Rapport de Recherche
Rapport de Recherche
Rapport de Recherche
recherche
Qualité de la relation pédagogique dans les dispositifs
d’enseignement en ligne en contexte de pandémie : expériences du
personnel des établissements privés subventionnés et perspectives
Simon Collin
Clémentine Hennetier
Sarah Meunier
Chaire de recherche du Canada sur l’équité numérique en éducation
Faculté des sciences de l’éducation
Université du Québec à Montréal
Méthodologie............................................................................................................. 4
Définitions .............................................................................................................. 4
Participant∙e∙s ........................................................................................................ 5
Analyse .................................................................................................................. 6
Résultats ................................................................................................................... 7
Recommandations .................................................................................................. 27
Références.............................................................................................................. 29
Introduction
Depuis mars 2020, le personnel scolaire des établissements privés subventionnés a fait
l’expérience de plusieurs types d’enseignement en ligne (enseignement à distance synchrone;
enseignement à distance asynchrone; enseignement comodal; enseignement hybride) en
réponse à la pandémie de la COVID-19. Ces types d’enseignement en ligne ont modifié en
profondeur la relation « enseignant∙e-élèves », qui est constitutive de l’enseignement et de
l’apprentissage, en la médiatisant au moyen du numérique. Mis en œuvre de manière
précipitée et hétérogène, ces types d’enseignement en ligne ont constitué une expérimentation
intensive, collective et in situ de nouvelles formes de relation pédagogique susceptibles
d’enrichir autant que d’appauvrir cette dernière. Souhaitant capitaliser sur l’expérience acquise
lors des dernières années, cette recherche a pour objectif de documenter la qualité de la
relation pédagogique du point de vue du personnel scolaire, telle qu’elle se décline dans les
différents types d’enseignement qui ont été implantés. Les résultats obtenus ont pour but de
contribuer à identifier les conditions de mise en œuvre de ces types d’enseignement à l’avenir,
selon leurs effets sur la relation pédagogique.
Plusieurs concepts ont été élaborés pour préciser davantage la relation pédagogique en
contexte d’enseignement à distance au niveau postsecondaire. Le plus populaire est la
présence sociale (Baker, 2010 ; Tichavsky et al., 2015). En grande partie médiatisée par les
interactions que l’enseignant met en œuvre avec et au sein du groupe-classe, elle est
caractérisée par la sensation pour les participants d’interagir avec de « vraies personnes ».
Ainsi définie, la présence sociale s’oppose à la distance transactionnelle, qui marque un
manque de communication entre l’enseignant et les apprenants, accentuée par la distance
physique.
Les résultats issus de ces études permettent de faire ressortir quelques constats saillants, qui
sont toutefois mitigés. En premier lieu, une des principales conséquences de l’enseignement
en ligne sur la relation pédagogique serait la diminution des opportunités d’interactions (Devitt
et al., 2020; Hebebci et al., 2020 ; Jugé-Pini et al., 2021; Vagos et Carvalhais, 2022), ce qui
diminuerait la possibilité, à la fois pour les élèves de demander de l’aide et de poser des
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questions, et pour les enseignants, d’accompagner les élèves, notamment ceux qui sont le
plus en difficulté (Devitt et al., 2020; Lorena Machado do Nascimento et al., 2021; Mælan et
al., 2021; Page, 2015). Toutefois, la diminution des interactions entre l’enseignant et ses
élèves pourrait aussi avoir des effets bénéfiques, tels que la diminution des conflits et des
problèmes de gestion de classe (Vagos et Carvalhais, 2022) et une augmentation de
l’autonomie et de la capacité des élèves à s’organiser (Hebebci et al., 2020).
Finalement, les deux principaux constats ci-dessus (diminution des interactions et des affects)
– lorsqu’ils s’avèrent effectifs chez les participants consultés – auraient différentes
conséquences. Du côté des élèves, ils pourraient amener une perte de motivation (Devitt et
al., 2020; Hebebci et al., 2020; Jugé-Pini et al., 2021), un risque accru de décrochage, une
diminution des apprentissages (Mælan et al., 2021) et du bien-être (Devitt et al., 2020; Hebebci
et al., 2020; Zorkić et al., 2021). Pour les enseignants, deux conséquences possibles seraient
la perte de sens de leur métier dû au manque de contact avec les élèves (Jugé-Pini et al.,
2021) et la perte de confiance en leurs compétences (Sokal et al., 2020; Zorkić et al., 2021).
Méthodologie
Définitions
La qualité pédagogique est définie comme « l’ensemble des interactions du domaine cognitif,
affectif et social entre élèves et enseignant qui vise l’apprentissage et l’épanouissement de la
personne » (Legendre, 2005).
Quatre types d’enseignement en ligne ont été considérés dans cette recherche, en plus de
l’enseignement en présentiel :
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- L’enseignement à distance asynchrone : un∙e enseignant∙e transmet à tous ses élèves
les contenus et activités d’apprentissage, qu’ils étudient chez eux à leur rythme.
L’enseignant∙e reste en contact avec eux (p. ex., par téléphone, par courriel, par le portail
de l’établissement ou par une plateforme de type Classroom) pour les soutenir dans leurs
apprentissages;
- L’enseignement hybride : un∙e enseignant∙e enseigne quelques périodes en salle de
classe à tous ses élèves en même temps; durant les périodes d’enseignement restantes,
ses élèves étudient chez eux à leur rythme au moyen de plateformes de type Classroom.
Participant∙e∙s
Pour les besoins de ce projet de recherche, un protocole de recherche en deux temps a été
élaboré. La première étape de l’enquête a été menée entre décembre 2021 et mars 2022. Un
questionnaire a été envoyé à l’ensemble des membres du réseau FPEP. Au total, un
échantillon de 372 membres du personnel enseignant, 105 membres du personnel de soutien
et 20 membres du personnel professionnel y a répondu, ce qui rejoint la distribution de la
population de la FPEP entre les trois types de personnel (voir Tableau 1).
Tableau 1
Échantillon Population
Personnel enseignant 74,85 % 72,8 %
Personnel de soutien 21,13 % 24 %
Personnel professionnel 4% 3,2 %
Les résultats présentés dans ce rapport se focalisent sur les réponses des membres du
personnel enseignant dans la mesure où ils ont répondu en plus grand nombre et où le
questionnaire qui leur était adressé était plus exhaustif que pour les membres du personnel
de soutien et du personnel professionnel.
