout contrat de jouissance d’immeuble à temps partagé régi par les articles L.
121-60 et suivants du code de la consommation » mentionnée au 8° dudit article ou encore
la « souscription, l’achat, la vente d’actions ou de parts de sociétés immobilières ou de
sociétés d’habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou
en propriété » et « l’achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l’actif social
comprend un immeuble ou un fonds de commerce » mentionnée aux 4° et 5° de l’article 1er
de la loi de 1970.
De plus, si l’agent souhaite effectuer à titre accessoire des prestations de services liés au
tourisme, sa carte professionnelle comportera une mention supplémentaire intitulée
« prestations touristiques »64.
37 - La carte est délivrée, à titre onéreux65, pour une durée fixée par l’article 80 du décret de
1972 à trois ans. Naturellement, elle peut être renouvelée pour la même durée, sur
62 Le changement de l’autorité compétente pour délivrer la carte professionnelle est effectif depuis le 1er
juillet 2015, date d’entrée en vigueur du décret n°2015-702 du 19 juin 2015, modifiant le décret du 20
juillet 1972. A noter qu’en Ile de France, c’est le président de la chambre de commerce et d’industrie
départementale d’Ile-de-France qui délivre la carte.
63 On rappelle que l’article 1er de la loi de 1970 vise 9 types d’activités, tandis que l’article 1 er du décret de
1972 ne prévoit que 4 types de cartes professionnelles : celle portant la mention « transactions sur
immeubles et fonds de commerce » qui vaut pour l’exercice des activités énoncées aux 1° à 5° et au 8° de
l’article 1er de la loi, celle portant la mention « gestion immobilière » pour l’exercice de l’activité énoncée au
6°, celle portant la mention « syndic de copropriété » pour l’exercice de l’activité énoncée au 9° et celle
portant la mention « marchand de listes » pour l’exercice de l’activité énoncée au 7°.
64 Voir l’article 1er du décret de 1972 en son alinéa 7.
65 En effet, depuis un arrêté du 19 juin 2015, les formalités de délivrance ou de modification de la carte
sont établies à titre onéreux. Il en coûte 120 euros pour l’instruction et la délivrance de la carte
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présentation à la chambre de commerce et d’industrie d’une nouvelle demande, effectuée
deux mois avant la date d’expiration de la carte.
Il importe de souligner que la durée de vie de la carte a été considérablement raccourcie lors
de la réforme issue de l’adoption de la loi ALUR. En effet, avant le décret du 19 juin 2015, la
carte était octroyée par le préfet et pour une durée de dix ans66. De surcroît, l’article 3-1 de
la loi de 1970 créé par la loi ALUR a ajouté une condition supplémentaire au
renouvellement : la carte ne peut être renouvelée que si son titulaire justifie avoir rempli
son obligation de formation continue.
Autre innovation résultant de la loi ALUR, désormais la CCI de France tient à jour un fichier
des personnes titulaires de la carte professionnelle. Ce fichier national représente une
avancée en termes de transparence économique et de statistiques, car il permet de suivre
l’évolution, le positionnement et le poids des agents immobiliers relativement aux
professionnels qui exercent des activités similaires sous des régimes juridiques différents.
Jusqu’alors les préfectures restaient évasives sur le nombre de cartes professionnelles
délivrées et muettes sur celui des attestations délivrées aux collaborateurs d’agences. Par
extrapolation de leurs données, les organisations syndicales de l’immobilier estiment le
nombre d’agences entre 25.000 et 30.000, mais le paysage concurrentiel est en constante
évolution. Il s’est profondément modifié au cours de la décennie qui a précédé le
renversement de marché en 2008, où l’envolée des prix fit naître une multitude de
nouveaux entrants, en particulier des filiales de banques et d’assurances grâce à leur
maillage territorial et à leurs nombreux collaborateurs. Le nombre d’attestations délivrées
par les banques, sans exigence particulière de compétence en immobilier, n’a pas été
recensé.
Est-ce à dire que les chambres de commerce seront plus rigoureuses et plus transparentes
que les préfectures en matière d’information à destination de leurs adhérents ? On peut
l’espérer, mais auront-elles les moyens adéquats ? Il est permis d’en douter car l’époque est
à la reconfiguration des CCI régionales ; il y règne des rivalités de pouvoirs entre syndicats
patronaux, des dissensions sur la détermination des villes d’implantations et sur la
répartition équitable des sièges décisionnels au regard du poids économique des CCI
départementales ; de plus les restrictions budgétaires ayant entraîné des compressions de
personnel, on peut craindre quelques dysfonctionnements.
professionnelle, 50 euros pour modifier la carte professionnelle, 80 euros pour la délivrance d’un
récépissé de déclaration préalable d’activité, 50 euros pour la délivrance d’une attestation à la personne
habilitée par le titulaire de la carte professionnelle.
66 A noter que les cartes délivrées avant le 1er juillet 2015 conservent leur validité soit, pour celles qui ont
été délivrées avant le 1er juillet 2008, jusqu’à leur date d’expiration ; les cartes délivrées entre le 1er
juillet 2008 et le 30 juin 2015, sont valables jusqu’au 1er juillet 2018.
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39 - L’aptitude professionnelle est appréciée dans la personne du demandeur lorsque ce
dernier exerce son activité sous la forme d’une entreprise individuelle ou dans la personne
des représentants légaux de la société lorsque l’activité est exercée sous la forme sociale.
Lorsque l’aptitude professionnelle a été acquise en France, elle peut être établie de
différentes manières.
Ainsi, selon l’article 11 du décret de 1972, elle résulte de la production d’un des diplômes
énumérés par le texte. Il s’agit « 1° Soit d’un diplôme délivré par l’Etat ou au nom de l’Etat,
d’un niveau égal ou supérieur à trois années d’études supérieures après le baccalauréat et
sanctionnant des études juridiques, économiques ou commerciales ; 2° Soit un diplôme ou un
titre inscrit au répertoire national des certifications professionnelles d’un niveau équivalent
(niveau II) et sanctionnant des études de même nature ; 3° Soit le brevet de technicien
supérieur professions immobilières ; 4° Soit un diplôme de l’institut d’études économiques et
juridiques appliquées à la construction et à l’habitation ».
Il est important de souligner que la production de ces diplômes confère un accès direct à la
profession, sans qu’il soit besoin de justifier d’une quelconque expérience professionnelle.
Cet accès direct s’explique certes par l’acquisition de connaissances théoriques qui indiquent
une aptitude à comprendre des problèmes immobiliers couramment rencontrés. En
pratique, cependant, cela nous paraît insuffisant comme gage de compétences, du moins
tant que ces nouveaux entrants n’ont pas confrontés leur inexpérience aux difficultés du
terrain. De notre point de vue, il conviendrait de compléter cette formation théorique par un
stage pratique obligatoire en entreprise, d’au moins six mois, chez un agent immobilier
habilité à reconnaître la capacité d’autonomie du postulant, avant de valider la carte
professionnelle permettant d’exercer l’activité d’entremise et de négociation.
Selon l’article 12 du décret, l’accès à la profession est également ouvert aux demandeurs qui
sont titulaires de diplômes moins élevés67, mais qui ont « occupé pendant au moins trois ans
un emploi subordonné se rattachant à une activité mentionnée à l’article 1er de la loi du 2
janvier 1970 susvisée et correspondant à la mention demandée », à savoir la mention de
transaction qui nous intéresse ici.
A noter que le texte ne précise pas ce qu’est l’emploi subordonné en cause68 : s’il s’agit d’un
emploi de bureau, une expérience pratique du terrain d’un moins trois ans nous paraît un
minimum requis pour savoir de quoi on parle avec la clientèle, sans pour autant être
crédible, ni efficace à l’épreuve du terrain.
Selon l’article 14 du décret, une troisième possibilité d’accéder à la profession est offerte
aux personnes « qui ont occupé l’un des emplois mentionnés au 2° de l’article 12 pendant au
moins dix ans. Cette durée est réduite à quatre ans s’il s’agit d’un emploi de cadre au titre
67 En l’occurrence, il s’agit « soit d’un baccalauréat, soit d’un diplôme ou d’un titre inscrit au répertoire
national des certifications professionnelles d’un niveau équivalent (niveau IV) et sanctionnant des études
juridiques, économiques ou commerciales ».
68 En revanche l’article 15 du décret précise que « (l)es durées d’occupation mentionnées aux articles 12
et 14 s’entendent d’un emploi à temps complet ou de l’équivalent en temps complet d’un emploi à temps
partiel, que cette occupation ait été continue ou non ».
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duquel le demandeur était affilié comme tel auprès d’une institution de retraite
complémentaire ou d’un emploi public de catégorie A ou de niveau équivalent ». Ici encore,
s’il s’agit d’un emploi subordonné de bureau, une expérience pratique du terrain d’au moins
un an nous paraît être un minimum pour savoir de quoi on parle avec la clientèle.
Il importe également de signaler que selon l’article 16 du décret, « Les personnes qui, sans
être titulaires de la carte professionnelle, assument la direction de l’entreprise, telles que les
gérants, mandataires ou salariés, ou celle d’un établissement, d’une succursale, d’une
agence ou d’un bureau, ont à justifier de leur aptitude professionnelle dans les conditions
prévues à l’article 11 ou dans celles prévues aux articles 12 et 14, avec un temps d’activité
réduit de moitié ».
Enfin, pour clore la question de l’aptitude professionnelle acquise en France, il n’est pas
inutile d’indiquer que les C.C.I., à l’instar des syndicats professionnels, dispensent des
formations immobilières qui répondent aux différents niveaux de compétences requis pour
obtenir la carte professionnelle. Il s’agit d’une manne financière que ces organisations
n’aimeraient pas voir se tarir mais qui a des incidences sur le nombre d’élèves et la qualité
des résultats obtenus aux examens. S’agissant du contrôle de l’aptitude professionnelle,
elles ne se soucient pas toujours de faire preuve de la sévérité nécessaire à l’obtention du
diplôme qu’elles décernent. Quant au nombre de diplômés sortant de ces formations, il est
supérieur à celui qui permettrait de remplacer les agents partant à la retraite. Nul doute
que cette situation est de nature à accentuer la pression concurrentielle entre agents
immobiliers, d’où un métier de plus en plus difficile à exercer pour les nouveaux entrants et
surtout de moins en moins lucratif.
D’abord, il convient de mettre à part le cas des ressortissants légalement établis dans un Etat
membre de la communauté européenne ou partie à l’accord sur l’espace économique
européen qui exercent en France les activités de mandataire immobilier de façon temporaire
ou occasionnelle. Ils n’ont pas besoin de détenir la carte professionnelle ; il suffit qu’ils se
déclarent auprès de l’autorité française compétente69.
Ensuite, pour les ressortissants qui désirent s’établir en France, ils doivent obtenir la carte
professionnelle. Pour cela, ils doivent justifier, outre leur connaissance suffisante de la
langue française70, de leur aptitude professionnelle. Celle-ci résulte soit de leur qualité de
titulaires de diplôme ou titre de formation assimilé, de niveau bac+ 1. S’ils n’ont pas les
diplômes suffisants, ces ressortissants doivent justifier de l’exercice de la profession pendant
trois années consécutives ou pendant une durée équivalente à temps partiel au cours des
dix dernières années, dans un Etat membre ou partie à l’accord sur l’espace économique
européen71.
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Il apparaît donc que, pour se conformer à une directive européenne de 2005/36/CE du
Parlement européen et du Conseil du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des
qualifications professionnelles, les conditions d’accès de ces ressortissants à l’activité de
transaction sur immeuble et fonds de commerce sont assouplies par rapport à celles qui
s’appliquent aux demandeurs français.
Est-ce à dire qu’un tel assouplissement est de nature à créer un déséquilibre concurrentiel
dans le rapport de force entre agents immobiliers nationaux et agents ressortissants de
l’U.E. ou encore que ces derniers présentent des dangers en termes de compétence et de
garantie pour la clientèle contre les risques inhérents aux transactions immobilières sur le
territoire national ? Nous ne le pensons pas.
D’une part, l’uniformisation des règles d’accès aux professions réglementées est en marche
dans l’Union européenne et vise à terme le nivellement des compétences entre les
professionnels des différents pays, de façon à garantir aux consommateurs la sécurité
juridique des contrats, d’autant que la réciprocité d’installation et d’exercice des professions
immobilières vaut pour tous. Par ailleurs force est de constater et les clients acheteurs voire
vendeurs sont souvent de la même nationalité, et si ce n’est pas le cas ils peuvent se faire
assister par des spécialistes, notaire ou avocat.
D’autre part, l’expérience montre qu’en général les agents immobiliers étrangers se bornent
à rechercher des biens pour leurs compatriotes. Ce faisant, ils organisent des visites sur
place ou des visites virtuelles ; ils mettent en relation l’acheteur et le vendeur et préparent
le dossier administratif, en produisant une fiche détaillée sur la consistance du bien
immobilier et, le cas échéant, en les mettant en contact avec des spécialistes juridiques,
fiscaux ou financiers. Certes, ils peuvent participer à la négociation sur le prix ou suivre le
déroulement des opérations jusqu’à la signature finale chez le notaire. Mais ce dernier
demeure le seul garant de la régularité et de l’efficacité de la vente. En effet, les agents
immobiliers étrangers se gardent bien de rédiger le moindre acte constatant la transaction,
la sécurisation et la finalisation de la vente étant confiées aux bons soins des notaires, celui
du pays d’origine de leurs clients et celui de la situation des biens en France, notaires avec
lesquels ils sont généralement en relation. Au bout du compte, ce sont les notaires qui
endossent toute la responsabilité de l’opération et l’agent immobilier sera payé une fois
l’affaire définitivement conclue et publiée au registre de la publicité foncière.
41 - La deuxième condition exigée par l’article 3 de la loi Hoguet tient à la justification d’une
garantie financière « permettant le remboursement des fonds, effets ou valeurs déposés et
spécialement affectée à ce (remboursement) ». Pourtant, si la garantie financière est
obligatoire pour les agents immobiliers titulaires de la carte professionnelle transaction sur
immeubles et fonds de commerce qui détiennent des fonds de leurs clients, ces derniers ont
la possibilité de se dispenser de fournir une garantie financière.
En effet, il leur suffit de déclarer sur l’honneur leur intention de ne pas détenir des fonds de
leurs clients72. Dans ce cas, leur carte professionnelle l’indiquera : « La carte délivrée aux
72 La loi n° 2010-853 du 23 septembre 2010 relative aux réseaux consulaires a en effet modifié le 2° de
l’article 3 de la loi de 1970 en y introduisant une dérogation pour les personnes physiques ou morales qui
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personnes ayant déposé la déclaration sur l’honneur mentionnée au 6° de l’article 3 porte en
outre, pour l’activité concernée par la déclaration sur l’honneur, la mention : “ Non-détention
de fonds “ ainsi que, le cas échéant, la mention : “ Absence de garantie financière “ »73.
42 - Le montant de la garantie doit être au moins égal à la pointe maximale des fonds
détenus par l’agent76, sans pouvoir être inférieur à la somme de 110.000 €77. Toutefois, par
dérogation, les personnes qui s’installent peuvent souscrire, durant les deux premières
années d’exercice, une garantie dont le montant est fixé à 30.000€78.
optent de ne pas percevoir de fonds de leurs clients. Ce point représente une avancée par rapport à la
réglementation précédente qui exigeait une garantie minimale de 30.000 €. A notre sens, une telle
exigence ne se justifiait pas, car les agents immobiliers qui décident de ne pas détenir de fonds de leurs
clients, font habituellement signer à leurs mandants, une reconnaissance d’honoraires concomitamment à
l’engagement synallagmatique de vente sous seing privé entre les parties. La reconnaissance d’honoraires
est ensuite remise au notaire avec les pièces du dossier pour la finalisation de la vente. Le notaire paie
l’agent immobilier sur les premiers fonds versés par l’acquéreur le jour de la signature de l’acte
authentique. L’agent immobilier ne détenant aucun fonds du client, il n’y a aucun risque financier pour le
client, même si l’affaire capote in extremis.
73 Avant-dernier alinéa de l’article 1er du décret de 1972.s
74 A noter que pour les personnes morales, l’article 3 de la loi indique que c’est la personne morale elle-
même, et non la personne physique qui la représente légalement, qui doit être garantie.
75 La liste des établissements agréés figure à l’article 22 du décret de 1972.
76 Article 29 du décret de 1972.
77 Article 30 du décret de 1972.
78Article 32 du décret de 1972.
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43 - Le document attestant de l’existence de la garantie résulte d’un engagement écrit fourni
par l’établissement agréé, qui précise les conditions de la garantie, son montant, sa durée,
les modalités du contrôle exercée par le garant, sa rémunération, et le cas échéant, les
contre-garanties exigées par lui79.
Les sociétés de cautionnement mutuel figurant parmi les établissements habilités à fournir la
garantie financière80, il convient de signaler que GALIAN, société coopérative de
cautionnement mutuel à capital variable constituée entre agents immobiliers, a pour objet
d’apporter aux agents immobiliers sociétaires la garantie financière exigée par la loi Hoguet.
Selon l’article 23 du décret de 1972, la garantie financière peut aussi résulter d’une
consignation déposée sur un compte ouvert par la Caisse des dépôts et consignations au
nom de l’agent immobilier. Le fonctionnement du compte est exposé aux articles 23, 24 et
25 du décret.
Si l’agent immobilier exerce des activités autres que les transactions immobilières qui
relèvent d’autres mentions de la carte professionnelle, par exemple la gestion immobilière
ou l’activité de syndic de copropriété, il doit placer l’ensemble de ses différentes activités
sous un seul mode de garantie81, en les distinguant chacune pour un montant égal à la
pointe maximale des fonds qu’il envisage de détenir et dont il est redevable à tout moment
sur les versements et remises qui lui sont faits à l’occasion de ces différentes activités82.
44 - Il peut arriver que la garantie prenne fin. Les causes de cessation de la garantie sont
diverses ; elles résident dans la dénonciation du contrat de caution par le garant ; la
démission de l’adhérent de l’organisme le garantissant ; le décès ou la cessation d’activité de
la personne garantie ; la fermeture de l’établissement ; l’absence de versement
complémentaire obligatoire en cas de consignation ; le retrait par l’autorité de la carte
professionnelle concernant l’activité.
Quelle que soit la cause qui met fin à la garantie, celle-ci ne peut cesser qu’après l’expiration
d’un délai de 3 jours francs suivant la publication dans un journal d’annonces légales,
généralement un quotidien local qui permet une assez large information vis-à-vis des tiers,
lesquels ne manquent pas de s’interroger sur les causes de cessation de la garantie de
l’agent immobilier.
S’agissant des personnes concernées, dès la cessation de la garantie, le garant est tenu
d’informer par lettre R.A.R tous les mandants ayant fait des versements à l’agent immobilier
depuis au moins dix ans. Il s’agit d’une opération d’envergure qui demande de collationner
et de procéder aux vérifications et recoupements de toutes les opérations et mouvements
des reçus mentionnés dans les livres répertoires des actes. La lettre recommandée contient
la mention du délai pendant lequel les mandants doivent produire leur créance au garant. Il
est de trois mois à compter de la publicité ou de l’information.
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Si la personne garantie est décédée, la garantie peut être prolongée pour une durée
maximale d’un an lorsque la direction de l’entreprise est assumée par un intermédiaire
garanti par le même garant.
45 - Troisième condition posée par l’article 3 de la loi de 1970, l’agent immobilier doit
justifier d’une assurance de responsabilité civile professionnelle. Lorsque la profession est
exercée sous la forme sociale, c’est la personne morale qui doit s’assurer.
L’assurance couvre les conséquences pécuniaires de toutes les fautes commises dans
l’exercice de la profession par l’agent immobilier et ses préposés, étant rappelé que les
collaborateurs indépendants que sont les agents commerciaux doivent eux-mêmes souscrire
une assurance 83.
Selon l’alinéa 3 de l’article 49 du décret de 1972, « (u)n arrêté conjoint du garde des sceaux,
ministre de la justice, et du ministre chargé de l’économie fixe les conditions minimales que
doit comporter le contrat d’assurance des… (agents immobiliers) ou des agents commerciaux
et la forme du document justificatif d’assurance qui devra être remis au président de la
chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la chambre départementale d’Ile-de-
France au moment de la demande de délivrance ou de renouvellement de la carte
professionnelle ou de visa de l’attestation d’habilitation ».
Ainsi, l’assurance joue pour toutes erreurs, omissions ou négligences commises dans
l’exercice de la profession, à l’exception des dépôts de fonds, effets ou valeurs reçus par
l’agent immobilier, lesquels sont couverts par la garantie financière. La limite de garantie
prévue par le contrat d’assurance est au minimum égale à 76.225 €.
Bien entendu, l’agent immobilier et l’agent commercial qui collabore avec lui « doivent être
en mesure de justifier à tout moment de l’existence d’un contrat d’assurance couvrant, pour
chaque établissement, succursale, agence ou bureau, les conséquences pécuniaires de la
responsabilité civile professionnelle qu’elles peuvent encourir en raison de leur activité »84.
83Sur les collaborateurs de l’agent immobilier qui ont le statut d’agent commercial, voir supra, n° 33 - .
84Alinéa 1er de l’article 49 du décret de 1972 pour l’agent immobilier et alinéa second du même article
pour l’agent commercial.
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46 - L’article 3 de la loi de 1970 pose une quatrième et dernière condition pour l’obtention
de la carte professionnelle : « (n)e pas être frapp(é) d’une des incapacités ou interdictions85
d’exercer définies aux titres II et II bis ci-après », avec cette précision que dans le cas où la
carte est demandée par une personne morale, la condition s’apprécie dans la personne de
ses représentants légaux.
Le titre II de la loi de 1970 est constitué des articles 9 à 13, dont il convient d’indiquer
brièvement le contenu.
L’article 9 édicte une longue liste de condamnations pénales définitives datant de moins de
dix ans, qui font obstacle à l’obtention de la carte professionnelle. Il s’agit de toutes les
condamnations pour crime et d’une bonne vingtaine de condamnations correctionnelles à
un emprisonnement d’au moins trois mois, sans sursis, pour les délits énumérés par le texte,
parmi lesquels on trouve notamment le recel, le blanchiment, la corruption ou encore le
trafic de stupéfiants ou le proxénétisme. L’article 10 ajoute de nouveaux obstacles,
notamment tels que le prononcé de la faillite personnelle ou celui de la radiation ou
interdiction temporaire d’exercer certaines professions réglementées.
Précisément, en vue de vérifier que le demandeur à la carte professionnel n’est pas frappé
d’une des incapacités ou interdictions d’exercer définies au titre II, l’article 3 de la loi de
1970 permet au président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la
chambre de commerce et d’industrie départementale d’Ile-de-France de demander un
bulletin n° 2 au casier judiciaire national.
En outre, il importe peu selon l’article 11 de la loi de 1970 que la condamnation, qu’elle soit
pénale ou disciplinaire, soit l’œuvre d’une juridiction ou d’une instance étrangère. Quant à
l’article 12, il complète l’incapacité d’exercer la profession d’agent immobilier par
l’interdiction d’exercer cette activité sous le couvert d’un tiers ou comme employé à un titre
quelconque dans son ancienne entreprise, lorsque la personne frappée par l’incapacité a dû
cesser son activité. En effet, l’article 13 indique que ceux qui encourent une incapacité
doivent cesser d’exercer leur activité « dans le délai d’un mois à compter du jour où la
décision entraînant l’incapacité est devenue définitive et leur a été notifiée. Ce délai peut être
réduit ou supprimé par la juridiction qui a rendu cette décision ».
47 - Le titre II bis résulte d’une des modifications, et certainement la plus importante, que la
loi ALUR a apportées à la loi de 1970. Il s’agit en effet d’encadrer les activités des agents
85 Il faut ajouter que la même condition, ne pas être frappé d’incapacités ou d’interdictions, s’applique
aussi aux collaborateurs de l’agent immobilier, salariés ou indépendants, lorsqu’ils ont été habilités par
l’agent, en vertu de l’article 4 de la loi de 1970, à négocier, s’entremettre ou s’engager pour son compte. En
outre, il n’est pas inutile de rappeler qu’au cas où une personne dirige une agence, le dernier alinéa de
l’article 3 impose qu’il soit procédé à une déclaration préalable d’activité et que la personne qui assure la
direction de l’établissement, succursale, agence ou bureau non seulement satisfasse à la condition
d’aptitude professionnelle, mais encore qu’elle ne soit pas frappée d’une des incapacités ou interdictions
d’exercer définies au titre II de la loi.
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immobiliers par la mise en place d’un ensemble de règles constituant le code de déontologie
applicable à ces derniers86.
Ainsi, l’article 2 du Code de déontologie exige des agents immobiliers qu’ils exercent leur
profession « avec conscience, dignité, loyauté, sincérité et probité. Par leur comportement et
leurs propos, (ils) s'attachent à donner la meilleure image de leur profession. (Ils)
s'interdisent tout comportement, action ou omission susceptible de porter préjudice à
l'ensemble de la profession ». De même, l’article 3 du Code leur impose d’agir « dans le strict
respect des lois et textes réglementaires en vigueur ainsi que des dispositions du présent
code. En particulier, (ils) s'obligent : 1° A ne commettre aucune des discriminations
mentionnées à l'article 225-1 du code pénal, tant à l'égard des personnes physiques que des
personnes morales ; 2° A veiller au respect des obligations qui leur incombent en matière de
lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en application de
l'article L. 561-2 du code monétaire et financier ; 3° A veiller au respect des dispositions de la
loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; 4° A
refuser leur concours lorsqu'elles sont sollicitées pour l'élaboration d'actes frauduleux ».
Outre ces deux articles relatifs à l’éthique professionnelle et au respect des lois et
règlements par les agents immobiliers, le Code s’intéresse aux « connaissances théoriques et
pratiques nécessaires à l'exercice de leurs activités »87, à la nécessité pour eux de donner à
leurs clients « une information exacte, intelligible et complète de leurs activités
professionnelles, y compris des services rendus à titre accessoire ou complémentaire, des
montants et des modes de calcul de leurs honoraires pratiqués, de leurs compétences et de
leurs qualifications professionnelles »88 et au respect de la confidentialité en exigeant des
agents qu’ils fassent « preuve de prudence et de discrétion dans l'utilisation des données à
caractère personnel et des informations relatives à leurs mandants ou à des tiers dont elles
prennent connaissance dans l'exercice de leurs fonctions ainsi que dans la divulgation des
éléments relatifs à leur mandat »89. Le Code impose également aux agents immobiliers de
défendre les intérêts légitimes de leurs mandants « dans le respect des droits et intérêts des
autres parties aux opérations pour lesquelles (ils) ont été mandat(é)s »90 et de veiller à ne
pas se trouver en conflits d’intérêts avec leurs mandants ou avec les autres parties aux
opérations pour lesquelles ils ont été mandatés91.
Surtout, autre nouveauté issue du titre II bis inséré par la loi ALUR dans la loi de 1970, il
s’agit de contrôler l’activité des agents immobiliers par l’instauration d’une commission
compétente pour prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre des agents qui auraient
manqué à leurs devoirs, en particulier ceux énoncés par le Code de déontologie92.
86 Le Code de déontologie qui résulte du Décret n° 2015-1090 du 28 août 2015, est entré en vigueur le 1er
septembre 2015.
87 Article 4 du Code de déontologie, qui impose notamment aux agents de se tenir informés des évolutions
législatives et réglementaires ayant un rapport avec leurs activités ou qui sont susceptibles d'influer sur
les intérêts qui leur sont confiés et de connaître les conditions des marchés sur lesquels ils sont amenées à
intervenir.
88 Article 6 du Code préc.
89 Article 7 du Code préc.
90 Article 8 du Code préc.
91 Article 9 du Code préc
92 Voir l’article 13-4 de la loi de 1970.
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Ainsi, les agents immobiliers sont désormais passibles de sanctions disciplinaires. Selon la
gravité des faits reprochés, la section spécialisée de la commission de contrôle des activités
de transaction et de gestion immobilières, dédiée aux activités dont relève l’agent poursuivi,
prononce une sanction pouvant aller jusqu’à l’interdiction temporaire ou définitive d’exercer
tout ou partie des activités de l’agent93. La décision de la commission est susceptible de
recours94 ; mais lorsqu’elle acquiert un caractère définitif, la commission la communique à la
chambre de commerce et d’industrie territoriale ou à la chambre départementale d’Ile-de-
France qui a délivré la carte professionnelle de l’intéressé95.
Il est bien évident que l’agent immobilier frappé d’interdiction doit immédiatement cesser
ces activités et que s’il est condamné à une interdiction définitive, il doit, sous peine de
sanction pénale96, restituer sa carte. De même, il ne saurait demander ultérieurement
l’attribution d’une nouvelle carte. D’ailleurs, pour faire capoter une telle tentative, un
répertoire des personnes sanctionnées, avec l’indication des sanctions devenues définitives,
est tenu à jour par la commission97.
On peut toutefois regretter que, compte tenu de la compréhensible réticence des juges à
condamner à une peine d’emprisonnement ferme un primodélinquant, le montant de
93 Voir l’article 13-8 de la loi de 1970. Ce même article prévoit également que l’interdiction, temporaire ou
définitive, peut être assortie du sursis. « Si, dans le délai de cinq ans à compter du prononcé de la sanction
disciplinaire, la personne sanctionnée a commis une infraction ou une faute ayant entraîné le prononcé d’une
nouvelle sanction disciplinaire, celle-ci entraîne, sauf décision motivée de la part de la commission
mentionnée à l’article 13-5, l’exécution de la première peine sans confusion possible avec la seconde ». En
outre, en cas d’interdiction temporaire, l’article 13-8 permet à la commission d’imposer à l’agent, lorsqu’il
reprend ses activités, le respect de mesures de contrôle et de formation, le soumettant ainsi « à des
obligations particulières fixées dans la décision de la commission ».
94 Voir l’article 13-9 de la loi de 1970. Il s’agit d’un recours de pleine juridiction exercé devant la
juridiction administrative.
95 Voir l’article 13-8 de la loi de 1970.
96 Voir l’article 14 a) de la loi de 1970.
97 Voir l’article 13-10 de la loi de 1970, le texte renvoyant au décret le soin de déterminer les modalités et
le fonctionnement du répertoire.
98 A noter que l’article 14 punit des mêmes peines le fait pour toute personne qui « b) … assume la
direction d’un établissement, d’une succursale, d’une agence ou d’un bureau, de n’avoir pas effectué la
déclaration préalable d’activité prévue au onzième alinéa de l’article 3 ; c) … exerce les fonctions de
représentant légal ou statutaire d’une personne morale, de se livrer ou de prêter son concours, même à titre
accessoire, d’une manière habituelle à des opérations visées à l’article 1er sans remplir ou en ayant cessé de
remplir les conditions prévues aux 1° et 4° de l’article 3… ». De plus, selon le dernier alinéa de l’article 14,
« est puni des mêmes peines le fait de négocier, s’entremettre ou prendre des engagements pour le compte du
titulaire d’une carte professionnelle, sans y avoir été habilité dans les conditions de l’article 4 ci-dessus ».
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l’amende, fixé à 7 500 €, ne soit pas plus élevé. En effet, une telle amende n’est guère
dissuasive par rapport au profit escompté par celui qui exerce la profession sans détenir une
carte professionnelle. Au moins peut-on observer que, lorsque les activités sont exercées en
violation des incapacités prévues aux articles 9 à 12 de la loi de 1970, alors le taux de la
peine augmente sérieusement : l’article 15 de la loi de 1970 le fixe par renvoi à celui qui est
prévu par l’article 313-1 du Code pénal applicable en matière d’escroquerie, soit 5 ans
d’emprisonnement et 375 000 € d’amende.
Au demeurant, la loi Hoguet qui n’est pas avare de sanctions pénales, en a également
prévues à propos des conditions d’exercice de la profession.
En premier lieu, il faut mentionner les obligations énoncées par l’article 6 du décret qui
imposent à au titulaire de la carte professionnelle de déclarer à la chambre de commerce et
d’industrie tout changement qui intervient dans l’exercice de sa profession.
L’obligation de déclarer vaut bien évidemment pour les changements qui modifient la
situation juridique de l’entreprise. Tel est le cas d’un déplacement du siège social ou du lieu
du principal établissement, ou d’une modification de la dénomination ou de la forme de
l’entreprise. Il en va de même pour tout changement dans l’identité des représentants
légaux ou statutaires de l’entreprise.
Mais l’obligation de déclarer vaut aussi pour tout changement qui touche à la garantie
financière ou à l’assurance de responsabilité civile professionnelle. Sont naturellement
visées les modifications relatives à l’identité du garant ou de l’assureur ; sont également
visées celles qui concernent le contenu du contrat instituant la garantie ou l’assurance.
D’ailleurs, par application de l’article 49 du décret, à tout moment l’agent immobilier doit
être en mesure de justifier de « l’existence d’un contrat d’assurance couvrant, pour chaque
établissement, succursale, agence ou bureau, les conséquences pécuniaires de (s)a
responsabilité civile professionnelle… »99. Quant à la garantie financière, l’article 86 du décret
prévoit que « (l)e président de la chambre de commerce et d’industrie territoriale ou de la
chambre départementale d’Ile-de-France et les garants peuvent, à tout moment, se faire
communiquer tous les documents qu’ils estiment nécessaires à la vérification de la suffisance
de la garantie financière ».
99 A noter qu’il en va de même pour l’agent commercial qui collabore avec l’agent immobilier.
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valeurs entre les mains d’un agent immobilier à l’appui d’un engagement d’achat. Certes, la
première obligation de l’agent a trait à la fourniture d’une garantie financière ; mais cette
obligation ayant par hypothèse été respectée lors de la délivrance de la carte
professionnelle, il reste à examiner les autres formalités qui s’imposent à l’agent.
A cet effet, l’article 5 de la loi de 1970 renvoie au décret le soin d’édicter les règles
applicables à l’agent immobilier qui détient « des sommes d’argents ne constituant ni une
rémunération, ni des honoraires, des biens, des effets ou des valeurs, ou en disposent, à
quelque titre que ce soit, à l’occasion des opérations spécifiées audit article… ».
D’abord, l’article 51 du décret de 1972 exige de l’agent qu’il mentionne « sur un registre-
répertoire dit “ De la loi du 2 janvier 1970 “ conforme au modèle fixé par arrêté du ministre
chargé de l’économie » tous les versements ou remises qui lui ont été faits. De plus, si
l’agent exerce son activité dans différents établissements, succursales, agences ou bureaux
qu’il a créés, l’article 51 ajoute une formalité supplémentaire : « un registre-répertoire pour
les versements ou remises particuliers à chaque établissement, succursale, agence ou
bureau, sous la responsabilité de la personne qui la dirige ».
Ensuite, l’article 52 du décret impose à l’agent de délivrer au client un reçu établi selon un
modèle fixé par arrêté ; le garant peut même demander qu’un double de chaque reçu lui soit
adressé. A noter que selon l’article 53, « (l)es registres et documents mentionnés aux articles
51 et 52 peuvent être établis, tenus et conservés sous forme électronique dans les conditions
prescrites par les articles 1316 et suivants du code civil. Ils doivent être conservés pendant dix
ans quel que soit leur support ».
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51 - Pour en finir avec les obligations relatives à la réception des fonds, il importe de relever
qu’elles sont pénalement et sévèrement sanctionnées. En effet, l’article 16 de la loi de 1970
punit de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende l’agent immobilier qui
reçoit ou détient des sommes d’argent, des biens, effets ou valeurs quelconques sans
pouvoir justifier d’une garantie financière ou sans avoir respecté l’obligation de tenir le
registre-répertoire ou celle d’émettre un reçu conforme à l’arrêté ministériel105. En outre,
l’article 17 de la loi Hoguet punit « de six mois d’emprisonnement et de 7500 euros d’amende
le fait de mettre obstacle à l’exercice de la mission des agents publics chargés du contrôle en
refusant de leur communiquer les documents réclamés, notamment les documents bancaires
ou comptables ainsi que les mandats écrits ».
Dans un autre ordre d’idées, il faut mentionner ici l’article 8-2 de la loi Hoguet, même si le
texte a une portée plus large car il est, à notre avis, applicable à tout agent immobilier et
non pas uniquement à celui qui reçoit des fonds de ses clients. Le texte impose en effet à
l’agent immobilier de « mettre en œuvre les obligations relatives à la lutte contre le
blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme définies au chapitre Ier du titre VI
du livre V du code monétaire et financier ». C’est dire que l’agent immobilier doit se montrer
vigilant à l’égard de ses clients pendant toute la durée de leurs relations et pratiquer « un
examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la
connaissance actualisée » qu’il a de ses clients106. Surtout, l’agent doit déclarer à la « cellule
de renseignement financier nationale »107 non seulement les sommes d’origine douteuses
inscrites dans ses livres, mais encore les opérations portant sur des sommes dont il sait,
soupçonne ou a de bonnes raisons de soupçonner « qu'elles proviennent d'une infraction
passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du
terrorisme … ou qu’elles proviennent d’une fraude fiscale… » 108 ; et cela, sous peine de
sanction pénale109.
Au bout du compte, on constate que les agents immobiliers peuvent être soumis à des
contrôles de toutes sortes, aussi bien de la part des autorités spécifiques à leur profession
que d’autres autorités, telles Tracfin ou encore la direction régionale ou générale de la
concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes à laquelle se réfère l’article
8-3 de la loi Hoguet.
52 - En troisième lieu, en effet, il faut mentionner les obligations de l’agent immobilier qui
sont en lien avec la nécessité d’informer correctement ses clients.
105 En outre, il faut signaler que l’article 16 prévoit la même peine lorsque l’agent immobilier exige, en
violation de l’article 6 de la loi Hoguet, le versement de ses honoraires avant que l’opération pour laquelle
il a été missionnée n’ait été définitivement conclue et constatée dans un acte contenant l’engagement du
vendeur et de l’acheteur. Sur les honoraires de l’agent, voir infra, n° 230 - et suivants
106 Voir l’article L 561-6 du Code monétaire et financier.
107 Cellule prévue par l’article L 561-23 du Code monétaire et financier et couramment appelée Tracfin.
108 Article L561-15 du Code monétaire et financier.
109 A notre avis, les termes de l’article 17 de la loi Hoguet sont assez larges pour considérer que la non-
déclaration à Tracfin constitue un obstacle à l’exercice de sa mission.
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D’abord, il importe de souligner que l’article 92 du décret oblige l’agent à faire figurer sur
tous documents, contrats et correspondance à usage professionnel un certain nombre de
précisions : le numéro et le lieu de délivrance de sa carte professionnelle, l’activité exercée,
ainsi que, le cas échéant, le nom et l’adresse du garant ; il doit le faire de façon claire et
simple, en évitant toute mention susceptible d’induire en erreur les clients. L’article 93 du
décret enfonce le clou en exigeant l’affichage de ces informations dans les lieux où la
clientèle est reçue110. S’agissant de l’agent qui ne reçoit pas de dépôt de fonds de ses clients,
l’article 94 du décret lui impose de le mentionner sur ses papiers commerciaux et par voie
d’affichage dans l’agence, ainsi que dans toute publicité qu’il effectuera.
Ensuite, justement à propos de la publicité, les articles 6-1 et 6-2 introduits par la loi ALUR
dans la loi Hoguet, prescrivent des mesures de précautions pour éviter d’appâter le client en
lui annonçant un prix qui n’inclurait pas la totalité de ce qu’il sera amené à payer. C’est
pourquoi l’article 6-1 énonce que toute publicité, quel que soit le support utilisé, doit
indiquer le montant toutes taxes comprises des honoraires de l’agent, lorsqu’ils sont à la
charge de l’acquéreur, ce montant devant être exprimé en pourcentage du prix de vente. De
même, si la publicité est l’œuvre d’un agent commercial habilité par l’agent immobilier,
l’article 6-2 exige que la publicité mentionne que celui qui l’effectue « exerce sous le statut
d’agent commercial »111.
Enfin, il faut porter le regard sur une mesure d’information qui vise à prémunir les
consommateurs contre les risques de collusion susceptible d’exister entre les agents
immobiliers et d’autres acteurs du marché en liens d’intérêts avec eux et qui officient en
général dans la finance, mais pas uniquement. Jusqu’à présent, ces pratiques relevaient
souvent d’habiletés discrètes, efficaces, inavouables des professionnels, sauf à jeter la
suspicion dans l’esprit des clients en quête de services annexes ou connexes à l’achat et la
vente d’immeubles que l’agent immobilier intègre dans le service global qu’il rend et
considère comme un élément de différenciation, en termes de valeur ajoutée, vis-à-vis à la
concurrence.
Pour assainir la situation, l’article 4-1 de la loi de 1970 oblige les agents immobiliers qui
proposent à leurs clients les services d’une autre entreprise de les informer, avant qu’ils ne
concluent avec ladite entreprise, « des éventuels liens directs de nature capitalistique ou des
liens de nature juridique » qu’eux-mêmes ou leurs représentants légaux ou statutaires
entretiennent avec cette entreprise. L’article 95-2 du décret précise que l’information fait
l’objet d’un écrit établi par l’agent de manière lisible et compréhensible et que cet écrit
accompagne nécessairement la proposition de services faites au client.
Cette mesure est importante, spécialement lorsqu’elle s’applique aux services d’un
établissement bancaire ou d’une société financière. D’une part, sachant que les banques ont
110 L’article 93 exige même, outre le montant de la garantie imposé à tous ceux qui reçoivent des fonds,
que les titulaires de carte portant la mention « transactions » ou « marchands de listes », indiquent sur
l’affiche l’établissement de crédit et le numéro du compte où doivent être effectués les versements et
remises ainsi que les modes obligatoires de versement . De surcroît, l’affiche doit reproduire les
dispositions du premier alinéa de l’article 52, relatives au reçu.
111 De plus, toujours selon l’article 6-2 de la loi, l’obligation de mentionner le statut d’agent commercial
« est étendue au mandat de vente ou de recherche et à tous les documents d’une transaction immobilière à
laquelle la personne habilitée mentionnée au premier alinéa participe ».
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de fait et en priorité connaissance des dossiers relatifs aux biens qui se négocient, car le
levier du crédit est la toute première clef de faisabilité des transactions, il est clair que,
malgré l’obligation du secret professionnel que la loi lui impose, il existe un risque de
porosité entre les informations que détient l’agent immobilier et la banque liée à lui et que
ce risque peut naturellement conduire à des conflits d’intérêts au détriment des clients ; au
moins l’article 4-1 de la loi de 1970 contribue-t-il à clarifier la situation. D’autre part, sachant
que les filiales des banques ou des compagnies d’assurance ont souvent des activités
d’entremise et de négociation immobilière sous des noms d’enseigne qui ne permettent pas
forcément de déceler le lien avec les groupes financiers auxquelles elles appartiennent, on
mesure le progrès que l’article 4-1 de la loi Hoguet apporte à la transparence des affaires.
53 - Même lorsque l’agent immobilier n’a aucun lien particulier avec le milieu bancaire, il
reste qu’il le connaît bien. Précisément, cette bonne connaissance contribue à faire de lui un
intermédiaire fiable sur le marché de l’immobilier.
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Section 2 : L A FIABILITE ISSUE DE LA CONNAISSANCE DES FACTEURS QUI
COMPLEXIFIENT LE MAR CHE
Le rôle de l’agent immobilier est donc de guider son client à travers aussi bien les arcanes du
financement de l’immobilier (§1) que du maquis de la réglementation (§2).
Ces prêts hypothécaires comprenaient généralement sur une période de 2 ou 3 ans un taux
attractif, à l’issue de laquelle ils se transformaient en prêt à taux variable beaucoup plus
élevé, entraînant une forte augmentation des charges financières pour les emprunteurs
subprimes.
Cette évolution qui s’appelle « reset » a changé la donne. Or il advint aux Etats Unis
d’Amérique une hausse des taux d’intérêts et consécutivement la baisse des prix de
l’immobilier. Cette conjonction défavorable a ruiné les nombreux emprunteurs qui se sont
trouvés dans l’impossibilité de rembourser leurs prêts et de revendre leurs biens immobiliers
au prix qu’ils les avaient payés, d’où les saisies judiciaires par leurs créanciers.
La crise est venue de ce que les banques n’ont pas gardé ces créances subprimes dans leurs
bilans, mais les ont titrisées à travers des montages complexes dont la composition est
difficile à connaître puis vendues sous cette forme, en transférant le risque à un grand
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nombre de banques clientes et à des investisseurs dont la confiance a été abusée puisqu’il
n’y avait pas de réelle garantie en contrepartie. Ces acheteurs ont à leur tour titrisé leurs
propres créances d’où la perte généralisée de confiance consécutive à un encours de près de
5.000 milliards de dollars sur du papier. Depuis le marché de ces titres est fermé, de sorte
que les titres ne sont plus négociables.
56 - Mais la finance n’est pas le moteur de l’économie, elle en est seulement le carburant. Si
le crédit est un levier déterminant du marché de l’immobilier, lorsqu’il est utilisé à bon
escient, a contrario lorsqu’il est utilisé inconsidérément, il peut devenir toxique et entraîner
les agents économiques dans une spirale infernale.
« Des pans entiers de l’économie relèvent désormais d’un univers obéissant fidèlement aux
canons de la théorie financière. (…) Dans un marché exsangue, ces investisseurs ont apporté
des capitaux, démarche dénuée de toute affectivité : n’est-ce pas cela aussi la
financiarisation, la dissolution de l’immeuble dans les équations de rentabilité ? Le financier
n’est plus un acteur parmi d’autres ; il est devenu le « primus inter pares ». (…) Il l’est
d’ailleurs devenu avec la participation active, sinon l’assentiment de tous les acteurs de la
chaîne immobilière, trop heureux de cette manifestation d’intérêt ».112
Il est inutile d’exposer plus avant l’impact des scandales financiers sur le marché de
l’immobilier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes, sont sans appel : 3.500 agences immobilières
ont disparues entre 2008 et 2009. Subrepticement, dans la période 2000 à 2008, les banques
ont racheté environ 4.000 agences au prix fort, préférant les phagocyter plutôt que de leur
payer des commissions113 ; la stratégie était qu’en éliminant des pseudos concurrents - qui
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fondamentalement ne font pas le même métier -, les banques ajoutaient une corde à leur
arc, qui leur permettrait de capter la source de profits de la chaîne métier-clients114.
Depuis cette période, un changement s’est opéré dans le comportement des individus et
dans les modes de consommations. Parallèlement, une réorganisation de la stratégie de
développement des banques, imposée par la rupture de croissance, s’est dessinée. A moyen
terme, dans une conjoncture plus favorable, il s’agira pour elles de revendre les agences
immobilières détenues par leurs filiales, après avoir fait l’expérience déconvenue, que ce
secteur d’activité impacté par la crise financière et ses dommages collatéraux est moins
rentable qu’il n’y paraît, exige des compétences spécifiques, et du personnel qualifié, et
disponible, autrement dit pas avare de ses heures de travail. La lucidité de ce constat
commandera des arbitrages et un retour stratégique sur leur cœur de métier traditionnel : le
financement des projets des entreprises et des particuliers, dans un partenariat proactif
avec les professionnels de ce secteur d’activité, fermant ainsi la boucle d’un essai manqué.
Dans la réalité observable, le retournement est avéré.
Dès lors que la hausse du coût de la construction neuve est continu en raison du poids des
charges, du prix croissant des terrains à bâtir du fait de la rareté, et à l’augmentation des
taxes foncières, le volume et les prix des transactions sur le neuf et l’ancien fléchissent, la
qualité des prestations suit la même tendance.
114 Sur les agences immobilières appartenant aux banques, voir infra, n° 60 -
Page 60
Cette nouvelle profession d’intermédiaires de la finance s’est constituée en sociétés de
courtage, spécialisées dans le crédit aux particuliers, leur activité consiste à mettre en
concurrence les banques, en leur proposant un volume conséquent de clients potentiels qui
s’adressent à eux, pour de nouveaux crédits ou pour en restructurer plusieurs. Force est de
constater qu’ils obtiennent souvent des taux plus bas que ceux proposés directement au
client par sa propre banque.
- de l’Autorité des marchés (AMF)115 créés par la loi n°2003-706 de sécurité financière
du 1er août 2003 ;
60 - Comme cela a été dit plus haut117, les banques ont, à partir de 2000, racheté des
agences immobilières dans le but de maîtriser la chaîne complète de l’immobilier, à savoir la
promotion, les transactions, la gestion, l’expertise, le financement, le placement et
l’assurance.
61 - Ainsi, de nos jours, les banques ont pris une partie non négligeable du marché
immobilier au détriment des agents immobiliers traditionnels dont le métier est de faire des
transactions ; comme eux ils vendent des immeubles, mais en détenant les clés du crédit, ils
ont pu se hisser parmi les premiers opérateurs de ce secteur d’activités.
115 L’AMF est un organisme public indépendant, doté de la personnalité morale et disposant d’une
autonomie financière, dont les missions sont de veiller : 1°) à la protection de l’épargne investie dans les
instruments financiers, ainsi que ceux qui font appel public à l’épargne ; 2°) à l’information des
investisseurs ; 3°) au bon fonctionnement des marchés d’instruments, financiers. Il apporte son concours
à la régulation des marchés européen et international.
116 L’ACP est une autorité administrative indépendante, adossée à la Banque de France, son pôle commun
avec l’AMF, offre un point d’entrée pour les demandes du public. Pour plus info : www.abe-infoservice.fr.
117 Voir supra, n° 57 -
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L’immobilier au centre des stratégies de croissance titrait l’AGEFI dans l’hebdomadaire
« Actifs » (2007)118 :
« Chaque établissement bancaire met en place sa propre stratégie pour capter une clientèle
à la recherche de financement immobilier. (…) Acquisition de réseaux, création et rachat
d’agences, (…) complémentarités commerciales. Elargir et fidéliser la clientèle demeurent le
leitmotiv des établissements bancaires- (est une évidence de la loi des affaires). Or, le produit
phare pour conquérir de nouveaux clients demeure le crédit immobilier. Les agents
immobiliers sont donc des partenaires de choix dans la recommandation de clientèle à la
recherche d’un financement.(…) Par ailleurs, l’alliance des activités bancaires et immobilières
vise à apporter une complémentarité de services aux clients. « Lors d’entretiens avec le
conseiller bancaire, nos clients expriment souvent leur souhait de vendre ou d’acheter un
bien. Ils nous demandent des solutions. » (…) Nous avons une légitimité à intervenir sur le
secteur de l’immobilier. »119(…) Résistance. Face aux créations d’agences ex nihilo, certains
résistent. La Sté. Générale déclare faire « le choix d’accompagner les agents immobiliers et
non les concurrencer, ces derniers étant à la fois des clients et des prescripteurs ». Le risque
pour la banque comme pour l’agent immobilier est de se trouver en situation de conflits
d’intérêts vis-à-vis du client commun.
118
Cf. Sources : « Actifs » - L’hebdomadaire des professionnels du patrimoine- n°289- du 16 au 22 février
2007.
119 Ibid. Pélagie Terly, « actifs », p.2.
120
Ibid. « Actifs »
Page 62
Laurence Boccara écrivait dans le journal « Les Echos » (2007) 121:
La conquête de ces marchés a été facilitée jusqu’en 2007 par une conjoncture économique
favorable aux activités de transactions des agents immobiliers, dopée par l’envolée continue
du prix des biens immobiliers qui a engendrée par voie de conséquence la hausse de loyers.
Elle s’inscrit dans une logique de croissance sur un marché momentanément florissant,
susceptible de dégager des marges supérieures à celles du crédit et des opérations
traditionnelles de banque. Par ailleurs, elle était susceptible de répondre aux attentes fortes
des clients en quête d’un accompagnement au moment de leur acquisition.
« Avec ce système l’agence filiale de banque offrira non seulement un bien, mais aussi
un crédit immobilier maison de même qu’une assurance habitation »
« D’abord, les réseaux d’agence n’ont pas attendus les banques pour nouer des
partenariats avec les établissements de crédit, des assureurs ou des sociétés de
déménagement ».
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« Il n’est pas du tout sûr que cette absence de concurrence profite au bout du compte
au particulier ».
Nous partageons les avis autorisés de ces trois leaders syndicaux. Ce qui est certain, c’est
que dans la dernière décennie, les évolutions du marché ont exacerbé la pression
concurrentielle en créant de nouvelles exigences des consommateurs, lesquelles ont
modifiées les rapports entre acheteurs/vendeurs et intermédiaires, les premiers prenant la
main sur le marché.
Bernard Cadeau, Président du réseau coopératif Orpi, numéro un du secteur avec près de
1.400 agences, de conclure125 :
« Aujourd’hui, pour continuer à vivre les agences n’ont guère le choix, elles doivent
unir leurs forces ».
Avec Alain Duffoux, Président du syndicat National des Professionnels Immobiliers (SNPI),
nous ne sommes que partiellement d’accord, lorsqu’il estime que :
Cette situation est sans doute plus vrai à Paris et dans les grandes agglomérations, là où
règne l’anonymat, qu’en province où l’intuitus personae, l’image, la réputation et le
relationnel et le savoir-faire prévalent sur toutes autres considérations fussent-elles d’amitié
ou de voisinage. Mais on ne peut omettre de constater, qu’une vente peut résulter de
motivations à la fois locales et d’un ailleurs.
Dans l’absolu, il est prudent, surtout pour des petites et moyennes entreprises, d’opter pour
une stratégie de « spécialiste dans son domaine », en opérant sur des créneaux ou niches
(Immeubles haut de gamme, résidences secondaires, maison de campagne, viager, locaux
d’activités, etc.), qui sont ciblés par une clientèle spécifique, plutôt que d’ouvrir un champ
d’actions banalisées, tous azimuts.
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63 - Cependant, en dépit de l’organisation des agents immobiliers, il reste que les banques
sont des professionnels incontournables, qui bénéficient d’un avantage concurrentiel certain
sur les autres intermédiaires de l’immobilier. Grâce à l’architecture optimale de leurs
réseaux de distribution elles disposent de bases de données confidentielles, d’équipes
spécialisées formées à la qualité relationnelle et transactionnelle.
Au niveau de la gestion des risques, la sélection des clients se fait par un scoring qui permet
d’évaluer les risques d’investissements et donc de sécuriser les transactions.
Les banques sont devenues plus sélectives avec la clientèle, elles prennent des risques où il
n’y en a pas. Leurs conditions de taux varient selon le profil de l’emprunteur. La recherche
de nouveaux clients nécessite pour évaluer le risque, de dessiner leurs profils au moyen
d’une échelle de points positifs et négatifs.
Cet outil d’aide à la décision sert de norme pour justifier le refus ou l’acceptation du prêt par
la banque. Pour évaluer le risque et savoir si le prêt peut être remboursé sans problème, la
banque prend en compte certains critères classiques : stabilité d’emploi, perspectives
d’évolution professionnelle, âge, apport personnel, capacité d’épargne, questionnaire de
santé, etc…
64 - Or voilà bien le principal atout des banques pour intervenir sur le marché immobilier :
ce sont elles qui prêtent aux potentiels acquéreurs.
En une période d’euphorie, les prêts pouvaient être accordés à hauteur de 90 à100% de la
valeur de l’immeuble, parfois même jusqu’à 110% en incluant les frais de mutation et
d’hypothèque. Certaines personnes abusaient, augmentaient le montant du crédit du coût
exagéré de travaux, pour financer à long terme des meubles payables d’ordinaire à court
terme, telles qu’une cuisine équipée ou une voiture. Dans ces cas limites, même si
l’emprunteur a des capacités de remboursement suffisantes, il n’est pas à l’abri d’aléas
générateurs d’un risque assumé par le prêteur sans réelle garantie. Ces dérives étaient des
pratiques courantes, aujourd’hui révolues, car lorsque les bornes sont dépassées il n’y a plus
de limites, l’affaire des subprimes est une sinistre illustration factuelle de banksters.
Quels sont, aujourd’hui, les critères d’octroi du crédit immobilier aux particuliers en usage
dans les banques ? Autrement dit, quel est l’archétype de l’emprunteur idéal ?
Pour répondre à cette question tous les financeurs de crédit immobilier s’accordent pour
retenir les mêmes fondamentaux du principe de précaution en la matière, à savoir : la valeur
vénale de l’immeuble, la demande du marché, la solvabilité du client, son taux
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d’endettement et les garanties offertes, déterminent le montant du crédit, la durée et son
taux.
La détermination des valeurs pose des problèmes de mesure ; il convient donc, a priori, de
donner des définitions de la valeur d’après G. Abraham – Foix.
« Valeur d’usage et valeur d’échange ». Toute marchandise est à la fois « valeur d’usage »
et « valeur d’échange ». Le concept d‘utilité n’est absolument pas étranger à l’analyse
marxiste ; un bien n’est effectivement produit que s’il est utile, s’il est propre à satisfaire un
besoin déterminé. Cette valeur d’usage est une des caractéristiques intrinsèque des objets,
une qualité matérielle spécifique. Les valeurs d’usage renvoient donc à l’hétérogénéité des
différentes marchandises, à leurs spécificités, à leur qualité ; de ce fait elles sont toutes
différentes, non comparables. On ne peut donc échanger des valeurs d’usage contre des
valeurs d’usage car l’échange implique comparaison, possibilité de trouver un équivalent
entre des quantités.
« La valeur d’échange est définie comme le rapport quantitatif, comme la proportion dans
laquelle des valeurs d’usage d’espèce différentes s’échangent l’une contre l’autre. Bien
entendu il ne peut y avoir de valeur d’échange que pour un bien ayant satisfait un besoin, un
bien qui a fait l’objet d’un échange. Cependant il faut rappeler que pour Marx la valeur
préexiste en quelque sorte à l’échange : ce n’est pas l’échange qui règle la quantité de valeur
d’une marchandise, mais au contraire la quantité de valeur de la marchandise qui règle les
rapports de l’échange. Il s’agit donc de trouver ce qui rend commensurable, ce qui permet de
comparer les différentes marchandises dont les valeurs d’usage sont incomparables,
irréductibles l’une à l’autre. La caractéristique commune, dont il convient de partir est celle
d’être des produit du travail. Le travail est donc l’unique source de la valeur, ou plus
exactement sa substance même...
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« La valeur-travail »
Les marchandises, en tant que valeurs d’échange, ne sont que des mesures déterminées de
temps de travail coagulé, des cristallisations de travail (…). La forme première du travail, celle
qui a pour but de rendre l’objet utile, est de satisfaire les besoins humains (…)
Il convient de relativiser toute valeur pour pouvoir tirer une valeur échangeable de la valeur
usuelle d’une marchandise. Par exemple, pour actualiser la valeur d’un bien immobilier, il
faut tenir compte du phénomène d’inflation monétaire intervenu entre la date d’acquisition
et celle de la vente ; mais il faut aussi prendre en compte le phénomène de vétusté et
d’obsolescence. D’où la création d’indices publiés par l’INSEE en matière immobilière :
l’indice trimestriel du coût de la construction, l’indice de référence des loyers d’habitation ;
l’indice des loyers commerciaux ; d’où pour les ventes viagères, les tables de mortalité par
département liées à l’âge servant au calcul du bouquet et de la nue-propriété, les taux de
majoration pour la revalorisation des rentes viagères ; d’où enfin les coefficients d’érosion
monétaire servant à convertir à une date déterminée le pouvoir d’achat de l’euro et du
franc, la valeur exprimée d’une année antérieure, etc….
« Ce que vaut une chose suivant la juste estimation qu’on peut en faire. Ce bien n’a pas été
vendu à sa valeur. Valeur intrinsèque, valeur propre et essentielle d’une chose. Valeur
extrinsèque, valeur attribuée à une chose indépendamment de sa valeur propre. Cette
maison mal bâtie et sans valeur intrinsèque tire sa valeur extrinsèque de sa situation en
bordure de route ».
J. Brée129 nous apporte un éclairage pertinent sur la théorie de la valeur : « Dans la pratique
économique courante, la valeur d’un bien s’estime d’abord par son prix sur le marché. Mais
même en se limitant à l’étude de la valeur d’échange c’est-à-dire la valeur attachée à la
confrontation des produits sur un marché, (les économistes) classiques, comme Smith et
Ricardo ont fait apparaître que la valeur ne pouvait pas être conçue sur le modèle du prix ou
d’un quelconque étalon invariable. D’où une première définition de la valeur par le coût de
127 G. Abraham-Foix, Dynamique économique, Précis Dalloz, 7ème ed., 1991, p. 402 à 407, isbn 2-247-
01267-1
128 Librairie A. Quillet, éd. 4 volumes, Paris, Mai 1993, isbn 2-7065-0057-3.
129 In : « Encyclopédie de la Gestion et du Management » 1999, éd. Dalloz Paris, pp. 1260 s., isbn 2
247026532.
Page 67
production, la quantité de travail réglant alors le rapport d’échange. En comptabilité
nationale d’ailleurs, la valeur d’un produit total se définit comme la somme non des prix mais
des valeurs ajoutées (notion qui facilite l’agrégation et qui comprend le prix final, déduction
faite des montants des consommations intermédiaires) ».
Toujours selon J. Brée « A cette notion de valeur d’échange, issue directement de l’économie
est souvent préférée celle de valeur d’usage (ou plus prosaïquement de rapport qualité/prix),
dès lors que l’on étudie le comportement du consommateur. Le meilleur produit est celui qui
est le plus apte à satisfaire le besoin et qui présente au moindre coût (prix, facilité et délais
d’obtention…) les performances les plus élevées. La valeur d’usage repose par essence sur
une base de compromis ; elle se différencie donc de l’approche objective qui met en évidence
des propriétés physiques mesurables, de l’approche technique qui associe la qualité au degré
de conformité du produit avec un cahier des charges préétabli, ou encore de l’approche
subjective qui intègre uniquement les préférences de l’utilisateur.(…). Le coût est important
dans l’appréciation de la qualité car c’est lui qui permet de comparer les conformités
relatives des produits éventuellement substituables (…). La qualité est bien évidemment
contingente de la société et de son environnement (économique, technologique,…) mais aussi
de l’usager. Les consommateurs ont des réactions différentes suivant leur niveau de revenu,
la répartition de leur budget de dépense, l’importance perçue du besoin à satisfaire ou le
système de référence que constituent les produits concurrents connus. Les prix ne peuvent
pas être isolés dans la perception globale de l’offre, mais jouent simultanément avec
l’influence des autres caractéristiques (objectives ou non) de celles-ci ; ce qui explique
l’existence fréquente de seuils psychologiques (…). Il est donc important pour une entreprise
de maîtriser la valeur de son offre, non seulement dans une optique de réduction des coûts,
mais pour initier une démarche visant sa rentabilité maximale »130.
Emporter la conviction du client sur le bon choix d’un intermédiaire implique qu’il soit
rassuré sur les compétences de ce dernier. Ce rapport basé sur la différentiation positive est
le seul mode évolué de production de service efficace pour vendre sa force de travail ; d’où
résulte pour les entreprises l’explication de la recherche du profit mutuel (Business to
Business)131. Mais en matière immobilière, chaque client est un cas particulier avec une
demande complexe qui attend une solution personnalisée.
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Il est alors clair que l’agent immobilier doit savoir se montrer convaincant sur le prix de
l’immeuble proposé à la vente (A) et qu’il ne doit pas ménager sa peine pour aider
l’acquéreur à obtenir le meilleur crédit (B).
Mais le marché immobilier est un macrocosme qui ne se réduit pas aux marchés de la
production, de la commercialisation des biens et de l’utilisation selon leurs destinations. Le
moteur de ces activités génératrices de richesse nécessite à la base des capitaux propres et
un accord de financement pour l’investissement projeté. Il s’agit donc aussi d’un marché de
capitaux.
De son côté, un consommateur avisé calculera la valeur d’anticipation des loyers futurs ; il
ne fera pas l’économie de conseillers en qui il a confiance.
A l’opposé, un consommateur inexpérimenté, ou crédule, est la proie rêvée des escrocs. S’il
se hasarde seul sur ce chemin semé d’embûches, il prend le risque de perte de valeur en
capital ; en fonction de l’intensité de la menace, de son moindre degré d’analyse et
d’aversion au risque, il peut se faire plumer. La notion de risque est difficilement dissociable
de la personnalité et du vécu du décideur.
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« Prendre des risques en extrapolant sur des valeurs futures, c’est vouloir gagner, c’est donc
vouloir utiliser les critères qui permettent de distinguer le bon du mauvais risque »132. En
outre, il faut savoir oser et se taire pour agir au bon moment.
D’autres considérations sont à prendre en compte pour déterminer la valeur d’un bien sur le
marché immobilier.
Une dimension objective considère la valeur comme le résultat d'une construction à partir
de l'ensemble des coûts engendrés pour produire le bien ou le service.
C'est seulement la notion de prix, parce qu'il est fixé par le marché ou tout autre mécanisme
analogue qui a une pertinence économique. Elle correspond à l'estimation publique de la
valeur que les agents économiques partagent à propos d'un bien et reflète les différentes
dimensions de la valeur qu'ils attribuent à ce bien.
L’économiste Léon Walras (1834-1910) met l’origine de la valeur dans la rareté. A propos de
l’utilité, il dit :
« Les choses sont utiles, dès qu’elles peuvent servir à quelque chose, dès qu’elles répondent à
un besoin quelconque et en permettent la satisfaction. S’agissant du prix, les échanges se
font sur le marché. (…)Le phénomène de la valeur d’échange se produit donc sur le marché et
c’est sur le marché qu’il faut aller pour étudier la valeur d’échange.(…) sous l’empire de la
concurrence, comme acheteur les échangeurs demandent à l’enchère, comme vendeurs, ils
offrent des rabais, et leur concours amène ainsi à une valeur d’échange de marchandises,
tantôt ascendant, tantôt descendant, tantôt stationnaire »133.
132R. Mekouar, Risques et assurances de la PME, Dunod, Paris 2006, p. 236, isbn 210 050548 3.
133
Cité par J.Brémon et M.-. Salort, In. « Initiation à l’économie-les concepts de base-Les techniques-Les
grands économistes », éd. Hatier, Paris, 1986, pp. 340-345. Isbn : 2-218-0777-1.
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efforts financiers se répercute plus ou moins, selon son état de fortune, sur la qualité de vie
de l’intéressé.
69 - Ainsi dans l’immobilier, la valeur est le montant espéré de l’échange ; il est théorique
puisque, dans une transaction immobilière, les prix se discutent entre un vendeur un
acheteur et souvent avec l’entremise d’un agent immobilier qui négocie pour obtenir un
compromis. Quant au prix il est le montant constaté de l’échange, résultant de l’accord
après le jeu de l’offre et de la demande. La logique du consommateur renvoie à analyse
traditionnelle des comportements d’achat de biens immobilier différenciés qui suppose que
ceux-ci procurent de l’utilité, sont considérés au regard des services qu’ils peuvent rendre,
associés aux caractéristiques spécifiques désirées. Mais pour un acquéreur dont la demande
porte sur des biens différenciés de caractère anciens, les comportements d’achat sont en
général basés sur des valeurs hédonistes134, en ce cas la valeur subjective du bien et son prix
peuvent se confondre. Le calcul de l’évaluation du prix prend en compte les attributs de
l’immeuble en considération des caractéristiques observées plus ou moins concordantes
avec celles désirées par le client. Cette approche est pertinente dans la mesure où le marché
immobilier est hétérogène et localisé, la valeur du bien dépend autant de ses qualités
intrinsèques que de l’environnement dans lequel il est intégré. Pour autant cela n’autorise
pas les excentricités pour convenance personnelles, qui génèrent des moins-values sévères à
la revente.
En résumé, Il s’agit d’un modèle théorique du prix des biens différenciés, dont la valeur
relative, résulte d’un agrégat de caractéristiques intrinsèques au logement, qui intègre le
prix implicite des aménités que l’acheteur est prêt à payer en raison des services qu’ils
rendent mais aussi du bien-être qu’il procure, autant objectif que subjectif comme l’image
qu’il renvoie de son propriétaire.
Les coefficients de pondération incidents sur les prix médians des logements en fonction des
attributs hédonistes sont repris infra dans une grille d’évaluation.
B - L’obtention du crédit
70 - Le crédit est un point de passage quasi obligé de toute transaction immobilière (1). Or,
pour obtenir du crédit, il faut fournir des garanties (2).
134
Pour aller plus loin, cf. Nicolas Thouvenin, « La formation des prix des logements anciens – Les apports
de la théorie hédonique - » 2010, éd. Books on demand, 12/14 Rd. Pt. Des Champs Elysées, 75008 Paris,
Isbn : 978280611232.
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1 - Le rôle déterminant du crédit
71 - Il n’est pas inutile de commencer par dire quelques mots sur les prêts aidés.
La clientèle ciblée par les prêts aidés, est par nature, celle des promoteurs immobiliers et
des banques ; il n’en reste pas moins vrai que les agents immobiliers forment avec eux une
communion d’intérêts. De manière factuelle il n’est pas rare - surtout dans les grandes villes
- de voir des agents immobiliers chargés de vendre des programmes ou queues de
programmes dans le neuf, même si ces missions représentent pour eux des parts de marché
marginales et moins rémunératrices que les transactions dans l’ancien, ces dernières étant
pour l’essentiel, le cœur de cible de leur activité.
De fait, la clientèle qui peut bénéficier de prêts aidés n’est pas spécialement celle qui
constitue le fonds de « commerce » des agents immobiliers, car il n’est pas rentable pour
eux d’entrer dans la complexité de montages financiers contraints qui font intervenir
plusieurs organismes. Toutefois, il peut arriver que le recours à un prêt aidé conditionne le
succès d’une série de transactions en cours, plus profitables. Par exemple, l’achat d’un
immeuble ne peut se faire que si le client de l’agent immobilier vend au préalable
l’immeuble dont il est propriétaire ; mais seules des personnes susceptibles de bénéficier de
prêts aidés sont intéressées par ledit immeuble. Alors, pour mener à bonne fin cette
opération en chaîne, le maillon le plus faible pouvant réduire à néant bien des efforts
accomplis en amont, l’agent immobilier ne saurait se désintéresser de ce type de prêts, qui,
au surplus, ajoute sans conteste un plus à la gamme des services qu’ils peut rendre.
Le facteur temps, inhérent au formalisme de l’octroi d’un prêt, a une incidence sur
l’allongement de la durée du processus de vente d’un bien immobilier. Naturellement
l’agent immobilier est réticent à l’égard de tous les types de prêts qui nécessitent de
nombreuses formalités, car par essence, elles sont dévoreuses de temps et, de surcroît, le
suivi compliqué du circuit génère de l’incertitude quant au résultat espéré. Généralement
l’agent immobilier joue la prudence, c’est aussi ce que la clientèle lui demande.
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Reste à choisir parmi les modalités du crédit, répondant à la classification normalisée, celles
qui sont le mieux adaptées à la situation de l’emprunteur et répondent le mieux à son
projet.
Les caractéristiques générales des différents crédits immobiliers varient en fonction de leur
durée maximale : le prêt peut être à très court terme (prêt relais 3 mois) ; à court terme (2
ans) ; à moyen terme (7 ans) ; à long terme (20ans, voire, à l’extrême 30/35 ans).
Celui-ci peut être à taux fixe constant sur toute la durée du prêt, ce qui permet de connaître
sans surprise son coût final. Il est plus élevé qu’un taux variable en raison de l’absence de
risque ; il supporte généralement une pénalité en cas de remboursement par anticipation.
Le prêt peut aussi être à taux variable. Ce type de prêt est indexé sur un indice de référence
(taux interbancaire, voire en monnaie étrangère), le cas échéant avec possibilité de
remboursement par anticipation. Il présente le risque de variation de valeur de change
contre lequel il est difficile de se prémunir. Autre possibilité, le prêt à taux variable capé : le
taux varie à la hausse comme à la baisse en fonction de l’indice de référence déterminé. Il
est plafonné par le contrat à un maximum (en général 2%), en contrepartie, son coût subit
une prime d’assurance.
Enfin le prêt est soit in fine, soit amortissable ; dans le prêt in fine, seuls les intérêts sont
payés pendant sa durée, le capital étant remboursé à l’échéance finale, en une fois.
73 - La question du financement de l’achat immobilier est sans aucun doute cruciale pour
déterminer la faisabilité de l’opération. Mais, au-delà de cet aspect, il faut également
signaler que le crédit produit un effet de levier, qui peut être un déterminant incontournable
dans la décision d’achat.
Si la situation d’un bien immobilier pris dans son environnement, et ses caractéristiques sont
des éléments déterminants du choix, le financement et le montage qui l’accompagnent ne le
sont pas moins. Entre un paiement cash sur fonds propres, fruit d’une épargne s’étalant
Page 73
dans le temps et le recours à un crédit une réflexion s’impose. Un emprunt peut en effet
améliorer le taux de rentabilité de l’opération par un mécanisme appelé « effet de levier
financier ».
L’effet de levier est positif si le taux d’intérêt du prêt est inférieur au taux de rentabilité
économique (taux de rendement locatif (économisé ou perçu) majoré du taux de plus-value)
de l’investissement. L’effet de levier est négatif si le taux d’intérêt du prêt est supérieur au
taux de rentabilité économique.
Par exemple, un appartement de 300.000 € qui procure 5% de loyer (soit 15.000 €/an) et 1%
de plus- value par an (soit 3.000 €) peut être acheté sans emprunt, ou avec un emprunt de
200.000 € et un apport de 100.000 € (hors frais de mutation).
18.102 €
Intérêt
(capital+ intérêts échus)
Cet exemple montre que l’effet de levier du crédit améliore la rentabilité de l’investissement
de 3% sur 200.000 €. Le surplus de 100.000 € disponible peut être réinvesti en diversifiant
son capital en Assurances vie, immobilier locatif, actions, or physique, etc. L’effet de levier
du crédit ouvre donc la possibilité de se constituer un patrimoine plus rapidement que le
temps nécessairement long de l’épargne à constituer pour avoir les mêmes opportunités
d’investissement.
Lorsque le calcul de rentabilité est biaisé dès l’origine par excès d’optimisme, omission ou
imprévision, alors le ratio de remboursement du prêt entrant dans le budget prévisionnel est
faux. Il en résulte que le montant des échéances obéré de charges inconnues, présente le
risque de déséquilibrer le budget et de conduire à la ruine.
135 Depuis début 2016, il est possible d’obtenir des taux de crédit variant entre 1,70 et 2%, ce qui réduit
notablement les échéances de remboursement des emprunteurs. Néanmoins, lorsqu’il s’agit d’acheter à
crédit un immeuble à usage locatif, l’opération n’est pas aussi intéressante qu’on pourrait le penser car la
rentabilité nette est voisine du zéro (voir infra, n° 99 - et suivants).
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déduire les intérêts d’emprunts des revenus fonciers et d’obtenir certaines aides
conditionnelles et sporadiques.
En finançant en crédit in fine, l’épargne est conservée ; réinvestie, elle élargit le champ des
possibilités d’investissements ; c’est une des clés pour augmenter son patrimoine et amortir
les effets de l’inflation. C’est également un montage de prévoyance direct, en raison de
l’assurance-décès liée au prêt, assorti le cas échéant d’une assurance-chômage optionnelle.
75 - Les données obtenues par le banquier sont confidentielles, protégées dans le cadre de
la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, et les
textes subséquents. La CNIL137 est chargée de veiller au respect de la loi et de prendre des
sanctions en cas d’abus. Elle définit par profession les normes qui s’appliquent aux données
qu’elles détiennent. A titre d’exemples, les normes édictées sont les suivantes.
Banque-Finance : norme simplifiée n°13, délibération n°80-23 du 8 juillet 1980, modifiée par
les délibérations n°85-14 du 30 avril 1985 et n°88-82 du 5 juillet 1988, concernant les
traitements informatisés d’informations nominatives relatifs à la gestion des crédits ou des
prêts consentis à des personnes physiques par les établissements de crédits.
136
Cf. « Professions immobilières » n°109, avril 2009, éd. FNAIM, chambre Paris Ile-De-France, p.27 : Les
freins au développement de l’activité 1/ Les charges fiscales et sociales : 81% ; 2/ La crise du marché :
63% ; La réglementation : 55% ; Les investissements nécessaires pour innover : 37% ; L’accès au crédit :
34% ; Votre volonté personnelle de ne pas développer : 31% ; source : Baromètre Caisse d’Epargne La vie
des pros 2009.
137
Acronyme de « Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés. C'est une autorité administrative
indépendante française. Le rôle de la CNIL est de veiller à ce que l'informatique ne porte pas atteintes, ni aux
droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques.
Page 75
Banque-Finance : norme simplifiée n°12, délibération n°80-022 du 19 août 1980 concernant
les traitements automatisés d’informations nominatives relatifs à la tenue des comptes de la
clientèle et le traitement des informations s’y rattachant par les établissements bancaires et
assimilés.
Ouvrir la porte à la délation peut conduire, de notre point de vue, à tous les excès, et pose
plusieurs problèmes ; sans prétendre à l’exhaustivité, nous en distinguons trois.
D’abord, l’accent sécuritaire mis sur la recherche de l’origine des fonds doit incidemment
s’insérer dans le processus de collecte d’informations pertinentes, mis en pratique par un
professionnel de bonne foi soucieux d’évaluer l’adéquation de son offre avec les possibilités
financières et les désirs exprimés, ou à découvrir du client. Mais des investigations de ce
type nécessitent, à notre avis, un savoir-faire spécifique et du doigté. Lorsqu’elles sont
découvertes, il se crée des interactions négatives génératrices de méfiance, voire de rejet. La
psychose entretenue qui consisterait à voir systématiquement un voyou lorsqu’un gros
chèque est déposé est de nature à faire fuir le client. Par ailleurs, il ne faudrait pas susciter
des vocations de délateurs en rémunérant les informateurs.
Ensuite, la vérité ne se retrouve pas en cette circonstance par les menaces directes et
indirectes de rétorsion. La mauvaise publicité qui en découle réduit l’efficacité du système
mis en place.
138
Acronyme de « Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins » ; voir
pour plus d’informations : le site de la fédération Bancaire Française, « www.lesclesdela banque.com ».
Page 76
Enfin, au plan de l’éthique, le sentiment de trahir un client, qui de prime abord donne sa
confiance, reproche à la conscience de celui qui n’a pas vocation à devenir un investigateur-
inquisiteur.
Pour le moins, un rappel de l’obligation légale faite au professionnel de renseigner cette
question devrait faire l’objet d’une mention au mandat et dans les contrats. Celui qui n’est
pas détenteur d’un pouvoir spécial d’investigation délégué par une Autorité administrative,
ne devrait pas être inquiété pour manquement à cette obligation de renseignement, en
raison de faits délictueux dont il ne peut avoir connaissance parce qu’ils lui sont étrangers. Il
existe des moyens discrets d’investigation, autres que celui d’instiller le soupçon généralisé,
ne serait-ce que par les tables d’écoutes, recherches informatiques de cybercriminalité
exercées par les agents de la police économique, car si les « aviseurs » sont découverts,
toute l’organisation est bouleversée.
Un article paru dans le quotidien « Le Républicain Lorrain » du 03/08/2011, p. 3, sous
l’intitulé « Hausse de la lutte contre le blanchiment » (source du Ministère de l’Economie,
des Finances et de l’Industrie), dresse le tableau de l’évolution des données chiffrées
2009/2010 concernant les fraudes émergentes en 2010 :
Economie souterraine, escroquerie financières (Système Ponzi utilisé par Bernard Madoff.)
et la cybercriminalité :
- Nombre de saisines enregistrées (dont 94% déposées par des professionnels (banques,
assureurs, huissiers, casinos etc.)……… en 2009 : 18104, en 2010 : 20272, soit + 12% ;
- Nombre d’enquêtes…………………….. en 2009 : 14174, en 2010 : 15116, soit + 7% ;
- Nombre de dossiers transmis à la justice en 2009 : 384, en 2010 : 404, soit + 5% ;
- Montant des fraudes transmises à la justice en 2009 : 430, en 2010 : 524, soit + 22% (en
Mds€).
Bien entendu, l’octroi du crédit est lié à la solvabilité personnelle de l’emprunteur et aux
sûretés qu’il peut offrir en garantie du remboursement du prêt.
C’est pourquoi le dossier de demande de crédit doit comporter tout document susceptible
d’attester des capacités financières de l’emprunteur, tels que notamment avis d’imposition
et bulletins de salaires, etc… Mais le banquier prudent exigera également que l’acquéreur
finance son achat au moyen d’un apport personnel.
L’apport personnel, hors emprunt, correspond à la prise de risque de l’emprunteur. C’est son
engagement objectif à risquer de perdre une épargne - non symbolique -, malgré certaines
Page 77
assurances obligatoires ou volontaires, (maladie, invalidité, décès, perte d’emploi, garantie
de revente en cas de mutation…). L’importance du montant de cet apport personnel
détermine, au sens de la banque, la qualité du dossier de prêt. Il résulte souvent d’une
épargne longue.
A titre d’exemple, pour l’achat d’un appartement de 200.000 € avec un apport personnel de
15% du prix, (frais d’acte de mutation en sus) soit 30.000 €, le montant du crédit sera de
170.000 €. La durée d’épargne pour obtenir ces 30.000 € d’apport personnel est de :
Lorsque les capacités financières de l’emprunteur sont bien établies et que ses antécédents
ne révèlent pas d’obstacle rédhibitoire, ce qui relève de l’appréciation du banquier, il
émettra son offre de crédit.
Dans tous les cas de figure la banque tend à réduire son risque client ; elle vérifie donc sa
capacité d’épargne, ses garanties intrinsèques, la pertinence du projet, avant d’offrir son
meilleur taux de crédit.
En général, un apport personnel de 10 à 30% hors frais de mutation et accessoires, avec une
capacité de remboursement comprise entre 25 et 33% des revenus nets disponibles, sont a
priori, des critères suffisants pour permettre à l’emprunteur d’obtenir de la banque, des
bonnes conditions de taux. L’ajustement du ratio d’endettement pouvant, le cas échéant se
régler sur la durée du prêt, en fonction de l’âge.
Pour la banque, qui prend généralement le risque majeur, cela implique que pour un achat
d’un montant de 200.000 €, elle prendra en garantie de sa créance, une hypothèque de
premier rang ou une garantie de prêteur de deniers à hauteur de 140.000 €. En dessous de
ce montant, la banque prendrait le risque de perdre de l’argent, notamment à court terme
en cas de vente forcée. Dans cette éventualité, seule une petite partie du capital et des
intérêts aurait été remboursés. Le risque de perte en capital existe potentiellement aussi en
cas de nécessité de vente amiable, lorsque sur un marché la période est trop courte pour
amortir deux fois les frais de mutations et réaliser une plus-value, d’autant que le contrat de
prêt prévoit souvent une clause de pénalité en cas de remboursement anticipé, censée
compenser la perte des intérêts sur la période manquante. Son montant est généralement
compris entre 3à 4% du capital restant dû, plafonné à un semestre d’intérêts.
Page 78
prendre diverses formes : soit le banquier se contente d’une sûreté personnelle, soit il exige
une sûreté réelle.
Il est inutile de s’attarder sur les sûretés personnelles. Le plus souvent, il s’agit d’un
cautionnement donné par un proche de l’emprunteur. Mais il peut être également donné
par une société de cautionnement. En effet, les banques ont créé des sociétés de
cautionnement dans le but de réduire les frais de garantie pour les particuliers (dans cette
hypothèse il n’y a ni frais d'inscription à la conservation des hypothèques, ni de frais de
notaire). Enfin il faut signaler la caution « mutuelle fonctionnaire », garantie intéressante
pour certains fonctionnaires (Education nationale, Trésor, PTT, Énergie atomique, Police,
Justice, Défense nationale...).
79 - Les sûretés réelles qui portent sur l’immeuble financé, hypothèque conventionnelle et
privilège du prêteur de deniers, appellent davantage de développements.
D’emblée, il convient de relever que les banques prisent particulièrement ce type de sûreté,
car, en cas de difficultés financières de l’emprunteur, elles leur permettent de saisir
l’immeuble pour le faire vendre à leur profit et récupérer ainsi tout ou parties des fonds
qu'elles ont avancés et qui ne leur ont pas encore été remboursés.
A cet égard, on peut s’étonner de la nette préférence affichée par les banques en faveur de
l’hypothèque conventionnelle grevant le bien financé au détriment du privilège de derniers.
Autre avantage du privilège du prêteur de deniers, inscrit dans les deux mois de l’acquisition,
il prend rang à la date de la vente, primant ainsi les hypothèques qui auraient été inscrites
du chef de l’acquéreur.
Alors, comment expliquer cette préférence ? Le privilège présente cependant une faiblesse.
Il a pour assiette le bien tel qu’il existe lors de la vente. C’est dire que si la vente porte sur un
terrain à construire, il ne s’étend pas à la construction ; en pareil cas, le banquier prêteur a
intérêt à le compléter par une hypothèque couvrant le montant du prêt destiné à la
construction. La solution est la même pour un prêt destiné à financer les travaux sur un
immeubles existants. Mais lorsqu’il s’agit de financer la vente d’un immeuble achevé, le
privilège présente exactement les mêmes avantages que l’hypothèque et il n’y a alors
aucune raison de ne pas le préférer à l’hypothèque.
Page 79
80 - Une fois que le banquier a acquis confiance en la solvabilité du futur emprunteur, et le
délai d’instruction de la demande de prêt peut durer selon de l’importance du montant de
l’emprunt jusqu’à 3 ou 4 semaines, le banquier lui adresse alors une offre de crédit.
Lorsque, cas fréquent, le prêt obéit aux dispositions du Code de la consommation, l’offre,
outre qu’elle est rédigée par écrit et dans le respect des formes prescrites par l’article L 312-
8 du Code de la consommation, est adressée au client par voie postale 139, est valable 30
jours au minimum à compter de sa réception par ce dernier140 ; pendant cette durée, la
banque doit maintenir inchangées les conditions de son offre. L’acceptation de l’offre par
l’emprunteur ne peut avoir lieu que 10 jours après qu’il l’a reçue. Le contrat de prêt est alors
formé, mais « sous la condition résolutoire de la non-conclusion, dans un délai de quatre
mois à compter de son acceptation, du contrat pour lequel le prêt est demandé »141. Si, à
l’expiration de ces 4 mois, le contrat de vente du bien n’est pas signé, le contrat de crédit est
automatiquement résolu.
A notre avis, le délai légal pour finaliser un crédit immobilier est trop long. Il aggrave le
risque lié à l’incertitude et devient souvent la cause d’échec du processus de vente. Or s’il
trouve sa justification dans le mûrissement de la réflexion préalable et nécessaire à la
décision, la durée excessive des formalités inhérentes à la vente a aussi comme effet
l’érosion des volontés et par suite affecte la fluidité du marché. Heureusement, le délai de 4
mois peut être allongé par les parties, prêteur et emprunteur.
81 - Reste alors à savoir si l’immixtion de l’agent immobilier dans la démarche de crédit est
opportune.
Selon nous, cela dépend des attentes du client. Une telle immixtion est délicate ; elle se
justifie selon les circonstances, même si elle paraît légitime pour l’agent immobilier
mandataire du vendeur qui désire savoir comment va évoluer le processus de vente. En tout
cas, elle doit être honnête, c’est-à-dire exempte de conflit d’intérêts dans l’intermédiation
avec la banque.
Page 80
faits observés et la perception que l’on peut en avoir, la besoin de certitude en matière de
vérités – autant objective que subjective – est relative, dépend du point de vue où l’on se
place ; ses limites se trouvent dans l’imagination et le vécu de l’homme qui la recherche.
Ici, la création de valeur par l’agent immobilier se situe autant dans le suivi du processus
administratif du dossier que dans l’orientation technique à lui donner pour ne pas rompre
l’équilibre de l’économie familiale de son client.
82 - Il nous paraît normal que l’agent immobilier prenne l’initiative de conduire le processus
des opérations liées à l’avant-contrat du début à la fin. La phase du crédit est primordiale
puisqu’elle ouvre le volet de la faisabilité financière, condition sine qua none de l’échange. La
cause de l’échec qui résulterait d’un manque de suivi préjudiciable aux cocontractants
pourrait engager sa responsabilité.
Cela répond à un impératif, celui de maîtriser le délai d’exécution du contrat, lié à des
obligations réciproques de faire, enfermées dans des dates butoirs à peine de pénalités en
cas de non-respect.
C’est pourquoi, selon nous, la bonne attitude consiste à accompagner les clients dans leurs
démarches, du début jusqu’à la fin des opérations, pour ne pas les laisser seuls avec les
épreuves de l’inconnu.
Il doit accompagner son client chez le financeur, et avec leur assentiment, participer aux
échanges de vues, en évitant toutefois de trop s’immiscer dans les confidences. Sa présence
est souvent utile pour détendre l’atmosphère et créer un climat d’empathie réciproque. Il
veillera à ne pas être suspecté du délit de conflit d’intérêt ; ce risque est pour le banquier qui
Page 81
trahit la confiance du client en renseignant son département transaction des projets
confidentiels de ventes dont le financement lui est demandé.
Pour les raisons évoquées supra et celles suivantes, plus prosaïques, nous ne voyons en
conséquence que des avantages à ce que l’agent participe à ces entretiens. D’une part, cela
lui donne l’occasion de lever certaines inquiétudes ou ambiguïtés légitimes chez le
néophyte ; d’autre part, cela lui permet d’entrer plus avant dans le processus d’engagement
et des responsabilités en connaissance de causes.
Il s’en suit que l’agent pourra en retour, informer le vendeur de son ressenti sur l’état
d’avancement et la tournure que prend le dossier de crédit. Cette phase est essentielle,
puisque grâce à ces informations le vendeur pourra à son tour y voir plus clair. Sur la base de
ses premières impressions il pourra alors décider de la suite : faire progresser avec prudence
son projet de réemploi de fonds, ou l’abandonner.
83 - De la nature des relations nouées à l’occasion de ces tours de table dépend la qualité du
lien de confiance qui s’instaure par la suite dans les contacts entre l’agent et le banquier
avec d’autres clients. C’est au fil des échanges entre professionnels, en particulier, avec les
notaires et les confrères que l’agent immobilier acquière l’expérience du métier. Elle lui est
nécessaire pour optimiser son action.
Instruit de ses expériences du terrain, l’agent immobilier pourra d’autant mieux construire la
valeur perçue et nouer des relations fidèles avec ses clients, qu’ils sont eux-mêmes mieux
informés, qu’ils disposent d’outils comparatifs et de simulation performants en quelques
clics sur le net. Ainsi, les connaissances acquises chemin faisant, pourront-elles orienter sa
démarche marketing sur de nouveaux segments de clientèle, des niches peu exploitées,
voire inexplorées et par là profitables.
Mais il n’y a pas qu’en matière bancaire que l’agent immobilier est en situation d’aider
l’acheteur du bien immobilier ; ses connaissances en matière de fiscalité sont tout aussi
précieuses, pour guider l’acheteur et pour le vendeur dans le maquis des réglementations.
Plus grave, certains textes semblent être élaborés au gré des humeurs événementielles ou
des effets d’annonces incontrôlées. Que le doute s’installe sur le sens et la portée des règles
envisagées, que l'on se mette à ignorer où va la loi, et l'angoisse du corps social augmentera
l'indigestion que nous vaut déjà l'intempérance normative. Or il est des domaines sensibles
où un projet de réforme peut venir contrecarrer un projet d’investissement immobilier.
Page 82
La situation est particulièrement tendue en matière fiscale. Ainsi, la Cour des comptes
dénonçait en février 2013 le fait que « le Code général des impôts est devenu, aux yeux
même de l'Administration, inintelligible, avec un vocabulaire parfois désuet et une rédaction
souvent obscure », à quoi il faut ajouter que « chaque année, environ 20% des articles du
Code sont remaniés »142. Voilà qui donne une idée du maquis dans lequel l’acquéreur et le
vendeur risquent fort de se perdre si l’agent immobilier ne vient pas à leur secours. En effet,
ce dernier doit être capable de maîtriser la matière fiscale applicable à l’immobilier (A).
Mais le mal ne sévit pas qu’en matière fiscale comme le montre toute la réglementation à
connaître lorsque l’on fait un investissement immobilier à usage locatif. Là encore, il
appartient à l’agent immobilier d’attirer l’attention de son client, désireux d’acheter un
immeuble pour le louer, sur toutes les contraintes liées à un tel investissement (B).
