La Comptabilite Agricole Marocaine
La Comptabilite Agricole Marocaine
La Comptabilite Agricole Marocaine
ISSN: 2550-469X
Volume 5 : Numéro 4
EL YAMLAHI Imane
Enseignante chercheuse
Université Sultan Moulay SLIMANE
HABACHI Younes
Enseignant chercheur
Université Sultan Moulay SLIMANE
Résumé
De nos jours, l’agriculteur ne peut se passer de la comptabilité agricole, sans elle ; on ne peut
pas déterminer le coût de chaque produit, ni calculer le chiffre de ses produits et charges ou
donner avec précision son profit ou perte. Les pratiques des entreprises agricoles en matière
d’évaluation de leurs actifs productifs ne sont pas conformes aux règles d’évaluation globales
prévues par le CGNC.
Une telle situation n'est pas satisfaisante et risque de placer notre pays en retard par rapport à
ses partenaires économiques, en matière de développement de la comptabilité et de gestion des
exploitations agricoles. Dans cet article, nous proposerons une analyse du cadre comptable de
l’entreprise agricole au Maroc avec une comparaison à l’international. Nous proposons une
solution à la problématique de valorisation des biens vivants agricoles. A cet effet, nous
évoquerons dans un premier lieu, les dispositions préconisées par le code général de
normalisation comptable en la matière ; ainsi qu’on s’intéressera aux pratiques utilisées par les
entreprises marocaines pour valoriser les biens vivants agricoles aussi bien à l’entrée au bilan,
à l’inventaire et à l’arrêté des comptes.
Mots clés : Secteur agricole, plan comptable agricole, CGNC, entreprise agricole, comptabilité
agricole, fiscalité.
Abstract
Today, the farmer cannot do without agricultural accounting, without it; it is not possible to
determine the cost of each product, nor to calculate the number of its income and expenses or
to give with precision its profit or loss. The practices of agricultural companies in terms of
valuing their productive assets do not comply with the global valuation rules provided for by
the CGNC.
Such a situation is not satisfactory and risks placing our country behind in relation to its
economic partners, in terms of development of accounts and management of agricultural
holdings. In this article, we will provide an analysis of the accounting framework of the
agricultural business in Morocco with an international comparison. We offer a solution to the
problem of valuing agricultural living goods. To this end, we will first discuss the provisions
recommended by the general code of accounting standardization in this area; as well as we will
be interested in the practices used by Moroccan companies to value agricultural living goods as
well at entry into the balance sheet, inventory and closing of accounts.
Key words : Agricultural sector, agricultural chart of accounts, CGNC, agricultural enterprise,
agricultural accounting, taxation.
Introduction
Les opérations concernant les animaux, et plus largement encore tous les biens vivants, sont
évidemment tout à fait spécifiques. Ainsi les animaux sont caractérisés par une croissance à
laquelle la nature contribue et qui modifie leur valeur, mais aussi parfois
leur rôle dans l'entreprise : leur destination n'est pas toujours la même, avec, en vue, leur
commercialisation prochaine, ou, au contraire leur conservation comme outils permanents d'une
production laitière ou de viande. Ce qui peut inciter à les classer, tantôt en moyens de production
pérennes, c'est-à-dire en immobilisations (une plantation, des animaux reproducteurs), tantôt en
produits de l'exploitation (des animaux finis, des récoltes sur pied). Dans ces conditions, on
pourra estimer que les opérations correspondantes pourront avoir soit un caractère exceptionnel
soit courant.
La présence de cheptel vif implique donc que l'on mette en œuvre des règles précises de
comptabilisation de l'activité d’élevage. A cet égard l'exploitation agricole est tout à fait
singulière, mais cela n'empêche pas que l'on souhaite rattacher les solutions retenues à la théorie
comptable classique. La place des animaux au bilan, c'est-à-dire le choix d'une catégorie
comptable d'appartenance, immobilisations ou stocks par exemple, est un premier point à
trancher (CARLES, 2004).
