La Theorie Militaire Sassanide Revue in

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ANTIQUITÉ TARDIVE

Antigüedad Tardía – Late Antiquity


Spätantike – Tarda Antichità

Revue internationale d’histoire et d’archéologie (ive-viiie s.)


publiée par l’Association pour l’Antiquité Tardive

© BREPOLS PUBLISHERS
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IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION OF THE PUBLISHER.
La revue internationale Antiquité Tardive (sigle : AnTard)
est éditée dans les langues scientifiques usuelles par les Éditions Brepols
sous le patronage de l’« Association pour l’Antiquité Tardive »
Brepols Publishers – Begijnhof 67, B-2300 Turnhout
Tél. +32 14 44 80 35 – Fax +32 14 42 89 19 – e-mail <[email protected]>
Site Web : www.brepols.net
Association pour l’Antiquité Tardive : c/o Bibliothèque d’Histoire des Religions de Sorbonne Université
Maison de la Recherche – 28 rue Serpente – F-75006 Paris
– Site Web : https://antiquitetardive.com/. –

Envoi des contributions : F. Dugast – @mail : <[email protected]>


Envoi des comptes rendus : S. Destephen – @mail : < [email protected]>
Envoi des ouvrages pour compte rendu à l’Association.
– Toute correspondance commerciale (commandes, abonnements autres
que CEux des membres de l’Association) est à adresser aux éditions Brepols –
– Ne pas envoyer manuscrits et livres pour comptes rendus à l’éditeur –

* * *
*Fondateurs de la revue : Noël Duval, Professeur à l’Université Paris-Sorbonne, président († 2018) ;
Paul-Albert Février, Professeur à l’Université de Provence, président du Comité éditorial († 1991) ;
Jean-Charles Picard, Professeur à l’Université Paris-Ouest, secrétaire († 1992).

Comité éditorial (2022)


Président d’honneur : François Baratte
Présidente : Caroline Michel d’Annoville
Directeur : Hervé Inglebert

Comité de rédaction : Fabienne Dugast (Ingénieure de recherches en archéologie, Umr Orient & Méditerranée,
Paris), Secrétaire de rédaction ; Sylvain Destephen (Maître de conférences HdR en histoire romaine, Uni-
versité Paris-Nanterre), Responsable des comptes rendus.
Conseillers scientifiques : François Baratte ; Gisella Cantino Wataghin ; Jean-Pierre Caillet ; Jean-Michel Carrié ;
Simon Corcoran ; Jutta Dresken-Weiland ; Denis Feissel ; Hervé Inglebert ; Gisela Ripoll.
Comité de lecture : M. Bonifay, P. Chevalier, E. Destefanis, A.S. Esmonde Cleary, B. Flusin, A. Giardina,
G. Greatrex, M. Heijmans, H. Hellenkemper, P. Périn, S. Ratti, P. Reynolds, J.-M. Salamito, J.-P. Sodini,
J.-M. Spieser, J. Terrier, P. Van Ossel, I. Velázquez Soriano, V. Zarini.

Conseil d’administration de l’assoCiation pour l’antiquité tardive (2022)


Présidente : Caroline Michel d’Annoville, Professeur d’archéologie de l’Antiquité tardive, Sorbonne Université (Paris).
Vice-présidente : Gisella Cantino Wataghin, Professoressa di Archeologia Cristiana e Medievale, Università
del Piemonte Orientale (Vercelli).
Secrétaire : Pascale Chevalier, maître de conférences HDR, Université de Clermont-Ferrand.
Trésorier : Marc Heijmans, Directeur de recherches Cnrs, CEntre Camille Jullian (Aix-en-Provence).
Membres : J.-M. Carrié, Directeur d’études émérite, École des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris ;
S. Destephen, Maître de conférences HdR en histoire romaine, Université Paris-Nanterre ; E. Destefa-
nis, Professoressa associata, Università del Piemonte Orientale, Vercelli ; J. Dresken-Weiland, Priv.
Doz., Georg-August-Universität Göttingen ; A.S. Esmonde Cleary, Professor, Department of Archaeo-
logy, University of Birmingham ; H. Hellenkemper, Directeur honoraire, Römisch-Germanischen
Museum, Köln ; H. Inglebert, Professeur d’histoire ancienne, Université Paris-Nanterre ; M. Jurković,
Professeur, Université de Zagreb ; G. Ripoll, Catedrática de Arqueología, Universitat de Barcelona ;
J. Terrier, Archéologue cantonal, Genève.

L’adhésion de 25 € à l’Association donne droit à un Bulletin annuel et à une réduction de 20% sur la Revue
ainsi que sur les autres publications de Brepols / paiement possible pour trois années : 55 € ;
cotisation « familiale » (couple, par personne) ou étudiant : 15 €.

La souscription à la Revue n’est pas comprise dans la cotisation.


La souscription 2011 à la Revue papier est de 67 € ; avec l’édition électronique, 94 €,
payable par chèque au nom de l’Association, à adresser au trésorier.
– Ne pas envoyer d’argent, le paiement se fait à réception de la facture de Brepols –

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– España : G. Ripoll Lopez, Barcelona. – Italia : G. Cantino Wataghin, Torino.
ANTIQUITÉ TARDIVE

Antigüedad Tardía – Late Antiquity


Spätantike – Tarda Antichità

Revue internationale d’histoire et d’archéologie (ive-viiie s.)


publiée par l’Association pour l’Antiquité Tardive

Tome 30 - 2022

LES SASSANIDES EN CONFLIT :


GÉOPOLITIQUE DE L’EMPIRE PERSE TARDO-ANTIQUE

H
© BREPOLS PUBLISHERS

F
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PRINCIPALES ABRÉVIATIONS*

AA = Archäologischer Anzeiger EPRO = Études préliminaires aux religions orientales


AA.SS. = Acta Sanctorum dans l’Empire romain
AAAd = Antichità altoadriatiche FIRA = Fontes Iuris Romani Anteiustiniani, 2e éd. Florence,
AE = L’Anné épigraphique 1940-1943
AEArq = Archivo español de Arqueología ICVR = Inscriptiones christianae urbis Romae septimo saeculo
antiquiores
AJA = American Journal of Archaeology IG = Inscriptiones graecae
AnBoll = Analecta Bollandiana IGLS = Inscriptions grecques et latines de la Syrie
ANRW = Aufstieg und Niedergang der Römischen Welt ILAlg = Inscriptions latines de l’Algérie
AntAfr = Antiquités africaines ILCV = E. Diehl, Inscriptiones latinae christianae veteres,
Ath. Mitt. = Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts, Berlin / Dublin / Zurich, 1925-1967
Athenische Abteilung JAChr = Jahrbuch für Antike und Christentum
BAR = British Archaeological Reports JDAI = Jahrbuch des deutschen archäologischen Instituts
BCH = Bulletin de correspondance hellénique JÖAI = Jahreshefte des österreichischen archäologischen
BCTH = Bulletin archéologique du Comité des Travaux histo- Instituts
riques et scientifiques JRA = Journal of Roman Archaeology
BÉFAR = Bibliothèque des écoles françaises d’Athènes et JRS = The Journal of Roman Studies
de Rome Kair. Mitt. = Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts
BJ = Bonner Jahrbücher des Rheinischen Landes- (Abteilung Kairo)
museums in Bonn LIMC = Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae
BM = Bulletin Monumental MAMA = Monumenta Asiae Minoris Antiqua
BMGS = Byzantine and Modern Greek Studies MÉFRA = Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité
ByzSlav = Byzantinoslavica MGH AA = Monumenta Germaniae Historica. Auctores
BSNAF = Bulletin de la Société nationale des antiquaires de Antiquissimi
France Monuments Piot = Monuments et mémoires publiés par l’Académie des
BSS = Bibliotheca Sanctorum Inscriptions et Belles Lettres (Fondation Piot)
Byz. = Byzantion. Revue internationale des études byzantines ND = Notitia Dignitatum
ByzZ = Byzantinische Zeitschrift Nov. Iust. = Novellae Iustiniani
C&M = Classica et Mediaevalia PBSR = Papers of the British School at Rome
CA = Cahiers archéologiques PG = Patrologiae cursus completus, series graeca
CCSG = Corpus Christianorum. Series graeca PL = Patrologiae cursus completus, series latina
CCSL = Corpus Christianorum. Series latina PLRE = Prosopography of the Later Roman Empire
CÉFR = Collection de l’École française de Rome PO = Patrologia orientalis
CIAC = Congresso internazionale di Archeologia Cristiana RA = Revue Archéologique
CIG = Corpus Inscriptionum Graecarum RAC = Rivista di archeologia cristiana
CIL = Corpus Inscriptionum Latinarum RAChr = Reallexikon für Antike und Christentum
CJ = Codex Iustinianus RbK = Reallexikon zur byzantinischen Kunst
RE = Real-Encyclopädie der klassichen Altertums-
CMGR = Colloque de la mosaïque grecque et romaine wissenschaft
CorsiRav = Corsi di cultura sull’Arte Bizantina e Ravennate RÉA = Revue des études anciennes
CPL = Clavis patrum latinorum RÉAug = Revue des études augustiniennes
CRAI = Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et RÉByz = Revue des études byzantines
Belles Lettres
RÉG = Revue des études grecques
CSCO = Corpus scriptorum christianorum orientalium
RIC = Roman Imperial Coinage
CSEL = Corpus scriptorum ecclesiasticorum latinorum RIDA = Revue internationale des droits de l’antiquité
CTh = Codex Theodosianus Röm. Mitt. = Mitteilungen des deutschen archäologischen Instituts,
CUF = Collection des Universités de France (Association Römische Abteilung
Guillaume Budé) RömQ = Römische Quartalschrift für christliche Altertums-kunde
DACL = Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie und für Kirchengeschichte
Dam. Mitt. = Damaszener Mitteilungen des deutschen archäologis- SB = Sammelbuch griechischer Urkunden aus Ägypten.
chen Instituts SC = Sources chrétiennes
Dessau = H. Dessau, Inscriptiones latinae selectae, Berlin, Settimane CISAM = Settimane del CEntro italiano di studi sull’alto
1892-1916 medioevo
DHGE = Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésias- SHA = Scriptores Historiae Augustae
tiques, Paris T&Mbyz = Travaux et mémoires du CEntre de recherches
Dig. = Digesta d’histoire et civilisation de Byzance (Collège de
DOP = Dumbarton Oaks Papers France)
EAA = Enciclopedia dell’Arte antica classica e orientale ZPE = Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik
EAM = Enciclopedia dell’Arte medievale ZRG = Zeitschrift für Rechtsgeschichte

* Pour les titres moins courants, éviter les abréviations ou donner © BREPOLS
la listePUBLISHERS
des abréviations propres à l’article.
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Pour les abréviations d’usage en papyrologie, voir J. F. Oates, R. S. Bagnall, W. H. Willis, K. A. Worp, Checlist of editions of greek and latin papyri,
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ostraca and tablets, BASP Suppl. 7, Atlanta, 4e éd., 1992, continuée sur : http://scriptorium.lib.duke.edu/papyrus/texts/clist.html.
ANTIQUITÉ TARDIVE – TOME 30
LES SASSANIDES EN CONFLIT :
GÉOPOLITIQUE DE L’EMPIRE PERSE TARDO-ANTIQUE

Éditorial (Hervé Inglebert) ................................................................................................................................................................. 9


In memoriam : Paul Veyne (1930-2022) ............................................................................................................................................... 13

Les Sassanides en conflit :


géopolitique de l’empire perse tardo-antique

Philip Huyse, Introduction générale : l’empire sassanide dans le monde interconnecté de l’Antiquité tardive ............. 17
General introduction: the Sasanian empire in the interconnected world of Late Antiquity
Samra Azarnouche, Présentation du dossier Les Sassanides en conflit : géopolitique de l’empire perse tardo-antique ............ 30

Hervé Inglebert, La place de l’empire sassanide dans les débats sur l’Antiquité tardive .................................................... 43
What place for the Sasanian Empire in the debates about Late Antiquity?

1 – Les Sassanides et Rome : rhétorique du pouvoir –


Peter Edwell, Persicus (Maximus) and Parthicus (Maximus): cognomina devictarum gentium and Rome’s wars with Persia
in the third Century AD ............................................................................................................................................... 57
Persicus (Maximus) et Parthicus (Maximus) : cognomina devictarum gentium et les guerres entre Rome et la
Perse au iiie s. de notre ère
Muriel Debié, À la cour et aux frontières : les négociations de paix civiles et ecclésiastiques entre les empires romain
et sassanide ....................................................................................................................................................... 67
At the court and the borders: civic and ecclesiastical peace negociations between the Roman and the Sasanian empires
Robert Rollinger, Josef Wiesehöfer, “...who roamed over the isles of the western sea”: ancient Near Eastern language
of power in Late Antique discourse on empire ........................................................................................................ 79
« ...qui errait dans les îles de la mer Occidentale » : le langage du pouvoir au Proche-Orient ancien dans le discours
tardoantique sur l’empire

2 – Dialectique des marges et du Centre : contrôle et influence sur les frontières septentrionales –
Frantz Grenet, Les Sassanides en Asie Centrale .......................................................................................................................... 89
The Sasanian expansion in Central Asia
Eberhard W. Sauer, Jebrael Nokandeh, Hamid Omrani Rekavandi, Evolution of the Sasanian defences of the
Gorgan Plain .................................................................................................................................................................. 103
Évolution des défenses sassanides de la plaine de Gorgan
Nuria Olaya Montero (edited by Agustí Alemany), Sources on the northern borders of the Sasanian Empire: a survey ... 119
Aperçu des sources sur les frontières septentrionales de l’Empire sassanide
Nicolas Preud’homme, L’Ibérie du Caucase à l’heure sassanide .............................................................................................. 137
Caucasian Iberia under the Sasanian aegis

3 – La guerre : de la théorie à la pratique –


Touraj Daryaee, Ardashir the Argbed: Sasanian economic resources and finances in the third century CE ................... 151
Ardashīr l’argbed : les ressources économiques et financières au iiie siècle
Nikolaus Schindel, Sasanian coins and the military .................................................................................................................... 161
Le monnayage sassanide et l’armée
Mehdi Berriah, Maxime Petitjean, La théorie militaire sassanide : regards croisés ............................................................ 181
Sasanian military theory: crossed views
Alberto Bernard, Nom, renom et revers d’un général © sassanide
BREPOLS PUBLISHERS: pour une prosopographie d’Ādurmāhān (vie siècle de
notre ère) ...............................................................................................................................................................................
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201
Name, fame and fall of a Sasanian IT MAY NOT general: a prosopographic
BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION study ofOFĀdurmāhān
THE PUBLISHER. (6th c. AD)
6 An Tard , 30 , 2022

Varia

Sergio Brillante, Rufio Festo Avienio e Marciano di Eraclea. Metodologia e pratica della geografia in età tardo-antica
fra Occidente e Oriente ................................................................................................................................................. 217
Rufio Festo Avienio and Marciano di Eraclea. Methods and practice of geography in Late Antiquity from West to East
Guillaume Sartor, Défendre « l’Empire du Couchant » par « l’alliance avec les barbares ». Foedera et foederati au temps
d’Aetius (425-454) : pour une relecture de la diplomatie et de la stratégie du patrice Aetius en Occident. 225
Première partie : Les aspects diplomatiques .............................................................................................................
Defending “the Empire of the West” by an alliance with the Barbarians. Foedera and foederati in the time of Aetius
(425-454): re-reading the Patrician Aetius’ diplomacy and strategy in the West. Part 1: The diplomatic aspects
Álvaro Ibáñez Chacón, La epístola De Rebus in Oriente mirabilibus: un falso tardoantiguo .................................................... 247
De rebus in Oriente mirabilibus: a false Late Antique epistle

Chronique & historiographie

Roland Steinacher, Der Stand der forschung sum Vandalisch-Alanischen Afrika nach „Il secolo dei Vandali“ ............. 261
L’état de la recherche sur l’Afrique vandalo-alaine d’après Il secolo dei Vandali
Marco Alviz Fernández, Propuesta metodológico-historiográfica para una investigación integral de la figura del θεῖος
ἀνήρ pagano en la Antigüedad Tardía ........................................................................................................................ 279
Methodological and historiographical proposal for comprehensive research on the figure of the pagan θεῖος ἀνήρ in
Late Antiquity

Bulletin critique

Archéologie et histoire de l’art de l’Antiquité tardive


T. Ó Carragáin, Churches in the Irish Landscape AD 400-1100 (C. Gensbeitel) ; J. C. Cubas díaz, Das Sepulkralwesen im
Rauen Kilikien am Ende der Antike (J.-C. Balty) ; D. bianChi, A Shrine to Moses. A reappraisal of the Mount Nebo Monastic
Complex between Byzantium and Islam (J. Patrich) ; M. giannoulis, M. löx, A. oepen (Hrsg.), Imaginum orbis. Bilderwelten
zwischen Spätantike und Byzanz (B. Kiilerich) ; A. liChtenberger, R. raja (dir.), Environmental Studies, Remote Sensing, and
Modelling ; A. liChtenberger, R. raja (dir.), Metal Finds and Coins (L. Blanke) ; S. nagel, Die figürlich gravierten Gläser der
Spätantike (E. M. Stern) ; A. ranaldi (a cura di), La cappella di Sant’Aquilino in San Lorenzo Maggiore a Milano (V. Sala) ;
R. Warland, Allegorese in Byzanz. Die Weisheit Salomons und die Anfänge der biblisch-allegorischenBildkunst in Konstanti-
nopel (J.-P. Caillet) ................................................................................................................................................................................ 287

