Chirurgie Des Anévrismes de L'aorte Abdominale Sous-Rénale
Chirurgie Des Anévrismes de L'aorte Abdominale Sous-Rénale
Chirurgie Des Anévrismes de L'aorte Abdominale Sous-Rénale
Ce chapitre a pour but de décrire les techniques utilisées pour le traitement chirurgical conventionnel des
anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale. Sont successivement exposés les soins péri-opératoires, les
voies d’abord et les techniques de restauration, en détaillant les principes généraux, puis le traitement
des anévrismes isolés de l’aorte abdominale sous-rénale, des anévrismes aorto-iliaques, des anévrismes
juxtarénaux et suprarénaux. Enfin sont traités les problèmes particuliers liés aux anévrismes mycotiques,
inflammatoires et après échec d’un traitement endovasculaire.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Introduction
Types de reconstructions 11
■ Anévrismes de l’aorte juxtarénale 13
■ Anévrismes de l’aorte suprarénale 13 Il est question d’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) lorsque
Voies d’abord 13 le calibre de l’aorte abdominale, dont la taille normale est
Protection rénale 14 d’environ 2 cm, mesure plus de 3 cm ou une fois et demie son
Mise à plat-greffe 14 diamètre normal.
Revascularisation rénale gauche 14 Le traitement de l’AAA poursuit un seul objectif : prévenir la
Anastomose distale 15 rupture de l’anévrisme. Aujourd’hui encore, la mortalité péri-
■ Anévrismes rompus de l’aorte abdominale 15 opératoire de l’AAA rompu s’élève toujours à environ 50 % dans
■ Anévrismes inflammatoires 15 la plupart des séries publiées.
Diagnostic 15 La chirurgie ouverte, qui est considérée comme le traitement de
Traitement médical 15 référence depuis 1951 [1] , consiste à remplacer la portion anévris-
Traitement chirurgical : la mise à plate-greffe 15 male de l’aorte par une prothèse artificielle, qui est implantée par
laparotomie ou abord rétropéritonéal gauche.
Cet article actualise l’édition précédente de Kieffer, en du myocarde, d’une insuffisance respiratoire, d’une insuffisance
s’inspirant de ses précisions techniques et de ses illustrations [2] . rénale et d’un accident vasculaire cérébral. L’évaluation préopé-
ratoire de la fonction cardiaque, respiratoire et rénale est donc
essentielle [12] .
Généralités L’évaluation de la fonction cardiaque nécessite la réalisation
d’une échographie transthoracique. Une évaluation de la réserve
Épidémiologie et facteurs de risque coronarienne est nécessaire chez les patients ayant des antécé-
dents de pathologie coronarienne ou présentant des symptômes
La prévalence des AAA augmente avec l’âge et surtout chez cliniques ou électrocardiographiques d’une ischémie myocar-
l’homme (quatre à six hommes atteints pour une femme), attei- dique. Elle est explorée en fonction de l’expérience des équipes
gnant 3–8 % des personnes de plus de 50 ans dans les pays par la réalisation d’un test d’effort (électrocardiogramme [ECG]
occidentaux, avec un pic entre 75 et 84 ans [3] . Ce sont les ané- d’effort, échographie de stress à la dobutamine) suivi par la réalisa-
vrismes artériels les plus fréquents, et leur rupture est responsable tion d’une coronarographie lorsqu’elle est indiquée. Une épreuve
d’environ 15 000 décès par an aux États-Unis [4] . fonctionnelle respiratoire doit être effectuée. L’existence d’une
Les facteurs de risque les plus importants par ordre décrois- insuffisance rénale préopératoire est le plus important facteur
sant sont le tabagisme, des antécédents familiaux d’AAA, des prédictif de la survenue d’une insuffisance rénale aiguë post-
signes d’athérosclérose (coronaire, claudication, accident isché- opératoire [13] . Pour minimiser le risque d’accident vasculaire
mique transitoire/accident vasculaire cérébral [AIT/AVC]), l’âge, cérébral, un échodoppler des troncs supra-aortiques doit être
une hypercholestérolémie et une hypertension artérielle (HTA) [5] . réalisé. Devant une sténose carotidienne hémodynamiquement
significative, une chirurgie carotidienne préalable à la chirurgie
de l’anévrisme mérite d’être discutée.
Physiopathologie La recherche d’une autre localisation anévrismale est impor-
tante au niveau des membres inférieurs (fémorale et poplitée).
Elle est incomplètement élucidée. Des recherches montrent une
Sauf exception (anévrisme poplité volumineux et/ou compliqué
atteinte prédominante de la média et de l’adventice. On y met
d’ischémie distale associé à un AAA de taille modeste), le traite-
en évidence un important stress oxydatif, un état inflammatoire
ment premier de l’AAA est justifié, ce qui ne dispense pas dès la fin
local intense, une dégradation de la matrice ainsi que l’apoptose
de l’intervention de rechercher une thrombose poplitée, consécu-
des cellules musculaires lisses [6] .
tive au clampage aortique, et de la traiter. Il importe également de
rechercher un anévrisme thoracique, la chronologie du traitement
Évolution naturelle et ses modalités (endovasculaire ou chirurgical) devant prendre en
compte le risque respectif de chaque anévrisme.
L’évolution d’un AAA est la croissance continuelle. La justifi-
cation du traitement repose sur le risque de rupture à 12 mois :
1 % pour un diamètre de 40 à 49 mm, entre 1 et 11 % pour un Stratégie chirurgicale : chirurgie
diamètre de 50 à 59 mm, entre 10 et 22 % pour un diamètre de 60 conventionnelle ou endovasculaire
à 99 mm, supérieur à 30 % pour un diamètre de plus de 70 mm [7] .
