Algebre Lineaire 1

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Algèbre linéaire 1

Christophe Reutenauer
Laboratoire de combinatoire et d’informatique mathématique,
Université du Québec à Montréal

28 décembre 2020

Table des matières


1 Introduction 3

I Ensembles, fonctions, récurrence 3

2 Ensembles 4

3 Relations et fonctions 6

4 Raisonnement par récurrence 10

II Cours d’algèbre linéaire 1 11

5 Espaces vectoriels et applications linéaires 11


5.1 Les huit axiomes d’un espace vectoriel . . . . . . . . . . . . . 11
5.2 Combinaisons linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
5.3 Applications linéaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
5.4 Matrice d’une application linéaire Rp → Rn . . . . . . . . . . 15

6 Sous-espaces vectoriels 16
6.1 Définition et caractérisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
6.2 Sous-espace engendré par un nombre fini de vecteurs . . . . . 18
6.3 Intersection de sous-espaces et systèmes d’équations linéaires 19

1
7 Bases et dimension 20
7.1 Dépendance et indépendance linéaire . . . . . . . . . . . . . . 20
7.2 Bases : existence et unicité de la dimension . . . . . . . . . . 23
7.3 Bases des sous-espaces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
7.4 Calcul d’une base d’un sous-espace engendré . . . . . . . . . . 27

8 Applications linéaires 29
8.1 Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
8.2 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
8.3 Applications linéaires et sous-espaces . . . . . . . . . . . . . . 32
8.4 Calcul d’une base du noyau d’une application linéaire de Rp
vers Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
8.5 Injections, surjections, isomorphismes . . . . . . . . . . . . . 35
8.6 Applications linéaires et bases . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
8.7 Matrice d’une application linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . 38
8.8 Changement de base : matrice de passage . . . . . . . . . . . 40
8.9 Matrice d’un endomorphisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
8.10 Calcul d’une base du noyau d’une application linéaire . . . . 42

9 Diagonalisation 42
9.1 Valeurs et vecteurs propres d’un endomorphisme . . . . . . . 42
9.2 Polynôme caractéristique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
9.3 Endomorphismes diagonalisables . . . . . . . . . . . . . . . . 46
9.4 Diagonalisation des matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
9.5 Calcul d’une base d’un sous-espace propre et diagonalisation
effective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
9.6 Applications de la diagonalisation . . . . . . . . . . . . . . . . 48
9.6.1 Puissance d’une matrice . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
9.6.2 Une équation différentielle matricielle . . . . . . . . . 48

10 Espaces euclidiens 49
10.1 Produits scalaires et bases othonormales . . . . . . . . . . . . 49
10.2 Orthonormalisation de Gram-Schmidt . . . . . . . . . . . . . 49
10.3 Diagonalisation des matrices symétriques . . . . . . . . . . . 51
10.4 Les nombres complexes et les espaces vectoriels associés . . . 53
10.5 Preuve du théorème 10.4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54

III Appendice : rappels du cours de CEGEP 55

2
11 Système d’équations linéaires : résolution par la méthode
d’élimination des variables, ou de substitution 56

12 Matrices 57
12.1 Définitions (rappels) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
12.2 Matrices : somme et produit externe . . . . . . . . . . . . . . 58
12.3 Produit de matrices . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
12.4 Matrices inversibles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
12.5 Système d’équations linéaires de Cramer . . . . . . . . . . . . 63
12.6 Opérations de lignes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
12.7 Système d’équations linéaires : méthode de Gauss . . . . . . . 67

13 Déterminants 69
13.1 Développement selon la première colonne . . . . . . . . . . . 69
13.2 Formule du produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
13.3 Inversion des matrices et déterminants . . . . . . . . . . . . . 72
13.4 Développement du déterminant selon une ligne ou colonne
quelconque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73
13.5 Système de Cramer (suite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 73

14 Solutionnaire (esquisses) 73

Remerciements : Benjamin Blanchette, Christophe Hohlweg, Anissa Am-


roun, pour discussions et corrections ; Frédéric Rochon, pour l’exemple de
l’équation différentielle du ressort.

1 Introduction
Les sections 11, 12 et 13, sauf 13.2, sont déjà vues au CEGEP (voir les
livres [1, 2], ou le cours MAT0600 de l’UQAM). On peut les omettre, en
tout cas les parcourir rapidement.
Les sections 2, 3 et 4 sont tirées des notes de cours “Algèbre 1”, de
Jacques Labelle et de l’auteur [3].

3
Première partie
Ensembles, fonctions, récurrence
2 Ensembles
Sans développer complètement la théorie des ensembles, nous donnons
les principaux éléments de ce langage et les notations utilisées.
La notion d’ensemble est fondamentale en mathématiques. Les termes
 groupement ,  famille  ou  collection  donnent une intuition de

cette notion.
Comme exemples d’ensembles, citons l’ensemble des nombres premiers,
l’ensemble des points d’une droite, l’ensemble des droites dans un plan,
l’ensemble des étudiants de l’UQàM.
Les objets qui composent un ensemble sont appelés éléments de cet en-
semble. On représente souvent les ensembles par des majuscules et leurs
éléments par des minuscules. Si a est un élément de l’ensemble A, on écrit
a ∈ A et on lit  a appartient à A  ou  a est un élément de A . Si a
n’est pas élément de A, on écrit a ∈ / A et on lit  a n’appartient pas à A
 ou  a n’est pas un élément de A .

L’écriture A = {a1 , a2 , ..., am } signifie que A est composé des éléments


a1 , a2 , ..., am ; il peut y avoir des répétitions d’éléments : par exemple,
{a, b, a} représente le même ensemble que {a, b} ou {b, a}.
Un ensemble peut être constitué d’un nombre fini ou infini d’éléments.
Si A possède un nombre fini d’éléments, |A| dénote son nombre d’éléments,
qu’on appelle aussi cardinalité de A.
L’ensemble qui ne contient aucun élément est appelé l’ensemble vide et
on le représente par le symbole ∅. Sa cardinalité est 0.
Un ensemble qui ne contient qu’un seul élément s’appelle un singleton.
On utilisera les notations suivantes : N = {0, 1, 2, 3, . . .} est l’ensemble
des entiers naturels ; Z = {. . . , −2, −1, 0, 1, 2, 3, . . .} est l’ensemble des
entiers relatifs ; Q est l’ensemble des nombres rationnels (les fractions) ;
N∗ = {1, 2, 3, . . .} est l’ensemble des entiers naturels non nuls ; R est l’en-
semble des nombres réels.
On utilise souvent, pour définir un ensemble, une notation comme B =
{x ∈ A | P (x)} (on écrit aussi B = {x ∈ A, P (x)}) ; cette notation signifie
que B est l’ensemble des éléments de A qui possèdent la propriété. Ainsi, on
aura pour tout élément x de A : x ∈ B si et seulement si P (x). Autrement
dit, si l’on veut montrer qu’un élément x de A est en fait dans B, il suffit

4
de montrer que x ∈ A a la propriété P . Et vice-versa, si x a la propriété P ,
il est dans B.
Des exemples : {n ∈ N | n2 ∈ N } désigne l’ensemble des nombres naturels
pairs ; {n ∈ N | ∃m ∈ N, n = m2 } désigne l’ensemble des carrés dans N.
Soient A et B deux ensembles. Si A et B sont constitués des mêmes
éléments, on dit qu’ils sont égaux et on écrit A = B. Si tous les éléments
de A appartiennent à B, on dit que A est contenu ou inclus dans B, ou
encore que A est un sous-ensemble ou une partie de B, et on écrit A ⊂ B
ou B ⊃ A (on dit aussi que B contient A). Remarquez que ∅ et A sont des
sous-ensembles particuliers de A ; un sous-ensemble autre que ceux-ci est un
sous-ensemble propre de A.
On note P(X) l’ensemble des parties de X ; donc les éléments de
P(X) sont les parties de X. Par exemple, si X = {1, 2, 3}, P(X) =
{∅, {1}, {2}, {3}, {1, 2}, {1, 3}, {2, 3}, X}. C’est un ensemble de cardinalité
8.
Dans la pratique, quand on veut montrer qu’un ensemble A est inclus
dans un ensemble B, on doit montrer qu’un élément quelconque de A est
forcément dans B. Autrement dit que : x ∈ A ⇒ x ∈ B. De plus, pour
montrer que A = B, on doit montrer que A ⊂ B et B ⊂ A.
On appelle réunion ou union de deux ensembles A et B le nouvel en-
semble formé de tous les éléments qui appartiennent à A ou à B ou aux
deux ; on le note A ∪ B et on lit “A union B”. Donc

A ∪ B = {x ∈ A ou x ∈ B}.

On appelle intersection de deux ensembles A et B le nouvel ensemble formé


des éléments communs à A et B ; on la note A ∩ B et on lit “A inter B ” :

A ∩ B = {x | x ∈ A et x ∈ B}.

Si A ∩ B = ∅, on dit que A et B sont disjoints, sinon on dit que A et B se


coupent. plusieurs ensembles A1 , . . . , An est notée A1 ∪· · ·∪An ,
La réunion de S
ou i=n
S
A
i=1 i , ou encore 1≤i≤n Ai .
Le couple ordonné ayant a comme première composante et b comme
seconde composante se note (a, b). Si A et B sont des ensembles, le produit
cartésien de A et B est

A × B = {(a, b) | a ∈ A et b ∈ B}.

Des notations analogues sont utilisées pour l’intersection de plusieurs


ensembles.

5
Exercice 2.1. Soit A = {1, 2, 3} et B = {4, 5}. Écrire les ensembles sui-
vants :
a) A × B ; b) P(A) ; c) P(P(B)).

Exercice 2.2. a) Vrai ou faux. Soit A = {1, 2, 4, {2, 3}}. {1, 2} ∈ A? ;


{1, 2} ⊂ A?.
b) Soit B = {1, 2, 4, {2, 3}, {1, 2}}. {1, 2} ∈ B? ; {1, 2} ⊂ B?.

Exercice 2.3. Vrai ou faux. a) ∅ ∈ {∅, {∅}} ; b) ∅ ⊂ {∅, {∅}} ; c) {∅} ∈


{∅, {∅}} ; d) {∅} ⊂ {∅, {∅}} ; e) {{∅}} ∈ {∅, {∅}} ; f ){{∅}} ⊂ {∅, {∅}}.

Exercice 2.4. Décrire l’ensemble {x ∈ N | ∃a, b ∈ N, a, b ≥ 2, x = ab}. On


peut commencer par énoncer lesquels des nombres de 1 à 10 sont dans cet
ensemble.

Exercice 2.5. Soit A un ensemble de cardinalité n ; montrer que P(A) est


de cardinalité 2n .

Exercice 2.6. Soient A, B des ensembles. On A \ B l’ensemble {x ∈ A |


x∈/ B}, et on l’appelle la différence de A et B.
a) Montrer que (A ∪ B) \ (A ∩ B) = (A \ B) ∪ (B \ A) (cet ensemble,
s’appelle la différence symétrique de A et B.
b) Montrer que A ∩ B = A \ (A \ B).

3 Relations et fonctions
Une relation de A vers B est un sous-ensemble R de A × B. Une relation
R ⊂ A × B est dite fonctionnelle si pour tout a ∈ A, il existe un et un seul
b ∈ B tel que (a, b) ∈ R .
Si R est une relation fonctionnelle, incluse dans A × B, elle définit une
fonction f de A vers B ; on écrit ceci f : A → B ; on dit que A est l’ensemble
de départ de f et B son ensemble d’arrivée. L’ensemble de départ de f est
aussi appelé domaine de définition de f .
On dit aussi application au lieu de fonction.
Soit f : A → B. Pour un élément a donné, l’unique b tel que (a, b) ∈ R
s’appelle l’image de a par la fonction f et il est noté f (a). Intuitivement
une fonction de A vers B est donc une règle qui permet d’associer à tout
élément a ∈ A un et un seul élément b ∈ B ; cet élément b est noté f (a) :
f (a) = b. On dit aussi que a est envoyé sur b par f , ou que f associe b à a.
f
On écrit a 7→ b, ou bien a 7→ b si la fonction f est sous-entendue. Appelons
aussi antécédent de b ∈ B par f tout élément a ∈ A tel que b = f (a).

6
Si X ⊂ A, alors f (X) = {f (x) | x ∈ X} est appelé l’image (directe) de
X par f . L’ensemble f (A) ⊂ B s’appelle l’image de f ; on le note I(f ).
Si Y ⊂ B, alors f −1 (Y ) = {x ∈ X|f (x) ∈ Y } est appelé l’image
réciproque (ou inverse) de Y par f 1 . Autrement dit, f −1 (Y ) est l’ensemble
des antécédents de tous les éléments de Y . On a aussi :

∀a ∈ A : a ∈ f −1 (Y ) ⇔ f (a) ∈ Y.

Si Y = {y} est un singleton, on écrit aussi simplement f −1 (y) au lieu de


f −1 ({y}) .

Proposition 3.1. Soit f : A → B. Si X1 ⊂ A et X2 ⊂ A, alors


a)X1 ⊂ X2 ⇒ f (X1 ) ⊂ f (X2 ) ;
b) f (X1 ∪ X2 ) = f (X1 ) ∪ f (X2 ) ;
c) f (X1 ∩ X2 ) ⊂ f (X1 ) ∩ f (X2 ).
Si Y1 ⊂ B et Y2 ⊂ B, alors
d) Y1 ⊂ Y2 ⇒ f −1 (Y1 ) ⊂ f −1 (Y2 ) ;
e) f −1 (Y1 ∪ Y2 ) = f −1 (Y1 ) ∪ f −1 (Y2 ) ;
f )f −1 (Y1 ∩ Y2 ) = f −1 (Y1 ) ∩ f −1 (Y2 ).
De plus, si X ⊂ A et Y ⊂ B, alors f (f −1 (Y )) ⊂ Y et X ⊂ f −1 (f (X)).

La démonstration est laissée en exercice.


L’ensemble des fonctions de A à B est noté B A (cette notation s’explique
par le fait que si A et B sont finis et |A| = n, |B| = m, alors |B A | = mn =
|B||A| ).
Si f : A → B et g : B → C sont des fonctions, alors g ◦ f , appelée
composée (ou composition) de f et g, est la fonction de A vers C définie par

g ◦ f (a) = g(f (a)), ∀a ∈ A

.
La composition des fonctions est une opération associative (exercice !).
De plus, la fonction identité est un élément neutre : si f : E → F , on a
idF ◦ f = f = f ◦ idE , où idE est la fonction E → E qui envoie tout e ∈ E
sur lui-même.

Exemple 3.1. La composée de f (x) = x2 + 1,√R → R+ , par la fonction



g(x) = x, R+ → R, est la fonction g ◦ f (x) = x2 + 1.

Soit f : A → B une fonction. On dit que :


1. Attention, la notation f −1 (Y ) ne signifie pas que la fonction réciproque f −1 de f
existe.

7
1. f est injective si pour tous a1 , a2 ∈ A, a1 6= a2 ⇒ f (a1 ) 6= f (a2 ). Ce
qui équivaut à : pour tous a1 , a2 ∈ A, f (a1 ) = f (a2 ) ⇒ a1 = a2 , ou
encore à : pour tout b ∈ B, f −1 (b) a au plus un élément. On dit alors
aussi que f est une injection.
2. f est surjective si f (A) = B. Ce qui équivaut à : pour tout b ∈ B, il
existe a ∈ A tel que f (a) = b, ou encore : pour tout b ∈ B, f −1 (b) a
au moins un élément. On dit alors aussi que f est une surjection.
3. f est bijective si f est injective et surjective. Ce qui équivaut à : pour
tout b ∈ B, il existe un et un seul a ∈ A tel que f (a) = b, ou encore
à : pour tout b ∈ B, |f −1 (b)| = 1. Dans ce cas, on dit aussi que c’est
une bijection.
On a aussi : f est injective (resp. surjective, resp. bijective) si et seule-
ment si tout b ∈ B a au plus (resp. a au moins, resp. a exactement) un
antécédent par f .

Exemple 3.2. La fonction de R dans R qui à x associe x2 n’est pas injec-


tive ; en effet, on a 1 6= −1 mais f (1) = f (−1).

Exemple 3.3. La fonction de R dans R qui à x associe x3 est injective ; en


effet, tout réel a une unique racine cubique. Donc, ∀v ∈ R, il existe au plus
un x ∈ R tel que f (x) = v.

Exemple 3.4. La fonction de N dans N qui à n associe 2n est injective ;


en effet, pour tout entier naturel n il existe au plus un entier naturel p tel
que 2p = n.

Exemple 3.5. La fonction de R dans R qui à x associe x2 n’est pas surjec-


tive ; en effet, il n’existe pas de x ∈ R tel que −1 = x2 .

Exemple 3.6. La fonction de R dans R qui à x associe x3 est surjective ;


en effet, tout réel a une unique racine cubique. Donc, ∀v ∈ R, il existe au
moins un x ∈ R tel que f (x) = v.

Exemple 3.7. La fonction de N dans N qui à 2n et 2n + 1 associe n est


surjective ; en effet, tout entier naturel n est l’image par cette fonction de
2n (et aussi de 2n + 1).

Exemple 3.8. La fonction exponentielle est une bijection de R vers R∗+ ; la


bijection réciproque est la fonction logarithme.

Si f est bijective alors la fonction réciproque f −1 : B → A est définie par


f −1 (b) = a si et seulement si f (a) = b. Donc f −1 ◦ f = idA et f ◦ f −1 = idB

8
où pour tout a ∈ A, idA (a) = a et pour tout b ∈ B, idB (b) = b. La fonction
idA est appelée la fonction identité de A. On a

∀x ∈ E, ∀y ∈ F : y = f (x) ⇔ x = f −1 (y). (1)

S’il existe une bijection (c’est-à-dire une fonction bijective) de A vers


B, on dit que A et B sont équipotents (ou ont même nombre d’éléments ou
même cardinalité).

Exercice 3.1. Soit R la relation {(1, 2), (1, 3), (3, 1)}. Est-ce une relation
fonctionnelle ? Même question avec {(1, 2), (2, 3), (3, 1)}.

Exercice 3.2. On appelle graphe d’une fonction f : A → B la relation fonc-


tionnelle R qui la définit. Montrer que R = {(a, b) | b = f (a)} = {(a, f (a)) |
a ∈ A}.

Exercice 3.3. Répondre par vrai ou faux (et justifier). Si f : A → B et


X, Y ⊂ A, alors f (X \ Y ) = f (X) \ f (Y ).

Exercice 3.4. Soient les fonctions f : A → B et g : B → C. Montrer que


pour tout X ⊂ A et pour tout Y ⊂ C, (g◦f )(X) = g(f (X)) et (g◦f )−1 (Y ) =
f −1 (g −1 (Y )).

Exercice 3.5. Soient les fonctions f : A → B et g : B → C. Répondre par


vrai ou faux et justifier.
a) Si f et g sont injectives, alors g ◦ f est injective.
b) Si g ◦ f est injective, alors f est injective.
c) Si g ◦ f est surjective, alors g est surjective.

Exercice 3.6. Soit f : A → B une fonction. Prouvez que :


a) f est surjective ⇔ ∃h : B → A telle que f ◦ h = idB ;
b) f est injective ⇔ ∃g : B → A telle que g ◦ f = idA . Ici on suppose
A 6= ∅.

Exercice 3.7. Soit f : X → Y une fonction. Prouver que ∀A ⊂ X et


∀B ⊂ Y on a : A ⊂ f −1 (f (A)) et f (f −1 (B)) ⊂ B.

Exercice 3.8. Montrer, avec les notations de la proposition 3.1, que, pour
tous sous-ensembles X1 , X2 de A, on a égalité dans le c) de ce lemme, si et
seulement si f est injective.

9
4 Raisonnement par récurrence
On veut démontrer une propriété qu’ont tous les entiers naturels n, par
exemple :  la somme de tous les entiers de 0 à n est égale à n(n + 1)/2.
Comme on considère une propriété quelconque, on va la noter P (n), à lire :
n a la propriété P . On veut donc montrer que P (0) est vraie, ainsi que P (1),
P (2), et ainsi de suite. On utilise pour cela, le raisonnement par récurrence,
ou par induction. Commençons par l’exemple ci-dessous.
Exemple 4.1. P (n) est la propriété  la somme des entiers de 0 à n est
égale à n(n + 1)/2. La propriété P (0) est vraie, puisque 0 = 0 · (0 + 1)/2.
Nous faisons maintenant ce qu’on appelle l’hypothèse de récurrence, c’est-
à-dire nous supposons que P (n) est vraie et essayons d’en déduire P (n + 1).
L’hypothèse de récurrence implique que la somme des entiers de 0 à n vaut
n(n + 1)/2 ; nous en déduisons que la somme des entiers de 0 à n + 1 vaut
n(n + 1)/2 + n + 1 = (n + 1)(n/2 + 1) = (n + 1)(n + 2)/2, ce qui démontre
que P (n + 1) est vraie. Ainsi nous avons montré que : (i) P (0) est vraie,
et (ii) si P (n) est vraie, alors P (n + 1) est vraie. Le principe de récurrence
nous assure alors que P (n) est vraie quel que soit l’entier naturel n.
Principe de récurrence : On veut démontrer une propriété P (n) que
possèdent tous les entiers naturels n. On fait comme suit :
(i) On démontre que P(0) est vraie.
(ii) On fait l’hypothèse que P (n) est vraie (hypothèse de récurrence),
et on démontre que P (n + 1) est vraie. Autrement dit, on démontre que
 P (n) vraie  implique  P (n + 1) vraie . Ceci étant fait, on est sûr que

la propriété est vraie pour tous les entiers : intuitivement en effet, P (0) est
vraie par (i), donc P (1) est vraie par (ii), donc P (2) est vraie par (ii) et
ainsi de suite.
Attention : pour (ii), il faut prendre un entier n quelconque, non spécifié,
et pas 17, ou 1789, ou autre.
Principe de récurrence (variante) : On laisse tel quel (i) et on rem-
place (ii) par :
(ii’) on fait l’hypothèse que P (0), P (1), . . . , P (n) sont toutes vraies (hy-
pothèse de récurrence), et on démontre qu’alors P (n + 1) est vraie.
Une autre variante consiste, au lieu de commencer par 0, à commencer
par un nombre plus grand, comme dans la preuve de l’énoncé suivant. Rap-
pelons d’abord qu’un entier naturel est dit premier s’il est ≥ 2 et s’il n’est
divisible que par 1 et par lui-même.
Théorème 4.1. Tout entier naturel ≥ 2 est divisible par un entier naturel
premier.

10
Démonstration. Pour n = 2, le théorème est évident car 2 est premier et 2
est divisible par 2.
Soit n un entier ≥ 2 et supposons que pour tout entier compris entre 2 et
n, k est divisible par un nombre premier. Considérons n + 1 : s’il est premier
alors il est divisible par un nombre premier ; s’il n’est pas premier, alors on
a n + 1 = k · m, où k est un entier naturel non nul, différent de 1 et de n + 1.
Alors k est compris entre 2 et n. Donc, par l’hypothèse de récurrence, k est
divisible par un nombre premier p. Comme p divise k et que k divies n + 1,
p divise n + 1, ce qui finit la preuve.

Exercice 4.1. Démontrer par récurrence les assertions suivantes, où n est
un entier naturel quelconque. Indications : dans tous ces exercices, la diffi-
culté est comment passer de l’expression avec n à l’expression avec n + 1.
a) n2 − n est divisible par 2.
b) n3 − n est divisible par 3.
c) 4n − 1 est divisible par 3.
d) 22n+1 + 1 est divisible par 3.
e) 9n − 8n − 1 est divisible par 64.
f ) 7n − 3n est divisible par 4.
g) 2n > n.
h) si n ≥ 1, alors 2n−1 ≤ n!.
i) 02 + 12 + 22 + · · · + n2 = n(n + 1)(2n + 1)/6.
j) 1 + 2 + 22 + · · · + 2n = 2n+1 − 1.
k) 0 · 0! + 1 · 1! + 2 · 2! + · · · + n · n! = (n + 1)! − 1.
l) 13 + 23 + 33 + · + n3 = (1 + 2 + · + n)2 .