Histoire de l’Antiquité tardive


C. ando, M. Formisano (dir.), The New Late Antiquity. A Gallery of Intellectual Portraits (A. Cameron) ; K. berthelot (dir.),
Reconsidering Roman Power. Roman, Greek, Jewish and Christian perceptions and reactions (S. Stern) ; B. Cabouret, La société
de l’Empire romain d’Orient ive-vie siècle (A. Laniado) ; B. Caseau Chevallier, E. neri (dir.), Rituels religieux et sensorialité
(Antiquité et Moyen Âge) : parcours de recherche (G. Frank) ; M. Kruse, The Politics of Roman Memory. From the Fall of the
Western Empire to the Age of Justinian (U. Roberto) ; F. K. maier, Palastrevolution. Der Weg zum hauptstädtischen Kaisertum
im Römischen Reich des vierten Jahrhunderts (S. Destephen) ; M. moser, Emperor and Senators in the Reign of Constantius II.
Maintaining Imperial Rule Between Rome and Constantinople in the Fourth century AD (S. Destephen) ; G. pFund, Von Picus
bis Licinius. Historischer Kommentar zu den Chronica urbis Romae im Chronographen von 354 (B. Bleckmann) ; T. raum,
Szenen eines Überlebenskampfes. Akteure und Handlungsspielräume im Imperium Romanum 610-630 (S. Destephen) ;
F. reduzzi merola, Lo schiavo a Roma. Strumento di lavoro e persona (P. Jaillette) ; D. vera, Fisco, annona, mercato. Studi
sul tardo impero romano (C. Raynaud) ; C. Whately, Procopius on Soldiers and Military Institutions in the Sixth-Century
Roman Empire (M. Emion) ; R. WiśnieWski, Christian Divination in Late Antiquity (J. N. Bremmer) ...................................... 303
Régions
F. bigi, i. tantillo (dir.), Senatori romani del Pretorio di Gortina. Le statue di Asclepiodotus e la politica di Graziano dopo
Adrianopoli (M. Kovacs) ; B. Fort, a. hostein, s. janniard, m. KasprzyK (dir.), La présence de l’État dans l’Est de la Gaule
durant l’Antiquité tardive (250-450 ap. J.-C.) (S. Esmonde Cleary) ; J.-L. Fournet, The Rise of Coptic: Egyptian versus Greek
in Late Antiquity (A. Papaconstantinou) ; N. häChler, b. näF, p.-a. sChWarz, Mauern gegen Migration? Spätrömische
Strategie, der Hochrhein-Limes und die Fortifikationen der Provinz Maxima Sequanorum (A. Bayard) ; Y. le boheC, L’armée
romaine d’Afrique sous le Bas-Empire (M.-A. Nsiri) ; B. näF, C. Kraemer, Eremit im frühen Mittelalter. Amatus von Grenoble,
Saint Maurice d’Agaune, Luxeuil und Remiremont (ca. 570 - ca. 629) (L. Ripart) ; L. ripart, Les déserts de l’Occident. Genèse
des lieux monastiques dans le sud-est de la Gaule (fin ive-milieu vie siècle) (A. Rauwel) ; M. R. salzman, The Falls of Rome.
Crises, Resilience, and Resurgence in Late Antiquity (F. Oppedisano) ......................................................................................... 333

Philologie et sources
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B. bleCKmann, Die letzte Generation der THIS
griechischen Geschichtsschreiber (L. Mecella) ; D. Feissel, Études d’épigraphie et
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d’histoire des premiers siècles de Byzance (S.BEMitchell)
IT MAY NOT ; F.WITHOUT
DISTRIBUTED garambois -vasquez
PERMISSION OF, THE
Natura delectat. Ars et Natura dans la
PUBLISHER.
A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 7

création poétique d’Ausone (L.-N. André) ; B. Kollmann, W. deuse, Die Schrift des Alexander Monachus über die Kreuzauf-
findung (De inventione sanctae crucis) (J. W. Drijvers) ; maCrobe, Saturnales, tome II : Livres II et III. Texte établi,
traduit et commenté par B. goldlust (D. Briquel) ; I. van rensWoude, The Rhetoric of Free Speech in Late Antiquity and
the Early Middle Ages (C. Tignolet) ................................................................................................................................................. 351

Comité de rédaction de la Revue et Conseil d’administration de l’Association pour l’Antiquité tardive ............................................. 2
Principales abréviations de la Revue ..................................................................................................................................................... 4
Publications reçues en 2022 .......................................................................................................................................................................................... 361
Instructions aux auteurs ....................................................................................................................................................................... 363
Recommendations to authors ....................................................................................................................................................................................... 364
Volumes de la Bibliothèque de l’Antiquité Tardive ............................................................................................................................... 365

• Couverture : Camée en sardonyx représentant la victoire de Shapur Ier sur l’empereur romain Valérien, iiie siècle (Paris, BnF,
département des Monnaies, Médailles et Antiques, inv. 1893 ; source : https://gallica.bnf.fr/).

© 2022 Brepols Publishers n.v., Turnhout, Belgium


All rights reserved. No part of this publication may be reproduced,
stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means,
electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise,
without the prior permission of the publisher.
D/2022/0095/325
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ÉDITORIAL

Ce numéro de Antiquité tardive : revue internationale d’histoire et d’archéologie (ive-viiie siècles) est
le trentième. En 2002, le numéro 10 avait permis à Noël Duval de faire le bilan de l’aventure éditoriale.
Le numéro 20 ne proposa pas une telle mise au point que le numéro 30 a décidé d’offrir. Le cadre
formel de la revue comporte quatre rubriques – voire cinq si l’on compte, comme le faisait Noël Duval,
les nécrologies qu’il désirait être « plutôt des bilans historiographiques que de simples réactions
émotionnelles au décès de spécialistes amis » : le dossier thématique, les Varia, la partie Chronique et
historiographie et le bulletin critique. Il semble que cette architecture donne satisfaction aux lecteurs,
et la revue prévoit donc de conserver et de renforcer ce qui fait son originalité : son pluralisme linguis-
tique, la prise en compte des aspects matériels (archéologie et histoire de l’art) à côté de l’apport
des textes, la complémentarité entre les dossiers thématiques et la présence des autres rubriques
permettant des mises au point sur les savoirs, les méthodologies et les problématiques. L’objectif reste
celui d’une histoire totale de l’Antiquité tardive.
Sur le fond, on développera ici une réflexion à partir d’une comparaison avec les autres revues
également consacrées à l’Antiquité tardive. La première revue sur l’Antiquité tardive, qui existe
depuis 1977, fut Koinônia, la revue de l’Associazione di Studi Tardoantichi fondée en 1975 pour concré-
tiser une synthèse entre la tradition italienne du Tardoantico et les apports nouveaux de l’ouvrage de
Peter Brown, The World of Late Antiquity (1971). Dans le contexte italien, il s’agissait alors d’affirmer la
spécificité du Tardoantico face à l’alto Medioevo illustré par les Settimane di Spoleto. Les particularités de
Koinônia, jusqu’à ce jour, sont d’analyser l’espace romain du iie au viiie siècle, principalement à partir
des sources textuelles littéraires et juridiques, et d’accueillir des articles essentiellement écrits en
italien. Le projet de la revue Antiquité tardive, fondée à l’initiative de Noël Duval et de plusieurs autres
collègues français et européens, était différent sur quatre points : la spatialité, puisqu’elle se proposait
d’étudier le monde romain et post-romain méditerranéen et européen ; la temporalité, qui allait de
Dioclétien à Charlemagne (de 285 à 814) ; les sources, l’archéologie étant autant privilégiée que les
textes ; le caractère polyglotte – elle continue de publier dans cinq grandes langues européennes :
allemand, anglais, espagnol, français et italien. Sa perspective combinant l’Antiquité tardive méditer-
ranéenne et le haut Moyen Âge européen était proche des conceptions d’Aloïs Riegl. La collection
Bibliothèque de l’Antiquité tardive, fondée en 1999, reprit les mêmes cadres, en les élargissant par des
prolongements spatiaux et temporels en lien avec les christianismes du Caucase. On peut rapprocher
de ce projet la revue croate Hortus Artium Medievalium consacrée à l’histoire de l’art européen de l’Anti-
quité tardive et du Moyen Âge, publiée depuis 1995. À partir de 2003, la revue – puis à partir de 2013 la
collection – Late Antique Archaeology visa à décrire la société méditerranéenne de Dioclétien à la moitié
du viie siècle. En 2008, le Journal of Late Antiquity publié par l’université John Hopkins de Baltimore s’est
défini comme le lieu d’accueil d’une Late Antiquity dont les frontières spatiales (de l’Atlantique à l’Asie
centrale) et chronologiques (les années 250-800) reprenaient celles d’une tradition anglo-saxonne
apparue à la fin des années 1980 et qui avait trouvé sa forme définitive en 1999, avec la publication
à Princeton de l’ouvrage Late Antiquity. A Guide to the Postclassical World. Les autres particularités du
© BREPOLS PUBLISHERS
Journal of Late Antiquity étaientTHISsa dimension strictement anglophone et son ouverture théorique aux
DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR PRIVATE USE ONLY.
diverses sources et langues deNOT
IT MAY cette Large & WITHOUT
BE DISTRIBUTED Long Late Antiquity.
PERMISSION OF THEUne autre revue états-unienne est
PUBLISHER.
10 ÉDITORIAL AnTard , 30, 2022

Studies in Late Antiquity, fondée en 2017 par l’université de Californie, qui reprend une périodisation un
peu différente de la précédente (150-750), mais qui l’étend à tout l’espace de l’Ancien Monde, affirmant
vouloir étudier une Global Late Antiquity. Elle est également uniquement anglophone et présente la
particularité d’être une revue en ligne. Enfin, une dernière revue à été créée en 2020, Occidente/Oriente :
rivista internazionale di studi tardoantichi, qui définit l’Antiquité tardive par l’espace romain et post-
romain depuis le iiie siècle jusqu’à la fin du viie siècle, insistant donc sur la période 200-700.
Si les périodisations retenues ne diffèrent pas trop, malgré des variations d’un siècle en amont ou
en aval des années 284-700 selon les cas, ces revues se distinguent en revanche explicitement par leur
définition de la spatialité de l’Antiquité tardive, selon quatre propositions : l’espace romain (Koinônion,
Late Antique Archaeology, Occidente/Oriente) ; un espace méditerranéo-européen (Antiquité tardive et Hortus
Artium Medievalium) avec ses marges caucasiennes (Bibliothèque de l’Antiquité tardive) ; un espace romano-
sassanido-omeyyade (Journal of Late Antiquity) ; un espace eufrasiatique – Europe, Afrique, Asie (Studies
in Late Antiquity). On remarque que, sauf dans le cas de Occidente/Oriente, l’espace étudié est allé croissant
de 1977 à 2017. Ceci peut témoigner d’une prise de conscience de l’importance de la spatialité ou de
certaines thématiques, mais aussi de l’influence d’un esprit du temps marqué par les évolutions historio-
graphiques contemporaines structurées depuis un demi-siècle par les modèles de la World History et de la
Global History. Cette diversité des espaces géographiques et le problème de leur pertinence quand on les
applique à l’Antiquité tardive posent des questions épistémologiques majeures, que l’on peut aborder de
manière théorique – ce que j’espère faire plus tard – ou de manière concrète.
C’est cette dernière approche qui a été retenue dans ce numéro anniversaire, en choisissant une
centralité sassanide, et je remercie très chaleureusement les responsables du dossier, Philip Huize et
Samra Azarnouche, d’avoir accepté de collaborer avec nous. Il s’agit donc ici de réfléchir sur la place
accordée aux Sassanides dans la revue Antiquité tardive (ce dont il est question dans l’éditorial), dans
l’historiographie de l’Antiquité tardive (grâce aux articles introductifs du dossier) et enfin dans les
réalités tardoantiques (par le biais des articles thématiques du dossier).
L’analyse des numéros précédents de la revue ainsi que celle des volumes de la Bibliothèque de
l’Antiquité tardive permet de constater que, jusqu’ici, les aspects sassanides n’ont été que très peu
analysés, ce qui est également le cas dans les autres revues citées plus haut. Ceci s’explique par
l’héritage des fondateurs d’Antiquité tardive, qu’il convient de réactualiser en fonction des orienta-
tions plus récentes de la recherche. Cela ne signifie cependant pas que la revue considère comme
une évidence cette présence sassanide, ni dans le périmètre scientifique d’Antiquité tardive, ni dans
le champ de l’Antiquité tardive. Pour ce qui est de la revue, il est logique d’intégrer régulièrement à
l’avenir dans les dossiers les aspects syriaques, présents aussi bien dans le monde méditerranéen que
mésopotamien, et de tenter de le faire pour les aspects sassanides. Mais cela ne signifie pas que cela
sera systématique ; en effet, dans le cas de certains thèmes portant sur des régions occidentales ou
septentrionales, cela n’aurait pas forcément de sens : la spatialité ne doit pas devenir le lit de Procuste
des thématiques ni des problématiques.
Quant à la place de l’empire sassanide dans l’Antiquité tardive, le choix de la thématique du dossier
– « Les Sassanides en conflit : géopolitique de l’empire perse tardo-antique » – permet de poser le
problème mais non de le supposer résolu, car l’inclusion des Sassanides dans le monde tardoantique
pose deux questions essentielles : celle de l’extension spatiale de cette insertion et celle de la perspective
adoptée. Il s’agit d’abord de savoir quelle partie de l’espace sassanide peut être intégrée dans l’espace
tardoantique alors que plusieurs réponses sont possibles : la partie occidentale (Mésopotamie et Fars) ;
la totalité de l’empire sassanide dans ses frontières réduites, de l’Euphrate à Merv ; l’empire sassanide
incluant les marges orientales qu’il n’a pas continuellement contrôlées ; ou enfin un espace englobant les
régions qui restèrent au-delà des frontières sassanides mais qui étaient culturellement iraniennes et qui
furent ensuite conquises par les armées musulmanes (Sogdiane, Khwarezm). On doit ensuite s’interroger
sur la perspective retenue, puisqu’on oppose désormais une approche « occidentaliste » de l’Antiquité
tardive, liée à ses origines européennes, de Riegl à Brown, à une approche « orientaliste » de l’Antiquité
tardive, défendue par les iranologues, sans que pour l’instant une synthèse ne soit réalisée. Or, sans une
réponse claire à ces deux questions, il y a de la naïveté à supposer a priori que l’empire sassanide a sa place
dans le monde de l’Antiquité tardive. En effet, il ne s’agit pas là d’un postulat, mais d’une hypothèse, certes
intéressante et assurément enrichissante, mais qu’il convient de tester pour tenter de la démontrer, et
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non d’accepter comme une évidence. Le dossier de ce numéro 30 d’Antiquité tardive est un de ces tests
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possibles, et nous espérons que sa NOT
IT MAY variété géographique
BE DISTRIBUTED WITHOUTet thématique
PERMISSION contribuera aux débats.
OF THE PUBLISHER.
A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 EDITORIAL – 11

Les Varia viennent compléter et équilibrer les articles du dossier car s’ils concernent également
des espaces – ici mentaux – très larges, ils abordent des textes qui exposent des points de vue romains.
Dans « Rufio Festo Avienio e Marciano di Eraclea », Sergio Brillante étudie les modalités d’expression
en latin et en grec des savoirs géographiques et l’originalité des auteurs tardoantiques face à la
tradition reçue. Dans « Défendre “l’Empire du Couchant” par “l’alliance avec les barbares”. Foedera et
foederati au temps d’Aetius (425-454) : pour une relecture de la diplomatie et de la stratégie du patrice
Aetius en Occident », Guillaume Sartor décrit minutieusement les relations diplomatiques entre Aetius
et les soldats fédérés, principalement les Huns, les Francs et les Goths, montrant combien l’adaptation
aux circonstances permit au patrice de parvenir à trouver de nouveaux équilibres pour préserver
l’Empire en Occident. Enfin, dans « La epístola De rebus in Oriente mirabilibus: un falso tardoantiguo »,
Álvaro Ibáñez Chacón argumente pour montrer que ce texte est vraisemblablement une production
rhétorique tardoantique ensuite mutilée par la tradition manuscrite, offrant ainsi l’image d’un Orient
bien différent des réalités iraniennes abordées dans le dossier.
La rubrique Chronique et historiographie aborde deux thèmes classiques. Dans « Der Stand der Forschung
zum vandalisch-alanischen Afrika nach Umberto Robertos “Il secolo dei Vandali” », Roland Steinacher
fait le point sur les Vandales et sur l’Afrique après la parution d’un ouvrage italien d’Umberto Roberto,
qui vient s’ajouter à une série d’autres publications récentes ; néanmoins, les problèmes en suspens
restent nombreux, car ni les textes catholiques, ni l’archéologie n’apportent d’éléments décisifs pour
comprendre le point de vue des Vandales et des Alains. Dans « Propuesta metodológico-historiográfica
para una investigación integral de la figura del θεῖος ἀνήρ pagano en la Antigüedad Tardía », Marco Alviz
Fernández analyse l’historiographie d’un concept qui fut central dans les discussions sur la définition de
l’Antiquité tardive et propose de nouvelles voies de recherche afin de pouvoir mieux appréhender ces
personnages si singuliers qui cohabitèrent avec les holy men chrétiens.
Le bulletin critique est encore fort imposant cette année et affirme plus que jamais son caractère
cosmopolite. En effet, l’ambition initiale de la revue de confier le compte rendu d’un ouvrage à un
recenseur d’une autre langue ou d’une autre nationalité, abandonnée lors du bilan de 2002, a presque
été réalisée grâce à Sylvain Destephen. Qu’il en soit remercié, ainsi que tous les collègues qui, par leurs
contributions, participent à la qualité de la revue Antiquité tardive.
Enfin, dans la collection de la Bibliothèque de l’Antiquité tardive, le volume de Marc Bouiron,
Stéphane de Byzance. Les Ethniques comme source historique. L’exemple de l’Europe Occidentale, a été publié en
2022. En 2023, viendront l’ouvrage de Gaëlle Herbert de la Portbarré-Viard, Naissance du discours sur les
édifices chrétiens dans la littérature latine occidentale d’Ambroise de Milan à Grégoire de Tours, et les Actes de la
Journée à la mémoire de Noël Duval, collectés par François Baratte.

