Gauthier Economica
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CHAPITRE 1
Aux sources de la croissance
1. INTRODUCTION
Que savons-nous de la croissance économique sur très longue période ? D’un point
de vue quantitatif, le travail le plus exhaustif est sans doute celui qu’a coordonné
durant de nombreuses années Angus Maddison pour l’OCDE. Maddison (2001)
dresse un tableau de l’évolution de la population et du revenu agrégé sur très longue
période, remontant parfois dans l’Antiquité jusqu’au début de notre ère. Jusqu’en
1820, ces informations sont bien sûr souvent parcellaires et les méthodes retenues
pour les obtenir sont parfois tellement acrobatiques que la quantification s’apparente
à l’illusion !
Bairoch (1985) estime ainsi que la population urbaine de Jericho il y a 10 000 ans
devait se situer entre 1 000 et 3 000 habitants. Il le fait à partir de la superficie délimitée
par les murs d’enceintes de la ville et d’une mesure de densité construite en exploi-
tant la part de la surface construite (par opposition aux jardins), du type d’habitat et
du nombre de personnes par habitation (taille de la famille, domesticité, etc.) et par-
fois de ce que l’on pouvait savoir du nombre d’étages des habitations, du nombre de
pièces par habitation, et du nombre de personnes par pièce.
Mais les données exploitées sont le plus souvent de nature fiscale. Les impôts fon-
ciers ou ceux qui sont liés à la composition familiale, par exemple, permettent d’avoir
une idée de la production, de la densité de population, et ainsi de la population. Les
historiens de l’économie antique ont pu donner ainsi des ordres de grandeur pour la
population de Rome. On sait que l’administration romaine recensait sa population :
Marie enfanta à Bethléem, où elle était avec Joseph, pour se faire recenser. Cepen-
dant, les données issues du recensement sont difficilement utilisables. Les recense-
ments n’étaient pas exhaustifs puisqu’ils ne comprenaient que les citoyens dont le
capital était suffisamment important pour qu’ils soient mobilisables par l’armée ; en
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2 Macroéconomie
outre, ce capital a varié (il a très certainement baissé à partir du IIe siècle avant J.-C.)
et n’est qu’imparfaitement connu. Pour ces raisons, et également parce que le champ
couvert par les recensements variait, semble-t-il, d’un recensement à l’autre, les his-
toriens considèrent en général avec une certaine suspicion les données recueillies
par ce canal1 . On regarde avec plus de bienveillance les estimations de la population
romaine au début de notre ère qui s’appuient sur le système de distribution de blé
(d’abord à un prix réglementé, sous l’impulsion de C. Gracchus, et ensuite gratuite-
ment) à chaque citoyen romain. La plupart des citoyens romains y avaient droit (les
riches comme les pauvres). Les données sont cependant là aussi très parcellaires. Elles
apparaissent souvent au détour d’une phrase, parce que Cicéron s’oppose à la gratuité
des distributions décidée par son ennemi Clodius, ou que Suétone rappelle que César
a divisé par deux le nombre de bénéficiaires pour le ramener à 150 000 ! Ces mises en
garde en tête, en tenant compte des femmes, des enfants et des esclaves (et aussi de la
fraude ou des vagues d’affranchissement que la loi aurait impliquées) il y aurait eu de
l’ordre de 1 million d’habitants à Rome à la fin de la République, au début de notre ère
(G. Rickman, 1980, The corn supply of ancient Rome, Oxford University Press). Bairoch
(1985) estime quant à lui que Rome pouvait compter jusqu’à 1,3 million d’habitants
vers 200 après J.-C.. Elle ne comptait plus que 35 000 habitants en l’an mil, et moins de
20 000 au XIVe siècle. Il faudra attendre 1820 et la révolution industrielle pour qu’une
ville d’Europe, Londres, atteigne une population supérieure à 1 million d’habitants.
Il faudra attendre plus longtemps encore avant de voir se profiler l’architecture
d’une Comptabilité Nationale fiable. Maddison (2004) la fait remonter au XVIIe siècle
lorsque William Petty a cherché à estimer la population et les revenus en Angleterre et
au Pays de Galles pour se faire une idée des ressources mobilisables en cas de guerre
contre la Hollande. Peu après William Petty, à la toute fin du XVIIe siècle, Gregory King,
qui était chargé d’examiner la validité des titres de noblesse lors des successions, en
vue d’un prélèvement pesant sur les naissances, les mariages et les décès, a utilisé
l’information qu’il avait collectée pour construire un système de comptes nationaux
primitif.
Ces exemples illustrent bien les méthodes et le type de données qui nous per-
mettent de reconstruire une histoire quantitative de notre croissance jusqu’au début
du XIXe siècle. En revanche, à compter de 1820, année qui marque l’entrée dans ce que
Maddison appelle la « période capitaliste », les données sont semble-t-il plus fiables,
mais ce n’est qu’au début du XXe siècle que la puissance administrative autorise de
véritables comptabilités nationales.
Si l’on s’accorde maintenant à reconnaître que c’est seulement à partir du début
du XIXe siècle que la croissance devient réellement plus forte et à ressembler à ce que
nous connaissons aujourd’hui, il est évidemment plus difficile de s’entendre sur le
passé plus lointain. Deux théories principales se font concurrence. D’une part, il y a
la vue défendue par Arnold Toynbee selon laquelle le produit par tête aurait partout
stagné avant 1820, voire peut-être légèrement régressé, du fait de l’existence d’une
trappe malthusienne dans laquelle toute hausse du produit aurait été intégralement
1. La biographie des Gracques par C. Nicolet est sur ce point particulièrement instructive.
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rattrapée par une hausse de la population ramenant le produit par tête au seuil de
subsistance. Ce point de vue, privilégié par l’École des Annales, a reçu un écho par-
ticulier en France. Fernand Braudel a ainsi penché dans un premier temps en faveur
d’une stagnation du produit par tête en France de 1500 à 1800 ; de même qu’Emma-
nuel Le Roy Ladurie pour la période 1300-1720 (année de la faillite du système de Law)
dans son étude sur la paysannerie dans le Languedoc. Cette opinion est parfois vali-
dée par l’analyse des restes humains retrouvés.
La seconde théorie plaide quant à elle en faveur d’une croissance lente du produit
par tête depuis l’an mil environ, et non pas une phase de stagnation.
Qu’en est-il en fait ? En guise de première intuition, les démographes ont l’habitude
de se référer au poids de la population urbaine. Selon Bairoch (1985), un nombre très
restreint de villes européennes (hors Russie) pouvaient compter plus de 100 000 habi-
tants en l’an mil1 . La proportion de population européenne vivant en ville aurait alors
été quasiment nulle. En 1820, elle était proche de 11 % ce qui témoigne non seule-
ment de l’existence d’un surplus de production rural qui permet de nourrir la ville,
mais aussi d’une activité économique qui n’est plus uniquement agricole (même si
une partie de l’activité de la population urbaine relevait encore de l’agriculture).
La croissance du produit par tête en Europe serait donc antérieure à 1820. Cette
hypothèse, qui repose sur le lien étroit entre la productivité agricole et le déve-
loppement urbain, est confirmée par d’autres exercices auxquels se livre Paul Bai-
roch. Selon lui, les premières villes seraient apparues au début du néolithique, vers
8 000 avant J.-C., donc au moment où l’agriculture s’est développée. L’une des thèses
qu’il privilégie est que la pression démographique aurait rendu la cueillette et la
chasse du paléolithique insuffisantes pour nourrir la population. La première ville du
monde aurait été Jéricho. Sa superficie, de l’ordre de 3 hectares (3 × 100 m2 ), associée
à une hypothèse faite sur la densité de population, posée à environ 300 habitants
par hectare, donne une population urbaine de 1 000 habitants. Trois mille ans plus
tard, les grandes villes sumériennes couvraient une superficie de plus de 40 hectares ;
et de plus de 100 hectares en 2000. Une densité de population urbaine plus élevée
aurait permis à la ville d’Our d’atteindre 24 000 habitants en 2800, et plus de 100 000
vers 2000.
Le développement de l’agriculture est une condition du développement urbain via
l’existence d’un « surplus agricole », c’est-à-dire d’une quantité de nourriture dispo-
nible en plus de ce qui est nécessaire à la subsistance du producteur et de sa famille2 .
1. Le tableau 7.1 de Bairoch (1985) en recense une seule. À l’époque, environ 40 % de la population urbaine
européenne (hors Russie) aurait été en Espagne. La plus grande ville européenne était Cordoue, avec 400 à 500
000 habitants, puis venait Séville, avec une population de 100 000 habitants. Kiev, Ratisbonne et Venise auraient
chacune compté de l’ordre de 50 000 habitants. Ensuite, viennent des villes de moindre importance, comme
Londres ou Paris, avec des populations de l’ordre de 20 à 25 000 habitants. Les lois portant sur la taille des villes
sont souvent à la base des estimations de population sur de plus vastes zones. La plus connue est peut-être la loi
de Zipf, qui énonce que si la plus grosse ville compte N habitants, la nème plus grosse ville en compte N /n. Cf.
Bairoch (1985).
2. Certains historiens, par exemple J. Cauvin, pensent néanmoins que Jéricho aurait pu précéder l’agriculture, les
hommes s’assemblant pour des raisons culturelles ou religieuses et vivant de la chasse et de la cueillette. Sur une
plus grande échelle, toutefois, un lien étroit entre surplus agricole et développement urbain semble nécessaire.
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Mais l’activité agricole est en même temps à l’origine d’un phénomène de sédenta-
risation s’accompagnant d’une hausse de la densité de population. Cette plus forte
densité joue un rôle crucial dans le développement urbain. Pour s’en convaincre, sup-
posons l’existence d’un surplus agricole de 10 % dans les régions rurales : pour une
densité de population de 0, 1 habitant par km2 , qui semble avoir été celle de l’Europe
prénéolithique, il faut 100 000 km2 pour ravitailler une ville de 1 000 habitants, ceci si
l’on ne tient pas compte des coûts de transport1 .
Ces coûts ne peuvent cependant pas être négligés : c’est ce que Bairoch appelle la
« tyrannie de la distance ». Prenons un homme qui peut porter une charge de 35 à 40 kg
au plus ; s’il consomme 1 kg par jour pour sa propre subsistance, alors en comptant la
nourriture du retour, son chargement sera épuisé au bout de vingt jours. S’il effectue
30 à 40 km par jour à pied, une ville ne peut donc tirer sa subsistance que d’un disque
de rayon de 600 à 800 km tout au plus. La situation n’est guère meilleure avec un ani-
mal (qui permet d’augmenter la charge transportée mais qu’il faut nourrir), mais elle
le devient avec un chariot à roue. On comprend pourquoi les premières villes étaient
souvent en aval d’un fleuve et dans des régions où la contrainte de chauffage n’était
pas trop pressante. Selon Bairoch, si l’on prend en compte les coûts de transport, il
faut cette fois 200 000 km2 pour ravitailler une ville de 1 000 habitants. Avec l’agricul-
ture, la densité de population passe à 200 habitants par km2 et même à 400 dans les
régions très fertiles ; sous les mêmes hypothèses que ci-dessus, le rayon du disque se
réduit alors à 1 200 km2 !
La figure 1, construite en utilisant les données de Maddison2 , plaide elle aussi en
faveur d’une croissance économique antérieure à la révolution industrielle. Elle sug-
gère que le PIB par habitant n’aurait que peu varié durant le premier millénaire en
France ; il aurait même baissé sur cette période. Mais, entre l’an 1000 et 1820, il aurait
doublé, passant de 500 euros de 2006 à 1200 euros de 2006. Entre 1820 et 1950, il a été
multiplié par 5 ; entre 1950 et aujourd’hui, par environ 5 également, pour atteindre
27 000 euros en 2006. Cette figure illustre clairement la très forte rupture du rythme
de croissance que la France a connue dans les années 50.
1. Elle joue peut-être un rôle plus général, selon J. Diamond, puisque la coexistence des hommes et des animaux
aurait fait que l’homme est devenu moins sensible aux maladies.
2. Ces données sont accessibles en ligne à l’adresse http://www.ggdc.net/maddison/ ; elles sont régulière-
ment révisées. Maddison (2001), Annexe B, accessible en ligne à la même adresse, précise comment ces données
sont construites pour la période antérieure à 1820. Pour la période 1700-1820, Maddison utilise les estimations
des taux de croissance du produit par tête de J.C. Toutain, qui travaillait sous la direction de François Perroux
dans les années 50. Pour les siècles antérieurs, Maddison reste assez critique à l’égard des travaux de l’École des
Annales, parce qu’elle priviliégie les études régionales et qu’elle accorde une trop grande importance aux vues
malthusiennes ; par exemple, Fernand Braudel s’appuyait sur la série du prix du blé à Paris durant trente ans
pour en inférer l’histoire du produit par tête en France sur près de trois siècles ! Maddison finit par trancher en
calquant l’évolution de la France de l’an 1000 au début du XVIIIe siècle sur celle de la Belgique, dont les don-
nées fiscales et de recensement sont apparemment plus fiables ... Enfin, pour le tout début de l’ère chrétienne,
le travail de Goldsmith (1984) pour l’Empire romain donne un taux d’urbanisation de l’ordre de 5 % dans l’Eu-
rope romaine, ce qui conduit à privilégier l’hypothèse d’une régression du produit par tête durant le premier
millénaire, le taux d’urbanisation étant quasi nul en l’an 1000. Même si, nous l’avons vu, les méthodes divergent,
Bairoch (1985) parvient à une conclusion voisine : selon lui, les invasions barbares n’auraient joué qu’un rôle
marginal dans le déclin économique de l’Europe entre 476 et l’an mil, la cause principale étant plutôt à attribuer
à la prise de contrôle de la Méditerranée par les musulmans.
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FIGURE 1
PIB par tête en France 1 : 2006
Les données du tableau 1, extraites elles aussi de Maddison (2001), montrent que
cette histoire se retrouve dans la plupart des pays occidentaux. On note également
que le développement s’accompagne d’un écart entre les économies occidentales et
le reste du monde de plus en plus important au fur et à mesure que le temps passe.
Plutôt que la vision malthusienne, c’est donc à l’idée d’une croissance exponen-
tielle dont il situe les prémices aux alentours de l’an 1000 qu’adhère Maddison. C’est
dans l’Espagne du XVIe siècle que la croissance aurait véritablement commencé son
envol, relayée par la Hollande au XVIIe siècle, dont le taux de croissance annuel du PIB
par tête aurait été de 0,2 % ; puis par l’Angleterre, avec un taux de croissance annuel de
l’ordre de 1,2 % entre 1820 et 1913 (au Royaume-Uni) ; et enfin par les EU au XXe siècle,
avec un taux de croissance annuel supérieur à 2 % entre 1913 et 1998.
En France, le taux de croissance annuel du produit par tête a été de 1,1 % entre
1820 et 1906 et de 2,1 % au XXe . Des écarts de taux de croissance qui peuvent de prime
abord nous paraître insignifiants ont des effets saisissants sur longue période : ainsi,
notre PIB par tête est aujourd’hui presque 10 fois supérieur à celui de 1906 ; il ne serait
que 3 fois supérieur pour un taux de croissance annuel de 1,1 % (ce qui nous placerait
à peu près dans la même situation que celle du Qatar ou de la Slovaquie aujourd’hui)
et le serait de plus de 20 fois pour un taux de 3,3 % (soit plus de deux fois le PIB par
tête des EU aujourd’hui). Alternativement, il faudrait 63 ans pour que notre PIB par
tête double pour un taux de croissance annuel de 1,1 %, 33 à 2,1 %, et 22 à 3,1 % ; le
PIB par tête chinois est passé de 4197 à 4803 dollars (de 1990) entre 2005 et 2006, ce
qui correspond à un taux de croissance de 14,4 % : à ce taux, il faudra seulement 5 ans
pour que double le PIB par tête chinois !
À quoi faut-il attribuer les deux derniers siècles de croissance ? Des éléments de
réponse nous sont donnés dans le tableau 2. Alors que les heures travaillées par tête
ont beaucoup baissé depuis le début du XXe siècle, la productivité moyenne du tra-
vail est entre 20 et 40 fois plus élevée aujourd’hui qu’en 1913. Ce n’est pas l’exploi-
tation de terres supplémentaires qui permet de rendre compte de cette évolution, et
si l’efficacité du travail, mesurée par l’éducation, a effectivement partout augmenté,
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6 Macroéconomie
TABLEAU 1
Population et revenu dans le monde depuis l’an mil
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cela n’est pas non plus suffisant pour en rendre compte. Clairement, ce qui ressort
du tableau 2, c’est que l’accumulation du capital (que ce soit les machines ou au tra-
vers de nouveaux bâtiments − construits à des fins non résidentielles) a littéralement
explosé : le facteur est supérieur à 100 pour les machines et l’équipement, et à 20 pour
les constructions non résidentielles. Cette forte intensité en capital des biens produits
s’est accompagnée d’une croissance très importante des exportations1 .
TABLEAU 2
Les déterminants de la croissance depuis 1820
1. Savoir si la croissance de la production a impliqué une hausse des exportations, ou bien a été impliquée par
elle, est évoqué brièvement par Bairoch (1999) ; la réponse ne semble pas tranchée. Voir aussi le commentaire de
J.C. Asselain dans le même livre, qui lie le commerce extérieur au protectionnisme de l’économie.
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8 Macroéconomie
Le rôle joué par le capital dans la croissance économique est le fil directeur du cha-
pitre. Dans ce chapitre, nous allons chercher à cerner la part de la croissance que l’on
peut lui attribuer.
Y t = F (K t −1 , L t ) (1.1)
biens finals.
Si l’on souhaite que le comportement d’une entreprise fictive se rapproche de celui
de l’économie dans son ensemble, la fonction de production de type Cobb-Douglas,
Y t = AK tα−1 L 1−α
t (avec 0 α 1) est communément retenue à un niveau très agrégé.
Cela ne veut bien sûr pas dire qu’elle décrit correctement la technologie utilisée par
chacune des entreprises que comprend l’économie dans son ensemble : cette fonc-
tion permet de reproduire plutôt bien les effets de substitution de facteurs entre
les entreprises mais elle est moins performante lorsqu’il s’agit de rendre compte de
ces substitutions à l’intérieur d’une entreprise donnée (« au niveau individuel ») –
cf. Malinvaud (1998) pour une discussion.
Plus généralement, on supposera que F (λK , λL) = λF (K , L) pour tout λ 0 (les
rendements d’échelle sont constants), que F K (·) 0 et F L (·) 0 (les rendements
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marginaux de chaque facteur de production sont positifs), et enfin que F K K (·) 0 et
F LL (·) 0 (ces rendements marginaux sont décroissants). Une fonction de production
ayant ces trois propriétés est dite « néo-classique ». La fonction Cobb-Douglas est un
exemple de fonction de production néo-classique.
Soit P t le prix du bien final lors de la période t . La recette de l’entreprise au chapitre
de la période t est donc égale à P t Y t .
Son coût de production lors de cette période a deux composantes : la première est
relative à la rémunération du travail, la seconde à celle du capital. Soit Wt le salaire
nominal versé en t par unité de travail. Il en coûte donc Wt L t à l’entreprise pour
rémunérer ses travailleurs en t . Pour ce qui concerne le capital, nous ferons l’hypo-
thèse simplificatrice qu’il n’existe pas de bien spécifique servant de capital : il n’existe
qu’un seul bien, qui peut être soit consommé soit utilisé comme capital ; le prix du
bien qui sert de capital est donc lui aussi égal à P t . Pour se fixer les idées, on peut voir
ce bien unique comme du blé, qui peut être consommé ou utilisé comme semence en
vue d’une production ultérieure. Lors de la période t , l’achat de I t unités de capital
coûte donc P t I t ; I t est l’investissement brut, que l’on appelle « Formation Brute de
Capital Fixe » en Comptabilité Nationale. L’utilisation du capital dans le processus de
production s’accompagne en général d’une usure : on supposera que δK t −1 unités de
capital sont détruites lorsque l’on utilise K t −1 unités de capital en t . Le paramètre δ
est le « taux de dépréciation » du capital ; il est supposé invariant au cours du temps.
Pour la France, ce taux est en moyenne de 10 à 15 % (nous verrons plus bas un exemple
dans lequel, pour certains types de capital, il est beaucoup plus élevé). On peut donc
écrire la dynamique du stock de capital :
K t = K t −1 + I t − δK t −1 . (1.2)
P t Yt − w t L t − P t I t ,
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10 Macroéconomie
t
t = (1 + i j ),
j =1
la somme qu’il faut placer en 1 pour obtenir une unité de monnaie en t est donc égale
à 1/ιt (avec la convention de notation que i 1 = 0).
Le problème de l’entreprise en t = 1 est alors de choisir une suite (L t , K t , t 1),
associée à la condition initiale K 0 donné, qui maximise
∞ P F (K
t t −1 , L t ) − W t L t − P t (K t − K t −1 + δK t −1 )
.
t =1 ιt
Cette expression donne le profit total qu’une entreprise dégage si elle produit perpé-
tuellement, évalué en t = 1, c’est-à-dire une fois que les sommes dégagées en t sont
converties en unités de monnaie de t = 1 (à l’aide de ιt ).
Si la fonction de production est concave, les conditions du premier ordre sont
nécessaires et suffisantes. La condition du premier ordre relative au travail a la forme
habituelle de la théorie microéconomique :
F L (K t −1 , L t ) = Wt /P t . (1.3)
P t P t +1
− + (F K (K t , L t +1 ) + (1 − δ)) = 0,
ιt ιt +1
ou bien encore,
1 P t +1
−1 + F K (K t , L t +1 ) + (1 − δ) = 0. (1.4)
1 + i t +1 P t
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P t F (K t −1 , L t ) − Wt L t − P t (r t + δ)K t −1 ,
ou bien encore,
F (K t −1 , L t ) − w t L t − (r t + δ)K t −1 , (1.6)
avec w t ≡ Wt /P t le salaire réel en t . En t = 1, elle ne choisit en fait que L 1 puisque K 0
est une donnée.
Puisque F (·) est à rendements d’échelle constants, on a :
Au point λ = 1,
F K (K , L)K + F L (K , L)L = F (K , L). (1.7)
On retrouve la propriété d’épuisement du produit. Au point λ = 1/L,
F (K /L, 1) = F (K , L)/L : la production par tête (en fait, par unité de travail), F (K , L)/L,
est une fonction du stock de capital par tête k ≡ K /L. On notera F (k, 1) ≡ f (k).
Par définition, F K (K /L, 1) = f (k) > 0 ; puisque la productivité marginale du
capital est décroissante (avec le stock de capital agrégé K ), on a aussi f (k) < 0.
Puisque F L (K , L) = f (k) − f (k)k, les deux conditions du premier ordre (1.3) et (1.5) se
réécrivent respectivement :
f (k t ) − f (k t )k t = w t , (1.8)
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12 Macroéconomie
et
f (k t ) = r t . (1.9)
avec φ (0) = 0, φ (·) > 0 et φ (·) > 0. Le coût unitaire du capital est augmenté de φ, qui
dépend du rapport I t /K t −1 . On peut interpréter K t −1 comme une proxy de l’échelle de
production courante. Doubler le capital nécessite alors d’accroître le nombre d’unités
de production (usines), etc. Et il est plausible que ce coût marginal φ augmente avec
I t /K t −1 .
Le problème de l’entreprise est dans ce cas de choisir une suite (I t , L t , K t ), pour tout
t 1, qui maximise
∞ t 1 It
P t Y t − Wt L t − P t I t 1 + φ
t =1 s= j 1 + i j K t −1
K t K t −1 + I t − δK t −1
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= ψ(q t ),
K t −1
avec ψ > 0.
La pertinence des coûts d’ajustement du capital, au moins dans la formulation rete-
nue dans cette section, est discutée. Blanchard et al. (1993) ont étudié la relation entre
I /K et q sur XXe siècle aux EU. Le rapport I /K est tiré de la Comptabilité Nationale. Il
reste à choisir une mesure du q de Tobin. Notons V (K ) le cash flow (réel) maximal que
l’on obtient avec K unité de capital. La valeur moyenne d’une unité de capital peut
s’écrire V (K )/K . Puisque q représente la valeur (marginale) d’une unité de capital, il
est naturel de choisir V (K )/K (que l’on appelle parfois le « q moyen ») comme proxy de
q. La figure 2, extraite de leur texte, reporte les évolutions de ces deux variables entre
1900 et 1990. Elles semblent bien évoluer de concert sur certaines périodes (1900-1920
et 1960-1975) mais en-dehors de ces périodes une hausse du q de Tobin est plutôt
associée à une baisse du taux de croissance du capital agrégé, contrairement à ce que
prédit la théorie. Pour cette raison, nous négligerons dorénavant les coûts d’ajuste-
ment du capital.
10 1.3
1.1
8
0.9
6
0.7
4
0.5
2 0.3
´10-2 0 15 30 45 60 75 90
IK Q
FIGURE 2
Investissement et q de Tobin
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14 Macroéconomie
3. LA COMPTABILITÉ DE LA CROISSANCE
3.1. La décomposition de Solow
Le tableau 2 nous a amené à conclure que la croissance de la production par tête
au chapitre de l’époque capitaliste était pour une grande part imputable au capi-
tal. Dans quelle mesure ? Une façon simple de répondre à cette question a été pro-
posée par Solow (1957). Elle repose sur la description du comportement des entre-
prises faite dans la section précédente. Supposons que la fonction de production soit
Y t = A t F (K t −1 , L t ). L’homogénéité de la fonction de production nous autorise à voir
A t K t −1 et A t L t comme les facteurs de production effectifs lors de la période t . Ainsi,
lorsque la quantité de travail fournie est L t en t , tout se passe comme si elle était
A t L t : une hausse de A t au cours du temps reflète une hausse de l’efficacité du travail.
Cette même interprétation vaut pour le capital : la qualité du capital augmentant au
cours du temps, un même stock de machines permet de produire plus de biens final. Il
est naturel de voir A t comme reflétant un progrès technique, progrès incorporé éga-
lement dans les équipements et dans la force de travail. Pour une telle variante de
fonction de production,
dY t d A t K t −1 dK t −1 L t dL t
= + A t F K (K t −1 , L t ) + A t F L (K t −1 , L t ) . (1.10)
Yt At Y t K t −1 Yt L t
En pratique, la productivité marginale de chaque facteur de production est mesurée
par son prix : sous l’hypothèse de concurrence parfaite, on a A t F K (K t −1 , L t ) = r t + δ et
A t F L (K t −1 , L t ) = w t . Le taux de croissance de la production peut alors s’écrire :
dY t d A t (r t + δ)K t −1 dK t −1 w t L t dL t
= + + .
Yt At Yt K t −1 Yt L t
Le rapport (r t +δ)K t −1 /Y t représente la part de la rémunération du capital dans le PIB,
et w t L t /Y t est celle du travail.
Si l’on est capable de mesurer le revenu agrégé, le capital, le travail et les rému-
nérations de chacun de ces deux facteurs de production (c’est l’un des objets de la
Comptabilité Nationale), le terme d A t /A t apparaît comme un résidu de l’équation
précédente. C’est le « résidu de Solow ». Il relève de la partie non expliquée de la crois-
sance du PIB, celle qui n’est pas imputable à la croissance des facteurs de production
eux-mêmes ; c’est la « productivité globale des facteurs ».
Comme la variable L t est en général un nombre d’heures de travail, la variable K t −1
pourrait représenter un nombre d’heures d’utilisation du capital, mais ce dernier est
difficilement mesurable. La Comptabilité Nationale recense par contre la formation
brute de capital fixe. Aussi, si l’on pouvait observer le stock de capital initial (et le taux
de dépréciation du capital au cours du temps), on pourrait connaître exactement le
stock de capital en t . En pratique, pour mesurer le stock de capital, on doit se résoudre
à former une conjecture sur le stock de capital initial, l’influence de cette conjecture
s’estompant au cours du temps du fait de la dépréciation.
L’efficacité du capital, comme celle du travail, change : le capital récent est plus
efficace que l’ancien, l’éducation et l’expérience professionnelle conduisent à une
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TABLEAU 3
Décomposition de la croissance en France
emp âge
Pt P tact P t
L t = P ttot Dt (1.11)
P tact P âge P ttot
t
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16 Macroéconomie
emp
où P ttot représente la population totale, P t le nombre de personnes employées, P tact
âge
la population active, P tla population en âge de travailler, et D t la durée moyenne de
emp
travail par personne employée dans l’année t . Le rapport P t /P tact est égal à 1−u t où
âge
u t est le taux de chômage en t . Le rapport P tact /P t est le taux d’activité ; la population
en âge de travailler est composée des personnes de 15 à 65 ans. Le taux de croissance
(annuel moyen) de la population totale en France entre 1990 et 1998 est de l’ordre
de 0,5 %. Scarpetta et al. (2000) donnent les taux de croissance des autres termes de
emp âge âge
(1.11) : P t /P tact a baissé de 0,3 %, P tact /P t a augmenté de 0,2 %, P t /P ttot a baissé
de 0,1 %, et D t a baissé de 0,4 %. Grosso modo, la part de la population active dans
la population totale est donc restée constante : la baisse de la part de la population
active dans la population en âge de travailler, due pour l’essentiel à l’allongement de
la durée des études et la baisse de l’âge de la retraite, a été compensée par l’entrée
des femmes dans la population active (Salanié, 2007). La baisse du nombre d’heures
travaillées, de 0,1 % durant les années 90 en France, est donc le résultat d’une hausse
du taux de chômage et de la baisse de la durée moyenne du travail (par personne
employée et par an), que ne suffit pas à compenser la croissance démographique1 . Le
diagnostic serait en fait assez voisin sur une période plus longue (voir Salanié, 2007,
pour l’histoire depuis 1950).
Remarque 1.2 Fiscalité et décomposition de la croissance
En 2006, le revenu total, égal à 1792 Md , se décomposait en 930 Md au titre de
la rémunération des salariés (52 % de la VA), 617 au titre de celle du capital (34
% de la VA), les 245 Md qui restent relevant des impôts sur la production et les
importations (nets de subventions). Cette dernière catégorie recouvre pour l’essen-
tiel la TVA (107 Md ), la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (71 Md ), la taxe
professionnelle (21 Md ) et la taxe foncière (21 Md ). Elle ne recouvre bien sûr
pas l’ensemble des prélèvements obligatoires : par exemple, les cotisations sociales
1. En 1998, alors que la durée légale du travail était de 39 h/sem sur 52 − 5 = 47 semaines dans l’année, soit de
1 833 heures, la durée effective de travail était de 1599 heures seulement ; en 2003, pour une durée légale de 35
h/sem, la durée légale était de 1 645 heures par an, alors que la durée effective n’était que de 1 453 heures.
Pour avoir en tête quelques points de repères historiques, rappelons que la durée hebdomadaire de travail dans
les années 1830 se situait aux alentours de 80 heures (Ducpétiaux, 1837). La loi du 22 mars 1841, première loi
« relative au travail des enfants employés dans les manufactures, usines et ateliers », énonce notamment :
« A RT. 1. Cette loi s’applique aux manufactures, usines, ateliers à moteur mécanique ou à feu continu, ainsi que
dans les fabriques occupant plus de vingt ouvriers réunis en atelier.
A RT. 2. Les enfants devront pour être admis avoir au moins huit ans. De huit à douze ans, ils ne pourront être
employés au travail effectif plus de huit heures sur vingt-quatre, divisées par un repos.
De douze à seize ans, ils ne pourront être employés au travail effectif plus de douze heures sur vingt-quatre,
divisées par des repos. Ce travail ne pourra avoir lieu que de 5 heures du matin à 9 heures du soir.
A RT. 3. Les enfants en dessous de seize ans ne pourront être employés les dimanches et jours de fête reconnus
par la loi. »
La durée annuelle légale de travail a baissé en raison de la baisse conjointe de la durée légale hebdomadaire et
celle du nombre de semaines travaillées dans l’année. La loi « Millerand » du 30 mars 1900 fixe l’organisation
progressive en quatre ans de la journée de travail de tous à 10 heures. La loi du 23 avril 1919 institue des durées
maximales de 8 h par jour et de 48 h par semaine. Sous le Front populaire, la durée hebdomadaire (légale) passe
à 40 h (mais elle s’élève dès la fin de la guerre, et la hausse se poursuit jusqu’au milieu des années 60). Le passage
à 39 h se fait en février 82, et à 35 h en 2000-2002. Dans le même temps, les deux premières semaines de congés
payés sont créées en 1936, la 3e en 1956, la 4e en 1969, et la 5e en 1982.
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(331 Md ) sont incluses dans la rémunération des salariés, tandis que l’impôt sur les
sociétés (49 Md ) l’est dans les revenus du capital. Il est sans doute inutile de consi-
dérer ici chacun de ces prélèvements. Contentons-nous du plus important en termes
de recettes : la TVA. En première approximation, on peut considérer que la TVA est un
impôt qui porte sur la valeur ajoutée nette du coût du capital. Soit τ le taux (moyen)
de TVA : la TVA (réelle) que doit acquitter l’entreprise est donc égale à τ(Y t − r t K t −1 ),
et son profit s’écrit Y t − w t L t −r t K t −1 −τ(Y t −r t K t −1 ) = (1−τ)Y t − w t L t −(1−τ)r t K t −1 .
La maximisation du profit donne ainsi :
∂F (K t −1 , L t )
At = rt
∂K t −1
et
∂F (K t −1 , L t ) wt
At =
∂L t 1−τ
ce qui montre que la TVA pèse en fait implicitement sur le travail. La décomposition
(1.10) se réécrit
dY t d A t r t K t −1 dK t −1 w t L t dL t
= + + .
Yt At Yt K t −1 1 − τ Yt L t
En négligeant la TVA, on sous-estime donc le poids de la croissance des heures tra-
vaillées ; un coefficient α de 0.4 tend à sur-estimer le poids réel du capital, qui devrait
être de l’ordre de 0,3.
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18 Macroéconomie
TABLEAU 4
Productivité du travail et TIC en France
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p t A t F K = (1 + i )p K t −1 − (1 − δ)p K t ,
p t A t F T = (1 + i )p T t −1 − (1 − δ)p T t ,
et
p t A t FL = w t .
Ainsi, le taux de croissance du PIB devient, pour un taux d’intérêt nominal, des taux
de dépréciation et des variations de prix des différents types de capital suffisamment
proches de 0,
dY t d A t p K t K t −1 dK t −1
= + (i + δK − πT t )
Yt At p t Yt K t −1
p T t T t dT t w t L t dL t
+ (i + δT − πT t ) + .
p t Yt Tt p t Yt L t
Comme L t = N t D t , si l’on suppose que les rendements d’échelle constants,
dY t d N t d A t p K t K t −1 dK t −1 d N t
− = + (i + δK − πK t ) −
Yt Nt At p t Yt K t −1 Nt
p T t T t dT t d N t w t L t dD t
+ (i + δT − πT t ) − + .
p t Yt Tt Nt p t Yt D t
Les TIC sont caractérisées par une obsolescence et une baisse de prix rapides ; le
« coût d’usage » des TIC (i + δT − πT t ) est de l’ordre de 30 à 35 % dans le tableau 4.
À titre de comparaison, il n’est que d’environ 10 % pour un bien d’équipement usuel.
Bien que la part des TIC dans le PIB, mesurée par p T t T t /p t Y t soit relativement
faible, de l’ordre de 6 % en France (pour le capital hors TIC, elle est de l’ordre de 20 à
30 %), la contribution du capital TIC à la hausse de la productivité du travail ne peut
pas être négligée : 1 point de pourcentage de croissance du capital TIC a conduit à
une hausse de 0, 024 ( 0, 35 × 0, 06) point de croissance de la productivité du travail
entre 1995 et 2002. Au final, le tableau 4 montre que la contribution du capital TIC est
devenue supérieure à celle du capital hors TIC depuis 1995.
Pourquoi la productivité du travail baisse-t-elle ? On le voit : l’augmentation de la
contribution du capital TIC et de la PGF TIC ne sont pas suffisantes pour compenser
la baisse de la contribution du capital hors TIC, de la PGF hors TIC, et de la durée du
travail.
4. CONCLUSION
Prendre en compte le capital dans l’analyse implique un nouveau lien entre l’offre et la
demande : un lien temporel. Nous n’avons dans ce chapitre appréhendé le capital que
sous l’angle de l’offre agrégée. La macroéconomie de court terme n’envisage quant
à elle l’investissement que sous l’angle de la demande agrégée, comme une compo-
sante de la demande, celle des entreprises, à côté de celle des ménages, de l’État ou de
l’extérieur.
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20 Macroéconomie
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CHAPITRE 2
L’équilibre intertemporel
1. INTRODUCTION
Ce sont les premiers modèles de croissance keynésiens, apparus dans les années 1940,
qui vont introduire le concept d’équilibre intertemporel. Ces travaux s’appuient sur
l’équilibre de court terme du modèle IS-LM et voient en conséquence l’investissement
comme une composante de la demande agrégée de biens et services. Alors que le
modèle IS-LM ne prend pas en compte la contrepartie de l’investissement en termes
du stock de capital supplémentaire, Domar (1946) est le premier à avoir cherché à
intégrer ce double rôle joué par le capital, à la fois dans l’offre et dans la demande de
biens. C’est lui qui est à l’origine de la notion de « taux de croissance garanti », celui
qui correspond au taux de croissance du bien final résultant d’une accumulation du
capital sans contrainte sur l’offre de travail.
Harrod (1939) se pose la question de la stabilité de la croissance : est-il possible que
l’offre soit égale à la demande lors de chaque période lorsque certaines décisions (ici,
l’investissement) influencent les deux côtés du marché de façon a priori différentes ?
Ces deux analyses adoptent un point de vue keynésien, au sens où l’évolution de la
production est déterminée par la demande agrégée indépendamment de la quantité
de travail offerte ; les prix des biens et des facteurs de production restent constants.
On supposera que la quantité de travail effectivement utilisée est celle qui est juste
nécessaire à la satisfaction de la demande de biens finals, que cette demande est trop
faible, et qu’il en résulte du chômage.
La vision keynésienne du long terme confirme les enseignements keynésiens de
court terme : l’excès de demande généralisé qui caractérise l’économie dans le cadre
du modèle IS-LM de court terme, et plus généralement les déséquilibres observés sur
les marchés devraient se retrouver à plus long terme. L’équilibre intertemporel est
aussi peu plausible à long terme que l’équilibre général walrassien à court terme.
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22 Macroéconomie
Cette vision cadre parfois mal avec les faits stylisés. Ce chapitre décrit comment
le cadre keynésien a été amendé pour le réconcilier avec une évolution moins heur-
tée dans le plus long terme : on insiste souvent sur les aspects technologiques, moins
sur les hypothèses fortes faites sur les comportements de formation des anticipations
retenus par les auteurs qui suivront les keynésiens, et dont l’influence perdurera jus-
qu’à aujourd’hui.
2. LA CROISSANCE EN DÉSÉQUILIBRE
On supposera que la fonction de production est de type Leontief :
K t −1 L t
F (K t −1 , L t ) = inf , ,
v u
où le coefficient de capital v représente le nombre d’unités de capital nécessaires pour
produire une unité de bien final. Les facteurs de production ne sont donc pas substi-
tuables ; on supposera que le capital est le facteur crucial dans la production, au sens
où K t −1 /v < L t /u pour tout t . On a donc Y t = K t −1 /v pour tout t .
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Un équilibre intertemporel est donc tel que (2.1) et (2.2) sont vraies pour tout t 0.
L’intuition du mécanisme économique à l’œuvre dans (2.2) est immédiate : si la quan-
tité investie I t a permis, lors d’une période t , de rendre la demande agrégée égale à
l’offre agrégée (qui était alors donnée), elle a en même temps accru la capacité de
production dont l’économie disposera lors de la période suivante (de I t /v). Il faudra
donc que l’investissement augmente plus lors de la période suivante que lors de la
période courante, pour que le niveau de la demande future puisse atteindre celui de
l’offre future. En fait, il faut que la demande agrégée augmente de I t /v, c’est-à-dire
que l’investissement augmente d’un montant ΔI t +1 tel que ΔI t +1 /s (l’augmentation
de la demande entre t et t + 1) égale I t /v (l’augmentation de l’offre entre t et t + 1).
Alors, la demande agrégée croît au taux s/v, la production croît donc aussi à ce taux,
de même que le stock de capital agrégé.
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24 Macroéconomie
3. LA CROISSANCE NÉOCLASSIQUE
Les analyses keynésiennes de la croissance suggèrent que la dynamique de l’écono-
mie devrait être caractérisée par une très forte instabilité ; dans ces analyses, il n’existe
pas de forces de rappel dès lors que le système ne croît pas au taux de croissance
garanti. Leurs prédictions ont été perçues comme plus éloignées des faits stylisés de
la croissance dans le long terme tels qu’ils ont été rassemblés par Nicholas Kaldor
(1963) :
1. Le produit par tête croît au cours du temps, et son taux de croissance ne tend
pas à diminuer.
2. Le capital (physique) par tête croît au cours du temps.
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C’est en partie ce hiatus qui a motivé Solow (1956) : « An expedition from Mars arri-
ving on Earth having read this literature would have expected to find only the wre-
ckage of a capitalism that had shaken itself to pieces long ago. Economic history was
indeed a record of fluctuations as well as of growth, but most business cycles see-
med to be self-limiting. Sustained, though disturbed, growth was not a rarity » dit-il
en recevant le prix Nobel en 1987.
Solow va réconcilier la théorie avec une vision plus stable de l’économie dans le
long terme en relachant l’hypothèse, plus plausible à très court terme qu’à plus long
terme, selon laquelle le coefficient de capital est constant. Il va considérer une fonc-
tion de production agrégée à rendements décroissants : le rendement du capital, bien
que positif, est plus faible au fur et à mesure que le stock de capital agrégé s’élève par
rapport à la quantité de main-d’œuvre disponible ; de façon équivalente, le coefficient
de capital augmente. Le cadre est sinon analogue à celui de Harrod-Domar.
