Cours de Philosophie Sur Le Mal Et La Liberté
Cours de Philosophie Sur Le Mal Et La Liberté
Cours de Philosophie Sur Le Mal Et La Liberté
mal ? Tweeter
Plan
Introduction
I- Matrix, un film " idéaliste " (le monde dans lequel nous vivons est une illusion)
1) Idéalisme et immatérialisme
2) Difficultés de l’idéalisme
Conclusion
Cours
Introduction
Argument :
1. si quelqu’un désire quelque chose de mauvais, soit il sait que c’est mauvais, soit il
sait que c’est bon ;
2. s’il croit que c’est bon, il ne désire pas quelque chose de mauvais ;
3. s’il croit que c’est quelque chose de mauvais, son désir est un désir d’obtenir
quelque chose de mauvais ;
4. les mauvaises choses font du tort à ceux qui les obtiennent et les rendent
misérables ;
5. si quelqu’un pense qu’une chose est mauvaise, il pense que l’obtenir le rendra
misérable ;
6. personne ne veut être misérable (tout le monde veut le bonheur) ;
7. donc, personne ne désire ce qu’il pense être mauvais.
On retrouve cet argument dans le Protagoras, sous une forme plus développée
(352b-357a) : Platon part ici du principe selon lequel le plaisir est un bien. En soi,
cette thèse n’est pas platonicienne, puisqu’elle ne fait pas intervenir dans la
problématique morale la théorie des Idées. Ce qui intéresse ici Platon, c’est de
réfuter la foule. L’intellectualisme socratique est évidemment directement lié à une
forme d’élitisme. L’argument repose sur deux points essentiels :
Chez Platon, celui qui fait le mal ne le voulait donc pas mais il est victime d’une
illusion : voulant le bien, son bien, soit entendu comme plaisir, soit comme
bonheur, il fait le mal, le prenant pour le bien. On ne peut vouloir le mal, mais
seulement le bien. Cette explication du mal moral revient à dire que son origine se
trouve dans les pulsions, dans l’inconscient, dans la passion. Pas dans la raison,
ou dans la partie réflexive, intelligente, de notre âme.
C’est par exemple une envie soudaine, une pulsion incontrôlée, qui va pousser le
criminel à violer, l’empêchant de réfléchir au caractère bon ou mauvais de son
acte. Il en a envie, et ce désir l’emporte sur l’intellect…
Conséquences :
3) Critiques
On peut objecter à Platon que rien ne prouve que l’homme fait essentiellement le
bien, et ne peut faire que le bien –i.e., que la volonté humaine est "bonne en soi ".
D’abord, cela est improuvable. Ensuite, cela suppose que l’homme est déterminé à
faire le bien, et s’oppose donc à la liberté. Enfin, dire que l’on ne fait le mal
qu’involontairement, n’est-ce pas excuser par avance toute mauvaise conduite,
tout crime, et par là, déresponsabiliser le criminel ? Pourquoi l’homme ne serait-il
pas libre de choisir, en connaissance de cause, entre le bien et le mal ?
1. peut-il y avoir une volonté de faire le mal pour le mal ? I.e, peut-on faire le mal
librement, en connaissance de cause ?
2. cette volonté mauvaise est-elle nécessairement diabolique ? Signifie-t-elle que
l’homme "méchant " est un démon, un monstre, un homme inhumain ?
A-L’hypothèse d’une volonté mauvaise est nécessaire pour que l’on puisse parler
de mal moral (Kant)
Kant, dans La religion dans les limites de la simple raison (Chapitre I, 1 à 3), nous
aide à répondre à ces deux questions, et prend en compte les difficultés posées
par la solution classique. Comment rendre compte du mal moral ? En plaçant son
origine dans les inclinations sensibles, ou bien dans la liberté ? Il s’agit de savoir
ce qui est requis pour que l’on puisse parler de mal "moral ", (pas de comprendre
comment il est possible qu’un homme puisse (librement) vouloir le mal).
Donc : si le mal est dit moral, il ne peut avoir pour origine les inclinations
sensibles, désirs, etc. La morale suppose en effet la liberté, qui s’oppose à la
nature. Or, les inclinations sensibles renvoient bien au côté naturel/ animal/
instinctif de notre être, pas à la liberté ! Nous n’en sommes pas les auteurs, et ne
sommes donc pas responsables de leur existence. Pour pouvoir parler de mal
moral, il faut donc que le mal ait son origine dans la liberté. Cela est compris dans
la notion même.