Tableau 2
Échantillon Population
Préscolaire/primaire 26 % 23,53 %
Secondaire 74 % 76,47 %
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Elles ou ils enseignent en quasi-totalité dans des milieux scolaires favorisés (66 % des
répondant∙e∙s), voire très favorisés (30 %). Leurs groupes-classes sont composés en
moyenne de 35 élèves ou plus (27 % des répondant∙e∙s), de 30 à 34 élèves (37 % des
répondant∙e∙s), de 25 à 29 élèves (16 % des répondant∙e∙s) ou de moins de 24 élèves (19 %
des répondant∙e∙s).
Collecte de données
La collecte de données a fait intervenir deux instruments. Le premier est un questionnaire dont
l’objectif était de recueillir un portrait général de la qualité de la relation pédagogique en
contexte d’enseignement en ligne, telle que rapportée par les répondant∙e∙s. Le questionnaire
a été élaboré en nous inspirant des étapes préconisées par Van der Maren (2004): 1)
identification du ou des thèmes principaux; 2) circonscription des différents sous-thèmes à
l’aide d’une tempête d’idées; 3) déclinaison de chaque sous-thème en questions fermées; 4)
sélection et bonification des questions fermées les plus pertinentes. Le questionnaire fait
l’objet d’une relecture de surface par la FPEP afin d’ajuster certains termes utilisés à la réalité
de ses membres. Au final, le questionnaire se composait de 22 questions réparties dans les
sections suivantes : informations professionnelles et sociodémographiques; expérience de
l’enseignement en ligne; expérience de la qualité de relation pédagogique en contexte
d’enseignement en ligne.
Analyse
Le questionnaire a fait l’objet d’une analyse statistique descriptive dont l’objectif était de faire
ressortir les résultats convergents et divergents en réponse aux questions posées.
Les entrevues de groupe ont fait l’objet d’une analyse de contenu (L’Écuyer, 1990) autour des
étapes suivantes : 1) transcription des entrevues; 2) codage semi-ouvert du matériel et contre-
codage qualitatif et itératif; 3) élaboration progressive du livre de codes jusqu’à saturation;
4) codage inverse pour vérifier la cohérence des segments codés au sein d’un code;
5) catégorisation finale des codes suivant leur relation de sens.
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Résultats
Nous commençons par présenter les perceptions des participant∙e∙s à propos de
l’enseignement en ligne avant de nous pencher sur leurs perceptions à propos de la relation
pédagogique en ligne en contexte de pandémie.
Durant le temps fort de la pandémie (voir Tableau 3 et Figure 1), les répondant∙e∙s au
questionnaire ont rapporté avoir principalement fait l’expérience de l’enseignement en
présentiel (26,1 % : à chaque jour; 40,9 % : plusieurs fois par semaine) et de l’enseignement
en ligne synchrone (26,1 % : à chaque jour; 42,2 % : plusieurs fois par semaine) dans des
proportions similaires. L’enseignement comodal, l’enseignement à distance asynchrone et
l’enseignement hybride ont été expérimentés de façon moins fréquente par les répondant∙e∙s
au questionnaire.
Tableau 3
Types d’enseignement dont les répondant∙e∙s au questionnaire ont rapporté avoir fait
l’expérience – de mars 2020 à juin 2021.
Figure 1 : Types d’enseignement dont les répondant∙e∙s au questionnaire ont rapporté avoir fait l’expérience
de mars 2020 à juin 2021
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Depuis la rentrée scolaire 2021 (voir Tableau 4 et Figure 2), l’enseignement en présentiel était
redevenu le type d’enseignement quasi-universel pour les répondant∙e∙s au questionnaire
(90,6 % : à chaque jour; 6,5 % : plusieurs fois par semaine).
Tableau 4
Types d’enseignement dont les répondant∙e∙s au questionnaire ont rapporté avoir fait
l’expérience – depuis la rentrée scolaire 2021.
Figure 2 : Types d’enseignement dont les répondant∙e∙s au questionnaire ont rapporté avoir fait l’expérience
depuis la rentrée scolaire 2021
Bien que l’enseignement comodal ait été peu fréquemment expérimenté par les répondant∙e∙s
aux questionnaires, les participant∙e∙s aux entrevues l’ont évoqué à plusieurs reprises.
L’enseignement comodal représentait pour eux un compromis pédagogique inadéquat par
rapport à l’enseignement en présentiel et l’enseignement à distance synchrone.
Extrait (enseignant ∙e): « Moi, j'ai vécu le totalement en ligne, totalement dans la classe, mais aussi
[comodal]. Personnellement, je n'aime pas trop. J’aime en classe, mais le [comodal], pour moi, ça
fonctionnait pas du tout. »
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Extrait (représentant∙e syndical): « Moi personnellement, j’aimais mieux que tout le monde soit d'un
bord ou de l’autre »
Extrait (enseignant∙e): « Si tout le monde était en ligne ça fonctionnait super bien, tout le monde en
classe ça fonctionnait super bien. Le côté hybride, c'était un peu compliqué pour tout le monde »
L’enseignement comodal pouvait poser des problèmes de sorte que les élèves en présentiel
et en ligne entendaient mal les interventions des uns et des autres.
Extrait (enseignant∙e): « À certains moments, il existait des sortes de micros que vous mettiez au
milieu de la classe, mais même avec ça, ça ne fonctionnait pas super bien. Et finalement le prof répète
toutes les petites choses mille fois. »
Régler ces problèmes techniques impliquait des temps de latence qui désorganisaient la
situation pédagogique et durant lesquels les élèves tendaient à s’impatienter.
Le suivi des allées et venues des élèves entre l’enseignement en ligne et l’enseignement en
présentiel ajoutait une lourdeur supplémentaire pour l’enseignement.
Extrait (enseignant∙e): « Le problème c'était que des fois, il y avait quelqu'un qui était parti du jeudi
au mercredi, mais là, pendant la fin de semaine, il y a un autre élève qui avait testé positif, ça fait que
là il n’était pas là du lundi au vendredi. C’était difficile de tout le temps gérer, qui est en ligne, qui est
en classe, qui revient en classe, qui doit aller à la maison. »
Les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté avoir de la difficulté à inclure les élèves en ligne
dans la situation pédagogique en présentiel. D’une part, les activités pédagogiques planifiées
par les enseignants∙e∙s pour l’enseignement en présentiel n’étaient pas toujours transposables
à l’enseignement en ligne, ce qui demandait des ajustements en conséquence.
