DVP Cognitif C. CLÉMENT Et E. DEMONT
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DEMONT
Le développement
Cognitif
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Exemple : La succion du sein puis la succion du pouce puis d’un objet : la même conduite est appliquée
à des objets différents.
Exemple : On ne saisit pas un cube comme une aiguille, une poire trop mûre comme un caillou.
L’enfant devra attraper l’objet d’une manière différente.
Normalement, il faut s’adapter et en même temps conserver une cohérence interne, i.e.
concilier les conduites anciennes et nouvelles. Ainsi, un enfant placé dans une situation
nouvelle va la traiter comme une ancienne (assimilation) dans laquelle il utilisait
certaines conduites mais il va appliquer des modifications pour s’adapter totalement à
cette nouvelle situation. Il doit exister un équilibre entre ces deux processus cognitifs.
Piaget préfère parler d’équilibration plutôt que d’équilibre dans la mesure où l’équilibre
n’est jamais atteint mais toujours susceptible d’être amélioré.
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des données perceptives (par exemple, il croit qu’un objet qui a changé de forme a aussi
changé de quantité ou de poids). Il raisonne de façon unidimensionnelle, ce qui sera à
l’origine d’erreurs typiques de raisonnement.
Exemple : suite au transvasement d’un liquide dans un verre de forme différente (plus haut mais plus
étroit), l’enfant de 4-5 ans conclura que la quantité d’eau a changé (il y a plus d’eau parce que c’est plus
haut).
Les raisons de son erreur sont d’ordre perceptif : l’élévation du niveau d’eau va le tromper. L’enfant
centre son attention sur le rapport entre les 2 hauteurs mais néglige les largeurs
L’enfant est incapable d’envisager et de coordonner tous les aspects des situations et
incapable d’adopter un autre point de vue que le sien propre. Ce n’est donc qu’après 7
ans que l’enfant deviendra capable de coopération lorsqu’il sera en mesure de
coordonner différents points de vue ou d’actions émanant respectivement de différents
individus.
3.3 Le stade des opérations concrètes (de 7-8 ans à 11-12 ans)
À partir de 7 ans, on ne parle plus d’actions (i.e. comportement observable) mais
d’opérations (type d’action particulière). Il y a changement de structures : la pensée
devient opératoire. L’enfant est capable d’effectuer des actions virtuelles, non
effectives, et cela mentalement.
Les premières opérations sont toujours liées à l’action et portent directement sur des
objets concrets présents ou immédiatement représentés.
La pensée de l’enfant ne peut se détacher complètement des objets perceptibles, elle ne
permet pas de construire un discours dans l’absolu (i.e. qui s’appuie sur des
hypothèses énoncées verbalement).
Exemple : le transvasement d’un liquide dans un nouveau récipient ne change rien à sa quantité
uniquement si l’enfant est capable d’envisager par la pensée l’annulation de la transformation par son
inverse (réversibilité), i.e. en reversant le liquide dans le récipient de départ.
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Exemple : l’enfant peut comprendre que si l’on supprime les poires d’un panier de fruits composé de
poires et de pommes, il reste des fruits : les pommes. Il peut classer selon un critère commun, ordonner
selon un critère de différence, etc.
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Le développement de la mémoire
1 La mémoire du nourrisson
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action, il doit forcément se rappeler qu’il l’a précédemment vue. Les résultats de
Meltzoff (1995) par Exemple mettent en évidence l’existence d’une mémoire de rappel.
Cet auteur montre que des nourrissons de 9 et 14 mois à qui il a été présenté des actions
naturelles et arbitraires reproduisent ces actions 24 heures plus tard, voire 4 mois plus
tard pour les nourrissons les plus âgés. L’imitation est spécifique à l’action
précédemment montrée.
De plus, ces actions ne sont pas observées chez des nourrissons qui n’ont pas vu l’adulte
réaliser ces actions préalablement.
En bref, le nourrisson dispose d’une capacité de mémorisation dès les premiers jours de
vie : il se souvient très précisément de ce qu’il a appris, où il l’a appris et ceci pendant
quelques jours, voire quelques semaines.
