Conseil D'état

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CONSEIL D'ETAT AR

statuant
au contentieux

N° 468360 REPUBLIQUE FRANÇAISE


__________

VILLE DE PARIS AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


__________

Mme Rozen Noguellou


Rapporteure
__________ Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 5ème chambres réunies)
M. Stéphane Hoynck
Rapporteur public
__________ Sur le rapport de la 6ème chambre
de la Section du contentieux
Séance du 6 mars 2023
Décision du 23 mars 2023
__________

Vu la procédure suivante :

Les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France ont demandé au tribunal


administratif de Paris d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice
administrative, la suspension de l’exécution, d’une part, des décisions du 17 juin 2022 par
lesquelles la maire de Paris a mis en demeure la société Frichti de restituer les entrepôts des
27 rue de la Vistule (75013), 12 rue Miollis (75015) et 60 avenue Paul Doumer (75016) dans
leur état d’origine, dans un délai de trois mois sous astreinte, d’autre part, des décisions des 13,
24 et 29 juin et 15 et 28 juillet 2022 par lesquelles la maire de Paris a mis en demeure la société
Gorillas Technologies France de restituer les entrepôts des 68 rue de Cléry (75002), 87 rue de la
Boétie (75008), 59 rue Gutenberg (75015), 15 rue Georges Picquart (75017), 16 rue Amelot
(75011) et 8 rue de Cotte (75012) dans leur état d’origine, dans un délai de trois mois sous
astreinte. Par une ordonnance n° 2219412, 2219413, 2219415, 2219157, 2219158, 2219161,
2219163, 2219165, 2219166 du 5 octobre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de
Paris a suspendu l’exécution de ces décisions.

Par un pourvoi et deux mémoires en réplique, enregistrés les 20 octobre 2022,


25 janvier, 8 février et 13 février 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ville de
Paris demande au Conseil d'Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes des sociétés Frichti et
Gorillas Technologies France ;
N° 468360 -2-

3°) de mettre à la charge solidairement des sociétés Frichti et Gorillas


Technologies France la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice
administrative.

Elle soutient que l’ordonnance qu’elle attaque est entachée :


- d’erreur de droit et d’insuffisance de motivation en ce qu’elle juge que le
moyen tiré de la méconnaissance du champ d’application de l’article L. 481-1 du code de
l’urbanisme permet de caractériser un doute sérieux sur la légalité des mesures de mise en
demeure attaquées, alors que contrairement à ce qu’a retenu l’ordonnance, le texte n’est pas
limité au cas où des travaux sont réalisés irrégulièrement ;
- de dénaturation des pièces du dossier en ce qu’elle estime que les travaux
réalisés n’étaient pas suffisamment identifiés ;
- d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu’elle juge
que le moyen tiré de ce que les locaux concernés constituaient des « espaces de logistique
urbaine », et non des entrepôts, au sens du plan local d’urbanisme de Paris permet de caractériser
un doute sérieux sur la légalité des mesures de mise en demeure attaquées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2022, les sociétés


Gorillas Technologies France et Frichti concluent au rejet du pourvoi et à ce que la somme de
5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Paris. Elles soutiennent que les moyens soulevés
par la maire de Paris ne sont pas fondés.

En application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, les


parties ont été informées de ce que la décision qui sera prise dans cette affaire est susceptible
d’être fondée sur un moyen d’ordre public, relevé d’office, tiré de la méconnaissance du champ
d’application de la loi, les dispositions du plan local d’urbanisme de Paris n’étant pas applicables
pour déterminer si une déclaration préalable pouvait être imposée par la ville de Paris au titre
d’un changement de destination.

Par trois nouveaux mémoires, enregistrés les 1er, 8 et 20 février 2023, les
sociétés Gorillas Technologies France et Frichti soutiennent que le moyen d’ordre public soulevé
est sans effet sur l’ordonnance attaquée et que, s’il devait conduire à la cassation, la suspension
des décisions prises par la ville de Paris serait néanmoins fondée. Par ces mémoires, elles
soutiennent également que les moyens soulevés par la maire de Paris ne sont pas fondés.

Par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 1er et 13 février 2023, la ville de
Paris soutient que le moyen d’ordre public est fondé et que le moyen tiré de ce que les décisions
attaquées seraient illégales en ce qu’elles auraient été prises sur le fondement des règles de son
plan local d’urbanisme doit être écarté.