Extrait (enseignant∙e): « Pour ceux qui étaient en classe, je continuais d'enseigner avec mes ateliers.
Mais là c'était comme OK, là, l'enfant n’a peut-être pas une imprimante à la maison ou n’a pas
admettons, des jetons pour compter, pour faire des activités de mathématiques. Ok, là il faut que je
pense à ce que je peux offrir comme autre solution à la maison pour que l'enfant puisse quand même
continuer ses apprentissages ».
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D’autre part, il était difficile pour l’enseignant∙e de penser à inclure les élèves en ligne dans la
dynamique en présentiel, où se trouvait la majorité des élèves, car leur attention était focalisée
sur ces derniers.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … j'ai la majorité de mes élèves devant moi. Mais j'ai deux, trois
élèves en ligne que j’oublie tout le temps puisque je ne suis pas capable de penser à aller regarder
mon écran pendant que j'en ai trente-quatre autres devant moi. »
Pour s’ajuster à ces limites de l’enseignement comodal, une enseignante a rapporté avoir
développé un système à l’aide d’un iPad, ce qui lui permettait d’intégrer les élèves en ligne à
la disposition spatiale des élèves en salle de classe.
Extrait (enseignante): « … je place l’iPad sur une équipe de quatre qui est comme plus centrée sur
le tableau, donc ces élèves-là… on met les deux cartables l’un par-dessus l'autre avec une petite
boîte que j'ai dans la classe, après ça je mets le portable, euh, pas le portable, l’iPad, et c'est ça.
[…] Quand on est retournés à l'école au mois de septembre l'année dernière, c'était comme : « OK,
comment est-ce qu'on va faire tout ça ? ». L'école avait mis des caméras dans nos classes. Par
contre, ce qu’on n’aimait pas c'est que l'élève pouvait nous voir, mais nous on ne pouvait pas voir
l'élève. […] En jasant avec certaines collègues… j'ai même parlé avec le soutien informatique, j'ai
demandé des idées et on a essayé, ça a super bien fonctionné ! »
Durant le temps fort de la pandémie, une large majorité de répondant∙e∙s aux questionnaires
ont rapporté avoir disposé rapidement des conditions adéquates pour faciliter leur passage à
l’enseignement en ligne (31,3 % : tout à fait d’accord; 42,3 % : d’accord). De plus, ils ont estimé
que leur direction d’école (34,3% : tout à fait d’accord; 44% : d’accord), les personnes
conseillères pédagogiques (36,6 % : tout à fait d’accord; 35,4 % : d’accord) et les personnes
techniciennes informatiques (33,6 % : tout à fait d’accord; 35,7% : d’accord) avaient
rapidement mis en œuvre les conditions adéquates pour qu’elles et qu’ils puissent enseigner
en ligne (voir Tableau 5 et Figure 3).
Tableau 5
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Figure 3 : Perceptions des conditions de mise en œuvre de l’enseignement en ligne
Malgré ces perceptions majoritairement positives chez les répondant∙e∙s aux questionnaires,
plusieurs participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté que certains de leurs élèves ne
disposaient pas de conditions adéquates pour suivre l’enseignement en ligne. Les raisons
évoquées pouvaient être multiples. Par exemple, certains participants ont indiqué le manque
d’espace adéquat pour étudier convenablement à la maison, à commencer par un endroit
calme.
Extrait (enseignant∙e): « Il y avait des problèmes avec les élèves aussi parce qu’il y en avait certains
qui vivaient dans un appartement avec fratrie, des parents qui travaillaient aussi. […] Jusqu'au
moment où tout le monde quand même, trouve une sorte de place ou une sorte de façon de
travailler, même en famille ».
Extrait (enseignant∙e): « … on a des familles très favorisées, alors souvent il y a quelqu'un à la maison,
soit une nounou ou la maman ou grand-maman qui ne travaille pas. Alors eux, des fois oui, ils étaient
plus autour de l'enfant. Mais j’ai déjà vécu aussi de devoir demander à un élève de fermer son micro
parce que les deux parents n’étaient pas loin, les deux parlaient et eux… ils travaillaient de la maison
aussi. »
D’autres ont rapporté que certains élèves manquaient d’équipement informatique ou de WIFI
pour suivre le cours en ligne.
Extrait (enseignant∙e): « Il y avait beaucoup de parents qui travaillaient également de la maison, il n’y
avait pas assez d'ordinateurs dans la maison, pas assez de, comment dire, Wifi, la puissance du Wifi
ce n’était pas suffisant pour certains »
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Vécus de l’enseignement en ligne
Les entrevues ont permis d’identifier trois « vécus » de l’enseignement en ligne parmi les
participant∙e∙s.
1- Le 1er vécu concerne les enseignant∙e∙s qui ont établi une continuité entre leur
enseignement en présentiel prépandémique et leur enseignement en ligne durant la
pandémie. Autrement dit, ils disposaient d’équipement et de pratiques
technopédagogiques préexistantes qu’ils ont réinvesties en ligne.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Nous, on avait déjà l'iPad pour les élèves, ce qui fait que je pense
que le pas a été assez facile à faire. Ça n’a pas changé grand-chose. »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « On avait déjà des pratiques en salle de classe. Des fois, on faisait
des classes inversées, on avait travaillé les capsules, on avait déjà travaillé plusieurs choses. Mais
c'était beaucoup de temps à monter nos choses au début, donc on a trouvé ça rough. […] C’était des
heures de travail en soirée, on terminait à 11h30 ou minuit pour le lendemain. Donc c'était très
difficile mais on a réglé tout ça pour faire en sorte que ce soit moins lourd. »
2- Le 2e vécu concerne les enseignant∙e∙s qui ont établi une continuité entre leur
enseignement en ligne et leur enseignement en présentiel, une fois qu’ils sont retournés
en salle de classe. Autrement dit, le passage à l’enseignement en ligne a permis à ces
enseignant∙e∙s de développer des compétences technopédagogiques qu’elles et qu’ils ont
réinvesties en présentiel.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … on n'était pas très technique, puis on est rendu très
technique. Alors il y a eu un grand bon, comme ça. Puis, en plus, les profs sont très fiers de ce qu'ils
ont compris, tu sais ils disent souvent : « Regarde, nous on fait des capsules vidéo, on utilise Google,
on partage » on ne faisait rien de tout ça avant. »
Ce point recoupe un résultat du questionnaire (voir Tableau 6 et Figure 4), dans lequel les
répondant∙e∙s ont rapporté qu’ils avaient développé leurs compétences technopédagogiques
durant la pandémie (47,8 % : tout à fait d’accord; 42,5 % : d’accord) et qu’ils souhaitaient les
mettre à profit dans leur enseignement en présentiel (29,6 % : tout à fait d’accord; 39,8 % :
d’accord).
