Boileau - Correction Du Commentaire

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Les Embarras de Paris

Nicolas BOILEAU, Satire VI

Intro :
L’apogée du classicisme se trouve au XVII ème siècle.
Paris connaît un important essor même si le Roi a commencé à aménager Versailles où il séjourne, délaissant
le Louvre. La ville s’agrandit pour atteindre 400 000 habitants.
Les journées des barricades pendant la Fronde (1648) conduisent le ministre Colbert à élargir les rues pour
les sécuriser, tandis que des embellissements se font pour célébrer la gloire du Roi Soleil.
BOILEAU naît en 1636 et meurt en 1711. Il est avocat et engagé auprès des anciens dans « La querelle des
Anciens et des Modernes ».
Son œuvre Satires écrite de 1660 à 1701, est une critique des vices et des hommes de son époque et plus
précisément des défauts de la société urbaine du XVII ème siècle.
Son ouvrage, Satires VI paru en 1664, a été inspiré des « Embarras de Rome » de Juvénal (Ier siècle) où la
vie de Rome est infernale. De plus, cela montre une vision critique de la vie parisienne.
Le poème que nous allons étudier met en scène une journée du poète qui est confronté aux nuisances de la
ville.
De plus, après une nuit tourmentée par les cris des hommes et des bêtes, l’auteur entreprend un parcours de
combattant à travers les ruelles dangereuses de Paris.Quelle représentation de la rue parisienne Boileau
nous propose-t-il ?
Nous verrons dans un premier temps que ce texte propose une représentation plutôt réaliste de Paris
au XVIIè siècle puis nous aborderons la dimension plus critique dans une deuxième partie.

I/ Une représentation de Paris au XVIIè siècle.

1. Une vision réaliste

→ Objectivité apparente :
(Les choses telles qu’elles sont)
• Utilisation de la 1er personne :
« je » (V.1), « me » (V. 3)
→ Témoin oculaire

• Une généralisation :
« on » (V.31)
→ Pronom Indéfini

• Personnage réel
« Guénaud » (V.68)
→ Médecin le plus célèbre de Paris à l’époque

→ Description de la vie parisienne précise :

• Différents métiers, corporations


« Couvreurs » (V.41), « laquais » (V.37), « paveurs » (V.39)

• Différentes classes sociales :


« peuple » (v.32), « carrosse » (v.47;56), « sur son cheval » (v.68)
→ Identifiables par les moyens de transports, locomotions

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• Différents animaux vus dans la rue : « bœufs » (v. 54), « mulets » (v.56)

→ Scène de la vie quotidienne :

• Enterrement :
« enterrement... » (v.35)

• Accident de la circulation et ses conséquences :


« carrosse en tournant accroche une roue » (v.47)

→ Détails sordides :

• Saleté de la ville :
« pavé glissant » (v.46), « un tas de boue » (v.48)

2. Une vision grouillante de la ville

→ L’agitation :

• Nombres d’individus :
« presse » (v.1), « peuple » (v.2), « foule » (v.14)
→ Mots singuliers qui désignent un grand nombre de personnes

« laquais » (v.37), « passants » (v.38)


→ Multiplication de termes au pluriels

• Multiplication de pronoms et adjectifs indéfinis :


« l’un » (v.33), « l’un l’autre » (v.37), « chacun » (v.55), « l’autre » (v.55)

• Images animalières marquant une activité désordonnée :


« Fourmillent » (v.2)
→ Métamorphose (métaphore)

• Utilisation du présent de narration pour les verbes :


« heurte » (v.33), « esquive » (v.67), « pousse » (v.67)
→ Sensation de voir la scène se dérouler devant nous - Hypotypose

→ La cacophonie :

• Multiplication des bruits :


« aboyer » (v.38), « jurer » (v.38), « sonnant » (v.56), « mugit » (v.55)
« confusément » (v.61)
→ Verbes / Adverbe
« Des mulets en sonnant augmentent le murmure » (v.56)
→ Allitération nasale « m » et « n »
→ Assonance en « en » et « u »
→ Qui provoque un bruit sourd, un grondement comme un murmure – Harmonie
imitative

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• Des bruits de différentes origines :
Hommes et animaux
• Des bruits reproduit par leurs sonorités :
« D’un carrosse en tournant il accroche une roue » (v.47)
→ Jeu d’allitération et d’assonances pour donner l’effet de reproduire ce bruit
→ L’étouffement :

• Opposition du poète avec les importuns (gêneurs) :


« Il faut fendre la presse
D’un peuple d’importuns » (v.31;32)
« l’un me heurte » (v.33)

• Opposition entre la multiplication des verbes de mouvements et l’impossibilité


d’avancer à cause de l’embouteillage :
« Dans le même embarras se vient embarrasser » (v.50)
→ 2 mots de la même famille pour renforcer l’idée

Cette agitation semble inutile et incohérente, les actions continuelles et désordonnées


montrent que cette agitation est vaine.