Hervé Inglebert

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IN MEMORIAM

Haut-Empire romain. Il a cependant traité quelques aspects


des siècles ultérieurs et, dans le cadre de la revue Antiquité
tardive, on insistera sur trois aspects de sa production. Le
premier est que Veyne fut un des passeurs de Peter Brown,
qu’il aida à faire connaître en France avec Henri-Irénée
Paul Veyne Marrou, dont l’épouse avait traduit Augustin of Hippo. A
(1930-2022) Biography (1967) en français en 1971, et Aline Rousselle.
Il rédigea en 1983 la préface de Genèse de l’Antiquité tardive
(traduction de The Making of Late Antiquity, 1978), dans
laquelle il créditait Brown d’expliciter les réalités passées
en décrivant leur originalité imprévisible au sein de leur
contexte et non de vouloir les expliquer par des causes
antérieures (comme les historiens traditionnels) ou
Il n’est pas besoin ici de rappeler la carrière de Paul extérieures (comme les marxistes). Veyne rapprochait ainsi
Veyne, entre École normale supérieure de la rue d’Ulm, Brown de Foucault et de lui-même en une triade critique
agrégation de grammaire, École française de Rome, dont l’unité reposait sur une commune utilisation du terme
Université d’Aix-Marseille et Collège de France. De même, de style pour désigner la manière à la fois spécifique et
on peut se contenter d’évoquer rapidement les diverses arbitraire de caractériser certains aspects d’une époque.
facettes de ses intérêts multiples : l’étude du passé antique Veyne fit ensuite appel à Brown pour rédiger la partie sur
– l’évergétisme (Le pain et le cirque. Sociologie historique d’un l’Antiquité tardive – lui-même traitant le Haut-Empire –
pluralisme politique, 1976), les mythes (Les Grecs ont-ils cru dans l’Histoire de la vie privée, publiée en 1988 sous la direction
à leurs mythes. Essai sur l’imagination constituante, 1983), la générale de Philippe Ariès et Georges Duby, dont le volume 1,
société (La société romaine, 2e édition, 2001) –, la littérature De l’Empire romain à l’an mil, était sous sa responsabilité.
latine (L’Élégie érotique romaine. L’amour, la poésie et l’Occident, Le deuxième aspect de l’œuvre de Veyne qui nous
1983 ; sa traduction de l’Énéide en 2016), la poésie contem- intéresse ici sont ses études sur plusieurs thématiques
poraine (René Char en ses poèmes, 1990) et l’iconographie, tardoantiques. On citera d’abord certains des longs
depuis celle de Palmyre jusqu’à l’art italien (Mon musée chapitres de L’Empire gréco-romain (2005). Outre ceux qui
imaginaire, ou les chefs-d’œuvre de la peinture italienne, 2008), concernent toute l’époque impériale, comme « Qu’était-ce
auxquels on peut ajouter la connaissance du provençal, qu’un empereur romain ? » (p. 15-78) et « L’identité
langue de ses grands-parents, qui lui permettait de lire grecque contre et avec Rome : “collaboration” et vocation
dans le texte les troubadours et Mistral. Dans le domaine supérieure » (p. 163-257), ou le iiie siècle – dont l’apparte-
des sciences humaines et sociales, la culture générale est nance à l’Antiquité tardive reste discutée – avec « Palmyre
un des fondements principaux de l’intelligence, et chez et Zénobie entre l’Orient, la Grèce et Rome » (p. 259-344),
Veyne, l’une et l’autre étaient supérieures. De plus, il faut on retiendra surtout « Païens et charité chrétienne devant
rappeler son immense talent pédagogique d’enseignant et les gladiateurs » (p. 545-631), « Passion, perfection et âme
de conteur-écrivain qui apportait la clarté aux historiens matérielle dans l’utopie stoïcienne et chez saint Augustin »
ou aux étudiants et l’enchantement au grand public. (p. 683-712), « La prise de Rome en 410 et les Grandes
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Paul Veyne a principalement travaillé sur l’Antiquité Invasions » (p. 713-747) et « Pourquoi l’art gréco-romain a
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classique, en privilégiant les temps hellénistiques
IT MAY et WITHOUT
NOT BE DISTRIBUTED du t-il pris fin
PERMISSION » (p.
OF THE 749-865). L’intérêt de Veyne pour les ive et
PUBLISHER.
14 IN MEMORIAM – PAUL VEYNE (1930-2022) AnTard , 30, 2022

ve siècles date d’après 1980 et est sans doute à mettre en des relations qu’il entretenait alors avec ses enseignants
rapport avec les travaux du dernier Foucault sur « le souci et condisciples, très souvent communistes, Veyne ne
de soi » et de Brown sur l’Antiquité tardive. Toutefois, il parvenait guère à s’expliquer comment lui, si cultivé et si
aborda ces siècles non en historien des idées ou à partir profondément incroyant, avait pu rejoindre pour un temps
d’un modèle anthropologique, mais comme philologue une organisation qu’il jugeait sectaire et où il ne fut jamais
et historien classique. L’Antiquité tardive était pour lui à un militant actif. Il en garda une profonde méfiance envers
la fois le prolongement de l’Antiquité gréco-romaine – il tout système explicatif de l’histoire, ce qui eut plusieurs
constatait des continuités structurelles pluriséculaires conséquences dans sa pratique d’historien. D’abord, Veyne
dans la conception du pouvoir impérial d’Auguste au analysa toujours des dossiers thématiques précis, refusant
ve siècle ou dans les relations entre Grecs et Romains de la non seulement les causalités générales, mais également
fin de l’époque hellénistique à Justinien – et un moment les synthèses épocales ; dans les quinze pages qu’il écrivit
de nouveautés imprévisibles comme la fin du stoïcisme, sur Brown en 1983, Veyne cite tous ses ouvrages sauf The
de la gladiature, de l’empire romain en Occident (pour World of Late Antiquity. Il est vrai qu’une telle approche est
des raisons essentiellement militaires) ou de l’art antique. favorisée par l’existence parcellaire des sources antiques,
Sur ce point, en privilégiant une périodisation impériale et que d’autres historiens de l’Antiquité tardive, comme
globale, il peut être rapproché de Claude Lepelley à propos Jean-Pierre Callu, étaient également sceptiques sur la possi-
des cités africaines ou de Chris Wickham commençant bilité de pouvoir réaliser une synthèse ; c’est là un débat
son étude de la fiscalité après 400. Ceci est différent à ancien, et toujours irrésolu, qui persiste depuis la création
la fois du Tardoantico italien et de la Long Late Antiquity de la Revue de synthèse en 1900 par Henri Berr. Ensuite,
des Américains. Certes, concevoir une Antiquité tardive Veyne accueillit avec enthousiasme ceux qui pouvaient
brève, celle des ive et ve siècles, comme un prolongement renforcer sa perspective critique envers l’idée de l’histoire
novateur de l’Antiquité classique, mais aussi comme la fin comme science et envers les idéologies : d’abord, Michel
de celle-ci, peut sembler traditionnel et s’inscrire dans une Foucault, dans le supplément de 1978 « Foucault révolu-
perspective « Bas-Empire ». Mais Veyne se distinguait à la tionne l’histoire » à la réédition de Comment on écrit l’histoire :
fois de ceux qui insistaient sur le déclin et la disparition essai d’épistémologie (Seuil, 1971) et ensuite Peter Brown, dans
des aspects romains – car il insistait sur les nouveautés qui sa préface de 1983 à Genèse de l’Antiquité tardive, où il conteste
les provoquaient et qu’il comprenait comme des adapta- « la principale de nos idoles, l’explication historique » pour
tions créatives – et de ceux qui proposèrent une Long Late faire l’éloge – à côté de la mise en intrigue du récit historien
Antiquity, car il doutait de l’existence des époques ; pour lui, (à la suite de Paul Ricoeur) – de l’explicitation brownienne
continuités ou innovations n’étaient que sectorielles et leur comme compréhension du style d’un domaine particulier
somme ne pouvait définir un Zeitgeist. Le deuxième dossier au sein d’un temps donné. Enfin, Veyne voulut être un
tardoantique de Veyne est celui de son ouvrage Quand penseur de sa discipline. Plus encore que dans son Comment
notre monde est devenu chrétien (312-394) publié en 2007. Cet on écrit l’histoire : essai d’épistémologie (1971), c’est dans sa
agnostique y défendait l’idée d’un monde antique devenu leçon inaugurale au Collège de France (L’inventaire des diffé-
chrétien par un accident historique, un choix personnel rences, 1976) et surtout dans son ouvrage Michel Foucault.
de Constantin provoquant, par sa dimension impériale, un Sa pensée, sa personne (2008), que tout historien devrait lire
bouleversement religieux et civilisationnel. L’ouvrage eut pour comprendre comment mieux penser ce qu’il fait, qu’il
un réel succès auprès du grand public, mais ne convainquit développe la possibilité d’un nominalisme sceptique visant
pas vraiment les spécialistes. Par probité et par curiosité, à prendre au sérieux le singulier des réalités passées.
Paul Veyne voulait écrire à chaque fois des articles ou des On peut ne pas être toujours d’accord avec Paul Veyne
ouvrages différents, ce qui l’amenait à toujours vouloir lorsqu’il traite certains thèmes ou quand, par prudence
explorer des territoires nouveaux, dans un constant effort anti-idéologique et par une définition de l’histoire comme
de mise à jour historiographique et bibliographique ; le étant un roman vrai, il rejette toute possibilité de synthèse
résultat fut parfois insatisfaisant. ou d’explication causale au nom de la créativité du présent
Ce constat des nombreuses réussites de Veyne, aussi bien ou des accidents imprévisibles au sein d’un devenir
que de ses rares limites, amène au troisième aspect, celui hasardeux. Mais sa proposition de comprendre l’histoire
épistémologique, d’un historien qui voulut réfléchir sur ce impériale gréco-romaine comme un tout, et par conséquent
qu’il faisait. Ceci est en grande partie lié à l’événement que sa définition de l’Antiquité tardive comme le temps, relati-
Veyne avait le plus de difficultés à comprendre a posteriori vement bref, des changements, mutations et innovations
dans sa biographie, le fait qu’il fut durant quelques années fondant un monde nouveau mais distinct de ce dernier,
adhérent du Parti Communiste Français, qu’il quitta en 1956 restent des défis réels, car fondés sur une érudition précise
après l’écrasement de l’insurrection de Budapest par les et une rare intelligence, pour ceux qui réfléchissent sur la
troupes du Pacte de Varsovie. Même en tenant compte de nature de l’Antiquité tardive.
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son rejet viscéral de l’antisémitisme hitlérien, du prestige
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de l’Union soviétique après sa victoire surNOTleBEnazisme
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DISTRIBUTED Hervé Inglebert
AnTard , 30, 2022, p . 181-199
DOI 10.1484/J.AT.5.132660

LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS*

mehdi berriah, maxime PetitJean

Sasanian military theory: crossed views

Sasanian military theory has not been studied in depth since C. A. Inostrancev’s paper, published in 1926, which proposed
a translation of the Persian Ēwēn-nāmag cited by Ibn Qutayba in the ‘Uyūn al-aḫbār. This article offers a reassessment of
this topic and aims to give a wider look at the theoretical sources which were part of the Iranian de re militari literature.
The matters covered by these documents are exposed and compared with the data collected by emperor Maurice about
the Sasanian art of war in the Strategikon (late 6th century). We also take into account the fragments of Persian literature
preserved in many Muslim furūsiyya treatises. Some of these prescriptions attributed to ancient Persian sources are presented
with new translations as an appendix to this article. [Authors]

En 1926, dans une étude sur la théorie militaire justifie pas du point de vue heuristique, car la littérature
sassanide, l’orientaliste russe Constantin A. Inostrancev spéculative offre un complément utile à la compréhension
mettait en lumière plusieurs fragments de littérature de la chose militaire, ce que montre bien l’abondante
moyen-perse, présentant ainsi un point de vue iranien sur utilisation des ouvrages de Végèce et de Maurice par les
des questions qui, jusqu’alors, n’avaient été examinées que spécialistes de l’armée romaine4. Elle ne peut pas non plus
sous l’angle des sources romano-byzantines et arabes1. À se comprendre dans une simple perspective quantitative
travers ces textes théoriques d’une grande richesse, la puisque, comme le soulignait William Hamblin en 1986 :
communauté scientifique découvrait l’existence d’une « Even a cursory examination of the military matters
véritable science militaire sassanide, consacrée à des discussed in various surviving Sassanian sources demon-
domaines aussi divers que la stratégie, la tactique, les strates that they had a well-developed and extensive
stratagèmes, la poliorcétique et l’archerie militaire2. literature on military science, probably equivalent in
Près d’un siècle après la publication de cet article quality and quantity to the military literature of the
pionnier, il est surprenant que peu de commentateurs Byzantines, Hindus and Chinese5. »
se soient saisis de ce corpus3. Ce relatif désintérêt ne se La source du problème réside plutôt dans l’état de
préservation de ces textes. En effet, cette riche tradition
littéraire ne nous est pas parvenue directement, et
il n’est plus possible de connaître ces œuvres sous
* Nous remercions Samra Azarnouche et Geoffrey Greatrex pour leur leur forme originale. Toute tentative d’approfondir
aide précieuse dans la réalisation de ce travail. la question finit nécessairement par se heurter au
1. Inostrancev 1926.
2. Christensen 1944, p. 215-218.
3. Pour une tentative récente, cf. Alofs 2015. L’auteur n’établit pas de
distinction claire entre les données perses et le matériel d’époque
arabe. Son analyse de la documentation sassanide se limite à la PUBLISHERS
© BREPOLS
consultation de l’Āyīn-nāma et néglige une source
THIS de premierMAY
DOCUMENT ordre :
BE PRINTED4.FOR
Pour ne citer
PRIVATE que deux exemples : Rance 2005 ; Janniard 2008.
USE ONLY.
le livre VIII du Dēnkard. 5. HamblinOF1986,
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182 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

cloisonnement académique car, à côté d’une poignée de des savants tels qu’Ibn al-Muqaffaʿ, secrétaire du calife
documents moyen-perses mal datés et d’interprétation al-Manṣūr et grand traducteur de textes pehlevis9.
délicate, il faut aussi tenir compte des textes arabes Nous connaissons ainsi, par des mentions explicites,
d’époque médiévale et des informations disséminées les noms de plusieurs œuvres sassanides directement
dans les sources gréco-latines. Un tel enchevêtrement consacrées aux questions militaires. Trois d’entre elles
de périodes historiques et de langues anciennes a de quoi apparaissent dans le Kitab al-Fihrist du bibliographe
dissuader le chercheur isolé. Elle a néanmoins le mérite arabe Ibn al-Nadīm (xe siècle) :
d’encourager l’aventure pluridisciplinaire dans laquelle Le livre de la règle du tir à l’arc par Bahrām Gūr ou,
nous nous sommes engagés en proposant, de concert dit-on, par Bahrām Cūbīn ; la règle de la pratique du jeu
avec Samra Azarnouche, une traduction commentée de du polo chez les Perses, la mobilisation pour les guerres,
l’Artēštārestān, parue très récemment dans la Revue inter- le dressage des cavaliers et comment les rois de Perse
nationale d’histoire militaire ancienne6. administraient les quatre frontières à l’est, à l’ouest, au
sud et au nord […] ; le livre d’al-Išmīṭī sur l’équitation,
Cet article s’inscrit dans le prolongement de ces la conduite des guerres, la prise des forteresses et villes,
échanges et vise à présenter de manière synthétique les comment tendre une embuscade, l’envoi des espions,
apports de la littérature militaire sassanide, qu’il s’agisse des éclaireurs, des compagnies, et l’établissement des
de manuels d’art militaire, de documents théoriques sur garnisons. Il s’agit d’une traduction de ce qui a été écrit
l’organisation sociale iranienne ou d’écrits juridiques. pour Ardašīr b. Bābak10 (cf. appendice 1).
Il s’appuie sur des textes connus de longue date, mais Certains de ces ouvrages furent certainement utilisés
aussi sur des documents inédits, souvent puisés dans des par les auteurs militaires arabo-musulmans, surtout après
traités de furūsiyya7 disponibles uniquement en langue l’établissement du califat abbasside. Si les premiers traités
arabe, et dont le lecteur trouvera la traduction en arabes ne nous sont pas parvenus, les manuels de furūsiyya
annexe de cet article. Nous excluons volontairement de et d’archerie mameloukes, plus tardifs, s’en inspiraient
notre analyse les sources narratives, qui ont fait l’objet fortement11. Or, ces manuels de guerre consacrent parfois
d’un traitement conséquent dans la plupart des études des développements substantiels aux pratiques des
sur l’armée sassanide et les guerres romano-perses8. anciens Perses ou aux innovations attribuées à tel ou tel
roi sassanide. Il arrive qu’une œuvre ancienne y soit citée
– par exemple la « Nihāyat d’Ardašīr » (cf. appendice 4) –
Tour d’horizon de la documentation mais le plus souvent, les mentions historiques sont
trop allusives pour qu’il soit possible de garantir leur
La transmission de la science militaire iranienne provenance12. De telles anecdotes se retrouvent parfois
aux empires arabo-musulmans a largement contribué dans des ouvrages à portée plus générale (par exemple
à préserver les savoirs dont ils faisaient état. Ces dans la Muqaddima d’Ibn Ḫaldūn qui consacre un chapitre
connaissances ont été léguées aux Arabes par deux à la guerre, dans lequel les pratiques militaires des Perses
canaux : 1. la traduction, la paraphrase ou encore
l’adaptation de textes moyen-perses dans des ouvrages
d’époque arabe (anthologies, encyclopédies, traités
de furūsiyya ou de gouvernement) ; 2. l’adoption de 9. Hamblin 1986, p. 99, n. 2 ; Zakeri 1995, p. 98-164, 291-320 ; al-Sarraf
pratiques militaires perses par les armées arabo-musul- 2004, p. 144-146. Cf. EI2, s.v. « Ibn al-Muḳaffaʿ », vol. 3, p. 883-885.
10. Ibn al-Nadīm, al-Fihrist, p. 436-437.
manes qui ont rapidement intégré des contingents 11. Pour une présentation de ce genre littéraire, cf. al-Sarraf 2004 ;
iraniens dans leurs rangs comme mawālī (« clients ») ou Carayon 2012 ; Zouache 2013 ; Berriah 2017 ; Berriah 2020. Parmi
ḥulafā’ (« alliés »). À cet égard, il convient de souligner les manuscrits préservés, les principaux traités concernés par
d’importants emprunts à la littérature sassanide ont été produit à
l’importance de la révolution abbasside, dont l’une des l’époque du sultanat mamelouk. Il s’agit de l’ouvrage de Muḥammad
conséquences notables fut la promotion d’une intelli- b. ‘Iṣā b. Ismā‘īl al-Ḥanafī al-Aqṣarā’ī (Nihāyat al-su’l wa l-ummiyya fī
gentsia d’extraction iranienne, à laquelle appartenaient ta‘līm a‘mal al-furūsiyya, 1re moitié du xive siècle) et du traité intitulé
Tafrīǧ al-kurūb fī tadbīr al-ḥurūb (fin xive siècle). Voir l’introduction de
notre appendice, p. 192. Sur les traités d’archerie spécifiquement,
cf. al-Sarraf 1989. Les ouvrages mentionnant le plus régulièrement
les précurseurs perses sont ceux de Abū Muḥammad Ǧamāl al-Dīn
ʿAbd Allāh b. Maymūn (xiiie siècle) et Ṭaybuġā al-Ašrafī al-Baklamišī
al-Yūnānī (xive siècle).
6. Azarnouche, Petitjean 2022. 12. Dans certains cas, une parenté de contenu peut suffire à pointer
7. Littéralement, « l’art de la chevalerie », expression à envisager dans l’origine perse d’un passage, sans que la filiation soit explicite. Il
son acception la plus large comme l’ensemble des savoirs et des en va ainsi du chapitre sur les embuscades, qui paraphrase pour
aptitudes nécessaires à la formation du fāris (« cavalier »). Ce genre l’essentiel celui de l’Ēwēn-nāmag sassanide traduit par Ibn al-
s’épanouit dans un premier temps sous les Abbassides, avant de se Muqaffaʿ (on y trouve les mêmes recommandations sur les qualités
développer pleinement durant l’époque mamelouke (1250-1517). des hommes et des montures, la nécessaire proximité d’un cours
8. Shahbazi 1986 ; Overlaet 1993 ; Zakeri 1995 ; Nicolle ©1996 ;
BREPOLS d’eau, le choix d’un emplacement offrant une vue dégagée, la
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Greatrex 1998 ; Dmitriev 2008 ; Howard-Johnston THIS2012 ; Lee 2013
DOCUMENT ; PRINTEDdivision
MAY BE du parti
FOR PRIVATE en deux groupes, l’interdiction de faire du butin) :
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McDonough 2013. comparer OF
IT MAY NOT BE DISTRIBUTED WITHOUT PERMISSION Tantum 1979, p. 199 et Āyīn-nāma A.2.8.
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 183