A - La réglementation fiscale
85 - La fiscalité n’est pas neutre au regard de la circulation des biens immobiliers. Elle peut
dissuader de vendre ou d’acheter, parce que l’opération est trop fortement imposée ; elle
peut aussi inciter à acheter ou à vendre parce que l’opération bénéficie de faveurs fiscales.
Dans tous les cas, elle complique la tâche de l’agent immobilier qui devra renseigner son
client aussi bien sur l’effet dissuasif de la réglementation fiscale (1) que sur son effet incitatif
(2).
86 - La réglementation fiscale est sans aucun doute placée sous le signe de l’instabilité. Celle-
ci est d’ailleurs rythmée par l’adoption des lois de finance.
142
« www. assemblée-nationale.fr » : Didier Migaud, 1er président de la Cour des comptes - compte-rendu n°
8, 30 avril 2014 devant l’Assemblée nationale (mission d’information sur la simplification législative).
Page 83
par une personne143 dégage normalement une plus-value, chaque fois que le prix de vente
s’avère supérieur au prix acquisition du bien. Cependant, si toute mutation à titre onéreux
qui donne naissance à une plus-value, a vocation à être frappée par l’imposition144, toutes
ne le sont pas aux mêmes conditions. Certaines sont même exonérées de la taxation.
Reste alors à déterminer à quelles conditions cette plus-value est susceptible d’être
imposée.
Ainsi, le prix de vente est majoré des charges et indemnités qui sont supportées par
l’acheteur et prévues dans l’acte notarié ; il est au contraire minoré des frais supportés par
le vendeur, à condition qu’il les justifie146.
Quant au prix d’acquisition147, il est majoré d’un certain nombre de frais qui ont été payés à
cette occasion, par exemple les honoraires de l’agent immobilier, ceux du notaire et les
droits de mutation. A défaut de produire les factures des frais d’acquisition, ceux-ci
peuvent être forfaitisés à 7 ,5% du prix d’achat. Le cas échéant, le prix d’acquisition sera
également majoré du montant des dépenses de travaux de rénovation, d’aménagement,
d’isolation thermique ou phonique, de mise aux normes relatives aux diagnostics
obligatoires, etc… réalisés pendant la période de détention du bien, à condition toutefois,
qu’ils n’aient pas déjà faits l’objet d’une déduction fiscale sur le revenu de l’intéressé. A
noter que, lorsque l’immeuble est vendu après au moins 5 années de détention, le vendeur
a le choix entre la majoration pour travaux justifié ou une majoration fixée forfaitairement à
15 % du prix d’acquisition, ce qui représente un avantage lorsque le vendeur n’a réalisé
aucuns travaux.
La plus-value ainsi corrigée, que l’on appelle plus-value brute, n’est pas encore celle qui sera
imposée. Pour connaître le montant de la plus-value imposable, il faut tenir compte de la
durée de détention de l’immeuble par celui qui procède à la vente. En effet, toute année de
détention entraîne un abattement du montant de la plus-value imposable et, par voie de
conséquence, du montant de l’impôt et des prélèvements sociaux, lesquels deviennent nuls
143 La taxation de la plus-value immobilière s’applique à toute mutation à titre onéreux effectuée par une
personne physique ou par certaines personnes morales, comme les SCI soumises à l’impôt sur le revenu.
144 La taxation frappe en effet toutes les mutations de biens immobiliers, qu’elles portent sur des biens
détenus en pleine propriété ou en nue-propriété ou sur des biens vendus en viager ou encore sur un
apport en société, etc…
145 Lorsque le vendeur a reçu l’immeuble par héritage ou par donation, la plus-value est égale à la
différence entre le prix de vente et la valeur du bien au moment où il est entré dans le patrimoine de
l’intéressé.
146 Par exemple, les frais de mainlevée des hypothèques qui grèvent l’immeuble ou le coût des diagnostics
Page 84
au bout d’une certaine durée. Or c’est cette durée que le droit positif a fait évoluer ces
derniers temps, comme le montre le tableau qui suit148.
er
Date De 2004 au 31 janv. Du 1 février 2012 au Du 1er sept 2013 à Du 1er sept 2013 à
d’application 2012 30 août 2013 2016 2016
du régime
Durée de Taux d’abattement Taux d’abattement Taux d’abattement Taux d’abattement
détention du cumulé pour cumulé pour l’impôt pour l’impôt sur le pour prélèvements
bien l’impôt sur le sur le revenu et les revenu sociaux
revenu et les prélèvements sociaux
prélèvements
sociaux
0 à 5 ans 0%, 0%, 0%, 0%
6 ans 10% 2% 6% 1,65%
e
7 ans 20% 4% 12% 3,30%
e
8 . ans 30% 6% 18% 4,95%
9 ans 40% 8% 24% 6,60%
10 ans 50% 10% 30% 8,25%
11 ans 60% 12% 36% 9,90%
12 ans 70% 14% 42% 11,55%
13 ans 80% 16% 48% 13,20%
14 ans 90% 18% 54% 14,85%
15 ans 100 % exonération 20% 60% 16,50%
16 ans / 22% 66% 18,15%
17 ans / 24% 72% 19,80%
18 ans / 28% 78% 21,45%
19 ans / 32% 84% 23,10%
20 ans / 36% 90% 24,75%
21 ans / 40% 96% 26,40%
22 ans / 44% 100% exonération 28%
23 ans / 48% / 37%
24 ans / 52% / 46%
25 ans / 60% / 55%
26 ans / 68% / 64%
27 ans / 76% / 73%
28 ans / 84% / 82%
29 ans / 92% / 91%
30 ans / 100 % exonération / 100% exonération
Page 85
nouveau obtenue au bout de 22 ans de détention, celle des prélèvements sociaux n’est
acquise qu’au bout de 30 ans.
Il est certain que sur une durée aussi longue le propriétaire s’expose à des réparations
coûteuses : toiture, chauffage, ravalement de façades, etc… A notre sens, ceci est contre-
productif en termes de circulation des biens, donc nuit à la fluidité du marché. Quant à
vendre avant l’expiration du délai de 5 ans, il est préférable de l’éviter, car aucun
abattement n’est applicable.
89 - Les taux applicables à la plus-value sont élevés : 19 % au titre de l’impôt sur le revenu et
15,5 % au titre des prélèvements sociaux, soit au total 34, 5 %.
Le tableau ci-dessous indique la taxe sur les plus-values immobilières élevées. Le montant de
la taxe additionnelle varie par tranches en fonction du montant de la plus-value. « P.V »
correspond à la plus-value imposable149.
90 - Heureusement, le législateur a aussi prévu des cas d’exonération autres que la longue
durée de détention mentionnée supra.
Page 86
Certaines exonérations sont liées à la nature du bien.
La première d’entre elles revêt une importance pratique capitale. Elle concerne la vente de
la résidence principale et ses dépendances (garage, parking, cour, etc…). Elle soulève une
difficulté spécifique : que se passe-t-il lorsque le vendeur a déménagé avant de vendre ? En
bonne logique, le déménagement fait perdre à l’immeuble sa qualité de résidence
principale ; cependant, l’administration fiscale admet, dans sa grande bonté, que le
déménagement puisse précéder la vente, à condition toutefois que la vente intervienne
dans un délai normal, c’est-à-dire à une date qui ne soit pas trop éloignée de celle du
déménagement. L’appréciation du délai normal est une question de fait qui s’apprécie
notamment par rapport aux conditions du marché local de l’immobilier.
En second lieu, on trouve la première vente d’un logement autre que la résidence principale.
Toutefois la plus-value réalisée lors de la vente d’une résidence secondaire est exonérée à
deux conditions. La première est que le cédant n’ait pas été propriétaire de sa résidence
principale au cours des quatre années précédant la vente ; la seconde est qu’il ait utilisé le
fruit de la vente pour acquérir ou fait construire sa résidence principale dans les deux ans qui
suivent la cession. Si le cédant n’a réemployé qu’une partie du prix de vente du bien,
l’exonération est proportionnelle à la fraction qu’il a réinvestie.
A ces deux exonérations s’ajoutent la vente d’un droit de surélévation, les biens expropriés,
les biens échangés dans le cadre de certaines opérations de remembrement, les biens dont
le prix de vente ne dépasse pas 15.000 €, les biens vendus au profit d’organismes gérant des
logements sociaux ou d’une collectivité en vue de sa rétrocession à un bailleur social.
D’autres exonérations sont liées à la qualité de l'acquéreur. Il s’agit des biens vendus au
profit d'un organisme en charge du logement social, des biens vendus à un opérateur privé
qui s'engage à réaliser ou achever des logements sociaux, des biens expropriés.
Enfin des exonérations sont liées à la qualité du vendeur : personnes titulaires d'une pension
de vieillesse ou d'une carte d'invalidité, à condition que leur revenu fiscal ne dépasse pas un
certain plafond fixé à 1.603 €, majoré de 2.839 € par demi-part supplémentaire (pour les
cessions intervenues en 2015, la limite pour 2016 n’est pas connue à fin 2015) et
qu’elles ne soient pas assujetties à l’ISF en 2015 pour une vente en 2016. Sont également
visées les personnes qui résident dans un établissement social ou médico-social d'accueil de
personnes âgées ou d'adultes handicapés, à condition que le cédant ne soit pas assujetti à
l’ISF, que son revenu fiscal de référence ne dépasse pas la limite de 25.005 €, majorée de
5.842 € pour la première demi-part supplémentaire et de 4.598 € pour chaque demi-part
supplémentaire pour les ventes intervenues en 2015, (le plafond à ne pas dépasser pour les
ventes qui ont eu lieu en 2016 n’est pas encore disponible fin 2015). Les exonérations
s’appliquent aussi lorsque le vendeur ne réside pas en France, mais dans la limite d’une
résidence par contribuable et de 150.000 € de plus-value nette imposable.
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91 - L’Union internationale de la propriété immobilière (UIPI) a réalisé une analyse
comparative de la situation des propriétaires immobiliers dans 19 pays membres qui ont
répondu à une enquête en 2009, relative à l’imposition des plus-values en capital150.
Cette enquête révèle que l’imposition des plus-values est pratiquée par tous les pays
européens, sauf au Danemark et en Grèce (où elle a été abolie fin 2010). Le montant
imposable est réduit en fonction de certains facteurs différents de pays à pays, comme
l’indice du coût de la vie, le coût de rénovation ou toute autre amélioration, etc. Dans
certains pays, il existe un traitement différent entre les gains à court et long terme. Par
exemple en Italie, en Norvège et en Pologne ainsi qu’en Autriche et en Allemagne, seuls les
gains à court/moyen terme sont imposables (1-15 ans de l’achat de la propriété). Dans
certains pays, comme l’Autriche, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Italie et la Norvège, les gains en
capital sont traités comme des revenus, tandis que dans d’autres pays comme la France, la
Belgique, Chypre, l’Irlande, la Pologne, la Slovénie, la Suède, la Suisse, le Royaume-Uni, les
plus-values immobilières ont un traitement fiscal spécifique.
92 - Mais l’instabilité n’est pas le seul défaut dont est affligée la réglementation fiscale. Il
arrive aussi qu’elle soit trop imprégnée de considérations idéologiques, comme en atteste le
très controversé impôt de solidarité sur la fortune (ISF).
L’ISF est un impôt progressif sur le capital qui concerne le patrimoine des personnes
physiques. Il a succédé à l’impôt sur les grandes Fortunes (I.G.F.) créé en 1982 par le
Gouvernement Mauroy, puis supprimé en 1987 par le gouvernement Chirac. L’ISF a été créé
par la loi de finance pour 1989.
L’ISF est dû chaque année civile par toute personne physique151 qui dispose d’un patrimoine
dont la valeur nette est supérieure, au 1er janvier 2016, à 1, 3 millions €. L’ISF s’établit donc
en fonction de la valeur du patrimoine des assujettis ; son assiette est constituée par la
valeur nette152 au 1er janvier de l’ensemble des biens, à l’exception de ceux expressément
exonérés par le Code Général des Impôts. Les biens mobiliers153 et les valeurs de placement
financiers entrent dans l’assiette de l’ISF, mais sortent du champ de cette thèse. En outre
l’optimisation fiscale est l’affaire des spécialistes (gestionnaires de fortunes, fiscalistes,
experts comptables, etc…).
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93 - Sur le plan technique, l’ISF pose d’abord la question de l’évaluation des biens
immobiliers. Ceux-ci doivent être évalués par le contribuable à leur valeur vénale154. Les
agents du Service des domaines utilisent la méthode dite « par comparaison », visant des
transactions récentes relatives à des biens de consistance similaire sur le secteur considéré.
L’ISF pose ensuite la question des décotes qui, appliquées par le contribuable à la valeur
vénale réelle de ses biens, constituent autant d’abattements à l’impôt.
Ainsi, le fisc admet un abattement de 30% sur la valeur vénale de la résidence principale au
1er janvier de l’année concernée par la déclaration. Cela vaut aussi en cas de
démembrement de propriété où l’usufruitier est redevable de l’ISF, comme s’il détenait la
pleine propriété de l’immeuble, ce qui surenchérit son patrimoine ; en contrepartie, le nu-
propriétaire n’est pas assujetti à déclaration sur ce bien.
De même, il est admis que la valeur vénale d’un immeuble à usage d’habitation varie plus ou
moins, selon qu’il est libre, occupé par le propriétaire ou loué. La présence d’un bail et le
type de contrat, sont susceptibles de justifier un pourcentage de décote plus ou moins
important en fonction de sa durée. Dans ces diverses hypothèses, la décote peut aller de
20% à 45%, selon qu’il s’agit d’un locataire qui paie régulièrement son loyer ou qui ne paie
pas ; d’un occupant sans droit ni titre ou qui a droit au maintien dans les lieux 155; d’une
personne qui squatte le logement ; d’une personne qui fait l’objet d’une procédure judiciaire
d’expulsion…
L’état d’indivision est également de nature à dévaloriser l’immeuble car les droits indivis ont
une valeur propre qui diffère de la seule fraction de la valeur vénale totale du bien qui en
constitue l’assiette. En conséquence, Il convient d’évaluer ces biens en tant que tels,
indépendamment les uns des autres. Les parts de société civile immobilière sont évaluées de
la même façon.
A côté de ces cas où la décote est incontestable, il en existe d’autres dont l’efficacité est plus
incertaine.
On peut citer en vrac les décotes à caractère hédonique156. Par exemple, un appartement
situé au rez-de-chaussée à moins de valeur qu’un appartement mieux situé dans
l’immeuble ; même solution pour un appartement en étage élevé, lorsque l’immeuble est
dépourvu d’ascenseur. Autres exemples, les décotes fondées sur des nuisances
environnementales ou des servitudes ou encore sur le fait que l’appartement est occupé par
un membre de la famille ou bien qu’une partie de l’immeuble est affectée à usage
professionnel ou enfin que l’immeuble n’a pas été entretenu, qu’il nécessite des travaux en
de remise aux normes.
154 La notion de valeur vénale d’un bien correspond à sa valeur marchande, c’est-à-dire le prix auquel ce
bien pourrait être vendu ou acheté s’il était mis sur le marché dans les conditions normales d’offre et de
demande. Evaluer un bien, quel qu’il soit, consiste donc à supputer la plus forte probabilité de prix auquel
il pourrait se vendre sur un marché, à un moment donné, dans les conditions normales d’offre et de
demande. Pour le prix du marché, voir infra (n°135 - et suivants) ; V. aussi : « Guide de l’évaluation des
biens » Ministère de l’Economie et des Finances, Budget - Direction Générale des impôts – Paris, éd.
Imprimerie nationale.
155 Loi du 1er septembre 1948 encore en vigueur dans certaines villes de plus de 50.000 habitants
156 Cf. infra (chap.2, s. 1, § 2).
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Mais comme le principe d’estimation utilisé par l’administration fiscale est la méthode par
comparaison à des biens similaires, de même nature et consistance sur un secteur de
référence, il est clair qu’elle ne réserve pas le meilleur accueil aux contribuables qui
invoquent ce dernier type de décote...
Or voilà bien l’un des premiers inconvénients de l’ISF. Il contraint celui qui y est assujetti à
évaluer son patrimoine immobilier pour en déterminer la valeur. Mais le contribuable
assume, seul, la responsabilité fiscale en cas d’insuffisance et pénale en cas de fraude quand
bien même ce serait son comptable qui aurait rempli le formulaire de la déclaration. De plus,
cette valeur une fois déclarée pourra servir de base de référence, plus tard, en cas de vente,
pour la remettre en cause, le cas échéant taxer d’office les valeurs réelles d’ISF des dix
années antérieures, également en cas de succession, de donation et de partage, le moment
venu, pour le calcul des droits y afférents.
94 - Barème du calcul du taux de l’ISF par tranches en 2016 : (consolidé au 1er Janvier
2016)157
Taux
B/ Valeur nette taxable du patrimoine par tranche (2016)
applicable
≤ 800. 000 € 0%
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ISF brut = 500.000 € x 0,5% + 50.000 € x 0,7 % = 2.850 €
En 2016, l’I.S.F. est plafonnée en fonction du montant cumulé des impôts du contribuable
c’est-à-dire que l’impôt sur les revenus de 2015 (prélèvements sociaux et contribution
exceptionnelle sur les hauts revenus inclus) ajouté à l’I.S.F 2016 ne doit pas dépasser 75%
des revenus perçus en 2015.
95 - Le niveau élevé de la fiscalité sur le patrimoine des Français n’incite pas à investir dans
immobilier. C’est d’autant plus vrai qu’avec la flambée du prix des immeubles dans les
années 2000 à 2007, suivie d’une baisse d’activité dans les transactions de 2008 à 2015, et
malgré le contexte de légère reprise en 2016 avec corrélativement le repli des loyers dans
plus de la moitié des villes de plus de 10.000 habitants, un foyer peut être assujetti à l’I.S.F
en possédant une résidence principale dans une grande ville et une résidence secondaire
située en bord de mer ou en montagne. Ceci amène les propriétaires en général et les
investisseurs en particulier à suivre de près l’évolution des régimes de l’I.S.F et des plus-
values immobilières. La tendance générale est à l’abandon de ces types d’impôts car leur
caractère idéologique ruine toute espérance de rentabilité économique en termes de
rentrées fiscales. De notre point de vue cela explique pourquoi certains hauts contribuables
ont choisi de devenir des exilés fiscaux sous des cieux plus cléments, comme à Bruxelles, au
Luxembourg, en Suisse, etc...
L’imposition à l’ISF, à laquelle s’ajoute trente-six taxes et d’impôts pesant sur l’immobilier,
fait l’objet d’une controverse, d’une part en raison de la nécessaire harmonisation de la
fiscalité européenne, qu’il faut réaliser pour ne pas fausser le marché immobilier, elle met
en évidence le haut niveau de pression fiscale de la France que certains jugent confiscatoire ;
d’autre part, avec la flambée des prix de l'immobilier dans les années 2000 à 2007, un foyer
peut y être assujetti en possédant une résidence principale dans une grande ville et une
résidence secondaire située en bord de mer ou en montagne.
Dans les thèses qui s’affrontent, entre les détracteurs de l’imposition à l’ISF et les partisans
de cet impôt, les principaux arguments peuvent se résumer ainsi.
Page 91
96 - Voici les arguments en faveur de la suppression de l’impôt sur le patrimoine
L’I.S.F. est considéré par des personnalités politiques de la tendance libérale, mais aussi par
certaines personnalité politiques de la tendance socialiste, et non des moindres - par
exemple le ministre actuel du Budget E. Macron159 pense qu’on devrait le supprimer -,
comme un impôt idéologique qui est de nature à faire fuir les capitaux et les investisseurs les
plus riches vers des cieux plus cléments ; certains avancent que cela représenterait une
perte de dynamisme pour notre économie de 10 à 15 milliards d’euros, mais sans en
préciser le mode de calcul. Toutes choses étant égales par ailleurs, on constate cependant,
que de jeunes talents, surdiplômés ou non, partent chercher ailleurs la reconnaissance
matérielle de pays d’accueils qui font davantage confiance à la jeunesse que la France, en
leur offrant les possibilités ou l’espoir, d’un meilleur avenir ; d’où après avoir réussi ils ne
reviennent plus.
A l’I.S.F. se surajoute outre les plus-values immobilières, les droits de succession, les taxes
foncières et, le cas échéant, une kyrielle d’autres taxes et impôts qui pèsent sur
l’immobilier160.
Dans un des rapports de l’institut Montaigne (2007) il est écrit : « La portée symbolique de
l’I.S.F. (impôt de solidarité sur la fortune) va évidemment bien au-delà de son maigre poids
dans les prélèvements obligatoires en France (0,5%). Cependant, comme tous les autres
impôts, l’I.S.F. doit être jugé à son efficacité économique et sociale. A cette aune, il est assez
extraordinaire qu’il existe encore. L’analyse économique montre en effet que l’I.S.F. coûte
au moins deux fois plus cher à l’Etat qu’il ne lui rapporte. Il constitue une source
considérable de sortie de capitaux, pèse significativement sur le potentiel de croissance
économique »161, son coût de gestion est élevé : 2,13% contre 1,2% pour les autres impôts.
Page 92
autant, il ne faudrait pas sur-réagir à l’actualité, il est vrai inquiétante, et croire que le
retour de l’interventionnisme va nécessairement déboucher sur une réhabilitation de
l’impôt en lui-même. Qu’en sera-t-il de la concurrence fiscale dans ce nouveau
contexte ? Va-t-elle se poursuivre comme exacerbée par la crise ou, au contraire,
s’atténuer, au nom du retour de la régulation ? (… ) ». A la suite, F. Mariani faisant
référence au rapport de l’année précédente du Rapporteur général du
gouvernement, au demeurant assez prudent sur la problématique générale du sujet,
en cite un extrait relatif à la superposition d’impôts:
« Il est parfois estimé que le cumul des trois impôts cités supra au titre de leur
progressivité (impôt sur le revenu, impôt sur les successions et impôt sur le
patrimoine) est inéquitable car il revient à taxer trois fois le même euro sur un cycle
de vie (lorsqu’il est gagné, lorsqu’il est épargné et lorsqu’il est transmis). A l’inverse,
on peut considérer qu’il est légitime, en termes, d’équité, de taxer le revenu épargné,
car il conduit à un enrichissement, donc à une consommation future plus élevée ».
La position du rapporteur du gouvernement feint d’ignorer la vertu des flux circulants qui
sont créateurs de travail, source de richesse permettant d’activer la consommation, de
fluidifier les échanges, donc de produire intelligemment des rentrées fiscales justes, c’est-à-
dire non spoliatrices. L’erreur est d’ordre idéologique : L’hypocrisie est de faire croire que
l’on peut faire un pays riche avec près de 14 millions de gens assistés par l’Etat providence ;
que la justice sociale est de déshabiller les éléments actifs producteurs de richesses, alors
que ces derniers prennent le risque de se trouver floués de leur épargne au moment de la
retraite par des banques en faillites qui se serviront sur les dépôts excédents 100.000 €.
Lorsque devenus vieux ils ne pourront plus rien produire, ils seront vulnérables et délaissés
dans l’indifférence générale, victimes de budgétivores inconséquents, anonymes et
irresponsables, incapables de créer les conditions favorables au développement économique
et social que chacun est en droit d’attendre dans une démocratie, prétendument moderne ;
mais qui ne se donne pas les moyens d’être à l’avant-garde du progrès social.
Le Conseil d’Analyse Economique (sept. 2013) écrit : « Les prélèvements obligatoires français
sur le capital sont supérieurs à ceux des pays voisins, surtout pour la fiscalité portant sur le
stock de capital. Ce niveau d’imposition élevé s’explique avant tout par une forte pression
fiscale en France sur toutes les assiettes d’imposition, et plus particulièrement les revenus
du travail. En conclusion, il y a bien une double taxation des revenus sur la partie des
rendements qui compense l’inflation. Pour éviter cette double taxation, il ne faudrait taxer
que la rémunération de l’épargne qui excède l’inflation. Par ailleurs, il faut noter que la
taxation du patrimoine (et non les rendements du patrimoine) fait bien l’objet d’une
imposition cumulative »163.
Page 93
97 - A présent, voici les arguments de ceux qui sont favorables à l’imposition de L’ISF.
Le conseil d’Analyse Economique précise : « Il existe des arguments solides pour imposer les
revenus du capital. En particulier, cette fiscalité participe à la redistribution des revenus et
elle permet d’alléger les prélèvements du travail. Mais plusieurs systèmes d’imposition sont
possibles. Le choix d’un système dépend du niveau de redistribution souhaité, mais aussi de
la force relative de deux comportements d’optimisation : entre revenus du travail et revenus
du capital, d’une part, et entre différentes localisations de la résidence fiscale, d’autre part
(exil fiscal).
Les tenants de l’impôt sur la fortune, à l’instar de ceux qui sont partisans d’un taux marginal
élevé d’impôt sur le revenu, font appel au devoir contributif du citoyen envers la société,
autrement dit aux valeurs de solidarité et de patriotisme économique. Choisir l’exil fiscal
pour échapper à des prélèvements obligatoires élevés serait une faute morale condamnable
de nature à rompre le principe d’égalité des citoyens devant les charges publiques.
L’argument nous paraît fallacieux dans la mesure où l’argent–roi règne en maître du monde,
l’utopie est de croire que les 10% de gens fortunés qui possèdent 90% des richesses de la
planète sont disposés à le partager. Cela reviendrait à imaginer un système économique où
la répartition des peines et des bénéfices seraient équitable. Ceux qui voudraient
consommer plus, pourraient le faire en travaillant plus. Cette solution ne nécessiterait pas
de modification à la nature humaine. Seulement, l’avantage est pour l’heure, à la
concurrence des robots, exemptés de charges, mais pour combien de temps ?
Fondamentalement la démocratie devrait permettre de décider collectivement autrement.
L’impôt sur la fortune représente une ressource fiscale qui a rapporté 4,33 milliards d’euros
à l’Etat en 2013, malgré la suppression de sa première tranche à 800.000 €. Dans le contexte
du déficit budgétaire de l’Etat, il est difficile d’y renoncer compte tenu des engagements pris
par la France au niveau européen dans le cadre du pacte de stabilité.
L’essentiel est dit, nous semble-t-il ; cependant, nous estimons qu’il faudrait aussi s’attaquer
aux droits de succession qui en ligne directe sont taxés en France à 40%, alors que dans
d’assez nombreux pays de l’Union européenne, cette imposition n’existe pas, ou quand elle
existe, le taux varie entre 2% et 22%.
98 - Pour finir, il paraît judicieux d’indiquer la manière dont quelques d’autres pays d’Europe
ont traité la question de l’imposition sur le patrimoine.
La plupart des pays d’Europe ont estimé que l’imposition sur le stock de capital est contre-
productive en terme d’emplois et d’investissements et l’ont tous pratiquement supprimé.
Comme le démontre une étude comparative de l’imposition sur le stock de capital en
Europe, la France peine à réaliser une réforme de fond de sa fiscalité.
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Un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires du 4 de mars 2009, présenté au Sénat,
évoque les dernières réformes de la fiscalité du patrimoine chez nos voisins des États
européens164, nous la résumons brièvement ci-dessous :
La Belgique n’a jamais connu d’impôt de capital, mais elle applique une retenue à la source
de 15% sur les profits de fonds d’investissement.
En Autriche en 1994.
Au Danemark les taux d’imposition des plus-values mobilières ont été
augmentés en 2002 et l’exonération des plus-values à long terme a été
supprimée en 2006.
En Allemagne en 1997. La Cour fédérale constitutionnelle a sanctionné la
fâcheuse tendance du système allemand à évaluer certains biens
professionnels, immobiliers et participations, à leur valeur de rendement
plutôt qu'à leur valeur de marché.
Aux Pays-Bas en 2001.
En Finlande en 2006, elle conserve un impôt portant uniquement sur le
patrimoine immobilier dont le contribuable est propriétaire.
Au Luxembourg en 2006, la suppression de l’ISF a été décidée en contrepartie
de la mise en place d’une nouvelle retenue à la source de 10 % sur les revenus
d’intérêts de l’épargne perçus par les personnes physiques résidentes.
En Suède en 2007,
En Espagne en 2008.
Dernière réforme en 2007, l’Allemagne a relevé le taux de la tranche
marginale de l’impôt sur le revenu de 3 % pour les revenus annuels nets
imposables supérieurs à 250.000 euros.
Système hybride En Norvège, les municipalités prélèvent 0,4 % et l’État 0,7 %
sur les actifs nets excédents 700.000 couronnes norvégiennes, soit environ
88.600 euros.
La Suisse taxe le stock de capital aux niveaux des cantons et des municipalités.
Chacun décide du taux d’imposition sur la fortune
L’Italie prélève l’impôt sur la fortune au niveau local sur l’ensemble des biens
immobiliers, à l’exception de la résidence principale, le taux d’imposition
varie entre 0,4 % et 0,7 %.
164 Source : site web « www. senat.fr » : Rapport du « Conseil des prélèvements obligatoires - progressivité
et effets redistributifs » présenté au Sénat le 4 mars 2009 ; cf. pour aller plus loin : Etude de l’Observatoire
Français des Conjonctures Economiques (O.F.C.E.) : les réformes fiscales en Europe, 1997-2001, - 28 juin
2002-, présenté au Sénat.
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Aux Pays-Bas, la fiscalité du patrimoine repose sur un système hybride. Les
impôts sur le stock et sur les revenus ont été remplacés par un impôt
forfaitaire sur les revenus qui s’applique au patrimoine des ménages, il
n’englobe pas la résidence principale, ni les biens de production165.
Un tel investisseur exige, pour se décider à acquérir un bien immobilier à usage locatif,
un taux de capitalisation réaliste par rapport à d’autres investissements possibles. Ce taux
est destiné à représenter le rapport existant entre le revenu de l’immeuble et sa valeur
vénale, qui ne doit pas être confondu avec le taux de placement, qui représente le rapport
existant entre le revenu de l’immeuble et son prix d’acquisition (prix d’achat plus frais). Or,
les idées reçues sur la rentabilité faisant de cet investissement le meilleur placement pour
sauvegarder la valeur du capital (en termes de valeur d’échange) sont battues en brèche si
l’on examine d’un peu plus près la rentabilité nette d’un logement loué.
Première hypothèse : l’imposition sur le revenu s’effectue au taux de 30% qui représente le
taux moyen.
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Taxe foncière………………………………………………………………………………………… -1 200,00 €
Incidence de l’ISF :
Incidence de l’ISF
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Troisième hypothèse : l’imposition sur le revenu s’effectue au taux de 45 % qui représente le
taux le plus élevé
Incidence de l’ISF
Ainsi, il est clair que plus l’investisseur a un patrimoine important, plus la rentabilité de son
investissement diminue ; par conséquent, moins il a intérêt à investir dans la pierre. Il n’a
même aucun intérêt à le faire lorsque le taux de rentabilité devient négatif. Dans ces
conditions, comment espérer que les contribuables les plus aisés investissent dans
l’immobilier ? Ce sont pourtant eux qui ont les moyens de développer l’offre de logements
et de la revitaliser ! Mais il est vrai que ni les banques, ni les compagnies d’assurances ne
proposent des rendements supérieurs, si ce n’est à risques. La solution reste de profiter de
son capital pour se faire plaisir tant qu’on peut le faire, en espérant des jours meilleurs.
101 - Après un constat aussi édifiant, il n’est pas étonnant que les pouvoirs publics qui ne
sauraient ignorer l’effet ravageur de la fiscalité sur l’investissement immobilier, s’efforcent
de faire contrepoids en élaborant des mesures destinées à inciter les épargnants à investir
dans l’immobilier à usage locatif.
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2 - L’effet incitatif de la réglementation fiscale
102 - Il n’y a pas lieu de s’attarder sur les dépenses déductibles des revenus fonciers, telles
que les dépenses de réparation, d’entretien ou d’amélioration168 ou les primes d’assurance
afférentes aux immeubles loués169 ou encore les intérêts d’emprunts pour l’acquisition, la
construction, la réparation et l’amélioration de ceux-ci170. Ce ne sont pas là des faveurs
fiscales en vue de l’investissement immobilier, mais de simples mesures de justice fiscale.
De même, il n’est pas utile de s’attarder sur le régime d’imposition dit du « micro-foncier »
qui s’applique aux contribuables dont les biens loués ne bénéficient pas des régimes fiscaux
de faveur et dont les revenus fonciers bruts provenant de la location d’immeubles non
meublés n’excédaient pas 15.000 € en 2015. Le « micro-foncier », qui permet de porter
directement le montant brut des revenus fonciers sur la déclaration d’ensemble des
revenus et dispense de souscrire la déclaration annexe des revenus fonciers vaut certes à
l’assujetti de bénéficier d’un abattement forfaitaire de 30%. Mais comme cet abattement
couvre toutes les charges déductibles relatives à l’immeuble, « le micro-foncier » est plus
une mesure de simplification qu’une faveur fiscale.
Enfin il suffit de mentionner les déductions spécifiques dont le taux va de 26% pour les
logements loués dans le cadre du dispositif Besson-ancien, à 70% pour les logements loués
dans le cadre du dispositif Borloo-ancien à un organisme public ou privé en vue de sa sous-
location ou de sa mise à disposition à des personnes défavorisées, selon le cas, sur leurs
loyers imposables, en plus des autres charges admises en déduction dans le régime réel.
168 Pour être déductibles du revenu foncier, les dépenses afférentes à ces travaux doivent correspondre à
l’année au cours de laquelle le paiement a été effectué. Les factures de matériaux sont prises en compte, le
cas échéant TTC, mais pas la rémunération du propriétaire qui les a exécutés lui-même.
169 Toutes sont déductibles du revenu foncier. Les propriétaires de certains logements dits conventionnés,
parce que le bailleur s’est engagé à louer son logement pendant 6 ans minimum en cas de convention sans
travaux, ou pendant 9 ans minimum en cas de convention avec travaux, peuvent bénéficier d’un crédit
d’impôt égal à 38% de la prime versée en 2015 au titre de la souscription d’un contrat d’assurance loyers
impayés, mais en contrepartie ils ne peuvent pas déduire les primes de leurs revenus fonciers.
170 De même, peuvent être admis en déduction du revenu foncier les frais de constitution du dossier
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jusqu'à 80% du montant de l'acquisition, a pris fin le 31 août 1999 et a été remplacé par le
dispositif Besson.
Ces régimes avaient pour objectif de relancer la construction neuve. De notre point de vue
ils ont surtout profité aux promoteurs immobiliers, car le prix des terrains à bâtir est
l’élément fondamental entrant dans le coût de construction de l’immeuble ; il est donc
déterminant pour la faisabilité de l’opération. Or, selon les zones géographiques, le prix des
terrains est plus ou moins élevé ; par conséquent, il est plus ou moins facile de résoudre
l’équation de l’opération en remplissant les conditions attachées à ces types de prêts. Cela
explique que ces dispositifs ont souvent permis de réaliser des immeubles dans des zones
où le prix des terrains était bas parce que la demande était faible. Malheureusement, dans
ces zones-là, il s’est rapidement avéré qu’il était impossible de louer les immeubles
construits aux conditions fixées par ces dispositifs. Du coup, s’en sont suivies l’impossibilité
de profiter des déductions fiscales au titre de l’amortissement et des difficultés à revendre
ces biens au prix d’acquisition et, in fine, la remise en cause des déductions fiscales
accordées puisque le contrat d’acquisition n’était pas respecté.
Au surplus, il est clair que ces immeubles, a priori neufs, n’intéressent guère les agents
immobiliers, compte tenu de la difficulté à les vendre.
104 - Avec l’arrivée de la gauche au pouvoir deux nouveaux dispositifs sont apparus : le
dispositif Duflot en vigueur du 1er janvier 2013 au 31 août 2014, puis le dispositif Pinel en
vigueur du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2016. Les dispositifs Duflot et Pinel rompent
doublement avec les dispositifs antérieurs : d’abord ils élargissent le champ de la mesure à
de nouvelles hypothèses d’investissement locatif, ensuite l’avantage fiscal consiste
désormais en une réduction d’impôt.
Parmi les investissements concernés par le dispositif, on trouve évidemment les logements
acquis neufs ou en l’état futur d’achèvement ou encore les logements que le contribuable
fait construire, la demande de permis de construire ayant été déposée entre les dates de
vigueur du dispositif. Mais on trouve aussi des logements qui font ou ont fait l’objet, entre
ces mêmes dates, de travaux concourant à la production ou à la livraison d’un immeuble
neuf ou encore des logements qui, ne satisfaisant pas aux conditions de décence mais
faisant l’objet de travaux de réhabilitation entre ces mêmes dates, atteignent grâce à ces
travaux, des performances techniques voisines de celles des logements neufs. On trouve
enfin de locaux affectés à un usage autre que l’habitation mais qui font l’objet, entre ces
mêmes dates, de travaux de transformation en logement. Tous les logements doivent en
outre répondre à des critères de performance énergétique.
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Quant à la réduction d’impôt, elle est calculée sur le prix de revient du logement, c’est-à-dire
pour un logement neuf le prix d’acquisition majoré des frais afférents à l’acquisition,
honoraires de notaire, commissions versées aux intermédiaires, taxe sur la valeur ajoutée,
droits d’enregistrement le cas échéant et taxe de publicité foncière, et pour un logement
réhabilité ou transformé
le prix d’acquisition augmenté du montant des travaux. Le taux de
la réduction d’impôt dépend de la durée pendant laquelle l’investisseur accepte de louer le
logement. Il est de 12 % pour un engagement de six ans, de 18 % pour un engagement de
neuf ans et de 21 % pour un engagement de douze ans171. Il faut cependant préciser que
l’avantage fiscal, réparti sur toute la durée de l’engagement, est plafonné à un montant
global de 300 000 € et de 5 500 € par mètre carré.
105 - Ainsi présenté, le dispositif semble avantageux. Il faut cependant nuancer cette
impression.
D’une part, la réduction d’impôt s’applique exclusivement aux logements situés dans des
zones géographiques déterminées par les pouvoirs publics et caractérisées par la difficulté à
accéder au logement eu égard aux tensions que connaît le parc locatif existant172.
D’autre part, s’il faut louer l’immeuble pour bénéficier de la réduction, il importe de préciser
que l’investisseur bailleur ne peut pas louer à n’importe qui173 et à n’importe quelles
conditions. En effet, il doit nécessairement louer à une personne qui ne dépasse pas un
plafond de ressources fixé par décret, plafond variable selon que la commune appartient à
une zone dont le parc locatif est plus ou moins tendu174. Surtout, le prix du loyer mensuel
par mètre carré est plafonné par décret : il varie selon la zone concernée175 et aussi selon la
surface de l’appartement ; en plus, il peut même être réduit par arrêté préfectoral. En gros,
le montant du loyer se situe 20% en dessous du marché du secteur concerné.
On le voit, l’avantage fiscal issu du dispositif PINEL suppose que l’investissement locatif
réalisé s’adresse à la catégorie des logements intermédiaires, c’est-à-dire à une catégorie qui
n’intéresse pas vraiment les gros investisseurs, ceux qui disposent de moyens financiers
importants. Disons-le clairement, en accordant une telle déduction fiscale, l’Etat, outre qu’il
espère ainsi relancer la construction neuve et favoriser les entreprises et artisans du secteur
du bâtiment, vise les épargnants de la classe moyenne, ceux qui, parce qu’ils veulent ou ont
besoin d’alléger la pression fiscale qui pèse sur eux, accepteront d’investir sous toutes les
conditions énoncées.
171 A noter que si le montant de la réduction d’impôt excède l’impôt dû au titre d’une année d’imposition,
le solde ne peut être imputé sur l’impôt sur le revenu des années suivantes. A noter également que le
bailleur ne peut pas bénéficier d’une déduction spécifique à valoir sur les revenus bruts durant toute la
période d’engagement de location.
172 Ainsi, les zones géographiques éligibles au dispositif sont classées en 4 catégories, A bis, A, B1 et B2,
ascendant ou à un descendant, à condition qu’il ne dépasse pas les plafonds de ressources requis.
174 A titre d’exemple, pour un bail conclu en 2016, ce plafond annuel de ressources est fixé pour la zone A
bis et pour une personne seule à la somme de 36 993 €, alors que pour la zone B2 il est de 27 136 €.
175 Le plafond est de 16, 83 € en zone A bis et de 8, 75 € en zone B2.
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Dès lors, la réponse à la question de savoir si les loyers plafonnés abaissent encore le seuil
de rentabilité de l’investissement dans l’immobilier locatif ne se révèlera qu’à l’épreuve de la
réalité des territoires. Cependant, le mouvement de repli des loyers dans 54,1% des villes de
plus de 10.000 habitants que l’on constate d’ores et déjà176 et qui est probablement
imputable à la crise économique actuelle, n’est pas de bon augure, d’autant qu’un contexte
de baisse des loyers n’a jamais inciter les bailleurs à améliorer les logements.
106 - Dans le cadre de la loi Malraux, il est également possible d’avoir droit à une réduction
d’impôt en cas de restauration complète de l’immeuble qui a fait l’objet d’un permis de
construire ou d’une déclaration de travaux déposée à compter du 1er janvier 2009.
L’engagement doit être pris de louer l’immeuble pendant neuf ans. Pour les opérations
réalisées en 2015 le taux de réduction est de 22%, calculé sur les dépenses supportées,
retenues dans la limite de 100.000 € pour les immeubles situés dans une zone de protection
du patrimoine architectural, urbain et paysager ou dans une aire de mise en valeur de
l’architecture et du patrimoine ; le taux de réduction est de 30% pour les immeubles
implantés dans un secteur sauvegardé ou dans un quartier ancien dégradé.
107 - Après avoir examiné les avantages fiscaux liés à l’investissement locatif, il n’est pas
inutile de dire quelques mots des avantages fiscaux qui s’appliquent à la résidence
principale, d’une part parce que, pour un agent immobilier, la résidence principale
représente la part la plus importante des transactions qu’il réalise, d’autre part parce que
l’argument fiscal n’est pas neutre dans la décision d’acheter ou de vendre.
Les dépenses afférentes à la résidence principale, en particulier les intérêts d’emprunt pour
son acquisition et les dépenses afférentes aux travaux d’économie d’énergie, ouvrent droit à
un crédit d’impôt.
Pour les logements neufs acquis en 2011 avec une offre de prêt émise avant 2011, le taux du
crédit d’impôt est fixé à 25% pour la première annuité et à 10% pour les quatre années
suivantes.
Pour les logements neufs acquis en 2010, le taux de crédit d’impôt est fixé à 30% pour la
première annuité et 15% pour les quatre années suivantes.
176 Cf. La variation des loyers de marché d’après CLAMEUR/février 2016, in : UNPI, Ibid supra, p. 24 à 26.
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Pour les logements neufs acquis ou construits à partir du 1er janvier 2009 qui sont labellisés
« BBC 2005»177, le crédit d’impôt est de 40% sur sept annuités.
Pour les logements anciens, l’avantage fiscal est égal à 40% du montant des intérêts payés
lors de la première annuité de remboursement et à 20% de leur montant pour les quatre
années suivantes.
Quant au crédit d’impôt pour transition énergétique (Cite), il couvre plusieurs catégories de
travaux d’économie d’énergie178 réalisés en 2015 par une entreprise titulaire de la mention
RGE (reconnue garant de l’environnement) dans la résidence principale du propriétaire, à
condition que le logement soit achevé depuis plus de deux ans. Le crédit d’impôt est de 30%,
calculé sur le prix d’acquisition des équipements, matériaux et appareils répondant à
certaines normes techniques, fournis par l’entreprise qui les installe ; sauf exception, la main
d’œuvre n’est pas prise en compte.
A noter que les bailleurs ne peuvent plus bénéficier de ce crédit d’impôt pour les dépenses
payées depuis le 1er janvier 2014, mais gardent la possibilité de déduire de leurs revenus
fonciers les dépenses de rénovation énergétique effectuées sur un logement loué.
108 - La loi universelle d’équilibre régissant toute chose, il est clair que les avantages
fiscaux liés à l’investissement locatif trouvent leur justification et qu’à l’opposé il y a des
contraintes inhérentes à ce type d’investissement.
109 - Il n’est pas question ici d’entrer dans le détail de la réglementation, car il y a là
matière à faire une autre thèse qui s’intéresserait à la fonction de l’agent immobilier dans la
location d’immeuble. Une autre raison tient au fait que les missions d’acheter pour investir
ne représentent pas le cas le plus fréquent des mandats de recherche.
Il reste cependant que très souvent en pratique, l’agent immobilier s’occupe aussi de
gestion d’immeuble. C’est dire qu’il est bien placé pour informer le client qui le charge de
lui trouver un immeuble locatif, des contraintes que la réglementation en vigueur fait
peser sur l’investissement locatif.
177 Pour bénéficier de la majoration de l’avance remboursable sans intérêt pour l’acquisition ou la
construction de logement en accession à la propriété, visé à l’article R. 318-34 du Code de la construction
et de l’habitation, l’emprunteur doit justifier de l’obtention du label « bâtiment basse
consommation énergétique BBC205» mentionné au 5° de l’article 2 de l’arrêté du 3 mai 2007 suivant
certaines modalités.
178 Cf. Liste des travaux admis au titre d’économie d’énergie : www.developpement-durable.gouv.fr.
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110 - Le premier type de contraintes concerne les normes techniques qui s’appliquent à
l’immeuble loué à usage d’habitation : on ne donne pas à bail n’importe quel immeuble. Au
surplus, obligatoires pour pouvoir louer un logement. En outre, il est préférable que celui-ci
soit en bon état d’entretien et d’usage, sinon il sera difficile d’espérer un loyer dont le
montant correspond au moins aux conditions du marché. En effet, l’idéal pour l’investisseur
est que le différentiel entre le montant du loyer et les échéances de remboursement du
crédit soit le plus petit possible.
Normes thermiques, normes sismiques, normes pour les personnes à mobilité réduite,
normes électriques, etc..., voilà un maigre aperçu des exigences à respecter. D’ailleurs, pour
s’assurer qu’elles le seront, bon nombre d’entre elles doivent faire l’objet d’un diagnostic
technique établi par un expert. Surtout, depuis la loi ALUR, le dossier de tous les diganostics
obligatoires « est annexé au contrat de location lors de sa signature ou de son
renouvellement »179. Comme ces diagnostics sont également obligatoires en cas de vente
d’un immeuble, leur examen sera fait plus loin180 ; pour l’heure, il suffit de les
mentionner tels que l’article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 les énoncent :
3° Une copie d'un état mentionnant l'absence ou, le cas échéant, la présence de matériaux ou
produits de la construction contenant de l'amiante. Un décret en Conseil d'Etat définit les
modalités d'application du présent 3°, notamment la liste des matériaux ou produits
concernés ;
4° Un état de l'installation intérieure d'électricité et de gaz, dont l'objet est d'évaluer les
risques pouvant porter atteinte à la sécurité des personnes. Un décret en Conseil d'Etat
définit les modalités d'application du présent 4° ainsi que les dates d'entrée en vigueur de
l'obligation en fonction des enjeux liés aux différents types de logements, dans la limite de six
ans à compter de la publication de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au
logement et un urbanisme rénové.
Par ailleurs, les parties doivent faire un état des lieux contradictoire ou par huissier à la
demande d’une des parties (Article 3-2). Celui-ci servira ultérieurement comme base de
179 Article 3-3 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, créé par la loi ALUR, tendant à améliorer les rapports
locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
180 Voir infra, n° 131 - et suivants
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comparaison lors de la sortie définitive du locataire. De plus, dans le but de réduire les
risques de mortalité par incendie, la loi n°210-238 du 9 mars 2010 impose au propriétaire
d’installer dans le lieu d’habitation au moins un détecteur de fumées (norme NF EN 14604).
Le décret n°2011-36 du 10 janvier 2011 a fixé la date limite du 8 mars 2015.
111 - Précisément, la loi du 6 juillet 1989 énonce, en son article 6, une autre contrainte :
«(l)e bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas
apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la
santé, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le
rendant conforme à l'usage d'habitation ».
En d’autres termes, il ne suffit plus, comme c’était autrefois admis, que le bailleur se
contente d’assurer « le clos et le couvert » ; il doit désormais vérifier que le logement ne
contient aucun équipement, matériau ou installation dangereux ou nocifs. Il doit aussi veiller
à ce qu’il soit pourvu des éléments de confort nécessaires ; en particulier, le logement doit
comporter une arrivée d’eau chaude et froide, un système d’évacuation des eaux usées, une
cuisine ou coin-cuisine. Son installation électrique doit permettre l’utilisation d’appareils
ménagers classiques et celle du chauffage doit être en état de fonctionner normalement. Les
logements de plus d’une pièce doivent avoir une installation sanitaire avec lavabo, douche
ou baignoire et W-C, comporter au moins une pièce d’une surface habitable supérieure ou
égale à 9 m², soit un volume habitable au moins égal à 20 m² la hauteur minimum sous
plafond est de 2,20 m, les surfaces sous hauteur de plafond inférieures à 1,80 m ne
comptent pas comme habitables.
Heureusement, sauf à avoir à faire à un marchand de sommeil, il est rare qu’un investisseur
achète un immeuble insalubre... Généralement, on l’a dit, l’investisseur entend louer
l’immeuble ; c’est alors qu’il se trouve face à la réglementation des baux à usage
d’habitation.
112 - Les règles posées par la loi du 6 juillet 1989 à propos des rapports entre le bailleur et
le locataire sont d’ordre public.
L’article 1er de la loi de 1989 énonce solennellement que le « droit au logement est
fondamental (…). Aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un
motif discriminatoire défini à l’article 225-1 du Code pénal ».
Page 105
C’est dire que l’agent immobilier dont la mission consiste à trouver un locataire, doit agir
avec prudence et doigté. Lorsqu’il fait visiter un logement à des locataires potentiels, il est
diplomate, mais non ambigu, et ferme. Le mieux est d’être clair avant et pendant la visite sur
les exigences et la personnalité du bailleur. Avant de faire visiter le logement à des
personnes intéressées, il les prévient que d’autres candidats l’ont déjà visité et sont
intéressés par la location, et que le propriétaire est en possession des informations sur ces
candidats. Dès lors, eux aussi s’ils sont intéressés, devront remplir une fiche de
renseignements et communiquer certaines pièces (fiche de salaire ou avis d’imposition…) ;
le propriétaire rendra sa décision, positive ou négative, au plus tard à telle date.
Au moins, en agissant ainsi, l’agent immobilier évitera-t-il de se rendre complice des velléités
de discrimination que le bailleur pourrait être tenté d’opérer. Mais, lorsqu’il réclame la
communication de certaines pièces, l’agent doit se souvenir que, depuis l’intervention de la
loi ALUR, le bailleur ne peut plus demander que lui soit communiquée toute pièce qu’il
jugerait pertinente pour prendre sa décision de louer ; il doit, conformément à l’article 22-2
de la loi de 1989, se contenter des pièces énoncées limitativement par le décret auquel le
texte renvoie, en l’occurrence le décret n° 2015-1437 du 5 novembre 2015, lequel édicte
notamment la liste des pièces justificatives des ressources du candidat à la location181. Au
surplus, l’article 22-2 de la loi de 1989 sanctionne tout manquement à ces prescriptions par
une amende administrative182.
Un autre écueil menace la recherche du potentiel locataire lorsqu’elle est l’œuvre d’un agent
immobilier ; il concerne la rémunération de ce dernier. Selon l’article 5, I de la loi de 1989, la
charge des honoraires de visite du logement, de constitution de dossier et de rédaction du
bail doit, depuis la loi ALUR, être «partagé(e) entre le bailleur et le preneur. Le montant
toutes taxes comprises imputé au preneur pour ces prestations ne peut excéder celui imputé
au bailleur et demeure inférieur ou égal à un plafond par mètre carré de surface habitable de
la chose louée fixé par voie réglementaire et révisable chaque année, dans des conditions
définies par décret ».
Dans le même ordre d’idées, l’article 5 ajoute que les frais de l’état des lieux sont également,
à partager entre le bailleur et le locataire.
181 Les pièces énumérées concernent l’identité, le domicile, les activités professionnelles du candidat,
ainsi que les pièces attestant de ses ressources. Ces dernières doivent être choisies parmi une liste qui
mentionne : le dernier ou avant-dernier avis d'imposition, les trois derniers bulletins de salaires, le
justificatif de versement des indemnités, retraites, pensions, prestations sociales et familiales et
allocations perçues lors des trois derniers mois ou justificatif de l'ouverture des droits, établis par
l'organisme payeur, le titre de propriété d'un bien immobilier ou dernier avis de taxe foncière ou le
justificatif de revenus fonciers, de rentes viagères ou de revenus de valeurs et de capitaux mobiliers. Ainsi
est mis fin à la pratique qui consistait à exiger du candidat qu’il produise des relevés bancaires de ses
comptes. A noter qu’une liste limitative des pièces susceptibles d’être demandées à la caution est
également prévue.
182 Selon l’article 22-2, « (l)es manquements au présent article sont punis d'une amende administrative,
prononcée par le représentant de l'Etat dans le département, dont le montant ne peut être supérieur à 3 000
€ pour une personne physique et à 15 000 € pour une personne morale. Le montant de l'amende est
proportionné à la gravité des faits constatés. L'amende ne peut être prononcée plus d'un an à compter de la
constatation des faits. L'amende est prononcée après que l'intéressé a été informé de la possibilité de
présenter ses observations dans un délai déterminé ».
Page 106
Enfin, l’article 5 précise que « (l)es trois premiers alinéas du présent I ainsi que les montants
des plafonds qui y sont définis sont reproduits, à peine de nullité, dans le contrat de bail
lorsque celui-ci est conclu avec le concours d'une personne mandatée et rémunérée à cette
fin ». Cette dernière disposition, qui en dit long sur le caractère pointilleux de la
réglementation qui encadre le bail, nous amène à brosser les grands traits qui la
caractérisent.
113 - Le bail doit naturellement être passé par écrit. Mieux, depuis la loi ALUR, l’article 3 de
la loi de 1989 impose que l’écrit « respecte un contrat type défini par décret »183. On a vu
qu’il faut y annexer le dossier de diagnostic technique184 ; à présent il convient d’ajouter
qu’est également annexé au contrat une « notice d'information relative aux droits et
obligations des locataires et des bailleurs ainsi qu'aux voies de conciliation et de recours qui
leur sont ouvertes pour régler leurs litiges est annexée au contrat de location. Cette notice
d'information précise également les droits, obligations et effets, pour les parties au contrat
de location, de la mise en œuvre de la garantie universelle des loyers, telle que prévue au
même article 24-2. Un arrêté du ministre chargé du logement, pris après avis de la
Commission nationale de concertation, détermine le contenu de cette notice »185.
S’agissant du contenu du bail, il est précisé par les 10 points énoncés à l’article 3. Le plus
important dans cette liste concerne le loyer. Ainsi, alors que le point 6 mentionne que les
parties fixent librement le montant du loyer, le point 7 impose que le bail indique « (l)e loyer
de référence et le loyer de référence majoré, correspondant à la catégorie de logement et
définis par le représentant de l’Etat dans le département dans les zones où s’appliquent
l’arrêté mentionné au I de l’article 17 ».
Cela signifie que si le logement est situé dans une zone de plus de 50.000 habitants où il
existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements, lequel entraîne un
niveau élevé des loyers, le préfet « fixe chaque année, par arrêté, un loyer de référence, un
loyer de référence majoré et un loyer de référence minoré, exprimés par un prix au mètre
carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique »186. Dès
lors, les parties au bail doivent convenir d’un loyer dans la limite du loyer de référence
majoré ; par conséquent, une action en diminution de loyer peut être engagée si le loyer de
base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la
date de signature dudit contrat. Inversement, un complément de loyer peut être prévu si le
logement présente des caractéristiques de localisation ou de confort par comparaison avec
les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ; le montant
du complément et les caractéristiques du logement le justifiant sont alors mentionnés dans
le bail.
montant supérieur de 20 % au loyer de référence et que le loyer de référence minoré est égal au loyer de
référence diminué de 30 %.
Page 107
Autres précisions intéressantes à propos du loyer : le bail doit indiquer le montant et la date
de versement du dernier loyer appliqué au précédent locataire, dès lors que ce dernier a
quitté le logement moins de dix-huit mois avant la signature du bail, ainsi que la nature et le
montant des travaux effectués dans le logement depuis la fin du dernier contrat de location
ou depuis le dernier renouvellement du bail187.
L’absence de ces mentions dans le contrat est sanctionnée : « le locataire peut, dans un délai
d'un mois à compter de la prise d'effet du contrat de location, mettre en demeure le bailleur
de porter ces informations au bail. A défaut de réponse du bailleur dans le délai d'un mois ou
en cas de refus de ce dernier, le locataire peut saisir, dans le délai de trois mois à compter de
la mise en demeure, la juridiction compétente afin d'obtenir, le cas échéant, la diminution du
loyer »188.
Pour en finir avec la question du loyer, il faut mentionner une autre innovation due à la loi
ALUR : la garantie universelle des loyers, dispositif destiné à couvrir le bailleur contre les
risques d’impayés. L’article 24-2 de la loi de 1989 en détermine les modalités ; l’article 3
précise que le bail doit indiquer « (l)e renoncement, le cas échéant, au bénéfice de la
garantie universelle des loyers, telle que prévue à l'article 24-2... A défaut, le bailleur
s'engage à déclarer le contrat de location auprès de l'agence mentionnée au II du même
article 24-2 ».
114 - L’article 3 impose également de faire figurer dans le bail la surface habitable du
logement. Là encore, le locataire peut, dans le mois de son entrée dans les lieux, mettre le
bailleur en demeure de porter l’information dans le bail et si le bailleur ne répond pas, il
peut s’adresser au juge pour obtenir, le cas échéant, la diminution du loyer. D’autant que
l’article 3-1 énonce que « (l)orsque la surface habitable de la chose louée est inférieure de
plus d’un vingtième à celle exprimée dans le contrat de location, le bailleur supporte, à la
demande du locataire, une diminution du loyer proportionnelle à l’écart constaté … ».
Cette mesure oblige donc le bailleur à faire procéder au mesurage du logement par un
géomètre expert et à supporter la charge de cette opération, pour pallier le risque de voir
remettre en cause le montant du loyer.
115 - La loi ALUR a également apporté des modifications à l’article 15 de la loi de 1989,
relatif au congé que le bailleur peut donner à son locataire.
Le bailleur qui souhaite mettre fin au bail est tenu de donner un motif précis.
Ainsi dans le congé pour reprise qui ne peut être donné qu’au bénéfice du bailleur, de son
conjoint, le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité enregistré à la date du
congé, son concubin notoire depuis au moins un an à la date du congé, ses ascendants, ses
descendants ou ceux de son conjoint, de son partenaire ou de son concubin notoire, le
bailleur doit désormais indiquer la nature du lien existant entre lui et le bénéficiaire de la
reprise. Il doit également justifier du caractère sérieux de la reprise. Mais si l’immeuble est
Page 108
vendu, l’acquéreur ne peut donner un congé pour reprise moins de deux ans après
l’acquisition.
Le bailleur peut également donner congé pour vente. Mais lorsque le congé est donné après
acquisition d’un bien occupé, les choses se compliquent. « - (L)orsque le terme du contrat de
location en cours intervient plus de trois ans après la date d'acquisition, le bailleur peut
donner congé à son locataire pour vendre le logement au terme du contrat de location en
cours ;
- lorsque le terme du contrat de location en cours intervient moins de trois ans après
la date d'acquisition, le bailleur ne peut donner congé à son locataire pour vendre le
logement qu'au terme de la première reconduction tacite ou du premier renouvellement du
contrat de location en cours ».
Il convient de préciser que le locataire âgé de plus de 65 ans bénéficie d’une protection
renforcée par la loi ALUR (conditions cumulatives de ressource du bailleur et du locataire, et
condition d’âge abaissée pour le locataire et relevée pour le bailleur). Le bailleur ne peut
donner congé à un locataire âgé si celui-ci remplit deux conditions cumulatives : âge de 65
ans et des ressources annuelles ne dépassent pas le plafond - selon la catégorie du ménage-
en vigueur pour l’attribution des logements locatifs conventionnés (arrêté du 30 déc. 2014
modifiant l’arrêté du 29 juillet 1987 relatif aux plafonds de ressources des bénéficiaires de la
législation sur les habitations à loyers modérés et les nouvelles aides de l’Etat en secteur
locatif).
Par contre, le locataire est plus libre que le bailleur pour donner son congé. Il lui suffit de
notifier son congé par lettre recommandée avec avis de réception ou par huissier ou remis
en main propre contre récépissé ou émargement. La loi exige un préavis de 3 mois, sauf
accord du bailleur pour une durée moindre. Mais elle se contente d’un préavis d’un mois
dans les différent cas suivant : dans les zones tendues dans les villes définies, pour
l’obtention d’un premier emploi, la mutation prouvée par notification de l’employeur, la
perte d’emploi, l’état de santé du locataire constaté par un certificat médical justifiant le
changement de domicile, le bénéficiaire du revenu de solidarité justifié par la notification
d’attribution, le bénéficiaire de l’allocation adulte handicapé justifié par la notification
d’attribution, l’attribution d’un logement social (art. L.351-2 du Code de la construction et
de l’habitation) justifié par la notification d’attribution.
Le bail s’il existe n’a pas de forme imposée ; il est signé pour une durée indéterminée, ce qui
indique la volonté du législateur de protéger les droits du locataire et de l’occupant en place.
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En cas de décès, les droits sont transmis au conjoint et aux mineurs vivants avec le locataire
depuis au moins un an. Toutefois le locataire ne sera pas maintenu dans les lieux dans les cas
suivants : s’il a fait l’objet d’un jugement d’expulsion, s’il occupe le logement depuis moins
de huit mois, si le logement est insalubre, si le locataire dispose personnellement d’un autre
logement, ou en HLM ou un logement de fonction, ou encore en cas d’expropriation pour
cause d’utilité publique.
Néanmoins le locataire ou l’occupant ne sont pas à l’abri d’une résiliation du bail pour les
motifs justes et légitimes ou encore d’une demande d’augmentation du loyer.
Chaque année au 1er juillet paraissent les indices d’augmentation des loyers dans
l’agglomération parisienne et hors agglomération parisienne pour les différentes catégories :
IIA, IIB, IIC, IIIA, IIIB, IV, lesquelles correspondent à certains critères. Les augmentations de
loyer ont calculée à partir d’un prix de base au m2 de chacun des dix premiers m2 de surface
corrigé et d’un prix de base des m2 suivants. Par exemple au 1er juillet 2015, le décret n°
2015-1149 du 15 septembre 2015 (JO du 17 sept. 2015) a fixé les hausses des loyers relevant
de la loi u 1er septembre 1948 applicables à compter du 1er Juillet 2015 dans les conditions
suivantes : Taux de majoration de 0,15% pour les catégories IIIA, IIIB, IIA, IIB et IIC, de
l’ensemble des communes, y compris celles situées dans le périmètre de
l’agglomération parisienne. Taux de majoration de 0,15% pour les loyers au forfait (art. 34
de la loi du 1er sept. 1948). Les logements de la catégorie IV ne subissent aucune
augmentation. Les communes concernées par ce décret sont les mêmes que celles visées
par le précédent décret n° 2014-1516 du 15 décembre 2014.
117 - S’il est indéniable que l’agent immobilier, normalement diligent, est capable de
guider ses clients dans les méandres de toutes les réglementations qui viennent d’être
évoquées, il est tout aussi certain que ce faisant il participe à la transparence du marché.
C’est pourquoi il en constitue un précieux rouage.
Page 110
CHAPITRE 2
118 - Le marché idéal implique certaines qualités qui sont la transparence et la fluidité.
Evidemment, le marché de l’immobilier est loin de présenter de telles qualités. A vrai dire,
on peut même se demander si ce qu’on appelle marché de l’immobilier ne relève pas
davantage de la commodité de langage que de la réalité économique.
En effet, le marché de l’immobilier n’est pas un marché organisé. Il n’est en réalité rien
d’autre que la résultante de tous les contrats de vente immobilière, conclus dans une zone
géographique déterminée durant un laps de temps donné. Cela signifie que le plus souvent
ce sont des particuliers qui en sont les véritables acteurs, ceux à partir desquels se forge la
loi de l’offre et de la demande. Et comme ces derniers n’interviennent sur ce marché que de
façon le plus souvent ponctuelle, il est évident qu’ils n’appréhendent le marché immobilier
qu’au travers du prisme étroit de leurs besoins personnels. Dès lors, celui qui désire vendre
ou acheter, se lance à l’aveugle sur un marché dont il ignore toutes les caractéristiques.
Mais cela signifie aussi que l’agent immobilier qui, en tant qu’intermédiaire, prospecte en
permanence le marché de l’immobilier, possède, contrairement aux acheteurs et aux
vendeurs qui n’y interviennent qu’occasionnellement, une vision globale dudit marché. Il se
trouve donc être le seul à pouvoir en connaître les particularités.
De même, s’agissant de la fluidité du marché, elle implique qu’il n’existe aucune barrière
d’aucune sorte à l’entrée sur le marché de nouveaux producteurs. Il tombe alors sous le sens
que la fluidité n’a pas grand-chose à voir avec le marché de l’immobilier. Pourtant, par
l’importance du nombre de transactions qu’ils effectuent, les agents immobiliers
contribuent à réguler le flux des échanges, les rendant plus fluides malgré la nature
hétérogène des biens.
Dès lors, il est incontestable que les agents immobiliers constituent un rouage structurant du
marché de l’immobilier parce qu’ils œuvrent aussi bien dans le sens de sa plus grande
transparence (section 1) que dans celui de sa meilleure fluidité (section 2).
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Section 1 : L A CONTRIBUTION DE L ’ AGENT IMMOBILIER A L A
TRANSPARENCE DU MARCHE
119 - Un marché est transparent lorsque vendeurs et acheteurs ont accès à toutes les
informations relatives à la nature et la qualité du produit, ainsi qu’à celles relatives à son
prix. Or, et il faut le répéter, sur le marché de l’immobilier, vendeurs et acheteurs se lancent
à l’aveugle, guidés par leurs seuls impératifs purement subjectifs. Ces derniers sont d’ailleurs
parfaitement contradictoires dans la mesure où les vendeurs veulent décrocher le prix le
plus haut pour des biens qui ne correspondent pas toujours à la qualité la plus élevée et où
les acheteurs entendent obtenir des biens parfaits au prix le plus bas possible. Si les choses
restent en l’état, il y a de fortes chances pour que le marché de l’immobilier s’apparente
davantage à un immense champ de bataille, divisé en une multitude de lices particulières où
s’affrontent chacun des couples formés par les potentielles parties à la vente, qu’à un
véritable marché. Dans ces conditions, parler de transparence du marché n’a strictement
aucun sens.
Précisément, ce stock est constitué par les trois piliers de l’information que sont la publicité
foncière (A), le certificat d’urbanisme (B) et les diagnostics techniques (C).
A - La publicité foncière
121 - En France la publicité foncière est un outil administratif de l’Etat dont la finalité est
l’information et la protection des individus et du commerce juridique en immobilier, en liens
avec les droits réels et les charges constitués ou cédés sur le droit de propriété.
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Dans le domaine de la propriété immobilière, il est impératif que les échanges soient
sécurisés. « Le cocontractant du propriétaire a un besoin évident de connaître la réalité du
droit de ce dernier et l’existence éventuelle d’autres droits grevant l’immeuble ; il doit
pouvoir se fier aux informations rendues publiques par voie officielle »189. La publicité
foncière intéresse donc au plus haut point l’agent immobilier qui, face à un acquéreur
profane, a l’obligation de le renseigner. Le moyen le plus rapide d’obtenir ces
renseignements est de passer par le biais du notaire chargé de rédiger l’acte de vente
authentique. En Alsace Moselle, c’est encore plus rapide, les notaires ont par abonnement
une clé d’accès direct aux informations du livre foncier informatisé ; l’agent immobilier peut
aussi bien consulter les registres et annexes sur place.
La publicité foncière a donc pour fonction d’assurer la sécurité juridique : tout droit réel
immobilier doit être publié ; à défaut, il est inopposable aux tiers. Elle établit un système
concordant avec les autres documents qui complètent l’information des tiers : le registre des
propriétaires, le fichier immobilier tenu par commune, le fichier réel comprenant la fiche
parcellaire, une fiche par immeuble, qui est subordonné à l’achèvement des opérations de
rénovation du cadastre (à certains endroits il date de Napoléon) ; le registre des dépôts des
actes par le conservateur des hypothèques et le cadastre. Nous verrons ci-après
l’architecture du système dont les services des domaines se servent quotidiennement pour
leurs opérations de contrôles.
En effet, les actes authentiques transmis aux services de la publicité foncière servent à
l’administration fiscale pour l’analyse et le calcul de la taxe d’habitation, de la taxe foncière,
les contrôles de l’ISF, des plus-values immobilières imposables et des valeurs vénales. Il s’en
suit des redressements fiscaux et la perception de la taxe de sécurité immobilière (anciens
droits d’enregistrement).
122 - Le créancier bénéficiaire d’une sûreté réelle immobilière, par exemple une
hypothèque, ne dispose d’aucun droit opposable aux tiers aussi longtemps que sa sûreté n’a
pas été rendue publique par voie d’inscription à la conservation des hypothèques en France
de l’intérieur, au livre foncier dans les départements soumis au droit local : Haut-Rhin, Bas-
Rhin et de Moselle.
Les sûretés réelles immobilières prennent rang par ordre d’inscription à compter du jour de
l’inscription effectuée dans la forme et la manière prescrite par la loi, jusqu’à la date fixée
par le créancier (C. civ. art. 2425) à l’intérieur de certaines limites légales (C. civ. art. 2434) ;
l’ordonnance du 23 mars 2006 a porté la durée maximale de l’inscription à cinquante ans.
L’expiration du délai de validité peut survenir avant son terme par radiation volontaire en
cas d’aliénation valant purge par un acte de mainlevée et formalités de purge (C. civ. art.
2440) ou en vertu d’un jugement en dernier ressort ou passé en force de chose jugée (C.civ.,
Ibid.).
189 cf. P. Simler et P. Delebecque : « Les Suretés - La Publicité foncière »-2e éd. 1995, Précis Droit civil
Dalloz, Paris, p. 574-647, Isbn :2-247-02048-8.
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Les créanciers qui ont inscrit leur sûreté peuvent faire saisir l’immeuble entre les mains du
tiers acquéreur en exerçant leur droit de suite ; ce droit est ouvert à chacun des créanciers
inscrit quel que soit son rang (C. civ. art. 2461 et 2464). A son initiative, le créancier
poursuivant adresse un commandement au débiteur personnellement tenu de la dette et
une sommation au tiers détenteur de satisfaire à l’une des obligations visées à l’article 2463
du Code civil, c’est-à-dire de payer tous les intérêts et capitaux exigibles, à quelque somme
qu’ils puissent monter, ou de délaisser l’immeuble hypothéqué sans aucune réserve190.
123 - La publicité foncière est accessible au public191, mais assujettie à un formalisme mal
connu, qui n’assure donc pas totalement la transparence du marché et des valeurs vénales,
lesquelles sont opposables aux contribuables, car ses informations sont certainement les
plus fiables.
190Cf. In : Roulois, memento juris-classeur (4 vol., Tome II, éd. LexisNexisRoulois ; pour aller plus loin, v.
fascicules 1680, 1690,1710,1720,1730,1740,1750,1760 : versions consolidées en 2008.
191 L’obligation de déférer à la réquisition des usagers est formulée par l’article 2196 du C. civ. et édicté, de
manière plus précise, par l’article 38-1 du décret du 14 octobre 1955. Ibid. Roulois, memento Juris-Classeur,
p.17.
192 Cf. Ibid.: Roulois memento Juris-Classeur » Fasc. 1740, p. 2.
193 Il s’agit notamment 1.- Du défaut de publication des actes et décisions judiciaires déposés dans les
services chargés de la publicité foncière et des inscriptions requises, toutes les fois que ce défaut de
publication ne résulte pas d’une décision de refus ou de rejet ; 2.- De l’omission, dans les certificats
délivrés par les services chargés de la publicité foncière, d’une ou plusieurs des inscriptions existantes, à
moins, dans ce dernier cas, que l’erreur ne provienne de désignations insuffisantes ou inexactes, qui ne
pourraient leur être imputées.
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124 - La publicité foncière est nominative, elle porte sur les droits de propriété, les charges
qui les grèvent, les actes et décisions constitutifs et translatifs de droits.
Ces instruments consacrent par la publicité des inscriptions, l’information des tiers et
l’opposabilité des actes suivants, dont la liste n’est pas exhaustive :
« 1°) Tous actes, mêmes assortis de condition suspensive, et toutes décisions judiciaires,
portant ou constatant entre vifs :
« b) Bail pour une durée de plus de douze années, et même pour un bail de moindre
durée, quittance ou cession d’une somme équivalente à trois années de loyer ou
fermage non échus ;
« 2°) Les actes entre vifs dressés distinctement pour constater des clauses d’inaliénabilité
temporaire et toutes autres restriction au droit de disposer, ainsi que les clauses
susceptibles d’entraîner la résolution ou la révocation d’actes soumis à publicité; de même,
les décisions judiciaires constatant l’existence de telles clauses »194.
125 - La publicité foncière étant conçu pour assurer la sécurité des tiers, elle se doit d’être
accessible au public sans qu’il ait besoin de justifier d’un intérêt particulier.
Les services de la publicité foncière sont tenus de délivrer, à tous ceux qui le requièrent,
copie ou extrait des documents, autres que les bordereaux d’inscription déposés à leur
bureau, dans la limite des cinquante années précédant celle de la réquisition, et copie ou
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extrait des inscriptions entrant dans le cadre de la réquisition. Ils sont également tenus de
délivrer sur réquisition, dans un délai de dix jours, des copies ou extraits du fichier
immobilier ou certificat s’il n’existe aucune fiche entrant dans le cadre de la réquisition. Les
requérants ne peuvent avoir directement accès aux registres fonciers ou fichiers. Leur
consultation se fait par voie de réquisition écrite adressée au conservateur, qui délivre des
copies, extraits ou certificats. En cas d’erreurs ou omissions, les copies, extraits ou certificat
ne font pas foi contre les actes ou documents effectivement publiés.
Ainsi les erreurs des agents de l’Etat sont admises, se perpétuent, mais la réparation
implique d’engager une procédure, des frais et une perte de temps.
126 - A côté des règles de publicité foncière applicables en France, il existe un régime
particulier à Alsace et en Moselle, le livre foncier, dont nous reprendrons les grandes lignes
ci-dessous. Ce régime de droit local présente des avancées en matière de fluidité et sécurité
des transactions.
Les feuillets du livre foncier sont rédigés pour chaque commune au nom des propriétaires
des parcelles, ils répertorient tous immeubles leur appartenant dans la commune et
mentionnent tous les droits et charges y attachés. Le dispositif d’ensemble est complété par
un répertoire parcellaire.
Chaque feuillet est numéroté, et comporte trois sections : Sect. 1- : Propriété ; Sect. 2- :
Charges et restrictions au droit de disposer ; Sect.3- : Privilèges, Hypothèques, Séparation
des patrimoines.
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Sont annexés les documents suivant : a) Le dossier donne le détail du droit de propriété :
Date de dépôt, date de signature origine, le mode d’acquisition, numéro AMALFI195, le
renvoi aux annexes ; b) Le dossier donne le détail hypothécaire, le type, le montant, les frais
et accessoires, le bénéficiaire, la date d’effet, le fondement, le n° d’ordre de l’inscription, la
référence de l’immeuble grevé.
Le cadastre informatisé entre en concordance avec le Livre Foncier ; des extraits sont
délivrés sous l’égide de la Direction générale des finances publiques et gérés par le centre
des impôts fonciers dont dépend la situation de l’immeuble.
Avant la numérisation informatique, on pouvait avoir accès aux greffes du livre foncier dans
les tribunaux d’instance, consulter le fichier des propriétaires, les registres comportant par
communes les feuillets ouverts aux noms des propriétaires d’immeubles ; ainsi qu’aux
« annexes » qui comportent les copies intégrales des actes authentiques émanant des
notaires pour la publicité foncière. Tout un chacun pouvait se faire délivrer des copies de ces
feuillets et le cas échéant des actes publiés.
La législation spécifique du droit local a été récemment pilote et précurseur pour procéder à
la numérisation automatisée du livre foncier et du cadastre.
Dorénavant, l’accès à ces informations est à la fois plus rapide et sécurisé ; mais hormis les
notaires, qui disposent d’un accès direct par moyen informatique codé au livre foncier
informatisé, il n’est pas possible pour les agents immobiliers, d’obtenir des renseignements
par ce nouveau moyen, sauf à s’adresser aux notaires ou par l’envoi d’une réquisition
obligatoire, sous forme de formulaire standardisé.
La première est la consultation libre qui permet la délivrance de la copie immeuble. Dans la
lignée de l’article 37-1 (ancienne rédaction) de la loi du 1er juin 1924, l’article 6 du décret du
7 octobre 2009, pris en application de l’article 37-1 dans sa rédaction issue de la loi du 25
mars 2009 prévoit que « toute personne peut librement consulter le livre foncier et le registre
des dépôts sur un ou plusieurs immeubles déterminés pour savoir si des données concernant
ces immeubles sont enregistrées dans une commune.(…) Elle peut alors prendre
connaissance de ces données en sollicitant la délivrance d’une copie ». Tout utilisateur, sans
avoir à justifier d’une quelconque qualité, peut donc demander ces informations et obtenir
195 L’application AMALFI, (Alsace-Moselle applicable pour le Livre Foncier Informatisé) est un système
conçu par IBM (Maître d’œuvre de ce projet pilote en Europe, par son ampleur) Les 40 000 registres,
répartis dans 46 Bureaux Fonciers sont numérisés et intégrés dans l’application du livre Foncier
informatisé. Elle rend disponible aux utilisateurs des Bureaux Fonciers, les informations contenues dans
les 8 millions de pages du L.F. L’informatisation permet d’obtenir des données plus lisibles avec rapidité,
efficacité et sécurité, réduisant ainsi les risques d’erreurs et la manutention des registres, dont certains
ont plus de cent ans.
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une « copie immeuble ». De même, toute personne peut librement se connecter sur le site
http://www.livrefoncier.fr et demander qu’il lui soit adressé une copie immeuble ; il lui suffit
d’indiquer la commune et la désignation cadastrale et ses propres coordonnées. Mais l’accès
à ce service donne lieu à la perception d’une redevance fixée à ce jour à 5 € par immeuble.
La seconde catégorie est dite réservée, car la consultation n’est ouverte qu’à certaines
personnes : notaires, géomètres experts, huissiers de justice, avocats, agents de l’Etat et des
collectivités territoriales, personnes disposant d’un titre exécutoire, le titulaire d’un droit sur
l’immeuble, ainsi que toute personne autorisée par celui-ci ou par le juge. Toute demande
est effectuée sur place ou par le biais du site du Livre Foncier. Elle permet de consulter et de
demander copie des annexes du livre Foncier en effectuant une demande d’enregistrement
auprès de l’EPELFI (Etablissement Public d’Exploitation du Livre Foncier Informatisé).
La troisième catégorie est la consultation étendue ; elle est réservée aux utilisateurs
habilités. Le décret de 2009 prévoit que certains utilisateurs ont un accès encore plus large.
Ainsi, l’Etat et les collectivités territoriales, les huissiers de justice pour l’exécution d’un titre
exécutoire, les notaires et les géomètres experts pour l’exercice des activités relevant de
leur monopole peuvent consulter l’ensemble des données du livre Foncier, du registre des
dépôts et des annexes numérisées (sauf pour les huissiers sur ce dernier point)196.
B - Le certificat d’urbanisme
C’est un moyen de sécurité simple et utile pour tous les agents immobiliers dans le cadre des
transactions qu’ils effectuent. Deux types de certificats d’urbanisme peuvent être délivrés. Il
y a d’abord le certificat d’information générale (C. de l’urb. art. L 410-1a), qui indique le
régime juridique applicable au terrain et qui renseigne sur les dispositions d’urbanisme et
les limitations administratives au droit de propriété. Il y a ensuite le certificat pré-
opérationnel (C. de l’urb. art. L 410-1b) qui, en plus des informations données par le
196Cf. In : « Compte rendu du XIe congrès interrégional des notaires des cours d’appel de Colmar et de
Metz – le droit local… un droit vivant à l’aube de son centenaire » Mulhouse, 19-20 octobre 2012, pp. 61-
66, édité par le Conseil interrégional des Notaires des Cours d’appel de Colmar et Metz, 2 rue des juifs -
67000 Strasbourg.
197 « Memento Pratique-Urbanisme-construction » ; éd. Francis Lefebvre, 92300 Levallois, 2010-2011,
p.219.
Page 118
certificat d’urbanisme d’information générale, indique si le terrain peut être utilisé pour la
réalisation du projet soumis et l’état des équipements publics (voies et réseaux) existants ou
prévus qui desservent ou desserviront ce terrain.
129 - La durée de validité des deux types de certificat d’urbanisme est de 18 mois à
compter de sa délivrance. Ce délai peut être prolongé par période d’une année aussi
longtemps que les prescriptions d’urbanisme, les servitudes d’utilité publique, le régime des
taxes et des participations d’urbanisme applicables au terrain n’ont pas changé. La demande
de prorogation est à formuler deux mois avant l’expiration du délai de validité.
Pour obtenir le certificat, il faut constituer un dossier de demande, lequel dossier doit
comporter certains documents.
A noter que « (l)a demande d’un certificat d’urbanisme est obligatoire en cas de
détachement de parcelle, l’art. L.111-5 du Code de l’Urbanisme, s’applique aux divisions de
propriétés comprenant une ou plusieurs constructions ; il peut être indispensable de
connaître les droits à construire résiduels, même si l’Administration peut rapporter, même
Page 119
tacitement un certificat d’urbanisme positif, illégal et « ceci, sans condition de délai, puisqu’il
ne donne lieu à aucune publicité. »198 .
Le plan d’urbanisme peut être consulté aux services techniques des mairies qui en sont
dotées, avec les documents afférents au règlement de zones : servitudes publiques, projets
de constructions, d’infrastructures ; le plan d’exposition aux risques (PER) indique les zones
inondables, d’affaissements, les risques miniers, sismiques, technologiques et la
cartographie les risques du sol.
De même, l’agent immobilier a intérêt à se renseigner auprès des mairies sur l’existence
éventuelle de zones d’interventions foncières ou de droit de préemption urbain. En zone
rurale, il a également intérêt à se renseigner auprès de la Société d’Aménagement Foncier et
d’Etablissement Rural (SAFER) lorsque la transaction porte sur des terrains dépassant une
certaine surface.
A priori, la règle est plutôt sécurisante pour l’acquéreur dont le consentement est ainsi
éclairé ; il ne faut pourtant pas se dissimuler qu’elle protège aussi le vendeur contre
d’éventuels recours en garantie des vices cachés200. Surtout, il faut ici observer qu’elle
produit deux effets pervers sur le marché immobilier.
Le premier est celui de l’engorgement des dossiers en attente de diagnostics qui retardent
les ventes, ce qui freine la fluidité de ces marchés. Le second concerne la multitude de
professionnels opportunistes, le plus souvent sans réelle compétences techniques en
bâtiment, qui s’engouffrent dans cette nouvelle activité lucrative car récurrente, constitutive
de rentes en provenance d’une clientèle captive et contrainte de réitérer de nouveau
l’opération pour certains diagnostics dont la durée de validité est fixée avec un terme
extinctif.
Précisément, pour sécuriser les interventions de ces « pseudo » experts, une assurance
obligatoire couvre les risques d’erreur technique dans leurs investigations, ce qui est une
bonne chose. En revanche, il faut s’élever contre la pratique de ces professionnels qui
consiste à faire signer aux propriétaires les diagnostics, ce qui tendrait à laisser croire que
198 « Sécurité juridique et certificat d’urbanisme » Michel LEFONDRE, Pr. De Droit- colloque de l’ADEF. 12-
13 mars 1991 in « Sécurité et transparence des marchés immobiliers », p.80, ISBN 2-95-942-17-7
199 Voir supra, n° 110 -
200 Voir infra, n°397 - et suivants
Page 120
ces derniers reprennent à leur compte les diagnostics émis. La méthode est critiquable dans
la mesure où le propriétaire non-professionnel n’a en général aucune compétence spéciale
pour juger de la qualité du travail exécuté. Dans ces conditions, un simple reçu du
propriétaire devrait suffire pour preuve que le diagnostic lui a bien été remis.
En tout état de cause, il semble illusoire et vain de « vouloir faire du neuf avec du vieux »,
d’abord parce que peu de gens en ont les moyens, ou la volonté ; ensuite, les
caractéristiques d’un immeuble ancien correspondent aussi à un style de vie recherché et, in
fine, il n’est pas prouvé que les diagnostics puissent changer quoi que ce soit à la décision
d’acheter et de vendre, l’expérience montre que ceux qui aiment l’ancien, l’achète par goût
et art de vie.
L’état amiante, imposé par les articles L.1334-7, L.1334-13, L.1334-24 du code de la santé
publique, concerne tous les bâtiments dont le permis de construire est antérieur au 1 er juillet
1997, sa validité est illimitée. Le diagnostic est exigible dès l’avant contrat de vente ; en
copropriété le syndic le fait établir pour les parties communes.
Le constat du risque d’exposition au plomb concerne tous les logements construits avant le
1er janvier 1949, sa validité est d’un an, mais elle est illimitée si aucune trace de plomb n’est
révélée. Le diagnostic, exigé par les articles L.1334-5, L.1334-6, R.1334-3-4 à R.1334-11 du
code de la santé publique, est exigible dès l’avant contrat ; si les peintures dégradées
contiennent du plomb, cela peut entraîner une obligation de travaux.
L’état termites, prévu par les articles L. 133-6, R.133-7 du code de la construction et de
l’habitation, concerne tout bâtiment situé dans une zone « contaminée » déterminée par un
arrêté préfectoral. Sa durée de validité est de 3 mois ; il est exigible dès l’avant contrat.
Page 121
L’état des installations intérieures du gaz et d’électricité, imposé par les articles L.134-6 et
R.134-6 à R.134-9 (gaz), L.134-7 (électricité) du CCH, concerne tout logement dont
l’installation intérieure de gaz ou d’électricité date de plus de 15 ans. Sa durée de validité est
de 3 ans, Il est exigible dès l’avant contrat. Dans les copropriétés, il ne concerne que les
parties privatives.
L’état des risques naturels et technologiques ou plan d’exposition aux risques, exigé par
l’article L.125-5 du code de l’environnement, concerne tout bien (y compris le terrain) situé
dans le champ de prévention des risques naturels et technologiques ou en zone sismique. Sa
durée est de 6 mois ; il est exigible dès l’avant contrat.
Le certificat de surface de la « loi Carrez », intégrée dans la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965
sur la copropriété, concerne les lots de copropriété dont la surface habitable est supérieure
à 8 m² et une hauteur sous plafond supérieure à 1,80 m² ; on ne prend pas en compte les
surfaces d’emprise des escaliers, placards, ébrasements des portes et fenêtres, balcons,
caves, garages, parkings. La durée de validité du certificat est illimitée, sauf modification du
bien affectant sa surface ; il est exigible dès l’avant contrat.
D’autres diagnostics sont en préparation. Par exemple celui du gaz radioactif RADON qui,
selon le Centre scientifique et technique du bâtiment, sévirait dans 31 départements ; ou
celui du mérule, champignon lignivore présent dans certains départements où il fait des
ravages ; ou encore celui de la performance numérique qui fait l’objet d’une proposition de
loi présentée en 2011 au sénat.
En période de crise, ou de faible reprise comme celle amorcée depuis début 2016, le
moment est mal venu pour contraindre les propriétaires à s’endetter avec des travaux de
mise aux normes pour pouvoir vendre ou louer, puisque la plupart de ces diagnostics sont
aussi exigés pour la location. Il faut, en effet, avoir une lisibilité sur l’avenir pour investir et
Page 122
accepter de réduire momentanément son autonomie financière, d’autant que,
concomitamment, les banques durcissent les conditions d’octroi des prêts et écrèment leur
clientèle pour se refaire les fonds propres exigés par la réglementation bancaire.
135 - Une fois de plus, l’agent immobilier est le mieux placé pour apprécier si un bien est
proposé à un juste prix.
Depuis Saint Augustin, on s’interroge sur la notion de juste prix. Le fait est que dans le
monde matérialiste dans lequel nous vivons, juste prix signifie prix du marché. Or, l’agent
immobilier qui passe une large partie de son temps à sillonner le marché immobilier de son
territoire, connaît parfaitement le prix du marché (A). Mieux encore, il est en mesure
d’exercer une influence sur l’élasticité-prix (B).
136 - Hormis les biens qui ont une valeur inestimable, toute chose à un prix, mais tout
n’est pas à vendre au prix du marché.
Les éléments qui participent à la formation des prix de l’immobilier sur le marché sont
complexes et variés. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous affirmons que la singularité du
bien immobilier réside dans la valeur économique liée à la liquidité de sa valeur d’échange,
intrinsèquement liée à ses attributs, qui en font un bien particulier. Du fait de sa durabilité,
c’est un actif immobilisé, qui s’évalue par le prix de cession sur le marché. Il ne disparaît pas
au premier usage, c’est un investissement dont la durée de vie s’étale sur le long terme, ce
qui le diffère des biens fongibles. Il constitue un actif réel du patrimoine des particuliers et
des sociétés, un investissement réalisé à la suite d’un arbitrage entre le coût de l’usage du
bien physique et les revenus qu’il procure, et par comparaison, à la rentabilité de
placements financiers. Le tout corrigé des risques, de la fiscalité eu égard aux autres options
de diversification offertes par divers placements immobiliers « papier » sous formes de parts
de SCPI, proposés par les banques et les compagnies d’assurance. Les services que le bien
immobilier procure par l’usage qui en est fait s’évaluent en un flux financier de loyers réels
ou économisés. C’est aussi un produit de construction qui génère par la suite des travaux
d’entretien et de réhabilitation. Le bien immobilier intègre dans sa consistance la fixité du
sol à la construction. Ces éléments combinés à la conception architecturale en font un
produit composite, une unité foncière difficilement substituable à un bien comparable sur le
Page 123
même site. Elle est constitutive d’un segment de marché, révélateur de la catégorie sociale
susceptible de s’y intéresser.
137 - Plus prosaïquement, pour les experts et les agents immobiliers, la valeur vénale du
bien logement à un moment déterminé correspond au prix relativement stable auquel des
biens comparables situés dans le secteur considéré ont été vendus lors des deux ou trois
mois qui précèdent.
1/-. Des facteurs physiques : qualité architecturale de l’immeuble des matériaux mis en
œuvre, de sa catégorie, de sa consistance, du degré de confort et des équipements
d’agrément, de ses aisances et dépendances, de son état d’entretien de la situation dans
l’agglomération, des externalités positives et négatives induites du voisinage, des accès, des
zones à risques ;
2/-. Des facteurs juridiques : l‘état d’occupation, la fiscalité, les servitudes affectent la
valeur ;
3/-. Des facteurs économiques : du dynamisme économique, de l’attrait d’une ville et de ses
équipements : hôpitaux écoles, de l’activité : offre d’emplois et taux de chômage, des
liaisons de transport…, du nombre d’habitants et du pouvoir d’achat ;
4/-. Les tendances du marché sur un période de deux ou trois mois, du besoin de logement
par rapport au stock disponible, de l’offre locative et de la vacance, des dispositifs d’aide et
du taux du crédit.
138 - Pour F. Calcoen et al. (1999) 202 « Le produit immobilier est caractérisé par la relation
d’une construction et d’un terrain. Le fait observé est que le prix et les quantités diffèrent
dans le temps, dans l’espace, et entre segments (éventuellement du fait d’interventions
publiques).
(…) La raison d’être d’un bien immobilier est d’héberger des individus ou des activités. Cet
usage lui donne sa dimension de service dont la valeur est le loyer.