3.1. Le cadre
Du côté de l’offre, les entreprises sont supposées produire un bien, qui sert à la fois de
bien de consommation et de capital, à partir de deux facteurs, le travail et le capital.
Ces deux facteurs sont possédés par les ménages ; chaque ménage offre une unité de
travail lors de chaque période. Il y a N t ménages à la date t (et la population croît au
taux constant n). Les ménages disposent donc du revenu des facteurs de production,
et ils choisissent à chaque date la quantité qu’ils souhaitent consommer et celle qu’ils
souhaitent utiliser pour augmenter leur stock de capital.
lim F K (K , L) = lim F L (K , L) = +∞
K →0 L→0
et
lim F K (K , L) = lim F L (K , L) = 0.
K →∞ L→∞
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26 Macroéconomie
3.1.2. La chronologie
Il est nécessaire de décrire très précisément la suite des évènements qui se succèdent
lors de la période t . Dans ce qui suit, on choisit le bien final comme numéraire (son
prix est donc égal à 1).
À la date t , qui marque le début de la période t , les ménages possèdent un stock de
capital K t −1 qui est prédéterminé à cet instant, c’est-à-dire déterminé avant la date t ,
résultant d’une accumulation antérieure à cette date ; nous allons voir tout à l’heure
comment. Ils possèdent aussi une quantité de travail N t .
S’ouvrent alors les marchés pour les facteurs de production. Les ménages offrent
les K t −1 unités de capital qu’ils possèdent, et N t unités de travail. Les entreprises
« louent » les services de ces K t −1 unités de capital au prix r t (elles utilisent K t −1 uni-
tés de capital et rendent (1 + r t )K t −1 unités de capital). Elles demandent L t unités de
travail ; le salaire réel est fixé de sorte que L t = N t .
Les entreprises produisent à l’aide de ces K t −1 unités de capital et L t unités de tra-
vail Y t = F (K t −1 , L t ) biens finals. Il y a donc, à l’issue de la production, K t −1 unités de
capital (si l’on néglige la dépréciation) et Y t biens dont la forme définitive (bien de
consommation ou capital) n’a pas encore été décidée. Le stock K t −1 est ici le « patri-
moine » du ménage tandis que Y t est son (flux de) revenu.
Les entreprises distribuent le revenu r t K t −1 +w t L t = Y t aux ménages en contrepar-
tie des facteurs qu’elles utilisent. Les ménages disposent de ce revenu pour consom-
mer une quantité de biens C t et épargner le reste, S t .
Le marché pour le bien final (produit en t ) est ouvert à cet instant ; le bien est
demandé par les ménages (il peut être consommé ou servir à l’accumulation du capi-
tal) et il est offert par les entreprises, en quantité Y t .
Une fois la consommation C t choisie, il reste K t −1 +(Y t −C t ) biens qui formeront le
stock de capital K t des ménages à la date suivante, t + 1. La période t s’achève.
Au total :
Yt → Ct
K t −1
K t −1 + St → Kt
Ou bien encore, en termes de revenus,
Y t = F (K t −1 , L t ) = r t K t −1 + w t L t → Ct
K t −1
K t −1 + St → Kt
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Y t = r t K t −1 + w t L t . (2.6)
Rappelons que toutes les grandeurs sont réelles : il n’y a pas de monnaie.
S t = sY t = s (r t K t −1 + w t L t ) . (2.7)
La consommation des ménages est égale au revenu des ménages diminué de leur
épargne, soit :
C t = Yt − S t . (2.8)
On constate que les représentations des comportements des entreprises et des
ménages sont très différentes l’une de l’autre : les entreprises sont supposées choi-
sir le rythme d’accumulation du capital et embaucher le nombre de travailleurs qui
maximisent leur profit, alors que les ménages se comportent d’une façon très rudi-
mentaire, consommant une proportion fixe de leur revenu et épargnant le reste. On
reconnaît le comportement de consommation keynésien : en moyenne, les ménages
consomment effectivement environ 80 % de leur revenu. Cependant, il n’y a pas de
raison pour que cette règle de partage du revenu entre la consommation et l’épargne
soit la meilleure pour les ménages. Au contraire, il est plausible que l’effort d’épargne
soit moins important lorsque le revenu est plus bas, soit parce que l’économie amorce
son développement, soit parce qu’elle est perturbée par un choc, une tempête qui
détruit une grande partie de la production.
L’un des objets des chapitre qui vont suivre sera de traiter les deux types d’agents de
la même manière : les ménages devraient choisir leur consommation, leur épargne et
leur offre de travail en fonction des prix auxquels ils sont confrontés ; un taux d’intérêt
élevé pourrait inciter les ménages à un effort d’épargne supplémentaire. Pour l’ins-
tant, nous nous contenterons de cette modélisation, et nous supposerons également
que l’offre de travail est inélastique (ce qui n’est pas déraisonnable).
3.3. L’équilibre
3.3.1. L’équilibre intertemporel
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28 Macroéconomie
L t = Nt . (2.9)
Sur le marché du capital, les ménages possèdent au début de la période t une quan-
tité de capital héritée du passé, composée de K t −2 unités de capital et augmentée
de l’épargne S t −1 réalisée lors de la période précédente ; les entreprises demandent
quant à elles K t −1 unités de capital (en t ). Et l’on doit avoir :
K t = K t −1 + S t . (2.10)
Un équilibre de la période t est une situation dans laquelle les équations (2.3) à
(2.11) sont satisfaites, étant donné le stock de capital K t −2 + S t −1 = K t −1 possédé en
début de période par les ménages. Notons que (2.6) est redondante avec (2.3), (2.4) et
2.5). De plus, il est facile de vérifier que (2.3), (2.8) et (2.10) impliquent (2.11) ; il s’agit
bien sûr d’une conséquence de la loi de Walras.
Les 7 variables endogènes (Y t , L t , K t , w t , r t ,C t , S t ) sont déterminées lors de la
période t par les équations (2.3) à (2.11), deux d’entre elles étant redondantes.
Nous nous intéresserons dans ce qui suit aux équilibres intertemporels. Un équi-
libre intertemporel est une situation dans laquelle on a un équilibre pour tout t , étant
donné le stock de capital initial. En utilisant (2.7) et (2.9), l’équation (2.10) permet de
définir un tel équilibre comme une suite (K t , t 1) associée à la condition initiale K 0
telle que :
sY t = K t − K t −1 , (2.12)
où Y t = F (K t −1 , L t ) représente le revenu agrégé des ménages. Les autres variables
endogènes sont déterminées par les équations adéquates du système précédent.
Un équilibre stationnaire est un équilibre intertemporel dans lequel toutes les quanti-
tés agrégées croissent au même taux, indépendamment de t . Comme l’offre de travail
croît au taux n, toutes les autres variables doivent croître à ce même taux. Pour carac-
tériser un tel équilibre, il est donc plus simple de considérer les variables par tête,
qui sont constantes à l’équilibre stationnaire. Notons y t = Y t /L t le produit par tête,
k t = K t −1 /L t le stock de capital par tête en t , et f (k) = F (k, 1). Alors, y t = f (k t ). On a
r t = F K (K t −1 , L t ) = F K (K t −1 /L t , 1) = f (k t ),
et comme
Y t = F K (K t −1 , L t )K t + F L (K t −1 , L t )L t ,
on a :
w t = f (k t ) − r t k t .
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Le partage de la valeur ajoutée entre les revenus du travail et ceux du capital est repré-
senté sur la figure 1. Le revenu (par tête efficace) est y t = f (k t ) ; il est égal à la somme
des revenus r t k t + w t des facteurs, avec r t = f (k t ).
f (k )
f ( kt )
f ′(kt )kt
wt
k
kt
FIGURE 1
Le partage de la valeur ajoutée
La fonction f est concave : une hausse du stock de capital par tête (efficace)
implique une hausse de la production par tête (efficace) mais cette hausse est de
moins en moins importante au fur et à mesure que le stock de capital par tête s’élève.
Nous avons déjà décrit dans ce cadre comment devrait évoluer le partage de la valeur
ajoutée au cours du temps. Le taux d’intérêt réel (la productivité marginal du capital
par tête (efficace)) baisse au fur et à mesure que le capital par tête augmente. La
répartition des revenus entre le capital et le travail est déformée en faveur du travail.
Les deux définitions suivantes procèdent de (2.12).
Définition 2.1
Un équilibre intertemporel est une suite (k t , t 1) associée à k 1 = K 0 /N1 donné, et telle
que :
s f (k t ) = (1 + n)k t +1 − k t . (2.13)
s f (k ∗ ) = nk ∗ . (2.14)
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30 Macroéconomie
(1 + n)k
sf (k ) + k
(1 + n)k1′
(1 + n)k 2
(1 + n)k1
= sf (k0 ) + k0
k
k0 k1 k2 k* k1′ k0′
FIGURE 2
La dynamique du modèle de Solow
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Y t +1 − Y t K t − K t −1
n< < ,
Yt K t −1
s f (k ∗ ) = (1 + n)k ∗ − k ∗ = nk ∗ .
Le taux de croissance du capital par tête est positif lorsque le stock de capital est petit,
négatif lorsqu’il est grand, et n’est nul qu’en k = k ∗ : il est donc positif pour tout k < k ∗ ,
et négatif pour tout k > k ∗ . En fait, la concavité de f (k) et f (0) = 0 impliquent que le
rendement moyen du capital f (k)/k est décroissant. Ces propriétés sont reprises dans
la figure 3.
Notons que la condition de stabilité locale de l’équilibre stationnaire
dk t +1 1 + s f (k ∗ )
= <1 (2.16)
dk t 1+n
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32 Macroéconomie
kt +1 − kt
kt
k* kt
n
−
1+ n
FIGURE 3
Taux de croissance du capital par tête
Le fait que s f (k ∗ ) < n nous permet d’ores et déjà d’obtenir des propriétés de statique
comparée de l’équilibre stationnaire. De (2.14), on a :
(s f (k ∗ ) − n)dk ∗ + f (k ∗ )d s − k ∗ dn = 0.
Une hausse du taux de croissance démographique (dn > 0) conduit à une hausse du
taux de croissance du produit par tête à long terme (la population joue le rôle d’un
facteur de production) et à une baisse du niveau du produit par tête (la population
consomme des ressources) ; une hausse de la propension à épargner conduit à une
hausse du produit par tête sans affecter le taux de croissance à long terme.
En reprenant la figure 1, on constate qu’au fur et à mesure de la croissance, le salaire
occupe une place de plus en plus importante dans le PIB par tête, au détriment des
revenus du capital. Mais le partage de la valeur ajoutée finit par se stabiliser.
Qu’en est-il de l’ensemble des faits stylisés de Kaldor ? Pour les discuter, nous avons
vu dans le tableau 2 que la baisse de la durée du travail était compensée par une
hausse de l’éducation qui limite la baisse de « l’efficacité » du travail. Considérons
une fonction de production F (K t −1 , A t L t ) dont les deux facteurs de production sont
le capital agrégé et le travail « efficace ». Dans le long terme, le stock de capital par tête
(efficace) k t = K t −1 /A t L t reste constant : le stock de capital agrégé (et ainsi la produc-
tion agrégée) croît donc au taux de croissance du travail efficace, g A + n (Faits 1 et 2),
où g A est le taux de croissance (exogène) de l’efficacité du travail. Le taux d’intérêt est
égal à la productivité marginal du capital, f (k ) : il est donc constant (Fait 3). Puisque
le capital agrégé et la production agrégée croissent au même taux, le rapport K t −1 /Y t
reste lui aussi constant (Fait 4). Enfin, la part r K t −1 /Y t est elle aussi constante ; tout
comme celle du travail efficace, w A t L t /Y t = (Fait 5). Le produit par travailleur croît au
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taux g A exogène : on ne peut donc pas rendre compte du dernier fait stylisé de Kaldor
(Fait 6) ; c’est l’un des objets de la théorie de la « croissance endogène ».
(1 + n)k
f (k ) + k
cor sor f (k ) + k
sff (k ) + k
c*
k* kor k
FIGURE 4
Règle d’or d’accumulation du capital : sous-accumulation
La règle d’or d’accumulation du capital est donnée par le taux d’épargne (d’inves-
tissement) qui maximise la consommation par tête constante que l’on peut accorder
lors de chaque période1 .
1. L’expression « règle d’or » est due, semble-t-il, à Joan Robinson. Elle rappelle que chaque « génération »
consomme à l’aide de l’effort d’accumulation des générations passées, et qu’elle épargne pour les générations
futures ; elle obéit en un sens à l’une des règles d’or de la morale chrétienne : « Tout ce que vous voulez que les
hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes »(Évangile selon saint
Matthieu, VII, 12).
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34 Macroéconomie
Soit c(k) = f (k)−nk la consommation par tête pour un stock de capital stationnaire
égal à k. Cette fonction est concave avec k ; elle est croissante pour k suffisamment
petit ( f (0) > n). Aussi la consommation par tête sera-t-elle maximale pour un stock
∗
de capital de long terme k or tel que f (k or
∗ ∗
) = n. Soit cor la consommation correspon-
dante. Elle est obtenue sur la figure 4 pour un stock de capital par tête tel que la pente
de f (k) + k est égale à celle de (1 + n)k. Sur cette figure, le stock de capital par tête
k ∗ est inférieur au stock de long terme k or ∗
. Dans ce cas, l’économie est en régime dit
de « sous-accumulation ». Le stock de capital de la règle d’or est indépendant du taux
d’épargne s. Par contre, le stock de capital stationnaire effectif est une fonction crois-
sante du taux d’épargne. Si le taux s est très faible, la solution k ∗ de (2.14) devient très
∗
petite : elle est inférieure au stock k or .
Cet argument suggère que le régime de sous-accumulation n’est pas le seul pos-
∗
sible. Sur la figure 5, le stock de capital par tête k or est inférieur au stock de long
∗
terme k ; comme on pouvait s’y attendre, la propension marginale à épargner s est
cette fois trop forte : elle devrait être plus faible pour que l’économie atteigne la règle
∗
d’or (la propension s or est celle pour laquelle l’économie converge vers la règle d’or
dans le long terme). L’économie est alors en régime de « sous-accumulation ». Cette
configuration est particulièrement inefficace. Pour le voir, supposons que l’écono-
mie se trouve initialement avec un stock k ∗ et une consommation par tête c ∗ , et que
l’on puisse réduire de façon permanente la propension marginale à épargner de s à
∗
s or . Cette baisse de la propension à épargner s’accompagne d’une baisse du stock
∗
de capital par tête jusqu’à k or , et vous pouvez vérifier sur la figure que la consom-
mation par tête augmente toujours (par rapport à la situation initiale de référence,
où la propension marginale à épargner est s) ; la hausse initiale est Δc ∗ sur la figure.
(1 + n)k
f (k ) + k
sf (k ) + k
c*
Δc *
cor sor f (k ) + k
k
kor k1 k*
FIGURE 5
Règle d’or d’accumulation du capital : sur-accumulation
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3.6. La convergence
Les économies pauvres tendent-elles à rattraper les économies plus riches ? De prime
abord, le modèle de Solow prédit une forme de rattrapage : si le capital par tête est
élevé, sa productivité est plus faible, et la croissance va se ralentir.
Deux formes de convergence sont habituellement distinguées : la convergence
absolue et la convergence conditionnelle. Dans le premier cas, on restreint l’attention
à un groupe de pays dont les équilibres de long terme sont relativement proches
les uns des autres (ils ont notamment des taux d’épargne, des taux de croissance
démographique, des taux de dépréciation du capital et des techniques de produc-
tion voisines). La figure 3 ou la formule (2.15) implique que le taux de croissance du
revenu par tête devrait être d’autant plus important que le revenu par tête était bas
initialement. La figure 6, tirée de DeLong (1988), semble valider cette prédiction pour
un groupe de 16 pays de l’OCDE dont les caractéristiques économiques pertinentes
sont proches.
2.8
Log Per Capita Income Growth
Japan
2.6 Sweden
2.4 Finland
Germany
1870-1979
2.2 Norway
Canada
2 Austria United States
Denmark
1.8 Italy Switzerland
1.6 Belgium
France Nederlands
1.4
United Kingdom
1.2
Australia
1
5.6 5.8 6 6.2 6.4 6.6 6.8 7 7.2 7.4 7.6
Log Per Capita Income in 1870
FIGURE 6
Convergence absolue : un point de vue ex post
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36 Macroéconomie
Elle souffre toutefois d’un « biais de sélection » : puisque ces économies sont
proches aujourd’hui et l’étaient moins il y a un siècle, comment pourrait-il en être
autrement ? Si l’on prend en compte un ensemble plus large de pays que Maddison
jugeait proches les uns des autres il y a cent ans, et non pas aujourd’hui, le tableau
change radicalement, comme l’illustre la figure 7, tirée elle aussi de DeLong (1988).
On admet en général que l’hypothèse de convergence absolue est invalidée.
2.6
2.4
Log Per Capita Income Growth
2.2
2
1870-1979
East Germany
1.8 Spain
Ireland
1.6
Chile New Zealand
1.4 Portugal
Argentina
1.2
1
6 6.2 6.4 6.6 6.8 7 7.2 7.4 7.6
Log Per Capita Income in 1870
FIGURE 7
Convergence absolue : un point de vue ex ante
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Au niveau agrégé, le rendement du capital n’est plus décroissant, mais constant. L’éco-
nomie croît continûment au taux s A ; d’autant plus fortement qu’elle épargne une
proportion importante de son revenu.
s( f (k t ) − τ f (k t )k t ) = (1 + n)k t +1 − k t .
La baisse du stock de capital par tête conduit à une hausse du taux d’intérêt et à une
baisse du salaire. La taxe sur les revenus du capital est donc reportée, au moins en
partie, sur le travail, au sens où les travailleurs souffrent eux aussi d’une taxe acquittée
par les capitalistes. C’est un exemple d’incidence fiscale. Plaçons-nous à l’équilibre
stationnaire :
s( f (k ∗ ) − τ f (k ∗ )k ∗ ) = nk ∗ .
1. Tableaux de l’Économie Française 2007. Accessible en ligne depuis le site de l’INSEE (http ://www.insee.fr).
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38 Macroéconomie
Supposons que le taux de taxe soit initialement nul et qu’on le porte à un niveau positif
(soit, τ = 0 initialement). Le stock de capital par tête réagit de la façon suivante :
dk ∗ s f (k ∗ )
= ∗ k ∗ < 0,
dτ s f (k ) − n
ce qui est négatif puisque l’équilibre stationnaire est localement stable pour τ = 0,
c’est-à-dire s f (k ∗ ) < n par (2.16). Une hausse du taux τ réduit le revenu, donc
l’épargne (pour tout stock de capital par tête), et donc le stock de capital par tête
à long terme.
s t = sr r t k t + s w w t .
s r f (k 0∗ )k 0∗ = nk 0∗ (2.17)
s r (1 − τ) f (k 1∗ )k 1∗ = nk 1∗ (2.18)
f (k 0∗ ) = (1 − τ) f (k 1∗ ).
Dans le cas où l’épargne ne provient que des revenus du capital, la mise en place
d’une taxe sur ces revenus conduit à une baisse du stock de capital par tête à long
terme qui laisse inchangé le revenu unitaire net (après impôt) du capital. Comme
d((1 − τ) f (k ∗ )) = 0, le taux d’intérêt s’élève, d f (k ∗ ) = f (k ∗ )dτ/(1 − τ) > 0, et donc le
stock de capital par tête stationnaire baisse. Implicitement, nous avons supposé que
tout le revenu de l’impôt est affecté à la consommation : y t = (1 − τ)r t k t + w t + τr t k t .
On a donc d w ∗ = −k ∗ d f (k ∗ ) < 0 : la taxe sur les revenus du capital ne fait que baisser
le salaire réel (Feldstein, 1974).
Si une partie des revenus du travail est épargnée, s w > 0, le revenu net du capital a
cette fois tendance à baisser, mais le poids de la taxe est encore en partie reporté sur
le salaire.
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s t = s r (1 − τ)r t k t + s w (w t + T ),
avec
T = τr t k t .
L’épargne par tête a tendance à baisser si s r > s w , ce que nous supposerons. Alors, le
stock de capital par tête baisse, ce qui fait augmenter le taux d’intérêt : une partie de la
taxe est reportée sur le travail, mais la baisse du salaire peut cette fois être compensée
par le transfert public.
Plaçons-nous, comme précédemment, dans le cas extrême où s w = 0. Alors, le stock
de capital par tête stationnaire est le stock k 1∗ ; et, d((1−τ) f (k 1∗ )) = 01 . On s’intéresse à
d(w t + T ) = d( f (k 1∗ ) − (1 − τ) f (k 1∗ )k 1∗ ) = τ f (k 1∗ ))dk 1∗ .
s tl = s rl (1 − τ)r t k tl + s w
l
wt ,
s tc = s rc (1 − τ)r t k tc + s w
c
wt .
1. Le même argument que précédemment s’applique puisque l’utilisation des recettes fiscales n’influence pas
l’accumulation du capital lorsque ni les salariés ni l’État n’épargnent.
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40 Macroéconomie
80 %
salaires
70 % pensions
independants
60 % rev foncier
rev captx mobiliers
50 % plus values
40 %
30 %
20 %
10 %
0%
p0-90 p90-99 p99-99,9 p99,9-99,99 p99,99-100
Source : Tableau 23 et suivants en Annexes
Lecture : le fractile P0-90 désigne les 90 % des foyers les moins riches; le fractile P90-99 désigne les foyers dont le revenu est supérieur
au revenu seuil des 10 % des foyers les plus riches mais inférieur au revenu seuil des 1 % des foyers les plus riches; etc.En 1998, les salaires
et assimilés représentaient en moyenne 62 % du revenu total déclaré en moyenne par les 90 % des foyers les moins riches.
FIGURE 8
Composition des revenus par décile de revenu en France en 2005
Les équations d’accumulation du capital par tête détenu par les travailleurs et les capi-
talistes deviennent :
s rl (1 − τ) f (k t )k tl + s w
l
f (k t ) − f (k t )k t = (1 + n)k tl +1 − k tl ,
et
s rc (1 − τ) f (k t )k tc + s w
c
f (k t ) − f (k t )k t = (1 + n)k tc+1 − k tc .
c
Suivons Gupta (1976) et supposons que s w = 0. Alors, en un état stationnaire, on a :
s rl (1 − τ) f (k)k l + s w
l
f (k) − f (k)k = nk l , (2.19)
s rc (1 − τ) f (k)k c = nk c . (2.20)
ce qui montre que le stock de capital par tête s’ajuste de sorte à maintenir inchangé le
revenu du capital, l’intégralité de taxe étant en ce sens reportée sur les salaires, indé-
pendamment du comportement des travailleurs, c’est-à-dire même s’ils épargnent
une partie de leurs revenus d’activité.
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s r (1 − τ)r t k t = (1 + n)k t +1 − k t ,
r t = f (k t ),
w t = f (k t ) − r t k t .
Supposons que l’économie se trouve initialement à son équilibre de long terme sous
laissez-faire, et imposons alors une petite taxe dτ sur le revenu du capital. En linéari-
sant les deux premières équations, on obtient :
s r r ∗ dk t + s r k ∗ dr t − s r r ∗ k ∗ dτ = (1 + n)dk t +1 − dk t ,
dr t = f (k ∗ )dk t .
Soit :
(1 + n)dk t +1 = (1 + s r r ∗ + s r k ∗ f (k ∗ ))dk t − s r r ∗ k ∗ dτ. (2.22)
La variation du stock de capital à long terme s’obtient en posant dk t +1 = dk t = dk ∗ et
en utilisant s r r ∗ = n :
dk ∗ dτ
= ∗,
k∗ σr
où σ∗r est l’élasticité du taux d’intérêt d’équilibre évaluée au point k ∗ , soit k ∗ f (k ∗ )/ f (k ∗ ) < 0.
Comme on se trouve dans le cas classique, le revenu (unitaire) net du capital ne
change pas à long terme. La solution générale de (2.22) est
dk t = βt dk 0 + 1 − βt dk ∗ = 1 − βt dk ∗ ,
avec
n
β = 1+ σ∗ 1 + nσ∗r .
1+n r
L’approximation est obtenue pour n proche de 0. Lorsque β est proche de 0, l’ajus-
tement vers la situation de long terme est très rapide. Dans le cas d’une fonction de
production Cobb-Douglas, il est facile de vérifier que σ∗r = −(1 − α), où α est la part
des revenus du capital dans la valeur ajoutée. Pour α = 1/3 et n petit (n = 0.02 par
exemple), l’ajustement sera très lent à se réaliser complètement.
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42 Macroéconomie
5. EXERCICES ET PROBLÈMES
5.1. Investissement et q de Tobin
On considère une entreprise pendant une infinité de périodes t = 0, . . . , +∞. Les prix
du bien produit et du capital sont normalisés à 1.
À chaque période t , l’entreprise produit une quantité A t K t de biens, où K t est son
stock de capital et A t la productivité du capital. À la fin de la période, l’entreprise
investit I t pour porter son stock de capital de la période suivante à K t +1 = K t + I t .
L’installation de ce nouveau capital coûte, en plus de son prix d’achat, C (I t , K t ) avec
C (0, K ) = 0, C I (0, K ) = 0, C I I > 0 et C K 0.
L’entreprise dispose d’un stock initial de capital K 0 fixé. Enfin, elle a accès à un
marché financier parfait dont le taux d’intérêt réel est constant et égal à r .
+∞ 1
qt = [A t +s − C K (I t +s , K t +s )].
s=1 (1 + r )s
On l’appelle le q de Tobin.
4. Déterminez le lien entre l’investissement et le q de Tobin.
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1 800
1 600
1 400 NYSE
1 200
1 000
1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002
1.200
1.100
1.000
0.900 NYSE
0.800
0.700
1 990 1 992 1 994 1 996 1 998 2 000 2 002
FIGURE 9
Indice boursier et investissement des entreprises cotées au New York
Stock Exchange et au Nasdaq.
Éléments de correction
1. À K fixé, le coût d’ajustement est une fonction convexe de l’investissement, nul
en I = 0 et positif pour I
= 0 : tout ajustement du stock de capital est coûteux,
que ce soit une augmentation ou une diminution de la quantité d’actifs dans
l’entreprise.
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44 Macroéconomie
Enfin, (dés)investir une quantité donnée I est moins coûteux lorsque l’entre-
prise est plus grosse (son stock de capital est plus important) : c’est la taille rela-
tive (à la taille l’entreprise) de l’investissement qui est pertinente.
2. Le programme de l’entreprise est :
+∞ 1
max{K t }t 1 ,{I t }t 0 [A t K t − I t − C (I t , K t )],
t =0 (1 + r )
t
s.c. K t +1 K t + I t , ∀t 0.
3. Le Lagrangien s’écrit :
+∞ 1
L= [A t K t − I t − C (I t , K t ) + q t (K t + I t − K t +1 )].
t =0 (1 + r )t
Les conditions du premier ordre par rapport à K t +1 et I t sont, pour tout t 0,
∂L 1
=0 ⇐⇒ qt = [A t +1 − C K (I t +1 , K t +1 ) + q t +1 ],
∂K t +1 1+r
∂L
=0 ⇐⇒ C I (I t , K t ) = q t − 1.
∂I t
La première se réécrit (par récurrence) :
+∞ 1
qt = [A t +s − C K (I t +s , K t +s )].
s=1 (1 + r )s
Ici, q t est la valeur actualisée d’une unité d’investissement en t . Cette valeur
se décompose en deux termes à chaque date t + s : A t +s est la productivité
marginale du capital, −C K (I t +s , K t +s ) 0 est la réduction du coût d’ajustement
lorsque l’entreprise est plus grosse (car l’ajustement est plus petit relativement
à la taille de l’entreprise). On retrouve l’interprétation du multiplicateur de
Lagrange : en relâchant la contrainte en t d’une unité (en augmentant K t de 1),
on augmente la fonction à maximiser de la valeur du multiplicateur q t .
4. La condition du premier ordre par rapport à I t montre qu’il faut investir lorsque
q t 1 et désinvestir lorsque q t 1 (représenter graphiquement C I en fonction
de I t ). C’est la somme actualisée des rendements futurs qui détermine l’inves-
tissement aujourd’hui.
L’investissement réagit d’autant plus à q t que C I n’est pas trop grand.
5. Avec cette forme pour C (., .), l’investissement et le coût d’ajustement sont pris
en fraction de la taille de l’entreprise : (dés)investir pour une fraction x de la
taille de l’entreprise (I = x ×K ) coûte une fraction φ(x) de la taille de l’entreprise
(φ(x) × K ). En particulier, un investissement de taille donnée est moins coûteux
si l’entreprise est plus grande :
I I I
CK = φ − φ <0
K K K
car φ(.) est convexe.
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Le programme que l’on a résolu aux questions précédentes nous a donné les I t
pour t 0 et K t pour t 1, en fonction du stock initial de capital K 0 qui est une
donnée du problème. La solution est caractérisée par les équations (en rempla-
çant C (., .) par son expression) :
+∞ 1 I t +s I t +s I t +s
A t +s + φ −φ
s=1 (1 + r )
s K t +s K t +s K t +s
It
= 1 + φ , t 0,
Kt
et
K t +1 = K t + I t , t 0.
On voit alors que la solution est proportionnelle à K 0 . En effet, si K 0 est multiplié
par une constante, il suffit de multiplier tous les I t , t 0, et K t , t 1, par la même
constante pour que ces deux équations restent satisfaites pour tout t 0.
6. La valeur d’une entreprise est la somme actualisée de ses profits futurs, donc
+∞ 1 It
V0 = At Kt − It − Kt φ .
t =0 (1 + r ) t K t
Si tous les K t et I t sont multipliés par même constante, V0 est multipliée par la
même constante. V0 est donc, d’après la question précédente, proportionnelle à
K0.
7. Souvenons-nous que le multiplicateur de Lagrange mesure de combien la fonc-
tion objectif augmente lorsque la contrainte associée est relâchée de 1. Cela
signifie que le q de Tobin est égal au rendement marginal du capital, en par-
ticulier, pour t = 0,
∂V0
q0 = .
∂K 0
Or on a montré à la question précédente que :
∂V0 V0
= .
∂K 0 K 0
Donc q 0 = V0 /K 0 . Enfin, le raisonnement aboutissant à ce résultat peut être fait
en décalant l’origine des temps, donc il est vrai pour tout t :
Vt
qt = .
Kt
Remarque : q t est appelé le q de Tobin marginal (c’est la valeur marginale du
capital, i.e., la valeur d’une unité supplémentaire de capital) et Vt /K t est le q
de Tobin moyen (c’est la valeur moyenne du capital). Nous venons de montrer
que dans le cas où les rendements d’échelle sont constants (production propor-
tionnelle à K ) et les coûts d’échelle aussi (coût d’ajustement proportionnel à K ),
alors le q marginal et le q moyen de Tobin sont égaux.
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46 Macroéconomie
+∞ (1 + g )s 1+g 1 1+g
qt = At = At = At .
s=1 (1 + r ) s 1+r 1− 1+g r −g
1+r
q t est une fonction croissante de g , ce qui est très intuitif. C’est également une
fonction convexe de g , ce qui implique que l’incertitude quant à g augmente
l’espérance de q t . Par exemple, si la réalisation de g est g −z ou g +z de manière
équiprobable, alors E [q t ] augmente avec z (le voir graphiquement).
Ceci peut être un des éléments explicatifs de la situation du secteur des nou-
velles technologies à la fin des années 1990. L’incertitude quant au taux de crois-
sance de ce nouveau secteur est alors très incertain (z grand), la valeur margi-
nale de l’investissement (le q de Tobin) est par conséquent élevée. Selon cette
explication, il n’y a pas besoin de recourir à l’irrationalité des investisseurs, ni à
la présence d’une bulle, pour expliquer les investissements massifs dans le sec-
teur des nouvelles technologies à la fin des années 1990, ainsi que la valorisation
élevée des actions de ce secteur1 . Dans ce cas, si par exemple la réalisation de
g est égale à son espérance, les entreprises ont ex post trop investi car le q de
Tobin réalisé est alors inférieur à son espérance,
1+g 1+g
E At > At
r −g r − E [g ]
par l’inégalité de Jensen. L’intuition est bien résumée par Bill Miller, un gérant
du fonds américain Legg Mason, en 1999 : « Being wrong isn’t very costly, and
being right has a high payoff. »
1. Notons toutefois qu’avec la spécification du coût d’ajustement retenue dans cette question, la valeur de l’en-
treprise est différente du q marginal de Tobin. Mais on peut facilement se convaincre que si la relation q = V /K
ne tient plus ici, elle reste qualitativement valable.
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1. Montrez que les facteurs de production sont rémunérés à leur productivité mar-
ginale.
2. Montrez que le profit est nul. Expliquer cet apparent paradoxe.
3. On note avec un point la dérivée par rapport au temps, et g X = Ẋ t /X t le taux de
croissance d’une variable X . Calculez g Y en fonction de g A , g K , g L et α la part
de la rémunération du capital dans la valeur ajoutée.
4. Écrivez le taux de croissance g Y /L de la productivité moyenne du travail en fonc-
tion des taux de croissance g A de la productivité globale des facteurs et g K /L du
capital par tête.
5. En considérant une fonction de production Y t = A t F (K t , B t L t ), décomposez la
croissance selon les modalités du tableau ci-dessous. Quels ont été les facteurs
de la forte croissance qu’a connue l’économie américaine entre 1995 et 1998 ?
TABLEAU 1
États-Unis, 1959-1998 : Contribution des différents facteurs à la croissance
(source : OCDE)
Éléments de correction
1. Les entreprises sont en concurrence parfaite à la fois sur le marché des biens et
sur les marchés des facteurs de production, les marchés du travail et du capital.
Elles prennent donc les prix sur ces marchés, p t , w t et r t , comme exogènes.
Elles demandent les quantités des facteurs de production K t et L t de sorte à
maximiser leur profit
A t F (K t , L t ) − w t L t − r t K t .
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48 Macroéconomie
A t F K (K t , L t ) = r t
et
A t F L (K t , L t ) = w t .
Les termes de gauche sont les productivités marginales des facteurs et les termes
de droite leurs prix.
2. Le profit de l’entreprise représentative vaut
A t F (K t , L t ) − w t L t − r t K t
= A t [F (K t , L t ) − F L (K t , L t )L t − F K (K t , L t )K t ].
Or la fonction de production est à rendements constants, donc homogène de
degré 1, donc le crochet dans l’expression précédente est nul1 .
Ce résultat (concurrence parfaite et rendements constants impliquent un profit
nul) semble contredire l’expérience quotidienne. Ce paradoxe n’en est pas un : il
vient de ce que le profit désigne pour les économistes ce qu’il reste à l’entreprise
après rémunération des facteurs de production (travail et capital), alors qu’il
désigne dans le langage commun ce qu’il reste après rémunération du travail
(les salaires) et d’une partie seulement du capital (la dette mais pas les actions).
3. On calcule la dérivée logarithmique de Y t = A t F (K t , L t ) (cela signifie que l’on
prend le logarithme de cette expression, puis que l’on dérive), ce qui revient
comme nous allons le voir à calculer un taux de croissance. Nous reviendrons
sur ce point dans le chapitre 4. On prend le logarithme :
Ȧ t K̇ t rt Kt L̇ t wt Lt
= + + .
A t K t A t F (K t , L t ) L t A t F (K t , L t )
Cette expression se réécrit :
g Y = g A + αg K + (1 − α)g L ,
1. Théorème d’Euler : Soit F : Rn → R une fonction différentiable et homogène de degré 1, c’est-à-dire que pour
tout réel λ, F (λx 1 , ..., λx n ) = λF (x 1 , ..., x n ). Alors :
n ∂F
F (x 1 , ..., x n ) = xi (x 1 , ..., x n ).
i =1 ∂x i
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˙
AB Ȧ Ḃ
g AB = = + = g A + gB
AB A B
˙
A/B Ȧ Ḃ
g A/B = = − = g A − gB
A/B A B
A˙α Ȧ
g A α = α = α = αg A
A A
Le taux de croissance de Y t /L t vaut :
g Y /L = g Y − g L = g A + α(g K − g L ) = g A + αg K /L .
g Y /L = g A + αg K /L + (1 − α)g B .
1. Notez que l’on devrait écrire αt . Nous verrons un plus loin dans l’exercice que α est constante (indépendante
de K t et L t ) dans le cas Cobb-Douglas, mais ce n’est pas vrai dans le cas général que nous considérons ici.
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50 Macroéconomie
Y t = F (K t , A t L t ),
Ecrivez le logarithme de la production par tête à une date t en fonction des para-
mètres du modèle, en supposant que l’économie est dans son état stationnaire
depuis la date initiale t = 0. Déterminez la répartition de la valeur ajoutée entre
rémunération du travail et du capital.
7. Le tableau 2 rapporte les résultats de l’estimation de l’équation économétrique :
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TABLEAU 2
Estimation du modèle de Solow
Éléments de correction
1. La production effective est :
Yt F (K t , A t L t )
yt = = = F (k t , 1) ≡ f (k t )
At Lt At Lt
K̇ t = sY t − δK t ,
soit
K̇ t Yt f (k t )
=s −δ = s − δ.
Kt Kt kt
Finalement,
k˙t = s f (k t ) − (δ + g + n)k t .
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52 Macroéconomie
2. L’état est dit stationnaire lorsque les variables par unité de travail efficace sont
constantes au cours du temps. En particulier, k̇ t = 0 implique :
s f (k ∗ ) = (δ + g + n)k ∗ .
∂k ∗ ∗
[ f (s or )) − (δ + g + n)] = 0,
∂s
ce qui donne
f ∗ (s or )) = δ + g + n.
Le profit de l’entreprise représentative est :
F (K t , A t L t ) − δK t − r t K t − w t L t .
r t + δ = F K (K t , A t L t ) = f (k t ).
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rt Kt f (k t )k t
= = α.
Yt f (k t )
6. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Le manuel de Barro et Sala-i-Martin (2003) est une très bonne référence : les chapitres
1, 10 et 12 couvrent la plupart des points abordés dans ce chapitre.
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CHAPITRE 3
Une perspective intergénérationnelle
1. INTRODUCTION
La sécurité sociale a été mise en place en France à la Libération. Son architecture,
associée au nom de Pierre Laroque, emprunte aux deux principaux modèles alors
existants : le modèle allemand, créé à la fin du XIXe siècle par la Prusse de Bismarck, et
le modèle anglais, contemporain du système français, et s’inspirant du Plan Beveridge
de 1942. Dans la logique bismarckienne, seuls ceux qui ont cotisé (et leurs ayants
droit) peuvent bénéficier d’une couverture sociale, les prestations qu’ils reçoivent
sont en général proportionnelles à leurs cotisations (les cotisations sont des prélève-
ments affectés à la protection sociale), les cotisations constituent la principale source
de financement des prestations sociales, et la gestion du système est assurée de façon
corporatiste (c’est-à-dire par les intéressés eux-mêmes). Au contraire, dans la logique
beveridgienne, chacun est susceptible de bénéficier du système de protection sociale,
qu’il ait contribué ou non à son financement. Pour cette raison, le financement est
assuré pour l’essentiel par l’impôt (un prélèvement qui n’est pas nécessairement
affecté à la protection sociale) et la plupart des prestations versées sont forfaitaires ;
la gestion du dispositif est confiée à l’État.
La sécurité sociale française est composée de trois grands piliers définis par le type
de risque qu’ils traitent : la vieillesse, la santé et la famille. Le travail, notamment l’in-
demnisation du chômage, ne relève pas à strictement parler de la sécurité sociale. Les
prestations sociales versées au titre du premier pilier, la vieillesse, s’élèvent à 13 % du
PIB (environ 200 milliards d’euros) ; 10 % du PIB pour la santé, et 3 % pour la famille.
On s’intéressera dans ce qui suit à la question des retraites, qui relèvent du pilier
vieillesse. Le système de retraite français est un système par répartition, dans lequel
les prestations sont financées par des prélèvements qui leur sont contemporains. En
ce sens, il se rapproche plutôt de la conception beveridgienne. Néanmoins, jusqu’à
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56 Macroéconomie
très récemment, la part de l’impôt et des transferts publics dans le financement était
pratiquement négligeable, les cotisations assurant le financement de la protection
sociale dans son ensemble, les pensions versées étant proportionnelles aux revenus
d’activité et à la durée de cotisation, ce qui nous rapprocherait du système bismarkien.
En apparence, l’organisation de la branche vieillesse en de très nombreux régimes
(plus de 500) semble renforcer son caractère bismarkien. Toutefois, en pratique, les
deux principes de « solidarité interprofessionnelle » (qui autorise le financement d’un
régime par des cotisations relevant d’un autre régime) et de « solidarité nationale »
(qui autorise les transferts entre le privé et le public) l’atténuent fortement. En outre,
de nombreux régimes sont « alignés » les uns sur les autres, ce qui fait qu’au final
trois régimes prédominent. D’abord, le régime général, créé en 1947, qui concerne
les (anciens) salariés du secteur privé et dont relèvent 8, 5 millions de personnes, qui
fonctionne selon le principe de prestation définie (les prestations sont calculées en
proportion d’un salaire de référence et de la durée de cotisation : lorsque cette durée
est (supérieure ou) égale à une durée prédéfinie, aujourd’hui 40 ans, la retraite est ver-
sée à taux plein, en général 50 % du salaire de référence). Ensuite, les régimes complé-
mentaires, qui sont obligatoires pour tous les salariés depuis 1972, et qui complètent
les retraites versées selon le principe de cotisation définie, et non plus de prestation
définie. Enfin, les régimes particuliers ou spéciaux, qui préexistaient lors de la création
de la sécurité sociale, concernent les salariés de la fonction publique et des grandes
entreprises nationales.