Un second point est celui du croît des animaux lorsqu'il existe. Les animaux nés sur
l'exploitation ou achetés jeunes et nourris ensuite sur l'exploitation, avec ses ressources
fourragères notamment, sont gardés durant plusieurs mois, voire plusieurs années, selon qu'ils
sont destinés à devenir des bovins d'engraissement (avec un cycle de production plus ou moins
court) ou des bovins (femelles principalement) pour la reproduction et le renouvellement du
cheptel de souche.
En principe, ils prennent de la valeur en fonction de leur croît. Mais avant qu'ils atteignent un
certain stade, leur destination est assez souvent incertaine, du moins pour quelques-uns : en
fonction de l'état du marché, de leurs performances, de leur conformation, ils pourront changer
de destination. Cette incertitude rend plus complexe leur comptabilisation (CARLES, 2004).
Dans un premier paragraphe on examine les catégories d'animaux, dont la diversité est grande,
même à l'intérieur d'une seule espèce, comme le montre un exemple
de classification des bovins selon l'âge et la destination.
La nature de l'élevage et les techniques mises en œuvre sont généralement des critères de tri.
Cependant, d'un point de vue strictement comptable, il faut aussi tenir compte du rôle dans
l’exploitation et de la durée de présence.
D'une manière générale nous pouvons alors hésiter entre deux solutions possibles, un
classement multiple des animaux en stocks, immobilisations animales en cours et
immobilisations terminées, ou bien un classement unique de tous les animaux en stocks, quitte
à prévoir plusieurs sortes de stocks.
En définitive, on commence par une première distinction en grandes catégories. Trois
catégories sont retenues :
§ Les animaux producteurs de biens : tels une vache laitière produisant du lait
§ Les animaux destinés à la vente : comme des moutons et vaches à l'engrais
§ Les animaux produisant des services : comme un cheval de trait ou un chien de berger.
Ces catégories sont évidemment subdivisées ensuite selon l'espèce et selon les critères.
On s'intéresse précisément à la première catégorie, celle des animaux producteurs de biens (lait,
jeunes animaux). Ce sont des animaux reproducteurs dans les grandes espèces, comme les
bovins ou les équins. Après avoir précisé le contenu de cette catégorie, on examine comment
comptabiliser les opérations relatives à ce cheptel : il existe une méthode simplifiée de
comptabilisation qui permet de traiter plus aisément les achats, les ventes, ainsi que les
variations d'inventaire, sans avoir à multiplier les écritures comptables. Quand la destination
des animaux est la vente, on a affaire à une deuxième catégorie. Il s'agit de bovins
d'engraissement, de poulets de chair etc... Ces animaux sont élevés spécialement pour être
commercialisés, ou bien ils proviennent d’autres catégories mais ont changé de destination, par
exemple parce qu'on veut les réformer (c'est le cas d'une vache de réforme, vendue en fin de
carrière et qui fait l'objet d'une finition).
Enfin, une dernière catégorie est celle des animaux producteurs de service (du
travail, de la reproduction, la garde d'un troupeau etc...).
Ils sont examinés selon le même schéma mettant en évidence la définition de la catégorie, puis
le traitement de l'acquisition de tels animaux, de leur croît, de l'augmentation ou de la
diminution de leur valeur, et enfin de leur cession.
Nous distinguons les travaux comptables correspondants selon qu’ils sont effectués en début
d’exercice avec l’établissement d'un bilan d'ouverture, en cours d'exercice avec les achats, les
ventes, les naissances, les changements de catégorie, et enfin, au moment de la clôture, avec
l'élaboration du bilan final et du C.P.C.
1. LA POSITION DU DISPOSITIF COMPTABLE MAROCAIN EN MATIERE DE
DISTINCTION DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES PAR RAPPORT
AUX STOCKS
1.1. Les dispositions du Code Général de Normalisation Comptable
On entend par une immobilisation un élément de l’actif appartenant à l’entreprise et destiné à
être conservé durablement par celle-ci. Par contre, le stock est défini comme étant un ensemble
des biens ou des services, propriété de l’entreprise, qui interviennent dans le cycle d'exploitation
pour être (CGNC) :
§ Soit vendus en l’état ou au terme d'un processus de production à venir ou en cours;
§ Soit consommés en général au premier usage1.