Deuxième partie
Cours d’algèbre linéaire 1
5 Espaces vectoriels et applications linéaires
5.1 Les huit axiomes d’un espace vectoriel
Définition 5.1. Un espace vectoriel est un ensemble E qui a deux
opérations. La première, appelé eaddition, ou somme, et la seconde est ap-
pelée produit externe. L’addition associe à deux éléments quelconques x, y
de E un élément noté x + y. Le produit externe associe à un nombre réel
a et à un élément x de E un élément de E noté ax. Ces deux opérations

11
jouissent des propriétés suivantes (appelées axiomes des espaces vectoriels) :
quels que soient les éléments x, y, z de E et les réels a, b, on a :
1. x + y = y + x (commutativité) ;
2. (x + y) + z = (x + y) + z (associativité ;
3. Il existe un élément 0E de E tel que x+0E = x (existence de l’élément
neutre) ;
4. Il existe un élément x0 de E tel que x+x0 = 0 (existence de l’opposé) ;
5. 1x = x (le produit externe de 1 ∈ R avec x est égal à x) ;
6. (ab)x = a(bx) (associativité).
7. (a + b)x = ax + bx (distributivité) ;
8. a(x + y) = ax + ay (distributivité) ;
Notez qu’on écrit parfois 0 pour le 0E dans l’axiome 3. Ceci constitue
ce qu’on appelle un abus de notation, qui peut être ambigu ; le contexte en
général lève l’ambiguı̈té. Si par exemple, e ∈ E et si on écrit e + 0, c’est clair
que c’est e + 0E , et non pas e + 0R , car il n’y a pas de sens à additionner un
élément de E et un élément de R (sauf dans le cas particulier où E = R).
De même, dans 0e, c’est clair que le 0 est le zéro des réels (il n’y a pas de
produit de deux vecteurs).
Pour un exemple concret de ces propriétés, regardez l’exemple 5.2 ci-
dessous : x, y, z sont des matrices de même taille et ax désigne le produit du
réel a par la matrice x (ax s’obtient de x en y multipliant tous les coefficients
par a)
On appelle souvent scalaire un élément de R ; ceci, par opposition aux
éléments des éléments des espaces vectoriels, qui sont souvent appelés vec-
teurs.
On a 0e = 0 (ici le premier 0 est le zéro de R, et le second celui de E) :
en effet 0e + 0e = (0 + 0)e = 0e, donc en ajoutant de chaque côté l’opposé
de 0e, on trouve 0e = 0.
De plus l’opposé de e est (−1)e (qu’on note −e) : en effet, e + (−1)e =
1e + (−1)e = (1 + (−1))e = 0e = 0.
La soustraction dans un espace vectoriel est définie par u−v = u+(−1)v ;
c’est-à-dire soustraire v de u, c’est additionner u est l’opposé de v. On a
l’identité (a est un scalaire)

a(u − v) = au − av

et en particulier
−(u + v) = −u − v.

12
Exemple 5.1. L’espace vectoriel nul est l’ensemble à un élément {0}. C’est
un espace vectoriel sur R. On a évidemment 0 + 0 = 0 et a0 = 0 pour tout
scalaire a.

Exemple 5.2. Fixons des entiers naturels n et p. Alors l’ensemble Mnp (R)
est un espace vectoriel ; car on peut additionner deux matrices, et on peut
multiplier toute matrice par un scalaire, et tous les huit axiomes sont satis-
faits, comme on le voit dans la section 12.2.

Exemple 5.3. Fixons un intervalle I de R et soit F l’ensemble des fonctions


de I dans R. Alors F est un espace vectoriel. Car on peut additionner deux
fonctions dans F et multiplier une fonction dans F par un scalaire ; de plus
les huit axiomes sont satisfaits.

Exercice 5.1. On note E l’ensemble des matrices infinies à coefficients


réels, dont les lignes et les colonnes sont indexées par les entiers naturels
positifs 1,2,3,4.... Définir de manière naturelle une addition dans E. De
même, un produit d’un scalaire par une telle matrice. Montrer que E est
alors un espace vectoriel sur les réels (vérifier les huit axiomes).

Exercice 5.2. Montrer que l’ensemble des polynômes de degré au plus 4, à


coefficients réels, est un espace vectoriel.

Exercice 5.3. Montrer que l’ensemble des suites (an )n∈N de nombres réels
est un espace vectoriel.

5.2 Combinaisons linéaires


Définition 5.2. Soit E un espace vectoriel. Une combinaison linéaire dans
E est une expression de la forme a1 e1 + . . . + an en où a1 , . . . , an sont dans R
et e1 , . . . , en sont dans E. On appelle coefficients de la combinaison linéaire
les réels a1 , . . . , an .
Pi=n P
Une telle expression s’écrit aussi i=1 ai ei , ou aussi 1≤i≤n ai ei . On
appelle longueur de la combinaison linéaire l’entier n. Le cas particulier
n = 0 est aussi considéré : on l’appelle la combinaison linéaire vide. Elle est
utile pour faire des raisonnements par récurrence.
La combinaison linéaire, définie ci-dessus comme une expression,
représente aussi un vecteur dans E 2 ; ce vecteur est défini par récurrence
2. On peut pensee à l’expression 3 + 4, qui d’une par est une expression représentant
une addittion, et d’autre part représente le nombre 7.

13
sur n : si n = 0, c’est le vecteur nul ; si n = 1, c’est a1 e1 ; et si n ≥ 2, c’est
(a1 e1 + . . . + an−1 en−1 ) + an en . Le fait qu’on omet les parenthèses provient
de ce que l’addition dans E est associative.
La combinaison linéaire ci-dessous est dite triviale si tous ses coefficients
sont nuls.
Il n’est P pas difficile de calculer avec des combinaisons linéaires. Par
exemple, si i=n i=1 ai ei = 0, et si a1 6= 0, alors e1 s’exprime comme
P une combi-
naison linéaire de e2 , . . . , en . En effet, on a d’abord a1 e1 = − i=n
i=2Pai ei ; puis
1 i=n ai
en multipliant pas l’inverse a1 du scalaire a1 , on obtient : e1 = − i=2 a1 ei .
Faire les exercices 5.4 et 5.5 pour se familiariser avec ce type de calculs.

Exercice 5.4. Dans cet exercice les lettres u, v, w, x, y, z représentent des


vecteurs d’un espace vectoriel E et a, b, c, d, e des scalaires.
(i) Montrer que si u = 3v − w + x, alors chacun des vecteurs v, w, x
est combinaision linéaire de u et des autre vecteurs (par exemple, v est
combinaison linéaire de u, w, x).
(ii) Montrer que si au + bv + cw = 0 et si a 6= 0, alors u est combinaison
linéaire de v et w. Pourquoi l’hypothèse a 6= 0 est-elle essentielle ?
(iii) Montrer que si u = 3v − w, v = x + y et w = y − z, alors u est
combinaison linéaire de x, y, z.
(iv) Montrer que si u est combinaison linéaire de v et w, que v et w sont
chacun combinaison linéaire de x et y, alors u est combinaison linéaire de
x et y.

Exercice 5.5. Montrer que si le vecteur x est combinaison linéaire des


vecteurs y et z, et si x 6= 0, alors soit y est combinaison linéaire de x et z,
soit z est combinaison linéaire de x et y.

5.3 Applications linéaires


Une application linéaire est une fonction d’un espace vectoriel vers un
autre qui préserve les opérations de ces espaces. Plus précisément :

Définition 5.3. Soient E, F des espaces vectoriels. Une fonction f : E → F


(c’est-à-dire une fonction de E vers F ) est appelée une application linéaire
si pour tous vecteurs x, y dans E et tout scalaire a on f (x + y) = f (x) + f (y)
et f (ax) = af (x).

Un exemple est la fonction trace, qui est une application linéaire de


Mn (R) dans R : elle envoie toute matrice carrée sur la somme de ses éléments
diagonaux. Un autre exemple est la fonction qui à toute fonction f : I → R

14
(où I est un intervalle fixé) associe f (a) (a ∈ I fixé). Un autre exemple est
la fonction transposition Mnp (R) → Mpn (R).

Définition 5.4. On appelle endomorphisme de V une application linéaire


de l’espace vectoriel V dans lui-même.

Un exemple d’endomorphisme est la transposition de l’espace de Mn (R)


dans lui-même.

Exercice 5.6. Montrer


 que les applications suivantes sont linéaires.
a b
(i) M22 (R) → R, 7→ a + b + c + d.
c d
 
a b
(ii) M13 (R) → M22 (R), [a, b, c] 7→ .
b c
 
a
(iii) M13 (R) → M31 (R), [a, b, c] 7→  b .
c
 
2a + b a − b
(iv) M12 (R) → M22 (R), [a, b] 7→ .
a a + 2b

Exercice 5.7. * Soit P (x) = an xn + . . . a1 x + a0 un polynôme (ai ∈ R).


Montrer que la fonction R → R, a 7→ P (a) est une application linéaire si et
seulement si ∀i 6= 1, ai = 0.

5.4 Matrice d’une application linéaire Rp → Rn


Considérons une application linéaire de Rp dans Rn , dont les éléments
sont représentés par des matrices-colonnes. Soit f une application linéaire
Rp → Rn ; on définit la matrice de f de la manière suivante : c’est une
matrice de taille n × p, dont la j-ème colonne est le vecteur colonne image
par f du vecteur t (0, . . . , 0, 1, 0 . . . , 0) ∈ Rp (le 1 est en position j).
Soient x, y des vecteurs dans Rp , Rn respectivement, représentés respec-
tivement par des matrices colonnes X, Y . On a alors

Y = M X.

La matrice M permet donc de calculer l’image y = f (x) de tout vecteur


x ∈ Rp donné.

15
6 Sous-espaces vectoriels
6.1 Définition et caractérisation
Définition 6.1. Un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel V est un
sous-ensemble E non vide de V qui est fermé sous les deux opérations de
V ; ce qui signifie que quels que soient les vecteurs u, v dans E et le scalaire
a, on a u + v ∈ E et av dans E.

Notez que puisque le sous-espace est non vide, il contient 0 (obtenu en


multipliant par le scalaire 0 n’importe quel vecteur du sous-espace).

Exemple 6.1. Soit E l’espace vectoriel des matrices carrées d’ordre n.


Considérons le sous-ensemble F des matrices de trace nulle. La matrice
nulle est dans F ; la somme de deux matrices de trace nulle est de trace
nulle ; et le produit externe d’une matrice de trace nulle par un réel est en-
core de trace nulle. Donc F est un sous-espace.
  Soyons encore
 plus
 concret :
a b a b
par exemple n = 2, E = M2 (R) = { } et F = { }.
c d c −a
Exemple 6.2. Soit I un intervalle de R, F l’espace vectoriel des fonctions
de I dans R, et C l’ensemble des fonctions continues de I dans R. Alors
C est un sous-espace vectoriel de F . En effet, C est bien un sous-ensemble
de F . De plus, la fonction nulle est dans C (elle est continue). De plus si
f, g ∈ C, alors f + g ∈ C (la somme de deux fonctions continues sur I est
continue). Enfin, si f ∈ C et a ∈ R, alors la fonction af est continue.

Lorsque F est un sous-espace de l’espace vectoriel de E, F devient un


espace vectoriel avec les opérations induites de E à F ; c’est-à-dire, la somme
dans E et le produit externe de E définissent sur F une somme et un produit
externe, car F est fermé sous ces opérations.

Proposition 6.1. Un sous-espace vectoriel d’un espace vectoriel est un es-


pace vectoriel avec les opération induites.

Démonstration. Soit F un sous-espace de E. Le 0 est dans F , comme nous


l’avons vu. De plus si x ∈ F , alors son opposé est (−1)x : il est aussi
dans F . Donc les axiomes 3 et 4 sont satisfaits. Les six autres axiomes sont
évidemment satisfaits.

Pour montrer qu’un sous-ensemble donné d’un espace vectoriel en est un


sous-espace, on applique la recette suivante.

16
Proposition 6.2. Soit F un sous-ensemble de l’espace vectoriel de E. Alors
F est un sous-espace vectoriel de E si et seulement si on a les trois propriétés
suivantes :
1. 0 ∈ F ;
2. pour tous x, y dans F , on a x + y ∈ F ;
3. pour tous x ∈ E et pour tout a ∈ R, on a ax ∈ F .

Démonstration. C’est évident.

Ne pas oublier de vérifier que F est un sous-ensemble de E ; c’est souvent


évident, mais on peut le mentionner.

Exercice 6.1. Montrer que si G est sous-espace de F et si F est sous-espace


de E, alors G est sous-espace de E.

Exercice 6.2. Montrer que l’espace des fonctions dérivables de I dans R


est un sous-espace de l’ensemble des fonctions continues de I dans R.

Exercice 6.3. Montrer que l’ensemble des fonctions deux fois dérivables
f : R → R telles que f 00 + f = 0 est un espace vectoriel. Indication : montrer
que c’est un sous-espace d’un espace judicieusement choisi.

Exercice 6.4. Montrer que l’ensemble des matrices magiques dans Mnp (R)
(c’est-à-dire l’ensemble des matrices dont la somme de chaque ligne et de
chaque colonne est nulle) est un sous-espace de Mnp (R).

Exercice 6.5. Est-ce que l’ensemble des matrices de trace égale à 2 est un
sous-espace de M2 (R) ?

Exercice 6.6. Est-ce que l’ensemble des matrices de déterminant non nul
(resp. de déterminant nul) est un sous-espace de M2 (R) ?

Exercice 6.7. Montrer qu’un sous-ensemble F de l’espace vectoriel E est


un sous-espace de E si et seulement si on a les deux conditions suivantes :
1. 0 ∈ F ;
2. pour tous x, y ∈ F et pour tout a ∈ R, x + ay ∈ F .

Exercice 6.8. a) Montrer que si E est un sous-espace de l’espace vectoriel


V , et que si u, v sont des vecteurs tels que u et u + v sont dans E, alors u
est dans E.
b) On suppose que A, B sont des sous-espaces de V tels que B n’est pas
inclus dans A. Montrer qu’il existe un vecteur b dans B tel que b n’est pas
dans A.

17
c) On suppose que la réunion A ∪ B est un sous-espace de V . Montrer
que si a est un vecteur quelconque de A, alors a + b est dans A ∪ B, où b est
le vecteur de la question b).
d) Montrer que a + b n’est pas dans A, en utilisant la question a).
e) En déduire que a + b est dans B, et que a est dans B en utilisant la
question a).
f ) En déduire que A est inclus dans B.
g) En déduire que si la réunion de deux sous-espaces est un sous-espace,
alors l’un est inclus dans l’autre.

6.2 Sous-espace engendré par un nombre fini de vecteurs


Il découle de ce qui précède que si F est un sous-espace vectoriel de E,
alors toute combinaison linéaire de vecteurs de F est encore dans F . En
notation mathématique :
X
∀n ∈ N, ∀x1 , . . . , xn ∈ F, ∀a1 , . . . , an ∈ R, ai xi ∈ F.
1≥i≥n

Ceci démontre facilement par récurrence sur n, en commençant par n =


0, c’est-à-dire la combinaison linéaire vide, qui représente le vecteur nul.

Proposition 6.3. Soient e1 , . . . , ek des vecteurs dans un espace vectoriel E.


L’ensemble F des vecteurs de E qui sont combinaison linéaire de e1 , . . . , en
est un sous-espace vectoriel de E, qui contient chacun des vecteurs e1 , . . . , en .

Démonstration. La combinaison linéaire triviale (tous les coefficients nuls)


représente le vecteur nul, qui est donc dans F . Soient x, y ∈ F et a ∈ R.
Alors,
Ppar définitionPde R, il existe des coefficients
P ai , bi dans RPtels que
x = i ai ei et y = i bi ei . Donc x + y = i (ai + bi )ei et ax = i (aai )ei
sont aussi dans F , car ils sont des combinaison linéaire de e1 , . . . , ek . Donc
F est un sous-espace vectoriel de E par la proposition 6.2.

Définition 6.2. On appelle sous-espace engendré par e1 , . . . , en le sous-


espace de la proposition précédente. Notation : Vect(e1 , . . . , ek ).

Exercice 6.9. Soit F le sous-espace de E engendré par e1 , . . . , en . Montrer


que F est le plus petit sous-espace de E qui contient e1 , . . . , en . Indication :
montrer que si un sous-espace G de E contient e1 , . . . , en , alors F ⊂ G.

18
6.3 Intersection de sous-espaces et systèmes d’équations
linéaires
Rappelons que si F, G sont ensembles, leur intersection est l’ensemble
des éléments de F qui sont aussi dans G.
Proposition 6.4. L’intersection de deux sous-espaces d’un espace vectoriel
en est un sous-espace.
Démonstration. Si x, y ∈ F ∩ G, alors x ∈ F et y ∈ F ; donc x + y ∈ F . De
même, x + y ∈ G. Donc x + y ∈ F ∩ G.
Si x ∈ F ∩ G et a ∈ R, alors x ∈ F , donc ax ∈ F . De même ax ∈ G.
Donc ax ∈ F ∩ G.

Corollaire 6.1. L’intersection d’un nombre fini de sous-espaces d’un espace


vectoriel est un sous-espace.
Démonstration. Récurrence sur le nombre de sous-espaces.

On montre aussi qu’une intersection quelconque de sous-espaces et un


sous-espace, voir l’exercice 6.10.
Un exemple important de sous-espace vectoriel est le sous-espace de Rp =
M1p (R) associé à un système d’équations linéaires homogène. Considérons
le système d’équations linéaires

a11 x1 + a12 x2 + · · · + a1p xp = 0,

a21 x1 + a22 x2 + · · · + a2p xp = 0,


...,
an1 x2 + an2 x2 · · · + anp xp = 0,
L’ensemble des (x1 , . . . , xp ) ∈ Rp qui satisfont le sytème est un sous-
espace de Rp . Pour le voir, on remarque que cet ensemble est l’intersection
des n sous-ensembles {(x1 , . . . , xp ) ∈ Rp , ai1 x1 +· · ·+aip xp = 0}, i = 1, . . . , n.
On est donc ramené (par le corollaire 6.1) au cas d’une seule équation
linéaire : a1 x1 + . . . + ap xp = 0. On remarque que l’ensemble de p-uplets qui
satisfont une équation linéaire satisfait les trois conditions de la proposition
6.2 (une preuve plus moderne consiste à vérifier que cet ensemble est le
noyau de l’application linéaire (x1 , . . . , xp ) ∈ Rp 7→ a1 x1 + . . . + ap xp ∈ R,
voir le corollaire 8.1)
Qu’en est-il des systèmes d’équations linéaires généraux non homogènes ?
Ceci est traité dans l’ exercice 6.12.

19
Exercice 6.10. Montrer que l’intersection d’un ensemble quelconque de
sous-espaces d’un espace vectoriel E est un sous-espace de E.

Exercice 6.11. Soient e1 , . . . , en des vecteurs d’un espace vectoriel E, et


soit F le sous-espace qu’ils engendrent. On considère l’ensemble des sous-
espaces G de E tels que e1 , . . . , en sont éléments de G. Montrer que l’inter-
section de tous les sous-espaces de cet ensemble est égale à F .

Exercice 6.12. * Un sous-espace affine d’un espace vectoriel E est une


partie de E qui est soit vide, soit de la forme e + F = {e + f, f ∈ F },
où F est un sous-espace vectoriel de E et e ∈ E. Montrer que si e0 ∈
e + F , alors e + F = e0 + F . Montrer que l’intersection de deux sous-espaces
affines est un sous-espace affine ; de même pour un nombre fini quelconque
de sous-espaces affines. Montrer que l’ensemble des solutions d’un système
d’équations linéaires en p variables est un sous- espace affine de Rp .

7 Bases et dimension
7.1 Dépendance et indépendance linéaire
Définition 7.1. On dit que des vecteurs v1 , . . . , vn d’un espace vectoriel
V sont linéairement dépendants s’il existe des scalaires a1 , . . . , an tels que
(a1 , . . . , an ) 6= 0 et que a1 v1 + · · · + an vn = 0. On dit aussi que v1 , . . . , vn
sont liés.

Rappelons que (a1 , . . . , an ) 6= 0 signifie (a1 , . . . , an ) 6= (0, . . . , 0), c’est-à-


dire, le n-uplet (a1 , . . . , an ) n’est pas égal au n-uplet (0, . . . , 0). Pour expri-
mer que (a1 , . . . , an ) 6= 0, on dit que a1 , . . . , an sont non tous nuls 3 .

Définition 7.2. On dit que des vecteurs v1 , . . . , vn d’un espace vectoriel V


sont linéairement indépendants s’ils ne sont pas linéairement dépendants.
On dit aussi qu’ils sont libres.

Cela signifie que quels que soient les scalaires a1 , . . . , an ,

a1 v1 + · · · + an vn = 0 ⇒ a1 = . . . = an = 0.

Ceci donne la recette suivante : si vous voulez prouver que des vecteurs
v1 , . . . , vn sont linéairement indépendants, vous considérez des scalaires quel-
conques a1 , . . . , an et vous devez prouver l’implication ci-dessus.
3. Cette condition est essentielle, car si on l’omet, la définition précédente n’a pas de
sens (puisque pour tous vecteurs v1 , . . . , vn on a 0v1 + . . . + 0vn = 0).

20
Exemple 7.1. Prouvons que les vecteurs (1, 2) et (2, 3) sont linéairement
indépendants. Soient a, b des réels quelconques ; écrivons qu’on a le côté
gauche de l’implication ci-dessus : a(1, 2) + b(2, 3) = 0. On obtient (a +
2b, 2a + 3b) = (0, 0), donc a + 2b = 0 et 2a + 3b = 0. On résout ce système
d’équations linéaires, et on trouve a = b = 0 ; cqfd.

Définition 7.3. On dit qu’un vecteur v dépend linéairement de v1 , . . . , vn


si v est égal à une combinaison linéaire de v1 , . . . , vn .

De manière équivalente : v ∈ Vect(v1 , . . . , vn ).


Il y a donc trois notions dont la terminologie est semblable :
1. v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants ;
2. v1 , . . . , vn sont linéairement indépendants ;
3. v dépend linéairement de v1 , . . . , vn .
Il vaut mieux apprendre par coeur, et surtout comprendre, ces trois no-
tions. Pour s’aider, noter que 1. et 2. sont la négation l’un de l’autre.

Proposition 7.1. Soit 0 ≤ p < n. Si v1 , . . . , vp sont linéairement


indépendants et si v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants, alors il existe
j ∈ {p + 1, . . . , n} tel que vj dépend linéairement des autres vecteurs vk ,
k = 1, . . . , n, k 6= j.

Preuve. Il existe des scalaires a1 , . . . , an , non tous nuls, tels que a1 v1 + · · · +


an vn = 0. On ne peut avoir ap+1 = . . . = an = 0 : sinon en effet les a1 , . . . , ap
sont non tous nuls et v1 , . . . , vp sont linéairement dépendants, contrairement
à l’hypothèse. P
Il existe donc j ∈ {p + 1, . . . , n} tel que aj 6= 0. Alors aj vj = − i6=j ai vi
−ai
et par suite vj = −1
P P
aj i6=j ai vi = i6=j aj vi .

Proposition 7.2. Si v dépend linéairement de v1 , . . . , vn et si vn dépend


linéairement de v1 , . . . , vn−1 , alors v dépend linéairement de v1 , . . . , vn−1 .

Autrement dit : si v ∈ Vect(v1 , . . . , vn ) et si vn ∈ Vect(v1 , . . . , vn−1 ),


alors v ∈ Vect(v1 , . . . , vn−1 ).

Preuve. On a en effet v = a1 v1 + . . . + an vn et vn = b1 v1 + . . . + bn−1 vn−1 .


Par suite v = a1 v1 + . . . + an−1 vn−1 + an (b1 v1 + . . . + bn−1 vn−1 ) = a1 v1 +
. . . + an−1 vn−1 + an b1 v1 + . . . + an bn−1 vn−1 = (a1 + an b1 )v1 + · · · (an−1 +
an bn−1 )vn−1 .

21
Proposition 7.3. Si des vecteurs v1 , . . . , vn d’un espace vectoriel dépendent
linéairement de vecteurs x1 , . . . , xp et si n > p, alors v1 , . . . , vn sont
linéairement dépendants.

Lemme 7.1. Si des vecteurs v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants et si


α1 , . . . , αn sont des scalaires non nuls, alors les vecteurs α1 v1 , . . . , αn vn sont
linéairement dépendants.

Démonstration. Il existe des scalaires non tous nuls tels que a1 v1 + . . . +


an vn = 0. On a alors ( αa11 )(α1 v1 ) + . . . + ( αann )(αn vn ) = 0, et les scalaires αaii
son non tous nuls.