Les projections démographiques laissent craindre des difficultés importantes pour
le régime de retraite par répartition, et ont motivé trois grandes réformes, la première
en 1993 sous le gouvernement Balladur, la deuxième en 2003 sous le gouvernement
Raffarin, et la dernière en 2008 sous le gouvernement Fillon.
Que nous disent ces projections ? La France comprend aujourd’hui près de 61 mil-
lions de personnes. Sous l’effet d’une fécondité relativement élevée (1,9 enfant par
femme, alors que ce taux n’est que de 1,3 en Allemagne, en Italie ou en Espagne), d’un
solde migratoire positif (de l’ordre de 100 000 personnes par an) et d’une hausse de
l’espérance de vie (qui serait en 2050 de 83 ans pour un homme, et de 89 pour une
femme), un simple prolongement de la tendance actuelle implique que la population
française atteindrait 70 millions d’individus en 2050 mais qu’elle aurait vieilli : 32 %
de la population aurait alors plus de 60 ans, contre 21 % aujourd’hui ; et 46 % de la
population aurait entre 20 et 49 ans, contre 54 % aujourd’hui.
Les difficultés que pourrait rencontrer notre système de retraite ne dépendent tou-
tefois qu’indirectement de la structure par âge de la population, au travers du rapport
entre les inactifs de plus de 60 ans et les actifs, le ratio de dépendance. Or, si l’on pré-
voit une hausse de l’activité chez les plus de 60 ans sous l’effet des deux réformes du
système de retraite de 1993 et de 2003, et aussi sous l’effet de l’allongement de la durée
des études (parce qu’elle retarde l’entrée dans l’activité), la hausse de l’espérance de
vie et l’allongement de la durée des études à nouveau, qui vient cette fois réduire le
nombre d’actifs dans la classe des 20-59 ans, conduisent à un ratio de dépendance de
l’ordre de 0, 7 en 2050 alors qu’il n’est que de 0,45 aujourd’hui ; alternativement, il n’y
aurait plus que 1,4 actif par inactif de plus de 60 ans en 2050, contre 2,2 en 2005.
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Un débat entre les partisans et les détracteurs de chacune de ces deux alternatives
s’est ouvert. Un argument d’équité tendrait sans doute à s’opposer à la capitalisation,
pour éviter la reproduction des inégalités entre actifs. Mais un argument d’efficacité
nous ferait plutôt pencher vers la capitalisation. En effet, certains pensent qu’une
hausse de l’épargne par tête conduirait à une hausse du stock de capital par tête, de la
production et de la consommation par tête. En outre, ils s’appuient sur la comparai-
son entre le taux de rendement de l’épargne et le taux de croissance démographique
pour défendre l’idée que les ménages eux-mêmes gagneraient à terme à une réforme.
Pour autant, la question de la transition de la répartition vers la capitalisation, lésant
la génération d’actifs présente au moment la réforme est mise en œuvre, demeure.
L’objectif de ce chapitre est d’étudier la validité de l’argument d’efficacité. Nous uti-
liserons pour cela une version simple du modèle à générations imbriquées introduite
par Diamond (1965). Nous répondrons en particulier aux trois questions suivantes :
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58 Macroéconomie
Durant sa seconde période de vie, il est vieux et consomme c2t +1 et perçoit le revenu
de son épargne (1+r t +1 )s t ; si cette quantité est négative, il rembourse sa dette. Ici, r t +1
représente le taux d’intérêt réel en vigueur en t +1, et il est déterminé à cette date. Cet
individu doit cependant choisir sa consommation de première période et son épargne
avant d’observer ce taux. En t , il doit donc l’anticiper. On supposera pour l’instant que
les anticipations sont exactes ; on dit qu’elles sont « parfaites ». Cf. chapitre 7 pour une
discussion et un relâchement de cette hypothèse.
1
c1t + c2t +1 w t . (3.3)
1 + r t +1
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moins que durant sa jeunesse. D’autre part, la fonction u(·) est la même lors des deux
périodes : le fait d’être jeune ou vieux n’influence pas directement le plaisir retiré de la
consommation. Ces deux hypothèses sont sans doute irréalistes. On pourrait en géné-
ral les lever, au prix d’une lourdeur calculatoire, sans affecter réellement la nature des
résultats que nous allons présenter dans ce chapitre. Toutefois, lorsque l’on s’intéres-
sera par la suite à des questions de politique économique, ces hypothèses ne seront
pas toujours anodines : par exemple, l’efficacité de la politique monétaire est affectée
par la prise en compte d’un effet d’accoutumance, la « formation d’habitudes ».
Le problème que doit résoudre à la date t un individu né à cette date consiste
à choisir un plan de consommation (c1t , c2t +1 ) qui maximise (3.4) sous les deux
contraintes budgétaires (3.1) et (3.2), et sous les deux contraintes additionnelles
c1t 0 et c2t +1 0.
Nous supposerons que l’optimum est intérieur ; il est alors unique et il est tel que le
panier (c1t , c2t +1 ) satisfait la condition du premier ordre
avec
c2t +1 = (1 + r t +1 )(w t − c1t ). (3.6)
L’épargne qui en résulte est w t − c1t . La condition (3.5) a une interprétation margina-
liste simple : en renonçant à consommer une unité de bien lorsque l’on est jeune, on
perd u (c1t ) unité d’utilité, mais on obtient (1+r t +1 ) unités de revenu supplémentaires
une fois vieux, donc le même nombre de biens de consommation supplémentaires
lors de cette période, et chaque bien supplémentaire étant valorisé (du point de vue
de la première période) à βu (c2t +1 ), le gain d’utilité est bien β(1 + r t +1 )u (c2t +1 ).
Soient c1 (w t , r t +1 ), c2 (w t , r t +1 ) les solutions de ce problème, et s t = s(w t , r t +1 ) ≡
w t − c1 (w t , r t +1 ) l’épargne correspondante. Dans ce qui suit, nous supposerons que
l’épargne choisie reste positive ; ce que l’on appelle la « configuration de Samuelson ».
Cf. chapitre 4 pour une étude plus générale.
1 dc2 dc1
= 1− 0.
1 + r t +1 d w t d wt
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60 Macroéconomie
d st dc1
= 1− ∈ [0, 1] .
d wt d wt
et
∂c2 ∂h 2 w t − c1t ∂c2
= + .
∂r t +1 ∂r t +1 1 + r t +1 ∂w t
(+)
1. Soit e(1/(1 + r ), w,U ) la dépense nécessaire pour obtenir le niveau d’utilité U lorsque le taux d’intérêt est r et
le salaire w. Initialement, e(1/(1+r t +1 ), w t ,U ) = w t ; finalement, e(1/(1+r t +1 )+d (1/(1+r t +1 ), w t ,U ) = w t +d R
par définition de d R. En faisant la différence membre à membre, on a au premier ordre :
∂e 1
d = d R.
∂(1/(1 + r t +1 )) 1 + r t +1
Le résultat suit du lemme de Shephard, ∂e/∂(1/(1 + r t +1 )) = c 2t +1 (où e est évaluée dans la situation initiale).
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1. Lorsque l’individu veut s’endetter, s t = w t − c 1t < 0, on a ∂c 1 /∂r t +1 < 0 : l’effet de revenu et de substitution se
renforcent l’un l’autre. Une baisse du taux d’intérêt conduit alors à une hausse de l’endettement souhaité.
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62 Macroéconomie
situation initiale, l’agent consomme lors des deux périodes ((1 + r t +1 )β est proche de
1), une petite hausse du taux d’intérêt réel renchérit le bien 1 par rapport au bien 2
et provoque un report de la consommation sur le bien 2 ; à la limite, l’intégralité du
revenu sera consacrée au bien 2. La consommation de bien 1 diminue et l’épargne
augmente.
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F K (K t −1 , L t ) = r t , (3.7)
F N (K t −1 , L t ) = w t . (3.8)
L’hypothèse faite sur les rendements d’échelle implique que, étant donnés les prix des
facteurs (r t , w t ), si une paire (K t −1 , L t ) est solution de (3.7) et (3.8), alors il est possible
d’accroître le profit de l’entreprise dès que F (K t −1 , L t )−r t K t −1 −w t L t
= 0. On imposera
donc que les prix des facteurs satisfont en outre
F (K t −1 , L t ) = r t K t −1 + w t L t . (3.9)
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64 Macroéconomie
4. L’ÉQUILIBRE INTERTEMPOREL
À la date t , trois marchés sont ouverts : le marché du travail, le marché du capital et
un marché pour les biens.
L’offre agrégée de travail est égale à N t (chaque individu jeune offre une unité de
travail de façon inélastique). L’égalité de l’offre et de la demande sur le marché du
travail s’écrit donc :
Nt = L t . (3.10)
C’est sur le marché du capital que les choses sont un peu différentes de ce qui se
passait dans le modèle de croissance néoclassique de Solow. Au début de la période
t , il y a K t −1 unités de capital. Elles sont possédées par les individus vieux en t (qui
les ont acquises en t − 1). Une fois que la production a eu lieu, et que les facteurs
de production ont été rémunérés, les jeunes de t pour le travail qu’ils ont fourni, les
vieux de t pour le capital qu’ils ont prêté, les vieux de t n’ont maintenant plus aucune
raison de conserver du capital ; ils le consomment intégralement ! À la fin de la période
t ne subsiste donc sous forme de capital que l’épargne des jeunes (réalisée sur leurs
revenus d’activité), N t s t . C’est ce stock qui constituera l’offre de capital en t + 1 ; les
entreprises demandant alors K t . Le taux d’intérêt de t + 1, r t +1 , sera donc tel que :
K t −1 + N t s t − K t −1 = K t . (3.11)
Si l’équilibre sur le marché du capital ne s’écrit pas sous la forme d’une égalité entre
l’épargne et l’investissement (l’égalité entre deux flux) mais entre l’épargne et le stock
de capital lui-même, c’est que tout se passe comme si la dépréciation du capital était
complète, les vieux qui détiennent le stock de capital du début de période le consom-
mant (en le convertissant en biens de consommation).
Par la loi de Walras, les deux contraintes budgétaires (3.1) et (3.2) saturées, la condi-
tion de profit nul (3.9) de l’entreprise, et les deux égalités emplois-ressources (3.10) et
(3.11) sur le marché du travail et sur le marché du capital doivent impliquer l’éga-
lité emplois-ressources sur le marché des biens. Pour le vérifier, sommons membre à
membre
N t c1t + N t s t = w t N t ,
N t −1 c2t = (1 + r t )N t −1 s t −1 ,
r t K t −1 + w t N t = F (K t −1 , N t ),
et utilisons N t −1 s t −1 = K t −1 . On obtient :
N t (c1t + s t ) + N t −1 c2t = K t −1 + F (K t −1 , N t ).
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F (K t −1 , N t ) = N t c1t + N t −1 c2t + K t − K t −1 ,
c’est-à-dire que la valeur ajoutée (le PIB) est égale à la consommation des ménage
plus l’investissement des entreprises. On retrouve l’approche du PIB par la demande.
N t c1t = N t (w t − s t ).
Pour étudier l’existence d’un tel équilibre, notons d’abord que, si k t → 0, alors
w t → 0 et s t → 0, et donc k t +1 → 0.
En outre, en différentiant (3.12), on a :
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66 Macroéconomie
On a s w (·) > 0 et w (·) > 0 : une hausse du stock k t conduit à une hausse du salaire
et donc à une hausse de l’épargne. Le théorème des fonctions implicites implique
qu’il existe un unique k t +1 satisfaisant (3.12) pour tout k t 0. La réciproque n’est
pas forcément vraie puisque le signe de s r (·) est ambigu. Si s r (·) > 0, alors comme
r (·) < 0, il existe un unique k t pour tout k t +1 (à nouveau, le résultat suit du théorème
des fonctions implicites) ; dans ce cas, k t +1 est une fonction croissante de k t .
Intuitivement, lorsque le stock de capital par tête (le rapport capital/travail) est plus
élevé lors de la période courante, la productivité marginale du travail augmente, et
avec elle le salaire. La hausse du revenu des agents jeunes les incite à épargner plus.
Étant donné le stock de capital de la période suivante, il apparaît un excès d’offre
de capital. Il faudrait donc que le stock de capital de la période suivante augmente ;
mais cette hausse influence le taux d’intérêt réel de la période suivante : il baisse. Si
l’épargne baisse quand le taux d’intérêt baisse, l’excès d’offre se résorbe. Sinon, il est
possible qu’une baisse du stock de capital lors de la période suivante rééquilibre le
marché du capital.
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 67 — #75
kt +1
kt
k1* k 2*
FIGURE 1
Stabilité de l’équilibre stationnaire
5. L’OPTIMALITÉ
5.1. La règle d’or d’accumulation
À l’équilibre, l’égalité emplois-ressources sur le marché des biens s’écrit :
N t c1t + K t + N t −1 c2t = K t −1 + F (K t −1 , N t ),
c t + (1 + n)k t +1 = k t + f (k t ), (3.14)
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 68 — #76
68 Macroéconomie
c ∗ + nk ∗ = f (k ∗ ). (3.15)
f (k or
∗
) = n. (3.16)
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70 Macroéconomie
Dans un système de retraite par capitalisation, v t est placée sur le marché du capital
et rapporte (1 + r t +1 )v t en t + 1 ; on a donc p t +1 = (1 + r t +1 )v t .
Supposons que le prélèvement (la cotisation vieillesse) reste constant au cours du
temps : v t = v pour tout t 0.
Alors, dans un système de retraite par capitalisation, les contraintes de budget (3.1)
et (3.2) deviennent :
c1t + s t + v = w t
et
c2t +1 = (1 + r t +1 )(s t + v).
Clairement, face à des prix des facteurs (w t , r t +1 ), le volume total de l’épargne réelle,
s t + v, est le même que dans les sections précédentes. Une hausse de la cotisation v se
1. Compte de patrimoine par secteur institutionnel 4,50 de 2006 ; on néglige les entrepreneurs individuels.
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traduit donc par une baisse de même montant de l’épargne volontaire. En ce sens, il y
éviction complète de l’épargne volontaire.
L’épargne nette étant égale à N t (s t + v), la dynamique d’équilibre (3.12) est :
s t + v = (1 + n)k t +1 .
Dès lors que v est suffisamment petit pour que le montant s t reste positif (il n’y a pas
« d’épargne forcée »), l’offre de capital par tête s t + v reste la même qu’en l’absence
de retraite. Et, par conséquent, le système n’affecte pas l’équilibre. L’interprétation est
simple : les individus jeunes font face à deux placements offrant le même rendement
et ne font que substituer l’un à l’autre.
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72 Macroéconomie
L’épargne baisse lorsque l’on introduit le système de retraite par répartition (d v > 0).
Si r t +1 = n, on a bien d s t = −d v. Plus généralement, d s t < −d v si n > r t +1 ; et,
d s t > −d v si n < r t +1 . La baisse de l’offre de capital est plus importante que la hausse
de la cotisation retraite si et seulement si l’économie est dynamiquement inefficace.
Ou bien encore, étant donné (w t , r t +1 ), l’individu a tendance à consommer moins
en première période de vie lorsqu’on lui impose un placement (dans le système de
retraite) dont le rendement est plus petit que celui du capital (dc1t = −d s t − d v).
Mais il faut aussi prendre en compte la réaction des prix des facteurs à la modifi-
cation de l’épargne. L’accumulation est pénalisée si, pour tout k t , le stock de capital
k t +1 solution de
s(w(k t ), r (k t +1 ), v) = (1 + n)k t +1
est inférieur à celui qui prévalait en l’absence de système de retraite. Partons de la
situation où v = 0. Alors,
dk t +1 sv
=− .
dv s r r (k t +1 ) − (1 + n)
On vient de voir que s v < 0. Il s’ensuit que, dans la configuration où s r > 0, dk t +1 /d v < 0
pour tout t : la retraite par répartition freine l’accumulation du capital. Si, initialement,
l’économie était dynamiquement inefficace, r ∗ < n, l’introduction d’un système par
répartition est Pareto-améliorante. Sinon, c’est-à-dire si r ∗ > n, elle bénéficie à la
génération courante de vieux (qui n’a pas cotisé et reçoit (1+n)v) mais en réduisant la
consommation par tête de long terme (dc ∗ = ( f (k ∗ ) − n)dk ∗ < 0), elle doit pénaliser
des individus dans le futur. Au nouvel équilibre de long terme, le capital par tête est
plus faible : le taux d’intérêt réel est plus élevé et le salaire est plus bas. Une telle
réforme tend donc, en ce sens, à pénaliser les travailleurs.
Les réformes de 1993 et 2003 peuvent être interprétées comme une réduction de la
place de la répartition au profit de la capitalisation. Nous venons de montrer que la
substitution de la capitalisation à la répartition, alors que l’économie française semble
plutôt se trouver dans un régime de sous-accumulation, conduirait à une hausse de
l’épargne, et ainsi du rapport capital/travail à long terme. La productivité marginale
du capital baisserait et le salaire augmenterait ; en ce sens, une telle réforme favoriserait
les travailleurs.
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où τt +1 est un impôt payé par les vieux (en t + 1). Dans le schéma par répartition,
p t = (1 + n)v t .
La contrainte de l’État (nette des comptes de l’organisme de retraite) s’écrit :
N t b t + N t −1 τt = (1 + r t )N t −1 b t −1
⇔ τt = (1 + r t )b t −1 − (1 + n)b t . (3.19)
L’équilibre défini par les quatre relations précédentes ne dépend que de la somme
de la dette et de la cotisation retraite : on verra dans les chapitres suivants qu’il
s’agit d’une forme d’équivalence fiscale rémiscente de ce qu’on appelle « l’équiva-
lence ricardienne ». Pour l’instant, on devine qu’il est possible de substituer la dette
publique à la cotisation sans affecter l’équilibre : il suffit pour cela que la somme des
deux grandeurs ne change pas.
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74 Macroéconomie
NT τT +1 + NT +1 v = (1 + r T +1 )NT v ⇔ τT +1 = (r T +1 − n)v.
τt = (r t − n)v.
Si l’économie est dynamiquement efficace, il s’agit d’un impôt, sinon il s’agit d’un
transfert. La dynamique d’équilibre n’a pas changé, donc l’épargne par tête s t n’a pas
changé, mais les individus jeunes détiennent en plus la dette supplémentaire de l’État
(ils épargnent donc plus au total).
(1 + t )c1t + s t = (1 − τ)w t
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et
(1 + t )c2t +1 = (1 + r t +1 )s t + T .
La contrainte de budget intertemporelle s’écrit
1 1 T
c1t + c2t +1 = (1 − τ) w t + .
(1 + r t +1 ) 1+t 1 + r t +1
On notera dans ce qui suit Wt le revenu intertemporel de l’agent (le terme entre paren-
thèses dans le membre de droite de la contrainte). Avec cette notation, les demandes
de biens de consommation peuvent être exprimées sous la forme :
1 Wt
c1t = c1 , , (3.20)
1 + r t +1 1 + t
1 Wt
c2t +1 = c2 , , (3.21)
1 + r t +1 1 + t
et l’épargne correspondante est
1 Wt
s t = (1 − τ)w t − (1 + t )c1 , . (3.22)
1 + r t +1 1 + t
s t = (1 + n)k t +1 . (3.24)
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76 Macroéconomie
dr ∗
d s ∗ = (1 − c12
)d w ∗ + c11
− (1 − c12 )w ∗ dτ + (c12
w ∗ − c1∗ )d t ,
(1 + r ∗ )2
où l’on a noté c11 la dérivée de la fonction de consommation du bien 1 par rapport à
son premier argument, le prix relatif du bien 2 par rapport au bien 1, évaluée à l’équi-
libre stationnaire de laissez-faire. Le signe de cette dérivée est ambiguë : une hausse
du prix relatif du bien 2 conduit à une baisse de la consommation du bien 2 et une
hausse de la consommation de bien 1 par l’effet de substitution ; une hausse du prix
relatif du bien 2 implique une baisse du revenu qui conduit à une baisse de la consom-
mation par l’effet de revenu. Ainsi c11 > 0 si l’effet de substitution est dominant, et
c11 < 0 si l’effet de revenu est dominant. Par contre, comme d’habitude, 0 < c12 <1
puisque seul un effet de revenu rentre en jeu.
À l’équilibre, d s ∗ = (1 + n)dk ∗ , d w ∗ = w dk ∗ et dr ∗ = r dk ∗ . On en déduit que :
r
(1 + n) − (1 − c12 )w − c11
dk ∗
(1 + r ∗ )2
= −(1 − c12 )w ∗ dτ + (c12
w ∗ − c1∗ )d t .
dk ∗ > 0 ⇔ (c12
w ∗ − c1∗ )d t > (1 − c12
)w ∗ dτ.
Les ajustements de taux sont liés par contrainte budgétaire (3.25). Pour une baisse des
cotisations sociales (dτ < 0), dk ∗ > 0 équivaut à
c2∗ > (1 + n)c1∗ + c2∗ − (1 + n)w ∗ c12
⇔ (1 − c12 )c2∗ > −(1 + n)(w ∗ − c1∗ )c12
,
ce qui est toujours vrai. Dans ce cadre, la TVA sociale implique une hausse du stock de
capital par tête dans le long terme. En utilisant la contrainte budgétaire intertempo-
relle, cette inégalité peut s’écrire indépendamment des niveaux de consommation :
1 − c12 1+n
dk ∗ > 0 ⇔ − < .
c12 1+r∗
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Intuitivement, comme la TVA sociale n’influence pas la structure des prix relatifs des
biens de consommation (dans le long terme), son effet sur l’accumulation, via la déci-
sion d’épargne, doit dépendre de la façon dont l’épargne dépend du revenu intertem-
porel. Au premier ordre, une baisse des cotisations augmente le revenu intertemporel
et donc l’épargne. De l’autre côté, la hausse du taux de TVA implique une baisse de la
quantité consommée, mais elle est grosso modo compensée par la hausse du prix à
la consommation, ce qui limite la réaction de l’épargne. Au final, la baisse des cotisa-
tions l’emporte pour déterminer le sens de variation de l’épargne.
7. CONCLUSION
Nous n’avons pas examiné de nombreuses questions relatives aux retraites ; notam-
ment l’équité associée à chaque régime. Il est possible qu’un critère d’équité intra ou
intergénérationnel vienne nuancer les résultats décrits, et nous conduise à favoriser
la répartition. En outre, l’approche en terme de bien-être pose le problème des pré-
férences sociales (si l’on abandonne le concept ordinal utilisé) : quel poids peut-on
donner à chaque génération ? Enfin, alors que les hypothèses de concurrence sont
satisfaites, l’équilibre n’est pas un optimum de Pareto. Le chapitre 5 reviendra sur cet
échec du marché.
8. EXERCICES ET PROBLÈMES
8.1. Retraite et croissance
On considère une économie dans laquelle chaque agent vit deux périodes. Lorsqu’il
est jeune, un agent né en t travaille pour un salaire réel w t , consomme c t et épargne
s t à un taux r t +1 . Lorsqu’il est vieux, il ne travaille pas et consomme d t +1 . Son utilité
intertemporelle est :
u(c t ) + βu(d t +1 ), 0 < β < 1,
u (c t ) = β(1 + r t +1 )u (d t +1 ).
Montrez que cela revient à une équation sur s t . On notera par la suite s(w t , r t +1 )
la solution de cette équation.
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78 Macroéconomie
2. En posant :
1
1
c 1− σ si σ > 0, σ
= 1,
u(c) = 1− σ1
ln(c) si σ = 1,
déterminez s(w t , r t +1 ). Discutez l’effet du taux d’intérêt sur l’épargne.
3. Écrivez le programme de la firme. En déduire r t et w t en fonction du stock de
capital par tête k t = K t /L t . On les notera respectivement r (k t ) et w(k t ), et on
définira f (k) ≡ F (k, 1).
4. Déduisez de l’équilibre sur le marché du capital l’équation d’évolution de k t :
u (c t ) = β(1 + f (k t +1 ))u (d t +1 ).
dz
< 0 ⇐⇒ k > k̂ 0 .
dk
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10. On introduit à présent une caisse de retraite qui prélève des cotisations λ aux
jeunes et verse des pensions μ aux vieux. Dans un système par capitalisation, la
caisse de retraite place les cotisations des jeunes sur les marchés financiers et
leur rend avec les intérêts lorsqu’ils sont vieux : μ = (1 + r t +1 )λ. On suppose que
les agents ne peuvent pas s’endetter.
Déterminez le revenu actualisé d’un agent né en t .
Exprimer son épargne s t en fonction de s(., .) et de λ. Déduire de l’équilibre sur
le marché du capital l’équation d’évolution de k t . Commentez.
Déterminez le niveau stationnaire k de capital par tête en fonction du niveau de
cotisation λ. À quelle condition l’introduction d’un système par capitalisation
permet-elle d’atteindre la règle d’or ?
11. Dans un système par répartition, la caisse de retraite finance les pensions ver-
sées aux vieux par les cotisations des jeunes de la même période : μ = (1 + n)λ.
Déterminez le revenu actualisé d’un agent né en t . Exprimez son épargne s t en
fonction de s(., .) et de λ. Déduisez-en le niveau de cotisation λ̂0 permettant d’at-
teindre la règle d’or.
Montrer que λ̂0 > 0 si et seulement si k̂ 0 < k ∗ .
Quel système de retraite préconiseriez-vous ?
Éléments de correction
1. Contrainte budgétaire de la première période :
ct + st = w t ,
de la seconde :
d t +1 = (1 + r t +1 )s t ,
et intertemporelle :
d t +1
ct + = wt .
1 + r t +1
La maximisation de l’utilité intertemporelle sous cette contrainte donne la
condition d’Euler)1 :
u (c t ) = β(1 + r t +1 )u (d t +1 ).
Elle se réécrit :
u (w t − s t ) = β(1 + r t +1 )u ((1 + r t +1 )s t ),
ce qui est bien une équation en s t .
1. L’équation d’Euler peut se retrouver avec un petit raisonnement intuitif. Lorsque l’agent optimise la répar-
tition de sa consommation, consommer un petit peu plus (moins) lorsqu’il est jeune pour consommer un petit
peu moins (plus) lorsqu’il est vieux ne modifie pas son utilité. Supposons ainsi qu’il consomme une quantité infi-
nitésimale d x en moins lorsqu’il est jeune, son utilité diminue de u (c t )d x. Son épargne augmente de d x, donc
son revenu lorsqu’il est vieux, et donc sa consommation lorsqu’il est vieux, augmente de (1 + r t +1 )u (d t +1 )d x.
La condition que son utilité est inchangée donne bien la condition d’Euler.
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80 Macroéconomie
5. L’épargne choisie par un agent jeune en t , lorsqu’il fait face au salaire réel w t et
anticipe (parfaitement) le taux d’intérêt réel r t +1 est alors égale à :
wt
s(w t , r t +1 ) = ,
1 + β−1
d’où
(1 − α)k tα
(1 + n)k t +1 =
1 + β−1
et
1
1−α 1−α
k∗ = .
(1 + β−1 )(1 + n)
On vérifie graphiquement que cet équilibre est stable.
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F (K t , N t ) + K t = K t +1 + N t c t + N t −1 d t ,
soit encore :
dt
c t = f (k t ) + k t − (1 + n)k t +1 − .
1+n
Le bien-être social s’écrit alors :
+∞ 1 t
u(c t ) + βu(d t +1 ) ,
t =0 1 + θ
avec donné par l’égalité précédente. La condition du premier ordre par rapport
à d t +1 est :
1 1
u (c t +1 ) = βu (d t +1 ),
1+θ 1+n
et par rapport à k t +1 ,
1 1
(1 + f (k t +1 ))u (c t +1 ) = u (c t ).
1+θ 1+n
Ces deux conditions n’ont aucun raison d’être spontanément vérifiées par
l’équilibre décentralisé.
En revanche, en combinant ces deux conditions, on obtient :
u (c t ) = β(1 + f (k t +1 ))u (d t +1 ),
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82 Macroéconomie
est inchangé par rapport à une situation sans caisse de retraite. L’agent veut
donc consommer autant à chaque période, ce qui implique d’épargner
s(w t , r t +1 ) − λ.
Lorsque cette valeur est négative, cela signifie que les agents voudraient emprun-
ter, ce que nous avons supposé impossible. L’épargne est donc :
s t = max{s(w t , r t +1 ) − λ, 0}.
(1 + n)k t +1 = max{s(w(k t ), r (k t +1 )) − λ, 0} + λ.
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Puis,
k∗ si λ (1 + n)k ∗ ,
k=
λ/(1 + n) si λ (1 + n)k ∗ .
Un système par capitalisation peut augmenter le niveau de capital par tête par
rapport à l’équilibre décentralisé, mais pas le diminuer. Il permet d’atteindre la
règle d’or en choisissant λ = (1+n)k̂ 0 si et seulement si l’économie décentralisée
est en situation de sous-accumulation : k ∗ < k̂ 0 .
11. Le revenu actualisé d’un agent né en t est maintenant :
n − r t +1
wt + λ.
1 + r t +1
La caisse de retraite n’intervient pas sur les marchés financiers, donc l’équilibre
sur le marché des titres s’écrit :
(1 + n)k t +1 = s t
n’est réalisable que s’il est positif, ce qui revient à k̂ 0 < k ∗ . Le système de retraite
par répartition permet d’améliorer le fonctionnement d’une économie décen-
tralisée en situation de sur-accumulation du capital car il y a réduction de
l’épargne.
Lorsque l’économie est en situation de sous-accumulation du capital, la capi-
talisation permet d’augmenter l’épargne et d’atteindre la règle d’or. À l’inverse,
lorsque l’économie est en situation de sur-accumulation du capital, la réparti-
tion permet de diminuer l’épargne et d’atteindre la règle d’or.
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84 Macroéconomie
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FIGURE 2
Projections démographiques et retraites
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86 Macroéconomie
6. On supposera que le taux de cotisations θ est choisi par la Caisse et que le taux de
remplacement assure l’équilibre des comptes. Initialement, l’âge de la retraite
est fixé à 60 ans, et on supposera que le taux de cotisations θ, égal à à 0, 2, est
suffisamment petit pour être approximé à 0. Comment réagit alors le stock de
capital stationnaire à une hausse de l’espérance de vie, de l’âge de la retraite et
du taux de cotisation. Expliquez chacune de ces réactions.
Éléments de correction
1. Les cotisations sont égales à N t θw t (sur les jeunes actifs) augmentées de
N t −1 θzw t (sur les vieux actifs). Les prestations sont égales à N t −1 λ(T − z)w t .
L’équilibre des comptes de la Caisse s’écrit donc :
n 35ν.
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c1t + s t = (1 − θ)w t
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90 Macroéconomie
15
10
0
Ensemble
Maisons
Appartements
–5
1998 1998 1999 1999 2000 2000 2001 2001 2002 2002 2003 2003 2004 2004 2005 2005
T1 T3 T1 T3 T1 T3 T1 T3 T1 T3 T1 T3 T1 T3 T1 T3
Champ : logements anciens, France métropolitaine.
Lecture : au 4e trimestre 2005, le prix des appartements en France métropolitaine a augmenté de15,3 % au cours des 12 derniers mois.
Sources : Chambre interdépartementaledes notaires de Paris (indices franciliens), Perval (autres régions), Insee.
FIGURE 3
Éléments de correction
1. Un ménage né en t choisit (c1t , c2t , h t ) qui maximise
u(c1t ) + βu(c2t +1 ) + γh t
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2.1. Une hausse du taux d’intérêt (1) conduit à une baisse du prix relatif de
la consommation de seconde période, et donc, par un effet de substitu-
tion, une baisse de la consommation de seconde période, une hausse de
la consommation de première période, et une hausse de la demande de
logements, et (2) une hausse du prix relatif du logement, et donc, par un
effet de substitution, une hausse de la consommation de première et de
seconde période, et une baisse de la demande de logements. Au total, la
consommation de première période augmente, mais la réaction des autres
variables sont a priori ambiguës. En particulier, l’effet sur l’épargne ne peut
pas être prédit à ce stade : si la demande de logement augmente, l’épargne
doit baisser ; elle doit augmenter sinon. L’effet de revenu conduit à une
hausse de la consommation lors de chaque période et de la demande de
logement ; il rend plus vraisemblable de voir l’épargne baisser à la suite
d’une hausse du taux d’intérêt.
2.2. Une hausse du prix d’achat du logement, p t , augmente le prix relatif du
logement. Au travers d’un effet de substitution, elle conduit donc à une
baisse de la demande de logement, une hausse de la consommation lors
de chaque période. La contrainte budgétaire de seconde période (saturée)
montre que l’épargne augmente. L’effet de revenu conduit à une baisse de
la consommation lors de chaque période et de la demande de logement.
N t c1t + N t −1 c2t + K t +1 = F (K t , L t ),
N t s t = K t +1 ,
Nt = L t ,
Nt ht = H .
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92 Macroéconomie
Sinon, les ménages demanderaient une quantité infinie de logement (et pas de
capital) : le logement a un effet positif sur le bien-être individuel et son rende-
ment domine celui du capital. Soit :
p t +1
< 1 + r ∗.
pt
n < r ∗ ⇔ k or
∗
> k ∗.
X = F X (T, L X ), et Y = F Y (K , L Y ),
où T est la quantité totale de terre. Le bien Y peut être consommé ou servir de capi-
tal. Les fonctions de production ont les propriétés habituelles : les rendements mar-
ginaux de chaque facteur sont positifs et décroissants, les rendements d’échelle sont
constants, et elles satisfont les conditions d’Inada. La quantité totale de terre, T , de
travail, L, et le stock de capital initial K 0 sont donnés.
La population est constituée de générations d’individus vivant deux périodes
consécutives. Le nombre d’individus de chaque génération est constant et égal à
N ; chacun offre une unité de travail de façon inélastique. Les jeunes nés en t tra-
vaillent (ils touchent alors un salaire w t exprimé en biens agricoles quel que soit le
secteur d’activité) et consomment une quantité x 1t de biens agricoles et y 1t de biens
industriels. Soit c1t = x 1t + y 1t leur consommation totale. Ils peuvent transférer leur
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u(c1t ) + βu(c2t +1 ),
où u > 0 et u < 0.
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94 Macroéconomie
10. Supposons maintenant que la terre ne peut plus être échangée sur un marché.
Elle est distribuée initialement uniformément entre N T individus, les proprié-
taires terriens, chacun la laissant à son (unique) descendant. Quelle condition
doit maintenant satisfaire la quantité de travail dans le secteur X ? Le revenu
de la terre est touchée par les vieux ; vous noterez πt (w t ) ce revenu lors de la
période t . À l’exception de ce revenu perçu, les propriétaires se comportent
comme précédemment.
11. Définissez l’équilibre sur le marché de l’épargne. Montrez qu’une plus grande
proportion de propriétaires conduit à une baisse du stock de capital par tête.
Selon vous, cela rapproche-t-il le stock de capital stationnaire de celui obtenu
question 6 ?
12. Discutez l’optimalité des équilibres stationnaires lorsque la terre est l’objet d’un
marché et lorsqu’elle est possédée par une classe de propriétaires fonciers.
Serait-il profitable de confisquer les terres possédées pour les redistribuer et
créer un marché pour la terre ?
9. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Les dernières projections démographiques sont décrites dans Robert-Bobée (2006).
Pour ce qui concerne le modèle à générations de Diamond (1965), l’article fondateur
Diamond (1965) reste une bonne référence ; sinon, Blanchard et Fischer (1989), Sec-
tions 3.1 et 3.2, ou Azariadis (1993), Sections 7.4, 7.5 et 18.1. Le bien-être de long terme
associé à chacun des deux régimes de retraite est étudié dans Demange et Laroque
(2000). Belan et Pestieau (2002) analysent le rôle que peuvent jouer les différents ins-
truments à la disposition de l’État pour résoudre les problèmes liés à la transition d’un
régime de retraite à un autre.
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CHAPITRE 4
Consommation et épargne
1. INTRODUCTION
Ce chapitre a pour objet d’étudier plus systématiquement la relation qui unit la
consommation et l’épargne au cours du temps qui a été esquissée dans le cadre du
modèle à deux périodes dans le chapitre précédent. Il nous sert d’introduction au
chapitre suivant, dans lequel les ménages, tels qui vont être décrits ci-dessous, seront
confrontés à des entreprises dans un cadre d’équilibre général.
Les chapitres précédents ont abordé le comportement de consommation sous deux
angles très différents. Dans le premier, la quantité de biens consommés lors de chaque
période était supposée proportionnelle au revenu, la proportion du revenu consom-
mée étant une constante exogène. C’est l’approche privilégiée par Keynes et qu’il jus-
tifiait en se référant à la « loi psychologique fondamentale, à laquelle nous pouvons
faire toute confiance, à la fois a priori en raison de notre connaissance de la nature
humaine et a posteriori en raison des enseignements détaillés de l’expérience, c’est
qu’en moyenne et la plupart du temps les hommes tendent à accroître leur consom-
mation à mesure que leur revenu croît, mais non d’une quantité aussi grande que
l’accroissement de revenu » (Théorie Générale, Livre III, Chap. 8, section III).
Ce comportement, qui s’accorde avec le fait stylisé selon lequel la part de la
consommation agrégée dans le PIB est caractérisée par une très grande stabilité (elle
est de l’ordre de 0, 8 en France), se démarque profondément de l’approche qui a été
retenue dans le chapitre précédent, dans lequel « choisir le montant de la consom-
mation, c’est choisir s’il faut dépenser de la monnaie maintenant ou la conserver
pour financer la consommation dans le futur » ( Deaton, Understanding Consump-
tion, 1992, chapitre 1). Le comportement de consommation y est présenté comme
étroitement lié à la décision d’épargne : si l’on décide de consommer peu aujourd’hui,
c’est pour se constituer une épargne qui nous permettra de consommer plus demain.
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96 Macroéconomie
C’est ce choix que nous allons décrire maintenant. Le chapitre précédent nous a déjà
appris que, lorsque les agents vivent durant deux périodes, ils transfèrent une par-
tie de leur revenu d’une période sur l’autre : en général, la quantité consommée ne
dépendra pas seulement du revenu courant, puisque le revenu d’hier a été transféré
en partie vers la période courante via l’épargne, et que celui de demain peut être uti-
lisé pour rembourser un emprunt qui permet de consommer dès aujourd’hui. C’est
donc en principe l’ensemble du revenu que les ménages vont percevoir sur leur cycle
de vie qui motive la consommation. Le chapitre précédent nous a également appris
que les choix de consommation (et d’épargne) dépendent aussi, et parfois de façon
complexe, des prix des facteurs de production au cours du temps.
Dans une perspective de croissance de long terme, nous allons faire abstraction des
questions liées à la succession et l’enchevêtrement des générations, et faire comme si
la consommation agrégée résultait des choix de ménages vivant arbitrairement long-
temps. Dans la même logique, une année particulière et ce qui s’y passe ne sont que
peu relativement à l’histoire longue. Pour cela, nous quittons le temps discret des cha-
pitres précédents, et nous lui préfèrerons le temps continu.
Avec ce revenu, le ménage peut soit consommer, soit épargner (ou désépargner),
c’est-à-dire modifier le stock d’actifs dont il disposera en t + d t .
Notons c t la consommation instantanée, de sorte que la quantité de bien consom-
mée est c t d t sur l’intervalle de temps [t , t + d t ].
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ct d t + d at = r t at d t + w t d t ,
d at
ct + = r t at + w t .
dt
On utilisera la notation ȧ t = d a t /d t pour désigner une dérivée par rapport au temps.
Au final, on a donc :
c t + ȧ t = r t a t + w t . (4.1)
L’ensemble de budget de l’individu est constitué des suites (c t , a t , t 0) associées
à la condition initiale a 0 et telles que c t + ȧ t r t a t + w t . Cette contrainte est saturée
dans (4.1). C’est la frontière de l’ensemble de budget du ménage. Elle dépend bien
sûr des prix des facteurs de production (r t , w t , t 0). Dans tout ce qui va suivre, ces
prix seront considérés comme des données exogènes ; ils résulteront dans le chapitre
suivant des égalités de l’offre et de la demande sur les marchés du capital et du travail.
Elle peut toutefois s’écrire comme une contrainte de budget d’un problème sta-
tique. C’est la contrainte de budget intertemporelle, déjà vue dans le chapitre 3. Pour
cela, il suffit de remarquer que (4.1) est une équation différentielle du premier ordre
(non homogène) à coefficients variables au cours du temps (cf. éventuellement Barro
et Sala-i-Martin, 2004, Annexe A.1.2).
Définissons t
Rt = r s d s.
0
Ce terme reviendra très souvent dans la suite du chapitre. Pour en comprendre le sens,
supposons que l’individu possède 1 unité d’un actif financier en t = 0, qu’il la place
sur les marchés financiers, et qu’il la replace ensuite à chaque instant, ainsi que les
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98 Macroéconomie
intérêts rapportés (au taux d’intérêt réel r t ). Soit δt la valeur réelle de ce placement en
t . On a : δt +d t = δt + r t δt d t ⇔ δ̇t = r t δt . Ainsi, à une date t quelconque, δt = exp(R t ) :
c’est le nombre de biens que l’on obtient en t en renonçant à consommer 1 bien en
t = 0. C’est le prix relatif du bien en t = 0 en terme du bien en t . Cela implique que
1/ exp(R t ) = exp(−R t ) est la somme qu’il faudrait placer aujourd’hui (en 0) pour avoir
un bien en t . C’est aussi le prix relatif d’une unité de bien en t en terme du bien d’au-
jourd’hui (t = 0).
Multiplions chaque membre de (4.1) :
On remarque que :
d
a t exp (−R t ) = ȧ t exp (−R t ) − r t a t exp (−R t )
dt
d
a t exp (−R t ) = w t exp (−R t ) .
⇒ c t exp (−R t ) +
dt
En intégrant entre 0 et T , on obtient :
T T
c t exp (−R t ) d t + a T exp (−R t ) − a 0 = w t exp (−R t ) d t .