Les principaux déterminants du risque de rupture sont [8] : En 1991, l’AAA a pour la première fois été traité au moyen
• le diamètre : le risque de rupture augmente de manière expo- d’un principe totalement novateur. Ce principe consiste non pas
nentielle avec le diamètre ; à remplacer la portion aortique anévrismale, mais à implanter
• la vitesse de croissance de l’anévrisme : une vitesse élevée est une prothèse en passant par l’intérieur du vaisseau (endovascu-
associée à un risque accru, et plus un anévrisme est grand, plus laire) afin d’exclure ainsi l’anévrisme de la circulation sanguine.
il va grandir vite (loi de Laplace) ; Une hausse radicale du nombre d’EVAR (endovascular aneurysm
• le sexe féminin : les femmes ont un risque trois fois plus grand repair) réalisées a été observée au cours des dernières années.
que les hommes. Ce constat s’explique vraisemblablement par le fait qu’il s’agisse
d’une modalité thérapeutique nouvelle, possédant un certain
nombre d’avantages évidents par rapport à la chirurgie ouverte.
Sémiologie Toutefois, il semble que la propagation de cette technique ait
également conduit à ce que l’indication opératoire soit posée
La majorité des patients est asymptomatique. Rarement, des
avec trop de largesse au regard des critères anatomiques contre-
douleurs abdominales, des symptômes liés à une compression
indiquant le traitement endovasculaire. Cela peut à son tour être
locale (par exemple : duodénum, uretère) ou des manifestations
lié d’une part au désir de progrès et d’innovation du corps médi-
emboliques de thrombus formés dans l’anévrisme peuvent le révé-
cal, mais d’autre part une certaine pression émanant de l’industrie
ler. Ils sont donc découverts le plus souvent fortuitement lors
n’y est certainement pas totalement étrangère.
d’une imagerie réalisée pour une autre indication ou par la palpa-
Bien que plusieurs études multicentriques, randomisées et
tion d’une masse abdominale pulsatile.
contrôlées aient été menées, la question du traitement optimal
pour chaque patient n’a, semble-t-il, pas encore été tranchée de
Surveillance versus intervention manière définitive. Le suivi à long terme révèle que l’avantage
de survie après une EVAR avait déjà disparu après deux ans. De
Tout anévrisme ne justifie pas une intervention. La décision même, sur l’ensemble de la période d’observation allant jusqu’à
repose sur la détermination du risque de rupture et sa comparaison 7,5 années, les courbes de survie ne se distinguaient plus l’une
avec le risque opératoire. L’indication au traitement chirurgi- de l’autre, et ce à la fois pour la mortalité associée à l’AAA et
cal des AAA repose principalement sur la taille de l’anévrisme pour la mortalité globale. Le traitement endovasculaire dans une
(5,5 cm), sa vitesse d’expansion (0,5 cm/6 mois ou 1 cm/1 an) étude randomisée après un suivi de 15 ans rapporte une surmor-
et la présence de symptômes [9] . talité significative (p = 0,048) liée au risque de rupture aortique
L’opération précoce n’offrait pas d’avantage sur la survie [10] . secondaire [14] .
Les anticholestérolémiants et antihypertenseurs ont prouvé leur La chirurgie ouverte garde une place certaine, première pour
efficacité en agissant sur les facteurs de risque et les comorbidités, certains, pour les anévrismes de l’aorte sous-rénale.
ralentissant ainsi la croissance de l’anévrisme [11] .
Soins péri-opératoires
Évaluation préopératoire
La pression artérielle est surveillée grâce à un cathétérisme de
Les principales causes de mortalité et de morbidité après chi- l’artère radiale. La diurèse est surveillée grâce à un cathétérisme
rurgie de l’aorte abdominale sont la survenue d’un infarctus vésical. Une veineuse centrale est mise en place pour permettre
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Voies d’abord
Figure 2. Incision médiane du péritoine pariétal postérieur au bord
Voie transpéritonéale. Laparotomie classique gauche du troisième duodénum.
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Avantages et inconvénients
Avantages
La voie rétropéritonéale a plusieurs avantages par rapport à la
voie transpéritonéale :
• elle est techniquement plus facile chez le malade avec une
extension juxta-, para- ou suprarénale ou en cas d’anévrisme
associé à un rein en fer à cheval ;
• elle semble mieux supportée sur le plan respiratoire, bien que
les résultats des études randomisées soient discordants [19, 20] ;
• elle permet une reprise plus précoce du transit intestinal, dimi-
nuant la durée de séjour en unité de soins intensifs et la durée
de séjour hospitalier ;
• elle n’expose pas au risque d’occlusion tardive sur bride et évite
une viscérolyse complète en cas d’abdomen ;
• elle comporte moins d’éventrations vraies que la laparotomie.
Inconvénients
La voie rétropéritonéal est cependant techniquement plus dif-
ficile à réaliser chaque fois qu’il existe une pathologie de l’axe
iliaque droit à traiter. C’est la raison pour laquelle elle est surtout
intéressante lorsque l’on doit mettre en place une prothèse tubu-
laire aorto-aortique. De plus elle comporte un petit risque de plaie
de la rate par les écarteurs, qu’il faut savoir reconnaître avant la fer-
meture de l’incision, le contrôle se faisant par une courte incision
du péritoine au moindre doute.
