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Soart 025 0013

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Éditorial

Sociologie de l’art et analyse des réseaux sociaux


Martine Azam, Ainhoa de Federico
Dans Sociologie de l'Art 2016/1 (OPuS 25 & 26), pages 13 à 36
Éditions L'Harmattan
ISSN 0779-1674
ISBN 9782343090795
DOI 10.3917/soart.025.0013
© L'Harmattan | Téléchargé le 06/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 91.167.32.217)

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ÉDITORIAL

Sociologie de l’art et analyse des réseaux sociaux1

L es milieux artistiques autant que les sociologues travaillant


sur ces domaines connaissent depuis longtemps l’importance
des réseaux en matière d’art – qu’il s’agisse de la
production/création, de sa diffusion, de sa consom-
mation/réception ou de la production de la valeur –, mais ils n’ont
fait l’objet d’une attention que récente, et souvent plus
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métaphorique qu’effective.
Les réseaux sont pourtant placés au cœur de la réflexion de H. S.
Becker dans Les Mondes de l’art2. Un monde y est défini comme
un réseau de personnes coopérant à faire exister une activité
qu’elles s’entendent pour considérer comme de l’art. Si le terme
et l’idée de réseau sont présents, les recherches n’incluent pas
pour autant les apports de la sociologie des réseaux sociaux telle
qu’elle émerge dans l’anthropologie britannique au milieu des
années 1950 et telle qu’elle se dessine aux États-Unis à partir des
années 1970 autour de la figure de Harrison White, de ses
étudiants et d’autres chercheurs tels que Linton Freeman.

1
Cette introduction, ainsi que les articles qui composent ce numéro thématique,
font partie d’une publication conjointe entre les revues Sociologie de l’Art et
REDES (Revista hispana para el análisis de redes sociales), où ils sont parus en
espagnol. La revue REDES est une des cinq revues scientifiques spécialisées en
analyse de réseaux sociaux.
2
Becker H. S., Art worlds, Berkeley, University of California Press, 1982.
14 Éditorial

Les travaux de P. Bourdieu, en particulier ceux portant sur


Flaubert dans Les règles de l’art3, analysent la genèse du champ et
montrent l’importance des relations interpersonnelles dans le
champ artistique. L’idée de réseau est également inscrite en
arrière-fond de la notion de capital social, lequel renvoie à
l’ensemble des personnes pouvant être mobilisées par un individu
pour avoir accès à une ressource.
Monde ou champ, réseau de coopération ou capital social, la
thématique des réseaux – personnels et/ ou entre entités – est
présente dans les recherches qui ont structuré les débats en
sociologie de l’art sans que l’analyse des réseaux sociaux soit
mobilisée. Au-delà de ces travaux essentiels dont l’entrée vise à
asseoir une théorie du social, les recherches qui ont suivi – on
peut penser à celles axées sur la question de la construction de la
valeur en art – se sont développées à l’écart des possibilités
offertes par la sociologie des réseaux. Ce constat nous a conduits
à proposer la publication conjointe de ce numéro Art et Réseaux,
aux revues Sociologie de l’Art et Redes.
Dans l’introduction de ce numéro thématique, nous proposons un
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bref rappel des principaux jalons de la constitution de chaque
spécialité. Leur développement parallèle laisse apparaître des
moments où les croisements auraient pu se produire et nous
pointons leur ancrage méthodologique qui nous semble être une
des raisons de leur ignorance réciproque. Sur fond de curiosité
émergente des artistes pour la thématique des réseaux, nous
montrons comment peuvent se dessiner aujourd’hui de nouvelles
pistes. Pensé pour encourager cette dynamique, ce numéro
inaugure un rapprochement qui ne va pas de soi, ni d’un côté, ni
de l’autre comme nous le verrons à la fin de cette présentation.
Pour autant, les articles de jeunes chercheurs que nous
présentons montrent tout le potentiel que représentent des
investigations empiriques conduites à l’articulation de la
sociologie de l’art et de la sociologie des réseaux. Les journées

3
Bourdieu P., Les règles de l’art : genèse et structure du champ littéraire, Paris,
Le Seuil, 1992.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 15

« Art, réseaux et trajectoires »4, qui se sont tenues en avril 2015 à


l’Université de Toulouse, ont également contribué à initier cette
fécondation croisée.
Quelques étapes du développement de l’analyse des réseaux
sociaux
S’il est coutume de faire remonter la réflexion théorique à G.
Simmel5 au début du XXe siècle, les travaux empiriques sur les
réseaux sociaux ont d’abord été développés par des chercheurs
en psychologie sociale et en anthropologie, en parallèle des
approches en sciences dures, en particulier en mathématiques. La
première étape de l’histoire6 de cette spécialité se situe dans les
années 1930 avec Jacob Moreno7, spécialiste en psychologie
sociale, fondateur de la sociométrie et des sociogrammes.
D’autres chercheurs de la même discipline, proches de la Gestalt-
théorie (Kurt Lewin, Fritz Heider), s’intéressent aux dynamiques
de groupes. Parallèlement, depuis les années 1950, l’École de
Manchester, avec John Barnes, Clyde Mitchell et Elizabeth Bott,
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4
Journées organisées par Ainhoa de Federico, Martine Azam et Nathalie Chauvac
dans le cadre du groupe ReSTo (Réseaux Sociaux à Toulouse).
5
Simmel produit une réflexion théorique sur un niveau intermédiaire entre les
structures sociales et les individus. Pour lui, les formes sociales qui résultent des
interactions entre les acteurs forment le cœur de la sociologie. Simmel n’utilise
pas à proprement parler le terme de « réseau », qui apparaît dans les années
1950 sous la plume de l’anthropologue britannique John Barnes (Barnes, J. A.,
« Class and Committees in a Norwegian Island Parish », Human Relations, n°7).
6
Pour en savoir plus sur l’histoire de l’analyse des réseaux sociaux, en français et
en accès libre : http://eco.ens-lyon.fr/sociales/reseaux_merckle_03_origines.pdf
(Mercklé P., « Les réseaux sociaux. Les origines de l’analyse des réseaux
sociaux ». CNED Ens-lsh., 2003). Voir aussi Degenne, A., « L’analyse des réseaux
sociaux – Un survol à travers quelques jalons », Bulletin de Méthodologie
Sociologique, n°118, 2013 ou encore Van Meter, K., « Network Analysis in French
Sociology and Anthropology », in Encyclopedia of Social Network Analysis and
Mining (sous la direction de R. Alhajj et J. Rokne), New York, Springer, 2014. En
anglais, deux livres l’examinent de manière plus complète : Scott J., Social
Network Analysis. A handbook, Londonand Beverley Hills, Sage Publications,
1992 et Freeman L. C., The Development of Social Network Analysis: A Study in
the Sociology of Science, Vancouver, Canada, Booksurge Publishing, 2004.
7
Moreno, J. L., « Who shall survive? A New Aproach to The Problem of Human
Interelations », Nervous and Mental Disease Publishing, Washington D.C., 1934.
16 Éditorial