Vu les autres pièces du dossier ;


N° 468360 -3-

Vu :
- le code de l’urbanisme ;
- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie
locale et à la proximité de l’action publique ;
- l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations
de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les
règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger,
avocat de la ville de Paris et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société
Gorillas Technologies France et autre ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 mars 2023, présentée par les sociétés


Gorillas Technologies France et Frichti.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par des
arrêtés des 17 et 24 juin 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Frichti de restituer
dans leur état d’origine les locaux qu’elle occupe à trois adresses parisiennes, dans un délai de
trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par des arrêtés des 13, 24 et 29 juin et
15 et 28 juillet 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Gorillas Technologies France
de restituer les entrepôts situés à six adresses parisiennes, dans un délai de trois mois, sous
astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, contre laquelle
la ville de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a
suspendu ces décisions.

Sur le champ d’application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme :

2. Aux termes de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme : « I. - Lorsque des


travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 ont été entrepris ou exécutés en
méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les
règlements pris pour leur application ainsi que des obligations mentionnées à l'article L. 610-1
ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou
d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable et qu'un procès-verbal a été
dressé en application de l'article L. 480-1, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent
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être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles
L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre
en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la
mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en
cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une
demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. (…) ».

3. Ces dispositions, introduites dans le code de l’urbanisme par la loi du


27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action
publique, permettent à l’autorité compétente, indépendamment des poursuites pénales qui
pourraient être engagées, de prononcer une mise en demeure, assortie le cas échéant d’une
astreinte, dans différentes hypothèses où les dispositions du code de l’urbanisme, ou les
prescriptions résultant d’une décision administrative ont été méconnues, en vue d’obtenir la
régularisation de ces infractions, par la réalisation des opérations nécessaires à cette fin ou par le
dépôt des demandes d’autorisation ou déclarations préalables permettant cette régularisation. Il
résulte de ces dispositions, prises dans leur ensemble et eu égard à leur objet, que, si elles font
référence aux « travaux », elles sont cependant applicables à l’ensemble des opérations soumises
à permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir ou déclaration préalable ou
dispensée, à titre dérogatoire, d’une telle formalité et qui auraient été entreprises ou exécutées
irrégulièrement. Il en est notamment ainsi pour les changements de destination qui, en vertu de
l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme, sont soumis à déclaration préalable lorsqu'ils ne sont
pas soumis à permis de construire.

4. Par suite, en jugeant que le moyen tiré d’une méconnaissance du champ


d’application de l’article L. 481-1 du code de l’urbanisme constituait un moyen propre à créer,
en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées, au motif
qu’il ressortait des pièces du dossier que le changement de destination en cause n’avait pas
impliqué de travaux alors qu’un tel changement de destination était, à tout le moins, soumis à
déclaration préalable, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a commis une erreur
de droit.

Sur la destination des locaux :

5. Aux termes de l’article R. 151-27 du code de l’urbanisme, créé par le décret


du 28 décembre 2015 et entré en vigueur le 1er janvier 2016 : « Les destinations de constructions
sont : / 1° Exploitation agricole et forestière ; / 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de
service ; / 4° Equipements d'intérêt collectif et services publics ; / 5° Autres activités des secteurs
secondaire ou tertiaire ». Cet article remplace l’ancien article R. 123-9, qui prévoyait que : « Les
règles édictées dans le présent article peuvent être différentes, dans une même zone, selon que
les constructions sont destinées à l'habitation, à l'hébergement hôtelier, aux bureaux, au
commerce, à l'artisanat, à l'industrie, à l'exploitation agricole ou forestière ou à la fonction
d'entrepôt. En outre, des règles particulières peuvent être applicables aux constructions et
installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif ».

6. Aux termes du VI de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015 relatif à la


partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan
local d’urbanisme : « Les dispositions des articles R. 123-1 à R. 123-14 du code de l'urbanisme
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dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux
d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été
engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d'une élaboration ou d'une révision
prescrite sur le fondement du I de l'article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le
conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document
l'ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en
vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard
lorsque le projet est arrêté ».