Certes, le Code Général de Normalisation Comptable précise le critère de distinction de
l’immobilisation par rapport au stock. Les biens vivants notamment les animaux ne sont pas
cohérents avec le fonctionnement des comptes d'immobilisations du Plan Comptable Général.
En effet, ces biens vivants sont souvent nombreux et susceptibles d'être renouvelés à tout
moment. A titre d’exemple, les animaux producteurs notamment le cas des vaches qui sont un
capital de nature particulière, dans la mesure où elles peuvent être considérées dans l’entreprise
comme les machines productrices de lait ou comme de jeunes animaux destinés à la viande.
Elles sont en même temps des produits, par la quantité de viande qu’elles fournissent lors de
leur réforme et par le fait qu’il existe toujours une demande pour cette viande réformée.
1.2. Plan comptable des coopératives
Le compte cheptel ainsi que celui des plantations d’arbres et d’arbustes sont classés dans le
poste autres immobilisations corporelles. Le compte cheptel est inadapté à la spécificité de
présentation des biens vivants au bilan notamment les animaux et ne permet en aucun cas de
retracer les opérations comptables traduisant les différents mouvements comptables. Par
ailleurs, nous n’avons pas relevé de compte de stock prévu pour les opérations à vocation
agricole dans le cadre du plan comptable des coopératives.
1
Instruction budgétaire et comptable m. 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux.
1.3. Plan comptable des Offices Régionaux de Mise en Valeur Agricole (ORMVA)
Les animaux reproducteurs et plantation pérennes sont classés dans le compte autres
immobilisations corporelles. Le compte stock prévu pour les opérations agricoles ne permet pas
de traduire les différents mouvements des opérations agricoles.
2. SYNTHESE DES PRATIQUES UTILISEES PAR CERTAINES ENTREPRISES
MAROCAINES
En l’absence d’une normalisation comptable des biens vivants agricoles clarifiant les critères
à adopter pour présenter un bien vivant en stock ou en immobilisation. Chaque entreprise utilise
ses propres pratiques de classification et de comptabilisation et d’évaluation des biens vivants
agricoles. On assiste donc à des pratiques comptables qui se différent d’une entreprise à une
autre (Plan Comptable Agricole). Ce qui pose énormément de problèmes en matière de
comparaison des résultats inter-entreprises. Afin d’illustrer ces divergences de comptabilisation
des biens vivants agricoles, nous tentons de présenter la synthèse de ces divergences et ce, à la
lumière des pratiques utilisées par certaines entreprises à vocation agricole. On observe en fait
dans ce domaine une grande variété de pratiques en matière de comptabilisation et de
présentation de l'information financière.
On assiste à un classement des actifs productifs soit dans les stocks soit dans les immobilisations
ou d'autres actifs avec ou sans comptabilisation de dotations aux amortissements. En ce qui a
trait aux actifs productifs, tels que les troupeaux de reproduction, beaucoup de comptables se
sont écartés complètement des principes comptables traditionnels.
Les producteurs agricoles ne feront guère de progrès vers la normalisation des procédés
comptables et des pratiques de présentation de l'information. Cette situation est à déplorer, car
les avantages des normes de présentation de l'information sont bien réels et se manifestent
comme suit :
§ Présentation plus significative et cohérente des résultats des activités des
entreprises ;
§ Comparabilité avec d'autres exploitations agricoles.
3. LES PRATIQUES UTILISEES A L’ECHELLE INTERNATIONALE
Nous verrons successivement la position de la comptabilité française, la comptabilité agricole
belge, le système d’Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA) ainsi que celle des normes internationales IAS.
Par ailleurs, la commission n’avait pas pris position sur la notion de courte durée d’utilité de
l’animal en tant que bien production. Mais, une période d'un an semble pouvoir être admise
dans ce cas.