(…) Le fait qu’un bien immobilier puisse rendre un service qui a une valeur économique lui
confère le caractère d’actif réel. Ce caractère est l’expression économique de l’existence du
bien, alors que le service est l’expression économique de l’usage du bien. C’est la valeur du
service qui contribue à conférer une valeur économique au bien en tant qu’actif. Cette valeur
d’actif est donc l’expression économique du droit de propriété ».
202Cf. Francis Calcoen (Cnrs, Cresge-Labores) Didier Cornuel (Univ. De Lille 1 et Ifresi) « Marchés
immobiliers : segmentation et dynamique », 1999, éd de l’Adef-Etudes foncières, Paris, p.6. Isbn 2-
905942-34-7.
Page 124
139 - S’agissant de constructions traditionnelles en dur, le lieu est une fonction de
contrainte pour le produit car le coût du déplacement éventuel d’un immeuble, s’il est
techniquement possible de déplacer certaines constructions, est si élevé, que l’opération
devient rare excepté pour celles à ossatures légères en bois, comme c’est l’usage aux Etats
unis et au Canada. En ville la rareté des terrains disponibles est si élevée que seule la
construction d’immeubles collectifs est rentable. La démolition est l’acte ultime qui libère le
terrain de son encombrement, car lorsque l’immeuble est démoli, il reste le prix de la
récupération foncière du terrain nu, de valeur variable selon les droits à construire y
attachés.
La difficulté pour vendre ou acheter un bien immobilier est de déterminer le juste prix.
L’estimation du prix d’un bien immobilier est une étape cruciale dans la vente ; un point de
départ où l’erreur d’appréciation du prix conduira fatalement à l’échec de la vente. L’agent
immobilier, fort de sa connaissance des prix de cession sur le marché, grâce à son expérience
des difficultés liées à la singularité de chaque projet, sait mesurer le degré de résilience au
prix du vendeur et de l’acheteur. Parce qu’il conduit le dialogue et les écoute il peut fixer ce
le juste prix de liquidité du bien.
La tâche de l’agent immobilier est compliquée ; elle nécessite d’évaluer un certain nombre
de paramètres de façon objective alors que ses clients sont emplis de subjectivité. En effet,
d’un côté le propriétaire souhaite vendre au meilleur prix, qu’il situe la plupart du temps au-
dessus du marché, à cause de sa relation affective avec son bien, et de ce fait, il a tendance
à manquer d’objectivité. Il est d’autant plus partial qu’il souhaite réaliser une plus-value
dans l’opération. De l’autre côté, l’acheteur a l’intention de réaliser une bonne affaire. A
l’inverse du propriétaire, le meilleur prix sera pour lui, en dessous de ceux du marché, parce
qu’il a tendance à scruter les moindres défauts du bien pour mieux négocier le prix d’achat.
Entre ces deux positions, l’agent immobilier propose un prix médian qui, de son point de
vue, devrait permettre de conclure l’opération de vente dans le délai qui lui est imparti.
140 - A l’évidence le marché immobilier est particulier, car la diversité des offres de biens
immobiliers à un moment donné, a comme corollaire une diversité de demandes suscitées
par des motivations duales : rationnelles et d’ordre hédonique. Les prix observés sur du
marché reflètent donc à la fois la moyenne objective des catégories de biens similaires dotés
de leurs attributs habituels, d’utilité et de confort, et pour des biens recelant des attributs
spécifiques une part de subjectivité dont la valeur relative s’apprécie au cas par cas, selon ce
que des individus sont disposés à payer pour bénéficier d’un agrégat de caractéristiques
particulières en plus des attributs d’utilité d’un bien de même catégorie qui en serait
dépourvu. En outre on peut remarquer des prix singuliers qui n’ont pas d’autre explication
que la convenance personnelle.
Il en résulte que les catégories de biens dotés d’attributs spécifiques, génèrent des prix
implicites que les clients sont prêts à offrir, en fonction de l’utilité et de la satisfaction de
convenances personnelles, d’où la pertinence des apports de la théorie des prix hédoniques
pour appréhender la valeur du bien par le plaisir que procure les attributs du logement, en
fonction de préférences relatives à un ensemble bien défini de caractéristiques homogènes.
Page 125
141 - N. Thouvenin (2010) 203 dans son ouvrage sur les apports de la théorie des prix
hédoniques des logements anciens, nous propose un modèle mathématique faisant
intervenir des variables en interactions entre les différents attributs du logement
(caractéristiques générales et particulières) que le prix intègre. Pour autant original que soit
le modèle théorique de la fonction hédonique, le choix des indices, des coefficients de
pondération et des références trouve ses limites dans un grand nombre de variables, à
savoir : l’hétérogénéité des biens et de l’espace, le facteur temps, la complexité
incommensurable des individus et l’indigence des banques de données explicatives du
phénomène.
Les éléments hédoniques recensés à l’observation sont bien réels, incidents sur le prix des
biens immobiliers. Ils sont appréciés et mesurés au moyen de coefficients normalisés
d’abattement ou de valorisation admis par les experts qui les appliquent à la valeur estimée
du bien par la méthode de comparaison, en fonction des caractéristiques physiques et
qualitatives, de l’usage, de l’âge de la construction, de son état d’entretien, de l’étage, sur
les segments de marché, la zone géographique, l’environnement, la dimension temporelle,
du cadre juridique auquel il est soumis. Dans l’argumentation que l’agent immobilier
développe pour convaincre son client de la justesse du prix, il est réaliste et opportuniste et
tient compte de la personnalité de son interlocuteur pour mettre en valeur les éléments qui
lui semblent incidents sur la décision de vendre ou d’acheter. Quant à traduire dans une
formule mathématique ce qui quantifierait en pourcentage pertinent sur une échelle de
valeurs subjectives, tel le degré d’intérêt, de désintérêt, d’appétence ou d’aversion au
risque, cela nous laisse dubitatif. En vérité, avec l’expérience, l’agent immobilier perçoit les
critères hédoniques implicitement à travers les décisions d’achat émotionnel.
De notre point de vue, la méthode des prix hédoniques n’est pas l’alfa et l’oméga pour
estimer le juste prix, même si elle répertorie des renseignements pratiques et pertinents
entrant dans le calcul décisionnel. A cet instant les arbitrages sur la valeur pris en
considération d’aspects affectifs, sont plus intuitifs que raisonnés. C’est pourquoi les
professionnels qui sont confrontés quotidiennement à la notion de prix hédonique, traitent
le phénomène au cas par cas, comme un élément évolutif de discussion entrant dans la
négociation, susceptible de jouer sur l’élasticité du prix, jusqu’au seuil de fermeture
produisant le désir de substitution.
En outre, la situation locative est un facteur constant de moins-value que les services fiscaux
admettent dans une limite de 20% par rapport à un l’immeuble libre de toute location ou
occupation. Dans la réalité, le montant de la dépréciation est parfois supérieur ; tel est le cas
203 Cf. pour aller plus loin : Nicolas Thouvenin : « La formation des prix des logements anciens » -Les
apports de la théorie des prix hédoniques, 2010, ed. Book on Demand.75008 - Paris, Isbn :
9782810611232.
Page 126
pour des biens loués sous le régime de la loi de 1948 en raison du droit au maintien dans les
lieux du locataire et de l’occupant de bonne foi qui vit avec depuis plus d’un an; ou encore
selon que des contentieux existent sur des impayés de loyers, charges ou de défaut patent
d’entretien.
Les prix des logements vendus résultent, pour partie de critères hédoniques, dont les
coefficients de pondérations sont modulables en fonction de l’intérêt des parties dans la
vente. Nous indiquons ci-après la grille des coefficients généralement admis par les experts.
204 Cf. La cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières « les grilles de pondération -
coefficients et pourcentages applicables aux prix moyens au M2- en usage par les experts, selon la classe
des immeubles, l’usage et du niveau d’étage, les surfaces, les facteurs physiques et la situation,
l’occupation, vue : à la montagne et à la mer, etc. », éd. Callon – 2, rue Neuve – BP79- 17700- Surgère. Issn :
1764-8068. Pour aller plus loin sur les facteurs de la valeur des biens immobiliers : cf. B. de Polignac et J.P.
Monceau « Expertise immobilière- Guide pratique-, 2001, éd. Eyrolles, Paris, pp. 43-110. Isbn : 2-212-
06826-3.
Page 127
Source : CALLON–auteur-éditeur 205
Dans cet ordre d‘appréciation des éléments entrant dans un choix hédonique nous
indiquons les coefficients observés à la mer et à la montagne206 :
205La cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières, éd. Callon, 2, Rue neuve- B.P. 79- 17700
Surgères.
Page 128
Mer : Plus-value Vues sur rivages de mer : 1,20
Idem : Vues sur l’arrière-pays, collines ou montagne : 0,90
Idem : Vue sur rue : 0,80
Idem : Plus-value pour maison individuelle : 1,25
« Dans le cadre d’un marché concurrentiel réunissant des agents bien informés, la
convergence des prix est assurée en fonction des caractéristiques du logement telle qu’elle
est appréciée par les experts. Mais compte tenu de l’expansion des marchés et de la
différentiation croissante des produits sur le marché, les acheteurs sont davantage
considérés comme des profanes : les candidats à l’achat sont souvent en situation de sous-
information, l’offre étant accompagnée par une information limitée, voire imprécise, tant sur
la qualité du logement que sur celle de son environnement. Dans ce cas, il devient nécessaire,
pour aider le consommateur, de disposer d’indicateurs spécifiques qui quantifient les
caractéristiques des produits commercialisés : c’est le rôle du professionnel de l’immobilier.
De plus, si le prix d’un logement est considéré a priori comme sensible aux caractéristiques du
logement, il l’est également aux conditions d’expression de la demande qui se traduisent
dans l’expression des préférences et dans les contraintes budgétaires »207.
Il est vain de prendre parti sur des décisions rationnelles ou non dans la mesure où elles
répondent à une logique, les facteurs qui relèvent du goût, des couleurs et des sentiments
ne se discutent pas prévient la sagesse populaire ; le négociateur doit admettre qu’il faut
laisser à chacun sa part de subjectivité et la respecter, sinon, la contradiction risque
d’amener des réactions négatives incontrôlables (« l’effet papillon »). Nous avons déjà
expérimenté que le raisonnement rationnel, même étayé de preuves, ne suffit pas toujours
pour emporter l’adhésion à une argumentation logique, d’autres logiques se superposent ;
celles d’ordre intime peuvent nous échapper.
Par conséquent, l’agent immobilier doit avoir à sa disposition un large panel de biens
suffisamment étoffé à présenter à ses clients, s’il veut pouvoir répondre à leurs demandes et
les convaincre de la justesse du prix annoncé eu égard aux caractéristiques différenciées des
biens qu’il commercialise. D’ailleurs, N. Thouvenin conclut : « Dans la multiplicité des sources
(d’information relatives aux biens immobiliers) recensées en France, nous retiendrons que les
banques de données notariales et des professionnels de l’immobilier sont les seules qui
Page 129
permettent de réduire l’hétérogénéité du bien logement à un ensemble de caractéristiques
homogènes »208.
146 - Sur certains territoires, on constate des marchés tendus, fluides et des marchés
atones, en lien avec l’économie locale, selon qu’elle est en développement, étale ou en
récession. On constate aussi le phénomène de désertification des campagnes au profit des
secteurs périurbains et urbains ; d’où un problème de mobilité en lien avec le cycle de vie.
La désertification des campagnes au profit des secteurs péri-urbains est une donnée
sociologique qui arrive au terme d’un cycle. Outre des considérations d’aménité de sites qui
font partie des exigences environnementales de tout un chacun, tant en matière de
voisinage que de quartier, les facteurs socio-économiques – vecteur des différences et
spécificités sociales – se corrèlent entre eux, créant la « segmentation environnementale »
du territoire ayant comme corollaire « la segmentation sociale » de l’espace209.
Dans le domaine de l’immobilier, la mobilité résidentielle, qu’elle soit motivée par les
obligations professionnelle, de retraite, ou de loisir, produit deux phénomènes :
Page 130
- de nourrir la réflexion des agents sur les tendances et les choix qui s’offrent à
eux.
La preuve de l’intérêt du sujet se traduit par le nombre important de revues spécialisées qui
publient chaque année le palmarès des villes où il fait bon vivre, où il est plus ou moins
rentable d’investir ; elles indiquent en pourcentage le taux de vacance, le niveau moyen du
prix des loyers et des ventes, en réponse au besoin d’information des candidats à la mobilité.
147 - Le prix des biens dépend aussi d’un environnement de services. Le client de l’agent
immobilier attend certes qu’il lui fournisse ce qu’on pourrait appeler le service de base,
c’est-à-dire de lui proposer ce qu’il cherche à obtenir, vendre ou acheter, à un prix
convenable. Mais il attend aussi qu’il lui fournisse des services associés.
Comme nous l’avons déjà indiqué à propos des critères hédoniques, le principe d’action de
l’agent immobilier consiste à rechercher les indices de satisfaction dans les attributs du bien
et dans les facteurs environnementaux qui y sont associés, liés au temps et à l’espace. On ne
peut aborder le prix de l’immeuble, sans les services associés qu’il rend. Il s’agit ici de la
fonction liée au produit. En matière d’immobilier on se loge à un endroit, soit en louant, soit
en achetant sa résidence principale. Cette dernière hypothèse implique de réaliser un
investissement sécuritaire, de mobiliser des fonds, d’emprunter.
La notion de produit - service est alors à prendre en considération ; elle désigne les
équipements, les infrastructures et les commodités ainsi que la qualité de vie qui est liée à
l’immeuble. C’est pourquoi nous pensons que la notion d’immeuble ne peut être abordée
que dans une vision intégrative produit-services.
Comme il est rare de trouver un logement idéalement situé, l’arbitrage se fait entre les
avantages qu’il procure et des inconvénients, la somme des deux détermine le prix. Comme
le lieu d’implantation est immuable, un changement dans l’affectation du bien peut
permettre de se caler sur l’évolution des modes de vie et des tendances, par exemple le goût
pour les anciens bâtiments industriels et artisanaux de centre–ville réhabilités en
lofts lesquels participent à la hausse du prix sur ces segments de marché, qui seront analysés
plus loin211.
148 - En immobilier le choix de la localisation est donc primordial ; elle doit être attractive.
C’est d’abord le lieu, ensuite un emplacement dans le lieu, donc c’est toujours le lieu qui à la
base est l’élément fondamental qui conditionne avec les contraintes, plus ou moins
facilement la revente. Le choix judicieux du lieu de résidence doit permettre de réaliser des
économies d’échelle grâce aux externalités dont il bénéficie : les bonnes questions qu’un
acheteur doit se poser peuvent se résumer ainsi : quelle distance et quelles dessertes par
rapport au centre-ville et les commodités, aux soins, à l’hôpital, aux transports, commerces
Page 131
et services de première nécessité, école, Université, centre culturel, d’activité, de loisir,
etc… ? Le rôle utile de l’agent immobilier est de délivrer l’information pertinente et de
rendre attentif son client sur les avantages et inconvénients du secteur.
149 - A. Cournot a montré que la nature de la relation entre demande et prix était liée
entre autre à la fonction des produits : elle varie suivant que l’on a affaire à des articles
manufacturés, des produits de première nécessité ou des biens superflus. L’élasticité peut
être définie de la manière plus générale comme un rapport existant entre les variations
absolues ou relatives de deux phénomènes économiques : au dénominateur une action, et
au numérateur le résultat de l’action212.
« De quoi dépend donc l’élasticité au prix ? Selon J. Brée213 (1999), on peut dire qu’une
demande est d’autant moins élastique que les acheteurs sont sensibles au prix, qu’ils utilisent
ceux-ci comme critère de qualité, qu’ils sont lents à changer leurs habitudes et qu’il n’y a pas
de substitut ni produit directement concurrent. (…) Si on s’intéresse maintenant au rapport
qui exprime l’élasticité de l’offre et non plus celle de la demande, il est plutôt positif. Un tel
ratio va dépendre entre autre des stocks existants, des possibilités d’accroître la production
et de la longueur de la période envisagée (en longue période, l’élasticité est plus forte que
dans un court laps de temps). Quel que soit le paramètre étudié, l’intérêt principal d’une
notion d’élasticité réside donc pour le gestionnaire dans l’aide à la décision. Le fait de
connaître la valeur de ce « rapport » va lui permettre de faire des simulations et d’avoir une
vision claire de la réponse liée à chaque variation de l’action. C’est vrai bien sûr pour les
problèmes comme la fixation des prix, mais ça l’est encore davantage dès lors qu’il s’agit de
faire des arbitrages entre plusieurs variables entre lesquelles on doit jouer simultanément ».
Par exemple, la nécessité de se loger à bref délai sur un marché tendu et budget disponible
limité. Pour un agent immobilier ces problèmes d’arbitrage sont familiers ; le point
d’achoppement pour dénouer l’affaire se situe généralement à hauteur de ses honoraires,
soit en moyenne 5% du prix. A lui d’user de sa force de persuasion pour faire comprendre
aux parties qu’on achète pas une remise, mais un bien difficilement substituable.
212 In : « Encyclopédie de la Gestion et du Management (E.G.M.) », éd. Dalloz, Paris, 1999, p.345.
213 Ibid. p.345 à 347.
Page 132
entrent en résonnance combinatoire avec la théorie classique des choix rationnels visant à
maximiser la satisfaction sous la contrainte de revenu.
D’autre part la concurrence est atomisée, constituée par de nombreux agents immobiliers
dont les entreprises sont généralement de petite taille. En principe, ils sont parfaitement
renseignés sur les biens mis en vente, sur les valeurs vénales des différents biens et la
tendance à court terme, révélant une asymétrie d’information à leur avantage par rapport à
leur clientèle qui n’a pas d’autre choix que de payer les coûts de transaction de sa sécurité,
sans certitude sur l’avenir. L’expérience et le savoir-faire aidants, en fonction des situations,
au cas par cas les agents immobiliers ont une influence relative sur l’élasticité du prix, au
minimum modératrice. Mais il serait illusoire de chercher à réguler le marché foncier (et
immobilier qui lui est indissolublement lié) par une plus grande sécurité, une plus grande
fluidité et plus de transparence214.
En effectuant une veille permanente sur les ventes réalisées sur les segments de marchés
qu’il prospecte, l’agent immobilier connaît l’état de l’offre et de la demande tant en volume,
qu’au niveau des prix. La maîtrise des informations par l’agent immobilier est un facteur
d’influence qui participe à l’élasticité sur les prix, quand la négociation arrive à son point de
basculement.
Pour P. Dubois et A. Jolibert 215 « Il suffit d’une relation présumée de cause à effet entre
deux variables pour définir une élasticité. Dans ma théorie du consommateur, les biens sont
classés suivant le signe ou la grandeur de certaines élasticités. On distingue entre biens
inférieurs, biens normaux et biens de luxe suivant que l’élasticité de la demande par rapport
au revenu le coefficient d’élasticité est négatif, positif et supérieur à 1.
On définit la notion d’élasticité de la demande par rapport au prix ainsi :
𝑑𝑞
% é𝑙𝑎𝑠𝑡𝑖𝑐𝑖𝑡é 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑑𝑒𝑚𝑎𝑛𝑑𝑒 𝑞
𝐸𝑙𝑎𝑠𝑡𝑖𝑐𝑖𝑡é = =
% 𝑑𝑒 𝑙𝑎 𝑣𝑎𝑟𝑖𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑝𝑟𝑖𝑥 𝑑𝑝
𝑝
214 Cf. Pr. J-J. Granelle, In : « Sécurité et transparence des marchés immobiliers » 1991, éd. Adef. Op. cit. -§
théorie économique des marchés et foncier urbain – p.217.
215 Cf. P.-L. Dubois et A. Jolibert, in « Le marketing fondements et pratique », pp.42 et s. L’élasticité de la
demande peut être étendue à d’autres facteurs : ex. par rapport aux actions marketing de l’entreprise ; par
rapport au temps ; par rapport aux variations de revenu ; etc…. Une élasticité négative très grande
implique une très haute sensibilité de la demande au déterminant, en relation inverse ; une élasticité
négative implique une relation inverse entre la demande et le déterminant ; une élasticité nulle implique
que le déterminant considéré n’a aucun effet sur la demande ; une élasticité positive inférieure à 1
implique un effet direct moins que proportionnel du déterminant sur la demande ; une élasticité égale à 1
implique un effet direct strictement proportionnel du déterminant sur la demande ; une élasticité
supérieure implique un effet direct plus que proportionnel du déterminant sur la demande ; une élasticité
positive très grande implique une très haute sensibilité de la demande au déterminant, en relation directe.
Pour aller plus loin v. aussi : P. Mohnen, in « Dictionnaire des sciences économiques » éd. Puf, op. cit. pp.
347 et s.
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Lorsque le marché ne permet pas de faire coïncider l’intégralité des souhaits de ses clients,
même en mobilisant des moyens financiers supérieurs, l’agent immobilier propose des biens
de substitution qui sont susceptibles d’apporter une réponse alternative présentant d’autres
avantages.
Sur le marché immobilier presque tout le monde a le regard fixé sur le prix des biens, par
intérêt ou par curiosité, les gens se positionnent par comparaison, formulent des hypothèses
de projection quand les prix bougent.
Il est également vrai que l’élasticité est en immobilier, contingente au degré de résilience au
prix, lui-même est fonction du facteur temps, de l’urgence ; elle varie en fonction de la
conjoncture économico-politique ; elle est aussi sujette à la saisonnalité où, lorsque le temps
est passé, la décision d’acheter se trouve repoussée à plus tard, à moins qu’il ne s’agisse
d’une affaire à saisir. L’agent immobilier connaît bien ce phénomène cyclique, avise le
vendeur du risque qu’il court de perdre une année s’il ne saisit pas l’opportunité de conclure
son affaire à temps. En jouant sur l’élasticité du prix au moment opportun, l’agent
immobilier accélère la dynamique des flux du marché immobilier.
Pour un acheteur sans expérience, les moyens d’information sont limités et difficile d’accès.
L’enjeu pour l’agent immobilier est d’apporter des réponses satisfaisantes aux interrogations
de ses clients eu égard à la diversité des typologies de biens et à la disparité des prix sur les
différents secteurs. En apportant un éclairage de professionnel sur l’incidence des attributs
du logement entrant dans la formation du prix, il peut réussir à déplacer des exigences
initiales, jusqu’à les faire coïncider au point d’équilibre d’un accord raisonné, le cas échéant,
proposer des biens de substitution totalement différents, mais offrant d’autres avantages
intéressants.
151 - Lorsqu’il apparaît que la volonté d’achat du client est mue plus par impulsion que par
des considérations objectives, l’intervention de l’agent immobilier est tout aussi pertinente,
dès lors qu’il respecte le principe de neutralité au regard de la logique de choix de son client,
même si, dans le duel entre le coup de cœur et la raison, le premier est irrépressible.
Dans la mesure où l’acheteur est conscient des risques induits par son engagement, l’agent
immobilier n’a pas intérêt à le dissuader en s’opposant à lui. Néanmoins il est astreint à un
devoir de conseil, qui l’oblige à avertir l’acheteur sur les conséquences de son extravagance,
lesquelles emportent le risque de perte en capital si la nécessité l’oblige à revendre à court
terme. Normalement, cette mise en garde neutralise l’envie du client d’imputer sa propre
erreur d’appréciation à l’agent immobilier, qui sera de toute façon critiqué, voire assigné en
responsabilité en cas de revente du bien à moindre prix. Inversement, si à la revente le client
fait une très bonne plus-value, il remerciera rarement l’agent dont les judicieux conseils lors
de l’achat lui ont permis de réaliser la plus-value. En effet, enfermé dans ses certitudes, le
client ne perçoit pas toujours les conséquences futures de ses choix ; d’où une certaine
ingratitude envers l’agent qui s’est pourtant efforcé de lui déciller les yeux pour l’aider à
prendre la meilleure décision.
Page 134
152 - En l’occurrence, ingratitude rime avec ignorance : l’ignorance du fait que le rôle de
l’agent sur le marché va au-delà de sa contribution à la transparence en matière de prix, car
l’agent facilite aussi une meilleure fluidité du marché.
153 - A l’évidence, le marché immobilier n’est pas un marché naturellement fluide (§1).
Pourtant, en dépit de ce handicap, l’agent immobilier est le seul intervenant capable d’y
introduire une certaine fluidité, ce qui fait de lui un activateur de fluidité (§2).
En matière immobilière, les causes de dérèglement sont rarement le fait des opérateurs, car
la plupart d’entre eux veulent effectuer la transaction aux conditions du marché. Le plus
souvent, en effet, ce sont des actions extérieures qui provoquent les dysfonctionnements de
l’offre ou de la demande. Ainsi la lenteur administrative peut faire échouer une transaction.
De même, l’économie locale, selon qu’elle est en développement ou en récession, a pour
effet de déséquilibrer l’offre et la demande sur les marchés locaux ; ou encore une
réglementation défavorable peut dissuader de vendre, d’acheter ou de louer216.
La même observation vaut pour le défaut de fluidité du marché immobilier. Les barrières à
l’accès au marché de l’immobilier ne sont dressées ni par les acheteurs, ni par les vendeurs :
elles résultent de causes qui leur sont extérieures. Tantôt la barrière, d’ordre technique, est
érigée par la réglementation, comme le Code de l’Urbanisme lorsqu’il instaure le droit de
préemption urbain (A) ; tantôt la barrière procède de la nature même du bien objet du
marché, comme l’hétérogénéité des immeubles mis en vente (B).
155 - Le droit de préemption « peut être défini comme la faculté, accordé à une collectivité
publique, ou à un organisme délégataire, d’acquérir par priorité, dans certaines zones
préalablement définies, les biens mise en vente, en vue de réaliser des opérations d’intérêt
Page 135
général. Il prime les droits de préemption ou de préférence dont peuvent être bénéficiaires
les personnes privées, y compris les Safer (rép. Masson : Sén. 20-12-2007 p. 2329 n°
1358) »217.
Le droit de préemption urbain (DPU) ne peut, en principe, être institué que dans les
communes dotées d’un plan d’occupation des sols (POS) ou d’un plan local d’urbanisme
(PLU) publiés, donc opposables. Sont concernés les terrains nus ou bâtis, les immeubles en
toute propriété ; mais la vente de lots de copropriété n’est pas soumise au droit de
préemption urbain.
156 - Le propriétaire du bien préempté de même que l’acquéreur évincé peuvent engager
un recours devant le tribunal administratif pour faire annuler la décision, s’ils estiment être
victimes d’un détournement de pouvoir ou d’une erreur d’appréciation, quant au motif
d’intérêt général de l’exercice du droit de préemption. Le juge chargé de contrôler la légalité
de la décision litigieuse, examine le motif de l’exercice du droit de préemption sur le bien et,
le cas échéant peut annuler la décision, si le but poursuivi s’avère non prévu par la loi,
inadéquat ou ne correspond pas à un besoin réel.
La procédure prend du temps et de l’énergie. Pour préparer la requête, il faut le cas échéant,
engager un avocat (ce qui n’est pas obligatoire, mais prudent) ou un expert judiciaire pour
justifier le recours en indemnisation, en fixer exactement le montant eu égard au préjudice.
Il va de soi que la durée de la procédure a toutes les chances de dissuader l’acquéreur évincé
d’agir ou d’attendre son issue et, en espérant qu’elle lui sera favorable, de patienter pour
obtenir le transfert de propriété et payer le vendeur. Autant dire que l’acquéreur évincé sera
plutôt enclin à tourner la page et à chercher un autre immeuble dès le moment où il
apprendra que celui qu’il croyait acheter fait l’objet d’une préemption.
157 - C’est pourquoi il est vivement conseillé d’abord de se renseigner auprès de la mairie
pour savoir si un droit de préemption existe et au cas de réponse positive, de prendre les
devants en proposant à la commune d’acheter le bien.
Tout propriétaire d’un bien situé dans une zone de DPU peut, en effet, demander à faire
préempter son bien au prix qu’il définit ; le titulaire du droit de préemption a deux mois pour
prendre position (C. Urb. art. L. 211-5).
Page 136
158 - Il est inutile d’épiloguer davantage : dans les communes où il existe, le droit de
préemption urbain, avec la navette que la procédure implique entre le propriétaire et le
mairie, sans parler de la perspective d’aller devant la juridiction administrative, constitue un
obstacle non négligeable à la fluidité du marché immobilier.
Mais il existe un autre obstacle, bien plus sérieux : l’hétérogénéité des immeubles mis sur le
marché.
159 - Le concept de marché est une notion macroéconomique ; mais l’agent immobilier
agit généralement sur un marché local, plus rarement sur le marché national. Est-ce à dire
que le concept de marché n’a pas de sens pour lui ?
Absolument pas, car même restreint à des dimensions locales, un marché reste un marché.
D’ailleurs, en droit de la concurrence, on distingue bien entre le marché des produits et le
marché géographique et on étudie les effets des comportements anticoncurrentiels sur ces
deux marchés. Certes, et on veut bien le reconnaître, la délimitation du marché
géographique joue rarement un rôle déterminant. Mais cela se comprend parfaitement, car
le marché géographique n’est à prendre en considération que dans l’hypothèse où il exerce
une influence sur la concurrence, ce qui est rarement le cas, sauf si la réglementation
applicable à un produit donné varie d’un territoire à l’autre ou encore si le produit est
intimement lié à un territoire donné.
Or, parce qu’en matière de marché immobilier le produit est attaché au sol, il est clair que le
marché géographique mérite d’être pris en considération. Il faut donc ici envisager le
marché sous son aspect local.
160 - Mais cela ne suffit pas. Il importe en effet d’envisager les volumes d’offres et de
demandes non seulement sous l’angle de la différentiation des lieux où ils se trouvent, mais
encore sous l’ange de la différenciation des biens, de leurs attributs et de l’existence
d’externalités positives et négatives en terme de qualité et de service rendu. Ces différents
éléments expliquent la segmentation du marché immobilier en sous marchés spécifiques.
Or si la segmentation du marché peut se faire au niveau national, car elle n’est au fond
qu’une affaire de classement par catégorie des immeubles, l’état de l’offre et de la demande
en tant qu’il détermine les prix des immeubles, s’apprécie nécessairement au niveau local.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il soit indépendant de la situation économique générale,
laquelle conditionne le pouvoir d’achat.
Page 137
Il apparaît donc que c’est la situation économique générale et locale, qui sous-tend l’état de
l’offre et de la demande immobilière liées aux lieux, donc le prix des biens. Le couple
offre/demande porte en lui-même les limites du dynamisme des transactions, contraint par
le pouvoir d’achat. Ce qui a pour corollaire que quand la demande est forte, les prix
augmentent ainsi que l’offre ; quand la demande baisse, les prix baissent, l’offre baisse.
L’hypothèse est que l’offre varie dans le même sens que les prix, tandis que la demande
diminue quand les prix augmentent.
161 - A travers les annonces de biens à vendre par les professionnels de l’immobilier, on
distingue les constantes de la classification des catégories d’immeubles :
- Age de la construction :
o Neuf/ vente en l’état futur d’achèvement (V.F.A)
o récent moins de 5ans, ancien : moins de 10 ans, entre 2003 et 1993/,
entre1993 et 1973 /, entre1973 et 1960/, entre 1950 et 2 e guerre /, entre 1er
et 2e guerre/, Plus de 100 ans.
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- Catégorie 218: 1 Exceptionnelle (Grand luxe/ luxueux) / 2 et 3 bourgeois / 4 semi-
bourgeois/ 5 employé aisé (standard courant) / 6 employé/ 7 ouvrier/ 8 taudis.
- Avec ou sans travaux de confort correspondant à la mise aux normes.
- Situation d’occupation : Libre ou loué.
Le service expertise du Crédit Foncier de France, établit ses estimations de valeurs vénales
immobilières sur la base du classement des immeubles en huit catégories définies à l’annexe
1 du Décret n° 69-1076 du 28 novembre 1969, (J.O. du 3 décembre 1969) relatif aux
évaluations des nouvelles valeurs cadastrales.
1ère catégorie dite « grand luxe » : Propriétés exceptionnelles aux aménagements très
luxueux, hôtels particuliers, très belles maisons de style, petits châteaux et manoirs avec
parc. Clientèle : Situations très aisées, personnalités, gros industriels, artistes de notoriété,
etc.
2ème Catégorie dite « luxe » : Grandes maisons luxueuses avec caractères d’agrément très
marqués, y compris le jardin, nécessitant normalement une domesticité. Appartements
anciens de la catégorie 1 « Bourgeois » définie par la loi du 1er septembre 1948. Les
appartements neufs ou modernes, réellement de grand standing. Clientèle : situations
aisées, chirurgiens, industriels, cadres supérieurs, grands commerçants, etc.
3ème catégorie dite « très confortable » : Maisons cossues, largement dimensionnées, mais
pouvant présenter quelques défauts. Appartements anciens de la catégorie IIA définie par la
loi du 1er septembre 1948. Les appartements neufs ou modernes de qualité. Clientèle : cadre
d’un bon niveau, commerçants aisés.
6ème catégorie dite « ordinaire » : Toutes les maisons ordinaires de types divers, mais d’une
conception plus ou moins étriquée (infériorité d’un ou plusieurs des éléments suivants :
distribution, dimensions des pièces, nature et mise en œuvre des matériaux ordinaires,
sanitaires). Appartements anciens de catégorie IIIA définie par la loi du 1 er septembre 1948.
Appartements neufs type « Logéco » ou HLM. Clientèle courante d’employés, d’ouvriers
spécialisés.
218 Cf. pour aller plus loin : décret du 28 novembre 1969 et commentaire du classement en huit
catégories émanant de Crédit Foncier de France, incluant les catégories de la loi de 1948.
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Appartements anciens de la catégorie IIIB définie par la loi du 1er septembre 1948. Cités
d’urgence. Clientèle: salariés au niveau du salaire minimum de croissance.
8ème catégorie dite « très médiocre » Locaux de la catégorie IV définie par la loi du 1er
septembre 1948 ne présentant pas ou plus les conditions élémentaires d’habitabilité. En
général, ces immeubles sont voués à la démolition, ils se vendent au prix de la récupération
foncière.
La première méthode est celle de l’estimation en bloc, terrain intégré, en fonction des
caractéristiques de bâtiment d’habitation et les données du prix médian du m2 pondéré
constaté sur le marché local. L’évaluation de la valeur vénale communément utilisé par les
agents immobiliers consiste à procéder par comparaison directe de biens de nature et
consistance, de catégorie, et de conception similaires, en dégageant des ventes dans le
voisinage, les prix dominants réduit à la moyenne de prix au mètre carré pondéré, en
fonction des caractéristiques et des surfaces. Le résultat obtenu est multiplié par la surface
développée pondérée de l’immeuble hors œuvre (S.D.P.H.O.) à estimer cela donne la valeur
théorique, sur laquelle, selon le cas, on applique un coefficient de dépréciation immédiate,
ou de valorisation, compris entre 0,9 et 1,10, en fonction de l’état d’entretien, des travaux
de remise en état indispensables, des différents types d’équipements dont il bénéficie. Pour
les maisons d’habitation, le prix du terrain est intégré à la construction, sauf si sa surface
résiduelle permet de bâtir un autre immeuble.
Prix moyen du m² pondéré constaté sur le secteur : 2.000 €, soit pour 266 m² pond.
X 2000 €, une valeur vénale de : 532.000 €.
Les coefficients de pondération établis suivant la nature des surfaces sont généralement
admis par les experts ; ils donnent des résultats satisfaisants aux agents immobiliers pour
l’évaluation en bloc, à condition que le prix médian unitaire, du mètre carré pondéré, pris
pour terme de comparaison reflète la réalité du marché local. Ces coefficients sont les
suivants :
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Greniers aménageables 0,40 à 0,60
Combles perdus 0
Toit-terrasse accessible et utilisable 0,20 à 0,40
Garage 0,40 à 0,50
Parking aérien 0,20 à 0,30
Pour les appartements, la méthode d’estimation est faite par comparaison à des ventes
récentes de biens similaires sur le secteur considéré. Elle prend en compte la surface
habitable219 utile (c.à.d. après déduction des murs, cloisons marches, cages d’escalier,
gaines, il n’est pas tenu compte des planchers des parties de locaux d’une hauteur inférieure
à 1,80 mètres), intègre le terrain de l’immeuble ; le lot de copropriété comprend la partie
privative et une quote-part des parties communes.
163 - La seconde méthode, dite à la pièce principale, est utilisée à titre subsidiaire et
comme méthode de recoupement ; elle vaut surtout pour les logements anciens. La
pondération est calculée par référence à la notion d’utilité220. Il n’y a aucune concordance
entre la surface utile et la surface développée pondérée. La notion de pièce principale tient
compte de la fonction du local pour une utilité d’habitation normale, des pièces annexes. La
dimension des pièces principales doit avoir une superficie au minimum de 9 mètres carrés,
comporter une fenêtre ou plus ouvrant sur l’extérieur, une hauteur minimale de 2,50 m, des
équipements de chauffage et de confort ± anciens/récents.
164 - D’autres méthodes d’évaluation peuvent servir à titre de recoupement pour estimer
la valeur actualisée d’un immeuble par le coût de reconstruction ou par le prix revient.
Cependant, utilisées isolément, ces méthodes ne sont pas satisfaisantes, car la valeur d’un
immeuble n’est jamais égale à son coût de construction, même actualisé par le biais des
indices d’érosion monétaire ou l’indice du bâtiment BT01. Le plus souvent elle est inférieure,
la différence étant la dépréciation immédiate qui résulte de l’importance de l’immeuble, de
219L’unité de mesure utilisée pour la superficie habitable est définie par l’article 2 du décret n° 97-532 du
23 mai 1997.
220 Cf. pour aller plus loin : B. de Polignac et J.-P. Monceau, in « Expertise immobilière- Guide
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ses caractéristiques singulières, de l’étroitesse du marché , des frais et droits à payer pour
l’acquisition, des conditions économiques générales et locales, de la vétusté qui affecte le
bâtiment par rapport à ceux qui sont neufs, etc… ,ce qui rend le calcul par cette méthode,
complexe et en fin de compte peu satisfaisant car trop basé sur des notions techniques qui
l’éloignent de la réalité ; par ailleurs l’application des coefficients, souvent arbitraires, est
source d’erreurs.
La plupart des experts estiment la durée moyenne de l’immeuble à 100 ans ; il s’agit d’une
approximation car des immeubles anciens peuvent être de très bonne qualité ; entretenus
régulièrement ils ne sont pas affectés de vétusté. Par contre dans les logements construits
après la dernière guerre mondiale, les matériaux mis en œuvre sont souvent de moins
bonne qualité, leur longévité est moins durable ; le pourcentage d’abattement pour vétusté
généralement admis est de 1% par an.
166 - Examinons à présent le cas des immeubles à usage d’habitation qui sont loués,
rappelons au passage que les services fiscaux admettent une décote de 20% de la valeur
d’un immeuble loué par rapport à sa valeur libre, mais que dans bien des cas, cela est
insuffisant pour refléter la réalité, en particulier lorsque le locataire ne paie plus son loyer ni
les charges, a dégradé le logement, résiste pour se maintenir dans les lieux nonobstant les
procédures dont il fait l’objet et qui perdurent. Pour les logements soumis à la loi de 1948 la
décote peut atteindre 50%.
La méthode d’évaluation par le revenu permet d’approcher la valeur vénale d’un immeuble,
en appliquant au montant des loyers qu’il produit un coefficient de capitalisation approprié.
Prenons l’exemple d’un immeuble qui produit un revenu annuel brut222 de 15.000 €, dont le
prix d’achat a été de 187.500€, les frais de mutation s’élevant à 11.250 €.
Le taux de capitalisation est de 15.000 / 187.500 = 8% ;
Le taux de placement est de 15.000 / (187.500 + 11.250) = 7,55 %.
222 Pour obtenir le revenu net, qui constitue le bénéfice retiré de la location de l’immeuble il convient de
déduire du revenu brut : les impôts et taxes, les dépenses d’entretien et de réparation, les frais de gérance
et de concierge, les primes d’assurances de l’immeuble et de garantie des loyers impayés, les annuités
d’amortissement des prêts.
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L’immeuble produisant un revenu de 15.000 €, un taux de capitalisation de 8% donne une
valeur vénale de (15.000 X 100) / 8 = 187.500 € ; un taux de capitalisation de 7,55 % donne
une valeur de (15.000 X 100) / 7, 55 = 198.675,50 €
167 - Les stratégies marketing s’appuient, pour définir les actions opérationnelles, sur les
analyses du comportement des vendeurs et des acheteurs et procèdent à la segmentation
du marché en intégrant les critères sociologiques, modes de vie, âges, préférences, etc, les
potentialités, l’état de la concurrence, les tendances, etc.
168 - Une première stratégie est fondée sur la diversité des prix.
Sur les différents segments de marché, les prix varient dans le temps comme dans l’espace
géographique en fonction de l’état concurrentiel de l’offre et la demande à un moment
donné, des stocks disponibles et des tendances d’évolution plus ou moins favorables qui se
dessinent.
Les prix des immeubles sont corrélés au pouvoir d’achat et aux lieux en fonction de leur
consistance sur les différents segments de marché. A ce titre, le pouvoir d’achat est un
élément moteur de segmentation du marché immobilier, au sens qu’il oriente les choix en
fixant les limites de faisabilité.
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La temporalité d’un bien durable comme l’immeuble se caractérise par une durée de vie et
d’utilisation longues, des prix élevés qui induisent des taux d’efforts proportionnels ; cela
produit deux conséquences. D’abord, sur le marché immobilier, vendeurs et acheteurs
analysent le présent en faisant un calcul prospectif économique à partir de plusieurs
facteurs : les besoins immédiats et futurs, l’anticipation de revenus futurs, l’évolution des
prix et des charges contraintes dont la mobilité, le tout en liaison avec le pouvoir d’achat et
l’estimation de son évolution. Suivant que le rapport est positif ou négatif, l’anxiété ou
l’optimisme règlent le tempo de la dynamique du marché. Ensuite, la dynamique se traduit
par des variations du volume de transactions en raison de l’attentisme ou de l’euphorie des
agents économiques ancrés sur leur mémoire associative, elle-même reliée aux
circonstances du moment. Si les indicateurs prévoient une baisse des prix, alors les
acheteurs différeront leurs décisions d’achat. Si les indicateurs prévoient une hausse de prix,
les vendeurs l’anticiperont en repoussant la mise en vente de leurs biens à plus tard dans
l’espoir d’optimiser les profits.
A cet instant de blocage, l’action de l’agent immobilier consiste à lever les objections
subjectives ou non-valides des parties et à rapprocher objectivement les points d’intérêts
communs : en lissant les désaccords sur un prix acceptable, en comblant les attentes sur le
juste prix du moment, la pédagogie qui vise à donner des informations pertinentes basées
sur des comparaisons vérifiables et à disqualifier les excès, produit un effet régulateur sur les
prix du marché immobilier.
Les lieux, leurs accès et le coût de transport liés aux activités, la qualité des externalités de
même que la typologie du bâti et des terrains à bâtir disponibles dans le voisinage dessinent
l’espace ; ils donnent des indices sur la possibilité du secteur d’intégrer ou non de nouveaux
habitants, dans immédiat à court et moyen termes. Cette projection permet, selon la
réponse, d’orienter le choix du client sur tel ou tel lieu, en urbain ou en périurbain, sur
l’achat d’un logement individuel ou d’un logement collectif, neuf ou ancien avec ou sans
travaux, sur la location le cas échéant. Mais cette orientation n’est possible que si elle est en
corrélation avec la carte mentale du client, c’est à dire avec une perception de
l’environnement à travers son cadre de référence, codé sur son échelle de valeurs.
« La vision habituelle de l’espace qu’ont les aménageurs, les concepteurs, les urbanistes et
qui est, en fait, largement répandue et admise, est de style déterministe. Elle peut se résumer
sommairement de la façon suivante : on peut organiser la vie des gens en concevant pour
eux des types d’environnement, de logement par exemple, qui reposent sur des critères
fonctionnels considérés comme répondant à leurs besoins élémentaires. S’y ajoute un autre
présupposé, découlant du premier : lorsqu’on organise l’espace, on agit d’une certaine façon
sur le comportement et les relations. Autrement dit : l’espace est un facteur d’influence et de
conditionnement. (…) Ainsi pourrait-on interpréter l’emplacement de certains logements, la
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distribution interne des espaces, leur position respective de voisinage ou par rapport à un
espace valorisé, comme ayant une influence directe sur les relations entre individus »223.
« De plus, si le prix d’un logement est considéré a priori comme sensible aux caractéristiques
du logement, il l’est également aux conditions d’expression de la demande qui se traduisent
dans la structure des préférences et dans les contraintes budgétaires des ménages »224.
Ces considérations nous amènent à la segmentation liée à la typologie des offreurs et des
acquéreurs.
170 - Une troisième stratégie est en effet liée à une typologie socioéconomique et
culturelle.
L’instinct grégaire commun à la plupart des individus participe à dessiner les quartiers en
fonction des couches sociales. Malgré les tentatives des pouvoirs publics d’instaurer la
mixité sociale, on constate que les individus se regroupent par affinités à une classe
d’appartenance liée aussi à l’origine, les poussent à côtoyer ceux qui partagent des styles de
vie comparables et les mêmes valeurs. Il en résulte que ce sentiment d’appartenance par
l’identification symbolique à une identité collective homogène, est propice au
regroupement, structure et ordonne l’espace social de certains lieux résidentiels. Le
logement et sa conception, à l’instar du quartier dans la ville, est le reflet des cultures de la
société et n’est pas sans incidence sur les relations entre individus d’une même
communauté et les autres.
223 Gustave-Nicolas Fischer « Psychologie de l’environnement social » 1997, éd. Dunod, Paris, p.30. ISBN 2
10 003302 6.
224 Nicolas Thouvenin, op. cit. In. « La formation des prix des logements anciens » p.29.
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171 - On le voit, l’agent immobilier a quelques atouts en main pour atténuer les
inconvénients de l’extrême hétérogénéité des immeubles. A la segmentation du marché
issue de la classification des immeubles en un grand nombre de catégories, il peut opposer
sa propre segmentation du marché.
Ainsi, la variété plus limitée de l’offre (typologie des biens/diversité des prix), trouve
corrélativement en interface la variété plus limitée de demandes, dont la plupart ont des
exigences hédonistes (caractéristiques des biens/ comportement socio-économique /
qualité/prix) hiérarchisées autour de trois pôles qui essayent de se rejoindre dans le
rapport : prix /solvabilité/temps.
Mais les offres et les demandes ne peuvent pas toutes se rencontrer au même moment ; ce
déséquilibre consubstantiel au marché immobilier ne peut être corrigé que grâce à l’action
de l’agent immobilier en tant qu’activateur de la fluidité du marché.
172 - Il faut bien l’admettre, seul un surcroît dans les services habituellement fournis par
l’agent immobilier est susceptible de compenser le manque naturel de fluidité du marché
immobilier. Il s’agit en effet pour l’agent d’adapter l’offre à la demande et inversement ;
autant dire que la tâche n’est pas des plus aisées.
Cependant, pour l’accomplir l’agent dispose d’une première arme, son stock de biens
vacants (A). Mais cela ne saurait suffire ; il est tout aussi indispensable que l’agent fasse bon
usage de la seconde arme à sa disposition, son pouvoir de persuasion en tant qu’aide à la
décision des parties (B).
173 - Comme cela a déjà été signalé, le marché est segmenté, limité et, à un moment
donné, les offres et demandes ne peuvent pas coïncider ; d’où le travail en amont de l’agent
immobilier qui consiste à définir son cœur de cible, à planifier les relances écrites et par
téléphone, à rédiger des mailings ciblés, à exploiter son fichier de clients, acheteurs et
vendeurs, à rédiger des annonces accrocheuses, à mobiliser son équipe et ses confrères
pour alimenter son fichier en biens à vendre et en clients susceptibles de les acheter.
La tâche n’est pas facile car, d’une part il y a une forte concurrence entre les agences,
d’autre part certains propriétaire hésitent à s’adresser à un agent immobilier à cause de
l’image négative qui entoure la profession ; ils répugnent alors à passer par un intermédiaire
pour économiser des coûts de transaction. Effectivement, il faut dépenser beaucoup de
pugnacité pour obtenir un mandat, à moins que l’immeuble ne soit particulièrement difficile
à vendre en raison de sa situation géographique (nuisances, servitudes…), de sa consistance,
architecture et disposition intérieure, de son état de vétusté, ou le plus souvent de son prix,
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trop élevé parce qu’il ne correspond pas à celui du marché ou parce que le quartier n’est pas
attractif. Tout peut se vendre, mais au juste prix.
Le fichier clients est un instrument de travail qui, pour être efficace, demande constamment
sa remise à jour. Mais, la rentabilité de l’agence en dépendant, l’agent immobilier ne peut
s’occuper principalement que d’affaires rentables, c’est-à-dire de celles où les immeubles se
vendent vite et bien, même si quelques immeubles qui ne correspondent pas à ces critères
peuvent lui servir de repoussoir comparativement à d’autres biens. Donc le stock de biens
vacants n’est pas facile à constituer, d’autant que, selon le principe de Pareto 226, l’agent
immobilier devrait se concentrer sur les 20% de clients pouvant réaliser 80% de son chiffre
d’affaires et, par suite, devrait consacrer à ces 20% de clients 80% de son temps de travail.
Mise à part la volonté de vendre exprimée par certains propriétaires, la vacance des biens
provient essentiellement des mutations pour cause d’emploi, des décès, des divorces et des
changements de composition familiale ainsi que des faillites. Toutes ces causes constituent
la source d’approvisionnement en biens vacants.
On comprend donc que le stock de biens à vendre n’est pas extensible à l’infini et que
l’agent immobilier a tout intérêt à soigner ses rapports avec les clients qui lui ont confié un
mandat de vente. Spécialement, il lui faudra faire preuve de tact lorsqu’il devra expliquer
que le prix demandé est trop élevé eu égard aux qualités de l’immeuble.
Selon l’INSEE, en 2004 le nombre des logements vacants était de l’ordre de 2.000.000 ; il est
probable que le nombre actuel est supérieur. Difficile à appréhender, il permet de souligner
une fois de plus les lacunes de la statistique publique et privée, ainsi que l’ampleur des
problèmes découlant de l’absence de lien univoque entre les définitions juridiques et
l’appréhension des réalités par le statisticien.
175 - Le nombre des logements vacants a toujours suscité, sinon l’indignation, du moins
des questions. Ainsi, le Conseil d’Etat s’est demandé s’il fallait mobiliser les logements
226La « loi de Pareto » est un principe de probabilités qui s’applique à un grand nombre de domaines, en
particulier à l’efficacité au travail.
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vacants 227. De même, certaines région taxent ou envisagent de taxer les logements
vacants. Cependant, les arguments pour ou contre la taxe omettent trois éléments
essentiels.
En deuxième lieu, le risque de la vacance est intégralement supporté par les propriétaires et
cette dernière ne coûte rien à l’Etat. Le propriétaire est donc spontanément incité à louer,
car il supporte en outre les charges du logement vide. Toutefois, cela n’est que partiellement
vrai. En réalité, le propriétaire qui a connu une mauvaise expérience avec un locataire qui ne
payait plus ni son loyer ni ses charges, qui, de plus, a dégradé le logement et qui, après avoir
été actionné en justice, a finalement fait l’objet d’une procédure de surendettement, ce
propriétaire-là ne louera plus, mais cherchera plutôt à vendre.
Troisièmement, l’existence d’un parc de logements vacants est également nécessaire pour
favoriser la mobilité géographique, professionnelle et résidentielle, et la rotation des
logements, notamment la sortie du parc social.
Ainsi, il n’y a aucune raison de diaboliser l’existence d’un parc de logements vacants car ce
dernier est nécessaire au bon fonctionnement du marché, comme on le verra plus loin228.
176 - Pour l’heure, il suffit de signaler que le taux de vacance se décompose en taux
frictionnel, lié à la rotation des logements (déménagements ; décès ; gel avant démolition…)
et en taux structurel, lié à l’inadaptation de l’offre au marché229, ce qui se produit par
exemple lorsque les offres de logements anciens ne sont pas compétitives par rapport l’offre
quantitative et qualitative de logements neufs.
Or, s’agissant du taux frictionnel, on sait qu’il existe des freins à la mobilité des gens ; ils
tiennent aux difficultés d’adaptation au changement d’activité professionnelle et du mode
de vie, au coût du déménagement, etc.
Il en va de même du taux structurel. Les freins à la mobilité des patrimoines immobiliers ont
suffisamment été pointés lors de l’étude de la réglementation fiscale ou de celle des loyers
pour qu’il soit superflu d’y revenir ici. On se contentera simplement de répéter que toute
mesure qui affecte la rentabilité des revenus immobiliers, crée l’attentisme des
investisseurs, que ce soit pour construire, pour vendre, acheter ou louer des logements ; in
fine, de telles mesures nuisent à la fluidité du marché.
227 Rapport public 2009 Droit au logement, droit du logement, éd. la documentation française, pp. 215-
216.
228 Voir infra, n° 177 - et 178 -
229 Ibid. Rapport du Conseil d’Etat 2009, « Droit au logement, droit du logement », p. 217
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177 - Au moins, le taux structurel de vacance met-il l’accent sur une série d’autres
problèmes.
Le premier problème est évident : pour vendre, il faut trouver l’acheteur. Or l’offre de vente
n’est pas nécessairement adaptée à la demande. La demande de logement résulte de
besoins quantitatifs et qualitatifs à un moment donné. Elle matérialise la somme des choix
personnels, sous l’effet de facteurs socio-économiques, juridiques et fiscaux, du solde
migratoire de la population, des perspectives d’évolution économique de cet
environnement. C’est dire que les causes qui interfèrent sur la demande de logement ont
des origines diverses ; cela va de la modification de la composition des familles ou des
modes de vie et moyens d’existence, en passant par le prix du logement, le pouvoir d’achat,
le prix des loyers, les aides de l’Etat, les taux d’intérêts et l’attractivité de certaines régions
(emploi, climat).
Le second problème est plus subtil ; il est significatif d’un phénomène de vase
communiquant. Le marché de la vente d’immeuble ne fonctionne pas isolément ; il est en
interaction avec celui de la construction et celui de la location.
Aussi, le déficit endémique de constructions neuves depuis de nombreuses années sur des
secteurs urbains tendus par le manque de terrains constructibles, se répercute sur le stock
disponible de logements anciens à la vente et à la location, lequel, davantage sollicité,
diminue et voit ses prix augmenter.
178 - La vacance de logements produit donc des effets contrastés sur le marché immobilier
de l’ancien et du neuf.
Sur les marchés actifs, le stock de logements vacants permet de satisfaire le besoin de
logements lié à la mobilité ; il est donc nécessaire de disposer d’un stock tampon, qui puisse
répondre à la demande.
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En revanche, l’attractivité géographique produit des flux inversés, c’est un facteur de
réduction de la vacance dans la région d’accueil, qui induit une augmentation des prix du
logement en accession, comme en location, et provoque l’essor de la construction. C’est
aussi une cause d’augmentation de la vacance dans les zones en voie de récession.
Le seuil optimum de vacance qui assure la fluidité du marché se situe au point d’équilibre
des besoins, entre le trop et le pas assez de logements vacants. Il est donc nécessaire de
pouvoir disposer d’un niveau de stock incompressible de logements vacants pour répondre à
la demande.
C’est précisément à ce propos que le talent de l’agent immobilier est irremplaçable pour
obtenir que les hésitants se décident à passer le contrat.
179 - D’ordinaire, avant de se décider à utiliser les services d’un agent immobilier, le client
s’efforce de rechercher un agent en capacité de lui rendre le service attendu. C’est-à-dire le
service de base.
Mais, comme nous l’avons indiqué, on ne peut aborder le produit sans les services associés
qu’il rend. C’est pourquoi, outre la fonction inhérente au produit, par exemple se loger ou
réaliser un placement sécuritaire, il faut également prendre en considération les autres
services en relation avec l’immeuble : les équipements, les infrastructures et les commodités
ainsi que la qualité de vie qui environnent le bien. En effet, de notre point de vue, la notion
d’immeuble ne peut être abordée que dans une vision intégrative produit-services.
La moindre « liquidité » de l’immeuble est le défaut de la cuirasse qui rend les transactions
immobilières dans l’urgence compliquées à réaliser. Les raisons sont multiples : ce sont les
délais de réalisation contraints par des conditions suspensives liées à l’obtention de crédits,
à la réalisation des formalités d’urbanisme et administratives (certificat d’urbanisme, droits
de préemption, diagnostics techniques et autorisations diverses, etc…). Face à la moindre
liquidité de l’immeuble, une partie de la solution réside dans plus de 60% des cas dans la
performance rendue par l’agent immobilier.
Dans ce domaine, plus qu’ailleurs, les particuliers qui décident d’acheter un logement pour
leur habitation, ont besoin d’intermédiaires compétents capables de fournir un service de
grande qualité ; en principe, cette opération est l’une des plus importantes de leur vie. Ils
ont donc besoin d’être guidés et accompagnés dans leur démarche pour obtenir le juste prix
des biens, c’est à dire de façon objective. En amont, ils ont besoin d’une aide technique pour
être en capacité de choisir le bon immeuble, et le type de contrat.
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Ils ont aussi besoin de pouvoir faire confiance à l’agent immobilier, ce qui implique qu’il soit
compétent et que la charte de déontologie à laquelle il se réfère, soit doublée d’une éthique
« d’honnêteté et d’intégrité», autrement dit d’homme responsable, axée sur le respect du
client ; de sorte que celui-ci puisse prendre en toute confiance sa décision particulièrement
engageante et lourde de conséquences.
Enfin, ils ont besoin de mise en relation avec la partie prenante correspondante (acheteur ou
vendeur) ce qui implique pour l’agent immobilier d’avoir un important portefeuille de clients
diversifiés, de connaître l’activité sur les micromarchés de son secteur et le prix en fonction
de la typologie et des caractéristiques de biens urbains par quartiers et par rues, ainsi que
ceux des marchés périurbains par zones socio-économiques, alors qu’en campagne les prix
sont plus homogènes.
181 - Les biens sont calés sur un mode de vie et des tendances ; mais les façons de vivre
évoluent au rythme de la modernité
Avec le temps toute chose subit une dégradation, une transformation, un degré de désordre
dû à la loi d’entropie - second principe de la thermodynamique. « La production d’entropie
apparaît aussi dans toute organisation dès lors que l’état final d’un système soumis à des
transformations irréversibles est différent de son état initial. Cette situation est celle de tout
système économique, le propre de l’activité humaine étant de transformer son
environnement afin d’en optimiser les ressources pour accroître son degré de
satisfaction »230.
Certes les immeubles ont une longévité supérieure à la plupart des autres biens mais le
temps faisant son œuvre modifie leur état, produit de la vétusté, engendre l’obsolescence
qui altère la valeur. Les biens et les services étant en quantité limitée en un endroit à un
moment donné, la situation de rareté qui exprime le rapport de l’utilité à la quantité
disponible eu égard à la demande est incident sur les prix. Parallèlement une variation de
prix s’opère sous l’effet d’un autre facteur incident, le phénomène de l’inflation monétaire,
qui est une diminution de la valeur de la monnaie en termes de pouvoir d’achat en attente.
Ce qui implique nécessairement de recourir à la théorie des prix. « Or, celle-ci (l’inflation)
peut se résumer au moyen de la proposition générale selon laquelle l’évolution du prix relatif
de deux biens reflète l’évolution de leur rareté relative qui reflète elle-même l’évolution
relative de l’offre et de la demande des deux biens »231. D’où l’utilisation d’indices de
référence232 pour le calcul d’actualisation de la valeur de l’immeuble, depuis l’origine de
l’acquisition, en tenant compte des travaux de réhabilitation ou de rénovation effectués. Par
ailleurs, les firmes pratiquent l’obsolescence planifiée, c’est-à-dire qu’elles vont
délibérément démoder les produits courants par le lancement de produits nouveaux, ce qui
230 J.-P. Courtial, A. Maïsseu « Encyclopédie de la Gestion et du Management », éd. Dalloz, Op. cit., p. 359.
231 P. Salin « Dictionnaire des sciences économiques » 2001, éd. Puf, Paris, pp. 468 s. , Isbn : 2-13050489-2.
232 Indices : INSEE du coût de la construction (ICC) variation trimestrielles, ex : base100 au 4è trim. 1953,
au 1er trim. 2006 : 1632, au 1er trim. 2015 : 1632 ; l’Indice de référence des loyers d’habitation (IRL) ;
rentes viagères : taux de majoration applicable, sur la rente viagère), les tables de mortalité (H/F) par
département publiées par l’INSEE servent au calcul en fonction de l’âge le rapport entre le montant du
bouquet et la nue-propriété et la rente viagère par rapport à la valeur du bien ; tables de conversion du
pouvoir d’achat de l’euro et du Franc…
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est aussi le cas en immobilier, l’architecture évolue en modernité, ce qui implique pour les
constructeurs et promoteurs immobiliers d’orienter les choix des clients sur de nouveaux
équipements en faisant naître par le processus de mode de nouveaux désirs.
182 - L’évolution de l’environnement modifie les modes et les tendances d’achat des
consommateurs ; en retour celles-ci influencent le processus décisionnel des agents opérant
sur le marché immobilier.
Le comportement du consommateur est par nature complexe, paradoxal à bien des égards.
A la fois conformiste et individualiste, il recherche conjointement des achats utiles et
agréables, la nouveauté et la sécurité.
Par ailleurs on observe l’émergence d’une nouvelle conception de la vie, plus réfléchie
tournée d’avantage sur l’être que sur le paraître, avec une exigence accrue portée sur la
qualité, la garantie et les services liés.
L’enjeu pour les agents immobiliers et de répondre aux attentes du consommateur, qu’elles
soient génériques ou nouvelles. Pour ce faire, l’agent immobilier s’emploie à intégrer les
données sociologiques du marché233 qu’il connaît de manière empirique par l’expérience, ce
qui lui permet d’élaborer des stratégies adaptées qui tiennent compte de l’évolution des
modes de vie, du changement d’attitude et des nouveaux rapports qui se sont installés
entre le consommateur et lui, corrélatifs à l’aversion au risque, au temps et à l’espace, au
phénomène de mode.
A cet égard le « Home Staging » réalisé avec le savoir-faire d’un architecte d’intérieur
permet de visualiser des visites virtuelles du logement en 3 D avec ses équipements et
modifications futures que le client a du mal à imaginer a priori. En suscitant un attrait de
curiosité en vue d’optimiser la présentation du bien, l’agent immobilier gagne du temps,
multiplie les visites virtuelles, en éliminant les curieux au profit de clients intéressés. En
proposant ce service innovant, l’agent immobilier recueille davantage de mandats exclusifs,
justifie ses honoraires d’intermédiaire. Certes ce service a un coût, mais il valorise son
action, le différencie de ses concurrents, et au final lui fait gagner du temps et de l’argent.
183 - Dans notre pays où l’incertitude sur l’avenir pèse sur l’emploi des jeunes et les
retraites des seniors, la relation entre le pouvoir d’achat et consommation est plus
réfléchie ; elle s’est inversée au bénéfice de la demande qui a pris la main sur le marché, car,
lorsque la consommation ralenti, le consommateur a plus de pouvoir sur les fournisseurs de
biens et de services.
De nos jours, l’acquéreur immobilier a une vision à long terme de son épargne ; la fiscalité
des plus-values et les difficultés en cas de revente l’incite à la prudence, l’oblige à plus de
circonspection qu’avant la bulle de 2007 où les prix ne cessaient de grimper. Son
comportement nous paraît s’inscrire dans une tendance profonde dont l’origine est
davantage structurelle que conjoncturelle, ce qui se traduit par une résistance au prix.
233 Les styles de vie constituent les bases des travaux du Centre de Recherche pour l’Etude De
l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC).
Page 152
L’acheteur immobilier a pris l’habitude de résister à ses pulsions d’achat, en intégrant dans
son calcul psychologique, en premier la valeur fonctionnelle du bien qu’il mixte ensuite avec
la valeur d’échange et la valeur d’usage. Il exige le juste prix et plus de transparence sur la
qualité.
Or, le consommateur n’est pas dépourvu de moyens de défense face aux professionnels. Il
prend le temps de se renseigner en cherchant l’information sur internet, use des
comparateurs de prix et de qualité, communique ses expériences sur la toile du Web. Il ne
craint pas d’opposer de la résistance aux arnaques par le biais d’associations de défense des
consommateurs. Le cas échéant, il n’hésite pas à ester en justice pour faire valoir ses droits
bafoués par des publicités mensongères ou équivoques, des prix gonflés, des faux avantages,
des clauses abusives du contrat. Le droit de la consommation le protège contre l’asymétrie
d’information pouvant exister entre lui et le professionnel en instituant à son profit un délai
préfixe de rétractation et/ ou de réflexion pour les engagements qu’il prend par contrats, à
domicile et à distance.
L’achat d’un bien immobilier n’étant pas anodin, les agents immobiliers se sont astreints à
plus de transparence dans leurs relations avec les clients ; préoccupés d’éthique, ils ont aussi
pris des engagements à travers des chartes, qui visent la satisfaction du client et au-delà sa
fidélisation.
L’attitude du professionnel est à présent d’anticiper les attentes des clients, de mieux les
écouter, de comprendre leurs désirs et problèmes et de s’employer à les satisfaire en leur
offrant un service de haute qualité : 100/100 % de disponibilité et d’accessibilité, des
horaires adaptés. Réactivité, écoute, fiabilité des informations, qualité du conseil, et
empathie sont les vecteurs de confiance, qui avec la sympathie et le pouvoir de conviction
sont les constituants du sésame qui ouvre les portes du succès à l’agent immobilier.
185 - En retour, pour être crédibles et susciter le désir d’acheter, l’agent immobilier doit
pouvoir lui proposer une gamme étendue et diversifiée d’immeubles au juste prix. L’offre
234Ce rapport, de 61 pages avec ses annexes, établi par l’ancien Directeur de l’ANIL (à la tête du Conseil
National de la transaction et de la gestion immobilière) à la demande de Mme la Ministre de la Justice,
Garde des Sceaux et Mme la Secrétaire d’Etat au logement fait un tour d’horizon des pratiques
professionnelles et des améliorations souhaitables dans l’objectif de « Moderniser la réglementation des
activités immobilières ».
Page 153
doit être adaptée aux besoins exprimés explicitement, voire implicitement. C’est-à-dire qu’ils
doivent répondre aux attentes durables du client dans le rapport équilibré de qualité- prix-
usage- sens.
Lorsque le client émet des signes révélateurs de besoins plus émotionnels que rationnels,
l’agent doit savoir identifier les codes du client et lui proposer des biens qui intègrent les
valeurs sous-jacentes qui souvent reflètent la tendance de l’époque ou un mode de vie
particulier.
Les phases d’entremise et de négociation sont d’autant mieux facilitées que le portefeuille
de clients de l’agent immobilier est important et diversifié, que son fichier de demandeurs et
d’offreurs de biens a bien répertorié leurs besoins, leurs désirs, les moyens de financement,
les catégories socioprofessionnelles, la composition des familles, leurs lieux de prédilection,
la typologie des biens recherchés et offerts, leurs caractéristiques, et qu’il précise la
hiérarchie de leurs préférences jusqu’aux substituts possibles dans l’ordre des options
acceptables. Avec un fichier complet et tenu à jour, l’agent immobilier peut sélectionner
l’interface correspondant aux desiderata des vendeurs et acheteurs, par suite les orienter,
au besoin les conseiller. Si nécessaire, l’agent propose son aide à la revente d’un autre bien
pouvant servir d’apport au crédit et, selon les cas, se propose de reloger des locataires en
place.
L’agent immobilier assure, en tant que de besoin, une prestation multiservices grâce à un
faisceau de compétences qui s’intègrent dans un tissu d’agents économiques en relations
inter professionnelles. Il s’en suit qu’il a une action régulatrice sur les marchés différenciés.
C’est notamment le cas avec les nouveaux clients entrant qui n’ont pas d’idées précises sur
les lieux qui pourraient satisfaire leurs attentes ; or « (l)e type de logement et sa localisation
concourent à l’affirmation de soi dans une culture particulière au sein de l’espace social. Le
logement a une fonction socialisante, au centre d’un réseau de connexion avec un extérieur
cohérent, socialement et culturellement. Une partie du choix de la localisation est ainsi
déterminée en ce sens »235.
235Cf. Pr. F. Larceneux, in : « Les facteurs psychosociologiques de l’achat d’un logement », p. 42, site :
https://halsch.archives-ouvertes.fr
Page 154
S ECONDE PARTIE
187 - L’activité déployée par l’agent immobilier dans la conduite du processus de vente
peut être synthétisée dans le schéma ci-dessous, en cinq étapes.
Ce schéma donne une image exhaustive du rôle de l’agent immobilier, image qui met en
évidence des aspects de son intervention qui sont essentiels en pratique, mais auxquels le
juriste ne s’intéresse guère parce qu’ils relèvent d’autres disciplines.
Ainsi, lors de la première étape qui consiste à attirer à lui des chalands, l’aspect marketing
est essentiel. L’objectif primordial est la quête de mandats pour deux raisons : l’une est
d’ordre juridique, l’autre est d’ordre économique. En effet, d’une part la législation
applicable à la profession d’agent immobilier exige de détenir un mandat de vente ou de
recherche d’un bien à acquérir avant toute intervention d’entremise et de négociation pour
Page 155
le compte d’autrui ; d’autre part le marketing au service de sa démarche vise à faire
coïncider l’offre à la demande, Il lui faut donc pouvoir disposer à la vente d’un panel de biens
différenciés. Les biens immobiliers étant des produits par nature non fongibles, l’objectif
vital est de trouver et de sélectionner des biens préexistants pour se constituer un stock qui
puisse convenir opportunément à l’évolution des attentes éphémères d’une clientèle très
sollicitée, ce qui implique la quête permanente de mandats. Cette étape porte l’agent
immobilier à analyser ses forces et faiblesses, à évaluer les actions de prospection à mener
pour assurer la pérennité de son activité. En d’autres termes, l’agent est amené à mettre en
pratique les concepts développés par le marketing pour comprendre et établir son
positionnement stratégique en fonction de ses retours d’expérience, pour définir ses
tactiques d’approche clients et pour jauger si la faisabilité de l’affaire est compatible avec les
moyens dont il dispose.
Il serait erroné de croire qu’à partir de ce moment la mission de l’agent immobilier s’achève,
parce que l’arrivée du notaire chargé de dresser l’acte de vente en la forme authentique et
de procéder aux formalités exigées par la publicité foncière, qui caractérise la cinquième
étape du processus, éclipse définitivement l’agent immobilier. En réalité, après la signature
de l’acte préparatoire à la vente et la transmission du dossier au notaire, l’agent ne reste pas
236 Comme conséquence de la crise financière le marché immobilier s’est retourné en juillet 2007. Depuis,
la demande est devenue prioritaire, ouvrant de nouvelles perspectives, aux professionnels qui s’y
adaptent. Désormais les clients ont changé, ils achètent ce qu’ils attendent de l’agent immobilier ; en
s’adressant à lui, il est clair le coût de son intervention correspond à une prestation de service global
intégrant l’offre d’achat ou de vente, le conseil et l’accompagnement y afférents, il importe donc savoir ce
que les clients sont prêt à payer pour ce service.
Page 156
inactif. Il suit, autant que faire se peut, l’avancement des formalités administratives, en
particulier la levée des conditions suspensives, et tient les parties informées de leur
évolution. Ces formalités accomplies, il convient avec le notaire d’une date de rendez-vous
pour la signature de l’acte authentique. Le plus souvent, l’agent immobilier accompagne son
client pour l’assister lors de cette signature ; sa présence est parfois très précieuse pour
aplanir des différends de dernières minutes nés entre vendeur et acquéreur.
188 - Ce n’est ni l’effet du hasard, ni celui d’un souci d’esthétique si le schéma emprunte la
forme d’une roue. Une telle forme renvoie à l’idée de cycle de production d’exploitation.
Cette idée, bien connue des économistes et des gestionnaires, montre que l’agent
immobilier est une entreprise qui rend à ses clients un service original. Il s’agit de mettre en
œuvre toutes sortes de talents pour parvenir à la conclusion de la vente d’un bien
immobilier.
C’est dire aussi qu’il existe un amont et un aval à l’intervention de l’agent immobilier. Avant
de conclure le contrat qui le liera à son client, ce professionnel posera un diagnostic de
faisabilité ; au terme de sa mission, soit qu’il ait finalisé le processus de vente, soit qu’il n’ait
pas réussi à le concrétiser, l’agent immobilier aura tout intérêt à méditer les raisons de son
succès ou de son échec. Or, c’est bien parce que l’on tire de l’expérience passée des
enseignements qui ont vocation à nourrir les amonts des missions futures, que la forme
d’une roue s’impose pour schématiser l’activité de l’agent immobilier.
Dès lors, il ne fait aucun doute qu’une mission réussie aura des retombées positives, en ce
sens que le client satisfait n’hésitera pas à contracter à nouveau avec l’agent ou à le
recommander à de potentiels acquéreurs ou vendeurs et que l’agent, conforté par ses
performances, n’hésitera pas à pérenniser les stratégies qui lui ont valu le succès.
Inversement, une mission manquée incitera l’agent à revoir sa méthode. Ainsi, l’agent
apprendra à mieux appréhender les difficultés que posent un vendeur dont les exigences
surdimensionnées sont incompatibles avec la réalité du marché ; de même, il apprendra à
choisir à l’avenir son client avec davantage de discernement, par exemple en refusant avec
doigté de contracter avec un acquéreur dont la capacité financière insuffisante ne permet
pas d’envisager l’achat du type de bien qu’il convoite et en le réorientant avec persuasion
vers un projet adéquat.
Page 157
Mais ce n’est pas tout. Après avoir convaincu un potentiel client qu’il est le plus apte à lui
rendre le service qu’il attend, l’agent immobilier devra procéder de même avec un potentiel
cocontractant de son client, lorsqu’il entamera la négociation des conditions de la vente et
spécialement de son prix.
La nécessité d’être convaincant tant à l’égard de son client qu’à l’égard de la contrepartie de
ce dernier montre que l’agent immobilier pratique souvent un délicat exercice de corde
raide. Comment se faire le champion d’intérêts aussi divergents ?
190 - Enfin le schéma proposé a le mérite d’insister sur l’importance de la négociation que
l’agent immobilier devra mener avec la personne à trouver pour faire la contrepartie à
l’opération envisagée par son client. Une fois encore, la question n’est pas à proprement
parler juridique, le droit ne s’intéressant véritablement qu’au résultat de la négociation et
non, ou alors très marginalement, aux techniques de découverte de la contrepartie et aux
techniques de négociation, lesquelles relèvent davantage d’un savant mélange entre
sciences de gestion et psychologie.
Les techniques de vente font appel la psychologie envers le client à travers un petit nombre
de principes nécessaires et préalables à toute négociation. Il est évident que chaque vendeur
a son propre style, mais sur la chronologie du processus gagnant à mettre en œuvre la
littérature en ce domaine est concordante.
Pour les auteurs qui font autorité237, la progression logique pour nouer une affaire
commerciale est la suivante : elle commence par une prise de contact positive ouvrant la
voie à la découverte du besoin du client par la découverte de ses préoccupations, puis à la
reformulation du besoin et sa sublimation. Il s’en suit la déclinaison du critérium des
caractéristiques et avantages que le produit ou le service procurera comme bénéfice au
client, et, in fine la proposition de conclure un accord avec le client.
H. M. Goldmann, postule que vendre est une science presque aussi vieille que l’humanité elle-
même(…). Presque tout était connu depuis longtemps238. De son livre inspiré de l’expérience
pratique nous retiendrons quelques idées essentielles : on ne vend pas la marchandise, on
vend l’idée, l’idée des services que la marchandise doit rendre au client ; pour être vendable,
une marchandise doit répondre à des besoins primaires. On peut les éveiller ou les
développer, et on ne saurait les créer ; les raisons d’un achat ne sont pas toujours
raisonnables ; la plupart du temps, les gens que vous allez voir ne s’intéressent pas à vos
237 Cf. : Heinz M. Goldman, in.: « L’art de vendre », éd. delachaux et Niestlé S.A. Neufchâtel (Suisse), 1981,
Isbn 2-603-00195-7 ; V. aussi Whiting, in. : « Les 5 grandes règles de la vente », éd. Dunod, Paris, 1972 ; du
même auteur : « Les 5 grands problèmes des vendeurs, comment les résoudre » éd. Dunod, Paris, 1966 ;
de Lionel Bellenger, in. : « Qu’est-ce qui fait vendre ? » éd. PUF, gestion, Paris 1984, isbn 2-13038497-8.
238 Heintz M. Goldman, ibid. p.9.
Page 158
offres. A vous de les intéresser ; une modification « insignifiante » de votre argumentation,
quelques mots dans une phrase, peut décider du succès ; le client n’a pas toujours raison239.
La plupart des auteurs spécialistes du domaine de la vente considèrent que dans l’ensemble
son processus évolutif passe par une succession de stades aux limites peu marquées. La
vieille règle américaine AIDA (Attention – interest – Desire – Action) constitue le procédé de
base pertinent dont se servent les vendeurs lorsqu’il s’agit d’influencer les clients pour qu’ils
achètent.
Ce sont donc toutes ces techniques de vente que l’agent immobilier peut mobiliser pour
assurer le succès de sa mission.
191 - Reste qu’au-delà des références à des disciplines étrangères au droit, le schéma de la
roue montre que la mission de l’agent immobilier se réalise pour le truchement de deux
contrats, le mandat donné par le client à l’agent immobilier et la conclusion du contrat de
vente.
Alors que pour le premier contrat, le mandat est indispensable à l’intervention de l’agent
(chap. 1), dans le cadre du second contrat, la vente est aléatoire car jusqu’à la dernière
minute rien ne garantit que ce contrat de vente, qui est pourtant la finalité du mandat
donné à l’agent, sera effectivement passé (chap. 2).
239Cf. pour aller plus loin : Chaïm Perelman et Lucie Olbrechts-Tyteca, in. «Traité de l’argumentation» 6e
éd. Univ. de Bruxelles, 2008, isbn 978-2-8004-1398-3 ; François Martineau: « Petit traité d’argumentation
judiciaire et de plaidoirie » éd. Dalloz, 2013/2014, isbn 978-2-247-11984-4 ; Gilles Declercq, in. «L’art
d’argumenter -structures rhétoriques et littéraires» éditions Universitaires, Belgique, 1992, isbn 2-7113-
0508-2.
Page 159
CHAPITRE 1
192 - S’il ne fait aucun doute que la mission de l’agent immobilier constitue une prestation
de services, il est également certain que les textes qualifient de mandat le contrat passé
entre l’agent immobilier et son client. Certes, l’article 6 de la loi de 1970 parle de mandat de
manière incidente, à propos de la clause d’exclusivité, mais le décret d’application confirme
cette qualification dans une importante série d’articles.
Or une telle qualification est, malgré l’usage consacré du terme par les textes, la
jurisprudence et la pratique professionnelle, loin de s’imposer. Ainsi un éminent auteur
considère que l’agent immobilier intervient le plus souvent en qualité de courtier et non de
mandataire240. C’est pourquoi il importe de s’interroger sur la nature juridique du contrat
qui lie l’agent immobilier à son client (section 1).
Page 160
Section 1 : L A NATURE JURIDIQUE D U CONTRAT QUI LIE L ’ AGENT
IMMOBILIER A SON CLIENT
193 - A lire les dispositions de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et de son décret d’application
n° 72-678 du 20 juillet 1972, l’on découvre qu’entre la mission de l’agent immobilier telle
que les textes la conçoivent et le mandat tel qu’il est traditionnellement défini, il existe une
certaine distance. C’est ce hiatus qu’il faut mesurer (§1), avant d’examiner les solutions
mises en œuvre par la profession pour tenter d’en atténuer les effets (§2).
A - La notion de mandat
En général la notion de représentation est plurielle. Elle peut être vue comme désignant une
action à produire ou à montrer à un observateur. En droit, elle est vue uniquement comme
un moyen technique qui sert à établir un lien juridique entre une personne représentée et
une tierce personne. Ainsi, dans le mandat, le représentant se substitue au représenté pour
la passation d’un acte juridique soit parce que ce dernier est empêché de le faire lui-même,
soit parce qu’il préfère déléguer le pouvoir d’agir en son nom et pour son compte au
représentant.
Le fait que de la mission confiée à l’agent immobilier lui confère le pouvoir de faire des actes
matériels pour le compte de son client, de rapprocher les parties en vue de la signature de la
vente, à commencer par un avant-contrat qu’il est le plus souvent chargé de rédiger et
subséquemment de rapporter à travers cet acte la signature du tiers, n’implique pas que
l’agent détienne nécessairement le pouvoir de représenter son mandant.
Page 161
Par exemple, dans le mandat de vente, malgré les apparences qui laissent supposer que
l’agent immobilier représente son client lorsque, détenteur des clés du bien à vendre, il le
fait visiter hors la présence du vendeur, il n’a pas le pouvoir de le représenter. En effet, le
vendeur peut toujours refuser la vente, alors même que le postulant acquéreur aurait
accepté les conditions proposées par l’agent telles que définies au mandat. Alors, est-il
correct de parler dans ce cas d’un mandat de vente ?
Si l’histoire est ambigüe, le Code civil l’est tout autant. A priori l’article 1984 du Code civil ne
fait pas de la représentation un élément déterminant du mandat. En effet, il définit le
mandat comme « l’acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire
quelque chose pour le mandant et en son nom ».
Une telle définition, très large, englobe à la fois les actes juridiques, significatifs du pouvoir
de représentation, et les actes matériels qu’effectue le mandataire. Du coup, son
imprécision laisse subsister un doute sur la nécessité de l’existence d’un pouvoir de
représentation dans le mandat. Que signifie ce « quelque chose » ? Vise-t-il uniquement les
actes juridiques que passerait le mandataire ou comprend-il également les actes matériels,
en sorte que, comme en droit romain, on aurait deux types de mandat, l’un avec
représentation, l’autre sans242 ?
Le doute sur le sens à attribuer à l’expression « faire quelque chose » n’est pas dissipé par les
articles 1985 à 1990, bien que ceux-ci soient censés donner des précisions sur le régime du
mandat. Les articles suivants relatifs aux obligations du mandataire et du mandant ne sont
pas plus explicites.
Seuls les articles 1997 et 1998, le premier parce qu’il parle du mandataire « qui a donné à la
partie avec laquelle il contracte en cette qualité une connaissance suffisamment large de ses
pouvoirs » et le second parce qu’il traite de l’obligation du mandant « d’exécuter les
engagements contractés par le mandataire », pourraient être invoqués en faveur d’une
interprétation réduisant le « quelque chose » de l’article 1984 aux seuls actes juridiques.
Mais rien n’assure que cette références à des actes juridiques exclut catégoriquement que le
mandataire puisse n’accomplir que des actes matériels.
241 Le mot procurator puise sa racine du verbe latin procurare, qui signifie « prendre soin ». Au début de
notre ère, des riches romains employaient souvent des personnes chargées d’administrer leurs domaines
agricoles et de prendre soin de leurs revenus. Généralement ces fondés de pouvoirs étaient des hommes
libres. Quand l’empereur Augustus dû organiser son empire, il fit appel à eux pour diriger les vastes
étendues de son domaine public et privé.
242 Voir Anne Gilson-Maes, thèse de doctorat (26 nov. 2013) : « Mandat et responsabilité civile », sous la
direction de Mme la prof. Cécile Péres, Univ. de Reims-Champagne-Ardennes, § 135, p. 85.
Page 162
197 - En réalité, c’est la jurisprudence qui a précisé la définition du mandat en décidant
que le mandat avait nécessairement pour objet des actes juridiques.
Ainsi, dans un arrêt rendu le 19 février 1968 où il s’agissait de qualifier un contrat passé
entre des époux et une dame, les premiers ayant donné à la seconde le pouvoir de choisir
l’entrepreneur chargé de construire leur maison, en précisant le type, le plan et le prix de la
maison, les juges du fond avaient qualifié la convention intervenue comme un contrat
d’entreprise. Leur décision est censurée par la première chambre civile de la Cour de
cassation aux motifs que « ces constatations révèlent seulement que les époux X... ont
chargé la dame Y... d'accomplir pour leur compte un acte juridique, conformément aux
dispositions de l'article 1984 du Code civil, et non des actes matériels, sans pouvoir de
représentation, éléments qui caractérisent le contrat d'entreprise »243.
Plus récemment, le 28 novembre 2007, la première chambre a réaffirmé sa solution dans
une formule ferme et parfaitement explicite : « le mandat, qui est un acte par lequel une
personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose en son nom, ne peut porter
que sur des actes juridiques et non des actes matériels »244. En l’espèce, la Cour d’appel, pour
condamner solidairement des époux à réparer le préjudice subi par des tiers du fait d’un
incendie causé par le mari, lequel avait nettoyé un terrain appartenant à sa femme en
faisant brûler des branchages, avait considéré que l’acte du mari passé dans l'intérêt
commun des deux époux, caractérisait un mandat.
Ainsi, selon la jurisprudence, la qualification de mandat suppose un pouvoir de
représentation, le mandataire devant nécessairement accomplir des actes juridiques pour le
compte du mandant. Il est cependant permis que le premier effectue, à titre accessoire, des
actes matériels.
198 - A l’examen des textes relatifs à la mission de l’agent immobilier, l’on constate que si
le I de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 qualifie bien le contrat passé entre l’agent et son
client de mandat, il le fait en quelque sorte par raccroc. En effet, le texte ne commence pas
243 Cass. civ 1ère 19 fév. 1968, Bull. I, n° 69. Adde en matière commerciale, Cass. com. 8 janv. 2002, Bull. IV,
n° 1, dans une espèce concernant un concessionnaire d’emplacement dans un grand magasin qui, pour
obtenir réparation du préjudice que lui avait causé la rupture du contrat par le grand magasin, tentait de
démontrer que ses propres salariés, lorsqu’ils vendaient des chaussures aux clients du grand magasin
agissaient comme mandataires de ce dernier. Mais la chambre commerciale a estimé que les salariés en
question se bornaient à présenter les chaussures aux clients, le contrat de vente n’étant conclu que lors du
passage aux caisses du grand magasin.
244 Cass. civ. 1ère 28 nov. 2007, n° 05-13153. A noter que l’arrêt est inédit au bulletin, pas tant parce que la
décision relève de la catégorie des arrêts d’espèce, que parce que la solution retenue fait partie des grands
classiques du mandat.
Page 163
par affirmer clairement et d’une façon générale que le contrat est un mandat. Il se contente,
lorsqu’il envisage l’hypothèse où le contrat comporte une clause d’exclusivité, de désigner
les parties par les mots « mandataire » et « mandant ». Puis, plus loin, à propos de cette
même clause d’exclusivité ainsi que de deux autres clauses que le contrat pourrait contenir,
la clause pénale et la clause prévoyant que les honoraires seront dus à l’agent même si
l’opération projetée a été conclue sans ses soins, le texte évoque la qualification de mandat.
Pour autant, il serait erroné d’en déduire que seuls les contrats où figurent de telles clauses
méritent, aux yeux du législateur, la qualification de mandat.
Mieux, la lecture de l’article 72 du décret révèle que deux sortes de contrat sont
susceptibles d’être passés entre un agent immobilier et son client : le contrat ordinaire, où
l’agent ne détient pas le pouvoir de représenter son client et donc de l’engager en signant
un acte juridique au nom et pour le compte du client, et le contrat comportant une clause
qui lui confère ce pouvoir.
Il faut donc en déduire que deux catégories de mission peuvent être confiées à l’agent
immobilier. Cela implique qu’il existe deux contrats différents, lesquels doivent logiquement
obéir à des qualifications différentes (1). Et une telle dualité dans la qualification du contrat
ne saurait manquer de produire des effets sur le régime de chacun des contrats (2).
Ou bien le contrat passé entre l’agent immobilier et son client contient expressément
« l’autorisation de s’engager pour une opération déterminée ». Alors, il ne fait aucun doute
que l’agent qui détient le pouvoir de représenter son client pour une opération précise, par
exemple vendre tel immeuble, accomplira sa mission en passant des actes juridiques au nom
et pour le compte de son client. Par conséquent, un tel contrat constitue bien un mandat au
sens classique du terme, un « vrai mandat ».
Ou bien le contrat ne contient pas une telle autorisation. Alors, il est clair que, dépourvu du
pouvoir d’engager son client, l’agent immobilier n’accomplira que des actes matériels. Cela
signifie que le contrat ne mérite pas la qualification de mandat que pourtant les textes lui
reconnaissent. A cet égard, la jurisprudence use d’un euphémisme pour désigner un tel
Page 164
contrat sans faire honte au législateur : elle l’appelle « mandat d’entremise », c’est-à-dire un
faux mandat où le pseudo mandataire n’a aucun pouvoir de représenter son mandant.
200 - A la vérité, le contrat passé entre l’agent et son client comporte rarement une clause
de représentation, et donc s’analyse rarement en un « vrai mandat ». Cela se comprend
aisément : il n’est pas si fréquent qu’un client accepte de renoncer à l’exercice de ses
pouvoirs sur son propre patrimoine, en se faisant représenter par un agent immobilier.
Toutefois, on peut estimer que lorsque le mandat porte sur un bien à acquérir que le client
connaît pour l’avoir vu, visité et agréé, il est possible que ce dernier confère à l’agent le
pouvoir exprès de réaliser l’opération246. Mais il reste qu’une telle occurrence se rencontrera
rarement en pratique.
201 - Le plus souvent, l’agent immobilier n’est chargé d’accomplir pour le compte de son
client que des actes matériels arrêtés et convenus, lesquels sont précisés dans les conditions
générales et particulières du mandat, consenties et acceptées par les parties aux rubriques
intitulées « obligations » et « pouvoirs du mandataire » et généralement libellées comme
suit :
245 On peut également y voir une habileté de l’agent immobilier qui tenterait ainsi d’esquiver une
éventuelle cause de responsabilité.
246 Sur la manière dont le pouvoir de représentation peut se concrétiser par une offre d’achat, voir infra,
n° 308 -
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même séquestre, le duplicata du reçu délivré à l’acquéreur (art. 77 du décret n° 72-678 du
20 juillet 1972). 5) Informer, par tout moyen, le mandant des liens capitalistiques ou
juridiques qu’il entretient avec des banques ou des sociétés financières et justifier de la
réception de cette information (art. 4-1 de la loi du 02 janvier 1970 issu de la loi n° 2009-323
du 25 mars 2009).
- Pouvoirs : Les pouvoirs du mandataire sont strictement restreints à ceux définis dans le
mandat. Afin que le mandataire puisse accomplir sa mission, Le mandant lui donne
généralement les pouvoirs suivants : « 1) Proposer, présenter, visiter et faire visiter les biens
à toute personne qu’il jugera utile. 2) Faire toute publicité qu’il jugera utile (publicité
commerciale, petites annonces …) auprès du public, par son réseau le cas échéant, en
employant les moyens suivants…, les frais exposés y afférents restant à la charge exclusive
du mandataire. 3) Communiquer le dossier de l’opération à tout confrère qu’il jugera
susceptible de concourir à la vente. 4) Réclamer toutes pièces, actes et certificats nécessaire
au dossier auprès de toutes personnes privées ou publique et effectuer le cas échéant,
toutes démarches administratives (division, urbanisme, déclaration d’intention d’aliéner
exigée par la loi foncière, soit par lui-même, soit par le notaire du mandant, les frais
administratifs exposés restant à la charge du mandant. 5) Etablir tous actes sous seing privé
aux prix, charges et conditions du présent mandat et recueillir la signature de
l’acquéreur »247.