7. Aux termes de l’article R. 421-17 du code de l’urbanisme: « Doivent être


précédés d'une déclaration préalable lorsqu'ils ne sont pas soumis à permis de construire en
application des articles R. 421-14 à R. 421-16 les travaux exécutés sur des constructions
existantes, à l'exception des travaux d'entretien ou de réparations ordinaires, et les changements
de destination des constructions existantes suivants : / a) Les travaux ayant pour effet de
modifier l'aspect extérieur d'un bâtiment existant, à l'exception des travaux de ravalement ;
/ b) Les changements de destination d'un bâtiment existant entre les différentes destinations
définies à l'article R. 151-27 ; pour l'application du présent alinéa, les locaux accessoires d'un
bâtiment sont réputés avoir la même destination que le local principal et le contrôle des
changements de destination ne porte pas sur les changements entre sous-destinations d'une
même destination prévues à l'article R. 151-28 (…) ».

8. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que les règles issues du décret du


28 décembre 2015 définissant les projets soumis à autorisation d’urbanisme, selon notamment
qu’ils comportent ou non un changement de destination d’une construction existante, sont
entrées en vigueur le 1er janvier 2016, sans qu’ait d’incidence à cet égard le maintien en vigueur,
sauf décision contraire du conseil municipal ou communautaire, de l’article R. 123-9 du code de
l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016, dans les hypothèses prévues au
VI de l’article 12 du décret du 28 décembre 2015, lequel ne se rapporte qu’aux règles de fond qui
peuvent, dans ces hypothèses particulières, continuer à figurer dans les plans locaux d’urbanisme
et ainsi à s’appliquer aux constructions qui sont situées dans leur périmètre. Les règles
soumettant les constructions à permis de construire ou déclaration préalable, dont un plan local
d’urbanisme ne saurait décider et qui relèvent d’ailleurs d’un autre livre du code de l’urbanisme,
sont définies, pour l’ensemble du territoire national, par les articles R. 421-14 et R. 421-17 du
code de l’urbanisme, qui renvoient, depuis le 1er janvier 2016, pour déterminer les cas de
changement de destination soumis à autorisation, aux destinations et sous-destinations identifiées
aux articles R. 151-27 et R. 151-28 de ce code.

9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le plan local
d’urbanisme de la ville de Paris demeure régi par les dispositions de l’article R. 123-9 du code de
l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016. Par suite, le juge des référés du
tribunal administratif de Paris devait, pour déterminer si la ville de Paris était en droit d’exiger
une déclaration préalable des sociétés Gorilla et Frichti, apprécier l’existence d’un changement
de destination au regard des cinq destinations identifiées à l’article R. 151-27 du code de
l’urbanisme. Ce n’était que dans un second temps qu’il devait examiner, le cas échéant et dans le
cas où un changement de destination était constaté, si la destination des locaux permettait, au
regard des règles sur les destinations fixées par le plan local d’urbanisme de Paris, de délivrer la
décision de non-opposition à déclaration préalable et ainsi de régulariser, si cela était nécessaire,
la situation des sociétés. Par suite, en ne se référant qu’aux seules destinations figurant dans le
plan local d’urbanisme de Paris pour juger que le moyen tiré de ce que les locaux concernés
correspondraient à la définition d’espace de logistique urbaine au sens du règlement du plan
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local d’urbanisme de la ville de Paris était propre à créer un doute sérieux sur la légalité des
décisions attaquées, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l’ordonnance du juge des référés du
tribunal administratif de Paris doit être annulée.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur la demande de


suspension en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les demandes de suspension :

12. Par les arrêtés litigieux, la ville de Paris a ordonné la remise en état des
locaux après avoir relevé d’une part qu’un changement de destination avait été réalisé sans
déclaration préalable et, d’autre part, qu’aucune régularisation n’était possible par la délivrance
d’une non-opposition à déclaration préalable, les règles du plan local d’urbanisme de la ville de
Paris s’opposant à la nouvelle destination des locaux.