travaille avec les méthodes classiques de l’anthropologie. De leur


côté, des mathématiciens comme Robert Norman et Dorwin
Cartwright formalisent les interrelations individuelles avec la
théorie des graphes. Graphes et sociogrammes ont en commun
de dépasser la simple représentation graphique et permettent le
développement des premiers outils conceptuels sur la structure
des réseaux sociaux. Dans les mêmes années, le débat est
alimenté par Elihu Katz qui promeut pour sa part les matrices, en
lieu et place des graphes. Ultime étape de cette première période
multifocale et multidisciplinaire : les années 1970. Sur fond de
développement de l’informatique, se produit un mouvement
décisif impulsé par les sociologues, en particulier Harrison White,
physicien de formation, dont le projet scientifique est de proposer
des définitions stables et des formalisations permettant de rendre
compte des structures sociales. C’est à White que l’on doit la
formation de nombreux jeunes chercheurs en Amérique du Nord8,
qui contribuent fortement à l’essor de la sociologie actuelle des
réseaux sociaux. L’article devenu célèbre de Mark Granovetter9,
et plus largement les contributions de ces jeunes chercheurs,
stabilisent et opérationnalisent un ensemble de concepts
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permettant la reformulation et la validation empirique de
problèmes proprement sociologiques. L’intérêt majeur pour la
sociologie est de montrer que la structure des réseaux de
relations a une efficacité propre, indépendante des
caractéristiques sociales et psychologiques des individus. Se
développe à partir de là ce qui relève d’une analyse structurale
des réseaux s’appuyant sur des logiciels de traitement des
données relationnelles10.
À partir des travaux de White, les approches et les études de
réseaux qui s’appuyaient sur des méthodes variées adoptent une

8
Par exemple Edward Lauman, Ronald Breiger, Nicholas Mullins, Claude Fischer
ou encore Mark Granovetter développent leur carrière aux USA alors que Barry
Wellman, Nancy Howell Lee et Bonnie Erickson le font au Canada.
9
Granovetter, M. S., « The Strength of Weak Ties », American Journal of
Sociology, vol. 78, Issue 6, 1973, p. 1360-1380.
10
Quelques exemples sont Ucinet, Pajek, Netdraw, Visone, Egonet, Stocnet,
Gephi etc. ou encore Venmaker, Nvivo, Yed pour des approches qualitatives.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 17

forme quantitativiste très marquée. Avec la génération qui suit, le


travail des mathématiciens et des sociologues s’articule de façon
plus profonde. En 1976, Barry Wellman crée l’INSNA
(International Association for Social Networks Analysis), qui
devient un lieu de rencontre interdisciplinaire et internationale
sur les réseaux sociaux.
Les années 1980 sont le moment de l’explicitation théorique et
conceptuelle et de la multiplication des investigations et
applications à divers objets dans un nombre croissant de pays,
permettant de parler de l’émergence d’un nouveau paradigme en
sciences sociales.
Anglophone au départ, comme le montre cette histoire partielle,
l’analyse des réseaux débute en France dans les années 1970 avec
Alain Degenne11. Le récent article d’Alexis Ferrand et d’Ainhoa de
Federico12 retrace l’émergence et la structuration de la sociologie
des réseaux sociaux en France comme une spécialité particulière
et son extension à des domaines divers. Le développement de
cette spécialité passe également par la diffusion de compétences
spécifiques13 qui articulent concepts et traitement de données
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dont l’ouvrage d’Alain Degenne et Michel Forsé à destination des
premiers cycles universitaires est significatif14. Ce dernier point est
le signe d’une spécialité encore marquée principalement par des
approches quantitatives, malgré certaines recherches classiques
de nature qualitative15 et des inflexions récentes16.

11
Degenne A., « La construction et l’analyse des réseaux sociaux », L’Année
Sociologique, 1978, n°29.
12
Ferrand A. et de Federico A., « L’analyse des réseaux sociaux en France :
émergence (1977-1991) et diffusion des compétences (2005-2013) », Socio-logos
[en ligne], 2013.
13
En France, les Écoles d’été du CNRS ainsi que les formations dans un certain
nombre d’universités (Lille, Toulouse, Paris-Dauphine) jouent ce rôle. La page
web http : //www.cmh.pro.ens.fr/reseaux-sociaux/ rend compte de ces
initiatives.
14
Degenne A. et Forsé M., Les réseaux sociaux, Paris, Armand Colin, 1994.
15
Si John Barnes connaissait bien les mathématiques, son travail fondateur
n’implique pas une enquête quantitative à proprement parler, mais de
l’observation et des propositions de conceptualisation formelles. Elizabeth Bott
18 Éditorial

Plus que les aspects méthodologiques et les outils, la complexité


et la maturité croissante de cette spécialité produit la
convergence des chercheurs de ce domaine : les réseaux offrent la
possibilité de penser les phénomènes sociaux au-delà de
l’articulation entre le niveau macrosociologique des institutions et
le niveau microsociologique des individus proposant une
approche fréquemment qualifiée de méso-sociale.
La sociologie des réseaux explore aujourd’hui des domaines de
recherches tels que la sociabilité, les liens d’amitiés, les marchés,
l’accès aux ressources, les migrations, la santé, les inégalités
relationnelles, la diffusion des innovations, la production
scientifique, etc. L’art et la culture restent encore en périphérie de
l’attention des spécialistes17.
Quelques étapes de la sociologie de l’art en France et aux États-
Unis
L’histoire de la sociologie de l’art reste à écrire pour chaque aire
géographique : Amérique du Nord, du Sud, Europe. De même, il
serait nécessaire de clarifier pour chaque pays les relations
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qu’entretiennent la sociologie de l’art et celle de la culture. Ce
travail de fond est trop ample pour être entrepris ici mais dans
l’optique qui est la nôtre, nous proposons quelques étapes
indicatives de cette histoire.
Les sociologies de l’art et de la culture se développent en France
aux environs des années 1950. À cette période, on prête une