Exemple : l’empan mnésique correspond au nombre d’items que l’enfant peut rappeler
immédiatement après une seule présentation. Il augmente durant l’enfance en passant de 2 chiffres
à 2-3 ans, à 5 à 7 ans pour s’élever à 7 chiffres vers 15-16 ans.
Avant d’évoquer les hypothèses proposées, il convient de rappeler que dans toute
activité complexe, deux types d’opérations sont effectués : un stockage de l’information
et un traitement de l’information.
Plus une activité est pratiquée, moins elle est coûteuse cognitivement. Selon Case
(1985), la capacité cognitive totale serait constante et fixe. En conséquence, si le coût
du traitement de l’information diminue, alors la capacité de stockage augmenterait en
retour. Les théoriciens du traitement de l’information ont proposé quatre hypothèses
pour rendre compte du développement de la mémoire au cours de l’enfance.
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Les enfants les plus âgés ont des connaissances sur le monde en général plus importantes
que les enfants plus jeunes. Cette connaissance – ou expertise – rend le matériel à
apprendre plus familier. Or, le matériel familier est plus facile à apprendre et à rappeler
que le matériel non familier. Il a été notamment mis en évidence que des enfants experts
dans un domaine (par exemple en jeux d’échec, en football, etc.) obtiennent de
meilleures performances à une épreuve de rappel lorsque le rappel porte directement sur
leur domaine d’expertise et obtiennent même des performances supérieures à celles
d’enfants plus âgés et/ou des adultes non experts dans ce domaine.
■ Développement de la métamémoire
Les enfants les plus âgés possèdent plus de connaissances sur leurs propres processus
mnésiques, sur le fonctionnement de la mémoire.
Ainsi, par exemple, si un enfant répète mentalement sa leçon pour l’apprendre, il
exécute une stratégie mnésique mais s’il cesse de se répéter sa leçon parce qu’il estime
l’avoir bien apprise, il exécute une stratégie métacognitive.
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1 Le système langagier
Le langage est la capacité spécifique de l’espèce humaine de communiquer selon des
modalités orales (langage oral) ou écrites (langage écrit), voire gestuelles (langue des
signes).
Il remplit une double fonction :
– une fonction de représentation : il permet de décrire la réalité ;
– une fonction de communication : il participe en ce sens aux relations sociales. Le
langage est alors un système défini par un ensemble de règles, de conventions et de
connaissances partagées qui sous-tendent les communications verbales.
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■ L’extension du lexique
Les premiers mots apparaissent entre 12 et 14 mois. Il s’agit d’une production de mots
isolés où chaque mot est utilisé seul pour désigner un objet, une action ou encore une
situation. Le mot remplit la fonction d’une phrase entière, d’où la terminologie proposée
d’holophrases. L’interprétation sera faite par l’entourage à partir de la situation
d’énonciation, de l’intonation, de la mimique ou encore des gestes associés.
Vers 18 mois, on assiste au phénomène de l’explosion du vocabulaire (entre 1 à 10 mots
nouveaux par jour). Les premiers mots se réfèrent à un vocabulaire socio-pragmatique
(non, allô, au revoir, etc.) et/ou à des mots concrets permettant de désigner des
personnes, animaux ou objets (entre 40 et 65 %). Les verbes et adjectifs apparaissent en
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revanche moins nombreux que les mots car leur sens est plus difficile à saisir et leur
apprentissage dépend de la compréhension des phrases. Les études inter langues
montrent que les premiers mots se retrouvent d’une langue à l’autre (e.g. le nom des
personnes qui s’occupent d’eux ou des objets nécessaires à la survie). La prédominance
universelle des mots peut s’expliquer par l’avantage lié à l’identification des objets dans
le monde, aux relations avec les objets. De même, les facteurs prosodiques ou
syntaxiques accentuent les noms et les rendent ainsi plus saillants que les adjectifs ou
les verbes. Néanmoins, la structure de la langue parlée et le marquage culturel
transparaissent déjà. Ainsi par exemple, en français, on trouvera une proportion plus
élevée de termes se rapportant à la nourriture alors qu’en japonais, on retrouvera plus
d’éléments de la nature.
