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Ampullectomie chirurgicale
par laparotomie
A. Sauvanet
Résumé : Les lésions tumorales bénignes et les lésions pseudotumorales (adénomyomes, lésions régé-
nératives) de l’ampoule de Vater représentent environ 20 % des lésions ampullaires actuellement
diagnostiquées. Ces lésions doivent être traitées par ampullectomie. Les arguments en faveur d’une lésion
ampullaire bénigne sont : une découverte fortuite, une lésion non ulcérée en duodénoscopie, l’absence
d’extension à la sous-muqueuse et à la musculeuse duodénales ou au pancréas et/ou ganglionnaire en
échoendoscopie, et l’absence de carcinome invasif sur la biopsie. La duodénopancréatectomie céphalique,
du fait de sa morbi-mortalité, est à réserver aux tumeurs invasives avec un risque d’extension ganglion-
naire. L’ampullectomie, qu’elle soit chirurgicale ou endoscopique, est indiquée pour les lésions ampullaires
bénignes ou malignes non invasives. L’ampullectomie chirurgicale, guidée par un examen histologique
extemporané, est préférable à l’ampullectomie endoscopique en cas de lésion volumineuse (qui, par voie
endoscopique, nécessite une exérèse fragmentée gênant une analyse histologique fiable), ou s’étendant
de façon ascendante dans la voie biliaire principale (présente chez 10 à 20 % des ampullomes), ou
associée à un diverticule juxta-ampullaire, ou en cas de récidive après ampullectomie endoscopique.
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Plan majorité des adénomes ampullaires est sporadique et ils sont alors
isolés. Ceux survenant dans le cadre d’une polypose adénoma-
■ Introduction 1 teuse familiale sont souvent associés à des polypes duodénaux et
posent des problèmes spécifiques.
■ Indications 1 Les principales autres tumeurs ampullaires sont les tumeurs
■ Technique opératoire 2 endocrines et l’adénomyome. Les tumeurs endocrines, pour les-
Installation-incision 2 quelles la distinction entre bénignité et malignité est difficile et
Dissection 2 repose essentiellement sur la taille tumorale, le grade et la pré-
Exérèse 3 sence ou non de métastases ganglionnaires [8] . L’adénomyome est
Reconstruction 5 un hamartome sans potentiel malin mais pouvant faire clinique-
Fermeture 5 ment évoquer un cancer car responsable de symptômes biliaires
■ Suites opératoires : résultats 6 chez un sujet souvent âgé et avec un aspect parfois induré [9] .
Il existe également des lésions ampullaires non tumorales de
type inflammatoire ou simple hyperplasie régénérative spontanée
(après migration calculeuse), ou secondaires à un geste endosco-
Introduction pique (sphinctérotomie pour lithiase le plus souvent), ces lésions
peuvent être prises à tort pour des adénomes, voire pour un can-
L’éventail des lésions ampullaires est large, ce qui complique cer [5, 7] .
leur prise en charge. Le traitement curatif des ampullomes invasifs
est la duodénopancréatectomie céphalique (DPC), intervention
associée, dans des centres à haut volume, à une mortalité de 2 Indications
à 4 % [1–4] . Les lésions bénignes doivent être traitées par exérèse
locale, ou ampullectomie, qui peut actuellement être réalisée par Les indications chirurgicales (choix entre DPC ou ampul-
voie endoscopique [5] ou chirurgicale [6] . Le diagnostic positif des lectomie) s’appuient sur un faisceau d’arguments cliniques,
ampullomes et la détermination de leur caractère bénin ou malin, biologiques, endoscopiques et radiologiques. Les indications chi-
invasif ou non invasif peuvent être difficiles et reposent essentiel- rurgicales sont exposées à un risque de « sous-traitement »
lement sur les explorations endoscopiques [5, 7] . (ampullectomie chirurgicale pour ampullome invasif à risque
L’adénome ampullaire, lésion la plus fréquente, est une tumeur d’extension ganglionnaire) ou de « surtraitement » (DPC pour
glandulaire évoluant comme les adénomes coliques, avec pré- lésion non invasive, ou même non tumorale). Le chirurgien doit
sence successive de dysplasie de bas grade puis de dysplasie de analyser de façon « critique » les données préopératoires pour
haut grade (appelée également adénocarcinome intraépithélial ou éviter un traitement inapproprié.