Mais, même si, dans le cadre d’un mandat de vente, le client et l’agent se sont mis d’accord
sur les conditions de la vente et que celles-ci ont été réalisées, et qu’en particulier une
clause du mandat lui donne le pouvoir de rapporter la signature d’un candidat acquéreur
dans un compromis de vente, il arrive que le vendeur refuse de le signer ou encore qu’après
l’avoir signé, il refuse ensuite de réitérer sa signature dans l’acte de vente authentique. En
pareil cas, ni l’agent, ni la contrepartie du client ne saurait forcer ce dernier à signer le
contrat de vente. Ainsi que l’exprime la Cour de cassation, « viole les articles 1 et 6 de la loi
n° 70-9 du 2 janvier 1970 et l’article 72 alinéa 3 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, la
Cour d’appel qui, pour dire valide un compromis de vente, retient qu’aux termes des
conditions générales du mandat le vendeur s’était engagé à signer toute promesse de vente
ou tout compromis de vente aux prix, charges et conditions du mandat donné à l’agent
immobilier, sans constater l’existence dans ce mandat d’une clause expresse par laquelle le
mandant donnait pouvoir à l’agent immobilier de le représenter pour conclure la vente »248.
202 - Alors, comment qualifier un tel contrat ? On pense tout naturellement au courtage.
G. Ripert et R. Roblot (1992) ont donné du courtage la définition suivante: « Le courtier est
un commerçant dont la profession consiste à rapprocher des personnes qui désirent
contracter. Il fait connaître à chaque partie les conditions de l’autre, s’efforce d’arriver à une
247 Cf. « Mandat exclusif de vente, en cas de démarchage » imprimé ITM-683 (26ème édition : mars 2014)
www.tissot.fr, 19 rue Lagrange- 75005 Paris ». Tous droits réservés.
248 Cass. civ. 3e., 12 avr. 2012, n°10-28.637. Un commentaire de cette décision est paru au Recueil Dalloz
n° 18, 3 mai 2012, p. 1126, note Yves Rouquet : (mandat d’entremise : nécessité d’une clause expresse » ;
v. aussi : Gazette du Palais, n° 125-126, 4-5 mai 2012, chronique de jurisprudence, pp.45-46, note Marine
Parmentier.
Page 166
conciliation des intérêts, conseille la conclusion d’un contrat et parfois collabore à la
rédaction de l’acte qui le constate »249. Ces auteurs ne font pas explicitement référence à
l’agent immobilier, ils en font mention à la rubrique « autres courtages : (…) 4°Les agences
de location d’immeubles et les courtiers de ventes d’immeubles qui ont toujours été
considérés comme commerçants alors même que la jurisprudence affirmait la non
commercialité des opérations immobilières ».
Mais ce serait laisser de côté une large partie de la spécificité de la mission de l’agent
immobilier. En réalité, et les mandats standards en usage dans la profession le montrent
bien, l’accent doit également être mis, à côté de l’aspect entremise, sur l’aspect négociation
qui caractérise la mission de l’agent en vue de la conclusion du contrat projeté. C’est la
raison pour laquelle la qualification de courtage doit être exclue.
203 - C’est sans doute également la raison qui explique que la jurisprudence a utilisé
l’expression « mandat d’entremise » pour qualifier le contrat passé avec l’agent immobilier,
lorsqu’il ne contient pas de clause de représentation. Il s’agit pour l’agent immobilier certes
de prospecter le marché jusqu’à ce qu’il trouve quelqu’un susceptible de faire la
contrepartie de son client, mais surtout de négocier avec cette possible contrepartie de
façon à l’amener à signer avec son client le contrat projeté.
Ainsi l’agent immobilier engage des pourparlers, fait des propositions et des contre-
propositions ; bref, il met tout en œuvre pour créer un climat de confiance propice à la
réalisation de l’opération souhaitée. Mais il va de soi que celle-ci ne peut aboutir sans
l’accord formel de son client.
249Voir G. Ripert et R. Roblot, in. « Droit commercial » T. 2, 15e, éd. 2004 LGDJ, Paris.
250 Voir C. Beddeleem, in « Guide de l’agent immobilier » éd. Annales des loyers n° 5-6, 2007, mai-juin, p.
861et s. V. aussi du même auteur in. « La rémunération de l’agent immobilier » –un mandat de simple
entremise- n°s 128 à 136, pp.17 à 19, éd. édilaix, 13090 Aix-en-Provence, 2011, Isbn : 978-2-36503-001-4.
251 Cass. civ. 1ère, 8 juil. 1986, n° 84-15731, Bull. I, n° 194.
Page 167
204 - Il est indéniable que le service rendu par l’agent immobilier est destiné à profiter à
son client252.
Lorsqu’une personne désire vendre ou acheter un bien, il est clair qu’elle recourt aux
services d’un intermédiaire parce qu’elle est convaincue qu’elle obtiendra ainsi un meilleur
résultat que si elle avait agi seule. Elle espère donc que, grâce à l’intervention d’un agent
immobilier, son projet se réalisera au mieux de ses intérêts, qu’ils soient financiers ou
autres.
Le plus souvent, celui qui sollicite les services d’un agent immobilier est un propriétaire
désireux de vendre son bien. Il confiera un mandat de vente à l’agent qui saura le persuader
qu’il est le plus apte à lui trouver un acquéreur dans les meilleurs délais et au meilleur prix.
Mais il arrive aussi que celui qui s’adresse à un agent immobilier soit quelqu’un qui souhaite
acheter un bien. Dans ce cas, il donnera un mandat de recherche à l’agent qu’il estimera le
plus habile à découvrir l’immeuble qui lui convient.
205 - Le mandat simple n’appelle guère de commentaires, si ce n’est qu’il est dépourvu de
clause d’exclusivité.
Par exemple, s’agissant d’un mandat de vente, il est en tous points conforme à l’idée de libre
entreprise, en ce sens que le mandant conserve sa liberté de traiter directement avec un
acquéreur qu’il aura trouvé, et à l’idée de libre concurrence, puisque le vendeur peut
charger plusieurs intermédiaires de trouver un acquéreur pour son bien. De même,
s’agissant d’un mandat de recherche, le mandant peut continuer la quête du bien qu’il
désire acheter, seul ou avec l’aide d’autres agents immobiliers qu’il aura mandatés.
On comprend alors que la formule du mandat simple n’est certainement pas celle qui
recueille la préférence des agents immobiliers. D’une part, la compétition instaurée entre les
différents agents mandatés par le client réduit les chances de chacun de trouver la
contrepartie pour leur client. D’autre part, le client développe parfois des trésors
d’ingéniosité pour pouvoir traiter directement avec une contrepartie découverte par l’agent
et faire ainsi l’économie de la rémunération de ce dernier253.
Voilà aussi pourquoi on trouve souvent dans les mandats simples, à titre de précaution
élémentaire, une clause selon laquelle le mandant s’interdit, pendant et surtout après
l’expiration de la durée du mandat, de traiter directement avec une personne qui lui aurait
été présentée par l’agent254. Par l’effet d’une telle clause, le mandat simple se rapproche du
mandat exclusif, sans toutefois se confondre avec lui.
252 Mais on verra plus loin, infra, n°208 - , que cela n’exclut pas qu’au-delà de son client, l’agent
immobilier rende également service à la contrepartie de celui-ci.
253 Sur la rémunération de l’agent immobilier, voir infra, n° 265 - et suivants.
254 Voir infra, n° 249 - et 290 -
Page 168
206 - Le mandat de vente ou de recherche est dit exclusif, lorsque le mandant s’interdit
tout à la fois de traiter lui-même l’opération projetée et de confier le soin de le faire à un
autre agent immobilier. Par un tel mandat, l’intermédiaire supprime toute concurrence
entre lui et ses collègues ; il complique aussi toute tentative du client destinée à tirer profit
du travail de l’agent tout en s’exonérant du paiement de sa commission.
Grâce au mandat exclusif, l’agent immobilier devrait donc accomplir sa mission en toute
sérénité. Mais l’article 78 du décret fragilise le mandat exclusif en prévoyant que « passé un
délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat… peut être dénoncé à tout moment
par chacune des parties »255.
Néanmoins, cette précarité impose à l’agent d’être efficace et l’incite à déployer les moyens
matériels et financiers adaptés au résultat espéré. Les statistiques démontrent d’ailleurs que
ce type de mandat donne les meilleures chances de résultat dans le délai imparti, tant pour
le vendeur que pour l’agent immobilier.
La licéité de la formule a été contestée devant la Cour d’appel de Grenoble 257 dans la mesure
où, lorsque son client a trouvé seul l’acquéreur, l’agent perçoit tout de même une
rémunération. Mais, après avoir relevé que la loi de 1970 prévoit la possibilité d’une
rémunération en l’absence de toute intervention de l’agent258, la Cour de Grenoble a estimé
que dès lors que la clause « Partenaire » est claire, très lisible, sans ambiguïté et qu’il existe
une contrepartie parfaitement définie, elle n’est ni illicite, ni abusive.
Page 169
208 - Le service rendu par l’agent immobilier ne profite pas seulement à son client ; il
profite aussi à la personne qui contracte avec son mandant et à laquelle l’agent rend
également service.
Le risque d’un conflit d’intérêts est patent dans l’hypothèse où l’agent immobilier détient un
double mandat délivré par chacune des parties pour une même opération, parce qu’il les a
obtenus dans le but d’avoir une double commission. Les mandants peuvent se connaître ou
non, mais sur leurs problèmes qui relèvent de l’intime ils sont en principe discrets. Le danger
vient de ce que le mandataire est dans la confidence de leur problématique, bénéficie d’un
avantage sur eux dans la négociation, qu’il peut exploiter à son profit. Mais cette situation
est rare car le prix est généralement une des pierres d’achoppement de la négociation, avec
le montant des honoraires de l’intermédiaire ; s’il est trop gourmand ou intransigeant sur ce
point par rapport au service rendu, l’opération devient improbable ; d’autant qu’il ne peut
prétendre à une double commission que si les accords de vente font mention des deux
mandats, indiquent les parties qui en ont respectivement la charge, ce qui place la question
au centre des discussions.
En réalité le mandataire rend service aux deux parties, qui sans lui auraient continué de
s’ignorer, la probabilité de se rencontrer sur ce plan étant mince sans publicité, et à tout le
moins n’auraient pas pu trouver individuellement une solution aussi rapide à leurs
problèmes respectifs. Au regard de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et du décret n° 72-678 du
20 juillet 1972, aucune disposition de ces textes ne fait obstacle à ce qu’un agent immobilier
détienne un double mandat, un pour rechercher un acquéreur et un autre pour rechercher
d’un bien à acquérir. Il est vrai que cette situation induit un dilemme sur fond éthique, car le
double mandatement peut confier à la même personne des intérêts opposés, alors que
l’agent immobilier perçoit légalement deux commissions, parce qu’il crée un lien de droit
entre ses deux mandants tout en conservant sa qualité de mandataire ainsi que les droits et
obligations qui en résultent259. Cependant, dans la mesure où l’intermédiaire n’a pas pris
sciemment un double mandat pour le même bien pour optimiser sa commission, et que sont
satisfaites les exigences de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et de l’article 73 du décret du
20 juillet 1972, rien ne s’oppose à ce que les commissions prévues dans chacun des mandats
puissent se cumuler, à condition toutefois, que les parties en soient informées et que
l’avant-contrat de vente subséquent relate à la fois les deux mandats, la double commission
et ceux qui ont respectivement la charge.
209 - Même en l’absence de double mandat, il est certain que l’agent immobilier, rend
aussi service à celui qui achète ou à celui qui vend un bien à son mandant.
259 Cf. P. Pétel, In : « Les obligations du mandataire », 1988, éd. Litec, Paris, p. 144, Isbn : 2-7111-0790-2.
Page 170
Ainsi, lorsque l’agent immobilier est titulaire d’un mandat de vente, il a certes vis à vis de
son mandant toute une série d’obligations ; pour autant, il ne demeure pas sans le moindre
devoir envers une possible contrepartie de son mandant. Spécialement, il est tenu de lui
délivrer un certain nombre d’informations de nature à déterminer son consentement à
acquérir l’immeuble. Or ces informations vont bien au-delà de la simple présentation des
diagnostics techniques relatifs à l’immeuble ou encore de la production d’un exemplaire du
mandat de vente que tout acquéreur potentiel est en droit de demander à l’agent
immobilier. Il s’agit véritablement d’aider le candidat à l’acquisition de se forger un
jugement éclairé sur l’opportunité d’acquérir ou non le bien. Au surplus, il est de l’intérêt
même de l’agent immobilier de nouer un lien solide entre son mandant et le tiers intéressé
par le bien, de façon à éviter que ce dernier risque de changer d’avis en découvrant plus tard
que l’affaire ne lui convient qu’à moitié, voire plus du tout, à ses besoins ou ses aspirations.
De même, lorsque l’agent immobilier est titulaire d’un mandat de recherche, il faut se
garder de croire que l’autonomie dont jouit le vendeur du bien convoité par le mandant
dispense l’agent de tout devoir envers le vendeur. Naturellement le propriétaire du bien est
libre d’accepter ou de refuser la proposition d’achat que l’agent immobilier lui soumet ;
mais, à partir du moment où il envisage de vendre son immeuble, il se trouve devant un
dilemme : d’un côté, il risque de passer à côté d’une opportunité et donc d’être responsable
de l’échec de son projet de vente à cause de son intransigeance ; d’un autre côté, il peut
toujours espérer une meilleure offre. L’art de l’intermédiaire consiste alors à présenter les
avantages et les inconvénients d’un accord négocié en s’appuyant sur les premiers. Dans la
mesure où l’agent parvient à concilier les intérêts primordiaux des parties dans un équilibre,
dans la mesure où la négociation est franche et loyale et où la promesse est acceptable
comme résultant d’éléments concrets vérifiables, il est possible de parvenir à un accord.
L’agent immobilier joue alors pleinement le rôle qu’on attend de lui : parvenu à matérialiser
un accord, qui sauvegarde ses propres intérêts, il rend service à son mandant et au vendeur ;
la performance réussie lui procure alors autant de satisfaction que le paiement des
honoraires prévus à son mandat.
210 - Un premier effet de la dualité de qualification porte sur la possibilité offerte au client
de rompre unilatéralement le contrat passé avec l’agent immobilier. On sait que le mandat
est un contrat révocable ad nutum ; dès lors il importe de se demander si la solution est
transposable au « mandat » d’entremise.
Les raisons de la révocabilité ad nutum réside dans l’intuitus personae qui s’attache au
mandat, c’est-à-dire dans la confiance du mandant dans la personne du mandataire à qui il a
confié le pouvoir de l’engager. Que cette confiance vienne à disparaître, alors le pouvoir de
représentation doit lui aussi disparaître. Or, la confiance est un sentiment indicible ; c’est
pourquoi le mandant, qui a perdu confiance dans son mandataire, n’a pas à s’en justifier.
Page 171
C’est éventuellement au mandataire révoqué à démontrer que le mandant a abusé de son
droit de rompre unilatéralement le contrat quand bon lui semble.
211 - Dans ces conditions, il est clair que mandat d’entremise, qui n’est pas un vrai mandat
mais un banal contrat de prestation de service, ne saurait être révoqué ad nutum par le
client. Car l’intuitus personae y est trop faible, comparable à celui qui existe dans la plupart
des contrats de service. Certes, le client contracte avec tel prestataire plutôt que tel autre
parce qu’il le considère plus talentueux et donc plus capable de le satisfaire. Cependant,
même si les talents de l’agent immobilier ne sont pas indifférents à son client, ils ne
constituent pas un élément suffisant pour qualifier le mandat de contrat conclu intuitu
personae. En décider autrement reviendrait à faire basculer dans cette dernière catégorie les
contrats passés avec les coiffeurs ou les garagistes.
On constate alors qu’il n’existe dans le mandat de l’agent immobilier aucune raison
susceptible de justifier l’existence d’un droit de révocation au bénéfice du client. Pour
autant, cela ne signifie pas que le client ne pourra jamais rompre unilatéralement le contrat :
il pourra le faire s’il invoque un juste motif de résiliation. A défaut, il engage sa
responsabilité envers l’agent immobilier.
Or c’est bien ce qu’a décidé la Cour de cassation dans une affaire où le client avait révoqué
l’agent auquel il avait confié un mandat exclusif : « la révocation produit ses effets, sous
réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire »261. On ne saurait mieux dire
que la Cour de cassation exclut la révocabilité ad nutum, sinon comment expliquer que le
client qui a fait usage de son droit unilatéral de résiliation soit condamné à verser des
dommages-intérêts à l’agent ?
212 - Il faut donc un juste motif pour mettre fin au contrat. S’il est certain que ce juste
motif peut être tiré de la faute que l’agent immobilier aurait commise dans l’exécution de
son mandat262, il importe de souligner que la jurisprudence a également érigé en juste motif
de révocation le fait que le client a décidé de renoncer à l’opération projetée. Parce qu’il ne
veut plus vendre ou acheter, il met fin au mandat de vente ou de recherche. La
jurisprudence est en effet bien établie pour admettre qu’en pareil cas le client peut
Page 172
légitimement abandonner son projet et, du même coup, mettre fin au contrat qui le lie à
l’agent immobilier263.
Un point mérite cependant d’être souligné. Tous les arrêts ont été rendus dans des
hypothèses où la révocation est intervenue alors qu’une clause du mandat le stipulait
irrévocable. C’est pourquoi, à côté de la formulation particulièrement nette du principe de la
révocation pour cause d’abandon du projet, les décisions citées réservent l’hypothèse d’une
éventuelle responsabilité du mandant envers le mandataire. Ainsi, pour un mandat de
recherche, la première chambre civile estime que « le mandat même stipulé irrévocable, de
rechercher un acquéreur en vue de la vente d'un bien, ne prive pas le mandant du droit de
renoncer à l'opération ; que la révocation produit, alors, tous ses effets, sous réserve de la
responsabilité du mandant envers le mandataire »264 ; de même, pour un mandat de vente,
elle décide que « si le mandat même stipulé irrévocable ne prive pas le mandant du droit de
renoncer à l'opération, la révocation du mandataire en violation du contrat produit ses effets
sous réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire »265.
Cette jurisprudence mérite d’être approuvée. La révocation pour cause d’abandon du projet
joue comme un droit de repentir qui serait octroyé à celui qui donne mandat à un
professionnel de mener à bien une opération aussi grave que la vente ou l’achat d’un
immeuble. Une telle faculté de repentir trouve sa justification tant dans le droit des biens
lequel postule la libre disposition du patrimoine par son titulaire, que dans le droit des
obligations où la disparition de l’objet du contrat constitue traditionnellement une cause de
résiliation du contrat. Toutefois, en vertu de ce même droit des contrats, si le mandant a
accepté de se lier au professionnel de manière irrévocable pour un certain temps, son
revirement engage sa responsabilité contractuelle envers l’agent immobilier266.
213 - S’il est acquis que le mandat d’entremise ne saurait être révocable ad nutum, il reste
à se demander ce qui se passe lorsque la mission confiée à l’agent immobilier constitue un
vrai mandat.
Dans les rares cas où le mandat comporte une représentation du client par l’agent
immobilier, rien ne s’oppose à l’application de l’article 2004 du Code civil, selon lequel le
mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble. Mais il convient de prendre la
mesure exacte de cette révocation.
263 Voir notamment Cass. civ. 1ère, 5 fév. 2002, n° 99-20895, Bull. I, n° 40 ; Cass. civ. 1ère, 5 juil. 2006, n° 05-
12418, inédit ; Cass. civ. 1ère, 30 mai 2006, n° 04-18972, Bull. I, n° 269. Adde C.A. Paris, 5ème ch. B, 8 juil.
1994, Sodim/SCI Loredane.
264 Cass. civ. 1ère, 5 fév. 2002, préc.
265 Cass. civ. 1ère, 5 juil. 2006, préc.
266 Sur la question de la conciliation de la révocation du mandat avec une clause pénale, voir infra, n°224 -
.
Page 173
coup, à défaut de juste motif de révocation, le client demeurera lié à l’agent immobilier
jusqu’au terme du contrat.
214 - Un second effet de la dualité de qualification doit, à présent, être abordé. Il concerne
la rémunération de l’agent immobilier, rémunération que la loi conditionne à la réalisation
de l’opération convenue dans le contrat267. Que se passe-t-il lorsque l’agent, chargé d’un
mandat de vente, a trouvé le candidat acquéreur qui satisfait toutes les conditions posées
par son client, mais que ce dernier refuse de réaliser l’opération ?
Dans le cas où le mandat donné à l’agent est un vrai mandat parce qu’il comporte une clause
lui permettant de conclure la vente, le client est engagé par le compromis de vente signé en
son nom par l’intermédiaire. Dès lors, l’opération est regardée comme étant réalisée, même
si le client refuse plus tard de réitérer la vente devant notaire. En pareille hypothèse, il ne
fait aucun doute que l’agent a mené à bien sa mission, ce qui lui ouvre son droit à
commission. Quant à l’acquéreur, il pourra obtenir, selon que le compromis sera analysé
comme valant ou ne valant pas vente, soit l’exécution forcée, soit des dommages et
intérêts268.
On constate alors que dans l’hypothèse d’un mandat d’entremise l’agent immobilier, bien
qu’il ait parfaitement exécuté sa mission, perd son droit à rémunération dans la mesure où
l’opération convenue dans le mandat n’a pas été réalisée du fait du refus du mandant à
donner son consentement à l’opération. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que la
pratique ait introduit dans les mandats d’entremise des clauses destinées à éviter ce genre
de désagrément.
215 - Dans les formulaires types du mandat d’entremise, communément employés par les
professionnels immobiliers qui se livrent à des opérations d’entremise portant sur les biens
d’autrui, on trouve deux catégories de clauses : celles qui s’efforcent de pallier l’absence du
pouvoir de représentation de l’agent immobilier (A) et celles qui tentent de sécuriser la
rémunération de l’agent immobilier lorsque le client refuse de réaliser la vente avec
l’acquéreur qui lui a proposé (B).
267 Sur la question générale de la rémunération de l’AI, voir infra, n° 265 - et suivants.
268 Sur le compromis de vente, voir infra, n°327 - et suivants
Page 174
A - Les clauses destinées à pallier l’absence du pouvoir de représentation de l’agent
immobilier
216 - Dans le mandat de vente, la clause par laquelle l’agent immobilier est chargé de
rédiger le compromis et de rapporter la signature du tiers acquéreur, ne saurait être
regardée comme l’élément déterminant d’un vrai mandat. En effet, rédiger le compromis de
vente et rapporter la signature du tiers acquéreur constituent autant d’actes matériels
susceptibles certes d’entraîner la responsabilité du mandataire s’il les exécute mal ou s’il
outrepasse les pouvoirs qui lui ont été conférés. Mais en aucun cas l’agent immobilier ne
peut en déduire qu’il a l’autorisation d’engager son mandant.
Toutefois, il est certain que si une telle clause ne constitue pas une clause de représentation,
du moins produira-t-elle un effet dissuasif sur le client qui, souhaitant échapper au paiement
de la commission, voudrait refuser de signer le compromis présenté par l’agent immobilier
pour pouvoir traiter en direct avec le tiers acquéreur trouvé par l’agent.
217 - Dans le mandat de recherche, s’il est tout à fait concevable d’y introduire une clause
chargeant l’agent immobilier de rédiger le compromis et/ou de rapporter la signature du
vendeur, l’hypothèse ne se rencontre guère en pratique.
Il faut en effet ne pas perdre de vue que, le plus souvent, le bien que le mandant souhaite
acquérir n’est pas identifié ; c’est d’ailleurs l’objet de la mission de l’agent immobilier que de
se mettre en quête de découvrir le bien susceptible de convenir à son client. Dans ces
conditions, il est douteux qu’anticipant sur cette éventuelle découverte, le mandant
demande à l’agent de rédiger le compromis et/ou de rapporter la signature du vendeur.
C’est d’autant plus douteux qu’en général les desiderata du client sont succinctement
formulés.
Page 175
En réalité, le mandat de recherche apparaît comme un pis-aller pour l’agent immobilier.
Pour lui, c’est essentiellement un instrument de prospection légale du marché, un
instrument qui prélude à des négociations restant à mener par étapes, où le mandant garde
son libre arbitre pour décider de conclure ou non l’opération projetée, sans possibilité de
recours de l’agent ni du tiers s’il y renonce. Dès lors, on trouvera plus volontiers dans le
mandat de recherche une clause indiquant que le mandant reconnaît que les affaires
proposées et visitées sont strictement confidentielles et qu’il s’interdit pendant la durée du
mandat et dans les douze mois suivants son expiration, à en traiter l’achat éventuel
directement avec le vendeur270.
Exceptionnellement, cependant, il arrive que le bien convoité par le client soit déterminé et
que non seulement celui-ci le connaisse parfaitement, mais encore qu’il souhaite
ardemment l’acquérir. En pareil cas, de même que la clause de représentation du client par
l’agent ne soulève aucune objection271, de même il convient d’admettre la clause qui charge
l’agent de rédiger le compromis et de rapporter la signature du vendeur, d’autant que,
comme on vient de le voir, celle-ci n’est qu’un pâle substitut de la clause de
représentation272.
218 - Plus efficace est la clause par laquelle le mandant s’engage à ratifier le compromis
que l’agent immobilier est chargé de rédiger. Cette clause est fréquente dans le mandat de
vente où elle est souvent combinée avec la clause par laquelle l’agent a pour mission de
rapporter la signature de la contrepartie.
Au contraire, pour le tiers acquéreur, cela ne change rien à son sort. Si le mandant refuse de
ratifier le compromis, il ne pourra ni le contraindre à signer la vente274, ni obtenir, à titre de
270 Cf. « Mandat de recherche », éd. Tissot 19 rue Lagrange, 75005 Paris, modèle déposé.
271 Voir supra, n° 199 - in fine.
272 Voir supra, n° 215 -
273 Voir Cass. civ. 1ère, 1er déc. 1987, n° 84-17276, Bull. I, n° 313. En l’espèce, la Cour censure un arrêt qui
avait condamné le mandant à verser à l’agent le montant de sa commission, alors que seuls des
dommages-intérêts étaient susceptibles de lui être alloués, ce qui n’aurait dû poser aucun problème
puisqu’à l’évidence le mandant, en violant son obligation contractuelle de ratifier la vente, avait commis
une faute. Mais, on verra plus loin, infra n° 293 - et suivants, que les choses ne sont pas aussi simples.
274 Le tiers acquéreur pourrait songer à invoquer la théorie du mandat apparent pour soutenir que la
vente est parfaite. Mais la jurisprudence est, à juste titre, hostile à la théorie du mandat apparent en la
matière ; voir infra, n° 231 - et suivants.
Page 176
réparation, des dommages-intérêts. Ce n’est que dans l’hypothèse, très exceptionnelle il
faut bien en convenir, où le tiers pourrait invoquer une faute du mandant, distincte de son
refus de signer le compromis, qu’il aurait vocation à demander réparation de son préjudice.
Dans le mandat de recherche, il n’y a évidemment pas place pour la clause de ratification
lorsque, comme c’est en règle générale le cas, le bien à acheter est indéterminé. En
revanche, si le mandat a pour objet l’acquisition d’un immeuble déterminé, connu et agréé
par le mandant, la clause est parfaitement valable. Elle ne sera d’aucun secours pour le
vendeur du bien ; mais elle protègera l’agent, lequel, si le client refuse d’acheter le bien alors
même que toutes les conditions qu’il a posées sont remplies, touchera une indemnité
remplaçant la rémunération à laquelle l’exécution de sa mission lui donne droit.
220 - L’agent n’a droit à la rémunération du travail qu’il a accompli que si l’opération, objet
de son mandat, a été « effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant
l’engagement des parties »275. Cela signifie que si le mandant refuse de passer l’acte en
question, la commission de l’agent est sérieusement compromise.
Dans ces conditions, deux types de clauses permettent d’éviter que l’agent ne perde son
droit à rémunération. Le premier type est un grand classique du droit des contrats : il s’agit
de la clause pénale qui vient sanctionner par l’allocation d’une indemnité dont le montant
est fixé à l’avance un éventuel manquement d’une partie à l’une de ses obligations. Le
second type est spécifique à la matière : il s’agit de la clause sur le paiement de la
commission même si l’opération est conclue sans les soins de l’agent immobilier.
Il faut noter qu’en présence de l’une ou l’autre de ces clauses, l’article 78 du décret fixe la
durée du contrat à trois mois. Mais ce point sera examiné plus loin 276 ; ici, il importe
seulement de s’interroger sur le bien-fondé et l’efficacité de ces clauses lorsque le client
refuse de conclure l’opération avec le tiers présenté par l’agent immobilier.
221 - S’agissant de la clause pénale, il faut d’abord remarquer que l’article 76 alinéa 2 du
décret de 1972 l’interdit lorsqu’elle figure dans un mandat de recherche portant sur un bien
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non identifié : « le mandat d’acheter ou de prendre à bail un bien non identifié ne doit
contenir aucune clause fixant à l’avance le montant des dommages-intérêts ou du dédit
éventuellement dû par la partie qui ne remplirait pas ses engagements ».
Il est alors clair que, lorsque le client refuse d’acquérir le bien que lui présente l’agent,
quand bien même ce bien correspondrait aux souhaits qu’il a exprimés, la clause ne saurait
jouer. Elle est tout simplement nulle, comme contraire aux dispositions d’ordre public qui
régissent le mandat de l’agent immobilier. La solution, pour sévère qu’elle soit envers l’agent
immobilier, mérite approbation. Il convient en effet de se souvenir qu’un tel contrat porte
sur une opération insuffisamment déterminable et que l’achat d’un immeuble constitue
pour le client de l’agent un contrat intuitu rei277.
La solution n’a rien de choquant : la volonté des parties a érigé en faute contractuelle du
client un comportement que la combinaison des textes relatifs au mandat d’entremise et au
droit à rémunération de l’agent exonère de sanction, dans la mesure où d’un côté le pouvoir
de conclure l’opération appartient au client, de l’autre, la rémunération n’est due à l’agent
que si l’opération prévue au mandat est effectivement conclue. Or cette combinaison, fatale
aux intérêts d’un agent immobilier qui n’a en rien démérité, est corrigée par l’introduction
dans le contrat de la clause pénale.
Un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 28 juin 2012
exprime toutes ces raisons dans une formule ramassée qui mérite d’être citée279. « Le
mandat d'entremise donné à (l’agent immobilier) ne lui permet pas d'engager son mandant
pour l'opération envisagée à moins qu'une clause de ce mandat ne l'y autorise expressément,
de sorte que le refus du mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée
par son mandataire ne peut lui être imputé à faute pour justifier, en dehors des prévisions
d'une clause pénale280, sa condamnation au paiement de dommages-intérêts, à moins qu'il
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ne soit établi que ce mandant a conclu l'opération en privant le mandataire de la
rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ».
Au fond, l’insertion d’une clause pénale dans le contrat permet à la volonté des parties d’y
introduite une dose d’équité : l’agent immobilier est un professionnel qui a correctement
exécuté ses obligations contractuelles ; par conséquent, il ne saurait être privé d’une
indemnisation qui vient remplacer la rétribution que les textes lui suppriment.
Dans le même ordre d’idées, et sauf si la rémunération de l’agent était fixée à un montant
scandaleusement élevé, le tribunal, qui serait saisi par le client sur le fondement de l’article
1152 du Code civil, ne devrait pas se prononcer en faveur de la réduction des dommages-
intérêts forfaitaires prévus par la clause pénale.
223 - Mais une complication surgit. Comment expliquer la solution adoptée par l’arrêt de la
première chambre civile de la Cour de cassation en date du 28 mars 2000281 ?
Dans cette affaire où l’agent immobilier chargé de vendre un bien avait rédigé le compromis
de vente, la Cour de cassation considère qu’est nulle la clause dudit acte prévoyant que " si
par suite d'un accord amiable les parties décidaient de résilier purement et simplement le
présent contrat, elles s'engagent solidairement à verser (à l’agent), à titre d'indemnité
forfaitaire et de clause pénale, la somme des honoraires indiqués ci-dessus ". En l’espèce, les
parties ayant renoncé à poursuivre la vente, la cour d’appel avait donné effet à la clause ;
son arrêt est cassé pour violation des dispositions de l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970,
qui interdisent toute rémunération de l’agent lorsque l’opération n’est pas effectivement
conclue. Comme l’arrêt d’appel est cassé sans renvoi, la Cour de cassation condamne l’agent
immobilier à rembourser le montant de la clause.
C’est normalement la volonté des parties, c’est-à-dire celle du client et celle de l’agent, qui
vient corriger, au nom de l’équité, l’application brutale de la règle interdisant de rémunérer
l’agent combinée avec le pouvoir du mandant de décider s’il passe ou non l’opération. Or,
ici, c’est l’agent qui décide seul d’introduire la clause pénale dans le compromis de vente
qu’il est chargé de rédiger, extorquant ainsi à son client un consentement à la clause pénale
qu’il n’a certainement pas conscience de donner au moment où il signe le compromis.
Un autre reproche peut être adressé à l’agent immobilier. Par son comportement, il
dénature le rôle de la clause pénale. D’instrument destiné à sanctionner les manquements
du mandant à ses obligations contractuelles, il en fait le moyen de s’octroyer une
rémunération que les textes et les principes applicables au mandat d’entremise lui dénient.
Dans ces conditions, on ne peut qu’approuver la Cour de cassation d’avoir annulé une telle
clause.
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224 - Intervient alors une seconde complication. Que décider lorsque le client refuse de
vendre parce que, ayant changé d’avis, il ne veut plus passer l’opération pour laquelle il a eu
recours aux services de l’agent ? On a vu précédemment qu’un tel changement constitue un
motif légitime de révocation du mandat282. Alors, comment trancher entre ce juste motif de
révocation et l’application de la clause pénale ?
A notre avis, l’application de la clause pénale doit l’emporter pour les raisons évoquées plus
haut. Certes, le mandant dispose d’un motif légitime de révocation, lequel habituellement
lui permet de prendre l’initiative de la rupture sans engager sa responsabilité. Mais ici, la
présence de la clause pénale, expression de la volonté des parties, évince précisément les
effets de la révocation pour juste motif. Ici, conformément à la volonté des parties, il y a
place pour la responsabilité du mandant. D’ailleurs, c’est bien ce que déclare la Cour de
cassation lorsqu’elle décide, à propos de la renonciation du mandant à l’opération projetée
et en présence d’un mandat comportant une clause d’irrévocabilité, que « la révocation
produit tous ses effets, sous réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire »
283
.
Puisque la clause pénale l’emporte, il faut se demander s’il y a place, en pareil cas, pour le
pouvoir du juge de modérer la clause pénale.
Une réponse négative semble s’imposer, car le client a fait preuve d’une légèreté blâmable
en laissant l’agent accomplir sa mission et en lui annonçant, au moment où l’agent pensait
l’avoir achevée, qu’il ne veut plus vendre. Cependant, une nuance doit être apportée : si,
avant la date d’expiration du mandat, le client a fait part de sa volonté de ne plus passer
l’opération convenue, alors, mais seulement alors, le juge peut, s’il l’estime excessif, réduire
le montant de la clause pénale : l’agent empêché par la révocation de mener à bien sa
mission, a effectivement perdu toute chance de le faire284.
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Mieux encore, il faut relever que la clause heurte de front les principes qui gouvernent le
droit à rémunération de l’agent immobilier. En posant la règle que l’obtention de celle-ci est
liée à la conclusion de l’opération, le législateur a, en effet, mis l’accent sur la nécessaire
utilité de l’intervention de l’agent immobilier en faveur de son client. Dès lors, admettre sans
restriction la validité de la clause vide cette règle de sa substance.
Pourtant, en laissant de côté les conditions de forme qui seront examinées plus loin 285, la
seule restriction énoncée par les textes figure dans le décret, lequel précise que la durée
d’un mandat comportant la clause ne saurait excéder trois mois, en ce sens que passé le
délai de trois mois chacune des parties peut, à tout moment, dénoncer le mandat 286. Au
passage, il faut dénoncer l’hypocrisie du législateur qui, après avoir lié la rémunération de
l’agent à la conclusion effective de l’opération, précise que la clause stipulant que la
commission sera due même si l’opération est conclue sans les soins de l’agent « recevra
application dans des conditions qui seront fixées par décret »287. Ainsi, non seulement le
législateur n’hésite pas à valider une clause qui contredit les principes qu’il a posés, mais
encore, lorsqu’il s’agit d’en préciser la portée, il se défausse sur le pouvoir exécutif.
226 - Reste alors la question de fond. La seule limitation à trois mois de la durée pendant
laquelle le mandat est irrévocable constitue-t-elle une condition satisfaisante ?
Il est certain que la profession n’apprécie guère une telle limitation, d’autant qu’elle vaut
également pour les mandats assortis d’une clause d’exclusivité et pour ceux assortis d’une
clause pénale. Selon elle, le délai est trop court : l’obligation de fournir avant tout contrat
d’acquisition d’un immeuble les certificats des contrôles techniques afférents à l’immeuble
et les documents d’urbanisme exigés par la loi foncière justifierait un délai plus long ; quatre
mois constituerait un délai plus opportun eu égard à ces contraintes, d’autant que si le
mandat est conclu au domicile du client, ce dernier bénéficie d’un délai de rétractation de
quatorze jours288, pendant lequel toute action de l’agent immobilier se trouve de facto
neutralisée.
Du point de vue du client, il paraît raisonnable de penser que la durée de trois suffit à le
protéger de façon satisfaisante. En effet, au bout des trois mois, si l’agent est resté inactif, le
client peut mettre fin au mandat ; par conséquent, il peut alors vendre ou acheter,
directement ou par l’intermédiaire d’un autre agent, sans craindre d’avoir à verser une
commission au premier.
D’abord, il faut observer qu’au terme des trois mois, le mandat ne prend pas
automatiquement fin : il peut seulement être dénoncé à tout moment par le client, à charge
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pour lui « d’en aviser (l’agent) quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception »289. Il est clair que cette formalité qui demande un effort au
client ne hâtera pas la fin du mandat.
Ensuite, il ne faut pas oublier qu’en pratique le mandat contient souvent une clause de
renouvellement par tacite reconduction290 et que, pour peu que le client subisse l’emprise
psychologique de l’agent immobilier, il renoncera à lui envoyer le préavis de non
renouvellement, en sorte que le contrat restera en vigueur. Dès lors, si lassé d’attendre le
client réussit à acheter ou à vendre le bien lui-même ou grâce à l’intervention d’un autre
intermédiaire, lorsque le mandat n’est pas exclusif, il n’en devra pas moins, en vertu de la
clause, verser au premier agent sa commission.
227 - Un résultat aussi choquant montre que le système actuel mérite d’être réformé.
A la vérité, la seule solution défendable est de considérer que la clause relative au paiement
de la commission même si l’opération a été conclue sans les soins de l’agent, n’est valable
que si ce dernier, à défaut d’avoir été le pilote de la conclusion de l’opération, y a joué un
rôle non négligeable.
On remarquera qu’une telle position n’est nullement contradictoire avec aussi bien l’esprit
que la lettre de l’article 6 de la loi. Lorsque le législateur fait référence à une
« opération…conclue sans les soins de l’intermédiaire », cela ne signifie pas que l’agent doive
nécessairement être resté totalement en dehors du processus qui a conduit à la conclusion
de l’opération ; cela peut seulement signifier que l’agent, bien qu’il n’ait pas été celui qui a
mené le processus à son terme, a simplement fait partie de ceux qui sont utilement
intervenus dans son déroulement.
Par exemple, c’est l’agent bénéficiaire de la clause qui a, selon qu’il s’agit d’un mandat de
vente ou de recherche, présenté soit l’acquéreur, soit le bien à acheter. Dans cette
hypothèse son intervention peut être qualifiée de déterminante, puisqu’il peut justifier que
le rapprochement des parties est dû à son entremise, qu’il s’est prolongé par l’échange des
consentements qui ont abouti à la vente du bien. De même, il est incontestable que son
intervention, bien qu’incomplète, a été déterminante, si l’accord des consentements a été
matérialisé par écrit non pas par l’agent immobilier, mais par un notaire, alors que sa
mission définie au mandat prévoyait qu’il était chargé de le faire lui-même. Mais il peut
arriver que le tiers exige, par principe, l’intervention de son notaire même pour rédiger un
acte sous seing privé, en sorte que l’agent immobilier manquerait de tact s’il opposait une
quelconque objection à l’intervention du notaire.
228 - Vainement objectera-t-on qu’une telle réforme retirerait toute utilité à la clause,
dans la mesure où il serait désormais indispensable que l’agent immobilier qui s’en prévaut
établisse qu’il a véritablement participé au processus de vente. En réalité, la clause
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présenterait toujours de l’intérêt, car elle opèrerait un simple renversement de la charge de
la preuve. Pour le comprendre, il suffit de passer en revue le résultat obtenu selon la portée
que l’on donne à la clause.
Dans l’hypothèse où l’on reconnaît à la clause une portée absolue, quel que soit le rôle joué
par l’agent bénéficiaire de la clause, qu’il ait contribué ou pas à la conclusion de l’opération,
le versement de la commission est automatique. Donc, l’agent n’a aucune preuve à
rapporter. Dans l’hypothèse que nous préconisons, le paiement n’est plus automatique ;
mais ce n’est pas à l’agent bénéficiaire de la clause à prouver qu’il a contribué à la
conclusion de l’opération pour pouvoir toucher sa commission291 ; c’est à son client d’établir
que l’opération s’est réalisée sans la moindre intervention de la part de l’agent qui invoque
le bénéfice de la clause.
Au demeurant, décider que la clause joue même si l’agent qui s’en prévaut est totalement
étranger à la conclusion de l’opération, revient à établir que l’obligation de verser la
commission est dépourvue de cause. Cela revient aussi à établir que l’agent immobilier peut
impunément méconnaitre une obligation essentielle du contrat qu’il a passé avec son client ;
tout se passe, en effet, comme s’il ne s’était engagé à rien, puisque, qu’il contribue ou pas à
la conclusion de l’opération, il perçoit sa rémunération.
Ainsi, quelle que soit l’analyse retenue, absence de cause ou méconnaissance d’une
obligation essentielle du contrat292, il est alors clair que la clause doit être annulée.
Au surplus, si le client est un consommateur, il ne fait aucun doute que la clause, qui relève
manifestement de la catégorie des clauses abusives, mérite à ce titre d’être annulée293.
229 - On le voit, les clauses censées sécuriser la rémunération de l’agent immobilier sont
loin d’être à l’abri de la critique. Elles sont d’autant plus exposées qu’elles sont, à l’instar du
contrat dans son entier et quelle que soit la qualification qu’il mérite, soumises à un lourd
formalisme.
291 Sur la preuve du rôle de l’agent immobilier dans la conclusion de l’opération, voir infra, n° 289 - in
fine.
292 Voir la jurisprudence Chronopost.
293 Sur les clauses abusives, voir infra, n° 248 - et 256 -
Page 183
§ 1 - Le formalisme dans les conditions de formation du contrat
231 - Outre les conditions de fond qui n’appellent pas de développements particuliers, la
formation du mandat confié à l’agent immobilier par son client est enserrée dans un
formalisme rigoureux. Celui-ci provient essentiellement des textes spécifiques à la
profession d’agent immobilier (A), laquelle n’exclut pas les dispositions du code de la
consommation (B).
En l’espèce, un agent immobilier qui gérait les biens de deux dames, avait, au vu d’un accord
de principe donné par écrit par celles-ci, proposé à la vente un immeuble leur appartenant
et signé en leur nom un compromis de vente, les époux acquéreurs ayant même versé un
acompte lequel avait été consigné auprès du notaire chargé d’établir l’acte authentique.
Mais les dames avaient refusé de réitérer la vente, invoquant la nullité du compromis. Se
prévalant de l’existence d’un mandat apparent, les époux avaient assignés les deux dames
afin de voir déclarer la vente parfaite. La Cour d’appel avait accueilli leur demande. Dans leur
pourvoi, les deux dames se fondant sur l’article 6 de la loi du 2 janvier 1970 et sur quelques
dispositions du Code civil relatives au mandat, soutenaient que la théorie du mandat
apparent n’était pas applicable en la matière. Mais la première chambre civile rejette leur
pourvoi dans un attendu qui mérite de retenir l’attention.
« Mais attendu qu’après avoir relevé que les époux A… étaient entrés en relation avec M. X…
(l’agent immobilier), en répondant à l’annonce que celui-ci avait fait paraître dans un journal
local, la Cour d’appel a constaté que M. X… avait signé un compromis de vente en qualité de
mandataire, terme mentionné dans la dernière page du document ; qu’elle a aussi retenu
qu’il n’était pas d’usage qu’en pareilles circonstances des acquéreurs tels que M…,
chaudronnier, et son épouse, sans profession, exigent de la part d’un agent immobilier
connu, dont le numéro de la carte professionnelle figurait de surcroît dans le compromis, la
présentation du mandat l’autorisant à vendre l’immeuble pour le compte de son
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propriétaire ; que de ces circonstances et énonciations, la Cour d’appel a pu déduire la
croyance légitime des époux A… aux pouvoirs du prétendu mandataire ».
Cependant, quelques quatorze années plus tard, la même chambre civile écarte la théorie du
mandat apparent dans un arrêt rendu le 31 janvier 2008295 et portant sur des faits
apparemment similaires. L’agent immobilier avait signé un acte de vente au nom de la
propriétaire, laquelle avait ensuite refusé de signer l’acte authentique. L’acquéreur qui se
prévalait du mandat apparent avait obtenu gain de cause en appel. Mais cette fois, la
première chambre civile, visant les articles 1er et 6 de la loi du 2 janvier 1970 ainsi que
l’article 72 du décret, censure par un attendu lapidaire l’arrêt d’appel.
« Attendu que pour faire droit à cette prétention, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que le
mandat litigieux comportait la mention expresse de l'autorisation requise, a considéré que
Mme X... était engagée en vertu d'un mandat apparent, M. Y..., fondé à ne pas vérifier les
pouvoirs de la société, ayant pu légitimement croire que celle-ci avait été dûment mandatée
par Mme X... en vue de conclure le compromis de vente ; En quoi, la cour d’appel a violé les
textes susvisés ».
233 - Que penser d’une telle contrariété dans les décisions ? On peut bien sûr y voir un
simple revirement de jurisprudence, à mettre probablement sur le compte d’une meilleure
assimilation par les magistrats de la spécificité des textes relatifs à l’agent immobilier. A
notre avis, pourtant, les choses sont un peu plus subtiles et, à y regarder de près, les deux
décisions ne sont pas aussi contradictoires qu’il n’y paraît, chacune bénéficiant de sa propre
justification.
Il existe en effet une remarquable différence entre ces deux affaires, une différence qui
explique que la solution retenue par la première chambre civile ne soit pas la même. Certes,
dans les deux affaires, le problème est commun : quelle portée accorder à l’agent immobilier
qui passe un compromis de vente au nom du vendeur avec un tiers acquéreur. Mais les
circonstances dans lesquelles est signé le compromis sont totalement différentes.
Dans l’affaire tranchée en 1994, l’agent immobilier ne détient qu’un mandat de gestion des
biens des deux dames propriétaires. Or ce gestionnaire, sans doute croyant bien faire,
outrepasse les limites de son mandat de gestion : alors qu’il ne détient aucun mandat de
vente, il fait une offre de vente dans un journal local et conclut, avec un tiers, un contrat de
vente dans lequel il affiche sa qualité inexistante de mandataire du vendeur. Au contraire,
dans l’affaire de 2008, l’agent immobilier détient un mandat de vente en bonne et due
forme, mais ce mandat exclusif n’est qu’un mandat d’entremise. Dès lors, la suite s’impose
en toute logique.
Autant dans la première affaire où il n’existe aucun mandat de vente relevant des
dispositions spécifiques à l’agent immobilier, il y a place pour la théorie du mandat apparent,
telle que le droit commun du mandat la connaît ; autant dans la seconde, où il existe un
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mandat d’entremise, il est clair que le formalisme attaché par les textes au mandat
d’entremise évince tout recours à la théorie du mandat apparent.
Après avoir passé en revue les différentes mentions qui doivent obligatoirement figurer dans
le contrat (1), il conviendra de consacrer des développements particuliers à l’une d’entre
elles, celle qui concerne la durée du contrat (2).
235 - Bien évidemment le contrat doit, selon les dispositions de l’article 6 de la loi de 1970,
être passé par écrit et contenir un certain nombre de mentions, et cela, eu égard au
caractère d’ordre public du texte, à peine de nullité. Ces mentions sont pour certaines
indiquées dans l’article 6 lui-même, pour d’autres indiquées dans le décret d’application de
la loi auquel l’article 6 renvoie. C’est dire que la combinaison entre l’article 6 et les mentions
imposées par certains articles du décret de 1972 va multiplier les causes de nullité, y compris
en amalgamant règles de preuve et règles de forme exigées ad validitatem.
L’article 6 précise que l’écrit est établi conformément à l’article 1325 du Code civil. Il faut
donc autant d’exemplaires originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct ; à juste
titre, la cour de cassation a précisé qu’eu égard au caractère d’ordre public des dispositions
de la loi de 1970, la preuve de l’existence et de l’étendue du mandat ne pouvait être
rapportée que par un exemplaire original et non par une vulgaire copie296.
Ainsi, lorsque le client n’a pas reçu son exemplaire du mandat exclusif, la Cour de cassation
considère que la formalité du double est exigée pour la validité même du mandat et annule
le mandat. Elle décide également que l'omission de cette formalité d'ordre public peut être
invoquée même par la partie qui aurait accompli un acte d'exécution, contrairement à ce
296 Cass. civ. 1ère, 20 déc. 2000, n° 98-19648, inédit. Cette exigence vaut même si le client est un
professionnel (civ. 1ère, 26 mai 1993, n° 91-16523, inédit). Seul le sous-mandat donné par le mandataire
initial à un autre professionnel échappe aux conditions de la loi et du décret (Cass. civ., 1 re , 7 fév. 1995, n°
93-14.158 : Bull. I, n°68).
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que prévoit l’un des alinéas de l’article 1325 C. civ. 297. Selon la Cour, l'article 6 de la loi de
1970 qui renvoie aux dispositions de l'article 1325 du code civil, y compris donc au dernier
alinéa de cet article relatif aux conséquences de l'exécution d'un contrat synallagmatique
dont il n'a pas été fait de double, n'est pas applicable aux mandats assortis d'une clause
d'exclusivité ; ces derniers relèvent, par renvoi du seul alinéa de l’article 6 qui visent les
mandats exclusifs, aux dispositions de l’article 78 alinéa 1 du décret, lesquelles exigent qu’un
exemplaire du mandat soit remis au mandant.
236 - Toujours à propos d’un mandat exclusif de vente, la Cour de cassation a même
considéré que l’exemplaire original de la convention ne pouvait être remis tardivement au
client, car la remise immédiate d’un des exemplaires du mandat comportant une clause
d’exclusivité était exigée pour la validité du mandat ; par suite, la promesse de vente, établie
par l’agent immobilier aux conditions du mandat et acceptée par un tiers était elle-même
entachée de nullité 298.
Cette dernière solution, également énoncée sous le double visa de l’article 6 de la loi et de
l’article 78 alinéa1 du décret, paraît excessivement sévère. S’il est vrai, comme on vient de le
voir, que le texte exige la remise au client d’un exemplaire du mandat contenant la clause
d’exclusivité, le texte ne précise pas que la remise doit être immédiate. En l’espèce, elle
avait eu lieu peu de temps après à la signature du mandat, l’agence ayant adressé à son
client l’exemplaire du mandat par courrier. Dans ces conditions, l’annulation du mandat ne
s’imposait pas, d’autant que le litige ne portait pas sur la clause d’exclusivité que comportait
le mandat.
Ensuite, et cette fois, tous les mandats sont concernée, le raisonnement de la Cour de
cassation ne peut s’expliquer que par l’idée que l’absence de remise immédiate de
l’exemplaire du mandat équivaut à une absence d’écrit. Or un tel raisonnement, outre qu’il
assimile les questions de preuve aux questions de forme, a vocation à s’appliquer à
n’importe quel mandat donné à un agent immobilier, qu’il comporte ou ne comporte pas
une clause d’exclusivité. Cela signifie donc que la Cour de cassation a implicitement érigé la
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remise immédiate de l’exemplaire destiné au client en condition de validité même pour le
mandat simple, ce que n’exige pas l’article 6 de la loi.
237 - En revanche, l’article 6 tel qu’il a été complété par la loi ALUR du 24 mars 2014
contient quelques nouveautés destinées, en toute logique, à produire de nouvelles causes
de nullité.
Ainsi, deux alinéas supplémentaires viennent compléter le texte déjà long de l’article 6. Le
nouvel alinéa 5 impose que le contrat indique les moyens employés par l’agent immobilier
pour prospecter le marché en vue de trouver une possible contrepartie pour son client. De
son côté, le nouvel alinéa 6 impose, au cas de mandat exclusif, que le contrat définisse « les
actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée
ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées
pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties». Voilà donc de nouvelles
mentions à respecter pour éviter l’annulation du mandat.
De même, des modifications issues de la loi ALUR font apparaître de nouvelles combinaisons
entre l’article 6 et le décret de 1972.
Un premier exemple concerne les mandats assortis d’une clause d’exclusivité ou d’une
clause pénale ou encore d’une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le
mandant, même si l’opération est conclue sans ses soins. Selon l’article 6 modifié, « la
somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant
fixé par décret en Conseil d'Etat ». Précisément, l’alinéa 1 de l’article 78 du décret, modifié à
son tour par un décret du 24 juin 2015, dispose que la clause « ne peut prévoir le paiement
d'une somme supérieure au montant des honoraires stipulés dans le mandat pour l'opération
à réaliser ».
La loi ALUR est à l’origine d’autres exemples de combinaison. Mais ceux-ci touchent à la
durée du mandat lorsque le mandant est un consommateur. C’est pourquoi ils seront
abordés plus loin, avec toutes les questions relatives à la durée du mandat299.
Page 188
238 - Pour l’heure, il convient de revenir à des combinaisons, plus anciennes et plus
classiques, qui ont donné lieu à annulation du mandat.
Conformément à l’article 72 du décret de 1972 auquel renvoie l’article 6, l’écrit doit être
rédigé préalablement à l’exécution de ses diligences par l’agent immobilier. Mais c’est
surtout à propos de la rémunération de l’agent immobilier que la question du caractère
préalable a été invoquée ; elle sera donc traitée en même temps que celle, plus générale, de
la rémunération300.
Selon l’article 72 du décret de 1972, l’écrit constatant l’existence du mandat doit comporter
le numéro d’inscription du mandat sur le registre des mandats, registre que ce même article
72 fait obligation à l’agent immobilier de tenir. Non seulement tous les mandats reçus par un
agent doivent être mentionnés dans l’ordre chronologique sur le registre, mais encore le
numéro d’inscription du mandat sur le registre doit être reporté sur l’exemplaire du mandat
remis au client301.
L’article 6 de la loi de 1970 imposant un écrit rédigé conformément aux dispositions de son
décret d’application, la jurisprudence décide qu’est nul le mandat qui n’indique pas, sur
l’exemplaire remis au client, son numéro d’inscription sur le registre des mandats302. Il faut
noter que la jurisprudence se montre particulièrement sévère, car elle annule le mandat
même si, en dépit de l’omission du numéro sur l’exemplaire du client, il a bien été enregistré
sur le registre des mandats303. Pourtant, dans un tel cas, la protection du client n’est pas en
jeu et l’ordre public n’est pas menacé dans la mesure où aucun risque de fraude fiscale de la
part de l’agent immobilier n’est à redouter.
Bien entendu, la nullité en question est une nullité absolue qui peut être invoquée par toute
partie y ayant intérêt.
Par conséquent, le propriétaire d’un local commercial qui a donné mandat à un agent
immobilier aux fins de le proposer à la vente à son locataire, peut exciper de l’irrégularité du
mandat de vente, l’agent n’ayant ni mentionné le mandat sur son registre, ni indiqué le
numéro d’inscription sur l’exemplaire remis au locataire. Dans ces conditions, l’acceptation
300 Sur le caractère préalable du mandat et le droit à rémunération de l’agent immobilier, voir infra, n°267
- et suivants.
301 Les quatre derniers alinéas de l’article 72 qui concernent le registre sont ainsi libellés. « Tous les
mandats sont mentionnés par ordre chronologique sur un registre des mandats conforme à un modèle fixé
par arrêté conjoint du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, du ministre de l’Intérieur et du ministre de
l’Economie et des Finances.
Le numéro d’inscription sur le registre des mandats est reporté sur celui des exemplaires du mandat, qui reste
en possession du mandant.
Ce registre est à l’avance coté sans discontinuité et relié. Il peut être tenu sous forme électronique dans les
conditions prescrites par les articles 1316 et suivants du Code civil.
Les mandats et le registre des mandats sont conservés pendant dix ans ».
302 Cass. civ. 1ère, 6 nov. 1996, n° 93-19917, Bull. I ; n° 412 ; Cass. civ. 1ère, 16 oct. 2001, n° 99-16.920, Bull.
I, n° 253.
303 Voir en ce sens : Cass. civ. 1ère, 24 nov. 1999, n° 97-17667, inédit ; Cass. civ. 1ère, 16 mai 2006, n° 03-
10229, inédit.
Page 189
de l’offre de vente par le locataire ne saurait engager le vendeur304.
239 - Lorsque le mandat est envoyé pour signature par la poste au mandant, sa
numérotation pose un problème pratique. En effet, le numéro devant être reporté par ordre
chronologique dans le registre des mandats, l’agent immobilier n’a aucune certitude sur la
date à laquelle son client lui retournera tous les exemplaires signés. L’affaire se complique
davantage lorsqu’il existe plusieurs mandants, par exemple des cohéritiers et que les
expéditions se font par courrier tournant. Or, pendant qu’il attend le retour du mandat
signé, l’agent peut recevoir d’autres mandats. Comment, dans ces conditions, inscrire les
mandats sur le registre et leur attribuer un numéro ? A l’évidence, l’agent ne saurait pas
prendre le risque de numéroter par anticipation un mandat envoyé, car un non-retour,
toujours possible, briserait la chaine des numéros ; il doit donc attendre le retour de tous les
exemplaires signés pour leur attribuer le numéro d’ordre chronologique du registre.
Pour pallier la lenteur de l’acheminement du courrier postal et aussi pour des raisons de
coût et de commodité, la prise de mandat par les techniques informatiques de
communication électroniques (via internet ou télécopie) est appelée à se développer. Ce
type d’envoi correspond à un besoin de rapidité ; il est sécurisé, fiable, instantané et
présente un intérêt certain lorsque les clients sont éloignés de l’agent immobilier. Mais là
encore, l’agent doit prendre garde à ne pas oublier, lors du retour du mandat, de le
numéroter.
Que la communication du mandat procède d’un envoi électronique ou d’un envoi par FAX ou
par courrier, il est conseillé à l’agent de procéder comme suit. D’abord, il éditera tous les
exemplaires du mandat, celui du ou des mandants et le sien, sans les dater, ni les signer, ni
leur attribuer de numéro de registre ; puis, il expédiera au client son exemplaire afin qu’il le
date et le signe. Enfin, au retour de l’exemplaire daté et signé par le client, l’agent en fera un
tirage sur lequel il portera la date de réception et le numéro d’entrée au registre et il
réexpédiera l’exemplaire au mandant.
En l’espèce, l’agent immobilier avait reçu deux mandats de vente donnés par des époux, le
premier portant sur une villa avec jardin, le second sur un terrain constructible. Les époux
ayant refusé les offres d’achat afférentes aux deux mandats et révoqués les mandats, l’agent
304 Cass. civ. 3ème , 8 avril 2009, n° 07-21.610, Bull. III, n° 80.
305 Cass. civ. 1ère, 19 déc. 2013, n° 12-26459, Bull. I, n° 253.
Page 190
immobilier avait saisi la justice. La Cour d’appel annule le mandat portant sur le terrain
comme dépourvu d'objet certain au sens des articles 1108 et 1129 du Code civil.
Effectivement, le terrain étant un terrain à détacher de la parcelle où était construite la villa,
le mandat ne contenait aucune référence cadastrale, ni plan annexé ; il mentionnait
seulement la superficie du terrain, sans qu'on sache exactement où, ni sur quelle partie de la
parcelle il devait être pris, et il ne donnait aucune précision sur les conditions de desserte du
terrain. Naturellement, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’agent.
Mais, sur pourvoi incident des époux, elle casse la décision de la Cour d’appel relative au
second mandat. « Vu les articles 1108 et 1129 du code civil, ensemble l'article 72, alinéa 2, du
décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ; Attendu que, pour juger que le mandat n° 189 était
valable, l'arrêt retient qu'il porte sur une villa d'environ 200 m ² avec jardin de 1 325 m ² et
piscine, située..., 83790 Pignans, et en déduit que, dès lors que l'emplacement de la maison
et du bâti est clairement situé sur le terrain, son objet est déterminable ; Qu'en statuant
ainsi, alors qu'elle avait relevé que les immeubles objet de ce mandat y étaient désignés de
manière imprécise, sans aucune référence cadastrale ni indication sur les conditions de leur
desserte, tout en constatant que l'addition de leur surface avec celle du terrain à construire,
objet d'un second mandat, était inférieure à celle de l'unique parcelle cadastrale dont ces
deux " lots " étaient censés provenir après division et que les mandants étaient également
propriétaires indivis de l'unique chemin par lequel ils accédaient à leur maison, de sorte que
l'objet d'un tel mandat n'était ni déterminé, ni déterminable en considération de ses seules
énonciations, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses
constatations, violant ainsi les textes susvisés ».
Ainsi, comme l’a souligné la Cour de cassation, ne constitue pas un mandat régulier de
recherche le document intitulé « mandat de visite » qu’un agent immobilier fait signer à un
tiers auquel il a fait visiter un bien lorsque ce document ne respecte pas les conditions fixées
par la loi de 1970 et son décret d’application306.
Pas davantage ne saurait être assimilé à un mandat de recherche le document intitulé « bon
de recherche et de visite » qu’un agent immobilier, par ailleurs titulaire d’un mandat de
vente non exclusif, fait signer à un tiers auquel il a fait visiter le bien. Et cela, même si le
document indique que le tiers s'oblige à négocier et à conclure avec le concours de l’agent et
accepte, en cas d'achat par lui-même ou par une personne interposée, de réparer le
préjudice causé à l'agent immobilier en lui versant des dommages et intérêts fixés à 7 % de
Page 191
la valeur du bien acquis308.
Certes, en pareil cas, il est possible de considérer que la condition relative à l’objet du
mandat est remplie. Mais, en laissant de côté l’aspect indubitablement scandaleux, et donc
critiquable, du comportement de l’agent, il reste que c’est à bon droit que la Cour de
cassation a censuré la Cour d’appel qui avait fait droit à sa prétention. En effet, deux autres
conditions de forme du mandat n’étaient pas respectées : la condition relative à la
rémunération de l’agent qui, appelant des développements spécifiques, sera abordée plus
loin309 et la condition relative à la durée du mandat qu’il convient d’étudier à présent.
2 - La durée du contrat
241 - Par application de l’article 7 de la loi de 1970, le mandat de l’agent immobilier doit
comporter « une limitation de (ses) effets dans le temps ». Cela signifie que doit figurer dans
le contrat la date de début et la date d’expiration. Cela signifie surtout qu’en l’absence d’un
terme extinctif, le mandat est nul, d’une nullité absolue.
On mesure encore une fois la différence entre le mandat de l’agent immobilier, contrat à
durée nécessairement déterminée, et le mandat de droit commun auquel le Code civil
n’impose aucune condition de durée. Mais il est vrai que ce dernier est révocable ad nutum,
alors que le mandat d’entremise de l’agent immobilier ne l’est pas310.
La durée du mandat d’entremise soulève trois types de problème. D’abord, l’article 78 alinéa
2 du décret de 1972 réserve un sort particulier à certains mandats ; ensuite, il arrive souvent
qu’un mandat, même s’il ne relève pas de l’article 78, alinéa 2, comporte une clause
d’irrévocabilité ; enfin, de la même manière, le mandat peut contenir une clause de
renouvellement par tacite reconduction. Il convient donc d’aborder la durée du mandat de
l’agent immobilier sous ces trois aspects.
242 - Pour certains mandats, ceux qui comportent soit une clause d’exclusivité, soit une
clause pénale, soit encore une clause prévoyant que la commission sera due à l’agent
immobilier même si l’opération est conclue sans ses soins, l’article 78 du décret de 1972,
auquel renvoie l’article 6 de la loi de 1970, édicte un régime spécial.
Ainsi, et le point a déjà été signalé plus haut à propos de la remise de l’exemplaire au
l’article 78, alinéa 2 du décret de 1972 ; voir infra, n° 242 - et s., en particulier n° 244 - .
Page 192
client311, la Cour de cassation a estimé que les conditions imposées aux mandats comportant
ces clauses par l’alinéa 1 de l’article 78 sont des conditions de forme dont la violation est
sanctionnée par la nullité du mandat. Dès lors, pour respecter les exigences du texte, le
mandat doit également, et sous peine de nullité, non seulement mentionner expressément
la clause dans l’exemplaire remis au client, mais encore le faire « en caractères très
apparents ».
La loi ALUR du 24 mars 2014 accroît encore le formalisme en ajoutant à l’article 7 de la loi de
1970 une nouvelle exigence. Mais cette exigence ne vise que les seuls mandats qui
comportent une clause d’exclusivité et qui ont été souscrits par des consommateurs.
Désormais, ces mandats doivent, sous peine de nullité, mentionner « en caractères très
apparents les dispositions du deuxième alinéa de l’article 78 », lequel dispose que « passé un
délai de trois mois à compter de sa signature, le mandat contenant une telle clause peut être
dénoncé à tout moment par chacune des parties, à charge pour celle qui entend y mettre fin
d’en aviser l’autre partie quinze jours au moins à l’avance par lettre recommandée avec
demande d’avis de réception ».
243 - Il importe alors de s’interroger sur la portée de l’alinéa 2 de l’article 78, étant rappelé
qu’il ne s’applique pas uniquement au mandat qui comporte une clause d’exclusivité, mais
aussi au mandat qui contient une clause pénale ou encore une clause relative au paiement
des honoraires même si l’opération a été passée sans les soins de l’agent.
Le texte pose-t-il une véritable limitation de la durée du mandat, en sorte qu’un mandat
d’une durée supérieure à trois mois serait entaché de nullité dès lors qu’il comporterait l’une
des clauses visées par l’article 78 ? Ou au contraire le texte est-il indifférent à la longueur de
la durée stipulée dans le mandat, se bornant à autoriser sa révocation moyennant un
préavis, dès lors que les trois mois sont atteints ?
La question n’est jamais abordée dans les décisions où le litige porte sur une clause pénale.
Elle l’est parfois dans les affaires concernant une clause d’exclusivité, mais de manière
implicite. Et, dans ces rares arrêts, la Cour de cassation s’est prononcée implicitement, mais
nécessairement, en faveur de la seconde branche de l’alternative.
Ainsi, dans une affaire où était en cause un mandat exclusif de vente d’une durée d’un an,
renouvelable indéfiniment par tacite reconduction, la validité du mandat n’est nullement
remise en cause par la Cour de cassation, celle-ci s’intéressant uniquement à la question de
la rémunération de l’agent, question qui, en l’occurrence, dépendait de la date à laquelle le
mandat avait été révoqué312.
Un autre arrêt rendu le 30 septembre 2008 par la Cour de cassation et relatif à un mandat
exclusif de recherche procède de la même démarche313.
Page 193
244 - En l’espèce, le mandat exclusif de recherche était conclu pour une durée de six mois,
reconductible par tacite reconduction par période de six mois314, sauf révocation à tout
moment par lettre recommandée et préavis de quinze jours. Le client avait révoqué le
mandat au bout de quatre mois ; il avait ensuite, trois mois plus tard, acheté, par l’entremise
d’une autre agence, un immeuble que celle-ci lui avait fait visiter avant la révocation du
mandat. Le premier agent, invoquant le fait que son mandat était en vigueur au moment de
la visite de l’immeuble, réclamait à son ancien client le paiement de sa commission et, à
défaut, le versement d’une indemnité. La Cour d’appel avait débouté l’agent de l’ensemble
de ses prétentions.
La Cour de cassation rejette, et à juste titre puisque l’immeuble avait été acheté en dehors
de son intervention, le premier moyen du pourvoi de l’agent qui concernait le versement de
sa commission. En revanche, sur le second moyen et sur le visa de l’article 1315 du Code
civil, elle censure l’arrêt de la Cour d’appel en ce qu’il a refusé à l’agent le versement d’une
indemnité. La Cour de cassation considère, en effet, que « la révocation au cours de la
période initiale du mandat exclusif de rechercher un bien à acquérir produit ses effets sous
réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire, lorsque le premier n’a pas
renoncé à l’opération en vue de laquelle le mandat avait été donné ».
Il est donc clair que pour la Cour de cassation le mandat exclusif de recherche d’une durée
de six mois est valable. Il est tout aussi clair que, conformément aux dispositions de l’article
78, alinéa 2, le client est en droit de révoquer le mandat dès lors que le délai de trois mois
est expiré. Mais alors, comment expliquer que le client, qui révoque au quatrième mois un
mandat de six mois, engage sa responsabilité envers l’agent ? Voilà une solution
surprenante, en contradiction totale avec l’alinéa 2 de l’article 78 !
245 - Même si l’arrêt du 30 septembre 2008 n’a pas été publié au bulletin, il reste qu’en
matière de mandat exclusif, il est désormais certain que la condition de durée de trois mois
posée par l’alinéa 2 de l’article 78 du décret ne constitue pas une condition supplémentaire
pour la validité du contrat, mais une simple faculté offerte au client de dénoncer le contrat
lorsque les trois mois sont dépassés.
Parce que le texte est destiné à protéger le client contre les dangers auxquels l’expose
l’insertion dans le contrat de l’une des trois clauses qu’il vise, il joue le même rôle que
314 A noter qu’aussi bien dans l’affaire du 30 juin 1987 que dans celle du 30 septembre 2008, le
renouvellement était indéfini, ce qui entrainait la nullité de la clause (voir infra, n° 253 - s.). Mais cela
n’avait aucune importance, puisque, dans les deux cas, le mandat avait été révoqué lors de la période
initiale.
Page 194
l’article 2004 du Code civil en matière de vrai mandat. De même que ce dernier est
révocable ad nutum, parce qu’il suppose que perdure la confiance du mandant dans
l’activité du mandataire, de même le mandat d’entremise, passé un délai de trois mois, est
susceptible d’être dénoncé par le client quand bon lui semble.
En l’espèce, le client avait, près d’un an après la signature du mandat exclusif de vente,
adressé à l’agent immobilier une lettre recommandée l’informant de sa décision de mettre
fin non pas au mandat, mais à sa seule clause d’exclusivité. Après que la vente ait été
conclue par l’entremise d’une autre agence, le premier agent réclame le paiement de
l’indemnité prévue par la clause pénale du mandat.
La Cour d’appel accueille la demande car la révocation partielle limitée à l'exclusivité n'est
pas envisagée par le mandat, de sorte que les mandants ne sauraient unilatéralement
transformer le contrat initial en un mandat sans exclusivité n'entrant pas dans les prévisions
des parties ; dès lors le mandant qui restait engagé dans les termes du mandat exclusif, avait
violé la clause d'exclusivité. La première chambre civile, visant l’article 2004 du Code civil,
casse l’arrêt : « Qu'en se déterminant par de tels motifs alors que, sauf stipulation
d'irrévocabilité, la révocation partielle du mandat est, comme sa révocation totale, laissée à
la discrétion du mandant, le mandataire pouvant renoncer au mandat ainsi modifié, la cour
d'appel a violé le texte susvisé ».
La référence à l’article 2004 du Code civil provoque l’étonnement : à quoi sert que la Cour de
cassation ait toujours affirmé la différence entre le mandat d’entremise de l’agent
immobilier et le vrai mandat du Code civil, si finalement elle applique au premier les règles
légales du second ? Pourtant, la solution n’est pas aussi aberrante qu’il n’y paraît.
Normalement, c’est l’article 78 alinéa 2 du décret qu’il aurait fallu appliquer à l’affaire.
L’ennui, c’est que la lettre de ce texte n’envisage que l’hypothèse de la révocation totale du
mandat qui a duré plus de trois mois, pas celle de sa révocation partielle. Dès lors, la Cour de
cassation ne pouvant décemment pas viser ce texte pour censurer la décision de la Cour
d’appel, n’hésite pas à ruser, ce en quoi elle a parfaitement raison. Il existe, en effet, de
bonnes raisons pour aligner le régime entre d’un mandat exclusif d’entremise dont la durée
de vie dépasse les trois mois sur celui d’un vrai mandat.
246 - Effectivement, les dangers issus des trois clauses visées par alinéa 2 de 78 justifient
que le client puisse librement dénoncer le mandat une fois passée la période de trois mois.
Ces dangers ne sont pas négligeables, d’autant qu’en général le mandat d’entremise
appartient à la catégorie des contrats d’adhésion.
Ainsi, les dangers engendrés par la clause relative au paiement de la commission même si
l’opération a été conclue sans les soins de l’agent immobilier, ont été dénoncés plus haut,
Page 195
même si, à cette occasion, on a pu constater que c’est moins la limitation de la durée du
mandat à trois mois qui protège le client, que l’exigence d’un minimum de contribution à la
réalisation de l’opération de la part de l’agent bénéficiaire de la clause316.
Les dangers engendrés par la clause exclusivité existent également, dans la mesure où la
clause réduit singulièrement la marge de manœuvre du client qui confère alors à l’agent
immobilier un véritable monopole.
La portée d’un tel monopole est variable selon les stipulations du mandat. Tantôt la clause
interdit seulement au mandant de recourir aux services d’un autre agent immobilier ; tantôt,
et c’est le cas le plus fréquent en pratique, elle a une portée plus large, lui interdisant
également de négocier directement le contrat de vente. Mais dans les deux cas, le client s’en
remet aux diligences de l’agent immobilier.
C’est pourquoi la dénonciation du mandat exclusif prévue par l’article 78, alinéa 2 intervient
comme une soupape de sécurité qui permet au client de se défaire de l’emprise de l’agent
sans avoir à supporter ni la charge d’une action en justice, ni celle de la preuve de la faute
qu’aurait commise l’agent immobilier317.
247 - S’agissant des dangers induits par la présence d’une clause pénale dans le contrat, la
situation est particulièrement compliquée. D’abord, la clause pénale est souvent liée à la
question de la rémunération de l’agent immobilier, dont elle constitue un substitut ; à ce
titre, les problèmes que pose son existence seront étudiés plus loin318. Ensuite, selon son
libellé, la clause pénale peut avoir pour objet de protéger des intérêts indubitablement
légitimes de l’agent ou, au contraire, lui conférer des avantages plus ou moins contestables.
Relève manifestement de la première catégorie la clause pénale qui prévoit une indemnité
Page 196
pour l’agent immobilier qui a parfaitement rempli ses obligations, mais qui se heurte soit à
l’humeur changeante d’un client qui ne veut plus vendre ou acheter319, soit aux manœuvres
d’un client qui veut s’exonérer du paiement de la commission320. Dès lors, il n’y a pas lieu de
protéger le client ; il faut donc en déduire que la limitation à trois mois de la durée du
mandat se révèle parfaitement superfétatoire.
Mais la clause pénale peut aussi constituer un véritable danger pour le client. A cet égard,
deux exemples méritent d’être détaillés.
248 - Le premier exemple concerne l’hypothèse dans laquelle la clause pénale a pour effet
de transformer un mandat non exclusif en un mandat exclusif. La Cour d’appel d’Angers a eu
à connaître une clause de ce type321.
En l’espèce, la clause pénale qui figurait dans un mandat non exclusif de vente, obligeait le
client à verser à l’agent une indemnité égale au montant de sa commission s’il vendait son
bien lui-même. La Cour a décidé qu’une telle clause était illicite au regard de la loi de 1970,
car elle ne permettait pas au client de comprendre qu’en dépit du caractère non exclusif du
mandat et de la liberté qu’il conservait de procéder lui-même à la recherche d’un acquéreur,
il s’exposait à verser sa commission à l’agent s’il vendait son bien sans passer par lui.
On ne peut qu’approuver une telle décision, car une telle clause pénale est incompatible
avec la nature du mandat simple.
En revanche, est parfaitement valable la clause qui figure dans un mandat non exclusif de
vente et qui est ainsi libellée : « sous peine d’avoir à verser une somme équivalente au
montant de la commission, le mandant s’interdit de traiter directement ou par
l’intermédiaire d’un autre agent immobilier avec un acheteur à qui le bien aurait été
présenté par le mandataire ». En pareil cas, il n’existe aucune transformation du mandat
simple en mandat exclusif. Certes, le mandant se prive en partie du droit de vendre son bien
par lui-même ou par les services d’un autre agent ; mais cette perte ne vaut que pour les
potentiels acquéreurs qui lui auront été présentés par son mandataire.
C’est donc en vain qu’une Cour d’appel, pour écarter le jeu d’une telle clause, soutient
qu’elle serait contraire à la définition du mandat sans exclusivité ; une telle position revient à
dénaturer les termes clairs et précis de la clause322.
249 - Le second exemple concerne l’hypothèse dans laquelle la clause pénale vient
sanctionner, par des dommages et intérêts dont le montant équivaut à la commission de
l’agent, le manquement du client à la clause du contrat qui lui interdit de traiter, après
l’expiration du mandat et pendant un laps de temps déterminé, avec un tiers que lui aurait
Page 197
présenté l’agent immobilier. De même que la clause est valable pendant la durée du
mandat, de même elle a vocation à l’être une fois que le mandat a pris fin, et cela même si le
mandat est un mandat simple. Or c’est bien ce qu’a décidé la Cour de cassation, d’ailleurs
dans la même affaire que celle citée à propos de la validité de la clause pendant la vie du
mandat323.
D’abord, force est de constater qu’en pareille hypothèse la limitation à trois mois de la durée
du mandat ne protège en rien le client. Elle n’est qu’une inutile et dérisoire précaution, car
même si le mandant a révoqué son mandataire, la clause pénale continue à produire effet.
Ensuite, on ne saurait se résigner à laisser le client dépourvu de toute protection devant une
clause qui peut le lier de nombreux mois après que le contrat ait pris fin. Pour le protéger
utilement en pareil cas, il faut s’attaquer directement, sur le fondement des clauses abusives
du droit de la consommation, à la validité soit de la clause pénale, soit de la clause édictant
le manquement que la clause pénale vient sanctionner. Pourtant, à se référer à la
jurisprudence relative à la notion de clauses abusives en la matière, le succès est loin d’être
assuré.
Ainsi, s’agissant d’une attaque dirigée contre la clause pénale, la Cour de cassation a
considéré, dans une décision du 2 octobre 2007, que la clause n’était pas abusive. Elle a
justifié sa décision par l’idée que l’indemnité compensatrice prévue par la clause ne pouvant
être assimilée à une rémunération déguisée puisque, faisant référence à l’article 1152 du
code civil, elle peut être modérée et qu’elle n’est prévue qu’en cas de faute caractérisée et
spécifiée du mandant, la clause pénale ne créait pas de déséquilibre entre les droits et
obligations des parties324.
De même, s’agissant d’attaquer la clause qui fixe le délai pendant lequel le client s’interdit,
après l’expiration du contrat et pendant vingt-quatre mois, de vendre à un acquéreur que lui
aurait présenté l’agent, la même décision estime que la Cour d’appel qui retient que les
droits du propriétaire ne sont limités qu’à l’égard des personnes qui ont été présentées par
le mandataire et qu’une telle restriction est justifiée par le risque de fraude très important, a
justement considéré qu’une telle clause qui ne créait aucun déséquilibre dans les droits et
obligations des parties n’était pas abusive325. On peut cependant émettre quelques doutes
sur le bien-fondé de la solution. Vingt-quatre mois, c’est long ; or l’expérience montre que le
client qui souhaite frauder au droit à rémunération de l’agent le fait généralement peu de
323 Cass. civ. 1ère, 6 oct. 2011, préc. En l’espèce la clause était ainsi libellée : « pendant le cours du présent
mandat et de ses renouvellements, ainsi que dans les 18 mois suivant l’expiration ou la résiliation de celui-ci,
le mandant s’interdit de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire avec un acheteur à
qui le bien aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué. A défaut de respecter cette
clause, le mandataire aurait droit à une indemnité forfaitaire à la charge du mandant, dont le montant serait
égal à celui de la rémunération toutes taxes comprises du mandataire prévue au présent mandat ».
324 Cass. civ. 1ère, 2 oct. 2007, n° 06-14238, inédit.
325 Cass. civ. 1ère, 2 oct. 2007, préc. A noter que dans cette affaire, et c’est heureux, la seule clause qui a été
annulée sur le fondement des clauses abusives concernait les pouvoirs donnés à l’agent d’engager tous les
frais administratifs qu’il jugeait nécessaires au dossier, y compris les frais de division de l’immeuble.
Page 198
temps après la fin du mandat. A la vérité, la durée de la clause litigieuse ne devrait pas
dépasser douze mois.
250 - Il faut croire que les dangers engendrés par les trois clauses visées par alinéa 2 de 78
disparaissent dans certains cas, puisque l’alinéa 3 de l’article 78 du décret admet une série
d’exceptions à la faculté de dénoncer au bout de trois mois le mandat326.
L’exception la plus intéressante concerne l’hypothèse dans laquelle l’agent immobilier est
chargé par un promoteur de vendre les lots d’un programme immobilier en cours de
construction. L’agent a alors tout intérêt à faire figurer dans le mandat une clause pénale
pour le cas où le promoteur renoncerait à tout ou partie de son opération. Ainsi l’agent
obtiendra tout à la fois d’être remboursé des frais qu’il aura exposés et d’être indemnisé de
son manque à gagner.
A défaut de clause pénale, il lui est possible de réclamer une indemnité sur le fondement de
l’abus du droit de révocation ; autant dire que les chances de réussite sont minces puisque le
mandant conserve toujours la faculté de renoncer à l’opération327. Cependant, si le mandat
est stipulé irrévocable, le prometteur qui y met fin, manque à ses obligations contractuelles,
en sorte que, s’il conserve le droit de renoncer à l’opération, il doit assumer les
conséquences de la rupture en « indemnisant les acquéreurs victimes, en payant à l’agent
immobilier les commissions dues sur les ventes réalisées, en lui remboursant les frais et les
peines qu’il n’a pas pu amortir du fait de l’anticipation de la disparition de l’objet du mandat
et en l’indemnisant du manque à gagner susceptible d’être justifié »328.
b) La clause d’irrévocabilité
251 - Que le mandat entre ou n’entre pas dans le champ d’application de l’article 78 alinéa
2, on y trouve souvent une autre clause destinée à affermir la position de l’agent
immobilier : il s’agit de la clause d’irrévocabilité du mandat.
326 Selon l’alinéa 3 de l’article 78, « Toutefois, les dispositions du précédent alinéa ne s’appliquent pas
lorsque le mandat est donné en vue de :
1° La vente d’immeuble par lots ;
2° La souscription ou la première cession d’actions ou de parts de société immobilière donnant vocation à
une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;
3° La location, par fractions, de tout ou partie des locaux à usage commercial dépendant d’un même
ensemble commercial.
Dans les trois cas prévus au précédent alinéa, le mandat doit néanmoins préciser les cas et conditions dans
lesquels il peut être dénoncé avant sa complète exécution lorsque l’opération porte en totalité sur un
immeuble déjà achevé ».
327 Voir supra, n° 211 -
328 C.A. Paris, 5ème ch. B, 8 juil. 1994, Sodim c/ SCI Loredane.
Page 199
La clause est valable, comme en témoignent les nombreuses affaires où la durée du mandat
a été stipulée « irrévocable »329. Pour autant, il serait erroné de penser que la clause
présente une quelconque utilité pour empêcher le client de révoquer le mandat qu’il a
confié à l’agent. En réalité, la clause est, à cet égard, parfaitement superflue.
D’abord, il est clair que tout mandat qui comporte l’une des trois clauses visées par l’article
78 du décret doit, passé le délai de trois mois, demeurer révocable. La solution est dictée
par le caractère d’ordre public du texte, lequel ne saurait souffrir d’être contredit par la
clause d’irrévocabilité qui figurerait dans le contrat.
Ensuite, c’est en vain que l’on soutiendra que la clause d’irrévocabilité conserverait son
utilité pour la période initiale des mandats soumis à l’article 78 alinéa 2, ainsi que pour la
durée des mandats qui ne tombent pas sous le coup de ce texte. En effet, il faut rappeler ici
que le mandat de l’agent immobilier n’est pas révocable ad nutum, mais seulement pour
juste motif330. Dès lors, il ne sert à rien de stipuler une clause d’irrévocabilité, puisque, en
l’absence de motif légitime331, le contrat est naturellement irrévocable en vertu de sa force
obligatoire : pacta sunt servanda.
Enfin, c’est précisément parce que le mandat de l’agent immobilier n’est pas révocable ad
nutum que la jurisprudence, en même temps qu’elle valide la clause d’irrévocabilité,
s’empresse de préciser que « le mandat même stipulé irrévocable ne prive pas le mandant
du droit de renoncer à l’opération »332. Or, comment expliquer une telle exception au jeu de
la clause d’irrévocabilité, si ce n’est par l’idée que le principe de la force obligatoire du
contrat s’applique naturellement au mandat de l’agent immobilier, mais que, comme tout
contrat, il peut être rompu pour un juste motif.
252 - Cependant, il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que la clause d’irrévocabilité
est totalement dépourvue d’intérêt. Elle conserve son utilité : elle sert à régler la question
de la responsabilité de la rupture.
A cet égard, est particulièrement éloquente la jurisprudence qui, après avoir affirmé que la
clause d’irrévocabilité ne prive pas le mandant du droit de renoncer à l’opération, précise
que la solution vaut « sous réserve de la responsabilité du mandant envers le
mandataire »333.
329 Voir en ce sens : Cass. civ. 1ère, 5 fév. 2002, n° 99-20895, Bull. 2002, I, n° 40 ; Cass. civ. 1ère, 30 mai 2006,
n°04-18972, Bull. 2006, I, n° 269 ; Cass. civ. 1ère, 5 juil. 2006, n° 05-12418, inédit ; Cass. civ. 1ère, 29 mai
2013, n° 12-19390, inédit.
330 Voir supra, n° 211 -
331 A noter que le motif légitime de révocation tient souvent à la faute que l’agent a commise dans
l’exercice de sa mission.
332 Cass. iv. 1ère, 5 juil. 2006, préc. ; adde Cass. civ. 1ère, 5 fév. 2002, préc.
333 Voir la jurisprudence citée supra, n° 211 -
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rechercher un équilibre entre les droits des parties.
Il faut ici concilier juste motif de révocation et clause d’irrévocabilité. De même qu’on a vu
que le client qui renonce à la vente est tenu de verser à l’agent le montant de la clause
pénale figurant dans le mandat pour le cas où l’agent se serait acquitté de sa mission334, de
même il faut admettre ici que par la clause d’irrévocabilité, la volonté des parties a érigé en
faute contractuelle du client un comportement que les règles applicables au mandat de
l’agent immobilier ne sanctionnait pas. Le client peut donc rompre le contrat, mais il engage
sa responsabilité envers l’agent.
253 - Reste alors à déterminer le montant des dommages-intérêts que le mandant sera, en
pareil cas, amené à verser à l’agent immobilier. Sera-t-il égal au montant de la commission
prévue au contrat ? C’est possible, mais rien ne l’impose : en réalité, le montant des
dommages-intérêts dépend des faits de l’espèce.
Par exemple, dans une affaire où le mandat révoqué était un mandat non exclusif stipulé
irrévocable qui portait sur la vente d’un appartement situé au dernier étage d’un immeuble,
l’agent immobilier avait bien trouvé un acquéreur ; mais la vente avait capoté au dernier
moment. En effet, l’acquéreur qui tenait absolument à occuper un dernier étage parce qu’il
ne voulait pas avoir de bruit au-dessus de sa tête, et qui venait de signer la promesse de
vente devant notaire, avait fait usage de son droit de rétractation après avoir appris que les
combles de l’immeuble avaient été aménagés et qu’ils étaient occupés par un habitant.
De son côté le vendeur rendant l’agent responsable de cet échec avait révoqué le mandat
avant l’expiration de son terme. L’agent avait alors mis en jeu la responsabilité contractuelle
de son client auquel il reprochait d’avoir révoqué unilatéralement avant l'échéance un
mandat stipulé irrévocable. Soulignant le fait que la révocation du mandat ne lui permettait
plus de trouver un nouvel acquéreur pour percevoir le versement de sa commission, l’agent
réclamait un montant de dommages-intérêts équivalent à celle-ci. La Cour d’appel avait fait
droit à sa demande. La Cour de cassation censure la décision : « le dommage résultant de la
perte de chance doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l'avantage
qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée »335.
254 - Que le mandat entre ou n’entre pas dans le champ d’application de l’article 78 alinéa
2, on constate qu’en pratique la durée que les parties lui assignent est le plus souvent brève.
Mais, en pratique aussi, le mandat comporte presque toujours une clause de
renouvellement par tacite reconduction, ce qui ne va pas sans soulever des difficultés.
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La difficulté essentielle concerne le libellé même de la clause, auquel il est impératif de
prendre garde. En effet, il faut se souvenir que le mandat doit obligatoirement comporter un
terme extinctif. Or, s’agissant d’un mandat exclusif d’une durée de trois mois, assorti d’une
clause de renouvellement par tacite reconduction de trois mois en trois mois, la Cour de
cassation a considéré que le renouvellement était indéfini et donc que le mandat n’était pas
limité dans le temps. C’est pourquoi elle a censuré la Cour d’appel qui avait écarté la nullité
du mandat, aux motifs que sa durée n’était pas supérieure à trois mois336.
Mais, précision importante, lorsqu’il existe une clause de renouvellement indéfini, seule la
clause de renouvellement est atteinte de nullité, en sorte que le mandat reste valable pour
sa période initiale337.
En revanche, la Cour de cassation a estimé qu’un mandat exclusif de trois mois assorti d’une
clause de renouvellement par tacite reconduction pour un an avait une durée déterminée
dans la mesure où, un seul renouvellement étant prévu, la durée du mandat ne pouvait
excéder quinze mois338.
255 - Il va de soi, lorsque le contrat comporte l’un des trois clauses mentionnées à l’article
78 alinéa 2 du décret, que, même si la clause de renouvellement par tacite reconduction ne
l’a pas prévu, le client peut toujours, à tout moment et moyennant un préavis d’au moins
quinze jours, mettre fin au contrat. La solution est en effet dictée par le caractère d’ordre
public des dispositions du texte.
C’est sans doute la raison pour laquelle, dans l’affaire précédemment évoquée, la durée d’un
an prévue pour le contrat renouvelée n’a absolument pas attiré la désapprobation de la
Cour. En réalité, cette durée n’a aucune importance puisque, à tout moment, le mandat
peut être révoqué.
Mais qu’en est-il lorsqu’est renouvelé un mandat qui ne mentionne ni clause d’exclusivité, ni
clause pénale, ni clause de versement de la commission même si l’opération projetée est
conclue sans les soins de l’intermédiaire ? Certes, en pratique, un tel mandat est rarissime,
car l’expérience montre que le mandat comporte, presque toujours, au moins une clause
pénale. Pour autant, la question mérite d’être posée.
Puisque, selon nous, le mandat d’entremise de l’agent immobilier n’est pas révocable ad
nutum, il faut en déduire que le mandat renouvelé qui n’est pas soumis aux dispositions de
l’article 78, alinéa 2, ne saurait être rompu par la volonté unilatérale du mandant. Si les
parties n’ont pas assorti la clause de tacite reconduction du droit, pour chacune d’entre
elles, de mettre fin au contrat quand bon leur semble, alors celui-ci, aussi longtemps qu’il
restera en vigueur, ne pourra être rompu que pour un juste motif.
336 Cass. civ. 1ère, 5 mai 1982, n° 81-11028, Bull. 1982, I, n°159.
337 Voir en ce sens : Cass. civ. 1ère, 30 juin 1987, n° 85-17303, Bull. 1987, I, n° 184.
338 Cass. civ. 1ère, 9 mai 1990, n° 89-12103, Bull. 1990, I, n° 95.
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Au demeurant, la solution est moins préjudiciable aux intérêts du mandant qu’il n’y paraît.