(dans Bott E., Family and Social Network, London, Tavistock, 1957) procède au
moyen d’entretiens conjoints. Ces travaux qualitatifs inspirent le mouvement des
années 1970 et permettent ultérieurement la conceptualisation des réseaux
complets qui s’appuient sur des modélisations.
16
Par exemple, les méthodes mixtes telles que celles développées par Michel
Grossetti, Marie Pierre Bès, Nathalie Chauvac, Ainhoa de Federico, Béatrice
Milard à Toulouse ou encore Claire Bidart, Silvia Dominguez et Bettina Hollstein.
17
Qu’il s’agisse de recherches sur les mondes de l´art, sur la construction de la
notoriété ou sur les trajectoires d’individus, les références manquent. C’est par
l’usage des nouvelles technologies de l’information que l’analyse de réseaux a
fait l’objet d’une attention croissante. Citons par exemple Cardon, D. et Granjon,
F., « Social networks and cultural practices: A case study of young avid screen
users in France », Social Networks, vol. 27, Issue 4, 2005, p. 301-315.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 19

attention particulière à la spécificité de la production artistique et


les auteurs traitent des œuvres en mettant en perspective les
structures de la société et celles des productions artistiques. Nous
pouvons citer, dans ce registre, Pierre Francastel18 pour la
peinture, Jean Duvignaud19 pour le théâtre, Lucien Goldmann20
pour la littérature. Encore proches de l’histoire et d’une certaine
philosophie esthétique, ces recherches se situent à un niveau de
généralité trop important pour restituer la matérialité des
rapports sociaux dans lesquelles s’inscrivent les productions
artistiques d’une époque. Le coup d’envoi des directions de
recherche qui alimentent les trois décennies suivantes est donné
au tournant des années 1970 par Raymonde Moulin et Pierre
Bourdieu. Moulin21 introduit l’analyse socio-économique dans le
domaine des arts plastiques, dans un mouvement similaire à celui
initié par Cynthia et Harrison White outre-Atlantique. Bourdieu de
son côté ouvre la voie à l’analyse des pratiques culturelles22.
Si, pendant l’après-guerre, l’intérêt pour l’art et la culture est
marginal dans la sociologie américaine, les années 1970 voient
émerger un véritable intérêt pour ces objets. Les deux volumes
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dirigés par Richard A. Peterson, The Production of culture23,
marquent l’affirmation d’un domaine de recherche autonome.
Durant cette même période, Howard Becker engage une série de

18
Francastel P., Peinture et société : naissance et destruction d’un espace
plastique de la Renaissance au cubisme, Paris, Lyon, Audin, 1951.
19
Duvignaud J., La sociologie du théâtre, Paris, PUF, 1965.
20
Goldmann L., Pour une sociologie du roman, Paris, Gallimard, 1964.
21
Moulin R., Le marché de la peinture en France, Paris, Editions de Minuit, 1967.
22
Bourdieu P., Un Art Moyen : essai sur les usages sociaux de La photographie,
Paris, Éditions De Minuit, 1965, et Bourdieu P. et Darbel A., L’Amour de l’art : les
musées d’art européens et leur public, Paris, Éditions de Minuit, 1966.
23
Peterson, R. A., « The Production of Culture: A Prolegomenon », Nº special
American Behavioral Scientist, nº 19, 1976 et Peterson, R. A., « The Production of
Culture », Social Research, 45, 1978.
20 Éditorial

recherches sur les mondes de l’art24 et des personnalités


apparaissent, comme Diana Crane25, Vera Zolberg, Paul Di Maggio.
Se détournant de la saisie de la culture dans ses dimensions
anthropologiques et philosophiques, les réflexions se concentrent
de part et d’autre de l’Atlantique sur les professions, les
organisations, les consommations culturelles, les catégories
sociales, les marchés, les politiques culturelles, la construction de
la valeur et de la réputation, etc. Comme le soulignent Pierre-
Michel Menger et Jean-Claude Passeron, « la discipline doit son
essor, en France comme aux États-Unis, à l’adoption des
méthodes et instruments d’enquête et des outils conceptuels
d’autres sociologies régionales »26.
Les recherches se multiplient tout au long des années 1980 et
ancrent la constitution de la spécialité. En témoigne l’émergence
de comités de recherches dédiés : aux États-Unis, la mobilisation
considérable des sociologues concernés, comme le rappelle
Zolberg27, aboutit finalement à la création en 1980 d’une section
Culture au sein de l’American Sociological Association (ASA) ; en
France, la section Sociologie de l’art voit le jour dans l’Association
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Internationale des Sociologues de Langue Française (AISLF) en
1979, marquant le début d’une organisation de cette spécialité.
Outre le nombre grandissant de chercheurs et le fleurissement
des productions dans le domaine de la sociologie de l’art et de la
culture – que celles-ci s’intéressent à la production, à la diffusion
ou encore à la réception et la consommation des œuvres, à la
production de la valeur et de la réputation ou aux politiques
culturelles –, cette décennie voit la publication de deux ouvrages

24
Becker, H.S., « Art as a collective action », American Sociological Review, vol.
39, décembre 1974, n°6. Becker, H.S. « Arts and Crafts », American Journal of
Sociology, n°83, 1978.
25
Crane, D., « Reward systems in Art, Science and Religion », in The Production of
culture (dir. de R. A. Peterson), Sage publications, 1976, p. 57-72.
26
Menger P. M. et Passeron J. C. (dir.), L’art de la recherche, Paris, La
Documentation Française, 1994.
27
Zolberg, V. L., « Success and failure of the sociology of culture? Bringing the
arts back », Sociologia da Artehoje, Socieda de e Estado, Brasília, vol. 20, n°2,
Mai/Août, 2005.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 21

majeurs qui vont structurer durablement les productions et le


débat scientifique dans le domaine des arts et dans celui des
consommations culturelles : Art worlds de Becker28 et La
Distinction de Bourdieu29. Les traductions et les références
croisées dans les articles indiquent des influences réciproques et
sont le signe d’une internationalisation des débats. À titre
d’illustration, on peut évoquer la thèse de l’omnivorisme culturel,
issue de la relecture de la théorie de la distinction de Bourdieu par
R. Peterson30 et dont la discussion occupe encore aujourd’hui de
nombreux chercheurs.
Parallèlement à ces travaux, la sociologie de l’art et des activités
artistiques connaît ses premiers développements partout en
Europe. En Belgique autour de Daniel Vander Gucht, en Suisse
avec André Ducret, mais aussi en France avec Nathalie Heinich et
Pierre-Michel Menger, tous deux ayant respectivement effectué
leur thèse sous la direction de Bourdieu et Moulin ; bientôt suivis
par d’autres sociologues de l’art comme Antoine Hennion en
France ou Tia DeNora en Grande Bretagne, pour ne citer qu’eux.
Les échanges internationaux s’intensifient, des thèses se
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préparent et l’année 1992 voit la naissance du 1er numéro de la
revue Sociologie de l’art en 1992, porté par Heinich, Vander Gucht
et Ducret.
Dans un contexte historique de mutation du monde de l’art, la
discipline connaît un essor certain. Pour la France, ainsi que l’écrit
Bruno Péquignot31, « la seconde grande période de la spécialité
(…) commence avec les journées internationales organisées par
Raymonde Moulin à Marseille en 198532. Le bilan de ce colloque
permet d’élargir à de nouveaux objets et à de nouvelles