in situ, et pouvant coexister avec de la dysplasie de bas grade) et Les ampullomes entraînent, en règle générale, un obstacle
plus tardivement d’un adénocarcinome invasif [2, 3, 5] . La grande biliaire, s’exprimant plus fréquemment de façon atypique (ictère
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Ampullectomie chirurgicale par laparotomie 40-880-C
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A B
Exérèse
tout au long de l’intervention et de protéger la cavité abdominale, La lésion doit être tractée de façon atraumatique par un fil
le bloc duodénopancréatique est posé sur des champs imbibés de monobrin en U posé autour de l’orifice papillaire, ou en cas de
solution antiseptique. lésion en « nappe » par plusieurs fils posés aux quatre points car-
Le repérage de la papille est obtenu par la palpation du dinaux de la lésion et qui vont faciliter l’orientation des marges
deuxième duodénum. Mais la palpation peut être en défaut si la de résection (Fig. 4).
lésion est petite ou a été l’objet d’une SE qui supprime les reliefs La muqueuse duodénale est incisée aux ciseaux froids ou avec
ampullaires. Il faut alors cathétériser la VBP via le canal cystique en un bistouri électrique utilisant un courant de section de faible
réalisant immédiatement une cholécystectomie qui est, de toute intensité (pour éviter les lésions thermiques gênant l’analyse des
façon, indispensable pour supprimer le risque de cholécystite à marges) en ménageant une marge de sécurité d’environ 5 mm
distance, et toujours faire un prélèvement bactériologique de bile (Fig. 5).
en raison de la fréquence élevée des contaminations de la bile, L’habitude des auteurs est de débuter cette incision au pôle infé-
spontanées ou après SE et/ou pose d’une endoprothèse. Une sonde rieur de la lésion, puis de l’étendre en U en avant et en arrière de
fine ou un drain biliaire de Pedinielli ou d’Escat est introduit dans celle-ci. Cela permet de trouver le plan de clivage au sein de la mus-
la VBP puis dans le deuxième duodénum et permet de repérer la culeuse duodénale, voire au contact du pancréas sans risque de
papille et de centrer la duodénotomie (Fig. 2). perforation duodénale ou de lésion canalaire (puisque l’incision
Du fait de la qualité de l’imagerie préopératoire, la cholangio- débute sur une zone d’accolement duodénopancréatique dépour-
graphie peropératoire est devenue inutile. vue de canaux) et surtout de terminer l’exérèse par la dissection
Une duodénotomie longitudinale, permettant un agrandisse- cholédocienne qui peut être prolongée dans le sens caudo-crânial
ment plus facile qu’une incision transversale, est faite au bord en cas d’extension tumorale sur les parois de la VBP. Les hémo-
externe de D2 et est maintenue ouverte par des fils tracteurs atrau- stases sont faites au fil monobrin résorbable serti 5/0 ou 6/0 afin
matiques (monobrin 4/0) (Fig. 3). Le repérage de l’orifice papillaire de limiter le risque d’hémorragie postopératoire ; ces fils peuvent
peut, en cas de lésion volumineuse ou en nappe ou déjà traitée être laissés transitoirement longs sur pinces tractrices disposées en
par SE, nécessiter l’injection de bleu de méthylène dilué par voie couronne pour améliorer l’exposition.