D’une part, s’il ne souhaite plus passer l’opération convenue, il trouve là un juste motif pour
rompre le contrat. D’autre part, s’il ne veut pas renoncer à l’opération, il lui reste la
possibilité, le mandat étant par hypothèse un mandat non exclusif, de désigner un autre
agent immobilier.
256 - Surtout, lorsque le client de l’agent immobilier est un consommateur, ce qui arrive
fréquemment, d’autres perspectives s’offrent à lui pour se débarrasser d’un mandat dont le
renouvellement lui pèse.
En premier lieu, l’article 7 de la loi de 1970 tel qu’il a été complété par la loi ALUR du 24
mars 2014, impose de mentionner dans le mandat « (l)es modalités de non-reconduction des
contrats définies aux deux premiers alinéas de l'article L. 136-1 du code de la
consommation339 … de manière lisible et visible ». Il est donc clair que si l’agent immobilier
n’informe pas en temps utile son client de la possibilité de ne pas reconduire le contrat,
celui-ci pourra mettre fin à tout moment au contrat renouvelé. Mais il y a mieux. Si l’agent
n’a pas pris la précaution d’insérer dans le mandat les dispositions prévues par les deux
premiers alinéas de l’article L 136-1 du Code de la consommation, c’est le mandat tout
entier qui, dès sa conclusion, se trouve frappé de nullité pour non-respect des règles de
forme prescrites par l’article 7 de la loi de 1970.
En second lieu, et à supposer que les formalités de l’article 7 aient été respectées, le client
peut toujours, s’il estime que la durée du renouvellement est trop longue, invoquer à son
profit les clauses abusives de l’article L 132-1340. Selon nous, le caractère abusif de la durée
de renouvellement devrait être reconnu dès qu’elle dépasse un an. Une telle durée nous
paraît le maximum acceptable : elle laisse à l’agent immobilier toute latitude pour mener à
bien sa mission, sans nuire aux intérêts du client qui demeure libre s’adresser à un autre
intermédiaire ou de prendre lui-même l’initiative de l’opération ; au-delà d’un an, la durée
devient abusive.
Avec le développement qui précède, l’attention est attirée sur le fait que le sort du mandat
ne dépend pas uniquement du respect des règles de forme prescrites par la loi de 1970 et le
339 « Le professionnel prestataire de services informe le consommateur par écrit, par lettre nominative ou
courrier électronique dédiés, au plus tôt trois mois et au plus tard un mois avant le terme de la période
autorisant le rejet de la reconduction, de la possibilité de ne pas reconduire le contrat qu'il a conclu avec une
clause de reconduction tacite. Cette information, délivrée dans des termes clairs et compréhensibles,
mentionne, dans un encadré apparent, la date limite de résiliation.
Lorsque cette information ne lui a pas été adressée conformément aux dispositions du premier alinéa, le
consommateur peut mettre gratuitement un terme au contrat, à tout moment à compter de la date de
reconduction. Les avances effectuées après la dernière date de reconduction ou, s'agissant des contrats à
durée indéterminée, après la date de transformation du contrat initial à durée déterminée, sont dans ce cas
remboursées dans un délai de trente jours à compter de la date de résiliation, déduction faite des sommes
correspondant, jusqu'à celle-ci, à l'exécution du contrat. A défaut de remboursement dans les conditions
prévues ci-dessus, les sommes dues sont productives d'intérêts au taux légal ».
340 A noter qu’ici le recours aux clauses abusives serait particulièrement efficace. Certes la clause déclarée
abusive est réputée non écrite, ce qui laisse subsister le contrat purgé de la clause. Mais il arrive que le
contrat ne puisse subsister sans ladite clause, ce qui conduit à l’anéantissement de tout le contrat. Tel est
manifestement le cas ici, la durée de renouvellement étant déterminante de la survie du contrat.
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décret de 1972 ; il dépend aussi des règles imposées par le droit de la consommation. Or, il
en existe d’autres que celles que nous venons de voir et qui méritent, à présent, d’être
examinées.
Des points de jonction entre les deux droits ont déjà été rencontrés, parmi lesquels le plus
bel exemple concerne l’application de la législation sur les clauses abusives aux clauses du
mandat que l’agent immobilier a fait signer à son client341. Dans ce cas, la clause déclarée
abusive est nulle ; mais parce qu’elle est réputée non écrite, la sanction n’atteint pas, en
principe, le reste du contrat qui subsiste expurgé de la clause abusive.
A présent, l’interférence qu’il convient d’examiner est celle qui tient à la circonstance que le
contrat passé entre l’agent immobilier et son client l’a été dans le cadre d’un démarchage
effectué par l’agent, soit par téléphone, soit par déplacement au domicile du client. Or il ne
fait aucun doute qu’en pareil cas les dispositions protectrices du consommateur prévues par
le Code de la consommation sont applicables, car elles visent aussi les contrats de fourniture
de services conclus entre un professionnel et un consommateur.
C’est dire que si l’agent immobilier n’a pas respecté les règles de forme prescrites par le
droit de la consommation, outre qu’il s’expose à des sanctions pénales, il encourt le risque
d’une annulation de son mandat et, par suite, de tous les actes passés en exécution dudit
mandat.
258 - Si l’agent immobilier démarche par téléphone un client, il doit respecter les règles
édictées par l’article L 121-20 du Code de la consommation. Cela signifie qu’il doit d’abord
lui indiquer son identité et, conformément à l’article L 121-19-1 auquel renvoie l’article L
121-20, lui fournir un certain nombre d’informations, notamment celles relatives aux
caractéristiques essentielles du service et de son prix. L’agent doit ensuite adresser au client,
sur papier ou sur tout autre support durable, une confirmation de l'offre qu'il a faite,
confirmation qui reprend toutes les informations mentionnées au I de l'article L. 121-17, ce
dernier n’étant engagé qu’après avoir signé et accepté par écrit l’offre.
341 Voir supra, notamment n° 249 - à propos des clauses pénales sanctionnant le manquement du client à
la clause du contrat qui lui interdit, après l’expiration du mandat et pendant un laps de temps de 24 mois,
de traiter avec un tiers que lui aurait présenté l’agent immobilier.
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Si l’agent immobilier démarche le client à son domicile342, il devra respecter les articles L
121-18-1 et L 121-18-2. L’article L 121-18-1 définit les conditions de forme auxquels le
contrat doit obéir. Ainsi, non seulement le contrat doit être passé par écrit343, un exemplaire
daté et signé par les parties étant remis au consommateur, mais encore cet écrit doit
contenir, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l’article L 121-17.
Quant à l’article L 121-18-2, il interdit au professionnel de « recevoir aucun paiement ou
aucune contrepartie, sous quelque forme que ce soit, de la part du consommateur avant
l'expiration d'un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors
établissement ».
Sans même entrer dans le détail des mentions obligatoires prévues à l’article L 121-17, on ne
peut manquer d’être frappé par la similitude qui existe entre la réglementation issue du
droit de la consommation et celle relative au contrat passé entre un agent immobilier et son
client. Il semble bien que le droit de la consommation ne se montre pas plus exigeant que la
loi de 1970 et son décret d’application, et même plutôt moins exigeant si l’on s’attache à la
seule question de la rémunération du service.
Mais, sur le plan des informations à communiquer au futur cocontractant, les deux droits se
rejoignent : tous deux exigent des précisions suffisantes sur le professionnel lui-même, sur la
nature et les caractéristiques du service qu’il fournit, sur le prix de ce service ou encore sur
son délai d’exécution ; bref, toutes les obligations qui sont imposées par l’article L 111-1 du
Code de la consommation auquel renvoie le I de l’article L 121-17, correspondent, mutatis
mutandis, aux prescriptions de la loi de 1970 et du décret de 1972.
259 - Il existe cependant une différence, et c’est sur elle que va se focaliser l’intérêt
d’invoquer le droit de la consommation en matière de contrat passé entre un agent
immobilier et son client. Cette différence réside dans la faculté de rétractation que le droit
de la consommation accorde notamment au consommateur démarché à domicile ou
démarché par téléphone. Les articles L 121-21 et suivants accordent en effet au
consommateur le droit de se rétracter lorsque le contrat a été conclu à distance, à la suite
d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, et cela pendant les quatorze jours
qui suivent la conclusion du contrat. Pour faciliter au consommateur l’exercice de son droit
de rétractation, le I de l’article L 121-17 impose de préciser dans le contrat « les conditions,
le délai et les modalités d'exercice de ce droit » et également d’y faire figurer « le formulaire
type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont
fixées par décret en Conseil d'Etat ».
342 Il convient de préciser que depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 le démarchage à domicile n’est
plus visé en tant que tel par les dispositions du Code de la consommation, mais par le biais de la catégorie
de contrats « hors établissement », dont la définition donnée à l’article L 121-16, recouvre, entre autres,
les contrats signés dans le cadre d’un démarchage à domicile, ces derniers étant par hypothèse conclus en
dehors du lieu d’exercice habituel du professionnel. Les contrats « hors établissement » sont soumis, par
les articles L 121-18 et suivants, à un régime calqué sur celui qui s’appliquait, avant la loi de 2014, au
démarchage à domicile.
343 Selon l’article L 121-18-1, l’écrit peut être remplacé, avec l’accord du consommateur, par tout autre
support durable.
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Que devient alors le mandat si l’agent immobilier a omis de mentionner dans le contrat
l’existence du droit de rétractation ou d’y faire figurer le formulaire type de rétractation :
reste-t-il valable ou encourt-il une annulation ? Comme les articles L 121-21 et suivants,
relatifs au droit de rétractation, sont muets sur l’éventuelle nullité qui résulterait de telles
omissions, tout au plus prévoit-il l’allongement du délai de rétraction en matière de contrat
conclu à distance, il faut se référer aux textes qui réglementent les deux types de contrats.
S’agissant du contrat conclu à la suite d’un démarchage téléphonique, force est de constater
que les textes applicables, à savoir l’article L 121-20, l’article L 121-19-1 auquel il renvoie et
l’article L 121-17 auquel renvoie l’article L 121-19-1, ne précisent absolument pas si le
respect des conditions qu’ils posent est prescrit à peine de nullité du contrat. Il faut donc en
déduire, les nullités étant de droit strict, que le contrat demeure valable.
260 - Se pose alors un épineux problème. Dans tous les mandats de vente, l’agent
immobilier est nécessairement amené à se rendre sur les lieux où se trouve le bien, ne
serait-ce que pour procéder à l’estimation du prix auquel il est opportun de mettre le bien
en vente. Ce déplacement de l’agent suffit-il à justifier l’application au mandat du régime du
contrat « hors établissement » ?
A l’évidence, une réponse nuancée s’impose : elle dépend du point de savoir où le mandat a
été conclu. Or parfois, il est simple de déterminer le lieu où mandant et mandataire ont
échangé leurs consentements ; d’autres fois, c’est plus compliqué, voire franchement
divinatoire.
261 - La jurisprudence ne manque pas d’affaires où il tombe sous le sens que le mandat a
bien été conclu au domicile du mandant.
Un premier exemple concerne une sombre affaire dans laquelle un copropriétaire indivis
avait invité un agent immobilier à se rendre chez lui et lui avait donné mandat non exclusif
de vendre l’immeuble indivis à un prix déterminé. Il avait par la suite accepté une offre
d’achat transmise par l’agent à un prix inférieur au prix prévu dans le mandat. Mais, ayant
plus tard trouvé un autre acquéreur disposé à payer un prix plus élevé, le mandant avait
refusé de signer le compromis de vente. Il avait cependant conclu un arrangement avec
l’agent immobilier, aux termes duquel il acceptait de lui verser une partie de sa commission.
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L’arrangement n’ayant pas été respecté, l’agent immobilier réclama son paiement en
justice, mais fut débouté par les juges du fond : le mandat signé au domicile du mandant ne
respectait pas les règles de forme imposées par le Code de la consommation et
spécialement la présence du formulaire de rétractation. Le pourvoi fut rejeté par la première
chambre civile344.
Un second exemple, tiré d’un arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de
cassation346, traite du cas où une personne, qui désire vendre un immeuble, signe dans les
locaux de l’agent immobilier un mandat de vente parfaitement régulier, mais fait également
part à l’agent de sa vague intention d’acquérir un immeuble. Le prenant au mot, l’agent lui
fait visiter une maison qu’il lui présente comme une bonne affaire à saisir immédiatement.
De retour au domicile de la personne, l’agent lui fait signer un compromis, aux termes
duquel elle s’engage à acheter l’immeuble visité et perçoit un acompte sur la vente. L’agent
immobilier, poursuivi pour infractions à la législation sur le démarchage à domicile, est
déclaré coupable. Selon la Cour d’appel, « l’échange des consentements entre les parties, sur
la chose et sur le prix, s’est opéré, après la visite de la maison, au domicile de l’acquéreur ».
La vente a donc été conclue à la suite d’un démarchage à domicile, sans respect ni des
formalités prescrites pour le démarchage à domicile, ni de la loi 1970 sur le caractère
préalable du mandat de recherche, ce qui justifie la condamnation pénale de l’agent
immobilier.
Dans son pourvoi, l’agent tente d’échapper à la condamnation pour infraction aux règles du
démarchage à domicile, en faisant valoir que la vente a été conclue non pas au moment de
la signature du compromis intervenue au domicile de l’acquéreur, mais au moment de la
visite de la maison. L’argument ne convainc pas la chambre criminelle qui rejette le pourvoi.
De toute évidence, toute l’opération a été décidée au domicile de l’acquéreur. Au surplus,
l’agent immobilier avait en l’espèce empilé les causes de nullité : d’une part, le mandat de
recherche, nécessairement tacite, était de toute façon nul, d’autre part, l’agent ne détenait
aucun mandat de vente du propriétaire de la maison vendue.
262 - Il arrive aussi que la jurisprudence soit appelée à se prononcer dans des hypothèses
plus compliquées, mais tout aussi certaines quant à la solution à retenir.
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Tel est le cas d’une affaire examinée par la première chambre civile le 14 janv. 2010347. En
l’espèce, un mandat de vente sans exclusivité a été consenti pour un prix de 198 000 € hors
frais de négociation. Le mandat est parfaitement régulier. Mais, l’agent immobilier, parce
qu’il a reçu une offre d’achat à un prix moindre, se rend chez ses mandants pour leur
soumettre l’offre en question. Les mandants, bien qu’ils aient mentionné sur l’offre d’achat
leur acceptation, refusent ensuite de régulariser l’acte et vendent l’immeuble à un tiers
qu’ils ont découvert grâce à l’intervention d’un autre agent immobilier. Le premier
acquéreur et l’agent immobilier assignent alors les vendeurs en paiement de sommes
stipulées à titre de dédit et de dommages-intérêts.
La Cour d’appel prononce la nullité de la première vente, conclue au domicile des vendeurs,
pour non-respect des formalités du démarchage à domicile, en l’occurrence la faculté de
rétractation. Mais la Cour de cassation censure sa décision : « ne constitue pas un acte de
démarchage à domicile la transmission, faite au domicile des vendeurs, d'une offre d'achat,
par un agent immobilier auquel ceux-ci avaient précédemment confié un mandat de
recherche d'acquéreurs pour le bien considéré ».
La solution mérite approbation : si cette affaire n’a strictement rien à voir avec la
précédente, sa solution est tout aussi limpide. En effet, la Cour d’appel emportée par son
élan a confondu la question du mandat de l’agent immobilier, seule susceptible de relever
des règles du démarchage à domicile eu égard à la qualité de professionnel de l’agent, avec
celle de l’acceptation de l’offre d’achat, question qui échappe à l’application des textes du
Code de la consommation. Parce que la vente qui résulte de l’acceptation de l’offre d’achat
n’est, même si le messager de l’offre est un agent immobilier, qu’une vente conclue entre
deux particuliers, elle ne relève pas de l’application des dispositions du Code de la
consommation.
263 - Reste à envisager une dernière hypothèse, plus délicate : celle où le client, après
avoir été contacté par démarchage téléphonique de l’agence, s’est rendu à l’agence où il a
signé le mandat.
Il est clair qu’en pareil cas le problème n’est pas de déterminer le lieu où le mandat a été
signé, à l’évidence il l’a été à l’agence ; le problème est de savoir s’il est possible de se
référer au lieu où s’est produit l’échange des consentements, lequel ne coïncide pas
nécessairement avec celui de la signature de l’écrit constatant le mandat et peut donc se
situer au domicile du client, ce qui imposerait de respecter les formalités prescrites par le
Code de la consommation.
On voit bien qu’un tel raisonnement s’inscrit dans la ligne de la jurisprudence qui considère
que la vente conclue par le consommateur invité, par téléphone, à se rendre dans un
magasin sous le prétexte de retirer un cadeau, est soumise à la réglementation de la vente à
domicile348, jurisprudence d’ailleurs consacrée par le législateur lorsqu’il a entrepris de
sanctionner certaines pratiques commerciales agressives. Cependant, l’assimilation des deux
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situations paraît excessive. Autant il importe de protéger le consommateur contre la
pratique du cadeau prétexte à une vente forcée en magasin ; autant cette protection est
dépourvue de sens s’agissant du mandat d’un agent immobilier et cela sur la base
d’arguments qui tiennent tant au droit applicable au mandat de l’agent qu’au droit de la
consommation lui-même.
S’agissant en effet du droit spécifique au contrat passé entre l’agent immobilier et son client,
il faut bien reconnaître que la démarche qui consiste à s’en remettre au lieu d’échange des
consentements pour fixer le lieu de formation du mandat de l’agent immobilier ailleurs que
là où il a été rédigé, n’est guère cohérente avec le formalisme que le législateur a imposé à la
conclusion dudit mandat. En outre, lorsqu’une personne fait l’objet d’un démarchage
téléphonique de la part d’une agence immobilière, il y a de fortes chances pour que la
discussion porte uniquement sur un échange d’informations : intention à un terme plus ou
moins lointain de vendre ou d’acheter un immeuble et tarif de la commission de l’agence,
bref autant d’éléments qui sont impuissants à établir l’existence d’un véritable accord.
264 - Pour toutes les raisons qui précèdent, il n’est pas raisonnable de soutenir qu’en
pareil cas la conclusion du mandat peut être fixée au domicile du client.
De même, nous pensons que lorsque l’agent immobilier se déplace au domicile d’un
potentiel client pour estimer le prix de l’immeuble qu’il envisage de vendre, cette simple
visite ne suffit pas à établir l’existence du mandat car ce serait contraire au formalisme
attaché au mandat de l’agent immobilier.
Le formalisme est omniprésent ; dès lors, il n’y a rien d’étonnant à ce qu’il se manifeste
également à propos de la rémunération de l’agent immobilier.
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pratique tente de résoudre en insérant des clauses de nature à assurer à l’agent sa
rétribution350. De même, la limitation à trois mois de la durée des mandats comportant une
clause pénale est toujours liée au problème de la rémunération de l’agent, au point que la
jurisprudence valide des clauses discutables en invoquant le risque de fraude à la
rémunération351. Il est donc clair que d’une manière générale, la quasi totalité des litiges
tourne autour de cette question.
Dans ces conditions, il ne fait aucun doute qu’elle mérite que lui soient consacrés des
développements où elle est envisagée pour elle-même et non plus par le biais d’autres
questions.
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Non seulement le mandat doit être antérieur aux diligences de l’agent immobilier, mais
encore il doit être régulier. Or deux types d’irrégularité peuvent altérer le mandat : soit
l’irrégularité tient à la violation d’une condition de formation du contrat précédemment
étudiées (1), soit elle tient au non-respect des mentions obligatoires afférentes à la
rémunération du mandataire (2).
Ainsi en va-t-il de l’agent qui n’est pas titulaire d’un mandat écrit respectant les formes
prescrites par l’article 6 de la loi de 1970 et les articles 72 et 73 du décret de 1972, par
exemple dans les affaires où l’agent détient un mandat de visite354 ou un simple bon de
visite355 ou encore une lettre d’intention informant l’agent que le client est d’accord pour lui
confier la vente de son bien356. Même solution pour une convention de partenariat entre
confrères agents immobiliers. Les dispositions protectrices de la loi du 2 janvier 1970 et du
décret du 20 juillet 1972 n’ont pas prévu d’exception à la validité de la substitution ou de la
délégation de mandat visée par le Code civil, et donc ne s’appliquent pas au sous-mandat
donné à un confrère par l’agent immobilier mandataire initial.
C'est à bon droit qu'une cour d'appel a estimé que peu importait que les subdélégations
consenties par le mandataire initial à des commerçants professionnels de l'immobilier, ainsi
qu'entre ces commerçants, n'eussent pas été établies dans les termes de la loi du 2 janvier
1970 et de son décret d'application, dès lors que le mandat donné par le vendeur au
mandataire initial était conforme aux dispositions de ces textes357.
l’acte authentique, avait accompli sa tâche. Mais il avait eu le tort de ne faire signer le mandat qu’après que
sa cliente lui ait remis une offre d’achat.
354 Cass. civ. 1ère, 20 juil. 1982, n° 81-12344, Bull. I, n° 265 ; Civ. 1ère, 28 nov. 2000, n° 97-18684, Bull. I, n°
303.
355 Cass. civ. 1ère, 26 mai 1993, n° 92-10067, inédit ; Cass. civ. 1ère, 21 mars 1995, n° 93-11009, inédit.
356 Cass. civ. 1ère, 8 avril 2010, n° 09-12007, inédit.
357 Cass. civ. 1ère. 28 oct. 1986, n° 85-10361, Bull. I, n° 2240, p. 238. Dans cette affaire où il était reproché
à la Cour d’appel de Paris (16, nov. 1984) d’avoir statué à tort parce que les liens s’établissaient entre
intermédiaires professionnels peu importait que le mandat reçu par M. X… eût été ou non conforme aux
exigences de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, la haute juridiction a jugé qu’il n’a pas été contesté que le
mandat initial était conforme aux disposition de la loi et de son décret d’application ; que les juges du fond
ont en particulier constaté que ce mandat précisait le montant de la commission du mandataire en mettant
cette commission à la charge du vendeur et que, s’il autorisait ce mandataire à subdéléguer très largement
ses pouvoirs la rémunération des mandataires substitués s’imputerait exclusivement sur la sienne ; que les
garanties accordées au vendeur par les textes susvisés qui ont pour but la protection de la clientèle lui étant
donc acquises, la cour d’appel a justement estimé que peu importait que les subdélégations consenties par le
mandataire initial à des commerçants professionnels de l’immobilier, ainsi qu’entre commerçants , n’eussent
pas été établies dans les termes de ces textes (…).
Page 211
La substitution - remplacer une personne par une autre est une notion voisine de délégation
laquelle s’analyse comme une délégation partielle – S’agissant de l’exécution du mandat de
l’agent immobilier, la délégation n’est valide que dans les mêmes termes que le mandat
principal358. Cette forme est très usitée entre adhérents d’un même groupement de
franchisés ou de bourse immobilière, car la transmission de l’information relative à un
mandat de vente à l’ensemble des partenaires d’un réseau d’agents immobiliers multiplie les
chances de trouver un acquéreur parmi les demandeurs en attente. Toutefois il convient
d’être prudent, car le droit à commission ou à rémunération résulte exclusivement des
mentions portées au mandat principal, lequel doit préciser le bénéficiaire et le débiteur et
l’autorisation donnée à l’agent de se substituer un confrère ; ces exigences étant d’ordre
public, le mandat ne saurait résulter de la substitution ou de la convention de partage
d’honoraires entre agents immobilier qui est de nature commerciale à laquelle le vendeur et
l’acquéreur sont étrangers.
De même, n’a pas droit à sa commission l’agent dont le mandat est annulé pour n’avoir pas
mentionné le numéro d’inscription sur le registre des mandats359 ou encore celui qui détient
un mandat dont la durée n’est pas limitée dans le temps.
S’il faut bien reconnaître que cette dernière hypothèse est extrêmement rare en pratique, il
arrive souvent, en revanche, que le mandat comporte une clause de renouvellement indéfini
par tacite reconduction. On sait qu’en pareil cas, seule la clause est nulle360. Or la nullité de
la clause produit un résultat désastreux pour l’agent lorsqu’il ne découvre la contrepartie de
son client qu’après l’expiration de la durée initiale du mandat. En effet, à ce moment-là, il ne
détient aucun mandat régulier en la forme : la conjugaison de l’expiration de la durée initiale
du mandat et de la nullité de la clause de renouvellement consomme l’extinction de son
mandat. Dès lors, faute de mandat préalable, l’agent immobilier n’a aucun droit à
rémunération361.
Il coule de source que l’agent immobilier dont le mandat a disparu et qui a connaissance de
cette disparition, n’a plus de mission à accomplir. Par exemple, informé de la révocation de
son mandat de vente, l’agent n’a plus à présenter d’acquéreur à son ancien mandant. Dès
lors, si d’aventure il s’obstinait à vouloir exécuter un contrat qui n’existe plus, il est clair qu’il
358 Cass. civ. 1ère. 3 mars 1998, n° 96-15300, Bull. I, n° 91, p. 61, (C.A de Paris 15 janv. 1996) le pourvoi
est rejeté par la haute juridiction au motif que l’arrêt constate que le mandat donné par le propriétaire à la
société foncière Saint-Marc fixe le prix à 31 millions de francs, hors taxes, incluant la rémunération du
mandataire à la charge du vendeur et que la délégation consentie à la société Kartel prévoit que cette
dernière percevra directement ses honoraires auprès de l’acquéreur en sus du prix de vente ; qu’il en déduit, à
bon droit, que cette délégation qui n’est pas conforme au mandat originel quant à la charge de la
rémunération de l’intermédiaire ; est inopérante (…).
359 Voir Cass. civ. 1ère, 16 oct. 2001, n° 99-16920, Bull. I, n° 253.
360 Voir supra, n° 253 -
361 Voir pour un mandat de vente : Cass. civ. 1ère, 10 juin 1987, n° 85-17303, Bull. I, n° 184.
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n’aurait aucun droit à percevoir sa commission.
En pratique, cependant, les choses sont rarement aussi simples ; l’étude des décisions qui
suivent permet de mesurer l’ampleur de la complexité.
270 - Commençons par un arrêt de la première chambre civile rendu le 5 février 2002362.
En l’espèce, un mandat de vendre non exclusif, conclu le 21 juillet 1993, est stipulé pour une
durée irrévocable de six mois, renouvelable par tacite reconduction pour un an. A partir de
septembre 1993, l’agent immobilier n’accomplit plus aucune démarche pour trouver un
acquéreur. Cependant, en janvier 1994, il contacte son client, suite à une annonce de vente
que ce dernier a fait paraître dans le journal local ; le client lui confirme sa volonté de mettre
à nouveau son immeuble en vente. L’immeuble ayant été vendu le 22 février 1994, l’agent
réclame en justice le paiement de sa commission.
La Cour d’appel le déboute ; selon elle, les faits montrent qu’il y a eu révocation du mandat,
révocation tacite dont l’agent avait connaissance depuis septembre 1993 et à laquelle il avait
acquiescé. La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’agent : « attendu que le mandat
même stipulé irrévocable, de rechercher un acquéreur en vue de la vente d'un bien, ne prive
pas le mandant du droit de renoncer à l'opération ; que la révocation produit, alors, tous ses
effets, sous réserve de la responsabilité du mandant envers le mandataire ; que la cour
d'appel, qui, hors toute dénaturation, a souverainement estimé que les époux Y... avaient
révoqué le mandat et que l'agent immobilier avait connaissance de cette révocation depuis
septembre 1993, a légalement justifié sa décision ».
La décision est doublement intéressante. D’une part, elle nous apprend qu’une révocation
tacite est possible, ce qui ne manque pas d’étonner lorsque l’on connaît le formalisme
attaché par l’article 78, alinéa 2 du décret à la dénonciation du mandat. Mais il est vrai qu’en
l’espèce le mandat échappait au champ de ce texte, faute de contenir l’une des trois clauses
qui justifie son application. D’autre part, même si l’immeuble a été vendu grâce à
l’intervention de l’agent, ce qui ne ressort pas clairement des faits de l’espèce, ce dernier n’a
pas droit au versement de sa commission, car le mandant a, pour un temps du moins,
renoncé à l’opération, en sorte que la révocation produit son plein effet. Certes, la Cour
réserve une éventuelle responsabilité du mandant envers le mandataire. Mais, en
l’occurrence, celle-ci ne joue pas, ce qui est parfaitement justifiée, car, à partir du moment
où la révocation a lieu, l’agent ne possède plus de mandat préalable.
271 - Une autre affaire, tirée d’un arrêt de la première chambre civile du 9 décembre
2010363, est tout aussi intéressante. Un mandat de vente est conclu le 14 décembre
2005 pour une durée d’un mois, prorogeable pour une durée maximale d’une année ; le prix
de vente demandé par le mandant est de 350 000 €, la rémunération du mandataire étant
fixée à 8% du prix de vente et mise à la charge du vendeur.
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Le 5 janvier 2006, l’agent présente à son mandant une offre d’achat d’un tiers pour le prix de
300 000 €. Le 7 janvier 2006, la cliente signe un acte indiquant qu’elle accepte de vendre au
prix de 300 000 euros net vendeur, l’acte précisant que la commission reste à la charge de
l’acquéreur. Le 12 janvier 2006, la cliente, qui ne voit rien venir, signifie, par exploit
d’huissier sa volonté de mettre fin au mandat. Mais, par lettre recommandée datée du 13
janvier 2006, la cliente reçoit un projet de compromis confirmant que le tiers s’engage à
acquérir le bien au prix de 300.000 € net vendeur et à régler une commission de 30.000 €
TTC.
Mais son arrêt est censuré par la Cour de cassation pour violation de l’article 1134 du Code
civil : « en statuant ainsi, alors que le mandat conclu le 14 décembre 2005 entre les parties
était consenti pour une durée d’un mois, prorogeable pour une durée maximale d’une année
en l’absence de dénonciation à l’expiration de la période initiale, de sorte que Mme X...
n’avait fait qu’user, au terme convenu, de la faculté de non-renouvellement prévue au
contrat, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
La solution mérite approbation. Au fond, c’est parce que la Cour d’appel s’est mépris sur la
portée de l’acte du 7 janvier 2006, qu’elle a été conduite à voir une révocation abusive, là où
il n’y avait qu’un refus légitime de renouvellement du mandat. En effet, l’acte du 7 janvier ne
saurait être regardé comme une acceptation pure et simple de l’offre du tiers ; dans la
mesure où cette offre laissait en suspens le point de savoir qui, du vendeur ou de
l’acquéreur, allait supporter la charge de la commission de l’agent, il constitue soit une
contre-proposition du vendeur, soit une acceptation sous réserve de sa part. Quant au
compromis, qui lui respectait les termes de l’acte du 7 janvier, il est arrivé trop tard, à un
moment où, parce que le mandant avait fait savoir qu’il ne renouvellerait pas le mandat,
l’agent agissait sans détenir un mandat préalable. Comme l’indique le pourvoi, « la volonté
d'écarter la tacite reconduction contractuellement prévue, à l'échéance d'une convention,
fait obstacle à la naissance d'un nouveau contrat et se distingue de la révocation d'un contrat
en cours ».
272 - Certaines affaires combinent la révocation du mandat avec l’existence à la fois d’une
clause pénale et d’une clause d’irrévocabilité.
Dans une décision rendue le 30 mai 2006, la première chambre civile de la Cour de cassation
considère que la révocation rend caduque la clause pénale insérée dans le mandat pour le
cas où le mandant refuserait de passer l’acte. En l’espèce, le mandat exclusif de vente stipulé
irrévocable avait été révoqué pendant la période initiale de trois mois, avant que l’agent ne
trouve un acquéreur. La Cour de cassation estime que c’est à bon droit que la Cour d’appel
Page 214
avait décidé que cette renonciation qui emportait révocation du mandat, privait d’effet la
clause pénale364.
La solution mérite approbation, tant il paraît logique d’admettre que si le mandat est
révoqué avant la présentation par l’agent d’un acquéreur, la clause pénale qui sanctionne le
refus du client de contracter avec cet acquéreur, tombe.
Reste cependant un point à éclaircir, qui tient à ce que le mandat, stipulé irrévocable, avait
été dénoncé avant l’expiration du délai de trois mois. Dès lors, on peut s’étonner que la Cour
de cassation n’ait pas émis son habituelle réserve, selon laquelle l’irrévocabilité du mandat
ne prive pas le mandant du droit de renoncer à l’opération « sous réserve de la
responsabilité du mandant envers le mandataire »365.
En revanche, la solution devrait trouver une explication dans des raisons de procédure qui
tiennent à la manière dont l’assignation a été rédigée. En effet, il n’aurait pas fallu fonder les
prétentions de l’agent sur le seul argument de la clause pénale ; il aurait également fallu
invoquer la violation de la clause d’irrévocabilité. Ainsi, la Cour de cassation aurait pu
reconnaître le droit de l’agent à recevoir une indemnité compensant la perte du mandat, à
condition toutefois qu’il n’existe pas par ailleurs une autre cause de nullité du mandat...
273 - C’est en effet la leçon à retenir d’un autre arrêt rendu par la Cour de cassation le 29
mai 2013367.
Bien que les juges du fond aient constaté que les mandants avaient dénoncé
unilatéralement de façon anticipée le mandat stipulé irrévocable non parce qu'ils
entendaient renoncer à l'opération mais parce qu’ils voulaient vendre à un prix supérieur, la
Cour d’appel refuse au mandataire le bénéfice de la clause pénale.
Dans son pourvoi, l’agent prend soin de rappeler ces circonstances de fait ainsi que les
prescriptions de l’alinéa 2 de l’article 78 du décret, de souligner les caractères gras et très
364 Cass. civ. 1ère 30 mai 2006, n° 04-18972, Bull. 2006, I, n° 269.
365 Voir supra, n° 211 - et n°250 -
366 Voir : Cass. civ. 1ère, 5 juil. 2006, préc. ; Cass. civ. 1ère, 30 sept. 2008, préc. n° 05-12418, inédit.
367 Cass . civ. 1ère, 29 mai 2013, n° 12-15220, inédit.
Page 215
apparents utilisés pour mentionner l’irrévocabilité et la clause pénale qui la sanctionne, et
même de justifier de son préjudice. Peine perdue, le pourvoi est rejeté. En effet, l’agent
immobilier a oublié un point que la Cour, qui ne manque pas de le relever, utilise contre lui.
S’appuyant justement sur l’alinéa 2 de l’article 78, la Cour observe que « le mandat litigieux
stipulant que "chacune des parties pourra y mettre fin pendant la prorogation par lettre
recommandée avec accusé de réception moyennant un préavis de quinze jours au terme de
chaque période de trois mois", restreint l'exercice de la faculté de résiliation unilatérale à
l'échéance du terme de chaque période trimestrielle de reconduction tacite, contrevenant
ainsi aux exigences impératives du texte précité ». Elle en déduit que le mandat est nul en
sorte que la violation de son irrévocabilité ne peut « donner lieu à l'application de la clause
pénale ; que par ces motifs de pur droit, substitués, après avis donné aux parties, à ceux que
critique le moyen, l'arrêt se trouve légalement justifié ».
274 - Lorsque le mandat de l’agent immobilier est irrégulier, quelle qu’en soit la cause, vice
de forme ou absence de mandat préalable, il ne saurait être question d’invoquer, pour
pallier l’exclusion de la rémunération de l’agent immobilier, un quelconque autre fondement
juridique. La Cour de cassation a, en effet, refusé d’admettre que l’agent puisse palier
l’irrégularité de son mandat en se fondant sur les règles de la gestion d’affaires.
A cet égard, un arrêt de la première chambre civile du 19 juillet 1988 a bien affirmé le
caractère inopérant de la gestion d’affaires. Mais c’est un arrêt de rejet qui s’explique
davantage par les circonstances de l’espèce que par la proclamation d’un principe clair et
net368.
368 Cass. civ. 1ère, 19 juillet 1988, n° 86-19158, Bull. I, n° 241. En l’espèce, un père recherchait une
propriété agricole pour son fils. Après que ce dernier eut prospecté le marché, avec l’aide d’une agence
immobilière, le père avait signé auprès de cette agence une "reconnaissance d'indication " valable un an et
renouvelable indéfiniment par tacite reconduction, par laquelle il reconnaissait à l'agence la qualité de "
mandataire unique " et s'engageait, en cas d'acquisition d'un bien proposé par elle, à lui régler la
commission prévue. L'agence lui ayant proposé une propriété qui faisait l’objet d'une procédure de
préemption de la SAFER, le père, qui ne pouvait de ce fait l’acheter, l'avait prise à bail rural. Trois ans plus
tard, il l’avait achetée. A la suite de cette vente, l'agent réclamait sa commission. La Cour d'appel ayant
refusé de la lui accorder, la première chambre civile rejette le pourvoi de l’agent. Elle estime d’abord que
c’est à bon droit que la Cour d’appel, après avoir énoncé que le mandat d’acheter était nul en ce qui
concerne la clause de renouvellement, mais demeurait valable pour la première période qu’il prévoyait, a
relevé que l'agence immobilière ne faisait pas la preuve de son allégation selon laquelle aurait été établie,
à la même date que le contrat de location, c'est à dire au cours de cette période, une promesse occulte de
vente portant sur les terres louées. Elle rappelle ensuite l'article 73 du décret n° 72-628 du 20 juillet 1972
selon lequel, sauf le cas de manœuvres destinées à éluder la rémunération de l'agent immobilier,
hypothèse pouvant alors ouvrir droit à réparation en sa faveur, celui-ci ne peut recevoir directement ou
indirectement d'autre rémunération ou commission que celles prévues au mandat pour en déduire « que
la cour d'appel qui a estimé dans la circonstance qu'aucune faute ouvrant droit à indemnisation n'était
démontrée contre les consorts X... n'avait pas à répondre à des conclusions inopérantes tendant à réclamer,
au titre d'une prétendue gestion d'affaire, la commission qu'elle estimait d'autre part ne pas être due ».
369 Cass. civ. 1ère, 22 mars 2012, n° 11-13000, Bull. I, n° 72.
Page 216
Dans cette affaire, l’agent immobilier était titulaire d’un mandat de vente sans exclusivité
portant sur un bien appartenant aux époux X... Mais le mandat avait été donné par Mme X…
et Mme Y…, fille des propriétaires, pour le compte de son père. L'immeuble est vendu par
l'entremise d'un autre agent immobilier aux époux Z... auxquels le premier agent l'avait fait
visiter. Celui-ci assigne en paiement de dommages-intérêts Mme X... ainsi que Mmes Y... et
A..., prises en leur qualité d'ayants droit de leur père, Roger X..., décédé.
La Cour d’appel accueille la demande du premier agent en se fondant sur le fait que le
mandat pris au nom du père par la fille a été ratifié par la signature que le père a apposée
sur la promesse synallagmatique de vente aux époux Z…
La première chambre civile censure la Cour d’appel en relevant d’office le moyen. « Vu les
articles 1372 et 1375 du code civil, ensemble les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier
1970 et les articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ; Attendu qu'il résulte de la
combinaison de ces textes que la gestion d'affaires, qui implique la ratification ultérieure par
le maître de l'affaire ou la démonstration a posteriori de l'utilité de la gestion, est
incompatible avec les dispositions d'ordre public susvisées de la loi du 2 janvier 1970 et du
décret du 20 juillet 1972, qui exigent l'obtention par le titulaire de la carte professionnelle
" transactions sur immeubles et fonds de commerce" d'un mandat écrit préalable à son
intervention dans toute opération immobilière ». Dès lors, le premier agent ne détenant pas
de mandat écrit préalable du vendeur ne pouvait se prévaloir des règles de la gestion
d'affaires et la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Il n’est donc pas question de ratifier un mandat nul. D’ailleurs une telle ratification serait
contraire au caractère absolu de la cause de nullité.
Cependant, on va voir que, lorsque la mention omise dans le mandat est spécifique à la
rémunération de l’agent, alors il existe, mais à des conditions très strictes, une possibilité de
sauver le droit à commission de l’agent.
275 - Les textes exigent, à peine de nullité du mandat, que ce dernier comporte toutes les
mentions obligatoires relatives à la rémunération de l’agent immobilier370.
370 La loi ALUR du 24 mars 2014 a inséré dans la loi de 1970 un article 6-1 qui impose que toute publicité
effectuée par un agent immobilier mentionne, quel que soit le support utilisé, le montant TTC de ses
honoraires exprimé en pourcentage du prix de vente lorsqu’ils sont à la charge de l’acquéreur. Dans la mesure
où l’exécution d’un mandat de vente débute nécessairement par des publicités destinées à attirer les
amateurs, faut-il en déduire que les honoraires exprimés en somme forfaitaire et mis à la charge de l’acquéreur
sont non seulement bannis des mandats de vente, mais encore cause de nullité du mandat ?
Page 217
ainsi que l’indication de la partie qui en aura la charge » soient indiquées dans le mandat371.
De son côté, le décret d’application, s’il reprend la formule légale, y apporte, dans son article
73, un certain nombre de précisions.
D’abord, l’article 73 indique que la rémunération de l’agent immobilier peut être à la charge
exclusive de l’une des parties à l’opération projetée, c’est-à-dire du mandant ou du tiers
avec lequel le mandant contracte par l’entremise de l’agent. La rémunération peut aussi être
partagée entre les parties à l’acte de vente ; dans ce cas, il est impératif que les conditions et
modalités du partage soient indiquées dans le mandat.
Au passage, il convient de noter que l’exigence d’inscrire dans l’acte de vente les modalités
applicables à la rémunération de l’agent, est de nature à dissiper le souci qui naît de la
possibilité de mettre, dans le mandat, la rémunération à la charge du tiers qui contractera
avec le mandant. Comment un contrat passé entre l’agent immobilier et son client pourrait-il
engendrer une obligation à la charge d’un tiers ? Sur quel fondement l’agent serait-il
autorisé à agir contre le tiers lorsque celui-ci refuse de lui verser la commission prévue ?
L’article 73 en posant la nécessité que les stipulations du mandat et celle de l’acte de vente
concordent, éclaircit le mystère : il faut que le tiers reprenne à son compte les stipulations
du mandat372.
276 - Sur la première catégorie, il ne devrait a priori exister aucune difficulté, tant les
conditions sont clairement énoncées et paraissent faciles à mettre en œuvre. En pratique
pourtant, il n’est pas rare que la jurisprudence dénie à l’agent son droit à honoraires parce
que le mandat ne remplit pas les conditions prescrites par les textes.
371 Il est à noter que la loi ALUR du 24 mars 2014 a remplacé le mot « commission » qui était employé dans
certains alinéas de l’article 6 par le mot «honoraires ». Pour l’heure, l’article 73 du décret qui parle
toujours de commission n’a pas encore été mis à jour, tandis que l’article 78 l’a été.
372 Mais le texte fait aussi naître de nouvelles difficultés : que se passera-t-il si le tiers refuse de reprendre
à son compte les stipulations d’un acte auquel il est étranger ? Sur ce point, voir infra, n° 277 - et suivants.
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Tantôt, les conditions de détermination de la rémunération due à l’agent, au lieu d’être
indiquées dans le mandat, ont été établies plus tard, après la conclusion du mandat.
De telles omissions semblent devoir être imputées à la négligence de l’agent, dont on se dit
qu’il n’avait qu’à faire attention lors de la signature du mandat et qu’il n’est pas, dès lors,
scandaleux de le priver de la rétribution de son travail. En réalité, ces omissions s’expliquent
le plus souvent par les difficultés que l’agent peut rencontrer au moment de la conclusion du
mandat.
Par exemple, il n’est pas toujours facile de déterminer le montant de la commission dans un
mandat de recherche, puisque ni le bien à acquérir, ni son prix ne sont connus. On comprend
alors que le montant de la commission ne soit pas indiqué dans le mandat que l’agent fait
signer à son client et que ce soit seulement au moment où l’agent découvre le bien qui
convient à son client, que les deux s’accordent sur le montant de la commission.
Malheureusement pour l’agent, la Cour de cassation, par une application stricte des textes,
censure la Cour d’appel qui, en pareil cas, se refuse à annuler le mandat373.
373 Voir en ce sens Cass. civ. 1ère, 9 nov. 1999, n° 97-11898, Bull. I, n° 292.
374 Cass. civ. 1ère, 8 mars 2012, n° 11-14234, Bull. I, n° 47.
375 Cass. civ. 1ère, 8 mars 2012, n° 11-10871, Bull. I, n° 46. Cependant, on ne peut s’empêcher de trouver
cette dernière solution pas tant sévère pour l’agent immobilier que regrettable pour la moralité des
affaires. Certes, le mandat de recherche était muet sur le débiteur de la commission ; mais il est de
tradition dans ce type de mandat qu’elle soit à la charge du mandant. Surtout, en l’espèce, les diligences
accomplies par l’agent, qui avaient débouché sur la signature d’un compromis de vente, avaient donné à la
Commune l’occasion d’exercer son droit de préemption sur les terrains objet du mandat de recherche, ce
qui avait entrainé la caducité du compromis ; de son côté, le vendeur qui n’avait pas réagi à la procédure
de préemption, avait fini par conclure une vente de gré à gré, et à un prix inférieur, avec la Commune.
L’agent immobilier avait obtenu de la Cour d’appel le versement de sa commission au motif que la
substitution du préempteur à l’acquéreur ne portait pas atteinte à son droit à commission. Dans son
pourvoi, la Commune faisait valoir que le silence gardé par le propriétaire dans les deux mois de la
réception de l’offre d’acquérir par la Commune équivalait à une renonciation d’aliéner qui entrainait
l’extinction du droit à commission de l’agent. Mais la Cour de cassation coupe court à toutes ces
discussions en soulevant d’office le moyen de la violation de l’article 6 de la loi de 1970 et des articles 72
et 73 du décret de 1972.
Page 219
277 - Pour tenter de sauver son droit à commission, c’est en vain que l’agent immobilier
fait appel à la théorie de l’obligation naturelle. En effet, la première chambre civile exclut,
par un arrêt rendu le 6 janvier 2011376, tout recours à l’existence d’une obligation naturelle.
En l’espèce, l’agent immobilier détient un mandat de vente portant sur un terrain donné par
les consorts X…, mandat qui ne précise ni les conditions de sa rémunération, ni la personne
qui en aura la charge. L’agent présente un candidat à l’acquisition du terrain, M. Y… ; mais
celui-ci est évincé par l’exercice d’un droit de préemption communal. Malgré cela, l’agent
immobilier obtient de M. Y… l’engagement de lui verser une certaine somme. Par la suite, la
société d’aménagement qui a acquis le terrain, en revend une partie à M. Y… L’agent
immobilier assigne M. Y… en exécution de son engagement.
La Cour d’appel ayant débouté l’agent, celui-ci soutient dans son pourvoi que M. Y..., en
s'engageant postérieurement à l’exercice par la commune de son droit de préemption à lui
payer une somme d'argent, avait pris un engagement sans lien avec le mandat de vente que
les consorts X... avaient antérieurement donné à l'agent immobilier, et avait ainsi transformé
en obligation civile l'obligation naturelle de rémunérer l’agence au titre de l'assistance dont
ce dernier l'avait fait bénéficier à l'occasion de l'opération immobilière qu'avait constituée la
vente ultérieurement consentie par la SODIAC à M. Y..., en sorte qu’en s'abstenant de
répondre à ce moyen, la cour d'appel aurait violé l'article 455 du code de procédure civile.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. D’abord, après avoir rappelé les règles qui résultent
de la combinaison des articles 6 de la loi de 1970 et 72 et 73 du décret de 1972 et qui
autorisent l’agent immobilier à percevoir une rémunération, la Cour relève que, dans ses
conclusions d'appel, l’agent ne se prévalait pas, pour justifier la rémunération qu'il sollicitait,
de l'existence d'une vente intervenue entre la société d’aménagement et M. Y... , ce qui
montre que l’engagement souscrit par ce dernier est bien lié au mandat de vente qu’avait
reçu l’agent et à une vente à laquelle M. Y… n’était pas partie ; dès lors la Cour de cassation
considère que la Cour d’appel en a justement déduit que la prétention de l’agent immobilier
n’était pas fondée. Ensuite, la Cour de cassation ajoute qu’ « est dépourvu d'effet tout acte
portant engagement de rémunérer les services d'un agent immobilier en violation des règles
impératives ci-dessus rappelées, excluant qu'une obligation naturelle soit reconnue en ce
domaine ».
Alors, d’où vient que, dans l’affaire qui faisait l’objet de l’arrêt du 6 janvier 2011,
l’engagement de M. Y… n’ait pas été regardé comme constitutif d’une telle convention ? La
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réponse se trouve dans l’arrêt : « si, par une convention ultérieure, les parties à la vente
peuvent s'engager à rémunérer les services de l'agent immobilier, cette convention n'est
valable que si elle est postérieure à la vente régulièrement conclue »377.
Il est donc possible de déroger aux règles qui résultent de la combinaison des articles 6 et 7
de la loi de 1970 et des articles 72 et 73 du décret de 1972, mais à deux conditions. Comme
l’exprime la Cour de cassation, il faut que la convention soit postérieure à la vente et qu’elle
soit l’œuvre d’une des parties à la vente. Or l’engagement de M. Y… ne remplissait ni la
première condition, ni la seconde.
Quant à la seconde condition, elle n’appelle qu’une brève observation. Elle implique que la
vente intervenue entre les parties l’ait été grâce à l’entremise de l’agent immobilier, sinon
on comprendrait mal que ce dernier puisse prétendre au versement d’une commission.
Tout vendeur a tendance à penser que le prix de vente qu’il souhaite obtenir correspond au
juste prix, par rapport à la valeur de son immeuble et par rapport à ses besoins lorsqu’il vend
son immeuble dans le but de se procurer de fonds pour en acquérir un autre. C’est pourquoi
il a d’emblée le réflexe de majorer son prix de façon à se donner une marge de sécurité en
vue de la négociation qui interviendra avec l’acheteur. On comprend alors les obstacles que
devra surmonter l’agent immobilier, qu’il soit détenteur d’un mandat de vente ou d’un
mandat de recherche, pour mettre d’accord les deux parties.
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A partir de là, s’instaure une première négociation entre l’agent immobilier et son client.
Mais la formule sur laquelle elle débouche a toutes les chances d’être remise en cause
lorsqu’interviendra ensuite, sous la houlette de l’agent, la négociation avec la contrepartie
de son mandant. Alors, comment l’agent doit-il s’y prendre pour concilier la rigidité des
textes sur sa rémunération et la souplesse que suppose la réussite des deux négociations
successives ? Comment doit-il procéder pour ne pas perdre son droit à commission ?
280 - Au vu de ce qui précède, il est clair que la négociation de l’agent avec son futur
mandant revêt un intérêt crucial. Celle-ci peut déboucher sur différentes formules, selon le
degré d’intransigeance du mandant.
Mais pour des raisons fiscales, il est préférable, que le mandat soit un mandat de vente ou
de recherche, de recourir à la formule du prix net vendeur qui met la commission à la charge
de l’acquéreur. En effet, la Cour de cassation a décidé que la commission mise à la charge de
l’acquéreur ne constitue pas une charge augmentative du prix, en sorte que les droits
d’enregistrement ne portent pas sur la commission versée à l’agent immobilier380.
Il existe cependant un système plus souple que le prix net vendeur ou le prix commission
incluse : c’est le prix négociable dans une fourchette indiquée dans le mandat. Un tel prix
laisse une plus grande marge de manœuvre lors de la négociation qui interviendra plus tard
avec la contrepartie du mandant. Dès lors, l’idéal est de prévoir dans le mandat un prix
négociable, commission en plus à la charge de l’une ou l’autre des parties à la vente.
379 C’est en effet une condition souvent imposée par le vendeur qui estime que l’agent immobilier doit
faire son affaire personnelle du paiement de la commission. Il se peut également que le choix de mettre la
commission à la charge de l’acquéreur relève d’une habileté du vendeur, car il n’exclut pas qu’une fois le
délai d’irrévocabilité du mandat écoulé, un amateur que lui aurait présenté l’agent le recontacte pour
acheter à un prix moindre, directement ou par l’entremise d’un autre agent moins gourmand sur le
montant de ses honoraires. Mais ce choix peut aussi être le résultat d’une habileté de l’agent immobilier
qui connaît un client potentiel prêt à mettre le prix fort pour le bien qu’il convoite et qui espère optimiser
le montant de sa commission. Ou encore ce peut être un choix que la prudence dicte à l’agent immobilier
qui craint pour le paiement de ses honoraires s’ils sont à la charge du vendeur, soit parce qu’il sait le bien
hypothéqué pour un montant proche du prix de vente ou soit parce que son mandant fait l’objet d’une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
380 Voir Cass. civ. 1ère, 12 déc. 1995, n° 94-10791, inédit.
381 Voir supra, n° 274 - , note 319 -
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Toutefois, si le montant de la commission est un forfait fixe, l’article 75 du décret autorise sa
modification « lorsque le prix de vente ou de cession retenu par l’engagement des parties est
différent du prix figurant dans le mandat ». Le texte ne livre cependant aucune précision sur
la manière dont la modification doit se faire. Est-elle nécessairement proportionnelle à la
variation du prix initialement fixé dans le mandat ? A notre avis, la réponse est négative : la
volonté des parties doit pouvoir déterminer librement le nouveau montant ; mais qui sont
les parties ? Bien entendu, il s’agit des parties au mandat ; mais un accord tripartite avec le
tiers cocontractant du mandant paraît indispensable si la commission a été mise à sa charge.
A quel moment la modification doit-elle s’opérer ? Vraisemblablement, elle doit se faire, au
plus tard, au moment de la signature du compromis de vente. La procédure de modification
exige-t-elle la rédaction d’un avenant au mandat ? A notre avis, la réponse positive ne fait
aucun doute, car il ne faut pas oublier que l’article 73 alinéa 2 impose, comme condition du
droit à la commission de l’agent immobilier, une concordance entre les mentions du mandat
et celles de l’acte de vente ; l’avenant est donc indispensable382.
281 - Précisément, il est temps d’examiner les problèmes que cette exigence de
concordance est susceptible de faire naître, tant il tombe sous le sens que les termes issus
de la négociation en vue de la signature de la vente ne coïncident que très rarement avec
ceux issus de la négociation en vue du mandat de l’agent. Grand est donc le risque de
déboucher sur une remise en cause des dispositions énoncées dans le mandat à propos de la
rémunération de l’agent et, du même coup, sur une discordance fatale pour le droit à
rémunération de l’agent.
A cet égard, mérite d’être médité un exemple de discordance tiré d’un arrêt de la première
chambre civile de la Cour de cassation rendu le 13 juillet 2004383.
En l’espèce, le mandat de vente, qui portait sur la vente d’un immeuble et d’un fonds de
commerce d’hôtel restaurant exploité dans l’immeuble par la propriétaire, prévoyait une
commission de 110 000 F à la charge de l’acquéreur ; l’agent immobilier avait présenté à la
propriétaire un amateur sérieux. A la suite du redressement judiciaire de la propriétaire,
l’amateur en question, toujours désireux d’acheter, avait signé au profit de l’agent une
reconnaissance d’honoraires d’un montant de 75 000 F et avait déposé une offre d’achat
auprès du tribunal, dans laquelle il était indiqué que tous les frais de l’opération étaient à sa
charge. Il avait été désigné par le tribunal cessionnaire de l’entreprise ; mais l’acte de vente,
dressé ultérieurement, ne contenait aucune mention relative à la rémunération de l’agent.
La Cour d’appel ayant condamné l’acquéreur au versement des 75 000 F promis à l’agent
immobilier, la Cour de cassation censure l’arrêt pour violation de l’article 6 de la loi de 1970
et 73 du décret de 1972.
A l’évidence, il aurait fallu, en l’espèce, non seulement prendre la précaution d’indiquer dans
l’acte de vente les nouveautés qui affectaient la commission de l’agent immobilier, mais
382 L’avenant est indispensable, mais peut-être pas suffisant. Il sera en effet prudent de donner à l’avenant
un numéro correspondant à son enregistrement dans le registre des mandats.
383 Cass. civ. 1ère, 13 juil. 2004, n° 02-10991, inédit.
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encore prendre la peine d’établir un avenant au mandat pour entériner la modification
intervenue.
A plus forte raison, l’avenant est indispensable lorsque la négociation avec la contrepartie du
mandant entraine un changement dans la personne du débiteur de la commission.
Enfin, il arrive souvent que le tiers intéressé à faire la contrepartie du mandant fasse une
offre à des conditions financières différentes de celles indiquées dans le mandat. Par
exemple, s’il s’agit d’un mandat de vente, le tiers offre d’acheter à un prix plus bas, ou à un
prix plus élevé s’il s’agit d’un mandat de recherche. Certes, c’est au mandant qu’il revient de
décider du sort de l’offre ; mais s’il l’accepte, que devient la rémunération de l’agent ? Elle
ne soulève aucune difficulté si elle a été prévue sous la forme d’un pourcentage du prix.
Mais si le mandat a fixé une rémunération forfaitaire, alors il convient de faire usage de
l’article 75 du décret, sans oublier d’établir un avenant au mandat préalablement à la vente,
de façon à ce que les stipulations des deux actes relatives à la rémunération de l’agent
concordent.
282 - L’existence d’un mandat préalable et régulier en la forme ne suffit pas pour que
l’agent immobilier perçoive effectivement sa commission. Cela lui confère certes un droit à
rémunération ; mais ce droit est théorique. Il ne deviendra effectif que si certaines
conditions sont réunies. Or l’efficacité du droit à rémunération peut être contrariée par la
survenance de certains évènements.
283 - Avant tout, il importe de rappeler la règle posée par l’article 6 de la loi. Selon le texte,
« aucun bien, effet, valeur, somme d’argent, représentatif d’honoraires, de frais de
recherche, de démarche, de publicité ou d’entremise quelconque, n’est dû aux personnes
indiquées à l’article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu’une des
opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte
écrit contenant l’engagement des parties ». Il est donc clair que l’agent immobilier ne peut
prétendre toucher sa commission que s’il établit que l’acte de vente entre son mandant et le
tiers a bien été passé.
Cependant, une exception est prévue par le dernier alinéa de l’article 6 : « lorsque le
mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes
d’argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à
l’article 1er avant qu’une opération visée au même article n’ait effectivement été conclue et
constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en
Conseil d’Etat ». Or l’article 78-1 du décret de 1972 précise que la clause «a pour objet les
frais exposés par le mandataire et la commission à laquelle il peut prétendre pour ses
diligences préalables à la conclusion de l’opération » ; le texte exige également que la clause
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décrive les modalités de calcul et de paiement des sommes dues au mandataire et qu’elle
soit mentionnée sur le mandat en caractères très apparents.
Une telle exception mérite explication. Elle est le résultat d’une demande des
professionnels. Les transactions immobilières portant sur le marché des locaux d’activités,
c’est à dire entre professionnels et agents immobiliers spécialisés sont plus lucratives384 que
celles portant sur des biens à usage d’habitation car les sommes en jeu sont importantes. En
principe ces affaires récurrentes répondent à des stratégies d’entreprises et se traitent entre
personnes qui se connaissent et se font confiance en raison de compétences éprouvées, ce
qui explique qu’on y trouve des filiales spécialisées de groupes bancaires et que les
problèmes de financement et de contentieux sont rares. C’est pourquoi, prenant en compte
la spécificité de ce marché, l’importance économique des emplois qu’il génère et la moindre
protection qu’implique un contrat entre professionnels avertis, le législateur a accepté
d’introduire une exception aux règles de l’article 6.
Quant aux diligences préalables à l’opération, elles visent les activités de conseil que les
agents immobiliers sont susceptibles d’exercer au bénéfice des professionnels en cause,
avant qu’ils ne décident de procéder à l’achat ou à la vente d’un local commercial.
284 - En laissant de côté cette exception, il reste que l’agent immobilier ne peut obtenir la
rétribution de son travail que si le contrat de vente est signé. Or il arrive qu’il ne le soit pas,
nonobstant l’accomplissement par l’agent de toutes les diligences qu’il lui incombait
d’effectuer.
D’abord, certains événements sont de nature à empêcher l’agent de mener à bonne fin sa
mission. Ainsi en va-t-il lorsqu’un aléa provoque la disparition du mandat, par exemple la
perte ou la ruine de l’immeuble sur lequel porte le mandat ou encore le décès du mandant.
Il en va de même lorsque la rupture du mandat est l’œuvre de la volonté du mandant qui
révoque le mandat. L’agent, qui perd alors toute chance de percevoir sa commission, peut-il
réclamer des dommages-intérêts sur la base de la perte d’une chance ?
Il est évident que si la rupture du mandat est due à un événement indépendant de la volonté
du mandant, l’agent ne saurait obtenir une quelconque compensation pour les diligences
qu’il a pu accomplir avant la survenance de l’événement. La situation est différente lorsque
le mandant révoque avant terme le mandat. La question de la révocation du mandat a
amplement été développée précédemment, pour qu’ici un simple rappel des solutions
suffise. On sait que le client doit invoquer un motif légitime pour révoquer l’agent
immobilier385 ; dès lors en l’absence de motif légitime, l’agent a droit à une indemnisation
pour perte d’une chance386. On sait également que même si le client révoque le mandat
parce qu’il renonce à passer l’opération projetée, ce qui constitue un juste motif de
révocation, cela n’exclut pas qu’il engage sa responsabilité envers l’agent immobilier pour
384 Bien que le taux de vacance des locaux commerciaux en centre-ville progresse régulièrement en
France, il avait atteint 8,5% en 2014 selon la fédération pour l’urbanisme et le développement du
commerce spécialisé, était de 7,8% en 2013, et de 7,2% en 2012.
385 Voir supra, n° 211 -
386 Voir en ce sens : Cass. civ. 1ère, 29 mai 2013, n° 12-19390, inédit.
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manquement à une clause du mandat, telle que la clause d’irrévocabilité ou la clause
pénale387.
Ensuite, alors même que l’agent immobilier a parfaitement rempli ses obligations, trois types
d’événements peuvent empêcher que la conclusion de la vente projetée ait lieu. Les deux
premiers ne nous retiendront guère, contrairement au troisième.
Le premier type d’événement concerne l’acquéreur qui fait usage du droit de rétractation
qu’il tient de l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation388. En pareil cas, il
ne fait aucun doute que l’agent immobilier, titulaire d’un mandat de vente, ne saurait
387 Sur la clause d’irrévocabilité, voir supra, n° 250 - et 251 - ; sur la clause pénale, voir supra, n° 221 - et
246 - .
388 Sur le droit de rétractation issu de l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation :
(modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 – art. 210). C’est à l’occasion de la signature hâtive d’une
promesse de vente unilatérale ou synallagmatique de vente que le risque d’acceptation ou d’achat
d’impulsion peut se révéler. C’est ce qu’a voulu combattre le législateur avec les articles L 271-1 et L 271.2
du CCH en instituant un régime d’ordre public, qui organise la protection de l’acquéreur non professionnel
quel que soit la forme de l’avant-contrat qu’il a conclu avant la signature du contrat constatant ou
réalisant une convention d’acquisition d’un immeuble neuf ou ancien.
(Art. L 271-1 du CCH) : Pour tout acte ayant pour objet la construction ou l’acquisition d’immeubles à usage
d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou en propriété
d’immeubles d’habitation ou la vente d’immeubles à construire ou de location-accession à la propriété
immobilière, l’acquéreur non professionnel peut se rétracter dans un délai de dix jours à compter du
lendemain de la première présentation de la lettre lui notifiant l’acte.
cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre RAR ou par tout autre moyen présentant des garanties
équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise. La faculté de rétractation est
exercée dans ces mêmes formes. Lorsque l’acte est conclu par l’intermédiaire d’un professionnel ayant reçu
mandat pour prêter son concours à la vente, cet acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de
rétractation. Dans ce cas, le délai de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l’acte, qui
doit âtre attesté selon les modalités fixées par décret (…).
(Art. L 271-2 du CCH) : Lors de la conclusion d’un acte mentionné à l’article L 271-1, nul ne peut recevoir de
l’acquéreur non professionnel, directement ou indirectement, aucun versement à quelque titre que ce soit
sous quelque forme que ce soit avant l’expiration du délai de rétractation, sauf dispositions législatives
expresses contraires prévues notamment pour les contrats ayant pour objet l’acquisition ou la construction
d’un immeuble neuf d’habitation, la souscription de parts donnant vocation à l’attribution en jouissance ou
en propriété d’immeubles d’habitation et les contrats préliminaires de vente d’immeubles à construire ou de
location-accession à la propriété immobilière. Si les parties conviennent d’un versement à une date
postérieure à l’expiration de ce délai et dont elles fixent le montant, l’acte est conclu sous la condition
suspensive de la remise desdites sommes à la date convenue.
Toutefois, lorsque l’un des actes mentionnés à l’alinéa précédent est conclu par l’intermédiaire d’un
professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, un versement peut être reçu de
l’acquéreur s’il est effectué entre les mains d’un professionnel disposant d’une garantie financière affectée au
remboursement des fonds déposés. Si l’acquéreur exerce sa faculté de rétractation, le professionnel
dépositaire des fonds les lui restitue dans un délai de vingt et un jours à compter du lendemain de la date de
cette rétractation.
Lorsque l’acte est dressé en la forme authentique, aucune somme ne peut être versée pendant le délai de
réflexion de dix jours.
Est puni de 30 000 euros d’amende le fait d’exiger ou de recevoir un versement ou un engagement de
versement en méconnaissance des alinéas ci-dessus.
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réclamer des dommages-intérêts à son mandant ; au moins, agent et vendeur pourront-ils se
consoler en poursuivant le mandat. Si l’agent est titulaire d’un mandat de recherche, seule la
démonstration d’un éventuel abus du droit commis par son mandant devrait lui permettre
d’obtenir une indemnisation.
Le deuxième type d’événement a trait à l’exercice d’un droit de préemption. S’agissant des
droits de préemption classiques, le versement de ses honoraires à l’agent ne pose aucune
difficulté si le mandat comporte une clause prévoyant la substitution du préempteur à
l’acquéreur389 ; peu importe que le prix d’acquisition du bien préempté soit inférieur à celui
qui avait été convenu entre le vendeur et l’acquéreur390. Il faut seulement veiller à ce que la
demande de versement de rémunération à l’agent soit notifiée par le propriétaire du bien au
titulaire du droit de préemption comme condition de la vente, en la distinguant du prix de
cession391 et en indiquant son montant et la partie qui en a la charge392. En revanche,
s’agissant du droit de préemption du locataire d’un bien à usage d’habitation, la troisième
chambre civile a décidé que « le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre
de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présenté par l'agent immobilier, mandaté par
le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une
commission renchérissant le prix du bien »393.
Le troisième type d’événement, qui mérite de retenir à présent toute l’attention, est relatif
au mandant qui refuse de passer l’opération projetée, bien que l’agent ait accompli toutes
ses diligences.
285 - Le moment où intervient le refus du mandant est variable. Tantôt le mandant, après
avoir accepté de contracter avec la contrepartie, refuse de signer l’acte authentique. Tantôt
le refus du mandant se manifeste bien plus tôt, après que l’agent lui a présenté une possible
contrepartie. Le moment du refus est important, car d’instinct l’on pressent que le sort à
réserver à la rémunération de l’agent se présente sous des auspices plus favorables dans la
première hypothèse que dans la seconde.
Dans la première hypothèse, en effet, il existe un acte dont il convient de vérifier s’il est
suffisant pour constituer l’opération conclue et constatée dans un acte qu’exige l’article 6 de
la loi de 1970. Au contraire, dans la seconde hypothèse, où il n’existe pas d’acte, le seul
chemin qui permette de sanctionner le refus du mandant consiste à mettre en cause sa
responsabilité civile ; mais alors où trouver la faute qui justifiera que le mandant soit
condamné à réparer le préjudice subi par l’agent ?
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1 - La notion d’opération conclue et constatée dans un acte
286 - Avant même d’entrer dans le vif du sujet, il n’est pas inutile de rappeler la position de
la jurisprudence sur des questions certes éloignées du refus du mandant à conclure
l’opération, mais de nature à éclairer la compréhension de la notion d’opération conclue et
constatée dans un acte.
La première question traite du double mandat. Un même agent immobilier, titulaire d’un
mandat de vente et d’un mandat de recherche, parvient à convaincre ses deux mandants de
contracter ensemble. A-t-il alors vocation à encaisser deux commissions ? La Cour de
cassation, dans un arrêt de la première chambre civile du 13 mai 1998394, l’a admis :
« aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'un agent immobilier détienne un mandat d'un
vendeur et un mandat d'un acquéreur pour une même opération ; qu'il en résulte que le droit
à commission existe pour chacun des mandats dès lors que sont satisfaites les exigences
prescrites par les articles 6 de la loi et 73 du décret ».
Ainsi, un seul et même acte395 peut engendrer deux commissions pour un même agent.
N’est-ce pas là un signe en faveur d’une conception souple de la notion d’opération conclue
et constatée dans un acte ?
La seconde question met en avant un raisonnement plus décisif. Un agent immobilier est
chargé de rechercher des acquéreurs pour des appartements qu’une société met en vente.
Deux appartements sont réservés grâce aux bons soins de l’agent. La société venderesse
refusant de verser à l’agent les deux commissions qu’il réclame, les juges du fond la
condamne.
Dans son pourvoi fondé sur l’absence de base légale de la décision, la société venderesse fait
valoir que l’agent s’est borné à envoyer des acquéreurs éventuels et que ce faisant, il « n’a
pas accompli de diligences de nature à déterminer le consentement du client ». La première
chambre civile, le 13 juin 1984, rejette le pourvoi : « les juges du second degré ont relevé
qu'aux termes mêmes du mandat qu'elle avait donné à la société Impac, la société Serco
s'était engagée à signer l'acte de vente avec "tout acquéreur que vous nous présenterez
acceptant les prix et conditions des présentes" ; que l'arrêt attaqué observe, en outre, "que
pour les ventes précédentes, pour lesquelles la société Serco a reconnu à la société Impac un
droit à commission, l'assistance de la société Impac à la signature du contrat de réservation
n'avait jamais été requise" ; qu'en en déduisant que la société Impac avait intégralement
accompli sa mission "dès lors qu'elle a adressé les acquéreurs éventuels à la société Serco,
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laquelle disposait de son propre service de vente", la Cour d'appel, qui a caractérisé le fait
que l'opération avait été effectivement réalisée grâce à l'entremise de la société Impac -
laquelle avait donc droit à la commission convenue - a légalement justifié sa décision »396.
Voilà une décision qui éclaire d’un jour intéressant la notion d’opération conclue et
constatée dans un acte. Il est en effet clair que, pour la Cour de cassation, la formule
employée par l’article 6 de la loi signifie simplement que l’agent doit s’être acquitté de la
tâche que lui avait confiée son client. Or n’est-ce pas ce qu’a fait l’agent immobilier lorsque
son client qui a consenti à l’opération refuse ensuite de réitérer la vente devant le notaire ?
Dès lors, il n ‘y a aucune raison de lui refuser, au nom d’une conception rigide de l’acte qui
constate la vente, le versement de sa commission.
Un premier exemple résulte d’un arrêt rendu le 5 octobre 1982 par la première chambre
civile de la Cour de cassation397. En l’espèce, un acte de vente sous seing privé a été passé,
dans lequel les parties reconnaissent devoir à deux agences immobilières une commission
payable le jour de la signature de l’acte authentique. Mais, l’acquéreur n’ayant pu disposer
des fonds pour acheter, les parties procèdent à la résolution amiable de la vente, l’acquéreur
prenant à sa charge le versement de la commission. Assigné en paiement par les deux
agences, l’acquéreur est condamné par la Cour d’appel.
Dans son pourvoi, l’acquéreur reproche à la Cour d’appel d’avoir décidé que la passation de
l’acte authentique constituait le terme prévu pour le paiement de la commission et non la
condition de ce paiement. Son pourvoi est rejeté : « la Cour d'appel a relevé que l’acte sous
seing privé, qui réalisait entre les parties une vente immobilière parfaite, précisait que cette
vente était le résultat de la négociation conduite par (les deux agences immobilières)
auxquelles les parties reconnaissaient devoir une commission (d'un montant déterminé),
laquelle était payable le jour de la conversion de l'acte sous seing privé en acte authentique ;
(…) elle en a justement déduit que les parties étaient ainsi convenues d'un terme pour le
paiement de la commission qu'elles reconnaissaient devoir, mais qu'elles n'avaient pas
subordonné l'engagement de payer cette commission à la condition que la vente fût réitérée
par acte authentique ».
Certes, la décision repose sur une interprétation de la convention passée entre vendeur et
acquéreur. Mais, en décidant que le versement de la commission avait pour terme, et non
pour condition, la réitération de l’acte devant notaire, la jurisprudence accepte sans
équivoque l’idée que le refus des parties de passer l’acte authentique ne saurait faire
obstacle au paiement de la commission due à l’agent.
Deux autres arrêts confirment cette solution. Cette fois, le refus émane du mandant seul qui,
après avoir confié un mandat de recherche et après s’être engagé à acquérir l’immeuble que
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lui a présenté l’agent immobilier, décide de ne plus acheter.
288 - Dans l’arrêt rendu le 2 juin 1993 par la première chambre civile398, le mandant tente
de justifier sa décision de ne plus acheter et son refus de payer la commission due à l’agent
en s’appuyant sur les règles relatives au crédit immobilier. La promesse synallagmatique de
vente qu’il a signée indique que le prix a été fixé à la somme de 1 200 000 francs payable à
concurrence de 700 000 francs par un apport personnel et à hauteur de 500 000 francs au
moyen d'un ou plusieurs prêts. La banque a accordé le prêt à l’acquéreur, mais sous réserve
de la justification, au moyen d'une quittance, de son apport personnel de 700 000 francs.
Prétendant n’avoir pu réunir cette somme, l’acquéreur n’a pas donné suite à la promesse de
vente. L’agent immobilier lui a alors réclamé le montant de sa commission.
La Cour d’appel, dans son arrêt, a estimé que la condition suspensive d’obtention du prêt
devait être réputée accomplie en application de l'article 1178 du Code civil, que l'opération
avait bien été conclue au sens de l'article 6 de la loi du 2 janvier 1970, et que la commission
était due dans son intégralité. Dans son pourvoi, l’acquéreur soutient qu’en considérant la
condition suspensive d’obtention du prêt comme accomplie, alors que son apport personnel
n’a pu être effectué pour des raisons indépendantes de sa volonté, la Cour d’appel a violé
l'article 1178 du Code civil.
La première chambre civile rejette le pourvoi : « mais attendu d’abord que si, aux termes de
l'article 17, alinéa 1, de la loi du 13 juillet 1979, l'acte de vente d'un immeuble d'habitation
n'est conclu que sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assurant le
financement, ces prêts doivent être considérés comme obtenus, et la condition suspensive
comme réalisée, du seul fait de leur offre par un établissement bancaire, alors même que le
bénéficiaire aurait décliné cette offre ; qu'ayant d'ailleurs, en l'espèce, rappelé la stipulation
de la promesse de vente, selon laquelle " ces prêts seront considérés comme obtenus quand
une ou plusieurs offres, couvrant le financement prévu, auront été remises aux bénéficiaires "
et ayant constaté que Mme C... avait refusé l'offre de l'UCB, l'arrêt attaqué en a exactement
déduit que la condition suspensive de l'obtention de ce prêt de 500 000 francs avait été
réalisée et que l'opération devait être considérée comme effectivement conclue ; Attendu,
ensuite, qu'ayant reproduit textuellement la lettre du notaire, selon laquelle Mme C... s'était
engagée à lui remettre rapidement une somme de 700 000 francs, sans qu'elle ait fait la
moindre allusion à un prêt familial auquel la promesse de vente ne fait d'ailleurs pas
référence, la cour d'appel a pu en déduire que c'était bien Mme C... qui était obligée sous la
condition suspensive ».
Le recours au droit du crédit immobilier n’était donc qu’un prétexte ; en réalité l’acquéreur
ne voulait plus acheter. Mais il n’en reste pas moins qu’il doit verser la commission à l’agent
immobilier qui, comme le souligne la Cour de cassation, « avait entièrement rempli son
mandat ».
398 Cass. civ. 1ère, 2 juin 1993, n° 91-10578, Bull. I, n° 198 (voir Defrénois – 15 mars 1994 n°5 D. Mazeaud).
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novembre 1996 par la troisième chambre civile399. Celle-ci se prononce sur le sort d’un
acquéreur qui a donné un mandat de recherche et qui, après avoir signé l’acte sous seing
privé par lequel il achète le bien proposé par l’agent, refuse la signature de l’acte
authentique.
En l’espèce, l’acquéreur, après l’acte de vente sous seing privé, justifie son refus de signer
l’acte authentique par l’importance des travaux qui restent, selon lui, à accomplir sur
l’immeuble. Il considère que ces travaux sont de nature à transformer le contrat en vente à
construire. Il est assigné à la fois par le vendeur, qui demande réparation, et par l’agent qui
demande le versement de sa commission. En appel, la Cour, après avoir réfuté la
qualification de vente à construire, condamne l’acquéreur à verser sa commission à l’agent
immobilier.
289 - Mais il y a mieux : un arrêt, rendu par la première chambre civile le 17 novembre
1993401, réalise un pas supplémentaire.
La Cour d’appel, tenant compte du fait que le refus de contracter du mandant se double
d’un contrat de vente passé directement entre lui et l’amateur présenté par l’agent, donne
satisfaction à ce dernier.
Devant la Cour de cassation, le vendeur soutient que même si l’acquéreur lui avait été
présenté par l’agent, la vente n’a pas été négociée et conclue par son entremise, en sorte
qu’il ne doit pas la commission. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi : « la Cour
d’appel a justement énoncé que lorsqu’un agent bénéficiaire d’un mandat fait visiter à une
399 Cass. civ. 3ème, 6 nov. 1996, n° 94-16786, Bull. III, n° 212.
400 L’article 74 du décret indique que lorsque l’engagement des parties contient une clause de dédit ou une
condition suspensive, l’opération ne peut être regardée comme effectivement conclue par application du
dernier alinéa du I de l’article 6 de la loi susvisée du 2 janvier 1970 s’il y a dédit ou tant que la faculté de dédit
subsiste ou tant que la condition suspensive n’est pas réalisée.
401 Cass. civ. 1ère, 17 nov 1993, n° 91-19366, Bull. I, n° 323.
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personne l’immeuble mis en vente et qu’ensuite le vendeur traite directement avec cette
personne, l’opération est réputée effectivement conclue au sens de l’article 6 de la loi du 2
janvier 1970, par l’entremise de cet agent, lequel a alors droit au paiement de la commission
convenue, sauf à tenir compte du prix de vente réel de l’immeuble… ».
La solution a été confirmée, et avec éclat puisqu’il s’agit d’une décision de censure, par un
autre arrêt de la première chambre civile en date du 14 novembre 2000402.
En l’espèce, la Cour d’appel avait débouté l’agent immobilier pour défaut de preuve, car la
vente avait été conclue à un prix nettement inférieur à celui stipulé dans le mandat de
vente et elle l’avait été plus de dix-neuf mois après la signature du bon de visite, ce qui
semblait conforter l’idée qu’il ne s’agissait pas de la même opération, d’autant que
l’acheteur avait été informé que le bien était encore en vente par une simple annonce.
Pourtant, la première chambre civile censure l’arrêt sur le visa de l’article 6 de la loi 1970 ;
elle considère qu’il résulte de ce texte que lorsqu’un agent immobilier, bénéficiaire d’un
mandat, fait visiter à une personne l’immeuble mis en vente et qu’ensuite le vendeur traite
directement avec cette personne, « l’opération est réputée effectivement conclue par
l’entremise » de cet agent, lequel a alors droit au paiement de la commission convenue, sauf
à tenir compte du prix de vente réel de l’immeuble et des circonstances ou fautes de l’agent
immobilier.
290 - Force est alors de remarquer que toutes ces décisions ont en commun une
conception très libérale de la notion d’opération conclue et constatée dans un acte. Ainsi,
lorsque le mandant a traité en direct avec l’acquéreur présenté par l’agent, « l’opération est
réputée effectivement conclue par l’entremise de l’agent »403. De même, lorsque le mandant
a refusé de signer l’acte authentique, l’agent a « accompli la mission qui lui était dévolue en
servant d'intermédiaire pour la vente même si le contrat n'(a) pas été ensuite exécuté »404.
Il n’est donc pas nécessaire que l’acte authentique soit signé sous la houlette de l’agent
immobilier pour que sa mission soit regardée comme accomplie et déclenche son droit à
commission. Il suffit, et c’est bien ce que montrent toutes ces affaires, que le mandant ait
signé un contrat de vente sous seing privé avec la contrepartie proposée par l’agent ou
encore qu’il ait traité directement avec le tiers que lui avait fait connaître l’agent immobilier.
Précisément, dans ce dernier cas, le contrat conclu directement avec le tiers vient se
substituer au refus de contracter que le mandant avait opposé à l’agent. Comme l’exprime si
judicieusement la Cour de cassation, « l’opération est réputée effectivement conclue par
l’entremise de l’agent », parce que ce refus, loin de signifier la volonté du mandant de ne pas
contracter avec le tiers que lui propose l’agent, atteste seulement de la volonté du mandant
d’éluder la commission due à l’agent.
Du même coup, il devient essentiel pour l’agent immobilier de se ménager la preuve qu’il a
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bien rempli ses obligations. Remplir ses obligations signifie, selon l’expression employée par
la Cour de cassation, « avoir rapproché les parties »405. Un tel rapprochement varie selon la
mission confiée à l’agent ; le plus souvent, l’expression n’est pas à prendre uniquement au
sens physique du terme, c’est-à-dire en faisant se rencontrer les parties, mais aussi au sens
juridique, c’est-à-dire en participant à la négociation des conditions de la vente. La preuve
de ce rapprochement résulte de tout moyen établissant que l’agent a bien exécuté les
diligences qui lui incombaient. Par exemple, cela commence par les annonces que l’agent a
passées pour prospecter le marché, se poursuit par le bon de visite qu’il a fait signer à toute
contrepartie éventuelle de son client et s’achève par le compte rendu de l’avancement des
négociations que l’agent a adressé à son client, sans exclure tout autre moyen de preuve.
291 - Mais si, en pareil cas, la demande de l’agent immobilier en versement de ses
honoraires connaît un épilogue heureux, sa situation sera infiniment plus délicate dans les
autres cas où le mandant refusera de contracter avec la contrepartie qu’il a présentée. En
effet, il ne pourra obtenir que des dommages-intérêts, à la condition cependant d’établir la
faute de son mandant.
292 - Ces autres cas où le mandant refuse de contracter avec la contrepartie que lui
propose l’agent immobilier se rencontrent dans deux hypothèses. Tantôt, le mandant
rejette la contrepartie alors même qu’elle répond à toutes les conditions qu’il a posées dans
le mandat. Tantôt, le refus du mandant trouve sa source dans la pluralité de mandats qu’il a
confiés et dans le choix du mandant de contracter par l’entremise d’un autre agent.
L’agent immobilier peut-il alors réclamer, non pas le versement de sa commission puisqu’à
l’évidence aucun acte n’a été passé par son entremise, mais réparation du préjudice qu’il
subit pour avoir effectué un travail qui ne sera pas rétribué ? Il le pourra s’il parvient à
prouver la faute de son mandant. Or, quelle que soit l’hypothèse de refus, l’entreprise va se
révéler compliquée.
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cher lorsqu’il a donné un mandat de vente, soit d’acheter moins cher lorsqu’il a donné un
mandat de recherche.
Immédiatement surgit une première difficulté. Dans le mandat de recherche où par principe
le bien est indéterminé406, le mandant conserve toujours sa liberté de refuser la contrepartie
proposée par l’agent ; dès lors la question d’une éventuelle faute génératrice de
responsabilité paraît hors de propos. Effectivement, elle l’est, sauf dans les rares cas où le
bien à acquérir est déterminé.
La Cour de cassation rejette le pourvoi contre l’arrêt d’appel qui avait condamné les époux à
verser des dommages-intérêts à l’agent : « la cour d'appel a pu en déduire qu'en concluant
ultérieurement la vente au mépris de l'interdiction de négociation directe qui les frappaient
encore, pour une durée qui n'avait rien d'abusif, les mandants avaient manqué à leurs
obligations contractuelles en privant l'intermédiaire de la réalisation de l'acquisition dont ils
l'avait chargé, justifiant ainsi légalement sa décision d'accorder à ce dernier une indemnité
compensatrice de la commission dont cette faute l'avait privée ».
On ne peut qu’approuver la Cour de cassation car, à l’évidence, les époux avaient commis
une faute en violant la clause du contrat qui leur interdisait de traiter directement avec le
propriétaire. La solution aurait-elle été la même si le mandat n’avait pas comporté la clause
en question ? On peut l’espérer sur la base du raisonnement élaboré par la jurisprudence à
propos du mandat de vente, raisonnement selon lequel le fait pour le mandant de traiter
avec le tiers présenté par l’agent constitue une faute.
294 - En matière de mandat de vente, deux arrêts, qui manifestent toute la sévérité de la
Cour de cassation envers l’agent immobilier, méritent d’être développés et comparés.
Dans la première affaire, tranchée par la Cour de cassation le 1er décembre 1987408, le
mandat de vente confié à l’agent comportait une clause par laquelle le mandant s'engageait
" à ratifier la vente à tout acquéreur présenté par l'agence " qui accepterait les prix, charges
et conditions de la vente. Pourtant, lorsque l’agent a présenté un acquéreur qui remplissait
les conditions du mandat, le mandant a refusé de vendre son immeuble. Néanmoins, l’agent
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a demandé le versement de sa commission.
Mais la première chambre civile censure sa décision. « Attendu, cependant, que le refus du
mandant de réaliser la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire ne
peut être assimilé à l'acte écrit contenant l'engagement des parties ; que l'agent immobilier
n'a donc pas droit à la commission prévue par le mandat, mais seulement à des dommages-
intérêts s'il prouve une faute de son mandant qui l'aurait privé de la réalisation de la vente ».
S’il est indiscutable qu’en l’absence de vente conclue par le mandant, son refus de
contracter ne saurait être assimilé à l’acte écrit dont parle l’article 6 de la loi, la suite du
raisonnement de la Cour de cassation est plus difficile à saisir. Où la Cour veut-elle en venir ?
Si sa formule signifie que la clause de ratification ne sert à rien, c’est tout à fait discutable. A
l’évidence, le mandant qui s’est engagé à ratifier le contrat préparé par l’agent, a manqué à
ses obligations contractuelles et, à ce titre, il engage sa responsabilité. Dès lors, la
formulation employée par la Cour pourrait signifier que l’agent aurait obtenu gain de cause
si, au lieu de réclamer le versement de sa commission, il avait eu le réflexe de réclamer des
dommages-intérêts. Mais dans ce cas, pourquoi la Cour ajoute-t-elle que l’agent doit
prouver une faute de son mandant qui l’a privé de la réalisation de la vente ? La violation par
le mandant de son obligation de ratifier ne suffit-elle pas à constituer la faute par laquelle le
mandant prive l’agent de la réalisation de la vente ?
295 - On ne peut guère compter sur l’arrêt rendu par la première chambre civile le 28 juin
2012409 pour dissiper l’ambiguïté créée par l’arrêt de 1987.
En l’espèce, une dame a donné le 31 octobre 2005 à un agent un mandat non exclusif de
vente, consenti pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction, portant
sur un appartement situé à Nice ; elle a résilié le mandat par lettre du 22 février 2006 ;
l’agent l'a assignée en paiement d'une indemnité de 10 000 euros.
Pour accueillir la demande de l’agent, la Cour d'appel retient que si celui-ci ne peut réclamer
de commission, aucun acte de vente authentique n'ayant été signé, il a du moins respecté
les termes du mandat en présentant à la dame des personnes qui acceptaient d'acheter le
bien au prix fixé par le mandat, tandis que celle-ci refusait sans motif sérieux de signer le
compromis de vente. La Cour y voit un manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le
contrat, manquement qu’elle qualifie de fautif et qui justifie, selon elle, l'octroi de
dommages – intérêts.
L’arrêt est cassé pour manque de base légale car la Cour d’appel a statué par des motifs
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impropres à caractériser une faute imputable à Mme X...
Surtout, la première chambre civile pose un principe net : « le refus du mandant de réaliser
la vente avec une personne qui lui est présentée par son mandataire ne peut lui être imputé à
faute pour justifier, en dehors des prévisions d'une clause pénale, sa condamnation au
paiement de dommages-intérêts, à moins qu'il ne soit établi que ce mandant a conclu
l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement
prétendre ».
296 - La Cour de cassation pose donc le principe que l’agent n’a droit à aucune indemnité,
mais admet deux exceptions. La première tient à l’existence d’une clause pénale qui
sanctionne le refus du mandant ; la seconde implique qu’en l’absence de clause pénale,
l’agent se trouve en position de démontrer que le « mandant a conclu l'opération en privant
le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre ».
Cette seconde exception est curieuse. Manifestement, elle vise l’hypothèse où le mandant a
traité avec le tiers présenté par l’agent, tiers avec lequel il a, dans un premier temps, refusé
de conclure. Pourtant, précisément dans cette hypothèse, le détour par la responsabilité
civile du mandant semble inutile dans la mesure où, à en croire la jurisprudence
précédemment citée410, « l’opération est réputée effectivement conclue par l’entremise de
l’agent ».
Dès lors, comment interpréter cette seconde exception ? Signifie-t-elle une condamnation
de la jurisprudence relative à l’opération réputée conclue en sorte que l’agent devrait
nécessairement se placer sur le terrain de la faute et n’aurait vocation qu’à percevoir des
dommages-intérêts dont le montant peut être inférieur à celui de ses honoraires ? Ou
l’agent conserve-t-il le choix de la voie à emprunter ? Bien malin qui saurait répondre !
Mais il y a plus grave. La comparaison de la formule utilisée par la Cour de cassation dans
l’arrêt du 1er décembre 1987 avec celle employée dans l’arrêt du 28 juin 2012 pourrait bien
être l’indice d’une évolution des juges sur la notion de faute. La Cour de cassation est en
effet passée de la faute du mandant qui prive l’agent de la réalisation de la vente à la faute
du mandant qui « a conclu l'opération en privant le mandataire de la rémunération à laquelle
il aurait pu légitimement prétendre ».
297 - Ce faisant, il semble que la Cour de cassation se rallie à une conception plus étroite
de la faute du mandant : seul le mandant qui traite avec le tiers présenté par l’agent
immobilier serait fautif. Dans tous les autres cas, le refus du mandant de contracter avec le
tiers ne serait jamais fautif ; en somme, il constituerait simplement l’expression de son droit
à renoncer à l’opération projetée.
Il est vrai que, le plus souvent, si le mandant refuse de passer l’opération alors même que les
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conditions qu’il a posées dans le mandat sont remplies, c’est parce qu’il a changé d’avis sur
l’opportunité de conclure l’opération. Mais est-ce une raison suffisante pour présumer de
manière irréfragable que le refus du mandant n’est jamais fautif ? Nous ne le pensons pas.
D’abord, c’est la porte ouverte à la cupidité du client qui instrumentalise à son profit le
travail effectué par l’agent immobilier. En effet, en lui donnant mandat de vendre à un prix
donné, le vendeur se sert de l’agent pour sonder le marché : si l’agent lui trouve des
amateurs à ce prix, alors lui-même pourra espérer en trouver à un prix un peu plus élevé.
Ensuite, le droit de renoncer à l’opération n’exclut pas que le mandant puisse commettre
une faute en l’exerçant, sinon comment expliquer la jurisprudence qui admet la
responsabilité du mandant en cas de révocation du mandat pour abandon du projet. On sait
que le mandant engage alors sa responsabilité si, en révoquant le mandat, il viole la clause
d’irrévocabilité qui y figure411. Dès lors, on comprend mal que le mandant commette une
faute en révoquant le mandat au mépris de la clause d’irrévocabilité tandis qu’il n’en
commettrait aucune en refusant de contracter avec l’acquéreur présenté par l’agent, au
mépris du principe d’exécution de bonne foi du contrat qu’invoquait la Cour d’appel ou
encore, comme dans l’arrêt du 1er décembre 1987, au mépris de son engagement à ratifier la
vente.