28
Op. Cit.
29
Bourdieu P., La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, coll.
« Le sens commun », 1979.
30
Richard A. Peterson, R. A.et Kern, R.M., « Changing Highbrow Taste: From Snob
to Omnivore », American Sociological Review, vol. 61, n°5, Oct. 1996.
31
Péquignot B., « La sociologie de l’art et de la culture en France : un état des
lieux », Sociologia da Arte hoje, Sociedade e Estado, Brasília, v. 20, nº 2, 2005,
Mai/Août.
32
Moulin, R. (ed.), « Sociologie de l’Art », Colloque de Marseille, 1985.
22 Éditorial

démarches les résultats acquis ». Ce moment amorce notamment


le retour d’une question poussée à la marge par la sociologie
française des années 1970/1980 : celle des « œuvres elles-
mêmes ». Leur traitement avec les outils de la sociologie est une
tâche à laquelle les chercheurs s’attellent pendant des années
1990 et qui trouve notamment son expression à partir des
Journées Internationales de la Sociologie de l’Art33 organisées à
Grenoble en 1999. Dispositifs et objets, contextes de la rencontre
avec l’œuvre, dimension épistémologique et herméneutique des
œuvres, processus créatif, réception des œuvres, publics… ces
pistes de recherches s’ajoutent à celles, désormais classiques, qui
traitent de l’amont et de l’aval des œuvres.
Ces années et les suivantes sont celles de la maturité de cette
spécialité, tant sur les territoires nationaux qu’au niveau
international. En France, ce travail de structuration, d’animation
et de visibilisation de la recherche sur la durée est notamment
porté par Bruno Péquignot et Alain Pessin, des personnalités
soucieuses de la diversité des approches et des sensibilités
théoriques et paradigmatiques. Ces efforts aboutiront à la
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création en 1999 du GDR OPuS – Œuvres, Publics, Société, qui
marque la reconnaissance par le CNRS du travail poursuivi et
fédère les différentes équipes de recherche au niveau national.
Ultérieurement, le GDR devient international.
Sociologie de l’art, sociologie des réseaux : les rendez-vous ratés
Au fil du survol historique de la constitution de ces deux
spécialités, une question s’impose : comment comprendre leur
ignorance mutuelle jusqu’à présent ? Des rencontres étaient
pourtant possibles dès les années 1970, comme le suggèrent deux
pistes restées sans suite.
Ainsi, en 1965, Cynthia et Harrison White font une incursion dans
le domaine de l’art avec un ouvrage devenu depuis un classique

33
Pour voir la liste des thèmes abordés lors de ces réunions annuelles et des
publications qui en découlent voir les archives des événements sur le site du GDR
OPuS.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 23

de la sociologie de l’art34. Mais alors même qu’H. White va donner


un élan important à la sociologie des réseaux, la thématique
artistique est étonnamment inexplorée par la suite, tant par lui
que par les sociologues qu’il forme. Une seconde rencontre aurait
pu se dessiner au milieu des années 1970, autour de Charles
Kadushin, autre figure importante de la sociologie des réseaux, à
la faveur de l’article « Networks and Circles in the Production of
Culture »35.
Pour autant que nous n’ayons rien manqué d’essentiel36, il
apparaît que le domaine des arts et de la culture ne fait plus
l’objet de curiosité de la part des spécialistes des réseaux pendant
deux décennies, jusqu’aux travaux demeurés isolés du sociologue
néerlandais Wooter De Nooy37 qui conjugue sociologie de
littérature et sociologie des réseaux, dans le premier véritable
croisement entre les deux spécialités.
La même année, White, empruntant la notion d’encastrement à
son élève Granovetter, écrit dans la nouvelle préface de la
réédition de l’ouvrage Canvases and careers : « Nous voyons
comment toute influence d’un artiste dépend de manière cruciale
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de son encastrement dans un groupe. On peut se demander
comment l’impact varie selon le degré d’insertion dans les
réseaux sociaux entre et à l’intérieur de ces groupes ». Ce qui
aurait pu constituer une véritable proposition de recherche ne se
concrétise pas et il faut attendre une période récente pour voir
des spécialistes de l’analyse des réseaux sociaux traiter d’activités

34
White H. et White C., Canvases and Careers: Institutional Change in the French
Painting World, Chicago, University of Chicago Press, 1965.
35
Kadushin, Ch., « Networks and Circles in the Production of Culture », American
Behavioral Scientist, 19, 1976, p. 769-784.
36
Revues examinées Connexions, JoSS, REDES et Network Science, Social
Networks, American Sociological Review, American Journal of Sociology,
American Journal of Cultural Sociology, Cultural Sociology, et British Journal of
Sociology, Sociologie de l’Art, L’année Sociologique, Revue Française de
Sociologie, Sociétés Contemporaines, Revista Española de Investigaciones
Sociológicas.
37
De Nooy W., « Richtingen & lichtingen. Literaire classificaties, netwerken,
instituties », Tilburg : KUB, Thèse de doctorat es sociologie, 1993.
24 Éditorial

artistiques38. C’est la revue REDES qui a publié l’essentiel des


articles avec cette double inscription39. Parallèlement, se
manifestent depuis six ans quelques travaux de doctorants sur ces
thèmes.
S’agissant des sociologues de l’art et de la culture utilisant les
outils de l’analyse de réseaux, le bilan s’avère encore plus réduit
alors même que les usages métaphoriques qui étaient déjà
présents chez Bourdieu et Becker abondent. Si cette thématique
monte en puissance depuis une décennie, c’est, comme le
souligne Péquignot, parce que cette spécialité est traversée par
les centres d’intérêts, les questionnements et les problèmes de
méthodes communs à l’ensemble de la discipline sociologique et,
au-delà, des sciences sociales. Gisèle Sapiro en 200640 pointe
avant nous les possibilités méthodologiques dont est porteuse
l’analyse de réseaux, mais il est probable que la préférence pour
les méthodologies qualitatives des sociologues de l’art ait
contribué à ce qu’ils ignorent ces approches structurales et
fondamentalement basées sur des méthodes formelles,
systématiques et quantitatives telles que l’analyse de réseaux les
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a développées depuis les années 1970. Le traitement empirique
avec les outils spécifiques implique un « coût d’entrée » qui a
vraisemblablement freiné la production des travaux dans ce sens.
Pour autant, le développement récent des méthodes mixtes, voire