Preuve de la Proposition 7.3. On fait un raisonnement par récurrence sur


p. Le cas de base est p = 0 : alors n > 0 et v1 , . . . , vn dépendent alors
linéairement de 0 vecteurs ; ils sont donc tous nuls. Alors ils sont P linéairement
dépendants, puisque qu’on a la relation de dépendance linéaire 1≥i≥n vi =
0.
Supposons maintenant que p ≥ 1 et supposons que la proposition est
vraie pour p − 1 (c’est-à-dire : si m vecteurs dépendent linéairement de p − 1
vecteurs et si m > p − 1, alors ces m vecteurs sont linéairement dépendants).
Soient alors v1 , . . . , vn et x1 , . . . , xp comme dans l’énoncé. Nous pouvons
écrire v1 = a1 x1 + · · · où les points représentent une combinaison linéaire
de x2 , . . . , xp , qu’on n’a pas besoin de préciser pour comprendre le raisonne-
ment. De même, vi = ai x1 + . . .. Si les ai sont tous nuls, alors les n vecteurs
vi dépendent linéairement des p − 1 vecteurs x2 , . . . , xp ; par hypothèse de
récurrence, ils sont donc linéairement dépendants. Si par contre, ils ne sont
pas tous nuls, on peut sans perte de généralité supposer que a1 6= 0.
Remplacons v1 par a−1 1 v1 (sans perte de généralité, car nous allons mon-
−1
trer que a1 v1 , v2 , . . . , vn sont linéairement dépendants, et on conclura avec
le lemme précédent) ; alors on aura v1 = x1 + . . .. Définissons ui = vi − ai v1 ,
pour i = 2, . . . , n : alors ui est combinaison linéaire des x1 , . . . , xp :
ui = ai x1 + . . . − ai (x1 + . . .), et on voit qu’en fait ui est combinaison linéaire
de x2 , . . . , xp . Par hypothèse de récurrence (puisque n − 1 > p − 1), les n − 1
vecteurs u2 , . . . , un sont donc linéairement dépendants : b2 u2 +· · ·+bn un = 0,
avec des scalaires bi non tous nuls. Ceci implique que 0 = b2 (v2 − a2 v1 ) +
· · ·+bn (vn −an v1 ) = −(b2 a2 +· · ·+bn an )v1 +b2 v2 +· · ·+bn vn , et les vecteurs
v1 , · · · , vn sont donc linéairement dépendants.

Exercice 7.1. Montrer que :


(i) Si v1 , . . . , vn sont linéairement indépendants, alors ∀i, vi 6= 0.

22
(ii) Si v1 , . . . , vn sont linéairement indépendants, alors v1 , . . . , vn−1 sont
linéairement indépendants.
(iii) Si l’un des vecteurs vi est nul, alors v1 , . . . , vn sont linéairement
dépendants.
(iv) Si v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants, alors v1 , . . . , vn+1 le sont
aussi.
(v) Si v dépend linéairement de v1 , . . . , vn , alors v, v1 , . . . , vn sont
linéairement dépendants.

Exercice 7.2. Les vecteurs v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants si et


seulement si l’un d’eux est linéairement dépendants des autres.

Exercice 7.3. Si u et v sont linéairement dépendants de v1 , . . . , vn , alors


aussi u + v et av (a est un scalaire).

Exercice 7.4. Montrer que si x, y sont linéairement indépendants, alors


aussi x, x+y. Généraliser : si x1 , . . . , xn sont linéairement dépendants, alors
aussi x1 , . . . , xn−1 , xn + a1 x1 + · · · + an−1 xn−1 .

Exercice 7.5. Dans Rn : on suppose que a1 + · · · + an =


0. Montrer que (a1 , . . . , an ) est combinaison linéaire de
(1, −1, 0, . . . , 0), (0, 1, −1, 0, . . . , 0), (0, . . . , 1, −1).

Exercice 7.6. Montrer que les résultats de cette section impliquent les
énoncés suivants :
a) Soit 0 ≤ p < n. Si v1 , . . . , vp sont linéairement indépendants et si
v1 , . . . , vn sont linéairement dépendants, alors il existe j ∈ {p + 1, . . . , n} tel
que vj ∈ Vect({vk | k ∈ {1, . . . , n} \ j}).
b) Si n vecteurs sont linéairement dépendants et n ≥ 1, alors l’un de ces
vecteurs est linéairement dépendants des autres.
c) Si v1 , . . . , vp sont linéairement indépendants et si v1 , . . . , vp+1 sont
linéairement dépendants, alors vp+1 est linéairement dépendant de v1 , . . . , vp .
d) Si vn ∈ Vect(v1 , . . . , vn−1 ), alors Vect(v1 , . . . , vn ) =
Vect(v1 , . . . , vn−1 ).
e) Si v1 , . . . , vn ∈ Vect(x1 , . . . , xp ) et si n > p, alors v1 , . . . , vn sont
linéairement dépendants.

7.2 Bases : existence et unicité de la dimension


Définition 7.4. On dit que l’espace vectoriel V est finiment engendré s’il
existe des vecteurs v1 , . . . , vn dans V , en nombre fini, qui engendrent V .

23
Ceci signifie donc que tout vecteur dans V est combinaison linéaire de
v1 , . . . , v n .

Définition 7.5. Soit V un espace vectoriel finiment engendré. Une base


de V est une suite de vecteurs v1 , . . . , vn de V qui l’engendrent et qui sont
linéairement indépendants.

Ceci signifie donc que tout vecteur dans V est combinaison linéaire de
v1 , . . . , vn , de manière unique (voir l’exercice 7.7).
Un exemple typique est l’espace vectoriel Mnp (R) et sa base canonique.
Celle-ci consiste en les np matrices Eij : cette matrice a tous ses coefficients
nuls, sauf celui en position i, j, qui vaut 1.

Théorème 7.1. Soit p ≤ q. Soient v1 , . . . , vq des vecteurs d’un espace


vectoriel V , qui engendrent V , et tels que v1 , . . . , vp soient linéairement
indépendants. Il existe alors parmi les vecteurs vp+1 , . . . , vq des vecteurs
u1 , . . . , ur tels que v1 , . . . , vp , u1 , . . . , ur forment une base de V .

Preuve. (récurrence sur q − p) Si q − p = 0, il n’y a rien à démontrer : en


effet, dans ce cas v1 , . . . , vp est déjà une base de V .
Supposons que q − p > 0, c’est-à-dire p < q. Si les vecteurs v1 , . . . , vq
sont linéairement indépendants, alors ils forment une base de V et on a
fini. Sinon, ils sont linéairement dépendants. Alors par la proposition 7.1, il
existe j > p tel que vj soit linéairement dépendant des autres vecteurs vk ,
k ∈ {1, . . . , q} \ {j}. Sans perte de généralité, on peut supposer que c’est
vq qui est linéairement dépendant de v1 , . . . , vq−1 . Alors ces q − 1 vecteurs
engendrent V , comme il découle de la proposition 7.2. On a p ≤ q − 1 et
q−1−p < q−p. Par hypothèse de récurrence, on obtient donc qu’il existe des
vecteurs u1 , . . . , ur , pris parmi vp+1 , . . . , vq−1 tels que v1 , . . . , vp , u1 , . . . , ur
est une base de V .

Corollaire 7.1. Si v1 , . . . , vq engendrent V , il existe parmi ces vecteurs des


vecteurs qui forment une base de V .

Preuve. On applique le théorème avec p = 0.

Corollaire 7.2 (Premier théorème fondamental de l’algèbre linéaire). Tout


espace vectoriel finiment engendré possède une base finie.

Preuve. Il existe des vecteurs v1 , . . . , vq qui engendrent V . On applique le


corollaire 7.1.

24
Corollaire 7.3. (théorème dit de la “base incomplète”) Soient v1 , . . . , vp
des vecteurs linéairement indépendants dans un espace vectoriel finiment en-
gendré V . Il existe alors des vecteurs vp+1 , . . . , vn tels que v1 , . . . , vn forment
une base de E.

Preuve. Il existe des vecteurs vp+1 , . . . , vq qui engendrent V . On applique


le théorème aux vecteurs v1 , . . . , vp , vp+1 , . . . , vq qui engendrent évidemment
V.

Théorème 7.2 (Second théorème fondamental de l’algèbre linéaire). Dans


un espace vectoriel finiment engendré, toutes les bases ont le même nombre
d’éléments.

Démonstration. Si on avait deux bases de cardinalités différentes, cela


contredirait la proposition 7.3.

Définition 7.6. Soit E un espace vectoriel finiment engendré. On appelle


dimension de E le nombre d’éléments d’une base de E. Notation : dim(E).

Théorème 7.3. Soient E un espace vectoriel de dimension n et e1 , . . . , en ∈


E. Les trois conditions suivantes sont équivalentes :
(i) e1 , . . . , en forment une base ;
(ii) e1 , . . . , en sont linéairement indépendants ;
(iii) e1 , . . . , en engendrent E.

Il peut paraı̂tre bizarre que (ii) ou (iii) suffise. Mais c’est parce que le
nombre des vecteurs est égal à la dimension de l’espace. Pour appliquer le
théorème, il ne faut pas oublier de vérifier cette condition, qui suppose entre
autres qu’on connaisse la dimension.

Démonstration. Il est clair que (i) implique (ii) et (iii).


(ii) ⇒ (i) : on peut compléter ces n vecteurs en une base de E (corollaire
7.3). Mais une base de E a n éléments. Donc e1 , . . . , en forment une base.
(iii) ⇒ (i) : si les ei étaient linéairement dépendants, l’un d’eux serait
linéairement dépendants des autres. On trouverait alors un système de n − 1
vecteurs qui engendrent E (proposition 7.2). Donc une base avec au plus
n − 1 éléments (corollaire 7.1), contradiction.

Nous finissons cette section par un critère pour les bases d’un espace
vectoriel. Il utilise les matrices.

25
Corollaire 7.4. Soit E un espace de dimensionPn avec base e1 , . . . , ep . Soit
v1 , . . . , vp des vecteurs dans E tels que vj = i aij ei . Alors les vecteurs
v1 , . . . , vn forment une base de E si et seulement si la matrice [aij ] est in-
versible.

Remarquez que la matrice de l’énoncé s’obtient en écrivant dans chaque


colonne j les coefficients du développement de vj dand la base e1 , . . . , en .
Par exemple, si E = R3 , v1 = (1, 2, 1), v2 = (1, 0, −1), v3 = (1, 2, 3) 
et si
1 1 1
on prend la base canonique e1 , e2 , e3 de E, la matrice est  2 0 2 .
1 −1 3
Pour déterminer si la matrice carrée est inversible, on peut utiliser le
déterminant : il doit être non nul, voir Théorème 13.2.
Le corollaire sera démontré dans la sous-section 8.7.

Exercice 7.7. Montrer que v1 , . . . , vn forment une base de l’espace vectoriel


V si et seulement si tout vecteur v dans V est égal à une combinaison linéaire
unique (i.e les coefficients sont uniques) de v1 , . . . , vn .

Exercice 7.8. Soit V l’espace vectoriel des vecteurs (a, b, c, d)


tels que a + b + c + d = 0. (i) Montrer que les vecteurs
(1, −1, 0, 0), (0, 1, −1, 0), (0, 0, 1, −1) en forment une base. (ii) Montrer
que les vecteurs (1, −1, 0, 0), (1, 0, −1, 0), (1, 0, 0, −1) en forment une autre
base.

Exercice 7.9. Montrer que toutes les bases de R, qui est de dimension 1,
sont formées par un seul élément a, a 6= 0.

Exercice 7.10. Montrer que les deux vecteurs (a, b), (c, d) forment une base
de R2 si et seulement si ad − bc 6= 0.

7.3 Bases des sous-espaces


Proposition 7.4 (Troisième théorème fondamental de l’algèbre linéaire).
Tout sous-espace F d’un espace vectoriel E de dimension finie n est un
espace vectoriel de dimension finie ≤ n.

Démonstration. Soit p maximum tel que dans F , il existe p vecteurs


linéairement indépendants. Ce p existe (c’est-à-dire, ce n’est pas l’infini) et
p ≤ n, car dans E (donc dans F ), n + 1 vecteurs sont toujours linéairement
dépendants, d’après la proposition 7.3 et le fait que tout vecteur dans E
dépend linéairement des n vecteurs d’une base de E.

26
Soient alors p vecteurs v1 , . . . , vp dans F , linéairement indépendants.
Montrons qu’ils engendrent F (et on en conclura qu’ils forment une base de
F , qui est donc de dimension finie p). Soit v un vecteur quelconque dans F .
Alors v1 , . . . , vp , v sont linéairement dépendants, par maximalité de p. Donc
v est linéairement dépendant de v1 , . . . , vp , d’après la proposition 7.1.

Corollaire 7.5. Sous les mêmes hypothèses, si la dimension de F est égale


à n, alors F = E.

Démonstration. Appliquer le théorème 7.3.

Exercice 7.11. Un hyperplan de l’espace vectoriel E, de dimension n, est


un sous-espace de dimension n − 1. Montrer que E possède des hyperplans.

Exercice 7.12. Quelle est la dimension de l’espace vectoriel des matrices


triangulaires supérieures dans Mn (R) ? Indication : trouver une base, sous-
ensemble de la base canonique de Mn (R).

Exercice 7.13. Montrer que les monômes xn , n ∈ N, sont linéairement


indépendants dans R[x]. En déduire que R[x] est un espace vectoriel de di-
mension infinie.

7.4 Calcul d’une base d’un sous-espace engendré


I. Considérons d’abord le cas particulier d’un sous-espace F de de Rn .
Soient v1 , . . . , vk des vecteurs dans Rn qui engendrent F . Définissons la ma-
trice M de taille k × n dont les k lignes sont ces vecteurs. Appliquons l’al-
gorithme de Gauss-Jordan à cette matrice (voir la section 12.6). Alors les
lignes non nulles de la matrice réduite-échelonnée obtenue forment une base
du sous-espace F .
Il est en effet clair que les lignes de deux matrices obtenue l’une de l’autre
par une opération élémentaire de lignes engendrent le même sous-espace. De
plus, les lignes non nulles d’une matrice échelonnée-réduite sont linéairement
indépendantes.
Essayons un petit exemple : soient (1, −1, 0), (1, 0, −1), (0, 1, −1) trois
vecteurs de R3 et E le sous-espace qu’ils engendrent. La matrice M associée
est  
1 −1 0
M =  1 0 −1 
0 1 −1

27
Par une opération de ligne l2 − l1 , on la transforme en
 
1 −1 0
 0 1 −1 
0 1 −1
qui, par une transformation l3 − l2 devient
 
1 −1 0
 0 1 −1 
0 0 0
On peut encore par une opération l1 +l2 transformer cette matrice la matrice
réduite-échelonnée  
1 0 −1
 0 1 −1 
0 0 0
Les deux vecteurs (1, 0, −1), (0, 1, −1) forment une base de F .
II. Considérons maintenant un espace vectoriel E avec base e1 , . . . , en
et un sous-espace F engendré par des vecteurs v1 , . . . , vk . On considère la
matrice M ∈ Mkn (R) dont la i-ème ligne est formée des coefficients de
vi dans la base donnée. Par l’algorithme de Gauss-Jordan, on obtient une
matrice réduite-échelonnée, dont on supprime les lignes nulles ; les ` lignes
restantes sont utilisées pour former des combinaisons linéaires de la base, et
ces ` vecteurs forment une base de F . Les calculs sont donc les mêmes que
en I.

Exercice 7.14. Calculer une base du sous-espace de R4 engendré par les


vecteurs (0, 1, 1, 1), (2, 3, 4, 0), (−1, 0, 0, 1), (3, 2, 3, −2).
Exercice 7.15. Montrer que F, G, sous-espaces de E de dimension finie,
sont supplémentaires, si et seulement s’il existe une base de F et une base G
dont la réunion est une base de E. Montrer que c’est aussi vraie pour toutes
les bases.
Exercice 7.16. Soit E = R[x], F le sous-espace engendré par les xn avec
n multiple de 3, et G le sous-espace engendré par les xn , n pas multiple de
3. Montrer que F, G sont supplémentaires.
Exercice 7.17. Soit F , G deux sous-espaces supplémentaires d’un espace
vectoriel E de dimension n. On suppose que F est de dimension n−2. Quelle
est la dimension de G ? Soit u, v une base de G, f ∈ F et G0 le sous-espace
engendré par u + f, v + f . Quelle est la dimension de G0 ? Montrer que F
et G0 sont supplémentaires.

28
Exercice 7.18. Soit E l’ensemble des suites réelles (an )n∈N . Soit a un réel.
Soit F le sous-ensemble E constitué des suites qui satisfont ∀n ∈ N, an+1 =
aan . Montrer que F est un sous-espace de E. Montrer que toute suite (an )
dans F satisfait ∀n ∈ N, an+1 = an+1 a0 . Montrer que F est de dimension
1.

Exercice 7.19. * Avec E comme dans l’exercice précédent, et a, b des


réels, on considère l’ensemble G des suites (an ) dans E qui satisfont ∀n ∈
N, an+2 = aan+1 + ban . Montrer que G est un sous-espace de dimension de
2 de E. Montrer que pour un réel r, la suite (1, r, r2 , r3 , . . .) est dans G si
et seulement si r2 = ar + b.

8 Applications linéaires
8.1 Exemples
Les exemples sont très nombreux.

Exemple 8.1. La fonction identité d’un espace vectoriel dans lui-même,


c’est-à-dire la fonction qui envoie tout vecteur sur lui même, est une appli-
cation linéaire. Si E est l’espace en question, on la note idE ,ou simplement
id. On a donc : ∀x ∈ E, id(x) = x.

Exemple 8.2. Soient E, F deux espaces vectoriels. La fonction qui envoie


tout vecteur sur le vecteur nul (de F ), est une application linéaire. On la
note simplement 0. On a donc 0(x) = 0, ∀x ∈ E. On appelle cette fonction
la fonction nulle de E vers F .

Exemple 8.3. La fonction de R3 dans lui-même qui envoie (x, y, z) sur


(x, x + y, x + y + z) est une application linéaire.

Exemple 8.4. La dérivation, qui envoie toute fonction sur sa dérivée, est
une application linéaire de l’espace vectoriel des fonctions dérivables I → R
dans l’espace des fonctions de I dans R (I est un intervalle de R).

Exemple 8.5. La fonction X 7→ AX est une application linéaire de Mpq (R)


dans Mnq (R) (ici A ∈ Mnp (R) est fixée).

Exercice 8.1. Soit E un espace vectoriel et e ∈ E. Montrer que la fonction


qui à a ∈ R associe ae est une application linéaire R → E.

29
Exercice 8.2. Montrer que toute application linéaire f : R → E est de la
forme ci-dessus (prendre e = f (1)).

Exercice 8.3. Montrer que la fonction Mnp (R) dans R qui à la matrice M
associe la somme de tous ses coefficients est une application linéaire.

8.2 Propriétés
Proposition
P 8.1. P Soit f une application linéaire de E vers F . On a f (0) =
0 et f ( i ai xi ) = i ai f (xi ) quels que soient les vecteurs x1 , . . . , xn dans
E les scalaires a1 , . . . , an .

Autrement dit, f envoie le vecteur nul (de E) sur le vecteur nul (de F ).
La seconde propriété exprime que f préserve les combinaisons linéaires.
Un cas particulier de la deuxième propriété est que f (x − y) = f (x) −
f (y) : on dit que f préserve la soustraction.

Preuve. On a f (0E ) = f (0R 0E ) = 0R f (0E ) = 0F .


Pour les combinaisons linéaires, on raisonne par récurrence sur n. Pour
n = 0, c’est vrai, car la combinaison linéaire de longueur nulle vaut 0
et Pon applique ce qu’onPvient de voir. Passage de n àPn + 1 : on a
f ( 1≤i≤n+1 ai xi ) = f (( 1≤i≤n aiP xi ) + an+1 xn+1 ) = f ( 1≤i≤n ai xi ) +
f (an+1 xn+1 ) (par linéarité de f ) = 1≤i≤n ai fP(xi ) + an+1 f (xn+1 ) (par hy-
pothèse de récurrence et par linéarité de f ) = 1≤i≤n+1 ai f (xi ).

On va définir maintenant des opérations sur les applications linéaires :


somme, et produit externe. Plus loin nous verrons aussi la composition.

Définition 8.1. Si f, g sont des applications linéaires de E vers F , on


appelle somme de f et g, notée f + g, la fonction E → F qui envoie tout
vecteur x dans E sur f (x) + g(x). Si a est un scalaire, on appelle produit
externe de a par f la fonction E → F qui envoie tout vecteur x de E sur
af (x).

On a donc les formules

(f + g)(x) = f (x) + g(x), (af )(x) = af (x).

Proposition 8.2. Avec cette définition, f + g et af sont des applications


linéaires. L’ensemble, noté L(E, F ), des applications linéaires de E vers F ,
muni de ces deux opérations, est un espace vectoriel. Le vecteur nul de cet
espace est la fonction nulle de E vers F . L’opposée de f est la fonction
−f = (−1)f .

30
Preuve. Dans cette preuve, nous abandonnons les abus de notations, et nous
allons différencier les notations de l’addition dans E, celle dans F et celle
dans L(E, F ). Elles seront notées respectivement +E , +F et +L . On a donc
par définition ∀f, g ∈ L(E, F ), ∀x ∈ E,

(f +L g)(x) = f (x) +F g(x).

1. Il faut vérifier que f +L g et af sont linéaires, dès que f, g sont linéaires


et que a est un scalaire. Pour l’additivité, il faut montrer que ∀x, y ∈ E,
(f +L g)(x +E y) = (f +L g)(x) +F (f +L g)(y). Le côté gauche est égal, par
définiition de +L , à f (x +E y) +F g(x + y), ce qui est égal, par linéarité de
f et g, à f (x) +F f (y) +F g(x) +F g(y). Le côté droit est égal à f (x) +F
g(x) +F f (y) +F g(y). D’où l’égalité des deux côtés par la commutativité de
+F .
2. Puis vérifier les huit axiomes. C’est routinier, mais un peu long.
Faisons-en quelques-uns. ...

Rappelons la notion de composition de deux fonctions. Si f est une fonc-


tion de E vers F et si g est une fonction de F vers G, alors la composée de
ces deux fonctions est la fonction g ◦ f définie par

∀x ∈ E, g ◦ f (x) = g(f (x)).

Proposition 8.3. La composée de deux applications linéaires est une ap-


plication linéaire.

Autrement dit, si f est une application linéaire de E vers F et si g est


une application linéaire de F vers G, alors g ◦ f est une application linéaire
de E vers G.

Preuve. Soient x, y dans E et a dans R. On g ◦ f (x + y) = g(f (x + y)) =


g(f (x) + f (y)) = g(f (x)) + g(f (y)) = g ◦ f (x) + g ◦ f (y). De plus, g ◦ f (ax) =
g(f (ax)) = g(af (x)) = ag(f (x)) = ag ◦ g(x).

Exemple 8.6. Soit I un intervalle de R qui contient 0. Soit E l’espace vec-


toriel des fonctions dérivables I → R. La fonction qui envoie toute fonction
sur sa dérivée est une application linéaire de E dans l’espace F des fonc-
tions de I dans R. La fonction de F dans R qui envoie f sur f (0) est une
application linéaire. La composée de ces deux fonctions est la fonction qui
envoie tout f ∈ E sur f 0 (0) : elle est linéaire par la proposition précédente.

31
8.3 Applications linéaires et sous-espaces
Si f est une fonction de E dans F , et X est une partie de E, alors...

Proposition 8.4. Une application linéaire envoie tout sous-espace sur un


sous-espace, par image directe et inverse.

Preuve. Soit f : E → F une application linéaire. On applique ci-dessous,


systématiquement, plusieurs fois, et sans le dire, la proposition 6.2.
1. Soit V un sous-espace de E. Montrons que f (V ) est un sous-espace
de F . On a 0 = f (0) ∈ f (V ), car 0 ∈ V . Si u, v ∈ f (V ), il existe x, y ∈ V
tels que u = f (x) et v = f (y) ; alors u + v = f (x) + f (y) = f (x + y) ∈ f (V ).
Si v ∈ f (V ) et a ∈ R, alors il existe x ∈ V tel que v = f (x) ; alors av =
af (x) = f (ax) ∈ f (V ).
2. Soit V un sous-espace de F . Montrons que f −1 (V ) est un sous-espace
de F . On a 0 ∈ f −1 (V ) car f (0) = 0 ∈ V . Soient x, y ∈ f −1 (V ), c’est-à-dire
f (x), f (y) ∈ V ; alors f (x + y) = f (x) + f (y) ∈ V , donc x + y ∈ f −1 (V ).
Soit x ∈ f −1 (V ) et a ∈ R ; alors f (x) ∈ V , donc f (ax) = af (x) ∈ V , donc
x ∈ f −1 (V ).

Définition 8.2. Le noyau d’une application linéaire est l’ensemble des vec-
teurs qu’elle envoie sur 0.

Si f est une application linéaire de E vers F , on note Ker(f ) son noyau.


On a donc Ker(f ) = {x ∈ E | f (x) = 0} = f −1 ({0}) = f −1 (0).

Corollaire 8.1. Si f : E → F est une application linéaire, alors Ker(f ) est


un sous-espace de E.

Preuve. Le noyau est en effet l’image réciproque du sous-espace nul.

Définition 8.3. L’image d’une application linéaire f : E → F est l’en-


semble f (E).

Notation : =(f ). On a donc =(f ) = {y ∈ F | ∃x ∈ E, f (x) = y}.