Sa principale complication pariétale n’est pas une éventra-
tion à proprement parler mais une déhiscence pariétale due à la
dénervation musculaire. Celle-ci est due à une atteinte d’un ou
plusieurs nerfs intercostaux du fait de la section ou plus souvent
Figure 10. Clampage aortique sous-rénal par un clamp appliqué sagit-
de l’étirement du nerf lors de l’intervention : elle est alors par-
talement.
fois réversible après quelques mois. Particulière à cette voie est
également la possibilité de névralgies liées à l’englobement d’un
nerf intercostal dans la cicatrice, qu’une technique correcte de
fermeture doit éviter. Technique de la mise à plat-greffe
Ces raisons font que actuellement la voie rétropéritonéale est aorto-aortique
considérée comme la voie d’abord de choix pour traiter la majo-
rité des AAA, la laparotomie médiane étant réservée aux malades La chirurgie des AAA est généralement faite après administra-
en bon état général (en particulier respiratoire) et déjà opérés tion intraveineuse d’héparine à la dose de 0,5 mg (5000 unités)
par voie rétropéritonéale ou chez lesquels existe une pathologie par kilogramme pour éviter les complications thrombotiques au
de l’axe iliaque droit ou de l’artère rénale droite nécessitant un niveau des membres inférieurs.
pontage.
Mise à plat de l’anévrisme
Le clampage aortique est fait par un clamp droit atrauma-
Principes généraux tique, type clamp de Mattox ou clamp aortique Crawford droit
ou courbe, généralement appliqué sagittalement (Fig. 10). Les
Type d’intervention artères iliaques primitives sont clampées en premier, pour éviter
une embolisation distale lors de la manipulation de l’anévrisme
Mise à plat-greffe (Fig. 11). Le clampage des artères iliaques est fait par des clamps
La mise à plat-greffe des AAA consiste en une endoanévrismor- de type clamp sous-clavier réalisant clampage antéropostérieur en
raphie de la poche anévrismale suivie par l’interposition d’une bloc du fait de la libération limitée aux flancs latéraux de l’artère
prothèse entre les extrémités de l’anévrisme à l’intérieur de la ou par voie endovasculaire à l’aide de cathéters de Fogarty. Lorsque
poche, qui est ensuite refermée autour de la prothèse. Elle a l’on intervient par lombotomie, il est habituel de clamper l’artère
remplacé l’ancienne résection-greffe, beaucoup plus longue et fas- iliaque primitive droite à l’aide d’un cathéter de Fogarty (Fig. 12).
tidieuse, qui comportait des risques de traumatisme des structures Ce dernier type de contrôle a l’avantage de ne pas nécessiter de
de voisinage, en particulier veineuses, et ne permettait pas d’isoler dissection de l’axe iliaque, en particulier dans les anévrismes pure-
la prothèse du tube digestif. ment aortiques, mais comporte des pertes sanguines légèrement
plus élevées qu’un clampage préalable.
L’artère mésentérique inférieure est disséquée et contrôlée.
Exclusion-pontage La poche anévrismale est ouverte longitudinalement au bistouri
L’exclusion-pontage avec ligature proximale et distale de électrique.
l’anévrisme laissé en place avec anastomose aortique proximale Le collet aortique supérieur est incisé transversalement au
terminoterminale et pontage aorto-bi-iliaque comporte un risque niveau de son hémicirconférence antérieure.
faible mais non nul de persistance d’un flux dans l’anévrisme et Les berges de l’anévrisme peuvent être suspendues à l’aide de
n’est pratiquée que par un très petit nombre d’équipes. fils à l’extrémité desquels sont mises en place des pinces de Kelly.
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Figure 11.
A. Mise en place des clamps pour traiter un ané-
vrisme isolé de l’aorte sous-rénale.
B. Ouverture longitudinale de l’anévrisme et inci-
sion transversale de la partie antérieure des deux
collets.
Figure 15.
A. Les deux brins du surjet se rejoignent en avant sur la ligne médiane.
B. Le surjet est noué au cours d’un bref déclampage de l’aorte.
C. Le clamp aortique est remis en place au niveau de l’aorte ou de la partie initiale de la prothèse.
Lorsque sont présentes des calcifications pariétales importantes, Cela peut nécessiter la section complète de l’aorte, empê-
il ne faut pas hésiter à réaliser une endartériectomie plus ou moins chant la suture intra-anévrismale. Mais généralement le collet de
complète de la poche anévrismale, ce qui a l’avantage de faciliter l’anévrisme n’est sectionné qu’au niveau de son hémicirconfé-
beaucoup la suture des artères lombaires et sacrée moyenne. rence antérieure. Un point de monofil doublement serti 2 ou 3.0,
L’artère mésentérique inférieure est souvent occluse à son ori- suivant l’épaisseur et la fragilité éventuelle de la paroi, charge la
gine et ne reflue pas. Lorsqu’elle est perméable, et quelle que soit paroi par l’intérieur, à la partie moyenne de l’hémicirconférence
l’importance du reflux, il faut la respecter. postérieure et de la prothèse (Fig. 14). On peut réaliser un sur-
La prothèse utilisée pour remplacer l’aorte anévrismale est une jet suspendu ou nouer le premier point à l’intérieur de l’aorte,
prothèse en polyester tissé enduit. ce qui permet, lorsque le surjet est tendu et que la paroi aor-
tique est suffisamment souple, de bien visualiser le bourrelet
aortique qui doit être pris largement, par des points passés de
Greffe prothétique
dedans en dehors de l’aorte, épais d’environ 1 cm et distants de
Anastomose proximale 5 à 10 mm.