0 0
Si l’horizon T de l’individu est fini, et que sa richesse financière nette est nulle lors
de cette période, a T = 0, alors l’égalité précédente devient
T T
c t exp (−R t ) d t = a 0 + w t exp (−R t ) d t . (4.2)
0 0
Cette égalité est connue comme dérivant de la « contrainte de Ponzi ». Charles Ponzi
est resté célèbre pour être devenu (temporairement) riche en s’appuyant sur des jeux
chaînés. La condition (4.3) peut se lire comme interdisant d’avoir une richesse posi-
tive dans le long terme à partir d’une richesse courante nulle. Pour s’en convaincre,
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on impose à l’individu d’avoir dans le long terme une richesse financière positive (du
point de vue d’aujourd’hui). On n’impose pas que le ménage ne puisse pas s’endetter
temporairement, mais qu’il ne puisse pas le faire de façon permanente.
Pour un ménage faisant face à la contrainte (4.4), laisser cette contrainte non satu-
rée impliquerait une baisse de son revenu intertemporel. Cette contrainte sera donc
saturée à l’optimum du ménage. On retrouve (4.3).
3. DEUX APPLICATIONS
3.1. Taxes équivalentes et TVA sociale
Supposons que les salaires soient taxés au taux τw > 0 (il est préférable de voir τw
comme un taux de cotisations sociales, l’impôt sur le revenu étant un prélèvement
plus progressif que les cotisations sociales).
Alors, la contrainte de budget à l’instant t s’écrit
c t + ȧ t = r t a t + (1 − τv )w t .
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100 Macroéconomie
Le même type d’argument s’applique à une taxe sur la consommation. Faisons abs-
traction des prélèvements effectués sur les revenus d’activité, et supposons mainte-
nant que la consommation soit imposée au taux τc > 0. Cette taxe peut s’assimiler à
une Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). La TVA est équivalente pour le ménage à une taxe
(de même montant) portant sur sa richesse totale, financière et humaine.
Nous avons discuté dans le chapitre précédent une politique de TVA sociale, qui
conjugue une baisse des cotisations sociales et une hausse de la TVA. Les deux pro-
priétés d’équivalence montrent qu’une hausse de la TVA est équivalente à une taxe
plus lourde sur la richesse financière et la richesse humaine ; une baisse des cotisa-
tions est quant à elle équivalente à une baisse des taxes pesant sur la consomma-
tion, et simultanément à une baisse de la subvention (implicite) de la richesse finan-
cière. On s’attend donc à ce que la TVA sociale se traduise au final par une taxe plus
lourde sur la seule richesse financière, c’est-à-dire sur le capital des ménages existant
au moment où elle est mise en place.
Il est facile de le vérifier. Lorsque les salaires sont taxés au taux τw (cotisations
sociales) et la consommation au taux τc (TVA), la contrainte de budget intertempo-
relle devient
T T
(1 + τc ) c t exp (−R t ) d t = a 0 + (1 − τw ) w t exp (−R t ) d t .
0 0
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Une première alternative qui est offerte à l’État consiste à financer cette dépense
par un impôt τ = g à chaque instant entre t1 et t2 .
Pour tout t < t1 ou t > t2 , la contrainte de budget du ménage s’écrit comme précé-
demment, à savoir c t + ȧ t = r t + w t .
Entre t1 et t2 , le ménage paye τ durant chaque petit intervalle de temps [t , t + d t ].
Sur ce petit intervalle de temps, la contrainte de budget instantanée devient donc :
c t + ȧ t = r t + w t − τ.
Après avoir multiplié chaque terme par exp(−R t ) et intégré entre t1 et t2 , on constate
que la politique publique se solde pour le ménage par une perte de revenu intertem-
porel égale à :
t 2 t 2
τ exp(−R t )d t = g exp(−R t )d t ,
t1 t1
db t = r t b t d t + (g − τt )d t ⇔ ḃ t = r t b t + (g − τt ).
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102 Macroéconomie
En t , l’État a accumulé une dette b t . Entre t et t + d t , il doit payer les intérêts sur cette
dette, r t b t d t pour un taux d’intérêt instantané r t égal à celui auquel le ménage fait
face. Il doit également rembourser sa dette b t . Il fait donc face à un besoin de finan-
cement égal à r t b t d t + b t . Il s’agit du « service de la dette ». Ce n’est pas le seul besoin
de financement qu’il doit couvrir : à l’instant t , il a choisi de prélever l’impôt τt (qui
reste fixé sur le petit intervalle de temps [t , t + d t ]) mais il dépense g par hypothèse.
Son déficit primaire s’élève donc à (g − τt )d t . C’est la nouvelle dette b t +d t émise en
t + d t qui permet à l’État de s’acquitter de ses obligations. La contrainte de budget
instantanée précédente en découle, avec une variation de la dette publique entre t et
+d t notée db t ≡ b t +d t − bt .
En intégrant entre t1 et t2 , on obtient :
t 2
b t2 exp(−R t2 ) − b t1 exp(−R t1 ) = (g − τt ) exp(−R t )d t .
t1
En t1 , la dette publique est nulle ; en t2 , elle doit avoir disparu. Il s’ensuit que l’on doit
avoir :
t2 t2
g exp(−R t )d t = τt exp(−R t )d t . (4.6)
t1 t1
Il est possible que le volume de la dépense ne coïncide pas avec le volume de l’impôt
à un instant donné. Mais, au final, la dépense est financée par l’impôt : toute dette
courante implique un impôt futur.
La dette publique et l’actif utilisé par le ménage pour transférer son revenu au cours
du temps en l’absence de dette publique, dont le rendement est le taux d’intérêt réel
r (bien que la sphère productive n’ait pas encore été décrite, les chapitres précédents
vous laissent deviner qu’il s’agira du capital) ont par hypothèse tous les deux le même
rendement. Le ménage est donc indifférent entre ces deux actifs ; il les utilisera indif-
féremment et le stock agrégé qu’il détient en t est a t . Pour le ménage, la seule consé-
quence explicite de la politique publique passe donc par l’impôt : pour tout t entre t1
et t2 , la contrainte de budget instantanée du ménage s’écrit
c t + ȧ t = r t + w t − τt .
Elle est analogue à celles auxquelles il faisait face en l’absence de dette publique,
encore une fois parce que la dette n’y apparaît qu’implicitement comme compo-
sante du stock d’actifs a du ménage. Le revenu intertemporel (du point de vue de la
période 0) baisse donc finalement de la valeur actualisée de l’impôt total prélevé,
t 2 t 2
τt exp(−R t )d t = g exp(−R t )d t ,
t1 t1
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intertemporel soit le même, que l’État utilise la dette publique ou non, le mode de
financement influence le moment où les revenus sont perçus : comme nous venons
de voir que les choix de consommation sont indépendants du mode de financement
de la dépense publique, c’est donc l’épargne qui doit répondre au mode de finance-
ment de cette dépense. Si le taux d’intérêt est vu comme le prix qui équilibre le marché
de l’épargne, il semble possible que le taux d’intérêt réel d’équilibre réponde au mode
de financement. Face au même système de prix, cette section vient de montrer que
le comportement de consommation est indépendant du montant de dette publique
émise (tant qu’elle est finalement remboursée intégralement et disparaît). Cependant
si le système de prix d’équilibre changeait du fait de la dette publique, cette propriété
ne serait pas aussi forte que cette section peut le laisser paraître. Nous reviendrons sur
ce thème dans le chapitre 5.
4. LA CONSOMMATION OPTIMALE
4.1. Le problème du ménage
Les préférences du ménage sont représentées par une fonction d’utilité
T
u(c t ) exp(−ρt ), (4.7)
0
avec u > 0, u < 0, ρ > 0. L’utilité (4.7) représente le bien-être dégagé sur un intervalle
de temps [0, T ] lorsque l’agent consomme c t à l’instant t , 0 t T . Les préférences
sont séparables au cours du temps : l’utilité dégagée en consommant c t unités d’un
bien agrégé en t est indépendante de la consommation passée et de la consommation
future. On ne prend pas en compte par exemple une forme d’habitude qui ferait qu’un
consommateur en t voit son bien-être lors de cette période influencé directement par
le niveau de sa consommation passée.
Enfin, cette utilité est évaluée du point de vue de la date t = 0. Pour le comprendre,
remarquons que l’utilité dégagée en t est pondérée par le facteur exp(−ρt ). Il est ten-
tant d’interpréter ce point comme un facteur d’actualisation : si le temps s’écoulait en
temps discret, l’utilité dégagée en t serait u(c t ) lorsqu’elle est évaluée en t , βu(c t ) lors-
qu’elle est évaluée en t −1, et βt u(c t ) lorsqu’elle est évaluée en 0. Le paramètre β est le
facteur d’escompte sur une unité de temps discrète. Il peut s’écrire aussi β ≡ 1/(1 + θ)
par définition du taux d’escompte θ. Le taux d’escompte représente le nombre d’uni-
tés d’utilité auquel l’agent est prêt à renoncer pour obtenir une unité d’utilité supplé-
mentaire lors de la période suivante. Pour θ suffisamment petit (proche de 0), on a au
premier ordre βt = (1+θ)−t 1−θt . Mais, toujours pour θ petit, exp(−θt ) 1−θt . Par
conséquent, exp(−θt ) s’interprète comme un facteur d’actualisation lorsque le taux
de préférence est suffisamment proche de 0, c’est-à-dire lorsque l’agent éprouve une
préférence pour le présent. Le débat récent concernant la mesure de la perte de bien-
être subie par les générations futures du fait du réchauffement climatique a mis en
lumière l’importance du taux d’escompte. Le poser à 0,1 % a été très souvent jugé trop
bas : entre 1,5 % et 2 % semble être un bon compromis.
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104 Macroéconomie
Lorsque l’agent renonce à consommer une unité de bien en t , il éprouve une désutilité
marginale u (c t ) en t , soit u (c t ) exp(−ρt ) mais cela lui permet d’obtenir une unité
de revenu supplémentaire lors de cette période. La valeur d’une unité de revenu est
λ exp (−R t ).
Dans la suite de cette section nous allons exploiter cette condition du premier ordre
pour décrire les déterminants du niveau et de l’évolution de la consommation au
cours du temps.
c t u (c t ) ċ t
− = r t − ρ. (4.9)
u (c t ) c t
Soit σ(c t ) = −u (c t )/c t u (c t ) > 0. On reconnaît ici l’inverse du coefficient relatif d’aver-
sion pour le risque. Nous reviendrons plus longuement dans le chapitre suivant sur
la signification de ce paramètre. Notons simplement pour l’instant qu’il mesure la
concavité de la fonction u. La condition (4.9) montre qu’il influence la réaction du
taux de croissance de la consommation ċ t /c t à un changement du taux d’intérêt réel.
Lorsque cette fonction est peu concave (σ est grand), une variation de prix au cours du
temps va s’accompagner de changements importants de la consommation au cours
du temps. Cela montre que, pour σ grand, le ménage est disposé à substituer faci-
lement de la consommation à deux instants différents. Il sera plus réticent à le faire
lorsque la fonction u devient plus concave : une petite modification de la consomma-
tion permet alors d’ajuster le taux marginal de substitution lorsque les prix changent.
Avec ce paramètre, l’égalité précédente devient :
ċ t
= (r t − ρ)σ(c t ). (4.10)
ct
Cette équation est connue comme étant « l’équation d’Euler » ou bien aussi l’équa-
tion de « Ramsey-Keynes ». Elle lie le taux de croissance de la consommation sur un
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intervalle d’une unité de temps à la différence entre le taux d’intérêt réel r t et le taux
de préférence pour le présent ρ.
Si σ(c t ) > 0, la consommation augmente (au cours du temps) lorsque le taux d’in-
térêt réel est supérieur au taux de préférence pour le présent ; elle baisse si le taux
d’intérêt réel est inférieur au taux de préférence pour le présent ; elle reste constante
dans le cas où ces deux taux coïncident.
L’équation de Ramsey-Keynes s’interprète facilement : si le taux d’intérêt est
élevé, le consommateur est incité à réduire sa consommation courante, épargner
et consommer plus dans le futur, de sorte que sa consommation augmente bien au
cours du temps. De la même façon, lorsque le taux de préférence pour le présent est
faible, le consommateur est plus disposé à renoncer à consommer aujourd’hui pour
consommer plus demain.
L’ampleur de la substitution de la consommation courante à la consommation
future dépend du coefficient σ(c t ). Comme attendu, lorsque σ est proche de 0, le
ménage est très réticent à l’idée de compenser une baisse de sa consommation cou-
rante par une consommation plus importante dans le futur. Il va donc choisir de
maintenir sa consommation à peu près constante au cours du temps. Si σ est plus
grand, le ménage devient plus disposé à exploiter les différences entre le taux d’inté-
rêt réel (le nombre de biens qu’il pourra consommer en plus demain s’il renonce à
consommer aujourd’hui) et son taux de préférence pour le présent.
Certains économistes (cf. Hall, 1989) défendent le point de vue selon lequel il
devrait y avoir peu de lien entre l’attitude du consommateur face au risque et sa dis-
position à substituer de la consommation au cours du temps. Ils recommandent pour
cette raison de ne pas s’appuyer sur les modèles qui font apparaître une connection
trop étroite entre ces deux aspects du comportement individuel. L’intuition peut par-
fois suggérer le contraire : si l’on reporte facilement de la consommation vers le futur,
on s’expose plus, lorsque l’incertitude est prise en compte, au risque.
⇔ c t = c0 exp(σ(R t − ρt )).
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106 Macroéconomie
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T
1 1 − exp(−r T ) 1
= exp(−r t )d t = →
α0 0 r r
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108 Macroéconomie
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5. ANNEXE
5.1. L’hypothèse d’agent représentatif
Dans ce chapitre, nous avons décrit le comportement d’épargne et de consommation
d’un ménage. Dans les chapitres suivants, nous supposerons en général que l’épargne
et la consommation agrégées sont le fait d’un seul ménage qui représenterait l’en-
semble des ménages dans l’économie : nous ferons « l’hypothèse d’agent représenta-
tif ». Négliger l’hétérogénéité individuelle semble a priori difficile à accepter. L’objet
de cette annexe est de discuter cette hypothèse.
Supposons que les ménages ne diffèrent que selon leurs préférences ; ils font face
aux mêmes prix et ils ont le même revenu (financier et humain). Les préférences du
ménage h, h ∈ H , sont représentées par la fonction d’utilité
T
u h (c th ) exp(−ρ h t ).
0
Les ménages diffèrent ainsi selon leurs goûts à un instant donné (au travers de la fonc-
tion u h ) et selon leur préférence pour le présent (au travers de ρ h ).
La condition du premier ordre (4.8) relative à la consommation du ménage h en t
s’écrit :
u h (c th ) exp(−ρ h t ) = λh exp (−R t ) ,
où λh est le multiplicateur de Lagrange associé à la contrainte de budget intertempo-
relle de ce ménage (il représente ainsi le supplément d’utilité que le ménage retirerait
à l’optimum s’il disposait d’une unité de richesse supplémentaire, par exemple une
unité de richesse financière supplémentaire lors de la période initiale ou bien d’un
supplément de salaire égal à exp(R t ) en t ).
Soit c t la consommation moyenne. On peut faire l’hypothèse d’agent représentatif
lorsque l’on peut trouver des préférences (une fonction d’utilité u et un taux d’es-
compte ρ) telles qu’un ménage doté de ces préférences, faisant face au même vec-
teur de prix que les ménages h ∈ H et disposant de leur richesse financière moyenne,
choisirait de consommer un indice c t de la consommation agrégée, par exemple la
consommation moyenne. Pour cela il est nécessaire que c t soit telle que
u (c t ) exp(−ρt ) = λ exp (−R t ) .
Cette relation définit l’indice c t .
Il est possible que cette propriété soit satisfaite. Les préférences du ménage repré-
sentatif peuvent toutefois nous réserver quelques surprises : dans la suite du chapitre,
un simple processus d’introspection qui consisterait à se mettre à la place de l’agent
représentatif pour savoir par exemple ce que pourrait être une mesure « raisonnable »
de l’ampleur de la substitution intertemporelle de la consommation agrégée pourra
nous révéler quelques surprises !
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110 Macroéconomie
aura-t-il les mêmes préférences que chacun des ménages qui composent effecti-
vement la société ?
La consommation individuelle est alors la même pour tous les ménages :
pour tout h. Ici, c t coïncide avec la consommation moyenne dans l’économie. Som-
mons ces H conditions du premier ordre :
1 h
u (c t ) exp(−ρt ) = λ exp (−R t ) .
H h
Un candidat naturel au titre de ménage représentatif est celui d’un ménage ayant les
mêmes préférences que celles des ménages. Dans ce cas, l’indice de consommation
agrégée C t doit être tel que :
1 h
u (C t ) = u (c t ).
H h
6. EXERCICES ET PROBLÈMES
6.1. Impôt et dette
Pour vous familiariser avec la contrainte de budget intertemporelle, reprenez le cadre
retenu pour présenter la propriété d’équivalence ricardienne. Nous avons supposé
que l’État intervenait uniquement entre t1 et t2 . Écrivez la contrainte que l’on
obtien-
drait si l’État décidait d’utiliser la dette sur un intervalle de temps t1 , t̃2 où t̃ 2 > t2
(alors que l’impôt n’est utilisé que jusqu’en t1 ). Comment évolue alors la dette entre
t2 et t̃2 ? Qu’en est-il de la propriété d’équivalence ricardienne : face à un système de
prix donné, les choix de consommation du ménage seront-ils affectés par la dette ?
T
βt u(c t ),
t =0
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où u(.) est la fonction d’utilité instantanée croissante concave et β ∈]0, 1[ est le facteur
d’escompte du futur.
On désigne par A t sa richesse à la fin de la période t :
A t = (1 + r )A t −1 + y t − c t ,
Dans les deux exemples suivants, l’agent travaille quand il est jeune puis prend sa
retraite : y t = y > 0 pour t = 0, ..., N et y t = 0 pour t = N + 1, ..., T .
4. En considérant le cas particulier β(1 + r ) = 1, déterminez la consommation,
l’épargne et la richesse de l’agent à chaque date.
5. En considérant une fonction d’utilité CES,
1 1
u(c) = 1
c 1− σ , σ > 0, σ
= 1,
1− σ
sur un ensemble d’individus qui diffèrent par leur revenu y. On lui demande
l’impact d’un transfert ΔG > 0 vers l’agent en t = 0 ; il répond que la consomma-
tion augmente en t = 0 de
T −t
t =0 (1 + r )
T ΔG.
t =0 βσt (1 + r )(σ−1)t
7. Qu’en pensez-vous ?
8. Quelles limites ce modèle place-t-il à l’efficacité de la politique budgétaire ?
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112 Macroéconomie
Éléments de correction
1. On empile les T + 1 contraintes budgétaires,
A 0 = (1 + r )A −1 + y 0 − c0 1
A 1 = (1 + r )A 0 + y 1 − c1
× 1+r
1
A 2 = (1 + r )A 1 + y 2 − c2 × (1+r )2
..
.
1
A T = (1 + r )A T −1 + y T − cT × (1+r )T
et on les somme :
AT T y −c
t t
= (1 + r )A −1 + .
(1 + r )T t =0 (1 + r ) t
En utilisant A −1 = 0 et A T 0, on obtient
T ct T yt
.
t =0 (1 + r ) t =0 (1 + r )
t t
T yt T yp
= ,
t =0 (1 + r ) t
t =0 (1 + r )t
soit
1
1 − 1+r
T yt
yp = .
1− 1 (1 + r )t
(1+r )T +1 t =0
T
max βt u(c t ),
{c t }0t T t =0
T ct T yt
s.c. .
t =0 (1 + r ) t
t =0 (1 + r )t
On écrit le Lagrangien
T yt − ct
L= βt u(c t ) + λ .
t =0 (1 + r )t
1
βt u (c t ) − λ = 0, t = 0, ..., T.
(1 + r )t
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ce qui donne :
y0
s= .
1 + β−σ (1 + r )1−σ
Le taux d’intérêt a deux effets opposés sur l’épargne. L’effet substitution rend
la consommation de seconde période moins chère (1/(1 + r ) diminue), ce qui
tend à substituer de la consommation de seconde période à de la consomma-
tion de première période, et donc à augmenter l’épargne. L’effet revenu rend
l’agent plus riche car son épargne lui rapporte davantage, ce qui tend à aug-
menter les consommations à chacune des périodes.
Lorsque l’agent est facilement prêt à substituer de la consommation à une
période par de la consommation à une autre période, l’effet substitution
domine : lorsque σ > 1, s est croissant en r . Lorsque l’agent veut davantage
lisser sa consommation dans le temps, l’effet revenu domine : lorsque σ < 1, s
est décroissant en r .
1. Pour le montrer, on résout le programme du consommateur pour trouver les consommations de première et
seconde périodes c 0 et c 1 , dont les prix sont p 0 = 1 et p 1 = 1/(1 + r ), et on montre que
ln(c 0 /c 1 ) ln(c 0 /c 1 )
− =− = σ.
ln(p 0 /p 1 ) ln(1 + r )
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114 Macroéconomie
T
T y
λ−σ βσt (1 + r )(σ−1)t = ,
t =0 (1 + r )
t
t =0
d’où T y
−σ t =0 (1+r )t
λ = T .
t =0 βσt (1 + r )(σ−1)t
Finalement,
βσt (1 + r )σt
T y
c t = T .
βσs (1 + r )(σ−1)s s=0 (1 + r )
s
s=0
La fonction de consommation keynésienne écrit la consommation courante
comme une fonction du revenu courant. Or notre modèle nous indique ici
que la consommation courante dépend de la somme actualisée des revenus
(c’est-à-dire du revenu permanent) et non du seul revenu courant. De plus, la
consommation courante dépend également du taux d’intérêt.
7. On a, pour t = 0,
1
T ys
c0 = T
βσs (1 + r )(σ−1)s s=0 (1 + r )
s
s=0
T −s
s=0 (1 + r )
= T y.
s=0 βσs (1 + r )(σ−1)s
T
c0 = γt y t ,
t =0
et
(1 + r )−t
γ t = T .
σs
s=0 β (1 + r )
(σ−1)s
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du revenu permanent. Comme les deux sont égaux dans ce modèle (et corrélés
positivement dans la réalité), l’économètre identifie à tort le revenu permanent
au revenu courant, mais une augmentation du revenu initial n’augmente pas le
revenu permanent de un pour un, d’où l’erreur de prévision de l’économètre.
C’est le contenu de la critique de Lucas1 .
8. Une augmentation du revenu courant n’a donc qu’un faible impact sur la
consommation courante, ce qui limite l’effet d’une relance de la consommation
par les dépenses publiques.
En outre, il se peut que l’État doive lever des taxes dans une période future de
la vie de l’agent pour rembourser le déficit creusé par des dépenses publiques
aujourd’hui, ce qui réduit l’augmentation du revenu permanent et donc l’aug-
mentation de la consommation aujourd’hui.
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116 Macroéconomie
présenter aux deux dates ! Pour attirer les consommateurs, son objectif est de maxi-
miser leur utilité espérée. On notera x et y les quantités d’actifs longs et courts, res-
pectivement, que souhaite détenir la banque en t = 0, et θ la proportion d’actifs longs
qu’elle liquide en t = 1.
1. Écrivez les trois contraintes budgétaires de la banque, en t = 0, 1, 2.
2. Écrivez l’objectif de la banque en t = 0, c’est-à-dire avant que les consomma-
teurs ne sachent s’ils sont patients ou impatients. Vous supposerez que la loi
des grands nombres s’applique, de sorte que la probabilité d’être impatient est
égale à λ.
3. Montrez que θ = 0 à l’optimum.
4. Montrez que la contrainte de budget relative à la période 1 est saturée.
5. Montrez que le portefeuille optimal (x ∗ , y ∗ ) de la banque est tel que :
u c1∗ = Ru c2∗ ,
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Éléments de correction
1. Ces contraintes s’écrivent respectivement :
x + y 1, (4.12)
λc1 y + θr x, (4.13)
(1 − λ)c2 (1 − θ)Rx + y + θr x − λc1 . (4.14)
2. L’objectif est de maximiser λu(c1 ) + (1 − λ)u(c2 ) sous les contraintes de la ques-
tion 1.
3. Supposons au contraire θ > 0. On considère la modification de portefeuille sui-
vante : d x + d y = 0 de façon à assurer que (4.12) est satisfaite, et dθ < 0 telle
que d y + θr d x + r xdθ = 0. Par hypothèse, la ressource en t = 1 ne change pas.
La ressource totale en t = 2 varie de (1 − θ)Rd x − Rxdθ. Avec dθ < 0, il suffit de
prendre d x > 0 : la banque doit substituer l’actif court à l’actif long, plutôt que
de liquider ce dernier en t = 1 (au prix d’un plus faible rendement).
4. Sinon, une modification d y < 0 d x + d y = 0 implique que la ressource
telle que
en t = 2 (avec θ = 0) varie de d Rx + y = (R − 1)d x > 0.
5. Il suit des questions 4 et 5 que λc1 = y et (1 − λ)c2 = R(1 − y). Le portefeuille
optimal comporte donc y ∗ actifs courts, avec
y 1− y
y ∗ = arg max λu + (1 − λ)u R ,
y λ 1−λ
soit, u c1∗ = Ru c2∗ . En utilisant la concavité de u, on a :
u c1∗ = Ru c2∗ > u c2∗ ⇒ c1∗ < c2∗ .
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118 Macroéconomie
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λu(c1 ) + (1 − λ)u(c2 )
sous les contraintes
x + y 1,
λc1 y,
(1 − λ)c2 Rx + y − λc1 ,
c1 y + r x, (4.16)
c1 c2 (4.17)
Les contraintes peuvent se réécrire plus simplement, en utilisant x = 1 − y et
λc1 = y,
Rλc1 + (1 − λ)c2 R
r
c1
1 − (1 − r )λ
c1 c2
Si
r
c1∗ ,
1 − (1 − r )λ
alors la solution de ce problème est l’optimum (c1∗ , c2∗ ) obtenu à la question 5.
Sinon, à l’optimum,
r R
c1 = , c2 =
1 − (1 − r )λ 1 − (1 − r )λ
12. La banque se cherche pas à se protéger contre une panique possible de ses
clients (patients) si et seulement si
λu(c1∗ ) + (1 − λ)u(c2∗ )
> πu(y ∗∗ + r x ∗∗ ) + (1 − π) λu(c1∗∗ ) + (1 − λ)u(c2∗∗ ) . (4.18)
où la dernière inégalité suit de c1∗∗ < c2∗∗ . Il existe par conséquent π̄ ∈ [0, 1] tel
que (4.18) est satisfaite si et seulement si π > π̄. La banque se cherche pas à
se protéger contre une panique possible de ses clients si ces paniques se pro-
duisent plutôt rarement.
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120 Macroéconomie
7. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Deaton (1992) est une référence sur la théorie de la consommation. La fin du chapitre
s’appuie sur cet ouvrage. Avec une emphase sur la macroéconomie, Romer (2001) dis-
cute la plupart des points abordés dans ce chapitre.
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CHAPITRE 5
Épargne et accumulation
1. INTRODUCTION
À court terme, une hausse de l’épargne est nécessairement associée à une baisse de
la consommation. Une fois que l’on prend en compte les conséquences de l’épargne
sur l’accumulation du capital, à plus long terme, cette relation n’est plus évidente.
Les chapitres 1 et 2 suggèrent qu’on la retrouve, en un sens, lorsque l’économie est
dynamiquement inefficace (une baisse du stock de capital par tête conduisant alors
à une hausse de la consommation), mais pas dans la configuration où l’économie est
dynamiquement efficace. La figure 1 confirme que l’économie française semble être
plutôt dynamiquement efficace, mais aussi qu’elle est loin d’avoir atteint son état de
long terme : on constate que la consommation par tête croît en France à peu près au
même rythme que le stock de capital par tête, tous les deux ayant augmenté de 50 %
environ depuis 20 ans.
Il reste bien sûr possible d’interpréter la figure 1 comme une transition de l’écono-
mie française vers un équilibre dynamiquement inefficace. Le modèle à générations
imbriquées laisse penser que les économies ne tendront pas spontanément à maximi-
ser la consommation par tête, mais il est difficile de se faire une idée sur l’optimalité
de la situation qui en résulte. Pour cela, il faudrait se donner un critère de bien-être
précisant le poids que l’on affecte aujourd’hui aux différentes générations d’individus
qui vont se succéder au cours du temps. Nous allons dans ce chapitre reprendre le
cadre alternatif que nous avons commencé à étudier dans les chapitres 3 et 4. Dans ce
cadre, il n’y a qu’un seul individu vivant un très grand nombre de périodes consécu-
tives. Nous allons maintenant rassembler les différents éléments de l’ensemble des
chapitres précédents pour décrire la confrontation entre cet individu représentatif
des ménages (qui travaillent, consomment et épargnent) et la sphère productive. Ce
cadre très célèbre a été introduit par Ramsey (1928). Il s’agit du modèle de croissance
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122 Macroéconomie
80,0
70,0
60,0
milliers d'euros
50,0
k
40,0
c
30,0
20,0
10,0
0,0
85
87
89
91
93
95
97
99
01
03
05
19
19
19
19
19
19
19
19
20
20
20
FIGURE 1
Consommation et capital par tête en France (1985 : 2005)
optimale, connu aussi comme le modèle à horizon infini. Il forme sans doute aujour-
d’hui une grande partie du coeur de l’analyse macroéconomique, aussi bien théo-
rique qu’appliquée. Dans ce cadre, si nous conservons l’hypothèse de rendements
d’échelle constants, le critère de bien-être que l’on devrait adopter s’impose de lui-
même : nous devrions choisir de maximiser le bien-être de l’unique ménage existant.
Il sera alors possible d’offrir une autre réponse à la question : faut-il maximiser la
consommation par tête à long terme ? Elle devra être confrontée aux conclusions du
chapitre 3.
La réponse à cette question est finalement simple : non, dès lors que le ménage
manifeste une préférence pour le présent. Et l’intuition est simple elle aussi : il n’est
pas optimal de pousser un individu impatient de consommer à réaliser l’effort d’accu-
mulation nécessaire pour maximiser la consommation par tête de long terme. Aussi
le stock de capital, à long terme, devrait-il être inférieur à celui qui prévaut à la règle
d’or. Il sera toutefois défini par une règle similaire, qui prend cette fois en compte la
préférence du ménage pour le présent, et qu’on appelle pour cette raison la « règle
d’or modifiée ».
À moyen terme, de nombreuses questions restent sans réponse : l’économie va-t-
elle spontanément converger vers l’état optimal de la règle d’or modifiée ou devrait-
on intervenir dans l’économie pour influencer son évolution au cours du temps ? Si
oui, comment ? Le développement optimal de l’économie revêt-il plusieurs facettes,
au sens où plusieurs sentiers pourraient conduire à long terme l’économie vers la règle
d’or modifiée ? Requiert-il un effort d’accumulation tel que la consommation par tête
devrait baisser dans les premières phases de développement ? Le modèle à horizon
infini fournit des réponses à toutes ces questions.
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2. LE CADRE
2.1. La dynamique du capital par tête
On considère un cadre dans lequel il y a deux agents (un ménage représentatif et une
entreprise) et un bien, qui peut être soit consommé soit investi (utilisé comme capi-
tal). Le temps est continu. À l’instant t , sur un intervalle de temps d t , on a :
dK t
F (K t , N t )d t = C t d t + dK t ⇔ = F (K t , N t ) − C t . (5.1)
dt
Il n’y a pas de monnaie : la production est soit épargnée, soit conservée, la partie non
consommée servant de capital pour la production future. Cela implique que le stock
de capital est donné (prédéterminé) à l’instant t , dans la version en temps continu
sur un petit intervalle de temps de longueur d t . La « population » augmente au taux n
constant, soit
1 d Nt
n= ,
Nt d t
et connaît donc une croissance exponentielle,
t t
1 d Nτ
dτ = ndτ ⇔ N t = N0 exp(nt ).
0 Nτ dτ 0
En utilisant
1 dk t 1 dK t 1 d Nt 1 dK t dk t
= − ⇒ = + nk t ,
kt d t Kt d t Nt d t Nt d t dt
l’équation (5.1) devient :
dk t
= f (k t ) − c t − nk t , (5.2)
dt
le stock de capital par tête k 0 initial étant donné. En l’absence de croissance démogra-
phique, la variation du stock de capital par tête sur un intervalle de temps d t est égale
à l’épargne par tête. Comme la population croît au taux n, cette hausse du stock de
capital est partagée entre un plus grand nombre d’individus, ce qui fait baisser méca-
niquement le stock de capital par tête. Cette évolution est très voisine de la condition
d’équilibre sur le marché des biens obtenue dans le modèle de Diamond (1965) du
chapitre 3. Ici, cependant, il n’y a pas de désépargne des agents vieux, de sorte que
(5.2) fait bien apparaître la variation du stock de capital par tête, et non pas le niveau
du capital futur.
La fonction f est supposée satisfaire les conditions d’Inada : f (0) = 0, f (0) → ∞,
f (∞) = 0.
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124 Macroéconomie
n’est plus exogène). Les préférences du ménage à la date 0 sont représentées par une
fonction d’utilité ∞
u(c t ) exp(−θt )d t . (5.3)
0
Le paramètre θ, θ > 0, s’interprète comme le taux de préférence pour le présent sur
une période discrète d’une unité de temps : évaluée à l’instant t , la consommation de
c unités de bien en t rapporte un bien être u(c), et alors que la consommation de ces
c unités de bien rapporte un bien être u(c)/(1 + θ) si la consommation a lieu en t + 1.
Rappel 1. Soit i le taux d’intérêt par période ; par exemple, le taux annuel. Si l’on place
une somme égale à V (t ) unités de monnaie en t , on obtient (1 + i )V (t ) une période
plus tard. Ainsi, la valeur actuelle d’une unité de monnaie perçue dans une période
est égale à 1/(1 + i ). Considérons maintenant un petit intervalle de temps [t , t + d t ].
Définissons T telle que T d t = 1. La valeur actuelle d’une unité de monnaie perçue en
t + d t est égale à 1/(1 + i )1/T , ou bien encore, à 1/(1 + i )d t . Au premier ordre, pour i
arbitrairement proche de 0,
(1 + i )−d t 1 − i d t exp(−i d t ).
3. L’OPTIMUM SOCIAL
Devons-nous retenir comme critère de bien-être la consommation par tête de long
terme ? Après tout, c’est ce que l’on consomme qui nous importe, pas ce que l’on
épargne ! Ici, il est naturel d’adopter comme critère de bien-être social le bien-être
du ménage lui-même. Est-il alors optimal de lui attribuer une consommation de long
terme maximale, étant données les contraintes technologiques auxquelles l’économie
doit se soumettre ?
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∂H t
= 0,
∂c t
∂H t dμt
=−
∂k t dt
et
lim μt k t = 0. (5.4)
t →∞
u (c t ) exp(−θt ) − μt = 0, (5.5)
dμt
μt ( f (k t ) − n) + = 0. (5.6)
dt
En outre,
dk t
= f (k t ) − c t − nk t . (5.7)
dt
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126 Macroéconomie
la consommation résulte quant à elle de (5.5) et (5.6). Pour le voir, remarquons que,
comme (5.5) doit être vraie pour tout t , on a :
dμt dc t
= u (c t ) exp(−θt ) − θu (c t ) exp(−θt ). (5.8)
dt dt
En réintroduisant dans (5.6), et en réutilisant (5.5), on obtient :
u (c t ) dc t
− = f (k t ) − n − θ. (5.9)
u (c t ) d t
Le terme −cu (c)/u (c) = 1/σ(c) > 0 est l’inverse de l’élasticité de substitution inter-
temporelle (cette élasticité est déjà apparue à plusieurs reprises dans les chapitre pré-
cédents ; cf. Annexe 7.2 pour une définition). On obtient donc finalement :
dc t
= ( f (k t ) − n − θ)σ(c t )c t . (5.10)
dt
Cette équation est l’équation d’Euler, la condition de « Ramsey-Keynes ».
Au total, les dynamiques de la consommation et du capital sont décrites par l’équa-
tion d’Euler (5.10) et la contrainte d’accumulation (5.7). Deux conditions, initiales ou
terminales, sont donc encore nécessaires. La première est la valeur initiale du stock
de capital k 0 ; la seconde est donnée par la condition de transversalité (5.4).
d(Δk τ )
= ( f (k τ ) − n)Δk τ
dτ
entre t + d t et s, avec Δk t +d t = Δk t , et k τ le stock de capital par tête le long de la
trajectoire initiale. En s, on obtient donc un supplément de capital
s
Δk s = exp ( f (k τ ) − n)dτ Δk t .
t +d t
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et s
exp ( f (k τ ) − n)dτ 1 + (s − t )( f (k t ) − n).
t +d t
u (c t ) dc t
θ− = f (k t ) − n,
u (c t ) d t
Supposons par exemple que f (k t ) − n > θ. Cette condition sera satisfaite pour un
stock de capital k t suffisamment petit. Alors, le taux de croissance de la consomma-
tion est d’autant plus grand, le long d’une trajectoire optimale, que f (k t ) − n − θ et
que σ(c t ) sont grands :
1 dc t
= ( f (k t ) − n + θ)σ(c t ),
ct d t
Ces propriétés sont très intuitives :
1. Le terme f (k t )−n représente le rendement marginal du capital par tête : s’il est
très élevé, on devrait réduire significativement la consommation par tête lors
des premières périodes pour profiter d’une consommation élevée dans le futur.
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128 Macroéconomie
2. Cette dépréciation de la consommation par tête lors des premières périodes sera
d’autant plus marquée que le ménage est patient, c’est-à-dire qu’il valorise rela-
tivement peu le présent par rapport au futur, soit θ est petit.
3. De même si ses goûts, représentés par la fonction u, sont tels qu’il est prêt à
substituer facilement la consommation future à la consommation courante, soit
σ(c t ) est grande.
k T exp(−θT )u (cT ) = 0.
f (k ∗ ) = n + θ, (5.15)
c ∗ = f (k ∗ ) − nk ∗ . (5.16)
La première équation définit un unique stock de capital par tête k ∗ (sous les condi-
tions d’Inada, et avec f < 0). Elle nous permet déjà de répondre en partie à la ques-
tion que nous nous posions initialement : devrait-on maximiser la consommation par
tête à long terme ?
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On constate que cette condition est très voisine de la règle d’or d’accumulation.
Comme le montre (5.16), la consommation par tête est encore maximisée pour un
∗
stock de capital k or tel que f (k or
∗
) = n. Cependant, si θ > 0 dans (5.15), k ∗ et k or
∗
ne
coïncident pas. Pour cette raison, (5.15) est appelée la règle d’or modifiée d’accumula-
tion du capital. Pour θ > 0, on a k ∗ < k or ∗
: le planificateur ne choisira pas, dans cette
configuration, de maximiser la consommation par tête.
Ce résultat est somme toute assez intuitif : puisque les ménages manifestent une
préférence pour le présent, le planificateur ne va pas forcément chercher à leur impo-
ser l’effort d’accumulation nécessaire pour atteindre la règle d’or, parce que cela
nécessiterait une réduction de la consommation courante pour atteindre un plus
haut niveau de consommation future.
Pour résumer, il y a trois situations stationnaires solutions de (5.15) et (5.16) : (0, 0),
(k̃ ∗ , 0) et, si c ∗ > 0, la situation stationnaire de la règle d’or modifiée (k ∗ , c ∗ ).
Vérifions tout d’abord que l’état stationnaire de la règle d’or modifiée est bien une
solution optimale. Il suit de (5.6) que :
1 dμt
= n − f (k ∗ ) = −θ.
μt d t
Le lieu des paires (c t , k t ) telles que la consommation par tête est constante (au
cours du temps) est décrit par f (k t ) = n + θ pour c t > 0. La consommation par tête
est croissante au cours du temps si k t < k ∗ où k ∗ est le stock de capital par tête cor-
respondant à la règle d’or modifiée ; elle est décroissante si k t > k ∗ . Ces mouvements
sont représentés par les flèches verticales dirigées vers le haut si l’on se trouve dans
une région du plan où la consommation augmente au cours du temps, et vers le bas
si elle diminue.
Le lieu des paires (c t , k t ) telles que le stock de capital par tête reste constant est
décrit par c t = f (k t ) − nk t ; la fonction f (k) − nk est concave, part de l’origine, atteint
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130 Macroéconomie
∗
son maximum pour le stock k or , et redevient nulle pour k̃ ∗ > 0. Étant donné k t , une
consommation par tête supérieure à f (k t )−nk t implique une baisse du stock de capi-
tal ; une consommation inférieure à f (k t )−nk t implique une hausse du stock de capi-
tal. Ces mouvements sont cette fois représentés par les flèches horizontales pointant
vers la droite si l’on se trouve dans une région du plan où le capital par tête augmente
au cours du temps, et vers la gauche s’il diminue.
Il y a quatre régions différentes dans le plan (c t , k t ). Elles sont délimitées par la
droite verticale le long de laquelle la consommation reste constante au cours du
temps, et par la courbe en cloche (le long de laquelle le capital reste constant).
ct
B
ct = f (kt ) − nkt
A
C D kt
0 * *
~*
k k or
k
FIGURE 2
La dynamique optimale globale
u (c t ) dc t 1 du (c t )
− = − = f (k t ) − n − θ.
u (c t ) d t u (c t ) d t
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On a : P (−∞) > 0, P (∞) > 0 et P (0) = f (k ∗ )σ(c ∗ )c ∗ < 0. Les deux valeurs propres λ1
et λ2 sont donc réelles ; l’une est négative et l’autre positive. Soit, λ1 < 0 et λ2 > 0.
La dynamique locale est donc décrite par
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132 Macroéconomie
et
k t − k ∗ = αk1 exp(λ1 t ) + αk2 exp(λ2 t ).
