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Cancer Thyroïdien

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DOSSIER

© ADOBE STOCK

CANCER THYROÏDIEN
Ces dernières années, le nombre de nouveaux cas de cancer de la thyroïde a augmenté
drastiquement. La tendance est néanmoins à l’allègement du dépistage (en ciblant
uniquement les patients à risque) et du suivi pour cette pathologie qui, dans la majorité
des cas, est de très bon pronostic.

Une désescalade thérapeutique


Par Lucie Allard, Laurence Leenhardt, Camille Buffet

L’
incidence des cancers thyroïdiens augmente du clinicien doit être de dépister les cancers thyroï-
depuis plusieurs décennies et se situe actuelle- diens seulement chez les patients à risque ou chez
ment au cinquième rang des cancers chez la ceux dont le cancer est à risque de décès (stade pTNM
femme. Cette augmentation s’est faite essentiel- avancé). Le traitement et le suivi de ces cancers sont
lement aux dépens des cancers de souche vési- désormais adaptés au risque de récidive.
culaire, en particulier de type papillaire de petite
taille. Les autres types histologiques ont une inci-
dence stable. La mortalité, quant à elle, reste faible
FOLLICULAIRES OU PARAFOLLICULAIRES :
DEUX SOUCHES HISTOLOGIQUES
(2 % à cinq ans),1 suggérant que l’augmentation des
cas puisse être liée à la découverte fortuite de petits Les nodules thyroïdiens sont fréquents, en particulier
cancers de bon pronostic par des examens d’imagerie chez la femme, et leur prévalence augmente avec
de plus en plus nombreux et performants et par l’ana- l’âge.1 Néanmoins, le cancer thyroïdien représente
lyse de pièces opératoires de thyroïdectomie réalisées seulement 5  % des nodules thyroïdiens, avec des
Service des pour d’autres raisons. Cela concourt au dépistage de caractéristiques histologiques diverses.
pathologies thyroï-
diennes et tumeurs cancers thyroïdiens à faible, voire très faible, risque
endocrines, hôpital évolutif. La tendance actuelle est donc à la déses- SOUCHE FOLLICULAIRE MAJORITAIRE
La Pitié-Salpêtrière,
calade thérapeutique, afin de ne pas entraîner une La plupart des cancers thyroïdiens sont de souche
AP-HP, Paris
camille.buffet morbidité non justifiée, compte tenu de l’excellent folliculaire – développés à partir des thyréocytes (cel-
@aphp.fr pronostic de la majorité de ces cancers. L’objectif lules épithéliales thyroïdiennes) – et bien différenciés.

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DOSSIER CANCER THYROÏDIEN

TABLEAU 1. CLASSIFICATION pTNM DU CANCER THYROÏDIEN* Seuls les cancers différenciés de la thyroïde de souche
folliculaire, les plus fréquents, sont abordés dans
T T1a T ≤ 1cm
la suite de cet article.
T1b 1 cm < T ≤ 2 cm

