Lettre Ouverte Sur Le Dossier Linguistique de Belle-Baie

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 3

Belle-Baie, les obligations linguistiques et la survie du français

Il était à prévoir que la question linguistique s’inviterait tôt ou tard à l’ordre du jour des conseils des
municipalités nouvellement créées. Il ne faut pas non plus s’étonner que ceci survienne en premier lieu dans les
municipalités francophones dont certaines des anciennes entités ont, avant les récents regroupements, toujours
accommodé leurs citoyens anglophones en offrant des services dans les deux langues, sans en avoir l’obligation.
La polémique à laquelle est confrontée actuellement la ville de Belle-Baie met en lumière plusieurs enjeux dont
le premier est certainement une méconnaissance des obligations linguistiques qui incombent aux gouvernements
locaux. Un second enjeu est celui de la responsabilité qui revient d’emblée aux municipalités acadiennes et
francophones d’assurer la promotion de la langue française et de jouer un rôle actif pour assurer sa survie. Il est
important de le préciser; Belle-Baie est une municipalité composée à plus de 90% de francophones et elle
respecte actuellement la Loi sur les langues officielles du Nouveau-Brunswick. Elle n’a pas à s’excuser d’être
en conformité avec la Loi et encore moins d’avoir honte de s’assumer pour ce qu’elle est et ce qu’elle représente.
Cela étant dit, les obligations imposées aux municipalités en matière de langues officielles remontent à 2002 et
ont été instaurées dans la foulée de l’arrêt Charlebois c Mowat et Moncton (Ville de). Cette décision de la Cour
d’appel avait établi que les arrêtés municipaux de Moncton devaient être adoptés dans les deux langues
officielles. La Cour avait aussi accordé un an à la province pour modifier la Loi sur les langues officielles en ce
sens. Dans ce contexte, la province était devant un dilemme : soit imposer un bilinguisme « mur-à-mur » à
toutes les municipalités, soit trouver un régime d’accommodement moins contraignant. C’est cette dernière
option que la nouvelle Loi sur les langues officielles a adoptée. Les huit cités et les municipalités qui compte
dans sa population au moins 20% de l’’une ou de l’autre des deux communautés de langues officielles auraient
désormais des obligations en matière de bilinguisme. Après plus de 20 ans, et à la suite d’une réforme majeure
de la gouvernance locale, il y a lieu de se demander si cette Loi ne devrait pas être modifiée pour refléter la
nouvelle réalité linguistique des municipalités restructurées et pour essayer d’offrir un niveau de service
minimal aux deux communautés.
Ainsi, dans le cadre du processus actuel de révision de la Loi sur les langues officielles, il incombe au
gouvernement provincial de modifier cette Loi afin de s’assurer qu’elle corresponde aux besoins linguistiques
actuels de la province. Dans cette logique, il y a lieu de s’interroger sur le fait que la Loi ne prévoit toujours pas
l’obligation pour toutes les municipalités de la province de communiquer avec leurs citoyens dans les deux
langues officielles lorsque survient une situation d’urgence ou quand il est question d’un enjeu de santé
publique. Au même titre que les services ambulanciers ou de santé, l’obligation de recevoir des informations
dans sa langue maternelle lorsqu’on se retrouve en situation précaire, de vulnérabilité ou d’urgence n’est-elle
pas fondamentale et non négociable?
Nous mettons en garde les municipalités d’initier des changements avant que le gouvernement provincial
modifie la Loi pour préciser les nouvelles obligations. Cette question relève de la province et c’est à elle d’établir
les balises à respecter pour l’ensemble des municipalités. La planification d’accommodements linguistiques à
la pièce ne fera que créer de la confusion et de la frustration chez les citoyens. De plus, l’histoire nous a appris
que l’adoption de mesures volontaires se fera pratiquement toujours de la part de la minorité francophone et
souvent, à son détriment. Et nous savons tous très bien que, dans la réalité du terrain qu’est celui du Nouveau-
Brunswick, les municipalités francophones sont déjà systématiquement en mesure d’interagir en anglais avec
leurs citoyens anglophones lorsque ces derniers communiquent avec les administrations municipales.
Les données du recensement de 2021 ne mentent pas. Le français est menacé à la grandeur du pays et la situation