Tableau 6
Développement des compétences technopédagogiques durant la pandémie et
réinvestissement lors du retour en classe.
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Durant la pandémie (mars Depuis le retour en classe,
2020-juin 2021), mes j’essaie de mettre à profit les
compétences à intégrer le compétences numériques
numérique dans mes que j’ai développées durant
pratiques pédagogiques se la pandémie.
sont considérablement
développées
Plus ou moins d’accord 8,3% 25,8%
En désaccord 1,1% 4,6%
Totalement en désaccord 0,3% 0,3%
Les 1er et 2e vécus ne sont pas mutuellement exclusifs et peuvent se cumuler. Ainsi, un.e
enseignant.e a pu avoir des pratiques technopédagogiques préexistantes à la pandémie
qu’elle ou qu’il a pu réinvestir lors du passage à l’enseignement en ligne, puis les enrichir lors
de l’enseignement en ligne et les réinvestir de nouveau lors de son retour en présentiel.
Réinvestir leurs nouvelles compétences numériques une fois de retour en présentiel leur a
généralement permis de bonifier leur organisation (p.ex., données centralisées et accessibles
via Google Classroom de n’importe où) mais aussi leurs pratiques pédagogiques (p.ex.,
activités en ligne).
Extrait (enseignant∙e) : « Moi, ça je continue, puis probablement qu’à l'avenir je vais poursuivre
l'utilisation de cette plateforme-là. Je la trouve facile, beaucoup plus simple, ils ont accès à tout le
matériel, ça fait que s’il y a un élève qui est absent, il peut facilement aller récupérer ce qui a été fait
durant la période, tout a été déjà sectionné, divisé, pour que les cours soient plus faciles si tu
t'absentes. »
Extrait (enseignant∙e): « Je n’ai pas vraiment utilisé Kahoot avant puis là c'est comme… ma meilleure
amie pour faire des exercices. C’est super ! C'est une application géniale. Et aussi, je ne savais pas
que les cahiers d'activités étaient… qu’on pouvait avoir un accès électronique. Je ne savais pas que
c'était numérique. Puis donc là quand je l'ai su, ça a changé ma vie complètement, c'est génial ! »
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Cependant, pour certain∙e∙s participant∙e∙s aux entrevues, la continuité entre l’enseignement
en ligne et en présentiel a pu rester partielle : seules certaines pratiques technopédagogiques
ont été conservées et réinvesties.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Moi, je l'utilise seulement maintenant lorsque les gens sont à la
maison avec le COVID, ou s’ils sont en évaluation de COVID, on remet simplement des… comme un
programme de travail, si on veut, là, mais sinon on a oublié ça. »
Extrait (enseignant∙e): « Je l’utilise un peu plus, mais pour faire de la recherche, mais quand
j'enseigne l'écran doit être fermé. […] Vraiment, ça, c'est comme ma façon de gérer un petit peu les
pertes d'attention. Ce qui fait qu’ils ferment leur écran, mais quand c'est le temps de travailler, ils
peuvent l’ouvrir. »
3- Le 3e vécu concerne les enseignant∙e∙s qui ont fait l’expérience d’une rupture entre
l’enseignement en présentiel prépandémique et l’enseignement en ligne. Pour eux, le
passage à l’enseignement en ligne a été davantage subi et le retour à l’enseignement en
présentiel a signifié un retour aux pratiques pédagogiques prépandémiques.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Ils n’ont pas tous un iPad chez eux. La chose que tu as à la
maison, ça peut être un portable, ça peut être une tablette, ça peut être un iPad. Alors moi,
personnellement, je trouvais que ça causait beaucoup de problèmes. Surtout en enseignement en
ligne, parce que ce n’était pas tous les [outils] qui ouvraient les fichiers de la même façon, on ne peut
pas faire la même chose sur un iPad que sur un lap top »
Extrait (enseignant∙e): « … parce qu’au début c'était difficile aussi pour les professeurs, parce que
certains professeurs… comme tout le monde travaille de la maison, comme je disais, il n’y avait pas
autant d’ordinateurs à la maison que…, par exemple, si tu as trois enfants, ton mari travaille ou ta
femme travaille aussi, tu as besoin de cinq ordinateurs en même temps. Il y a beaucoup de gens qui
n’ont pas ça. Alors l'école a décidé… a fourni tous les profs, comme ça ce n’est pas une excuse pour
ne pas travailler (rires) ».
Extrait (enseignant∙e): « Moi je fonctionnais surtout par… j'étais un peu plus asynchrone, si vous
voulez, c'était des vidéos, du contenu que les élèves pouvaient… Parce que à l'époque on était à la
maison, et puis je n’étais pas équipée d'un ordinateur assez puissant pour… qui soutenait ma classe
virtuelle. »
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Un troisième facteur modérateur est l’entraide au sein de l’équipe enseignante (p. ex,
enseignant∙e∙s plus compétent∙e∙s avec les technologies soutenant les moins compétent∙e∙s,
partage d’expériences, soutien moral)
Extrait (enseignant∙e) : « Ceux qui n’utilisaient pas du tout la technologie, c'était beaucoup plus
difficile pour eux. Il y a même des collègues à qui j'ai donné… j'ai fait du training pendant mes fins de
semaine, je leur expliquais comment utiliser la plateforme, je les ai aidés à créer leur compte et tout
ça. […] Donc il y avait une belle collaboration entre collègues, je vous dirais »
Tableau 7
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La même tendance s’observe lorsque la question est spécifiée aux dimensions cognitive
(p. ex., expliquer du contenu; voir Tableau 8 et Figure 6), affective (p. ex., motiver les élèves;
voir Tableau 9 et Figure 7) et sociale (p. ex., gérer la classe; voir Voir Tableau 10 et Figure 8)
de la relation pédagogique : les répondant∙e∙s aux questionnaires ont rapporté
systématiquement comme premier choix de réponse que l’enseignement en ligne a détérioré
ou beaucoup détérioré la qualité de la relation pédagogique, alors que le second choix de
réponse est qu’il n’a pas modifié la qualité de la relation pédagogique. Parmi les répondant∙e∙s
qui en ont fait l’expérience, seuls 7,6 % (enseignement comodal), 11,1 % (enseignement
hybride), 13,2 % (enseignement à distance synchrone) et 8 % (enseignement à distance
asynchrone) des répondant∙e∙s aux questionnaires ont rapporté que l’enseignement en ligne
a amélioré ou beaucoup amélioré la qualité de leur relation pédagogique.