sont évoquées13), ou dans des écrits polémiques, destinés de raison de supposer que des transferts de ce type ne
à jauger les apports respectifs des civilisations arabes et pouvaient s’opérer en sens inverse20.
persanes (le Kitāb al-bayān wa-l-tabyīn d’al-Ǧāḥiẓ fournit Maintenant que nous avons présenté le corpus de
une liste des techniques et des équipements militaires source sur lequel se fonde cette étude, passons en revue
arabes empruntés aux Sassanides)14. les matières qui étaient abordées par la littérature
En parallèle des écrits sur l’art militaire, il existait militaire sassanide.
une littérature de cour destinée à l’édification de la
noblesse iranienne. Ces textes accordaient une large
place aux questions guerrières, mais aussi aux loisirs Le guerrier (artēštār) dans l’organisation militaire
aristocratiques tels que le polo et plus généralement de l’État sassanide
aux savoirs constitutifs de la culture aristocratique.
Dans son encyclopédie ‘Uyūn al-aḫbār, Ibn Qutayba cite Les textes théoriques en langue pehlevie nous
ainsi des passages entiers d’un « Livre du protocole » renseignent d’abord sur la fonction guerrière dans
(Ēwēn-nāmag, ou Āyīn-nāma en arabe), initialement la société iranienne. L’état guerrier était, on le sait,
rédigé en moyen-perse puis traduit en arabe par Ibn distingué des trois autres états de la société (la classe
al-Muqaffaʿ15. Ces extraits contiennent des informations sacerdotale, la classe des agriculteurs et la classe des
essentielles sur l’ordre de bataille des armées perses, artisans). Il se subdivisait en deux catégories distinctes :
leurs techniques d’embuscade et leurs méthodes de tir les fantassins, qui formaient la classe la moins presti-
à l’arc. Il est important de souligner que certaines de ces gieuse, et les cavaliers, auxquels étaient reconnus
données concordent avec les fragments de littérature des privilèges et dont les membres étaient réguliè-
sassanide préservés dans les textes de furūsiyya16. rement recensés sur une liste officielle21. Selon le Kitāb
Dans un registre plus juridique, le livre VIII du al-tāǧ fī sīrat Ānūširwān (une biographie de Khosrow Ier
Dēnkard contient un résumé de l’Avesta sassanide, rédigée par Ibn al-Muqaffaʿ), la fonction remplie par les
dont une partie entière était consacrée aux activités militaires était si essentielle pour la survie du royaume
guerrières. Ce « code des guerriers » (Artēštārestān), que le roi devait toujours s’assurer de leur soutien en les
faisait partie d’un livre de droit, Duzd-sar-ōzad (ou rétribuant avec largesse. C’est donc à travers l’idéologie
Duzd-sar-nizad), qui traitait de sujets tels que le pillage, sociale zoroastrienne que s’esquisse le premier trait de
le vol, le rachat des fautes commises contre des hommes la pensée stratégique sassanide :
ou des animaux, mais aussi des campagnes militaires, Les soldats sont les ailes du Roi, la barrière protégeant
de la conduite des batailles et de problèmes relatifs à la les marches, la clef ouvrant les forteresses, les
diplomatie. Le résumé figurant dans le Dēnkard prend la défenseurs du pays, les protecteurs du Palais, ceux par
forme d’une table des matières qui ne fournit que très qui les ennemis sont déracinés et mis en fuite. Demande
peu d’informations explicites, mais dont il est parfois leur appui contre tes opposants ; ils les détruiront,
les rendront soumis, empêcheront leurs attaques en
possible d’extraire des données intéressantes17. versant leur sang et en sacrifiant le souffle de leurs
Enfin, il ne faut pas négliger les auteurs romano- âmes. Or, il est juste que celui qui a prodigué ses biens
byzantins, notamment l’empereur Maurice qui, dans son et son sang et ne s’est pas soustrait à l’ordre du Roi ait
Strategikon, consacre un chapitre entier à l’art militaire de quoi vivre. Ô Roi, le courage ne subsiste pas quand
des Sassanides18. Certainement fondé sur le capital de les préoccupations s’accumulent ; quand les soucis
surviennent, les cœurs meurent ; la vigueur surgit avec
connaissances empiriques accumulé au fil du temps par la joie, la joie avec l’aisance et les cadeaux seront pour
l’armée romaine, ces réflexions s’inspiraient peut-être ces mêmes soldats… Ils ont besoin de la bienveillance
aussi de textes règlementaires iraniens, car les échanges du Roi ; ils ont besoin qu’il les oblige par ses cadeaux
culturels entre les deux empires existaient. Agathias afin que leurs cœurs se dilatent, que leurs âmes se
affirme par exemple que Khosrow Ier avait fait traduire réjouissent, que leur armement se perfectionne, que
les prétextes [pour ne pas servir le Roi] diminuent, que
des ouvrages grecs en langue perse19, et il n’y a guère leurs intentions soient pures et que leur amour pour le
Roi soit sincère22.

13. Ibn Ḫaldūn, Muqaddima III, 15. Cf. Abbès 2009.


14. al-Ǧāḥiẓ, Bayān, III, p. 18. Cf. Zakeri 1995, p. 308.
15. Inostrancev 1926 ; Azarnouche, Petitjean 2022, appendice II. 20. En ce sens, Christensen 1944, p. 218.
16. Voir le passage sur les embuscades, supra n. 12. Le développement 21. Škand gumānīg wizār I, 20 (de Menasce 1945, p. 24) ; Lettre de Tansar
sur le tir à l’arc (Āyīn-nāma B.1) trouve aussi des points de (Boyce 1968, p. 37-38). Pour plus d’amples précisions sur ces
comparaison dans les traités d’archerie mamelouke, comme nous questions, cf. Tafazzoli 2000, p. 2-4 et 12-13.
le verrons infra. 22. Kitāb al-tāǧ fī sīrat Ānūširwān (Grignaschi 1966, p. 131-132, avec
17. Azarnouche, Petitjean 2022. modifications). Voir aussi Lettre de Tansar (Boyce 1968, p. 48-89) ;
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18. Maurice, Strat. XI, 1. Mēnōg-ī
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19. Agathias II, 28, 1. moyen OF
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184 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

À travers ce texte extrait du discours que le chef des système d’allocations foncières destinées à permettre
armées (artēštārestārān-sālār) prononçait lors de l’audience aux chevaliers qui n’en n’avaient pas les moyens de
royale qui se tenait à l’occasion de la fête annuelle de financer leur monture et leur équipement militaire32.
Nowrouz, il apparaît que l’armée était perçue comme Des arsenaux royaux étaient tenus à disposition
l’ultime garantie de la stabilité dynastique et de la de l’armée, et placés sous la supervision générale d’un
pérennité de l’Ērānšahr. Pour s’assurer de son soutien, le Ērān-anbaragbed33, sans qu’il soit aisé de savoir si les
souverain devait veiller à ce que les soldats soient dûment équipements qui s’y trouvaient servaient à tous les
rétribués – bien que la nature exacte des versements en soldats : le Dēnkard précise seulement que les bénéficiaires
numéraire évoqués par certaines sources fasse débat23 – et de ce système restituaient leurs armes au Trésor (ganǰ) à
à ce que leur place éminente au sein de la hiérarchie sociale la fin de chaque mobilisation34. De manière plus générale,
ne souffre d’aucune remise en cause. Néanmoins, ce statut toutes les questions de ravitaillement étaient du ressort
privilégié ne devait pas se transformer en passe-droit. du commandant en charge des opérations. La nourriture
Plusieurs témoignages révèlent ainsi un souci de châtier des soldats était répartie en rations journalières par un
sévèrement les mauvais traitements que les militaires système d’intendance complexe, qui se préoccupait aussi
pouvaient être tentés d’infliger aux civils, notamment aux de l’alimentation des animaux, montures de guerre et
paysans qui, du fait de leur condition inférieure, étaient bêtes de somme35. Nous savons grâce au Strategikon que les
exposés à toutes sortes d’extorsions et de violences24. Perses ne faisaient pas paître leurs chevaux librement, à
Naturellement, un bon chef de guerre devait être la manière des pasteurs nomades, mais qu’ils organisaient
attentif aux dispositions physiques et psychologiques de des corvées de fourrage, sans exposer leurs animaux36.
ses soldats25. Dans le monde sassanide, l’ardeur combat- Enfin, les manuels sassanides ne négligeaient pas
tante était étroitement liée aux croyances zoroastriennes. l’entraînement (frahangestān) des soldats. L’Artēštārestān
D’après l’Artēštārestān, la promesse du « Corps Futur » intégrait ainsi des considérations « sur l’entraînement
(la résurrection des morts annonciatrice de la fin des des hommes et des chevaux avant de les envoyer frapper
temps) devait être constamment rappelée aux soldats : l’ennemi »37. Si cette source n’en dit guère plus, nous
elle était la motivation ultime des guerriers iraniens26, la pouvons deviner que l’initiation aux arts équestres et à
récompense à laquelle pouvaient prétendre « ceux qui l’archerie prenait place dans le cadre familial38, avant
sacrifient leur vie » (gyān-abespārān) pour combattre les d’être poursuivie, sous la forme d’exercices individuels
non-Iraniens27. L’impureté constitutive de l’acte homicide et collectifs, dans les grands hippodromes régionaux
étaient d’ailleurs totalement effacée par l’assimilation (asprēs) qui servaient aussi de lieux de rassemblement
des ennemis à des prédateurs nuisibles28, que les dieux pour les inspections militaires39. Sous la supervision d’un
commandaient d’exterminer29. instructeur (frahangbed), le cavalier sassanide apprenait
Bien que les procédures de recrutement ne soient pas à diriger sa monture, à manier les armes (l’arc, la lance,
décrites en détail par les sources dont nous disposons, il l’épée, la masse, la hache), et à manœuvrer en escadron. Les
ne fait aucun doute que les cavaliers (aswārān) étaient tournois organisés dans ces mêmes arènes permettaient
sélectionnés dans les classes supérieures de la société de repérer et de récompenser les meilleurs combattants40.
sassanide avec, semble-t-il, une ouverture à la petite Un texte d’époque islamique, al-Furūsiyya wa-l-manāṣib
aristocratie foncière (les dehqānān) amorcée sous le al-ḥarbiyya (cf. appendice 2), apporte quelques indica-
règne de Khosrow Ier30. Le Livre des mille jugements, une tions sur le contenu de ces compétitions :
compilation juridique sassanide de la première moitié Kisrā Anūširwān s’asseyait sous le dais de l’hippodrome
du viie siècle, mentionne une « liste des cavaliers » (maydān) et les cavaliers sortaient et s’entre-
(aswār-nibēg) qui dressait l’inventaire de ces combattants pourchassaient devant lui. Ils sortaient en un contre
équestres31. Ce registre servait probablement de base au un, posaient le fer de leur lance dans du safran, et

32. Ibid. 77, 6-9. Cf. al-Ṭabarī V, 898.


23. Dēnkard VIII, 26, 22 ; Lettre de Tansar (Boyce 1968, p. 49) ; 33. Dēnkard VIII, 26, 2 ; Théophylacte III, 18, 9. Cf. Christensen 1944,
Théophylacte III, 15, 4. Voir Azarnouche, Petitjean 2022, p. 361-362. p. 62 et Bivar 1969, p. 49, pl. 3, AD1.
24. Dēnkard VIII, 26, 5. Voir aussi Anonyme, Dialogue sur la science 34. Dēnkard VIII, 26, 27.
politique IV, 63-8 (avec Azarnouche, Petitjean 2022, p. 342). 35. Dēnkard VIII, 26, 2.
25. Dēnkard VIII, 26, 15. 36. Maurice, Strat. XI, 1, 20-21 : Τὴν δὲ ἵππον οὐ βόσκειν ἐπιτηδεύει, ἀλλ’
26. Dēnkard VIII, 26, 14. ἐκ χειρὸς συνάγειν τὴν τούτων ἀποτροφήν. Les sources littéraires
27. Gignoux 1999, p. 87-88. révèlent parfois des exceptions : e.g. Procope, Guerres II, 30, 22.
28. Dēnkard VIII, 26, 1 qualifie les ennemis de « loup », gurg. Sur la 37. Dēnkard VIII, 26, 3 : abar frahanǰēnīdan ī mard asp pēš az frēstīdan ī ō
symbolique du loup dans le zoroastrisme : Azarnouche 2016. dušmenān zanišn.
29. Dēnkard VIII, 26, 22 : « les non-Iraniens sont margarzān », i.e. ils 38. Ferdowsi VI (Warner 1912, p. 274).
méritent (juridiquement) la mort. 39. Goshtasb, Hajipour 1397/2018, p. 290 (pour les dimensions de ces
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30. Rubin 1995, p. 228, 288-291. THIS DOCUMENT MAY BE PRINTEDhippodromes)
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Nazarī Fārsānī 1397/2019, p. 159.
31. Mādayān ī Hazār Dādestān 16, 11-14. 40.PERMISSION
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(Warner 1915, p. 233-234).
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 185

portaient des vêtements blancs. Ainsi, si l’un d’eux telle situation que la bataille ne peut être évitée »47. On
se faisait toucher, la trace du coup de lance était trouve aussi dans le Dēnkard l’expression de « stratégie
bien visible. Al-Muʿtaṣim et al-Muʿtaḍid, eux aussi, défensive » (pahrēzīšngārīh), ainsi que des considérations
faisaient de même : ils invitaient les cavaliers de tous
les horizons, il [le calife] les recevait et ces derniers sur l’évaluation des forces ennemies, qui devait présider
s’entrepourchassaient devant lui. à la décision d’engager ou non le combat (kārēzār)48. Cette
prudence se retrouve dans le soin accordé à l’organisation
des partis d’éclaireurs postés à l’avant-garde de l’armée
L’armée en campagne (nīšag-pāsbān), auxquels un chapitre de l’Artēštārestān
était consacré49. Ces éclaireurs devaient assurer la
Une fois assemblés en corps expéditionnaire, reconnaissance des territoires parcourus en inspectant
les soldats formaient le spāh, l’armée, aussi appelée minutieusement les hauteurs et les endroits susceptibles
kārawān lorsqu’elle se déployait en ordre de marche41. de dissimuler des troupes50. Ils avaient également pour
L’organisation des corps de troupes était détaillée par les mission de se renseigner sur la nature de l’armée adverse
règlements officiels, comme le suggère l’une des rubriques et jouaient un rôle essentiel lorsqu’il fallait décider de
du Dēnkard, consacrée aux « grades des généraux et autres la marche à suivre au moment où l’ennemi était mis en
chefs de l’armée », ainsi qu’à « leurs subordonnés » et au déroute, car il fallait toujours s’assurer que sa retraite
« nombre de régiments (sous les ordres) de chacun de n’était pas feinte51.
(ces) chefs »42. Il semble que lorsque le roi des rois parti- Afin de protéger le train de bagage (bunag) qui
cipait directement aux opérations, un contingent défini accompagnait l’armée en marche, les Perses construi-
de soldats devait l’accompagner : c’est à tout le moins saient, comme les Romains, des camps temporaires.
ce que laisse entendre une autre rubrique du code des Cette pratique est bien décrite par l’empereur Maurice,
guerriers résumée dans le Dēnkard43. Néanmoins, les qui la distingue de celles qui consistaient à camper dans
textes théoriques ne mettent pas en valeur la présence des forts pérennes ou encore à édifier des ouvrages
du šāhān šāh sur le théâtre d’opération et à plus forte défensifs sur le champ de bataille :
raison sur le champ de bataille44. On n’attendait pas des Quand ils se mettent en marche pour la guerre,
souverains sassanides une implication directe dans les ils campent à l’intérieur de camps (φοσσᾶτον).
combats ; une ordonnance promulguée par Khosrow Ier S’approchant de [la zone de] du conflit, ils s’entourent
en 576 aurait même interdit aux rois de participer aux minutieusement d’un fossé (τάφρος) et d’une palissade
campagnes militaires45. (χάραξ). Ils ne laissent pas le train d’équipage (τοῦλδον)
à l’intérieur, mais ils creusent un fossé (τάφρος) qu’ils
La stratégie opérationnelle préconisée par les sources utilisent comme refuge en cas de revirement au cours
sassanides était fondamentalement défensive, une de l’affrontement52.
tendance que l’on retrouve également dans les écrits
militaires romano-byzantins46. L’Ēwēn-nāmag traduit C’est probablement à la lumière de ce passage que
par Ibn al-Muqaffaʿ recommande de différer le combat, peut se comprendre une tête de chapitre du code des
« sauf en cas d’extrême nécessité et en étant dans une guerriers sassanide, au contenu fort énigmatique :
Sur le cas concernant les guerriers lorsque le danger
est loin (et) les fortifications à proximité, ou (le cas
inverse où) le danger est proche et les fortifications