T2 2 cm < T ≤ 4 cm POSER LE DIAGNOSTIC ET L’INDICATION


CHIRURGICALE
T3a T > 4 cm avec ou sans extension microscopique extrathyroïdienne
Un cancer thyroïdien prend la forme d’un nodule.
T3b Toute taille avec extension macroscopique aux muscles périthyroïdiens
L’aspect échographique et la taille du nodule
T4a Quelle que soit la taille, avec extension extrathyroïdienne et invasion des orientent vers l’indication de la cytoponction. L’ana-
tissus sous-cutanés, du larynx, de la trachée, de l’œsophage ou du nerf
lyse cytologique – qui repose sur la classification de
récurrent
Bethesda de 2017 – est l’examen le plus performant
T4b Quelle que soit la taille, avec extension extrathyroïdienne et invasion pour affirmer la malignité. Dans environ 30 % des cas,
du fascia prévertébral, de la carotide ou des vaisseaux médiastinaux
elle est mise en défaut avec un résultat dit « douteux »
N Nx Statut ganglionnaire inconnu (pas de curage) correspondant aux terminologies suivantes : atypies
N0 Pas d’envahissement ganglionnaire de signification indéterminée (classe III), néoplasme
folliculaire (classe IV), suspect de malignité (classe V).
N1a Envahissement ganglionnaire central
Ces résultats doivent faire l’objet d’une prise en
N1b Envahissement ganglionnaire latéral ou rétropharyngé charge par le spécialiste, avant de poser une éven-
M M0 Pas de métastase à distance tuelle indication chirurgicale.
Un dosage de la calcitonine et une échographie
M1 Métastase à distance
cervicale à la recherche d’adénopathies suspectes
T : tumeur; N : ganglion (de l’anglais node); M : métastase. * D'après le réf 1.
doivent être réalisés avant toute intervention
chirurgicale pour un nodule suspect de cancer ; ils
guident l’étendue du geste chirurgical.
On en distingue deux types : les carcinomes papil- Le dosage de la thyroglobuline ultrasensible (Tg us)
laires, majoritaires (80 %), et les carcinomes vésicu- n’est pas justifié pour poser le diagnostic de cancer
laires (2-5 %). thyroïdien de souche vésiculaire et n’a pas d’intérêt
Les autres types histologiques, plus rares, com- en préopératoire. En effet, la thyroglobuline est syn-
prennent les cancers à cellules de Hürthle (2-3 %), les thétisée aussi bien par les cellules vésiculaires thyroï-
cancers de souche vésiculaire peu différenciés (5 %) diennes normales que par les cellules tumorales.
et anaplasiques ou indifférenciés (1 %).2
Il faut noter que, depuis la dernière classification de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2017, le
PRISE EN CHARGE : AVANT TOUT CHIRURGICALE
NIFT-P (non-invasive follicular thyroid neoplasm La chirurgie demeure le traitement de première inten-
with papillary-like nuclear features), anciennement tion. Ce qui permet, par la suite, l’analyse anatomopa-
identifié comme un carcinome papillaire de variant vé- thologique de la pièce opératoire et la décision d’une
siculaire, totalement encapsulé, sans angio-invasion, éventuelle irathérapie en complément.
n’est plus considéré comme un cancer. Son diagnostic
répond désormais à des critères histologiques stricts, en MODALITÉS DU GESTE CHIRURGICAL
particulier l’analyse complète de la capsule du nodule ; La prise en charge des cancers de la thyroïde re-
sa prise en charge par lobo-isthmectomie est suffisante. pose avant tout sur la chirurgie dont l’étendue est
guidée par les données échographiques (nodule
CARCINOMES DE SOUCHE PARAFOLLICULAIRE : controlatéral, ganglions suspects) et cliniques. Si la
RARES situation le permet, la lobectomie est préférée à la
Les cancers de la thyroïde peuvent aussi se développer thyroïdectomie totale, en particulier pour les no-
à partir des cellules parafolliculaires, ou cellules C ; il dules uniques de moins de 2 cm.
s’agit des carcinomes médullaires de la thyroïde (CMT), Le curage ganglionnaire central et/ou latéral est re-
qui sont rares (5-10 %). Ils peuvent être sporadiques commandé en cas d’adénopathie avérée dans le sec-
(75 %) ou familiaux (CMT familial ou néoplasie endo- teur correspondant (curage thérapeutique). Le curage
crinienne multiple de type 2 [NEM2] par mutation ger- prophylactique central ou latéral, en l’absence d’adé-
minale du gène RET). Le dosage de la calcitonine per- nopathie découverte en préopératoire, ne fait pas
met leur diagnostic et leur suivi. Les cellules C ne sont consensus.3
ni sensibles à l’iode ni régulées par l’hormone thyroï- Préalablement à l’acte chirurgical, le patient doit être
dienne (TSH). Le traitement repose avant tout sur la prévenu du risque de dysphonie (par lésion du nerf
chirurgie suivie d’un traitement hormonal substitutif. récurrent ou du nerf laryngé supérieur) et d’hypo-

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Risque de récidive Très faible/faible risque Risque intermédiaire Risque élevé
après chirurgie

Surveillance seule Totalisation chirurgicale Totalisation chirurgicale


-/+ totalisation chirurgicale 100 mCi I131 / TSH 100 mCi I131 / défreinage
RCP 30 mCi I131 / TSH recombinante humaine
recombinante humaine
si thyroïdectomie totale