Précisément, dans cette dernière hypothèse, n’y a-t-il pas une sérieuse contradiction dans le
traitement de la renonciation au projet de vente ? Dans les deux cas, non seulement le
projet de vente est abandonné, mais encore le mandant manque à ses obligations
contractuelles. Pourtant, s’il révoque le mandat, il engage sa responsabilité pour violation de
la clause d’irrévocabilité ; mais s’il refuse de contracter alors qu’il a promis de ratifier le
compromis de vente, il n’engage pas sa responsabilité.
298 - Devant tant d’incertitudes et tant d’incohérences, le seul conseil utile que l’on puisse
donner à l’agent immobilier consiste à profiter de la première exception visée par l’arrêt du
28 juin 2012, à savoir insérer dans le mandat une clause pénale.
A cet égard, un certain nombre de précautions s’impose. D’abord, il faut veiller au respect
des conditions de forme, c’est-à-dire mentionner la clause pénale en caractères très
apparents et respecter le plafonnement du montant de la peine édicté par l’article 78 tel
qu’il a été revu après l’adoption de la loi ALUR412. Ensuite, il importe de prendre soin au
libellé de la clause pénale.
Il est certes possible de se contenter de sanctionner par l’allocation d’une indemnité le refus
du mandant de contracter avec un acquéreur présenté par l’agent immobilier alors même
que le premier remplit toutes les conditions prévues dans le mandat. Mais il est préférable
de procéder autrement. En effet, sachant que comme l’a reconnu la Cour de cassation 413, la
clause pénale sanctionne un manquement du client à ses obligations contractuelles en sorte
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que l’agent immobilier est dispensé de démontrer que le comportement du mandant l’a
privé de sa rémunération, il vaut mieux prévoir dans le mandat toute une série d’obligations
précises à la charge du mandant et d’indiquer que tout manquement à l’une quelconque de
ses obligations sera sanctionné par le versement à l’agent immobilier d’une indemnité égale
au montant de la rémunération qu’il aurait perçue si la vente avait été réalisée par son
entremise.
Parmi ces différentes obligations on trouvera, outre l’obligation de ratifier l’acte de vente
conforme aux stipulations du mandat, celle de ne pas traiter avec un tiers présenté par
l’agent, et cela pendant un certain temps après l’expiration du mandat414, couplée à
l’obligation d’informer l’agent de toute transaction intervenue en lui notifiant les nom et
adresse de la contrepartie ainsi que du notaire chargé de dresser l’acte authentique, ou
encore, pendant la durée du mandat non exclusif, l’obligation d’informer l’agent de la vente
réalisée par le mandant seul415.
Grâce à la clause pénale, l’agent immobilier est donc assuré de percevoir une indemnité
lorsque le mandant refuse de contracter avec l’acquéreur qu’il lui propose aux conditions du
mandat, même si l’indemnité peut être réduite par le juge qui, tenant compte des
circonstances de l’espèce, déciderait de faire usage du pouvoir modérateur qu’il tire de
l’article 1152 du Code civil. Malheureusement pour l’agent, la clause pénale ne lui sera pas
d’un grand secours lorsque le refus du mandant trouve son origine dans le fait qu’il a confié
un mandat de vente à plusieurs agents et qu’il préfère contracter par l’entremise d’un autre
agent.
299 - Lorsque le mandat donné à un agent immobilier est un mandat simple et que le
mandant a également donné mandat à d’autres agents, seul l’agent par l’entremise duquel
l’opération a été effectivement conclue touchera une rémunération, et cela même si le bien
ou le candidat à l’acquisition a été précédemment présenté par un autre mandataire. C’est
seulement si ce dernier est en position de prouver la faute du vendeur qui l’aurait privé de la
réalisation de la vente, qu’il pourra prétendre à l’attribution de dommages-intérêts.
La solution, ancienne, a été réaffirmée par des arrêts plus récents et elle vaut pour le
414 On a d’ailleurs vu, supra n° 248 - , qu’une telle clause prévue pour les 24 mois suivant l’expiration du
mandat n’était pas regardée comme abusive par la Cour de cassation.
415 Par exemple, dans l’arrêt précité de Cass. civ. 1 ère, 11 fév. 2010, la clause pénale sanctionnait le
manquement à une clause par laquelle le mandant s’engageait, en cas de vente à un acheteur trouvé par
lui pendant la durée du mandat non exclusif, à en informer immédiatement l’agent immobilier en lui
notifiant par lettre recommandée avec avis de réception les nom et adresse de l’acquéreur, du notaire
chargé de l’acte authentique et de l’agence éventuellement intervenue. En l’espèce, le mandant avait omis
de prévenir l’agent ; l’agent avait réclamé l’application de la clause pénale, mais la Cour d’appel l’avait
débouté, car il n’établissait pas avoir été privé du paiement de sa commission. Sa décision est censurée sur
le visa de l’article 1134 du Code civil : le motif est inopérant, car la clause pénale n’érige pas la perte de la
commission en condition de son application.
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mandat de vente comme pour le mandat de recherche416. Elle trouve sa justification dans le
principe de libre concurrence entre les différents mandataires missionnés, tous placés sur un
même pied d’égalité et donc tous en situation de présenter les mêmes opportunités à leur
client. De son côté, ce dernier est en droit de choisir, au mieux de ses intérêts, le plus habile
ou le moins cher des agents immobiliers.
300 - C’est très logiquement cette concurrence entre agents qui justifie l’arrêt rendu par la
première chambre civile du 16 mars 2006.
En l’espèce, le propriétaire d’un bien avait donné mandant non exclusif de vente à un agent,
lequel avait fait visiter le bien à un couple intéressé par l’achat. Ayant appris que le couple
avait finalement acheté l’immeuble, mais que la vente avait été réalisée par l’intermédiaire
d’un autre agent, qui avait également reçu mandat de vente du propriétaire, le premier
agent, se prévalant de la clause qui interdisait au vendeur de traiter directement avec un
amateur présenté par lui, réclamait une indemnité correspondant au montant de ses
honoraires.
La Cour d’appel avait fait droit à sa demande : l’interdiction de traiter directement avec un
acheteur présenté par l’agence n’autorise pas les parties à traiter en dehors de sa présence
et donc à « évincer l’agent en affectant de traiter avec un intermédiaire moins coûteux ». Son
arrêt est cassé.
La première chambre civile rappelle le principe selon lequel, lorsque le mandant a donné à
plusieurs mandataires le mandat non exclusif de vendre un même bien, seul peut percevoir
une rémunération l’agent immobilier par l’entremise duquel l’opération a été effectivement
conclue et cela même si l’acquéreur lui avait été précédemment présenté par un autre
agent.
La décision est sévère, mais parfaitement cohérente avec l’idée de concurrence entre les
deux agents. Pourtant, un peu plus tard, le 30 mai 2006, la première chambre417 adopte,
dans une affaire similaire, une position qui paraît inconciliable.
301 - Les faits sont identiques : des époux ont donné mandat de vente à un agent qui
découvre qu’un compromis de vente a été signé, par l’intermédiaire d’un autre agent, avec
des acquéreurs auxquels le premier a fait visiter l’immeuble. Mais l’argument invoqué par le
premier agent est différent : il réclame le versement d’une indemnité prévue par une clause
du mandat selon laquelle les époux s’interdisent, même après l’expiration du mandat, de
traiter « directement ou indirectement par tout intermédiaire avec un acquéreur présenté
par l’agent » et s’engagent, en cas de non-respect de cette obligation, à verser une
indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue.
416Voir pour un mandat de vente : Cass. civ. 1ère 16 août 1984, n° 82-12823, Bull. I, n° 259 ; Cass. civ. 1ère,
16 mars 2006, n° 04-20477, inédit ; Cass. civ. 1ère, 25 juin 2009, n° 08-15523, inédit. Voir pour un mandat
de recherche : cass. civ. 1ère, 25 nov. 2010, n° 08-12432, Bull. I, n° 241.
417 Cass. civ. 1ère, 30 mai 2006, n° 04-11208, inédit.
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La Cour d’appel déboute l’agent de sa demande sur la base de deux arguments. D’une part,
elle considère que les vendeurs n’ont pas commis un manquement contractuel dès lors
qu’ils ont traité par l’entremise d’une autre agence ; d’autre part, elle tient compte de ce
que l’agent « ne justifie d’aucune diligence ou intervention de sa part dans la réduction du
prix déterminante de la vente négociée par l’autre agence immobilière, laquelle avait accepté
au surplus de réduire le montant de la commission due par l’acquéreur ».
Sa décision est censurée sur le visa des articles 1134 et 1147 du Code civil : « si les époux Y …
n’étaient tenus de payer une rémunération qu’à l’agence immobilière par l’entremise de
laquelle l’opération avait été effectivement conclue, ils avaient néanmoins méconnu
l’interdiction contractuelle de vendre par un autre intermédiaire aux acquéreurs ayant visité
le bien avec (le premier agent) ».
Ainsi, il suffit de mieux libeller l’interdiction et l’idée de concurrence entre les agents ne joue
plus… En réalité, et même si la Cour de cassation a dit le contraire, on peut émettre quelque
doute sur la compatibilité de ce genre de clause avec la nature du mandat non exclusif418. Au
moins, peut-on espérer que, devant la Cour de renvoi, les vendeurs débiteurs de l’indemnité
tireront parti, pour obtenir la révision à la baisse du montant de la clause pénale, du second
argument que mettait en avant l’arrêt censuré.
302 - Un autre arrêt, celui rendu par la première chambre civile le 25 novembre 2010,419
mérite d’être développé. Après avoir malmené l’idée de concurrence entre agents, la Cour
de cassation manque l’occasion de promouvoir leur collaboration.
L’arrêt statue sur l’hypothèse particulière qui met en scène deux agents, l’un détenant un
mandat de recherche et l’autre un mandat de vente. Le bien a finalement été acquis par
l’intermédiaire de l’agent immobilier du vendeur ; mais le mandataire de l’acquéreur
réclame sa commission à son client.
La Cour d’appel fait droit à sa demande, observant qu’il avait exécuté ses obligations en
faisant visiter le bien à son client, ce qui lui permet d’affirmer que l’opération a
effectivement été conclue par son entremise et qu’il n’a commis aucune faute. Mais son
arrêt est cassé. Pour la Cour de cassation : le mandataire de l’acquéreur, même s’il a
présenté le bien, n’est pas celui par l’entremise duquel l’opération a été effectivement
conclue ; il ne peut prétendre qu’à des dommages-intérêts à condition de prouver un abus
de la part du mandant. Mission impossible en l’espèce.
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fraude difficile à démontrer : le client pousse le tiers à contracter un mandat avec une autre
agence pour se mettre dans la situation d’un double mandat…
Ne serait-il pas plus judicieux, dans ce cas, de partager la commission entre les deux agents
immobiliers ? C’est ce que la pratique tend à généraliser, encouragée par la compétition
entre agents immobiliers franchisés et entre adhérents de bourses immobilières qui à
travers des partenariats vertueux inscrits dans leurs statuts nourris d’affectio societatis,
induisent de la transparence dans les rapports confraternels. C’est aussi la règle entre les
agents immobiliers indépendants qui ont compris que l’individualisme à tout crin est le
meilleur moyen de perdre sa commission en voulant trop gagner. L’union et le respect entre
professionnels est entré dans un mouvement irréversible de clarté ; seule la voie des bonnes
pratiques leur permettra de grignoter encore un peu les 20% de parts du marché immobilier
réalisés de particuliers à particuliers et de contrer les velléités de collusion entre agents
immobiliers peu scrupuleux et des particuliers qui tentent de profiter du travail et des
efforts de commercialisation d’autres agents immobiliers sans payer le montant de la
commission prévue. Ce qui est rendu encore possible aujourd’hui avec un mandat sans
exclusivité, deviendra peut-être chose impossible à l’avenir, si la proposition faite
récemment par deux parlementaires aboutit à interdire la vente immobilière en direct entre
particuliers.
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CHAPITRE 2
304 - La mission généralement confiée à l’agent immobilier par son mandant consiste à
trouver, selon qu’il s’agit d’un mandat de vente ou de recherche, un potentiel acquéreur ou
un potentiel vendeur et à négocier avec lui, dans les limites des pouvoirs qui lui sont
conférés, les termes d’un accord visant à parvenir à la signature d’un contrat de vente.
La réussite d’une telle mission est cependant loin d’être assurée, tant les modalités pour
parvenir à la conclusion du contrat de vente sont diverses et incertaines. A la vérité, la
formation du contrat de vente relève d’un mécanisme plutôt laborieux (section 1). Mieux,
même lorsque la vente est enfin signée par-devant notaire, l’agent immobilier ne saurait
clôturer définitivement le dossier de son intervention, car il demeure garant de la bonne fin
de la vente (section 2).
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Section 1 : L E LABORIEUX MECAN ISM E DE FORMATION DU CO NTRAT DE
VENTE
Laborieuse, la formation de la vente l’est également au titre des pièges qui jalonnent le
parcours qui mène à la signature de l’acte notarié. Même lorsque les parties se mettent
d’accord pour franchir avec succès l’étape préparatoire, le résultat final n’est pas
nécessairement acquis. En effet, toutes sortes d’incidents menacent l’entérinement définitif
de la vente par le notaire et font du processus de vente une opération marquée du sceau de
la fragilité (§2).
306 - Il ne fait aucun doute que l’acte préparatoire constitue un passage obligé de la
conclusion de la future vente. Après avoir constaté le caractère véritablement indispensable
de l’acte préparatoire (A), il conviendra d’examiner de près les différentes modalités que cet
acte est susceptible de revêtir (B).
307 - La qualification de la mission de l’agent immobilier est une fois de plus en cause, mais
sous un autre angle que celui abordé plus haut420. Il s’agit maintenant de savoir si l’agent
immobilier, chargé par son client de rechercher un immeuble ou d’en vendre un, est porteur
d’une offre dont l’acceptation, par une possible contrepartie découverte par l’agent
immobilier, réalisera automatiquement la conclusion de la vente.
La réponse implique de distinguer selon qu’il s’agit d’un mandat donné à l’agent immobilier
par un client qui le charge de rechercher un immeuble à acheter ou par un client qui le
charge de vendre un immeuble dont il est propriétaire.
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308 - Si l’agent immobilier détient un mandat de recherche d’immeuble, la réponse ne
souffre guère de difficulté. On n’a jamais vu la personne qui souhaite vendre un immeuble
correspondant aux caractéristiques du mandat de recherche donné à un agent immobilier
par son client, se rendre directement chez le notaire pour signer l’acte de vente. Une telle
démarche est en principe impensable.
En effet, à supposer que le mandat de recherche confié à l’agent immobilier soit porteur
d’une offre d’achat de la part du mandant, le caractère indéterminé de l’objet d’une telle
offre ruine toute possibilité que son acceptation puisse déboucher sur la conclusion de la
vente. En réalité, cette pseudo-acceptation ne débouchera au mieux que sur une entrée en
pourparlers.
A cet égard, il suffit d’imaginer que celui qui souhaite acquérir un bien immobilier qu’il a
repéré, préfère rester masqué le temps de la négociation du prix et, pour ce faire, donne un
mandat de recherche à un agent immobilier. L’intérêt d’une telle opération est purement
stratégique. Il s’agit de maintenir le propriétaire du bien convoité dans l’ignorance tant de
l’existence d’un candidat sérieux à l’acquisition de son bien que de la capacité financière
dudit candidat, de façon à éviter que le potentiel vendeur, subodorant la capacité financière
du futur acquéreur, se montre intraitable lors de la négociation du prix de vente.
Il est clair qu’en pareil cas rien ne s’oppose à ce que l’agent immobilier soit porteur d’une
offre d’achat, puisque celle-ci porte sur un bien déterminé.
309 - Telle est la solution retenue par un arrêt rendu par la première chambre civile de la
Cour de cassation le 29 mai 2013421.
En l’espèce, des époux désiraient acheter un domaine viticole qui n’était pas proposé à la
vente et dont ils connaissaient le propriétaire. A cette fin, ils avaient donné mandat à un
agent immobilier ; le mandat de recherche, qui ne comportait aucune exclusivité, était
consenti pour une durée de trois mois, renouvelable par tacite reconduction jusqu'à son
premier anniversaire ; il fixait le prix auquel les époux étaient disposés à acheter le domaine
et ceux-ci s'interdisaient pendant le cours du mandat et durant les dix-huit mois suivant son
expiration ou sa résiliation, de traiter directement ou indirectement avec un vendeur
présenté par le mandataire.
Les époux avaient même signé une offre d’achat valable deux mois, laquelle offre avait été
élaborée avec l’aide de l’agent immobilier et transmise par ce dernier au propriétaire du
domaine. Mais celui-ci, après avoir décliné l’offre d’achat, avait, à son tour, émis une offre
de vente à un prix supérieur, offre de vente que l’agent avait notifiée à ses mandants.
421 Voir en ce sens Civ., 1ère, 29 mai 2013, n° 12-17.172, Bull. I, n° 107.
Page 244
Pour l’agent immobilier, les choses en seraient restées là, s’il n’avait appris que,
postérieurement à l’expiration de son mandat, la vente avait finalement été conclue
directement entre les parties, aux conditions de l’offre de vente. Il avait alors assigné les
époux en paiement de sa commission ou à défaut d'une indemnité compensatrice égale au
montant de cette commission et obtenu gain de cause devant la Cour d’appel.
Dans leur pourvoi, les époux faisaient valoir qu’ils connaissaient antérieurement le vendeur
et que la vente avait été conclue après l’expiration du mandat et à un prix plus élevé. Mais la
Cour de cassation rejette le pourvoi.
Sa motivation mérité d’être citée in extenso : « attendu qu’ayant constaté que le mandat de
recherche portait sur un bien déterminé que les époux Y… convoitaient depuis plusieurs
années, qui constituait le seul objet possible de l’acquisition à laquelle l’agence Z… avait reçu
mission de s’entremettre, et retenu, hors toute dénaturation des conditions générales de ce
mandat, que cette mission recouvrant non pas la représentation d’un bien à vendre mais la
négociation de cette opération immobilière, avait été conduite avec succès par l’agence dont
l’entremise avait permis le rapprochement des parties, ce dont il résultait que son
intervention avait été déterminante, la Cour d’appel, a pu en déduire qu’en concluant
ultérieurement la vente au mépris de l’interdiction de négociation directe qui les frappaient
encore, pour une durée qui n’avait rien d’abusive, les mandants avaient manqué à leurs
obligations contractuelles en privant l’intermédiaire de la réalisation de l’acquisition dont ils
l’avait chargé, justifiant ainsi légalement sa décision d’accorder à ce dernier une indemnité
compensatrice de la commission dont cette faute l’avait privée ».
310 - Lorsque le mandat donné à l’agent immobilier est un mandat de vente, la situation
est plus compliquée.
Certes, on peut parfaitement concevoir que la personne qui veut acheter l’immeuble que
l’agent immobilier est chargé de vendre, se rende directement chez le notaire pour signer
l’acte de vente. C’est d’ailleurs ce que la jurisprudence a décidé dans un premier temps.
Ainsi, dans deux affaires relatives à la publication dans la presse d’une petite annonce
proposant à la vente un bien immobilier pour un prix déterminé, la première et la troisième
chambres civiles de la Cour de cassation ont décidé qu’il y avait eu acceptation d’une offre
de vente par le tiers qui y avait répondu positivement422.
Il n’est pourtant pas certain que cette jurisprudence puisse être regardée comme posant de
manière pertinente le principe que l’agent immobilier, détenteur d’un mandat de vente,
porte nécessairement une offre de vente dont l’acceptation par un tiers entraînerait la
conclusion de la vente. Pour le constater, il convient d’examiner ces deux décisions.
422 Voir Civ., 1ère , 7 fév. 1966, Bull. I, n° 91 et Civ., 3ème, 28 nov. 1968, Bull. III, n° 507.
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311 - Commençons par la décision la plus simple, celle rendue par la troisième chambre
civile le 28 novembre 1968423. D’emblée, une observation s’impose. Si l’arrêt énonce
solennellement que « l’offre faite au public lie le pollicitant à l’égard du premier acceptant
dans les mêmes conditions que l’offre faite à personne déterminée », il importe de
remarquer qu’en l’espèce, il n’était nullement question d’une vente impliquant
l’intervention d’un agent immobilier. En effet, c’était le propriétaire du bien qui avait, lui-
même, passé l’annonce destinée à le mettre en vente.
Dans ces conditions, on comprend que la Cour de cassation ait pu censurer la Cour d’appel.
Selon cette dernière, il convenait d’écarter la demande tendant à la régularisation de la
vente parce que « l’offre faite par voie de presse, d’un bien ne pouvant être acquis que par
une seule personne, ne saurait être assimilée à l’offre faite à personne déterminée, … elle
constituait seulement un appel à des amateurs éventuels et ne pouvait, en conséquence, lier
son auteur à l’égard d’un acceptant ». L’argument est excessif, car il revient à nier une
quelconque valeur à toute offre faite à personne indéterminée. C’est pourquoi, la Cour de
cassation le réfute sobrement : « en statuant par ce motif d’ordre général et alors même
qu’elle constatait que le bien n’était toujours pas vendu lorsque (son propriétaire) avait reçu
notification de l’acceptation, et sans relever aucune circonstance d’où elle ait pu déduire que
l’annonce constituait seulement une invitation à engager des pourparlers ou que l’offre
comportait des réserves, la Cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision »424.
312 - Poursuivons par l’arrêt de la première chambre civile en date du 7 février 1966425.
Cette fois, la décision concerne effectivement une situation dans laquelle intervient un agent
immobilier. Mais, il faut également remarquer que la solution retenue s’explique par les
particularités de l’espèce.
A la suite d’une annonce parue dans la presse le 27 juillet 1958, M. Kalaidjian accepta, le
même jour et par écrit, l’offre de vente de M. Signeyrollet, en reprenant les conditions de
payement proposées par l’annonce, soit « moitié comptant, moitié (à) crédit », et versa à
l’agent immobilier que l’annonce désignait un acompte de 600.000 anciens francs. Quelques
jours plus tard, le 30 juillet 1958, l’agent fit signer au tiers un compromis de vente et
détruisit le premier écrit. Or il se trouve que le compromis différait de l’écrit antérieur en ce
qu’il prévoyait le payement au comptant de la totalité du prix, ce qui eut pour conséquence
de faire capoter la vente.
Page 246
A la demande de M. Kalaidjian, le tribunal de grande instance et la Cour d’appel ont
successivement jugé que ce dernier ne s’était obligé à payer comptant que la moitié du prix ;
en conséquence, ils ont condamné M. Signeyrollet, comme responsable de la non-réalisation
de la vente, à lui verser un dédit de 12.000 francs.
Dans son pourvoi, M. Signeyrollet soutenait que d’une part, l’acte du 27 juillet 1958 était
une promesse unilatérale d’achat qui ne liait pas le vendeur éventuel, que d’autre part, le
contenu de cette promesse unilatérale d’achat non représentée, ne pouvait être prouvé par
témoins. Le vendeur faisait également valoir que l’agent n’était pas habilité à consentir une
vente en son nom et pour son compte ; il précisait aussi que nul ne peut se créer un titre à
soi-même, que l’arrêt impliquerait un renversement de la charge de la preuve et comportait
une erreur matérielle, ainsi que des motifs dubitatifs et d’ordre général. Enfin le vendeur
ajoutait que le contrat synallagmatique rédigé en un seul exemplaire, est seulement nul en
tant qu’instrumentum et que, d’ailleurs, la formalité prévue par l’article 1325 du code civil
n’est pas requise lorsque l’acte est déposé entre les mains d’un tiers.
Malgré cette cascade d’arguments, la Cour de cassation rejette le pourvoi. « (A)ttendu que la
Cour d’appel relève que la publicité au vu de laquelle il fut traité proposait la vente d’un
pavillon avec comptant de trois millions, plus crédit, que l’acompte versé le 27 juillet 1958
marque l’accord sur ces conditions de vente ; qu’elle fonde ainsi l’obligation de Signeyrollet
non sur l’acte signé le 27 juillet 1958 par le seul Kalaidjian, mais sur l’accord des volontés qui
résultait de l’acceptation par ce dernier de l’offre faite par Signeyrolle et dont elle constate
souverainement l’existence ; qu’il est, dès lors, sans intérêt de rechercher si Fare (l’agent
immobilier) avait mandat de vendre… ; qu’enfin, et contrairement aux allégations du pourvoi,
l’arrêt attaqué n’a pas jugé que le compromis du 30 juillet 1958 est nul en la forme, comme
ayant été rédigé en un seul exemplaire, mais s’est borné à dégager souverainement
l’intention des parties de l’ensemble des éléments de la cause ».
On ne saurait reconnaître à un tel arrêt une valeur de principe. Au fond, il s’agit simplement
de se dépêtrer d’une contradiction. D’un côté, il ne fait aucun doute que les parties sont
d’accord, l’une pour vendre, l’autre pour acheter ; mais d’un autre côté, il ne fait pas
davantage de doute que les parties ne sont pas d’accord sur les conditions de paiement du
prix. Comme ce désaccord trouve sa source dans le comportement du vendeur, lequel s’est
montré plus exigeant que ce qui était annoncé au départ, il est normal de le sanctionner. Or,
pour y parvenir, force est d’admettre que la vente a été conclue lorsque l’offre a été
acceptée.
313 - En réalité, il n’est pas du tout certain que le mandat de vente donné à un agent
immobilier implique que ce dernier porte nécessairement une offre de vente émanant de
son mandant. D’ailleurs, la Cour de cassation elle-même a été amenée à nuancer la solution
qu’elle avait adoptée dans son arrêt précité du 7 février 1966.
Dans une affaire où, même si l’intermédiaire n’était pas un agent immobilier mais un notaire
chargé de vendre le bien, la question est clairement posée de savoir si le mandat de vendre
emporte automatiquement une offre de vente faite au public dont l’acceptation par un tiers
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rendrait la vente parfaite, la troisième chambre civile de la Cour de cassation décide, le 17
juin 2009426, « qu’ayant constaté que le mandat donné par les époux X… donnait seulement
pouvoir au mandataire de mettre en vente l’immeuble et de trouver un acquéreur, sans
autorisation d’accepter une offre d’achat ni de conclure la vente, la cour d’appel, qui en a
exactement déduit qu’il s’agissait d’un contrat d’entremise, a retenu à bon droit qu’un tel
contrat ne pouvait être assimilé à une offre de vente qui aurait été transformée en une vente
parfaite par l’acceptation d’un éventuel acheteur ».
La solution s’impose d’autant plus qu’en pratique le cas plus fréquent est celui où la
recherche de l’acquéreur par l’agent immobilier se fait par voie de petites annonces. Dès lors
que la recherche s’adresse à des personnes indéterminées, il est douteux que le mandant ait
entendu se lier avec n’importe quelle personne qui répondrait positivement à l’annonce. En
effet, dans la vente immobilière où les enjeux sont importants, la question de la solvabilité
du futur acquéreur revêt une importance primordiale sur laquelle le vendeur ne saurait faire
l’impasse. Cela exclut que celui qui veut vendre son bien se trouve lié à la première personne
qui donnerait suite à l’annonce.
En d’autres termes, si offre il y a, celle-ci est naturellement assortie d’une réserve : il est
indispensable que l’acceptant d’une telle offre soit agréé par le vendeur. Au bout du
compte, c’est bien l’intuitus personae qui fait obstacle à la formation d’une vente parfaite
par suite de l’acceptation de l’offre.
314 - La cause est donc entendue : l’acte préparatoire apparaît comme un préalable
indispensable à la vente. Toutefois, de même que dans le mandat de recherche la phase
préparatoire peut exceptionnellement être écourtée lorsque le mandat s’analyse en une
offre d’achat portant sur un bien déterminé428, de même on peut imaginer l’hypothèse, rare
en pratique, dans laquelle le mandat de vendre donné à l’agent immobilier est assortie
d’une offre de vente à une personne déterminée. En pareil cas, celui qui souhaite vendre son
bien s’adresse simultanément à une personne déterminée et, par l’effet de l’annonce
publiée par voie de presse, à des personnes indéterminées.
Le procédé peut paraître bizarre. En réalité, il signifie seulement que le vendeur fait une
offre à quelqu’un de ses connaissances et prévient l’incertitude de l’acceptation de ladite
offre en proposant également son bien à des tiers inconnus. Si la personne destinataire de
l’offre l’accepte, alors la vente est parfaite.
Page 248
Mais il se peut aussi qu’une éventuelle négociation sur le prix s’instaure avec le destinataire
de l’offre. Dans ce cas, si la négociation aboutit, il y aura bien un acte préparatoire à la
vente. Mais, la négociation sera menée par l’agent immobilier. Apparaît ainsi un autre
avantage du procédé : à défaut de déboucher directement sur la conclusion de la vente, il
permet à celui qui veut vendre de rester en retrait, ce qui laisse à l’agent immobilier toute
latitude pour mener la négociation en fonction du degré de réceptivité du client pressenti.
Certes, le plus souvent, la signature de l’acte définitif devant le notaire est précédée par un
avant-contrat au sens classique du terme, promesse unilatérale de vente ou promesse
synallagmatique de vente. Mais il arrive aussi que le contrat conclu par les parties constitue
une véritable vente sous seing privé ; cependant, ce contrat, bien qu’il soit définitif, devra
être réitéré devant notaire qui ensuite le publiera pour que la vente soit opposable aux
tiers429.
Reste alors à préciser les cas qui donnent lieu à une promesse de contrat (1) ou à une vente
sous seing privé (2).
1 - La promesse de contrat
316 - L’exécution de son mandat par l’agent immobilier débouche le plus souvent sur une
promesse de contrat. Mais, pour que la promesse ait vocation à se transformer un jour en
un contrat de vente, il est indispensable qu’elle soit suffisamment précise quant à l’identité
des parties et la désignation du bien. Sinon, elle ne sera que l’amorce d’une nouvelle
promesse.
Cette cascade de promesses se vérifie en particulier dans le cas des promesses unilatérales
où la levée de l’option ne donne pas nécessairement lieu au contrat de vente, mais peut
aboutir à un nouvel avant-contrat : une promesse cette fois synallagmatique. D’où la
nécessité d’aborder les promesses unilatérales avant d’étudier la promesse synallagmatique.
429
Voir le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955, portant réforme de la publicité foncière dont l’article 4
précise que « Tout acte sujet à publicité dans un service chargé de la publicité foncière doit être dressé en
la forme authentique... ».
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a) Les promesses unilatérales
318 - Ainsi, qu’il s’agisse d’une promesse d’achat ou d’une offre d’achat, la durée de
l’engagement sera brève, de l’ordre de 8 à 15 jours, car l’objectif est, dans les deux cas,
d’amener le vendeur à formuler rapidement ses intentions. On sait que l’offre relève d’une
volonté unilatérale, susceptible d’être révoquée à tout moment aussi longtemps qu’elle n’a
pas fait l’objet d’une acceptation431 ; cependant, la jurisprudence a décidé que l’offrant
était, au nom de la sécurité juridique, tenu de maintenir son offre pendant le délai stipulé
ou, à défaut, pendant un délai raisonnable, sous peine d’engager sa responsabilité civile
envers le destinataire432. Quant à la promesse, elle indique nécessairement la durée pendant
laquelle le promettant s’engage à acheter et il va de soi que sa responsabilité contractuelle
sera mise en jeu s’il ne respecte pas sa promesse.
D’une part, allonger la durée d’engagement du promettant peut s’avérer inefficace pour
parvenir au résultat qu’il recherche, dans la mesure où le bénéficiaire de la promesse risque
de s’en servir pour faire monter les enchères avec d’autres candidats à l’acquisition de son
bien. D’autre part, depuis la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite SRU, l’article 1589-
1 du Code civil frappe «de nullité tout engagement unilatéral souscrit en vue de l’acquisition
d’un bien ou d’un droit immobilier pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un
versement, quelle qu’en soit la cause et la forme ». De la sorte, se trouve prohibée la
pratique ancienne qui permettait au promettant de faire un dépôt de garantie à l’appui de
sa promesse d’achat pour montrer le caractère sérieux de son engagement, lequel dépôt
constituait pour le bénéficiaire une indemnité d’immobilisation, si, après levée de l’option, le
Page 250
promettant ne réalisait pas l’opération promise et avait vocation à lui être restitué si le
bénéficiaire ne levait pas l’option433.
Autre point commun entre l’offre d’achat et la promesse d’achat, il n’est pas besoin de
procéder à la formalité de l’enregistrement. En effet, contrairement à la promesse
unilatérale de vente, la promesse unilatérale d’achat, à l’instar de l’offre d’achat, n’est pas
soumise à l’obligation de l’enregistrement et n’encourt donc pas la sanction de nullité
attachée à cette formalité par l’article 1589-2 du Code civil.
Enfin, s’il est prévu que le prix sera payé au moyen d’un crédit, l’acceptation de l’offre et la
levée de l’option de la promesse suffisent pour que l’acquéreur puisse faire les démarches
pour obtenir son crédit. Et bien entendu, dans les deux cas, l’obtention du crédit constituera
une condition suspensive de l’opération.
Cette solution présente néanmoins un intérêt pour l’agent immobilier. En effet, s’il détient
un mandat de vente portant sur ce même bien, la promesse d’achat d’un tiers lui permet de
bloquer l’affaire. Même lorsqu’il ne détient qu’un mandat simple de recherche d’un bien à
acquérir, la promesse d’achat signée par son client produit le même effet que si ce dernier
lui avait conféré un mandat exclusif, ce qui est appréciable lorsque le marché de l’immobilier
est tendu.
Enfin pour le bénéficiaire qui est souvent amené à se voir discuter le prix de vente qu’il
propose, la promesse d’achat, en figeant le montant et les conditions de la vente projetée,
permet de pallier les situations où il n’est pas possible de signer une promesse
synallagmatique de vente parce que, par exemple, une autorisation judiciaire est nécessaire
ou le vendeur n’est pas encore certain de vouloir vendre au prix proposé par le promettant.
Sans aucun doute, la promesse de vente est avantageuse pour le bénéficiaire auquel elle
offre un temps de répit appréciable, qui lui permet d’effectuer sereinement diverses
démarches préalables et nécessaires à sa future acquisition : formalités de demande de prêt,
de congé à son bailleur, etc…, le promettant s’interdisant de vendre son bien pendant le
délai de la promesse. Comme le délai d’option peut s’avérer insuffisant pour effectuer les
démarches visées par les conditions suspensives, la promesse peut prévoir une durée de
433Voir pour une hypothèse de restitution du dépôt lorsque le bénéficiaire n’a pas levé l’option, Civ. 3 ème,
13 mai 1998, Bull. III, n° 103.
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prorogation ; à défaut de l’avoir mentionnée, le juge du fond apprécie souverainement
l’intention des parties sur ce point434.
En revanche, on peut s’interroger sur l’avantage que retire celui qui souhaite vendre son
bien du recours à la promesse unilatérale de vente.
Il est clair que celui qui met en vente un bien par le truchement d’un agent immobilier n’a
guère d’intérêt à se lier ainsi envers un candidat acquéreur que lui aurait présenté l’agent 435.
Mais s’il le fait, cela profitera surtout à l’agent immobilier qui détient un mandat simple de
vente. En effet, la conjonction d’un mandat simple de vente et de la promesse unilatérale de
vente du mandant envers un potentiel acquéreur présenté par l’agent produit le même effet
que si le mandant avait donné à l’agent un mandat exclusif : désormais le promettant a
perdu toute possibilité de vendre à quelqu’un d’autre.
De même, lorsque l’agent immobilier détient un mandat de recherche d’un bien à acquérir,
la signature d’une promesse unilatérale de vente lui permet de bloquer le vendeur pendant
la durée du délai d’option dont bénéficie son mandant et de lui présenter en toute sérénité
le bien objet de la promesse de vendre. Mais il est probable qu’en pareil cas le promettant
qui entend que la vente se réalise, exigera en contrepartie de son engagement de vendre
une promesse d’achat, en sorte qu’il y aura deux promesses croisées, l’une de vente et
l’autre d’achat.
Ensuite, la chambre commerciale s’est prononcée avec davantage de fermeté en cassant, sur
le visa des articles 1134 et 1589 du Code civil, la décision d’une Cour d’appel qui avait retenu
que « les engagements constituaient un échange de promesses unilatérales de vente et
d’achat devenues caduques à l’expiration du délai imparti à chacune des parties pour lever
l’option... alors que l’échange d’une promesse unilatérale d’achat et d’une promesse
unilatérale de vente réalise une promesse synallagmatique de vente valant vente définitive
dès lors que les deux promesses réciproques ont le même objet et qu’elles sont stipulées dans
les mêmes termes »437.
Page 252
322 - Encore faut-il que les deux promesses en sens contraire coïncident parfaitement. Or
un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 26 juin 2002
montre que ce n’est pas toujours le cas438. L’affaire mérite d’être développée, car elle
concernait des promesses unilatérales ayant pour objet des parts de SCI.
Leur demande est rejetée : pour qu’une telle circonstance confère le caractère d'une
promesse synallagmatique à deux promesses unilatérales, il est impératif que ces dernières
portent sur le même objet et soient stipulées aux mêmes conditions. Or, si les promesses
avaient bien le même objet, à savoir la cession aux époux exploitants des parts détenues par
les autres associés de la SCI, les conditions d’exécution des deux promesses étaient
totalement différentes. Ainsi, la promesse de vente consentie au bénéfice des époux ne
pouvait être mise en œuvre qu’à partir de la huitième année ayant suivi la prise d’effet du
contrat de crédit-bail, alors que la promesse d’achat souscrite par les époux ne valait que
dans l’hypothèse de non achèvement du local commercial par les époux et de l’impossibilité
de prise d’effet du contrat de crédit-bail avant une date butoir.
Dès lors, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel a exactement déduit de ce défaut
de coïncidence que la promesse de vente au profit des époux demeurait une promesse
unilatérale et, partant, qu’elle était nulle, faute d’avoir respecté les formalités prévues à
l'article 1589-2 du Code civil.
Le texte ajoute que la nullité s’applique, aux mêmes conditions, en cas de cession d’une
promesse.
Page 253
324 - S’agissant d’éviter la nullité pour défaut d’enregistrement d’une promesse unilatérale
de vente d’un bien immobilier, un autre arrêt, rendu cette fois par l’assemblée plénière de la
Cour de cassation, mérite d’être pris en considération, car il est particulièrement instructif.
Dans cet arrêt, en date du 24 février 2006, l’assemblée plénière se prononce sur une
promesse unilatérale de vente d’un bien immobilier qui présentait la particularité d’être
incluse dans une transaction441.
En l’espèce, une commune et une société étaient en litige au sujet d’une vente immobilière
conclue précédemment. Pour mettre fin à leur litige, les parties avaient signé un protocole
d’accord, aux termes duquel la commune s’engageait à céder à la société divers terrains et
bâtiments sous condition suspensive de la construction d’un hôtel. Mais, par la suite, la
commune qui ne souhaitait plus vendre, excipa de la nullité de la promesse unilatérale de
vente pour défaut d’enregistrement dans les dix jours de son acceptation par son
bénéficiaire. La société engagea alors une action en justice afin de faire constater le
caractère synallagmatique de l’accord.
La Cour d’appel estima que la promesse de vente était nulle, car le protocole d’accord ne
comportait pas, en contrepartie de l’engagement de la commune de vendre, un engagement
corrélatif d’acheter à la charge de la société. Pour la Cour d’appel, « la circonstance que la
promesse est incluse dans une transaction ne peut avoir pour effet de remettre en cause son
caractère unilatéral et n’implique nullement pour le bénéficiaire l’obligation d’acheter et que,
s’agissant d’une promesse unilatérale, la commune … est bien fondée à opposer à la (société)
les dispositions de l’article (1589-2 du Code civil) ».
Son arrêt est censuré sur le fondement des articles 1589-2, 2044 et 2052 du Code civil : « en
statuant ainsi, alors que la transaction est une convention ayant entre les parties autorité de
la chose jugée, stipulant des engagements réciproques interdépendants, dont la promesse de
vente n’est qu’un élément, de sorte que l’article (1589-2 du Code civil) est sans application, la
cour d’appel a violé les textes susvisés ».
325 - Certes, l’assemblée plénière se garde bien d’affirmer qu’une promesse unilatérale
comprise dans un contrat complexe devient une promesse synallagmatique. Mais elle
affirme solennellement qu’une telle promesse n’a pas à être soumise, à peine de nullité, à la
formalité de l’enregistrement. Ce faisant, la Cour de cassation manifeste toute l’étendue de
sa réticence à faire usage de la nullité prévue par l’article 1589-2 du Code civil. L’on ne
saurait la blâmer : puisque le législateur fiscal se permet d’introduire des causes de nullité
que le législateur civil ne connaît pas, ces causes nouvelles doivent être d’interprétation
restrictive.
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de substitution n’ayant pas le caractère d’une cession, n’entre pas dans le domaine
d’application de l’article 1589-2442. Elle a également pris soin de proclamer que la faculté de
substitution n’exerce aucune influence sur le caractère unilatéral ou synallagmatique de la
promesse443.
326 - Il s’agit de la promesse unilatérale de vente qui, bien évidemment, n’a pas été
enregistrée, mais qui comporte une clause mettant à la charge du bénéficiaire le versement
d’une indemnité d’immobilisation, laquelle représente le prix de l’exclusivité qui lui est
consentie pendant le délai d’option. La plupart du temps, les promesses unilatérales de
vente contiennent une telle clause qui précise que l’indemnité sera conservée par le
promettant si le bénéficiaire choisit de ne pas lever l’option et que, dans le cas contraire, elle
s’imputera sur le prix de vente.
Une telle clause échappe sans aucun doute à la nullité prévue par l’article 1589-1 du Code
civil444, dans la mesure où le texte prohibe seulement l’engagement du promettant à
effectuer un versement quelconque. Or, ici, c’est le bénéficiaire de la promesse qui verse au
promettant le montant de l’indemnité. Mais qu’en est-il de la nullité édictée par l’article
1589-2 ?
A notre avis, il y a fort à parier que, s’inscrivant dans la suite logique de sa jurisprudence
antérieure, la Cour de cassation devrait, si elle était saisie d’un tel litige, décider que la
nullité ne s’applique pas. Mais la justification de la solution serait plus délicate.
Quel serait en effet le fondement d’une telle solution ? La promesse unilatérale serait-elle
devenue synallagmatique par l’effet de la clause d’indemnisation ? Cela paraît douteux 445:
un tel résultat ne se produit que par le croisement de deux promesses unilatérales rédigées
dans les mêmes termes. En réalité, la promesse demeure unilatérale ; mais elle s’inscrit dans
un ensemble plus vaste, un contrat innomé constitué d’une part de la promesse et d’autre
part de la fameuse obligation d’immobilisation. Dès lors, c’est par l’inclusion de la promesse
dans un contrat synallagmatique que celle-ci évite la nullité prévue à l’article 1589-2.
b) La promesse synallagmatique
442 Voir en ce sens, Civ. 3ème, 19 mars 1997, Bull. III, n° 68.
443 Voir en ce sens, Civ. 3ème, 28 juin 2006, Bull. III, n° 166.
444 Voir supra, n° 317 - .
445 Sauf si l’indemnité est si importante par rapport au prix de vente qu’elle prive le bénéficiaire de la
promesse unilatérale de vente de sa liberté d’acheter ou de ne pas acheter : voir en ce sens Civ. 3ème, 26
sept. 2012, n° 10-23912, inédit.
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Les pourparlers ont une durée et une intensité variables, qui augmentent ou diminuent
selon que les parties trouvent un intérêt ou non à poursuivre la relation amorcée ; ils
évoluent en fonction des points qui sont à négocier ou encore en attente de réponses. Dans
la gradation ascendante des intentions visant à la conclusion d’un accord, les pourparlers
constituent la phase préliminaire des relations contractuelles ; les parties se placent
véritablement dans une perspective de conclure l’opération projetée, mais elles butent
souvent sur divers problèmes non résolus qui empêchent l’accord d’être parfait.
En matière de vente par l’entremise d’un agent immobilier, la phase des pourparlers débute
par l’approche qu’effectue l’agent immobilier auprès d’une potentielle contrepartie de son
client. Si cette approche se révèle fructueuse, elle est suivie de rencontres et d’entretiens, à
deux ou à trois si le client y participe, en vis-à-vis direct ou par échange de courriers. A la
suite de ces contacts, il est fréquent que l’une des parties manifeste, par une lettre ou par
message informatique, sa volonté d’acheter ou de vendre un bien immobilier.
Bien entendu, une telle manifestation est impuissante, en raison de son caractère unilatéral,
à former l’engagement contractuel. Et même si l’autre partie y adhère, par exemple en
contresignant le document en question, il est douteux, en raison de son incomplétude, qu’il
constitue un véritable échange des consentements en vue de la vente ; les rapports entre les
deux signataires demeurent alors au stade de pourparlers, comme l’a décidé la Cour d’appel
de Paris à propos d’une proposition lapidaire d’acquérir un bien immobilier sous forme de
lettre d’intention contresignée par le vendeur446.
La phase de pourparlers durant laquelle les parties cherchent à trouver les bases de leur
accord, est placée sous le double signe de la loyauté et de la liberté. De la loyauté, naît la
confiance ; si la confiance fait défaut, la négociation tourne vite court. De la liberté, découle
le pouvoir de rompre à tout moment les pourparlers sans engager sa responsabilité ;
cependant, il se peut que, dans certains cas, la partie qui rompt les pourparlers commette
une faute qui l’obligera à réparer, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, le
préjudice causé à l’autre partie.
Par exemple, une partie ne doit pas donner à l’autre de faux espoirs, qui amèneraient la
seconde à exposer des frais ou à faire des démarches inutiles, alors que la première n’a
aucune réelle intention de réserver une suite favorable à la négociation et finira par rompre
les pourparlers pour contracter avec quelqu’un d’autre. En pareil cas, la première engage sa
responsabilité civile délictuelle envers la seconde447.
446 Paris 2ème ch. civ. A, 22 juin 2005, R.G. n° 03/2869. En l’espèce, la Cour a considéré que l’accord porté
par la venderesse sur la proposition d’achat lapidaire du 18 mars 2002 formulée par l’acquéreur qui
évoquait la signature prochaine d’une promesse de vente, ne constituait qu’une amorce de pourparlers
pour parvenir à un accord définitif sur la chose et les modalités de paiement du prix, pourparlers qui
n’ont jamais abouti en raison de multiples difficultés entre les parties.
447
Voir en ce sens Civ. 3ème, 3 octobre 1972, n° 71-12.993, Bull. III, n° 491. En l’espèce, de longs
pourparlers se sont déroulés entre une SCI propriétaire de locaux à usage commercial et une société
désireuse de les acheter si certaines modifications y étaient apportées. La SCI procède aux modifications,
mais la société rompt les pourparlers et finit par acheter d’autres locaux. La Cour d’appel déboute la SCI de
son action en dommages-intérêts, faute pour celle-ci de rapporter l’intention de nuire de la société. La
Cour de cassation censure sa décision : la responsabilité délictuelle prévue aux articles 1382 et 1383 du
Code civil peut être retenue en l’absence d’intention de nuire.
Page 256
328 - Lorsque les pourparlers aboutissent, une promesse synallagmatique de vente est
signée. Un tel contrat, que la pratique désigne souvent par le vocable impropre de
« compromis », contient le plus souvent la totalité des éléments requis pour la conclusion du
contrat de vente. Donc, une telle promesse synallagmatique devrait, conformément à
l’article 1589 du Code civil, valoir vente et l’agent immobilier, par l’entremise duquel la
promesse a été passée, devrait pouvoir percevoir sa rémunération. Or, en matière de
promesses synallagmatiques de vente, la jurisprudence distingue entre celles qui valent
vente et celles qui ne valent pas vente, écartant du même coup l’application de l’article
1589. Par conséquent, même si les parties sont d’accord sur la chose et sur le prix, la vente
n’est pas parfaite, contrairement à ce qu’affirme l’article 1583 du Code civil.
L’éviction des articles 1583 et 1589 du Code civil s’explique certes par le caractère supplétif
des deux textes. De même qu’il a toujours été admis qu’une clause du contrat de vente
pouvait retarder le transfert de propriété, de même il est parfaitement concevable qu’une
clause de la promesse synallagmatique de vente empêche de lui reconnaître la valeur d’une
vente.
Pourtant, s’il n’existe aucune objection à écarter les articles 1583 et 1589 en présence d’une
clause de la promesse qui subordonne expressément l’existence de la vente à la signature de
l’acte authentique, la situation n’est pas toujours aussi claire.
329 - Sur le principe, il n’y a aucune hésitation : c’est effectivement la volonté des parties
qui permet de dire si la promesse synallagmatique de vente vaut ou ne vaut pas vente. En
effet, il s’agit de déterminer la portée que les parties ont entendu conférer à la signature de
l’acte authentique : simple modalité d’exécution de la vente ou véritable condition de leur
consentement à la vente. Comme le soulignent les arrêts de la Cour de cassation, si, après
avoir constaté l’accord des parties sur la chose et sur le prix, il n’existe pas « d’autres
circonstances de nature à démontrer que les parties avaient fait de la réitération par acte
notarié un élément constitutif de leur consentement »448, alors la promesse vaut vente. A
l’inverse, si « toutes les pièces signées … par les parties ne f(o)nt mention que d'une vente au
jour de la signature de l'acte authentique et de simples intentions de vendre et
d'acquérir »449, alors la promesse ne vaut pas vente.
Malheureusement, l’application du principe est plus délicate, tout simplement parce que, le
plus souvent, la promesse ne fournit aucun élément véritablement significatif de ce qu’ont
voulu les parties. Sur quelles bases entamer alors la recherche de leur volonté ?
A notre avis, il ne sert à rien de se fier, pour déterminer si la signature de l’acte notarié
constitue une condition de la vente ou une simple modalité de son exécution, à la seule
448 Civ. 3ème, 20 déc. 1994, n° 92-20878, Bull. III, n° 229 ; Civ. 3ème, 28 mai 1997, n° 95-20098, Bull. III, n°
123.
449 Civ. 3ème, 17 juil. 1997, n° 95-20064, inédit.
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terminologie employée par les parties dans leur convention. Bien sûr, si l’une a déclaré
vendre tandis que l’autre déclarait acheter, il est clair que l’acte notarié n’est qu’une
modalité d’exécution de la vente ; mais il est également clair qu’en pareil cas, on ne se
trouve pas en présence d’une promesse synallagmatique de vente, mais d’un contrat de
vente sous seing privé. Dès lors, la question de la promesse valant ou ne valant pas vente ne
se pose pas puisque, par hypothèse, les parties se sont placées en dehors du champ de
l’article 1589. Maintenant, lorsque l’acte des parties mérite véritablement la qualification de
promesse synallagmatique de vente, force est de constater qu’il n’y a rien à déduire des
formulations qu’elles ont utilisées. Il n’y a, en effet, pas lieu de traiter différemment la
promesse dans laquelle les parties ont déclaré promettre l’une de vendre, l’autre d’acheter,
et la promesse dans laquelle elles ont déclaré s’engager l’une à vendre, l’autre à acheter,
parce que les deux formules disent la même chose.
Il importe donc, pour déterminer la commune volonté des parties, de se référer à des
éléments plus consistants. Lesquels ?
330 - On peut imaginer que la convention des parties livre des indices sur ce qu’il est
raisonnable de penser qu’elles ont réellement voulu. Par exemple, dans les promesses de
cession de fonds de commerce ou d’actions, le recours à un acte notarié réitérant la
promesse ne s’impose pas. Dès lors, le fait que les parties aient prévu une réitération par
acte authentique accrédite l’idée que le passage devant notaire est un élément constitutif de
leur consentement à la vente450.
Mais un argument de ce genre ne fonctionne pas pour les promesses de vente de biens
immobiliers où le recours à un notaire est un passage obligé du processus de vente ; il
importe donc de trouver d’autres éléments susceptibles d’éclairer la commune volonté des
parties.
A cet égard, la clause de dédit que les parties peuvent introduire dans la promesse n’est pas
d’un grand secours pour dire si la promesse synallagmatique vaut ou ne vaut pas vente. Une
telle clause, susceptible de figurer même dans un acte de vente sous seing privé, ne saurait
exercer la moindre influence sur la qualification de la promesse synallagmatique de vente.
Au surplus, lorsque la promesse est rédigée par un agent immobilier, il est douteux que ce
dernier insère dans le contrat une clause aussi néfaste pour le versement de ses honoraires.
450 Voir par exemple Com. 25 sept. 2012, n° 11-24524, inédit. A propos de la promesse synallagmatique
portant sur la cession d’un fonds de commerce de restaurant, la chambre commerciale estime que c’est
par une interprétation souveraine de la portée d’une clause prévoyant la réitération par acte authentique,
que la Cour d’appel a décidé que les parties avaient subordonné l’existence du contrat de vente à la
signature d’un acte authentique.
451 Civ. 3ème, 20 déc. 1994, préc. et Civ. 3ème, 28 mai 1997, préc.
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juger que la promesse ne valait pas vente. Chaque fois, l’arrêt est cassé : en substance, la
troisième chambre civile considère que manque de base légale, au regard de l’article 1589,
la décision d’appel qui retient que l'énoncé dans la promesse de vente de l'intention des
parties de ne transférer la propriété du bien qu'à compter de la signature de l'acte
authentique de réalisation empêche la promesse de valoir vente.
Mieux, même si la clause retardant le transfert de propriété est jumelée à une clause
précisant que l’accord ne prendra son effet définitif qu’après avoir été entériné par un
notaire, cela ne suffit pas à démontrer que la solennité d'un acte notarié est nécessaire pour
engager vendeur et acquéreur dans les liens du contrat définitif. C’est ce qu’a décidé la
troisième chambre civile de la Cour de cassation à l’occasion d’une affaire revenue deux fois
devant elle452. La première fois, elle a censuré l’arrêt d’appel qui refusait de regarder la
promesse comme valant vente. La seconde fois, elle a rejeté le pourvoi contre l’arrêt d’appel
qui retenait souverainement que les parties à la promesse s'étaient, dès ce moment,
entendues sur la chose et sur le prix et que si elles avaient prévu l'entérinement de l'acte par
un notaire, il ne résultait ni des dispositions de cet acte ni des circonstances de la cause
qu'elles avaient voulu faire de cette modalité accessoire un élément constitutif de leur
consentement.
331 - En revanche, la solution est différente lorsque la promesse contient une clause
mentionnant une date butoir pour sa réitération devant notaire. Toute une série d’arrêts de
la troisième chambre civile, série s’égrainant de 1983 à 2011, estime que la présence d’une
date butoir pour la signature de l’acte authentique est significative de la volonté des parties
de subordonner la vente à l’établissement de l’acte authentique.
Le premier arrêt, rendu le 2 février 1983, rejette le pourvoi contre un arrêt d’appel aux
motifs que « recherchant la commune intention des parties, l'arrêt retient hors la
dénaturation prétendue que selon l'acte sous seing privé la réalisation de la vente et le
transfert de propriété étaient subordonnés à l'établissement d'un acte authentique avant le
1er janvier 1978 »453.
Le troisième arrêt, rendu le 12 octobre 1994, considère que les parties avaient entendu faire
de la signature de l'acte authentique la condition même de leur engagement parce que,
recherchant la commune intention des parties, la Cour d’appel avait « souverainement
retenu que du rapprochement des correspondances échangées postérieurement à cet acte, il
résultait que dans l'esprit des deux parties il avait été décidé du report de la vente et du
transfert de propriété à la date de signature de l'acte authentique et que l'acte de cession
452 Civ. 3ème, 5 janv. 1983, n° 81-14890, Bull. III, n° 7 et Civ. 3ème, 14 janv. 1987, n° 85-16306, inédit.
453 Civ. 3ème, 2 fév. 1983, n° 81-12036, Bull. III, n° 34.
454 Civ. 3ème, 14 janv. 1987, n° 85-14769, inédit.
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devait être régularisé dans le meilleur délai »455.
Selon le quatrième arrêt du 10 mai 2011, « si les parties avaient donné à la date du 8 août
2000 leur consentement réciproque à la vente de parcelles de terre, par ailleurs non
identifiées par leurs références cadastrales, elles avaient entendu subordonner la formation
définitive de ce contrat à la date de la rédaction de l'acte authentique dans un délai
donné »456.
Il est effectivement raisonnable de penser que si les parties prennent la peine, lors de la
rédaction de la promesse, de fixer une date butoir pour la signature de l’acte authentique,
c’est bien parce qu’elles accordent de l’importance à l’acte authentique. Or une telle
importance implique que, du même coup, elles écartent la règle selon laquelle la promesse
synallagmatique de vente vaut vente et font de la signature de l’acte authentique un
élément constitutif de leur consentement à la vente.
L’explication est cohérente, sauf que les parties n’ont jamais rien dit de tel. La cohérence
n’est donc qu’un artifice qui permet d’occulter le fait que toute recherche de volonté des
parties, dès lors que celles-ci ne se sont pas exprimées en des termes dépourvus
d’ambiguïté, ne sera jamais que ce que le juge veut faire dire aux parties. La méthode n’est
cependant pas condamnable lorsque le magistrat n’a pas d’autre choix que celui de faire dire
aux parties ce qu’elles n’ont pas nécessairement dit.
332 - Pourtant, il existe une autre lecture de la mention d’une date butoir dans la
promesse de vente. Surtout, cette lecture ne repose pas sur le subjectivisme inhérent à
l’interprétation de la volonté des parties ; elle est imposée par l’application des principes de
droit commun en matière de contrats.
Il est en effet certain qu’en indiquant dans la promesse une date butoir pour la signature de
l’acte authentique, les parties ont entendu fixer un terme extinctif à leur promesse. Il est
tout aussi certain que lorsque la date butoir est dépassée et que l’acte notarié n’a toujours
pas été dressé, la promesse est frappée de caducité, car elle a cessé de produire effet457.
Il est alors clair que la mention dans la promesse d’une date butoir joue un rôle essentiel.
Pour autant, la présence d’une date butoir ne signifie pas nécessairement que les parties ont
entendu subordonner la formation du contrat de vente à la signature de l’acte authentique ;
elle signifie seulement qu’une fois passée la date butoir, la promesse sera éteinte et ne
produira plus aucun effet. Autrement dit, la date butoir n’apporte aucune réponse à la
Page 260
question de savoir si la promesse vaut vente ou pas ; elle limite seulement la durée de vie de
la promesse.
Il est remarquable de constater que l’analyse de la date butoir en tant que terme extinctif de
la promesse n’a pas échappé à la Cour de cassation. Ainsi, dans l’arrêt du 2 février 1983, la
troisième chambre civile qualifie la date butoir de « terme formel s’imposant aux parties »
par l’arrivée duquel la Cour d’appel a pu déduire la caducité de la promesse 458 ; de même,
dans l’arrêt du 10 mai 2011, la Cour de cassation estime que la date était « une date butoir
au delà de laquelle les promesses de vente et d'achat consenties par les parties devenaient
caduques »459.
Ce dernier arrêt présente un autre intérêt qui mérite d’être souligné, car il touche à la
nature de la promesse affectée d’une date butoir. En rejetant le pourvoi dirigé contre l’arrêt
d’appel qui avait décidé que « la vente était affectée d'un terme comme devant être réalisée
au plus tard dans le mois qui suivrait la date d'expiration du délai dont disposait la S.A.F.E.R.
pour exercer son droit de préemption »461, la Cour de cassation admet implicitement, mais
nécessairement, que la promesse synallagmatique vaut vente malgré la présence d’une date
butoir.
333 - Alors, comment expliquer que la Cour de cassation, qui a parfaitement compris que
la date butoir constitue un terme extinctif de la promesse et qu’elle est sans incidence sur le
point de savoir si la promesse vaut ou ne vaut pas vente, continue à voir dans la mention de
la date butoir l’expression d’une volonté des parties selon laquelle la promesse ne vaudrait
pas vente ?
A notre avis, la raison, tout à fait louable, est d’ordre fiscal. C’est pour éviter aux parties
d’avoir à payer les droits d’enregistrement que la Cour de cassation décide que la promesse
contenant une date butoir ne vaut pas vente. En effet, si la promesse vaut vente, les droits
d’enregistrement sont dus, conformément à l’article 635 du Code général des impôts, dans
le mois qui suit la conclusion de la promesse. Mais si celle-ci contient une date butoir pour la
signature de l’acte authentique et si, la date butoir n’ayant pas été respectée, l’une des
parties se prévaut de la caducité de la promesse, il ne fait aucun doute que l’acte
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authentique ne sera jamais signé et que le transfert de propriété ne sera jamais efficient.
Dans ces conditions, il serait inéquitable de permettre au fisc de réclamer le versement des
droits d’enregistrement pour une mutation qui n’a existé que sur le papier et de façon
éphémère.
En l’espèce, la commune du Touquet a vendu, en juin 1983, des terrains à une SCI,
moyennant une certaine somme et la remise, à titre de dation en paiement, d’un local situé
dans un bâtiment à construire par la SCI. Dans la convention ne figure aucune date butoir
pour la signature de l’acte authentique ; il est simplement prévu que la vente sera entériné
par un notaire. Probablement dépité de ne pouvoir disposer rapidement du local promis, le
maire écrit à la SCI, en avril 1984, qu'en l'absence de signature de l'acte authentique à la
date prévue, la convention était caduque. De fait, la commune revendra les terrains à un
autre acquéreur en 1989, alors même que la SCI l’avait assignée en réalisation forcée de la
vente.
La Cour d’appel prononce la caducité de la vente parce que l’acte authentique n’a pas été
établi dans le délai raisonnable dont les parties étaient convenues. Dans son pourvoi, la SCI
observe qu’aucun délai n’a jamais été fixé. Mais son pourvoi est rejeté : « ayant relevé que
l'acte du 17 juin 1983 prévoyait, sous la rubrique "conditions", l'entérinement de la vente par
un notaire et, recherchant la commune intention des parties, souverainement retenu que du
rapprochement des correspondances échangées postérieurement à cet acte, il résultait que
dans l'esprit des deux parties il avait été décidé du report de la vente et du transfert de
propriété à la date de signature de l'acte authentique et que l'acte de cession devait être
régularisé dans le meilleur délai, la cour d'appel, qui a pu en déduire que les parties avaient
entendu faire de la signature de l'acte authentique la condition même de leur engagement et
que cet acte n'ayant pas été établi dans le délai raisonnable convenu, la convention était
devenue caduque, a, sans violer le principe de la contradiction, ni dénaturer l'acte litigieux et
abstraction faite du motif surabondant relatif à la portée de la lettre du 9 avril 1984,
légalement justifié sa décision ». De l’art de fabriquer de toutes pièces une fausse date
butoir…
334 - Reste que la jurisprudence qui interprète la date butoir comme significative de la
volonté des parties de subordonner leur consentement à la vente à la rédaction de l’acte
notarié, n’arrange pas les affaires de l’agent immobilier. En effet, lorsqu’il est chargé de la
rédaction de la promesse, l’agent a plutôt intérêt, s’il veut garantir le versement de ses
honoraires, à choisir une formule de promesse qui vaut vente. Mais, comme il est fréquent
qu’à la demande de l’une ou l’autre des parties à la vente, désireuse de voir l’opération
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bouclée au plus vite, la promesse mentionne l’existence d’une date butoir, la convention
sera alors considérée comme une promesse ne valant pas vente. Du coup, la formation de la
vente sera reportée au jour de la signature de l’acte authentique, avec le risque que cette
signature n’ait jamais lieu463, ce qui compromettra ou, à tout le moins, compliquera
sérieusement le droit de l’agent à percevoir sa rémunération464.
335 - Parmi les hypothèses où l’acte préparatoire prend la forme d’une vente sous seing
privé, les plus intéressantes sont celles qui ont été construites à partir d’une offre. Certes, on
a vu qu’en principe l’agent immobilier n’est pas porteur d’une offre émanant de son
mandant465 ; pour autant, s’il est normalement exclu que la vente se forme par l’acceptation
d’une offre, il arrive que certaines circonstances particulières modifient la donne.
Outre les circonstances précédemment évoquées sur lesquelles il est inutile de revenir 466, il
importe ici d’aborder des cas plus originaux où il y a matière à acceptation d’une offre, telle
l’offre de vente en exécution d’un pacte de préférence ou encore l’offre d’achat en réponse
à des pourparlers initiée dans le cadre d’un mandat de vente ou de recherche.
336 - Le pacte de préférence est un curieux contrat. S’il a pour objet la conclusion d’un
futur contrat de vente, la personne qui s’engage à vendre, reste libre de ne pas vendre ; elle
s’engage seulement, pour le cas où elle se déciderait à vendre, à traiter en priorité avec le
bénéficiaire du pacte. Au fond, le pacte de préférence est un avant-contrat d’une nature
juridique ambiguë467 ; c’est aussi un contrat qui soulève la question de la sanction de son
contestée par certains auteurs qui lui reconnaissent dans certains cas celle de promesse synallagmatique ;
voir Collart Dutilleul, « Les contrats préparatoires à la vente d’immeuble », ibid. supra, pp. 132 et s, qui
émet des réserves car la cause du pacte de préférence peut trouver sa source dans une obligation exécutée
du bénéficiaire (notamment des travaux mis dans le bail à la charge du locataire), ce qui en ferait un
contrat synallagmatique ; adde Mainguy, « La violation du pacte de préférence, droit et patrimoine 2006,
n° 144), qui évoque l’hypothèse où le pacte de préférence met à la charge du bénéficiaire des obligations
« allant jusqu’à envisager une indemnité de préférence ». Cependant, le principal obstacle à son
assimilation à une promesse de vente réside, à notre avis, dans le fait que les conditions de la vente,
notamment le prix, y sont rarement déterminées.
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inexécution lorsque le vendeur a, en violation du droit de préférence qu’il a consenti au
bénéficiaire, vendu le bien à un tiers468.
337 - Si l’offre de vente en exécution d’un pacte de préférence demeure une hypothèse
totalement marginale, en revanche l’offre d’achat du tiers qui a visité un bien que l’agent
immobilier est chargé de vendre, se rencontre fréquemment en pratique. Moins fréquente,
mais tout aussi concevable, est l’hypothèse d’une offre d’achat émise par le mandant qui a
confié à l’agent un mandat de recherche et qui après avoir découvert, parmi les biens
présentés par l’agent, celui qui lui convient, décide de l’acheter.
468 La sanction de la violation d’un droit de préférence varie en considération de la bonne ou mauvaise foi
du tiers acquéreur. S’il est de bonne foi, le droit du bénéficiaire lui est inopposable selon le principe de
l’effet relatif du contrat (C. civ. art. 1165). Il en résulte que la vente conclue en violation du pacte de
préférence reste valable, le bénéficiaire ne peut obtenir que des dommages-intérêts sur le fondement de la
responsabilité contractuelle du promettant qui n’a pas respecté sa promesse (voir Civ. 3ème, 24 mars 1999,
n° 96-16040, Bull. III, n° 81 ; Civ. 1ère, 5 mai, n° O1-15812). Si le tiers est de mauvaise foi parce qu’il a
acquis le bien en connaissance du pacte de préférence et en sachant que le bénéficiaire entendait exercer
son droit de préférence, ce dernier peut exiger l’annulation du contrat passé au profit du tiers en violation
de son droit et obtenir sa substitution à l’acquéreur (voir ch. Mixte 26 mai 2006, Bull. MIXT, n° 4). Et
même lorsque ces conditions draconiennes sont remplies, l’annulation et la substitution ne seront
prononcées que si une telle solution n’est pas rendue techniquement impossible, par exemple parce que
des transformations de l’immeuble ont été exécutées entre temps, ou parce que cela conduit à imposer la
division de l’immeuble (voir en ce sens Civ. 3ème, 9 avril 2014, n° 13-13949, Bull. III, n° 52).
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Dans les deux cas, le mandat donné à l’agent immobilier débouche sur une entrée en
pourparlers, laquelle finit par déclencher l’offre d’achat du tiers, dans le cadre du mandat de
vente, ou l’offre d’achat du mandant dans le mandat de recherche. Or, si cette offre est
suffisamment précise sur la chose et sur son prix, son acceptation vaut conclusion de la
vente sous seing privé.
Evidemment, l’offre d’achat n’est pas toujours suivie d’une acceptation, ne serait-ce que
parce que, le plus souvent, elle est émise à un prix inférieur à celui que le vendeur espère
tirer de son immeuble. Aussi, il se peut que le vendeur instrumentalise l’offre d’achat pour
tenter de faire monter le prix de vente auprès d’autres amateurs.
Mais il reste qu’à partir du moment où vendeur et acquéreur sont d’accord sur les éléments
essentiels du contrat, la vente est formée ; dès lors, il est inutile de passer par une promesse
synallagmatique de vente : les parties peuvent se rendre directement chez le notaire pour
signer l’acte authentique.
Cependant, s’il est indispensable que l’offre revête un caractère pur et simple, il arrive très
souvent qu’elle indique que le prix sera payé au moyen d’un crédit que le pollicitant va
s’efforcer d’obtenir. Une telle mention est-elle de nature à remettre en cause le caractère
pur et simple de l’offre ? Certes, si le crédit n’est pas obtenu, l’existence de la vente en sera
affectée. Pour autant, la mention du financement de l’achat par le recours au crédit ne ruine
pas les effets de l’offre ; elle signifie simplement que la vente à venir est conclue sous la
condition suspensive de l’obtention du crédit en question471.
Bien sûr, d’autres difficultés qui tiennent à la rédaction succincte de l’offre, laquelle est
résolument simple puisqu’elle n’envisage que les éléments essentiels de la vente, peuvent
également se présenter : hypothèques, servitudes, règles d’urbanisme, troubles de voisinage
sont autant de problèmes susceptibles d’apparaître après l’échange des consentements des
parties à la vente. De telles difficultés ne sont pas mineures, car elles sont susceptibles de
dissuader l’acquéreur de faire entériner la vente par le notaire472. C’est pourquoi l’agent
immobilier ne saurait se permettre de les ignorer. A lui de prendre la mesure du problème et
471 Sur la fragilité qu’une telle condition suspensive induit pour la bonne fin de la vente, voir infra, n° 345
- et suivants.
472 Voir infra, n°357 -
Page 265
de tenter de le désamorcer, tout en se ménageant la preuve qu’il a bien exécuté son devoir
de conseil pour éviter d’engager ultérieurement sa responsabilité473.
339 - Entre la signature de l’acte préparatoire et celle de l’acte notarié, il peut se produire
différents événements qui vont remettre en cause la finalisation de la vente. Tantôt,
l’événement affecte l’existence même de l’acte préparatoire (A) ; tantôt, l’événement
intervient comme une simple cause d’inexécution de l’acte préparatoire (B).
340 - L’existence d’un acte juridique est naturellement affectée lorsque l’acte est atteint
d’une cause de nullité. Mais ici, il ne s’agit pas de nullité ; en effet, soit l’acte n’a pas pu se
former parce que l’offre a été révoquée, soit il s’est valablement formé, mais survient un
événement qui compromet son existence : l’acte est désormais caduc.
Parmi les différentes causes de caducité, il en existe une qui est spécifique au droit local
d’Alsace-Moselle. Elle résulte de l’application de l’article 42 de la loi du 1 er juin 1924 mettant
en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et
de la Moselle. Selon l’alinéa 2 de l’article 42, tout acte sous seing privé translatif de propriété
immobilière « doit être suivi, à peine de caducité, d'un acte authentique ou, en cas de refus
de l'une des parties, d'une demande en justice, dans les six mois qui suivent la passation de
l'acte »474.
Page 266
lorsque l’acte préparatoire contient une condition suspensive et que celle-ci ne s’est pas
réalisée (2).
341 - Il est inutile de s’attarder sur la règle bien connue selon laquelle celui qui émet une
offre de contrat peut toujours, et aussi longtemps que l’offre n’a pas été acceptée, la retirer.
Il suffit simplement de rappeler que, le plus souvent, le pollicitant indique lui-même dans
son offre un délai durant lequel il s’engage à la maintenir ; s’il la retire avant l’expiration du
délai stipulé, la jurisprudence n’hésite pas à mettre en jeu sa responsabilité civile. En outre,
même lorsque l’offre n’est assortie d’aucun délai, la jurisprudence reconnaît volontiers que
l’offre comporte implicitement un délai raisonnable, délai toujours bref que les juges du
fond apprécient souverainement475.
A l’évidence, ces règles sont applicables en matière d’offre relative à un bien immobilier.
Ainsi, à propos d’une offre d’achat émise par l’intermédiaire d’un agent immobilier, un arrêt
de la troisième chambre civile rappelle fermement que « si une offre d’achat ou de vente
peut en principe être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, il en est autrement au cas
où celui de qui elle émane s’est engagé à ne pas la retirer avant une certaine époque… ». En
l’espèce, la pollicitante avait émis son offre d’achat le 24 juin 2000 et l’avait rétractée par
lettre recommandée expédiée le 26 juin 2000, alors que le délai accordé au vendeur pour
donner son acceptation courait jusqu’au 27 juin 2000, date à laquelle le vendeur avait lui-
même envoyé la lettre recommandée qui portait son acceptation de l’offre 476.
Page 267
délai de dix jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre lui
notifiant l’acte ».
La généralité des termes employés par le texte montre que la faculté de rétractation
possède une large portée : l’acquéreur non professionnel que l’article L 271-1 entend
protéger en lui accordant un droit de repentir, peut se rétracter quel que soit le type d’acte
préparatoire qu’il a signé : une promesse unilatérale d’achat, une promesse synallagmatique
de vente ou un acte de vente sous seing privé. Cependant, le droit de rétractation est une
arme à un coup, car, comme le précise l’alinéa 4 de l’article L 271-1, « Lorsque le contrat
constatant ou réalisant la convention est précédé d'un contrat préliminaire ou d'une
promesse synallagmatique ou unilatérale, les dispositions figurant aux trois alinéas
précédents ne s'appliquent qu'à ce contrat ou à cette promesse ».
L’exercice par l’acquéreur de sa faculté de rétractation entraîne l’anéantissement du contrat
préparatoire. La solution a été posée par un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour
de cassation rendu le 13 février 2008477, dans une affaire où des époux acquéreurs, après
avoir fait usage de leur droit de rétractation, étaient revenus sur leur décision, mais avaient
finalement refusé de réitérer la vente devant notaire. Assignés en résolution de la vente à
leurs torts par la venderesse, les acquéreurs lui avaient opposé l'exercice régulier de leur
faculté de rétractation. Mais l’argument n’avait pas convaincu la Cour d’appel qui avait
condamné les époux au paiement de la clause pénale prévue à la promesse. « Attendu que
pour prononcer la résolution de la vente aux torts des acquéreurs, l'arrêt retient que M. Y... a
renoncé à acquérir puis s'en est "repenti" avant l'expiration du délai de rétractation, en
acceptant à nouveau d'acquérir aux conditions fixées par ce "compromis" ; Qu'en statuant
ainsi, alors que l'exercice par M. Y... de son droit de rétractation avait entraîné
l'anéantissement du contrat, la cour d'appel a violé les textes susvisés », en l’occurrence
l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation et l’article 1134 du Code civil.
En l’espèce, l’acte préparatoire anéanti par le droit de rétractation avait été passé par
l’intermédiaire d’un agent immobilier. S’il est clair qu’en pareil cas, celui-ci ne saurait
réclamer le versement de ses honoraires, il est plus délicat de savoir s’il peut prétendre à des
dommages-intérêts478. Si l’agent est le mandataire du vendeur, il semble exclu que ce
dernier, victime immédiate de la rétractation, puisse, en l’absence de clause du mandat en
ce sens, être condamné à réparer le préjudice de l’agent. La même solution devrait
s’imposer si l’agent est le mandataire de l’acquéreur, sauf à démontrer un éventuel abus de
l’acquéreur dans l’exercice de son droit de rétractation.
Page 268
effet, la Cour de cassation estime qu’en signant l’acte authentique sans émettre de réserve,
l’acquéreur renonce à se prévaloir de l'irrégularité de la purge du droit de rétractation480.
Mais il est vrai qu’en pareil cas l’acquéreur, qui entend user de son droit de rétractation,
s’abstiendra le plus souvent de se rendre chez le notaire. Dès lors, si le vendeur prend
l’initiative de demander en justice la résolution de la vente assortie du prononcé, à son
profit, d’une condamnation à des dommages-intérêts, généralement le paiement du
montant prévu par la clause pénale insérée dans l’acte préparatoire, l’acquéreur lui
opposera son droit de rétraction.
Puisque l’acte préparatoire doit impérativement être notifié, encore faut-il prendre garde,
lorsque les acquéreurs sont des époux, à adresser la notification personnellement à chacun
des époux acquéreurs ou du moins, en cas de lettre unique envoyée aux époux, faut-il
obtenir d’eux qu’ils signent de concert l'avis de réception de la lettre. A défaut, non
seulement l’époux à qui la notification n’a pas été régulièrement faite pourra toujours se
rétracter, mais encore l’autre époux pourra se prévaloir de l’irrégularité de la notification
destinée à son conjoint. Certes, la faculté de rétractation est une prérogative strictement
personnelle à chacun des époux ; mais, parce que l’exercice du droit de rétractation par celui
à qui l’acte n’a pas été régulièrement notifié entraîne l’anéantissement dudit acte, l’autre
époux peut également profiter de cet anéantissement481.
Ainsi, l’alinéa 2 de l’article L 271-1 précise les formes tant de la notification que la
rétractation. La notification est opérée « par lettre recommandée avec demande d'avis de
réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la
détermination de la date de réception ou de remise »482. Quant à la rétractation, elle « est
exercée dans ces mêmes formes ».
Jusqu’à la loi 2006-872 du 13 juillet 2006, il était exclu de procéder à la notification par une
simple remise en main propre de l’acte préparatoire, alors que ce procédé était volontiers
utilisé par l’agent immobilier ou encore par le notaire qui avaient rédigé l’acte. C’est
pourquoi la loi a ajouté un troisième alinéa à l’article L 271-1. « Lorsque l'acte est conclu par
l'intermédiaire d'un professionnel ayant reçu mandat pour prêter son concours à la vente, cet
acte peut être remis directement au bénéficiaire du droit de rétractation. Dans ce cas, le délai
Page 269
de rétractation court à compter du lendemain de la remise de l'acte, qui doit être attestée
selon des modalités fixées par décret ».
En application de l’article L.271-1, alinéa 3, l’article D 271-6 précise que l’acte sous seing
privé ou la copie de l’avant contrat reçu en la forme authentique remis directement à
l’acquéreur non professionnel doit reproduire les dispositions de l’article L.271-2. Surtout, le
bénéficiaire du droit de rétractation doit inscrire de sa main sur l’acte les mentions
suivantes : « Remis par M. X… (nom du professionnel) à… (lieu) le… (date), et, je déclare
avoir connaissance qu’un délai de rétractation de dix jours m’est accordé par l’article L.271-1
du Code de la construction et de l’habitation, et qu’il court à compter du lendemain de la
date de remise inscrite de ma main sur le présent acte, soit à compter du… ».
A notre avis, la remise en main propre de la rétractation devrait suffire. On observe en effet
que l’alinéa 2 de l’article L 271-1 édicte un parfait parallélisme des formes entre la
notification de l’acte préparatoire et l’exercice de la faculté de rétractation. Dès lors, il paraît
logique, même si l’alinéa 3 ne le prévoit pas, que ce parallélisme se poursuive : une remise
en main propre de l’acte préparatoire postule une même remise de la déclaration de
rétractation.
345 - La faculté de rétractation prévue par l’article L 271-1 pose un dernier problème :
joue-t-elle même lorsque l’acte préparatoire est l’œuvre de l’acquéreur ? Cette hypothèse
n’est pas une hypothèse d’école. Elle se rencontre notamment lorsque l’acquéreur, en
contact soit avec l’agent immobilier qu’il a chargé de rechercher un bien, soit avec l’agent
immobilier qui a été mandaté par le vendeur, rédige lui-même une offre d’achat que le
vendeur accepte.
Le texte des trois premiers alinéas de l’article L 271-1, qui, tous, font référence à la
notification de l’acte à l’acquéreur, présuppose que ce dernier n’est jamais l’auteur de l’acte,
tant on imagine mal qu’il soit astreint à se notifier à lui-même un acte dont il est l’auteur. Il
serait cependant hâtif de déduire de la rédaction des trois premiers alinéas de l’article L 271-
483 A cet égard, n’est d’aucun secours la jurisprudence qui permet à l’acquéreur de se rétracter lors de
l’instance dirigée contre lui par le vendeur qui lui réclame le versement du montant de la clause pénale
prévue par l’acte préparatoire au cas de défaut de signature de l’acte notarié (voir en ce sens Civ. 3 ème, 25
mai 2011, n° 10-14641, Bull. III, n° 86). En effet, cette jurisprudence élaborée à propos d’un litige relevant
de l’article L 271-1 dans sa rédaction initiale, repose sur le raisonnement selon lequel la notification
opérée par la remise de l’acte n’a pas fait courir le délai de rétractation, en sorte que la Cour de cassation a
pu admettre que la notification par l'acquéreur dans l'instance l'opposant à son vendeur de conclusions
par lesquelles il déclare exercer son droit de rétractation satisfait aux exigences de l'article L. 271-1. Mais
ici, le problème est différent : la notification par remise est régulière, donc le délai de rétraction court et il
s’agit de savoir quelle forme doit respecter l’acquéreur qui entend se rétracter.
Page 270
1 que l’acquéreur, auteur de l’acte préparatoire, perd le bénéfice de la faculté de
rétractation.
Il faut donc en déduire que si l’acceptation de l’offre d’achat permet aux parties de se rendre
directement chez le notaire, la signature de l’acte notarié ne pourra valablement intervenir
qu’à l’expiration du délai de dix jours à compter de l’envoi ou de la remise à l’acquéreur du
projet d’acte authentique. Il faut également en déduire que ce délai de réflexion peut
amener l’acquéreur à refuser de signer l’acte notarié et donc à se rétracter.
346 - Une autre hypothèse de rétractation mérite d’être mentionnée : c’est celle qui est
prévue par le Code de la consommation en matière de contrats conclus hors établissement.
On a vu que le mandat donné à un agent immobilier par une personne qui a la qualité de
consommateur doit respecter les dispositions du droit de la consommation et spécialement
celles relatives au démarchage à domicile, notamment en ce qu’elles offrent au
consommateur la possibilité de se rétracter484. A présent, il ne s’agit plus du mandat, mais
de l’acte préparatoire de la vente.
Certes, le plus souvent, la vente sera passée entre des non professionnels, ce qui exclut
l’application du Code de la consommation. Mais si l’acte préparatoire, conclu au domicile du
consommateur, l’a été avec un professionnel, alors le Code de la consommation a vocation à
régir l’opération. Par conséquent, le consommateur pourra se prévaloir de la faculté de
rétractation, ainsi d’ailleurs que de toutes les autres conditions de forme imposées par le
Code de la consommation.
Page 271
détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de rétractation, lequel formulaire ne
devant comporter aucune autre mention que celles visées par les textes488.
347 - Bien entendu, des conditions suspensives autres que celle qui concerne l’obtention
du ou des prêts permettant de financer l’achat sont susceptibles de figurer dans l’acte
préparatoire. Elles sont généralement relatives non pas à l’obligation de l’acheteur de payer
le prix de vente489, mais à l’obligation du vendeur de fournir un bien présentant telle ou telle
caractéristique. Par exemple, il est fréquent que l’acte contienne une condition suspensive
portant sur l'absence de servitude d'urbanisme ou d'utilité publique grevant le bien ou
encore sur la renonciation par une collectivité publique à l’exercice de son droit de
préemption sur le bien. Cependant, la différence la plus importante et la plus remarquable
entre les éventuelles autres conditions suspensives et la condition suspensive d’obtention
des prêts tient au fait que les premières sont le résultat de la volonté des parties à l’acte
préparatoire, tandis que la seconde est imposée par la loi, ce qui justifie que des
développements particuliers lui soient consacrés.
Selon L 312-16 du Code de la consommation, lorsque l’acte préparatoire indique que le prix
de vente sera payé en tout ou partie au moyen d’un ou de plusieurs prêts, il est de plein
droit soumis à la condition suspensive d’obtention du ou des prêts490. Lorsque l’acte indique
que le prix sera payé sans l’aide d‘un prêt, l’alinéa 1er de l’article L 312-17 impose que l’acte
comporte une mention, écrite de la main de l'acquéreur, « par laquelle celui-ci reconnaît
avoir été informé que s'il recourt néanmoins à un prêt il ne peut se prévaloir du présent
chapitre ». Surtout, si l’acte est muet sur le recours à un éventuel prêt491 ou s’il manque la
mention manuscrite de l’acquéreur, l’alinéa second prévoit que le contrat est considéré
comme conclu sous la condition suspensive prévue à l'article L. 312-16, dès lors que
Page 272
l’acquéreur recourt néanmoins à un prêt. Enfin, même si l’acquéreur a apposé dans l’acte la
mention manuscrite prescrite, la jurisprudence de la Cour de cassation l’admet, pour
déjouer d’éventuelles pressions qu’il aurait subies, à prouver que la mention a faussement
été apposée par lui, en établissant qu’il avait l’intention de recourir à un prêt et que le
vendeur avait connaissance de cette intention492.
348 - Affecter l’acte préparatoire de la condition suspensive d’obtention d’un prêt n’est
pas anodin. Cela implique que si le prêt n’est pas obtenu, l’acte sera frappé de caducité : le
non accomplissement de la condition suspensive fait obstacle à l’exécution d’une des
obligations essentielles de l’acte, celle de l’acheteur de payer le prix du bien. Très
exactement, le non accomplissement de la condition empêche la naissance de l’obligation de
l’acquéreur ; c’est pourquoi l’acquéreur n’encourt aucune responsabilité dans la caducité de
l’acte.
Pour autant, il serait erroné d’en déduire que celui qui achète un immeuble à l’aide d’un prêt
pourra impunément renoncer à acheter en invoquant le fait qu’il n’a pas obtenu de prêt.
Certes, c’est l’acquéreur, et lui seul, qui décide s’il sollicite ou non les établissements de
crédit aux fins d’obtenir un prêt ; c’est encore lui qui décide librement s’il accepte ou s’il
refuse l’offre de crédit que lui soumet tel ou tel établissement. Toutefois, pour éviter que
l’acquéreur emprunteur ne détienne un pouvoir discrétionnaire de vie ou de mort sur le
contrat de vente, la jurisprudence a été amenée à définir les cas dans lesquels la condition
suspensive d’obtention du prêt doit être « réputée » réalisée ou, au contraire, peut être
considérée comme défaillie.
349 - C’est un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 9
décembre 1992 qui a énoncé les principes fondateurs en matière de condition réputée
réalisée493. Selon cet arrêt, la condition suspensive de l’obtention d’un prêt est réputée
réalisée « dès la présentation par un organisme de crédit d’une offre régulière correspondant
aux caractéristiques du financement de l’opération stipulées par l’emprunteur dans l’acte
(préparatoire) ».
492 Voir en ce sens Civ. 3ème, 29 janv. 2014, n° 12-28836, Bull. III, n° 14. L’arrêt adopte une position
médiane entre la position laxiste de Civ. 1ère, 10 mars 1987, n° 85-15839, Bull. I, n° 90 et la position sévère
de Civ. 1ère, 16 mai 1995, n° 93-13653, Bull. I, n° 213.
493 Civ. 1ère, 9 déc. 1992, n° 91-12498, Bull. I, n° 309.
494 Avis 18 mai 1998, n° 98-00003, Bull. AVIS, n° 7.
Page 273
Il ne fait aucun doute que toutes ces précisions apportent à l’acquéreur une meilleure
protection puisqu’il pourra légitimement qualifier de non obtention du prêt l’offre de crédit
qui aura été émise à des conditions plus contraignantes que celles qui ont été annoncées
dans l’acte préparatoire, par exemple à un taux d’intérêt plus élevé. En revanche, dans
l’hypothèse où l’acte est muet sur le taux d’intérêt du prêt, la condition suspensive sera
réputée accomplie dès lors que l’offre de crédit adressée à l’acquéreur comportera un taux
normal, c’est-à-dire un taux qui s’inscrit dans la fourchette des taux qui se pratiquent
habituellement sur le marché en matière de prêts immobiliers ; peu importe que ce taux,
parce qu’il se situe dans le haut de la fourchette, ne convienne pas à l’acquéreur qui
souhaitait un taux moindre.
Ces précisions protègent également le vendeur. Elles entravent, en effet, toute manœuvre
de l’acquéreur qui tenterait de provoquer la non obtention du prêt en réclamant à la banque
qu’il sollicite des conditions telles qu’elles devraient l’amener à refuser le prêt, par exemple
un montant emprunté qui dépasse les facultés de remboursement de l’emprunteur ou
encore un taux d’intérêt très faible, largement en dessous du taux moyen pratiqué. Mais ces
précisions vont bien au-delà, dans la mesure où tout écart, même bénin, que commettrait
l’acquéreur par rapport aux conditions du prêt telles qu’elles ont été fixées dans l’acte
préparatoire, constitue un manquement à son obligation d’effectuer une demande de prêt
conforme aux caractéristiques stipulées dans l’acte préparatoire.
Ainsi, la condition suspensive est réputée réalisée lorsque l’acquéreur, à qui le prêt a été
refusé, a demandé à bénéficier d’un crédit d’un montant légèrement supérieur à celui
indiqué dans l’acte495 ou d’un taux d’intérêt un peu inférieur à celui qui avait été convenu 496.
Plus sévère, la jurisprudence considère que lorsque la demande de prêt a été effectuée par
quelqu’un d’autre que celui désigné à l’acte préparatoire comme l’acquéreur, celui-ci ne
justifie pas « d’une demande de prêt conforme aux caractéristiques stipulées dans l’acte sous
seing privé »497.
Toutes ces hypothèses dans lesquelles la Cour de cassation estime que la condition
suspensive d’obtention du prêt est réputée réalisée, alors même que le prêt a été refusé,
trouvent leur fondement dans l’article 1178 du Code civil, selon lequel « La condition est
réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché
l’accomplissement ».
495 Voir Civ. 3ème, 7 juin 2011, n° 09-72011, inédit et Civ. 3ème, 8 avril 2015, n° 14-13499, inédit.
496 Voir Civ. 3ème, 20 nov. 2013, n° 12-29021, Bull. III, n°150.
497 Civ. 3ème, 27 fév. 2013, n° 12-13796, Bull. III, n° 33 ; adde Civ. 3ème, 15 sept. 2015, n° 14-21819, inédit.
Ces deux arrêts sont typiques de l’imbroglio que peut engendrer la présence d’une SCI dans le processus
de vente. Dans l’arrêt de 2013, des personnes physiques achètent, mais avec une faculté de substitution
prévue à l’acte, probablement pour la SCI qu’elles voulaient constituer et qui n’était alors qu’en formation ;
aussi la demande de prêt est-elle déposée par ladite SCI. Mais, comme les acquéreurs n’ont pas exercé
dans les règles la faculté de substitution, la demande de prêt n’est pas conforme aux stipulations de l’acte
préparatoire. Dans l’arrêt de 2015, c’est une SCI qui achète, mais les différentes demandes de prêt
déposées le sont soit par une autre SCI en formation, soit par une personne physique, probablement un
associé de l’une et l’autre SCI.
Page 274
350 - Naturellement, ce même article 1178 du Code civil sur la condition réputée réalisée,
a vocation à s’appliquer lorsque l’acquéreur s’abstient de déposer toute demande de prêt. Il
est alors clair qu’un tel comportement qui, à l’évidence, empêche l’accomplissement de la
condition suspensive, entre en contradiction ouverte avec l’engagement d’acheter au moyen
d’un crédit. C’est pourquoi, la jurisprudence n’a pas hésité à faire peser sur l’acquéreur qui
prétend acheter à crédit l’obligation de déposer une demande de prêt 498, obligation qui ne
manque pas de soulever de nouvelles difficultés. A cet égard, l’arrêt rendu par la troisième
chambre civile le 12 février 2014499 mérite de retenir l’attention, car il apporte des réponses
à deux difficultés.