41. Tafazzoli 2000, p. 4-6.


42. Dēnkard VIII, 26, 7 : abar pāyag ī spāhbed <ud> abārīg pedān ī abar spāh
pad rōzīg ud bahr ud āzarm u-šān *azērag ud mar ī gund ēk ēk az pedān. Cf. 47. Āyīn-Nāma A, 2, 1. Le même ouvrage admet cependant des
Azarnouche, Petitjean 2022, p. 345-346. exceptions à cette règle (ibid. A, 2, 7) : si l’armée iranienne dispose
43. Dēnkard VIII, 26, 9 : « Sur le nombre de régiments (engagés) lorsque de l’initiative et surpasse en nombre trois ou quatre fois celle de
le roi des rois part à la guerre » (ud abar marag ī gund ka šāhān šāh l’ennemi ; si elle ne dispose pas de l’initiative mais surpasse en
ō kārēzār šawēd). Les régiments concernés étaient certainement nombre une fois et demi celle de l’ennemi ; si celui-ci a pénétré dans
des contingents d’élite, chargés d’assurer la protection du roi. Les l’Ērānšahr, quelle que soit sa supériorité numérique.
sources littéraires évoquent tantôt les « Immortels » (οἱ ἀθάνατοι : 48. Dēnkard VIII, 26, 16 : abar handāzišn ī spāh nērōg <ud> abzār abāg ān ī
Procope, Guerres I, 14, 31 ; I, 14, 44-45), tantôt la « cavalerie royale » dušmenān kū čiyōn ān ī <ka> kārēzār kunišn čiyōn ān ī ka pahrēzišn.
(regius equitatus : Ammien XXV, 5, 9) ou encore le « régiment du roi 49. Dēnkard VIII, 26, 19.
des rois » (gund ī šāhān šāh : al-Balādhurī, p. 440 [280]). Il existait 50. Āyīn-Nāma A, 2, 3.
aussi une unité de « gardes du corps » (puštībān : Kārnāmag ī Ardaxšīr 51. Dēnkard VIII, 26, 19. À comparer avec al-Anṣārī, p. 112.
ī Pābagān 11, 6) sous le règne d’Ardašīr Ier. 52. Maurice, Strat. XI, 1, 17-20 (trad. M. Petitjean) : Κινοῦν δὲ πρὸς
44. Sur la question des rapports entre pouvoir royal, légitimité dynastique πόλεμον ἐν φοσσάτοις ἀπληκεύει, κατεγγίζον δὲ τῷ πολέμῳ τάφρον
et activité militaire, cf. Whitby 1994. Il ne fait aucun doute que la guerre τε καὶ χάρακα ἀκριβῆ περιβάλλει, οὐκ ἐν αὐτῷ καταλιμπάνον τὸν
était une source de prestige essentielle pour les souverains sassanides. τοῦλδον, ἀλλὰ διὰ τὴν ἐκ περιστάσεως ἐν καιρῷ μάχης καταφυγὴν
Cf. e.g. Sīrat Ānūširwān, 7 (Grignaschi 1966, p. 21). τὴν τάφρον ποιεῖ. Voir aussi Végèce, Epitoma rei militaris III, 10, 15,
45. Théophylacte III, 14, 11. Voir aussi Évagre V, 15 et Jean d’Ephèse, qui précise que les Perses édifiaient leurs castra en creusant des
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Histoire ecclésiastique VI, 9. THIS DOCUMENT MAY BE PRINTED FOR tranchées dont
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46. Syrianus Magister, Strat. 33, 3-17 ; Maurice, Strat.
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autres en guise de palissade.
186 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

sont au loin, ils abandonnent (l’idée de les rejoindre ?) mort de leur chef. Le massacre pouvait alors commencer.
pour être en sécurité, (et sur) ce qui doit être fait Même si cela n’apparaît pas explicitement dans le texte, on
concernant leur propriété53. devine que le mouvement de panique qui s’ensuivait avait
Ici se posait probablement la question de savoir vers pour but de conduire les soldats ennemis à quitter leur
quelle protection (drubuštīh) se tourner pour mettre camp, ce qui les mettait à la merci des troupes disposées
à l’abri les biens des soldats : fortifications existantes, autour de celui-ci.
camp temporaire, ou bien lignes défensives construites
en urgence avant l’affrontement ? Tout dépendait
de la proximité relative de l’ennemi et de l’éven- L’ordre de bataille et la tactique
tuelle présence, sur le théâtre d’opération, d’ouvrages
défensifs utilisables. Le déploiement des troupes pour le combat obéissait
Enfin, les textes moyen-perses accordaient une à des règles bien définies, exposées dans le Livre du
place notable à la petite guerre. Un livre commandé par protocole et le Stratêgikon de Maurice (fig. 1). La méthode
Ardašīr Ier traitait, entre autres, de l’art de dresser des la plus couramment employée par les Perses consistait
embuscades54, et nous avons conservé sur ce sujet précis à former un front uni en plaçant les bataillons les uns à
un extrait de l’Ēwēn-nāmag qui décrit les conditions côté des autres58. La ligne de bataille était alors divisée
requises pour mener à bien ce type d’opération55. On y en trois articulations tactiques : l’aile gauche, l’aile
apprend qu’il est nécessaire de sélectionner les hommes droite et le centre, aussi appelé le « cœur » (al-qalb)59.
les plus courageux, alertes et discrets, mais qu’il faut Ces différents segments avaient chacun un rôle précis
aussi écarter les chevaux turbulents qui risqueraient de à jouer au combat. Le « cœur » devait impérativement
signaler la présence du groupe par leurs hennissements. tenir ferme pour garantir, si la situation l’exigeait,
L’embuscade doit être lancée depuis un lieu dissimulé, une position de repli aux ailiers. Il jouait donc un
qui ne peut être approché sans que l’on s’en aperçoive rôle défensif dans l’agencement général, raison pour
(donc un couvert offrant une vue dégagée). L’assaut laquelle l’Ēwēn-nāmag recommandait de le déployer
doit démarrer lorsque les circonstances sont optimales, sur une position éminente60. Ce même texte ne précise
c’est-à-dire quand la position de l’ennemi est connue et pas la nature des troupes qui le composait, mais il est
que celui-ci n’est pas sur ses gardes, par exemple lorsque fort probable que le centre ait compté une majorité de
ses chevaux sont en train de pâturer, et lorsque les fantassins et d’archers, dont la mission était d’harasser
conditions météorologiques sont les plus éprouvantes56. l’adversaire par un tir continu, sans engager le corps-à-
Afin d’éviter que les soldats soient détournés de leur corps directement61.
objectif, la collecte du butin leur est interdite. L’aile droite avait, pour sa part, un rôle offensif.
Dans l’Ēwēn-nāmag, une forme particulière d’embuscade Ses escadrons pouvaient lancer des charges, en
fait l’objet d’un traitement approfondi : il s’agit de l’attaque alternant assauts et replis, jusqu’à la rupture de la ligne
nocturne57. Ce type d’action consistait à s’emparer du adverse62 – une spécialisation tactique qui n’est pas sans
camp ennemi par la surprise, en infiltrant un commando rappeler le rôle des cursores évoqués par Maurice dans
en son sein. D’après l’auteur du Livre du protocole, il fallait le Stratêgikon63. À l’inverse, les unités de l’aile gauche
s’assurer que le raid débute à l’heure la plus obscure de la ne pouvaient quitter leur position, mais devaient
nuit, et par un temps venteux, susceptible de couvrir le se tenir prêtes à repousser les tentatives d’envelop-
bruit de l’approche des soldats. Ces derniers étaient divisés pement de la part de l’ennemi64. Cette latéralisation des
en deux groupes : un groupe chargé de pénétrer furti- tâches s’explique dans la mesure où il était plus facile
vement à l’intérieur du camp adverse, pendant que l’autre d’encercler l’armée ennemie en la contournant sur
avait pour mission de l’encercler. Une fois le dispositif en son flanc gauche. En effet, parmi les archers montés de
place, le groupe infiltré devait semer la confusion chez l’époque – comme dans tous les groupes humains – les
les défenseurs et répandre bruyamment la rumeur de la droitiers étaient majoritaires. Un cavalier droitier tire la
corde de son arc avec la main droite, ce qui lui permet
de se tourner complètement du côté gauche mais pas du

53. Dēnkard VIII, 26, 17 : abar ān ī artēštārān ka bīm az dūr drubuštīh pad
nazdīkīh ayāb bīm nazdīk drubuštīh az dūr pad bōxtan hilēnd xwāstag tis
kunišn.
54. Cf. supra p. 182. 58. al-Aqṣarā’ī p. 102 ; Maurice, Strat. XI, 1, 27.
55. Āyīn-Nāma A, 2, 8. 59. Āyīn-Nāma A.1.1.
56. Voir Maurice, Strat. XI, 1, 35-8, qui indique que les Perses aiment 60. Ibidem.
attaquer « l’été et à l’heure la plus chaude, de telle sorte que l’ardeur 61. Voir Ammien XXV, 6, 6 et Maurice, Strat. XI, 1, 29-35.
du soleil et l’attente de l’action entament le courage et la férocité de
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 187

Fig. 1 – Hypothèse de restitution de l’ordre de bataille sassanide, d’après la littérature militaire perse.

côté droit. Il lui est donc beaucoup plus facile d’engager Les Perses déployaient donc habituellement deux
une cible en la longeant par la droite65. phalanges principales, auxquelles il faudrait ajouter les
Lorsqu’elle se déployait pour la bataille, l’armée 400-500 hommes d’élite qui renforçaient le centre (et
sassanide ne formait pas une ligne simple, dépourvue de formaient probablement l’escorte du général, puisque c’est
réserve. Ibn Qutayba précise en effet que les cavaliers à cet endroit du dispositif que la Muqaddima situe le chef de
devaient combattre en première ligne66, ce qui suggère l’armée), et l’arrière-garde dont la mission était d’assurer
qu’ils étaient disposés devant l’infanterie. Par ailleurs, la protection du train de bagage68. Ibn Ḫaldūn considère
le même texte emploie parfois la périphrase les « deux ainsi que la formation de bataille des Perses comprenait, au
parties principales » pour désigner le « cœur » de total, cinq parties : le « cœur », l’aile gauche, l’aile droite,
l’armée, ce qui implique une division du centre en deux l’avant-garde et l’arrière-garde69. Il ajoute que lorsque des
groupes de soldats, que l’on imagine facilement déployés éléphants accompagnaient l’armée, ils étaient déployés
dans le sens de la profondeur. Le Stratêgikon apporte sur derrière la ligne de bataille, telle une « forteresse » destinée
ce point un éclairage utile : à fortifier la confiance des soldats70.
Pour la bataille, [les Perses] se forment en trois divisions D’après le Stratêgikon, les flancs des armées Perses
(μέρος) égales, le centre, la droite et la gauche, avec étaient vulnérables du fait de l’absence de troupes
la division du centre comportant jusqu’à 400 ou 500 spécifiquement assignées à la défense de cette portion
hommes d’élite supplémentaires. Ils n’établissent pas du dispositif71. Cela signifie que l’armée sassanide ne
vraiment la profondeur de la ligne (τάξις) suivant une positionnait pas de flanc-gardes à distance de ses ailes, à
mesure déterminée, mais ils sont prompts à déployer
les cavaliers dans chaque escadron (τάγμα) en première l’inverse des Romains72. Sur ce point, toutes les sources ne
et en seconde ligne (τάξις) – ou phalange (φάλαγξ) – et
maintiennent le front de la formation (τάξις) égal et
dense. La remonte (ἀδέστρατα) et le train de bagage
(τοῦλδον) sont positionnés à une courte distance ἐν τῇ πρώτῃ καὶ δευτέρᾳ τάξει ἤτοι φάλαγγι τάσσειν καὶ τὸ μέτωπον
derrière la ligne de bataille (παράταξις)67. τῆς τάξεως ἴσον καὶ πεπυκνωμένον ἔχειν. Τὰ δὲ ἀδέστρατα καὶ τὸν
τοῦλδον ὄπιθεν ἀπ’ ὀλίγον τῆς παρατάξεως ποιεῖ.
68. Ferdowsi VII (Warner 1915, p. 251).
69. Ibn Ḫaldūn, Muqaddima III, 15, p. 76.
70. Ibid. p. 77. Voir également Ammien XXIV, 6, 8 et XXV, 1, 14
65. Ibid. A.1.1. (campagne de Julien en Mésopotamie, 363). L’inventaire des
66. Ibid. L’auteur ajoute que cette disposition ne convient pas en cas témoignages historiographiques réalisé par Rance 2003 (p. 372-382)
d’attaque « latérale » ou « de flanc » – insinue-t-il que, lorsque révèle que des configurations tactiques différentes (plus offensives)
l’objectif était d’envelopper l’armée adverse, il était préférable de pouvaient être privilégiées.
ranger toute la cavalerie sur les ailes ? 71. Maurice, Strat. XI, 1, 48-50 (trad. M. Petitjean) : « Ils redoutent
67. Maurice, Strat. XI, 1, 22-25 (trad. M. Petitjean) : Τάσσεται δὲ ἐν τῇ les attaques et les mouvements enveloppant par extension des
μάχῃ ἐν τρισὶν ἴσοις μέρεσι, τουτέστιν, μέσῳ, δεξιῷ, ἀριστερῷ, τοῦ ailes contre leurs flancs ou l’arrière de leurs formations car ils ne
μέσου μέρους ἄχρι τετρακοσίων ἢ πεντακοσίων ἐπιλέκτων©ἀνδρῶν déploient pas en retrait de leur ligne de bataille des flanc-gardes
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ἔχοντος κατὰ περισσείαν· Τὰ δὲ βάθη τῆς τάξεως οὐχ ὡρισμένῳ
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μέτρῳ ποιεῖ, ἀλλὰ σπεύδει τοὺς καβαλλαρίους ἐνBEἑκάστῳ
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188 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

s’accordent pas et l’on peut souligner qu’un passage du Stratêgikon pointe la vulnérabilité des troupes sassanides
traité militaire de Faḫr-i Mudabbir, le Kitāb ādāb al-ḥarb dans les phases de poursuite : celles-ci, lorsqu’elles
(début du xiiie siècle) associe à Bahrām Chōbīn un ordre de pourchassent un adversaire en fuite, conservent toujours
bataille qui consistait à déployer, en plus des ailes droite leur formation régulière, en rangs et files bien ordonnés,
et gauche, des « ailes extérieures » qui pourraient bien et sont donc très mal préparées à recevoir une contre-
correspondre aux plagiophylaques du Stratêgikon 73. attaque sur leurs flancs et leurs arrières78 ; par ailleurs,
D’autres textes d’époque islamique révèlent que la lorsqu’ils sont poursuivis, les Perses sont incapables
formation linéaire tripartite n’était pas le seul ordre de de réaliser des contre-charges soudaines contre leurs
bataille en usage dans l’armée perse. La Nihāyat al-su’l, poursuivants, « comme le font les nations scythes »79.
un traité de furūsiyya rédigé par al-Aqṣarā’ī au xive siècle,
précise qu’il existait des formations alternatives, comme
la formation « en croissant », avec ailes avancées et L’activité combattante
centre refusé74. Cet ordre de bataille particulièrement
adapté aux manœuvres d’encerclement, avait déjà L’activité combattante occupait naturellement une
été utilisé par les Parthes lors du siège de Phraaspa en place importante dans le champ des discours théoriques
36 avant J.-C.75. On lui connaissait un contrepoint, le sur la guerre, en particulier son pendant rituel, comme
croissant inversé, avec centre avancé et ailes refusées. le révèle la célébration du yasna qui prenait place le jour
Cette formation défensive permettait de se prémunir de la bataille :
contre les tentatives d’encerclement et de marcher Et sur le sacrifice du jour du combat et de l’affrontement
contre l’ennemi en assurant ses flancs et ses arrières76. contre les (ennemis) malfaisants, sur la plante du barsom
Les traités de furūsiyya évoquent en outre d’autres arran- (à utiliser dans) ce sacrifice, et (sur la prière) avestique
gements, en carré, en rhombe, en cercle, sans les relier (à réciter) lors du combat. (Sur) la première flèche tirée
directement aux Perses. vers une cible (ou : [sur la prière] avestique [à réciter]
pendant que l’on combat et que l’on tire la première
En définitive, la variété des situations rencon- flèche vers une cible), [et sur] le sacrifice incluant une
trées faisait que les généraux en charge des opérations libation à l’eau la plus proche du lieu de combat80.
adaptaient leur dispositif en fonction de la nature
de l’armée adverse. La formation classique, qui tirait Bien que le Dēnkard ne précise pas quelles plantes
avantage d’une position surélevée, rendait, par exemple, pouvaient servir à la confection du barsom (les tiges sacrées
les meilleurs services contre les lanciers, incapables de nécessaires à la célébration du yasna), ni qui était en
riposter à distance et dont le déploiement en rangs serrés capacité d’effectuer ce sacrifice lors du tir de la première
était mis à rude épreuve par les terrains accidentés77. À flèche, il ne fait aucun doute qu’au moins deux prêtres
l’inverse, les Romains savaient quelles faiblesses exploiter zoroastriens (mowbed) étaient impliqués dans l’opération81.
lorsqu’ils combattaient les Perses. À deux reprises, le La finalité du yasna est plus difficile à établir. Si l’on en
croit Manuščihr Juwān-Jamān, haut prêtre zoroastrien
du IXe siècle, il s’agissait avant tout d’un sacrifice destiné à
garantir la victoire82. De ce point de vue, s’il fallait trouver
73. Martinez 1986, p. 130. un parallèle historique, il serait plus approprié de comparer
74. Voir la traduction de Wüstenfeld 1880, p. 30. L’auteur prétend cette cérémonie aux sacrifices propitiatoires (τὰ σφαγία)
explicitement se référer à l’autorité des « rois perses des temps
anciens » et tenir sa description de « l’un des premiers auteurs » qui qui précédaient la bataille dans le monde grec plutôt qu’au
s’est intéressé à la question. Il distingue deux variantes de cet ordre rite romain des fétiaux, bien que le rôle inaugural de la
de bataille : une variante en « croissant étendu » (qaws ʿaẓīm al-qadr) flèche rappelle celui du javelot lancé en terre ennemie83.
et une variante en « triple croissant » (qaws al-muǧannaḥ), dont les
ailes adoptent elles-mêmes une forme convexe. La description qui Lorsque le yasna avait été correctement réalisé et s’était
accompagne les figures géométriques est très difficile à comprendre. conclu par une libation d’eau (āb-zōhr), le combat pouvait
Néanmoins, l’auteur mentionne aux extrémités du dispositif des commencer. L’ordre dans lequel les armes devaient être
troupes d’embuscade censées surprendre l’adversaire lors de la
manœuvre d’encerclement, ce qui rappelle fortement le rôle des utilisées semble avoir fait l’objet de spéculations dont le
« drungi dissimulés » du Stratêgikon et du De militari scientia : Maurice,
Strat. III, 14, 4-17 ; DMS, 16 (éd. Müller p. 126, l. 27-p. 127, l. 2).
75. Plut., Ant. 39, 3. Cette organisation tripartite fut plus tard pratiquée
par l’armée mamelouke : Berriah 2018, p. 450 et 466-468.
76. Wüstenfeld 1880, p. 35-36. 78. Ibid. XI, 1, 75-85.
77. Maurice, Strat. XI, 1, 29-32 : « Au combat contre des lanciers, 79. Ibid. XI, 1, 46-48.
[les Perses] prennent soin de former leur ligne de bataille sur les 80. Dēnkard VIII, 26, 24 (trad. S. Azarnouche) : ud abar yazišn ī rōz ī
terrains les plus accidentés et d’attaquer avec leurs arcs, de telle kārēzār razm <ī> duš-kunišn ud urwar ī barsom ī ān yazišn ud abestāg
sorte que les charges des lanciers soient rompues et dissipées par les andar kōšīdan ān ī fradom tigr andar wistan nišān ud {y’št} yaštan ī pad-iz
irrégularités du terrain » (Ἐπιτηδεύει δὲ ἐν καιρῷ μάχης ἔχον κατὰ zōhr-barišnīh āb ī ō kārēzār gyāg nazdtar.
κοντάτων ἐν τοῖς δυσχερεστέροις τόποις τὴν παράταξιν ἐκτάσσειν 81. Azarnouche, Petitjean 2022, p. 364-367
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καὶ τοῖς τόξοις κεχρῆσθαι, ἵνα τῇ δυσκολίᾳ τῶν τόπων διεσπασμέναι
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Jameson 1991.
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 189