3.3. Système OHADA et la classification des immobilisations par rapport aux stocks
Le plan comptable OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des
Affaires) avait adopté la classification suivante (Journal Officiel de l’OHADA n°10) : les
immobilisations animales sont destinées à être utilisés de façon durable dans l’entreprise. Elles
sont constituées par :
§ Les animaux de trait ;
§ Les animaux reproducteurs ;
§ Les animaux de garde.
Ces immobilisations ne se consomment pas par le premier usage. A priori, leur durée est de
plus d'un an. Certains biens de peu de valeur ou dont la consommation est très rapide peuvent
être considérés comme entièrement consommés dans l'exercice de leur mise en service et, par
conséquent, ne peuvent pas être classés dans les immobilisations. Les animaux achetés ou
élevés pour être commercialisés font partie du stock.
3.4. La position des normes comptables internationales IAS
3.4.1. La norme IAS 16
Selon la définition donnée par l’IAS 16, les immobilisations corporelles sont des actifs
corporels qui sont détenus par une entité soit pour être utilisés dans la production ou la
fourniture de biens ou de services, soit pour être loués à des tiers, soit à des fins administratives
et dont la durée d’utilisation est censée être supérieure à un exercice.
Une immobilisation corporelle est comptabilisée à l’actif conformément au cadre conceptuel
de l’IAS si :
§ Il est probable que des avantages économiques futurs associés à cet actif iront à
l’entreprise ;
§ Le coût de l’actif peut être évalué de façon fiable.
3.4.2. La norme IAS 2
Les stocks sont définis au sens de la norme IAS 2 comme étant :
§ Les actifs terminés ou en cours de fabrication et destinés à être vendus dans le cadre
de l’activité normale de l’entreprise ;
Toutefois, le CGNC précise que dans des cas exceptionnels où il n'est pas possible de calculer
le coût d'achat ou le coût de production, la valeur d'entrée est déterminée :
§ Comme égale au coût d'achat ou au coût de production dans l’entreprise de biens
équivalents constaté ou estimé à une date aussi proche que possible de la date d'entrée ;
§ À défaut, comme égale au prix de vente estimé à la date du bilan sous déduction d'une
marge normale sur coût d'acquisition ou sur coût de production (Bulletin CNC, n° 18,
1986).
Aussi, le CGNC précise dans le titre II de son chapitre II, les modalités d’application des règles
d’évaluation de chaque poste du bilan à l’entrée, à l’inventaire et à l’arrêté des comptes. Or,
compte tenu des spécificités des opérations agricoles la valorisation des biens vivants agricole
pose un sérieux problème. En effet, le calcul du coût de production est extrêmement complexe
et lourd à mener en agriculture sur des cas réels (Bulletin CNC, n° 18, 1986). La méthode du
calcul de production pose la problématique de la répartition des charges indirectes. D’où,
l’importance de la mise en place d’une comptabilité analytique pour faciliter la répartition des
charges indirectes.
Le CGNC précise que dans des cas exceptionnels, où il n’est pas possible de déterminer le coût
de production ou coût d’achat. La société peut recourir à des comparaisons avec des sociétés
de même secteur pour obtenir le coût de production (Bulletin CNC, n° 18, 1986).
A notre sens, dans la pratique, il sera très difficile d’obtenir des informations sur les entreprises
opérant dans le même secteur.
La troisième option préconisée par le CGNC pour calculer le coût de production n’est autre que
celle du prix de vente estimé à la date du bilan sous déduction d'une marge normale sur coût
d'acquisition ou sur coût de production. En plus de la non disponibilité d’un marché actif des
biens vivants pour estimer d’une façon fiable la valeur du marché, notons également que
certains éléments de risque influencent la valeur du marché, on peut en citer : Le risque de
fluctuation des prix, le risque de perte causées par la détérioration attribuable aux parasites, aux
maladies, à la mort ou à la dégradation de la qualité. Lorsqu’un ou plusieurs de ces risques
existent à la date du bilan, cette option est remise en cause. Donc, quelle méthode de
valorisation des biens vivants agricoles la plus adaptée au secteur agricole ?