La première est relativement bénigne. Elle consiste à savoir si le fait que l’acquéreur, au lieu
d’adresser directement sa demande de prêt à des établissements de crédit, a préféré passer
par l’intermédiaire d’un courtier en prêts immobiliers pour obtenir son prêt, suffit à
admettre qu’il a bien respecté son obligation de déposer une demande de prêt. Très
logiquement, la Cour de cassation décide qu’une telle attitude satisfait à l’obligation.
L’argument laisse songeur. Selon l’article L 312-16, «La durée de validité de cette condition
suspensive ne pourra être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de
l'acte… ». Cela signifie qu’au bout d’un mois, à compter de l’expiration du délai de dix jours
que l’article L 271-1 du Code de la construction et de l’habitation accorde pour faire usage
d’une éventuelle rétractation, l’acquéreur doit avoir, non pas déposé une demande de prêt,
mais obtenu une offre de crédit ; sinon, conformément à l’article 1176 du Code civil, la
condition est censée défaillie.
498 Voir notamment Civ. 3ème, 30 juin 2015, n° 14-16929, inédit ; Civ. 3ème, 12 fév. 2014, n° 12-27182, Bull.
III, n° 20.
499 Civ. 3ème, 12 fév. 2014, préc.
500 En l’espèce, le prêt avait finalement été refusé et le vendeur invoquait le non-respect du délai de dix
jours pour mettre en jeu la responsabilité de l’acquéreur. Sur la responsabilité de l’acquéreur lorsque la
clause est réputée accomplie, voir infra, n°350 -
501 A noter que la formule employée trouve un précédent dans Civ. 3 ème, 7 nov. 2007, n° 06-17867, Bull. III,
n° 201. Mais en l’espèce, il s’agissait d’une clause imposant à l’acquéreur d’informer le vendeur dans les 48
heures de la réception de toute offre de crédit, voir infra, n° 355 -
Page 275
d’un mois pour entamer ses démarches en vue de l’obtention d’un prêt ? Cette seconde
branche de l’alternative paraît la plus plausible. D’une part, la Cour de cassation n’ignore pas
que les établissements de crédit ne se précipitent guère pour répondre à une demande de
prêt, en sorte que le délai d’un mois est notoirement insuffisant pour obtenir une offre de
crédit. D’autre part, les termes employés par l’article 1178 du Code civil, qui se réfère à un
« débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement », incite à
déplacer le débat sur le pur terrain de la faute : il s’agit de rechercher si la non réalisation de
la condition suspensive est ou n’est pas imputable à l’acquéreur.
351 - Le dernier cas où la condition suspensive doit être réputée réalisée se présente
lorsque l’acquéreur refuse d’accepter l’offre de crédit dont les caractéristiques
correspondent soit aux prévisions de l’acte préparatoire, soit, en l’absence de telles
prévisions, aux conditions normales du marché. A l’évidence, en refusant d’accepter l’offre
de crédit, l’acquéreur empêche l’accomplissement de la condition. Cependant, en l’espèce,
l’application de l’article 1178 du Code civil ne va pas de soi, car elle fait apparaître une
double contradiction. D’une part, elle entre en choc frontal avec l’idée que l’acceptation
d’une offre relève du consentement discrétionnaire du destinataire de l’offre. D’autre part,
elle s’accommode mal avec l’idée que l’obtention du prêt suppose que l’offre de crédit ait
été acceptée.
Pourtant, dans une affaire où l’acquéreur, qui avait refusé l’offre de crédit, faisait valoir que
l’obtention du prêt suppose que l’offre ait été acceptée, la première chambre civile de la
Cour de cassation dans un arrêt rendu le 2 juin 1993 balaie l’argument. Elle décide qu’au
regard de la condition suspensive de l’article L 312-16, les prêts « doivent être considérés
comme obtenus, et la condition suspensive comme réalisée, du seul fait de leur offre par un
établissement bancaire, alors même que le bénéficiaire aurait décliné cette offre »502.
La solution mérite approbation, tant sa justification s’impose par le nombre de règles que
transgresse la thèse contraire. Ainsi, admettre que la réalisation de la condition suspensive
d’obtention du prêt exige que l’offre ait été acceptée par l’acquéreur, lequel dispose d’un
pouvoir discrétionnaire pour ce faire, c’est autoriser ladite condition à revêtir un caractère
purement potestatif, contrairement à l’article 1174 du Code civil qui sanctionne par la nullité
toute « obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
Page 276
grosse503 !
Enfin, c’est oublier que l’accessoire, le contrat de crédit, n’a pas une vocation de principe à
déterminer le sort du principal, la vente, et que ce n’est qu’exceptionnellement, lorsque le
prêt n’est pas accordé, que l’accessoire qui fait défaut entraînera la caducité de la vente.
352 - Quelles sont alors les conséquences qu’emporte la condition suspensive réputée
accomplie ? Il ne fait aucun doute qu’en pareil cas, le contrat préparatoire de la vente doit
produire tous ses effets. Mais, il n’en demeure pas moins qu’à défaut de prêt, l’acquéreur
n’est pas en capacité de payer le prix et que le contrat sera résolu pour défaut d’exécution.
Comme ce défaut est imputable à l’acquéreur, ce dernier engage sa responsabilité
contractuelle envers le vendeur.
En pratique, cela se concrétise souvent par l’assignation que le vendeur fait délivrer à
l’acquéreur en paiement du montant de la clause pénale figurant dans l’acte préparatoire au
cas de son inexécution504. Mais il se peut aussi qu’à défaut de clause pénale, le vendeur
préfère, plutôt que demander l’allocation de dommages-intérêts, assigner l’acquéreur en
attribution du dépôt de garantie qu’il a reçu lors de la conclusion de l’acte préparatoire505.
Enfin, il se peut que le vendeur retienne d’autorité ledit dépôt, obligeant ainsi l’acquéreur,
s’il souhaite contester la position du vendeur, à prendre l’initiative d’une action en justice
pour obtenir la restitution du dépôt. Au moins, l’instance donnera l’occasion à la juridiction
saisie de trancher le point de savoir si la condition suspensive d’obtention du prêt doit être
réputée réalisée ou, au contraire, doit être regardée comme étant défaillie.
503 La ficelle est d’autant plus grosse, qu’en l’espèce, la maison avait été trouvée par un agent immobilier
auquel l’acheteuse avait confié un mandat de recherche et qu’elle tentait de repousser l’instance en
paiement que l’agent avait intentée contre elle ; voir supra, n°287 -
504 Voir, pour le dépôt de la demande de prêt effectué par une autre personne que l’acquéreur désigné
dans l’acte préparatoire, Civ. 3ème, 15 sept. 2015, n° 14-21819, inédit ; adde, pour un taux inférieur au taux
convenu dans l’acte, Civ. 3ème, 20 nov. 2013, n° 12-29021, Bull. III, n° 150.
505 Voir pour la même raison de dépôt effectué par un tiers, Civ. 3ème, 27 fév. 2013, n° 12-13796, Bull. III,
n° 33.
506 Civ. 1ère, 20 janv. 1993, n° 90-14214, Bull. I, n° 30.
Page 277
Toutefois, établir que la condition est défaillie n’est pas toujours chose aussi aisée, en
particulier lorsque l’acquéreur, qui invoque la défaillance de la condition, s’oppose au
vendeur qui refuse de lui restituer le dépôt de garantie. Bien évidemment, si la condition
suspensive est défaillie, la vente est caduque et l’acquéreur n’encourt aucune responsabilité
envers le vendeur, lequel doit lui restituer le dépôt de garantie qu’il a versé lors de la
signature de l’acte507. Mais ce résultat n’est atteint que si l’acquéreur prouve que les
caractéristiques du prêt refusé correspondent bien à celles figurant dans l’acte de vente,
sinon la décision des juges du fond qui ferait droit à sa demande de restitution encourt la
censure de la Cour de cassation508.
Il faut cependant observer que la Cour de cassation sait, à l’occasion, se montrer souple. En
témoigne un arrêt de la troisième chambre civile rendu le 12 septembre 2007509. En
l’espèce, alors que l’acte de vente sous seing privé prévoyait que le prix serait acquitté à
l’aide d’un prêt d’une durée de quinze ans, l’acquéreur s’était vu refuser un prêt d’une durée
de douze ans. Naturellement, le vendeur invoquait l’argument au soutien de sa demande en
condamnation à dommages-intérêts. Pour autant, il n’a pas obtenu gain de cause. Non
seulement la Cour d’appel l’a débouté, mais encore la troisième chambre civile a rejeté son
pourvoi : « si la durée d’emprunts n’était pas conforme aux prévisions de la convention, les
calculs produits par la banque démontraient qu’un prêt, fût-il sur 15 ans, excédait de même
les possibilités financières de (l’acquéreur) ».
En laissant de côté cet assouplissement bien légitime, il reste qu’une fois que l’acquéreur a
établi que le prêt refusé était conforme aux stipulations de l’acte préparatoire, c’est
désormais au vendeur qu’il incombe de rapporter la preuve que l’acquéreur a empêché
l’accomplissement de la condition suspensive. Ainsi en a décidé la Cour de cassation qui, par
deux arrêts des 26 mai et 6 octobre 2010, a censuré, sur le double visa des articles 1178 et
1315 du Code civil, des Cours d’appel pour avoir fait peser sur l’acquéreur la preuve que la
non obtention du prêt ne lui était pas imputable510.
Si la solution est correcte, car les Cours d’appel avaient manifestement inversé la charge de
la preuve, il faut bien reconnaître que le vendeur n’a, a priori, guère de chance de pouvoir
rapporter une telle preuve.
354 - Aussi, pour se faciliter la tâche, certains vendeurs prennent-ils soin de mentionner
dans l’acte préparatoire des diligences spéciales que l’acquéreur doit accomplir lors du
dépôt de sa demande de prêt et qui permettent, s’il ne les a pas respectées, de lui imputer la
défaillance de la condition. Bref, la condition sera défaillie sinon de sa faute, du moins de
son fait.
507 Voir par exemple Civ. 3ème, 30 juin 2015, n° 14-16929, inédit.
508 Voir en ce sens Civ. 3ème, 5 mai 2015, n° 14-12196, inédit.
509 Civ. 3ème, 12 sept. 2007, n° 06-15640, Bull. III, n° 143.
510 Civ. 3ème, 26 mai 2010, n° 09-15317, Bull. III, n° 103 et Civ. 3ème, 6 oct. 2010, n° 09-69914, Bull. III, n°
183.
Page 278
Le premier exemple de diligences spéciales a déjà été évoqué : il consiste à imposer à
l’acquéreur un délai relativement bref, par exemple dix jours à compter de la signature de
l’acte, pour déposer sa demande de prêt511. Même si, dans un premier temps, la Cour de
cassation a semblé valider pareille clause, comme en atteste un arrêt de la troisième
chambre civile512, il est désormais acquis, depuis un autre arrêt de la troisième chambre en
date du 12 février 2014513, que la disposition est vouée à l’échec parce qu’elle contredit le
délai minimum d’un mois prévu par l’article L 312-16.
Le second exemple concerne l’obligation faite à l’acquéreur de notifier au vendeur, par lettre
recommandée avec avis de réception, l’obtention ou la non obtention du prêt. Une telle
clause ne soulève a priori aucune objection514. Toutefois, le vendeur a intérêt à ne pas trop
en rajouter, sinon, comme le montre un arrêt de la troisième chambre civile du 23 juin
2010515, les diligences spéciales peuvent se retourner contre lui.
En l’espèce, Mme X… avait vendu, le 23 décembre 2003, un terrain à bâtir aux époux Y…,
sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt d’un montant maximum de 300 000 €
sur douze ans au taux nominal maximum de 5 % l’an. L’acte comportait une clause ainsi
libellée. " La réception de cette offre devra intervenir au plus tard le 10 mars 2004.
L'obtention ou la non-obtention du prêt devra être notifiée par l'acquéreur au vendeur par
lettre recommandée avec avis de réception adressée dans les trois jours suivants l'expiration
du délai ci-dessus. A défaut de réception de cette lettre dans le délai fixé, le vendeur aura la
faculté de mettre l'acquéreur en demeure de lui justifier sous huitaine la réalisation ou la
défaillance de la condition. Cette demande devra être faite par lettre recommandée avec avis
de réception au domicile ci-après élu. Passé ce délai de huit jours sans que l'acquéreur n'ait
apporté les justificatifs, la condition sera censée défaillie et les présentes seront caduques de
plein droit, sans autre formalité, et ainsi le vendeur retrouvera son entière liberté mais
l'acquéreur ne pourra recouvrer le dépôt de garantie qu'il aura, le cas échéant, versé
qu'après justification qu'il a accompli les démarches nécessaires pour l'obtention du prêt, et
que la condition n'est pas défaillie de son fait ; à défaut, le dépôt de garantie restera acquis
au vendeur ". Le 2 février 2004, les consorts Y... avaient déposé la somme de 25 300 euros
entre les mains de M. Z..., notaire, au titre de la garantie stipulée à l'acte de vente. Par la
suite, se prévalant de problèmes relatifs aux limites du terrain, les consorts Y... avaient
résilié la vente et sollicité la restitution du dépôt de garantie. Mme X... ayant refusé, les
époux Y... l'avaient assignée en restitution de cette somme.
Pour ne pas avoir à restituer le dépôt de garantie, Mme X… invoque le manque de diligence
des acquéreurs dans la réalisation de la condition suspensive. Mais la Cour d’appel la
Page 279
condamne à restituer la somme, car c’était à elle à envoyer une lettre recommandée pour
faire constater la défaillance du débiteur et qu’à défaut, elle ne pouvait se prévaloir du
manque de diligence des acquéreurs dans la réalisation de la condition suspensive. La Cour
de cassation rejette le pourvoi de Mme X… : « ayant souverainement relevé que de la lecture
complète de la clause litigieuse, il ressortait que si l'envoi d'une lettre recommandée par le
vendeur ne constituait qu'une faculté, ce courrier était néanmoins indispensable et
nécessaire pour faire partir le délai dans lequel l'acquéreur devait justifier des diligences
effectuées, et que ce n'était qu'au cas où il n'en justifiait pas que le vendeur pouvait
conserver le dépôt de garantie, la cour d'appel, qui en a exactement déduit qu'à défaut
d'envoi de cette mise en demeure Mme X... ne pouvait légitimement se prévaloir du manque
de diligence des consorts Y... dans la réalisation de la condition suspensive relative au prêt
pour conserver le dépôt de garantie, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ».
On ne saurait mieux dire que tel est pris qui croyait prendre ! S’il est certain que les
acquéreurs n’avaient pas envoyé la lettre recommandée de non obtention du prêt, il est tout
aussi certain que le système alambiqué mis en place imposait à la venderesse d’adresser une
lettre recommandé aux acquéreurs pour pouvoir établir que la condition était défaillie de
leur fait.
355 - Il va de soi que lorsque le prêt est refusé sans que l’on puisse imputer la défaillance
de la condition suspensive au fait de l’acquéreur, pas plus que ce dernier n’engage pas sa
responsabilité envers le vendeur, pas plus il ne saurait l’engager envers l’agent immobilier à
qui il a confié un mandat de recherche dont l’exécution a abouti à la vente frappée de
caducité pour défaut d’obtention du prêt.
En l’espèce, il s’agissait d’un mandat de recherche portant sur un bien déterminé ; l’agent
immobilier avait parfaitement rempli ses obligations, la promesse de vente ayant été
négociée et conclue par son entremise. Malheureusement, le mandant n’avait pas obtenu
de prêt et la vente n’avait pu finalement aboutir. C’est pourquoi l’agent immobilier avait
assigné son mandant en paiement de l’indemnité prévue par la clause pénale figurant dans
le mandat. La clause précisait que « si le bien à acquérir est parfaitement individualisé, le
mandant s'oblige à ratifier l'acquisition présentée par le mandataire aux prix, charges et
conditions du présent mandat à peine de devoir lui payer en cas de refus d'acquisition, une
indemnité forfaitairement fixée au montant de la rémunération, TVA incluse, comme si la
vente avait été conclue ».
La Cour d’appel accueille la demande de l’agent. Elle remarque d’abord que l’agent a rempli
ses obligations. Elle observe ensuite que l’attestation d’une seule banque déclarant ne pas
vouloir donner suite au prêt, si elle a pu satisfaire le vendeur, ne permet pas de s'assurer
que la demande de prêt ait correspondu aux stipulations du compromis. Elle en déduit
que la condition suspensive ne s'est pas réalisée du fait de l'acquéreur, que celui-ci n'est pas
Page 280
fondé dans son refus de ratifier l'acquisition et donc qu’il doit le montant de l'indemnité
contractuellement prévue dans cette hypothèse. Au bout du compte, « la défaillance de la
condition suspensive ainsi provoquée équivalait, de la part du mandant, à un refus d'acquérir
que la clause pénale avait pour objet de sanctionner ».
Mais la première chambre civile casse l’arrêt : « en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses
constatations que la vente n'avait pas été effectivement réalisée, de sorte que l'agent
immobilier ne pouvait se prévaloir des dispositions de la clause précitée, laquelle emportait
obligation de conclure la vente sauf à payer la somme contractuellement prévue même en
l'absence de faute imputable au mandant, la cour d'appel a violé (l’article 6-1, alinéa 3 de la
loi du 2 janvier 1970)».
L’arrêt est intéressant. La clause pénale a pour objet de sanctionner le refus d’acquisition
découlant d’un refus de ratification de la vente. Ici, il s’agit d’un refus de prêt, et non d’un
refus d’acquisition fondé sur un refus de ratification. Or, la Cour de cassation n’autorise pas
l’agent immobilier à démontrer que, grâce aux règles dégagées par la jurisprudence, ce refus
de prêt équivaut à un refus d’acquérir. Donc, seul le vendeur peut se prévaloir de ce que la
condition est réputée accomplie du fait du comportement de l’acquéreur, qui en a empêché
l’accomplissement. La solution mérite d’être approuvée. En effet, il s’agit de déterminer si
l’obligation d’acquérir sous la condition d’obtention du prêt a pu prendre naissance et, par
hypothèse, ce type de questionnement ne concerne que le vendeur et l’acquéreur.
356 - Précisément, s’agissant du vendeur, il peut arriver que ce dernier, alors que
l’acquéreur agit en exécution forcée du contrat, riposte en invoquant la caducité de la vente.
Une telle attitude du vendeur trouve son explication dans le fait qu’il souhaite se libérer d’un
contrat qui ne l’intéresse plus, généralement parce qu’il estime pouvoir vendre plus cher à
quelqu’un d’autre517. Dès lors, quoi de plus efficace que de soutenir que l’acte préparatoire
est caduc faute d’accomplissement de la condition suspensive ?
Plus précisément, le vendeur entend tirer parti de ce que la banque sollicitée par l’acquéreur
a certes consenti à lui faire un prêt, mais qu’à la date limite prévue dans l’acte préparatoire
pour l’obtention du prêt, elle ne lui a pas encore adressé une offre de crédit en bonne et due
forme. C’est donc la notion d’offre de prêt qui se trouve au cœur du litige entre le vendeur
et l’acquéreur.
517 On a même vu un vendeur qui, alors qu’il avait assigné l’acquéreur en rescision pour lésion de la vente,
soulevait également, dans ses conclusion postérieures, la caducité de la vente pour non obtention du prêt,
l’offre de crédit étant intervenue après l’expiration du délai convenu dans l’acte préparatoire : Civ. 3ème, 30
avril 1997, n° 95-15452, Bull. III, n° 95.
518 Civ. 3ème, 24 sept 2003, n° 02-11815, Bull. III, n° 164.
Page 281
l'intérêt exclusif de l'acquéreur, et qu'elle avait relevé que la banque avait informé les
emprunteurs de l'octroi du crédit dans le délai de la condition suspensive, la cour d'appel a
violé le texte susvisé ».
Par la suite, dans trois arrêts rendus le même jour, le 7 novembre 2007, la troisième
chambre civile a saisi l’occasion de préciser et d’affiner sa solution.
Le premier arrêt rejette le pourvoi formé contre une Cour d’appel qui, « ayant énoncé à bon
droit que les exigences formelles posées par le code de la consommation en matière d'offre
de prêt immobilier n’étaient édictées que dans un souci de protection du débiteur, qui
pouvait seul les invoquer … » a pu déduire d’une lettre de la banque notifiant son accord et
d’un courrier électronique postérieur comportant une proposition de prêt, « l’existence non
pas d'un accord de principe, mais d'une offre de prêt emportant réalisation de la condition
suspensive »519.
Le deuxième arrêt rejette également le pourvoi formé contre une Cour d’appel qui, cette
fois, a qualifié l’attestation établie par la banque d’accord de principe ne constituant pas une
offre de prêt : « ayant retenu que l'attestation établie, sans date autre que le 30 avril 2002,
mentionnée sur la télécopie, à l'en-tête de l'agence du Crédit agricole de Carcassonne, par
Mme B..., directeur adjoint, certifiait donner un accord de principe à M. et Mme Z... pour un
prêt de 396 000 euros, la cour d'appel en a exactement déduit que cette attestation ne
constituait pas une offre de prêt »520.
357 - Si les deux premiers arrêts du 7 novembre 2007 s’attachent à distinguer entre
l’accord de principe de la banque, qui ne vaut pas offre de crédit, et l’offre de crédit non
formalisée selon les prescriptions du Code de la consommation, le troisième arrêt aborde le
problème sous un angle différent.
Il s’agit de savoir si la condition suspensive est réalisée et la vente parfaite, alors que
l’acquéreur n’a pas respecté la clause de l’acte préparatoire qui lui faisait obligation de
justifier, auprès du vendeur et du rédacteur de l’acte, de toute offre de prêt dans les 48
heures ouvrables qui suivaient la réception de l’offre, mais alors qu’il a, en revanche, obtenu
dans le délai de l’article L 312-16, l’accord de la banque pour le ou les prêts qu’il avait
sollicités521.
Dans la troisième affaire traitée le 7 novembre 2007522, la Cour d’appel avait décidé que
« l’inobservation de cette obligation d’information ne pouvait avoir pour effet d’entraîner la
caducité de la vente, alors que le caractère d'ordre public de l'article L. 312-16 du code de la
Page 282
consommation interdit la stipulation d'obligations contractuelles imposées à l'acquéreur de
nature à accroître les exigences du texte et que, conformément à ce texte, la promesse du 26
avril 2005 prévoyait que la vente ne serait considérée comme nulle et non avenue que du fait
de la non-obtention d'offre de prêt dans le délai de cinq semaines à compter de la signature
de la promesse ». Or, en l’espèce, la Cour d’appel avait relevé que «l’accord pour l'octroi
d'un prêt à taux zéro d'un montant de 16 125 euros et d'un prêt évolutif d'un montant de 167
875 euros avait été notifié aux acquéreurs par une attestation de la Société générale en date
du 12 mai 2005 et que les offres de prêt avaient été délivrées le 25 mai 2005 ».
En rejetant le pourvoi du vendeur, la troisième chambre civile précise que c’est à bon droit
que la Cour d’appel a retenu que l’inobservation du délai de 48 heures pour informer le
vendeur de la réception d’une offre de crédit était sans conséquence lorsque l’obtention du
prêt avait eu lieu dans les délais légaux. Dès lors, la Cour d’appel a pu déduire des
circonstances de l’affaire que la condition suspensive était réalisée, que la vente était
parfaite et qu’elle pouvait alors faire l’objet d’une exécution forcée.
358 - Le refus de signer l’acte notarié réitérant la vente exprime de manière éclatante
l’inexécution par l’une des parties des obligations que l’acte préparatoire met à sa charge.
Comment sanctionner un tel comportement ? De quels types d’action dispose la partie
victime de l’inexécution ? Peut-elle passer outre le refus que lui oppose l’autre partie et agir
en exécution forcée de la vente ou est-elle nécessairement cantonnée sur le terrain de la
responsabilité contractuelle ?
359 - Chaque fois que l’acte préparatoire inexécuté mérite la qualification de vente sous
seing privé, il ne fait aucun doute que la victime de l’inexécution bénéficie de l’option
normalement ouverte à tout créancier qui se plaint de l’inexécution de son débiteur, à savoir
agir soit par la voie de l’exécution forcée du contrat, soit par celle de la résolution
accompagnée d’une action en réparation du préjudice subi.
Le choix entre l’une ou l’autre des branches de l’option relève de considérations purement
opportunistes. Ainsi, même si c’est possible en théorie, on imagine mal, en pratique, que le
vendeur puisse décider d’agir en exécution forcée contre l’acquéreur : pourquoi accepterait-
il de transférer officiellement la propriété de l’immeuble à un acquéreur dont le refus de
Page 283
signer l’acte notarié augure mal de l’exécution de son obligation de payer le prix ? Au
contraire, lorsque la victime de l’inexécution est l’acquéreur et que celui-ci tient absolument
à acheter l’immeuble, le choix de l’action en exécution forcée s’impose.
Cependant, au-delà de ce choix classique, d’autres solutions sont parfois envisageables. Par
exemple, si le contrat comporte une clause selon laquelle il sera résolu de plein droit si l’acte
authentique n’est pas dressé à telle date et si à cette clause est jumelé une autre clause,
indiquant qu’en cas de refus de l’acquéreur de signer l’acte notarié le vendeur conservera à
titre d’indemnité telle somme versée par l’acquéreur au moment de la conclusion de l’acte
préparatoire, il est évident que le vendeur a tout intérêt à se prévaloir de ces clauses,
car elles lui permettront d’obtenir réparation sans avoir à saisir la justice. Mais il est
également évident qu’en pareil cas, c’est à l’acquéreur qu’il appartiendra de la saisir, s’il
entend démontrer que son refus de signer l’acte authentique trouve sa cause dans le fait
que le vendeur n’a pas correctement exécuté ses propres obligations.
Il n’est pas rare, en effet, que l’acte de vente sous seing privé reste muet sur certaines
caractéristiques du bien vendu. En particulier, lorsque la conclusion de la vente résulte de
l’acceptation d’une offre d’achat, il y a peu de chance pour que l’acte expose dans le détail
des particularités telles que l’existence de servitudes ou encore la nécessité de se conformer
à certaines règles d’urbanisme. Dès lors, la découverte ultérieure de ces éléments par
l’acquéreur est de nature à le dissuader de signer l’acte authentique et à l’inciter à réclamer
réparation au vendeur. Elle peut également l’inciter, lorsque la découverte est postérieure à
la signature de l’acte notarié, à intenter une action en résolution de la vente, voire en
annulation chaque fois que le vice caché relève d’un dol du vendeur.
360 - Lorsque l’acte préparatoire est une promesse de vente, la situation est plus
compliquée. Elle impose toute une série de distinctions ; spécialement il convient de
commencer par distinguer entre les promesses unilatérales de vente et les promesses
synallagmatiques.
361 - A maintes reprises, comme en attestent différents arrêts rendus entre 1993 et 2013
par la troisième chambre civile523, la Cour de cassation a décidé qu’aussi longtemps que le
bénéficiaire d’une promesse unilatérale de vente n’avait pas levé l’option, le promettant
pouvait refuser de vendre. Ainsi, le bénéficiaire qui lève l’option postérieurement à la
rétractation du promettant n’a aucune chance d’obtenir l’exécution forcée de la vente, car
« la levée d'option, postérieure à la rétractation de la promettante, exclu(t) toute rencontre
des volontés réciproques de vendre et d'acquérir »524. Au moins, pourra-t-il obtenir des
dommages-intérêts pour sanctionner le manquement du promettant à sa parole525.
523 Voir Civ. 3ème, 15 déc. 1993, n° 91-10199, Bull. III, n° 174 ; Civ. 3ème, 28 oct. 2003, n° 02-14459, inédit ;
Civ. 3ème, 11 mai 2011, n° 10-12875, Bull. III, n°77 ; Civ. 3ème, 12 juin 2013, n° 12-19105, inédit.
524 Civ. 3ème, 15 déc. 1993, préc.
525 Civ. 3ème, 28 oct. 2003, préc.
Page 284
La Cour de cassation fonde sa solution sur l’analyse de l’obligation du promettant : celle-ci
ne constitue pas une obligation de donner, mais une simple obligation de faire dont
l’inexécution se résout en dommages-intérêts. La solution mérite approbation. On voit mal,
en effet, en quoi la promesse pourrait donner naissance à une obligation de donner tant que
l’option n’a pas été levée.
En réalité, du point de vue de la formation du contrat de vente, la promesse doit être traitée
de la même façon que l’offre : toutes deux sont des modes de formation du contrat.
Evidemment ces modes ne sont pas identiques, puisque, à la différence du pollicitant qui ne
noue aucun lien juridique avec le destinataire de l’offre, le promettant est lié
contractuellement au bénéficiaire de la promesse. Mais cette différence n’empêche pas
l’existence de points communs entre les deux mécanismes de formation du contrat. D’une
part, l’interruption du mécanisme de formation est identique : de même qu’une offre peut
être rétractée tant qu’elle n’a pas été acceptée, de même le promettant peut refuser
d’exécuter sa promesse tant que l’option n’a pas été levée, avec cette précision qu’il engage
ipso facto sa responsabilité contractuelle envers le bénéficiaire de la promesse. D’autre part,
lorsque le mécanisme de formation est achevé, ses effets sont identiques : de même que la
levée de l’option concrétise la rencontre du consentement de l’acquéreur et de celui du
vendeur, de même l’acceptation de l’offre par son destinataire emporte formation du
contrat de vente.
Cette dernière remarque est importante, car elle met en évidence les limites naturelles de la
jurisprudence qui sanctionne uniquement par l’allocation de dommages-intérêts le
manquement du promettant à son engagement : une telle solution suppose que le contrat
de vente n’a pas pu se former. Cela signifie donc que si le manquement du promettant
intervient après la levée de l’option, c’est-à-dire à un moment où le contrat de vente est
formé, alors le bénéficiaire de la promesse violée, à l’instar du destinataire d’une offre qu’il a
acceptée, peut légitimement intenter une action en exécution forcée de la vente.
Malheureusement pour le bénéficiaire de la promesse de vente, une telle chronologie joue
rarement en sa faveur : il faut bien reconnaître qu’en pratique le bénéficiaire, confiant dans
le délai que lui confère la promesse pour se décider à acheter, ne se précipite pas pour lever
l’option et a tendance à le faire qu’une fois que le promettant lui aura notifié son refus de
poursuivre l’opération.
Dans un tout autre ordre d’idées, il importe de signaler que même si la jurisprudence
précitée n’a été établie qu’à propos des promesses unilatérales de vente, rien n’interdit de
transposer aux promesses d’achat les solutions qu’elle préconise ou qu’elle implique. En
conséquence si le promettant se refuse à acheter, le bénéficiaire d’une promesse d’achat
devra se contenter de la seule allocation de dommages-intérêts dès lors qu’il aura levé
l’option postérieurement au refus du promettant d’honorer son engagement ; en revanche,
s’il a levé l’option avant, il sera en droit de demander l’exécution forcée.
Page 285
362 - S’agissant des promesses synallagmatiques, il importe de rappeler que la Cour de
cassation distingue entre celles qui valent vente et celles qui ne valent pas vente526.
En effet, la promesse qui vaut vente crée à la charge du vendeur-promettant une véritable
obligation de donner, en l’occurrence transférer la propriété du bien, contrairement à la
promesse qui ne vaut pas vente, laquelle n’engendre à sa charge qu’une simple obligation
de faire, dont l’inexécution se résout en dommages-intérêts. Quant à l’acquéreur-
promettant, tenu dans tous les cas d’une obligation de faire, payer le prix de vente, il reste
que lui aussi peut faire l’objet d’une exécution forcée lorsque la promesse vaut vente, parce
que l’obligation de payer une somme d’agent ne peut être exécutée qu’en nature et que
« le créancier d'une obligation contractuelle de somme d'argent demeurée inexécutée est
toujours en droit de préférer le paiement du prix au versement de dommages-intérêts ou à la
résolution de la convention »529.
363 - Même lorsque l’acte préparatoire est correctement exécuté et que la vente est
réitérée devant notaire, l’agent immobilier n’est pas nécessairement à l’abri de toute action.
Il se peut, en effet, que l’une des parties à la vente ne soit pas satisfaite et qu’elle décide de
mettre en cause la responsabilité de l’agent.
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Section 2 : L’ AGENT IMMOBILIER GARA NT DE LA BONNE FIN D E LA VENTE
364 - Dire que l’agent immobilier est garant de la bonne fin de la vente revient à étudier les
conditions dans lesquelles sa responsabilité civile peut être engagée une fois la vente
conclue, qu’elle l’ait été par la signature d’un acte sous seing privé ou par celle de l’acte
authentique. Il ne s’agit donc pas de procéder à une analyse exhaustive de tous les cas où
l’agent engage sa responsabilité et spécialement des cas où son mandant peut lui reprocher
une mauvaise exécution du mandat. Il s’agit seulement d’examiner un aspect de sa
responsabilité civile, celui qui est lié à l’insatisfaction manifestée par l’une ou l’autre des
deux parties à la vente.
Bien évidemment, l’étude des autres types de responsabilité encourue par l’agent
immobilier, responsabilité pénale ou responsabilité disciplinaire, est exclue. Toutefois, il
n’est pas impossible que certaines fautes de l’agent, outre qu’elles causent préjudice à
autrui, constituent également une faute pénale ou une faute disciplinaire. C’est pourquoi
une brève incursion du côté des autres types de responsabilité ne sera pas inutile.
365 - La garantie de bonne fin de la vente conclue par l’intermédiaire de l’agent immobilier
est susceptible d’être mise en jeu aussi bien par son mandant, que par le tiers qui a
contracté avec ce dernier. A cet égard, il ne fait aucun doute que, selon que l’action est
intentée contre l’agent par son mandant ou par le cocontractant de ce dernier, sa
responsabilité civile procède d’une nature différente : elle est contractuelle dans le premier
cas, délictuelle dans le second.
Du coup, faute contractuelle et faute délictuelle de l’agent immobilier renvoient toutes deux
à un standard unique, celui de la faute professionnelle.
530 Voir Civ. 1ère, 18 janv. 1989, n° 87-16530, Bull. I, n° 26 faisant peser sur le mandant la charge de la
preuve d’une faute du mandataire chargé de vendre un bien : « si le mandataire est, sauf cas fortuit,
présumé en faute du seul fait de l'inexécution de son mandat, cette présomption ne saurait être étendue à
l'hypothèse d'une mauvaise exécution de ce dernier ; que c'est donc sans aucune inversion de la charge de la
preuve que la cour d'appel a estimé qu'il appartenait au mandant d'établir les fautes de gestion par lui
alléguées à l'encontre de son mandataire ».
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366 - L’existence de ce standard unique présente un intérêt indéniable. Il montre la part de
vanité que contient la distinction traditionnelle entre responsabilité contractuelle et
responsabilité délictuelle lorsqu’elle est appliquée au cas d’un professionnel tel que l’agent
immobilier. La raison en est que la faute professionnelle de l’agent est érigée au rang de
véritable fait générateur de sa responsabilité civile quant à la bonne fin de la vente conclue
sous ses auspices (§1).
367 - La bonne fin de la vente implique qu’acquéreur et vendeur trouvent leur entière
satisfaction dans l’opération qu’ils ont conclue. Mais il arrive qu’après avoir signé, l’une des
parties à la vente découvre un événement qui la lèse. Son premier réflexe consiste alors à
mettre en cause la responsabilité de son cocontractant. Il est pourtant rare que les choses
en restent là ; généralement, il s’ensuit une série d’actions en responsabilité contre toutes
les personnes qui sont intervenues, de plus ou moins près, dans la vente et parmi lesquelles
se trouve l’agent immobilier.
368 - Le plus souvent, en pratique, c’est l’acquéreur qui réclame réparation d’un préjudice
consécutif à la vente à son vendeur et, au besoin, à l’agent immobilier auquel ce dernier
avait confié le mandat de vendre et avec lequel l’acquéreur n’a aucun lien contractuel531.
Mais il se peut aussi que l’acquéreur agisse contre l’agent immobilier qu’il avait mandaté
pour lui rechercher un bien à acquérir. L’action peut être menée à titre principal, comme le
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montre l’hypothèse, devenue de plus en plus courante, du mandat de recherche pour
investir, à propos duquel l’acquéreur, frustré de ne pas avoir obtenu un rendement suffisant,
s’emploie à engager la responsabilité de son mandant532. L’action peut également être
intentée par le biais d’un appel en garantie ; par exemple, l’acquéreur ayant refusé de
réitérer la vente par acte authentique et ayant été condamné à indemniser le vendeur, se
retourne contre l’agent immobilier auquel il reproche un manquement à ses obligations
contractuelles533. Evidemment, dans les deux cas, l’action de l’acquéreur contre l’agent
immobilier se situe sur le terrain de la responsabilité contractuelle.
369 - Bien que l’action en responsabilité soit le plus souvent intentée par l’acquéreur, il
serait erroné d’en déduire que toute action contre l’agent immobilier émanant du vendeur
est exclue. D’abord, même lorsque l’acquéreur qui subit le préjudice, prend l’initiative d’agir
contre le vendeur, il est fréquent que ce dernier appelle, en garantie des condamnations qui
seront prononcées contre lui, l’agent immobilier qu’il avait mandaté pour vendre
l’immeuble. Ensuite, à côté de l’hypothèse de l’appel en garantie, il est parfaitement
concevable que le vendeur agisse à titre principal contre l’agent immobilier en réparation
d’un préjudice propre que le comportement de ce dernier lui a causé.
Mais si, dans le cadre de l’action en garantie, le litige se situe toujours sur le terrain de la
responsabilité contractuelle, la situation est plus variable lorsque le vendeur agit à titre
principal contre l’agent immobilier, ce dernier pouvant être aussi bien le mandataire du
vendeur que celui de l’acquéreur.
Ainsi, si l’agent est le mandataire du vendeur, il est clair que le problème se pose
uniquement en termes de responsabilité contractuelle. Par exemple, le vendeur pourra
reprocher à son mandataire d’avoir manqué à son obligation de conseil en lui faisant vendre
son bien à un prix inférieur à celui couramment pratiqué sur le marché pour des immeubles
532 Voir notamment Civ. 1ère, 2 octobre 2013, n° 12-20504, Bull. I, n° 194. En l’espèce, l’investissement
réalisé en défiscalisation par l’intermédiaire d’un agent spécialisé dans l’immobilier de placement n’avait
pas produit les profits escomptés ; c’est pourquoi l’acquéreur avait assigné en dommages et intérêts
l’agent immobilier, ainsi que son assureur, reprochant au premier de ne pas l’avoir éclairé sur les aléas de
son investissement. La Cour d’appel ayant donné gain de cause à l’acquéreur, le pourvoi de l’agent et de
son assureur est rejeté : « un agent immobilier qui s’entremet habituellement dans des opérations
immobilières de placement se doit d’informer et de conseiller l’acquéreur éventuel sur les caractéristiques de
l’investissement qu’il lui propose et sur les choix à effectuer, la cour d’appel constatant que les termes
employés dans la plaquette publicitaire distribuée par l’agence, annonçant la perception de loyers « nets de
charge », « garantis par un bail minimum de neuf ans, quel que soit le taux d’occupation de la résidence »,
étaient de nature à convaincre les époux X..., investisseurs non avertis, que ce type de montage présentait des
caractéristiques de sécurité et de rentabilité certaine, a pu en déduire que l’agence, qui avait été leur seul
interlocuteur dans cette opération, avait manqué à son obligation d’information et de conseil en s’abstenant
de les alerter sur les risques de non-perception des loyers auxquels ils se trouveraient exposés en cas de
déconfiture du preneur à bail commercial, risques dont les stipulations du bail ne permettaient pas de
mesurer l’impact sur la fiabilité annoncée du placement ».
533 Voir Civ. 1ère, 3 juin 2003, n° 01-01282, inédit. En l’espèce, l’acquéreur reprochait à l’agent immobilier
de ne pas avoir rempli son obligation contractuelle de solliciter en son nom plusieurs prêts pour financer
l’achat. Mais comme il n’avait pas fourni à l’agent les pièces nécessaires à la constitution des dossiers de
prêt, force était d’en déduire que c’était l’acquéreur qui n’avait pas rempli ses obligations contractuelles et
que l’agent immobilier n’avait commis aucune faute dans l’exécution de son mandat.
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similaires534. Ou encore le vendeur pourra réclamer une indemnité d’immobilisation à son
mandataire qui, en ne respectant pas les conditions de vente fixées dans le mandat, a fait
capoter la vente535.
370 - Bien entendu, l’hypothèse la plus répandue en pratique, celle où l’acquéreur agit
contre l’agent immobilier à qui le vendeur a confié un mandat de vendre, débouche sur
cette même nécessité de recourir aux règles de la responsabilité délictuelle.
Mais c’est ici que l’enchevêtrement des responsabilités est le plus intéressant à observer, et
cela pour plusieurs raisons. D’abord, l’acquéreur agit toujours contre le vendeur, lequel
appelle toujours en garantie l’agent immobilier qu’il a chargé de vendre son bien. Ensuite,
l’acquéreur prend volontiers l’initiative d’agir également contre l’agent immobilier et parfois
même contre le notaire qui a instrumenté la vente. Enfin, quelle que soit la stratégie de
l’acquéreur, qu’il agisse contre son seul vendeur ou qu’il agisse également contre l’agent
immobilier, le vendeur réplique toujours en appelant l’agent immobilier en garantie des
condamnations dont il fera l’objet.
Dès lors, pour ne pas se perdre dans ce déluge d’actions, il convient de sérier les problèmes,
en examinant d’abord le cas où l’agent immobilier, appelé en garantie par le vendeur qui l’a
mandaté, se voit reprocher un manquement à ses obligations contractuelles (1) et ensuite le
cas où, actionné directement par l’acquéreur, l’agent se voit reprocher une faute délictuelle
qui est la copie conforme du manquement commis par l’agent le vendeur (2).
534 Mais il est douteux, à notre avis, que la seule constatation que l’immeuble a été vendu à un prix
inférieur à celui du marché suffise au succès de l’action. Le prix étant regardé par le Code civil comme
l’affaire des parties à la vente, il faudra établir d’autres circonstances, telles que la paresse de l’agent dans
la recherche de potentiels acquéreurs ou sa volonté de faire faire une bonne affaire à un ami ou à un
complice, pour que le vendeur puisse utilement se plaindre d’avoir été mal conseillé par l’agent
immobilier.
535 Voir Civ. 1ère, 2 déc. 1992, n° 91-10594, Bull. I, n° 298. En l’espèce, l’agent immobilier avait reçu une
offre d’achat correspondant aux conditions fixées par la mandante ; mais l’agent immobilier avait transmis
au notaire un projet de vente qui était légèrement différent, ce qui avait conduit la mandante à refuser de
signer. C’est alors que l’agent immobilier l’avait assignée en paiement du montant de la pénalité prévue au
mandat pour le cas où la venderesse refuserait de signer un acte de vente conforme aux conditions du
mandat. La Cour d’appel avait tranché en faveur de l’agent, au prétexte que les modifications apportées au
mandat ne portaient que sur des éléments secondaires. La Cour de cassation censure sa décision : « en
statuant ainsi, alors … que cette promesse différait des conditions de vente énumérées dans ce mandat, de
telle sorte que le mandataire avait excédé ses pouvoirs sans obtenir ratification, la cour d’appel a violé
…(l’article 1989 du Code civil) ». Certes, dans cette affaire, ce n’était pas le mandant qui agissait en
responsabilité contre l’agent indélicat, mais ce dernier qui lui réclamait le montant de la clause pénale.
Mais il semble bien que si le mandant avait reconventionnellement demandé à l’agent une indemnité
d’immobilisation, il aurait pu obtenir gain de cause.
536 Voir en ce sens Civ. 1ère, 25 nov. 1997, n° 96-12325, Bull. I, n° 321 ; adde sur la question de l’obligation
de l’agent immobilier de garantir la solvabilité des parties à l’acte, infra, n° 406 - et suivants.
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1 - L’agent immobilier appelé en garantie par son mandant, une banale action
en responsabilité contractuelle
371 - L’acquéreur qui s’estime lésé par la vente, peut agir contre son vendeur en
s’appuyant sur différents fondements. Certes, la voie de l’action en responsabilité lui est
ouverte ; mais celle-ci peut aussi s’accompagner d’une action en résolution du contrat pour
inexécution par le vendeur de l’une de ses obligations, qu’il s’agisse de l’obligation de
délivrance ou encore de l’obligation de garantir l’acquéreur des vices cachés537. L’acquéreur
dispose encore, lorsque les circonstances de l’affaire s’y prêtent, d’une action en annulation
de la vente s’il établit que son consentement a été vicié par le dol du vendeur ou par l’erreur
sur la substance qu’il a commise538.
Dans tous ces cas de figure, il est certain que le vendeur va appeler en garantie l’agent
immobilier. Mais pour que l’appel en garantie soit couronné de succès, le vendeur devra
établir que l’inexécution de sa propre obligation envers l’acquéreur trouve sa source dans un
manquement de l’agent à l’une des obligations que le mandat lui impose. Or tel n’est pas
toujours le cas, car il est possible que l’agent immobilier, s’étant correctement acquitté de
ses obligations contractuelles, n’ait commis aucune faute.
Autre exemple tiré d’un arrêt de la troisième chambre civile en date du 10 mars 2015 540. Les
acquéreurs d’une maison d’habitation, se plaignant de ce que l’immeuble comporte des
537 Sur l’inexécution de l’obligation de délivrance et les vices cachés, voir infra, n°400 -
538 Sur l’annulation de la vente pour dol ou pour erreur sur la substance, voir infra, n° 372 - sur l’action en
garantie exercée par le vendeur contre l’agent et infra, n° 381 - et 383 - sur l’action exercée par
l’acquéreur.
539 Civ. 3ème, 25 mai 2004, n° 03-12169, inédit.
540 Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-19445, inédit.
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fissures, assignent les vendeurs et l’agent immobilier en paiement de lourds travaux de
remise en état. Ces derniers tentent d’échapper à leur responsabilité, en plaidant que les
fissures constituaient des vices apparents, car les acquéreurs avaient pu constater lors de la
vente l’existence de fissures rebouchées. Peine perdue, les vendeurs sont condamnés car
ces rebouchages ne pouvaient en eux-mêmes renseigner les acquéreurs sur l’ampleur et la
gravité du désordre, en sorte qu’il y a bien un vice caché. Mais l’agent immobilier n’est pas
condamné à garantir les vendeurs541 : « ayant relevé que les vendeurs, de mauvaise foi,
connaissaient les vices de l’immeuble qu’ils n’avaient pas signalés aux acquéreurs, la Cour
d’appel… qui a pu en déduire que… l’appel en garantie dirigé contre lui devait être rejeté, a
légalement justifié sa décision ».
373 - Cependant, s’il est avéré que l’absence de faute de l’agent immobilier fait obstacle à
l’action en garantie du vendeur, il reste que le plus souvent l’agent aurait dû déceler un vice
que le vendeur lui a dissimulé, ce qui permet de lui imputer une faute. Il importe alors de
s’interroger sur le point de savoir si la faute dolosive du vendeur est susceptible d’exonérer
l’agent immobilier de son obligation de garantie, le dol du premier contrebalançant en
quelque sorte la faute du second.
Une telle exonération est possible ; mais, comme en témoigne un arrêt de la première
chambre civile du 15 décembre 2011543, l’exonération ne joue que partiellement.
En l’espèce, l’agent immobilier avait proposé à la vente un immeuble présenté comme étant
en bon état, alors qu’en réalité il s’agissait d’un baraquement construit après-guerre qui se
trouvait dans un état désastreux. Or, non seulement la situation catastrophique de
l’immeuble était parfaitement connue des vendeurs, mais encore l’agent immobilier n’avait
pas pu l’ignorer ; c’est dire qu’en estimant que l’immeuble était en bon état, l’agent avait
pour le moins manqué de diligence. La Cour d’appel l’avait condamné à garantir
intégralement les condamnations prononcées contre les vendeurs au profit des acquéreurs.
La Cour de cassation censure sa décision : « Attendu qu’en condamnant l’agent immobilier à
garantir les vendeurs des condamnations prononcées contre eux, alors qu’un vendeur, auteur
d’une réticence dolosive pour avoir tu l’état réel de l’immeuble vendu, ne saurait être
intégralement garanti par un agent immobilier ayant failli à son devoir d’information et de
conseil, des condamnations prononcées au bénéfice de l’acquéreur, la cour d’appel a violé le
texte susvisé (l’article 1147 du code civil) ».
541 Il n’est d’ailleurs pas davantage condamné à réparer le préjudice des acquéreurs. Sur ce point, voir
infra, n°380 -
542 Voir infra, n° 394 - et suivants sur les conséquences d’une telle situation sur l’action en responsabilité
intenté par le tiers acquéreur contre l’agent immobilier.
543 Civ 1ère, 15 déc. 2011, n° 10-17691, inédit.
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incombaient. Un arrêt de la première chambre civile en date du 26 février 1991 544 refuse en
effet à l’agent immobilier fautif le bénéfice de la garantie du notaire également fautif. « Mais
attendu que la cour d'appel a énoncé que la faute de l'agence venderesse, qui avait consisté
à ne pas déclarer les charges affectant les terrains vendus ou les " éléments équivalents ", ce
qui impliquait un " manquement à la bonne foi et à l'honnêteté ", avait été reconnue dolosive
par des décisions passées en force de chose jugée ; qu'appréciant le comportement du
notaire eu égard aux circonstances de l'espèce et aux renseignements qui lui avaient été
donnés par le conseil de l'agence, elle a pu décider que le notaire n'ayant pas participé à
cette " dissimulation dolosive " l'agence était, dès lors, irrecevable, nonobstant la faute
légère qui pouvait être reprochée à l'officier public, à demander à être garantie par lui de sa
propre faute lourde ; que par ces seuls motifs et sans se contredire la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ».
374 - Un dernier point mérite d’être abordé : jusqu’où s’étend la garantie de l’agent
immobilier lorsque la vente a été résolue ou annulée. Celui-ci est-il tenu de garantir la
restitution du prix par le vendeur ? Et que décider lorsque, comme c’est souvent le cas,
l’acquisition a été financée au moyen d’un prêt ?
Tel est le cas dans une affaire tranchée le 16 décembre 1992 par la première chambre
civile545, où l’agent immobilier avait conseillé à son mandant de diviser l’immeuble en deux
lots, afin de le vendre plus facilement. Malheureusement, le conseil s’était révélé désastreux
car l’un des lots, précisément celui qui avait été acheté et qui avait été présenté comme un
petit pavillon d’habitation composé d’une pièce, ne constituait pas une maison habitable au
regard de la réglementation. Une telle mésaventure avait évidemment conduit les époux
acquéreurs à obtenir l’annulation de la vente pour erreur sur la substance. Lors de la cascade
d’actions en responsabilité que l’annulation avait déclenchée546, l’agent immobilier avait été
condamné à garantir le vendeur pour la restitution du prix.
La même solution a été retenue par un autre arrêt rendu le 15 décembre 2011 547 par la
même formation de la Cour de cassation et examiné plus haut sous l’angle de l’exonération
partielle de la responsabilité de l’agent envers son mandant548. Il suffit ici de rappeler que la
vente avait été annulée pour dol du vendeur qui avait dissimulé à l’acquéreur l’existence de
propos de l’action en responsabilité intentée par le tiers acquéreur ; voir infra, n°381 - .
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vices cachés que l’agent, qui avait présenté l’immeuble comme étant en bon état alors qu’il
était dans un état déplorable, n’avait pu manquer de remarquer.
Bien entendu, si le prix de la vente a été payé grâce à un prêt, la Cour de cassation,
interprétant les dispositions du Code de la consommation relatives au crédit immobilier549, a
décidé que la résolution ou l’annulation de la vente emportait résolution du prêt. Du coup
l’agent immobilier, dont le comportement a provoqué la résolution ou l’annulation de la
vente, doit également être condamné à garantir le vendeur de la restitution du montant du
prêt à la banque550, lorsque le banquier, attrait dans l’instance, réclame que les deniers
prêtés lui soient rendus.
375 - L’acquéreur victime d’un préjudice agit volontiers et simultanément contre son
vendeur et contre l’agent immobilier mandaté par ce dernier ; il demande alors qu’ils soient
condamnés in solidum à réparer son préjudice552.
Les principes qui régissent cette double action ont été posés par l’arrêt précité de la
première chambre civile de la Cour de cassation du 16 décembre 1992553. En l’espèce, la
Cour d’appel avait écarté la responsabilité de l’agent immobilier, car s’il ne faisait aucun
doute que la responsabilité des vendeurs était engagée, elle avait considéré que l’agent
n’avait commis aucun manquement à ses obligations envers les acquéreurs, avec lesquels il
n’entretenait aucune relation contractuelle. Son arrêt est censuré au visa de l’article 1382 du
Code civil. « Attendu qu’en se déterminant par de tels motifs, alors que l’agence Juvisa est
responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à une opération 554 dont
l’échec est imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette responsabilité
étant contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres parties, et alors que
cette responsabilité n’est pas effacée par les fautes du notaire 555 qui a concouru à la
réalisation du dommage, la cour d’appel a violé, par refus d’application le texte susvisé ».
549 Article 9 de la loi 79-596 du 13 juillet 1979, devenu L 312-16 du Code de la consommation.
550 Voir Civ. 1ère, 16 déc. 1992, préc. et Civ. 1ère, 15 décembre 2011, préc.
551 Voir infra, n°383 - .
552 L’acquéreur peut même décider d’agir contre le notaire ou encore contre les assureurs de l’agent
immobilier et du notaire.
553 Civ. 1ère, 16 déc. 1992, préc.
554 Pour la bonne compréhension de cette référence à la pluralité des parties dans l’instance, il faut
rappeler que la vente ayant été annulée pour erreur sur la substance des acquéreurs (supra, n° 186), cela
avait entraîné la résolution du prêt ayant permis le financement de l’acquisition ; c’est pourquoi le prêteur
agissait, lui aussi, en responsabilité contre l’agent immobilier. Sur les chances de succès d’une telle action,
voir infra, n° 382 - et 383 -
555 Il convient de signaler que l’acquéreur avait également assigné le notaire rédacteur de l’acte, ainsi que
le notaire en second, lesquels avaient été condamnés par la Cour d’appel à réparer le préjudice de
l’acquéreur et à garantir le vendeur des condamnations prononcées contre lui.
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Ainsi apparaît l’idée de faute professionnelle de l’agent immobilier, avec son corollaire selon
lequel un même comportement de sa part est susceptible d’être qualifié aussi bien de
manquement à ses obligations contractuelles que de faute au sens de l’article 1382 du Code
civil, la qualification dépendant de la qualité de demandeur à l’instance en responsabilité. En
d’autres termes, la faute délictuelle de l’agent immobilier est identique à son manquement
contractuel, dont elle apparaît comme le reflet, l’écho ou encore le prolongement sur le
terrain de la responsabilité délictuelle.
D’ailleurs cette conception est consacrée, quelques années plus tard, par une décision de
l’Assemblée plénière en date du 6 octobre 2006556, décision qui énonce solennellement que
« le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un
manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage ». Il n’est
donc pas nécessaire, lorsqu’un tiers demande à un cocontractant réparation du préjudice
qu’il subit en raison de son inexécution du contrat, qu’il démontre l’existence d’une faute
délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point de vue contractuel ; il lui
suffit d’invoquer le manquement contractuel.
376 - Il faut cependant signaler qu’un arrêt de la troisième chambre civile du 22 octobre
2008557 semble remettre en cause l’identité établie entre le manquement contractuel et la
faute délictuelle.
Les faits sont les suivants. A l’occasion de travaux d’aménagement qu’il a décidé d’effectuer,
le nouvel acquéreur d’une villa édifiée sur un terrain en forte pente fait appel à des hommes
de l’art qui lui apprennent que les fissures affectant le bâtiment proviennent d’une
défectuosité des fondations. L’acquéreur assigne alors les vendeurs en garantie des vices
cachés ; les vendeurs appellent en garantie l’expert judiciaire qui avait préconisé des travaux
de reprise lors d’un litige opposant, dans le passé, ces derniers au constructeur de la villa,
litige dont ils n’avaient soufflé mot à l’acquéreur.
La Cour d’appel, constatant que l’expert, chargé également de suivre la bonne fin des
travaux, avait préféré, pour minimiser le coût de l’opération, ne pas suivre ses propres
préconisations et avait proposé des travaux de confortement sur des remblais au lieu
d’ancrer les fondations aval sur le sous-sol stable, estime que l’expert a commis une faute à
l’origine des désordres. Mais elle ne le condamne à garantir les vendeurs qu’à hauteur de la
moitié des condamnations prononcées contre ceux-ci. Elle considère en effet que les
vendeurs ont eux-mêmes concouru à leur propre dommage en ne révélant pas à leur
acquéreur l’existence de la procédure antérieure et la cause possible des fissures
récurrentes. La décision de la Cour d’appel est censurée par la Cour de cassation sur le visa
de l’article 1382 du Code civil : « en statuant ainsi, sans rechercher si le manquement
contractuel qu’elle relevait constituait une faute quasi délictuelle à l’égard de M. Z..., la cour
d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ».
Il est clair que selon cet arrêt, le manquement contractuel ne constitue pas
automatiquement une faute délictuelle invocable par un tiers. Pour autant, cela ne signifie
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pas un refus catégorique de l’identité du manquement contractuel à la faute délictuelle,
refus qui, transposée à l’hypothèse qui nous intéresse, interdirait à l’acquéreur de se
prévaloir du manquement contractuel de l’agent immobilier envers le vendeur qui l’a
mandaté.
En effet, la transposition n’est pas justifiée. D’abord, les situations sont différentes, en sorte
que si une transposition devait être envisagée, elle concernerait non pas l’action en
responsabilité du tiers acquéreur contre l’agent immobilier, mais l’action en garantie du
vendeur contre l’agent qu’il a mandaté. Ensuite, même limitée à l’action en garantie du
vendeur contre l’agent, il subsiste une différence qui ruine l’idée même de la transposition :
l’expert a joué un rôle déterminant dans l’existence du désordre que le vendeur a tu à
l’acquéreur, tandis que l’agent immobilier qui a tu le désordre, n’est pour rien dans son
existence.
En réalité, cette dernière observation montre que l’explication de la solution retenue par
l’arrêt du 22 octobre 2008 repose sur l’absence d’un lien de causalité. Le manquement
contractuel du vendeur envers l’acquéreur ne cause aucun dommage à l’expert, car comme
le souligne l’arrêt, la faute de l’expert est la cause directe du dommage subi par l’acquéreur.
C’est pourquoi l’expert ne saurait invoquer le manquement du vendeur pour s’exonérer de
sa responsabilité envers lui.
Le contentieux des vices cachés, qui nourrit fréquemment les actions en responsabilité
intentées par le tiers acquéreur à la fois contre son vendeur et contre l’agent immobilier
mandataire de ce dernier, illustre parfaitement les difficultés qui risquent de compromettre
le succès de l’action de l’acquéreur.
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379 - Par exemple, le caractère plus ou moins apparent du vice peut piéger l’acquéreur,
comme le montre un arrêt rendu par la Cour de cassation le 8 avril 2014558. Ayant découvert
la présence de la mérule dans la maison d’habitation qu’ils avaient achetée, des époux ont,
après expertise, assigné les vendeurs et l’agent immobilier en indemnisation de leur
préjudice. Les vendeurs sont condamnés, mais pas l’agent immobilier.
Dans leur pourvoi, les vendeurs soutiennent qu’ils ne sont pas tenus des vices apparents ou
facilement décelables dont les acheteurs auraient pu se convaincre s’ils avaient fait preuve
d’un peu de vigilance. Mais l’argument ne porte pas, car la Cour d’appel a pris soin de
préciser que le mauvais état de certaines pièces de la maison ne suffisait pas à rendre
apparent le vice lié à la mérule, que les époux Z..., acquéreurs profanes, ignoraient les
éléments permettant de faire le diagnostic d’une telle contamination et que la rénovation
récente, apparemment de qualité, du bâtiment par les vendeurs ne pouvait pas inciter les
acquéreurs à s’inquiéter de la présence éventuelle d’un champignon. Donc, le vice étant
caché, les vendeurs doivent indemniser les acheteurs.
Mais l’argument ne convainc pas la Cour de cassation. « Ayant relevé que M. X... était certes
expert judiciaire mais aux rubriques “ estimations immobilières “ et “ gestion d’immeubles “
et non à la rubrique “ bâtiments “, que le diagnostic de la présence de mérule ne pouvait
s’effectuer qu’après sondages destructifs, que la déformation de certaines boiseries,
l’ouverture de joints entre panneaux, la dégradation de certains endroits du parquet et les
traces d’humidité n’étaient pas des indices susceptibles de laisser suspecter la présence de
mérule pour un non professionnel de la construction, que les désordres relevés pouvaient
s’expliquer par la vétusté de l’immeuble qui était évidente pour tous, et que le vice n’était pas
apparent au moment de la vente, la cour d’appel, qui a pu retenir que la société X... n’était
pas un professionnel de la construction et que les acquéreurs ne pouvaient soutenir que le
vice était caché pour eux mais apparent pour l’agent immobilier, en a déduit, sans se
contredire et sans inverser la charge de la preuve, qu’aucune faute ni manquement ne
pouvait être reproché à la société X... et que l’appel en garantie des époux Y...était sans
objet ».
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délictuelle envers les acquéreurs559.
380 - La manière dont l’agent immobilier a signalé l’existence du vice caché peut
également constituer un piège pour l’acquéreur. Ainsi, dans un arrêt de la troisième
chambre civile du 26 février 2003560, l’agent immobilier avait bien informé les acquéreurs de
l’existence d’une infestation de capricornes dans la charpente ; il leur avait même conseillé
de prendre l’avis d’un spécialiste, conseil que les acquéreurs n’avaient pas suivi. Or voilà que
les acquéreurs découvrent la présence de termites dans la maison ; ils introduisent alors une
action indemnitaire à l’encontre des vendeurs et de l’agent immobilier.
La Cour d’appel les ayant déboutés de leurs demandes, ils forment un pourvoi que la Cour
de cassation rejette. « Mais attendu qu’ayant relevé que M. Z... et Mme A... ne contestaient
pas que l’agent immobilier leur avait signalé l’existence d’une infestation de capricornes dans
la charpente et leur avait conseillé de prendre l’avis d’un spécialiste, que si la présence de
termites n’avait pas été mentionnée ni par la venderesse ni par l’agent immobilier, il
appartenait aux acquéreurs de faire preuve d’une prudence élémentaire et de suivre le
conseil de (l’agent) qui préconisait l’appel à un professionnel puisqu’ils étaient informés de la
présence de capricornes qui sont également des insectes xylophages et que l’aide d’un tiers
compétent aurait permis de connaître avant la vente la nature et l’ampleur de l’infestation,
tant de capricornes que de termites, la cour d’appel, sans dénaturation des conclusions
d’appel des acquéreurs, a pu déduire de ces seules constatations que la présence non révélée
de termites ne constituait pas un vice caché justifiant l’allocation de dommages-intérêts ».
La solution est sévère, mais juste, d’autant qu’elle met discrètement l’accent sur
l’importance d’une autre condition essentielle à l’engagement de la responsabilité de l’agent
immobilier envers le tiers acquéreur, à savoir l’existence d’un lien de causalité entre la faute
du premier et le préjudice du second.
381 - Une difficulté que soulève l’existence du lien de causalité se rencontre lorsque
plusieurs événements ont concouru à la réalisation du dommage. Mais ce point, classique en
droit de la responsabilité, n’appelle pas de développement spécifique 561. En revanche,
559 On verra plus loin, infra n° 387 - et suivants, que l’absence de manquement de l’agent immobilier à ses
obligations contractuelles a produit des conséquences sur la notion même de faute professionnelle.
560 Civ. 3ème, 26 février 2003, n° 01-12750, Bull. III, n° 53.
561 Voir cependant Civ. 3ème, 8 avril 2009, n° 07-21910, 07-21953, Bull. III, n° 83, rendu dans une espèce où
l’agent immobilier était le mandataire des acquéreurs. Ces derniers avaient acheté une maison affectée de
fissures, mais ils n’avaient pas été informés ni de la gravité potentielle des fissures, ni de ce que
l’immeuble était situé dans une zone faisant l’objet d’une procédure de catastrophe naturelle en cours au
moment de l’achat. Les désordres s’étant aggravés au point de rendre la maison inhabitable, les
acquéreurs avaient assignés leurs vendeurs, l’agence immobilière et les assureurs en réparation de
l’ensemble de leurs préjudices. Les assureurs critiquaient les juges du fond qui les avaient condamnés, in
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mérite d’être étudiée l’influence qu’exerce sur le lien de causalité la complexité qui
caractérise le préjudice subi par l’acquéreur562.
Le préjudice invoqué par l’acquéreur varie selon le type d’action que ce dernier intente
contre son vendeur. Ainsi, en cas de vices cachés, l’acquéreur a le choix entre une simple
action en responsabilité ou entre une action en résolution de la vente ou même une action
en annulation s’il établit le dol du vendeur. A ces différentes possibilités d’action
correspondent différentes catégories de préjudice.
Mais, dans tous les cas, l’acquéreur qui agit simultanément contre le vendeur et contre
l’agent immobilier a intérêt à expliciter tous les préjudices dont il demande réparation, de
façon à conforter l’existence du lien de causalité entre le préjudice qu’il invoque et la faute
qu’il reproche à l’agent immobilier. En témoigne un arrêt de la troisième chambre civile du
10 mars 2015563 où l’acquéreur réclamait au vendeur et à l’agent immobilier mandaté par ce
dernier, la réparation du préjudice résultant de travaux de remise en état des fissures que le
vendeur avait rebouchées, ce qui avait trompé l’acquéreur sur l’ampleur des désordres
affectant la maison.
solidum avec l’agent immobilier, à prendre en charge la totalité des travaux de réparation, car, selon eux, le
rapport d’expertise indiquait que la cause des fissures résidait certes dans les mouvements de terrain
consécutifs à un épisode d’intense sécheresse, suivi de la réhydratation du sol, mais aussi dans le caractère
inadéquat avec la nature du sol de la technique de construction de l’immeuble utilisée. Leur pourvoi est
rejeté : d’une part, les désordres étaient directement liés et techniquement en relation avec les
mouvements de terrain, la technique traditionnelle de construction de l’immeuble inadéquate avec la
nature du sol n’ayant été qu’un facteur aggravant des désordres, d’autre part, le fait que l’immeuble
n’avait connu aucun désordre à ses fondations pendant plus de vingt cinq ans indiquait que les fondations
et la structure du bâtiment suffisaient à assurer sa solidité dans des conditions climatiques normales.
562 L’arrêt précité du 8 avril 2009 illustre également l’influence exercée sur le lien de causalité par la
nature du préjudice invoqué. Ainsi, outre sa condamnation in solidum avec les assureurs à supporter les
frais de remise en état de l’immeuble, l’agent immobilier contestait sa condamnation à réparer d’autres
préjudices invoqués par les acquéreurs. Il reprochait aux juges du fond de n’avoir pas caractérisé le lien de
causalité entre son manquement à l’obligation d’informer les acquéreurs et les préjudices subis par les
acquéreurs. Son pourvoi est rejeté : « Mais attendu qu’ayant relevé, d’une part, que les époux X... n’auraient
pas à tout le moins acquis au même prix s’il avaient connu la gravité des désordres, d’autre part, que la
société l’Agence du Lys ne contestait pas avoir eu connaissance de la procédure de constatation de
catastrophe naturelle en cours et que, compte tenu du lieu de son siège, elle ne pouvait ignorer ni que la
maison à vendre se trouvait au centre de la zone particulièrement touchée, ni les conséquences des
mouvements de terrain, la cour d’appel, qui a retenu, à bon droit que l’agent immobilier devait attirer
l’attention des acquéreurs sur l’origine très vraisemblable des fissures apparentes et sur leur gravité
potentielle pouvant affecter la structure de l’immeuble, a pu en déduire, sans contradiction, que l’Agence du
Lys avait commis une faute ayant concouru à la réalisation de l’entier dommage… ».
563 Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-19445, inédit.
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Dans cette affaire, examinée plus haut sous l’angle de la garantie que doit l’agent
immobilier au vendeur, son mandant, on a vu que la Cour de cassation, s’appuyant sur la
mauvaise foi du vendeur, avait refusé de condamner l’agent à garantir le vendeur du
montant de la remise en état564. Reste à présent à examiner le sort qu’elle a réservé à
l’action en responsabilité que l’acquéreur avait directement intentée contre l’agent.
Très logiquement, si la faute délictuelle de l’agent immobilier est conçue comme le strict
reflet d’un manquement de ce dernier aux obligations qu’il a contractées envers le vendeur,
il n’y a pas lieu de condamner l’agent : pas de manquement contractuel, pas de faute
délictuelle. Mais, on le verra plus loin, la notion de faute professionnelle permet de dépasser
cette conception étroite565. C’est pourquoi, et à juste titre, l’acquéreur faisait valoir que
l’agent immobilier avait commis une faute envers lui en s’abstenant de lui signaler les
désordres dont était affecté l’immeuble.
Pourtant, l’argument n’a pas suffi pour obtenir la condamnation de l’agent à réparer le
préjudice de l’acquéreur correspondant aux travaux de remise en état. En effet, et la Cour
d’appel l’avait souligné dans sa décision, la faute reprochée à l’agent par l’acquéreur ne
cause à ce dernier qu’un préjudice limité à la perte de chance de ne pas avoir acquis la
maison ou de ne pas l’avoir acquise à un prix inférieur, le préjudice représenté par les frais
de remise en état, lequel ne trouvant son origine que dans la vente elle-même et la
mauvaise foi du vendeur.
Dès lors, le pourvoi de l’acquéreur ne pouvait que faire l’objet d’un rejet. Comme l’exprime
la Cour de cassation, « la faute de l’agent immobilier était sans lien de causalité avec le seul
préjudice invoqué par les acquéreurs », à savoir la réparation des désordres causés par les
fissures. En même temps, il est regrettable pour l’acquéreur qu’il n’ait pas pensé à lister les
différents préjudices qu’il subissait ; au moins, aurait-il pu obtenir la condamnation de
l’agent immobilier à réparer son préjudice fondé sur la perte de chance.
383 - En cas de vices cachés, il est fréquent que l’acquéreur exerce contre son vendeur une
action en résolution, voire en annulation lorsqu’il parvient à établir le dol du vendeur. Bien
sûr, cette action est accompagnée d’une demande de dommages-intérêts, dirigée tant
contre le vendeur que contre l’agent immobilier. On sait qu’en pareil cas, si l’immeuble a été
acheté au moyen d’un crédit relevant des dispositions du Code de la consommation, la
résolution ou l’annulation de la vente emporte automatiquement celle du prêt. Se pose alors
la question de la restitution du prix et du remboursement du prêt.
Nul doute que l’agent immobilier qui n’a pas correctement rempli ses obligations
contractuelles envers le vendeur, sera condamné à garantir ce dernier de la restitution du
prix, y compris entre les mains du banquier qui a financé l’acquisition566. Mais ici, il s’agit de
savoir si l’agent immobilier peut être condamné, in solidum avec le vendeur, à restituer le
prix à l’acquéreur ou à réparer le préjudice que la résolution du prêt cause au banquier qui a
été attrait dans l’instance en résolution ou en annulation de la vente.
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Un intéressant arrêt de la première chambre civile rendu le 15 décembre 2011567, déjà
évoqué à propos de la possibilité pour l’agent de s’exonérer partiellement de son obligation
de garantie envers le vendeur qui, auteur d’une réticence dolosive, a dissimulé les vices
affectant l’immeuble que l’agent était chargé de vendre568, traite également de l’action en
responsabilité exercée directement contre l’agent par l’acquéreur et le banquier prêteur.
En l’espèce, la vente avait été annulée pour dol des vendeurs qui avaient dissimulé aux
acquéreurs que la maison était en réalité un baraquement en bois construit après guerre,
dont la charpente était pourrie et les fondations dégradées, ce que les acquéreurs avaient
découvert lorsqu’ils avaient entrepris d’y faire des travaux. De son côté, l’agent immobilier
mandaté par les vendeurs avait présenté l’immeuble comme étant en bon état. A l’évidence,
la responsabilité de ce dernier méritait d’être engagée tant envers les vendeurs qu’envers
les acquéreurs. La Cour d’appel en avait déduit que non seulement il devait garantir
intégralement le vendeur des condamnations prononcées contre lui, mais encore qu’il
méritait d’être condamné in solidum avec le vendeur à verser aux acquéreurs des
dommages-intérêts dont le montant incluait le prix de vente de l’immeuble. Elle l’avait
également condamné, toujours in solidum avec le vendeur, à verser au banquier prêteur,
outre l’indemnité contractuelle due en cas de remboursement anticipé, les intérêts
conventionnels stipulés aux contrats de prêt résolus.
Son arrêt est cassé par la première chambre civile. S’il est inutile de revenir sur la censure
dont fait l’objet la condamnation de l’agent à garantir intégralement le vendeur, la censure
des autres chefs de condamnation de l’agent mérite réflexion.
A l’évidence en s’exprimant ainsi, la première chambre civile signifie qu’à ses yeux aucun lien
de causalité n’existe entre la faute commise par l’agent immobilier et le préjudice invoqué
par la banque. La solution mérite d’être approuvée.
Page 301
banquier demande réparation, n’a aucun lien direct avec le défaut d’information reproché à
l’agent immobilier.
Cette fois, la Cour de cassation ne se réfère plus à un défaut de lien de causalité entre la
faute de l’agent immobilier et le préjudice invoqué ; elle nie carrément l’existence d’un tel
préjudice. En d’autres termes, la Cour considère, et à juste titre, que la restitution du prix ne
relève pas, en tant que telle, des catégories de la responsabilité civile, mais qu’elle n’est
qu’un effet mécanique de l’annulation ou résolution de la vente, lesquelles désignent le
vendeur comme unique débiteur de la restitution du prix qu’il a reçu. Dès lors, pour que la
restitution du prix accède au rang de préjudice indemnisable susceptible d’être mis à la
charge de l’agent immobilier, il faut que des circonstances exceptionnelles se trouvent
réunies.
Ces circonstances existent lorsque le vendeur établit qu’il subit une résolution ou une
annulation qui a été provoquée par la faute de l’agent. Alors, mais seulement alors, la
restitution du prix devient un préjudice indemnisable par l’agent, dont le manquement à
l’une de ses obligations contractuelles envers le vendeur, en provoquant l’anéantissement
de la vente, a causé préjudice au vendeur qui doit restituer le prix. C’est ce qui a été vu à
propos de l’obligation de l’agent appelé à garantir le vendeur lorsque ce dernier est actionné
par l’acquéreur569.
En revanche, il est douteux que les circonstances soient réunies, lorsque c’est l’acquéreur
qui agit directement contre l’agent. En effet, même si le comportement de l’agent a
provoqué l’annulation ou la résolution de la vente, cela reste insuffisant dans la mesure où
l’anéantissement du contrat donne mécaniquement à l’acquéreur le droit d’obtenir la
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restitution du prix. Pour qu’il en aille autrement, il faudrait que l’acquéreur démontre que,
par son comportement fautif, l’agent lui a fait perdre son droit à restitution, ce qui constitue
une hypothèse hautement improbable.
C’est pourquoi si, exceptionnellement, l’agent immobilier peut être condamné à garantir la
restitution du prix par le vendeur, il y a peu de chances qu’aboutisse l’action en
responsabilité de l’acquéreur dirigée directement contre l’agent et visant à lui faire
supporter le poids de la restitution du prix.
La jurisprudence ne l’a pas admis, adoptant du même coup une conception de la faute
professionnelle de l’agent immobilier qui s’émancipe de la faute délictuelle regardée comme
la réplique d’un pur manquement contractuel.
387 - Il a été précédemment observé qu’il arrive que l’agent immobilier s’acquitte
correctement de ses obligations contractuelles envers son mandant, en sorte que
l’acquéreur, qui se plaint d’avoir subi un préjudice, se trouvera débouté de son action en
responsabilité contre l’agent570. Le plus souvent, il n’y a là rien de scandaleux, car le
préjudice de l’acquéreur est en réalité le résultat de sa propre négligence. Mais ce n’est pas
toujours le cas.
Ainsi, lorsque l’agent immobilier tait une information dont le vendeur a une parfaite
connaissance, par exemple un vice caché, il est certain qu’il ne commet aucune faute envers
son mandant ; mais il est tout aussi certain que, par son silence, il cause préjudice à
l’acquéreur. Précisément, pour éviter que le comportement de l’agent immobilier ne
demeure impuni, la jurisprudence a reconnu l’existence d’un devoir d’information de l’agent
envers l’acquéreur.
Du coup, il est clair qu’une faute professionnelle peut être reprochée à l’agent immobilier
alors même qu’il a respecté ses obligations contractuelles envers son mandant (1). Mais il y a
mieux : une faute professionnelle peut lui être imputée même si c’est le vendeur a manqué
de loyauté envers son mandataire (2).
Page 303
1 - Faute professionnelle de l’agent et absence de manquement contractuel
envers son mandant
388 - Que l’agent immobilier ne commette aucune faute lorsqu’il n’informe pas son
mandant d’un fait dont ce dernier possédait déjà une totale connaissance, s’impose tant la
solution est marquée au coin du bon sens.
Comme l’exprime la jurisprudence à propos d’un notaire, si celui-ci est tenu d’une obligation
d’information et de conseil, il n’est pas tenu d’informer les parties des données de fait
qu’elles connaissent déjà 571. En l’espèce, l’acquéreur se plaignait du caractère inondable du
terrain sur lequel était édifié la maison achetée. Or, le permis de construire de la maison,
auquel l’acte sous seing privé faisait référence, avait été annexé à l’acte authentique et ce
permis mentionnait le caractère inondable de la partie basse du terrain, imposant des
aménagements particuliers pour une éventuelle construction à cet endroit. Le notaire
n’avait donc pas l’obligation d’informer l’acquéreur d’une particularité qu’il connaissait ou
aurait dû connaître.
Certes, la solution tranche un litige entre l’acquéreur et le notaire ; mais elle est
parfaitement transposable aux obligations contractées par l’agent immobilier envers le
vendeur. D’ailleurs, c’est bien ce qu’a implicitement admis la Cour de cassation, en rejetant
le pourvoi contre un arrêt qui, dans une affaire de vices cachés, déboutait le vendeur de son
appel en garantie contre l’agent immobilier : « si l’agent immobilier peut être tenu, dans
certaines circonstances, d’un devoir d’information dans le cadre de l’exécution de son
mandat, les vendeurs, qui étaient eux-mêmes parfaitement informés des manifestations des
vices dont était affectée leur maison, et ne les ayant pas signalées aux acheteurs, ne peuvent
lui reprocher de ne pas avoir conseillé de faire réaliser une expertise contradictoire préalable
à leur sujet ; qu’ils sont donc déboutés de leur appel en garantie »572.
389 - Reste alors à justifier la raison pour laquelle l’agent immobilier qui n’a commis aucun
manquement contractuel envers le vendeur serait fautif envers l’acquéreur. D’où vient une
telle faute ? A l’évidence, il n’existe aucun contrat entre l’acquéreur et l’agent immobilier,
comme le souligne ce dernier dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 16 novembre
1977573.
En l’espèce, l’acquéreur, après avoir découvert que la maison qu’il avait achetée était
attaquée par les termites alors que l’agent immobilier chargé de vendre l’immeuble lui avait
remis le rapport d’un technicien du bâtiment attestant que la maison était en parfait état,
assigne en dommages-intérêts l’agent immobilier et obtient sa condamnation. Dans son
pourvoi, l’agent soutient primo qu’il n’est pas le mandataire de l’acquéreur, ce qui implique
que la Cour ne saurait lui reprocher d’avoir manqué à une quelconque obligation envers
l’acquéreur, secundo que seul le défaut de signalement d’un fait ou d’un vice effectivement
connu de l’auteur de l’omission constitue une réticence dolosive, si bien que la Cour d’appel
ne saurait déduire une omission volontaire du seul fait que, de par sa profession et ses
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qualités, l’agent immobilier est censé connaître l’existence dans l’immeuble du vice non
signalé aux vendeurs.
Le pourvoi est rejeté. « Attendu qu’après avoir, à bon droit, énoncé que Z… (l’agent
immobilier) avait l’obligation de porter à la connaissance des époux D.., acquéreurs,
l’existence des vices affectant l’immeuble qu’il avait été chargé de vendre, la cour d’appel
relève qu’en raison de son expérience d’agent immobilier établi dans une région où la
présence des termites était depuis longtemps constatée et de la qualité d’expert immobilier,
le sondage de la charpente auquel il avait procédé et l’aspect des boiseries qu’il avait vues en
visitant l’immeuble n’avaient pu manquer de révéler à Z... que la maison avait souffert d’une
attaque considérable de la part des insectes encore en activité dans une partie de la maison,
et que, dès lors, l’omission volontaire de Z... de renseigner les époux D... sur l’existence du
vice affectant l’immeuble revêtait un caractère dolosif et avait causé à ces derniers un
préjudice certain ».
Mais le plus important réside dans l’attendu de principe de l’arrêt : « l’agent immobilier qui a
reçu mandat soit de vendre, soit d’acheter un immeuble, garantit par sa présence la
régularité et la loyauté des pourparlers et est tenu de ne pas tromper celui qu’il a mis en
rapport avec son mandant pour l’amener à signer un engagement préjudiciable à ses
intérêts ».
390 - En somme, c’est un véritable usage de la profession d’agent immobilier que la Cour
de cassation met en évidence.
Précisément, l’annexe du décret n° 2015-1090 du 28 août 2015 édicte les préceptes qui
composent le code de déontologie. Or il est remarquable de constater que l’article 2 de ce
code exige que les agents immobiliers « exercent leur profession avec conscience, dignité,
loyauté, sincérité et probité ». Il est donc clair que l’agent qui ne respecte pas ces
prescriptions commet une faute. Et puisqu’il a violé les règles de sa profession, il ne fait alors
aucun doute que cette faute mérite la qualification de faute professionnelle.
574 Article 13-1 la loi du 2 janvier 1970, issu de l’insertion par la loi ALUR d’un titre entier consacré à
l’encadrement et au contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières.
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391 - Voilà donc la faute professionnelle consacrée par les textes ! Subsiste cependant une
difficulté. Si la notion de faute professionnelle trouve ainsi une consécration, force est de
reconnaître que celle-ci n’a qu’une portée réduite : elle ne vaut qu’en matière de
responsabilité disciplinaire.
La preuve, la loi ALUR a prévu des sanctions disciplinaires : « (t)out manquement aux lois,
aux règlements et aux obligations fixées par le code de déontologie mentionné à l’article 13-
1 commis par (un agent immobilier) dans l'exercice de ses activités… l'expose à des
poursuites disciplinaires »575. Les poursuites sont menées par une commission de contrôle
des activités de transaction et de gestion immobilières, créée par la loi ALUR et compétente
pour connaître de l'action disciplinaire exercée à raison de faits commis dans son ressort par
les agents immobiliers576. La gamme des sanctions, classique en matière disciplinaire, va de
l’avertissement à l’interdiction définitive d’exercer, en passant par le blâme et l’interdiction
temporaire577. Bien entendu, les décisions de la commission de contrôle des activités de
transaction et de gestion immobilières et de son président sont susceptibles de recours de
pleine juridiction devant la juridiction administrative578.
Pour autant, le parti adopté par la loi ALUR ne signifie pas que la notion de faute
professionnelle est réservée à la responsabilité disciplinaire ; au contraire, tout indique que
sa transposition en matière de responsabilité civile s’impose. Pour s’en persuader, il suffit de
s’intéresser aux qualités que le Code de déontologie exige des agents immobiliers :
« conscience, dignité, loyauté, sincérité et probité ».
Les mots « conscience et dignité » renvoient à la compétence dont l’agent doit faire preuve ;
quant aux mots « loyauté, sincérité et probité », ils sonnent comme ceux qu’a employés la
Cour de cassation dans son arrêt du 16 novembre 1977. Il est donc clair qu’au-delà des
vertus exigées, ces mots fixent des règles de conduite qui permettent de déterminer si un
agent a ou non commis une faute dans l’exercice de sa profession et que, si faute il y a, celle-
ci peut certes lui valoir une sanction disciplinaire, mais aussi, et d’abord, elle l’obligera à
réparer le préjudice causé au tiers qui a contracté avec son mandant et cela même si c’est le
mandant qui a manqué de loyauté envers l’agent.
commission peut prononcer une suspension provisoire d’une durée limitée. Autre originalité du texte :
d’une part, l'interdiction temporaire et l'interdiction définitive peuvent être assorties du sursis ; d’autre
part, l'avertissement et le blâme peuvent être accompagnés, pendant un délai d'un an, de mesures de
contrôle et de formation soumettant la personne sanctionnée à des obligations particulières fixées dans la
décision de la commission.
578 Article 13-9.
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2 - Faute professionnelle de l’agent et existence d’un manquement contractuel
du mandant envers l’agent
393 - En l’espèce, l’agent immobilier avait reçu un double mandat. D’une part, il était
chargé de vendre l’immeuble appartenant aux époux Y… ; d’autre part, il avait mission de
leur trouver un immeuble à acheter.
Les deux mandats sont menés à bien par l’agent, de sorte que les époux Y… signent deux
actes sous seing privé, l’un par lequel ils vendent leur immeuble aux époux A… et l’autre par
lequel ils achètent un immeuble à la Société des Mines de Kali Z... Dans les deux actes passés
sous les auspices de l’agent immobilier, figure une condition suspensive d’absence de
servitude d’urbanisme créée par le plan d’aménagement de la région parisienne.
Malheureusement, après la signature de la vente de l’immeuble des époux Y…, les époux
A… découvrent que l’immeuble est frappé d’une servitude d’alignement ; c’est pourquoi, ils
refusent, et à juste titre, de réitérer la vente devant notaire. Du coup, les époux Y…,
probablement parce qu’ils ne peuvent plus vendre, renoncent à acheter. Mais comme ils
n’ont aucun motif valable pour ne pas acheter, la Société des Mines de Kali Z… les assignent
en paiement du dédit prévu à l’acte sous seing privé. Les époux Y… appellent alors l’agent
immobilier en garantie ; celui-ci est condamné à les garantir.
Dans son pourvoi, l’agent immobilier rappelle que le tribunal avait constaté que les époux
Y… avaient commis une faute en ne révélant ni à l’agent, ni aux l’acheteur l’existence de la
servitude. Il fait alors valoir que décider qu’il doit garantir ses mandants des conséquences
dommageables de leur propre faute envers lui, revient à méconnaître l’article 1147 du Code
civil, car ce sont eux, les mandants, qui n’ont pas respecté leur obligation de loyauté envers
lui.
Pourtant, son pourvoi est rejeté. « Mais attendu que l’arrêt relève qu’en sa qualité de
professionnel de l’immobilier, l’agence Mill avait l’obligation d’éclairer les parties en
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vérifiant, par l’obtention des certificats d’urbanisme, les servitudes inhérentes aux immeubles
qu’elle était chargée de vendre ; que par sa négligence professionnelle l’agence avait
empêché la réalisation de la vente aux époux A... et avait ainsi mis les époux Y... dans
l’impossibilité d’acheter le bien de la Société des Mines de Kali Z ... ; que la cour d’appel a
ainsi … pu condamner l’agence immobilière à garantir les époux Y... des conséquences
dommageables résultant de sa seule faute ».
394 - La lecture attentive de cet attendu livre des enseignements qui attestent de
l’importance de la décision.
Sans l’arrêt du 7 janvier 1982, on pourrait penser que la faute professionnelle n’a vocation à
intervenir que lorsqu’il s’agit d’engager la responsabilité délictuelle de l’agent envers le tiers
qui a contracté avec son mandant. Bref, elle jouerait le rôle de substitut à une responsabilité
contractuelle qui, par hypothèse, n’existe pas. A l’évidence, tel n’est pas l’enseignement à
tirer de l’arrêt de 1982. En effet, non seulement l’arrêt concerne la question de la
responsabilité contractuelle de l’agent envers son mandant ; mais encore, et surtout, la Cour
de cassation tranche la question en faisant prévaloir la faute professionnelle de l’agent sur le
manque de loyauté des époux envers l’agent, manquement contractuel par excellence.
Dès lors, il ne fait aucun doute que la notion de faute professionnelle, en l’occurrence la
négligence de l’agent qui n’a pas vérifié s’il existait ou non des servitudes, surplombe les
obligations contractuelles de parties. D’une part, la négligence de l’agent l’emporte sur le
manque de loyauté des époux Y… ; d’autre part, les obligations contractuelles de l’agent se
définissent exclusivement par rapport aux devoirs de sa profession. Ceci explique que l’agent
se trouve condamné à garantir son mandant, alors que ce dernier ne lui a pas révélé
l’existence de la servitude grevant l’immeuble.
395 - Au fil des développements qui précèdent, on constate que le reproche adressé à
l’agent immobilier, que ce soit par le vendeur ou par l’acquéreur, tourne toujours autour de
la même idée : l’agent n’a pas révélé à l’une des parties à la vente, voire aux deux, une
particularité affectant l’immeuble vendu. Il apparaît alors que le manquement de l’agent
immobilier à son devoir d’information envers les parties à la vente caractérise sa faute
professionnelle.
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§ 2 - Le contenu de la faute professionnelle de l’agent immobilier, un
manquement à son devoir d’information envers les parties à la vente
396 - Si la violation par l’agent immobilier de son devoir d’information à l’égard des parties
à la vente donne corps à sa faute professionnelle, il importe en premier lieu d’observer
qu’une telle incarnation se décline sous différentes formes, selon le degré des diligences
attendues de l’agent immobilier (A). La jurisprudence employant souvent l’expression de
manquement au devoir d’information et de conseil, il importe en second lieu de s’interroger
sur le point de savoir si la notion de faute professionnelle de l’agent immobilier va jusqu’à
inclure la violation d’un devoir de conseil (B).
397 - Avoir caché à l’acquéreur de l’immeuble un défaut que l’agent immobilier mandaté
par le vendeur connaît, représente certainement la violation la plus grave de son devoir
d’information, mais aussi la plus rare. A dire vrai, aucune décision de jurisprudence ne
mentionne une telle hypothèse. Il n’y a là rien d’étonnant : il est quasiment impossible de
rapporter la preuve que l’agent immobilier a sciemment caché un défaut de l’immeuble à
l’acquéreur. Outre qu’il faut espérer qu’aucun agent immobilier ne se livre à une telle
pratique, cela suppose d’établir l’existence d’un concert frauduleux entre le vendeur et son
mandataire, concert destiné à tromper l’acquéreur.
En revanche, la jurisprudence fournit des exemples où elle estime, pour des raisons diverses
et variées, que l’agent immobilier n’a pas caché à l’acquéreur le défaut dont ce dernier se
plaint.
Une première raison, de pur bon sens, tient au fait que l’agent immobilier est en mesure
d’établir qu’il a informé l’acquéreur, que ce soit parce qu’il s’est préconstitué la preuve ou
parce que l’acquéreur reconnaît avoir été averti. Il faut cependant rappeler que la Cour de
cassation s’est montrée plutôt bienveillante à l’égard de l’agent en considérant que
l’avertissement donné à l’acquéreur à propos d’une infestation de termites valait aussi pour
une éventuelle infestation d’autres insectes xylophages, en l’occurrence les capricornes 581.
Une deuxième raison repose sur la constatation que le défaut invoqué constitue un vice
apparent que par hypothèse l’agent immobilier n’a pas pu cacher. Ainsi, dans une affaire où
l’acquéreur se plaignait d’infiltration d’eau dans les murs de l’immeuble, la Cour de cassation
rejette le pourvoi contre la Cour d’appel qui avait débouté l’acquéreur de sa demande en
dommages-intérêts dirigée contre l’agent immobilier, aux motifs que l’humidité suintant des
murs était parfaitement visible et rendait le vice apparent582.
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Enfin, et c’est la troisième raison, il arrive que le défaut soit un vice caché indécelable pour
toute personne qui n’est pas un professionnel de la construction. Or, l’agent immobilier, s’il
est un professionnel de la transaction immobilière, n’est pas un professionnel de la
construction. De la sorte, on ne peut lui reprocher de n’avoir pas informé l’acquéreur d’un
vice qu’il n’avait pas les moyens de détecter583.