En ce qui concerne le changement de destination soumis à déclaration


préalable :

13. L’article R. 151-27 du code de l’urbanisme cité au point 5 dresse une liste
limitative de cinq destinations. Il est complété par l’article R. 151-28, qui prévoit que : « Les
destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations
suivantes : / (…) 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et
commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil
d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; / 4° Pour la destination
" équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public
des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations
publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et
de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ; / 5° Pour la
destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau,
centre de congrès et d'exposition ». Enfin, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du ministre du
logement et de l’habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-
destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et
les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu : « (…) La sous-
destination « artisanat et commerce de détail » recouvre les constructions commerciales
destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle ainsi que les constructions
artisanales destinées principalement à la vente de biens ou services ». Aux termes de l’article 5
du même arrêté : « (…) La sous-destination « entrepôt » recouvre les constructions destinées au
stockage des biens ou à la logistique ».

14. Il ressort des pièces du dossier que les locaux occupés par la société Frichti
et la société Gorillas Technologies France, qui étaient initialement des locaux utilisés par des
commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin
de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus,
pour l’application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, tels que précisés
par l’arrêté du 10 novembre 2016 cité ci-dessus, des locaux « destinées à la présentation et vente
de bien directe à une clientèle » et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils
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doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. L’occupation de ces
locaux par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France pour y exercer les activités en
cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l’article R. 421-17
du code de l’urbanisme à déclaration préalable. Dès lors, la ville de Paris était en droit d’exiger
des sociétés requérantes le dépôt d’une déclaration préalable.

En ce qui concerne la possibilité d’obtenir une non-opposition à déclaration


préalable :

15. Pour apprécier si, comme le soutient la ville de Paris, une telle déclaration
préalable devait nécessairement donner lieu à opposition de la ville, si bien que la situation des
sociétés requérantes était insusceptible d’être régularisée, il convient, ainsi qu’il a été dit au point
9, de se référer aux dispositions du plan local d’urbanisme de la ville de Paris relatives aux
destinations.

16. Le plan local d’urbanisme de la ville de Paris se réfère encore aux


anciennes destinations de l’ancien article R. 123-9 visé aux point 5. Au titre des « constructions
et installations nécessaires aux services publics ou d'intérêt collectif », il identifie notamment la
possibilité de prévoir des espaces de logistique urbaine. Il définit, par ailleurs, les entrepôts
comme les locaux d’entreposage et de reconditionnement de produits ou de matériaux, en
précisant que sont assimilés à cette destination tous les locaux d’entreposage liés à une activité
industrielle, commerciale ou artisanale, lorsque leur taille représente plus de 1/3 de la surface de
plancher totale, et, de façon plus générale, tous les locaux recevant de la marchandise ou des
matériaux non destinés à la vente aux particuliers dans lesdits locaux. En outre, le 1° de l’article
UG 2.2.2 de ce plan local d’urbanisme prévoit que : « (…) La transformation en entrepôt de
locaux existants en rez-de-chaussée est interdite ».

17. Il ressort des pièces du dossier que l’occupation des locaux par les sociétés
Frichti et Gorillas, telle que présentée au point 14, ne correspond pas à une logique de logistique
urbaine qui, en application des dispositions du plan local d’urbanisme de Paris, pourrait les faire
entrer dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou
d'intérêt collectif », mais a pour objet de permettre l’entreposage et le reconditionnement de
produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité
relevant de la destination « Entrepôt », telle que définie par le même plan local d’urbanisme. Dès
lors, le moyen tiré de ce qu’il n’était pas possible d’opposer les dispositions de l’article UG.2.2.2
du règlement du plan local d’urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux
existants en rez-de-chaussée sur rue au changement de destination opéré, n’est pas propre à créer
un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.

18. Il résulte de tout ce qui précède que l’une des conditions prévues par
l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas remplie. Par suite, les demandes de
suspension présentées par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies Services doivent être
rejetées.

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des


sociétés Frichti et Gorillas Technologies France, pour l’ensemble de la procédure, la somme de
4 500 euros à verser à la ville de Paris au titre de l’article L. 761-1 du code de justice
administrative. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font en
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revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la ville de Paris, qui n’est
pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DECIDE:
--------------

Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Paris du


5 octobre 2022 est annulée.

Article 2 : Les demandes de suspension des décisions de la ville de Paris du 17 juin 2022 et des
13, 24 et 29 juin et 15 et 28 juillet 2022 sont rejetées.

Article 3 : Les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France verseront à la ville de Paris une
somme de 4 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France au
titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris, à la société Gorillas Technologies
France, à la société Frichti, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des
territoires.

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