Il est important, en particulier chez les malades jeunes, de On remplit alors la prothèse de sérum physiologique. Elle est
clamper l’aorte au ras des artères rénales et de faire l’anastomose clampée temporairement un peu au-delà de son origine, puis on
proximale au voisinage de celles-ci, pour éviter l’apparition tar- ouvre le clamp aortique, ce qui permet de nouer les brins du surjet
dive d’un anévrisme sus-prothétique. sous tension, évitant ainsi de trop serrer le surjet, avec un risque
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Figure 19.
A. Après découpe d’une pastille d’aorte conte-
nant son ostium.
B. Directement, par voie endoanévrismale.
Anévrismes aorto-iliaques Il faut alors tenter de contrôler les deux branches terminales.
Elles sont clampées à l’aide de clamps de type sous-clavier. L’artère
primitifs hypogastrique peut être clampée par un cathéter de Fogarty.
On sectionne partiellement la terminaison de l’artère iliaque
Choix de la prothèse primitive. Le plus souvent, les origines des deux artères sont à
proximité immédiate l’une de l’autre.
Le traitement des anévrismes aorto-iliaques primitifs nécessite On peut alors réaliser, si l’artère est suffisamment saine, une
l’utilisation d’une prothèse bifurquée. Le choix de la taille de la anastomose prothéto-iliaque terminoterminale vraie (Fig. 22).
prothèse est important. Les prothèses dont on dispose ont en Sinon, l’artère iliaque primitive est refendue longitudinalement
effet généralement un corps dont le diamètre est le double de sur 2 cm jusqu’à l’artère iliaque externe, et une anastomose
celui des branches. La discordance entre le diamètre de l’aorte prothéto-iliaque terminoterminale en palette est réalisée. Dans les
au niveau du collet supérieur et les artères iliaques est fréquente, deux cas, la suture est généralement faite à l’aide d’un surjet de
la somme des diamètres des artères iliaques étant plus grande monofil 3.0 ou 4.0.
que le diamètre de l’aorte. Dans ce cas, il est préférable d’adapter Lorsque l’anévrisme a écartelé la bifurcation de l’artère iliaque
par priorité le diamètre des branches à celui des artères iliaques, primitive, rendant les origines des deux artères trop distantes (plus
quitte à avoir un corps prothétique légèrement plus large que de 1 cm), on sectionne l’artère hypogastrique à son origine, on
l’aorte. l’anastomose en terminoterminal à la prothèse, et, profitant d’un
Le corps prothétique doit être recoupé de façon à lui laisser fréquent excès de longueur de l’artère iliaque externe, on réim-
une longueur de 3 à 4 cm (sauf lorsque l’on envisage un ou des plante celle-ci directement en latéroterminal à la partie basse de
pontages destinés aux artères viscérales ou une réimplantation de la branche prothétique aortohypogastrique.
l’artère mésentérique inférieure). Les sutures sont faites par des surjets de monofil 3.0 ou 4.0.
Figure 22. Anastomose distale en cas d’anévrisme de l’artère iliaque primitive intéressant la bifurca-
tion.
A. Schéma des lésions.
B. Anastomose terminoterminale vraie à la bifurcation iliaque par l’intérieur de l’anévrisme.
C. Court refend longitudinal de l’artère iliaque externe et anastomose terminoterminale en palette.
D. En cas d’écartèlement de la bifurcation iliaque, le plus simple est d’anastomoser la prothèse en
terminoterminal à l’artère hypogastrique et de réimplanter latéralement l’artère iliaque externe immé-
diatement en amont de cette anastomose.
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de Fogarty (un dans le tronc antérieur, un dans le tronc posté- Lorsque l’on intervient par laparotomie médiane, on a intérêt
rieur). L’anastomose prothétohypogastrique est faite par un surjet à disséquer largement la veine rénale gauche (en liant éventuelle-
de monofil 3.0 ou 4.0 sur une coiffe faite de la partie distale de ment les veines génitale et capsulaire moyenne) pour la récliner
l’anévrisme sectionnée complètement si cela est possible (Fig. 23). vers le haut et passer le clamp verticalement au-dessous d’elle, ce
Cette anastomose une fois terminée, on clampe la prothèse immé- qui donne habituellement un excellent jour sur l’aorte interré-
diatement en amont de celle-ci et on teste son étanchéité grâce au nale.
reflux distal. On peut alors, après avoir reclampé l’hypogastrique, Le clampage des artères rénales, qui refluent très peu, n’est pas
anastomoser directement par un surjet de monofil 4.0 l’artère utile. La seule précaution est de bien vérifier, en passant un dissec-
iliaque externe en palette latéroterminale dans la branche prothé- teur, que la suture juxtarénale ne compromet pas la perméabilité
tique comme indiqué (cf. supra). Cette technique est plus pratique des artères rénales et d’éviter une embolie gazeuse en remplissant
que la réimplantation indirecte, par l’intermédiaire d’une pro- la prothèse de sérum physiologique une fois l’anastomose réali-
thèse, de l’artère hypogastrique dans un pontage aorto-iliaque sée (Fig. 24). Une fois l’anastomose aortique terminée, ce qui ne
externe ou aortofémoral. doit pas prendre plus de 30 minutes, on clampe l’origine de la
Ce qu’il faut en tout cas éviter dans ces formes complexes avec prothèse, puis l’aorte sus-rénale est déclampée.