sens (pratique ? rituel ?) est, encore une fois, obscurci par entiers lui était consacrés, comme le manuel d’archerie
la brièveté des témoignages qui s’y rapportent. Le Dēnkard de Bahrām, et les textes de furūsiyya fourmillent d’allu-
évoque, directement à la suite du passage qui vient d’être sions aux techniques de tir à l’arc des Perses. Les Romains
commenté, un « ordre d’utilisation de l’équipement avaient une claire conscience de ce particularisme iranien
au combat, du début à la fin84 ». Cet ordre se retrouve et semblent avoir développé une réflexion empirique sur
peut-être dans les manuels militaires d’époque islamique, la question. Lorsqu’il traite de la bataille de Callinicum
notamment dans un manuscrit de furūsiyya que nous (531), Procope précise bien que l’archerie sassanide
n’avons pu consulter, mais dont Shihab al-Sarraf résume mettait l’accent sur le volume des salves et la cadence
un chapitre de la façon suivante : de tir, contrairement à l’archerie romano-byzantine
La première arme utilisée par l’archer est l’arc, une fois qui favorisait la puissance et la précision89. Cette obser-
sa lance placée entre la sangle de l’étrier et sa cuisse vation est confirmée sur le plan théorique par Maurice
gauche, et contre son dos. Si l’ennemi s’approche, il qui souligne, dans son chapitre consacré aux Perses, que
range son arc, prend sa lance et attaque ; si elle est ces derniers « sont formés au tir d’archerie rapide mieux
cassée, il prend sa masse d’armes ; mais si la tête en est que nul autre peuple pratiquant la guerre, bien que leurs
déboîtée, il recourt à l’épée de selle, mais jamais à celle
de sa ceinture qui est réservée pour le cas où le cavalier volées ne soient guère puissantes90 ».
tombe de son cheval85. Pour obtenir une telle cadence de tir, les archers
perses devaient maîtriser une technique que les
L’ordre ici évoqué semble trouver des correspondances traités mamelouks mentionnent sous le nom de al-rami
dans les textes sacrés du zoroastrisme, dans des récits de al-mutamāc̣ir (« pluie de flèches » ou « tirs successifs »)91.
bataille, ainsi que dans un document iconographique86. Il Cette méthode consistait à tenir plusieurs flèches dans
suppose néanmoins que les soldats étaient tous pourvus l’une des deux mains, à les encocher et à les tirer succes-
d’un armement complet, ce qui n’était véritablement le sivement, sans avoir à les extraire du carquois une par
cas que de l’élite des aswārān, pour lesquels on institua – au une. Le maître-archer maghrébin Ibn Maymūn distingue
plus tard sous le règne de Khosrow Ier – un équipement quatre manières de faire92 :
réglementaire qui intégrait ces différents éléments et que – La première, qui est aussi considérée comme la
les cavaliers devaient présenter lors des revues militaires87. plus efficace, consiste à tenir ses flèches pointes
vers le bas, dans le creux de la main droite, en
repliant l’auriculaire, l’annulaire et le majeur ;
L’archerie sassanide l’archer arme la flèche en s’aidant de la poignée
de l’arc, il décoche et réitère l’opération.
Parmi toutes les armes en usage dans le monde – Dans la seconde méthode, les flèches sont
sassanide, l’arc était considéré comme la plus éminente maintenues entre les doigts de la main droite, au
et faisait l’objet d’un traitement approfondi dans les
traités militaires (cf. appendices 3, 4, 5, 6)88. Des ouvrages
p. 122. À l’aune de ces exemples, il semble permis de conclure – comme
A. Panaino le fait à propos des Achéménides et des Parthes – que « a
patent superiority in bowmanship [was] taken to be a mark of royal
84. Dēnkard VIII, 26, 24. legitimacy » (Panaino 2019, p. 51).
85. al-Sarraf 1989, p. 810-811. 89. Procope, Guerres I, 18, 32-34 (trad. M. Petitjean) : « les Perses faisaient
86. al-Dīnawarī (Guirgass 1888, p. 135, bataille de Jalula, 637) ; Yašt 10, pleuvoir des flèches en grand nombre (μᾶλλον δὲ Πέρσαι ἐκ τῶν
39-40 et 129-132 (hymne à Mithra). Voir aussi le cas du plat sogdien τοξευμάτων πολλοὶ ἔθνησκον). Car en effet, leurs traits [étaient
de Kulagysh, discuté dans Azarnouche, Petitjean 2022, p. 367-368. lancés] avec bien plus de fréquence (τὰ μὲν γὰρ αὐτῶν βέλη συχνότερα
87. al-Ṭabarī V, 964. Voir aussi al-Dīnawarī (Guirgass 1888, p. 74-75) ; μὲν ἀτεχνῶς ἦν), les Perses étant presque tous des archers, formés à
Ferdowsi VII (Warner 1915, p. 231-232). effectuer leurs tirs plus rapidement que tous les autres hommes (ἐπεὶ
88. Sur la symbolique de l’archerie dans la culture politique de l’Iran ancien : Πέρσαι τοξόται τε σχεδόν τί εἰσιν ἅπαντες καὶ πολὺ θᾶσσον ἢ οἱ ἄλλοι
Panaino 2019. Celui-ci considère que l’ancienne connexion entre tir à ξύμπαντες ἄνθρωποι ποιεῖσθαι τὰς βολὰς ἐκδιδάσκονται), mais leurs
l’arc et pouvoir royal connut un net déclin sous la dynastie sassanide, arcs étaient dépourvus de puissance et n’étaient pas entessés avec
allant jusqu’à parler de deliberate refusal et de damnatio memoriae à vigueur (ἐκ δὲ τόξων τε καὶ οὐ λίαν ἐντεταμένων), si bien que leurs
l’égard de « l’exaltation idéologique de l’archerie royale » (ibid. p. 47- missiles, heurtant peut-être une cuirasse, un casque ou un bouclier
50). Pourtant, l’attention portée par les rois sassanides à l’archerie – y d’homme romain, se brisaient et ne pouvaient en aucune manière
compris dans des domaines autres que la chasse – paraît évidente si l’on blesser ceux qu’ils touchaient. En effet, les [volées de] flèches des
tient compte des nombreuses anecdotes qui leurs sont associées dans Romains sont toujours plus espacées, mais dans la mesure où leurs
la littérature de furūsiyya. Pour ne citer que quelques exemples, notons arcs sont beaucoup plus raides et entessés avec une grande fermeté,
que trois rois sassanides sont mis à l’honneur dans la liste sélective des sans compter le fait qu’ils sont maniés par des hommes plus forts, ils
maîtres-archers mémorables (Ardašīr fils de Bābak, Šāpūr [lequel ?] et blessent sans difficulté un nombre bien plus élevé de cibles que ceux
Bahrām [V ?]) établie par al-Ṭarsūsī dans son traité Tabṣirat arbāb al- des Perses, car nulle armure ne peut faire obstacle à leur course. »
albāb : Boudot-Lamotte 1968, p. 46. Bahrām (V ?) et Khosrow (Ier ?) ont Voir aussi Agathias III, 22, 2 et Théophylacte I, 12, 4.
tous deux prêté leur nom à une méthode de préhension de la corde de 90. Maurice, Strat. XI, 1, 16 : ἠσκημένον τὴν σύντομον τοξείαν, ἀλλ’ οὐκ
l’arc de guerre : Ṭaybughā, p. 53. Enfin, Ardašīr et Bahrām ont chacun PUBLISHERS
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développé deux méthodes de visée particulières, THISqui étaient MAY
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encore FORal-Sarraf 1989,
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connues au temps du sultanat mamelouk : Boudot-Lamotte
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190 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

niveau de l’encoche, l’archer pouvant réserver Pour finir, les traités militaires sassanides conte-
jusqu’à neuf flèches serrées entre les phalanges naient des instructions détaillées à propos de la position
proximales de l’index, du majeur, de l’annulaire des doigts de la main droite sur la corde de l’arc, ce que
et de l’auriculaire. les sources arabes appellent le ‘aqd, le « verrouillage »99.
– La troisième méthode repose sur le même principe, L’objectif était de saisir fermement la corde avec un ou
à cette différence près que le fût des flèches vient plusieurs doigts, de manière à effectuer un tir puissant,
s’insérer entre les doigts, à mi-distance entre rapide et précis. À des fins illustratives, les traités
l’encoche et la pointe. perses pouvaient avoir recours à la dactylonomie, l’art
– Enfin, la quatrième méthode consiste à empoigner de compter avec les doigts. Dans le Livre du protocole
un faisceau de flèches avec la main gauche : les traduit par Ibn al-Muqaffaʿ, il était recommandé de
traits ne sont plus fichés entre les doigts mais faire le chiffre vingt-trois avec sa main droite100, ce qui
serrés, pointes vers le bas, entre la main et la impliquait de presser l’auriculaire, l’annulaire et le
poignée de l’arc93. majeur contre la paume, de replier le pouce en appuyant
l’ongle contre la phalange médiane du majeur et de
Ibn Maymūn précise que les anciens rois perses tendre l’index101. Cette position des doigts correspond
connaissaient ces différentes techniques et que leurs exactement à celle que l’on peut apercevoir sur nombre
enfants apprenaient à les maîtriser dès le plus jeune âge. de plat en argent sassanide représentant des scènes de tir
La première méthode, qui permettait de tirer jusqu’à à l’arc102. Il en existait une variante, le « vingt-quatre »,
quinze flèches sans interruption fut, selon lui, inventée dans laquelle l’auriculaire était tendu103. Un texte issu
par un certain « Bustam » (= Wistahm), qui vécut sous du traité d’al-Ḫusrawānī révèle que cette méthode était
le règne de « Kisra » (= Khosrow). Il pourrait aussi bien aussi appelée al-Khusrawānī, le « tir de Khosrow » (cf.
s’agir de Wistahm, spāhbed du clan des Ispahbudhān, appendice 3)104.
qui aida Khosrow II à monter sur le trône, que d’un Cet « entois sassanide » (Sassanian draw) a fait
homonyme contemporain de Khosrow Ier, voire de l’objet de discussions contradictoires. S’agissait-il
Khosrow « l’usurpateur », fils de Bahrām IV94. d’une technique de préhension « aux doigts », comme
Parallèlement, les sources arabes signalent l’exis- le supposait A. D. Bivar, ou plutôt d’une prise « au
tence d’une autre technique d’origine perse appelée pouce », comparable à la méthode de tir dite mongole ?
banjakān ou fanjakān – forme qui provient du mot moyen- Dans la première hypothèse, ce sont le majeur et
perse non attesté *panjagān « (relatif aux) cinq »95. Ce l’annulaire (ainsi que l’auriculaire dans le cas du « vingt-
procédé consistait à tirer cinq flèches d’un coup, comme trois ») qui tirent sur la corde alors que la flèche est
le révèlent deux occurrences figurant dans la Chronique maintenue en position à l’aide du pouce (fig. 2)105. Dans
d’al-Ṭabarī96. L’historien ne précise pas comment les
projectiles étaient tirés et d’aucuns se sont demandés
si l’arme employée n’étaient pas une sorte d’arbalète97.
Nous ne voyons guère de raison de privilégier une telle sa place de spectateur. Pour sa part, Bahrām V était capable de
toucher deux oiseaux différents d’un seul coup, comme le relate Omar
hypothèse. En effet, la stèle du cavalier parthe Maris Khayyam (Nawrōz-nāme, Cristoforetti 2015, p. 59). Utilisation de cette
(conservée à Mayence) montre que bien avant les technique au combat : Zosime II, 51, 4-52, 2 (bataille de Mursa, 351).
Sassanides, des archers montés iraniens étaient capables 99. Boudot-Lamotte 1968, p. 18-20.
100. Āyīn-Nāma B, 1, 2.
d’encocher plusieurs flèches verticalement sur la corde 101. Ibn Maymūn p. 20. L’index tendu correspond à la forme du
de leur arc pour les tirer d’un seul coup98. numéral 20 en écriture moyen-perse cursive, tandis que les trois
doigts pliés forment le numéral 3. Voir MacKenzie 1971, p. 145 pour
la forme des chiffres.
102. Cf. Farrokh et al. 2018, table 1.
103. Ibn Maymūn p. 43.
93. Cette technique de tir rapide était déjà maîtrisée par les Parthes, 104. Selon ce même témoignage, le « soixante-trois » (qui est
comme le montre un relief en terre-cuite d’époque arsacide : également cité dans le Livre du protocole) était la méthode privilégiée
Coulston 1985, p. 345, fig. 39. par Ardašīr Ier. Cette précision a le mérite de rappeler qu’il existait
94. Shahbazi 1989 ; Gyselen 2001, p. 450-451 ; Pourshariati 2008, p. 68. diverses techniques de tir « homologuées » par les rois sassanides.
95. Inostrancev 1926, p. 51 ; al-Sarraf 1989, p. 806-807. Dans son traité d’archerie, Ṭaybuġā (p. 53) distingue ainsi la « prise
96. al-Ṭabarī V, 955 et XX, 454. de Bahrām », qui implique de raccourcir l’index et de tendre le
97. Inostrancev 1926, p. 51 ; Tafazzoli 1993, p. 191. Alofs 2015, p. 21 pouce, de la « prise de Khosrow », qui consiste à faire l’exact inverse.
considère qu’il s’agit d’une succession de cinq tirs rapides (« the Il faudrait donc identifier au moins trois modes de préhension
firing of five arrows in quick succession »), mais les témoignages différents. Très curieusement, al-Aqṣarā’ī attribue à Ardašīr Ier la
cités supra désignent bien un seul et même tir. méthode que Ṭaybuġā associe à Bahrām (cf. appendice 4).
98. Coulston 1985, p. 237, fig. 31 et Traina 2013, p. 279, fig. 1. Cette 105. Bivar 1972, p. 285. L’auteur suppose que le système d’attache
technique de tir multiple était un mode d’expression privilégié de visible sur certains plats sassanides (des chaînes ou des cordes qui se
la valeur martiale attachée à la dignité royale. Lors du voyage du croisent au dos de la main de l’archer) servait à maintenir en place
roi arsacide d’Arménie Tiridate Ier en Italie, sous le règne de © Néron, des protège-doigts comparables à ceux évoqués par les savants
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Cassius Dion (LXIII, 3, 2) note que des jeux furent THIS
donnés à Pouzzoles,
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FOR PRIVATE leurs descriptions de la « méthode slave » de tir à l’arc
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et que le roi perça deux taureaux « d’un seul IT MAY (ἅμαBEβολῇ),
tir »NOT DISTRIBUTED (qui semble
depuisWITHOUT PERMISSION OFavoir été rigoureusement la même que le « vingt-trois »
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 191

Fig. 2 – Première hypothèse de resti- Fig. 3 – Seconde hypothèse de restitu- Fig. 4 – Prise au pouce classique (dite
tution de l’« entois sassanide ». tion de l’« entois sassanide ». « prise mongole »).

