Conseil D'état
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statuant
au contentieux
Vu la procédure suivante :
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter les demandes des sociétés Frichti et
Gorillas Technologies France ;
N° 468360 -2-
Par trois nouveaux mémoires, enregistrés les 1er, 8 et 20 février 2023, les
sociétés Gorillas Technologies France et Frichti soutiennent que le moyen d’ordre public soulevé
est sans effet sur l’ordonnance attaquée et que, s’il devait conduire à la cassation, la suspension
des décisions prises par la ville de Paris serait néanmoins fondée. Par ces mémoires, elles
soutiennent également que les moyens soulevés par la maire de Paris ne sont pas fondés.
Par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 1er et 13 février 2023, la ville de
Paris soutient que le moyen d’ordre public est fondé et que le moyen tiré de ce que les décisions
attaquées seraient illégales en ce qu’elles auraient été prises sur le fondement des règles de son
plan local d’urbanisme doit être écarté.
Vu :
- le code de l’urbanisme ;
- la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie
locale et à la proximité de l’action publique ;
- l’arrêté du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-destinations
de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et les
règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu ;
- le code de justice administrative ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger,
avocat de la ville de Paris et à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de la société
Gorillas Technologies France et autre ;
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par des
arrêtés des 17 et 24 juin 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Frichti de restituer
dans leur état d’origine les locaux qu’elle occupe à trois adresses parisiennes, dans un délai de
trois mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard. Par des arrêtés des 13, 24 et 29 juin et
15 et 28 juillet 2022, la ville de Paris a mis en demeure la société Gorillas Technologies France
de restituer les entrepôts situés à six adresses parisiennes, dans un délai de trois mois, sous
astreinte de 200 euros par jour de retard. Par une ordonnance du 5 octobre 2022, contre laquelle
la ville de Paris se pourvoit en cassation, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a
suspendu ces décisions.
être exercées pour réprimer l'infraction constatée, l'autorité compétente mentionnée aux articles
L. 422-1 à L. 422-3-1 peut, après avoir invité l'intéressé à présenter ses observations, le mettre
en demeure, dans un délai qu'elle détermine, soit de procéder aux opérations nécessaires à la
mise en conformité de la construction, de l'aménagement, de l'installation ou des travaux en
cause aux dispositions dont la méconnaissance a été constatée, soit de déposer, selon le cas, une
demande d'autorisation ou une déclaration préalable visant à leur régularisation. (…) ».
dans leur rédaction en vigueur au 31 décembre 2015 restent applicables aux plans locaux
d'urbanisme dont l'élaboration, la révision, la modification ou la mise en compatibilité a été
engagée avant le 1er janvier 2016. Toutefois, dans les cas d'une élaboration ou d'une révision
prescrite sur le fondement du I de l'article L. 123-13 en vigueur avant le 31 décembre 2015, le
conseil communautaire ou le conseil municipal peut décider que sera applicable au document
l'ensemble des articles R. 151-1 à R. 151-55 du code de l'urbanisme dans leur rédaction en
vigueur à compter du 1er janvier 2016, par une délibération expresse qui intervient au plus tard
lorsque le projet est arrêté ».
9. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le plan local
d’urbanisme de la ville de Paris demeure régi par les dispositions de l’article R. 123-9 du code de
l’urbanisme dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2016. Par suite, le juge des référés du
tribunal administratif de Paris devait, pour déterminer si la ville de Paris était en droit d’exiger
une déclaration préalable des sociétés Gorilla et Frichti, apprécier l’existence d’un changement
de destination au regard des cinq destinations identifiées à l’article R. 151-27 du code de
l’urbanisme. Ce n’était que dans un second temps qu’il devait examiner, le cas échéant et dans le
cas où un changement de destination était constaté, si la destination des locaux permettait, au
regard des règles sur les destinations fixées par le plan local d’urbanisme de Paris, de délivrer la
décision de non-opposition à déclaration préalable et ainsi de régulariser, si cela était nécessaire,
la situation des sociétés. Par suite, en ne se référant qu’aux seules destinations figurant dans le
plan local d’urbanisme de Paris pour juger que le moyen tiré de ce que les locaux concernés
correspondraient à la définition d’espace de logistique urbaine au sens du règlement du plan
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local d’urbanisme de la ville de Paris était propre à créer un doute sérieux sur la légalité des
décisions attaquées, le juge des référés a entaché son ordonnance d’une erreur de droit.
10. Il résulte de tout ce qui précède que l’ordonnance du juge des référés du
tribunal administratif de Paris doit être annulée.
12. Par les arrêtés litigieux, la ville de Paris a ordonné la remise en état des
locaux après avoir relevé d’une part qu’un changement de destination avait été réalisé sans
déclaration préalable et, d’autre part, qu’aucune régularisation n’était possible par la délivrance
d’une non-opposition à déclaration préalable, les règles du plan local d’urbanisme de la ville de
Paris s’opposant à la nouvelle destination des locaux.