Le long de la trajectoire stable, on doit avoir αc2 = αk2 = 0 (puisque la racine λ2 > 0 est
celle qui est source d’instabilité). En se plaçant en t = 0, on obtient αc1 = c0 − c ∗ et
αk1 = k 0 − k ∗ (mais attention, seule k 0 est donné initialement). Et donc :
et
k t − k ∗ = (k 0 − k ∗ ) exp(λ1 t ), (5.18)
avec
θ− θ 2 − 4 f (k ∗ )σ(c ∗ )c ∗
λ1 = .
2
La vitesse de convergence |λ1 | est croissante avec f (k ∗ )σ(c ∗ )c ∗ et décroissante
avec θ. Ces conditions sont très proches de celles qui gouvernent la croissance de
la consommation. Le planificateur imposera un rythme de convergence rapide si f
est fortement négative, c’est-à-dire si le rendement du capital varie beaucoup avec le
stock de capital (il est très élevé lorsque le stock est bas, ce qui fournit une incitation
à réduire la consommation initialement pour l’augmenter dans le futur, et il est faible
pour des stocks plus élevés, ce qui incite à consommer le capital) ; si σ(c ∗ ) est grand,
c’est-à-dire si les ménages acceptent facilement de renoncer à la consommation
courante pour consommer plus dans le futur, si la consommation à atteindre c ∗ est
élevée, et enfin θ est grand, de sorte que les ménages sont impatients.
4. L’ÉQUILIBRE DÉCENTRALISÉ
4.1. Le comportement de l’entreprise
L’entreprise se comporte de façon concurrentielle, maximise son profit, et sa techno-
logie est à rendements d’échelle constants :
f (k t ) = r t , (5.19)
f (k t ) = r t k t + w t . (5.20)
sous sa contrainte de budget. Pour écrire cette contrainte, notons A t la richesse agré-
gée (réelle) à l’instant t . Elle évolue donc selon la loi
d At
Ct + = w t Nt + r t A t .
dt
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1 d at 1 d At 1 d At d at
= −n ⇒ = + na t ,
at d t At d t Nt d t dt
on obtient l’évolution de la richesse par tête :
d at
= w t − c t + r t a t − na t . (5.22)
dt
Le ménage doit donc choisir (c t , t 0) qui maximise (5.21) sous la contrainte (5.22),
avec c t 0 et a 0 donné.
La variable a t s’interprète comme une épargne (si elle est positive) ou comme une
dette (si elle est négative). Elle rapporte le taux d’intérêt réel r t quelle que soit sa
forme. On distinguera deux types d’épargne : sous forme de capital et sous forme de
prêt ou de dette entre ménages. Soit k t l’épargne sous forme de capital, et b t l’épargne
sous forme de prêt (ou de dette) entre ménages. Par convention, b t > 0 lorsqu’il s’agit
d’un prêt. Aussi : a t = k t + b t pour tout t . Attention ! Il s’agit ici du problème du
ménage : on cherche à déterminer ce qu’il demande étant donnés les prix auxquels il
fait face ; comme il n’y a pas de banques ou de dette publique, la dette agrégée devra
être nulle à l’équilibre.
Le problème du ménage est formellement équivalent au problème du planificateur.
Mais, alors que le planificateur faisait face à la contrainte k t 0, le ménage ne fait pas
face à une telle contrainte sur la variable a t . En l’absence d’une telle contrainte, la
solution du problème du ménage est simple : emprunter un montant a 0 lors de la
période initiale de façon à consommer une quantité de biens telle que u (c) = 0, si
elle existe, puis maintenir ce montant de consommation lors des périodes suivantes
en empruntant la somme nécessaire pour rembourser la dette précédente, les inté-
rêts sur cette dette et payer sa consommation. C’est le comportement de Ponzi : dans
ce cas, tout se passe comme si le revenu intertemporel de l’individu explosait. Pour
éviter cela, on suppose habituellement que ce revenu ne peut pas être plus grand que
sa richesse initiale, a 0 , augmentée de la valeur actualisée de ses revenus d’activité.
L’annexe 7.3 montre que cette condition revient à imposer que
t
lim a t exp − (r τ − n)dτ 0.
t →∞ 0
Le Hamiltonien s’écrit
H t = u(c t ) exp(−θt ) + μt (w t − c t + r t a t − na t ) .
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134 Macroéconomie
lim a t μt = 0.
t →∞
dc t
= (r t − n − θ)σ(c t )c t , (5.23)
dt
dk t
= f (k t ) − c t − nk t − g , (5.24)
dt
et la condition de transversalité,
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ct
ct = f (kt ) − nkt
ct = f (kt ) − nkt − g
kt
0 k*
FIGURE 3
Dépense publique financée par un impôt forfaitaire
En outre, pour que l’économie puisse converger vers cet état, il est nécessaire que
le stock de capital soit suffisamment élevé initialement (il faut que la consommation
publique soit satisfaite initialement). Les mêmes arguments que ceux de la section 3.6
permettent d’éliminer toutes les trajectoires divergentes : la règle d’or modifiée reste
un point-selle, et il n’y a pas d’équilibre si la dépense publique est trop élevée par
rapport au stock de capital par tête initial.
La transition
Le fait que l’État consomme des biens dès la période initiale fait peser sur l’économie
un risque d’instabilité, notamment dans les économies dont le stock de capital par
tête est faible initialement. Une stratégie consiste à attendre un certain temps et à
mettre en place la politique une fois que l’économie s’est suffisamment développée.
La réaction de l’économie au moment où la politique est effectivement mise en place
dépend essentiellement d’une seule considération : la politique a-t-elle été annoncée
aux agents du secteur privé initialement ou pas ?
Considérons tout d’abord le cas d’une politique non annoncée, et supposons
qu’elle est totalement inattendue lorsqu’elle est mise en place1 . Si, dans la situation
initiale, l’économie a déjà atteint l’équilibre stationnaire de la règle d’or modifiée,
alors le stock de capital par tête est inchangé et la consommation doit simplement
1. Le statut exact de cette hypothèse est peu défendable : nous avons fait l’hypothèse de prévisions parfaites
initialement.
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136 Macroéconomie
sauter (au moment où la politique est mise en place) de façon à baisser d’un montant
juste égal à g . C’est le cas représenté sur la figure 3 ; il est utile de vérifier graphique-
ment en utilisant le diagramme des phases que toute autre réaction est impossible.
Formellement, le stock de capital par tête ne change pas par (5.23), pour σ(c ∗ )c ∗ > 0,
et l’équation d’accumulation (5.24) donne dc t = −d g .
Si, alors que l’économie a déjà atteint l’équilibre stationnaire de la règle d’or modi-
fiée, la hausse des dépenses publiques est temporaire (disons, entre 0 et T ), alors
comme dans le cas précédent, le stock de capital par tête ne change pas sous l’ef-
fet de la politique (ceci résulte toujours de (5.23)). Pour décrire comment réagit la
consommation, remarquons tout d’abord que les prix des facteurs ne changent pas ;
par conséquent, la politique se traduit uniquement par une perte de revenu. Il est
facile de vérifier en intégrant la contrainte budgétaire que la contrainte budgétaire
intertemporelle s’écrit (cf. Annexe 7.4) :
∞
c t exp (−θt ) d t = a 0 + w ∗ θ −1 − τθ −1 1 − exp (−θT ) .
0
La maximisation de (5.21) sous cette (seule) contrainte implique que l’utilité margi-
nale de la consommation reste constante, et donc que la consommation par tête doit
rester constante. La contrainte budgétaire précédente donne
cθ −1 = a 0 + w ∗ θ −1 − τθ −1 1 − exp (−θT ) .
Par rapport à la consommation par tête (constante) initiale (où τ = 0), la consomma-
tion par tête subit une baisse de
Δc = τ 1 − exp (−θT ) > 0.
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Remarque 5.1b
Si, dans la situation initiale, l’économie ne se trouve pas encore à son état de long
terme et que l’on annonce que la politique sera mise en place plus tard, la mesure
est anticipée, la réaction de la consommation est plus lisse, l’économie convergeant
de façon à se trouver sur la nouvelle trajectoire point-selle à l’instant où elle est mise
en place. Un exemple de transition est représenté sur la figure 4. On annonce en t0
(l’économie se trouve alors sur la trajectoire point-selle correspondant à la situation
initiale, g = 0) que la politique sera mise en œuvre en t1 . En t1 , l’économie doit se trou-
ver sur la nouvelle trajectoire point-selle, celle qui correspond à la situation finale. La
transition se fait en conformité avec le diagramme des phases de la situation initiale
(c’est-à-dire, avant t1 ).
ct
ct = f (kt ) − nkt
ct = f (kt ) − nkt − g
kt
0 kt0 kt1 k *
FIGURE 4
Réaction à une politique anticipée
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138 Macroéconomie
dc t
= ((1 − τ)r t − n − θ)σ(c t )c t ,
dt
dk t
= f (k t ) − nk t − τr t k t − c t ,
dt
lim k t u (c t ) exp(−θt ) = 0,
t →∞
(1 − τ ) f ' (k * ) = n + θ
ct
ct = f (kt ) − nkt
ct = f (kt ) − nkt − g
kt
0 k*
FIGURE 5
Dépense publique financée par un impôt distorsif
6. CONCLUSION
Le modèle à horizon infini constitue un cadre de référence pour décrire les propriétés
de la dynamique optimale de la consommation et du capital par tête. Les enseigne-
ments de ce modèle sont finalement très intuitifs : lorsque l’économie est initialement
faiblement capitalistique, elle devrait réaliser un effort d’accumulation qui pousse à
la hausse le rapport capital-travail, mais elle ne devrait jamais le faire au prix d’une
baisse de la consommation par tête ; lorsqu’elle est bien dotée en capital par rap-
port au travail, de sorte que la productivité marginale du capital est basse, l’effort
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7. ANNEXES
7.1. Le problème du planificateur
Le problème du planificateur de la section 3.1 consiste à choisir une suite (c t , k t , t 0)
associée à k 0 qui maximise ∞
u(c t ) exp(−θt )d t
0
sous la contrainte
dk t
c t f (k t ) − nk t −
dt
pour tout t 0.
Le Lagrangien associé s’écrit
∞ ∞
dk t
L= u(c t ) exp(−θt )d t + μt f (k t ) − c t − nk t − dt.
0 0 dt
Le multiplicateur de Lagrange μt est associé à la contrainte de réalisabilité en t . À
l’optimum, il mesure le supplément d’utilité que l’on retire de pouvoir desserrer
la contrainte de la période t en disposant d’une unité de capital supplémentaire ;
il représente le prix implicite d’une unité de capital en t . Il est évalué au moment
où le planificateur résout son problème, à savoir en 0. Si l’on définit λt tel que
μt = λt exp(−θt ), λt représente le prix implicite d’une unité de capital en t évalué
en t .
Dans un problème d’optimisation statique, on maximiserait L par rapport à (c t , k t ).
La maximisation par rapport à k t pose toutefois problème puisque le Lagrangien
dépend de la variation du stock de capital au cours du temps. Pour réécrire le Lagran-
gien en fonction du niveau du stock de capital, on intègre par partie le dernier terme :
∞ ∞
dk t dμt
μt d t = lim μt k t − μ0 k 0 − kt dt.
0 dt t →∞ 0 dt
Le Lagrangien se réécrit :
∞
L= u(c t ) exp(−θt ) + μt f (k t ) − c t − nk t d t
0
∞
dμt
− lim μt k t + μ0 k 0 + kt dt.
t →∞ 0 dt
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140 Macroéconomie
∂L ∂H
= = u (c t ) exp(−θt ) − μt = 0,
∂c t ∂c t
∂L ∂H dμt dμt
= + = μt f (k t ) − n + = 0,
∂k t ∂k t dt dt
lim {λt k t } = 0.
t →∞
dk t
f (k t ) − c t − nk t − = 0.
dt
Ce sont les conditions du premier ordre du texte.
Une présentation plus rigoureuse est donnée dans Barro et Sala-i-Martin (2003),
Annexe A3. En particulier, le statut de la condition de transversalité est plus discuté.
Sinon, Kamien et Schwartz (1991) est le texte de référence.
exp(−θt1 ) u (c t1 )
dc t2 = − dc t1 = −TMS(c t1 , c t2 )dc t1 .
exp(−θt2 ) u (c t2 )
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au bien de t1 . L’élasticité σ(c t1 , c t2 ) est alors petite ; elle mesure pour cette raison les
possibilités de substitution du bien de t2 au bien de t1 .
Il est facile de calculer cette élasticité :
d(c t /c t ) u (c t1 )/u (c t2 )
σ(c t1 , c t2 ) = − 1 2 .
d u (c t1 )/u (c t2 ) c t1 /c t2
Mais, en utilisant le fait que l’utilité intertemporelle ne change pas,
u (c t1 ) u (c t1 ) u (c t1 ) u (c t2 )
d = dc t − dc t2
u (c t2 ) u (c t2 ) 1
u (c t2 ) u (c t2 )
u (c t1 ) u (c t1 ) u (c t2 ) exp(−θt1 ) u (c t1 )
= dc t1 + dc t1 ,
u (c t2 ) u (c t2 ) u (c t2 ) exp(−θt2 ) u (c t2 )
et
c t1 dc t1 c t1 dc t2
d = −
c t2 c t2 c t2 c t2
dc t1 c t1 1 exp(−θt1 ) u (c t1 )
= + dc t1 .
c t2 c t2 c t2 exp(−θt2 ) u (c t2 )
Lorsque t2 est arbitrairement proche de t1 = t (de sorte que c t2 est arbitrairement
proche de c t1 = c t ), on a :
u (c t )
σ(c t ) − 0.
c t u (c t )
Au total, lorsque σ(c t ) est petit, le ménage est très réticent à l’idée de substituer le
bien qu’il va consommer dans un futur arbitrairement proche au bien qu’il consomme
aujourd’hui (en t ).
On obtient :
t
t
d
a t exp − (r τ − n)dτ = (w t − c t ) exp − (r τ − n)dτ .
dt 0 0
Soit, en intégrant de 0 à T :
T T
t
a T exp − (r τ − n)dτ − a 0 = (w t − c t ) exp − (r τ − n)dτ d t .
0 0 0
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142 Macroéconomie
∞
t T
t
= a0 + w t exp − (r τ − n)dτ d t − τt exp − (r τ − n)dτ d t .
0 0 0 0
∗ ∗
Pour un salaire w et un taux intérêt r constants, on obtient :
∞
c t exp (−θt ) d t = a 0 + w ∗ θ −1 − τθ −1 1 − exp (−θT ) .
0
où l’on a utilisé r ∗ − n = f (k ∗ ) − n = θ.
8. EXERCICES ET PROBLÈMES
8.1. Le modèle à horizon infini
La population, N t , croît au taux n et fournit du travail au salaire réel w t . Le taux d’in-
térêt réel sur le capital, K t , est r t . Le secteur productif est en concurrence parfaite et
utilise une technologie de production à rendements constants, F (K t , N t ), croissante
et concave en chacun de ses arguments. Le bien produit est utilisé pour la consom-
mation et l’investissement. On suppose pour simplifier que le capital ne se déprécie
pas.
À la date t , les agents possèdent une richesse totale A t , qui peut être positive ou
négative, et consomment C t . On note avec des minuscules les variables par tête, par
exemple a t = A t /N t . La fonction d’utilité intertemporelle de l’agent représentatif est
+∞
U= u(c t )e −θt d t ,
0
avec la fonction d’utilité instantanée u(.) vérifiant les conditions usuelles : u > 0,
u < 0, u (0) = +∞ et u (+∞) = 0.
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Éléments de correction
1. Les entreprises demandent les quantités de capital K td et de travail N td qui maxi-
misent leur profit
F (K td , N td ) − r t K td − w t N td .
r t = F K (K td , N td ),
w t = F N (K td , N td ).
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144 Macroéconomie
r t = f (k t ),
w t = f (k t ) − k t f (k t ).
C t d t + d A t Nt w t d t + A t r t d t ,
qui se réécrit
d At
Ct + w t Nt + r t A t .
dt
Pour passer en variables par tête, on dérive logarithmiquement la relation
A t = at Nt :
d A t /d t d a t /d t d N t /d t d a t /d t
= + = + n,
At at Nt at
d’où
d at
ct + + na t w t + r t a t .
dt
La condition de Ponzi impose que les agents n’aient pas de dettes (en valeur
actualisée) à la fin des temps :
t
lim e − 0 rs d s
A t 0,
t →+∞
qui se réécrit t
lim e − 0 (r s −n)d s a t 0.
t →+∞
Le jeu de Ponzi tient son nom de Charles Ponzi qui monta une escroquerie de
grande envergure à Boston dans les années 1920. Il proposait des investisse-
ments pour lesquels il promettait un rendement de 40 % en à peine 90 jours.
Cette affaire reposait sur un système de vente pyramidale : les investissements
des nouveaux entrants servaient à payer les premiers investisseurs. Les sommes
promises divergeaient clairement vers +∞, même en valeur actualisée. Il fut
envoyé en prison et mourut pauvre.
t
3. La contrainte de budget se réarrange, en la multipliant par e − 0 (r s −n)d s , en
t
− 0 (r s −n)d s d at t
(w t − c t )e − (r t − n)a t e − 0 (r s −n)d s
dt
d
t
= a t e − 0 (r s −n)d s .
dt
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4. Le Hamiltonien s’écrit :
∂H t
= 0 = e −θt u (c t ) − μt
∂c t
et
∂H t dμt
=− = μt (r t − n),
∂a t dt
et une condition de transversalité qui vient de la condition de Ponzi,
lim μt a t = 0.
t →+∞
dc t u (c t )
= (r t − n − θ) = (r t − n − θ)σ(c t )c t ,
dt −u (c t )
dc t
= ( f (k t ) − n − θ)σ(c t )c t
dt
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146 Macroéconomie
et
dk t
= f (k t ) − c t − nk t .
dt
Les niveaux stationnaires sont
k ∗ = f −1 (n + θ) et c ∗ = f (k ∗ ) − nk ∗ .
dc t /d t = ( f (k t ) − n − θ)σ(c t )c t
dk t /d t = f (k t ) − c t − nk t
k t 0.
Le Hamiltonien s’écrit
H t = e −θt u(c t ) + μt [ f (k t ) − c t − nk t ].
∂H t
= 0 = e −θt u (c t ) − μt
∂c t
et
∂H t dμt
=− = μt ( f (k t ) − n).
∂k t dt
9. En combinant les équations du premier ordre comme précédemment, on
obtient
dc t
= ( f (k t ) − n − θ)σ(c t )c t ,
dt
identique au cas décentralisé. L’équation d’évolution du capital est elle aussi
la même. La condition de transversalité est maintenant limt →+∞ μt k t = 0, elle
est équivalente à celle dans l’économie décentralisée. L’évolution de l’économie
est donc régie par les mêmes équations dans les cas centralisé et décentralisé :
l’économie de marché (décentralisée) est optimale.
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10. La valeur actualisée des dépenses publiques doit être égale à la valeur actualisée
des impôts prélevés :
+∞ t +∞ t
Gt e − 0 rs d s d t = Tt e − 0 r s d s d t .
0 0
dc t
= (r t − n − θ)σ(c t )c t .
dt
Sur le marché du capital, il y a maintenant un nouvel acteur : l’État demande du
capital lorsqu’il s’endette ou en offre lorsqu’il dégage des surplus. L’équilibre du
marché du capital s’écrit
At = Bt + Kt .
L’évolution de la richesse des ménages est maintenant
d At
= w t Nt + r t A t − C t − Tt ,
dt
et celle de la dette publique est
dB t
= r t B t + G t − Tt .
dt
En passant en variable par tête et en dérivant l’équation d’équilibre du marché
du capital par rapport au temps, on obtient
dk t
= f (k t ) − (c t + g t ) − nk t .
dt
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148 Macroéconomie
1. Du nom de l’économiste anglais David Ricardo (1772-1823) qui a énoncé le premier ce principe de neutralité,
mais qui ne croyait pas qu’il s’appliquait en pratique.
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150 Macroéconomie
6. Économie de la TVA sociale : une intuition. Sans calculs. Remarquez que le salaire
net de cotisations, augmenté des cotisations sociales, que l’on appelle la « rému-
nération des salariés » dans les Comptes Nationaux, est indépendant des deux
taux τc et τv dans le long terme. Comment réagit le salaire perçu par le ménage
lorsque le taux de cotisations sociales baisse ? En vous rapprochant des docu-
ments 11 et 13, que pensez-vous maintenant de l’assertion du rapport Besson ?
où u > 0, u < 0, v > 0, et v > 0. Remarquez que l’offre de travail L t est, comme
la consommation, une variable de contrôle ; on écrira la condition du premier
ordre associée à l’offre de travail de façon analogue à celle qui est associée à la
consommation. Écrivez alors les conditions du premier ordre du problème du
ménage.
8. L’évolution de l’emploi. Exprimez la loi d’évolution de l’offre de travail au cours
du temps en fonction de l’élasticité de substitution instantanée de l’offre de tra-
vail, ψ(L t ), de r t , θ, et du taux de croissance du salaire net.
9. L’équilibre de long terme. Caractérisez un équilibre stationnaire de l’économie.
Quelle est la valeur du rapport capital/travail en un tel équilibre ? Comment évo-
luent les variables agrégées au cours du temps ? Sont-elles indépendantes de la
fiscalité, ici résumée à (τc , τv ) ?
10. Le salaire réel pour le ménage. Écrivez le salaire réel perçu par le ménage en fonc-
tion de τc , τv et de k ∗ à l’équilibre de long terme. Comment réagit-il à une modi-
fication quelconque (dτc , dτv ) des deux taux de taxe ?
Supposons que le bien de consommation et le loisir soient tous les deux nor-
maux. Décrivez (de façon littéraire) l’effet de revenu et de substitution associés
à une hausse du salaire réel pour le ménage. Si l’effet de substitution relatif à
la réaction de l’offre de travail à une variation du salaire est dominant, mon-
trez que l’emploi, le stock de capital agrégé et la production et la consommation
s’élèvent si et seulement si le salaire réel s’élève pour le ménage. En utilisant le
document 6, cette dernière hypothèse vous semble-t-elle plausible ?
11. La condition d’efficacité de la TVA sociale. On dira que, dans la variante fran-
çaise de la TVA sociale, les dépenses publiques et les transferts sociaux restent
inchangés (dG = dT = 0) en réponse à la mesure (dτc , dτv ). À l’aide du docu-
ment 7, pensez-vous que cela soit justifié ? En utilisant la contrainte de bud-
get de l’État, exprimez dτv en fonction de dτc dans la variante française. Pour
cela, vous raisonnerez ex ante : vous supposerez que l’État équilibre ses comptes
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152 Macroéconomie
FIGURE 6
La collecte de la TVA 1/2
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FIGURE 7
La collecte de la TVA 2/2
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154 Macroéconomie
FIGURE 8
La répartition des recettes de TVA et des cotisations sociales
FIGURE 9
Extrait des comptes de la protection sociale
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FIGURE 10
Tableau Économique d’Ensemble (2006)
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156 Macroéconomie
FIGURE 11
Sensibilité de l’offre des travail des hommes mariés
FIGURE 12
Sensibilité de l’offre des travail des femmes mariées
35
30
Hours worked
25
20
Above the median non-wage income
Below the median non-wage income
15
0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 3.5 4.0 4.5 5.0
FIGURE 13
Offre des travail des femmes célibataires
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2005(**) 2006(**)
Population moyenne (*) 62 818,2 63 195,5
Population active résidente 28 228,8 N.D.
dont chômeurs 2 917,0 N.D.
dont population active occupée (***) 25 311,7 N.D.
dont salariés 23 058,5 N.D.
dont non salariés 2 253,2 N.D.
Milliers de personnes
FIGURE 14
Quelques données relatives à l’emploi
Éléments de correction
1. L’assiette de la TVA est composée essentiellement de la consommation finale
des ménages et de celle de l’État. Mais comme l’État se paye de la TVA à lui-
même, il semble raisonnable de ne pas la prendre en compte (cf. question 3
pour une justification). Le document 2 indique qu’environ 90 % des recettes de
TVA proviennent du taux normal.
Pour les cotisations, 2/3 d’entre elles sont à la charge des employeurs. Leur base
est bien le salaire. Ici, contrairement à la TVA, l’hypothèse d’un taux de cotisa-
tions unique est plus contestable.
2. Le problème de l’entreprise est de choisir (K t , L t ) qui maximise son profit en t ,
F (K t , L t ) − (1 + τc )w t L t − (r t + δ) K t .
Les conditions du premier ordre s’écrivent
f (k t ) = r t + δ, (5.26)
(1 + τc )w t = f (k t ) − (r t + δ) k t , (5.27)
avec k t = K t /L t .
3. Les recettes de TVA sont τv (C t +G), et les cotisations sociales s’élèvent à τc w t L t .
En l’absence de dette publique, la contrainte de budget de l’État s’écrit donc
τv (C t + G t ) + τc w t L t − (1 + τv )G t − T t = 0 en t . Soit :
τv C t + τc w t L t − G t − T t = 0. (5.28)
d At
(1 + τv )C t + = w t L̄ + r t A t + T t .
dt
Le Hamiltonien du problème est
u(C t ) exp(−θt ) + μt w t L̄ + r t A t + T t − (1 + τv )C t
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158 Macroéconomie
u (C t ) exp(−θt ) − μt (1 + τv ) = 0, (5.29)
dμt
μt r t + = 0, (5.30)
dt
d At
(1 + τv )C t + = w t L t + r t A t + Tt , (5.31)
dt
avec la contrainte de Ponzi,
lim μt A t 0. (5.32)
t →∞
At = Kt (5.33)
L t = L̄ (5.34)
La dynamique de la consommation s’obtient à partir de (5.29) à (5.30) :
1 dC t
= (r t − θ)σ(C t ), (5.35)
Ct d t
avec 1/σ(C t ) = −C t u (C t )/u (C t ) > 0. C’est l’équation d’Euler.
Celle du capital s’obtient en consolidant (5.28) et (5.31) :
dK t
Ct + + G t = F (K t , L̄) − δK t . (5.36)
dt
−v (L t ) exp(−θt ) + μt w t = 0. (5.37)
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K̇ t L̇ t
= = 0.
Kt Lt
Il suit de (5.26) que le taux d’intérêt réel reste constant au cours du temps, et
donc, par (5.27), que le coût du travail et le salaire réel net w t le sont aussi :
r t = r et w t = w.
En formant le rapport de (5.29) et (5.37), on obtient :
u (C t ) 1 + τv Ċ t σ(C t ) L̇ t
= ⇒ =− = 0.
v (L t ) wt Ct ψ(L t ) L t
1 Ċ t 1 L̇ t
0= =− = (r − θ) ⇒ r = θ.
σ(C t ) C t ψ(L t ) L t
Le rapport capital/travail est à nouveau fixé à la règle d’or modifiée. Les variables
agrégées restent constantes au cours du temps. On les note K ∗ , L ∗ , C ∗ . Et
(1 + τc )w = f (k ∗ ) − θk ∗ (avec k ∗ tel que f (k ∗ ) = θ fixé) est fixé. On retrouve des
résultats qui semblent très proches de ceux des questions précédentes. Mais,
cette fois, l’offre de travail étant endogène, les variables agrégées vont répondre
à la politique.
10. L’hypothèse d’un effet de substitution dominant est plausible si le salaire n’est
pas trop élevé. Le salaire réel pour le ménage est
w∗ f (k ∗ ) − (θ + δ) k ∗
=
1 + τv (1 + τc ) (1 + τv )
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160 Macroéconomie
C∗ +G
C ∗ + G = F (K ∗ , L ∗ ) − δK ∗ ⇔ = f (k ∗ ) − δk ∗ ,
L∗
En différentiant, et en utilisant le fait que k ∗ est indépendant de (τc , τv ), on
obtient (avec dG = 0) :
dC ∗ L ∗ ∗
∗ dL
∗
= f k − δk ,
C∗ C∗ L∗
À l’optimum du ménage, on a :
u (C ∗ ) 1 + τv
= (5.41)
v (L ∗ ) w∗
1 dC ∗ w∗ 1 + τv 1 dL ∗
⇒− = d + ,
σ(C ∗ ) C ∗ 1 + τv w∗ ψ(L ∗ ) L ∗
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On en déduit :
1 1 Y ∗ − δK ∗ dL ∗ (1 + τc ) wL ∗ dτc
∗
+ ∗ ∗ ∗
= ∗
−1 .
ψ(L ) σ(C ) C L (1 + τv )C 1 + τc
Le terme entre parenthèses dans le membre de gauche est positif. L’effet sur
l’emploi d’une baisse des cotisations sociales financé par la TVA est positif si et
seulement si (1 + τc ) wL ∗ < (1 + τv )C ∗ . Il est affaibli si ψ(L ∗ ) → 0 (offre de travail
inélastique), si σ(C ∗ ) → 0 (demande de biens inélastique), ou si (Y ∗ − δK ∗ ) /C ∗
est grand (l’assiette de la TVA est petite dans le revenu net total).
13. On part de l’équation précédente. On prend dans le TEE (on demandait seule-
ment des ordres de grandeur pour les calculs − pas de calculatrice autori-
sée) : Y ∗ − δK ∗ = 1 554, 9 (PIB net), C ∗ 993, 2/1, 2 800, (1 + τc ) wL ∗ = 930, 7,
(1 + τv )C ∗ = 993, 2.
les documents 11 et 13 nous renseignent sur les élasticités prix de l’offre de tra-
vail. On posera ψ(L ∗ ) 0, 2. Nous n’avons pas d’information sur σ(C ∗ ). Nous
avons noté dans le chapitre 4 le faible consensus autour de la valeur que ce
paramètre pourrait prendre. On prendra toutefois σ(C ∗ ) 1 dans l’application
numérique.
L’équation obtenue en 13 devient :
1 1554, 9 dL ∗ 930, 7 3
+ = − 1 (−0, 01)
5 800 L∗ 993, 2 2
dL ∗ −0.1 × 1.5 0, 15
⇔ ∗
(−0, 01) = × 0, 01 0, 2 × 0, 01.
L 0, 2 + 0, 5 0, 7
L’emploi augmenterait donc de l’ordre de 0,2 %. Avec le document 14, en pre-
nant L ∗ comme l’effectif salarié (qui comprend la fonction publique), on obtient
une hausse de l’emploi de 50 000 individus.
La prise en compte de l’emploi public n’est bien sûr pas satisfaisante (elle
implique une surestimation du volume de l’emploi supplémentaire créé).
Cependant, la principale critique de modélisation que l’on doit faire est l’ab-
sence de chômage.
14. La contrainte de l’État devient
dB t
= r t B t + G t + T t − τv C t − τc w t L t .
dt
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162 Macroéconomie
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travail pour l’entreprise si elle utilise L unités de travail, pour un salaire réel uni-
taire (net de cotisations) w ?
2. Le ménage capitaliste. Ses préférences sont décrites par la fonction d’utilité
∞
u k (C tk ) exp(−θt )d t .
0
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164 Macroéconomie
1 dL 1 dC w
dτv + dτc + = − ,
σ∗v L ∗ σ∗u C w
et
dC w + C w dτc = −w ∗ L ∗ dτv + w ∗ dL,
où σ∗u et σ∗v sont deux paramètres que vous interpréterez.
9. La TVA sociale. Une politique de TVA sociale consiste à réduire le taux de cotisa-
tions et à augmenter le taux de TVA de sorte que le montant réel des transferts
sociaux reste inchangé. On supposera que dG = 0, et que l’État ne modifie pas le
volume de sa dette dans le long terme (dB = 0). Si l’ajustement de taux est réa-
lisé ex ante, c’est-à-dire en supposant que les assiettes des deux prélèvements
ne réagissent pas, montrez que l’on a :
w ∗L∗
dτv = − dτc ,
Ck +Cw
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 165 — #173
13. Les effets redistributifs à court et moyen terme 1. Sans calculs. Supposons
que l’économie se trouve à son équilibre de long terme au moment où la TVA
sociale est mise en œuvre. Supposons que cette mesure constitue une surprise
pour l’économie. Comment réagissent le bien-être du capitaliste et celui du tra-
vailleur au chapitre de la transition qui amène l’économie à son nouvel équilibre
de long terme ? Rapprochez ce résultat de celui de la question 10.
14. Les effets redistributifs à court et moyen terme 2. Sans calculs. Même question
que la précédente, si l’économie ne se trouve pas à son équilibre de long terme
au moment où la TVA sociale est mise en œuvre.
Éléments de correction
1. (1 + τc )C et (1 + τv )wL respectivement.
2. a) Le capitaliste choisit (C tk , A t )t 0 associée à A 0 donnée qui maximise
∞
u k (C tk ) exp(−θt )d t
0
(1 + τc )C tk + Ȧ t = r t A t (5.43)
b) Le Hamiltonien s’écrit
H tk = u k (C tk ) exp(−θt ) + λkt r t A t − (1 + τc )C tk .
sous la contrainte
(1 + τc )C tw = w t L t + T (5.46)
pour tout t 0.
b) Les conditions du premier ordre sont
uw (C tw ) exp(−θt ) = λw
t (1 + τc ) (5.47)
−v (L t ) exp(−θt ) = −λw
t wt . (5.48)
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166 Macroéconomie
6. Un équilibre de l’économie est une situation dans laquelle les équations (5.43) à
(5.51) sont satisfaites, et
At = Kt + Bt , (5.52)
F (K t , L t ) − δK t = C tk + C tw + K̇ t + G. (5.53)
L’offre a été supposée égale à la demande de travail ci-dessus.
Par la loi de Walras, (5.53) est redondante : en utilisant (5.52), la somme de (5.43),
(5.46) et (5.51) donne
r t K t + (1 + τv )w t L t = C tk + C tw + K̇ t + G.
La condition du premier ordre de l’entreprise (5.50) conduit à (5.53).
Ainsi, un équilibre est défini par les équations (5.43) à (5.52).
7. L’équation d’Euler de la consommation du capitaliste donne r ∗ = θ. L’équilibre
coïncide avec celui de la règle d’or modifiée. On a : k ∗ = k or
∗
< k or (pour θ > 0).
Puisque k or est indépendant de (τc , τv ), le coût du travail (1 + τc )w ∗ l’est aussi
∗
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K̇ t = F (K t , L t ) − δK t − G − C tk − C tw
= F (K t , L t ) − δK t − G − C tk − C tw − τc C tw + τc C tw
= r t K t − (1 + τc )C tk − G + T − τc C tw − τc C tw − τv w t L t .
Si l’on se restreint aux politiques fiscales équilibrées, le dernier terme est nul, et
l’on a donc :
K̇ t = r t K t − (1 + τc )C tk ,
Dans le cas polaire de la section précédente (offre de travail inélastique, norma-
lisée à 1), on a :
K̇ t = f (K t )K t − (1 + t )C tk , (5.54)
L’équation d’Euler de la consommation des capitalistes a été obtenue à la ques-
tion 2 :
Ċ tk = f (K t ) − θ σk (C tk )C tk . (5.55)
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168 Macroéconomie
Ctk
C tk = 0
K t = 0
Kt
0
FIGURE 15
Réaction à une mesure de TVA sociale
13. On constate que les capitalistes perdront systématiquement, même sur la tran-
sition, si la situation initiale est l’équilibre stationnaire correspondant à t (que
la politique soit annoncée ou pas).
14. C’est encore le cas si la situation initiale n’est pas l’équilibre stationnaire ; un
exemple est décrit sur la figure 15 (pour une politique annoncée), lorsque la
situation initiale est le point A.
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170 Macroéconomie
k̇ t = F x x t .
Cette relation est connue comme la « règle de Hartwick ». Montrez qu’elle est
équivalente à μt k̇ t + γt Ṡ t = 0. Interprétez alors cette règle.
10. Il semble établi que le réchauffement climatique est en grande partie imputable
à l’expoitation des ressources épuisables. Soit ϕ(S t ) la température en t , avec
ϕ < 0. L’utilité du ménage est influencée par le réchauffement climatique : elle
s’écrit maintenant u(c t , ϕ(S t )), où ϕ(S t ) est traitée comme une externalité (le
ménage ne prend pas en compte le fait que l’exploitation des ressources épui-
sables conduit à une hausse de la température), et u ϕ < 0. Comment s’écrit
désormais la règle de Hotelling pour le ménage ? Comment s’écrit-elle pour le
planificateur central (qui, lui, prend en compte la hausse de la température due
à l’exploitation des ressources épuisables) ? Qu’en concluez-vous sur l’optima-
lité de l’exploitation de la ressource épuisable ?
11. Montrez qu’il existe une politique (τkt , τxt , τt , T t ) dans laquelle τkt = τt = 0 per-
mettant de faire coïncider l’équilibre et l’optimum. Montrez que l’évolution de
τxt est gouvernée par l’équation différentielle
τ̇xt bt
= F k −
τxt τxt
où b t s’exprime en fonction de u c , u ϕ
et ϕ . Que représente b t ?
12. Supposons que l’on choisisse de ne pas intervenir initialement (τ0x = 0). Montrez
que τxt 0 quel que soit t . Comment interprétez-vous la baisse initiale de la
taxe pesant sur l’extraction de la ressource épuisable ? Concluez sur le caractère
approprié de la politique mise en œuvre dans l’Union européenne.
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13. Montrez que la solution optimale satisfait le critère de justice introduit à la ques-
tion 9, ici u(c t , ϕ(S t )) indépendant de t , si l’on suit la règle de Hartwick.
Éléments de correction
1. La dynamique s’écrit Ṡ t = −x t .
2. Le ménage choisit une suite (c t , k t , x t , t 0), associée à k 0 donné, qui maximise
∞
u(c t ) exp(−θt )d t
0
k̇ t = r tm k t + q tm x t + w tm ¯ − c t + T t
Ṡ t = −x t
et S 0 > 0 donné.
Le Hamiltonien s’écrit
H tm = u(c t ) exp(−θt ) + μt r tm k t + q tm x t + w tm ¯ − c t + T t − γt x t
u (c t ) exp(−θt ) = μt
μt q tm = γt
μt r tm = −μ̇t
γ̇t = 0
ċ t m
⇔ = r t − θ σ(c t )
ct
où σ(c t ) = −u (c t )/c t u (c t ) > 0.
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172 Macroéconomie
4. Montrez que
q̇ tm
= r tm
q tm
pour tout t . Cette relation est connue comme la « règle de Hotelling ». Interprétez
cette règle.
On différentie μt q tm = γt par rapport à t :
μt q̇ tm + μ̇t q tm = γ̇t = 0
⇔ μt q̇ tm + μt r tm q tm = 0.
Pour μt > 0, on obtient la règle de Hotelling. Elle peut s’interpréter comme une
condition d’arbitrage pour le ménage. S’il renonce en t à consommer un bien de
consommation et achète une unité de capital, le rendement net de cette opéra-
tion est r t . S’il achète 1/q t unités de ressource épuisable, les revend en t + d t , le
rendement net de cette opération est
q t +d t q̇ m
− 1 → tm
qt qt
pour d t petit.
5. L’entreprise maximise F (k t , x t , t )−r t k t −q t x t −w t t . Les conditions du premier
ordre s’écrivent :
F k = r t
F x = q t
F = w t
6. Un équilibre est une situation dans laquelle le ménage est rationnel (les condi-
tions du premier ordre du problème de la question 3 sont satisfaites), l’entre-
prise est rationnelle (les conditions du premier ordre du problème de la ques-
tion 5 sont satisfaites), la contrainte de budget de l’État est saturée,
et l’offre est égale à la demande sur chaque marché à chaque instant. En t , sont
ouverts un marché pour le bien de consommation, et trois marchés pour les
facteurs. Par la loi de Walras, on peut se concentrer sur trois d’entre eux, disons
les marchés des facteurs. Le marché du capital et celui de la ressource ont été
implicitement supposés équilibrés dans ce qui précède. Sur le marché du travail,
¯
t = .
7. Le planificateur choisit une suite (c t , k t , x t , t 0), associée à k 0 donné, qui maxi-
mise ∞
u(c t ) exp(−θt )d t
0
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Ṡ t = −x t
et S 0 > 0 donné.
Le Hamiltonien s’écrit
H tm = u(c t ) exp(−θt ) + μt F (k t , x t , )
¯ − c t − γt x t
u (c t ) exp(−θt ) = μt
μt F x = γt
μt F k = −μ̇t
γ̇t = 0
d k̇ t
= F x ẋ t + Ḟ x x t
dt
de sorte que
ċ t = F k k̇ t − Ḟ x x t = F k F x x t − Ḟ x x t .
q̇ x Ḟ x
= = r t = F k
q x F x
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174 Macroéconomie
u c exp(−θt ) = μt
μt F x = γt
μt F k = −μ̇t
uϕ ϕ exp(−θt ) = −γ̇t
Le même calcul que celui de la question 4 donne :
μt Ḟ x + μ̇t F x = γ̇t = −u ϕ
ϕ exp(−θt )
Les deux comportements diffèrent sur la règle de Hotelling. Pour le ménage, elle
s’écrit :
Ḟ x − τ̇xt
= F k .
F x − τxt
Pour le planificateur,
Ḟ x uϕ ϕ
= F k − .
F x u c F x
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u̇ t = u c ċ t + u ϕ
ϕ Ṡ t = 0.
Comme à la question 9,
ċ t = F k F x x t − Ḟ x x t .
En utilisant la règle de Hotelling (à l’optimum),
uϕ
ċ t = x t ϕ ,
u c
ce qui implique que u̇ t = 0.
9. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Blanchard et Fischer (1989), Sections 2.1 et 2.2. Une version en temps discret du
modèle à horizon infini (décrivant de façon détaillée ses propriétés dynamiques) est
présentée dans Azariadis (1993), sections 7.3 et 13.4. Pour la résolution du problème
d’optimisation, Barro et Sala-i-Martin (2003), annexe 3.