transcystique. En avant et en arrière, le plan de dissection doit rester en
On peut aussi mettre en place par voie transcystique un drain superficie de la musculeuse duodénale sous peine de perforer la
transpapillaire, dont l’inconvénient est cependant d’encombrer le paroi duodénale ou de la désinsérer du pancréas, ce qui peut
champ opératoire pendant l’exérèse et surtout la reconstruction. survenir sans lésion de la séreuse. Un antécédent de traitement
Figure 6. Isolement du canal pancréatique principal ; celui-ci est sou- intempestive de ce canal par un point d’hémostase à lever pour
vent non dilaté et en situation plus antérieure et légèrement plus caudale restaurer un drainage pancréatique normal.
par rapport au milieu du massif ampullaire. La dissection de la VBP est faite après avoir complété l’incision
muqueuse et musculeuse duodénale au bord supérieur de la lésion.
La paroi biliaire est plus épaisse et plus vascularisée que celle du
endoscopique peut favoriser la survenue de cet incident, qui canal de Wirsung, et peut être facilement clivée du parenchyme
oblige à compléter l’exérèse en évitant toute extension de cette pancréatique, ce qui permet de disséquer de principe 10 à 15 mm
plaie, puis suturer cette perte de substance par l’intérieur (et non de VBP distale en s’aidant d’une traction douce sur la pièce (Fig. 8).
par l’extérieur où il existe un risque de blesser les vaisseaux droits La VBP est ouverte transversalement.
nés des arcades duodénopancréatiques) à points séparés de fil Si la muqueuse biliaire est macroscopiquement tumorale, il vaut
monobrin résorbable. mieux ne pas compléter la section de la VBP et redisséquer celle-ci
Le canal de Wirsung est isolé et disséqué en avant et légèrement sur encore 1 cm ou plus afin d’isoler une zone saine. En effet, du
en bas de la lésion ampullaire (Fig. 6). Il est souvent non dilaté fait de son trajet oblique à proximité du duodénum, le cholédoque
et la section de sa paroi, fine et avasculaire, provoque souvent intrapancréatique peut, même s’il est sectionné assez haut, être
l’affaissement de sa lumière, ce qui gêne son repérage ultérieur. réimplanté sur la paroi duodénale. La tranche de section biliaire
Il faut prélever alors immédiatement une tranche de section en est envoyée en histologie extemporanée, sur le spécimen ou à
« rondelle » de la paroi du canal de Wirsung pour examen histolo- part ; si elle est envahie par un adénome, il est souvent encore
gique extemporané, destinée à affirmer que l’on est en zone saine possible de poursuivre la dissection du cholédoque vers le haut
(Fig. 7). et de le sectionner 1 à 2 cm plus haut avec un nouvel examen
L’extension tumorale endocanalaire dans le canal de Wirsung extemporané (Fig. 9). Si la recoupe biliaire reste le siège de lésions
est très rare (environ 5 % des cas), ce qui est heureux car toute adénomateuses, on peut encore éviter de réaliser une DPC en résé-
résection complémentaire est rendue difficile par l’orientation de quant toute la VBP intrapancréatique (abordée également par le
ce canal qui s’enfonce perpendiculairement dans l’épaisseur du pied du pédicule hépatique au bord supérieur du pancréas) puis
pancréas. Si le repérage du canal de Wirsung se révèle impossible, en réalisant une anastomose cholédocoduodénale ou hépaticojé-
il faut évoquer soit un pancreas divisum complet (normalement junale sur anse en Y, la réimplantation canalaire sur le deuxième
identifié en préopératoire par la CPRM ou l’EE), soit l’oblitération duodénum n’intéressant que le canal de Wirsung (Fig. 10) [20] .
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Ampullectomie chirurgicale par laparotomie 40-880-C
“ Points essentiels
• Du fait de sa morbi-mortalité, la DPC doit être réser-
vée aux ampullomes malins et invasifs sans métastases à
distance.
• Un ampullome ne peut être présumé bénin qu’après un
bilan extensif incluant une duodénoscopie à vision latérale
avec biopsies, une EE, et une scanographie abdominale
centrée sur le pancréas.