Tg us ≤ 0,1 μg/L sous lévothyroxine ou < 1 μg/L sous stimulation par TSH recombinante
Bilan à 6-12 mois Échographie cervicale normale
➞ Rémission

Surveillance annuelle : Surveillance annuelle : Surveillance annuelle :


- palpation cervicale - palpation cervicale - palpation cervicale
- thyroglobuline, Ac anti-Tg, TSH - thyroglobuline, Ac anti-Tg, TSH - thyroglobuline, Ac anti-Tg, TSH
Surveillance - pas d’écho systématique +/- 5-7 ans - échographie cervicale à 3-5 ans - échographie cervicale
- si lobectomie : échographie cervicale 1 fois par an pendant cinq ans
tous les 3 ans Suivi spécialisé

Objectif de TSH 0,5-2 mUi/L 0,1-0,5 mUi/L

Figure. Algorithme de prise en charge et suivi des patients opérés d’un cancer thyroïdien, en fonction du risque de récidive. Ac anti-Tg : anticorps
antithyroglobulineŸ; mCi : millicuriesŸ; RCP : réunion de concertation pluridisciplinaireŸ; Tg us : thyroglobuline ultrasensibleŸ; TSH : thyréostimuline.

parathyroïdie (complication constatée essentielle- IRATHÉRAPIE COMPLÉMENTAIRE : SELON LE RISQUE


ment après thyroïdectomie totale). Ces complications DE RÉCIDIVE
sont le plus souvent transitoires (10-15  %) mais La décision de totalisation isotopique par iode radio-
peuvent être permanentes (moins de 5 % des cas si le actif (I131, irathérapie) est validée en réunion de
chirurgien est expérimenté). concertation pluridisciplinaire (RCP) selon le risque
de récidive (figure).
QUELLE ANALYSE DE LA PIÈCE OPÉRATOIRE ? En cas de lobectomie et d’indication à une ablation
La pièce opératoire est analysée en anatomopatholo- isotopique, une totalisation chirurgicale est né-
gie pour classification pTNM (tableau 1). Cette classi- cessaire avant irathérapie.
fication est corrélée à la survie du patient. L’irathérapie est administrée pendant une hospitali-
Le stade pTNM permet de classer le cancer selon son sation de quarante-huit heures en service de méde-
risque de récidive (tableau 2). On distingue trois ni- cine nucléaire, dans une chambre protégée.
veaux :
– risque de récidive très faible ou faible (70 % des pa- Trois objectifs
tients, 0-10 % de risque de récidive) ; Le traitement complémentaire par iode 131 a trois
– intermédiaire (10 % des patients, 30 % de risque de intérêts :
récidive) ; – l’ablation de reliquats de tissu thyroïdien sain
– élevé (30 % des patients, 60 % de risque de récidive).3 pour négativer le taux de Tg us, facilitant ainsi la

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DOSSIER CANCER THYROÏDIEN

L’irathérapie à visée thérapeutique, enfin, correspond


à l’administration de fortes activités d’iode 131 (clas-

Objectifs de TSH dans le suivi des patients traités siquement 100 mCi, 3 700 GBq en France, voire 150-
200 mCi dans d’autres pays), après sevrage de lévo-
pour cancer de la thyroïde thyroxine (4 semaines), chez des patients ayant une
maladie métastatique prouvée (figure, tableau 3).
Pour les patients à risque évolutif très faible ou faible et traités par
chirurgie seule, l’objectif de TSH est compris entre 0,5 et 2 mUI/L.
Aucun consensus n’établit le nombre d’années pendant lesquelles MODALITÉS DU SUIVI SYSTÉMATIQUE
cette freination modérée de la TSH doit être maintenue.
Tout patient opéré pour un cancer de la thyroïde – qu’il
Pour les patients traités par irathérapie, deux situations sont à ait reçu de l’iode 131 ou non – doit bénéficier d’une ré-
distinguer : évaluation à 6-12 mois par une palpation cervicale3 ;des
en cas de risque évolutif faible ou intermédiaire, la TSH est dosages de la Tg us, des anticorps antithyroglobuline
maintenue initialement entre 0,1 et 0,5 mUI/L™; si la rémission est (anti-Tg) et de la TSH (sous lévothyroxine ou sous TSH
atteinte, un maintien entre 0,5 et 2 mUI/L est admis™; recombinante) ; d’une échographie cervicale réalisée
en cas de risque évolutif haut, la TSH doit être maintenue en dans un service spécialisé. Les dosages de Tg us après
dessous de 0,1 mUI/L™; si la rémission est obtenue, un maintien de stimulation par TSH recombinante permettant de sen-
la TSH entre 0,1 et 0,5 mUI/L est requis pendant au moins cinq ans. sibiliser ce dosage ont perdu leur intérêt depuis l’ap-
En cas de maladie tumorale persistante, l’objectif est de maintenir parition des dosages ultrasensibles de la thyroglobu-
une TSH inférieure à 0,1 mUI/L. line. L’indication du dosage de la Tg us sous TSH
recombinante doit être posée par le spécialiste.
Ces objectifs peuvent être assouplis chez des sujets très âgés et/ou avec
des antécédents cardiovasculaires, en particulier de troubles du rythme.