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CHAPITRE 6
Dépense, déficit et dette publique
1. INTRODUCTION
Le modèle IS-LM prédit qu’une hausse des dépenses publiques, quel que soit le mode
de financement que l’État utilise, conduit à une hausse de la production et de l’em-
ploi à court terme, c’est-à-dire pour des prix (des biens et des facteurs de produc-
tion) donnés et pour un stock de capital également donné. Nous avons déjà entrevu
dans le chapitre 4 que cette prédiction n’est pas vraiment confirmée lorsque les agents
prennent en compte l’intégralité de la politique au moment où ils choisissent leur
consommation et leur épargne, par exemple l’intégralité de la suite des impôts dont
ils devront s’acquitter au cours du temps, et non pas seulement l’impôt courant. À
moyen terme, les prix (et les anticipations de prix) réagissent aux déséquilibres éven-
tuellement observés sur les marchés (mais le stock de capital reste fixé en principe)
et le modèle AS-AD (offre globale / demande globale) suggère que la politique budgé-
taire perd de son efficacité, la relance sur la production et l’emploi étant progressive-
ment amoindrie par la hausse du niveau général des prix et des salaires1 . La produc-
tion et l’emploi retrouveraient finalement leurs niveaux naturels.
Dans ce chapitre, nous allons revenir sur l’efficacité de la politique budgétaire à
plus long terme. Les variations du déficit public ont-elles comme à moyen terme
peu d’effet, voire des effets pervers, comme nous invitent à le penser les deux der-
niers exemples du chapitre précédent, sur l’activité à plus long terme, dès lors que
la politique budgétaire est susceptible d’influencer l’accumulation du capital dans
l’économie ?
1. Les repères bibliographiques donnent deux références auxquelles vous pouvez vous reporter.
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178 Macroéconomie
Il est utile de reprendre auparavant plus en détail les principaux canaux au travers
desquels la politique budgétaire et son financement influencent l’activité à court et
moyen terme. À court terme, dans le modèle IS-LM, l’activité est gouvernée par la
demande agrégée de biens : les entreprises satisfont la demande qui s’adresse à elles,
emploient la quantité de main-d’œuvre nécessaire pour satisfaire cette demande,
et distribuent les revenus des facteurs de production en contrepartie. Il se trouve
qu’alors la demande de travail est inférieure à l’offre de travail (il y a du chômage).
La demande agrégée de biens qui s’adresse aux entreprises résulte de l’interaction
du marché des biens et du marché de la monnaie. Sur le marché des biens, une hausse
des dépenses publiques se traduit par une hausse de la demande de biens. Les entre-
prises, pour satisfaire cette demande, vont devoir embaucher et la masse salariale va
augmenter. La hausse des revenus distribués incite les ménages à consommer plus, ce
qui amplifie l’effet de relance initial et enclenche un processus « multiplicateur », au
chapitre duquel la hausse de la demande conduit à une hausse des revenus, et donc à
une nouvelle hausse de la demande : la hausse de la demande agrégée est finalement
supérieure à la hausse de la demande supplémentaire de biens par l’État. Ce proces-
sus se stabilise pour un niveau de revenu et d’emploi plus élevés1 .
Mais cette hausse du revenu, incitant les ménages à consommer plus, implique
une hausse de la demande de monnaie. Pour une offre de monnaie donnée, il appa-
raît donc un excès de demande de monnaie : les ménages vendent des titres qu’ils
détiennent, le prix des titres baisse, le taux d’intérêt augmente, ce qui réduit les
dépenses d’investissement des entreprises, et ainsi la demande agrégée. Un nouvel
effet multiplicateur est amorcé, conduisant cette fois à une baisse de la production et
de l’emploi. Il s’agit de « l’effet d’éviction », la hausse de la demande publique étant
contrebalancée par une baisse de la demande privée.
1. Cette propriété de stabilité (d’amortissement) du processus multiplicateur est une conséquence immédiate
de la « loi psychologique fondamentale » selon laquelle une hausse du revenu conduit à une hausse de la consom-
mation, mais dans une moindre proportion.
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anticipent un niveau général des prix élevé. Une fois les salaires fixés, les entreprises
choisissent le prix des biens qu’elles produisent. Le prix effectif dépend bien sûr du
coût de production (ici du coût salarial) : lorsque la production est élevée, le chômage
est bas, les salaires sont élevés et le niveau général des prix est élevé. C’est la relation
d’offre globale, AS.
On comprend alors intuitivement ce qui devrait se passer à moyen terme. La
hausse de la production, qui fait suite à la politique de relance s’accompagne d’une
baisse du chômage, ce qui renforce le pouvoir de négociation des travailleurs, et se
traduit par des salaires et des prix plus élevés qu’initialement : la demande agrégée
baisse. En outre, la hausse des prix, si elle est répercutée dans les anticipations de
prix, devrait conduire à une nouvelle hausse des salaires (et des prix) : la demande
agrégée baisse une nouvelle fois. Au total, l’effet de relance initial est très nettement
amoindri à moyen terme. La baisse de la production devrait en fait se poursuivre tant
que les anticipations de prix sont inférieures au prix effectif, c’est-à-dire tant que la
production n’est pas à son « niveau naturel ».
Quels sont les effets de la dépense publique et de son financement sur les com-
portements individuels et sur l’accumulation du capital à long terme ? Ces effets
dépendent-ils de la position initiale de l’économie par rapport à la règle d’or ou la
règle d’or modifiée ? Quels sont les effets de la dette publique ? Existe-t-il des limites
à la dépense publique si l’État peut la financer par la dette ? Tels sont certains des
thèmes que nous aborderons dans ce chapitre.
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180 Macroéconomie
G t = T1t + T2t ,
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h
h
c2t +1 e 2h − t2t +1
c1t + = e 1h − t1t + . (6.3)
1 + r t +1 1 + r t +1
L’épargne qui en résulte est donnée par les contraintes de budget (6.1) ou (6.2).
Il est simple de savoir si un agent sera prêteur ou emprunteur. Le prix relatif du bien
2 (en termes de bien 1) est égal à 1/(1 + r t +1 ) dans (6.3). Lorsque l’agent h consomme
h h
(c1t , c2t +1 ), il acceptera de céder une unité de bien 2 s’il obtient en échange au moins
βu (c2t +1 )/u (c1t
h h
) unités de bien 1. Pour décrire le comportement d’épargne, plaçons-
nous au point (e 1 − t1t , e 2h − t2t +1 ) où l’épargne est nulle. Si le taux marginal de substi-
h
tution βu (c2t h h
+1 )/u (c 1t ) y est supérieur à 1/1 + r t +1 (l’agent h est alors relativement
bien doté lorsqu’il est jeune), l’agent h souhaite consommer plus que sa dotation en
bien 2 : il est prêteur (s th > 0). Sinon, il est emprunteur.
Comme on l’a vu dans le chapitre 3, si u < 0, les deux biens sont normaux. Il s’en-
suit qu’une hausse de l’impôt durant la première période (d t1t > 0), en conduisant à
une baisse du revenu intertemporel, conduit à une baisse de la consommation lors
de chaque période. La contrainte budgétaire de seconde période implique alors que
d s th < 0 : les agents prêteurs souhaitent réduire leur épargne, et les emprunteurs aug-
menter leur dette. Au total, l’épargne agrégée doit baisser pour tout taux d’intérêt réel.
De la même façon, une hausse de l’impôt durant la seconde période (d t2t +1 > 0)
conduit à une baisse de la consommation lors de chaque période. La contrainte bud-
gétaire de première période, cette fois, montre que l’épargne agrégée doit augmenter.
Ces deux résultats témoignent du désir des agents de lisser leur consommation au
cours du temps : un agent épargne moins lorsqu’il est taxé lors de la période courante,
et épargne plus lorsqu’il anticipe qu’il sera taxé dans le futur. Dans le cas particulier où
d t 1t = −d t2t +1 /(1 + r t +1 ), son revenu intertemporel n’est pas affecté par la politique
budgétaire : une réduction d’impôt aujourd’hui n’aura aucun effet sur le comporte-
ment du ménage, puisqu’elle est suivie par une hausse anticipée des impôts demain
de même montant (actualisé). On retrouvera ce point dans la section 3.1.
Ces premiers résultats suggèrent que les effets d’une politique budgétaire dépendent
de la façon dont elle est financée au cours du temps, et ainsi de l’anticipation des poli-
tiques budgétaires futures.
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182 Macroéconomie
Et donc :
h
dc1t h
dc1t h
dc1t h
dR int
= + ,
d(1/ (1 + r t +1 )) d(1/ (1 + r t +1 )) h
h d(1/ (1 + r
dR int t +1 ))
R int
h
où R int représente le revenu intertemporel de l’agent h. L’équation de Slutsky donne :
h
dc1t h
dh 1t h
dc1t
= − c2t +1 .
d(1/ (1 + r t +1 )) h d(1/ (1 + r t +1 )) h
dR int
Rint (+)
Il s’ensuit que :
h h h
dc1t dh 1t s th dc1t
= +
dr t +1 dr t +1 1 + r t +1 dR h
int
(−) (+)
en utilisant (6.2). Le premier terme représente l’effet de substitution ; il est négatif si les
deux biens sont substituts : une hausse du taux d’intérêt réduit le prix relatif du bien
demain et incite à consommer plus demain et moins aujourd’hui. Le deuxième est un
effet de revenu consolidé : puisque la consommation est normale, elle augmente avec
le revenu intertemporel, de sorte que ce deuxième effet est du signe de s t : lorsque
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l’agent est prêteur, une hausse du taux d’intérêt augmente son revenu et l’incite à
consommer plus lors de chaque période.
Une hausse du taux d’intérêt, en réduisant le prix relatif du bien 2, conduit systé-
matiquement à une baisse de la consommation de première période si s th < 0 (l’agent
h est emprunteur). Par contre, si s th > 0 (l’agent h est prêteur), l’effet net est ambigu si
s th > 0.
Il suit de la contrainte budgétaire de première période que :
h
d s th dc1t
=− .
dr t +1 dr t +1
r
St
r1 St′
r1′
r2
r2′
r3 S
r3′
−1
FIGURE 1
Équilibres sur le marché de l’épargne
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184 Macroéconomie
Si l’équilibre est unique, comme sur la figure 2, alors le taux d’intérêt doit baisser.
C’est ce que suggère la première intuition : l’épargne (l’offre de prêt ou de capital)
augmente, et une baisse du taux d’intérêt rééquilibre le marché.
r
St
St′
r1
r1′
0
S
−1
FIGURE 2
Équilibre sur le marché de l’épargne
On constate que si le taux d’intérêt d’équilibre augmente (ou bien, de façon équi-
valente, l’épargne agrégée baisse pour tout taux d’intérêt) lorsque (1) les dépenses
publiques courantes s’élèvent et sont financées (au moins partiellement) par une taxe
sur les jeunes, et (2) les dépenses publiques futures baissent, et que cette baisse est
répercutée (au moins partiellement) dans une baisse de la taxe sur les vieux.
Ces conclusions s’accordent-elles avec celles du modèle IS-LM ? Il est naturel, pour
répondre à cette question, de regarder le cas d’une dépense courante financée par un
impôt courant. Dans le modèle IS-LM, le théorème de Haavelmo prédit une hausse
de la production égale à celle de la dépense publique, et une hausse du taux d’intérêt.
On ne peut pour l’instant que s’intéresser au second point. Nous venons de voir que
les agents vont réduire leur épargne pour mieux lisser leur consommation au cours
du temps. Le taux d’intérêt devrait augmenter, et la demande agrégée de bien peut
s’élever également, si la baisse atténuée de la consommation privée est plus faible
que la dépense publique (l’éviction est limitée). On retrouve les prédictions du modèle
IS-LM.
Si, par contre, la politique est financée par un impôt futur (en fait, sur les vieux), ils
s’y opposent systématiquement : l’épargne augmente, et le taux d’intérêt diminue.
Dans le cas particulier où d t1t = −d t2t +1 /(1 + r t +1 ), l’épargne individuelle ne
change pas, l’épargne agrégée ne change donc pas non plus, et ainsi le taux d’in-
térêt d’équilibre reste le même qu’initialement : la politique budgétaire n’a aucun
effet sur le taux d’intérêt.
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1. En réalité, la variation de la dette entre 2005 et 2006 a été plus faible que le déficit public de 2006. L’annexe 9
montre qu’une part importante de la différence est dûe au fait que la dette n’est pas intégralement remboursée
d’une période sur l’autre. Cf. également chapitre 7 pour une extension.
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186 Macroéconomie
ce monde ne peut être tenu pour certain, la mort et l’impôt exceptés », un déficit pri-
maire courant doit être suivi par une consolidation fiscale, d’autant plus importante
que le taux d’intérêt réel est élevé (et, plus généralement, que la dette est remboursée
tardivement). Le chapitre 4 suggérait que le financement par la dette est susceptible
de conduire finalement à une forme particulière de neutralité, les avantages courants
d’une baisse de l’impôt étant exactement compensés par l’anticipation des désagré-
ments futurs liés au remboursement de la dette : la réduction d’impôt permise par la
dette lors de la période courante incite les ménages à épargner plus en prévision des
impôts futurs qu’ils devront payer, ce qui tend à contrecarrer l’effet de relance associé
à la hausse du déficit. Cette neutralité est appelée « équivalence ricardienne ».
Pour financer son déficit, l’État émet une nouvelle dette, B t − B t −1 , ce qui porte le
volume de la dette à B t à la fin de la période t (à la date t + 1). Ou bien encore, par tête
d’agent jeune en t :
b t −1 t2t
g t + (1 + r t ) = t1t + + bt ,
1+n 1+n
avec g t = G t /N t , b t = B t /N t , t1t = T1t /N t et t2t = T2t /N t −1 .
Cette contrainte montre que tout déficit courant doit être suivi par un surplus, si
la dette doit être remboursée. Supposons par exemple que b t = 0 pour tout t , sauf en
T et en T + 1 ; l’État finance ses achats par l’impôt durant ces périodes. En T , l’État
décide de réduire l’impôt pesant sur chaque jeune d’un montant d t1T = −b < 0, et de
rembourser la dette b émise en prélevant un impôt supplémentaire sur chaque vieux
en T + 1, pour un montant d t2T +1 = (1 + r t +1 )b > 0.
Une approche de court terme prédirait une hausse du taux d’intérêt en T suivie
par une baisse en T + 1. Pour savoir ce qu’il en est effectivement lorsque les agents
forment des anticipations sur les prélèvements qu’ils subiront dans le futur, notons
que la politique touche uniquement les agents de la génération T : ils supportent un
impôt moindre en T , mais doivent acquitter un impôt plus lourd en T + 1. Nous pou-
vons donc nous concentrer sur la réaction de cette génération à la politique publique.
Les contraintes budgétaires de ces ménages s’écrivent :
h
c1T + s Th = e 1h − (t1T − b),
et
h h h
c2T +1 = (1 + r T +1 )s T + e 2 − (t 2T +1 + (1 + r T +1 )b).
Ici, t1T et t2T +1 représentent les impôts payés initialement, et t1T −b et t2T +1 +(1+r T +1 )b
ceux qui sont payés finalement.
La normalité de la demande de biens de consommation suggère que la baisse de
l’impôt en T incite les ménages à consommer plus en T , mais que la hausse de l’impôt
en T +1 les incite à consommer moins en T . Il se trouve que ces deux effets doivent se
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ce qui montre que le taux d’intérêt d’équilibre ne change pas (s Th est l’épargne dans la
situation de référence).
Ce qu’indique ce résultat, ce n’est bien sûr pas que la politique budgétaire est
neutre, mais que la chronologie exacte de la répartition impôts versus dette importe
peu ; seule importe la valeur actuelle de l’impôt total. Ce résultat reste vrai plus
généralement quand toute émission de dette se traduit par une baisse de l’impôt
bénéficiants aux agents qui supporteront, au travers d’un impôt plus élevé, le rem-
boursement de la dette. Il est ainsi vrai, en particulier, dans le modèle à horizon infini,
et sous certaines conditions, dans des modèles à générations dans lesquels chaque
génération se soucie du bien-être des suivantes (cf. section 3.2).
1. Rappelons que, dans cette contrainte, t 1T représente l’impôt prélevé dans la situation initiale. Il est donc
donné.
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188 Macroéconomie
et
h h h
c2T +1 = (1 + r T +1 )s T + e 2 − t 2T +1 .
h h h
c2T +1 = (1 + r T +1 )s T + e 2 − t 2T +1 ,
et
h
c2T +1 b e h − t2T +1
h
c1T + = e 1h − t1T + (1 + r t +1 ) + 2 .
1 + r T +1 1+n 1 + r T +1
Leur revenu intertemporel baisse ; ils consomment moins et épargnent moins, ce qui
conduit à une hausse du taux d’intérêt réel. Le financement de la dépense publique,
parce qu’il induit une redistribution de la richesse entre les différentes générations,
affecte l’équilibre. Ici, le taux d’intérêt augmente, puis diminue (par rapport à la situa-
tion où la dette émise est nulle)
Faut-il penser que les baisses d’impôt sont, en pratique, complètement neutralisées
par une hausse de l’épargne en prévision de l’impôt futur qui sera prélevé ? Une com-
paraison brute entre la série du taux d’épargne, mesuré par la différence entre le PIB et
la consommation totale rapportée au PIB lui-même, et celle du rapport entre le défi-
cit public (net des intérêts dus par les administrations publiques) et le PIB en France
depuis 30 ans, va plutôt dans le sens d’une infirmation de la prédiction théorique
d’équivalence ricardienne : à l’exception de la fin des années 1970 et de la période
récente (depuis 2003), les hausses du déficit primaire sont en général associées à des
baisses du taux d’épargne. Sur toute la période, une hausse de 1 point du rapport défi-
cit/PIB est associée à une baisse de 0, 6 point du taux d’épargne. En pratique, toutefois,
1. L’équilibre intertemporel est modifié lors de chaque période : par exemple, les vieux de la génération T − 1,
qui sont présents en T , doivent anticiper la baisse du taux d’intérêt et (si l’effet de substitution est dominant)
épargner moins.
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les conditions nécessaires pour confronter la prédiction théorique aux faits sont dif-
ficiles à réunir : la taxe a une forme très particulière ; en outre, il est rare que l’État
substitut un mode de financement à un autre à dépense donnée. Il semble que les
taux d’intérêt réels répondent peu à des modification du déficit (ce qui conforte l’hy-
pothèse d’équivalence ricardienne), mais qu’en même temps l’épargne aussi reste
relativement inerte quand le déficit change (ce qui infirme cette fois l’hypothèse). Un
état des lieux des tests de l’hypothèse d’équivalence ricardienne est dressé par Bern-
heim(1987)1 .
16,0
14,0
12,0
10,0
8,0 Tx d’épagne
% du PIB
6,0
Tx déficit primaire
4,0
2,0
0,0
−2,0
−4,0
FIGURE 3
Épargne et déficit primaire (1978 : 2006)
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190 Macroéconomie
d’une dotation en capital physique issue d’un placement fait en t −1 par leurs parents,
et égal à (1 + r t )k t . Ce revenu du capital est complété par le salaire w t . Ils choisissent
alors la consommation totale c t de leur famille (qui comprend leur propre consom-
mation et celle de leurs (1 + n) enfants) et l’héritage (1 + n)k t +1 qu’ils vont léguer à
leurs enfants.
Leur contrainte budgétaire s’écrit donc :
c t + (1 + n)k t +1 = (1 + r t )k t + w t (6.5)
Si leur objectif ne dépend pas du bien-être de leurs enfants devenus adultes, ils choi-
siront bien sûr k t +1 = 0. Une forme d’altruisme peut se matérialiser de la façon sui-
vante : les parents à la date t valorisent la consommation c t +1 de leurs enfants et
prennent en compte la définition de cette consommation
c t +1 + (1 + n)k t +2 = (1 + r t +1 )k t +1 + w t +1 , (6.6)
(1 + n)u (c t ) = β(1 + r t +1 )u (c t +1 ),
c t = k t + f (k t ) − (1 + n)k t +1
pour tout t 0. On reconnaît dans la première égalité la condition d’Euler du modèle
à horizon infini (cf. chapitres 4 et 5). La seconde inégalité est simplement l’équation
d’accumulation du capital par tête du modèle à horizon infini. Pour k 0 donné, k 0 > 0,
la trajectoire d’équilibre (c t , k t ) convergeant vers la règle d’or modifiée est donc un
équilibre du modèle à générations avec altruisme.
Supposons maintenant que l’État émet à chaque date une dette totale B t et prélève
un impôt (sur les adultes) égal à T t satisfaisant
B t + T t = B t −1 + r t B t −1 .
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(1 + n)b t + t t = (1 + r t )b t −1 . (6.7)
Les individus transmettent un legs pouvant prendre deux formes, du capital phy-
sique et des titres de dette publique. Leur contrainte budgétaire s’obtient en rempla-
çant le terme k t de (6.5) par k t + b t −1 (pour tout t ), et en prenant en compte l’impôt :
c t + (1 + n) (k t +1 + b t ) + t t = (1 + r t ) (k t + b t −1 ) + w t .
c t + (1 + n) (k t +1 + b t ) + (1 + r t )b t −1 − (1 + n)b t = (1 + r t ) (k t + b t −1 ) + w t
⇔ c t + (1 + n)k t +1 = (1 + r t )k t + w t .
Elle coïncide avec (6.5), ce qui montre que la combinaison particulière choisie par
l’État dette/impôt n’influence pas l’équilibre de l’économie.
Gt Y t −1 B t −1 T t B t
+ (1 + r t ) = +
Yt Y t Y t −1 Y t Y t
Bt 1 + r t B t −1 G t − T t
⇔ = + , (6.8)
Yt 1 + g t Y t −1 Yt
où g t est le taux de croissance du PIB, Y t /Y t −1 − 1. Étant donné un taux de déficit
primaire, la part de la dette est élevée si (1) le taux d’endettement est élevé, (2) le taux
d’intérêt réel est élevé, et (3) le taux de croissance est bas.
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192 Macroéconomie
70,0
60,0
50,0
40,0
Dette en % du PIB
30,0
20,0
10,0
0,0
FIGURE 4
Taux d’endettement de la France (1978 : 2006)
1. Durant les années 1960, le taux de croissance du PIB était suffisamment élevé pour que la dette baisse d’elle-
même, c’est-à-dire sans qu’un surplus primaire soit nécessaire. Durant les années 1970, le taux de croissance et
le taux d’intérêt réel ont baissé, et la dette est restée à peu près stable.
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la dette dépend du rapport entre le taux d’intérêt réel et le taux de croissance de l’éco-
nomie. Un taux d’intérêt élevé ou un taux de croissance faible favorise la croissance
du taux d’endettement ; mais le volume lui-même de la dette ne joue aucun rôle.
Ce que cette contrainte ne prend pas en compte, c’est le lien entre la dette, le taux
d’intérêt et le taux de croissance. Par exemple, une hausse de la dette désirée pourrait
s’accompagner d’une hausse du taux d’intérêt réel, et cette hausse, en décourageant
la demande agrégée, conduire à une baisse du taux de croissance de l’économie qui
provoque une envolée de l’endettement.
Nous allons examiner dans cette section s’il existe une limite à la dette au-delà de
laquelle elle explose au cours du temps en prenant en compte un lien entre dette, taux
d’intérêt et taux de croissance de la production. C’est la question de la « soutenabilité »
de la dette.
Supposons que le déficit primaire par tête soit constant au cours du temps :
t2t
q t = g t − t1t − = q,
1+n
où t1t est l’impôt payé par les jeunes en t , et t2t celui qui est payé par les vieux en t .
Pour financer ce déficit, l’État recourt à la dette.
À la date t , l’évolution de la dette publique qui suit de (6.4) est décrite par
1 + rt
bt = b t −1 + q, (6.9)
1+n
une expression très voisine de (6.8) si l’on confond le taux de croissance démogra-
phique et le taux de croissance de la production agrégée.
Supposons pour simplifier que les agents sont tous identiques : e 1h = e 1 et e 2h = e 2 .
Notons
e 2 − t2t
s t + b t = s r t +1 , e 1 − t1t +
1 + r t +1
l’épargne totale d’un ménage de la génération t . À l’équilibre, s t = 0, et donc :
e 2 − t2t
b t = s r t +1 , e 1 − t1t + (6.10)
1 + r t +1
pour tout t .
Un équilibre intertemporel est donc une suite (b t , r t , t 0) telle que (6.9) et (6.10)
sont satisfaites pour tout t 0, et avec b0 donnée.
Supposons tout d’abord que q = 0. Les équilibres stationnaires sont tels que
1+r
b= b, (6.11)
1+n
et
e 2 − t2
b = s r, e 1 − t1 + . (6.12)
1+r
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194 Macroéconomie
1+r ∗ 1+r q
b∗ = b +q ⇔ = 1 − ∗ < 1 ⇒ r < n.
1+n 1+n b
Si le déficit primaire est positif, l’équilibre stationnaire b ∗ > 0 est dynamiquement
inefficace.
La dynamique de la dette décrite par (6.9) et (6.10) implique que, pour toute dette
b t donnée, la dette publique b t +1 sera d’autant plus grande que le déficit à financer est
grand. On en déduit la dynamique de la dette lorsque q > 0 ; elle est représentée sur
la figure 6. La figure 6 décrit la dynamique de la dette pour un déficit primaire de plus
en plus grand. Elle confirme qu’il existe bien une valeur q̄ du déficit tel que b t +1 > b t
pour tout b 0 si q > q̄.
1. Gale (1973) appelle cette configuration « le cas Samuelson » pour une raison qui deviendra claire dans le cha-
pitre suivant. Il l’oppose au « cas classique » dans lequel l’économie est endettée au niveau agrégé.
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bt +1 bt = bt +1
bt < bt +1
b*
bt > bt +1
bt
0 b *
FIGURE 5
Solvabilité de la dette en l’absence de déficit primaire
L’intuition économique est la même que dans le cas précédent : la présence d’un
facteur autonome (le déficit primaire) qui vient augmenter le volume de la dette ne
fait que la renforcer.
(q = q )
(q > 0)
bt +1
(q = 0)
bt = bt ? 1
b*
bt > bt ? 1
bt
0 b *
FIGURE 6
Solvabilité de la dette en présence de déficit primaire
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196 Macroéconomie
(1 + n)b t + t t = (1 + r t )b t −1 .
c1t + (s t + b t ) = w t ,
et
c2t +1 = (1 + r t +1 )(s t + b t ) − t t .
Soit
tt
s t + b t = s r t +1 , w t −
1 + r t +1
l’épargne totale du ménage. Supposons que b t = b et donc que t t = (r t − n)b. En un
équilibre stationnaire, on a :
r (k ∗ ) − n
s r (k ∗ ), w(k ∗ ) − b − b = (1 + n)k ∗ .
1 + r (k ∗ )
dk r (k ∗ ) − n
s r r (k ∗ ) + s w w (k ∗ ) − (1 + n) = 1 + sw .
db 1 + r (k ∗ )
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5. ANNEXES
5.1. Compte des administrations publiques
DÉPENSES
RECETTES
SOLDES
FIGURE 7
Compte des administrations publiques
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198 Macroéconomie
FIGURE 8
Détail des recettes fiscales
FIGURE 9
Dette et déficit
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où nous avons pris en compte que le stock de capital courant est donné, mais
quelconque. Si l’équilibre est localement stable, s r r + s w w − (1 + n) < 0, et donc
s r r − (1 + n) < 0 puisque s w w > 0. L’inégalité précédente est donc satisfaite.
6. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Muet (1992), sections 5.1 et 5.2 fournit une présentation du modèle IS-LM à prix fixes
et flexibles qu’il est très recommandé de lire ; une présentation simple est aussi don-
née dans Blanchard et Cohen (2002), chapitres 5, 6, 7 et 8. Une partie de ce chapitre
s’inspire de Azariadis (1993), chapitres 19, 20 et 21. Les données utilisées sont tirées
des comptes nationaux. Elles sont accessibles en ligne sur le site de l’INSEE.
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CHAPITRE 7
La monnaie dans le long terme
1. INTRODUCTION
Jusqu’à présent, la monnaie n’a pas été prise en compte. Le transfert de richesse
au cours du temps s’effectuait par l’intermédiaire de la production ou de la dette
publique : renoncer à consommer à un instant donné correspondait à une offre de
facteurs de production ultérieure et, pour cette raison, donnait lieu à rémunération
une fois le processus de production achevé. On pourrait voir ce cadre comme résu-
mant une situation dans laquelle il n’y aurait qu’un seul bien, le blé, qui serait soit
consommé soit conservé pour être semé et donner lieu à production lors de la saison
suivante.
Dans ce chapitre, nous allons introduire la monnaie et décrire certains de ses effets
dans le long terme.
Les conséquences de la monnaie sur l’économie réelle figurent parmi les thèmes les
plus anciens de la théorie économique. Selon Blaug (1985), la théorie monétaire s’est
organisée autour d’une forme de « théorie quantitative de la monnaie ». Cet ensemble
de théories cherche à lier la monnaie au revenu et au niveau général des prix ; et, selon
Friedman et Schwartz (1963), « il n’y a aucune autre relation empirique en économie
dont on ait pu observer la répétition si régulièrement ». Elle prédit qu’une hausse de la
quantité de monnaie, si elle peut avoir un effet de relance sur l’activité à court terme,
se traduit à plus long terme par une hausse du niveau général des prix qui affaiblit,
voire annule la relance réelle initiale. La figure 1, tirée de Walsh (2003), reporte la cor-
rélation entre le produit agrégé à un instant donné et la quantité de monnaie durant
les deux années qui la précèdent et les deux années qui la suivent, aux États-Unis,
entre 1967 et 2000. On constate que le produit courant est lié positivement à la quan-
tité de monnaie courante, mais qu’il dépend de moins en moins, voire négativement
de la quantité de monnaie.
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202 Macroéconomie
0.6
0.5
0.4
0.3
0.2
M0
0.1 Quaters (j)
-8 -6 -4 -2 0 2 4 6 8
-0.1 M1
-0.2
-0.3 M2
-0.4
-0.5
FIGURE 1
Corrélation entre le PIB et la masse monétaire au chapitre du temps
Dans ce chapitre, nous allons commencer par décrire les trois principales manières
d’introduire la monnaie employées aujourd’hui dans les modèles de la macroécono-
mie dynamique. Chacune s’appuie sur l’une des trois fonctions classiques de la mon-
naie : la monnaie est une unité de compte, un instrument d’échange et une réserve
de valeur au cours du temps. Bien qu’elles soient assez éloignées les unes des autres,
elles font toutes les trois jouer un rôle particulier à l’égalité entre le taux d’intérêt réel
et le taux de déflation. L’un des objectifs de ce chapitre est de cerner le sens de cette
égalité, la « règle de Friedman », et notamment de la rapprocher d’une théorie de la
quantité optimale de monnaie.
Une telle règle présuppose que la monnaie coexiste avec un autre actif, par exemple
le capital. Il est donc naturel de se demander si, à long terme, les agents continueront à
utiliser la monnaie, plutôt que de détenir uniquement du capital. Lorsque tel est le cas,
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les économistes parlent de « bulle » dans laquelle un actif sans valeur intrinsèque (le
papier-monnaie) reste détenu dans le long terme. Ce chapitre suggère que l’obtention
d’un équilibre monétaire reste fragile à long terme, parce qu’il dépend avant tout de
la confiance accordée au maintien du pouvoir d’achat de la monnaie.
Enfin, le chapitre conclura en revenant sur le rôle de la monnaie comme source de
financement de la politique budgétaire, au travers du seigneuriage.
2. INTRODUIRE LA MONNAIE
L’un des principaux rôles de la monnaie est de servir d’intermédiaire universellement
accepté dans les échanges de biens. La monnaie permet en effet de résoudre le pro-
blème de la « double coïncidence des désirs »nécessaire pour qu’un échange de biens
se réalise : en l’absence de monnaie, je peux obtenir un bien que je n’ai pas unique-
ment si je trouve un autre agent qui le possède et qui accepte de me le céder en contre-
partie d’un bien que je possède ; l’intervention de tiers peut rendre plus complexe l’ac-
quisition, par exemple lorsque la personne qui possède le bien que je désire n’accepte
pas le bien dont je dispose, mais que je peux échanger ce dernier contre un troisième
bien possédé par un tiers, ce troisième bien étant désiré par la personne qui possède
le bien que je désire. Confrontée au troc, la monnaie, acceptée par tous, facilite claire-
ment les échanges de biens.
Il y a trois façons principales d’introduire la monnaie dans un modèle macroécono-
mique. Chacune cherche à se positionner face à cette intuition, même si elle en reste
toujours un peu éloignée1 .
La première consiste à partir d’une économie dans laquelle certains échanges
mutuellement avantageux sont irréalisables en l’absence de monnaie et où l’intro-
duction de la monnaie est socialement bénéfique. Une telle situation a été illustrée
par Samuelson (1958) dans une version simple et célèbre du modèle à générations
imbriquées. La monnaie y remplit les trois fonctions : elle sert de numéraire, ouvre la
possibilité de nouveaux échanges, et permet de transférer de la richesse au cours du
temps.
La deuxième présuppose que la monnaie doit servir d’intermédiaire dans les
échanges : il est donc nécessaire que certains individus au moins disposent d’un
stock de monnaie en début de période, avant que des échanges de biens aient lieu.
Une telle contrainte est appelée « contrainte d’encaisses préalables » ou « contrainte
de liquidité ». Elle est associée aux travaux menés par Robert Clower et Axel Leijon-
hufvud à la fin des années 1960.
La dernière façon d’introduire la monnaie semble à première vue assez cavalière :
elle consiste simplement à attribuer aux agents un goût pour la monnaie. Il serait
en fait possible de justifier ces préférences en présence de contraintes de liquidité.
Une telle approche présente néanmoins un avantage certain : puisque les ménages
apprécient la monnaie, il est possible d’examiner s’il existe une quantité optimale de
1. Cf. Kiyotaki et Wright (1989) pour un modèle plus proche de cette intuition.
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204 Macroéconomie
monnaie dont on devrait les doter et d’évaluer les coûts associés à une déviation de
cette politique avec les outils traditionnels de la microéconomie.
2.1.1. Le cadre
La structure de ce modèle est très voisine de celle de Diamond (1965) mais elle se
résume, dans sa version de base, à une économie d’échange (la production sera intro-
duite plus tard dans ce chapitre). À la date t naissent les N t individus de la génération
t ; ils sont en vie durant deux périodes consécutives, t (ils sont alors jeunes) et t +1 (ils
sont vieux). La population croît au taux constant n (on a donc N t +1 = (1 + n)N t ) ; lors
de la période initiale, t = 0, coexistent une génération initiale de N−1 individus vieux
(et nés vieux en 0) et d’une génération de N0 individus jeunes (nés eux aussi en 0).
Les préférences d’un individu de la génération t sont encore représentées par la
fonction d’utilité
u(c1t ) + βu(c2t +1 ). (7.1)
On supposera que la fonction u satisfait les conditions habituelles suivantes : u (·) > 0,
u (·) < 0, u (0) = +∞ et u (∞) = 0.
L’utilité marginale de la consommation étant arbitrairement grande si le ménage
ne consomme rien durant sa seconde période de vie, il est évident que les agents
jeunes souhaiteront transférer une partie de leur dotation de première période vers
la seconde si leur dotation est suffisamment faible lorsqu’ils sont vieux. Ici rentre en
jeu une hypothèse importante du modèle. Elle concerne la distribution des revenus
au cours du temps. Chaque jeune reçoit une dotation de e 1 = e > 0 biens périssables,
tandis que les vieux ne disposent d’aucun revenu a priori, c’est-à-dire s’ils ne peuvent
pas transférer leur richesse au cours du temps, e 2 = 0.
Aucun échange n’est possible dans cette économie. Pour répartir sa richesse sur ses
deux périodes de vie, un individu doit céder une partie de sa dotation individuelle e
durant sa jeunesse pour consommer durant sa vieillesse. Tous les agents d’une même
génération sont identiques, de sorte que seuls sont envisageables des échanges inter-
générationnels : tous les agents jeunes voudraient épargner pour leurs vieux jours,
aucun jeune ne souhaite se porter prêteur. Les seuls individus avec lesquels un jeune
est aujourd’hui en présence sont les vieux de la génération précédente, qui auront
disparu lors de la période suivante ; les individus susceptibles de lui fournir des
biens demain ne sont pas encore nés ! Il est clair que les vieux de la période courante
1. Ce modèle a été introduit et utilisé par Maurice Allais, dans Économie et Intérêt, publié en français en 1947.
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seraient très contents de récupérer l’épargne des jeunes pour la consommer, mais que
les jeunes refuseront de leur prêter quoique ce soit puisque ces vieux emprunteurs
ne pourront pas assurer le remboursement ni du principal ni de l’intérêt, lorsque
les jeunes seront devenus vieux. Il faudrait qu’un jeune aujourd’hui puisse prêter
aujourd’hui à une personne qui lui procurera en contrepartie un revenu demain. La
génération courante de jeunes coexistera demain avec la génération de jeunes qui va
la suivre immédiatement. À ce stade, il n’existe pas d’institutions permettant d’échan-
ger des biens avec des agents qui ne sont pas encore nés. Aussi, à l’équilibre, il n’y a
pas d’échange possible : on doit avoir c1t = e et c2t +1 = 0 pour tout t 0.
Cette solution n’est évidemment pas efficace : supposons que l’on impose à chaque
individu jeune de consommer dc1 > 0 unités de biens en moins et que l’on transfère
lors de la même période, disons t , ces biens aux vieux. Chaque jeune perd u (e)dc1 .
L’État récupère N t dc1 biens, et les répartit uniformément entre les N t −1 vieux : chaque
vieux reçoit donc en t un supplément de biens dc2 = (1 + n)dc1 > 0, de sorte que
le bien-être de chaque vieux augmente de u (0)dc2 = u (0)(1 + n)dc1 . Si cette poli-
tique est répétée lors de chaque période, le bien-être de chaque génération varie de
[βu (0)(1 + n) − u 1 (e)]dc1 (sauf pour la génération initiale de vieux, pour laquelle il
augmente de (1 + n)dc1 > 0).
Si βu (0)(1 + n) − u 1 (e) > 0, ce qui est vrai pour u (0) = +∞ et u (e) fini, chaque
génération (y compris la génération initiale de vieux) voit son bien-être augmenter.
On a donc réalisé une amélioration au sens de Pareto.
Cette réforme cesse d’être avantageuse en (c1∗ , c2∗ ) tel que
u (c2∗ ) 1
β = , (7.2)
u 1 (c1∗ ) 1+n
c’est-à-dire lorsque le taux marginal de substitution βu (c2∗ )/u (c1∗ ) du bien 2 au bien
1 est égal à 1/(1+n), qui s’interprète comme un prix relatif du bien 2 en terme de bien
1 du point de vue de la société dans son ensemble. L’égalité (7.2) et la condition de
réalisabilité
N t c1∗ + N t −1 c2∗ = N t e (7.3)
définissent l’optimum de cette économie.
Nous allons voir comment l’introduction de la monnaie, en autorisant des échanges
entre des générations qui ne coexistent pas directement, peut permettre d’atteindre
un tel optimum.
Supposons qu’à la date t = 0, l’État émette M̄ unités de monnaie et les distribue (uni-
formément) aux vieux (chaque vieux reçoit M̄ /N−1 unités de monnaie). Friedman a
qualifié cette monnaie tombant du ciel de monnaie hélicoptère. Soit p t le prix d’un
bien de consommation en monnaie (c’est donc le nombre d’unités de monnaie que
l’on doit céder pour obtenir en contrepartie un bien de consommation). Les agents
jeunes vont chercher à échanger des biens contre de la monnaie (ils offrent des biens
et demandent de la monnaie) alors que les agents vieux cherchent à faire le contraire :
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206 Macroéconomie
ils possèdent la monnaie et veulent l’échanger contre des biens (ils offrent de la mon-
naie et demandent des biens). On devine qu’un équilibre dans lequel des transactions
entre les différentes générations ont lieu est désormais possible, au moins si les jeunes
ne croient pas que la monnaie aura perdu toute sa valeur demain (p t → +∞).
Pour le vérifier, notons M td la demande (individuelle) de monnaie en t . Les
contraintes budgétaires d’un individu jeune en t s’écrivent :
p t c1t + M td p t e, (7.4)
et
p t +1 c2t +1 M td . (7.5)
On en déduit la contrainte de budget intertemporelle
c1t + (1 + πt +1 )c2t +1 e,
où πt +1 est le taux d’inflation (anticipé), 1 + πt +1 = p t +1 /p t . Cette contrainte montre
qu’à l’optimum du ménage c1t = c1 (1 + πt +1 , e) et c2t +1 = c2 (1 + πt +1 , e) sont tels que
u (c2t +1 )
β = 1 + πt +1 , (7.6)
u (c1t )
et saturent les contraintes (7.4) et (7.5). Le taux marginal de substitution du bien 2
au bien 1 est égal au prix relatif du bien 2. On en déduit la demande de monnaie
M td = p t (e − c1 (1 + πt +1 , e)), et l’on note
M td
= m(1 + πt +1 , e) (7.7)
pt
la demande d’encaisses réelles correspondante. La fonction m(·) coïncide avec la
fonction d’épargne réelle s(·) du chapitre 3, en posant 1/(1 + r t +1 ) = 1 + πt +1 (et en
assimilant e au salaire).
La demande d’encaisses réelles est donc croissante avec e : une hausse de e conduit
à une hausse de la consommation lors de chaque période, et la contrainte budgétaire
de seconde période implique que l’encaisse de monnaie détenue doit augmenter.