Tableau 8
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Tableau 9
Tableau 10
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Figure 8 : perception de la qualité de la dimension sociale de la relation pédagogique en contexte
d’enseignement en ligne par rapport à l’enseignement en présentiel
Ces résultats se sont confirmés lorsque les répondant∙e∙s aux questionnaires ont été
interrogé∙e∙s sur les avantages et les inconvénients de l’enseignement en ligne pour la relation
pédagogique (voir Tableau 11 et Figure 9). Le premier choix de réponse rapporté largement
par les répondant∙e∙s était que l’enseignement en ligne présentait moins d’avantages que
d’inconvénients pour leur relation pédagogique. Parmi les répondant∙e∙s en ayant fait
l’expérience, seuls 3,8 % (enseignement comodal), 5,3 % (enseignement hybride), 4,6 %
(enseignement à distance synchrone) et 4 % (enseignement à distance asynchrone) ont
considéré que l’enseignement en ligne présentait plus d’avantages que d’inconvénients pour
leur relation pédagogique.
Tableau 11
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Figure 9 : Avantages et inconvénients de l’enseignement en ligne pour la relation pédagogique
Plusieurs raisons expliquent cette perception négative de la relation pédagogique en ligne par
rapport au présentiel, que nous avons organisées autour de trois caractéristiques de la relation
pédagogique en ligne par rapport au présentiel dans le contexte particulier de la pandémie :
cette dernière serait plus dépersonnalisée qu’en présentiel; elle serait moins sensorielle qu’en
présentiel; et elle serait plus éclatée qu’en présentiel.
1- Lorsqu’ils étaient en ligne, les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté qu’ils faisaient
face à un groupe-classe monolithique au sein duquel la relation était uniquement de type
« un vers tous » (enseignant∙e - élèves), sans possibilité de cultiver une relation de type
« un vers un » (enseignant∙e - élève).
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Il y a beaucoup d'élèves qui en classe, vont peut-être poser des
questions parce que je vais pouvoir aller répondre individuellement mais là ils ne le font pas en ligne
parce que la question tout le monde va l’entendre. »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Je cliquais sur la pastille du jeune, puis j’envoyais un message
privé rapide et je faisais copier-coller le : « t'as pas fait ton devoir, je n’ai pas ton travail, ». Ça fait que
les autres n’étaient pas au courant, et puis ça ne touchait pas, ça ne brimait pas au niveau de sa
personne. »
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Extrait (enseignant∙e): « À propos de l’adaptation à un cours particulier : « C'est synchrone. C'est
synchrone parce qu'on veut garder le contact avec l'élève, on veut qu’il se sente impliqué dans son,
dans son développement. Et puis on veut lui faire sentir qu'il y a des adultes qui veulent sont bien,
qui veulent sa réussite. »
2- En outre, les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté que leurs groupes-classes étaient
accessibles uniquement durant les temps formels d’enseignement, aux dépens des temps
informels d’enseignement qui constituaient des moments précieux de la relation
pédagogique.
Extrait (représentant∙e syndical): « La relation pédagogique, je ne la bâtis pas seulement non plus en
classe pendant que je donne mon cours mais avant le cours avant que la cloche sonne, dans les
corridors, dans des activités parascolaires… Donc ça c'est ce qu'on n’a plus, parce qu’on les voit quand
ils se connectent, après ça quand ils se déconnectent, c'est terminé […]. Il n’y a plus de possibilité,
finalement, de maintenir la relation à différents moments ».
Extrait (enseignante): « Je me souviens juste d’une petite anecdote que j'adore, j'ai reçu comme
cadeau d'une fermière à qui j’achète des choses, des petites eggs, des œufs verts, et je les ai montrés
à mes élèves en cinquième année, et il y avait une petite fille qui ne parle presque jamais en classe,
qui a dit : « Madame j'ai quatre poules à la maison », et je me suis dis : « Mais non peut-être il y a des
doudous ou quelque chose comme ça… » Mais non, c'était quatre vraies poules, et elle les a amenées
en classe, et c’était super chouette, et les élèves avaient plein de questions, elle a répondu… et en
classe elle ne parle presque jamais ».
Parce que la relation pédagogique est plus dépersonnalisée en ligne qu’en présentiel, les
participant∙e∙s aux entrevues ont perçu que leur répertoire d’intervention pédagogique auprès
des élèves avait diminué, notamment en termes d’interventions individualisées et informelles.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … quand on est en réalité en vrai, […] on dit: ‘faites un exercice’.
On circule dans les rangées, les colonnes, on intervient, on fait vraiment, comme un petit peu la
personne a dit auparavant, les ajustements en direct comme ça. À l'écran, je ne peux pas, il y a cette
interface. »
Les participant∙e∙s aux entrevues ont perçu également que la dépersonnalisation de la relation
pédagogique avait eu des conséquences sur le creusement des apprentissages entre les
élèves. Plus précisément, les élèves fort∙e∙s et autonomes, qui avaient besoin de peu de
soutien de la part des enseignant∙e∙s avant la pandémie, ont peu été affecté∙e∙s par la relation
pédagogique en ligne. En revanche, les élèves moins fort∙e∙s et moins autonomes, qui avaient
besoin de plus de soutien de la part des enseignant∙e∙s avant la pandémie, ont été davantage
affecté∙e∙s par la relation pédagogique en ligne, car les enseignant∙e∙s n’ont pas pu les soutenir
de manière aussi personnalisée que ce qu’ils faisaient habituellement en présentiel.