Le mal moral qualifie donc un acte, qui non seulement est contraire à la loi, mais
aussi, et surtout, qui repose sur un principe mauvais (i.e. : la décision d’agir
contrairement à la loi morale, la perversion de la loi morale).
C’est dire que celui qui fait le mal sans le savoir/ le vouloir vraiment, le méchant
platonicien, n’est pas véritablement mauvais. Le principe de ses actions n’est pas
perverti.
2) Si le mal moral suppose la liberté, y a-t-il pour autant une volonté diabolique ?
L’homme est-il un démon ?
Kant nous permet ainsi de ne pas nous décharger une fois encore de notre
responsabilité/ liberté, en disant que celui qui commet le mal moral est un
dépravé, un monstre, un démon. Bref, pas un homme.
Toutefois, il ne nous permet pas d’aller plus avant. Pour lui, en effet, l’origine du
mal est insondable. Le mal moral reste un mystère inaccessible à la raison. Nous
voudrions quant à nous mieux comprendre les rouages du mal moral, i.e., essayer
de comprendre ce qui peut mener un "homme " à commettre le mal. Car si celui
qui commet le mal n’est ni un sous-homme ni un "non-homme " (animal/ démon),
alors, n’est-ce pas n’importe quel homme qui peut commettre le mal ?
(contrairement à ce que sous-entendent les deux explications classiques du mal)
Nous allons maintenant nous tourner, pour y répondre, vers celle qui a le plus
réfléchi sur le mal en notre siècle, et qui a donné lieu à un grand débat : il s’agit de
H. Arendt.
Qui est H. Arendt ? Elle est née en 1906 à Hanovre, d’une famille juive, et elle est
morte en 1975. Elle a essentiellement réfléchi sur la politique, et sur l’action
humaine en général (notions-clef : autorité, éducation, liberté, démocratie, etc.).
Dans sa réflexion politique, elle se réclame beaucoup des Anciens (et notamment
d’Aristote). Elle est surtout célèbre pour son ouvrage Les origines du totalitarisme,
qui commande toute son œuvre. Elle y réfléchit sur le mécanisme du totalitarisme,
qui est selon elle inscrit dans le fonctionnement de nos sociétés.
Au XXe, la question du mal a resurgi d’une manière telle que la pensée du mal est
pratiquement un impératif moral. Le mal a en effet pris la forme du scandale, de
l’irréparable, mais aussi, semble-t-il, de l’impensable : il s’identifie tout entier à la
Shoah, à l’extermination du peuple juif (ou " solution finale "). Comment en effet
penser la Shoah ? Comment comprendre et rendre compte le meurtre de masse,
le crime contre l’humanité ? Mal inédit, mal suprême, mal incompréhensible ? A
cette affirmation, H. Arendt a répondu, dans son essai intitulé Eichmann à
Jérusalem, par une thèse qui a fait couler beaucoup d’encre : le mal, que l’on doit
maintenant penser sous la figure du crime contre l’humanité, est "banal ". C’est sa
thèse et ses critiques que nous allons maintenant explorer.
Capturé à Buenos Aires par les services secrets israéliens en 1960, il est jugé à
Jérusalem en 1961, puis condamné à mort.
Par rapport à notre problème, celui de savoir si on peut vouloir le mal, on voit ici
que oui, on peut vouloir le mal, mais que cela vous met au rang de bête, ou de
monstre. Ie, celui qui veut le mal pour le mal, et qui est capable d’en jouir, est un
"homme " inhumain. Cela rejoint donc la seconde hypothèse réfutée par Kant ci-
dessus (celle d’une volonté absolument mauvaise/ diabolique).
H. Arendt, un peu dans la lignée de Kant, se place en porte à faux par rapport à
cette position communément défendue. En effet, comme Kant, elle soutient que
Eichmann n’a pas été victime de mauvaises passions, et qu’il n’était pas non plus
un "méchant ", un démon, un monstre, ou encore, un "être inhumain ", mais un
homme ordinaire, "normal ", comme vous et moi. Elle nous dresse ainsi, tout au
long de son ouvrage, le portrait d’un homme médiocre, caractérisé par l’absence
de pensée (de réflexion) et par l’usage constant d’un langage stéréotypé, de
clichés standardisés. Il était de plus un employé modèle, un bureaucrate
méticuleux. Et c’est justement là que Arendt décèle la "source " des actes de
Eichmann.