anévrisme aortohypogastrique, c’est d’abandonner l’anévrisme de
l’artère hypogastrique après ligature de l’artère iliaque primitive et
faire une anastomose terminolatérale sur l’artère iliaque externe Anévrismes
ou l’artère fémorale commune sous-jacente. De même, il faut évi-
ter de se limiter à une ligature proximale de l’artère iliaque externe. de l’aorte suprarénale
On court en effet le risque d’évolution ultérieure de l’anévrisme
hypogastrique vers des troubles de compression et éventuellement On parle d’anévrisme suprarénal lorsque l’anévrisme inclut
une rupture. l’origine des artères rénales. Il faut réaliser un clampage suprarénal
et, le plus souvent du fait de la proximité de l’artère mésenté-
rique supérieure des artères rénales, il faut réaliser un clampage en
amont de l’artère mésentérique supérieure pour pouvoir obtenir
Anévrismes de l’aorte un collet proximal de longueur suffisante.
juxtarénale
Voies d’abord
Les anévrismes de l’aorte juxtarénale représentent jusqu’à 10 %
des AAA [23] . Le clampage sus-rénal est alors nécessaire pour réali-
Lombotomie gauche
ser l’anastomose proximale. Il a été montré que le retentissement La voie rétropéritonéale gauche est de plus en plus souvent
rénal du clampage sus-rénal était minime dans les limites de utilisée compte tenu de ses nombreux avantages.
temps nécessaires à la confection d’une anastomose aortoprothé- Après réalisation d’une lombotomie gauche, on réalise un
tique [24] . décollement rétrorénal complet et une incision verticale du
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Traitement médical
La corticothérapie a une efficacité certaine dans le traitement
des fibroses péri-aortiques, à la dose de 0,50 mg/kg pendant six à
neuf mois, ou 100 mg/j de prednisone pendant un mois associée
à une montée de sonde urétérale en double J.
Réimplantations directes
Cette technique a deux avantages : le temps d’ischémie rénale Anévrismes disséquants
est court ; la revascularisation ne nécessite pas l’utilisation d’un
Les dissections localisées à l’aorte abdominale sous-rénale sont
matériel prothétique.
rares, mais ne posent pas de problèmes chirurgicaux particu-
L’artère rénale gauche qui a été sectionnée est réclinée vers le
liers. Tout au plus est-il souvent indiqué de réaliser une section
bas et amenée au contact de la prothèse au niveau de laquelle
complète du collet anévrismal supérieur pour être certain de bien
on a réalisé sous clampage aortique total une ouverture circulaire
prendre la totalité de la paroi aortique dans la suture.
d’un diamètre approprié. Une légère traction sur la prothèse et
Les extensions à l’aorte abdominale sous-rénale des anévrismes
sur l’artère rénale amène les deux bouches anastomotiques au
disséquants de l’aorte thoracique peuvent nécessiter un traite-
contact l’une de l’autre. L’anastomose est faite sans tension au
ment propre, sans chirurgie associée de l’aorte thoracique, lorsque
flanc gauche de la prothèse aortique. Elle est située 5 à 10 mm en
celle-ci n’est pas ou peu dilatée. Dans ces cas, le clampage aor-
dessous de la ligne de suture aortique.
tique pose en général peu de problèmes. Mais il doit tout d’abord
être fait au niveau de l’aorte supracœliaque pour permettre une
Anastomose distale fenestration par résection de la membrane intimale dans son seg-
ment interrénal et une circulation dans les deux chenaux, vrai et
Le site de l’anastomose distale dépend de l’extension distale de faux. On peut alors, après quelques minutes de clampage supra-
l’anévrisme. cœliaque, clamper l’aorte sous-rénale et faire une anastomose
aortoprothétique aux deux chenaux, généralement manchonnée
®
par une attelle circulaire de feutre de Teflon (Fig. 26).
Anévrismes rompus de l’aorte
abdominale Anévrismes infectieux
Un chapitre spécifique de l’EMC porte sur la prise en charge
Ils sont l’indication d’un traitement particulier lié au risque
des anévrismes rompus de l’aorte abdominale [26] . La spécificité
d’infection des prothèses mises en place in situ. Les anévrismes
de cette situation réside dans la difficulté du clampage aor-
infectieux de l’aorte abdominale sont caractérisés par une évolu-
tique devant un hématome rétropéritonéal et un patient en choc
tion rapide vers la rupture.
hémorragique. En cas de difficulté d’exposition du collet proxi-
mal du fait de l’hématome rétropéritonéal, un clampage de l’aorte
cœliaque ou thoracique peut permettre un contrôle rapide du Traitement chirurgical : la résection-greffe
saignement. Des techniques d’endoclampage peuvent être aussi
proposées. Il comporte la résection large de tous les tissus nécrotiques infec-
tés incluant l’aorte infectée. Il faut reséquer l’anévrisme et réaliser
un parage complet du tissu rétropéritonéal. Cette intervention
Anévrismes inflammatoires comporte des risques de traumatisme des structures de voisinage,
en particulier veineuses. Le mode de revascularisation est fonc-
Diagnostic tion des habitudes des différentes équipes. La revascularisation
in situ est souvent faite dans le contexte de l’urgence. Certains ont
Dans leur forme habituelle, ces anévrismes se caractérisent par proposé l’utilisation des prothèses imprégnées d’antibiotiques,
un épaississement pariétal, situés à leurs faces antérieures et laté- sans qu’une efficacité formelle ne soit démontrée [27] . Le lavage
rales et créant des adhérences très serrées avec les organes de abondant, l’épiploplastie de couverture font partie des mesures
voisinage, en particulier le duodénum, les uretères, la veine cave habituelles. L’utilisation des allogreffes in situ est probablement
inférieure et la veine rénale gauche. Certains anévrismes inflam- la meilleure solution, mais ces greffons sont rarement disponibles
matoires sont petits et peuvent s’accompagner d’une fibrose en urgence [28] .
rétropéritonéale très intense, entraînant une obstruction urété- Les revascularisations extra-anatomiques (pontages axillobifé-
rale uni- ou bilatérale, justifiant trois à six mois de corticothérapie moraux) restent des interventions logiques, mais responsables
préalable. d’une lourde mortalité, 28 % [29] .