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Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Les élèves qui étaient autonomes et organisés sont restés
autonomes et organisés, […] il y en a beaucoup qui disent que c'est quasiment mieux en virtuel parce
qu’ils ont le temps de faire tous leurs devoirs. […] Des élèves qui sont moins organisés, bien là, on n’a
plus le contrôle dessus. On ne sait plus ce qu'ils font, et puis eux autres, ça les désavantage beaucoup
parce qu'ils sont déjà… ils avaient besoin d'aide pour s'organiser en personne. »
Comme contre-exemple marginal, certain∙e∙s participant∙e∙s ont rapporté que des élèves peu
investi∙e∙s avant la pandémie pouvaient devenir plus assidu∙e∙s durant l’enseignement en ligne
du fait de la plus grande liberté dont ils ou elles disposaient.
Extrait (enseignant∙e): « Il y a des élèves en difficulté, moi j'ai eu… qu'on pourrait peut-être un peu
qualifier de décrocheurs fonctionnels. Pour eux autres, le principe du en ligne c'est un peu plus
proche de l'enseignement aux adultes, ça fait que j'ai des élèves en difficulté qui se sont quand même
démarqués d'une certaine façon parce que le fait d'avoir cette liberté là leur a permis de bien, en fait
de bien faire les choses. »
Extrait (représentant∙e syndical): « Parler à des pastilles, à des petites images, au lieu de parler à des
élèves. Bien, c'est difficile »
Comme ajustement à cette perte du paraverbal et du non verbal, certaines écoles avaient
décidé de rendre obligatoire l’ouverture des caméras.
Extrait (enseignant∙e): « Oui, c'était obligatoire, nous autres à l'école. C’était obligatoire. Ils devaient
être habillés, caméra ouverte. »
Cependant cet ajustement venait avec ses limitations (p. ex, enseignant∙e∙s qui ne voyaient
plus les élèves quand ils partageaient leur écran, élèves qui décentraient leur caméra, accès
à l’intimité du domicile des élèves, élèves qui faisaient des captures d’écran d’autres élèves,
etc.)
Extrait (enseignant∙e): « Mais lorsque je partage mon écran, je n'arrive plus à voir l'ensemble de mes
élèves. Qu'est-ce qu'ils font pendant que je partage l'écran? Est-ce qu’ils écoutent? »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … on voyait tantôt la caméra pointer le plafond, là OK pour les
présences je réussissais à la faire revenir sur le visage. Je ne peux pas prendre mon temps pendant
tout le cours à leur dire : « Mets ta caméra! ». Un jour, faut que tu avances. »
Extrait (enseignant∙e): « Les mêmes élèves qui étaient au Cégep dernière année, qui sont rentrés à
l'université, m'ont écrit l'année suivante, en disant la même chose, parce que quand ils sont rentrés
à l'université ils ont trouvé ça vraiment difficile de partager l'écran avec les gens, en disant, « c'est
quand même notre vie privée et parce qu'on a de bonnes relations avec vous, on vous laisse rentrer
dans nos chambres ». »
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Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Chez nous, il y avait des enfants qui prenaient des photos de
l'écran de tout le monde en ligne avec leur caméra ouverte et qui faisaient des petits montages avec
les photos des élèves et qui envoyaient ça après en texto. Alors on a, il fallait qu'on prenne une
décision dans une classe, que personne n'ouvrait leur caméra pendant le cours à cause de tout ça ».
En outre, les participant∙e∙s aux entrevues ont perçu que les interactions au sein du groupe-
classe étaient moins fluides et interactives en ligne qu’en présentiel.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … quand on questionne les élèves, moi, c'est tout l'échange avec
l'élève, là, quand on le questionne, il y a une espèce de délai avant que le micro soit ouvert, tout ça,
ça casse le rythme complètement, ce qui fait que ce n’est pas spontané, on n'est plus dans la
spontanéité des échanges avec les élèves »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Là je n’ai pas un élève qui va ouvrir son micro pour faire juste
une petite joke qui n’était pas inappropriée, là, ce n’est pas pour déranger mais pour renchérir sur
ce qu'on a dit. Mais ça, tu le perds, ça fait comme des cours assez monotones et puis assez plates
pour eux, pour nous »
Comme contre-exemple marginal, certain∙e∙s élèves timides qui ne parlaient pas en classe ont
plus participé lors de l’enseignement en ligne.
Extrait (enseignant∙e): « … il y a certains élèves qui sont ressortis. Tu sais comme les plus gênés en
classe, qui ne lèvent jamais la main, ou tout ça, je trouve que des fois, tu sais, il y avait le petit bouton
pour lever la main, puis on dirait que derrière la caméra ils se sentaient moins gênés de participer,
puis de parler, puis de dire des choses… malgré que leur caméra était quand même ouverte ! »
Pour les participant∙e∙s aux entrevues, la première conséquence d’une relation pédagogique
moins sensorielle est qu’ils avaient de la difficulté à « lire » la situation pédagogique,
notamment le degré de compréhension des élèves.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Dans le fond, c'est très simple: quand on explique quelque chose
à un élève, on a tout de suite un feedback […]. Si on commence l'explication, puis qu'on voit
visuellement ses yeux qui semblent être dans le flou ou encore juste la petite bouche qui se pince
ou… il y a des signes physiques qui indiquent s’il est à l'aise dans l'explication où s'il ne l'est pas. Donc
à partir de ce moment-là, on stop tout de suite, puis on reprend. Tandis que lorsqu'on est en ligne,
c'est sûr qu'on n'a pas ce feedback-là immédiatement là. Bon, on part dans nos grandes explications
à n'en plus finir, mais dès le départ dès la deuxième phrase, c'était fini pour lui. »
Extrait (représentant∙e sydical∙e): « On trouvait ça difficile au niveau des évaluations parce que c'est…
comment tu vas évaluer quelqu'un en ligne? Tu ne sais pas qui est de l’autre côté. »
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Pour surmonter ce problème, les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté avoir tenté
d’ajuster leurs méthodes d’évaluation, ce qui s’accompagnait généralement d’un
alourdissement de la tâche pédagogique.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … c'est vraiment beaucoup plus long en termes de correction,
tu sais, c'est ça! »
Un deuxième ajustement possible à la difficulté d’évaluer consistait à ne pas évaluer lors des
périodes d’enseignement en ligne, mais d’attendre le retour en présentiel. Cependant, cet
ajustement serait davantage possible lorsque les périodes en distanciel étaient courtes ou
pour l’éducation préscolaire et les premières années de l’enseignement primaire.