398 - Cette dernière remarque est importante. En effet, s’il n’existe pas d’arrêts qui
condamnent l’agent immobilier pour avoir sciemment dissimulé à l’acquéreur un défaut
dont il avait connaissance, il n’est pas rare, au contraire, qu’une condamnation soit
prononcée au bénéfice de l’acquéreur contre l’agent qui a dissimulé un défaut qu’il aurait dû
découvrir, défaut qui réside généralement dans un vice caché.
Ainsi, dans l’affaire tranchée par la troisième chambre civile le 16 novembre 1977 584, où les
acquéreurs se plaignaient de ce que la maison était attaquée par les termites alors que
l’agent immobilier chargé de vendre l’immeuble leur avait remis le rapport d’un technicien
du bâtiment attestant que la maison était en parfait état, la Cour souligne que « le sondage
de la charpente auquel il avait procédé et l’aspect des boiseries qu’il avait vues en visitant
l’immeuble n’avaient pu manquer de révéler à Z... que la maison avait souffert d’une attaque
considérable de la part des insectes encore en activité dans une partie de la maison, et que,
dès lors, l’omission volontaire de Z... de renseigner les époux D... sur l’existence du vice
affectant l’immeuble revêtait un caractère dolosif et avait causé à ces derniers un préjudice
certain ». Il est alors clair qu’en n’informant pas les acquéreurs d’un défaut qu’il aurait dû
déceler et qu’en leur fournissant un rapport que, par voie de conséquence, il sait erroné,
l’agent immobilier a trompé les acquéreurs. Voilà comment une simple négligence se
transforme en faute intentionnelle...
Une autre affaire, examinée par la Cour de cassation le 28 juin 2012585 mérite d’être
analysée, d’abord parce que le vice caché affectant l’immeuble vendu présente une
originalité puisqu’il s’agit d’un vice caché d’origine juridique586, ensuite, et surtout, parce
que la négligence de l’agent se métamorphose ici de manière remarquable en une faute
dolosive.
En l’espèce, des époux ont acheté une maison avec piscine ; l’acte sous seing privé, rédigé
par l’agent immobilier, indique que la maison, avec sa piscine, a été « édifiée selon permis et
conformité en date du 21 novembre 2001 sous le n° PC 8306400-BC 007». Après avoir vendu
leur propre maison et peu de temps avant de signer l’acte notarié, les époux apprennent
que la piscine n’est pas incluse dans le permis de construire et que ni la piscine, ni le pool
house de plus de 20 m2 n’ont fait l’objet d’une déclaration de travaux. A la suite de ces
583 Voir Civ. 3ème, 8 avr. 2014, préc. supra, n°379 - , à propos de la présence de mérule dans l’immeuble,
d’autant qu’en l’espèce le diagnostic de la présence de mérule ne pouvait s’effectuer qu’après sondages
destructifs et que les désordres observés, tels que boiseries déformées, dégradation du parquet et traces
d’humidité pouvaient s’expliquer par la vétusté de l’immeuble. Sur l’ensemble des problèmes que pose la
présence de mérule dans l’immeuble vendu, voir J. Lafond, « Vente d’immeuble : le risque mérule », La
Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 26, 26 Juin 2015, 1108.
584 Civ. 3ème, 16 nov. 1977, préc. supra, n°389 -
585 Civ. 1ère, 28 juin 2012, n° 11-13461, inédit.
586 Voir le commentaire de P. CORNILLE, Construction - Urbanisme n° 9, Septembre 2012, comm. 138,
dans lequel l’auteur critique la qualification de vice caché, préférant y voir un vice du consentement.
Page 310
découvertes et discussion entre les parties, le notaire décide de tenir compte des
modifications substantielles que ces découvertes impliquent en notifiant aux époux un
nouveau projet d’acte qui leur ouvre ainsi, conformément à l’article L 271-1 du Code de la
construction et de l’habitation, la possibilité de se rétracter. Effectivement, les époux se
rétractent ; mais ils demandent au vendeur et à l’agent immobilier des dommages-intérêts
en réparation du préjudice matériel qu’ils ont subi, l’achat manqué de la nouvelle maison
ayant provoqué la vente de l’ancienne, en sorte qu’ils se sont trouvés un temps sans lieu de
résidence.
La Cour d’appel fait droit à la demande des époux et condamne in solidum le vendeur et
l’agent immobilier à les indemniser. Elle considère que ce dernier, qui mentionne dans le
compromis le certificat de conformité au permis de construire, doit vérifier si le permis
comprend la construction de la piscine. Or en s’abstenant de le faire et en introduisant dans
le compromis de vente une mention de nature à dissimuler les vices dont est atteint le bien
vendu, il induit en erreur les acquéreurs. A travers ses arguments, on observe que la Cour
d’appel a parfaitement saisi le basculement qui s’est opéré de la simple négligence à la faute
dolosive.
Dans son pourvoi, l’agent immobilier expose que lorsqu’il rédige un compromis de vente, il
n’est pas tenu de se faire communiquer le dossier de permis de construire de l’immeuble
vendu. Il n’est pas davantage tenu de vérifier que la construction est conforme audit permis,
dès lors qu’aucune raison ne lui permet de douter de la validité et de la sincérité des
déclarations des vendeurs sur ce point. En d’autres termes, Il est visible que l’agent tente de
replacer le débat sur le strict terrain de la faute de négligence, faute que, bien entendu, il
conteste avoir commis.
Mais la tentative tourne court. La première chambre civile rejette sèchement le pourvoi. De
l’argumentation développée tant par la Cour d’appel que par le pourvoi, la Cour de cassation
ne retient qu’un seul aspect, essentiel à ses yeux : l’agent immobilier a fait figurer dans l’acte
qu’il a rédigé une mention de nature à dissimuler les vices affectant le bien vendu et cela
suffit à justifier sa condamnation. Dans ces conditions, la question n’est pas de savoir si
l’agent immobilier a ou non commis une négligence en s’abstenant de vérifier la
concordance entre le permis de construire et les ouvrages réalisés587 ; il s’agit seulement de
constater qu’en se référant, dans le compromis de vente, au permis de construire et à la
déclaration de conformité, l’agent s’expose, pour le cas où la référence s’avérerait fausse, à
induire en erreur les acquéreurs parce qu’alors il leur aura caché le défaut dont l’immeuble
était atteint.
399 - Mis à part ces cas exceptionnels, il reste que le plus souvent en pratique l’agent
immobilier sera condamné sur le fondement de sa simple négligence : il n’a pas révélé un
défaut qu’en raison de ses compétences professionnelles, il n’a pu manquer de déceler.
Nombreuses sont les décisions de la Cour de cassation rendues en ce sens.
587 Sur l’obligation faite à l’agent immobilier de vérifier la concordance entre les travaux réalisés et les
règles d’urbanisme, voir infra, n°401 -
Page 311
400 - Il n’est pas utile de s’attarder longuement sur des affaires banales, en ce sens qu’il ne
fait aucun doute que l’agent immobilier a commis une négligence en n’informant pas
l’acquéreur du défaut qu’il a ou aurait dû remarquer. Les affaires de fissures en fournissent
un bon exemple.
Ainsi, la troisième chambre civile a, dans un arrêt rendu le 8 avril 2009588, décidé qu’engage
sa responsabilité envers l’acquéreur, dont au surplus il est le mandataire, l’agent qui n’a
informé son client ni sur la gravité des désordres que les fissures sur les murs peuvent
engendrer, ni sur l’origine très probable des fissures. En effet, l’agent n’ignorait pas que
l’immeuble était situé dans une zone qui faisait, à la suite de mouvements du sol provoqués
par alternance d’intense sécheresse et de réhydratation du sol, l’objet d’une procédure de
constatation de catastrophes naturelles en cours.
401 - D’autres affaires sont plus intéressantes : celles dans lesquelles la jurisprudence
impose à l’agent immobilier une obligation de vérification.
Ainsi, lorsque l’agent, pour séduire de potentiels acquéreurs, vante dans son annonce les
qualités de l’immeuble qu’il est chargé de vendre, il paraît naturel d’attendre de lui qu’il
vérifie que l’immeuble possède bien les caractéristiques qu’il lui a attribuées. Telle est la
position adoptée par la Cour de cassation dans un arrêt de la troisième chambre civile du 3
novembre 2011591.
En l’espèce, plusieurs agents avaient unis leur savoir-faire pour vendre un immeuble
prestigieux, une sorte de château. Le descriptif était alléchant et surtout présentait cette
belle et ancienne demeure comme entièrement rénovée, restaurée et pourvue d’une toiture
neuve en ardoise. Or son acquéreur, une SCI, découvre qu’en réalité des vices affectent la
charpente et le chauffage. La SCI assigne alors les vendeurs et les agents immobiliers en
réparation des préjudices engendrés par ces vices cachés. Mais la Cour d’appel la déboute
de ses demandes.
588 Civ. 3ème, 8 avril 2009, n° 07-21910 07-21953, Bull. III, n° 83.
589 Civ. 3ème, 10 mars 2015, n° 13-19445, inédit.
590 Voir supra, n° 372 - sur la question de le garantie du vendeur et n° 382 - sur la question du lien de
causalité.
591 Civ. 3ème, 3 nov. 2011, n° 10-21052, Bull. III, n° 183.
Page 312
D’une part, après avoir estimé que « tous les vices indiqués étaient soit pour la plupart
directement visibles, soit aisément visibles après une opération simple… » la Cour d’appel
rejette l’action en garantie des vices cachés contre les vendeurs, considérant que lors de
l’achat d’un tel bien, un « devoir minimal de vigilance (impose à l’acheteur) de visiter
sérieusement les lieux et, s’il n’(est) pas apte techniquement à apprécier l’état de tout ou
partie de l’immeuble, d’être accompagné d’un homme de l’art ». D’autre part, s’agissant de
la responsabilité des agents immobiliers, la Cour d’appel fonde le rejet de l’action de la SCI
sur le fait que « le descriptif des annonces publiées comporte des photographies permettant
de considérer que le château disposait d’un nouveau toit d’ardoises et qu’il n’entre pas dans
la mission d’un agent immobilier de vérifier au-delà de l’apparence, le descriptif des
annonces qu’il publie pour chercher des acheteurs ».
Mais la Cour de cassation ne partage pas ces positions : l’arrêt d’appel est cassé. D’abord,
sur l’action en garantie des vices cachés intentée contre les vendeurs, la troisième chambre
décide que la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé
l’article 1642 du Code civil. Ensuite, sur l’action en responsabilité intentée contre les agents
immobiliers, elle juge qu’en statuant comme elle l’a fait, la Cour d’appel a violé l’article 1382
du Code civil.
Le caractère caché ou apparent des vices allégués n‘appelle guère de développements, tant
il est certain qu’un acheteur profane ne saurait se livrer qu’à un examen élémentaire de la
chose vendu et qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas s’être fait accompagner par un
expert592. Mais il en va différemment de la responsabilité des agents immobiliers.
A l’évidence, la Cour de cassation considère que l'absence de toute vérification par l'agent
immobilier des arguments de vente avancés dans l’annonce qu'il publie, est susceptible
d'engager sa responsabilité civile délictuelle envers l'acquéreur lorsque l’apparition d’un vice
caché vient démentir la présentation flatteuse, mais erronée du bien, effectuée par
l’annonce. Cela signifie que l’agent ne saurait se fier à la présentation du bien telle que la lui
propose son mandant : il doit vérifier par lui-même si cette présentation correspond à la
réalité.
Cela implique aussi que l’agent ne saurait se contenter de simples apparences ; il doit
véritablement connaître le bien qu’il présente à la vente. En l’espèce la bâtisse est certes
pourvue d’une toiture neuve ; toutefois, cette simple constatation n’épuise pas l’étendue
des investigations auxquelles l’agent doit se livrer pour détenir une connaissance parfaite de
l’immeuble. En l’occurrence, une visite des combles, même si ceux-ci n’étaient pas d’un
accès facile593, lui aurait permis de découvrir le mauvais état de la charpente. C’est
finalement cette négligence qui lui vaut d’être condamné à indemniser l’acquéreur.
C’est aussi une telle négligence qui fait toute la différence entre la présente affaire et celles
évoquées plus haut594 dans lesquelles l’agent immobilier, loin d’en rester au stade de
l’absence de vérification, a participé activement à dissimuler le défaut aux yeux de
l’acquéreur.
592 Voir la jurisprudence citée par C. Sizaire qui commente l’arrêt, Construction - Urbanisme n° 1, Janvier
2012, comm. 20.
593 Comme le remarque l’arrêt, « l’expert avait énoncé qu’il lui avait fallu accéder à la toiture en passant par
les fenêtres pour constater des réparations de fortune ».
594 Voir supra, n° 397 -
Page 313
402 - Puisque l’agent immobilier a l’obligation de vérifier au-delà de l’apparence, cela
signifie-t-il qu’en toutes circonstances, il est tenu de vérifier les caractéristiques de
l’immeuble qu’il est chargé de vendre ? A la question de l’étendue de l’obligation de
vérification, la jurisprudence apporte une réponse nuancée, car il arrive qu’aucune faute ne
soit retenue à la charge de l’agent qui s’est abstenu de vérifier telle ou telle particularité de
l’immeuble.
Un autre exemple va dans le même sens. Dans une affaire jugée par la troisième chambre
civile le 28 janvier 2015596, l’acquéreur demande au vendeur des dommages et intérêts pour
inexécution de l’obligation de délivrance ; en l’occurrence, l’acquéreur se plaint de l’absence
d’évacuation des eaux usées de la maison par le tout-à-l’égout, alors que l’immeuble lui a
été vendu comme étant raccordé au réseau public d’assainissement. En effet, les eaux usées
de la maison vont dans une fosse septique qui n’est pas conforme aux normes en vigueur et
qui, faute d’être vidangée puisque l’acquéreur ignore son existence, déborde dans le jardin ;
d’où l’odeur nauséabonde qui a alerté l’acquéreur et lui a permis de découvrir que
l’évacuation des eaux usées n’était pas conforme aux stipulations du contrat de vente.
Le vendeur, ayant appelé en garantie l’agent immobilier qu’il avait chargé de la vente ainsi
que son assureur, est à juste titre condamné ; mais l’agent immobilier est mis hors de cause.
Dans son pourvoi, le vendeur soutient que l’agent est tenu, en sa qualité de professionnel,
de vérifier personnellement l’état du bien mis en vente.
Cependant, l’argument ne porte pas : « ayant relevé que les vendeurs n’avaient pas signalé à
l’agent immobilier l’existence d’un dispositif individuel d’assainissement et retenu que celui-ci
n’avait pas dès lors à vérifier le mode d’évacuation des eaux usées, la cour d’appel… a
légalement justifié sa décision en rejetant les demandes des vendeurs à l’encontre de la
société Dol immobilier et de son assureur ».
Page 314
403 - Il est donc clair, et ces deux arrêts le montrent amplement, que l’agent immobilier
n’a pas à vérifier des particularités de l’immeuble dont il ignore l’existence et qui, à l’époque
où il exécutait sa mission, ne laissaient transparaître aucune difficulté qui aurait été
susceptible d’attirer son attention, en sorte qu’on ne saurait lui reprocher de ne pas les avoir
décelées.
Reste à déterminer si cette même appréciation s’impose, lorsque la particularité que l’agent
s’est abstenu de vérifier, porte tout à la fois sur l’absence de titre de propriété du vendeur
et sur la contenance du terrain vendu, c’est-à-dire sur des éléments en relation directe avec
les obligations professionnelles de l’agent.
404 - Dans un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 15
novembre 2011597, l’acquéreur se plaignait de ce que le vendeur n’était pas propriétaire de
la totalité du bien vendu. En effet, il avait acheté une maison avec jardin et cabanon ; mais
une partie dudit jardin et le cabanon appartenaient au voisin. Bien entendu, le vendeur avait
été condamné à verser des dommages-intérêts à l’acquéreur pour réticence dolosive, car il
était acquis qu’il avait sciemment caché à l’acquéreur son absence de titre pour la partie du
jardin et le cabanon. Mais l’agent immobilier, appelé en garantie par le vendeur, avait
échappé à toute condamnation.
Or le vendeur lui reprochait de ne pas avoir, en tant que négociateur et rédacteur de l’acte
sous seing privé de vente, vérifié que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires
à l’efficacité juridique de la convention. Concrètement, l’agent aurait dû déceler que la
parcelle proposée à la vente et visitée par l’acquéreur était d’une superficie supérieure à
celle figurant dans le titre de propriété du vendeur.
Mais l’argument n’a pas convaincu la Cour de cassation. Selon elle, l’agent n’a commis
aucune faute parce que « la surface vendue correspondait à celle figurant dans l’acte
d’acquisition de M. X..., que, si ce titre ne faisait pas mention du cabanon, cette circonstance
n’était pas suffisante pour faire douter de la conformité de la contenance du bien proposé à
la vente avec celle figurant dans l’acte, que le plan cadastral ne faisait pas ressortir qu’une
partie du jardin et le cabanon étaient situés sur d’autres parcelles et retenu que les
caractéristiques extérieures du fonds, à moins d’investigations très approfondies, comme le
mesurage du terrain, auxquelles l’agent immobilier n’était pas tenu, et que les circonstances
de l’espèce ne pouvaient pas lui révéler que M. X... n’était propriétaire que d’une partie du
fonds litigieux ».
Au final, l’arrêt s’inscrit dans la même ligne que les décisions précédentes : l’agent
immobilier ignorait la situation et on ne saurait le lui reprocher. Mais l’arrêt fait mieux : il
fournit les critères permettant de déterminer si l’agent a ou non l’obligation de procéder à
des vérifications. D’abord, il faut apprécier la force du lien existant entre le point litigieux et
les compétences à attendre d’un agent immobilier. Plus le lien est distendu, parce que le
point à vérifier réclame des talents sans grand rapport avec ceux exigé de l’agent immobilier
normal, par exemple des talents de géomètre pour assurer le mesurage du terrain ou
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d’expert de la construction pour étudier l’évacuation des eaux usées, plus la probabilité
augmente que l’agent qui s’est abstenu de procéder à la vérification n’ait pas commis de
faute. Ensuite, il faut se demander si les circonstances de l’affaire sont de nature à jeter dans
l’esprit de l’agent immobilier un doute qui devrait l’alerter sur la nécessité de pousser plus
loin ses investigations. Evidemment, le cumul du lien distendu et de l’absence de doute
signifie que l’agent n’est pas tenu d’une obligation de vérification.
405 - Il reste alors à voir si les arrêts qui condamnent l’agent immobilier pour non-respect
de l’obligation de vérification, le font à l’aune de ces critères.
Une lecture rapide de certains arrêts pourrait donner à penser que lorsque la Cour de
cassation décide que l’agent immobilier est tenu d’une obligation de vérification, elle se
prononce sans s’embarrasser de recourir à un quelconque critère. Ainsi, l’arrêt de la
troisième chambre civile du 7 janvier 1982 examiné plus haut598 énonce de manière
péremptoire qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, l’agent a « l’obligation
d’éclairer les parties en vérifiant, par l’obtention des certificats d’urbanisme, les servitudes
inhérentes aux immeubles qu’il (est) chargé de vendre ». Un autre arrêt de la première
chambre civile du 13 novembre 1997599 va dans le même sens : « manqu(e) à l’obligation de
conseil et de diligence qui lui incomb(e) en sa qualité de négociateur professionnel » celui qui,
lors de la vente d’un appartement dépendant d’un immeuble en copropriété, ne vérifie pas
si les travaux effectués par le vendeur, en l’occurrence l’aménagement d’une salle de bains
construite en faisant couvrir une cour privative, l’ont été avec l’autorisation de l’assemblée
générale des copropriétaires.
Pour autant, il serait erroné d’en déduire que la Cour de cassation fait fi des critères qu’elle
utilise lorsqu’elle estime que l’agent, qui s’est abstenu de procéder à une vérification, n’a
pas commis de faute. En réalité, les deux arrêts précités portent sur des faits qui, à
l’évidence, entrent dans la mission normale de l’agent immobilier. Cela signifie que le lien
entre le point à vérifier et les compétences attendues de l’agent est si manifeste qu’il n’est
pas utile de se poser la question de son existence. C’est d’ailleurs ce qu’expriment les deux
arrêts, en mettant l’accent davantage sur les obligations professionnelles de l’agent que sur
son obligation de vérification.
Mieux encore, ces arrêts livrent une précision précieuse sur l’utilisation des deux critères.
Ceux-ci fonctionnent selon un mode hiérarchisé, en ce sens que s’il existe un lien étroit entre
le point à vérifier et les obligations professionnelles de l’agent, il est alors inutile de
rechercher si les circonstances de l’affaire sont de nature à jeter dans l’esprit de l’agent
immobilier un doute qui devrait l’alerter sur la nécessité de pousser plus loin ses
investigations. De la sorte, le critère du lien intervient toujours, tandis que celui du doute ne
joue que si le lien apparaît distendu. Cette hiérarchisation est implicitement admise dans le
premier arrêt et ouvertement posée dans le second, où l’agent qui était également syndic de
la copropriété invoquait, mais en pure perte, le fait qu’ayant pris ses fonctions de syndic
598 Civ. 3ème, 7 janv. 1982, préc., n° 205. Voir également Civ. 3ème, 14 janvier 2016, n° 14-26474, publié au
bulletin.
599 Civ. 1ère, 13 novembre 1997, n° 95-20123, Bull. I, n° 308.
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postérieurement à l’exécution des travaux litigieux, « il n’avait aucune raison de soupçonner
a priori l’absence de toute autorisation ».
406 - De même, lorsque l’agent immobilier assume la rédaction de l’acte de vente sous
seing privé, la jurisprudence décide que, à l’instar du notaire, l’agent rédacteur doit
« s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l’efficacité juridique de
la convention »600.
Concrètement, il faut d’abord que l’agent immobilier vérifie les déclarations des parties sur
leurs qualités ; spécialement si l’une des parties déclare faire du commerce, l’agent doit
vérifier si elle ne fait pas l’objet d’une procédure de redressement ou de liquidation
judiciaires.
A cet égard, un arrêt de la première chambre civile du 16 octobre 2013601 se montre aussi
sévère avec le notaire qui a reçu l’acte authentique qu’avec l’agent immobilier qui a rédigé
l’acte sous seing privé. En l’espèce, le vendeur, commerçant en retraite, avait été mis en
liquidation judiciaire cinq ans avant la vente et s’était abstenu de le préciser, se contentant
d’indiquer sa qualité de retraité et assurant qu’il n’avait jamais fait l’objet d’une procédure
collective. Malheureusement, la vente ayant été déclarée inopposable à la liquidation
judiciaire du vendeur, l’acquéreur avait assigné en responsabilité le notaire et l’agent
immobilier. Il avait cependant été débouté de ses prétentions, car la Cour d’appel avait
considéré que « que les circonstances entourant la vente ne permettaient pas de douter de la
sincérité des affirmations du vendeur ».
Son arrêt est cassé : « si le notaire, recevant un acte en l’état de déclarations erronées d’une
partie quant aux faits rapportés, n’engage sa responsabilité que s’il est établi qu’il disposait
d’éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude, il est, cependant,
tenu de vérifier, par toutes investigations utiles, spécialement lorsqu’il existe une publicité
légale aisément accessible, les déclarations faites par le vendeur et qui, par leur nature ou
leur portée juridique, conditionnent la validité ou l’efficacité de l’acte qu’il dresse ». Bien
entendu, la solution est énoncée exactement dans les mêmes termes s’agissant de l’agent
immobilier rédacteur de la promesse de vente.
Même si la Cour de cassation souffle à la fois le chaud et le froid, son message est finalement
clair. Le notaire et l’agent immobilier rédacteur de l’acte de vente sous seing privé sont tous
deux tenus de vérifier si le vendeur a, ou a eu par le passé, la qualité de commerçant et, au
cas de réponse positive, s’il a ou non fait l’objet d’une procédure collective, parce que toutes
ces informations, publiées et facilement consultables, sont indispensables pour assurer
l’efficacité juridique de l’acte de vente. En d’autres termes, l’exercice correct de leur
profession leur impose de recueillir ces informations602.
600 Civ. 1ère, 25 novembre 1997, n° 96-12325, Bull. I, n° 321 ; dans le même sens, voir Civ. 3ème, 21 oct.
2014, n° 13-12.433, inédit.
601 Civ. 1ère, 16 oct. 2013, n° 12-24267, inédit.
602 A noter que s’agissant du notaire, l’arrêt amorce un renforcement de ses obligations. Jusqu’à cet arrêt
en effet, la première chambre civile avait tendance à se montrer plus indulgente que la troisième chambre,
car elle n’imposait au notaire de vérifier les déclarations d’une partie que s’il existait des éléments de
nature à le faire douter de leur véracité ou de leur exactitude (en ce sens, voir M. Poumarède, « Les
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407 - Il faut ensuite que l’agent immobilier qui rédige l’acte sous seing privé vérifie la
régularité de l’acte translatif de propriété dont il recopie les mentions, comme le décide un
arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 21 octobre 2014603.
En l’espèce, des époux s’étaient engagés à acheter une maison, laquelle avait été construite
sans permis et avait fait plus tard l’objet de travaux d’agrandissement, exécutés sans
autorisation et contrairement aux prescriptions du plan d’occupation des sols. Or les
acquéreurs n’avaient pas été informés de toutes ces particularités ; qui plus est, l’absence de
permis de construire faisait obstacle aux travaux d’aménagement auxquels ils envisageaient
de procéder. C’est pourquoi ils avaient demandé l’annulation pour dol par réticence de la
promesse de vente, la restitution du dépôt de garantie et l’indemnisation de leur préjudice.
Si la Cour d’appel a donné gain de cause aux acquéreurs sur l’ensemble de leurs demandes,
elle a, en revanche, rejeté la demande en garantie formée par les vendeurs contre l’agent
immobilier qu’ils avaient mandaté et qui avait rédigé la promesse. La Cour a en effet estimé
« qu’en qualité de rédacteur d’acte, l’agence n’avait pas à rechercher la régularité des actes
translatifs de propriété dont elle a recopié les mentions et que sa responsabilité contractuelle
n’était pas engagée… ».
Sa décision est censurée : « en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la promesse de
vente avait été signée par l'intermédiaire de la société Immobilière Asnières 1, professionnel
de l'immobilier, qui était tenue d'une obligation de renseignement et de conseil et devait
s'assurer que se trouvaient réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de
la convention, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; (1147 C. civ.) ».
Le fait est que si l’agent immobilier s’était montré plus attentif aux mentions de l’acte de
propriété des vendeurs, mentions qu’il avait recopiées, il n’aurait pu manquer de constater
que la maison, qui était indiquée à cette époque comme ne comportant que deux pièces,
avait été agrandie, ce qui aurait dû l’inciter à vérifier les conditions dans lesquelles cette
extension avait été réalisée.
408 - Il faut enfin que l’agent immobilier vérifie la solvabilité des parties à la vente. Telle
est la conséquence extrême que la Cour de cassation fait produire à l’idée que l’agent
immobilier « qui prête son concours à la rédaction d’un acte, après avoir été mandaté par
l’une des parties, est tenu de s’assurer que se trouvent réunies toutes les conditions
nécessaires à l’efficacité juridique de la convention même à l’égard de l’autre partie »604.
L’on ne saurait nier qu’il entre dans la compétence de l’agent immobilier de vérifier que le
candidat qu’il présente à son mandant dans le cadre d’un mandat de vente ou à un vendeur
dans le cadre d’un mandat de recherche, possède l’aptitude à assumer financièrement
l’achat qu’il envisage. Cela implique donc que l’agent, loin de se fier aux seules affirmations
de celui qui désire acheter, procède à un minimum de vérifications en demandant à celui qui
veut se porter acquéreur de lui communiquer tout document établissant ses capacités
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financières. Ainsi, en décide un arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 19 mai 2011 605.
En l’espèce, l’acquéreur avait refusé de réitérer la vente devant notaire, prétextant qu’un
grave événement le contraignait à renoncer à acheter. Ce dernier étant par la suite placé en
liquidation judiciaire, le vendeur choisit de s’adresser à son mandant pour obtenir réparation
de son préjudice. Le vendeur reproche à l’agent de ne pas avoir sérieusement vérifié la
situation financière de l’acquéreur qui avait largement surestimé sa capacité à acquérir
l’immeuble, les déclarations de ce dernier s’étant révélé très exagérées eu égard à sa
condition réelle.
L’arrêt est également intéressant en ce qu’il résout l’apparente contradiction qui existe
entre la vérification des capacités financières de l’acquéreur imposée à l’agent immobilier et
le droit de la consommation qui, en réputant la vente conclue sous condition suspensive
d’obtention du prêt, ruine par avance toute prétention du vendeur à réclamer réparation du
préjudice que lui cause la non obtention du prêt. Certes, le vendeur ne peut rien réclamer à
l’acquéreur, qui au final n’achète pas parce qu’il n’a pas obtenu de prêt. Mais, à l’agent
immobilier qui a manqué à son obligation de vérification des capacités financières de
l’acquéreur, le vendeur peut toujours demander la réparation du préjudice qui résulte de la
perte de chance de céder son bien dans des conditions satisfaisantes pendant la durée de
son immobilisation.
A l’évidence, la réparation d’un préjudice aussi modique ne satisfaisait pas le vendeur qui, en
l’espèce, faisait valoir que si l’agent immobilier ne l’avait pas convaincu de ne pas exiger
l’encaissement du chèque de dépôt de garantie émis par l’acquéreur lors de la promesse de
vente, il aurait pu en conserver le montant en exécution de la clause pénale stipulée dans
l’acte sous seing privé. Cependant, outre que cette dernière circonstance est difficile à
établir, il est clair que si le vendeur avait encaissé le chèque de dépôt de garantie, il aurait dû
en restituer le montant à l’acquéreur, car la défaillance de la condition suspensive de non
obtention du prêt implique le remboursement de toute somme versée par l’acquéreur. Au
surplus, comme l’observent à la fois les juges et le commentateur de l’arrêt à la semaine
juridique, « si le vendeur avait été dûment informé par son agent du risque majeur que le
financement du bien allait être refusé au candidat à l'acquisition, il aurait alors certainement
éconduit ce dernier, de sorte que la question de l'encaissement du chèque de dépôt de
garantie ne se serait jamais posée…, la faute antérieure de l'intermédiaire quant aux
vérifications élémentaires qui s'imposaient privant d'intérêt la seconde faute, celle de ne pas
avoir conseillé le vendeur d'exiger l'encaissement du dépôt de garantie »606.
605 CA Rennes, 19 mai 2011, JurisData n° 2011-024585 ; note C. Coulon, La Semaine Juridique Notariale et
Immobilière n° 12, 23 Mars 2012, 1147.
606 C. Coulon, note préc.
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409 - Cependant, s’il incombe à l’agent immobilier de vérifier les capacités de l’acquéreur à
assumer l’achat, faut-il aller jusqu’à décider que le premier est garant de la solvabilité du
second ? Un arrêt de la première chambre civile du 25 novembre 1997 n’a pas hésité à
l’admettre607.
La solution serait tout à fait défendable si l’agent n’avait pas vérifié la capacité de son
mandant à assumer financièrement l’achat envisagé. Mais, en l’absence de précisions sur les
circonstances de fait de l’affaire, force est de reconnaître à la décision une portée générale :
l’agent immobilier a véritablement l’obligation de s’assurer de la solvabilité de l’acquéreur.
Pourtant, une telle position est discutable.
D’abord, il est excessif d’exiger de l’agent immobilier qu’il vérifie que le chèque d’acompte
versé par l’acquéreur est tiré sur un compte suffisamment provisionné. Cela revient à
confondre « l’efficacité juridique de la convention » à laquelle l’agent doit sans aucun doute
veiller, avec son efficacité économique, laquelle dépend de l’exécution par l’acquéreur des
paiements que la convention met à sa charge. Pis encore, une telle confusion aboutit à
ériger l’agent en responsable du fait d’autrui, en l’occurrence en responsable du fait de
l’acquéreur.
Ensuite, si l’objectif est uniquement de sécuriser les paiements par chèque, il suffit que le
législateur vote une loi imposant que les paiements auxquels donne lieu l’activité de l’agent
immobilier, s’effectuent par chèque de banque. Mais, en l’absence d’une telle loi, c’est au
vendeur qu’il appartient de prendre ses précautions en exigeant d’être payé au moyen d’un
chèque de banque. Surtout, il est clair qu’il n’entre pas dans les compétences de l’agent
immobilier de vérifier la solvabilité de l’acquéreur. Or, on l’a vu, l’obligation de vérification
est nécessairement en rapport avec les compétences d’un professionnel608. Il convient donc
d’en déduire que le devoir d’investigation de l’agent immobilier se limite à vérifier l’aptitude
de l’acquéreur à faire face aux obligations financières nées de la vente, en lui demandant de
produire tout justificatif de revenu utile ; sauf à transformer l’agent en garant de
l’acquéreur, on ne saurait le solliciter davantage.
Enfin, il n’est pas dénué d’intérêt de comparer la situation de l’agent immobilier rédacteur
de la promesse de vente avec celle du notaire. Or personne n’a jamais songé à imposer au
notaire un devoir général d’investigation qui le conduirait à vérifier la solvabilité d’un
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acquéreur609 ou d’une caution610. Ainsi, le notaire n’aurait à s’assurer que de l’efficacité
juridique des actes qu’il passe, tandis que l’agent immobilier devrait s’assurer également de
leur efficacité économique : étrange incohérence!
410 - Est-ce parce que la première chambre civile a manifesté une sévérité excessive dans
son arrêt du 25 novembre 1997, qu’elle rétablit une forme d’équilibre en adoptant, à propos
d’une toute autre question, une solution clémente pour l’agent immobilier, et peut-être
même un peu trop favorable ?
Dans cette affaire tranchée le 4 octobre 2005611, une promesse de vente avait été signée par
l’intermédiaire d’un agent immobilier ; mais elle n’avait pas été réitérée devant notaire, car
l’acquéreur avait été incarcéré. Le vendeur se retourne alors contre l’agent qu’il avait
mandaté, lui reprochant d’avoir commis une faute dans l’exécution de son mandat, en
n’exigeant pas de l’acquéreur le règlement du dépôt de garantie prévu au mandat, à savoir
10 % du prix de vente. En effet, la promesse rédigée par l’agent ne contenait aucune
disposition dans ce sens ; en revanche, elle comportait une clause pénale mettant à la
charge de la partie qui refuserait de signer l’acte authentique une indemnité forfaitaire égale
à 10 % du prix de vente.
La Cour d’appel déboute le vendeur. Dans son pourvoi, celui-ci rappelle que l’agent
immobilier doit respecter les obligations de son mandat, sous peine d’engager sa
responsabilité civile et que les juges du fond ne sauraient déduire du silence gardé par le
mandant à la suite de la signature de le promesse de vente, sa renonciation au bénéfice du
dépôt de garantie, pas plus qu’ils ne sauraient lui reprocher de n’avoir exiger ni l’exécution
forcée de la vente, ni le versement de la clause pénale.
Le pourvoi est rejeté. « Mais attendu qu’ayant relevé que M. X... n’avait pas mis M. Y... en
demeure de signer l’acte authentique ni tenté d’obtenir le versement de l’indemnité due au
titre de la clause pénale, la cour d’appel en a souverainement déduit que M. X... ne souhaitait
pas réitérer la vente et que le défaut de versement au séquestre de la somme prévue par le
mandat ne lui avait causé aucun préjudice ; qu’elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié
sa décision ».
Certes, il s’agit ici d’une pure question de responsabilité contractuelle de l’agent immobilier,
mais quel contraste avec la sévérité de la Cour de cassation en matière de vérification de la
609 Sur la solvabilité de l’acquéreur, voir Civ. 1ère, 28 juin 2007, n° 06-11076, Bull. I, n° 246. En l’espèce, des
banques qui avaient financé l’acquisition d’immeubles, tentaient, à la suite de la défaillance des
acquéreurs, d’engager la responsabilité du notaire. Elles lui reprochaient, alors qu’il avait instrumenté
tous les actes de vente, de ne pas les avoir averties que les acquéreurs avaient multiplié les achats, d’où il
résultait une situation d’endettement excessif. La Cour d’appel avait débouté les banques : « le devoir de
conseil du notaire ne s’étendait pas à l’analyse des capacités financières de remboursement d’un acquéreur et
à la faisabilité économique de l’opération et qu’il appartient aux établissements de crédit, et à eux seuls, de se
préoccuper de l’insolvabilité des emprunteurs et des risques présentés par l’opération qu’ils s’apprêtent à
financer ». Le pourvoi des banques est rejeté.
610 Sur la solvabilité de la caution, voir Civ. 1 ère, 13 mars 2007, n° 05-21150, Bull. I, n° 115 : « Si le notaire,
disposant d'éléments révélant une insuffisance des garanties prévues par l'acte qu'il reçoit, doit en informer
les parties, en revanche il ne lui incombe pas, en l'absence de tels éléments, de procéder à des investigations à
cet égard, notamment de s'assurer de la solvabilité d'une caution ».
611 Civ. 1ère, 4 oct. 2005, n° 02-11705, inédit.
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solvabilité de l’acquéreur ! Dans le premier cas, alors qu’elle aurait pu justifier la solution sur
le seul terrain de l’absence de préjudice, la première chambre civile nie l’existence d’un
manquement contractuel pourtant évident ; dans le second, elle crée ex nihilo une
obligation de vérification pour imputer une faute à l’agent immobilier…
411 - Même si son existence est contestable comme on vient de la voir à propos de la
vérification de la solvabilité de l’acquéreur, il reste que l’obligation de vérification se situe
dans la gamme des déclinaisons du devoir d’information au point où le degré de diligences
attendues de l’agent immobilier est le plus élevé. Faut-il aller encore plus loin en exigeant de
l’agent immobilier qu’il prodigue ses conseils aux parties à la vente ? Telle est la question
qu’il convient à présent d’examiner.
412 - S’il ne fait aucun doute que l’agent immobilier est tenu d’un devoir d’information
envers les parties à la vente, il est en revanche critiquable de lui imposer systématiquement
un devoir de conseil. Certes, la jurisprudence met volontiers à la charge de l’agent une
obligation d’information et de conseil. Par exemple, on a vu que dans les affaires où l’une
des parties à la vente reproche à l’agent de ne pas avoir vérifié une caractéristique de
l’immeuble, la jurisprudence se réfère fréquemment à l’obligation d’information et de
conseil612.
Mais si la jurisprudence lie information et conseil, il ne faut pas se méprendre sur la portée
du lien qu’elle établit. A notre avis, ce lien ne signifie nullement que le devoir d’information
de l’agent immobilier implique nécessairement l’existence d’un devoir de conseil. Il rend
simplement compte de l’objectif commun que partage devoir d’information et devoir de
conseil.
Informer et conseiller sont des actions toutes deux destinées à aider la personne qui reçoit
l’information ou le conseil à prendre la décision de conclure ou de ne pas conclure un acte.
En effet, grâce aux données délivrées au bénéficiaire de l’information ou du conseil, la
décision sera prise en connaissance de cause. Mais là s’arrête la similitude entre les deux
actions, car si leur objectif est identique, la manière de l’atteindre est différente. Dans le cas
du devoir d’information, le bénéficiaire de l’information prend sa décision lui-même, en
s’appuyant sur les informations objectives et techniques qu’il a recueillies auprès de celui qui
l’a informé. Au contraire, dans le cas du devoir de conseil, la personne conseillée n’a pas la
612 Voir Civ. 1ère, 13 nov. 1997, n° 95-20123, Bull. I, n° 308, qui qualifie de manquement à l’obligation de
conseil et de diligence le négociateur professionnel qui n’a pas vérifié si l’assemblée générale des
copropriétaires a bien donné son autorisation à des travaux d’aménagement pour lesquelles elle était
indispensables ; voir Civ. 3ème, 21 oct. 2014, n° 13-12433, inédit, à propos de l’obligation de vérification de
la régularité de l’acte translatif de propriété ; voir Civ. 1ère, 25 nov. 2015, n° 14-22102, Publié au bulletin, à
propos de la vérification de la conformité au permis de construire ou aux règlements d’urbanisme de
travaux d’agrandissement réalisés sur l’immeuble.
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compétence pour décider ; c’est pourquoi, incapable de prendre sa décision par elle-même,
elle se laisse guider par les arguments de celui qui la conseille.
Du coup, on comprend que la difficulté à tracer la frontière entre information et conseil ait
pu conduire la jurisprudence à recourir à l’expression hybride d’obligation d’information et
de conseil. Mais on comprend aussi que si le passage du devoir d’information au devoir de
conseil tient à l’incapacité de la personne à décider par elle-même, relativement rares seront
les cas où l’on pourra estimer qu’il s’agit d’un conseil et non d’une information.
413 - Précisément dans la vente d’immeuble, il semble raisonnable de penser que, sauf
hypothèse exceptionnelle, l’acquéreur est en mesure, grâce aux informations collectées
auprès de l’agent immobilier, de prendre seul la décision d’acheter ou de ne pas acheter ;
cela vaut également pour le vendeur. Il faut donc en déduire qu’en principe, l’agent
immobilier n’est pas tenu d’un devoir de conseil envers les parties à la vente613, mais d’une
obligation d’information.
En effet, outre que les procès en responsabilité contre le banquier ou l’assureur sont
pratiquement tous intentés sur la base d’une assignation qui invoque tout à la fois la
violation de l’obligation d’information et celle de l’obligation de conseil, ce qui, du point de
vue de l’auteur de l’assignation désireux de se protéger, peut se comprendre, la Cour de
cassation s’abstient de clarifier la situation en distinguant ce qui relève de l’obligation
d’information et ce qui relève de l’obligation de conseil. Mais une lecture plus attentive des
arrêts montre qu’en réalité il s’agit de l’obligation d’information.
414 - Le premier arrêt qui mérite de retenir l’attention a été rendu par première chambre
civile le 27 juin 1995614. Il est passé à la postérité pour avoir donné naissance à une nouvelle
variété d’obligation, celle de mise en garde. Or, loin de traduire le devoir de conseil du
banquier envers son client, elle exprime simplement son obligation d’information.
En l’espèce, des époux s’étaient lancés dans la construction d’une maison individuelle,
financée au moyen de plusieurs prêts. Malheureusement, les époux qui disposaient de
613 Toutefois, on verra plus loin (infra, n°420 - ) que des circonstances exceptionnelles peuvent justifier
que la responsabilité de l’agent immobilier soit engagée pour avoir mal conseillé l’une des parties à la
vente.
614 Civ. 1ère, 27 juin 1995, n° 92-19212, Bull. I, n° 287.
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faibles revenus n’avaient pas été en mesure de rembourser les prêts, en sorte que l’aventure
s’était mal terminée. La Cour d’appel, bien qu’elle eût constaté que tous les renseignements
et avertissements exigés par la loi en matière de crédit immobilier avaient été portés à la
connaissance des époux, n’en avait pas moins condamné les banques à réparer le préjudice
des époux. La Cour de cassation rejette le pourvoi des banques par un attendu dont
l’importance justifie de le citer dans son intégralité.
« Mais attendu que la présentation d’une offre préalable conforme aux exigences de l’article
5 de la loi du 13 juillet 1979 ne dispense pas l’établissement de crédit de son devoir de conseil
à l’égard de l’emprunteur, en particulier lorsqu’il apparaît à ce professionnel que les charges
du prêt sont excessives par rapport à la modicité des ressources du consommateur ; que le
second arrêt attaqué a relevé que le taux d’endettement proposé par le projet de
financement établi par la société Tradition et qualité et connu des établissements de crédit,
était insupportable pour les époux X... qui ne disposaient que de faibles revenus ; que les
prêteurs ne justifiaient pas, ni même n’alléguaient avoir mis en garde les emprunteurs sur
l’importance de l’endettement qui résulterait de ces prêts ; que la cour d’appel a pu en
déduire que les établissements de crédit avaient manqué à leur devoir de conseil et engagé
leur responsabilité envers les époux …».
Il est évident que, face aux banques qui soutiennent, et à juste titre, avoir délivré toutes les
informations requises par la loi, la Cour de cassation n’a d’autre choix que de se situer sur le
terrain de l’obligation de conseil. Pourtant, lorsque l’on s’interroge sur la nature du conseil
que les banques n’ont pas ou ont mal donné, la perspective change. En effet, on peut
appréhender la situation de deux façons ; mais, quel que soit le point de vue retenu, il est
clair que l’obligation de conseil lui est totalement étrangère : en aucun cas, elle n’y joue le
moindre rôle.
Premier point de vue : s’agissant d’un emprunteur aux ressources modestes, le seul conseil
concevable consiste à le dissuader d’emprunter. Pourtant, à y regarder de plus près, il ne
s’agit pas là de donner un conseil à quelqu’un qui se trouve en peine de décider, mais plutôt
d’exercer une prérogative qui, de toutes façons, appartient au banquier puisqu’il est
parfaitement en droit de refuser de prêter à quelqu’un dont les ressources lui paraissent
insuffisantes pour honorer les remboursements du prêt. Exit donc le pseudo conseil : en
réalité, sous couvert de l’inexécution de l’obligation de conseil, c’est l’octroi même du crédit
qui est reproché au banquier prêteur.
Second point de vue : s’agissant toujours du même emprunteur aux ressources modestes
auquel le banquier, qui lui fait confiance, a néanmoins décidé de prêter, il paraît
indispensable d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le caractère difficilement supportable
de la charge du remboursement. Exit une nouvelle fois le pseudo conseil : en réalité, sous
couvert de conseil, il est simplement question de mettre l’emprunteur en face d’une
information qu’il a spontanément tendance à occulter, à savoir que l’importance de son
endettement va le conduire à vivre chichement.
Or c’est bien là le sens de l’obligation de mise en garde dont parle la Cour de cassation dans
l’arrêt du 27 juin 1995 : il est impératif d’attirer l’attention de l’emprunteur sur un aspect du
crédit qu’il néglige, c’est-à-dire de lui délivrer une information qui va lui permette de
prendre conscience du danger du crédit. Voilà pourquoi l’information trop abstraite
prescrite par la loi ne suffit pas ; voilà aussi pourquoi elle doit être complétée par une
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information concrète qui tient compte de la situation personnelle de l’emprunteur, bref par
une information personnalisée.
415 - Le succès de l’obligation de mise en garde se manifeste aussi par le fait qu’elle n’est
pas restée cantonnée aux seuls contrats de crédit.
Ainsi, les banquiers qui proposent des placements à leurs clients investisseurs non avertis 616
sont également susceptibles d’engager leur responsabilité lorsqu’ils n’ont pas mis en garde
leurs clients des risques auxquels leurs investissements les exposent. Là encore, on constate
que la mise en garde n’est rien d’autre qu’une information personnalisée. Toutefois, et la
précision est importante en pratique, le banquier n’est tenu d’une obligation de mise en
garde envers un investisseur inexpérimenté que si le placement proposé présente un
caractère spéculatif617.
L’obligation de mise en garde est également présente chez les assureurs, comme le montre
un arrêt de la première chambre civile du 29 octobre 2014618.
615 Voir par exemple Civ. 1ère, 11 mars 2014, n° 12-29910, inédit qui censure une Cour d’appel pour n’avoir
pas recherché, « si le taux d’endettement induit par la souscription des prêts litigieux n’était pas de nature à
justifier la mise en garde des emprunteurs ». Voir également Civ. 1ère, 10 déc. 2014, n° 13-26176, inédit,
qui rejette le pourvoi de l’emprunteur, car celui-ci « n’établissait pas l’existence d’un risque effectif
d’endettement lié à l’octroi des crédits, de sorte que le manquement de la banque à son devoir de mise en
garde n’était pas caractérisé ».
616 Voir en ce sens Com. 4 mars 2014, n° 12-35350, inédit,
617 Nombreuses sont les décisions qui rejettent l’action en responsabilité parce que l’investissement
proposé n’avait pas un caractère spéculatif. Par exemple, voir Com. 11 mars 2014, n° 13-10465,
inédit, pour des parts de fonds commun de placement ; voir Com. 30 juin 2015, n° 14-17907, inédit pour
l’acquisition, en l’état futur d’achèvement, d’un ou plusieurs appartements dans une résidence-services
pour personnes âgées en vue de leur location meublée à la société exploitant la résidence ; voir Com. 22
sept. 2015, n° 14-21276, inédit pour la souscription d’actions dans le cadre d’une offre publique à prix
ouvert. Au contraire, selon Civ. 1ère, 17 juin 2015, n° 13-19759, inédit, l’acquisition en vue d’une opération
de défiscalisation d’un lot dans un immeuble devant faire l’objet de travaux de réhabilitation soumis au
régime de la loi Malraux a été considérée comme affectée d’un aléa essentiel, le succès de cet
investissement immobilier de défiscalisation à vocation touristique étant économiquement subordonné à
la commercialisation rapide et à la réhabilitation complète de l’immeuble, laquelle n’avait pas eu lieu, le
promoteur-vendeur et ses filiales chargées des travaux de restauration et de l’exploitation de la future
résidence hôtelière ayant été placés en redressement puis en liquidation judiciaire avant que ne débutent
les travaux de réhabilitation. Dans ces conditions, les investisseurs auraient dû être informés que leur
acquisition ne garantissait pas la bonne fin de l’opération de défiscalisation.
618 Civ 1ère, 29 oct. 2014, n° 13-19729, Bull. I, n° 178.
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ses assureurs. Mais ceux-ci font valoir, avec succès, la nullité du contrat, l’exposition utilisant
des dépouilles et organes de personnes humaines à des fins commerciales. La société
riposte en soutenant que les assureurs ont manqué à leur obligation de conseil quant au
caractère assurable de l’exposition litigieuse. Mais la Cour d’appel ne la suit pas, estimant,
entre autres arguments, que la société organisatrice n’ignorait pas les risques de l’exposition
projetée dont elle seule pouvait connaître les caractéristiques. Sa décision est cassée : «il ne
résulte pas de ces constatations et énonciations que les assureurs avaient attiré l'attention
de la société Encore Events sur le risque d’annulation de l’exposition litigieuse ». Certes, la
Cour de cassation ne se réfère pas expressément à l’obligation de mise en garde ; mais il est
clair que le reproche qu’elle adresse aux assureurs est significatif de l’inexécution de
l’obligation de mise en garde.
Dans cette affaire, le banquier avait obtenu de la personne à laquelle il avait consenti un
prêt qu’elle adhère à une assurance de groupe qu’il avait souscrite, de façon à garantir, en
cas de survenance de divers risques, le remboursement du prêt. L’emprunteur, un
agriculteur, avait, après avoir été déclaré inapte à l’exercice de sa profession, demandé à
bénéficier de l’assurance, ce qui lui avait été refusé, car l’assurance ne couvrait que
l’invalidité totale et définitive et ne s’appliquait pas à la seule inaptitude à la profession
d’agriculteur. Estimant que la banque avait manqué à son devoir d’information et de conseil
en le faisant adhérer à une assurance de groupe inadaptée, l’emprunteur l’avait assignée en
réparation de son préjudice.
Mais la Cour d’appel l’avait débouté. Elle avait retenu qu’en présence d’une clause claire et
précise, l’emprunteur ne pouvait ignorer que l’assurance de groupe ne couvrait que
l’invalidité totale et définitive et que la banque, qui n’avait pas l’obligation de conseiller à
l’emprunteur de souscrire une assurance complémentaire, n’avait pas manqué à son
obligation de conseil et d’information.
Son arrêt est censuré : « Attendu que le banquier, qui propose à son client auquel il consent
un prêt, d’adhérer au contrat d’assurance de groupe qu’il a souscrit à l’effet de garantir, en
cas de survenance de divers risques, l’exécution de tout ou partie de ses engagements, est
tenu de l’éclairer sur l’adéquation des risques couverts à sa situation personnelle
d’emprunteur, la remise de la notice ne suffisant pas à satisfaire à cette obligation ».
Au fond, l’arrêt du 2 mars 2007 sur l’obligation d’éclairer dit la même chose que l’arrêt du 27
juin 1995 sur l’obligation de mise en garde. Les mots sont certes différents, mais l’idée
exprimée est identique : l’information « officielle», qu’elle résulte du contrat lui-même,
comme dans l’arrêt de 2007 ou de la loi, comme dans l’arrêt de 1995, ne suffit pas ; elle doit
619 Civ. 1ère, 12 juillet 2005, n° 03-10115, Bull. I, n° 326. Sur le détail de la solution, voir infra, n°417 -
620 Ass plén, 2 mars 2007, n° 06-15267, Bull. Ass. plén., n° 4.
Page 326
être renforcée par une information adaptée à la situation personnelle du futur
cocontractant, afin de lui permettre de décider s’il donne ou non son consentement au
contrat qui lui est proposé.
De surcroît, et cela mérite d’être souligné, cette information personnalisée ne se limite pas
au temps de la conclusion du contrat, elle vaut aussi lors de l’exécution du contrat, comme
en atteste un arrêt de la première chambre civile du 17 juin 2015 621.
En l’espèce, le litige porte à nouveau sur une assurance de groupe souscrite par le banquier,
à laquelle a adhéré l’emprunteur qui a financé l’acquisition de son appartement au moyen
d’un prêt consenti par le banquier. Cette fois, l’assurance couvre bien le risque de perte
d’emploi. Mais, si l’emprunteur a pris la peine de prévenir le banquier de la perte de son
emploi, il a ensuite négligé de constituer le dossier d’assurance, en sorte que lorsqu’il a enfin
transmis les pièces nécessaires, l’assureur lui a opposé la prescription biennale. Du coup, par
suite de la défaillance de l’emprunteur, l’immeuble a été saisi et vendu au profit de la
banque. C’est alors que l’emprunteur a assigné la banque en responsabilité, lui reprochant
d’avoir manqué à son obligation d’information et de conseil. Il est débouté par la Cour
d’appel qui retient que la banque « a répondu rapidement à la lettre de M. X... du 14
novembre 1995, qu’elle y a détaillé la liste des documents nécessaires à la prise en charge,
par l’assureur, du remboursement de ses échéances et attiré son attention sur le fait qu’il
devait continuer ses versements tant que cette prise en charge ne serait pas intervenue, et
que M. X... avait indiqué, en 1999, ne pas vouloir faire un usage immédiat de son contrat
d’assurance ». En cassation, l’emprunteur obtient gain de cause : « Qu’en statuant ainsi, par
des motifs d’où il ressort que la banque n’avait pas informé l’emprunteur de l’existence, de la
durée et du point de départ du délai de prescription prévu à l’article L. 114-1 du code des
assurances, la cour d’appel a violé (l’article 1147 du Code civil) ».
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Il en va de même lorsque le banquier propose un placement à son client, qu’il s’agisse d’un
PEA623 ou qu’il s’agisse d’achat d’obligations624. Dans les deux cas, la Cour de cassation exige
que la banque procède, avant la conclusion de l’opération, « à l’évaluation de la situation
financière (du client), de son expérience en matière d’investissement et de ses objectifs
concernant les services demandés (et qu’elle lui fournisse) une information adaptée en
fonction de cette évaluation »625. En revanche, si la banque fournit à son client une
information « précise et adaptée, après avoir pris connaissance de (sa) situation financière,
de (son) expérience et de (ses) objectifs, et (l’) avoir avisé des risques inhérents aux options
prises », elle n’encourt aucun reproche626.
Mais l’obligation d’éclairer ne concerne pas que les placements ; l’arrêt précité de la
première chambre civile du 12 juillet 2005627 retient la responsabilité du banquier qui, pour
couvrir le solde débiteur du compte de dépôt d’une cliente, lui ouvre un crédit plutôt que de
mobiliser l’épargne qu’elle possède sur d’autres comptes ouverts en ses livres. La Cour
d’appel ayant débouté la cliente de son action en responsabilité contre la banque, la Cour de
cassation censure sa décision car les juges du fond n’ont pas recherché, alors qu’ils y étaient
invités, « si lors de la souscription de chacun des crédits consentis à Françoise X... par la
banque, celle-ci avait, comme elle y était tenue en tant que gestionnaire de comptes, éclairé
sa cliente sur les avantages et inconvénients du choix qui s’offrait alors à cette dernière, pour
couvrir le solde débiteur de son compte de dépôt, entre le recours au crédit et la mobilisation
de l’épargne figurant sur ses autres comptes ».
Dans ces conditions, rien ne s’oppose à ce que le même traitement soit appliqué à l’agent
immobilier.
2015, n° 14-18141, inédit. En l’espèce, une entreprise de métallurgie, actionnée par l’un de ses clients à
qui elle a vendu des plaques de fibrociment défectueuses, appelle en garantie son assureur. Mais celui-ci
refuse de prendre en charge le sinistre, car les plaques défectueuses sont d’origine italienne, alors que la
police d’assurance souscrite par l’entreprise ne couvre que les produits d’origine française. L’entreprise
assigne alors l’assureur pour manquement à son devoir de conseil. En pure perte, comme l’exprime l’arrêt
qui rejette son pourvoi, l’entreprise « avait, en toute connaissance de cause, délimité elle-même les garanties
souscrites, de sorte que l'assureur n'était pas tenu de l'éclairer sur l'adéquation à sa situation personnelle des
risques couverts ».
627 Civ. 1ère, 12 juil. 2005, préc. supra, n° 416 -
Page 328
travaux de réhabilitation dans l’immeuble, travaux qui ne sont pas encore commencés lors
de l’acquisition et qui, pour cause de défaillance du promoteur, n’auront jamais lieu 628. De
même, lors de l’acquisition de parts de SCPI, « le prestataire de services d’investissement est
tenu, à l’égard de son client, d’une obligation d’information portant, le cas échéant, sur les
risques inhérents au placement proposé, leur chance de réalisation fût-elle imprévisible »629 ;
en l’espèce, où les investisseurs se plaignaient de la dépréciation de la valeur de leurs parts,
la banque qui avait proposé le placement à ses clients, faisait vainement valoir qu’elle ne
pouvait ni prévoir que la société Euro Disney qui garantissait les loyers ne serait pas en
mesure de tenir son engagement, ni anticipé l’effondrement du marché immobilier en
région parisienne.
419 - A partir de là, il ne devrait y avoir aucune difficulté à étendre l’exigence d’une
information personnalisée aux hypothèses où l’agent immobilier est en mission ordinaire,
c’est-à-dire lorsqu’il exerce sa profession de manière traditionnelle. L’opération paraît
d’autant plus aisée qu’il est possible de s’appuyer sur un arrêt qui impose clairement à
l’agent immobilier l’obligation d’éclairer les parties à la vente. Il s’agit de l’arrêt rendu par la
troisième chambre civile de la Cour de cassation le 7 juillet 1982, sur l’importance duquel
nous avons déjà eu l’occasion d’insister630.
On se souvient qu’en l’espèce l’agent immobilier s’était abstenu de vérifier s’il existait une
servitude sur l’immeuble qu’il était chargé de vendre ; précisément, la révélation tardive
d’une servitude d’alignement avait dissuadé les acquéreurs de réitérer la vente devant
notaire et avait exposé les vendeurs, empêchés d’honorer leur engagement d’acheter un
autre bien, à verser un dédit. C’est pourquoi les vendeurs réclamaient la garantie de l’agent
quant au paiement du dédit.
Et ils ont obtenu gain de cause par un vigoureux attendu qu’il convient de citer à nouveau :
« Mais attendu que l’arrêt relève qu’en sa qualité de professionnel de l’immobilier, l’agence
Mill avait l’obligation d’éclairer les parties en vérifiant, par l’obtention des certificats
d’urbanisme, les servitudes inhérentes aux immeubles qu’elle était chargée de vendre ; que
par sa négligence professionnelle l’agence avait empêché la réalisation de la vente aux époux
A... et avait ainsi mis les époux Y... dans l’impossibilité d’acheter le bien de la Société des
Mines de Kali Z ... ; que la cour d’appel a ainsi … pu condamner l’agence immobilière à
garantir les époux Y... des conséquences dommageables résultant de sa seule faute ».
Tout est dit : la faute professionnelle de l’agent immobilier réside dans le fait qu’il n’a pas
éclairé les parties sur l’existence d’éventuelles servitudes car, en s’abstenant de vérifier ce
point, il n’a pas été en mesure d’informer les parties. On le voit, il s’agit bien d’information
et non de conseil, car s‘il est clair que c’est sur la base de cette information que les parties
décideront, ou au contraire refuseront, de conclure la vente, il demeure que ce sont elles, et
elles seules, qui décident.
En même temps, on constate que l’exécution de l’obligation d’éclairer qui pèse sur l’agent
Page 329
immobilier est le plus souvent précédée d’une obligation de vérification. Rien d’étonnant à
cela : à partir du moment où le niveau exigé des informations dépasse la banale fourniture
de renseignements objectifs pour atteindre le stade de l’information personnalisée, il
devient indispensable de procéder à des vérifications. Ainsi, de même que le banquier ou
l’assureur doit vérifier l’adéquation de la situation personnelle de son client au produit qu’il
lui propose, qu’il s’agisse d’un prêt ou d’un placement, de même l’agent immobilier doit
vérifier que l’immeuble qu’il est chargé de vendre ou d’acheter correspond parfaitement
non seulement à la description que lui en fait le vendeur, mais encore aux caractéristiques
que tout acquéreur potentiel est en droit d’attendre de l’immeuble qu’il envisage d’acheter.
Et il doit en informer le vendeur ou l’acquéreur ; surtout, l’agent doit alerter ce dernier si la
vérification révèle un hiatus entre la réalité du bien et ce qu’attend l’acquéreur.
420 - Etant acquis que l’agent immobilier n’est normalement tenu que d’une obligation
d’éclairer, laquelle s’analyse en une déclinaison de l’obligation d’information, il faut ajouter
que cela n’exclut pas qu’exceptionnellement l’agent soit tenu d’une véritable obligation de
conseil.
En l’espèce, l’agent avait conseillé au vendeur qui l’avait mandaté de diviser son bien en
deux lots, afin de le vendre plus facilement. Mais le conseil était mauvais ; l’un des lots,
présenté comme un petit pavillon d’habitation composé d’une pièce, ne constituait pas une
maison habitable au regard de la réglementation, en sorte que les acquéreurs avaient
obtenu l’annulation de la vente pour erreur sur la substance. S’en était suivie une série
d’actions en responsabilité, qui a donné à la Cour de cassation l’occasion de préciser que
l’agent immobilier « est responsable du dommage subi par toutes les personnes parties à une
opération dont l’échec est imputable à ses fautes professionnelles, le fondement de cette
responsabilité étant contractuel à l’égard de ses clients et délictuel à l’égard des autres
parties ».
Même si l’arrêt ne la qualifie pas expressément, il est clair que la faute qui justifie la
condamnation de l’agent immobilier à réparer le préjudice des acquéreurs et celui du
vendeur, réside dans le mauvais conseil qu’il a spontanément donné au vendeur. En
revanche, on imagine mal qu’en dehors de l’hypothèse du conseil spontané ou de celle d’un
mandat très spécial, l’agent immobilier soit tenu de conseiller son mandant.
A cet égard, s’il subsistait la moindre hésitation, elle serait balayée par un arrêt de la
troisième chambre civile du 10 mars 2015632. Dans cette affaire déjà examinée sous d’autres
aspects633, l’agent immobilier chargé de vendre un immeuble, qui n’avait pas informé
l’acquéreur des risques que des fissures rebouchées par le vendeur faisaient peser sur
Page 330
l’immeuble, est appelé en garantie par le vendeur condamné à indemniser l’acquéreur. Les
juges du fond relevant la particulière mauvaise foi du vendeur, le déboute de son appel en
garantie. Dans son pourvoi, le vendeur invoque le manquement de l’agent immobilier à son
devoir de conseil : « tenu d’un devoir de conseil à l’égard de toutes les parties, et tout
particulièrement de son mandant, l’agent immobilier qui a pu lui-même se convaincre avant
la vente que l’immeuble était affecté d’un vice a le double devoir d’appeler l’attention du
vendeur sur la nécessité de le révéler et sur les risques auxquels il s’expose dans le cas
contraire, ensemble sur la nécessité de se pré-constituer la preuve de l’information fournie à
l’acquéreur ». En gros, le vendeur lui reproche de ne pas lui avoir conseillé de faire en sorte
que le vice devienne apparent, de façon à ce que l’acquéreur ne puisse agir contre lui sur le
fondement de la garantie des vices cachés.
Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi, la mauvaise foi du vendeur la dispensant d’avoir
à répondre au moyen. A l’évidence, il n’entre pas dans la mission de l’agent immobilier de
donner de tels conseils à son mandant. Et s’il le faisait, il est certain qu’en tant que garant de
la loyauté de la transaction634, il commettrait une faute professionnelle envers l’acquéreur.
Au surplus, un pareil conseil relèverait plutôt de l’inutile précaution, car, sauf exception,
l’acquéreur potentiel averti de l’existence du vice renoncerait probablement à acheter…
Page 331
C ONCLUSION
421 - Manifestement, l’immeuble n’est pas un bien ordinaire et l’agent immobilier qui
s’entremet dans sa vente n’est pas non plus un personnage ordinaire. Il n’est certainement
pas le parasite que certains ont voulu voir ; il est tout simplement un professionnel dont
l’intervention est utile, et même doublement utile. En effet, elle développe ses effets aussi
bien sur le marché de l’immobilier que dans la conduite de ce long processus destiné à
aboutir à la conclusion du contrat de vente.
L’agent immobilier n’a pas usurpé la place importante qu’il occupe sur le marché de la vente
immobilière. Son statut qui offre des garanties renforcées par la loi ALUR et sa connaissance
de la complexité du marché justifient pleinement la confiance que ses clients lui accordent.
De même, sa contribution tant à la transparence qu’à la fluidité du marché lui vaut d’être
considéré comme un rouage structurant du marché.
L’agent immobilier joue également un rôle essentiel dans la conclusion de la vente. A cet
égard, et sa responsabilité dans la bonne fin de la vente en atteste clairement, il ne se
contente pas de rendre service à son seul client, il œuvre également dans l’intérêt du tiers
avec lequel le contrat de vente est passé. D’ailleurs, en général, l’agent immobilier n’est pas
le mandataire de son client ; il n’est qu’un prestataire de services.
Faux mandataire tenu d’une fidélité toute contractuelle envers son client et vrai
intermédiaire obligé à une probité désormais inscrite dans la loi, il est celui qui garantit par
sa présence la régularité et la loyauté de la négociation et de la transaction qui s’ensuit. On
ne saurait mieux résumer tout à la fois la situation et la fonction de l’agent immobilier. Son
métier est loin d’être une sinécure : il réclame du travail, de la patience et de l’habileté,
beaucoup de qualités à réunir sur une seule tête. Sa rémunération peut paraître
impressionnante ; mais il faut se souvenir qu’il ne touche un pourcentage du prix de la vente
que si la vente est effectivement signée, ce qui signifie que parfois il travaille gratuitement. A
notre époque, la chose est assez rare pour être soulignée.
Certes, la situation juridique de l’agent va demeurer ce qu’elle est, tant il est impensable que
le législateur diminue le poids des contraintes que l’agent doit supporter. Ainsi le formalisme
de son mandat d’entremise n’a pas vocation à disparaître, pas plus que ses devoirs envers
les parties à la vente. Cependant, ce qui peut changer, c’est le cadre économique dans lequel
il exerce sa profession. En effet, la probabilité est très élevée que le marché de services que
constituent les agences immobilières évolue.
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l’étranger. Les systèmes informatisés envahissent les agences, les relient entre elles, ère du
numérique oblige. Déjà le système MLS635 Nord-américain arrive en force en France et
permet aux professionnels adhérents de vendre des immeubles sur une plate-forme
collaborative inter-agences.
Dans ces conditions, il y a fort à parier que, sous l’effet combiné de la globalisation de
l’économie et des nouvelles technologies, le mouvement de concentration s’amplifiera. Les
conséquences du renforcement de la concentration sont bien connues. En
l’occurrence, elles signifient la fin des agences immobilières traditionnelles, petites et
nombreuses, et l’arrivée des entreprises qui dominent, individuellement ou collectivement,
le marché ; et la nécessité pour celles qui survivent de faire des ententes. Bref, le marché
sera verrouillé, la clientèle captive et la concurrence gravement atteinte.
Effectivement, rien ne garantit que l’évolution vers laquelle on s’achemine, débouchera sur
un quelconque gain en termes de transparence ou de fluidité du marché immobilier ; au
contraire, on peut craindre qu’elle finisse par se traduire par la création de bases de données
à l’usage unique d’agences constituées en monopole.
423 - Le scénario catastrophe ne s’arrête pas là, car il n’y a pas que le marché de
l’intermédiation qui soit appelé à changer ; du côté des vrais acteurs du marché de
l’immobilier, c’est-à-dire des acquéreurs et des vendeurs, la situation pourrait aussi bouger.
Mais il y a plus grave. Sous l’effet de la crise économique, la classe moyenne se rétrécit et se
paupérise ; or c’est bien elle qui compose aujourd’hui les gros bataillons qui forment la
clientèle des agents immobiliers. Que restera-t-il comme acheteurs ? De notre point de vue,
il restera les primo-accédants pour l’achat de la résidence principale et les investisseurs
institutionnels.
635Multiple Listing Service, ou multiple Listing Système (licence accordée aux professionnels adhérents
par un système d’inscriptions des biens à vendre sur une plate-forme collaborative inter- agences) .Ce
modèle change la donne en matière de résolution des conflits qui favorise la recherche de règlement
négociés des litiges hors la Justice par la médiation ou l’arbitrage au détriment du recours aux tribunaux.
V. en ce sens : G. Commaille (2015) « Le développement d’un espace de droit supranational et la
mondialisation des marchés, « Favorise le droit de la pratique (Law in action) par rapport au droit des livres
(Law in book), des usages du droit plus pragmatique que formaliste, flexibles et non contraignants », in : « A
quoi sert le droit » ed. Gallimard, Paris, p. 151, Isbn : 978-2-07-044674-2 ».
Page 333
Ce qui sera peut-être encore rentable, mais pour combien de temps !, c’est la promotion
d’immeubles hôteliers avec des services d’aide à la personne, c’est-à-dire des biens
dématérialisés vendus sous forme de papier immobilier par des sociétés civiles de placement
immobilier (SCPI). Mais à condition que les parts revendues rapportent une plus-value. Du
coup, cet autre phénomène qui s’appelle la financiarisation de l’immobilier prendra
davantage d’ampleur.
Enfin, si les acquéreurs se raréfient, que deviendront les vendeurs ? Sera-ce la fin de la bulle
immobilière ? En tous cas, le stock de logements vacants grossira dans des proportions
inquiétantes.
Evidemment, à ce stade de déliquescence, il ne sera pas question de compter sur les aides
d’Etat pour résoudre le problème. D’ailleurs, en matière immobilière, l’Etat sait taxer,
donner d’illusoires droits, comme l’illustre le célèbre DALO, mais certainement pas résoudre
les vrais problèmes...
424 - Il est certain que si de tels bouleversements se produisent, ils ne manqueront pas
d’avoir des répercussions sur le service rendu par les agents immobiliers. Outre la disparition
des agents traditionnels et leur remplacement par les employés des nouvelles agences, le
service rendu aux clients, au lieu de s’étoffer sous la pression d’une concurrence saine, se
réduira comme peau de chagrin. Quelques visites virtuelles de biens avec le client en ligne,
une négociation en ligne, et le tour sera joué. Il est malheureusement inutile que l’agent
immobilier s’implique dans sa mission, puisqu’il ne subit plus la moindre pression d’une
concurrence qui a disparu.
Déjà aujourd’hui, un certain nombre d’agents, ne voulant pas courir le risque d’engager leur
responsabilité au cas d’irrégularité dans les actes préparatoires de la vente, ont renoncé à
les rédiger. Il existe même des pays où aucun agent immobilier ne s’essaie à rédiger les actes
sous seing privé. On peut imaginer qu’une telle amputation de la mission de l’agent se
multipliera, d’autant que les notaires d’Europe ont créé un site web 636 le 21 septembre
2015, sur lequel on trouve les démarches à suivre, de la préparation à l’exécution de l’avant-
contrat conduisant à la vente immobilière.
Drôle d’entremise que celle où la négociation se fait à la va-vite et la rédaction des actes
sous seing privé n’existe plus !
425 - Le changement de paradigme, s’il se réalise, entraînera une mutation du rôle social
de l’agent immobilier. A terme nous pensons qu’il n’y aura plus que deux catégories d’agent
Page 334
immobilier : ceux qui seront en mesure d’offrir un service complet et sécurisé, et ceux qui
rendront un service standardisé et infra basique à une clientèle modeste : un service vite fait
à un tarif aussi faible que la valeur ajoutée du service, sans s’occuper de la partie juridiques
relative aux avant-contrats de vente qui sera réservée au notaire. Ceux qui s’occuperont des
cas sociaux seront vite débordés par leurs problèmes ; ils gagneront très mal leur vie.
Finalement il est probable qu’il ne restera comme agents immobilier que les très riches qui
auront une clientèle fortunée, nationale et internationale, et les pauvres qui seront
marginalisés.
426 - Mais nous ne sommes pas encore parvenus à l’horrible ère nouvelle décrite plus
haut. Pour l’heure, il existe seulement une controverse sur l’avenir du système de vente par
MLS, système qui préfigure l’évolution future. Or cette controverse est intéressante, car elle
permet de tester le degré de résistance au changement du fonctionnement traditionnel ;
l’ennui, c’est qu’elle a lieu aux Etats-Unis d’Amérique.
427 - Il n’est pas besoin d’être grand clerc pour dire que la profession d’agent immobilier
est à la charnière de son évolution. Denis Ettighoffer donne sa vision d’espoir (qui date de
2001): « l’entreprise virtuelle vit toujours en symbiose avec l’entreprise traditionnelle, à qui
elle offre des capacités nouvelles en la transformant. Les NTIC permettent de projeter
l’ombre téléportée d’une représentation virtuelle d’un homme, d’un lieu, d’une fonction,
d’une activité, après avoir fait des objets et des outils.(…) L’homme multiplié nous montre la
capacité d’ubiquité, à être virtuellement et simultanément « téléprésent » en des lieux
multiples (…) L’entreprise ne dort jamais, traite de cet autre don de la virtualité :
l’omniprésence. Même si le pilote part aux champs, l’entreprise préserve le maximum de ses
capacités opérationnelles neuro-connexion : les monopoles du savoir nous ouvrent une
637Cf. WWW.usdoj.gov:
http://translate.googleuscontent.com/translate_c?hl=fr&langpair=en%7Cfr&u=http:/...
Page 335
perspective sur le vieux rêve de l’omniscience. Grâce aux réseaux, les doigts dans la tête du
savoir du monde, nous élaborons, une économie du futur dont les références économiques
actuelles ne suffisent pas à cerner et à comprendre parfaitement les impacts. Nous sommes
au début d’une ère nouvelle » 638.
Pour notre part, c’est avec un peu plus de méfiance que nous considérons cette économie
du futur.
638 Denis Ettighoffer, in. « L’entreprise virtuelle, éd. d’organisation, Paris, p. 146, Isbn :2-7081-2538-9.
Page 336
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ADEF – Association des Etudes Foncières, « Sécurité et transparence des marchés
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Page 347
I NDEX
Index alphabétique : renvoi aux numéros des pages
Page 348
Consommateur avisé .....................................69 161, 166, 167, 168, 171, 172, 173, 174, 178,
Consommateur prudent ................................69 179, 182, 186, 192, 194, 195, 202, 217, 218,
Consommateur spéculateur ..........................69 221, 222, 224, 229, 231, 232, 233, 236, 238,
Contrat de prestation de service .........167, 172 239, 240, 245, 248, 256, 257, 280, 332, 334
Contrôles ........................... 11, 55, 61, 113, 181 Envoi électronique ...................................... 190
Convention des parties................................258 Etablissement financier ................................ 72
Courtiers ................................................60, 167 Etat des lieux......................................... 23, 106
Coût de la construction ........................... 60, 67 Exécution forcée de la vente ..... 283, 284, 285,
Crédit 18, 31, 48, 54, 56, 57, 58, 59, 60, 61, 62, 321
63, 65, 69, 71, 72, 73, 74, 75, 77, 78, 80, 81, Exonération partielle de la responsabilité .. 293
82, 99, 102, 103, 104, 124, 156, 230, 246, Expiration du mandat ................. 234, 238, 239
247, 251, 253, 265, 266, 272, 273, 274, 275, Facteur temps ............................... 72, 126, 134
276, 277, 281, 282, 283, 294, 300, 319, 321, Faculté de rétractation ...... 205, 208, 226, 267,
324, 325, 328 268, 269, 270, 271, 272
Crise des « subprimes » .................................17 Faute contractuelle ............. 178, 201, 287, 288
Date butoir .. 253, 259, 260, 261, 262, 266, 286 Faute délictuelle 287, 290, 294, 295, 296, 298,
Défaut d’enregistrement d’une promesse 300, 303
unilatérale de vente ................................254 Faute dolosive ............................. 292, 310, 311
Délai d’option .............................. 251, 252, 255 Faute quasi délictuelle ........................ 295, 301
Délai de la promesse ...................................251 Fichiers ...........................14, 36, 51, 64, 75, 116
Démarchage à domicile 11, 205, 206, 207, 208, Finance .. 56, 58, 59, 61, 63, 77, 80, 83, 88, 114,
271 337, 342
Démarche par téléphone ............................204 Fluidité 60, 80, 81, 86, 111, 116, 120, 130, 133,
Destination et l’usage ....................................69 342
Devoir de conseil 134, 266, 309, 321, 322, 323, Fluidité du marché immobilier ..................... 60
324, 328, 331 Fonction de l’agent immobilier..... 1, 3, 25, 103
Devoir de loyauté ........................................305 Formation de la vente................. 243, 263, 265
Diagnostics techniques ........ 112, 120, 121, 171 Formulaire de rétractation ................. 206, 207
Diligence ...................... 240, 279, 292, 316, 322 Franchises nationales ................................... 64
Dimension psychologique ...........................157 Garantie du notaire .................................... 292
Directive européenne de 2005/36/CE du Garantie financière ...43, 46, 47, 48, 49, 53, 54,
Parlement européen et du Conseil du 7 55, 226
septembre 2005 ........................................46 Héliotropisme ..................................... 130, 131
Dispositif PINEL............................................101 Home Staging .............................................. 152
Dommages-intérêts .... 172, 176, 177, 178, 179, Honoraires .... 11, 22, 33, 47, 51, 54, 55, 56, 64,
180, 201, 208, 214, 217, 225, 227, 233, 234, 79, 84, 101, 106, 132, 164, 169, 170, 171,
235, 236, 238, 240, 256, 264, 267, 268, 269, 179, 188, 193, 212, 217, 218, 221, 222, 223,
277, 278, 284, 285, 286, 298, 300, 301, 304, 224, 227, 233, 236, 239, 258, 262, 268
309, 311, 315 Impôt sur le patrimoine .......................... 92, 93
Double mandat ....................................170, 241 Impôt sur le stock de capital ......................... 95
Droit d’Alsace-Moselle ................................266 Incapacités ou interdictions .............. 37, 38, 50
Droit de préemption... 120, 135, 136, 137, 165, Indemnité..... 39, 177, 179, 194, 195, 196, 197,
219, 220, 227, 259, 261, 264, 272 198, 199, 215, 234, 235, 236, 237, 238, 239,
Droit de propriété.......... 20, 112, 117, 118, 124 240, 245, 250, 255, 263, 280, 281, 284, 290,
Droit de renoncer à l’opération..199, 200, 215, 301, 321
237 Indicateur occasionnel .................................. 41
Durée du mandat 176, 188, 192, 198, 202, 238 Information ... 11, 40, 43, 48, 51, 56, 59, 61, 76,
Durée du renouvellement ...........................203 81, 83, 92, 107, 108, 112, 113, 115, 118,
Elasticité ...................... 123, 126, 132, 133, 134 119, 120, 121, 129, 131, 132, 133, 134, 166,
Engagement à ratifier la vente ....................237 203, 212, 282, 288, 289, 292, 297, 301, 302,
Entremise 14, 15, 16, 22, 23, 25, 28, 30, 31, 32, 303, 304, 307, 308, 309, 312, 314, 322, 323,
34, 36, 41, 42, 44, 57, 71, 81, 118, 154, 156,
Page 349
324, 325, 326, 327, 328, 329, 330, 331, 338, Marché de l’ancien ........................... 16, 18, 20
339 Marché de l’immobilier ..11, 12, 15, 17, 18, 19,
Institut de l’épargne immobilière et foncière 24, 25, 26, 27, 28, 31, 57, 58, 59, 87, 111,
(I.E.I.F.........................................................15 112, 123, 251
Interdiction de traiter directement avec un Marché du neuf ...................................... 18, 20
acheteur présenté par ............................239 Marché locatif ............................................... 20
Intermédiaires immobiliers ...................64, 340 Marchés immobiliers ............ 23, 130, 133, 347
Investissement locatif..... 18, 58, 100, 101, 102, Mission de l’agent immobilier ... 156, 157, 159,
103 160, 161, 163, 167, 175, 243, 331
ISF .... 87, 88, 89, 90, 91, 94, 95, 96, 97, 98, 113 Modes de consommations ........................... 60
Juste prix.................. 22, 64, 123, 125, 126, 221 Motivations ........................................... 64, 125
Levée de l’option ................. 249, 250, 251, 285 Multiple listing service ................................ 241
Lien de causalité . 293, 296, 298, 299, 300, 301, Négociation . 18, 31, 32, 36, 41, 44, 46, 57, 118,
302, 312, 330 126, 133, 154, 156, 158, 167, 170, 171, 208,
Livre foncier ................................. 113, 116, 117 210, 221, 222, 223, 224, 229, 233, 234, 244,
Logique du consommateur............................71 245, 249, 256, 332, 334, 338, 339
Loi ALUR.. 14, 22, 23, 24, 25, 28, 29, 36, 42, 43, Nombre d’agences .................................. 19, 43
50, 51, 56, 104, 106, 107, 108, 109, 188, Notification que la rétractation .................. 269
193, 203, 217, 218, 237, 305, 306 Notion de prix ....................................... 70, 126
Loi de l’offre et de la demande .............69, 111 Nullité 107, 172, 184, 186, 187, 188, 189, 192,
Loi Hoguet .... 11, 14, 22, 23, 24, 25, 28, 29, 33, 193, 194, 202, 203, 205, 206, 207, 208, 209,
34, 35, 36, 37, 41, 42, 46, 48, 53, 55, 56, 57 212, 215, 217, 250, 251, 253, 254, 255, 266,
Loi Malraux ..........................................102, 325 271, 273, 276, 326
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014, dite loi Numéro d’inscription du mandat ............... 189
ALUR ..........................................................23 Obligation d’information .................... 322, 323
Loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 .......109 Obligation de formation continue .......... 24, 43
Mandat ... 11, 12, 13, 14, 22, 33, 36, 39, 41, 51, Obligation de garantie ........................ 292, 301
56, 77, 156, 159, 160, 161, 162, 163, 164, Obligation de vérifier .......................... 308, 314
165, 166, 167, 168, 169, 170, 171, 172, 173, Obligation du promettant........................... 285
174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 181, 182, Obligations contractuelles . 179, 199, 234, 235,
184, 185, 186, 187, 188, 189, 190, 191, 192, 237, 245, 283, 287, 288, 289, 290, 291, 295,
193, 194, 195, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 296, 298, 300, 302, 303, 308
202, 203, 204, 206, 207, 208, 209, 210, 211, Obligations de l’agent immobilier ................ 55
212, 213, 214, 215, 216, 217, 218, 219, 220, Obtention du prêt ...... 230, 272, 273, 274, 276,
221, 222, 223, 224, 225, 226, 227, 228, 229, 277, 278, 279, 280, 281, 283, 319
230, 231, 232, 233, 234, 235, 237, 238, 239, Offre d’achat ...... 156, 165, 206, 207, 208, 210,
240, 241, 242, 243, 244, 245, 247, 248, 249, 211, 214, 223, 244, 248, 250, 251, 263, 264,
251, 252, 263, 264, 265, 268, 269, 271, 277, 265, 267, 270, 271, 290
280, 287, 288, 289, 290, 291, 296, 304, 305, Offre de crédit ............ 273, 274, 276, 277, 282
307, 318, 320, 321, 330, 345, 1 Pacte de préférence............................ 263, 264
Mandat d’entremise ... 164, 165, 167, 173, 185, Perte d’une chance ............................. 180, 225
186, 192, 195 Plus-values immobilières ..... 86, 87, 88, 91, 92,
Mandat de recherche . 165, 168, 173, 174, 176, 113
207, 210, 219, 221, 222, 224, 227, 228, 234, Pollicitant ............................ 246, 265, 267, 285
239, 241, 244, 265, 290, 318 Pourparlers 167, 244, 246, 255, 256, 257, 263,
Mandat de vente .........................................162 265, 305
Mandat exclusif .. 168, 169, 185, 186, 187, 195, Pouvoir exprès de réaliser l’opération ....... 165
196, 197, 202, 214, 251, 252 Pratiques abusives .................................. 23, 24
Mandat régulier...........................................212 Président de la Chambre de la C.C.I.
Mandat semi-exclusif ..................................169 territoriale ................................................ 42
Mandat simple.... 168, 187, 188, 197, 198, 238,
251, 252
Page 350
Preuve. 21, 24, 45, 51, 121, 131, 147, 157, 180, Résidence principale .......17, 87, 89, 91, 95, 96,
183, 186, 187, 196, 216, 232, 247, 266, 271, 102, 103, 131
278, 287, 297, 298, 306, 309, 331, 342 Résolution amiable de la vente .................. 229
Prix de vente ... 21, 22, 35, 56, 84, 87, 212, 213, Résolution de la vente ........ 268, 269, 302, 320
217, 219, 221, 222, 223, 232, 244, 248, 251, Responsabilité civile .... 22, 40, 43, 49, 53, 162,
255, 265, 272, 286, 301, 302, 321 227, 236, 250, 256, 267, 287, 288, 302, 306,
Prix du marché immobilier ..........................130 313, 321, 339, 343
Prix hédoniques ............. 71, 125, 126, 130, 345 Responsabilité contractuelle ..... 173, 176, 201,
Processus de vente ... 25, 72, 80, 155, 157, 182, 250, 264, 267, 277, 283, 285, 287, 288, 289,
243, 258, 266, 274 297, 307, 308, 318, 321
Professionnel de la construction.. 297, 310, 314 Responsabilité délictuelle .. 256, 287, 288, 290,
Promesse synallagmatique de vente..217, 230, 295, 297, 303
249, 251, 252, 255, 257, 258, 259, 260, 265, Responsabilité disciplinaire ................ 287, 306
268 Responsabilité pénale ................................. 287
Promesse unilatérale .. 247, 249, 250, 251, 252, Restitution du prix ...... 293, 294, 300, 302, 303
253, 254, 255, 263, 268, 284 Réticence dolosive .............. 292, 301, 304, 315
Promesses croisées .....................................252 Révocation . 115, 165, 172, 173, 180, 193, 194,
Publication dans la presse d’une petite 195, 199, 200, 201, 212, 213, 214, 225, 237,
annonce...................................................245 267
Publicité 11, 31, 35, 46, 48, 56, 76, 79, 86, 101, Rupture du mandat..................................... 225
112, 113, 114, 115, 116, 117, 120, 156, 166, Sanctions disciplinaires ................... 51, 52, 306
170, 217, 224, 247, 249, 317, 338, 342, 343 Signature de l’acte authentique ......... 157, 260
Publicité foncière 35, 46, 79, 86, 101, 112, 113, Sondage .......................... 11, 12, 305, 310, 341
114, 115, 116, 117, 156, 249, 342 Sûretés réelles immobilières ...................... 113
Réception des fonds ................................ 53, 55 Tacite reconduction ..... 49, 182, 192, 193, 194,
Rédaction du bail ...................................23, 106 201, 202, 212, 213, 214, 215, 216, 235, 244
Réduction d’impôt ....................... 100, 101, 102 Théorie de la valeur ...................................... 66
Refus de contracter .... 231, 232, 233, 235, 238, Tracfin ..................................................... 55, 76
345 Transfert de propriété 136, 257, 258, 259, 262
Refus de signer l’acte notarié ..............283, 284 Transparence 23, 31, 43, 57, 81, 110, 111, 112,
Registre des mandats .......... 189, 190, 212, 223 114, 121, 133, 241, 347
Réglementation fiscale ...................... 83, 88, 99 Vacance ..96, 124, 131, 147, 148, 149, 150, 225
Relation de confiance .............................. 21, 73 Valeur ajoutée .......................... 16, 56, 68, 101
Rémunération..... 14, 15, 22, 23, 24, 36, 38, 41, Valeur d’échange ...........66, 67, 68, 70, 96, 123
48, 54, 93, 99, 106, 167, 168, 169, 174, 177, Valeur d’usage .................................. 66, 67, 68
178, 179, 180, 181, 183, 189, 191, 192, 193, Valeur de l’immeuble.................. 21, 65, 70, 88
196, 197, 198, 205, 209, 210, 211, 212, 213, Valeur vénale .....65, 89, 96, 124, 126, 127, 156
216, 217, 218, 219, 220, 221, 222, 223, 224, Vendeur de listes ou de fichiers ................... 14
227, 233, 235, 236, 238, 239, 240, 257, 263, Vente à domicile ......................................... 208
264, 280 Vente sous seing privé . 47, 232, 249, 258, 263,
Rentabilité 59, 68, 74, 91, 96, 97, 98, 102, 123, 265, 283
289 Vice caché ... 284, 292, 298, 303, 307, 310, 313
VRP .......................................................... 39, 40
Page 351
T ABLE DES MATIERES
Page 352
B - L’influence de l’agent sur l’élasticité-prix ...................................... 132
Section 2 : L’apport de l’agent immobilier à la fluidité du marché .......... 135
§ 1 - Le manque naturel de fluidité du marché immobilier .................. 135
A - Le droit de préemption urbain ...................................................... 135
B - L’hétérogénéité des immeubles mis sur le marché ........................ 137
§ 2 - L’agent immobilier, activateur de fluidité ..................................... 146
A - Le stock de biens vacants ............................................................. 146
B - L’aide à la décision d’acheter ou de vendre ................................... 150
Page 353
2 - La notion de faute du client ........................................................... 233
a) Le refus de contracter malgré le respect des conditions du
mandat ........................................................................................... 233
b) Le refus de contracter en cas de pluralité de mandats .................... 238
Page 354
Conclusion...................................................................................................... 332
Bibliographie .................................................................................................. 337
Index .............................................................................................................. 348
Table des matières ......................................................................................... 352
Page 355
RESUME
Devant les remarques critiques dont fait l’objet la profession d’agent immobilier, il a paru
intéressant à un agent immobilier à la retraite de faire le point sur la fonction de l’agent dans
la vente d’immeuble achevé.
Le sujet ne saurait se limiter au seul examen des rapports contractuels compliqués qui se
nouent entre le vendeur, l’acheteur et l’agent immobilier. En effet, en menant à bien les
projets de vente ou d’achat que lui confient ses clients, l’agent ne se contente pas
d’accomplir la tâche d’un intermédiaire fiable sur un marché dont il a une bonne
connaissance ; il devient véritablement un rouage structurant du marché immobilier.
Naturellement, après l’étude du rôle de l’agent immobilier sur le marché immobilier, c’est
son rôle dans le processus qui conduit à la conclusion du contrat de vente qui mérite de
retenir l’attention, et cela depuis le moment où quelqu’un lui confie un mandat, qu’il soit de
vente ou de recherche, jusqu’au moment où l’une des parties à la vente, mécontente de
l’opération, se retourne contre l’agent immobilier.
SUMMARY
Faced with the criticism hurled at real estate agents, it has appeared useful for a retired real
estate agent to review the role of the agent in the sale of completed buildings.
The topic is wider than the mere review of complex contractual relationships between seller,
buyer and estate agent. As he takes care of the purchase or sale projects of his clients, the
agent indeed acts as more than a reliable middleman with comprehensive knowledge of the
market he operates in; he actually becomes part and parcel of the structure of the real
estate market.
After studying the role of the real estate agent in the real estate market, his role in the
process leading to clinch a sales contract will be looked into, from the moment he is
commissioned to sell or search, until the time when one of the parties in the sale turns
against the estate agent in displeasure.