Le scanner ou l’imagerie par résonance magnétique (IRM) En urgence, en cas d’indisponibilité de l’allogreffe, un traite-
montrent une répartition en « cocarde » : la lumière artérielle, ment endovasculaire transitoire a pu être proposé.
Figure 26.
A. Schéma des lésions.
B, C. Après clampage de l’aorte supracœliaque, la membrane intimale est visualisée et réséquée
jusqu’au clamp.
D. Le clamp est placé en sous-rénal et l’anastomose aortique proximale, réalisée.
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Chirurgie des anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale : techniques chirurgicales 43-154-B
Exérèse complète de l’endoprothèse traction pour ne pas déchirer l’aorte suprarénale. On peut être
gêné par un reflux important venant des artères digestives et des
L’indication d’une explantation complète de l’endoprothèse est artères lombaires. Un Fogarty occlusif peut être placé dans l’aorte
essentiellement en cas de complication infectieuse. En cas de pro- suprarénale pour diminuer les pertes sanguines.
cessus infectieux, il vaut mieux réaliser un abord transpéritonéal Après ablation de l’endoprothèse, le clamp supracœliaque peut
pour pouvoir couvrir l’allogreffe avec un lambeau d’épiploon. est déplacé en sous-rénal. Les artères iliaques sont clampées à l’aide
L’intervention abdominale est menée par voie xiphopubienne de deux cathéters de Fogarty ou à l’aide de clamps vasculaires.
ou par voie rétropéritonéale. La technique de la greffe prothétique est identique à celle d’un
Le site de clampage dépend de l’existence ou non d’une fixation anévrisme sous-rénal.
suprarénale de l’endoprothèse.
Endoprothèse sans ancrage suprarénal (Fig. 27) Exérèse partielle de l’endoprothèse (Fig. 29)
L’explantation de ce type d’endoprothèse nécessite un clam- En cas d’endofuite de type I proximale ou distale de migration
page sus-rénal en général assez court pour permettre l’exérèse de de l’endoprothèse ou de thrombose, on peut réaliser une explan-
l’endoprothèse en toute sécurité et la réalisation de l’anastomose tation partielle de l’endoprothèse.
aortique.
Il est important de disséquer largement la veine rénale gauche Endofuite de type I proximale
en liant éventuellement la veine génitale et capsulaire moyenne
On réalise une ablation de la partie proximale du corps comme
pour la récliner vers le haut et passer le clamp verticalement en
décrit dans les explantations complètes. Au lieu d’explanter les
dessous d’elle, ce qui donne habituellement un excellent jour
jambages, on sectionne le corps de l’endoprothèse avec une
sur l’aorte interrénale. Une section de la veine rénale gauche
pince coupante pour sectionner les stents métalliques. On réa-
peut être réalisée si nécessaire avec une reconstruction secondaire
lise une greffe prothétique bifurquée entre l’aorte et les jambages
par deux hémisurjets de prolène 5/0. Après héparinisation systé-
de l’endoprothèse.
mique, on effectue un clampage aortique total. L’occlusion des
artères iliaques est réalisée soit par des clamps, soit à l’aide de
sondes de Fogarty.
Endofuite de type I distale
Après ablation complète de l’endoprothèse, le clamp sus-rénal Avant l’ouverture du sac anévrismal, on dissèque et on clampe
est déplacé en sous-rénal. La technique de la greffe prothétique le collet proximal sous-rénal. Le sac anévrismal est mis à plat. Les
est identique à celle d’un anévrisme sous-rénal. jambages de l’endoprothèse sont clampés après ouverture du sac.
On sectionne le corps de l’endoprothèse avec une pince coupante.
Endoprothèse avec ancrage suprarénal (Fig. 28) Les deux jambages peuvent être explantés ou seulement un, en
fonction de la localisation de l’endofuite. Les iliaques sont faci-
L’explantation de ce type d’endoprothèse nécessite un clam-
lement clampées en utilisant des Fogarty occlusifs introduits par
page supracœliaque. Le lobe gauche du foie est mobilisé vers
les jambages de l’endoprothèse. On réalise une greffe prothétique
la droite après section du ligament triangulaire gauche. Le petit
bifurquée entre le corps proximal de l’endoprothèse et les artères
épiploon est effondré, avec si nécessaire la ligature d’une artère
iliaques.
hépatique gauche. L’œsophage, repéré par une sonde, est récliné
vers la gauche. La section du pilier droit du diaphragme permet
de découvrir l’aorte supracœliaque.
Endofuite de type II
Après héparinisation systémique, on effectue un clam- Par laparoscopie, il est souvent aisé de placer un clip sur la
page de l’aorte cœliaque total. Le sac anévrismal est ouvert. mésentérique inférieure. Les lombaires gauches peuvent égale-
L’endoprothèse ainsi que son ancrage suprarénal est enlevé sans ment être approchées par cette voie. Mais les artères lombaires
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Chirurgie des anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale : techniques chirurgicales 43-154-B
circulantes. Les infarctus postopératoires sont souvent asympto- l’analgésie ou d’un état de choc inexpliqué. Une coloscopie doit
matiques et de diagnostic difficile, pourtant leur mortalité est plus être pratiquée au moindre doute, elle permet, mieux que la laparo-
élevée que la moyenne. Les nécroses non transmurales sont pro- tomie elle-même, d’apprécier l’extension des lésions. En fonction
bablement sous-estimées du fait des difficultés diagnostiques. La de l’importance de ces lésions une colectomie peut être nécessaire
prévention est essentiellement basée sur le dépistage préopéra- ou non. La mortalité après ischémie mésentérique survenant après
toire d’une ischémie myocardique silencieuse en préopératoire, chirurgie pour un anévrisme de l’aorte abdominale reste élevée
un traitement par antiagrégant, bêtabloquants et statines débu- (52 %).
tés au moins une semaine avant l’intervention. Une surveillance
postopératoire de la troponine permet de dépister en postopéra- Insuffisance rénale
toire une ischémie précoce.