APRÈS THYROÏDECTOMIE TOTALE ET IRATHÉRAPIE :


RESTRATIFIER LE RISQUE DE RÉCIDIVE
Le bilan à six-douze mois permet de classer les patients
détection d’une éventuelle récidive cancéreuse en cas en différentes catégories :
de réascension de la Tg us au cours du suivi ; – excellente réponse ou rémission (Tg us inférieure ou
– la classification de la maladie initiale est possible égale à 0,1 μg/L sous lévothyroxine ou inférieure à
grâce à la réalisation d’une scintigraphie corps entier 1 μg/L sous stimulation par TSH recombinante, et
quelques jours après l’administration de la gélule échographie cervicale normale) ;
d’iode 131 ; elle précise l’existence d’une éventuelle – persistance morphologique prouvée (adénopathies
extension locorégionale et/ou à distance ; cervicales, métastases) ;
– une diminution théorique du risque de récidive – persistance biochimique (persistance de faibles
(en détruisant une maladie tumorale résiduelle concentrations de Tg us isolée) ;
suspectée ou prouvée), voire une amélioration de – réponse indéterminée (images échographiques dou-
la survie, avec l’administration d’une forte activité teuses).
d’iode 131 (au moins 100 millicuries [mCi], soit Le suivi ultérieur dépend du risque initial et des résul-
3 700  gigabecquerels [GBq]). Ceci n’est prouvé tats de ce bilan. En effet, lorsque ce bilan est normal,
que pour les patients atteints de cancers thyroïdiens le risque de récidive diminue fortement. C’est le
à haut risque évolutif ou à risque évolutif intermé- concept de restratification du risque de récidive.
diaire, avec des données controversées sur l’amélio-
ration de leur survie.3 Après 6-12 mois, quels examens clinique
et biologique?
Ablative, adjuvante ou thérapeutique : Chez les patients en rémission à 6-12 mois, le suivi
selon la situation repose essentiellement sur la palpation cervicale et
L’irathérapie à visée ablative correspond à l’adminis- les dosages de la Tg us, des anti-Tg et de la TSH tous
tration de faibles activités d’iode 131 (30 mCi, les douze mois initialement.3
1 100 GBq), après préparation par TSH recombinante,
chez les patients à faible risque évolutif.4 Après 6-12 mois, place de l’échographie cervicale
L’irathérapie à visée adjuvante correspond à l’admi- L’échographie cervicale n’est pas indiquée de façon
nistration d’activités classiques d’iode 131 (100 mCi, systématique mais selon le risque initial du cancer
3 700 GBq), après préparation par TSH recombinante, (tableau 2).3 Pour les cancers à faible risque, une der-
chez des patients à risque évolutif intermédiaire pour nière échographie à 5-7 ans du diagnostic (période
lesquels une maladie résiduelle tumorale est suspec- considérée comme la plus à risque de récidive) peut
tée mais non prouvée. être envisagée, mais n’est pas obligatoire.