13. L’article R. 151-27 du code de l’urbanisme cité au point 5 dresse une liste
limitative de cinq destinations. Il est complété par l’article R. 151-28, qui prévoit que : « Les
destinations de constructions prévues à l'article R. 151-27 comprennent les sous-destinations
suivantes : / (…) 3° Pour la destination " commerce et activités de service " : artisanat et
commerce de détail, restauration, commerce de gros, activités de services où s'effectue l'accueil
d'une clientèle, cinéma, hôtels, autres hébergements touristiques ; / 4° Pour la destination
" équipements d'intérêt collectif et services publics " : locaux et bureaux accueillant du public
des administrations publiques et assimilés, locaux techniques et industriels des administrations
publiques et assimilés, établissements d'enseignement, de santé et d'action sociale, salles d'art et
de spectacles, équipements sportifs, autres équipements recevant du public ; / 5° Pour la
destination " autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire " : industrie, entrepôt, bureau,
centre de congrès et d'exposition ». Enfin, aux termes de l’article 3 de l’arrêté du ministre du
logement et de l’habitat durable du 10 novembre 2016 définissant les destinations et sous-
destinations de constructions pouvant être réglementées par le règlement national d’urbanisme et
les règlements des plans locaux d’urbanisme ou les documents en tenant lieu : « (…) La sous-
destination « artisanat et commerce de détail » recouvre les constructions commerciales
destinées à la présentation et vente de bien directe à une clientèle ainsi que les constructions
artisanales destinées principalement à la vente de biens ou services ». Aux termes de l’article 5
du même arrêté : « (…) La sous-destination « entrepôt » recouvre les constructions destinées au
stockage des biens ou à la logistique ».
14. Il ressort des pièces du dossier que les locaux occupés par la société Frichti
et la société Gorillas Technologies France, qui étaient initialement des locaux utilisés par des
commerces, sont désormais destinés à la réception et au stockage ponctuel de marchandises, afin
de permettre une livraison rapide de clients par des livreurs à bicyclette. Ils ne constituent plus,
pour l’application des articles R. 151-27 et R. 151-28 du code de l’urbanisme, tels que précisés
par l’arrêté du 10 novembre 2016 cité ci-dessus, des locaux « destinées à la présentation et vente
de bien directe à une clientèle » et, même si des points de retrait peuvent y être installés, ils
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doivent être considérés comme des entrepôts au sens de ces dispositions. L’occupation de ces
locaux par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France pour y exercer les activités en
cause constitue donc un changement de destination, soumis, en application de l’article R. 421-17
du code de l’urbanisme à déclaration préalable. Dès lors, la ville de Paris était en droit d’exiger
des sociétés requérantes le dépôt d’une déclaration préalable.
15. Pour apprécier si, comme le soutient la ville de Paris, une telle déclaration
préalable devait nécessairement donner lieu à opposition de la ville, si bien que la situation des
sociétés requérantes était insusceptible d’être régularisée, il convient, ainsi qu’il a été dit au point
9, de se référer aux dispositions du plan local d’urbanisme de la ville de Paris relatives aux
destinations.
17. Il ressort des pièces du dossier que l’occupation des locaux par les sociétés
Frichti et Gorillas, telle que présentée au point 14, ne correspond pas à une logique de logistique
urbaine qui, en application des dispositions du plan local d’urbanisme de Paris, pourrait les faire
entrer dans la catégorie des « constructions et installations nécessaires aux services publics ou
d'intérêt collectif », mais a pour objet de permettre l’entreposage et le reconditionnement de
produits non destinés à la vente aux particuliers dans ces locaux, ce qui correspond à une activité
relevant de la destination « Entrepôt », telle que définie par le même plan local d’urbanisme. Dès
lors, le moyen tiré de ce qu’il n’était pas possible d’opposer les dispositions de l’article UG.2.2.2
du règlement du plan local d’urbanisme interdisant la transformation en entrepôt de locaux
existants en rez-de-chaussée sur rue au changement de destination opéré, n’est pas propre à créer
un doute sérieux sur la légalité des décisions attaquées.
18. Il résulte de tout ce qui précède que l’une des conditions prévues par
l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas remplie. Par suite, les demandes de
suspension présentées par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies Services doivent être
rejetées.
revanche obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la ville de Paris, qui n’est
pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE:
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Article 2 : Les demandes de suspension des décisions de la ville de Paris du 17 juin 2022 et des
13, 24 et 29 juin et 15 et 28 juillet 2022 sont rejetées.
Article 3 : Les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France verseront à la ville de Paris une
somme de 4 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par les sociétés Frichti et Gorillas Technologies France au
titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la ville de Paris, à la société Gorillas Technologies
France, à la société Frichti, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté
industrielle et numérique et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des
territoires.