L’insuffisance rénale est une complication dont l’incidence a
régressé probablement en raison d’un meilleur contrôle hémody-
Complications respiratoires namique des patients. Les facteurs responsables d’une insuffisance
La chirurgie aortique comme toute chirurgie abdominale rénale postopératoire sont multiples. Une aggravation d’une alté-
retentit sur la fonction respiratoire et notamment sur la ciné- ration préexistante de la fonction rénale peut survenir du fait d’un
tique diaphragmatique. En période postopératoire, les échanges bas débit cardiaque, d’une hypovolémie, d’une rhabdomyolyse,
gazeux sont perturbés, la survenue d’atélectasies est fréquente d’emboles d’athérome dans les artères rénales lors des manœuvres
et le sevrage de la ventilation assistée parfois difficile. Des de clampage et de déclampage ou d’une thrombose de ces mêmes
complications majeures comme une pneumopathie ou une insuf- artères en cas de sténoses ou de pontage. Si un geste spécifique
fisance respiratoire peuvent également survenir encore qu’elles a été effectué sur les artères rénales en période peropératoire, il
soient souvent symptomatiques d’autres complications. faut, en cas d’aggravation de la fonction rénale postopératoire,
contrôler rapidement par une angiographie la perméabilité de ces
Ischémie mésentérique artères. Le maintien d’un état hémodynamique stable est proba-
blement le meilleur facteur de prévention de l’insuffisance rénale
L’ischémie mésentérique est une complication classique liée à postopératoire.
un défaut de suppléance de l’arcade de Riolan. Becquemin et al. [34] Une revue récente de la littérature retrouve un taux de dom-
rapportent une incidence de 3,9 % après chirurgie convention- mage rénal de 24 %, un taux de dialyse temporaire de 0,3 % et un
nelle de l’aorte abdominale. Elle affecte le plus souvent le côlon taux de dialyse définitive de 0 % [35] .
gauche. L’ischémie mésentérique qui doit être diagnostiquée pré-
cocement avant le stade d’infarctus se manifeste souvent par une
reprise trop précoce du transit qui peut se faire sous forme de
Ischémie distale
melæna à un stade évolué. Le tableau clinique peut être plus L’ischémie périphérique est une complication en relation avec
sournois sous forme de douleurs abdominales importantes malgré le geste chirurgical, mais elle peut être favorisée par l’hypovolémie
ou un bas débit cardiaque. L’ischémie résulte soit d’emboles et la dissection aortique seraient à l’origine de micro-emboles et
d’athérome distaux, soit d’une thrombose artérielle. La préven- contribueraient à majorer les troubles sexuels.
tion est basée sur l’évaluation préopératoire du lit d’aval, un
Éjaculation rétrograde
traitement antiagrégant préopératoire, une manipulation pru-
dente du sac anévrismal lors de l’exposition chirurgicale, un Parmi les principaux troubles de la fonction sexuelle lors d’une
clampage distal en zone saine avant le clampage proximal, chirurgie aortique, la dyséjaculation, l’hypospermie, les douleurs
l’anticoagulation peropératoire et la vérification en postopératoire ainsi que l’éjaculation rétrograde sont retrouvées dans plus de
immédiat de l’état de la vascularisation des membres avant la 6 % des cas [39] . Ces troubles s’expliquent par une altération de la
sortie de salle opératoire du patient. chaîne nerveuse sympathique intervenant dans la commande de
Le traitement dépend du mécanisme qui peut être embolique, fermeture du col vésical lors de la phase d’émission et d’expulsion
une lésion de clampage ou une dégradation d’une artérite sous- du sperme, cela étant à l’origine d’éjaculation rétrograde intravé-
jacente. sicale. May et al. ont trouvé des troubles éjaculatoires chez les
patients opérés d’un anévrisme aorto-iliaque chez 49 à 60 % des
patients.
Complications hémorragiques
Peu fréquentes, elles ne posent pas de problème diagnostique, Fistules prothétodigestives
mais plutôt celui de l’opportunité d’une réintervention.
Leur fréquence est estimée aux alentours de 0,5 à 1 %.