38
Quelques articles : de Nooy, W., « Social networks and classification in
literature », Poetics, 20, 1991, p. 507-537, de Marneffe, D., « Le réseau des
petites revues littéraires belges, modernistes et d’avant-garde, du début des
années 1920 : construction d’un modèle et proposition de schématisation »,
COnTEXTES [En ligne], 4, 2008. Bottero, W., Crossley, N. « Worlds, Fields and
Networks: Becker, Bourdieu and the Structures of Social Relations », Cultural
Sociology, vol. 5, 1, 2011, p. 99-119 ou Dass, M., Reddy, Srinivas, K. et Lacobucci,
D., « Social networks among auction bidders: The role of key bidders and
structural properties on auction prices », Social Networks, vol. 37, 2014, p. 14-28.
39
de Nooy, W., « Una perspectiva institucional sobre la relación micro-macro »,
REDES, vol. 3, 2002 ; Muntanyola, D.et Lozares, C., « El poder del ejemplo : un
análisis reticular del rodaje de una escena cinematográfica », REDES, vol. 10 juin,
2006 ; Kirschbaum, Ch., « Rappers em São Paulo: conexões, disconexões e
transgressões », REDES, vol. 22 juin, 2012.
40
Sapiro, G., « Réseaux, institution(s), champs », dans Les réseaux littéraires (dir.
D. de Marneffe et B. Denis), Bruxelles, Le CRI/CIEL, 2006, p.45-59.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 25

qualitatives, pour construire des réseaux devrait faciliter


l’appropriation de cette approche aux sociologues de l’art.
Les réseaux dans l’art, l’art dans les réseaux
En dehors du monde scientifique, le développement de la
thématique des réseaux est également perceptible dans le monde
de l’art lui-même. Si l’art et les réseaux se sont peu croisés dans la
discipline sociologique, ceci ne signifie pas une absence d’intérêt
réciproque : des artistes se sont approprié à la fois le concept et
certains outils en développant ces dernières années des
simulations et des logiciels dynamiques spécifiques. À titre
illustratif, nous présentons quelques exemples.
En théâtre, John Guare s’inspire de la thèse dérivée de
l’expérience de Stanley Milgram41 sur la question du « petit
monde » dans la pièce Six degrees (1990), devenue film par Fred
Schepisi en 1993, lequel à son tour inspire une chanson du même
nom par le groupe irlandais The Script, en 2012. Sur le registre de
la culture populaire, la thématique des réseaux est également
traitée dans la série The L world qui montre la dynamique de
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l’évolution d’un réseau de relation à travers, notamment, sa
représentation visuelle42. Dans celle-ci, le personnage, Alice, qui
anime une émission de radio sur les couples, s’aide d’un énorme
graphe dans lequel elle décrit la structure changeante des liens
amoureux dans une petite communauté lesbienne de Los Angeles.
En matière d’arts plastiques, l’œuvre peut-être la plus connue est
celle de Marc Lombardi avec Narrative structures à partir de 1993.
L’artiste dénonce la corruption et les abus de pouvoir en utilisant
des données publiques (presse, livre, archives...) et montre avec
des diagrammes le réseau de relations qu’entretiennent
différentes structures de pouvoir43. Plus récemment, des artistes
interrogent les relations et les influences avec les outils de la
sociologie des réseaux : c’est le cas du projet de Burak Arikan,

41
Milgram, S., « The small world problem », Psychology today, vol. 1, n°1, 1967,
p. 61-67.
42
http://thelword.wikifoundry.com/page/The+Chart.
43
Par exemple http://socks-studio.com/2012/08/22/mark-lombardi/
26 Éditorial

jeune artiste turc, qui s’intéresse aux liens entre artistes et


collectionneurs44. Dans le même ordre d’idée, signalons le collectif
d’art slovène IRWIN45 qui développe la multiplateforme East Art
Map46 depuis 2001 et dont le propos est de reconstruire de façon
critique l’histoire de l’art en Europe de l’Est depuis 1945. Juan Luis
Moraza à l’occasion du 10e anniversaire du Musée Guggenheim de
Bilbao réalise l’exposition Incógnitas : cartografías del arte
contemporáneo en Euskadi (avril-juin 2007) à partir d’une enquête
par questionnaires qu’il conduit auprès de 120 artistes basques de
quatre générations ; la restitution des résultats obtenus prend la
forme de représentations cartographiques, l’une d’entre elles
impliquant une analyse du réseau des relations et des influences
dans le temps entre artistes et collectifs d’artistes basques.
Des commissaires d’exposition se sont également approprié
l’analyse de réseaux. Le graphe interactif réalisé en 2012 par Paul
Ingram et Mitali Banerjee avec l’équipe de commissaires du
MoMa introduit l’exposition Inventing abstraction, 1910-192547. Il
montre que l’Abstraction en tant que courant artistique est le
produit d’une pensée en réseau et des flux d’idées entre artistes
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et intellectuels. Ce travail rend hommage à une initiative plus
ancienne du même ordre, celle réalisée en 1936 par le fondateur
du musée, Alfred H. Barr, dont la visualisation Cubism and
abstract art est contemporaine de l’invention des sociogrammes
par Jacob L. Moreno en 1934. À l’évidence, l’intérêt des acteurs
du monde de l’art pour les réseaux et leur analyse précède
amplement celui des sociologues de l’art.
De leur côté, les scientifiques manifestent un intérêt pour la
dimension proprement esthétique des graphes. L’article de
Klovdahl de 198148 amorce le mouvement dans le 3e numéro de la