■ Le développement de la signification
La période linguistique se caractérise également par une évolution de la signification
des mots.
■ Le développement de la syntaxe
L’apparition des premières phrases se situe vers 20-24 mois. Auparavant, il s’agit plutôt
d’expressions toutes faites, apprises comme un tout. Ce n’est pas avant la fin de la
deuxième année qu’apparaissent les premières combinaisons de mots. L’association de
deux ou plusieurs mots accroît la valeur informative des énoncés et l’expression de
relations sémantiques.
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Mais se pose alors le problème de la syntaxe : l’enfant va devoir maîtriser les contraintes
linguistiques régissant l’organisation séquentielle des mots.
4 Le langage et l’entourage
L’enfant n’apprend pas à parler seul mais dans un contexte de dialogue lui enseignant
simultanément des choses sur les objets, l’environnement et sur la façon de
communiquer. L’acquisition du langage s’inscrit donc dans le contexte riche
d’interactions sociales, constituées de comportements socialement orientés et
réciproquement adressés. La communication suppose un message adressé
intentionnellement à l’interlocuteur avec un contenu informationnel. Dès la 1re année,
un système de communication sociale prélinguistique entre le bébé et son entourage se
met en place. Les premières communications sont asymétriques : le bébé ne maîtrise pas
l’effet de son émission, c’est l’entourage qui interprète cette émission comme un
message.
Par la suite, la communication devient intentionnelle et réciproque : les messages sont
émis et reçus selon un code commun.
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1 L’acte de lire
La lecture est une activité cognitive complexe mettant en jeu des habiletés de différentes
natures : des habiletés générales (e.g. attention, connaissances générales) et des habiletés
spécifiques au traitement de l’information écrite. De façon générale, l’acte de lire fait
schématiquement appel à l’interaction de deux composantes essentielles dans le
traitement de l’écrit :
– une composante de traitement de bas niveau, l’identification des mots écrits ;
– une composante de traitement de plus haut niveau, la compréhension.
■ Le stade logographique
Avant l’apprentissage formel de la lecture et au tout début de l’apprentissage, l’enfant
utiliserait, pour reconnaître les mots familiers, une procédure d’identification globale.
Cette procédure logographique consisterait à mémoriser le patron visuel des mots écrits
à partir d’indices saillants dans les mots ou dans leur environnement (e.g. Coca-Cola,
les prénoms des enfants de leur classe). Lors de cette phase, l’enfant n’effectuerait pas
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■ Le stade orthographique
La connaissance des CGP ne suffit cependant pas à une maîtrise des mots écrits. Il existe
des mots irréguliers (e.g. monsieur, femme, album) pour lesquels l’application des règles
de CGP conduirait à une prononciation erronée. Pour identifier correctement ces mots,
le lecteur doit recourir à une autre procédure, la procédure orthographique (encore
appelée procédure directe ou par adressage). Cette procédure consiste à reconnaître les
mots par un traitement des configurations orthographiques visuelles sans recours
systématique aux règles de CGP. Au cours de cette troisième et dernière étape, l’enfant
va retrouver directement les mots en mémoire sur la base de leurs segments
orthographiques.
3 La lecture experte
Le lecteur habile utilise ces deux procédures de façon complémentaire et conjointe.
L’acquisition de la lecture experte correspond donc à l’articulation de ces deux
procédures de reconnaissance de mots permettant de reconnaître avec précision, rapidité
et automaticité les mots. La procédure par adressage est généralement utilisée pour
identifier de manière directe les mots familiers et/ou irréguliers et la procédure par
assemblage permet l’identification de mots inconnus ne faisant pas – ou pas encore –
partie du lexique mental de l’enfant. Cependant, l’assemblage phonologique du lecteur
habile diffère du déchiffrage lent et laborieux du lecteur débutant ou mauvais lecteur.