Pour répondre à cette question fondamentale, nous passerons en revue dans un premier temps
les pratiques utilisées par les entreprises marocaines en mettant l’accent sur les limites y
afférentes ; puis, nous aborderons les méthodes préconisées à l’échelle internationale.
A la lumière de notre analyse, nous proposerons les méthodes de valorisation des biens vivants
agricoles les plus adaptées à la spécificité de l’activité agricole.
Les biens vivants agricoles regroupent l’ensemble des animaux et végétaux impliqués dans
l’activité de production de l’exploitation soit au titre d’immobilisation, soit au titre d’en-cours
de production. Ils ne comprennent pas les produits finis. Nous verrons successivement leur
classification technique et leurs spécificités.
Selon une classification purement technique, nous pouvons distinguer deux grandes familles
des biens vivants agricoles : La production végétale et la production animale.
La production végétale marocaine est très diversifiée. Elle est divisée en grandes cultures
(céréales, oléagineux, protéagineux et quelques légumes), maraichage, arboriculture fruitière,
viticulture, floriculture, horticulture, etc.
A l’instar des systèmes agricoles traditionnels méditerranéens, fruits de la conjugaison des
régimes alimentaires, et des possibilités agro-écologiques, le système agricole marocain est
dominé par les filières phares suivantes : Céréales, légumineuses, cultures sucrières, agrumes,
oliviers, cultures maraîchères et cultures oléagineuses.
La production animale :
Lorsqu'on examine le cheptel vif des exploitations d'élevage, on est souvent frappé par la
diversité rencontrée : D’abord plusieurs espèces d’animaux d’élevage peuvent être présentes.
Nous pouvons les regrouper selon la catégorisation suivante :
§ Animaux de bétail : Nous citons à titre d’exemple les bovins, les ovins, les caprins, les
équidés, les camélidés… ;
§ Animaux de basse-cour : On note entres autres l’aviculture (poule, dinde, canard…) ;
§ Animaux aquatiques : Ils comprennent la pisciculture, élevage de crustacés, élevage
mollusques… ;
Au Maroc, la production animale est dominée par la production bovine, ovine et avicole. Si la
présentation comptable des végétaux dans les comptes du bilan ne pose pas de problème
particulier, il n’en est pas de même pour celle des animaux. En effet, les opérations sur les
animaux sont évidements tout à fait spécifiques. Ainsi, ils sont caractérisés par une croissance
qui modifie leur valeur, mais aussi parfois leur rôle dans l’entreprise : leur destination n’est pas
toujours la même, avec en vue, leur commercialisation prochaine, ou au contraire leur
conservation comme outils permanents d’une production laitière ou de viande. Ce qui peut
inciter à les classer tantôt en moyens de production pérennes, c’est-à-dire en immobilisations
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Revue du Contrôle de la Comptabilité et de l’Audit
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tantôt en produits de l’exploitation. Dans ces conditions, on pourra estimer que les opérations
correspondantes pourront avoir soit un caractère exceptionnel, soit courant. Mais avant qu’ils
atteignent un certain stade, leur destination est assez souvent incertaine, du moins pour
quelques-uns : en fonction de l’état du marché et de leurs performances ; ils pourront changer
de destination. Cette incertitude rend plus complexe leur comptabilisation (CARLES, 2004).
Donc, la place des animaux au bilan, c’est-à-dire le choix d’une catégorie comptable
d’appartenance, immobilisations ou stocks par exemple, est un premier point à trancher
(CARLES, 2004). Un second point est celui de la valorisation des biens vivants agricoles. En
effet, s’agissant des animaux qui prennent de la valeur en fonction de leur croît.
Il se pose alors le problème de leur valorisation ; en principe, le coût de production est la
référence qui devrait s’appliquer à tous les produits issus de la production agricole. Mais, il
n’est pas toujours disponible : En effet, il existe fort peu de véritable comptabilité analytique
dans le secteur agricole. La comptabilité analytique est particulièrement complexe à mettre en
œuvre, d’une manière générale les calculs de coûts de production sont particulièrement délicats
et souvent contestables. Mais, dans la pratique, en l’absence d’une telle comptabilité. Quelle
méthode à utiliser pour valoriser le coût de production ?