Corollaire 8.2. Si f : E → F est une application linéaire, alors =(f ) est


un sous-espace de F .

Preuve. =(f ) est en effet l’image de E (sous-espace de lui-même) par f .

Théorème 8.1. (théorème du rang) Soient E, F des espaces vectoriels de


dimensions finies et f : E → F une application linéaire. On a dim(E) =
dim(Ker(f )) + dim(=(f )).

32
Ce théorème s’appelle théorème du rang car on appelle rang de f la
dimension de =(f ). Notation rg(f ).

Preuve. Ker(f ) est un sous-espace de E. Il est de dimension finie p. Il existe


une base e1 , . . . , en de E tel que e1 , . . . , ep est une base de Ker(f ). Alors
f (ep+1 ), . . . , f (en ) est une base de =(f ). En effet, soit y ∈ =(f ). Il existe
donc x ∈ E tel que y = f (x). Alors il existe des scalaires a1 , . . . , an tels que
x = a1 e1 +· · · an en . On alors f (x) = a1 f (e1 )+· · ·+an f (en ) = ap+1 f (ep+1 )+
· · · + an f (en ). On en déduit que les vecteurs f (ep+1 ), . . . , f (en ) engendrent
=(f ).
Montrons pour finir que ces vecteurs sont linéairement indépendants.
Soient donc des scalaires ap+1 , . . . , an tels que ap+1 f (ep+1 ) + · · · + an f (en ) =
0. Donc f (ap+1 ep+1 + · · · + an en ) = 0. Donc ap+1 ep+1 + · · · + an en ∈ Ker(f ).
Il existe donc des scalaires a1 , . . . , ap tels que ap+1 ep+1 + · · · + an en = a1 e1 +
· · · + ap ep . Par suite a1 e1 + · · · + ap ep − ap+1 ep+1 − · · · − an en = 0 et il s’ensuit
que tous ces scalaires sont nuls.
En conclusion, on a dim(Ker(f )) = p et dim(=(f )) = n − p ce qui prouve
le théorème.

Exercice 8.4. Montrer que si U, V sont des sous-espaces de F , et f une


application linéaire de E vers F , alors f −1 (U ∩ V ) = f −1 (U ) ∩ f −1 (V ).
Est-ce un sous-espace ?

Exercice 8.5. Montrer que si f : E → F est une application linéaire, et


X, Y des sous-espaces de E, alors f (X ∩ Y ) ⊂ f (X) ∩ f (Y ). Donner un
exemple d’application linéaire f : E → F et de sous-espaces X, Y de E tels
que f (X ∩ Y ) 6= f (X) ∩ f (Y ).

Exercice 8.6. On considère l’application linéaire (a, b, c, d, e) 7→ (a, d).


Déterminer son noyau et son image et leurs dimensions et vérifier le
théorème du rang sur cet exemple.

Exercice 8.7. Mêmes questions pour l’application linéaire qui envoie


(a, b, c) sur (a + b, b + c).

8.4 Calcul d’une base du noyau d’une application linéaire de


Rp vers Rn
On se donne une application linéaire f : Rp → Rn , avec sa matrice M ,
comme il est expliqué dans la section 5.4. Notons M = [aij ]1≤i≤n,1≤j≤p cette
matrice. Considérons le système d’équations linéaires de la section 6.1.

33
Alors le noyau de f est égal à l’ensemble des (x1 , . . . , xp ) ∈ Rp qui sont
les solutions de ce système d’équations linéaires. Nous pouvons donc, pour
calculer le noyau de f , remplacer le système par un système équivalent.
Pour ce faire, nous pouvons transformer la matrice du système, à savoir
M , par des opérations de lignes, ce qui nous donnera des matrices dont
les sytème associés sont tous équivalents. Nous appliquons l’algorithme de
Gauss-Jordan.
Par l’algorithme de Gauss-Jordan, on met la matrice M sous forme
réduite-échelonnée, et on obtient une matrice N . Celle-ci correspond à un
système d’équations linéaires en les variables x1 , . . . , xp . Parmi celles-ci,il y a
des variables libres, et des variables liées (voir la section 12.7). La matrice N
permet d’exprimer chaque variable liée comme une combinaison linéaire des
variables libres. On considère alors le vecteur x = (x1 , . . . , xp ), et l’on y rem-
place les variables liées par leur combinaisons linéaires de variables libres,
et finalement, on exprime le vecteur x comme une combinaison linéaire de
vecteurs dont les coefficients sont les variables libres. Ces derniers vecteurs
forment une base du noyau.
Regardons un exemple : supposons que p = 6, n = 3 et que N soit de la
forme  
0 1 0 a 0 b
N = 0 0 1 c 0 d 
0 0 0 0 1 e
Ici, a, b, c, d, e sont des scalaires. Les variables liées (qui correspondent aux
colonnes-pivots) sont donc x2 , x3 , x5 et les autres, x1 , x4 , x6 , sont libres. Les
équations exprimant les variables liées comme combinaison linéaires des va-
riables libres sont
x2 = −ax4 − bx6
x3 = −cx4 − dx6
x5 = −ex6
On obtient

(x1 , . . . , x6 ) = (x1 , −ax4 − bx6 , −cx4 − dx6 , x4 , −ex6 , x6 )

= x1 (1, 0, 0, 0, 0, 0) + x4 (0, −a, −c, 1, 0, 0) + x6 (0, −b, −d, 0, −e, 1).


Une base du noyau est

(1, 0, 0, 0, 0, 0), (0, −a, −c, 1, 0, 0), (0, −b, −d, 0, −e, 1).

Pour prouver la véracité de cet algorithme, on constate que calculer le


noyau d’une application linéaire Rp → Rn , c’est la même chose que cal-

34
culer l’ensemble des solutions d’un système de n équations linéaires ho-
mogènes en p inconnues. On met cet ensemble sous forme paramétrée (les pa-
ramètres sont x1 , x4 , x6 dans l’exemple), puis on exprime la solution générale
comme une combinaison linéaire de vecteurs, dont les coefficients sont ces
paramètres ; les vecteurs de la combinaison linéaire forment alors une base
du noyau. Le fait que les vecteurs obtenus sont linéairement indépendants
se montre facilement (voir l’exemple).
Exercice 8.8. Déterminer une base des noyaux des applications linéaires
Rp → Rn données par leur matrices :    
    1 1 1 1 2
1 1 1 1 1
a) ; b) ; c) 1 1  ; d)  1 1 1 
1 1 1 1 1
1 1 0 0 1

8.5 Injections, surjections, isomorphismes


Rappelons les notions de fonctions injectives, surjectives, et bijectives ;
voir la section 3.1.
Proposition 8.5. Une application linéaire est injective si et seulement si
son noyau est (le sous-espace) nul.
Démonstration. Le noyau de f contient toujours 0. Supposons que f soit
injective et soit x ∈ Ker(f ). Alors f (x) = 0 = f (0). Par injectivité, on doit
avoir x = 0. Donc Ker(f ) = {0}.
Réciproquement, supposons que Ker(f ) = {0}. Suposons que f (x) =
f (y). Alors f (x − y) = f (x) − f (y) = 0. Donc x − y ∈ Ker(f ). Donc x − y = 0
et par suite x = y. Donc f est injective.

Définition 8.4. a) Un isomorphisme est une application linéaire bijective.


b) S’il existe un isomorphisme de l’espace vectoriel E vers l’espace vec-
toriel F , on dit que E est F sont isomorphes.
Proposition 8.6. Si f est un isomorphisme, alors la fonction réciproque
f −1 est aussi un isomorphisme.
Démonstration. Soit f : E → F un isomorphisme. Il suffit de montrer que
f −1 est une application linéaire. Soient y, y 0 dans F . Il existe alors x, x0 dans
E tels que y = f (x), y 0 = f (x0 ) (car f est surjectif). Par linéarité de f , on a
y + y 0 = f (x + x0 ). Par l’équation (1), on a x = f −1 (y), x0 = f −1 (y 0 ), x + x0 =
f −1 (y+y 0 ). Donc f −1 (y+y 0 ) = f −1 (y)+f −1 (y 0 ). Il s’ensuit que f −1 préserve
la somme.
Pour le produit externe, c’est analogue. Donc f −1 est linéaire.

35
Proposition 8.7. Soient E, F des espaces vectoriels de dimension finie
et f : E → F une application linéaire. Les conditions suivantes sont
équivalentes :
(i) f est un isomorphisme ;
(ii) toute base de E est envoyée par f sur une base de F ;
(iii) il existe une base de E qui est envoyée par f sur une base de F .
Nous notons L(E, F ) l’ensemble des applications linéaires de l’espace
vectoriel E vers l’espace vectoriel F .
Lemme 8.1. Soit f ∈ L(E, F ).
1. Si f est injective, et si e1 , . . . en dans E sont linéairement
indépendants, alors f (e1 ), . . . , f (en ) sont linéairement indépendants.
2. Si f est surjective et si e1 , . . . en engendrent E, alors f (e1 ), . . . , f (en )
engendrent F .
Démonstration. 1. Soient e1 , . . . , en linéairement indépendants dans E.
Montrons que f (e1 ), . . . , f (en ) sont linéairement indépendants. Supposons
qu’il existe a1 , . . . , an dans R tels que a1 f (e1 ) + · · · + an f (en ) = 0. Alors
f (a1 e1 + · · · + an en ) = 0. Donc a1 e1 + · · · + an en ∈ Ker(f ). Comme f est
injective, on a a1 e1 + · · · + an en = 0. Par suite, les ai sont tous nuls, car
les ei sont linéairement indépendants. On conclut donc que les f (ei ) sont
linéairement indépendants.
2. Soient e1 , . . . en qui engendrent E. Soit y dans F ; comme f est sur-
jective, il existe x ∈ E tel que y = f (x). Il existe alors a1 , . . . , an dans R
tels que x = a1 e1 + · · · + an en . Alors y = f (x) = f (a1 e1 + · · · + an en ) =
a1 f (e1 ) + · · · + an f (en ) et par suite f (e1 ), . . . , f (en ) engendrent F .

Preuve de la proposition 8.7. (i) implique (ii) : on suppose que f est un


isomorphisme. Soit e1 , . . . , en une base de E. Le lemme 8.1 implique que
f (e1 ), . . . , f (en ) est une base de F .
(ii) implique (iii) est évident.
(iii) implique (i) : soit e1 , . . . , en une base de E telle que f (e1 ), . . . , f (en )
est une base de F . Montrons que f est un isomorphisme. Soit x ∈ Ker(f ),
On peut écrire x = a1 e1 + · · · + an en , ai ∈ F . Alors 0 = f (x) = a1 f (e1 ) +
· · · + an f (en ). Comme les f (ei ) sont linéairement indépendants, les ai sont
tous nuls, donc x est nul. Donc f est injective.
Soit maintenant y ∈ F . On peut écrire y = a1 f (e1 ) + · · · + an f (en ). Soit
x = a1 e1 + · · · + an en . Alors y = f (x).

Proposition 8.8. La composition de deux isomorphismes est un isomor-


phisme.

36
Démonstration. Nous savons que le produit de deux applications linéaires
est une application linéaire. Et aussi que le produit de deux bijections est
une bijection.

Exercice 8.9. Quel est le noyau de l’application linéaire R2 → R4 qui à


(a, b) associe (a, a + b, b, a − b) ? Est-elle injective ?

Exercice 8.10. Montrer que l’application linéaire de R[x] dans lui-même


qui à un polynôme P associe P 0 (dérivé) est surjective, mais pas injective.

Exercice 8.11. Montrer que l’application linéaire A 7→ T r(A), Mn (R) → R


est surjective.

Exercice 8.12. Prouver les implications réciproques des deux implications


du lemme 8.1.

8.6 Applications linéaires et bases


Théorème 8.2. Si e1 , . . . , en est une base E et si v1 , . . . vn sont des vecteurs
dans V , il existe une unique application linéaire de E vers F qui envoie
chaque ei sur vi .

Démonstration. L’application linéaire est unique, car tout e ∈ E est com-


binaison linéaire de e. . . . , en , et donc son image est combinaison linéaire de
v1 , . . . , vn avec les mêmes coefficients. L’image de e est donc entièrement
déterminée par les images de ei , et l’apllication linéaire est unique.
Montrons maintenant son existence. Définissons f : E → V par : pour
tout v dans E, ilPexiste des coefficients a1 , . . . an , uniquement
P déterminés par
e, tels que e = i ai ei . Nous définissons f (e) = i ai vi , qui ne dépend que
de e. Il faut alors vérifier que f préserve l’addition est le produit externe.

Corollaire 8.3. Deux espaces vectoriels de dimension finie sont isomorphes


si et seulement s’ils ont la même dimension.

Démonstration. Si E, F sont isomorphes, il existe un isomorphisme f : E →


F . Soit e1 , . . . , en une base de E. Alors f (e1 ), . . . , f (en ) est une base de F ,
d’après la proposition 8.7. Donc dim(F ) = n = dim(E).
Réciproquement, supposons que E, F aient la même dimension. Soient
e1 , . . . , en une base de E et v1 , . . . , vn une base de F . Il existe d’après le
théorème 8.2, une application linéaire qui envoie chaque ei sur vi . D’après
la proposition 8.7, c’est un isomorphisme.

37
Rappelons que L(E, V ) est un espace vectoriel (proposition 8.2)

Corollaire 8.4. La dimension de L(E, V ) est dim(E) · dim(V ).

Démonstration. Soient e1 , . . . , ep une base de E et v1 , . . . , vn une base de


V . Pour chaque i ∈ {1, . . . , n} et chaque j ∈ {1, . . . , n}, définissons fij ∈
L(E, V ) par fij (ek ) = 0 si k 6= j et fij (ej ) = vi . Cette application linéaire
existe par le corollaire 8.2.
On vérifie que ces pn applications linéaires sont linéairement
indépendantes et qu’elles engendrent L(E, VP). Pour cette dernière asertion,
on montre que f ∈ L(E, V ) impliqueP f = i,j aij fij où les coefficients aij
sont déterminés par l’égalité f (ej ) = i aij vi .

Exercice 8.13. Soit E = R2 avec sa base canonique e1 = (1, 0), e2 = (0, 1)


et F = R3 . Soit f l’application linéaire de E dans F qui envoie e1 sur
(1, 0, 1) et e2 sur (2, −1, 1). Avec les notations de la preuve de la proposition
??, calculer ψ(f ).

Exercice 8.14. Avec les notations de l’exercice 8.13, on suppose que g ∈


L(E, F ) et que ψ(g) = ((1, 2, 3), (0, 1, 0)) ∈ F 2 . Calculer g(e1 ), g(e2 ), puis
g((1, 1)).

Exercice 8.15. A quelle condition sur n les espaces vectoriels R4 et Mnn (R)
sont-ils isomorphes ? Même question pour Rk et Mnp (R). Même question
pour L(E, F ) et Mnp (R), avec l’hypothèse que n0 = dim(E) et p0 = dim(F ).

Exercice 8.16. Quelle est la dimension de L(E, F ) avec les notations de


l’exercice 8.13 ?

8.7 Matrice d’une application linéaire


Proposition 8.9. Soient E, V des espaces vectoriels de dimension p, n, et
e1 , . . . , ep , v1 , . . . , vn des bases de ces espaces, respectivement. Il y a iso-
morphisme entre l’espace des applications linéaires L(E, V ) et l’espace des
matrices Mnp (R). Cet isomorphisme P associe à toute application linéaire la
matrice [aij ] définie par f (ej ) = i aij vi .

Remarquez que la matrice est bien définie, car f (ej ) est de manière
unique combinaions linéaire des vi . Aussi que la taille de la matrice est n × p
car les lignes correspondent aux éléments de la base vj et les colonnes à ceux
de la base ei .

38
Démonstration. Il faut vérifier que la fonction f 7→ [aij ] ainsi définie est
une application linéaire de l’espace vectoriel L(E, V ) dans l’espace vectoriel
Mn,p (R), et qu’elle est bijective. Pour cette dernière assertion, on remarque
que la fonction fi,j qui apparaı̂t dans la preuve du corollaire 8.4 est envoyée
sur la matrice élémentaire Eij qui a des 0 partout , sauf en position i, j où il
y a un 1. Donc notre fonction est un isomorphisme, car elle envoie une base
sur une base, voir Proposition 8.7.

Définition 8.5. On appelle matrice de l’application linéaire f ∈ L(E, V ),


dans les bases (ej ) et (vi ) de E et V respectivement, la matrice définie dans
la proposition ci-dessus. On la note M (v, f, e)

Définition 8.6. La matrice d’un vecteur v dans la base (vi ) de V est le


vecteur colonne des coefficients de v dans la base vi . C’est-à-dire le vecteur
t (a , . . . , a ) où les coefficients a sont définis par v =
P
1 n i i ai vi .

Corollaire 8.5. Si X (resp. Y ) est la matrice colonne représentant un


vecteur x de E (resp. y de F ) dans une base de E (resp. de F ), et M la
matrice de α ∈ L(E, F ) dans ces bases, et si y = α(x), alors Y = M X.

Démonstration. On note fj et ei ces bases de F et E. On a, avec P M = [mij ],


t (x ) et Y = t (y ), on a
P
α(ej ) = iPmij fi . De plus,
P avec X = Pj P i P Pi yi fi = y =
α(x) = α(P j xj ej ) = j xj α(ej ) = j xj i mij fi = i ( j mij xj )fi ;
donc yi = j mij xj , d’où Y = M X.

Proposition 8.10. Soit α ∈ L(E, F ), β ∈ L(F, G), et (ek ), (fj ), (gi ) des
bases de E, F, G respectivement. Soient A la matrice de α dans les bases
(ek ), (fj ), et B la matrice de β dans les bases (fj ), (gi ). Alors la matrice de
β ◦ α dans les bases (ei ), (gk ) est BA.

On peut même dire que le produit des matrices a été défini pour que ce
résultat soit vrai. Dans nos notations, cela s’écrit

M (g, β ◦ α, e) = M (g, β, f )M (f, α, e).

Démonstration. Soient A = [ajk ], B =P[bij ], C = [cik ] lesPmatrices de


P β, β ◦ α respectivement. On
α, P a α(ek ) = Pj ajk fj et β(fj )P
= i bP ij gi . Donc

Pi cP ik gi = β ◦ α(ek ) = β( j ajk fj ) =P j ajk β(fj ) = j ajk i bij gi =


i ( b a )g
j ij jk i . Ceci prouve que cik = b a
j ij jk , donc que C = BA.

39
8.8 Changement de base : matrice de passage
Définition 8.7. Soient deux bases (ei ), (e0i ) d’un espace vectoriel E. La
matrice de passage de la basePde (ei ) vers la base (e0i ) est la matrice, notée
Pee0 = [pij ], définie par e0j = i pij ei .
Proposition 8.11. Soient (ei ), (e0i ) deux bases de E.
1. Si C, C 0 sont les matrices d’un vecteur x de E dans les bases (ei ) et
(e0i ) respectivement, alors C = Pee0 C 0 .
2. L’inverse de Pee0 est Pe0 e .
3. Soient v, v 0 deux bases de F . Soit f ∈ L(E, F ) et A, A0 ses matrices
dans les bases e, v d’une part, et e0 , v 0 d’autre part. Alors A0 = Pv0 v APee0 .
Démonstration. En comparant les définitions 8.7 et 8.5, on observe que Pee0
est égal à la matrice de l’identité de E dans les bases (e0i ), (ei ) (dans cet
ordre !). L’assertion 2. découle donc de cette observation et du corollaire 8.7.
Pour 1. on applique cette observation et le corollaire 8.5.
Pour 3. la même observation et la proposition 8.10 s’appliquent : la
matrice Pv0 v APee0 est la matrice (dans les bases appropriées) de l’application
linéaire composée de trois applications linéaires : idF ◦f ◦ idE .

8.9 Matrice d’un endomorphisme


Définition 8.8. La matrice [aij ] d’unP endomorphisme de V dans la base
v1 , . . . , vn de V est définie par f (vj ) = i aij vi , j = 1, . . . , n.
C’est donc un cas particulier de la définition ci-dessus, avec E = F = V ,
avec la même base au départ et à l’arrivée. Avec nos notation, la matrice
est M (v, f, v). De même, le corollaire suivant est un cas particulier de la
proposition 8.10.
Corollaire 8.6. Si A, B sont les matrices des endomorphismes f et g res-
pectivement dans une base de V , alors la matrice de g ◦ f dans cette base
est BA.
Un automorphisme est un endomorphisme inversible, c’est-à dire bijectif.
Son inverse est alors aussi un automorphisme (Proposition 8.6).
Corollaire 8.7. La matrice de l’inverse d’un automorphisme est l’inverse
de sa matrice.
Démonstration. On applique la proposition 8.10 au cas où E = F = G et
où les trois bases (ek ), fj et (gi ) coı̈ncident : d’abord au produit α ◦ α−1 ,
puis au produit α−1 ◦ α.

40
Deux matrices A, B carrées de même ordre sont conjuguées s’il existe
une matrice P inversible de même ordre telle que

B = P −1 AP.

Proposition 8.12. Les deux matrices d’un endomorphisme donné dans


deux bases de V sont conjuguées.
Démonstration. On applique la proposition 8.11 avec E = F = V , e = v,
e0 = v 0 . La matrice de l’endomorphisme dans la base e est A et dans la
base e0 , c’est A0 . On obtient A0 = Pe0 e APee0 et on obtient le corollaire car
−1
Pe0 e = Pee 0 .

Démonstration du corollaire 7.4. Si v1 , . . . , vp est une base, alors l’endomor-


phisme, dont la matrice dans la base ei est [aij ], est un isomorphisme, par
la proposition 8.7. Sa matrice est donc inversible.
Réciproquement, si la matrice est inversible, alors cette matrice , et son
inverse, définissent des endomorphismes de E (proposition 8.9), qui sont
inverse l’un de l’autre (corollaire 8.7). L’endomorphisme envoie e1 , . . . , en
sur v1 , . . . , vn , qui est donc une base (proposition ??).

Exercice 8.17. On considère l’application linéaire f de l’exercice 8.13.


Quelle est sa matrice dans les bases canoniques ? Prenez quelques vecteurs
dans R2 et vérifiez le corollaire 8.5.
Exercice 8.18. On considère l’application linéaire f de Rp dans Rn dont
la matrice dans les bases canoniques de ces espaces est
 
1 2
M =  3 4 .
5 6

Que valent n et p ? Calculer f (e1 ) et f (e2 ) (e1 , e2 est la base canonique de


R2 ). Calculer f (−1, 1) de deux manières : directement en écrivant (−1, 1)
dans la base e1 , e2 et en appliquant la linéarité ; puis en appliquant le corol-
laire 8.5.
Exercice 8.19. On suppose que l’application linéaire f : E → F a la ma-
trice M ∈ Mnp (R) dans les bases e1 , . . . , ep de E et v1 , . . . , vn de F . Montrer
que le noyau de f contient le vecteur e1 + · · · + ep si et seulement si pour
chaque ligne de M , la somme des ses coefficients est nulle (utiliser le corol-
laire 8.5).

41
Exercice 8.20. Avec les notations du Corollaire 8.5. Montrer que résoudre
les sytème d’équations linéaires Y = M X revient à déterminer l’ensemble
des vecteurs colonnes, dans la base donnée de E, des vecteurs x de E tels
que α(x) = y. A quelle condition sur α ce système a-t-il une solution unique,
pour tout Y ?

Exercice 8.21. Soit f un endomorphisme de l’espace vectoriel V de dimen-


sion finie. Soit M la matrice de f dans une certaine base de V . Montrer que
f est bijectif si et seulement si M est une matrice inversible.

8.10 Calcul d’une base du noyau d’une application linéaire


La méthode est essentiellement la même que en section 8.4. On part de
f ∈ L(E, V ) avec sa matrice M dans les bases e1 , . . . , ep de E et v1 , . . . , vn
de V .
En suivant la méthode de la section 8.4, on trouve une base du noyau de
f , dont chaque vecteur est exprimée comme une combinaison linéaire dans
la base e1 , . . . , ep .
Par exemple, se référant à la section indiquée, le vecteur
(0, −a, −c, 1, 0, 0) signifiera −av2 − cv3 + v4 .

9 Diagonalisation
9.1 Valeurs et vecteurs propres d’un endomorphisme
Définition 9.1. Soit f un endomorphisme de l’espace vectoriel V . On dit
que λ ∈ R est une valeur propre de f s’il existe un vecteur v non nul dans
V tel que f (v) = λv. Un tel vecteur est alors appelé vecteur propre, et on
dit qu’il est attaché à la valeur propre λ.

Remarquez qu’un vecteur propre est, par définition, toujours non nul.

Proposition 9.1. Si le vecteur v non nul est dans le noyau de f , alors v est
un vecteur propre, attaché à la valeur propre 0. De plus, f est non injective
si et seulement si 0 est valeur propre de f .