Dans le premier cas, l’acte en jeu est entièrement automatique et requiert peu ou pas de
ressources attentionnelles alors que, dans le second, il exige que le lecteur oriente son
attention vers cette activité qui, par conséquent, en mobilise une partie importante. Cette
allocation de l’attention à l’identification des mots s’opère alors au détriment des
processus de compréhension.
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4 La compréhension
L’identification des mots constitue l’aspect spécifique de la lecture. Il paraît en effet
inconcevable d’accéder à la signification du texte sans pouvoir identifier au moins une
partie des mots qu’il comporte. Il faut cependant garder présent à l’esprit que la finalité
de la lecture n’est pas l’identification des mots mais bien la compréhension du mot, de
la phrase et/ou du texte lus.
La compréhension n’est pas considérée comme un processus spécifique à l’écrit. Sa
spécificité serait liée aux spécificités du médium, i.e. permanence de l’écrit vs fugacité
de l’écrit. Ces spécificités vont permettre de contrôler le flux d’entrée des informations
ou encore rendre possible les retours en arrière (e.g. relecture en cas de mauvaise
compréhension).
Comprendre une phrase et/ou un texte écrit nécessite de la part du lecteur d’identifier
les mots écrits mais également de tenir compte des significations associées aux mots,
des marques grammaticales (accords, prépositions, articles, etc.) et de l’ordre des
différents constituants de la phrase. Cette information devra être ensuite intégrée dans
le thème général du texte puis intégrée à un ensemble plus large, sa base de
connaissances sur le monde.
5 L’importance de l’automatisation
Les procédures d’identification doivent être non seulement correctement effectuées
mais également être largement automatisées. De fait, le coût attentionnel de la
reconnaissance des mots doit être faible afin que le lecteur puisse consacrer de
l’attention aux processus impliqués dans la compréhension.
Chez le lecteur habile, les activités d’identification des mots et d’élaboration de la
signification sont déployées simultanément et en interaction.
Pour le lecteur novice et/ou le mauvais lecteur, en revanche, les procédures
d’identification ne s’effectuant pas encore de façon automatique, les traitements
conduisant à la compréhension ne peuvent pas en conséquence être menés
simultanément. Au cours de l’apprentissage, il s’agit donc d’installer les traitements
spécifiques à la lecture mais aussi d’atteindre un niveau d’automaticité permettant que
ces traitements soient les moins coûteux possible en attention.
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• Les difficultés en lecture non spécifiques qui s’inscrivent dans le cadre de difficultés
générales de l’apprentissage marquées par un retard scolaire général et éventuellement
associées à des troubles moteurs, praxiques et/ou comportementaux.
• Les difficultés spécifiques en lecture caractérisées pour leur part par des difficultés
en lecture en l’absence de tout autre.
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1 Généralités
L’émergence de la pensée formelle n’affecte pas seulement le raisonnement des
adolescents dans des situations scolaires, elle a également un impact important sur leur
vie sociale et personnelle.
On porte ainsi attention à ce qu’on appelle les cognitions sociales : il s’agit de la pensée
des adolescents les concernant, mais aussi concernant leurs relations avec les autres et
leur participation à des groupes et à la société en général.
Des réactions typiques des adolescents, comme leur capacité à discuter les consignes
des parents ou des enseignants, ou leur égocentrisme, peuvent exaspérer les adultes.
Pourtant ces réactions sont une des caractéristiques du développement des adolescents.
2 De l’art de la discussion
« Pourquoi je dois me coucher tôt ? Demain y’a pas école ! » Si des parents peuvent
répondre « Parce que c’est moi qui décide ! » à un enfant de 8 ans sans craindre de fortes
discussions, il n’en est pas de même avec un(e) adolescent(e) de 14 ans. Cet(te)
adolescent(e) risque d’emmener ses parents dans une discussion sans fin, apportant des
Arguments les uns après les autres et mettant en lumière les éventuelles. contradictions
des parents, démontrant en cela des compétences cognitives nouvelles. Cela exaspère
les parents et participe de l’augmentation des conflits parents/enfants à l’adolescence.