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TABLEAU 2. CLASSIFICATION DU RISQUE DE RÉCIDIVE DU CANCER THYROÏDIEN SELON L’AMERICAN THYROID ASSOCIATION*
Risque de récidive
Risque très faible/ T ≤ 4cm (pT1, pT2) 0-10 %
faible N0 ou N1 minime (< 5 N+, taille < 2 mm)
M0
pas de variant histologique agressif ou embole vasculaire
Risque intermédiaire T > 4 cm (pT3a) 15-20 %
N1 intermédiaire (> 5N, rupture capsulaire, taille entre 2 et 30 mm)
Variant histologique agressif ou embole vasculaire
Haut risque Résection incomplète ou extension macroscopique aux structures adjacentes (pT3b, pT4) 30-60 %
N1 massif (> 3 cm)
M1
T : tumeur; N : ganglion (de l’anglais node); M : métastase. * D'après le réf 3.

TABLEAU 3. TRAITEMENT DU CANCER THYROÏDIEN : CONDITIONS D’ADMINISTRATION DU TRAITEMENT


COMPLÉMENTAIRE PAR IODE 131
Objectif Posologie Modalités de préparation Indication
Visée ablative Faible activité (30 mCi, 1 100 GBq) Par TSH recombinante Faible risque évolutif

Visée adjuvante Activité classique (100 mCi, 3 700 GBq) Par TSH recombinante À risque évolutif intermédiaire, maladie
résiduelle tumorale, non prouvée
Visée thérapeutique Forte activité (100 mCi, 3 700 GBq Sevrage de lévothyroxine Maladie métastatique prouvée
en France, voire 150-200 mCi dans (4 semaines)
d’autres pays)
mCi : millicuries; GBq : gigabecquerels.

Pour les cancers à risque évolutif intermédiaire et éle- En cas de doute, il est préférable d’adresser à l’endo-
vé, il n’existe pas de consensus récent fixant le rythme crinologue. Le rythme de réalisation des échogra-
de la surveillance échographique. Les consensus eu- phies cervicales dépend de la présence de nodules
ropéens de 2019 et de 2013 conseillent respectivement dans le lobe restant. La surveillance est organisée en
une échographie cervicale à 3-5 ans de la prise en tenant compte du bon pronostic des cancers thyroï-
charge initiale pour les patients à risque évolutif diens traités par lobectomie seule.
intermédiaire et une échographie cervicale an-
nuelle pendant cinq ans pour les patients à haut SUIVI AU LONG COURS : LA FIN DU DOGME ?
risque évolutif, en rémission, représentant une mi- Historiquement, le suivi était préconisé sur le long
norité des patients.5,6 cours pour tous les patients traités pour un cancer
thyroïdien. Cependant, les dosages ultrasensibles
PROTOCOLE SIMPLIFIÉ APRÈS THYROÏDECTOMIE de Tg us et l’amélioration des appareils d’échographie
TOTALE SANS IRATHÉRAPIE remettent en question ce dogme. Une étude de 2013
Les patients ayant eu une thyroïdectomie totale sans sur 1 020 carcinomes papillaires de la thyroïde a mon-
iode 131 doivent bénéficier du même bilan entre six et tré que les récidives chez les patients en rémission
douze mois que ceux ayant bénéficié d’une irathérapie. à 6-12 mois de la chirurgie initiale et de l’irathérapie
Un seuil de Tg us sous lévothyroxine inférieur à 1 μg/L, étaient rares (1,4 %) et survenaient dans les huit ans
en l’absence d’anti-Tg et avec une échographie cervi- au maximum.8 Toutefois, aucune recommandation
cale normale, peut être proposé pour considérer le ne se prononce actuellement sur la durée de suivi né-
patient en rémission. Le suivi ultérieur peut alors être cessaire.
simplifié : dosage annuel de la Tg us, des anti-Tg et de
la TSH, sans renouveler l’échographie cervicale.7 CAS PARTICULIERS DES PATIENTS NON EN RÉMISSION
Les patients qui ne sont pas en rémission ou qui ont
LOBO-ISTHMECTOMIE : TENIR COMPTE des métastases à distance (5-10 % des cas) doivent
DU PRONOSTIC FAVORABLE être suivis en milieu spécialisé. Deux tiers d’entre
Chez les patients ayant eu une lobo-isthmectomie, le eux sont d’emblée, ou deviennent, réfractaires au trai-
dosage de la Tg us peut être difficile à interpréter et tement par iode radioactif. Des progrès considérables
doit prendre en compte le volume du lobe restant. dans l’analyse génomique des tumeurs de ces patients