Démonstration. On se ramène à la définition de valeur et vecteur propres.

Attention : (le scalaire) 0 peut être valeur propre, et dans ce cas, f


n’est pas injective, mais (le vecteur nul) 0 n’est jamais vecteur propre. Si
0 est valeur propre, un vecteur propre attaché n’est jamais nul. C’est une

42
confusion commune. Par exemple, l’endomorphisme de R2 : f (a, b) = (a, 2a)
n’est pas injectif, puisque (0, 1) est dans le noyau, et ce vecteur est un vecteur
propre attaché à la valeur propre 0 : f (0, 1) = 0(0, 1) (= (0, 0)).

Proposition 9.2. Un endomorphisme de V a la valeur propre λ si et seule-


ment si f − λ id n’est pas un automorphisme de V .

Démonstration. Si λ est une valeur propre de f , alors il existe v non nul


tel que f (v) = λv. Donc (f − λ id)(v) = 0. Donc f − λ id n’est pas un
automorphisme de V , car non injectif (proposition 8.5).
Réciproquement, si f − λ id n’est pas un automorphisme de V , alors
f − λ id n’est pas injectif (Corollaire ??). Donc Ker(f − λ id) 6= 0. Il existe
donc v 6= 0 dans V tel que (f − λ id)(v) = 0. C’est-à-dire : f (v) = λv. Donc
λ est une valeur propre de f .

Le déterminant d’un endomorphisme de V est par définition le


déterminant de sa matrice dans une base de V . Ceci est bien défini, car
si on change de base, alors on conjugue la matrice (proposition 8.12), et par
suite le déterminant reste le même.
Il découle de la proposition 8.7 et du théorème 13.2 qu’un endomor-
phisme est un automorphisme si et seulement si son déterminant est non
nul. On obtient donc le

Corollaire 9.1. Un endomorphisme a la valeur propre λ si et seulement le


déterminant de f − λ id est nul.

En appliquant ceci à la valeur propreλ = 0, et en remarquant que f est


injective si et seulement si f n’a pas la valeur propre 0, on obtient le

Corollaire 9.2. Un endomorphisme est inversible si et seulement si son


déterminant est non nul.

Exercice 9.1. Montrer que si un automorphisme f a la valeur propre λ,


alors f −1 a la valeur propre λ−1 .

Exercice 9.2. (requiert un peu d’analyse) Soit F l’espace vectoriel sur R


des fonctions de R dans lui-même, qui sont indéfiniment dérivables. Soit D
l’endomorphisme de F qui envoie tout f ∈ F sur sa dérivée. Montrer que la
fonction f (t) = eλt , λ ∈ R, est un vecteur propre de D attaché à la valeur
propre λ.

43
Exercice 9.3. Soit M la matrice d’un endomorphisme de V dans la base
v1 , . . . , vn de V . Montrer que v1 + · · · + vn est un vecteur propre pour la
valeur propre 1 de f si et seulement si la somme de chaque ligne de M est
égale à 1.

Exercice 9.4. Si f (x, y) = (y, x), f endomorphisme de R2 , montrer que f


a les valeurs propres 1 et −1 et calculer des vecteurs propres correspondants.

Exercice 9.5. Si f (x, y, z) = (y, z, x), f endomorphisme de R3 , montrer


que f a la valeur propre 1 et calculer un vecteur propre correspondant. Y
a-t-il une autre valeur propre ?

Exercice 9.6. Soit f un endomorphisme de V et a un scalaire. Montrer


que l’ensemble des vecteurs v tels que f (v) = av est un sous-espace de V .
Cet sous-espace coı̈ncide-t-il avec l’ensembles des vecteurs propres attachés
à la valeur propre a ?

Exercice 9.7. Soient f, g des endomorphismes de V , v un vecteur propre


de f et g, pour les valeurs propres a et b respectivement. Montrer que v est
aussi un vecteur propre de f + g et g ◦ f . Pour quelles valeurs propres ?
Généraliser à xf + yg, où x, y sont des scalaires.

9.2 Polynôme caractéristique


On va parler dans cette partie de matrices carrées dont les coefficients
sont des polynômes en la variable x, et de leur déterminants. Cela est un
tantinet plus avancé que les déterminants des matrices carrées à coefficients
réels, comme vus en section 13.
Pour calculer ces déterminants, on procède par la formule de Laplace, et
aussi par les formules usuelles pour les matrices carrées d’ordre 2 ou 3. La
principale propriété dont nous aurons besoin est la formule du produit.
 
x − 1 −2
Exemple 9.1. Soit la matrice M = . Son déterminant est
−3 x − 4
(x − 1)(x − 4) − (−2)(−3) = x2 − x − 4x + 4 − 6 = x2 − 5x − 2.

Définition 9.2. Soit A = [aij ] une matrice carrée d’ordre n. Son polynôme
caractéristique est le déterminant de la matrice xIn − A.

Notons que xIn désigne la matrice dont tous les coefficients diagonaux
valent x, et les autres sont nuls. On remarque aussi que le degré du polynôme
caractéristique est n, et que le coefficient de xn est 1.

44
 
1 2
Exemple 9.2. Le polynôme caractéristique de la matrice est x2 −
3 4
5x − 2, conformément à l’exemple précédent.

Proposition 9.3. Si deux matrices carrées A, B sont conjuguées, elles ont


le même polynôme caractéristique.

Démonstration. On a B = P −1 AP . Alors xI − B = P −1 (xI − A)P . On


prend les déterminants, on utilise la formule du produit, en remarquant que
det(P −1 ) = det(P )−1 , et on en déduit le résultat.

Corollaire 9.3. Soit V un espace vectoriel de dimension finie, f une endo-


morphisme de V et A, B ses matrices dans deux bases de V . Alors ces deux
matrices ont même polynôme caractéristique.

Démonstration. Appliquer la proposition 8.12.

Le corollaire implique la cohérence de la définition qui suit.

Définition 9.3. Le polynôme caractéristique d’un endomorphisme de V est


le polynôme caractéristique de sa matrice dans une base de V .

Théorème 9.1. Soit f un endomorphisme de V de dimension finie. Alors


λ est une valeur propre de f si et seulement si λ est une racine de son
polynôme caractéristique.

Cela découle du corollaire 9.1.

Exercice 9.8. Calculer le polynôme caractéristique des endomorphismes


des exercices 9.4 et 9.5. Vérifiez le théorème 9.1 sur ces exemples.

Exercice 9.9. Calculer les valeurs propres de l’endomorphisme dont le po-


lynôme caractéristique est x2 − 5x + 6. Trouver une matrice qui a ce po-
lynôme caractéristique. Calculer des vecteurs propres de l’endomorphisme
associé pour chacune des valeurs propres.

Exercice 9.10. Calculer le polynôme caractéristique d’un endomorphisme


dont la matrice est triangulaire supérieure. Montrer que les valeurs propres
sont les éléments diagonaux de la matrice.

Exercice 9.11. Pour des polynômes de degré 2 et 3, déterminer la somme


et le produit de leurs racines. Pour des matrices 2 par 2, puis 3 par
3, déterminer la somme et le produit des racines de leur polynôme ca-
ractéristique. Généraliser pour des matrices n par n.

45
Exercice
 9.12. Quel est le polynôme caractéristique de la matrice
0 1 1
 1 0 1 ?
1 1 0

9.3 Endomorphismes diagonalisables


Définition 9.4. Un endomorphisme de V est dit diagonalisable s’il existe
une base de V formé de vecteurs propres de f .

On a donc la

Proposition 9.4. Un endomorphisme f de V , espace vectoriel de dimension


finie, est diagonalisable, si et seulement si V a une base où la matrice de f
est diagonale. Dans ce cas, les éléments diagonaux sont les valeurs propres
de f .

Démonstration. Il suffit de prouver la dernière assertion, car la première


découle de la définition. La matrice de f dans une base de vecteurs propres
est diagonale. Son polynôme caractéristique est donc le produit des x − λ
où les λ sont les éléments diagonaux. Donc ceux-ci sont les valeurs propres,
d’après la théorème 9.1.

Les endomorphismes sont loin d’être tous diagonalisables. Par exemple


l’endomorphisme f de 2
 R qui  envoie (x, y) sur (y, 0). Sa matrice dans la
0 1
base canonique est . Son unique valeur propre est 0. Si f était
0 0
diagonalisable, sa matrice dans une base de vecteurs propres serait nulle.
Donc f = 0, ce qui n’est pas.

Théorème 9.2. Soit f un endomorphisme d’un espace vectoriel E de di-


mension n. Si le polynôme caractéristique de f a n racines distinctes, alors
f est diagonalisable.

Cette condition suffisante, mais elle n’est pas nécessaire, comme le


montre l’exemple de la fonction identité d’un espace de dimension au moins
2. De même la fonction nulle.

Démonstration. Supposons que f a n valeurs propres λ1 , . . . , λn , qui sont


distinctes. Soient e1 , . . . , en des vecteurs attachés respectivement à ces va-
leurs propres. Montrons que ces vecteurs forment une base de E. Il suffit, en
vertu du théorème 7.3, de montrer qu’ils sont linéairement indépendants.

46
Ecrivons, par l’absurde, qu’une combinaison linéaire non triviale des ei
est nulle. En se restreignant aux ei dont le coefficient est non nul, on peut
écrire a1 ei1 + · · · ak eik = 0, avec des coefficients non nuls a1 , . . . , ak et des
indices ij dans {1, . . . , n} et de plus i1 < . . . < ik . On peut supposer que k
est le plus petit possible. On ne peut avoir k = 1, car les vecteurs propres
sont non nuls. On a donc k ≥ 2. Appliquons f à la relation précédente. Ça
donne a1 λi1 ei1 + a2 λi2 ei2 + · · · ak λik eik = 0. Si λi1 est nul, on obtient une
relation plus courte (car les autres λj sont alors non nuls), ce qui contredit
la minimalité de k. Si λi1 est non nul, divisons par λi1 : ça donne a1 ei1 +
λ λi
a2 λii2 ei2 +· · ·+ak λik eik = 0. Soustrayons la relation ci-dessus : nous obtenons
1 1
λ λi
a2 ( λii2
− 1)ei2 + · · · + ak ( λik − 1)eik = 0. C’est une relation plus courte (car
1 1
les λj sont distincts, donc les nouveaux coefficients sont non nuls), ce qui
contredit la minimalité de k aussi.

9.4 Diagonalisation des matrices


Définition 9.5. Soit A une matrice carrée d’ordre n. Soit f l’endomor-
phisme de l’espace vectoriel des colonnes V = Mn1 dont A est la matrice.
Autrement dit, si v ∈ V , alors f (v) = Av. Les valeurs propres (resp. vec-
teurs propres) de A sont les valeurs propres (resp. vecteurs propres) de f .
La matrice A est dite diagonalisable si f est diagonalisable

Un vecteur propre de la matrice A est donc un vecteur colonne v non


nul telque Av = λv, et λ est la valeur propre attachée à v.

Proposition 9.5. 1. Les valeurs propres de A sont les racines du polynôme


caractéristique de A.
2. Une matrice carrée est diagonalisable si et seulement si elle est
conjuguée à une matrice diagonale.

Ceci découle des sections précédentes.


 
a b
Exercice 9.13. Montrer qu’une matrice telle que (a−d)2 +4bc > 0
c d
est diagonalisable.

Exercice 9.14. On suppose que le polynôme caractéristique d’une matrice


carrée d’ordre n est égal à (x−1)(x−2) · · · (x−n). Montrer que cette matrice
est diagonalisable.

47
9.5 Calcul d’une base d’un sous-espace propre et diagonali-
sation effective
9.6 Applications de la diagonalisation
9.6.1 Puissance d’une matrice
9.6.2 Une équation différentielle matricielle
On peut ramener les équations différentielles linéaire à coefficients
constants, d’ordre plus grand que 1, à des équations différentielles matri-
cielles d’ordre 1. Nous l’illustrons par un exercice.
Exercice 9.15. 1. L’équation du mouvement d’une masse m de posi-
tion x attachée à un ressort est donnée par

d2 x k γ dx
2
=− x− (2)
dt m m dt
où k est la constante de Hooke du ressort et γ est la constante don-
nant la force de friction.
k γ
(a) Supposons que m = 16 et m = 10 et posons
 
x(t)
~u(t) = dx .
dt (t)

Trouver une matrice A de sorte que l’équation (2) prenne la forme


d
~u(t) = A~u(t). (3)
dt
(b) Trouver les valeurs propres de la matrice A.
(c) Pour chacune des valeurs propres, déterminer l’espace propre cor-
respondant.
(d) La solution générale de l’équation différentielle (3) est de la forme

~u(t) = A1 eλ1 t~v1 + A2 eλ2 t~v2 ,

où {~v1 , ~v2 } dénote une base de vecteurs propres (de valeurs propres
λ1 et λ2 respectivement) et A1 , A2 ∈ R sont des constantes. Après
avoir choisi une telle base de vecteurs propres {~v1 , ~v2 }, déterminer
les constantes A1 et A2 pour qu’au temps t = 0, on ait x(0) = 0
et dx
dt (0) = 6.
(e) Écrire la solution correspondante pour x(t).

48
10 Espaces euclidiens
10.1 Produits scalaires et bases othonormales
Définition 10.1. Soit E une espace vectoriel. Un produit scalaire sur E est
une fonction de E × E vers R, qu’on note (x, y) 7→ hx, yi, avec les propriétés
suivantes :
— si on fixe x ∈ E, la fonction y 7→ hx, yi est linéaire ;
— si on fixe y ∈ E, la fonction x 7→ hx, yi est linéaire ;
— ∀x, y ∈ E, hx, yi = hy, xi ;
— ∀x ∈ E, hx, xi ≥ 0 ;
— ∀x ∈ E, hx, xi = 0 si et seulement si x = 0.
Un espace euclidien est un espace vectoriel de dimension finie avec un
produit scalaire.
Exemple 10.1. Avec E = Rn , on définit pour x = (x1 , . . . , xn ), y =
(y1 , . . . , yn ), hx, yi = x1 y1 + · · · + xn yn . C’est un produit scalaire sur E,
appelé produit scalaire canonique de Rn .
Exercice 10.1. Avec E = Mnp (R), montrer que la fonction (A, B) 7→
Tr(At B) est un produit scalaire.
Exercice 10.2. Avec E = l’espace vectoriel
R1 des fonctions continues [0, 1] →
R, montrer que la fonction (f, g) 7→ 0 f (x)g(x)dx est un produit scalaire.
Exercice 10.3. Dans un espace euclidien calculer hu + v, u − vi et hu +
v, u + vi en fonction de hu, ui, hu, vi, hv, vi.

10.2 Orthonormalisation de Gram-Schmidt


Deux vecteurs d’un espace euclidien sont dits orthogonaux si leur produit
scalaire est nul.
Définition 10.2. 1. Une base othogonale d’un espace euclidien est une
base e1 , . . . , en telle que ∀i 6= j, on a hei , ej i = 0 (autrement dit ei , ej sont
orthogonaux).
2. Une base orthonormale d’un espace euclidien est une base othogonale
e1 , . . . , en telle que ∀i, on a hei , ei i = 1.
Si on note δij = 1 si i = j et = 0 si i 6= j, une base othonormale satisfait
hei , ej i = δij .
Théorème 10.1. Soit e1 , . . . , en une base de E espace euclidien. Il existe
une unique base orthonormale v1 , . . . , vn de E telle que : ∀j = 1, . . . , n,
V ect(e1 , . . . , ej ) = V ect(v1 , . . . , vj ) et que hej , vj i > 0.

49
La notation V ect(e1 , . . . , ej ) désigne le sous-espace de E engendré par
e1 , . . . , e j .

Lemme 10.1. Si V ect(u1 , . . . , uj−1 ) = V ect(e1 , . . . , ej−1 ) et si uj = ej +


a1 e1 + . . . + aj−1 ej−1 , alors V ect(u1 , . . . , uj ) = V ect(e1 , . . . , ej ).

Démonstration du théorème 10.1. 1. Construisons d’abord une base ortho-


gonale u1 , . . . , un qui satisfait les deux conditions de l’énoncé (avec u au lieu
de v).
Posons u1 = e1 . On a bien V ect(u1 ) = V ect(e1 ) et he1 , u1 i = he1 , e1 i > 0.
Supposons que j ≥ 2 et qu’on ait construit u1 , . . . , uj−1 , non nuls et
deux à deux orthogonaux, tels que V ect(u1 , . . . , uk ) = V ect(e1 , . . . , ek ) et
que hek , vk i > 0 pour k = 1, . . . , j − 1.
Prenons ak tel que 0 = hej , uk i + ak huk , uk i pour k = 0, . . . , j − 1 ; c’est
possible car huk , uk i = 6 0. Posons uj = ej + a1 u1 + . . . + aj−1 uj−1 . On a
alors huj , uk i = hej + a1 u1 + . . . + aj−1 uj−1 , uk i = hej , uk i + a1 hu1 , uk i +
. . . + aj−1 huj−1 , uk i = hej , uk i + ak huk , uk i = 0. Donc uj est orthogonal à
u1 , . . . , uj−1 . Il est non nul, car sinon ej est une combinaison linéaire de
u1 , . . . , uj−1 , donc de e1 , . . . , ej−1 , ce qui est impossible. Le lemme implique
que V ect(u1 , . . . , uj ) = V ect(e1 , . . . , ej ). De plus, uj étant par construction
orthogonal à u1 , . . . , uj−1 , on a hej , uj i = huj − a1 u1 − . . . − aj−1 uj−1 , uj i =
huj , uj i − a1 hu1 , uj i − . . . − aj−1 huj−1 , uj i = huj , uj i > 0.
Pour j = n, la construction de u p1 , . . . , un est achevée.
2. On pose maintenant vj = uj / huj , uj i, j = 1, . . . , n. Alors hvj , vj i = 1
et hvi , vj i = 0 si i 6= j. Les propriétés de l’énoncé se déduisent des celles pour
les ui .
3. L’unicité se prouve d’une manière similaire. Montrons d’abord l’unicité
des vecteurs ui , sous les conditions suivantes : ils sont non nuls, deux à deux
orthogonaux, ils satisfont aux deux propriétés de l’énoncé (avec u au lieu
de v), et chaque uj est la somme de ej et d’une combinaison linéaire de
u1 , . . . , uj−1 . On prouve l’unicité par récurrence. Pour j = 1, on doit avoir
u1 = e1 . On suppose l’unicité prouvée pour u1 , . . . , uj−1 , j ≥ 2. Alors les
conditions impliquent que uj = ej + a1 u1 + . . . + aj−1 uj−1 . Ensuite, on
doit avoir huj , uk i = 0 et le même calculque dans 1. implique que 0 =
hej , uk i + ak huk , uk i pour k = 0, . . . , j − 1. Comme huk , uk i non nul, on
obtient l’unicité de uj .
4. Prouvons maintenant l’unicité des vi , satisfaisant les propriétés de
l’énoncé. On doit avoir vj = bj ej + bj−1 uj−1 + · · · + b1 u1 , avec bj non nul.
Alors les uj = vj /bj satisfait aux conditions de 3., et sont donc uniques. De
plus, comme hvj , vj i = 1, on aura (1/b2j )huj , uj i = 1, donc b2j = huj , uj i et bj

50
est unique au signe près. Mais on a aussi vj = bj ej + cj−1 ej−1 + · · · + c1 e1 ,
donc 0 < hvj , ej i = bj et bj est positif.

Corollaire 10.1. Un espace euclidien possède une base orthonormale.

Théorème 10.2. Dans un espace euclidien de dimension n, n vecteurs non


nuls forment une base s’ils sont deux à deux orthogonaux.

Attention : la condition ”non nuls” ne doit pas être oubliée. Pour la


preuve voir l’exercice 10.8.

Exercice 10.4. Soit E = R2 avec le produit scalaire canonique. Soit e1 =


(1, 1), e2 = (1, 0). Appliquer l’algorithme de la preuve du théorème 10.1 à
ces deux vecteurs et calculer la base orthonormale v1 , v2 .

Exercice 10.5. Soit E un espace euclidien et v ∈ E. Montrer que l’ensemble


des vecteurs orthogonaux à v est un sous-espace de E.

Exercice 10.6. A quelle condition un vecteur v ∈ Rn , avec son produit


scalaire canonique, est-il orthogonal à (1, 1, . . . , 1) ?

Exercice 10.7. Soit E un espace euclidien. Si H ⊂ E, on note H ⊥ l’en-


semble {v ∈ E | ∀h ∈ H, hh, vi = 0}. Montrer que H ⊥ est un sous-espace de
E. Montrer que H ∩ H ⊥ = 0.

Exercice 10.8. Soient e1 , . . . , en des vecteurs non nuls et deux à deux or-
thogonaux d’un espace euclidien (on a donc hei , ej i = δij , où le symbole de
6= j). Montrer que ces vecteurs sont
Kronecker δij signifie 1 si i = j et 0 si i P
linéairement indépendants (calculer hej , i ai ei i). En déduire que la dimen-
sion de l’espace est au moins n. En déduire que la dimension de l’espace est
égale au nombre maximum de vecteurs deux à deux orthogonaux.

10.3 Diagonalisation des matrices symétriques


Remarquons d’abord que la décomposition de n’importe quel vecteur v
dans une base orthonormal e1 , . . . , en est donnée par
X
v= hv, ei iei .
i
P
Ça se prouve en faisant le produit scalaire de v = i ai ei et de ej : on
obtient hv, ej i = aj .

51
Théorème 10.3. Soit u un endomorphisme d’un espace euclidien E. Il
existe un unique endomorphisme u∗ de E tel que : ∀x, y ∈ E, hu(x), yi =
hx, u∗ (y)i. Dans toute base othonormale de E, la matrice de u∗ est la trans-
posée de celle de u

Démonstration. 0. Soit e1 , . . . , en une base orthonormale de P E. Si u∗ existe,


on doit avoir hu∗ (ej ), ei i = hej , u(ei )i. On doit ∗
Pavoir u (ej ) = i hej , u(ei )iei∗.
∗ ∗
1. Définissons donc u par : (*) u (ej ) = i hu(ei ), ej iei . La matrice
P de u
dans cette base est [hu(ei ), ej i]ij . Celle de u est [mij ] avec u(ej ) = i mij ei .
Par orthonormalité, on a hu(ej ), ei i = mij . Donc les matrices de u et u∗ sont
transposées l’une de l’autre.
2. Considérons les deux fonctions E × E → R : (x, y) 7→ hu(x), yi et
(x, y) 7→ hx, u∗ (y)i. Pour x = ei et y = ej , on a hu(ei ), ej i = hu∗ (ej ), ei i, en
utilisant (*). Ceci implique que les deux fonction considérées coı̈ncident sur
la base. Il s’ensuit qu’elles sont égales (voir exercice 10.9). D’où l’existence
et l’unicité de u∗ et l’assertion sur les matrices.
Comme l’égalité dans le théorème est indépendante des bases, on conclut
que les matrices de u et u∗ sont transposées dans toute base orthonormale.

Définition 10.3. 1. On appelle adjoint de u l’endomorphisme, noté u∗ ,


défini dans le théorème précédent.
2. On dit que u est symétrique si u = u∗ .

Corollaire 10.2. 1. u est symétrique si et seulement sa matrice dans une


base orthonormale est symétrique (et alors elle l’est dans toutes).
2. u est symétrique si et seulement si pour tous vecteurs x, y, on a
hx, u(y)i = hu(x), yi.

Théorème 10.4. Si u est un endomorphisme symétrique de E euclidien, il


existe une base orthonormale de E où la matrice de u est diagonale.

Il est donc diagonalisable, mais on obtient plus : il existe une base de


vecteurs propres qui forment une base orthonormale.

Corollaire 10.3. Une matrice symétrique est diagonalisable et toutes ses


valeurs propres sont réelles.

Démonstration. On considère l’endomorphisme de E = Rn qui a M comme


matrice dans la base canonique. E est un espace euclidien avec le produit
scalaire usuel. Par le corollaire 10.2, c’est un endomorphisme symétrique.
On conclut par le théorème 10.4.

52
Pour démontrer ce théorème concernant des matrices à coefficients réels,
on passe par les matrices à coefficients complexes. Il nous faut donc parler
brièvement des nombres complexes.

Exercice 10.9. On dit que la fonction f : E × E → R est bilinéaire si pour


tous x ∈ E, la fonction y → f (x, y) est linéaire et si pour tous y ∈ E, la
fonction y 7→ f (x, y) est linéaire. Montrer que si e1 , . . . , en est une base de
E et si f (ei , ej ) = 0 pour tous i, j, alors f = 0.