Dans l’état actuel, les procédures d’évaluation les plus diverses se multiplieront sans qu’aucune
norme ne prévale. Quelle signification donner dès lors à la comparaison d’états comptables
dressés à partir de critères d’évaluation aussi hétérogènes ? Même approximative, une règle
d’évaluation n’était-elle pas aussi souhaitable ?
Ces particularités rendent difficile la valorisation des biens vivants agricoles. D’où l’utilité de
cerner la problématique de l’évaluation des biens vivants agricoles aussi bien à l’entrée, à
l’inventaire, à la clôture des comptes.
5. SYNTHESE DES PRATIQUES UTILISEES PAR CERTAINES ENTREPRISES
MAROCAINES
Le but ultime de l’entreprise est la maximisation des profits, sauf que dans le cadre de
l’entreprise agricole, il suffit qu’il ait un manque de pluie pour que ce but soit dévié vers une
éventuelle absorption d’un résultat déficitaire.
Par ailleurs, vu les particularités de l’entreprise agricole il y’a une certaine asymétrie
d’informations concernant l’environnement macro-économique de cette entreprise ; il pourrait
toujours procéder à des rectifications via l’analyse des écarts. En fait, le décideur marocain ne
pourrait avoir toutes les solutions du moment que les normes comptables ne sont pas encore
bien explicitées !
Qu’en est-il des pratiques actuelles appliquées par les sociétés agricoles marocaines ? Sont-
elles en conformité par rapport aux règles d’évaluation globales prévues par le C.G.N.C ? Ou
bien sont complétement éloignées des principes comptables traditionnels ?
S’agissant des pratiques utilisées par les entreprises agricoles en matière d’évaluation des actifs
productifs, on observe en fait dans ce domaine une divergence des pratiques.
En ce qui a trait aux actifs productifs, tels que les troupeaux de reproductions, beaucoup de
comptables se sont écarté complétement des principes comptables traditionnels ; pourtant, ils
n’ont aucune difficulté à comprendre le concept de l’amortissement de l’actif reproductif sur sa
durée de vie. Donc, la question pertinente qui peut être posée est la suivante : Sur le plan de
l’amortissement d’un actif immobilisé, quelle différence entre une vache reproductrice et une
moissonneuse-batteuse ? Certes, la vache reproductrice comporte des organismes biologiques
vivants, a des propriétés qui la distinguent des immobilisations traditionnelles mais rien
n’empêche que le concept de base qui consiste à faire correspondre les coûts et les produits par
la constatation de l’amortissement s’applique tout autant à un troupeau reproducteur qu’à une
moissonneuse- batteuse. Toutefois, dans la pratique, le matériel de production est amorti
normalement sur sa durée de vie utile, mais peu d’actifs productifs-comme les troupeaux de
reproduction sont comptabilisés selon cette méthode. Quelles sont donc les raisons qui poussent
la plupart des comptables à déroger par rapport aux procédés traditionnels de comptabilisation
et de valorisation des actifs productifs ?
La réponse est très simple ; d’abord, on note la difficulté de mesurer le coût des actifs productifs
élevés par le producteur. Ensuite, le fait que les procédés traditionnels de comptabilisation des
immobilisations ne permettent pas de rendre compte en pratique des changements biologiques
en cours, des ventes, des morts, du renouvellement, etc.
Dans certaines sociétés agricoles, le coût de production est calculé d’une façon forfaitaire.
Ainsi, le coût de production des nouvelles plantations correspond à la valeur cumulée des
dépenses qui y sont incorporées, augmenté d’un pourcentage de la valeur ainsi calculée.
Ce pourcentage est défini de manière forfaitaire pour valoriser la production immobilisée
susceptible d’être générée après atteinte de l’âge adulte. En plus, ce même pourcentage est
utilisé pour les différents types de cultures. Nous remarquons que les méthodes d’évaluation se
diffèrent d’une entreprise à une autre. Ce qui est à l’encontre des objectifs de normalisation
comptable.