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DOSSIER CANCER THYROÏDIEN

réfractaires à l’iode 131 permettent actuellement de


leur proposer des thérapies ciblées.9
La positivité des anti-Tg peut faussement négativer
la Tg us, et le titre des anticorps doit être surveillé. Que dire à vos patients ?
Les patients ayant des anti-Tg positifs ne sont pas Le cancer de la thyroïde est, dans la majorité des
considérés comme en rémission, mais un titre cas, de bon pronostic.
stable ou descendant est un élément favorable. La
Le traitement repose avant tout sur la chirurgie,
surveillance par échographie cervicale peut être

L’ESSENTIEL maintenue chez ces patients.


parfois complétée par un traitement par
iode radioactif (irathérapie) dont l’indication
est discutée en réunion de concertation
Le bon pronostic SURVEILLANCE ACTIVE : UNE ALTERNATIVE pluridisciplinaire.
des cancers À LA CHIRUGIE ?
papillaires explique En cas de rémission lors du bilan à 6-12 mois, le
Le microcarcinome papillaire thyroïdien, très fré-
la stratégie de risque de récidive est faible.
quent, d’une taille inférieure ou égale à 1 cm, est un
désescalade Le suivi repose sur la palpation cervicale et le
thérapeutique cancer d’excellent pronostic. Ce constat est à l’origine
du concept de « surveillance active » publié en 2003 dosage de la thyroglobuline ultrasensible (Tg us),
de cette dernière
de la TSH et des anticorps anti-Tg.
décennie, en dépit et intégré aux recommandations japonaises dès 2011.10
de l’augmentation Les principales publications d’observation de co- L’échographie cervicale n’est pas répétée
de leur incidence. systématiquement lors du suivi.
hortes de patients atteints de ce type de cancers rap-
portent une survenue très faible d’événements dans
Tous les les trois ans (augmentation de volume de la tumeur En pratique, en l’absence de décision chirurgicale im-
patients doivent
dans 12 à 23 % des cas, apparition d’adénopathies dans médiate, la réalisation d’une cytologie sur un nodule
être réévalués à
6-12 mois du geste 1,4 % des cas).11,12 thyroïdien suspect de moins de 10 mm n’est donc pas
chirurgical (avec ou Les critères pertinents d’éligibilité à la surveil- obligatoire ; elle est réalisée en cas d’augmentation
sans irathérapie) lance active sont liés à la tumeur (localisation par de la taille du nodule et/ou d’apparition d’une adéno-
par dosage de la rapport à la capsule thyroïdienne, proximité du nerf pathie, en vue d’une décision chirurgicale. La propor-
thyroglobuline
récurrent, présence ou non d’adénopathie), au patient tion de récidive pour ces patients opérés avec re-
ultrasensible (Tg us),
des anticorps anti-Tg (plus de 60 ans, comorbidités, souhait) et à l’expertise tard par rapport à la découverte du nodule est
et de la TSH, et par du centre qui assure le suivi (échographistes expéri- identique à celle des patients ayant été opérés
une échographie mentés, suivi régulier possible). L’indication doit d’emblée. Cela conforte l’intérêt de cette stratégie
cervicale en centre être rigoureusement examinée en centre expert. de surveillance active.
spécialisé. Une surveillance échographique est nécessaire tous
les 6-12 mois initialement, puis espacée, à la recherche C. Buffet déclare des interventions ponctuelles pour
Le risque de d’une augmentation de taille et/ou de volume et d’adé- Eisai et Lilly. L. Allard déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
récidive diminue
nopathie cervicale.13 L. Leenhardt déclare des interventions ponctuelles pour Merck.
fortement chez
les patients en
rémission à 6-12
mois, quel que soit
leur risque initial RÉFÉRENCES
(restratification
du risque évolutif). 1. US Preventive Services Task Force, Bibbins- diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 10. Takami H, Ito Y, Okamoto T, et al. Therapeutic
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