• Les arguments en faveur de la bénignité d’un ampul-
lome sont : une découverte fortuite, une lésion non ulcérée
en duodénoscopie, l’absence de carcinome invasif sur la
biopsie, l’absence d’extension à la musculeuse duodénale
ou au pancréas et/ou ganglionnaire en EE, et l’absence
Figure 13. Fermeture longitudinale de la duodénotomie. d’extension ganglionnaire ou hépatique sur la scanogra-
phie abdominale.
• L’ampullectomie chirurgicale est préférable à
proximité de la suture, en l’extériorisant dans le flanc droit. La l’ampullectomie endoscopique en cas de lésion volu-
confection d’une épiplooplastie ne nous paraît pas nécessaire. mineuse, d’extension tumorale ascendante dans la
VBP, ou de difficultés techniques prévisibles (diverti-
cule juxta-ampullaire, récidive après ampullectomie
Suites opératoires : résultats endoscopique).
• En peropératoire, un examen histologique extemporané
La mortalité de l’ampullectomie chirurgicale est inférieure à
des limites de résection est nécessaire afin de permettre
1 % et le taux de complications abdominales compris entre 10
et 15 % [1–3, 11, 21, 22] . Une hémorragie digestive peut survenir par une résection R0, en particulier sur la VBP.
défaut d’hémostase ou chute d’escarre et oblige très rarement à
• L’examen histologique (extemporané ou définitif) de
une réintervention. Une pancréatite aiguë, bénigne ou plus rare- l’ampullome peut mettre en évidence une composante
ment nécrosante, peut être liée à un défaut de perméabilité (par invasive non décelée en préopératoire. Un envahissement
suture sténosante) du canal pancréatique principal après réim- de la sous-muqueuse duodénale est une indication à une
plantation. Une fistule duodénale, exceptionnelle, guérit le plus DPC, mais cette éventualité ne survient que dans moins
souvent sous traitement médical. Une angiocholite précoce ou de 10 % des cas.
tardive par reflux duodénobiliaire survient dans environ 10 % des • Au cours de la réimplantation canalaire, il faut veiller
cas. Une gastroparésie transitoire est possible. À cette morbidité à la perméabilité du cholédoque et surtout du canal de
abdominale, il faut ajouter une morbidité pariétale et générale Wirsung.
mais, globalement, la morbidité de l’ampullectomie chirurgicale • La fermeture duodénale peut, en règle générale, être
est deux fois inférieure à celle de la DPC [1, 2, 3] .
L’ampullectomie chirurgicale a une faisabilité éle-
longitudinale.
vée [6, 11, 12, 20, 21] , supérieure à 95 % dans l’expérience des
• La mortalité de l’ampullectomie chirurgicale est infé-
auteurs et permet pratiquement toujours d’obtenir des marges rieure à 1 % et sa morbidité globalement deux fois
saines, en particulier le long de la VBP [6, 20] . Sa faisabilité est moindre que celle de la DPC.
supérieure à celle de l’ampullectomie endoscopique qui est com-
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Ampullectomie chirurgicale par laparotomie 40-880-C
À distance d’une ampullectomie chirurgicale ayant permis la [10] Catalano MF, Linder JD, Chak A, Sivak Jr MV, Raijman I, Geenen JE,
résection complète d’un ampullome sporadique, le risque de et al. Endoscopic management of adenoma of the major duodenal papilla.
récidive est compris entre 5 et 10 % [2, 3, 6, 10, 11, 21, 22] . Ce risque, Gastrointest Endosc 2004;59:225–32.
comparable à celui noté après ampullectomie endoscopique [5, 13] , [11] Hornick JR, Johnston FM, Simon PO, Younkin M, Chamberlin M, Mit-
justifie une surveillance endoscopique, en particulier au cours des chem JB, et al. A single-institution review of 157 patients presenting with
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Sauvanet A. Ampullectomie chirurgicale par laparotomie. EMC - Techniques chirurgicales - Appareil
digestif 2023;40(1):1-7 [Article 40-880-C].