la seconde, c’est le pouce, verrouillé par le majeur, qui Conclusion


arme l’arc et seulement l’index qui sert à maintenir
la flèche en position (fig. 3)106. Si les traités arabes ne Il semble incontestable que les Perses sassanides ont
permettent pas de trancher de façon claire, notons que produit quantité d’écrits sur les questions militaires.
les sources romaines confirment l’existence de cette Cette littérature couvrait des sujets aussi variés que celle
méthode spécifique de tir à l’arc, qui était distinguée des Romains. Il y était question d’armement, d’organi-
de la méthode romaine (qu’il est permis d’identifier à la sation logistique, de stratégie, de tactique, de techniques
méthode « mongole », où l’archer tire la corde avec le de combat et plus globalement de la place que les soldats
pouce107) (fig. 4). Dans le Stratêgikon, l’empereur Maurice étaient censés occuper au sein de la société. Les prescrip-
recommande en effet d’entraîner les recrues à tirer à tions des auteurs perses révèlent la grande proximité
l’arc (τοξεύειν) aussi bien à la manière romaine qu’à la des doctrines militaires iranienne et byzantine, un
manière perse (εἴτε Ῥωμαϊστί εἴτε Περσιστί)108. phénomène qui doit être resitué dans un cadre plus large :
celui de l’unification eurasiatique des arts militaires
autour de la figure du cavalier-archer cuirassé109.
Plusieurs siècles de voisinage, d’échanges pacifiques et
des traités perses) : Ibn Maymūn p. 43 (« They also make for their de confrontations ont induit des transferts techniques et
fingers fingertips of gold, silver, copper, and iron, and draw with culturels entre Rome et l’Iran. Ces rapports d’adaptation
the bow upright ») ; Ṭaybuġā p. 53 (« The thumb has no place in this
lock, for which they make finger guards of gold, silver, iron, and et, dans une large mesure, d’imitation, se trouvent expli-
copper »). Trois protège-doigts correspondant à ces descriptions citement théorisés dans un traité tel que le Stratêgikon, qui
(en or, en argent et en bronze) pourraient avoir été découverts en consacre un chapitre entier à l’armée perse.
Iran, dans la région du Daylam : Overlaet 1998, p. 290-297. Mais ces
artefacts ne présentent aucune trace d’usure et n’ont pu être datés Il convient toutefois d’identifier quelques diffé-
avec exactitude. rences fondamentales. Contrairement aux Romains,
106. Le fait que les Sassanides aient connu et pratiqué la prise les auteurs sassanides semblent s’être peu intéressés
au pouce paraît difficilement contestable. Au moins deux
témoignages (il est vrai, d’époque islamique) plaident en faveur aux tactiques d’infanterie. Cela ne veut pas dire que de
de cette conclusion. Dans le passage de son traité où il discute des telles considérations étaient absentes de leurs ouvrages.
différences d’inclinaison de la main réalisant la prise au pouce, Les hasards de la conservation des textes ont pu jouer,
Ibn Maymūn souligne que la technique consistant à placer celle-ci
de manière oblique par rapport à la corde, avec le bout de l’index et l’on ne perdra pas de vue le fait que les livres arabo-
pointant du « côté extérieur » (i.e. du côté gauche de la corde), musulmans, si précieux pour la transmission de la science
était la méthode « la plus ancienne », privilégiée par les « archers militaire sassanide, étaient pour la plupart d’entre eux
perses » (p. 44). Par ailleurs, le Kitab ādāb al-ḥarb de l’auteur
indien d’expression persane Faḫr-i Mudabbir (début XIIIe siècle) des traités de « chevalerie », c’est-à-dire des ouvrages
définit explicitement la méthode de Bahrām, citée supra n. 104, qui ne pouvaient qu’opérer une sélection des données en
comme une prise au pouce : shast-i Bahrām « pouce de Bahrām » faveur de la cavalerie. Au-delà de cette divergence fonda-
(cf. McEwen 1973, p. 84).
107. Syrianus Magister, Strat., 44, 18-23. Voir Bivar 1972, p. 284. mentale, la littérature militaire iranienne se distingue
108. Maurice, Strat. I, 1, 5-6 ; XII, B, 2, 2-3. Dans ces deux passages, par l’attention portée aux techniques de tir à l’arc, aux
l’injonction à effectuer un tir rapide ne doit pas être comprise dans questions juridico-militaires et plus globalement aux
le sens d’une succession de tirs rapides, sur le mode de la technique
de la pluie de flèches évoquée plus haut (contra Alofs 2015, p. 21). justifications religieuses associées à la guerre. De ce point
Il s’agit plutôt d’entesser et de décocher rapidement une seule
flèche, en un seul mouvement, sans faire de pause, pour bénéficier
du maximum de puissance. En effet, plus l’intervalle durant lequel PUBLISHERS
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l’arc est armé est long, plus l’énergie emmagasinée lors de MAY
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se dissipe (on parle d’hystérésis élastique). 109. Graff OF
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192 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

de vue, il nous semble que les discussions actuelles sur les avec la classe gouvernante mamelouke. La date
violences religieuses dans l’antiquité tardive gagneraient de sa mort reste incertaine ; certains évoquent
à tenir compte de l’influence très forte du zoroastrisme 749/1348, 750/1349. Bien que n’appartenant
sur les pratiques guerrières de l’Iran sassanide. pas à l’élite militaire, il fut féru de furūsiyya à
laquelle il fut initié. L’émir ʿIzz al-Dīn ʿAbd al-ʿAzīz
* Vrije Universiteit Amsterdam – CIT al-Rammāḥ, ancien disciple du célèbre maître
(Centre for Islamic Theology) lancier de l’époque bahrite Naǧm al-Dīn Ḥasan
** UMR 8167 Orient & Méditerranée (Équipe ACT) al-Rammāḥ (m. 1296) cité précédemment, lui
enseigna le jeu de lance112.
– ʿAlī b. ʿAbd al-Raḥmān b. Hudhayl al-Andalusī,
auteur contemporain du célèbre savant andalou
Lisān al-Dīn b. al-Ḫaṭīb (m. 1374)113.
– L’identification de l’auteur du Tafrīǧ al-kurūb fī
tadbīr al-ḥurūb reste encore à établir. George
APPENDICE Scanlon pense qu’il s’agirait de ʿUmar al-Awsī
al-Anṣārī, cadi d’Alep ayant vécu l’attaque de
Tamerlan sur la Syrie au tout début du xve siècle114.
Plus récemment, ʿĀrif Aḥmad ʿAbd al-Ghanī a
L’art de la guerre sassanide d’après les traités remis en cause cette hypothèse affirmant que
de furūsiyya : textes choisis le traité serait l’œuvre d’un certain Muḥammad
b. Muḥammad al-Rašīdī115. Ce qui est certain,
Les passages traduits ci-dessous sont des extraits de c’est que ce traité fut offert au sultan Nāṣir al-Dīn
sources arabes mettant en évidence l’art de la guerre Faraǧ b. Barqūq (m. 1412). On peut en déduire par
perse que ce soit par la mention d’un personnage conséquent que l’auteur a vécu au moins jusqu’au
historique, d’ouvrages ou d’une pratique militaire. Telle début du xve siècle.
est la raison principale ayant présidé au choix des dits
passages. Hormis le Kitāb al-fihrist d’Ibn al-Nadīm, savant
et bibliographe mort entre 995-998, tous les autres 1. Ibn al-Nadīm, al-Fihrist
passages sont tirés de traités de furūsiyya et de manuels Dār al-maʿrifa, Beyrouth, 2013, p. 436-437
de guerre. Ces sources didactiques ainsi que leurs
auteurs sont généralement méconnus des chercheurs ‫الكتب المؤلفة في الفروسية وحمل السالح وآالت الحروب والتدبير والعمل‬
ne travaillant pas sur les questions relatives à la guerre
116
‫بذلك لجميع األمم‬
et à la furūsiyya. Les extraits et leurs traductions ont été ‫ كتاب اثنين الضرب‬،‫ وقيل لبهرام جوبين‬،‫كتاب اثنين الرمي لبهرام جور‬
classés par ordre chronologique de leur auteur : ‫ كتاب تعبئة الحروب؛ وآداب األساورة؛ وكيف كانت‬،‫بالصوالجة للفرس‬
– Naǧm al-Dīn Ḥasan al-Rammāḥ, connu aussi sous ‫ملوك الفرس تولى األربعة الثغور من الشرق والغرب والجنوب والشمال؛‬
le nom d’al-aḥdab (le « bossu »), grand maître ‫ جود في تأليفه‬،‫كتاب الحيل للهرثمي الشعراني ألفه للمأمون في الحروب‬
lancier des débuts de l’époque mamelouke ‫ المقالة الثانية ستة وثالثون‬،‫ المقالة األولى ثالثة أجزاء‬:‫وجعله مقالتين‬
‫ يحتوي‬.‫ ألف وخمسة وعشرون بابا الجزء األول عشرون بابا‬،‫فصال‬
bahrite, originaire de la ville de Tripoli dans ‫ يحتوي على‬.‫ الجزء الثاني سبعة أبواب‬.‫على مائتين وأربع وستين مسألة‬
l’actuel Liban et qui aurait vécu de 1238 à 1296110. ‫ يحتوي على‬.‫ الجزء الثالث أربعة وعشرون بابا‬.‫اثنتين وأربعين مسألة‬
– Muḥammad b. Mankalī (m. fin xive siècle). Nous ‫ كتاب عبد الجبار بن عدي للمنصور في آداب‬.‫مائة وأربع وأربعين مسألة‬
disposons que de très peu d’informations sur ‫الحروب وصورة العسكر؛ كتاب اإلشميطي في الفروسية؛ كتاب آداب‬
l’auteur. On sait qu’il occupa la fonction de naqīb ‫الحروب؛ وفتح الحصون والمدائن؛ وتربص الكمين؛ وتوجيه الجواسيس‬
.‫والطالئع والسرايا؛ ووضع المسالح؛ ترجمته مما عمل لألردشير بن بابك‬
(commandant) dans l’armée mamelouke sous le
règne du sultan d’al-Ašraf Šaʿbān (m. 1377)111. Les livres qui traitent de la furūsiyya, du port des armes,
– Muḥammad b. ʿĪsā al-Aqṣarā’ī, auteur prétendu des machines de guerre, de la gestion et de l’usage de
du Nihāyat al-suʾl wa-l-umniyya fī taʿallum aʿmāl ces choses chez toutes les nations.
al-furūsiyya, serait issu d’une famille d’ulémas
de Damas qui entretenait de bonnes relations

112. Tantum, 1979, p. 188 ; al-Sarraf, 2004, p. 153-154, 195-200 ; al-


Aqṣarā’ī, Nihāyat al-su’l, p. 132 et 134.
110. Naǧm al-Dīn Ḥasan al-Rammāḥ, al-Furūsiyya wa-l-manāṣib al- 113. Ibn Hudhayl, Ḥilyat al-fursān, p. 9.
ḥarbiyya, éd. Fāruq Aslīm, 2007, p. 9. 114. al-Rašīdī, Tafrīǧ al-kurūb, p. 24-25.
111. Ibn Mankalī, al-Adilla al-rasmiyya fī-l-taʿābī al-ḥarbiyya, éd. al-Liwā’ 115. al-Rašīdī, Tafrīǧ al-kurūb, p. 8.
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1988, p. 87. certains mots
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 193

Le livre de la règle117 du tir à l’arc par Bahrām Gūr ou, lui. Ils sortaient en un contre un, posaient le fer de leur
dit-on, par Bahrām Čūbīn ; la règle de la pratique du jeu lance dans du safran, et portaient des vêtements blancs.
du polo chez les Perses, la mobilisation pour les guerres, Ainsi, si l’un d’eux se faisait toucher, la trace du coup
de lance était bien visible. Al-Muʿtaṣim et al-Muʿtaḍid,
le dressage des cavaliers et comment les rois de Perse eux aussi, faisaient de même : ils invitaient les cavaliers
administraient les quatre frontières à l’est, à l’ouest, de tous les horizons, il [le calife] les recevait et ces
au sud et au nord ; un livre sur les stratagèmes dans derniers s’entrepourchassaient devant lui.
les guerres qu’al-Harthamī al-Šaʿrānī a composé pour
al-Ma’mūn. Il l’a bien écrit et l’a organisé en deux traités.
Le premier traité comporte trois parties ; le second traité 3. Al-Aqṣarā’ī, Nihāyat al-suʾl wa-l-umniyya fī taʿallum
trente-six sections, mille vingt-cinq chapitres. aʿmāl al-furūsiyya
La première partie [du premier traité] comporte éd. Ḫālid Aḥmad al-Suwaydī, Dār Kinān,
vingt chapitres, traitant de deux cent soixante-quatre Damas, 2009, p. 81
questions. La deuxième partie a sept chapitres traitant
de quarante-deux questions. La troisième comprend ‫الباب الثامن في األخذ والعقد‬
vingt-quatre chapitres traitant de cent quarante-quatre ،‫ وسبعة وثالثين‬،‫ وتسعين‬،‫ وتسعة‬،‫ وهي ثالثة وستين‬،‫العقود خمسة‬
questions. ،‫ وهم أربعة وعشرون‬،‫ الخسرواني القديم‬،‫ وثالثة وسبعين‬،‫وثالثين‬
Le livre de ʿAbd al-Ǧabbār b. ʿAdī qu’il a écrit pour ‫ فأما القديم الذي‬،‫ ث ّم عقد الملح ال يصلح للرمي في األسراب‬،‫والوديعي‬
al-Manṣūr sur les règles de la conduite des guerres et ‫ وهو أش ّد‬،‫رمت به األكاسرة من عهد أردشير بن بابك فهو ثالثة وستين‬
l’ordre de bataille des armées ; le livre d’al-Išmīṭī sur .‫ وعليه عامة الرماة‬،‫في الهدف وأصح عن اإلطالق‬
l’équitation, la conduite des guerres, la prise des forte- • Le chapitre 8 concernant la prise et la manière
resses et villes, comment tendre une embuscade, l’envoi de saisir la corde
des espions, des éclaireurs, des compagnies, et l’établis-
sement des garnisons. Il s’agit d’une traduction de ce qui Les manières de positionner les doigts sur la corde
a été écrit pour Ardašīr b. Bābak. sont au nombre de cinq119: soixante-trois, neuf, quatre-
vingt-dix, trente-sept, trente et soixante-treize, celle,
ancienne, appelée al-Ḫusrawānī [« à la manière de
Khosrow »] et qui est de vingt-quatre, et celle appelée
2. Naǧm al-Dīn Ḥasan al-Rammāḥ, al-Furūsiyya al-Wadīʿī120. Une position trop serrée des doigts sur
wa-l-manāṣib al-ḥarbiyya la corde ne convient pas pour le tir en groupe. Et
éd. Fārūq Aslīm, Zayed Center for Heritage & History, l’ancienne manière que pratiquaient les empereurs
Abu Dhabi, p. 72 perses à l’époque d’Ardašīr b. Bābak est le soixante-
trois et elle est la plus précise pour atteindre la cible, la
meilleure au moment de la décochée. La majorité des
‫ يتطاردون‬،‫ وتخرج الفرسان‬،‫كان كسرى أنوشروان يجلس في قبة الميدان‬ archers pratique celle-ci.
،‫رؤوس رماحهم في زعفران‬َ ‫ ويضع‬،‫ فيخرج واحد إلى واحد‬،‫بين يديه‬
‫ وكذلك‬،‫ حتى إذا طعن أحدُهم صاحبه بان عليه‬،‫وعليهم الثياب البيض‬
‫ ويجلس‬،‫(كان) يفع ُل المعتصم والمعتضد؛ يُحضران الفرسان من ك ّل أُفق‬
‫ وهم يتطاردونَ بين يديه‬.‫(الخليفة) لهم‬
part à leur époque existait une furūsiyya de noblesse pratiquée par
Kisrā Anūširwān s’asseyait sous le dais du maydān118 et la cour, et d’autre part ces derniers pratiquaient déjà le polo, sport
les cavaliers sortaient et s’entrepourchassaient devant qu’ils ont « légué » aux Abbassides. En Égypte, il existait des mayādīn
sous les Toulounides, les Ikhshdīdes, les Fatimides et Ayyoubides. Le
terme de maydān pour S. al-Sarraf serait aussi utilisé pour désigner
« la technique d’un combat collectif simulé entre deux équipes de
lanciers, s’exécutant suivant le tracé d’une course ». Dans son Kitāb
117. Le mot arabe ‫ اثنين‬a été corrigé en ‫ =( آئين‬āyīn, moyen-perse ēwēn al-furūsiyya wa-l-manāṣib al-ḥarbiyya, Naǧm al-Dīn Ḥasan al-Rammāḥ
« protocole, règle, manière »). y consacre seulement quelques pages. Néanmoins il existe des traités
118. Pluriel mayādīn. Terme pouvant revêtir plusieurs significations : de furūsiyya plus connus pour leurs descriptions et explications
« arène », « hippodrome », « place ». Voir Kazimirski 2004, vol. 2, de l’exercice des mayādīn comme le Tuḥfat al-Muǧāhidīn fī al-ʿamal
p. 171 ; Ḍīf 2008, p. 753. Pour A. Carayon, en plus d’être un symbole bi al-mayādīn de Lāǧin b. ʿAbd Allāh al-Dhahabī al-Ṭarābulsī, et le
du pouvoir en place, le maydān, à l’époque mamelouke, était un lieu Buǧiyat al-qāṣidīn bi al-ʿamal fī al-mayādīn de Muḥammad b. Lāǧin al-
dans lequel pouvait se dérouler différents types d’événements : Ṭarābulsī al-Rammāḥ, fils de l’auteur cité précédemment. L’auteur
des activités militaires telles que des exercices ou des revues de du Nihāyat al-suʾl consacre un chapitre à ces mayādīn dans lequel,
troupes, des cérémonies comme la distribution de robes d’honneur d’une part, il enseigne au cavalier la procédure à suivre pour
ou de chevaux sellés par le sultan, ou encore des parties de polo, l’exécuter correctement, et d’autre part présente le dessin de treize
moments de divertissements préférés du sultan et de sa cour. Il tracés de courses différents dans lesquels peuvent se dérouler les
existait une multitude de mayādān au Caire, et quelques-uns dans les combats simulés. Voir Naǧm al-Dīn Ḥasan al-Rammāḥ, al-Furūsiyya
autres grandes villes du sultanat. A. Carayon préfère la définition de wa-l-manāṣib al-ḥarbiyya, éd. Fārūq Aslīm, Zayed Center for Heritage
« manège » à celle d’« hippodrome », généralement utilisée pour les & History, Abu Dhabi, p. 197-202 ; al-Aqṣarā’ī, Nihāyat al-su’l, p. 173-
mayādīn de l’époque mamelouke, et suit donc l’avis d’E. Quatremère 182 ; Carayon 2012, p. 376-379, 382-410 ; Nettles 2001, p. 77, 131-134,
qui l’avait déjà utilisée, notamment dans sa traduction du Kitāb 155-159 ; al-Sarraf 2004, p. 144-146, 172-174.
al-sulūk li-maʿrifat duwāl al-mulūk d’al-Maqrīzī. Pour I. B. Nettles, le PUBLISHERS
© BREPOLS 119. Dans le texte, six manières de positionner les doigts sur la corde
maydān est un lieu de « war-preparation » pour l’armée
THIS mamelouke.
DOCUMENT sont
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PRIVATE et non cinq.
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Les origines du maydān remonteraientITaux Sassanides
MAY NOT car d’une
BE DISTRIBUTED 120. Très probablement
WITHOUT PERMISSION provenant d’un archer qui s’appelait Wadīʿ.
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194 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

4. Al-Aqṣarā’ī, Nihāyat al-suʾl wa-l-umniyya fī taʿallum ‫الذي رمت به الفرس إلى زمان الملوك الساسانية وكانت الفرس يفتخرون‬
aʿmāl al-furūsiyya ،‫ والجوشن‬،‫به وهذا ال يصلح للحرب ألنه ال يطيق الرمي به من الخوذة‬
éd. Ḫālid Aḥmad al-Suwaydī, Dār Kinān, ‫ وهو على خالف النظر‬،‫ النظر الخارج‬:‫ والوجه الثاني‬.‫ومن تحت الدرقة‬
Damas, 2009, p. 81 ‫ وأول من رمى به‬،‫ والسالح ما خال الدرقة‬،‫الداخل يصلح لسائر الحروب‬
.‫أردشير بن بابك‬