10.4 Les nombres complexes et les espaces vectoriels associés


Un nombre complexe est une expression de la forme

z = a + bi,

où a, b sont des nombres réels, et i un symbole spécial. La partie réelle de


z est a, et sa partie imaginaire est b (ou parfois bi). Si z 0 = a0 + b0 i est
un autre nombre complexe, on dira que z = z 0 si et seulement si a = a0
et b = b0 . Tout nombre réel a est identifié au nombre complexe a + 0i ;
ainsi R est contenu dans C, l’ensemble des nombres complexes. On définit
l’addition et la multiplication dans C par z + z 0 = (a + a0 ) + (b + b0 )i et
z.z 0 = (aa0 − bb0 ) + (ab0 + ba0 )i. C’est un exercice de routine, de vérifier que
C avec ces deux opérations, a les mêmes propriétés que R : commutativité,
associativité et éléments neutres pour les deux opérations, distributivité.
De plus tout élément non nul de C a un inverse : on définit d’abord le
conjugué z̄ de z = a + bi par z̄ = a − bi. Alors z z̄ = a2 + b2 et par suite
a −b 2 2 s’appelle le
z( a2 +b 2 + a2 +b2 i) = 1. Le nombre réel positif ou num a + b
module du nombre complexe z = a + bi ; il est nul si et seulement si z = 0.
La fonction z 7→ z̄ de C dans lui-même, est appelée conjugaison. Elle
préserve l’addition et la multiplication des nombres complexes : z + z 0 =
z̄ + z̄ 0 et zz 0 = z̄ + z̄ 0 . Elle se prolonge naturellement aux matrices complexes,
coefficient par coefficient, et cette fonction des matrices préserve aussi l’ad-
dition et la multiplication des matrices. On la note de la même manière, et
donc, si A, B sont deux matrices (à coefficients) complexes, multipliables,
on a ĀB̄ = AB. Une propriété importante, mais simple, de la conjugaison
est que pour tout nombre complexe z, on a : z = z̄ ⇔ z ∈ R.
Tout l’algèbre linéaire avec R peut se faire avec C. En particulier, tout
matrice carrée à coefficients complexes a un polynôme caractéristique, dont
les racines sont les valeurs propres de cette matrice. Il découle du théorème
fondamental de l’algèbre que tout polynôme à coeffients complexes, non
constant, a une au moins une racine complexe.

53
Il découle ceci que si M est une matrice à coefficents complexes, elle a
au moins une valeur propre complexe.

10.5 Preuve du théorème 10.4


Preuve par récurrence sur la dimension de E : si la dimension de E est
1, il n’y a rien à démontrer.
Supposons maintenant que dim(E) > 1 et soit M la matrice de u dans
une certaine base orthonormale de E ; nous savons que M est symétrique.
Nous utilisons maintenant les nombres complexes. D’après ce qui
précède, M a une valeur propre complexe λ. Il existe un vecteur colonne
sur C tel que M v = λv. On va montrer que λ ∈ R.
On a donc M v̄ = λ̄v̄. Donc λ̄t vv̄ = t v(λ̄v̄) = t vM v̄ = t (t vM v̄) (car c’est
un scalaire = une matrice 1 × 1) = t v̄M v = t v̄λv = λt v̄v = λt vv̄.
t t t
P Ecrivons P v =2 (z1 , . . . , zn ). Alors vv̄ = (z1 , . . . , zn ) (z̄1 , . . . , z̄n ) =
i zi z̄i = i |zi | . Ce nombre est non nul, car v 6= 0 ; notons le r. Nous
venons de montrer que rλ = rλ̄. Nous en déduisons λ̄ = λ. Donc λ est un
nombre réel et, abandonnant les nombres complexes, nous retournons au
monde réel.
Soit v ∈ Rn un vecteur propre de M pour la valeur propre λ ; nous pou-
vons supposer que hv, vi = 1. Soit D la droite Rv et F = {x ∈ E | hx, vi = 0}.
Alors F est un sous-espace de E (exercice 10.7). Nous montrons que
u(F ) ⊂ F : si x ∈ F , alors hu(x), vi = hx, u(v)i (car u est un endomorphisme
symétrique) = hx, λvi = λhx, vi = 0 ; donc u(x) ∈ F . Donc la restriction u0
de u à F (c’est-à-dire la fonction u0 sur F définie par u0 (x) = u(x) pour
tout x ∈ F ) est un endomorphisme de F ; ce dernier est, par restriction du
produit scalaire de E, un espace euclidien. De plus, u0 est symétrique.
Il existe donc, par hypothèse de récurrence une base orthonormale de
F formée de vecteurs propres de u0 . En complétant par v cette base, on
obtient une base orthonormale de E : en effet, ses vecteurs sont linéairement
indépendants (exercice 10.8), et ils engendrent F . En effet, tout vecteur dans
E est somme d’un vecteur dans D et d’un vecteur dans F . Car si e ∈ E, nous
posons w = he, viv ∈ D ; alors hw, vi = hhe, viv, vi = he, vihv, vi = he, vi, et
par suite he−w, vi = he, vi−hw, vi = 0, donc e−w ∈ F ; enfin v = w+(e−w)
et w ∈ D, e − w ∈ F .
Dans cette base orthonormale de E, la matrice de u est diagonale, car
elle est formée de vecteurs propres de u.

Exercice 10.10. Démontrer directement le fait qu’une matrice symétrique


sur R de taille 2 × 2 a toutes ses valeurs propres réelles. Indication : mon-

54
trer que le discriminant du polynôme caractéristique de la matrice est ≥ 0.
Indication : utiliser l’identité (a + d)2 − 4ad = (a − d)2 .

Exercice 10.11. Montrer que si f est une appplication bilinéaire comme


dans l’exercice 10.9, et si u, v sont des endomorphismes de E, alors la fonc-
tion (x, y) 7→ f (u(x), v(y)) est bilinéaire. Vérifier d’abord que cette notation
a du sens, et déterminer les espaces de départ et d’arrivée de cette fonction.

Exercice 10.12. Montrer que l’ensemble des applications bilinéaires de E ×


E dans R (cf. exercice 10.9) est un espace vectoriel.

Exercice 10.13. Vérifier que l’application R × R 7→ R, (x, y) 7→ xy est


bilinéaire, mais ce n’est pas une application linéaire de l’espace vectoriel
R × R dans R.

Exercice
P P10.14. Avec P f comme dans l’exercice 10.9, montrer que
f ( i ai xi , j bj yj ) = i,j ai bj f (xi , y) , où les xi , yj sont des vecteurs dans
E, et les ai , bj des scalaires.

Exercice 10.15. * On rappelle que si un polynôme ax2 + bx + c ne prend


que des valeurs positives ou nulles, alors son discriminant b2 − 4ac est ≤ 0.
Dans un espace euclidien avec deux vecteurs u, v et un scalaire x, montrer
que hu + xv, u + xvi = ax2 + bx + c, et déterminer a, b, c. En déduire que
hu, vi2 ≤ hu, uihv, vi (inégalité de Cauchy-Schwartz).

Exercice 10.16. * On appelle


p norme d’un vecteur v dans un espace eucli-
dien le nombre N (v) = hu, ui. Montrer que N (v) ≥ 0, que N (v) = 0 ⇔
v = 0, et que N (av) = |a|N (v) si a est un scalaire. En utilisant l’exercice
précédent, montrer que N (u + v) ≤ N (u) + N (v) (inégalité du triangle).

Exercice 10.17. * On appelle distance de u à v dans un espace euclidien


la quantité d(u, v) = N (u − v). En utilisant l’exercice précédent, montrer
que d(u, v) ≥ 0, que d(u, v) = 0 ⇔ u = v, et que d(u, w) ≤ d(u, v) + d(v, w)
(inégalité du triangle).

55
Troisième partie
Appendice : rappels du cours de
CEGEP
11 Système d’équations linéaires : résolution par
la méthode d’élimination des variables, ou de
substitution
Cette méthode est peut-être la plus naturelle. On choisit une des va-
riables du système, on l’exprime en fonction des autres en utilisant une des
équations ; puis on remplace dans toutes les autres équations cette variable
par l’expression obtenue. Cela donne un nouveau système, avec moins de va-
riables, et moins d’équations ; il se peut que des équations soient identiques,
auquel cas on supprime les équations redondantes. On continue jusqu’à obte-
nir des variables sujettes à aucune équation : elles sont libres. En remontant
le calcul à l’envers, on exprime toutes les variables non libres en fonctions
des variables libres ; celle-ci peuvent prendre des valeurs arbitraires, et ça
donne pour chaque choix une solution du système. Il y a alors une infinité
de solutions, qui sont paramétrisées par les variables libres.
Il peut arriver qu’on ne trouve aucune variable libre : il y aura alors une
solution unique.
Il peut arriver aussi qu’on arrive à une équation contradictoire (comme
0=1), et dans ce cas le système n’a aucune solution.
Ces trois alternatives, qui sont les seules possibles, sont illustrées dans
les trois exemples très simples suivants.
Exemple 11.1.
a + 2b − c + 3d = 0, 2a − b − c − 2d = 0, 3a + b − 2c + d = 0.
Exprimons c en fonction des autres variables, en utilisant la première
équation : c = a + 2b + 3d. Remplaçons c par l’expression a + 2b + 3d dans
les autres équations : 2a − b − a − 2b − 3d − 2d = 0, 3a + b − 2a − 4b − 6d + d =
0. Ces deux équations se simplifient toutes les deux en la même équation
a − 3b − 5d = 0. Celle-ci permet d’exprimer a : a = 3b + 5d. Il n’y a plus
d’autres équations ; les variables libres sont b et d.
On remonte : c = a + 2b + 3d = 3b + 5d + 2b + 3d = 5b + 8d. On obtient
donc
a = 3b + 5d, c = 5b + 8d,

56
avec des valeurs arbitraires pour b et d. Il y a une infinité de solutions.

Exemple 11.2.
x + 3y = 8, 3x + y = 0.

Exprimons y en fonction de x avec la deuxième équation : y = −3x.


Reportons y dans la première : x + 3(−3x) = 8, c’est-à-dire −8x = 8. Donc
x = −1 et en remontant : y = −3(−1) = 3. Solution unique :

x = −1, y = 3.

Exemple 11.3.

u − v = 1, u + v + w = 2, 2u + w = 0.

Avec la première équation u = v + 1. Reportons u dans les autres :


v +1+v +w = 2, 2(v +1)+w = 0. Ça se réécrit 2v +w = 1, 2v +w = −2. On
peut déjà voir qu’il n’y aura pas de solutions. Mais soyons plus systématique :
en utilisant 2v + w = 1, on obtient w = −2v + 1. Reportons dans la dernière
équation : 2v + (−2v + 1) = −2, ce qui se réécrit en 1 = −2. Il n’y a pas de
solution.

Exercice 11.1. Résoudre : x + 2y = 4, 3x + 7y = 2.

Exercice 11.2. Résoudre : 2x + 3y − 2z = 7, x − y − z = 1, 3x + 2y − 3z = 8.

Exercice 11.3. Résoudre : 2a + 3b + 4c = 4, a − b + c = 1, 3a + 2b + 5c = 8.

Exercice 11.4. Résoudre : i + j + k + l = 0, i + j + k − l = 4, i + j − k + l =


−4, i − j + k + l = 2.

12 Matrices
12.1 Définitions (rappels)
Nous notons Mnp (R) l’ensemble des matrices de taille n × p sur R.
Une telle matrice a donc n lignes et p colonnes. On note une telle matrice
[aij ]1≤i≤n,1≤j≤p , où aij désigne le coefficient (ou élément) en position i, j
(ligne i, colonne j) de la matrice. On note la matrice aussi plus simplement
[aij ] si aucune confusion n’est à craindre.
Une matrice-ligne (resp. matrice-colonne) est un élément de M1p (R)
(resp. Mn1 (R)). On dit aussi vecteur-ligne ou vecteur-colonne. Nous écrirons
aussi Rp pour M1p (R).

57
Les lignes d’une matrice sont des matrices-lignes. Les colonnes d’une
matrice sont des matrices-colonnes.
Deux matrices sont égales si elles ont la même taille et si pour tous i, j
leur élément en position i, j sont égaux.
La matrice nulle de taille n × p est la matrice dont tous les coefficients
sont nuls. On la note 0np et plus souvent simplement 0 (c’est ce qu’on appelle
un abus de notation).
Une matrice carrée d’ ordre n est un élément de Mn (R) = Mnn (R).
Les éléments diagonaux d’une matrice carrée [aij ] sont les éléments aii . On
appelle diagonale d’une matrice les positions des éléments diagonaux. Une
matrice carrée [aij ] est dite triangulaire supérieure (resp. inférieure) si pour
tous i, j, i > j ⇒ aij = 0 (resp. i < j ⇒ aij = 0). Une matrice diagonale est
une matrice qui est triangulaire à la fois supérieure et inférieure ; autrement
dit, les éléments d’une matrice diagonale, qui sont en dehors de la diagonale,
sont nuls.
Ce vocabulaire est très intuitif : voici des exemples de matrice triangu-
laire supérieure, triangulaire inférieure, diagonale (de gauche à droite) :
     
a b c a 0 0 a 0 0
 0 d e , b c 0 , 0 b 0 
0 0 f d e f 0 0 c
On note In (ou simplement I) la matrice carrée d’ordre n, qui est dia-
gonale, avec des des 1 comme éléments diagonaux. On l’appelle la matrice
identité d’ordre n.
La transposée d’une matrice A = [aij ], de taille n × p, est la matrice,
notée t A, de taille p × n, telle que son élément en ligne i, colonne j, est
l’élément de A en colonne j, ligne i. Ecrivant t A = [bij ], ceci s’exprime par
bij = aji .

12.2 Matrices : somme et produit externe


La somme de deux matrices [aij ] et [bij de même taille est la matrice
[cij ], de même taille, dont les coefficients sont définis par cij = aij + bij . Le
produit externe d’un réel r par la matrice [aij ] est la matrice [aij ] dont les
coefficients sont définis par aij = raij . Par exemple
         
a b p q a+p b+q a b ra rb
+ = , r = .
c d r s c+r d+s c d rc rd
Ces deux opérations jouissent des propriétés suivantes : quelles que soient
les matrices de même taille X, Y, Z et les réels a, b :

58
1. X + Y = Y + X (commutativité de la somme) ;
2. (X + Y ) + Z = X + (Y + Z) (associativité de la somme) ;
3. X + 0 = 0 (0 est élément neutre pour l’addition) ;
4. Il existe une matrice X 0 telle que X + X 0 = 0 (existence de la matrice
opposée) ;
5. 1X = X (le produit externe de 1 ∈ R avec X est égal à X) ;
6. (a + b)X = aX + bX (distributivité) ;
7. a(X + Y ) = aX + aY (distributivité) ;
8. (ab)X = a(bX) (associativité).
L’associativité de la somme permet d’omettre les parenthèses : on écrit
A + B + C au lieu de (A + B) + C. Plus généralement, A1 + . . . + Ak
désigne la somme des ces k matrices (de même taille !) avec n’importe quel
parenthésage.
Soient A1 , . . . , Ak ∈ Mnp (R) et a1 , . . . , ak ∈ R. On appelle a1 A1 + · · · +
ak Ak une combinaison linéaire des matrices A1 , . . . Ak . Les ai s’appellent les
coefficients de cette combinaison linéaire ; plus précisément ai est le coeffi-
cient de Ai .
S’il existe une combinaison linéaire telle que a1 A1 +· · ·+ak Ak = 0 et que
les coefficients ai ne sont pas tous nuls, on dit que les matrices A1 , . . . , Ak
sont linéairement dépendantes.
Exercice 12.1. Calculer la combinaison linéaire dans M2 (R) :
       
1 0 y+z 0 1 z − y 0 −1 0 0
x + + +t .
0 0 2 1 0 2 1 0 0 1

12.3 Produit de matrices


Soient A = [aij ], B = [bij ] des matrices de tailles respectives n × p et
p × q (le nombre de colonnes de A est égal au nombre de lignes de B). Le
produit AB de ces deux matrices est la matrice C = [cij ], de taille n × q (le
nombre de lignes de C est égal au nombre de lignes de A et son nombre de
colonnes à celui de B), est défini par :
k=p
X
cij = aik bkj .
k=1

Notez que cela s’exprime aussi comme suit :

cij = ai1 b1j + ai2 b2j + · · · + aip bpj .

59
Le produit des matrices jouit des propriétés suivantes : soient A, A0 ∈
Mnp (R), B ∈ Mpq (R), C ∈ Mqr (R), on a :
1. (AB)C = A(BC) (associativité du produit)
2. (A + A0 )B = AB + A0 C (distributivité) ;
3. A(B + B 0 ) = AB + AB 0 (distributivité) ;
4. In A = A, BIp = B (élément neutre pour le produit) ;
5. a(AB) = (aA)B = A(aB) ;
Comme pour l’addition, l’associativité permet d’omettre les parenthèses :
on écrit simplement ABC au lieu de (AB)C. Plus généralement A1 · · · Ak
désigne le produit de ces k matrices, avec n’importe quel parenthésage.
Comme conséquence immédiate de la formule du produit de deux ma-
trices, on note que le produit d’une matrice nulle par une matrice quel-
conque, à gauche ou à droite est toujours une matrice nulle.
Pour un entier naturel k > 0, on définit la puissance k-ème d’une matrice
carrée A ∈ Mn (R) : An = AA · · · A, avec n facteurs A.

Proposition 12.1. La transposée d’un produit est égal au produit des trans-
posées dans l’autre sens.

La preuve est laissée en exercice.

Exercice 12.2. Trouver des matrices A et B telles que AB 6= BA.


 
0 a b
Exercice 12.3. Calculer le cube de la matrice 0
 0 c .
0 0 0
 
0 −1
Exercice 12.4. Calculer la puissance n-ème de la matrice .
1 0
 
1 1 1
Exercice 12.5. Calculer la puissance n-ème de la matrice  1 1 1 
1 1 1
(n ≥ 1). Indication : essayer avec n = 1, 2, 3, deviner une formule générale
et la prouver par récurrence sur n.
 
a b
Exercice 12.6. Soit M = . Montrer que M 2 − (a + d)M + (ad −
c d
bc)I2 = 0.

60
Exercice 12.7. Soit L = (a1 , . . . , an ) une matrice ligne et M une matrice de
taille n × p dont les lignes sont L1 , . . . , Ln . Montrer que LM est la matrice-
ligne égale à la combinaison linéaire a1 L1 + · · · + an Ln .
Exercice 12.8. Enoncer un analogue du résultat de l’exercice précédent
avec une matrice-colonne et avec les colonnes d’une matrice.
Exercice 12.9. La trace d’une matrice carrée M , notée Tr(M ), est la
somme de ses éléments diagonaux. a) Montrer que si A ∈ Mnp (R) et
B ∈ Mpn (R), alors AB et BA sont des matrices carrées et Tr(AB) =
Tr(BA). b) Montrer qu’il n’existe pas de matrices A, B ∈ Mn (K) telles
que AB − BA = In (n ≥ 1).
Exercice 12.10. Montrer que si M est une matrice, alors M t M est une
matrice carrée, dont la trace est égale à la somme des carrés de tous les
coefficients de M .
Exercice 12.11. Soit A une matrice carrée et k un entier naturel > 0.
Montrer par récurrence sur k que (I − A)(I + A + A2 + · · · + Ak ) = I − Ak+1 .
En déduire que si A est nilpotente (c’est-à-dire : il existe une puissance de
A qui est nulle), alors I − A est inversible à droite ; de manière analogue,
qu’elle est inversible à gauche.
Exercice 12.12. Soient A, B des matrices triangulaires supérieures d’ordre
n, dont les éléments diagonaux sont repectivement a1 , . . . , an et b1 , . . . , bn .
Montrer que les éléments diagonaux de la matrice AB sont a1 b1 , . . . , an bn .
Exercice 12.13. Soient A, B des matrices
Pi=n carrées
 i den−i
même taille. Montrer
n
que la formule du binôme (A + B)n = i=1 i A B est vraie si AB =
BA. Montrer par un contre-exemple qu’elle n’est pas vraie en général (n = 2
suffira).

12.4 Matrices inversibles


Définition 12.1. Une matrice carrée A d’ordre n est dite inversible à
gauche (resp. inversible à droite) s’il existe une matrice de même taille B
(resp. C) telle que BA = In (resp. AC = In ).
Elle est dite inversible s’il existe B telle que AB = BA = In .
Proposition 12.2. Si une matrice a un inverse à gauche et un inverse à
droite, alors ces inverses sont égaux et la matrice est inversible.
Démonstration. Par hypothèse, BA = I = AC. Il suffit de montrer que
B = C. On a : B = BI = B(AC) = (BA)C = IC = C.

61
Il découle de cette proposition que si l’inverse d’une matrice A existe,
cette matrice inverse est unique. On note A−1 l’inverse de la matrice A.

Proposition 12.3. Soient A1 , . . . , Ak des matrices carrées de même taille,


inversibles. Alors leur produit est inversible et (A1 · · · Ak )−1 = A−1 −1
k · · · A1 .

Autrement dit, l’inverse d’un produit de matrices inversibles est leur


produit, mais dans l’autre sens.

Démonstration. Ça se prouve par récurrence sur k. Si k = 1, il n’y a rien


à prouver. Supposons que le résultat soir vrai pour k et déduisons-en qu’il
est vrai pour k + 1. Soient A1 , . . . , Ak+1 des matrices carrées inversibles de
même taille. Par hypothèse de récurrence, A1 · · · Ak est inversible et son in-
verse est A−1 −1 −1 −1
k · · · A1 . On donc (A1 · · · Ak )(Ak · · · A1 ) = I. On en déduit
que (A1 · · · Ak+1 )(A−1 −1 −1 −1 −1
k+1 · · · A1 ) = (A1 · · · Ak )Ak+1 Ak+1 (Ak · · · A1 ) =
−1 −1 −1 −1
(A1 · · · Ak )I(Ak · · · A1 ) = (A1 · · · Ak )(Ak · · · A1 ) = I.

Proposition 12.4. Si une matrice est inversible, sa transposée l’est aussi


et l’inverse de la transposée est la transposée de l’inverse.

La preuve est laissée en exercice.

Exercice 12.14. Soient A, B des matrices carrées de même taille. Montrer


que si AB est inversible à droite, alors A est inversible à droite.

Exercice 12.15. Montrer que si A est une matrice inversible à droite et B


une matrice telle que BA = 0, alors B = 0.

Exercice 12.16. Soit


et 2tet (t2 − 4)et 2 + 2(t − 1)et
 
 0 et tet et − 1 
R(t) = 
 0 t
.
0 e 0 
0 0 0 1

a) Montrer que R(t+s) = R(t)R(s) pour tous nombres réels t et s. b) Quelle


est l’inverse de R(t) ?.

Exercice 12.17. Montrer que si deux matrices carrées A, B commutent


(c’est-à-dire AB = BA), et si elles sont inversibles, alors A et B −1 com-
mutent, ainsi que A−1 et B −1 .

62
Exercice 12.18. Soient A ∈ Mn (R), On suppose que A et In + A sont
inversibles. a) Montrer que In +A−1 a pour inverse A(In +A)−1 . b) Montrer
que (In + A−1 )−1 + (In + A)−1 = In .

Exercice 12.19. Montrer que si une matrice carrée A satisfait A2 = A,


alors I − A n’est pas inversible, sauf si A = 0.
 
1 1 1
Exercice 12.20. Soit J la matrice 31  1 1 1 . Calculer J 2 et (I − J)J.
1 1 1
En déduire que les matrices J et I − J ne sont pas inversibles.

Exercice 12.21. Montrer que si A, P sont des matrices carrées de même


taille, et si P est inversible, alors Tr(P −1 AP ) = Tr(A). Utiliser l’exercice
12.9.

Exercice 12.22. On suppose que A est une matrice carrée non nulle telle
que A2 = A. Pour r, s ∈ R, montrer que (I + rA)(I + sA) = (I + sA)(I + rA)
est une combinaison linéaire de I et A. En déduire que I + rA est inversible
sauf si r = −1.

12.5 Système d’équations linéaires de Cramer


Définition 12.2. Le système d’équations linéaires AX = B, où A est une
matrice inversible d’ordre n, où X = (x1 , . . . , xn )t est une matrice-colonne
de variables et où B = (b1 , . . . , bn )t est une matrice colonne, est appelé un
système de Cramer.

Théorème 12.1. Un système de Cramer a une unique solution, qui est


X = A−1 B.

Démonstration. Si AX = B, on obtient par multiplication par A−1 à


gauche : X = IX = A−1 AX = A−1 B. Réciproquement, si X = A−1 B,
on obtient par multiplication à gauche par A : AX = AA−1 B = B.

12.6 Opérations de lignes


Définition 12.3. Les opérations de lignes sont de trois sortes, où A, B sont
des matrices de même taille et où A −→ B signifie qu’on transforme A en
B par l’opération en question :
li +alj
1. A −→ B, qui signifie qu’on a ajouté à la ligne i de A la ligne j de
A préalablement multipliée par a (i 6= j, a ∈ R, a 6= 0).