Les variations du taux d’inflation ont un effet ambigu. Une hausse du taux d’in-
flation s’apparente en effet à une baisse du taux de rendement réel de l’épargne
(lorsqu’un agent renonce à consommer un bien durant sa jeunesse, en t , il reçoit en
contrepartie p t unités de monnaie supplémentaires, qui lui permettront d’acheter
p t /p t +1 = 1/(1 + πt +1 ) biens supplémentaires durant sa vieillesse) et l’on sait que
les conséquences sur l’épargne d’une modification du taux d’intérêt dépendent d’un
effet de substitution et d’un effet de revenu qui s’opposent lorsque le ménage souhaite
épargner. Précisément : une hausse du taux d’inflation correspond à une hausse du
prix relatif du bien futur qui conduit à une baisse de la consommation en deuxième
période et à une hausse de la consommation en première période (effet de substi-
tution) et, comme la hausse d’un prix ampute le revenu des ménages, elle conduit
à une baisse de la consommation lors des deux périodes (effet de revenu). Au total,
une hausse de l’inflation conduit à une baisse de l’encaisse réelle désirée par l’effet de
substitution et à une hausse de cette encaisse par l’effet de revenu.
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Il y a deux marchés ouverts lors de chaque période, le marché des biens et le marché
de la monnaie. Un équilibre intertemporel avec prévisions parfaites est une situation
dans laquelle on a :
1. L’offre est égale à la demande sur chacun de ces deux marchés à chaque date t ,
t 0, soit
N t c1t + N t −1 c2t = N t e,
N t M td = M̄ .
(1 + πt +1 ) u (c1t ) = βu (c2t +1 ),
p t c1t + M td = p t e,
p t +1 c2t +1 = M td ,
M td = p t m(1 + πt +1 , e),
pour tout t 0.
L’application de la loi de Walras nous permet de ne considérer qu’une seule des
deux égalités offre/demande. Pour le voir, supposons que le marché de la monnaie
soit équilibré à chaque date ; cela implique notamment que N t M td = N t −1 M td−1 = M̄ .
Alors, la somme de (7.4), écrite en t , et de (7.5) écrite en t − 1, chacune multipliée par
N t et N t −1 respectivement, donne :
N t c1t + N t −1 c2t = N t e.
Le long d’une telle trajectoire, les jeunes en t anticipent un prix p t +1 . Étant donnée
cette anticipation (ponctuelle) de prix, leur demande de monnaie dépend du prix
courant p t (c’est la fonction p t m(·/p t , ·)). À l’équilibre, non seulement le prix courant
assure l’égalité entre l’offre (exogène) et la demande agrégée de monnaie, mais il coïn-
cide en outre avec le prix anticipé par les jeunes lors de la période précédente, t − 1.
L’équilibre a donc la nature d’un équilibre statique de la microéconomie (les agents
optimisent et l’offre est égale à la demande) et suppose en outre réalisée une condi-
tion supplémentaire qui concerne les anticipations : les anticipations sont exactes (ou
parfaites). Il s’agit pour cela d’un équilibre intertemporel avec prévisions parfaites.
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208 Macroéconomie
N t m (1 + πt +1 , e) 1
=
N t −1 m (1 + πt , e) 1 + πt
m (1 + πt , e)
⇔ m (1 + πt +1 , e) = . (7.9)
(1 + n) (1 + πt )
Un équilibre stationnaire est une suite de taux d’inflation telle que le taux de rende-
ment réel de la monnaie (et ainsi le taux d’inflation) reste constant au cours du temps.
Soit π le taux d’inflation correspondant. Pour πt = π, on a (1+n) (1 + π) = 1 et la condi-
tion du premier ordre (7.6) se réécrit :
u (c2 ) 1
β
= ,
u (c1 ) 1 + n
Remarque 7.2
S’il existe une technologie permettant de stocker les biens au cours du temps et
ayant un rendement réel r , alors deux cas peuvent se présenter à long terme : (1) si
r n, le taux de rendement réel de la monnaie, n, reste supérieur à celui de l’actif,
et l’équilibre stationnaire est encore défini comme ci-dessus, mais (2) si r > n, alors
les ménages ne demanderont pas de monnaie, et l’équilibre (dans lequel les ménages
jeunes épargnent en utilisant l’actif réel) n’est pas monétaire. La comparaison entre
le taux d’intérêt réel et le taux de croissance démographique évoque l’(in)efficacité
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dynamique. Si l’équilibre de long terme d’une économie sans monnaie est dynamique-
ment inefficace, il existe un équilibre monétaire Pareto efficace ; sinon, il n’existe pas
d’équilibre monétaire. Bien sûr, la demande d’encaisses réelles influence l’offre de
capital, et par ce canal, le taux d’intérêt réel. L’un des objectifs de la section 3 sera
d’endogénéiser le taux d’intérêt.
Considérons un ménage dont la durée de vie est infinie, comme dans le chapitre
5, mais ayant accès à deux technologies différentes lui permettant de conserver sa
richesse : le capital et la monnaie. À la date t , sur un petit intervalle de temps d t , sa
contrainte budgétaire s’écrit
dK t d M t d M̄ t
pt + + p t C t = p t F (K t , N t ) + ,
dt dt dt
où d M t /d t représente la variation de l’encaisse monétaire désirée par le ménage et
d M̄ t /d t un transfert monétaire de l’État au ménage. C’est au travers de ce transfert
que la monnaie est introduite dans l’économie. Son introduction a une nature forfai-
taire : le ménage ne peut pas se comporter de sorte à influencer le transfert qu’il reçoit.
Pour résumer : entre t et t + d t , le ménage reçoit un revenu du travail et un revenu du
capital (la somme de ces deux revenus est p t F (K t , N t )d t ) et un revenu de transfert
d M̄ t ; avec ce revenu, il consomme et épargne en détenant du capital physique et/ou
de la monnaie.
Définissons l’encaisse monétaire réelle par tête m t = M t /p t N t . Alors, en notant
πt le taux d’inflation en t (le taux de croissance du niveau général des prix p t ), la
contrainte de budget instantanée devient :
d m̄ t
k̇ t + ṁ t − = f (k t ) − c t − nk t − (n + πt )(m t − m̄ t ). (7.10)
dt
Cette contrainte montre qu’une unité de bien convertie en capital à l’instant t don-
nerait ( f (k t ) − n)d t biens supplémentaires (par tête) en t + d t , alors qu’une unité de
bien convertie en monnaie donnerait −(πt +n)d t biens supplémentaires (par tête) en
t + d t . L’inflation (πt > 0) joue à nouveau comme une taxe lorsque le ménage choi-
sit de détenir de la monnaie, en venant réduire l’encaisse réelle qu’il détient. Nous
reviendrons sur cette « taxe inflationniste » dans la section 4.
Tant que f (k t ) + πt
= 0, le ménage ne devrait conserver qu’un seul des deux actifs :
le capital si f (k t ) − n > −πt − n ⇔ f (k t ) + πt > 0 et la monnaie si f (k t ) + πt < 0.
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210 Macroéconomie
Nous allons toutefois imposer une contrainte additionnelle stipulant que les achats en
biens de consommation entre t et t + d t ne peuvent être financés que par la quantité
de monnaie M t détenue en t :
p t C t Mt ⇔ ct mt . (7.12)
Ht = u(c t ) exp(−θt )
d m̄ t
+λt f (k t ) − c t − nk t + (πt + n) (m̄ t − m t ) + + γt (m t − c t ),
dt
u (c t ) exp(−θt ) − λt − γt = 0,
λ̇t = −λt ( f (k t ) − n)
γ̇t = λt (πt + n) − γt
avec
γt (m t − c t ) = 0.
lim λt (k t + m t ) = 0.
t →∞
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Nous n’allons pas étudier toutes les propriétés dynamiques de ce modèle1 mais consi-
dérer uniquement une situation stationnaire. Le taux de croissance de la masse moné-
taire est supposé constant, égal à μ :
1 d M̄ t
= μ.
M̄ t M̄ t
m = c.
λ̇t γ̇t
= = θ.
λt γt
Mais alors
λ̇t = −λt ( f (k) − n) ⇔ f (k) = n + θ,
1. Elles ont été étudiées par Bloise, Bosi et Magris (2000). Il s’avère que la propriété de point-selle n’est pas tou-
jours satisfaite, et donc que l’unicité de la trajectoire convergeant vers l’équilibre stationnaire n’est pas garantie.
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212 Macroéconomie
∗
c’est-à-dire k = k or . Le stock de capital par tête de long terme est celui de la règle
d’or modifiée, indépendamment du taux de croissance de la masse monétaire, μ. La
∗ ∗
condition de réalisabilité donne c = f (k or )−nk or , de sorte que la consommation n’est
pas non plus affectée par le taux de croissance de la masse monétaire. Puisque la
contrainte de liquidité est saturée, les encaisses réelles sont à long terme indépen-
dantes de μ. Au total, une hausse de μ se traduit par une hausse identique du taux
d’inflation à long terme, mais n’a pas d’effet sur les grandeurs réelles. On dit que la
monnaie est super-neutre.
Sous quelle condition la contrainte de Clower est-elle saturée ? À long terme, le taux
de rendement réel de la monnaie est égal à −(n +π) alors que celui du capital est égal à
f (k) − n. La contrainte sera donc saturée si −(n + π) < f (k) − n, soit f (k) > −π, c’est-
à-dire si le taux d’intérêt réel est supérieur au taux de déflation, ou bien encore si le
taux d’intérêt nominal est nul. Le ménage préfèrerait alors épargner sous forme de
capital, mais la contrainte de liquidité le contraint à conserver de la monnaie, domi-
née en terme de rendement, pour consommer. Cette condition est évidemment liée à
la règle de Friedman. Lorsque f (k ∗ ) + π = 0, la valeur pour le ménage d’une unité de
monnaie supplémentaire (mesurée par γt ) devient nulle, ce qui est susceptible d’être
une condition d’optimalité de la quantité de monnaie, s’il faut émettre de la monnaie
jusqu’à satiété.
En fait, la contrainte de liquidité doit toujours être saturée à long terme (si c > 0).
Pour le voir, supposons que cela ne soit pas le cas. Alors, la condition de Kuhn et
Tucker implique que γt = 0, et comme λt décroît au taux θ (la consommation reste
constante dans la première condition du premier ordre), on doit avoir n = −π (le taux
de croissance de N t p t est nul), ce qui implique que l’offre de monnaie doit rester
constante au cours du temps (μt = 0) à l’équilibre stationnaire, s’il existe (puisque m
est constant au cours du temps dans cette situation). Mais le rendement réel du capi-
tal est f (k) − n = θ > 0 = n + π : le capital est alors un actif qui domine la monnaie, de
sorte que le ménage ne doit pas demander de monnaie. Mais alors, son encaisse réelle
serait nulle, ce qui est impossible puisque sa consommation est positive à l’équilibre
stationnaire considéré.
Remarque 7.3
Le même argument que ci-dessus montre qu’en l’absence de contrainte de liquidité,
c’est-à-dire dans le modèle de Ramsey examiné dans le chapitre 4, pour une offre de
monnaie constante au cours du temps (μ = 0), on doit avoir n = −π, de sorte que
le ménage ne demandera pas de monnaie ; il subsiste un excès d’offre de monnaie
qui n’est pas compatible avec la définition d’un équilibre. Dans ce cas, il n’existe pas
d’équilibre stationnaire.
Remarque 7.4
Abel (1985) a étudié une variante dans laquelle l’achat de capital est également soumis
à une contrainte de liquidité :
c t + k̇ t + nk t m t .
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d m̄ t
k̇ t + ṁ t − = f (k t ) − c t − nk t − (n + πt )(m t − m̄ t ). (7.14)
dt
Le rendement (réel) d’une unité de capital par tête est égal à r t − n et celui de la mon-
naie est égal à −πt −n : l’inflation, en augmentant le niveau général des prix, provoque
une baisse du pouvoir d’achat du ménage.
Le Hamiltonien s’écrit
H t = u(c t , m t ) exp(−θt ) + λt f (k t ) − c t − nk t − (n + πt )(m t − m̄ t ) .
Les conditions du premier ordre sont analogues à celles obtenues dans la section pré-
cédente, sauf que l’utilité marginale de la consommation dépend cette fois de l’en-
caisse réelle détenue. Elles s’écrivent :
u c (c t , m t ) exp(−θt ) − λt = 0, (7.15)
La dynamique d’équilibre a été étudiée par Cohen (1985). Nous nous concentre-
rons ici sur l’équilibre de long terme, où la consommation par tête, l’encaisse réelle
détenue et le stock de capital par tête sont constants.
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214 Macroéconomie
λ̇t
= −θ.
λt
Et donc, par (7.17), f (k) = n + θ : le stock de capital par tête est celui de la règle d’or
modifiée. Les agents demandent de la monnaie pour satisfaire leur désir d’encaisse,
mais continuent d’accumuler comme dans le modèle de Ramsey.
Si l’offre de monnaie est égale à la demande de monnaie pour tout t , la consomma-
tion, définie par la contrainte budgétaire du ménage, est égale à c = f (k)−nk. Puisque
le stock k est indépendant de la politique monétaire, la consommation c l’est aussi.
Par (7.16), le taux d’inflation doit rester constant : πt = π ; en effet :
λ̇t u m (c t , m t )
= −θ = − + (n + πt ) ,
λt λt exp(θt )
avec λt exp(θt ) constant (puisque λt décroît au taux θ), tout comme u m (c t , m t )
lorsque l’utilité marginale de la monnaie est évaluée à l’équilibre stationnaire.
Par définition de l’encaisse m t , elle est constante au cours du temps si μt = μ = n+π.
Le taux de croissance de la masse monétaire, choisi par l’État, doit donc lui aussi
nécessairement rester constant : μt = μ.
Jusque-là, ce taux n’a aucun effet sur les variables réelles de long terme, mais il
influence le taux d’inflation (dμ = dπ). Il reste à savoir si l’encaisse réelle est dépen-
dante ou non du taux de croissance de la masse monétaire. Pour cela, notons que la
condition du premier ordre relative à cette encaisse s’écrit
Dans cette équation, on a vu que c est indépendant de μ. Par contre, le taux d’inflation
dépend du taux de croissance de la masse monétaire (de même que l’utilité marginale
λt exp(θt ) constante de la consommation). Aussi, en général, l’encaisse réelle de long
terme m dépendra-t-elle de μ.
f (k ∗ ) = −π. (7.19)
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c1t + s t + m t w t
et
mt
c2t +1 (1 + r t +1 )s t + .
1 + πt +1
Ici, s t représente l’épargne réelle sous forme de capital. Si k 0 > 0 (et si l’offre de mon-
naie n’est pas nulle, M̄ > 0), les agents doivent demander les deux actifs à l’équilibre.
Cela impose que leurs rendements réels soient égaux :
(1 + πt +1 ) (1 + r t +1 ) = 1. (7.20)
p t N t m t = p t +1 N t +1 m t +1 ⇔ m t = (1 + πt +1 )(1 + n)m t +1 .
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216 Macroéconomie
(1 + n) m t +1 = (1 + r (k t +1 )) m t . (7.21)
et
1 + r (k)
m= m.
1+n
Si m = 0, alors le stock de capital correspond à l’équilibre de Diamond du chapitre 3 ;
on le notera k d , k d > 0 (on ne considère pas la situation stationnaire où le stock par
tête est nul, qui reste solution si m = 0). Si m
= 0, on doit avoir r (k) = n, ce qui implique
que k = k or . L’équilibre monétaire, s’il existe, est bien dynamiquement efficace. La
quantité réelle de monnaie correspondante est
On a φ(0) = 0, φ(k) < 0 pour k → ∞ (le taux d’intérêt tend vers 0 et la production,
et par là-même le salaire, sont bornés supérieurement, de sorte que l’épargne réelle
l’est aussi). Si k est petit, le taux d’intérêt réel est arbitrairement grand et l’on a en
principe φ(k) > 0 ; dans la figure 2, on a pris φ croissante puis décroissante en guise
d’illustration, mais tel n’est pas nécessairement le cas. Pour que k or soit un équi-
libre stationnaire monétaire, on doit avoir m or = φ(k or ) > 0. Dans le cas retenu dans
la figure 2, cette condition est satisfaite si et seulement si k or < k d , c’est-à-dire si
et seulement si l’équilibre stationnaire de Diamond est dynamiquement inefficace
(n = r (k or ) > r (k d )).
On retrouve donc ici le résultat énoncé dans la Remarque 2 : si l’équilibre de
Diamond est dynamiquement inefficace, il existe un équilibre monétaire qui le
domine au sens de Pareto, et l’on sait maintenant que cet équilibre correspond à
la règle d’or d’accumulation du capital ; sinon, il n’existe pas d’équilibre monétaire.
1. Les propriétés de la fonction s(·) sont donc celles décrites dans le chapitre 3.
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∂
(s(r (k t +1 ), ·) − (1 + n)k t +1 ) = s r r − (1 + n) < 0,
∂k t +1
mt
mor = φ (kor )
kd
kt
0 kor
φ ( kt )
FIGURE 2
Équilibre monétaire
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218 Macroéconomie
4. LE SEIGNEURIAGE
Puisque la monnaie permet d’acheter des biens, et que le pouvoir d’émission de la
monnaie est en général réservé à la puissance publique, on peut se demander s’il
existe des limites au financement monétaire de la dépense publique. Une telle ques-
tion n’est plus aujourd’hui pertinente pour la France puisqu’elle a perdu le pouvoir
d’émettre de la monnaie à sa discrétion. Par contre, elle reste pertinente pour la plu-
part des économies en-dehors de l’UE. Le financement monétaire des déficits est
régulièrement mis en cause, au moins depuis Cagan (1956), lorsque l’on observe une
hyperinflation, c’est-à-dire une dynamique explosive des taux d’inflation. Le tableau
1, tiré du manuel de Blanchard et Cohen (2002), illustre ce point pour les épisodes
célèbres d’hyperinflation qui ont suivi la Grande Guerre.
PT/PO : indice des prix le dernier mois de l’hyperinflation divisé par l’indice des prix le premier mois.
Source : Philip CAGAN, « The Monetary Dynamics of Hyperinflation », éd. Milton Friedman, Studies in the Quantity Theory of Money,
Chicago, Ubiversity of Chicago, 1956, Tableau 1.
TABLEAU 1
Quelques épisodes d’hyperinflation
L’État, à la suite d’un choc important (une guerre, une révolution, un renverse-
ment), se voit refuser l’accès au crédit, peut difficilement lever des impôts, et doit fina-
lement financer ses dépenses en émettant de la monnaie. L’inflation qui en découle
provoque toutefois une baisse des encaisses réelles, qui constitue l’assiette implicite
du prélèvement effectué par l’État. Il semble donc raisonnable de penser qu’il existe
un volume maximal de biens que l’État peut financer en émettant de la monnaie.
1. Cf. chapitre 9 pour le rôle joué par l’hypothèse de perfection des anticipations.
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4.2. Le seigneuriage
Qui touche le produit de cette taxe ? Pour répondre à cette question, supposons que
l’État émet la monnaie en suivant la règle
M̄ t = (1 + μ)M̄ t −1 . (7.24)
Cette règle stipule que le taux de croissance de la monnaie est constant, égal à μ.
La monnaie émise permet d’acheter des biens
p t G t = M̄ t − M̄ t −1 . (7.25)
En utilisant la loi de Walras, nous pouvons définir un équilibre comme une situa-
tion dans laquelle le marché de la monnaie est équilibré à chaque date, c’est-à-dire
(7.23) est satisfaite pour tout t pour m t = M̄ t /p t ,
m t = m(1 + πt +1 , e),
et en utilisant (7.24),
1+μ
mt = m t −1 . (7.26)
1 + πt
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220 Macroéconomie
M̄ t p t −1 M̄ t −1 μ
Gt = − = m 1 + μ, e .
pt p t p t −1 1+μ
Le seigneuriage est donc constant. Il est en fait égal au produit du taux de taxe infla-
tionniste et de la base de cette taxe, l’encaisse réelle détenue ; soit, à la taxe inflation-
niste elle-même. C’est donc l’émetteur de monnaie qui récupère la taxe inflationniste,
au travers des biens achetés avec la monnaie émise.
Le point important pour l’État est que le seigneuriage dépend à long terme du taux
de croissance de la masse monétaire qu’il contrôle. Une hausse du taux de croissance
de la masse monétaire a deux effets : d’une part, il conduit à une inflation plus impor-
tante qui accroît la taxe sur les encaisses réelles et, d’autre part, il réduit le taux de
rendement réel de la monnaie et ainsi l’encaisse monétaire qui l’on souhaite détenir
(la base de la taxe), si l’effet de substitution est dominant. Ces deux effets s’opposent :
les ménages voient leurs encaisses plus lourdement taxées mais ils réduisent leurs
encaisses.
Formellement, pour μ = 0, le seigneuriage est nul, puisque le taux de taxe inflation-
niste μ/(1 + μ) est nul. Pour μ suffisamment grand, le taux de rendement réel de la
monnaie devient égal à −1 (une unité de bien en t s’échange contre 0 bien en t + 1),
et donc m = 0. Si l’on se place dans une configuration de Samuelson (où les jeunes
souhaitent épargner), on a G 0. Le seigneuriage doit donc atteindre un maximum
pour un taux de croissance de la masse monétaire strictement positif et fini.
Pour ce taux, on a :
dG 1 m 1 + μ, e def
= 0 ⇔ = − 1+μ = εm 1 + μ, e .
dμ μ m 1 + μ, e
L’élasticité εm 1 + μ, e de l’épargne au facteur d’inflation est égal à l’inverse du taux
de croissance de la masse monétaire. C’est la règle d’Auernheimer. Elle correspond au
maximum de la courbe de Laffer. L’intuition est évidente, analogue à la politique de
tarification d’un monopole : lorsque l’épargne est peu sensible à l’inflation, on devra
imposer un taux de croissance de la masse monétaire élevé pour maximiser le sei-
gneuriage ; sinon, la demande de monnaie devenant très sensible au taux d’inflation,
l’État ne pourra pas faire croître la masse monétaire à rythme très élevé.
Remarque 7.5
Le modèle précédent montre que l’inflation se stabilise, éventuellement à un niveau
élevé si l’État maximise le seigneuriage et si la demande de monnaie est peu sensible
à l’inflation. Il ne rend donc pas compte de l’hyperinflation. Cagan (1956) a remarqué
que, dans les épisodes d’hyperinflation des années 20, d’une part le taux de croissance
de la masse monétaire augmente au cours du temps, et d’autre part qu’il devient supé-
rieur à celui qui maximiserait le seigneuriage. Ce point est illustré dans le tableau 2,
lui aussi tiré de Blanchard et Cohen (2002).
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Autriche 12 13 31
Allemagne 20 14 314
Grèce 28 11 220
Hongrie I 12 19 33
Hongrie II 32 6 12 200
Pologne 54 4,6 2
Russie 39 0,5 49
TABLEAU 2
Croissance de la monnaie et seigneuriage
Cagan en rend compte en supposant que les anticipations sont formées à partir
de l’histoire passée de l’économie (cf. chapitre 9). Aussi, à chaque date, l’État fait face
à une demande d’encaisses donnée, et peut donc financer n’importe quel volume
de seigneuriage en choisissant le taux de taxe inflationniste adéquat. Constatant que
l’inflation est plus élevée, les ménages réviseront leurs anticipations d’inflation à la
hausse et réduiront leurs encaisses réelles lors de la période suivante. L’État devra,
pour maintenir le seigneuriage, augmenter à nouveau le taux de croissance de la
masse monétaire. L’inflation est alors susceptible d’exploser au cours du temps.
5. ANNEXE
5.1. Seigneuriage au XVe siècle en France
Sussman (1993) s’est intéressé au financement de la guerre de cent ans, notamment
sur la période 1412-1419 durant laquelle la France est partagée entre les Armagnacs et
les Bourguignons. Les Bourguignons, après la défaite d’Azincourt (1415), finissent par
l’emporter, et le dauphin (le futur Charles VII) est obligé de quitter Paris. Il ne contrôle
plus que quelques régions, dans l’est, le centre et le sud-est de la France. Il se réfugie
dans le duché de Berry, à Bourges, en 1418.
À cette époque, selon le dicton médiéval, le roi doit vivre de ses propres revenus,
c’est-à-dire essentiellement de ses droits seigneuriaux. Les recettes correspondantes
ne sont pas perçues continûment ; la perception se fait chaque année (la plupart des
loyers sont versés après la récolte), voire parfois tous les trois ans (pour les droits de
douane, par exemple, qui sont affermés). En outre, il est difficile pour le dauphin de
lever des impôts (il doit pour cela obtenir l’accord d’assemblées régionales) et sa faible
crédibilité le gêne pour emprunter. Aussi, pour financer la guerre contre les Anglais de
Henri V, le dauphin est contraint de recourir au seigneuriage.
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222 Macroéconomie
À cette époque, la monnaie renferme des métaux précieux et, pour cette raison,
est dotée d’une valeur intrinsèque, contrairement à la monnaie papier, dont le coût
marginal d’émission est pratiquement nul, qui a été utilisée dans les années 1920 par
les pays vaincus et dans certains pays d’Amérique latine ou centrale dans les années
1980 ou 1990 (cf. Blanchard et Cohen (2002), chapitre 21).
Le pouvoir d’émission de monnaie royale était détenu à l’époque par des artisans
privés étroitement contrôlés par le roi. Les pièces étaient composées d’un alliage de
cuivre et d’un métal précieux, disons l’argent. Un marc parisis (environ 245 grammes)
d’alliage donnait N pièces de valeur faciale V (des deniers tournois dans le tableau 3).
Chaque pièce avait une teneur f (pour finesse) en argent. Ainsi, un marc d’argent per-
mettait de produire 1/ f marc d’alliage, et ainsi NV / f deniers tournois (c’est la valeur
d’un marc d’argent en deniers). Mais, une part s de cette somme revenait au roi, de
sorte que le prix d’un marc d’argent était finalement (1 − s)NV / f , le roi collectant un
seigneuriage de sNV / f deniers sur chaque marc d’argent converti.
Pour connaître le seigneuriage total, nous avons besoin de savoir combien de marcs
d’argent sont convertis. L’offre d’argent (le métal) a deux origines : la conversion par
les particuliers de métaux précieux ou des pièces existantes qu’ils possèdent. C’est
la célèbre loi de Gresham qui joue dans le dernier cas. Si la finesse d’une pièce de V
deniers est égale à f et que chacune de ces pièces pèse 1/N marcs, chaque pièce
contient f /N marcs d’argent et permet donc d’obtenir en contrepartie
f (1 − s)NV N f
= (1 − s)V
N f N f
TABLEAU 3
Émission de monnaie à Romans (1400 : 1422)
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où B (·) est une fonction croissante (cf. Sussman et Zeira (2003) pour une micro-
fondation de l’offre agrégée de monnaie). Le seigneuriage s’élève finalement à
NV
sB (1 − s)
f
marcs d’argent.
Le roi peut donc influencer le seigneuriage au travers de la taxe s qu’il prélève, mais
aussi en réduisant la finesse de chaque pièce, son poids (1/N ) ou sa valeur faciale.
Seule cette dernière opération est claire pour les utilisateurs de monnaie (dès lors que
le poids n’est pas trop modifié). Comme le montre le tableau 3, le roi a utilisé les deux
premiers moyens entre 1412 et 1419.
Le taux de taxe s a été multiplié par 3, la finesse de chaque pièce a été réduite de
plus de 60 % (elle est passée de 45, 8 % en 1412 à 18, 8 % en 1419), le nombre de pièces
a augmenté, mais plus légèrement, de sorte que le rapport L = NV / f a beaucoup
augmenté (mint par), et avec lui le prix Q = (1 − s)L d’un marc d’argent (mint price).
Qui paye cette taxe ? De prime abord, ce sont les marchands qui viennent convertir
les métaux ou les pièces qu’ils détiennent. En même temps, la plupart des contrats
étaient nominaux ; en particulier, les contrats de fermage. On peut donc penser
qu’une partie de la noblesse a souffert de l’inflation (tel a été le cas selon Sussman) ;
pour conclure, une anecdote : les travailleurs salariés employés par l’artisan battant
la monnaie royale ont réclamé (et obtenu) une indexation de leur rémunération sur
le prix de l’argent dès 1419 !
6. EXERCICES ET PROBLÈMES
6.1. Seigneuriage, inflation et hyperinflation
L’émission de monnaie est une source de revenus potentielle pour l’État, que l’on
nomme seigneuriage. Dans les pays industrialisés à faible inflation, cela ne repré-
sente qu’une faible proportion de leurs ressources. À l’inverse, pour des États se trou-
vant dans l’incapacité à lever des impôts ou à emprunter, la création monétaire peut
s’avérer être la seule source de financement. L’objet de cet exercice est, d’une part, de
déterminer dans quelle mesure un gouvernement peut financer ses dépenses par le
seigneuriage et, d’autre part, d’en étudier les conséquences en termes d’inflation.
On considère une économie en temps continu constituée d’un bien de prix P t . L’in-
flation est égale à πt = Ṗ t /P t , où la notation Ṗ t signifie dP t /d t . La Banque centrale
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224 Macroéconomie
S t = Ṁ t .
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d(ln(l˜t ))
= β[ln(l t ) − ln(l˜t )],
dt
où l t = l (πt ) est la demande d’encaisses réelles « idéale ». Interprétee le coeffi-
cient β, quel est son signe ? On supposera par la suite que β < 1/b. Montrez que
le gouvernement peut financer n’importe quel montant de dépenses publiques.
Expliquez le phénomène.
7. Montrez que lorsque le gouvernement finance un montant g de dépenses
publiques en émettant de la monnaie, alors :
ṁ t β b l n(l 0 ) − l n(m t )
= mt − g .
m t 1 − bβ m t b
Éléments de correction
1. La demande de monnaie dépend de sa valeur anticipée pour demain, la
demande d’encaisses réelles L t /P t est donc une fonction de l’inflation anti-
cipée. Les agents veulent d’autant moins détenir de monnaie qu’elle a peu de
valeur dans le futur, i.e., que l’inflation anticipée est forte : l (.) < 0. On a supposé
que les anticipations étaient rationnelles : l’inflation anticipée est égale à l’infla-
tion réalisée. Par ailleurs, on a écrit la demande de monnaie indépendamment
du revenu ; la raison est que l’on cherche à étudier des situations dans lesquelles
les prix varient rapidement, en particulier beaucoup plus rapidement que les
grandeurs réelles de l’économie que l’on considère donc comme constantes.
2.
St Ṁ t Ṁ t M t
st = = = = μt m t
Pt Pt Mt Pt
St Ṁ t ṁ t P t + m t Ṗ t
st = = = = ṁ t + m t πt
Pt Pt Pt
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226 Macroéconomie
μ = π.
s = mμ = l (π)μ = l (π)π.
l (.) est une fonction exponentielle donc s(.) est une courbe de Laffer : en cloche.
Un taux de taxe inflationniste nul ne rapporte aucun revenu, un taux de taxe
infini réduit à néant la base fiscale, et entre les deux se trouve l’optimum. Elle
atteint donc son maximum pour un certain μmax et g max = s(μmax ).
Étant donné g < g max , il existe donc deux niveaux de création monétaire (i.e.,
deux niveaux d’inflation) μ1 < μmax et μ2 > μmax tels que s(μ) = g . Dans le
premier cas, une hausse des dépenses publiques augmente l’inflation, dans le
second, elle la réduit.
4. Le taux d’inflation qui maximise les revenus dans un état stationnaire est
1
argmax πe −bπ = − ≈ 125 %.
b
En essayant d’autres fonctions de demande de monnaie, ces auteurs trouvent
c
qu’elle est plutôt de la forme l (π) = l 0 e −bπ , avec b ≈ 0, 9 et c ≈ 2, 2, d’où un taux
d’inflation qui maximise les revenus du seigneuriage de l’ordre de 70 %. c > 1
signifie que l’augmentation de l’inflation décourage d’autant plus la détention
de monnaie que l’inflation est déjà initialement élevée, ce qui réduit les possibi-
lités de seigneuriage avec une inflation élevée.
Ce modèle ne tient pas non plus compte des coûts d’une forte inflation. Les prix
changent très rapidement, les salaires doivent être renégociés souvent... Cela
tend également à réduire les bénéfices de l’inflation.
5. En différentiant l’équation d’équilibre sur le marché de la monnaie m t = l (πt )
par rapport au temps, et en utilisant l’expression du seigneuriage s t = ṁ t +m t πt ,
on obtient
πt l (πt ) − g
π̇t = ,
−l (πt )
qui est négatif lorsque πt est suffisamment grand. L’inflation ne peut pas diver-
ger vers +∞.
6. Lorsque la demande l˜t est inférieure à la demande idéale l t , alors la demande
augmente : β > 0. Plus β est grand, plus l’ajustement est rapide. β = +∞ corres-
pond au cas précédent : l˜t = l t .
Les revenus du seigneuriage sont s t = μt m t , où μt est la variable de choix de la
Banque centrale. Or m t = l˜t est maintenant une variable continue car sa déri-
vée est finie (ce qui n’était pas le cas dans la première partie de l’exercice car on
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g − ṁ t
πt = .
mt
s t = ṁ t + m t πt = l (πt )πt .
l n(l 0 ) − l n(m t )
mt ,
b
montre que son maximum est égal à g max . Par conséquent, si g > g max , alors le
terme entre crochets est négatif et ṁ t < 0 : m t décroît au cours du temps. Or
la quantité d’encaisses réelles est une grandeur positive, donc m t tend vers une
limite supérieure ou égale à 0. Supposons par l’absurde que m t tende en t → +∞
vers une limite strictement positive, on aurait par ailleurs que ṁ t tendrait vers 0.
Mais alors, on convergerait vers un état stationnaire, auquel on sait qu’un niveau
g > g max de dépenses publiques ne peut pas être financé, d’où la contradiction.
On en déduit que m t tend vers 0. Or le seigneuriage g = ṁ t + m t πt doit être
maintenu constant et ṁ t < 0, la seule solution est donc que l’inflation tende
vers +∞. De plus, en utilisant l’expression établie à la question 7, on obtient
que ṁ t tend vers −g bβ/(1 − bβ) qui est une constante strictement négative. Par
conséquent, c’est en un temps fini que m t tend vers 0 et que l’inflation diverge.
Le mécanisme est le suivant : les ajustements de la demande d’encaisses réelles
et donc des prix ne sont pas instantanés, donc le gouvernement peut générer
beaucoup de revenus à court terme en émettant de la monnaie. Mais ensuite la
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228 Macroéconomie
demande de monnaie s’ajuste à la baisse, ce qui augmente les prix. Pour conti-
nuer à atteindre le même niveau de seigneuriage en termes réels, le gouverne-
ment doit augmenter le taux de croissance de la monnaie. Au final, la masse
monétaire et les prix croissent exponentiellement (et même encore plus vite
puisque les prix divergent en temps fini).
7. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
La plupart des points abordés dans ce chapitre sont traités dans Blanchard et Fischer
(1989), sections 4.1, 4.5 et 10.2. Le seigneuriage avec anticipations adaptatives est
décrit à la section 4.7. Blanchard et Cohen (2002) donnent des exemples d’hyperinfla-
tion dans le chapitre 21 ; les Tableaux 1 et 2 sont tirés de ce manuel. Tous ces thèmes
sont repris à un niveau plus avancé dans Walsh (2003), chapitres 2, 3 et section 4.4 ;
la figure 1 est extraite de ce manuel. Voir enfin Stockman (1981) pour le modèle de
croissance avec contrainte de liquidité.
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CHAPITRE 8
Cohérence de la politique économique
1. INTRODUCTION
Dans les chapitres précédents, nous avons examiné le cas d’agents devant à un ins-
tant donné choisir comment ils devront se comporter dans le futur. Nous avons alors
implicitement supposé que les décisions qu’ils projetaient de prendre à cet instant
coïncideraient avec celles qu’ils prendraient le moment venu. Par exemple, le ménage
devant choisir sa consommation et son épargne à un instant donné, disons en t = 0,
doit en même temps déterminer le montant de sa consommation future. Lorsque
les choix de ce ménage sont ceux qui maximisent son bien-être, on ne voit pas vrai-
ment de raison qui pourrait faire que l’agent modifiera en chapitre de route son com-
portement et optera en faveur de trajectoires de consommation et d’épargne qui lui
procurent un bien-être moindre, lorsque la trajectoire est évaluée depuis la période
initiale. Si tel était le cas, le ménage devrait initialement le prendre en compte et
déterminer son comportement courant en conséquence. Doit-on se comporter en t
comme on avait prévu de le faire initialement ? On peut bien sûr répondre négative-
ment dans de nombreux cas, par exemple si notre environnement subit un change-
ment imprévu ou s’il nous révèle une information que nous ne connaissions pas ini-
tialement. Cependant, jusqu’ici les agents ont été supposés anticiper correctement le
futur. À chaque instant, ils connaissent donc exactement l’environnement dans lequel
ils se trouveront plus tard. Doit-on pour autant en conclure que, dans ces circons-
tances, les décisions que l’on prévoit de prendre, celles qui maximisent notre bien-
être, seront effectivement mises en œuvre ? Que notre comportement sera cohérent
au cours du temps ? Qu’il n’est pas rationnel de revenir sur une décision prise ? La
réponse est claire : elle est négative.
Comme l’ont illustré pour la première fois Kydland et Prescott (1977), il est possible
qu’un même agent ne soit pas cohérent dans ses choix au cours du temps, même s’il
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230 Macroéconomie
est rationnel. L’intuition est en fait très simple : lorsqu’un agent, disons une Banque
centrale, annonce la politique qu’elle compte mener lors des périodes suivantes, elle
influence, si son annonce est (au moins partiellement) crédible, les anticipations que
forment les agents du secteur privé, et ainsi les décisions qui sont prises lors de la
période courante. Cependant, une fois ces décisions prises, il n’est plus possible de
les remettre en cause (elles appartiennent à l’histoire de l’économie). Elles seront alors
insensibles aux politiques économiques qui seront effectivement mises en œuvre lors
des périodes suivantes. Aussi, en général, les décisions qui sont optimales à une date
donnée ne sont pas celles que l’on prévoyait (optimalement) de prendre dans le passé.
Exemple 8.1
Un exemple célèbre est celui de l’euthanasie des rentiers que préconisait Keynes. Il est
optimal de promettre de verser un intérêt aux agents pour les inciter à épargner, ce qui
accroît l’investissement et relance l’activité. Mais une fois cette épargne accumulée, il
n’est pas possible de la détruire, et donc il n’est pas nécessaire de payer les intérêts.
On pourrait donc se débarrasser de tous les gens qui vivent des rentes de leur épargne
passée.
Exemple 8.2
Le dilemme des brevets sur les inventions : tout brevet protège l’inventeur et lui donne
un pouvoir de monopole qui augmente son profit et l’incite à innover, cette innovation
étant bénéfique pour la société. Cependant, une fois l’invention réalisée, la présence
d’un monopole réduit le surplus social et est donc néfaste pour la société dans son
ensemble.
Exemple 8.3
La littérature nous donne de nombreux exemples de ce comportement. Décrivons par
exemple le cas d’Ulysse face aux sirènes. La magicienne Circé annonce à Ulysse qu’il
va devoir passer à proximité de l’île des sirènes, que ces dernières vont le séduire et
le mettre à mort. Avant de faire face aux sirènes, Ulysse préfère résister aux charmes
mortels des sirènes et se fait enchaîner au mât de son bateau par ses marins (auxquels
il a enduit les oreilles de cire). Cependant, une fois en présence des sirènes, il supplie
ses marins de le libérer car il préfère maintenant aller à la rencontre des sirènes et
mourir. Ulysse prévoit donc qu’il voudra céder aux sirènes, ce qu’il ne souhaite pas
avant de les rencontrer. Il trouve une solution : il utilise une technologie qui l’empêche
d’agir à sa guise au cours du temps. Il se contraint de lui-même. Elster (1986) exploite
cette histoire pour discuter la rationalité individuelle : quel est finalement l’Ulysse
rationnel ? Est-ce celui qui anticipe succomber aux sirènes et ne le souhaite pas ? Est-
ce celui qui face aux sirènes ferait tout pour les rejoindre ?
L’Odyssée est riche d’exemples analogues, entre autres l’épisode des Lotophages
dans le chant VIII et surtout celui des vaches du soleil dans le chant XII. Dans les deux
cas, Ulysse et ses marins savent qu’ils ne doivent pas effectuer un acte quelconque
(manger une fleur ou une vache du soleil), qu’ils risquent la mort s’ils transgressent
l’interdit, préfèrent et s’engagent à ne pas le transgresser, mais finissent par le faire,
une fois au contact des fleurs ou des vaches.
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S(x 1 , x 2 , π1 , π2 ), (8.1)
x 1 = X 1 (π1 , π2 ). (8.2)
Par exemple, les ménages décident de consommer dès aujourd’hui (x 1 ) parce que le
gouvernement annonce qu’il baissera les impôts demain (π2 ). La décision prise en
t = 1 influence celle qui est prise en t = 2, étant données les politiques du gouverne-
ment, soit
x 2 = X 2 (x 1 , π1 , π2 ). (8.3)
Définition 8.1
Une politique optimale (avec engagement) est une paire (π∗1 , π∗2 ) qui maximise (8.1)
sous les contraintes (8.2)et (8.3).
L’autorité centrale va choisir sa politique (π1 , π2 ) en prenant en compte la réaction
du secteur privé telle qu’elle est décrite par (8.2) et (8.3). Ainsi, en t = 1, on peut écrire
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232 Macroéconomie
Imaginons maintenant que π∗1 ait été choisie lors de la première période et consi-
dérons l’autorité centrale en début de seconde période, alors que x 1∗ = X 1 (π∗1 , π∗2 )
est maintenant donné. L’autorité va-t-elle à nouveau opter pour π∗2 ? Pour le savoir,
remarquons que l’autorité va donc choisir la politique π∗∗
2 qui maximise
π∗∗ ∗∗ ∗∗ ∗∗ ∗∗ ∗∗
2 = arg max S(X 1 (π1 , π2 ), X 2 (x 1 , π1 , π2 ), π1 , π2 ). (8.8)
π2
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À la date t = 1,
π∗∗ ∗∗ ∗∗ ∗∗ ∗∗
1 = arg max S(X 1 (π1 , π2 ), X 2 (X 1 (π1 , π2 ), π1 , π2 ), π1 , π2 ). (8.9)
π1
Définition 8.2
Une politique temporellement cohérente est une paire (π∗∗ ∗∗
1 , π2 ) solution de (8.8) et
(8.9).