Si ces discussions ne sont pas trop fréquentes et ne dégénèrent pas, elles participent du
développement des adolescents. Par ces discussions, portant souvent sur les règles et les
pratiques intrafamiliales, les adolescents apprennent les valeurs de leurs parents et les
raisons qui les sous-tendent. Finalement, ils adopteront beaucoup de ces croyances en
les considérant finalement comme valides. Cette capacité nouvelle à argumenter se
traduit par les multiples joutes verbales auxquelles participent les adolescents, portant
le plus souvent sur les faits politiques et les valeurs morales.
3 De l’égocentrisme
L’émergence de la pensée formelle au cours de l’adolescence est accompagnée d’une
augmentation importante de l’égocentrisme, une différenciation inadéquate entre sa
propre pensée et celle des autres (Inhelder et Piaget, 1955). Temporairement submergés
par la conscience de soi et la pensée abstraite, et sujets à des changements physiques
importants, les adolescents deviennent plus centrés sur eux-mêmes. Les effets de
l’égocentrisme de l’adolescent sont compris au travers de deux concepts reliés :
l’audience imaginaire et la fable personnelle. Ils rendent compte d’une variété
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Exemple : ce matin Julie vit un véritable cauchemar : son pire ennemi est apparu dans la nuit sous la
forme d’un bouton, bien visible sur le nez : « C’est horrible ! Ça va être la honte au lycée ! ».
Cette péripétie et les propos qui l’accompagnent caractérisent l’état de centration sur soi
observé à l’adolescence. L’audience imaginaire résulte de l’échec à différencier ses
propres pensées de celles des autres, ce qui peut conduire l’adolescent à croire que les
autres sont préoccupés par ses pensées et ses comportements. De cette façon, les
adolescents pensent qu’ils ont sans cesse à anticiper les réactions d’une « audience
imaginaire ». C’est une audience puisque les adolescents ont la sensation qu’ils sont le
centre de l’attention mais elle est imaginaire dans le sens où les autres ne sont pas
réellement concernés par l’adolescent et ses propres préoccupations. Anticiper les
réactions de cette audience imaginaire les aide dans la conscience de soi et rend compte
de l’inquiétude excessive concernant leur apparence : le garçon ou la fille qui reste
devant le miroir pendant une heure pour se coiffer est probablement en train de penser
comment il ou elle paraît devant les autres.
La préoccupation de la réaction des autres aide à comprendre les sentiments de honte
qui submergent les adolescents qui ne veulent pas que leur mère les accompagne « sapée
comme ça… Je vais me taper la honte ! ».
La conscience intense du regard des autres est à l’origine de la réaction excessive des
adolescents face aux critiques ou remarques, comme tout parent ou adulte peut
l’observer. Une autre des manifestations fréquentes de l’audience imaginaire est
l’anticipation des adolescents sur ce que les autres diront ou comment ils réagiront à leur
mort. Ils espèrent alors qu’ils seront reconnus pour leur qualité.
Des signes de la fable personnelle peuvent être retrouvés dans les journaux intimes. Les
adolescents y expriment ces sentiments d’incompréhension ou leur désir de vivre une
vie différente de celle de leurs parents.
Le premier chagrin d’amour est aussi l’occasion de voir ces signes : personne n’a jamais
souffert comme il/elle souffre.
La conjonction de la fable personnelle et la recherche de sensations caractéristiques de
l’adolescence peuvent conduire certains adolescents à présenter des conduites à risque
en ayant la sensation qu’ils ne sont pas sujets aux dangers ou au destin suivi
habituellement par les autres.
Ainsi en 2000, Greene et ses collaborateurs ont montré que les jeunes gens avec des
notes élevées à des items évaluant l’audience imaginaire et la recherche de sensations
prenaient plus de risques en ce qui concernait leurs pratiques sexuelles, consommaient
davantage de stupéfiants et présentaient davantage de comportements délinquants.
L’audience imaginaire et la fable personnelle atteignent le paroxysme pendant la
transition entre le stade des opérations concrètes et celui des opérations formelles. Elles
déclinent graduellement. L’audience imaginaire diminue en fonction de l’âge alors que
la fable personnelle diminue en fonction de l’âge et du niveau scolaire.
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