6. LES PRATIQUES UTILISEES A L’ECHELLE INTERNATIONALE
Nous exposerons successivement les modalités de détermination du coût de production et de la
valeur à l’inventaire (valeur vénale). Selon les dispositions prévues par le plan comptable
agricole français (Mémento pratique –Agriculture 2009/2010).
§ Le coût de production
Le plan comptable agricole français prévoit que les entreprises agricoles déterminent le coût de
production des biens vivants produits sur l’exploitation par application des règles générales
d’évaluation du plan comptable général. Toutefois, il précise également que ces règles seront
adaptées par les exploitations agricoles en fonction des moyens dont elles disposent :
§ Ceux qui tiennent une comptabilité analytique calculent le coût de production dans les
comptes concernés ;
§ Ceux qui ne tiennent pas de comptabilité analytique déterminent ce coût par des
procédés statistiques, notamment par application de barèmes standards (CARLES,
2004).
Dans les cas particuliers où il n’est pas possible de déterminer le coût de production des biens
en stocks ou en immobilisation par les deux méthodes précédentes, la modalité suivante peut
être appliqué :
§ Les biens vivants en stocks et en immobilisations sont évalués en pratiquant sur le prix
de vente à la date de clôture de l’exercice, un abattement correspondant à la marge
pratiquée par l’entreprise par catégorie de biens.
§ À la date de clôture de l’exercice, les biens vivants en stocks et en immobilisations sont
évalués à leur valeur d’inventaire.
§ La valeur d’inventaire
Il convient de distinguer :
o D’une part, les biens immobilisés amortissables : Biens vivants immobilisés
amortissables : leur valeur d’inventaire est égale à la valeur comptable nette.
o D’autre part, les autres biens vivants agricoles : leur valeur vénale à la date de
l’inventaire est estimée pour les animaux à la valeur de réalisation nette qui est égale au
prix de marché à la vente déduction faite des frais restant à supporter pour parvenir à
réalisation.
§ La position des normes internationales IAS : la norme IAS 41
La norme IAS 41 prescrit, entre autres, le traitement comptable des actifs biologiques pendant
la période de croissance, de dégénérescence, de production et de procréation, ainsi que
l’évaluation initiale de la production agricole au moment de la récolte. Elle impose l’évaluation
à la juste valeur diminuée des coûts au point de vente estimés, depuis la comptabilisation initiale
des actifs biologiques jusqu’au moment de la récolte, sauf lorsque la juste valeur ne peut être
évaluée de manière fiable lors de la comptabilisation initiale. Il existe une présomption que la
juste valeur d’un actif biologique peut être évaluée de manière fiable. Toutefois, cette
présomption peut être réfutée, uniquement lors de la comptabilisation initiale, pour un actif
biologique pour lequel les prix ou les valeurs déterminés par le marché ne sont pas disponibles
et pour lequel les autres méthodes d’évaluation de la juste valeur sont clairement reconnues non
fiables. Dans un tel cas, la norme IAS 41 impose à l’entreprise d’évaluer cet actif biologique à
son coût diminué du cumul des amortissements et du cumul des pertes de valeur. Une fois que
la juste valeur dudit actif biologique devient évaluable de manière fiable, l’entreprise doit
l’évaluer à sa juste valeur diminuée des coûts au point de vente estimés. Dans tous les cas, une
entreprise doit évaluer la production agricole au moment de la récolte à sa juste valeur diminuée
des coûts au point de vente estimés (CARLES, 2004).
§ Critique de la méthode de valorisation au sens de l’IAS 41
Une délégation de l'Autorité des Normes Comptables a participé à la réunion des normalisateurs
comptables nationaux les 24 et 25 mars 2011 à New York.