Extrait (enseignant∙e): « Bien peut-être, aussi, une des raisons pour lesquelles je n’étais pas stressée
d’évaluer, c'est que je savais que c'était à très court terme l'enseignement en ligne que moi j'ai vécu,
alors je n’ai pas voulu évaluer pour de vrai là, je n’ai rien tenu en compte. Bah en fait la différence
était vraiment dans le niveau. Parce qu'avec les tous petits on était moins stressés. »
En contexte d’enseignement en ligne, les élèves sont moins « capti∙f∙ve∙s » qu’en présentiel
et il leur incombe une plus grande autonomie. Les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté
qu’elles ou qu’ils en profitaient pour communiquer avec leurs ami∙e∙s via les médias sociaux
simultanément à l’enseignement en ligne. La relation pédagogique perd donc sa primauté et
entre en concurrence avec des relations d’affinité entre élèves auxquelles les enseignant∙e∙s
n’ont pas accès.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Là, j'en ai 36 qui sont sur leur ordinateur, il y en a qui regardent
l'écran parce qu’ils jouent en ligne, l'autre il a son téléphone cellulaire, l'autre est couché dans le lit,
l'autre il regarde juste le plafond puis la lumière qui tourne. Regarde, tu as beau expliquer ce qui se
passe, ce n’est pas pareil. Quand ils sont en classe, logiquement, dès qu'il se couche sur son bureau,
tu relèves la tête, tu dis, « écoute là ».
Pour contrer ce manque d’attention, certain∙e∙s participant∙e∙s aux entrevues ont opté pour
l’exclusion du cours des élèves les moins discipliné∙e∙s.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Mais tout ça pour dire qu’ils sont tellement habitués que… je
n’ai pratiquement plus de gestion et ils le savent que s'il y a un comportement qui est inapproprié,
automatiquement, ils sont éjectés du cours. »
Extrait (enseignant∙e): « …si j’en avais un qui se promenait dans la maison partout avec l'iPad, mais
si éventuellement l'enfant n'écoute pas tes consignes, bien on le flush de la rencontre zoom. »
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À titre de contre-exemple marginal, une enseignante a rapporté que la vie ordinaire de la
classe manquait à l’enseignement en ligne.
Extrait (enseignante): « Après, il y avait des élèves qui ont dit […] ils ont dit qu’en classe, il y a quand
même un peu de mouvement, il y a la prof qui marche dans la classe, il y a des enfants qui tournent,
qui touchent, qui, qui jettent quelque chose par terre... il y a quand même des micro-distractions, et
quand on est en ligne, il y a juste ça, il y a juste l'écran devant vous. Alors, je me souviens qu’avec
cette classe, et avec mes autres classes […] on a tous mis nos ordinateurs devant la fenêtre »
Comme conséquence d’une relation pédagogique plus éclatée, les participant∙e∙s aux
entrevues ont rapporté avoir perdu le contrôle de la relation avec leurs élèves et de la relation
entre les élèves.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « [en contexte d’enseignement en ligne] il n’y a pas de restriction
par rapport au cellulaire, par rapport au texto sur l'iPad ou quoi que ce soit. On ne peut pas les gérer…
C'est monsieur qui disait de choisir ses batailles, mais c'est un peu ça qu'on fait tous parce qu’on n’a
pas vraiment le choix. »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Quand ils sont en classe, on supervise au moins les interactions
entre les élèves, on les voit, on les entend, même s'ils sont loin, ils chuchotent, tu sais un petit peu
de quoi qu'ils parlent, mais là, c'est parce qu’à la maison on n'a plus cette supervision »
Pour reprendre le contrôle de l’attention de leurs élèves, les participant∙e∙s aux entrevues ont
rapporté divers ajustements, tels que rentrer dans les break out rooms où les élèves
travaillaient en équipe sans les prévenir ou les libérer en avance s’ils avaient fini leur travail.
Extrait (enseignant∙e): « Puis je pense que les break out rooms, quand on les mettait comme en sous-
groupes, puis qu'on avait la chance d'aller les visiter, là on dirait que là ils ne savaient jamais quand
est-ce qu'on allait se pointer dans leurs sous-groupes, ça fait que ça les gardait un peu plus au travail.
Extrait (enseignant∙e): « … mettons que tu leur donnais un travail, que tu savais consciemment qu'un
élève qui avait compris, qui le faisait rapidement, il pouvait finir en quarante minutes, puis après ça
tu lui disais : « Bon ben c'est parfait, tu as tout fini ton travail, tu peux y aller, à demain. ». Ça c'était
comme une petite forme de récompense que j'avais comme… au fil des mois les élèves avaient
comme compris, « Ben écoute dont, si je fais toutes mes affaires, je vais finir mon cours en avance ».
Comme contre-exemple marginal, certain∙e∙s participant∙e∙s aux entrevues qui avaient des
groupes difficiles ont rapporté avoir eu moins de contrôle et donc plus de difficulté à enseigner
avant l’enseignement en ligne.
« Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Dans mon école, on a deux enseignants qui ont beaucoup plus
de difficulté, ils ont des groupes difficiles, puis ils ont beaucoup plus de difficulté dans la gestion de
classe. […] quand on est revenu en janvier, les deux ont dit : « Ah, j'aimais tellement mieux en ligne ».
Parce que, bien en ligne ça ne vire pas au bordel tu sais, c'est pas mal plus difficile de perdre le
contrôle de ta classe. Ils avaient l'impression que pour une fois, ils pouvaient enseigner. »
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En outre, les participant∙e∙s aux entrevues ont rapporté également une perte de la motivation
et du goût de l’effort chez les élèves.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … ça devient difficile d'aller les chercher, puis de maintenir
l’intérêt. »
Pour répondre à cette perte de motivation, les participant∙e∙s aux entrevues ont tenté d’ajuster
leurs stratégies d’enseignement (p. ex., diversification des formules pédagogiques / petites
évaluations fréquentes), ce qui s’accompagnait généralement d’un alourdissement de la tâche
pédagogique.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … donc c'est vraiment toutes les cinq, dix minutes que ça bouge,
mais ça peut devenir épuisant rapidement! »
Un deuxième ajustement à la baisse de motivation des élèves était de revoir les attentes en
termes d’apprentissage.