44
On peut voir les graphes dynamiques dans http://burak-arikan.com/artist-
collector-network.
45
http://www.night.bg/blog/?p=2097
46
http://www.projekt-relations.de/pix/pressematerial/download/16_east_art_
map_2_gross.jpg
47
http://www.moma.org/interactives/exhibitions/2012/inventingabstraction/
48
Klovdahl, A. S. « A Modified Elicitation of Personal Networks Using Dynamic
Visualization », Connections, n°3, 1981, p. 61-69.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 27

revue Connexions. L’attention portée à la qualité de la


visualisation se précise à partir de l’année 2000 avec la création
de la revue électronique Journal of Social Structure49 dont le
média autorise une plus grande diversité des formes et formats de
diffusion, ainsi que des propositions visuelles et dynamiques50.
Cette revue spécialisée est actuellement le support principal de
cette question à laquelle est consacré un numéro spécial en 2010.
Parallèlement, dans les congrès de l’INSNA où les sessions sur la
visualisation sont nombreuses depuis longtemps, le soin apporté à
la réalisation des graphes devient central et des communications
insistent de plus en plus, non seulement sur leur intelligibilité,
utilité heuristique et précisions analytiques, mais également sur
leur dimension strictement esthétique51. Un prix de la
visualisation la plus réussie a d’ailleurs été décerné en 2014 à
l’occasion de la conférence EUSN52 à Barcelone. Axés sur la
dimension esthétique des visualisations, certains chercheurs
n’hésitent pas d’ailleurs à faire des incursions dans le monde
artistique. C’est le cas de Santiago Ortiz, « visual data scientist » et
acteur du monde scientifique, qui a collaboré en 2008 avec
l’artiste Antonio R. Montesinos dans les projets : Les amis de mes
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amis et Delicious networks53.
Pari pour l’émergence d’une articulation fertile
Nous l’indiquions, ce numéro Art et réseaux était pensé pour
impulser une dynamique chez de jeunes chercheurs. Nous avons
reçu une trentaine de propositions provenant de différents pays, y
compris hors Europe. Littérature, cinéma, danse, théâtre,
musique, arts plastiques étaient les activités concernées. Le
nombre de propositions reçues traduit chez les sociologues de
l’art un véritable intérêt mais en dépit du centrage sur la question

49
http://www.cmu.edu/joss/
50
À partir du n° 1 de la revue on trouve un article de Freeman sur la visualisation
Freeman, L. C., « Visualizing social networks », Journal of social structure, vol.1,
n°1, 2000.
51
Voir l´article de Bender-deMoll y McFarland, « The art and science of dynamic
network visualization », JoSS, 2007, vol. 7.
52
European conference on social networks : www.eusn.org.
53
http://www.absolutnetwork.com/antonio-r-montesinos-explorando-las-redes/
28 Éditorial

des réseaux, l’usage toujours aussi métaphorique de la notion a


empêché que les propositions soient retenues. Les sociologues de
l’art partagent une difficulté commune à d’autres spécialités :
« les approches en terme de réseaux exigent une maitrise, même
légère, de trois langages pas toujours familiers chez les
sociologues : l’anglais, l’algèbre, et l’informatique »54. Pour ces
raisons, si nombre de chercheurs avaient envisagé la pertinence
d’une telle approche pour la saisie de leur problématique, ils se
sont trouvés démunis pour la mettre en œuvre.
Du côté de la sociologie des réseaux, dans une spécialité
caractérisée par la faiblesse de la thématique des activités
artistiques, les propositions ont été moins nombreuses.
Espagnoles pour la plupart et issues de disciplines différentes,
elles satisfaisaient évidemment la maîtrise des outils spécifiques
mais l’agilité technique reléguait au second plan les interrogations
proprement sociologiques.
Les articles présentés ici émanent pour l’essentiel de jeunes ou
très jeunes chercheurs. Ce point mérite d’être souligné car ce sont
précisément eux qui ont accepté de jouer le jeu dans le cadre
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contraignant de ce numéro Art et réseaux. Les propositions
initiales ont nécessité un travail important. En effet, répondre aux
critères des deux domaines de recherche a exigé de la part des
sociologues de l’art autant que des chercheurs des réseaux un
remaniement parfois profond des textes initialement soumis. Les
propositions faites par les chercheurs venus des réseaux ont dû
être retravaillées dans le sens d’une clarification des
problématiques et d’une véritable traduction des termes
techniques pour les rendre compréhensibles au-delà du cercle des
spécialistes. Le bref lexique de quelques notions clefs dans
l’analyse de réseau que nous proposons à la fin de cette
présentation complète ce travail. De façon symétrique, les
sociologues de l’art ont dû s’adjoindre des collaborations pour
traiter leurs données initiales. Impératif de publication et
nécessité de différenciation pour les entrants dans les champs de

54
Ferrand A., de Federico A., op. cit.
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 29

la recherche sont à l’origine de leur réelle implication dans ce


projet. Mais au-delà on peut y voir une réceptivité plus grande de
cette génération à la thématique des réseaux et les efforts de ces
jeunes auteurs mettent en évidence les bénéfices de ces analyses
appliquées à la sociologie des activités artistiques. Nous espérons
que les textes publiés en inspireront d’autres et que les
articulations déjà entreprises sauront trouver une maturation
dans le temps et amplifier cet intérêt.
Dans un travail envisagé comme un éclairage complémentaire à
une étude sur les sociabilités, Chloé Delaporte propose une
analyse structurale du microcosme des réalisateurs de cinéma
d’origine européenne qui ont émigré à Hollywood entre 1900 et
1945. La première partie de l’article montre la nature des liens
susceptibles d’expliquer la proximité des professionnels de ce
microcosme. Elle interroge successivement les affiliations
professionnelles, la période d’expatriation, la génération,
l’appartenance culturelle puis le motif d’expatriation, qu’elle
traduit en variables et analyse au moyen de graphes. La
démonstration, particulièrement rigoureuse, permet de
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hiérarchiser ces dimensions et de mettre en évidence la
multiplexité des liens. La seconde partie de l’article procède de
façon similaire à partir des œuvres, montrant ainsi que l’analyse
de réseaux sociaux peut enrichir tant la question des activités
artistiques que celle des œuvres elles-mêmes. Cet article peut se
lire comme un exercice d’application qui mobilise d’autres outils
pour approfondir certains aspects d’une investigation antérieure,
mais le propos va plus loin. Chloé Delaporte démontre que
l’analyse de réseaux peut conduire à remettre en question
l’évidence d’une catégorie de pensée : dans le cas présent, celle
des « Européens à Hollywood » avec l’idée du transfert culturel
qui lui est associé. Au-delà du travail empirique proposé qui
permet de relire les données existantes, c’est bien dans une
perspective épistémologique qu’il faut situer cet article.
L’article d’Olivier Alexandre et Adeline Lamberbourg montre que
la place prépondérante accordée en France au réalisateur de
cinéma ne tient pas seulement à une représentation issue de
30 Éditorial