L'ANC a soutenu le projet de son homologue malaysien de révision de la norme IAS 41 sur
l'agriculture. Il serait proposé que de tels actifs biologiques suivent les principes d'évaluation
de la norme IAS 16 relative aux immobilisations corporelles. Reste à traiter le cas des actifs
biologiques à caractéristiques mixtes : par exemple, les vaches laitières que l'on garde pour leur
production laitière mais qui pourraient être vendues pour leur viande également.
Différentes pistes ont été envisagées (maintien en juste valeur selon IAS 41, affectation à l'une
ou l'autre norme en fonction de l'usage prédominant ou du modèle économique).
§ La norme IAS 16
Les immobilisations corporelles sont comptabilisées à leurs coûts directement attribuables,
incluant le prix d’achat, les taxes payées etc. Cependant, ni les frais généraux et administratifs,
ni les frais de démarrage ne sont inclus dans ce coût.
L’amortissement correspond à la consommation des avantages économiques liés à un actif et
est comptabilisé en charge à moins qu’il ne soit incorporé dans la valeur comptable d’un actif
produit par l’entreprise pour elle-même. Les principes suivants sont appliqués :
§ Le montant amortissable est réparti de façon systématique sur la durée d’utilité de l’actif
;
§ Le mode d’amortissement doit refléter le rythme de consommation.
§ La norme IAS 2
La norme IAS 2 prescrit les modalités d’évaluation du stock. Ainsi, cette norme préconise les
points suivants : Les stocks doivent être évalués au plus faible de leur coût et de la valeur nette
de réalisation, conformément au principe de prudence. Le coût des stocks comprend tous les
coûts d’acquisition, coûts de transformation et autres coûts encourus pour amener les stocks à
l’endroit et dans l’état où ils se trouvent.
Conclusion
Pour enregistrer convenablement les opérations concernant les animaux dans une exploitation
d'élevage, un certain nombre de décisions de gestion doivent être prises : la première consiste
à classer correctement les animaux en fonction de leur destination. II faut aussi régler le
problème de l'évaluation et, accessoirement celui des naissances, des pertes, du croît des
animaux. S'il s'agit de véritables moyens de production dans l'entreprise, nul doute qu'on doit
les considérer comme des immobilisations, à l'instar des autres équipements. S'ils sont destinés
à être commercialisés rapidement, ils sont au contraire assimilables à des produits de
l'entreprise. Ces choix ont des conséquences sur le calcul et donc le niveau du résultat de
l'activité ainsi que la manière d'élaborer les comptes de synthèse. Pour permettre le traitement
comptable de l'activité animale, une autre décision correspond à la mise en place d’un suivi
précis des évènements caractéristiques de l’élevage, à travers un inventaire permanent, véritable
tableau de bord.
En fait, on doit ainsi distinguer les catégories des animaux producteurs de biens : ce sont ceux
des grandes espèces, notamment les femelles adultes, vaches laitières, vaches allaitantes, brebis
etc. qui produisent de jeunes animaux ainsi que des produits animaux comme le lait. Leur
fonction de reproduction est exercée durablement dans l'entreprise. Dans une méthode
simplifiée de comptabilisation qui est à recommander dans la plupart des cas, on les considère
alors au bilan comme des immobilisations animales, et pour des raisons pratiques, comme des
stocks pour les opérations courantes que sont les achats et les ventes. Les animaux destinés à la
vente sont non producteurs de services et non reproducteurs des grandes espèces. Parmi eux,
les animaux à cycle long ont un cycle de production dans l'entreprise supérieur à deux ans : ce
sont les génisses, les taurillons, les bovins d'élevage traditionnel… etc. Les animaux à cycle
court sont destinés à être vendus au terme d'un cycle de production inférieur à 2 ans : il s'agit
des veaux, des agneaux et...etc. Mais aussi des animaux des petites espèces : poules pondeuses,
poulets de chair, lapins,...etc. Les animaux producteurs de services : ces services très variés
peuvent être la monte, la garde la traction, la course, la promenade, le combat etc... Ils doivent
être considérés comme des immobilisations animales, compte tenu de leur présence durable
dans l'entreprise.
BIBLIOGRAPHIE
Articles et publications
Ouvrages