Extrait (enseignant∙e): « Ça fait que moi je pense qu'il y a eu moins d’échecs, en tout cas dans mes deux
dernières années je n’ai pas pu vraiment identifier qui avait des grandes faiblesses, parce que, c'est ça,
c'est… le niveau était… nos exigences étaient moins élevées. »
Pour plusieurs participant∙e∙s aux entrevues, une relation pédagogique plus dépersonnalisée,
moins sensorielle et plus éclatée a entraîné une perte du sens du métier : la relation
pédagogique en ligne n’était pas à la hauteur de leurs aspirations professionnelles.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « [En présentiel] tu as un contact visuel avec un élève. Tu sais moi
c'est ça qui me manque le plus là! »
Les participant∙e∙s aux entrevues ont perçu également une perte de sens du « métier d’élève »
chez plusieurs d’entre eux, ce qui était particulièrement visible lors de leur retour en présentiel
par le fait qu’elles ou qu’ils éprouvent de la difficulté à se réadapter au fonctionnement de
l’enseignement et de l’apprentissage en salle de classe.
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Le retour a été très très difficile. On dirait qu’après avoir passé
une semaine en ligne, revenir à l'école en vrai, c'était dur là. […] Ma collègue, elle a fait une farce,
elle a dit « présentement, vous n’avez pas une capsule puis un bouton mute! Je vous vois, puis je
vous entends! ». […] On dirait que le fait qu'ils alternaient en ligne - pas en ligne, ils ne savaient plus
comment vivre dans une classe! Le respect habituel qui était comme ancré, il n'était plus là, c'était
comme… je suis habitué de faire ce que je veux n'importe comment, n'importe quand. »
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Extrait (enseignant∙e): « Comme je disais, c'était très important que la dynamique soit déjà établie.
Parce que… si ça ne fonctionnait pas avant, j'imagine que le changement en ligne c'était beaucoup
plus difficile. »
Extrait (représentant∙e syndical): « …c'est clairement plus facile lorsqu'on est dans un gymnase. Aller
apporter des correctifs, aller encourager, que devant un écran. Pour moi c'est le jour et la nuit. »
Extrait (délégué∙e syndical∙e): « Moi j'enseigne l'espagnol, on a beaucoup parlé des savoirs essentiels,
puis en espagnol, bien les savoirs essentiels, c'était zéro, absolument rien! Donc, je me suis retrouvé
dans une hiérarchie de savoirs on dirait, où moi je n’étais même pas sur la liste là, donc j'avais
l'impression que ce que je faisais c'était presqu’un concours de charme… pour essayer de les garder
intéressés, qu’on s'amuse, qu’on apprenne un petit peu à travers ça… »
Extrait (enseignant∙e): « Une semaine, pas pire, avec les cinq ans cinq-six ans. Deux semaines, c'est
long, t'as envie de retourner à l'école ».
Extrait (enseignant∙e): « … si on savait à l’avance qu'on fermait, là je pouvais adapter des choses pour
le faire en ligne. »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « … c'est beaucoup sous forme de jeu à la maternelle, donc la
façon ludique en ligne c'était très très très difficile. »
Extrait (représentant∙e syndical∙e): « Moi, j'enseigne en secondaire un et en secondaire cinq. J'ai les
deux extrêmes. L’autorégulation chez les jeunes de un, ils étaient trop jeunes, […] il faut leur montrer
comment développer l'autorégulation, ça prend du modelage, ça prend de la pratique et ça prend de
la supervision qu'ils n'ont pas eue. En cinq non plus. Malgré qu'ils aient tout eu avant pendant quatre
ans, eux autres sont assez vieux pour savoir que là ils sont à la maison puis qu’ils n’ont pas vraiment
la même supervision qu'on a d'habitude. […] ils voient qu’en ce moment je suis à la maison, j'ai la
liberté »
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l’équipe-école entrainent des confusions chez les enseignant∙e∙s, les parents des élèves
et les élèves.
Extrait (enseignant∙e): « Ce qui est difficile, et je l’ai mentionné avant, c'est la communication avec la
direction et les enseignants. Souvent on ne sait pas qui est en ligne. C'est vraiment… « oh j'ai
oublié »… je ne le mets pas sur nécessairement sur le dos de la direction, on est tous un petit peu
débordés avec ce qui se passe, c'est beaucoup d'informations, je comprends. »
Recommandations
Recommandations sur la relation pédagogique en contexte d’enseignement en ligne
- Inclure dans l’enseignement en ligne des outils et des stratégies qui permettent aux
enseignant∙e∙s des temps d’interactions individualisés et des temps d’interactions
informels avec leurs élèves, en plus des temps d’interactions en groupe entier;
- Prioriser les temps d’interactions personnalisés pour les élèves moins fort∙e∙s et moins
autonomes dans la gestion de leurs apprentissages;
- Prioriser les temps d’interactions personnalisés pour revenir sur les contenus
d’apprentissage et pour vérifier quels sont ceux qui sont maitrisés par les élèves et quels
sont ceux qui ne le sont pas;
- Pour l’enseignement à distance synchrone, inciter les élèves à ouvrir leur caméra en tout
temps et expliquer aux parents des élèves pourquoi c’est important pour la qualité de la
relation pédagogique;
- Établir un contrat didactique avec les élèves et les parents des élèves, qui explicite les
bonnes conditions et les bonnes pratiques d’apprentissage en ligne.
Il existe toutefois des cas particuliers où l’enseignement en ligne s’impose pour des raisons
de démocratisation et d’inclusion scolaires (p. ex., élèves hospitalisés pour une longue durée).
Il convient de bien circonscrire ces cas au préalable, de s’assurer qu’ils sont justifiés par des
considérations de démocratisation et d’inclusion scolaires, et de réfléchir aux types
d’enseignement en ligne qui sont les plus adéquats sur le plan pédagogique.
Comme les enseignant∙e∙s et autres acteurs de première ligne disposent d’une expertise et
d’une expérience incontournables pour juger de considérations pédagogiques, une autre
recommandation consiste à s’assurer que les initiatives d’enseignement en ligne sont
planifiées et mises en œuvre de manière concertée au sein des équipes-écoles, incluant la
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possibilité que la concertation aboutisse à la conclusion que l’enseignement en ligne n’est pas
une solution adéquate pour les finalités pédagogiques privilégiées localement. Étant donné
leurs conséquences pédagogiques, les initiatives d’enseignement en ligne ne devraient pas
être laissées à la seule responsabilité des équipes de direction ou des comités
technopédagogiques.
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