l’image romantique de l’artiste ; elle s’explique également par la


situation particulière de centralité dans le réseau des
collaborations. En effet, la logique de continuité dans un projet, et
au-delà dans une carrière, conduit au développement de fidélités
et d’engagements réciproques d’une façon qui mêle souvent les
sphères de l’intime et du professionnel. Dans une activité
hautement concurrentielle et discontinue, en particulier dans le
cinéma d’auteur, les alliances stables présentent un avantage,
encourageant le développement des liens de parenté complexes.
Les phénomènes de l’homophilie et de l’homogamie, amplement
abordés dans la sociologie des réseaux et largement visibles dans
le cinéma français prennent ainsi un relief particulier.
La spécificité de l’activité permet de comprendre la prééminence
de deux formes de collectifs qui s’imbriquent. La dyade est l’unité
de base pour construire les équipes dans le cinéma français. Elle
conduit à un niveau d’attente forte, à l’image d’une relation de
couple, elle est donc soumise aux mêmes fluctuations, ruptures
comprises. Ces dyades, centrées autour d’un réalisateur ont une
durée relative mais la structure reste stable. Elles peuvent être
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enserrées dans d’autres formes plus grandes : des cliques jusqu’à
une forme de famille ou collectif, également typiques, qui
prédominent dans le cinéma français. Ces formes sont soutenues
par des temporalités successives. L’article s’inscrit dans la lignée
des réflexions sur la dimension collective de la création et du
talent qui s’exprime à deux niveaux : une dimension proprement
artistique et une dimension entrepreneuriale et humaine. La mise
en perspective des temporalités et des formes de relations
constitue la valeur ajoutée de l’analyse de réseaux et suggère le
besoin de ces formes de liens dans une activité
fondamentalement incertaine.
L’article de Dafne Muntanyola est consacré à la danse
contemporaine. L’originalité de la proposition réside à la fois dans
la problématique posée et dans la mobilisation de l’analyse de
réseaux comme traitement d’une observation ethnographique.
Adossé à la perspective de la sociologie beckerienne, l’objectif est
de saisir la façon dont les conventions et la coordination sont
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 31

produites par les micros-décisions d’individus en coprésence dans


les moments des répétitions. Mais au-delà, l’intention est
d’affirmer l’hypothèse d’une créativité distribuée, c’est-à-dire de
montrer que la production de nouveaux mouvements et
enchaînements dépasse les intentions individuelles pour devenir
le produit émergent de la compagnie de danse en tant qu’entité.
L’article porte la focale sur des échanges relationnels et
communications formelles et informelles qui relient les membres
de la compagnie entre eux, à la fois dans la situation en cours et
dans le contexte plus général de la vie de la compagnie. L’auteure
distingue plusieurs types d’interactions : le réseau des échanges
visuels et le réseau des échanges verbaux d’une part et, d’autre
part, le réseau affinitaire et le réseau des représentations que les
danseurs ont des relations au sein de la troupe. Pour chacun de
ces réseaux, l’analyse identifie de façon empirique la centralité de
certains danseurs qui constituent des « figures-filtre » par
lesquelles passe la coordination entre les membres. L’hypothèse
de la créativité distribuée est assise de manière robuste en
conjuguant le travail d’observation et l’analyse systématique de
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l’ensemble de ces réseaux d’interactions ; elle permet également
de différencier le poids relatif des différents danseurs en fonction
de leur centralité dans le processus de création.
Nathalie Moureau et Benoit Zenou entendent préciser, dans la
construction des trajectoires d’artistes plasticiens, le rôle du
capital social défini comme le réseau personnel de l’individu, les
probabilités d’accès aux ressources qu’implique ce réseau, et la
capacité des individus à mobiliser les relations. Les trois types de
parcours décrits par les auteurs coïncident avec ceux trouvés dans
d’autres travaux55. Ils correspondent à différents réseaux de
diffusion et sont associés à des formes et usages différents du
capital social. Celui-ci intervient dès le début de la trajectoire mais
également sur la durée. En effet, les dotations initiales en capital
social des artistes conditionnent fortement les étapes suivantes,

55
Azam, M., « Parcours d’artistes ou le talent en questions, la reconnaissance et
l’artiste en Midi-Pyrénées », Thèse de doctorat en sociologie, Université de
Toulouse Le Mirail, 1998.
32 Éditorial

l’élargissement du réseau relationnel de départ constituant un


seuil particulièrement critique à franchir entre les débuts et la
phase de consolidation. Les auteurs ne proposent pas une analyse
de réseaux – dans le sens d’usage des données qui requièrent un
traitement avec les outils ad hoc – mais un des apports du travail
proposé est d’utiliser la visualisation pour faire apparaître
clairement la façon dont chaque type de trajectoire s’appuie sur
des formes de capital social qui donnent accès à un réseau de
diffusion différent.
Conclusion
Les articles présentés ici, quand ils ne partent pas de données
recueillies en vue d’une analyse de réseaux, proposent une
relecture possible de données ou d’hypothèses déjà existantes qui
sont mises à l’épreuve avec des outils spécialisés. Ils dessinent des
pistes riches pour l’étude des activités et des productions
artistiques et proposent des exemples de nouvelles façons de
poser des problèmes classiques en sociologie de l’art. Sociabilités,
reconnaissance, étapes de la carrière, processus de création,
mobilisation des ressources…ce numéro ouvre la voie à une
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sociologie de l’art qui s’appuie sur les apports de la sociologie des
réseaux sociaux et les lignes émergentes suggèrent autant des
travaux empiriques possibles que des réflexions plus théoriques.
En sens inverse, la production de données nouvelles avec cette
perspective dans le domaine de l’art pourrait éclaircir le statut de
l’analyse de réseaux : outil d’analyse ou nouveau paradigme, cette
question ouverte en sociologie des réseaux sociaux pourrait se
nourrir des recherches produites dans le domaine de l’art,
illustrant à nouveaux frais « ce que l’art fait à la sociologie ».
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 33