‫الباب التاسع في تركيب السبابة على اإلبهام‬ • Le chapitre six sur le regard [pour viser]
‫أما مذهب أردشير فإنه قال في (كتاب النهايات) طول القصير وقصر‬
‫ وقال بعضهم أن‬،‫ والطويل السبابة‬،‫ المراد من القصير اإلبهام‬،‫الطويل‬ Sache que les archers ont divergé sur le regard et ce
.ً ‫ وأجود خالصا‬،‫ وهو أسرع للسهم‬،ً‫يعقد مقفال‬ qu’il est […]. Quant aux manières de regarder [viser]
qui ont été identifiées au nombre de trois, il y a ceux
qui sont d’avis qu’on doit le faire de l’intérieur [de
• Chapitre sept concernant le fait de placer l’index sur le pouce l’arc]. Cette façon est l’ancienne avec laquelle les
Perses tiraient à l’époque des rois sassanides et ils en
Quant à l’école (madhhab) d’Ardašīr, il a dit (dans le livre étaient fiers. Cependant, elle ne convient pas pour la
al-Nihāyāt) : « rallonge le court et raccourci le long ». Le guerre car l’archer ne peut pas la pratiquer avec un
sens est que le court désigne le pouce et le long l’index. casque, un ǧawšan121 et en dessous de la daraqa122. La
Certains ont dit qu’on forme une boucle (avec l’index et deuxième façon, c’est viser de l’extérieur [de l’arc].
le pouce) et cela est plus rapide pour [mettre et tenir] la Elle est contraire à la précédente et convient pour tous
flèche [et mieux de manière générale]. types de guerres et peut être pratiquée avec tout type
d’arme à l’exception de la daraqa. Ardašīr b. Bābak est le
premier à avoir tiré à l’arc en visant de cette manière.
5. Al-Aqṣarā’ī, Nihāyat al-suʾl wa-l-umniyya fī taʿallum
aʿmāl al-furūsiyya
éd. Ḫālid Aḥmad al-Suwaydī, Dār Kinān, 7. Ibn Hudhayl, Tuḥfat al-anfus wa šiʿār sukān
Damas, 2009, p. 90. al-Andalus
éd. ʿAbd Allāh Aḥmad et Muḥammad Fātiḥ Zaʿl, Zayed
‫ مذهب‬:‫] الوجه الثاني‬...[ ‫العلماء في معرفة المقدار على أربعة أوجه‬ Center for Heritage & History, al-ʿAyn, 2004, p. 252
‫أردشير بن بابك أن يأخذ القوس موترة يقبض بكفه األيسر وبالوتر بثالث‬
‫ فإذا انتهى‬،‫ والبنصر فيجذب الوتر إلى مرفقة‬،‫ والوسطى‬،‫أصابع السبابة‬ ‫ عليكم بأهل الشجاعة والسخاء فإنّهم أه ُل‬:‫مرازبَته‬
ِ ‫أنوشرْ وان إلى‬
ِ َ ‫َكت‬
‫َب‬
‫ ث ّم‬،‫إلى المرفق خلى البنصر عن الوتر ومد إلى المنكب األيسر بإصبعين‬ ّ
.‫الظن باهلل‬ ‫ُحسْن‬
‫ ويمد بالسبابة حتى يصل الشدوة اليسرى فإن قدر عليها‬،‫يترك الوسطى‬
‫ بل تصلح للمد ألنّه عجز‬،‫ وال تصلح للرمي‬،‫فهي قوسه التي تصلح السباق‬ Anūširwān a écrit à ses marzbān123 : « Entourez-vous et
.‫عن مدها من المرفق إلى المنكب إال بالخنصر‬ suivez les gens braves et courageux car ce sont ceux-là
qui ont une bonne opinion de Dieu. »
Pour les maîtres, il y a quatre manières pour connaître
la puissance d’un arc […]. La deuxième manière est
celle de l’école d’Ardašīr b. Bābak selon laquelle on
prend l’arc cordé avec sa main gauche et la corde avec 8. Ibn Hudhayl, Tuḥfat al-anfus wa šiʿār sukān
les trois doigts que sont l’index, le majeur et l’annulaire al-Andalus
puis on tire la corde en direction du coude. Lorsqu’il éd. ʿAbd Allāh Aḥmad et Muḥammad Fātiḥ Zaʿl, Zayed
[l’archer] est parvenu au coude, il retire l’annulaire
de la corde puis arme la corde avec les deux doigts
Center for Heritage & History, al-ʿAyn, 2004, p. 217-218
restants vers l’épaule gauche [c’est-à-dire qu’il tire la
corde plus en arrière], ensuite il retire le majeur et ‫في مصابرة العد ّو ومواقفته عند اللقاء‬
arme davantage la corde avec l’index jusqu’à ce qu’il
parvienne au maximum de la force de traction avec son ‫أن الحديد يعشق المغنطيس فكذلك الظَّفَر‬
ّ ‫ كما‬:‫] قال بعض حكماء الفُرس‬...[
bras droit. S’il réussit à armer ainsi, alors cela veut dire . ْ‫يعشق الصبر فاصبر ْ تظفر‬
que son arc convient pour la compétition et non pour
le tir [à la guerre ?]. Ce type d’arc convient pour bien • Concernant la patience face à l’ennemi et le fait de tenir bon
armer car il [l’archer] n’a pas pu armer la corde, du
coude vers l’épaule, seulement avec l’auriculaire. […] Des sages perses ont dit : « À l’instar du fer attiré
par l’aimant, la victoire est, elle, attirée par la patience ;
patiente et tu seras victorieux. »
6. Al-Aqṣarā’ī, Nihāyat al-suʾl wa-l-umniyya fī taʿallum
aʿmāl al-furūsiyya
éd. Ḫālid Aḥmad al-Suwaydī, Dār Kinān,
Damas, 2009, p. 89-90 121. Type de cuirasse. Pour plus d’informations sur le ǧawšan et
d’autres types de cuirasses et d’armures, voir Nicolle 2011, p. 41-121,
263-294 ; Zouache 2007.
‫الباب السادس‬ 122. Type de bouclier. Le terme générique le plus souvent employé
pour « bouclier » est celui de turs, pl. atrās.
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‫ فأما وجوه النظر الذي‬.]...[ ‫اختلفوا في النظر وما هو‬ ‫الرماة‬
THIS ‫اعلم أن‬MAY BE PRINTED
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Titre donné
PRIVATE USEaux commandants militaires en charge des provinces
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‫ وهو القديم‬،‫ فمنهم من زعم أن النظر من داخل‬IT
‫أوجه‬
MAY‫ثالثة‬
NOT‫على‬ frontalières
‫ ذكر أنه‬WITHOUT PERMISSION
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THEl’Empire perse sassanide.
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A n Ta r d , 30, 2 0 2 2 LA THÉORIE MILITAIRE SASSANIDE : REGARDS CROISÉS 195

9. Ibn Mankalī, Kitāb al-ḥiyal fī-l-ḥurūb wa fatḥ d’armées ont été vaincues et la plupart de leurs soldats
al-madā’in wa ḥifẓ al-durūb tués, combien de fois le sacré a été outragé, [combien]
éd. Sulaymān al-Ruḥaylī, al-Imām Muḥammad de biens pillés et spoliés, de pactes rompus par la
b. Saʿūd University, Riyad, 1997, p. 296-297 trahison et les mensonges des messagers ? »

‫قتال العرب والفرس‬

‫فأ ّما العرب والفرس فإن اعتمادها على الرماح والقِسي إال أن الفارس كانت‬ 11. Muḥammad al-Rašīdī, Tafrīǧ al-kurūb fī tadbīr
.‫أرجح بالرمي من العرب ألنهم مذهبهم في الرمي مذهب الترك والمشرق‬ al-ḥurūb
‫ وأما رُجحان‬.‫] فأ ّما رُجحان العرب وفارس على األمم فبالرماح والقسي‬...[ éd. ʿĀrif Aḥmad ʿAbd al-Ghanī, Dār Kinān,
‫ وأما رُجحان‬.‫أهل المشرق والترك فبِجمع الرّاجل الواحد القوس والرمح‬ Damas, 1995, p. 40.
.]...[ ‫صف واح ٍد‬
ٍ ‫فارس من قبل فبجمع الرجالة والخيل الناشبة والرامحة في‬
‫أمر ِهم‬
ِ ‫أن يُعتم َد في‬ ْ ‫الفصل الثاني في تدبير أمر الرُّ سُل وما ينبغي‬
• La manière de combattre des Arabes et des Perses َ‫ على الملك الحازم إذا َو َّجه‬:‫] كان أردَشير بن بابِك أحد ملوك الفُرس يقول‬...[
،‫نين‬ ِ ‫ وإن وجَّه برسولَي ِْن و َّجهَ بع َدهُما ْاث‬،‫ملك أن يُرْ ِدفَهُ بآخَر‬
ٍ ‫رسوالً إلى‬
‫الحزم أَنَّ الرَّسو َل‬ْ ‫ ومن‬،‫أن ال يجمع بين ُرسُله في طريق فَعل‬ ْ ُ‫وإن أَ ْم َكنَه‬
ْ
Quant aux Arabes et aux Perses, il [leur art de la ‫ك‬ َ ‫أن ال يُحْ ِدث في ذل‬ ْ ‫إذا أتاهُ بِ ِرسالة أو ِكتاب في خير أو ش ّر وارتاب به‬
guerre] était basé sur l’utilisation de la lance et de ً ‫شيئا ً َحتّى يُرْ ِس َل َم َع رسول آخَر يَحْ كي لِ ْل ُمرْ ِسل إليه كتابَهُ أو رسالتَهُ َحرفا‬
l’archerie à l’exception des Perses qui étaient plus ‫فإن الرّسول ُربّما فاتَهُ بعض ما يُؤ ِّملُهُ فافتعل ال ُكتُب‬ ّ ،‫ ومعن ًى معن ًى‬،ً‫َحرْ فا‬
portés sur l’archerie que les Arabes étant donné que .]...[ ‫ك ال ُمرْ ِسل على المر َسل إليه‬ َ ‫ فحر‬،‫و َغيَّ َر ما شوفهَ بِ ِه‬
َ ‫َّض بِذل‬
leur manière de pratiquer celle-ci est celle des Turcs
et autres populations de l’Orient. […] Quant aux Arabes – Section 2 concernant les affaires des messagers et ce sur
et aux Perses, ce qui les distingue des autres peuples quoi qu’il convient de s’appuyer pour cela
[dans l’art de la guerre] est la prépondérance de la
lance et de l’arc. Quant aux Orientaux et aux Turcs, ils […] Ardašīr b. Bābak, un des rois perses, a dit : « Il incombe
se distinguent par le fait qu’un piéton chez eux peut au souverain ferme et résolu lorsqu’il envoie un messager
combattre à la fois avec l’arc et la lance. Quant aux de le faire suivre par un autre. S’il envoie deux messagers
Perses, ils se distinguent par leur capacité à rassembler il en fait suivre deux autres et s’il lui est possible que les
à la fois fantassins et cavaliers, les deux pouvant être messagers de ne réunissent pas en cours de route, alors
archers et lanciers, dans un seul et même rang […]. qu’il le fasse. Il est de rigueur que lorsqu’un envoyé arrive
à lui [le roi] avec une lettre ou un message contenant une
bonne ou mauvaise information ou bien s’il doute de lui
[de l’envoyé], qu’il n’entreprenne rien en fonction de
10. Muḥammad al-Rašīdī, Tafrīǧ al-kurūb fī tadbīr
cela jusqu’à qu’il envoie un autre envoyé à l’expéditeur
al-ḥurūb du message afin qu’il lui lise, mot à mot, le message ou la
éd. ʿĀrif Aḥmad ʿAbd al-Ghanī, Dār Kinān, lettre que ce dernier avait envoyé au préalable. En effet,
Damas, 1995, p. 36. il se peut qu’il manque à l’envoyé ce qu’il espérait et que,
pour parvenir à ses fins, il altère délibérément le contenu
ْ ‫الباب الثالث في الرسُل وما يتعيّن‬
ّ ‫أن يكونوا عليه من الصفات وما يستح‬
‫ق‬ du message. En agissant de cette manière, l’envoyé incite
.‫َمن خرج منهم عن جادَّة الطريق وفيه فصالن‬ l’expéditeur contre le destinataire et cela aboutit à de
‫الفصل األوّل في صفاتهم‬ graves désordres […].

‫قد ذكر العلماء المتكلّمون في آداب الملوك أنّه ينبغي أن يكونَ رسو ُل‬
،‫ عارفا ً باألحوال‬،‫ بصيرًا باألُمور‬،‫ صحيح المزاج‬،‫الملك َذك ّي الفطنة‬ 12. Muḥammad al-Rašīdī, Tafrīǧ al-kurūb fī tadbīr
‫عالما ً بِمواقع الكالم‬. al-ḥurūb
‫ كم من دم سفكه الرَّسول بغير‬:‫كان أردَشير بن بابِك أحد ملوك الفُرس يقول‬ éd. ʿĀrif Aḥmad ʿAbd al-Ghanī, Dār Kinān,
ْ ‫ وكم جيوش ه ُِز َم‬،‫ِحلِّ ِه‬
ْ ‫ وكم حُرْ َم ٍة انتُ ِهك‬،‫ت بذلك وقُتِ َل أكثرُها‬
‫ ومال قد‬،‫َت‬
Damas, 1995, p. 48-49
.‫ وأكاذيب ما يأتونَ بِ ِه‬،‫ بِخيانة ال ُرسُل‬،‫ص‬ َ ِ‫ وعهد قد نُق‬،‫ب‬ َ ‫نُ ِه‬
‫ وجّه إلى قتال‬،‫ أَنَّ كسرى أَ ْب َرويز أحد ملوك الفُرْ س‬:ً‫وحكى الجاحظ أيضا‬
• Chapitre 3 concernant les messagers et ce qu’ils doivent ُ‫ وحمله‬،‫ وانحاز إلى ملك الروم‬،‫ فعصى عليه‬،‫ملك الروم أميراً من أمرائه‬
avoir comme qualités et ce que méritent ceux qui sortent de ‫ فل ّما بلغ ذلك أبرويز‬.‫على أبرويز فخرج ملك الروم لقتال في أربعمئة ألف‬
la voie et à ce propos il y a deux sections : :‫ يقول فيه‬،‫عمد إلى كتاب َكتَبَهُ إلى أميره الذي عصى عليه ببالد الروم‬
‫ك الروم في يوم كذا؛‬ ُ ِ‫«إذا وافاك كتابي هذا فاحْ ِرق ديار الروم وأنا وأنت نمل‬
– Section 1 concernant les qualités ً‫ وطلب نصرانيا ً كان عندهُ أسيرا‬،‫ وجعل الكتاب في ضمنها‬،‫ونقب عصا‬
Les maîtres qui ont parlé au sujet du adab (bonne ‫ فعرّفه بأمر الكتاب الذي في العصا ودفع إليه العصا‬،‫يُظ ِه ُر المحبة للملك‬
conduite) des souverains ont mentionné qu’il convient ُ‫ وع ِّر ْفه‬،‫ وادفع هذه العصا‬،‫ «اذهب إلى أميري فُالن في بالد الروم‬:‫وقال‬
que le messager du roi doit être intelligent, doté d’une ‫ نحو‬،‫ فخرج النصران ّي حتى أتى إلى ديار الروم فسمع‬،‫بالكتاب الذي فيها‬
constitution et d’un tempérament sains, clairvoyant ،‫ ومال إلى دينه‬،‫عشرة آالف ناقوس تضرب فأدركته ح ّمية النصرانيّة‬
dans les affaires, connaisseur des situations, expert ‫ فدفع تلك العصا إليه وعرّفه‬،‫ فأذن له‬،‫فأتى إلى ملك الروم واستأْ َذنَ عليه‬
dans l’art de la parole et son bon usage. ‫ك األمير الذي‬ َّ ‫بأمر الكتاب فاست َْخ َر َجهُ وقرأهُ ف َش‬
َ ‫ق ذلك عليه وتغيّ َر على ذل‬
ُ‫ وحلف إن وقعت عينُهُ عليه لِيَقتلنَّه‬،‫انض ّم إلي ِه من جهة أبرويز ملك الفرس‬
Ardašīr b. Bābak, un des rois perses a dit : © BREPOLS PUBLISHERS‫ فل ّما‬،‫ ورجع ملك الروم إلى ملكه‬،‫ش ّر قتلة؛ فل ّما بلغ ذلك األمير ف ّر بنفسه‬
« Combien de sang les messagers ont-ils fait couler
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PRIVATE ‫أربعمئة‬ ‫«إن كلمة هزمت‬
USE ONLY. ّ :‫بلغ ذلك الخبر أبرويز ملك الفرس قال‬
alors qu’il n’était pas légitime de le NOT
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BE DISTRIBUTED ‫لجليل قدرها‬
196 MEHDI BERRIAH, MAXIME PETITJEAN AnTard , 30, 2022

Al-Ǧāḥiẓ raconte aussi que Khosrow Abarwēz, un des « Rends-toi chez mon commandant un tel qui est en pays
rois de Perse, envoya un de ses commandants faire la de Rūm, donne-lui ce bâton et informe-le du message qui
guerre à l’empereur des Rūm124 mais celui-ci lui désobéit s’y trouve. » C’est alors que le chrétien partit jusqu’à ce
et se mit au service de l’empereur byzantin qu’il incita à qu’il parvînt au pays de Rūm où il entendit environ dix
combattre Abarwēz. L’empereur des Rūm partit à la tête mille cloches sonner, ce qui provoqua en lui une ferveur
d’une armée de 400 000 hommes combattre Abarwēz. religieuse et le fit pencher donc du côté des chrétiens
Lorsque la nouvelle parvint à Abarwēz, celui-ci décida [byzantins]. C’est alors qu’il alla chez l’empereur des
d’écrire un message à destination du commandant Rūm et demanda l’autorisation de le rencontrer, chose
transfuge qui se trouvait en territoire byzantin : qui lui fut accordée. Il lui donna le bâton en l’informant
« Lorsque te sera parvenu mon message, ravage et brûle du message qui s’y trouvait et l’empereur demanda
la terre des Rūm ; ainsi, toi et moi nous en prendrons qu’on sorte le message. La lecture du message lui fut
possession tel jour ». Il fit faire un trou dans un bâton insupportable et lui fit complètement changer l’opinion
dans lequel il y plaça la lettre. Il fit venir un chrétien qui qu’il avait sur le commandant perse qui avait fui le camp
était un de ses prisonniers et qui affichait de l’affection du roi perse Abarwēz pour rejoindre le sien. Il jura que si
pour l’empereur. Ce dernier le mit au courant au sujet par malheur il arrivait que ses yeux se posaient sur lui,
de la lettre dans le bâton qu’il lui donna, puis lui dit : il le mettrait à mort de la pire des manières. Lorsque le
commandant perse apprit cela, il s’enfuit et l’empereur
des Rūm retourna dans son empire. Lorsque la nouvelle
parvint à Abarwēz, celui-ci dit : « Une parole qui met en
déroute une armée de 400 000 hommes est certes une
124. Ethnonyme persan et arabe désignant les Romains et les Byzantins. parole d’une immense valeur ! »

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