3. Un danger omniprésent

→ Succession de problèmes :
« En quelque endroit que j’aille, il faut fendre la presse » (v.31)
« D’un peuple d’importuns qui fourmillent sans cesse » (v.32)
→ Jeu de sonorité au début de l’extrait
« Froissé » (v.33), « choc » (v.48), « accroche » (v.47), « coup » (v.34)
→ Champ lexical du heurt

→ Un danger à de multiple origine :

• Par l’homme :

→ Au sol : « L’un me heurte d’un ais » (v.3)


« un autre coup de mon chapeau renversé » (v.4)

→ Sur les toits : « Des couvreurs grimpés au toit d’une maison » (v.41)
« En font pleuvoir l’ardoise et la tuile à foison » (v.42)
→ Métaphore des verbes : « pleuvoir » + expression « à foison »
→ Allitération en « l »

• Par des objets qui semblent bouger tout seuls :


« Une poutre branlante
Vient menaçant de loi la foule » (v.43;44)
→ Personnification

Le danger semble présent à tous les niveaux.


BOILEAU nous présente une vision réaliste de Paris mais cette vision est uniquement négative.
Paris n’est que bruit, danger, désordre et étouffement.
Le réalisme semble donc laisser place à une subjectivité certaine.

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II/ Une vision satirique
(critique)

1.Une parodie d’épopée

→ La scène de combat :

• Danger (Cf. I/3) :


→ Intensité dramatique avec des phrases de plus en plus longues

• Mouvement (Cf. I/2) :


« je saute vingt ruisseaux, j’esquive, je me pousse » (v.67)
→ « Esquive », « pousse » rappelle l’escrime
→ Multiplication de verbes d’actions
→ Rythme ternaire

• Les adversaires multiples (Cf étouffement)

• Un combat à cheval :
« Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés de l’embarras qui croit ferment les
défilés, et tout partout les passants, enchaînant les brigades au milieu de la paix font
voir les barricades » (v.57,60)

→ Présence de la mort :
(proche du registre tragique)

« Un sort malencontreux » (v.53)


« Là, je trouve une croix de funeste présage » (v.40)
« Là, d’un enterrement la funèbre ordonnance
D’un pas lugubre et lent vers l’église s’avance » (v.35,36)
→ Personnification d’un cortège
→ Assonance en sonorités sourdes « en »

→ Cependant, la prouesse est ridiculisée :

• Les chevaux n’interviennent pas dans une guerre mais pour résoudre un embouteillage

• Les adversaires n’ont comme armes que des tuiles ou des planches (v.3)

• Le héros ne veut pas sauver le monde mais juste rentrer chez lui.

• Le héros est dévalorisé


« Et n’osant plus apparaître en l’état où je suis
Sans danger où je vais, je me sauve où je puis » (v.69,70)
→ Il est souillé par la boue
→ Il est perdu : « sans songer où je vais »
→ Il est lâche : « je me sauve où je puis »

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2. Une exagération constante qui tourne au burlesque

→ Des images étonnantes voire comiques :

• La poutre que n’arrive pas à traîner 6 chevaux :


« Six chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l’émouvoir sur le pavé glissant » (v.45,46)
→ Enjambement

• Un « tronc d’arbre » capable d’anéantir un carrosse et de le faire tomber dans la boue :


« D’un carrosse en tournant il accroche une roue
Et du choc le renverse en un grand tas de boue » (v.47,48)

• Des tuiles qui pleuvent

→ La profusion et le gigantisme :
→ Multiplication des nombres marqués par un crescendo

• Impossibilité de l’intervention divine :


« Dieu, pour s’y faire ouïr, tournerait vainement » (v.62)
→ Verbe au conditionnel
→ Adverbe

→ Impossibilité du poète d’être à plusieurs endroits à la fois :


« Là » (v.35), « En quelque endroit » (v.31), « plus loin » (v.37), « partout » (v.59)
→ Connecteur de temps et de lieux en début de vers
→ Présent donnent l’impression que le poète est partout à la fois en même temps

3. Un monde chaotique : désordre absolu VS cosmos


Le monde urbain devrait être ordonné mais l’extrait montre l’inverse, c’est un monde infernal où il ne fait pas bon vivre.
→ Des animaux abondamment présents dans une ville qui devient une véritable arche de
Noé :
« Chiens » (v.38), « Chevaux » (v.45), « bœufs » (v.54), « mulets » (v.56)

→ Confusion (caractéristique du chaos) entre homme et animal :


« Font aboyer les chiens et jurer les passants » (v.38)
→ //
« L’un mugit, l’autre jure » (v.55)
→ //
→ Métamorphose de « mugit » qui est utilisé pour l’homme et non pour l’animal

« Des mulets en sonnant augmentent le murmure » (v.56)


→ Le bruit du mulet et de la foule se mélangent

« On n’entend que des cris poussés confusément » (v.61)


→ Adverbe → Mot « cri » (homme ou animal)
Conclusion  :

5 /6
A travers cette satire, BOILEAU peint un tableau haut en couleur de la capitale : la veine comique
renforcée par la situation du personnage se mêle à la critique féroce de la dure réalité de Paris de son époque.
Trois siècle plus tard, le même tableau de nos villes pourrait être dressé.

6 /6

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