Il est un homme ordinaire victime d’un système … qui est à la base même du
fonctionnement de notre société (la bureaucratie, la toute-puissance de l’Etat –
malgré nos droits de l’homme…-, société de masse, où la production et l’efficacité
priment sur l’individu, ravalé au rang de moyen).
Cf. cet extrait de l’ouvrage (op. cit., p. 97) de Ben Soussan, qui explicite bien ce
que veut dire Arendt : " Le mode d’organisation de la société industrielle a envahi
la société tout entière : vies fragmentées, tâches fragmentées, conscience
fragmentée. Un lien étroit unit la rationalité technique à la schizophrénie sociale et
morale des assassins. Eichmann, Stangl et les autres ont été des maillons d’une
chaîne de meurtres, mais ils n’ont le plus souvent envisagé leur tâche que comme
un problème purement technique. Cette compartimentation de l’action et la
spécialisation bureaucratique fondent cette absence de sentiment de
responsabilité qui caractérise tant d’assassins et leurs complices, elle suspend la
conscience morale. "
Mais attention, Arendt ne les excuse pas, loin de ce qu’on a pu lui reprocher. En
effet, elle leur reproche de n’avoir pas su pensé (d’avoir même, littéralement, arrêté
de penser). C’est là le crime qui se trouve à l’origine du crime contre l’humanité.
Comprendre cela, c’est selon elle permettre aux générations futures de ne pas
refaire la même chose. Pensons ! Exerçons notre conscience ! Méfions-nous du
groupe ! Voilà le message qu’a voulu nous donner H. Arendt.
Leçon de l’histoire : nous pourrions tous faire pareil, nous sommes tous des
Eichmann potentiels …
Résultats : les 2/ 3 des personnes testées ont coopéré jusqu’au bout, c’est-à-dire,
jusqu’au niveau de choc le plus élevé, même s’ils le faisaient dans l’angoisse et
même la protestation.
Quel enseignement tirer de ces expériences ? Que "des gens ordinaires, dépourvus
de toute hostilité, peuvent, en s’acquittant simplement de leur tâche, devenir les
agents d’un atroce processus de destruction ". Les (véritables !) sujets de
l’expérience de Milgram n’ont pas réellement torturé, mais ils ont cru le faire. Cette
violence leur répugnait, et ils le disaient, mais ils ont accepté dans leur majorité
d’en être les agents, et de déléguer leur responsabilité personnelle à l’université.
Dans le conflit de valeurs où ils étaient placés, ils ont fait passer la légitimité
conférée par l’autorité scientifique avant les principes moraux qu’ils avaient
conscience de trahir.
Il est dangereux de dire, comme Lanzmann, que l’on ne doit pas comprendre le
mal, sous le prétexte que vouloir le comprendre, c’est se mettre à la place des
criminels. En fait, n’est-il pas rassurant de croire que les criminels portent en eux
une malfaisance innée dont nous sommes a priori exceptés ? Et n’est-ce pas
finalement, au-delà du sentiment de sécurité, un danger, car aussi une perte de
vigilance pour ce qui peut nous mener à faire le mal ?
Conclusion
" Peut-on vouloir le mal ? ". A cette question, nous avons été menés à répondre
oui. Cela nous gêne, il est vrai. Mais nous avons vu que dire le contraire mène à
déresponsabiliser l’homme qui commet des actes mauvais. Et, j’insiste, la thèse
d’Arendt, qui soutient la banalité du mal, ne revient pas à excuser Eichmann, loin
de là. Elle l’accuse d’avoir cessé de penser.
Bibliographie
Arendt, Eichmann à Jérusalem, rapport sur la banalité du mal, Folio Essais, 1966
(écrit après le procès d’Eichmann)
Revault D’Allonnes, Ce que l’homme fait à l’homme, Essai sur le mal politique,
Champs Flammarion, 1999
Enfin, pour approfondir davantage, vous trouverez sur le site d’autres pistes de
réflexion : cours : la liberté (/cours/cours-liberte.html) ; les passions
(/cours/cours-passion.html) ; l’inconscient (/cours/cours-inconscient.html) ;
dissertation "y a-t-il des êtres inhumains ? "
(/metho/copiedeleve/corrigeEtresInhumains.html)
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