63
(ij)
2. A −→ B, qui signifie qu’on a échangé les lignes i et j dans A (i 6= j).
ali
3. A −→ B, qui signifie qu’on a multiplié par a la ligne i de A (a ∈ R,
a 6= 0).

Définition 12.4. Une matrice élémentaire est une matrice obtenue à partir
d’une matrice identité par une opération de ligne.

Proposition 12.5. Si A−→B par une opération de ligne, alors B = P A,


où P est la matrice élémentaire correspondant à cette opération.

Démonstration. C’est un excellent exercice, un peu long.

Proposition 12.6. Toute matrice élémentaire a un inverse qui est aussi


une matrice élémentaire.
li +alj li −alj
Démonstration. Si A −→ B, on a clairement aussi B −→ A. Soit P la
li +alj
matrice élémentaire correspondant à l’opération li +alj . On a donc I −→ P
li −alj
et par ce qui précède, P −→ I. La proposition précédente montre implique
que I = QP , où Q est la matrice élémentaire qui correspond à l’opération
de lignes li − alj .
En remplaçant a par −a dans le raisonnement précédent, on trouve que
I = P Q. Donc l’inverse de P est Q.

Corollaire 12.1. Si on transforme A en B par une suite d’opérations de


lignes, alors il existe une matrice inversible P telle que B = P A. En fait, P
est produit de matrices élémentaires.

Démonstration. Raisonnons par récurrence sur le nombre d’opérations de


lignes qui transforment A en B. L’assertion à prouver est la suivante : si A
est transformé en B par n opérations de lignes, alors il existe P produit de
matrices élémentaires telle que B = P A.
Si n = 1, c’est-à-dire A → B par une opération de lignes, alors B = P A
où P est une matrice élémentaire (Proposition 12.5).
L’hypothèse de récurrence est que l’assertion est vraie pour n. Soit alors
des matrices A et B telles que B s’obtient de A par n + 1 opérations de
lignes. Il existe alors une matrice B 0 telle que B 0 s’obtienne de A par n
opérations de lignes, et que B 0 → B par une opération de lignes. Par
hypothèse de récurrence, il existe une matrice P qui est un produit de
matrices élémentaires telle que B 0 = P A ; de plus, par la proposition
12.5, il existe une matrice élémentaire P 0 telle que B = P 0 B 0 . On a alors

64
B = P 0 B 0 = P 0 P A = (P 0 P )A est l’assertion pour n + 1 s’ensuit, car P 0 P
est un produit de n + 1 matrices élémentaires.
Pour conclure la preuve, il suffit d’appliquer la proposition 12.3.

Définition 12.5. Une matrice est dite échelonnée si elle a les propriétés
suivantes :
— si une ligne est nulle, toutes les nulles plus basses sont nulles ;
— si une ligne est non nulle, le premier coefficient non nul dans cette
ligne est 1 (on appellera pivot un tel élément) ;
— si une ligne est non nulle, avec le premier coefficient non nul en
colonne j, alors la ligne suivante a son premier coefficient non nul
en colonne > j.
Une matrice échelonnée a l’allure suivante :
 
0 ... 0 1 × ... ... ... ... ... ... ... ... ... ×

 0 ... ... ... ... ... 0 1 × ... ... ... ... ... ×  
 .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 

 . . . . . . . . . . . . . . . 


 0 ... ... ... ... ... ... ... ... ... 0 1 × ... ×  

 0 ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... 0  
 .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. .. 
 . . . . . . . . . . . . . . . 
0 ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... 0
Théorème 12.2. (Algorithme de Gauss-Jordan) On peut par une suite
d’opérations de lignes transformer toute matrice en une matrice échelonnée.
Preuve et algorithme. On va raisonner de manière un peu littéraire.
Etape 1. Si la matrice a sa première colonne nulle, on travaille sur la
matrice obtenue en la supprimant, et on la rétablit à la fin. On obtient bien
une matrice échelonnée, car si on rajoute une colonne nulle à gauche d’une
matrice échelonnée, on obtient une matrice échelonnée.
Etape 2. On peut donc supposer que la première colonne comporte un
élément non nul. On en choisit un (de préférence le plus petit possible, 1 si
c’est possible). Par une opération (1i), on le ramène en haut à gauche. Par
une opération al1 , on le change en 1. Puis par des opérations li + al1 , on
annule tous les autres éléments de la première colonne (donc avec i ≥ 2).
Etape 3 : On a maintenant une matrice de la forme.
 
1 × ... ×
 0 × ... × 
 
 .. .. .. .. 
 . . . . 
0 × ... ×

65
On retourne à l’étape 1 pour la matrice obtenue en supprimant la première
ligne et la première colonne. On les rétablira à la fin, et on obtiendra une
matrice échelonnée.

Dans la pratique, on peut ne pas supprimer des lignes ou des colonnes,


mais on les garde tout au cours du calcul. C’est peu plus lourd, mais ça évite
de devoir les garder en mémoire.
Proposition 12.7. Si une matrice échelonnée a plus de lignes que de co-
lonnes, alors sa dernière ligne est nulle.
Démonstration. Soit n × p la taille de la matrice. On a par hypothèse p < n.
Soit m le nombre de lignes non nulles.
Soit ϕ la fonction de {1, . . . , m} dans {1, . . . , p} qui à i associe l’indice j
de la colonne où se trouve le pivot de la ligne i. C’est une fonction injective,
car les pivots sont tous dans des colonnes ditinctes. De l’injectivité on déduit
que m ≤ p. Donc m ≤ p < n, d’où m < n.
Il y a donc moins de lignes non nulles que de lignes. Il existe donc au
moins une ligne nulle.

Corollaire 12.2. Si une matrice a plus de lignes que de colonnes, ses lignes
sont linéairement dépendantes.
Autrement dit : soit M ∈ Mnp (K] avec n > p ; soient l1 , . . . , ln ses
lignes (chacune d’elles est une élément de M1p (R)) ; alors il existe des réels
a1 , . . . , an tels que a1 l1 + . . . + a)nln = 0 et que (condition essentielle !)
(a1 , . . . , an ) 6= (0, . . . , 0).
Par exemple, pour  
1 2
M =  3 4 ,
5 6
on a (1, 2) − 2(3, 4) + (5, 6) = (0, 0) (autrement dit les réels a1 , a2 , a3 sont ici
1, −2, 1).

Preuve. Soit M cette matrice, de taille n × p. Il existe par le corollaire


12.1 et le théorème 12.2 une matrice inversible P et une matrice échelonnée
N telle que N = P M . On a donc M = IM = P −1 P M = P −1 N . La
matrice N a sa dernière ligne nulle par la proposition 12.7. On a donc, avec
v = (0, . . . , 0, 1), qui est un vecteur-ligne de longueur n : vN = 0. Posons
u = (a1 , . . . , an ) = vP ; alors uM = vP P −1 M = vN = 0, ce qui exprime
exactement que a1 l1 + . . . + an ln = 0. Mais u n’est pas nul : sinon v = uP −1
serait nul, ce qui n’est pas.

66
Exercice 12.23. Soit A ∈ Mn (R). Montrer que si on transforme par des
opérations de lignes la matrice [A, In ] (c’est une matrice de taille n × 2n
obtenue en plaçant In à la droite de A) en la matrice [B, P ], alors B = P A
(indication : montrer d’abord que Q[A, B] = [QA, QB]).
Exercice 12.24. Pour des matrices A, B de même taille, on écrit A ∼ B si
on peut obtenir B à partir de A par une suite d’opérations de lignes. Montrer
que ∼ est relation d’équivalence, c’est-à-dire qu’on a les trois propriétés
(A, B, C sont quelconques, mais de même taille) : (i) A ∼ A ; (ii) A ∼ B
implique B ∼ A ; (iii) A ∼ B et B ∼ C implique A ∼ C.
Exercice 12.25. Montrer que certaines opérations de lignes commutent.
li +alj l +bl l +bl li +alj
Par exemple que si A −→ B i−→k C et A i−→k B 0 −→ C 0 , alors C =
C 0 . En déduire que les matrices élémentaires correspondant aux opérations
li +alj et li +blk commutent. Montrer que ce n’est pas vrai pour les opérations
l1 + l2 et l2 + l1 , ni pour les matrices élémentaires correspondantes.
Exercice 12.26. Prouver le corollaire 12.2 en utilisant la proposition 7.3.
Exercice 12.27. * Pour n, p fixé, quel est le nombre de formes possibles de
matrice échelonnées ?

12.7 Système d’équations linéaires : méthode de Gauss


Définition 12.6. Une matrice est dite échelonnée réduite si elle est
échelonnée et si de plus pour chaque pivot, sa colonne ne comporte à part
lui que des 0.
Proposition 12.8. On peut par des transformations de lignes transformer
toute matrice en un matrice échelonnée réduite.
Preuve et algorithme. On peut partir d’une matrice échelonnée. Il suffit
d’appliquer pour chaque pivot, en position i, j, des opérations de lignes
lk + ali , k < i, de manière a annuler l’élément en position k, j.
Définition 12.7. La matrice du système d’équations linéaires homogènes
(c’est- à-dire, dont les seconds membres sont nuls), à p inconnues x1 , . . . , xp
et n équations
a11 x1 + a12 x2 + · · · + a1p xp = 0,
a21 x1 + a22 x2 + · · · + a2p xp = 0,
...,
an1 x2 + an2 x2 · · · + anp xp = 0,
est la matrice [aij ]1≤i≤n,1≤j≤p .

67
Pour résoudre ce système, on transforme la matrice en une matrice
échelonnée réduite. Le système correspondant à cette nouvelle matrice est
équivalent au précédent (c’est-à-dire, a les mêmes solutions). Alors les va-
riables correspondant aux pivots (c’est-à-dire, les xj avec un pivot en colonne
j) sont appelées liées et les autres sont libres 4 . Le nouveau système permet
d’exprimer les variables liées en fonction des variables libres, qui peuvent
prendre des valeurs arbitraires.
Pour un système général, où les seconds membres sont b1 , . . . , bn (en
place des 0 ci-dessus), la matrice du système est la même que ci- dessus sauf
qu’on y rajoute à droite la colonne (b1 , . . . , bn )t . On transforme cette matrice
en une matrice échelonnée réduite. Le nouveau système est équivalent au
précédent. S’il y a une ligne de la forme [0, . . . , 0, c], alors on a une équation
du type 0x1 + · · · + 0xp = c ; s’il y en a une avec c 6= 0, le sytème n’a
pas de solution. Sinon, on obtient comme ci-dessus des expressions pour les
variables liées en fonction des variables libres. S’il n’y a pas de variable libre,
il y a une solution unique. Sinon, il y a une infinité de solutions obtenues en
donnant des valeurs arbitraires aux variables libres.
Un examen attentif de la méthode de substitution et de la méthode ci-
dessus révèle qu’elles sont essentiellement équivalentes : à condition, pour
la méthode de substitution, de se donner un ordre sur les variables, qu’on
éliminera dans cet ordre.
Une autre conséquence de l’existence de la matrice échelonnée réduite
est la caractérisation suivante des matrices inversibles.

Corollaire 12.3. Une matrice carrée est inversible si et seulement si elle


est produit de matrices élémentaires.

On utilise dans la preuve qui suit le résultat suivant, laissé en exercice :


si une matrice carrée est échelonnée réduite, et si elle n’a pas de ligne nulle,
alors c’est la matrice identité.

Démonstration. Un produit de matrices élémentaires est inversible (proposi-


tion 12.3 et corollaire 12.6). Réciproquement, soit A une matrice inversible.
Il existe donc, par la proposition 12.8 et le corollaire 12.1, une matrice P
qui est produit de matrice élémentaires et une matrice B échelonnée réduite
telle que B = P A. Alors B est inversible (proposition 12.3), car elle est
un produit de matrices inversibles ; donc B doit être la matrice identité I
(sinon elle a une ligne nulle, et ne peut être inversible). Donc, en multipliant
4. On dit aussi variables indépendantes, resp. dépendantes, pour variables libres, resp.
liées.

68
I = P A à gauche par P −1 , on trouve A = P −1 : donc A est un produit de
matrices élémentaires par la proposition 12.3 et le corollaire 12.6.

Exercice 12.28. * Retravailler la preuve du corollaire 12.3 pour montrer


que si A est carrée et inversible à droite, alors elle est produit de ma-
trices élémentaires (indication : B est inversible à droite, carrée et réduite
échelonnée ; donc sa dernière ligne n’est pas nulle) ; donc inversible. En
déduire, par transposition, qu’une matrice est inversible à droite si et seule-
ment si elle est inversible à gauche.

13 Déterminants
13.1 Développement selon la première colonne
Définition 13.1. Soit A = [aij ] une matrice carrée d’ordre n. Le
déterminant de A, noté det(A) ou aussi |A|, est défini récursivement
comme suit : si n = 1, c’est a11 ; si n ≥ 2, c’est a11 ∆11 − a21 ∆21 +
. . . + (−1)n+1 an1 ∆n1 , où ∆ij est le déterminant de la matrice (de taille
n − 1 × n − 1)obtenue en supprimant dans A la i-ème ligne et la j-ème
colonne.

Proposition 13.1. Le déterminant d’une matrice triangulaire est égal au


produit de ses éléments diagonaux.

Démonstration. Si la matrice est triangulaire supérieure, on a par définition


du déterminant det(A) = a11 ∆11 . Par hypothèse de récurrence ∆11 =
a22 · · · ann . D’où le résultat.
Si la matrice est triangulaire inférieure, alors ∆i1 est pour i ≥ 2 le
déterminant d’une matrice triangulaire dont la première ligne est nulle ; par
hypothèse de récurrence son déterminant est nul. On a donc det(A) = a11 ∆11
et on conclut comme dans le cas précédent.

Proposition 13.2. Soient A, A0 , A00 trois matrices carrées qui ne diffèrent


que par leur i-ème ligne (leurs i-emes lignes sont notées respectivement
li , li0 , li00 ).
1. Si li = li0 + li00 ; alors det(A) = det(A0 ) + det(A00 ).
2. Si li = ali0 , alors det(A) = a det(A0 ).

Démonstration. Nous ne démontrons que la deuxième partie, l’autre étant


analogue et laissée en exercice. Si n = 1, c’est clair. On a par définition
det(A) = a11 ∆11 − a21 ∆21 + . . . , det(A0 ) = a011 ∆011 − a021 ∆021 + . . .. Par

69
hypothèse de récurrence sur n, ∆0k1 = a∆k1 si k 6= i. De plus a0k1 = ak1 si
k 6= i, a0i1 = aai1 et ∆0i1 = ∆i1 . Donc det(A0 ) = a det(A).

Proposition 13.3. Soit B une matrice carrée obtenue de A par une


opération de ligne. Si c’est une opération li + alj , elles ont même
déterminant. Si c’est une opération ali , on a det(B) = a det(A). Si c’est
une opération (ij), on a det(B) = − det(A).

Lemme 13.1. 1. Si dans une matrice A, on échange deux lignes adjacentes,


alors son déterminant est multiplié par −1.
2. Si dans une matrice carrée, deux lignes sont égales, son déterminant
est nul.

Démonstration. 1.Soit A0 la matrice obtenue par l’échange. On a det(A) =


a11 ∆11 − a21 ∆21 + . . . , det(A0 ) = a011 ∆011 − a021 ∆021 + . . .. Si k 6= i, i + 1,
alors ∆0k1 = −∆k1 par hypothèse de récurrence ; de plus, ak1 = ak1 . On
a aussi a0i1 = ai+1,1 , a0i+1,1 = ai1 , ∆0i1 = ∆i+1,1 , ∆0i+1,1 = ∆i1 . Donc
(−1)k+1 a0k1 ∆0k1 = −(−1)k+1 ak1 ∆k1 si k 6= i, i + 1. Et (−1)i+1 a0i1 ∆0i1 =
−(−1)i+2 ai+1,1 ∆i+1,1 et enfin (−1)i+2 a0i+1,1 ∆0i+1,1 = −(−1)i+1 ai1 ∆i1 . Il
découle de tout ceci que det(A0 ) = − det(A).
2. Supposons que dans la matrice A, li = lj , avec i < j. Raisonnons par
récurrence sur j − i. Si ceci vaut 1, soit A0 obtenue en échangeant les deux
lignes ; alors A = A0 et det(A) = det(A0 ). Mais d’après 1., on a det(A0 ) =
− det(A). Donc det(A) = 0. Supposons maintenant que j − i ≤ 2. Soit
B la matrice obtenue en échangeant dans A les lignes j et j − 1. Alors
det(B) = − det(A) par 1. Dans B les lignes i et j − 1 sont égales. Par
hypothèse de récurrence (car j − 1 − i < j − i), on a det(B) = 0. Donc
det(A) = 0.

Preuve de la proposition 13.3. Soit A0 la matrice obtenue par l’opération de


ligne.
1. Soit B obtenue de A en y remplaçant li par lj . Alors det(B) = 0 par
le lemme 13.1. Par la proposition 13.2, on a det(A0 ) = det(A) + a det(B).
Donc det(A0 ) = det(A).
2. Déjà vu dans la proposition 13.2.
3. On suppose que l’opération échange les lignes i et j da A. Soit M
(resp. B, resp. C) la matrice ayant les mêmes lignes que A, sauf la i-ème et
la j-ème toutes deux égales à li + lj (resp. li , resp. lj ). D’après le lemme, le
déterminant de ces trois matrices est nul. Mais d’après la proposition 13.2,
utilisée trois fois, on a det(M ) = det(B) + det(A) + det(A0 ) + det(C). Donc
det(A0 ) = − det(A).

70
Corollaire 13.1. Soit E une matrice élémentaire, obtenue en appliquant
à la matrice identité une opération de ligne (voir la définition 12.4). Alors
son déterminant est 1 si c’est une opération li + alj , a si c’est une opération
ali , et −1 si c’est une opération (ij).
 
1 1 1
Exercice 13.1. Montrer que le déterminant de la matrice  a b c 
a2 b2 c2
est égal à (b − a)(c − a)(c − b). Généraliser à des tailles plus grandes.

Exercice 13.2. Soient v = (a, b, c) et v = (a0 , b0 , c0 ) deux vecteurs non nuls


dans 3 0
R . Montrer
que si v, v sont linéairement dépendants si et seulement
a b b c a c
si 0 0 = 0 0 = 0 0 = 0.
a b b c a c

13.2 Formule du produit


Théorème 13.1. Soient A, B des matrices carrées de même taille. Alors
det(AB) = det(A) det(B).

Lemme 13.2. Si B = EA où A, B, E sont des matrices carrées de même


taille, avec E élémentaire alors, det(B) = det(E) det(A).

Démonstration. Cela découle des propositions 12.5, 13.3 et du corollaire


13.1.

Preuve du théorème 13.1. 1. Si A est une matrice élémentaire, alors la for-


mule est vraie par le lemme 13.2.
2. Supposons que A soit inversible. Alors, grâce au corollaire 12.3, A est
un produit de k matrices élémentaires, A = E1 · · · Ek . Si k = 1 on conclut
grâce à 1. Supposons que k ≥ 2. On alors det(AB) = det(E1 (E2 · · · Ek B)) =
det(E1 ) det(E2 · · · Ek B) (par 1.) = det(E1 ) det(E2 · · · Ek ) det(B) (par
récurrence sur k) = det(A) det(B) (par le cas 1).
3, Supposons que A ne soit pas inversible. Alors il existe une matrice
inversible (produit de matrices élémentaires) P telle que P A soit échelonnée
réduite. Cette matrice n’est pas inversible (sinon A le serait), donc sa
dernière ligne est nulle (si elle ne l’était pas, ça serait la matrice identité).
Alors la dernière ligne de P AB est nulle. Le déterminant d’une matrice dont
la dernière ligne est nulle est nul (multiplier par −1 cette dernière ligne et
appliquer la proposition 13.2). Donc det(P A) = det(P AB) = 0. Mais nous
savons déjà que det(P A) = det(P ) det(A) et det(P AB) = det(P ) det(AB).
Le déterminant de P est non nul, car P est produit de matrices élémentaires,

71
et que son déterminant est le produit de leurs déterminants (par 2.), qui
sont non nuls par le corollaire 13.1. Donc det(A) = 0 = det(AB). D’où
det(AB) = det(A) det(B).

Corollaire 13.2. Le déterminant du produit de plusieurs matrices est égal


au produit de leurs déterminants.

Démonstration. On utilise le théorème et on fait une récurrence sur le


nombre de matrices dans le produit.

13.3 Inversion des matrices et déterminants


Théorème 13.2. Une matrice carrée A est inversible si et seulement si son
déterminant est non nul. Dans ce cas, l’élément en position i, j de A−1 est
(−1)i+j ∆ji
det(A) .

j+k a ∆
P
Lemme 13.3. j (−1) ij kj = δik det(A).

Démonstration.

Preuve du théorème 13.2. Si A est inversible, d’inverse B, alors AB = I,


et d’après le théorème 13.1, det(A) det(B) = det(I) = 1. Donc det(A) est
inversible.
Réciproquement, supposons que det(A) soit non nul. Posons bij =
(−1)i+j ∆ji P P (−1)k+j ∆kj
det(A) , et soit B = [bij ]. On a j aij bjk = j ai j det(A) =
1 P j+k
det(A) j (−1) aij ∆kj . Par le lemme, ceci vaut δik . Donc AB = I. On
a aussi BA = I d’après le corollaire ??.

Corollaire 13.3. Le déterminant d’une matrice est égal à celui de sa trans-


posée.

Démonstration. Par le corollaire 13.1, c’est vrai pour les matrices


élémentaires. C’est donc vrai pour tout produit de matrices élémentaires
(corollaire 13.2), donc pour toute matrice inversible (corollaire 12.3). Pour
traiter le cas d’une matrice non inversible, on applique le théorème 13.2 et
la proposition 12.4.

Exercice 13.3. Déduire du théorème l’inverse d’une matrice carrée d’ordre


2.

72
13.4 Développement du déterminant selon une ligne ou co-
lonne quelconque
Les formules qui suivent s’appellent “formules de Laplace”.

Théorème 13.3. Le déterminant d’une matrice A = (aij ) carrée d’ordre n


s’obtient par l’une des 2n formules suivantes :

det(A) = (−1)i+1 ai1 ∆i1 + (−1)i+2 ai2 ∆i2 + · · · + (−1)i+n ain ∆in

(développement selon la i-ème ligne) ;

det(A) = (−1)j+1 a1j ∆1j + (−1)j+2 a2j ∆2j + · · · + (−1)j+n anj ∆nj

(développement selon la j-ème colonne).

13.5 Système de Cramer (suite)


Théorème 13.4. L’unique solution du système de Cramer AX = B est
déterminée par : soit Di le déterminant de la matrice obtenue à partir de A
en y remplaçant la i-ème colonne par B ; alors xi = Di / det(A).

14 Solutionnaire (esquisses)
Exercice 2.1 A × B = {(1, 4), (1, 5), (2, 4), (2, 5), (3, 4), (3, 5)} ; P(A) =
{∅, {1}, {2}, {3}, {1, 2}, {1, 3}, {2, 3}, {1, 2, 3}, } ; P(B) = {∅, {3}, {4}, B} ;
P(P(B)) = {∅, {∅}, {{3}}, {{4}}, {B}, {{3}, {4}}, {{3}, B}, {{4}, B}, etc...}
(16 éléments).
Exercice 2.3 Tous vrais sauf e) qui est faux.
Exercice 2.4 C’est l’ensemble des nombres entiers naturels composés,
c’est-à-dire produit de deux entiers naturels ≥ 2 ; autrment dit, c’est l’en-
semble des entiers naturels, distincts de 0 et 1, et qui ne sont pas premiers.
Exercice 2.5 Soit a un élément de A est B = A \ {a}. Alors |B| = n − 1
et on peut admettre (hypothèse de récurrence) que la cardinalité de P(B)
est 2n−1 . A toute partie E de A, on associe la partie F = E ∩ B de B.
Pour une partie F de B donnée, il y a exactement deux parties de A qui lui
correspondent ainsi ; à savoir F et F ∪ {a}. On en déduit que la cardinalité
de P(A) dux fois celle de P(B).
Exercice 2.6 a) x ∈ (A ∪ B) \ (A ∩ B) ⇔ x ∈ A ∪ B et x ∈ / A∩B ⇔ x
appartient à l’un des ensembles, mais pas aux deux ⇔ x ∈ A \ B ou x ∈
B \ A ⇔ x ∈ (A \ B) ∪ (B \ A) .