PETIT LEXIQUE

Nœud : dans les représentations graphiques des réseaux, on assimile les


points aux acteurs sociaux qui nous intéressent. Ces points, appelés nœuds,
peuvent représenter des individus ou des acteurs collectifs.
Lien : le terme désigne les relations sociales entre acteurs. Dans l’analyse de
réseaux, on étudie distinctement la forme des liens (l’ancienneté, la
fréquence d’interaction…) et leur contenu (c’est-à-dire le type d’échange :
confidences, collaboration professionnelle, partage de loisirs…)
Multiplexité : il s’agit d’une propriété formelle des relations. Contrairement
à la polyvalence des liens qui désigne une variété de contenus possibles
(p.ex. une relation dans laquelle à la fois on partage des loisirs, des
confidences, des engagements politiques), la multiplexité reflète un cumul
de rôles sociaux qui unissent deux acteurs (p.ex. des collègues qui sont aussi
des amis).
Dyade : elle est composée de trois éléments ; elle implique à la fois les deux
acteurs sociaux et le lien qui les unit. Dans l’analyse des dyades, on examine
conjointement les ressemblances sociales des acteurs et la nature des
relations.
Triade : elle comprend trois acteurs sociaux et les relations existantes entre
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eux. Pour Simmel, c’est à ce stade que commence la sociologie. Les triades,
qui forment le socle des réseaux, peuvent prendre 16 configurations selon la
distribution des liens entre les acteurs.
Les termes suivants désignent des focales différentes pour décrire des
réseaux : chaine relationnelle, réseau personnel, réseau complet :
Chaine relationnelle : elle s’intéresse aux relations efficaces dont elle décrit
l’enchainement pour qu’un acteur accède à une ressource.
Réseau personnel : il rend compte pour chaque acteur de son inscription
relationnelle dans différents cercles sociaux.
Réseau complet : il s’intéresse à un ensemble social préalablement défini où
l’on examine l’ensemble des relations entre les membres.
Centralité : elle correspond à différentes formes d’importance d’un acteur
dans un réseau complet. Les différentes mesures de centralités – centralité
de degré, centralité d’intermédiation, centralité de proximité… – permettent
de repérer le ou les acteurs-clé selon les situations (diffusion de
l’information, prestige, circulation des ressources, sociabilités…).
34 Éditorial

Martine Azam
Maître de Conférences
Université de Toulouse – Jean Jaurès
(CERS-LISST), Toulouse, France
martine.azam@univ-tlse2.fr

Ainhoa de Federico
Maître de Conférences
Université de Toulouse – Jean Jaurès
(CERS-LISST), Toulouse, France,
ainhoa.defederico@univ-tlse2.fr

Résumé : La présentation de ce numéro consacré à l’art et aux


réseaux sociaux explore les différents aspects de
l’(in)articulation entre sociologie de l’art et analyse de réseaux
sociaux. Même si les recherches fondatrices dans le champ de la
sociologie de l’art attribuent une place centrale aux interactions
et relations parmi les différents acteurs qui structurent ce
« champ » ou « monde », celles qui utilisent les outils de
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l’analyse de réseaux sociaux sont presque inexistantes. En sens
inverse, l’analyse des réseaux n’a porté attention
qu’incidemment aux activités artistiques. Quelques éléments
suggèrent pourtant qu’une rencontre était possible et, comme
nous le montrons dans l’article, il est probable que cette
ignorance mutuelle est, pour partie, due aux entrées
méthodologiques privilégiées par chacun de ces champs de
recherche. Des rapprochements se dessinent aujourd’hui, autant
dans le domaine artistique que dans le domaine scientifique. Sur
fond d’un intérêt grandissant et généralisé pour les réseaux
sociaux, des artistes se saisissent de l’intérêt heuristique des
graphes tandis que des chercheurs travaillent expressément la
dimension esthétique des visualisations, gageant que celle-ci
contribue à la compréhension du propos scientifique. Par
ailleurs, et à la jonction de ces deux univers émergent des
œuvres artistiques croisant problématiques sociologiques et
techniques de l’analyse de réseaux. C’est dans l’optique de
contribuer à ces rapprochements que le présent numéro propose
des articles de jeunes chercheurs qui démontrent empiriquement
Martine AZAM, Ainhoa DE FEDERICO 35

la fertilité de l’articulation entre sociologie de l’art et analyse de


réseaux sociaux.

Mots-clés : sociologie de l’art – analyse de réseaux sociaux – art

Sociology of art and social network analysis

Abstract : This text introduces the issue on art and networks


exploring the different aspects of the links and gaps between
sociology of art and social network analysis. Although the
founding works in sociology of art highlight the central role of
interactions and relationships between members that structure
the “world” or “field” of art, empirical research has rarely used
the tools of social network analysis. The other way round, social
network analysis has paid little attention to artistic activities.
We show that nevertheless a meeting point could have been
possible and that this mutual ignorance is partly due to the
different methodological perspectives privileged by both
research fields. Furthermore, the art world and the scientific
world show growing interest in each other. While artists follow
the general growing interest on social networks and use the
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heuristic potential of graphs, scientists also improve the
aesthetic dimension of graphs. At their crossroad new art works
emerge based on sociological questions using the tools of social
network analysis. With a common outlook, this issue focuses on
the work of young researchers who empirically show the fertile
juncture between sociology of art and social network analysis.

Keywords : sociology of art – Social network analysis – Art

Sociologia del arte y analisis de redes sociales


Resumen : Este texto introduce el número dedicado al arte y las
redes sociales explorando los diferentes aspectos de la
(in)articulación entre la sociología del arte y el análisis de redes
sociales. Aún cuando en las investigaciones fundadoras del
campo de investigación de la sociología del arte atribuyen un
lugar central a las interacciones y relaciones entre los distintos
actores que estructuran este “campo” o “mundo social”, las
investigaciones que utilizan las herramientas del análisis de
36 Éditorial

redes sociales son casi inexistentes. Al contrario, el análisis de


redes sociales no ha prestado atención más que someramente a
las actividades artísticas. Algunos elementos, como lo
mostramos en el artículo, sugieren que un encuentro hubiera
sido posible a pesar de todo. Avanzamos la hipótesis de que esta
ignorancia mutua es, en parte, debida a las aproximaciones
metodológicas privilegiadas por cada uno de estos campos de
investigación. Por otra parte, actualmente se esbozan
acercamientos tanto por parte del mundo del arte como por
parte del mundo científico. En un contexto de interés creciente y
generalizado por las redes sociales, los artistas se apropian el
interés heurístico de los grafos mientras que los investigadores
trabajan expresamente la dimensión estética de las
visualizaciones. En el cruce de estos dos universos emergen
obras que articulan las problemáticas sociológicas y utilizan las
técnicas de análisis de redes sociales. Con un objetivo paralelo,
este número propone artículos de jóvenes investigadores que
demuestran empíricamente la articulación fértil entre sociología
del arte y análisis de redes sociales.

Palabras clave : Sociología del arte – Análisis de redes sociales –


Arte
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