au Nouveau-Brunswick n’y fait pas exception. Grâce aux responsabilités que leur confèrent les différentes lois
et la gamme de moyens d’actions dont elles disposent, les municipalités majoritairement francophones peuvent
jouer un rôle et ont même une responsabilité importante pour assurer la survie de la langue française. En fait,
pour la communauté acadienne, le gouvernement municipal est le seul niveau de gouvernement que contrôlent
majoritairement des communautés francophones. Ceci leur confère la responsabilité de se faire les porte-
étendards d’une langue et d’une culture qui doivent être fortement soutenues. En contexte minoritaire provincial,
chaque geste compte et chaque décision devient lourde de sens.
Nous invitons les municipalités majoritairement francophones, en commençant par Belle-Baie, à assumer
pleinement leur statut et leurs responsabilités dans la construction d’une province vraiment égalitaire au niveau
linguistique. Et nous demandons au gouvernement provincial de réviser sa Loi sur les langues officielles afin
de s’assurer, dans le contexte actuel, d’une égalité linguistique réelle qui tienne compte, entre autres, des
situations d’urgence et de santé publique, ainsi que du rôle fondamental des municipalités francophones en
matière de langue et de culture.
Cosignataires
Sylvie April, Edmundston
Me Florian Arseneault, président, Association des juristes d’expression française du N.-B.
Philippe Beaulieu, président, Association acadienne des artistes professionnels du N.-B.
Araya-Yohannes Bekele, Beresford, Belle-Baie
Jean-Luc Bélanger, CM, Dieppe
Rachel Boudreau, ex-mairesse de Petit-Rocher, Belle-Baie
Me Michèle Caron, Moncton
Euclide Chiasson, CM, Dieppe
Daniel Comeau, Beresford, Belle-Baie
Jean-Marc Cormier, ex-conseiller de Petit-Rocher, Belle-Baie
Jacques-Paul Couturier, historien, Edmundston
Guillaume Deschênes-Thériault, conseiller, Communauté rurale de Kedgwick
Me Luc Desjardins, ex-maire de Petit-Rocher, ex-président de l’Association francophone des municipalités du
N.-B., Belle-Baie
Normand Doiron, ex-maire de Pointe-Verte, Belle-Baie
Roger Doiron, ex-maire de Richibucto, ex-président de l’Association francophone des municipalités du N.-B.,
Beaurivage
Alexandre Cédric Doucet, président, Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick
Luc Doucet, président, Club Richelieu Moncton-Dieppe
Mario Doucet, Nigadoo, Belle-Baie
Me Michel Doucet, CM, professeur émérite en droit, Dieppe
Frédérick A. Dion, Petit-Rocher, Belle-Baie
Danielle Dugas, ex-mairesse de Saint-Louis-de-Kent, Beaurivage
Pierre Duguay-Boudreau, Beresford, Belle-Baie
Ginette Duguay, Chiasson Office
Robert Frenette, Dieppe
Éric Gagnon, maire, Communauté rurale de Kedgwick
Gastien Godin, Chiasson Office
Pierre Godin, ex-maire de Petit-Rocher, Belle-Baie
Carmen Gibbs, directrice générale, Association acadienne des artistes professionnels du N.-B.
Roger Guitard, ex-conseiller de Pointe-Verte, Belle-Baie
Louise Imbeault, O.N.-B., Moncton
Michelle Landry, professeure de sociologie, Université de Moncton, Moncton
Yvon Lapierre, maire, Ville de Dieppe
Nicole Lang, historienne, Edmundston
Jean Lanteigne, former Mayor of Bas-Caraquet, former President of l’Association francophone des
municipalités du N.-B.
Kathleen Leclair-Doucet, Beresford, Belle-Baie
André Leclerc, professeur émérite d’économie, Edmundston
Maxime Lejeune, ex-maire de Pointe-Verte, Belle-Baie
Paul Losier, ex-maire de Beresford, Belle-Baie
Rosella Melanson, Fredericton
Aurèle Michaud, Beresford, Belle-Baie
Jean-Marie Nadeau, Moncton
Lise Ouellette, Edmundston
Mylène Ouellet-LeBlanc, Bathurst
Jean-Pierre Ouellet, maire, Ville de Haut-Madawaska
Roger Ouellette, Moncton
Bruno Poirier, ex-conseiller de Beresford, directeur général Communautés et loisirs N.-B., Belle-Baie
Me Bernard Richard, ex-ministre et ex-ombudsman, Cap-Acadie
Pierrette Robichaud, ex-mairesse de Rogersville, Nouvelle-Arcadie
Me Serge Rousselle, doyen, Faculté de droit, Université de Moncton
Charles Roy, Petit-Rocher, Belle-Baie
Daniel Roy, Saint-Laurent-Nord, Belle-Baie
Lorio Roy, CM, Dieppe
Mireille Roy, Petit-Rocher, Belle-Baie
Richard Saillant, économiste et consultant en politiques publiques, Moncton
Jean-Paul Savoie, ex-ministre, ex-maire de Kedgwick, ex-président de l’Association francophone des
municipalités du N.-B.
Réal Savoie, Beresford, Belle-Baie
Roger Sénéchal, Beresford, Belle-Baie
Nicole Somers, maire, Ville de Saint-Quentin
Me Alexandre Vienneau, Beresford, Belle-Baie

Vous aimerez peut-être aussi