73
b) x ∈ A ∩ B ⇔ x ∈ A et x ∈ B ⇔ x ∈ A et non(x ∈ / B) ⇔ x ∈ A et
non(x ∈ A \ B) ⇔ x ∈ A \ (A \ B).
Exercice 3.1 R n’est pas fonctionnelle car (1, 2) et (1, 3) sont tous deux
dans R. L’autre relation est fonctionnelle ; en effet il n’y a pas de a, b, c tels
que (a, b) et (a, c) sont dans cette relation et que de plus b 6= c.
Exercice 3.2 Ces égalités découlent de la définition d’une fonction au
début de la section 3.1.
Exercice 3.3 Faux. On a en effet le contre-exemple suivant f (1) = f (2) =
1, X = {1, 2}, Y = {2}. Alors X \Y = {1}, f (X \Y ) = {1} et f (X)\f (Y ) =
{1} \ {1} = ∅.
Exercice 3.4 Si z ∈ g ◦ f (X), alors il existe x ∈ X tel que z = g ◦ f (x) =
g(f (x) ; alors y = f (x) ∈ f (X), donc z = g(y) ∈ g(f (X)). Réciproquement,
si z ∈= g(f (X), alors il existe y ∈ f (X) tel que z = g(y) ; alors il existe
x ∈ X tel que y = g(x), donc z = g(f (x)) = g ◦ f (x) ∈ g ◦ f (X).
Si x ∈ (g ◦ f )−1 (Y ), alors (g ◦ f )(x) ∈ Y , donc g(f (x) ∈ Y , donc f (x) ∈
g −1 (Y ), donc x ∈ f −1 (g −1 (Y )). Réciproquement, si x ∈ f −1 (g −1 (Y )), alors
f (x) ∈ g −1 (Y ), donc g(f (x)) ∈ Y , donc (g◦f ()x) ∈ Y , donc x ∈ (g◦f )−1 (Y ).
Exercice 3.5 (i) Si g ◦ f (a) = g ◦ f (a0 ), alors g(f (a)) = g((a0 )), donc g
étant injective f (a) = f (a0 ), donc f étant injective, a = a0 .
(ii) Si f (a) = f (a0 ), alors g(f (a)) = g(f (a0 )), donc g ◦ f (a) = g ◦ f (a0 ),
donc g ◦ f étant injective a = a0 .
(iii) Soit c ∈ C ; comme g ◦ f est injective, il existe a ∈ A tel que
c = g ◦ f (a) ; on a donc c = g(f (a) et c est donc dans l’image de g.
Exercice 3.6
Exercice 5.4 (i) On a u = 3v − w + x, donc 3v = u + w − x et enfin
v = 13 u + 31 w − 13 x. (ii) On a au = −bv − cw, et comme a 6= 0, on peut
multiplier les deux côtés par le scalaire a1 et on obtient u = − ab v − ac w.
Si u était nul, la preuve ci-dessus ne marcherait pas, car on ne pourrait
pas multiplier par ce scalaire. Plus précisément voici un contre-exemple :
u = (1, 0, 0), v = (0, 1, 1), w = (0, −1, −1) ; on a au + bv + cw = 0, avec
a = 0, b = 1, c = 1 mais u n’est pas combinaison linéaire de v et w (prouvez-
le). (iii) u = 3v − w = 3(x + y) − (y − z)) = 3x + 3y − y + z = 3x + 2y + z.
(iv) On a u = av + bw, v = cx + dy, w = ex + f y (où a, b, c, d, e, f sont des
scalaires), donc u = a(cx + dy) + b(ex + f y) = acx + ady + bex + bf y =
(ac + be)x + (ad + bf )y.
Exercice 5.5 On peut écrire x = ay + bz pour des scalaires a et b. Alors
a et b ne sont pas simultanément nuls, car sinon x = 0. Si a 6= 0, on obtient
y = (1/a)x−(b/a)z et y est combinaison linéaire de x, z. Si b 6= 0, on obtient
de manière analogue que z est combinaison linéaire de x, y.

74
Exercice 5.6 On vérifie que la fonction satisfait aux deux conditions de
la définition 5.3.
Exercice 5.7 Si la condition est réalisée, le polynôme est a1 x et on vérifie
qu’il définit une application linéaire. Réciproquement, si l’application est
linéaire, Palors pour P a, αi ∈ R, on doit avoir PP
tous (αa) = αP (a)
P ; c’est-
à-dire i ai (αa) = α i ai a , ce qui se réécrit en i ai α a = i ai αai .
i i i

Les ai sont constants, et α, a prennent des valeurs quelconques ; on peut


donc considérer cette égalité comme un égalité de deux polynômes en deux
variables α et a ; donc elle doit être vraie coefficient par coefficient, et on en
déduit que les ai sont tous nuls, sauf peut-être a1 .
Exercice 6.5 Non, car la matrice nulle n’y est pas.
Exercice 6.6 Non, car la matrice nulle n’y est pas. Non, car on peut
trouver des matrices de déterminants nuls dont la somme n’est pas de
déterminant nul.
Exercice 6.10 On considère un ensemble E dont T les éléments sont des
sous-espaces d’un espace vectoriel V . Soit F = E∈E E l’intersection des
sous-espaces qui sont dans E. Comme 0 ∈ E pour tout E ∈ E, on a 0 ∈ F .
Soient x, y ∈ F ; alors x, y ∈ E pour tout E ∈ E ; donc x + y ∈ E pour tout
E ∈ E ; donc x + y ∈ F . Etc. . .
Exercice 6.11 Soit G un sous-espace qui contient e1 , . . . , en . Alors G
contient toute combinaison linéaire de ces vecteurs, donc G contient F . On en
déduit que l’intersection des sous-espaces dans l’ensemble considéré contient
F.
Réciproquement, F fait partie de l’ensemble. Donc l’intersection est
contenue fdans F .
Exercice 7.4 Ecrivons une relation de dépendance linéaire pour
x1 , . . . , xn−1 , xn + a1 x1 + · · · + an−1 xn−1 : b1 x1 + · · · + bn−1 xn−1 + bn (xn +
a1 x1 + · · · + an−1 xn−1 ) = 0. Ceci implique b1 x1 + · · · + bn−1 xn−1 + bn xn +
bn a1 x1 + · · · + bn an−1 xn−1 = 0, d’où l’on tire (b1 + bn a1 )x1 + · · · + (bn−1 +
bn an−1 )xn−1 + bn xn = 0. Comme les xi sont linéairement indépendants, on
en déduit que b1 + bn a1 = 0, . . . , bn−1 + bn an−1 , bn = 0. Ceci implique que
tous les bi sont nuls.
Exercice 7.5 On a (a1 , . . . , an ) = a1 (1, −1, 0, . . . , 0) + (a1 +
a2 )(0, 1, −1, 0, . . . , 0) + · · · + (a1 + · · · + an−1 )(0, . . . , 1, −1).
Exercice 7.7 Supposons que v1 , . . . , vn soit une base. AlorsP tout vec-
teur
P v est combinaison linéaire
P de v 1 , . . . , v n . Si l’on a v = i ai vi =
i bi vi (ai , bi R), alors 0 = i (ai − bi )vi ; comme les vi sont linéairement
indépendants, on doit avoir ai − bi = 0, donc ai = bi , pour tout i. Donc la
combinaison linéaire est unique.
Réciproquement, si tout vecteur est combinaison linéaire unique de

75
v1 , . . . , vn , alors tout vecteur est combinaison linéairePde v1 , . . . , vn , et
par suite
P ces P vecteurs engendrent l’espace. Si l’on a i ai vi = 0, alors
0 = i 0vi = i ai vi ; par unicité, on doit avoir ai = 0 pour tout i. Donc
v1 , . . . , vn sont linéairement indépendants, et ils forment donc une base.
Exercice 7.12 Définissons Eij , matrice carrée d’ordre n, par : son co-
efficient i, j est 1, et les autres sont nuls. Alors l’espace des matrices
carrées triangulaires supérieures d’ordre n a pour base les matrices Eij avec
1 ≤ i ≤ j ≤ n. Sa dimension est donc n + (n − 1) + · · · + 2 + 1 = n(n+1) 2 .
Exercice 7.15 Soit f1 , . . . , fp une base de F et g1 , . . . , gq une base de G.
Supposons que F, G soient des sous-espaces supplémentaires dans E.
Alors tout vecteur e de E est une somme f +g ; comme f est une combinaison
linéaire des fi et g une combinaison linéaire des gj , e est une combinaison
linéaire de f1 , . . . , fp , g1 , . . . , gq . Donc ces p + q vecteurs
P engendrent
P E. Ils
sont aussiP linéairement
P indépendants : en effet, si a f
i i i + j j j = 0,
b g
alors i ai fi = j (−bj )gj ; le membre gauche est dans F et le membre
droit dans G ; donc ils sont nuls tous deux ; comme les fi sont linéairement
indépendants, de même que les gj , on déduit que tous les coefficients ai et
bj sont nuls. Conclusion : f1 , . . . , fp , g1 , . . . , gq est une base de E.
Réciproquement, ....
Exercice 7.16 Tout polynôme s’écrit de manière unique comme une
somme P + Q, où P (resp. Q) est une combinaison linéaire de monômes
xn avec n multiple de 3 (resp. avec n pas multiple de 3).
Exercice 7.17 La dimension de G est 2, d’après l’exercice 7.15. Montrons
que u+f 0 , v +f 0 sont linéairement indépendants : si a(u+f 0 )+b(v +f 0 ) = 0,
alors au + bv = −(a + b)f 0 ; le membre gauche est dans G et le droit dans
F ; comme ces espaces sont supplémentaires, les deux membres doivent être
nuls, et il s’ensuit que a = b = 0, car u, v sont linéairement indépendants.
Conclusion : u + f 0 , v + f 0 forment une base de G0 , qui est donc de dimension
2.
Soit e ∈ E. Alors e = f + g, f ∈ F, g ∈ G ; de plus, g = au + bv, donc
e = (f − af 0 − bf 0 ) + (a(u + f 0 ) + b(v + f 0 )). Le premier terme est dans F
est le second dans G0 ; donc E = F + G0 . Soit maintenant un e ∈ F ∩ G0 ;
alors e = f = a(u + f 0 ) + b(v + f 0 ) ; donc f − af 0 − bf 0 = au + bv ; le membre
gauche est dans F et celui de droite dans G ; donc ils sont nuls et l’on en
tire que a = b = 0 et enfin e = 0. Conclusion : F et G sont supplémentaires
dans E.
Exercice 7.18 La suite nulle est dans F . Si (an ) et (bn ) sont dans F , alors
leurs somme (an + bn ) aussi, car an+1 + bn+1 = aan + abn = a(an + bn ). De
même, λ(an ) = (λan ) est dans F , car λan+1 = λaan = a(λan ).

76
Supposons (an ) ∈ F . On a0 = a0 a0 . Supposons que an = an a0 ; alors
an+1 = aan = aan a0 = an+1 a0 .
L’espace F est de dimension1 : il a pour base la suite (an ).
Exercice 7.19 Une base de ce sous-espace est formée par les deux suites
(un ) et (vn ), satisfaisant la récurrence considérée, et les conditions initiales :
u0 = 1, u1 = 0, v0 = 0, v1 = 1.
Supposons que la suite (1, r, r2 , r3 , . . .) soit dans G ; en appliquant la
récurrence, on trouve r2 = ar + b.  
1 1
Exercice 8.8 a) La matrice réduite-échelonnée N associée est .
0 0
Le système est x + y = 0, x = −y et (x, y) = (−y, y) = y(−1, 1). La base est
(−1, 1) (Noyau de dimension
 1).
1 1 1
b) N = . Système : x + y + z = 0, x = −y − z ; (x, y, z) =
0 0 0
(−y − z, y, z) = y(−1,  1, 0) + z(−1, 0, 1). Base : (−1, 1, 0), (−1, 0, 1).
1 1
c) N =  0 0 . La suite comme en a).
0 0
 
1 1 0
d) N =  0 0 1 . Système : x + y = 0, z = 0. De manière
0 0 0
équivalente : x = −y, z = 0. (x, y, z) = (−y, y, 0) = y(−1, 1, 0). Base :
(−1, 1, 0).
Exercice 8.9 Si (a, a + b, b, a − b) = 0 (c’est-à-dire = (0, 0, 0, 0)), alors
a = b = 0. Le noyau est donc nul. La fonction est injective.
Exercice 8.10 Le dérivé du polynôme constant 1 est 0. La fonction
“dérivation” n’est donc pas injective. Elle est surjective, car pour tout po-
lynôme an xn + · · · + a1 x + a0 , il est le dérivé de an xn+1 /(n + 1) + · · · +
a1 x2 /2 + a0 x
Exercice 8.11 Si a est un scalaire, il est la trace de la matrice (a/n)In .
Exercice ?? Soit u cette fonction. On a u(x, y) = x+y. Elle est surjective
car tout vecteur dans E est somme d’un vecteur dans F et d’un vecteur dans
G. Si (x, y) ∈ Ker(u), alors x+y = 0 ; comme 0+0 = 0 et que les espaces sont
supplmentaires, on doit avoir, par unicité, x = 0 = y. Donc u est injective.
Exercice 8.12 Supposons que f envoie toute famille de vecteurs
linéairement indépendants sur une famille de vecteurs linéairement
indépendants. Si e ∈ Ker(f ), alors e doit être nul, sinon e est non nul,
il est linéairement indépendant, mais son image n’est pas linéairement
indépendant. Conclusion : f est injectif.
Supposons que f envoie toute famille génératrice sur une famille

77
P
génératrice. Si v ∈ F , nous Ppouvons écrire v = ai f (ei ), où e1 , . . . , en
engendrent E. Donc v = f ( ai ei ) et f est surjective.
Exercice 8.13 ((1, 0, 1), (2, −1, 1)).
Exercice 8.14 g(e1 ) = (1, 2, 3), g(e2 ) = (0, 1, 0), g((1, 1)) = (1, 3, 3).
Exercice 8.15 n = 2 ; np = k ; np = n0 p0 .
Exercice 8.16  6 
1 2
Exercice 8.17  0 −1 . Cas général : soit v = (x, y) ; alors v = xe1 +
1 1
ye2 , donc f (v) = xf (e1 ) + yf (e2 ) = x(1, 0, 1) + y(2, −1, 1) = (x, 0, x) +
(2y, −y, y) = (x + 2y, −y, x + y). Par ailleurs
   
1 2   x + 2y
 0 −1  x =  −y  .
y
1 1 x+y
Exercice 8.18 p = 2, n = 3 ; f (e1 ) = (1, 3, 5), f (e2 ) = (2, 4, 6) ;
f ((−1, 1)) = f (−e1 + e2 ) = −f (e1 ) + f (e2 ) = −(1, 3, 5) + (2, 4, 6) = (1, 1, 1) ;
   
1 2   1
 3 4  −1
=  1 .
1
5 6 1
Exercice 8.19 Soit v = t (1, 1, . . . , 1). Alors v est dans le
Pnoyau de f si et
seulement si M v = 0. Ceci signifie que pour tout i, on a j mij = 0.
Exercice 8.20 Y = M X est équivalent à y = α(x), où x, y sont représentés
pas les matrices-colonnes X, Y . Il y a une solution unique si et seulement si
α est un isomorphisme.
Exercice 8.21 Notons pour commencer que la matrice de la fonction iden-
tité dans une base donnée de V est la matrice identité. Et réciproquement :
si la matrice d’un endomorphisme de V dand une base de V est la matrice
identité, alors cet endomporphisme est la fonction identité.
Si f est bijective, la fonction réciproque g de V dans V est aussi une
application linéaire. Soit P la matrice de g dans la même base. La matrice
de g ◦ f est donc P M , par le Corollaire 8.6. Mais g ◦ f est la fonction identité
de V , donc sa matrice est la matrice identité I. Donc P M = I. De manière
analogue, M P = I.
Réciproquement, si M est inversible, soit P son inverse. Soit g l’endo-
morphisme de V dont la matrice (toujours dans la même base) est P : g
existe par la Proposition 8.9. Alors la matrice de g ◦ f est P M = I ; donc
g ◦ f est la fonction identité. De manière analogue, f ◦ g = idV . Donc f a
une fonction réciproque : c’est donc une bijection.

78
Exercice 9.1 f n’a pas la valeur propre 0 car f est injective. Si f (v) = λv,
alors f −1 (λv) = v, donc λ−1 v = λ−1 f −1 (λv) = λ−1 λf −1 (v) = f −1 (v).
Exercice 9.2 On a D(eλt ) = λeλt .
P Exercice 9.3 Soit P(aij ) la matrice
P de f dans Pcette
P base. On P a donc
P f (vj ) =
Pi P a v
ij i . Donc f ( v
jPj ) = j f (v j ) = j a v
i ij i = i j aij vi =
i ( j aij )vi . Donc j vj est vecteur propre pour la valeur propre P 1 si
et seulement si cette dernière somme est égale, quel que soit j, à j vj .
Comme
P les v j forment une base de V , ceci est équivalent à : quel que soit i,
j aij = 1, ce qu’on voulait démontrer.
Exercice 10.2 Posons A = (aij ), B = (bij , P C = At B = (cik ) ; cette
dernière matrice est de taille n × n. Alors cik = 1≤j≤p aij bkj et par suite
Tr(At B) = 1≤i≤n cii = 1≤i≤n,1≤j≤p aij bij . Cet exercice se traite donc de
P P
manière analogue à l’exemple 10.1. p
Exercice 10.16 On a N (v) = hu, ui ≥ 0. De plus N (0) = 0 et si
N (u) = p u, alors hu, ui√= 0,pdonc u = 0. On a encore hau, aui = a2 hu, ui, donc
(au) = a2 hu, ui = a2 hu, ui = |a|N (u). On a enfin p N (u +p v)2 = hu +
2
v, u+vi = hu, ui+2hu, 2 2
p p vi et (N (u)+N (v)) = ( hu, ui+ hv, vi) =
vi+hv,
N (u) + N (v) + 2 hu, ui hv, vi, donc l’inégalité N (u + v) ≤ N (u) + N (v)
découle de l’exercice précédent.
Exercice 10.17 On a d(u, v) = N (u − v) ≥ 0. Si d(u, v) = 0, alors N (u −
v) = 0, donc u − v = 0 et u = v. De plus d(u, u) = N (u − u) = N (0) = 0. De
plus d(u, w) = N (u − v + v − w) ≤ N (u − v) + N (v − w) = d(u, v) + d(v, w).
Exercice 11.1 x = 4 − 2y, donc 3(4 − 2y) + 7y = 2, donc y = −10 et enfin
x = 24. Il y a une solution unique.
Exercice 11.2 x = 1 + y + z. Donc 2 + 2y + 2z + 3y − 2z = 7 et 3 + 3y +
3z + 2y − 3z = 8 ; c’est-à-dire 5y = 5 (les deux équations donnent la même
chose). Solution : z est une variable libre et on a y = 1, x = 2 + z.
Exercice 11.3 a = 1 + b − c. Donc 2 + 2b − 2c + 3b + 4c = 4 et 3 + 3b −
3c + 2b + 5c = 8 ; c’est-à-dire 5b + 2c = 2 et 5b + 2c = 2. Pas de solution.
Exercice 11.4 i = −j − k − l. Donc −j − k − l + j + k − l = 4, −j − k −
l + j − k + l = −4, et −j − k − l − j + k + l = 2. Donc −2l = 4, −2k = −4,
−2j = 2. Donc l =  −1, k =  2, j = −1. Enfin i = 1. Solution unique.
x y
Exercice 12.1
z t
   
1 0 0 1
Exercice 12.2 Prendre et .
0 0 0 0
Exercice 12.3 0
Exercice 12.4 Faire le calcul pour n = 0, 1, 2, 3 et puis montrer que la
puissance n-ème ne dépend que du reste de la division entière de n par 4.

79
Exercice 12.5 3n−1 .
Exercice 12.9 b) La trace de I est non nulle.
Exercice
 12.13 Récurrence
 sur n. Pour le contre-exemple, on peut prendre
1 0 0 1
n = 2 et et .
0 0 0 0
Exercice 12.14 Si C est un inverse à droite de AB, alors ABC = I et
donc BC est un inverse à droite de A.
Exercice 12.15 Comme BA = 0, on obtient en multipliant à droite par
l’inverse à droite C de A : BAC = 0C = 0 ; donc BI = 0 et enfin B = 0.
Exercice 12.16 b) L’inverse est R(−t).
Exercice 12.17 AB = BA implique par multiplication à gauche et à droite
par B −1 : B −1 ABB −1 = B −1 BAB −1 . Ceci implique B −1 AI = IAB −1 et
enfin B −1 A = AB −1 . Donc A et B −1 commutent. Pour montrer que A−1
et B −1 commutent, on multiplie la dernière égalité à gauche et à droite par
A−1 .
Exercice 12.18 a) (I +A−1 )A(I +A)−1 = (A+I)(I +A)−1 = I. Le produit
de l’autre côté est analogue et donne aussi I. b) (I + A−1 )−1 + (I + A)−1 =
A(I + A)−1 + (I + A)−1 = (A + I)(I + A)−1 = I.
Exercice 12.19 On a 0 = A − A2 = A(I − A). Si I − A était inversible,
on obtient A = 0 en multipliant à droite par l’inverse de I − A.
Exercice 12.20 On vérifie que J 2 = J. Donc (I − J)J = J − J 2 = 0.
Si J était inversible, on aurait I − J = 0, ce qui n’est pas. Si I − J était
inversible, on aurait J = 0, ce qui n’est pas.
Exercice 12.21 On a A = P.P −1 A et par suite Tr(A) = Tr(P −1 AP , en
utilisant que Tr(BC) = Tr(CB).
Exercice 12.22 (I + rA)(I + sA) = I + (r + s + rs)A. Si r 6= −1, soit
−r
s = r+1 . Alors r + s + rs = 1, donc I + sA est l’inverse de I + rA. Cas où
r = −1 : I − A n’est pas inversible, voir exercice refA2=A.
Exercice 12.23
Exercice 12.23 Montrons que M := Q[A, B] est égal à [QA, QB]. NB :
Q, A, B sont de taille n × n et [A, B] est de taille n × 2n.P Supposons k ≤ n ;
alors le coefficient j, k de [A, B] est ajk ; donc mik = j qij ajk = (QA)ik ,
qui est égal au coefficient i, k de QA. Supposons
P k > n ; alors le coefficient
j, k de = [A, B] est bj,k−n ; alors mik = j qij bj,k−n = (QB)i,k−n , qui est
égal au coefficient i, k de [QA, QB].
Supposons que [A, I] soit transformé en [B, P ]. Il existe alors une ma-
trice inversible (car produit de matrices élémentaires) Q telle que [B, P ] =
Q[A, I]. Donc B = QA et P = Q. Donc B = P A.
Exercice 12.24 Pour (ii), on utilise le fait qu’on peut inverser les
opérations de lignes.

80
Exercice 12.25 Montrons que C = C 0 : en effet C s’obtient en ajoutant
à la ligne i la ligne j multipliée par a, puis la ligne k multipliée par b. De
plus, C 0 s’obtient en ajoutant à la ligne i la ligne k multipliée par b, puis
la ligne j multipliée par a. Notons Li la ligne i de A. Dans les deux cas,
on obtient la matrice obtenue à partir de A en y remplaçant la ligne Li par
Li + aLj + bLk .
Soient P, Q les matrices élémentaires correspondant aux opérations li +
alj , l+ blk respectivement. Alors B = P A, C = QB, B 0 = QA, C 0 = P B 0 .
Donc C = QP A et C 0 = P QA. Comme C = C 0 , et qu’on peut choisir
A = I, on obtient QP = P Q.
Exercice 13.2 Si les deux vecteurs sont nuls, les trois déterminants sont
sûrement nuls. Supposons que v est un multiple scalaire de v 0 ; alors dans
chacune de ces trois matrices, la première ligne est un multiple scalaire
de la deuxième ; son déterminant est donc nul. Conclusion : si v, v 0 sont
linéairement dépendants, alors les trois déterminants sont nuls
Réciproquement, supposons que ces trois déterminants soient nuls. Si
v = v 0 = 0, il n’y a rien à démontrer. Supposons que v 0 soit non nul, et sans
restreindre la généralité, que a0 6= 0 ; on peut même supposer que a0 = 1.
Alors b = ab0 , c = ac0 , donc v = a(1, b0 , c0 ) = av 0 et les deux vecteurs sont
linéairement indépendants.    
a b d/D −b/D
Exercice 13.3 L’inverse de est où D = ad −
c d −c/D a/D
bc.

Références
[1] [A] L. Amyotte, Introduction à l’algbre linéaire et à ses applications,
4ème édition, Pearson ERPI Sciences 2018. 3
[2] [CP] G. Charron, P. Parent, Mathématique 105, Algèbre linéaire et
vectorielle : géométrie. 3
[3] [LR] J. Labelle, C. Reutenauer, cours d’algèbre 1, UQAM.
http ://www.lacim.uqam.ca/ christo/cours.html 3
[4] [L] P. Leroux, Algèbre linéaire, une approche matricielle, Modulo, 1978.
[5] [LM] F. Liret, D. Martinais, Algèbre 1ère année, Dunod, 2003.

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