Les principales étiologies sont :
La pathogénie de ces fistules prothétodigestives n’est pas uni-
• des troubles de l’hémostase par surdosage héparinique,
voque. Elle fait intervenir des facteurs mécaniques, d’érosion, et
transfusion massive, surcharge volémique, coagulopathie de
des facteurs infectieux, éventuellement associés. Les phénomènes
consommation, etc. Ils sont favorisés par des décollements
d’adhérence, liés à la cicatrisation et à la réaction à un corps
chirurgicaux étendus et par une ischémie hépatique qui peut
étranger, un hématome péri-anastomotique, les pulsatilités de la
survenir en cas de clampage de l’aorte supracœliaque, même de
prothèse, l’absence de tissu d’interposition entre la prothèse et le
courte durée. Malgré la correction de ces facteurs, une réinter-
duodénum (l’abord rétropéritonéal sans effraction du péritoine
vention peut être nécessaire, en cas de volumineux hématome
pariétal postérieur protégerait davantage qu’un abord intrapéri-
évoluant pour son propre compte, et s’autoentretenant par
tonéal), l’existence d’adhérences inflammatoires du duodénum
fibrinolyse locale ;
avec la paroi d’un anévrisme, ou une plaie peropératoire du duo-
• l’hémorragie peut provenir d’un défaut d’étanchéité de la revas-
dénum, seraient tous des éléments favorisant l’érosion mécanique
cularisation effectuée, ou d’une plaie vasculaire sur le trajet de
du duodénum, à l’origine d’un foyer infectieux périprothétique.
tunnellisation, ou encore d’une insuffisance d’hémostase parié-
Plus souvent, il semble que ce soit en fait une infection primitive
tale.
de la prothèse et de l’anastomose qui soit à l’origine de la fistule.
Enfin, la survenue de fistule compliquant un faux anévrisme anas-
Infection précoce du site opératoire tomotique résume bien la complexité des étiologies, puisque ce
Elle est en général liée à une contamination massive en per- faux anévrisme peut agir mécaniquement, mais peut également
opératoire ou plus rarement à un ensemencement secondaire de être secondaire à un sepsis larvé.
la prothèse au décours d’une septicémie liée à une autre porte Un chapitre spécifique de l’EMC porte sur la prise en charge des
d’entrée (cathéter, sonde urinaire, pulmonaire, etc.). infections des prothèses aortiques [36] .
Un chapitre spécifique de l’EMC porte sur la prise en charge des
infections des prothèses aortiques [36] . Complications pariétales
La paroi abdominale, et singulièrement les aponévroses des
Paraplégie malades ayant un anévrisme de l’aorte abdominale, est en
Les paraplégies secondaires à la chirurgie de l’aorte abdominale effet souvent dystrophique, ce dont témoigne volontiers la pré-
sous-rénales sont extrêmement rares. sence préopératoire de hernies inguinales, opérées ou non, ou
Ses mécanismes sont principalement anatomiques (naissance d’un diastasis des muscles droits. Elle expose également aux
sous-rénale de l’artère d’Adamkiewicz, sacrifice de la circulation risques d’occlusion sur bride inhérents à toute laparotomie. Les
pelvienne collatérale), mais aussi hémodynamiques (phénomènes complications pariétales à type d’éventration et/ou de faiblesse
thromboemboliques, hypotension ou clampage suprarénal pro- musculaire sont aussi fréquentes après laparotomie médiane
longés). xiphopubienne (éventration mécanique), qu’après abord rétro-
péritonéal de l’aorte (éventration paralytique, favorisée par le
sacrifice de plus de deux pédicules vasculonerveux).
Complications à moyen et à long termes Ces complications (10 %) seraient peut-eˆtre un peu moins fré-
quentes après laparotomie transpéritonéale transversale [40] .
Complications sexuelles Enfin, c’est dans les voies rétropéritonéales que les dou-
Dysfonction érectile leurs cicatricielles séquellaires sont les plus fréquentes, pouvant
atteindre 35 % des cas.
Plusieurs travaux ont montré l’impact de la chirurgie par voie
ouverte de l’AAA sur la fonction sexuelle, et plus particulièrement
sur l’érection avec en postopératoire une dysfonction érectile pou-
Infection prothétique secondaire
vant aller jusqu’à 60 % des patients [33] . Les infections de prothèses artérielles sont actuellement peu fré-
La raison de cette dégradation s’explique physiopathologi- quentes, mais comptent parmi les plus graves des complications
quement par des lésions peropératoires du système nerveux de la chirurgie vasculaire. La morbidité et la mortalité restent
autonome sympathique par le biais du nerf hypogastrique lors élevées. Le diagnostic est souvent tardif et la prise en charge thé-
de la libération et la dissection du sac anévrismal. L’occlusion rapeutique, le plus souvent médicochirurgicale, difficile.
peropératoire ou l’exclusion d’une artère iliaque interne liée à la Il est généralement admis que la plupart des cas d’infection de
cure d’anévrisme de l’aorte abdominale peut être à l’origine d’une la prothèse aortique résultent de l’ensemencement provenant de
altération de l’érection par le biais d’une absence d’irrigation de la flore de la peau du patient au moment de la greffe chirurgi-
l’artère pudendale principale, branche de l’artère iliaque interne cale. D’autres facteurs qui ont été montrés pour contribuer au
qui se divise en artères caverneuses se déversant dans les espaces développement de l’infection sont un abord chirurgical de l’aine,
sinusoïdes pour ainsi permettre l’érection. Mehta et al. ont les reprises chirurgicales, les infections de plaies opératoires (en
retrouvé une dysfonction érectile sévère dans 13 % des cas lors particulier dans l’aine), les opérations réalisées en urgence, et bac-
de l’absence en postopératoire d’une vascularisation d’au moins tériémies postopératoires. Souvent, il n’y a pas un facteur de risque
une artère iliaque interne [37] . Une autre hypothèse pouvant éga- identifiable. Les états pathologiques qui prédisposent à l’infection
lement participer à la dégradation de la fonction érectile est celle comme le diabète et les syndromes myélodysplasiques ainsi que
développée par Queral et al. [38] qui décrivaient que le clampage la corticothérapie augmentent également le risque infectieux.
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Canaud L, Marty-Ané C, Alric P. Chirurgie des anévrismes de l’aorte abdominale sous-rénale : techniques
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