Par conséquent, une autorité centrale cherchant à maximiser le bien-être de la
société peut être amenée, si elle est libre d’agir comme elle l’entend à chaque date,
à prendre des décisions au cours du temps qui ne sont pas, en un certain sens, les
meilleures pour la société.
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234 Macroéconomie
disparu au début des années 1970, une forte inflation coexistant avec un chômage
élevé. On connaît l’explication qu’a donnée Milton Friedman de ce phénomène :
l’inflation forte des années 1960 a conduit le secteur privé à réviser ses anticipations
d’inflation à la hausse, et ce changement a provoqué un déplacement de la courbe de
Phillips.
À la date t , les salariés anticipent le niveau général des prix pour la période à venir,
P te et obtiennent un salaire nominal Wt = P te G(u t ), où u est le taux de chômage et
G < 0. La fonction G représente le pouvoir de négociation des salariés. Il est plus faible
lorsque le chômage est important. Une fois le salaire nominal fixé, les entreprises
choisissent le prix effectif P t en appliquant une marge constante sur les salaires :
P t = (1 + μ)Wt .
Au total,
P t = (1 + μ)P te G(u t ).
Soit ū le taux de chômage naturel (obtenu lorsque P t = P te ) : G(ū) = 1/(1 + μ). En divi-
sant par P t −1 chacun des deux membres, on obtient :
1 + πt G(u t )
=
1 + πet G(ū)
F ( ȳ)
πt − πet = (y t − ȳ).
F (y t )
C’est la version de la courbe de Phillips (augmentée) que nous utiliserons plus bas
(avec F /F constant). Elle met en évidence que la relance de l’activité au-dessus de
son niveau naturel doit passer par une sous-estimation de l’inflation de la part des du
secteur privé.
Le bien-être sociale est donc d’autant plus élevé que son produit est grand (que l’em-
ploi est grand) et que son taux d’inflation (ou de déflation) est proche de 0. La Banque
cherche donc à relancer l’activité réelle en minimisant les modifications du niveau
général des prix. L’inflation a des coûts, par exemple parce qu’elle réduit le bien-être
en taxant les encaisses réelles des ménages ou parce qu’elle implique une confusion
entre les mouvements des prix relatifs et du niveau général des prix ; cela peut justifier
que l’on cherche à stabiliser le niveau général des prix (à annuler l’inflation).
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Les salariés qui lui font face doivent choisir le taux d’inflation πe qu’ils anticipent
et cherchent à minimiser leur erreur d’anticipation
(π − πe )2 . (8.11)
Dans l’interprétation que donne Friedman de la courbe de Phillips, les salariés doivent
négocier leur salaire nominal avant de connaître le niveau général des prix, qu’ils
doivent donc anticiper. Leur objectif est de maintenir constant un certain pouvoir
d’achat. Ils doivent ainsi anticiper correctement le prix des biens ; étant donné le
niveau des prix précédents qu’ils observent, ceci équivaut à anticiper correctement le
taux d’inflation.
Le produit agrégé, l’inflation effective et l’inflation anticipée sont liés par une
courbe de Phillips augmentée
y = ȳ + (π − πe ). (8.12)
Supposons tout d’abord que la Banque soit contrainte de mettre en œuvre la politique
qu’elle a annoncée. De façon équivalente, la Banque doit choisir le taux d’inflation
dès la première sous-période. Elle le fait en prenant en compte que les salariés vont
anticiper le taux qu’elle va annoncer et mettre en œuvre en seconde sous-période.
Soit π le taux d’inflation annoncé et réalisé. Le programme de la Banque centrale est
de choisir (y, π) qui maximise (8.10) sous les deux contraintes (8.12) et πe = π, puisque
les salariés savent que la Banque doit respecter son annonce. Soit, en réintroduisant
(8.12) dans l’objectif (8.10),
sous la contrainte
πe = π.
On retrouve bien dans (8.13) la tension entre le désir de relancer l’activité, qui passe
par une sous-estimation du taux d’inflation par les salariés, et celui de minimiser la
variabilité des prix. Dans la solution avec engagement, toutefois, il n’est pas possible
d’obtenir une production différente de la production naturelle (puisque les agents
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 236 — #244
236 Macroéconomie
anticipent le taux qui va se réaliser et qui leur a été annoncé par la Banque préalable-
ment), de sorte que l’inflation choisie est π∗ = 0, et le bien-être social correspondant
S ∗ = 0.
sous la contrainte
πe = 0.
Elle est donc incitée à choisir π∗∗ = 1 > π∗ = 0. Le bien-être de la Banque est égal à 1 ;
il est supérieur à 0. La Banque n’est donc pas incitée à respecter son engagement. Elle
est incitée à tromper le secteur privé en fixant une inflation plus élevée que celle qui a
été anticipée pour obtenir une relance de l’activité : pour π = 1 et πe = 0, la courbe de
Phillips donne y = ȳ +1 > ȳ, de sorte que le produit est supérieur à son niveau naturel.
−2π + 2 = 0 ⇔ π = π∗∗ = 1.
πe = π∗∗ .
Dans cet exemple rudimentaire, la Banque a une stratégie dominante : elle choisit π∗∗
indépendamment de πe . Le secteur privé en réponse choisit πe = π∗∗ = 1. Le bien-être
social est maintenant S ∗∗ = −1 < S ∗ = 0.
Le manque de crédibilité de l’annonce de la Banque (c’est-à-dire, l’incapacité de la
Banque à convaincre qu’elle respectera son annonce) a donc un effet pervers : il incite
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 237 — #245
les ménages du secteur privé à fixer des anticipations d’inflation si élevées qu’elles
dissuadent la Banque de les tromper. La relance se ferait alors au prix d’une inflation
trop coûteuse pour la société. À l’équilibre (temporellement cohérent), les salariés ont
des anticipations d’inflation exactes, mais élevées, et le produit se trouve à son niveau
naturel.
4. CRÉDIBILITÉ ET RÉPUTATION
En dehors des règles, il semble naturel de prendre en compte un souci de réputation
de la part de la Banque centrale : si l’on euthanasie les rentiers, il n’est pas sûr qu’au-
tant d’agents décident d’épargner demain !
Dans notre exemple, une Banque centrale peut obtenir S ∗ = 0 indéfiniment si elle
respecte son engagement alors qu’elle profite d’une déviation vers une inflation plus
importante durant une seule période, où elle obtient un bien-être de 1, et qu’ensuite
elle risque de devoir supporter S ∗∗ , voire un bien-être moindre si elle veut regagner la
confiance des salariés (elle doit alors supporter des anticipations d’inflation plus éle-
vées que l’inflation qu’elle met effectivement en oe uvre, et donc un produit inférieur
à son niveau naturel − par exemple, elle joue π∗ = 0, mais πe = π∗∗ = 1, de sorte que
S = −2 < −1). Cependant, les incitations de la Banque dépendent étroitement de la
sanction que le modélisateur attribue au secteur privé en cas de déviation.
Une configuration intéressante a été étudiée par Backus et Driffill (1985). Une
Banque centrale dont les préférences sont inconnues va chercher à se construire une
réputation pour mettre le secteur privé en confiance, même si elle se préoccupe de la
relance de l’activité. La Banque centrale va, la plupart du temps, rendre maximal le
bien-être de la société en contenant l’inflation, sans qu’il soit nécessaire de lui impo-
ser de se conformer à une règle de politique économique, mais en la laissant plutôt
agir à sa guise (de façon discrétionnaire). Il suffit pour cela qu’elle prenne en compte
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238 Macroéconomie
l’effet de ses décisions sur sa réputation future. Si elle prend en compte la relance de
l’activité, elle finira par révéler ses véritables préférences, au moment où le secteur
privé la croit résolue à combattre l’inflation.
4.1. Le cadre
On considère un jeu à deux joueurs, toujours une autorité monétaire et le secteur
privé, mais cette fois à deux périodes (t = 1, 2). Les préférences de l’autorité moné-
taire (la Banque centrale) sont représentées par la fonction d’utilité
où πt est le taux d’inflation à la date t , y t est le produit agrégé à cette même date,
et ȳ est le niveau naturel de la production. Le paramètre b représente le poids relatif
accordé par la société à la relance de l’activité ; plus b est élevé, plus la Banque est
incitée à tromper le secteur privé, et moins sa politique est crédible.
On imposera que soit respectée la même relation de Phillips que dans la section
précédente,
y t = ȳ + (πt − πet ),
où πet est le taux d’inflation anticipé par le secteur privé en t . On peut donc réécrire
(8.14) sous la forme
S(πt , πet ) = b(πt − πet ) − π2t . (8.15)
La Banque centrale peut être de deux types. On dira qu’elle est monétariste lors-
qu’elle n’est préoccupée dans (8.14) que par le taux d’inflation (b = 0), et qu’elle est
keynésienne sinon (b > 0). Pour simplifier, si la Banque est keynésienne, on fixera
b = 2.
Initialement (en t = 1), la Banque est la seule à connaître son type. Soit p t la
croyance du secteur privé de faire face à une Banque monétariste au début de la
période t (ainsi p 1 est une donnée du modèle).
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en prenant πe2 comme donnée. Il s’ensuit que π∗2 = 1 > 0. Ainsi une Banque cen-
trale keynésienne se dévoile toujours lors de la dernière période (car π∗2 = 0 pour une
Banque monétariste). Étant donnée la réputation p 2 (donnée en t = 2) de la Banque,
le secteur privé anticipe πe2 = p 2 ×0+(1− p 2 )×1 = (1− p 2 ). La probabilité p 2 est la pro-
babilité que le secteur privé attribue à la possibilité que la Banque soit monétariste et
joue donc toujours une inflation nulle. Face à cette anticipation d’inflation, le gain de
la Banque en t = 2 est
S(1, (1 − p 2 )) = 2p 2 − 1.
C’est le fait que le gain augmente avec p 2 qui fournit bien à une Banque keyné-
sienne une incitation à se faire passer pour monétariste. Plus la Banque keynésienne
a réussi à convaincre le secteur privé qu’elle est monétariste (p 2 est élevée), plus le
secteur privé choisit une anticipation d’inflation contenue, et plus le secteur privé
sous-estime l’inflation en seconde période, ce qui implique un effet de relance plus
important en t = 2.
P (m)P (π1 = 0 | m)
p 2 ≡ P (m | π1 = 0) =
P (m)P (π1 = 0 | m) + P (k)P (π1 = 0 | k)
On a bien sûr p 1 = P (m) (la probabilité de faire face à une Banque monétariste) et
P (π1 = 0 | m) = 1. La probabilité a priori p 1 que le secteur attribue au fait que la
Banque soit initialement monétariste est une donnée du problème. Soit q1 la pro-
babilité qu’une Banque keynésienne se déguise effectivement en fixant π1 = 0. Alors,
p1
p2 = . (8.16)
p 1 + (1 − p 1 )q 1
Si le secteur privé croit qu’une Banque keynésienne décide rarement de contenir l’in-
flation (soit q 1 petit), l’observation d’un taux d’inflation faible l’incite à croire qu’il fait
vraisemblablement face à une Banque monétariste (p 2 élevé). Bien sûr, si q 1 = 1, il
n’y a aucune différence entre les monétaristes et les keynésiens et un taux d’inflation
faible n’apprend rien au secteur privé.
C’est la Banque (keynésienne) qui choisit q1 . Cette probabilité dépend des gains
qu’elle obtient lorsqu’elle joue π1 = 0 et π1 = 1.
Si la Banque fixe π1 = 0, elle gagne sur les deux périodes
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240 Macroéconomie
où (−2πe1 ) est le gain obtenu en première période, obtenu en posant π1 = 0 dans (8.15),
et πe1 = (1 − p 1 )(1 − q 1 ). Le secteur privé révise alors p 1 en p 2 selon (8.16) et anticipe
πe2 = (1 − p 2 ) défini plus haut, de sorte que le gain de la Banque en t = 2 est (2p 2 − 1).
Au contraire, elle gagne simplement
si elle fixe π1 = 1.
Au total, tant que sa réputation (d’être monétariste et ainsi de ne pas tromper le sec-
teur privé en augmentant l’inflation) est suffisamment bonne initialement, la Banque
centrale choisit une faible inflation (ici nulle) lors des premières périodes, même si
cette politique contredit son intérêt de court terme. Ensuite, elle décide de se révéler
en trompant le secteur privé pour relancer l’emploi et la production lors des dernières
périodes. Elle accepte donc de supporter les coûts initiaux liés aux anticipations d’in-
flation biaisées à la hausse (en moyenne) du secteur privé pour accroitre son gain
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final lorsqu’elle surprendra le secteur privé. Par contre, si sa réputation est initiale-
ment trop faible, alors elle joue au hasard, voire se révèle immédiatement comme
étant keynésienne1 .
5. DÉLÉGATION ET INDÉPENDANCE
En Europe, alors que la politique budgétaire est encadrée mais laissée sous la respon-
sabilité de chaque État membre, la politique monétaire est décidée par la Banque cen-
trale européenne, qui n’est pas placée sous la dépendance directe d’un État membre
particulier. Cette organisation peut être la conséquence du problème de crédibilité
auquel ferait face une Banque centrale nationale cherchant à contrôler l’inflation et
subissant des pressions politiques pour exploiter la courbe de Phillips pour réduire le
chômage (au prix d’une inflation plus forte).
1 b
S(π, y) = − π2 − (y − ( ȳ + k))2 , (8.22)
2 2
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242 Macroéconomie
où k est une production choisie (et donnée) par le gouvernement. Le premier terme,
comme dans les sections précédentes, montre que la société éprouve de l’aversion
pour l’inflation ou la déflation et cherche à stabiliser le niveau général des prix. Le
deuxième terme est nouveau. Il reflète le désir de stabiliser la production à un niveau
supérieur (pour k 0) au produit naturel. Il traduit donc à la fois un désir de relance
de l’activité et une aversion pour l’instabilité de la production.
y = ȳ + (π − πe ) + ε, (8.23)
On supposera que :
1. le secteur privé forme ses anticipations d’inflation πe ;
2. l’aléa ε se réalise ;
3. enfin, la Banque centrale choisit (π, y).
En d’autres termes, au moment où la Banque met en œuvre sa politique (le taux
d’inflation effectif), elle connaît la réalisation de l’aléa. Le secteur privé doit quant à
lui former son anticipation d’inflation avant que l’aléa se réalise.
Cette condition du premier ordre se lit comme donnant l’inflation choisie par la
Banque en fonction des anticipations du secteur privé : contrairement au cas simple
examiné plus haut, la Banque n’a plus maintenant une stratégie dominante qui lui
ferait fixer l’inflation indépendamment de la croyance du secteur privé.
Les salariés choisissent de leur côté πe qui minimise
E ε (π(ε) − πe )2 ,
πe = E ε (π(ε)).
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Et donc, finalement,
b
π∗∗ (ε) = bk − ε pour tout ε. (8.25)
1+b
En outre,
1
y ∗∗ (ε) = ȳ + ε.
1+b
2 2
b 1
⇒ V (π∗∗
t )= σ2ε , V (y t∗∗ ) = σ2ε (8.26)
1+b 1+b
En moyenne, il n’est pas possible d’atteindre la cible que la société s’est fixée en
matière d’activité : E y t∗∗ = ȳ < ȳ + k (le secteur privé forme des anticipations d’infla-
tion qui sont en moyenne correctes à l’équilibre). Plus k est élevé, plus la Banque va
être incitée à faire de l’inflation en moyenne, pour que le secteur privé sous-estime
l’inflation, et donc que le produit passe au-dessus de son niveau naturel. En réponse
à cette incitation de la Banque, les anticipations d’inflation sont élevées : elles aug-
mentent avec k. Bien sûr, lorsque b = 0, la Banque ne se préoccupe plus que de
stabiliser les prix : elle choisit toujours une inflation nulle, et c’est ce qu’anticipe le
secteur privé.
Bien que la Banque échoue en matière de relance, elle peut stabiliser le produit
(réduire sa variance), ceci d’autant plus que b, le poids accordé à la stabilisation de
l’activité est important. Mais la formulation de l’objectif est telle que l’on ne peut pas
séparer le désir de stabiliser le produit (mesuré par b) de celui de relancer le niveau de
la production à ȳ + k (lui aussi mesuré par b). La stabilisation de l’activité réelle se fait
donc au prix d’une hausse de l’inflation moyenne. Ainsi, une plus grande importance
accordée à la stabilisation de l’activité (b élevé) conduit à rendre l’inflation plus vola-
tile : la Banque ajuste le taux d’inflation au grès des chocs ε subis par la production.
et
πe = E ε π(ε).
Elle choisit ainsi un plan d’inflation π qui maximise
1 2 b 2
E ε − π(ε) − (π(ε) − E ε π(ε) + ε − k) . (8.27)
2 2
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244 Macroéconomie
Comme le montre (8.25), la solution cohérente est une fonction linéaire de l’aléa. Sup-
posons que la solution avec engagement le soit aussi. On pose :
Alors, la Banque doit choisir (α, β) qui maximisent (8.27) sous la contrainte (8.28). Les
conditions du premier ordre s’écrivent :
E ε (α + βε) = 0 ⇔ α = 0,
E ε (α − bk) ε + β + βb + b ε2 = 0 ⇔ β + βb + b σ2ε = 0
b
⇔β=− .
1+b
Au total, l’inflation optimale s’écrit :
b
π∗ = − ε. (8.29)
1+b
Elle est nulle en moyenne, et elle est ex post contracyclique (lorsque le produit s’élève
au-dessus de son niveau naturel, la Banque pratique une déflation qui tend à stabiliser
les fluctuations effectives de l’activité), d’autant plus sensible à l’aléa que le poids b
accordé à l’objectif de stabilisation de l’activité est élevé.
En comparant (8.25) et (8.29), on retrouve le biais inflationniste bk (la production
est identique, puisque l’inflation est anticipée correctement en moyenne). L’inflation
est donc trop élevée dans la situation cohérente, causant une perte de bien-être social.
b̂ 1
π∗∗ (b̂) = b̂k − ε, y ∗∗ (b̂) = ȳ + ε (8.30)
1 + b̂ 1 + b̂
Le bien-être (ex post) de la société pour cette solution est évalué à partir de (8.22). Il
s’écrit : 2 2
1 b̂ b 1
L(b, b̂) = − b̂k − ε − ε−k , (8.31)
2 1 + b̂ 2 1 + b̂
On devrait donc choisir une Banque centrale dont les préférences sont paramétrées
par le coefficient b̂ ∗ qui maximise E ε L(b, b̂). Il est très simple de vérifier que la condi-
tion du premier ordre de ce problème définit b̂ ∗ tel que :
b̂ ∗ − b
F (b̂ ∗ ) = b̂ ∗ k 2 + σ2ε = 0 (8.32)
(1 + b̂ ∗ )3
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246 Macroéconomie
6. ÉCONOMIE POLITIQUE
6.1. Le cas d’électeurs naïfs
Écartons-nous dans cette section de l’hypothèse d’anticipations exactes. En effet,
lorsque des élections ont lieu, certains prétendent que les électeurs accordent une
plus grande importance aux évènements récents et ont tendance à oublier ce qui s’est
passé auparavant. C’est le parti pris de Nordhaus (1975).
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L’inflation est donc contenue en début de mandat, au prix d’une récession, puis d’une
stabilisation de l’emploi à son niveau naturel. Lors de la dernière période, le gouver-
nement surprend les agents en relançant l’inflation, et ainsi l’activité réelle.
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248 Macroéconomie
En général, le taux de croissance des prix à la consommation baisse alors qu’il aug-
mentait à la fin du mandat précédent (sauf en 1965 et 2002), quel que soit le parti
vainqueur. Ces mouvements semblent être associés à des épisodes de relance de l’ac-
tivité en fin de mandat. Ces prédictions plutôt dans le sens du modèle de Nordhaus.
De Gaulle Pompidou VGE Mitterrand Mitterrand Chirac Chirac
1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002
16,0
14,0
12,0
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0
0,0
2 0 0 6 (p )
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
−2,0
FIGURE 1
Cycles politiques : les élections présidentielles en France
La figure 2 reproduit l’exercice avec les élections législatives. La courbe de Phillips
se retrouve dans les années 1960 et 1990 ; dans les années 1970 et 1980, la relation
prédite par Phillips ne se retrouve pas vraiment. Les élections législatives sont souvent
associées à des ruptures de tendance, sans que l’on puisse systématiquement lier cette
histoire au parti politique vainqueur.
16,0
14,0
12,0
10,0
8,0
6,0
4,0
2,0
0,0
2 0 0 6 (p )
1960
1962
1964
1966
1968
1970
1972
1974
1976
1978
1980
1982
1984
1986
1988
1990
1992
1994
1996
1998
2000
2002
2004
−2,0
FIGURE 2
Cycles politiques : les élections législatives en France
i i
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“doc” — 2011/6/20 — 14:57 — page 249 — #257
7. EXERCICES ET PROBLÈMES
7.1. Crédibilité de la politique monétaire
On considère une Banque centrale qui, en agissant sur la masse de monnaie ou le taux
d’intérêt, contrôle parfaitement le taux d’inflation π. Avant qu’elle ne fixe le taux d’in-
flation, les autres agents de l’économie forment des croyances sur le comportement à
venir de la Banque centrale et anticipent un taux d’inflation πa .
Le mandat du banquier central est de minimiser la fonction de perte instantanée
a
l = π2 − b(π − πa ),
2
avec a et b strictement positifs.
1. Commenter la forme de la fonction de perte.
Dans tout l’exercice, les anticipations d’inflation des agents sont supposées par-
faites.
On suppose dans cette question que la politique monétaire suit une règle : les auto-
rités monétaires annoncent à l’avance le taux d’inflation visé, puis les agents forment
leurs anticipations, et enfin la Banque centrale fixe le taux annoncé sans pouvoir reve-
nir sur son annonce.
2. Déterminez le niveau optimal d’inflation. Quelle valeur prend la fonction de
perte ?
On suppose maintenant que la politique monétaire est discrétionnaire : la
Banque centrale peut annoncer une valeur cible avant que les agents ne forment
leurs anticipations, mais rien ne l’empêche de ne pas suivre cette annonce au
moment de choisir effectivement le niveau d’inflation.
3. La Banque centrale peut-elle reproduire la situation prévalant sous la règle opti-
male ?
et de la fonction de perte l lorsque la poli-
4. Déterminez la valeur de l’inflation π
tique est discrétionnaire. Commentez.
On étend le modèle en considérant un horizon infini. La fonction de perte de la
Banque centrale est la somme actualisée des pertes instantanées futures,
+∞ 1 t a 2
L= πt − b(πt − πat ) ,
t =0 1 + θ 2
où πt et πat désignent respectivement l’inflation de la période t et sa valeur anti-
cipée à la période précédente, et θ > 0 est le taux d’actualisation.
On considère la configuration suivante : la Banque centrale annonce une règle
sous la forme d’un niveau constant d’inflation πt = π∗ pour tout t 0, mais elle
ne peut pas se lier les mains et s’engager à suivre cette règle (elle mène à chaque
date une politique discrétionnaire). On postule de plus que les anticipations des
agents se forment selon le mécanisme suivant :
πat = π∗ si πt −1 = πat−1 ,
πat = π
si πt −1
= πat−1 .
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250 Macroéconomie
5. Quelle est la nature de la punition subie par un décideur qui ne respecte pas la
règle de politique monétaire ? Combien de temps dure cette punition ?
On se demande dans un premier temps si la Banque centrale est en mesure
d’implémenter la règle optimale. On considère donc le cas π∗ = 0.
6. Calculez le gain immédiat de la tricherie.
7. Calculez le coût actualisé de la tricherie.
8. La règle π∗ = 0 est-elle crédible ?
On cherche alors la meilleure des règles crédibles, c’est-à-dire celle qui minimise
la fonction de perte sous la contrainte de cohérence temporelle de la politique
annoncée.
9. Déterminez la meilleure règle crédible.
Éléments de correction
1. Le terme a2 π2 est le coût de l’inflation. Le terme b(π − πa ) est le bénéfice de l’in-
flation non anticipée. En effet, si l’on se réfère à la courbe de Phillips augmentée,
une surprise d’inflation réduit le chômage et augmente la production à court
terme.
2. Lorsque la Banque centrale suit une règle, les agents anticipent parfaitement
que l’annonce initiale d’inflation sera tenue. La Banque centrale cherche donc
à minimiser l par rapport à π sous la contrainte que πa = π. Il s’agit alors de
minimiser aπ2 /2, donc π = 0 et l = 0.
3. La réponse est non. Si la Banque centrale annonce une inflation nulle et que les
agents la croient, alors la banque voudra changer de politique au moment de
choisir le taux d’inflation. En effet, lorsque πa = 0, elle minimise
a 2
π − bπ
2
et choisit donc π = b/a.
4. Lorsque les agents anticipent une inflation πa , la Banque centrale minimise l ,
= b/a. L’équilibre est donc
ce qui donne π
b b2
π = πa = π
= >0 et l= > 0.
a 2a
On a l> 0 : il est coûteux pour une Banque centrale de ne pas pouvoir s’engager à
limiter l’inflation. Si la Banque centrale ne peut pas se lier les mains et suivre une
règle, les agents anticipent qu’elle voudra faire de l’inflation, ce qui augmente la
fonction de perte.
5. La punition consiste en une perte de réputation. Une Banque centrale qui n’a
pas tenu ses promesses hier est considérée comme ne les tenant pas aujour-
d’hui. Dans ce cas, les agents jouent l’équilibre cohérent temporellement. À l’in-
verse, une Banque centrale qui tient sa promesse garde la confiance des agents
pour la période suivante.
La punition ne dure qu’une période.
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a 2 b2
l!= π − b(
π − 0) = − .
2 2a
Le gain à la tricherie est donc
b2
0 − l!= .
2a
7. Le coût de la tricherie aujourd’hui correspond à la perte de réputation pour
demain. La perte d’une banque crédible est 0 et celle d’une banque non crédible
est
a 2 b2
l= π = .
2 2a
Le coût actualisé de la tricherie est
1 1 b2
l −0 = .
1+θ 1 + θ 2a
8. θ > 0 donc le gain actualisé net à tricher est strictement positif. La banque a
intérêt à tricher et l’annonce π∗ = 0 n’est donc pas crédible.
9. La meilleure règle crédible minimise
a ∗2
π
2
sous la contrainte
1 ∗
l ∗ − l!(π∗ ) (l − l ),
1+θ
avec
a b2 b2 b b2
l = π∗2 ,
∗
l= , ! ∗
l (π ) = −b ∗
−π = − + bπ∗ .
2 2a 2a a 2a
Cela revient à minimiser π∗ sous la contrainte que la banque ne triche pas, ce
qui est équivalent à, après calculs,
θ b b
π∗ .
2+θ a a
La meilleure règle crédible est
θ b
π∗ = .
2+θ a
8. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
Les modèles développés sont en général simples : vous pouvez donc vous référer
directement aux textes cités dans le chapitre. Sinon, Walsh (2003), au chapitre 8,
couvre la plupart des thèmes abordés ; ou bien, Blanchard et Fischer (1989), à la
section 11.4.
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CHAPITRE 9
Fluctuations, cycles réels et monétaires
1. INTRODUCTION
L’évolution des grandeurs macroéconomiques se conforme à un certain nombre de
régularités qui intriguent les économistes depuis longtemps. Une partie d’entre elles a
été reprise dans la célèbre « théorie des cycles emboités » proposée Schumpeter dans
son livre sur le « cycle des affaires » paru en 1939. Schumpeter distingue les cycles
longs, dits de Kondratiev, dont la durée est de l’ordre de 50-60 ans, des cycles plus
courts qui le composent ; notamment, les cycles de Kuznets (15-20 ans), Juglar (8-
10 ans), Kitchin (3-5 ans). Quatre cycles de Kondratiev sont habituellement repérés :
1780-1840 (la révolution industrielle), 1840-1900, 1900-1950 et depuis 1950. Chacun
est associé aux innovations majeures ou aux activités dominantes qui les ont exploi-
tées : pour les trois premiers cycles, il s’agit respectivement du textile et de la machine
à vapeur (1780-1840), du chemin de fer (1840-1900), de l’électricité et l’automobile
(1900-1950) ; l’existence du cycle de Kondratiev actuel ne serait pas bien établie.
Le NBER reste sceptique quant à l’existence des cycles longs et ne répertorie que
des cycles courts (cf. Annexe 4.1). La figure 1 donne (le logarithme d’un indice de) la
production aux EU depuis 1920 ; on peut y distinguer la fin du troisième cycle de Kon-
dratiev. La crise des années 30 est particulièrement importante au regard des autres
récessions de l’économie américaine (par exemple la crise pétrolière de 1973 ou la
récession du début des années 1980 associée à la politique de désinflation menée par
la Fed). La figure 2 isole les cycles courts ; leur durée est toujours voisine de 5 ans, mais
on observe qu’ils ont tendance à s’amortir depuis les années 1960.
Les cycles longs relèvent plutôt des théories de la croissance. On s’intéressera ici
aux cycles courts. Jusque dans les années 1970, la théorie économique a cherché à
rendre compte de ces cycles en s’appuyant sur l’idée qu’ils correspondaient à une
réponse de l’économie à un déséquilibre temporaire.
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254 Macroéconomie
46
38
Logarithm
30
22
14
1920 19251930 1935 1940 1945 1950 195519601965 1970 1975 19801985 19901995 2000
Date
FIGURE 1
Production industrielle aux États-Unis
46
38
Logarithm
30
22
14
1920 19251930 1935 1940 1945 1950 195519601965 1970 1975 19801985 19901995 2000
Date
FIGURE 2
Le cycle des affaires
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Deux pistes principales ont été explorées : (1) l’économie peut être affectée par des
chocs exogènes, réels ou monétaires, qui constituent une impulsion sans cesse renou-
velée à laquelle l’économie répond, et (2) les anticipations elles-mêmes peuvent se
révéler source d’instabilité. L’objet de ce chapitre est de décrire la première de ces
deux pistes. La seconde sera présentée dans le chapitre suivant.
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256 Macroéconomie
TABLEAU 1
Quelques faits stylisés concernant l’évolution des variables macroécono-
miques
En outre, chacune de ses variables évolue conjointement avec l’activité (on dit que
leur évolution est « procyclique ») et l’autocorrélation d’ordre 1 est élevée (on parle
alors de « persistance »).
Le parti pris du courant des cycles réels est le suivant : ces fluctuations sont la
réponse optimale de l’économie à des chocs exogènes réels.
Chaque mot est important. D’abord, ce sont des « chocs » perturbant l’économie,
touchant par exemple la technologie, les préférences des ménages ou la politique éco-
nomique, qui sont à l’origine des fluctuations. Ensuite, ces chocs sont « réels », et non
pas monétaires. La monnaie ne joue aucun rôle dans les fluctuations ; pour le dire
autrement, en l’absence de chocs réels, l’économie ne connaîtrait pas de fluctuations.
Enfin, ces chocs constituent une impulsion à laquelle l’économie répond « optima-
lement » : les agents font désormais face à une incertitude et, au travers de leur désir
de lisser les fluctuations de leur revenu au cours du temps, l’effet de ces chocs va se
répercuter sur les périodes suivantes. D’une impulsion temporaire peut donc décou-
ler une certaine persistance, le choc temporaire se propageant dans le temps. C’est ce
qu’on appelle un « effet Slutsky ».
Cette section décrit une version simple du modèle de base utilisé par ce courant. Il
étend le modèle de croissance optimale de Ramsey dans deux directions : d’une part,
il prend en compte l’incertitude et, d’autre part, l’offre de travail n’est plus inélastique.
En général, de tels modèles ne sont pas solubles analytiquement, et l’on doit se livrer
à des exercices de calibration pour décrire la réaction de l’économie à des chocs de
différentes natures. Si, en pratique, cette approche peut être informative, elle rend
difficile la compréhension des principaux mécanismes économiques à l’oe uvre. Pour
cette raison, dans cette section, on considérera une version simple de ce modèle dans
laquelle la dépréciation du capital est intégrale (δ = 1) ; cette hypothèse est évidem-
ment peu réaliste, mais elle permet de traiter analytiquement le modèle.
On procèdera en deux temps : d’abord, l’offre de travail sera supposée inélastique,
comme dans les chapitre précédents, mais un aléa affectant la production sera pris
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2.2.1. Le cadre
Y t = F (K t , A t L t ) = K tα A 1−α
t ≡ K tαU t , (9.1)
K t +1 = I t = Y t − C t . (9.2)
Enfin, on supposera que les préférences du ménage sont représentées par la fonc-
tion d’utilité
∞ 1
E0 log(C t ). (9.3)
t =0 (1 + θ)t
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258 Macroéconomie
∞ 1
E0 log(K tαU t − K t +1 ).
t =0 (1 + θ)t
Le stock de capital K t est donné en t . C’est le stock de capital K t +1 qui est choisi lors
de cette période ; on supposera qu’alors le choc U t est réalisé. On peut donc réécrire
la condition du premier ordre précédente sous la forme
1 1 αK tα−1
+1 U t +1
= Et ,
K tαU t − K t +1 1 + θ K tα+1U t +1 − K t +2
On reconnaît l’équation d’Euler des chapitres 4 et 5 ; cette condition peut donc s’inter-
préter comme le résultat d’un arbitrage entre la consommation future et la consom-
mation présente. Pour le voir, supposons que le ménage renonce en t à consommer
une unité de bien. La désutilité (marginale) subie est égale à 1/C t mais l’épargne aug-
mente d’une unité, l’investissement d’une unité (puisque l’épargne est égale à l’inves-
tissement en l’absence de monnaie ou de tout autre actif permettant de transférer la
richesse au cours du temps autrement qu’en détenant du capital physique), et donc
le stock de capital augmente d’une unité en t + 1 (puisque la dépréciation est com-
plète). Au final, le supplément de production que l’on obtient est égal à ∂Y t +1 /∂K t +1 ,
soit αK tα−1
+1 U t +1 si le choc U t +1 se réalise. Le supplément de bien-être est alors
αK tα−1
+1 U t +1
,
C t +1
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Si la consommation est faible lorsque le taux d’intérêt est élevé (la covariance entre
le taux d’intérêt r t +1 et l’utilité marginale de la consommation 1/C t +1 est positive),
l’épargne est plutôt favorisée lorsque le taux d’intérêt est élevé par rapport à la situa-
tion où l’on aurait cov (r t +1 , 1/C t +1 ) = 0, ce qui tend à réduire la consommation cou-
rante.
2.2.2. L’équilibre
C t = cY t . (9.5)
αK tα−1
+1 U t +1 αK tα−1
+1 U t +1 α 1 α 1
= = = .
C t +1 cY t +1 c K t +1 c Y t − C t
Si, à nouveau, l’aléa U t est réalisé au début de la période t , alors Y t − C t est connu en
t , et (9.4) implique :
1 1 α 1 (1 + θ) c/α
= ⇔ Ct = Yt .
C t 1 + θ c Yt − C t 1 + (1 + θ) c/α
(1 + θ) c/α α
c= ⇔ c = 1− . (9.6)
1 + (1 + θ) c/α 1+θ
Le ménage consomme donc une proportion de son revenu à l’équilibre, et cette pro-
portion est d’autant plus grande qu’il est impatient (θ est grand) et que la productivité
marginale du capital est faible (α est proche de 0).
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260 Macroéconomie
Pour se rapprocher du tableau 1, dans lequel la variable capital reportée est la diffé-
rence entre le logarithme du capital agrégé et le logarithme de sa valeur stationnaire
déterministe. Soient k t ≡ log K t et u t ≡ logU t . Alors, (9.7) devient
k t +1 = log(1 − c) + αk t + u t .
k̄ t +1 = αk̄ t + u t . (9.8)
u t = g + u t −1 + εt .
k̄ t +1 = αk̄ t + u t = αk̄ t + g + u t −1 + εt .
k̄ t +1 − k̄ t = α(k̄ t − k̄ t −1 ) + g + εt .
C’est donc maintenant le taux de croissance du capital K t qui est autocorrélé dans le
temps (et non plus son niveau). Considérons dans ce cadre l’exercice suivant : un choc
(qui perturbe le taux de croissance de l’efficacité du travail) survient en t0 alors que le
taux de croissance du capital s’était stabilisé, k̄ t − k̄ t −1 = g /(1 − α) en t = t0 . En itérant
l’équation précédente, on obtient :
1 − αi
k̄ t0 +i − k̄ t0 +i −1 = αi (k̄ t0 − k̄ t0 −1 ) + g + αi εt0
1−α
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262 Macroéconomie
Cet argument suggère que l’offre de travail devrait plutôt réagir à des chocs transi-
toires, et moins à des chocs permanents qui modifieraient les salaires dans la même
proportion. Pour l’illustrer, reprenons le modèle de Ramsey utilisé dans la section pré-
cédente, mais supposons maintenant que le bien-être instantané à la date t dépend à
la fois de la consommation et du travail fourni L t , soit :
∞ 1 1 ρ
E0 C t − L .
t =0 (1 + θ)
t ρ t
La fonction de production agrégée s’écrit toujours comme dans (9.1), mais la quan-
tité de travail n’est plus nécessairement égale à 1 :
Y t = K tα L 1−α
t Ut .
(1 − α)K tα L −α
t Ut .
ρ−1
Lt = (1 − α)K tα L −α
t Ut = w t ,
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ρ−1 (1 − α)K tα L −α
t Ut (1 − α)Y t /L t
Lt = = .
Ct Ct
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264 Macroéconomie
c1t + m t = e 1
et
1+μ
c2t +1 = e 2 + mt .
1 + πt +1
Soit :
1+μ
mt ≡ m
1 + πt +1
l’encaisse réelle désirée. Elle est définie implicitement par la condition du premier
ordre
1+μ 1+μ
u (e 1 − m t ) = β u e2 + mt . (9.10)
1 + πt +1 1 + πt +1
Un équilibre à la date t est une situation dans laquelle les deux générations pré-
sentes se comportent rationnellement (les jeunes résolvent le problème d’optimisa-
tion ci-dessus, les vieux offrent toute la monnaie qu’ils détiennent et demandent des
biens de consommation en contrepartie) et l’offre est égale à la demande sur chaque
marché.
Il y a deux marchés ouverts à cette date : le marché des biens et le marché de la
monnaie. Si ces deux marchés étaient équilibrés lors de la période précédente, la loi
de Walras implique que seul le marché de la monnaie peut être considéré lors de la
période courante. Aussi, un équilibre intertemporel avec prévisions parfaites est une
situation dans laquelle le marché de la monnaie est équilibré :
1+μ
M̄ t = p t m
1 + πt +1
avec
M̄ t = (1 + μ)M̄ t −1 .
Il suit de la règle d’émission de monnaie décidée par l’État que
1+μ m t +1
= , (9.11)
1 + πt +1 mt
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de sorte qu’un équilibre est une suite d’encaisses réelles (m t , t 0) telle que
m t +1
mt = m . (9.12)
mt
m t u (e 1 − m t ) = βm t +1 u (e 2 + m t +1 ) , (9.13)
avec m t ≡ M̄ t /p t . Les équations (9.12) et (9.13) sont toutes les deux indépendantes
du taux de croissance de la masse monétaire. La quantité de monnaie réelle à l’équi-
libre est donc indépendante du taux de croissance μ de la masse monétaire. Il suit
de la règle de politique monétaire, sous la forme de (9.11), qu’une hausse du taux
de croissance de la masse monétaire se retrouve à l’équilibre dans une hausse iden-
tique du taux d’inflation. Les contraintes budgétaires de première et seconde période
donnent alors que la consommation est indépendante du taux de croissance de la
masse monétaire.
Au total, dans ce cadre, lorsque le taux de croissance de la masse monétaire est
déterministe, la monnaie est superneutre et l’on retrouve la théorie quantitative.
Comment forment-ils alors leurs anticipations ? Muth (1961) postule que les agents
jeunes se forment une théorie sur le fonctionnement de l’économie. Dans le cas pré-
sent, un ensemble de théories raisonnables associent une hausse de la quantité de
monnaie à une hausse des prix. Ou bien encore, étant donnée la quantité de monnaie
passée, que
p t = φt (μt )M̄ t −1 , (9.14)
où φt (·), φt (·) > 0, est une fonction à déterminer ; si cette fonction est croissante, les
agents pensent qu’une hausse du taux de croissance de la masse monétaire conduit
bien à une hausse du niveau général des prix.
Il est important de bien comprendre que cette équation n’est qu’une conjecture
de la part des agents. Elle leur permet d’apprécier le taux de croissance de la masse
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266 Macroéconomie
M̄ t 1 + μt 1 + μt
mt = = M̄ t −1 = ≡ ψt (μt ),
pt pt φt (μt )
Lorsque les agents adhèrent à la théorie (9.14), ils forment des anticipations sur les
encaisses réelles de demain données dans le membre de droite de l’égalité (9.14). Le
membre de gauche, qui dépend des encaisses réelles effectives en t montre que la
théorie des agents s’autoréalise aujourd’hui, dans le sens où ce que les agents jeunes
observent aujourd’hui est cohérent avec la théorie (9.14).
Supposons par exemple que les agents croient que la monnaie est superneutre, la
monnaie sera-t-elle superneutre ? Pour le savoir, supposons que les agents croient que
la quantité de monnaie réelle ψt (μt ) est indépendante de μt ; disons, ψt (μt ) = ψt quel
que soit t (alors, l’élasticité de φt par rapport à (1 + μt ) est égale à 1 : les agents jeunes
croient que, si le facteur de croissance de la masse monétaire augmente de 1 %, les
prix augmenteront de 1 %).
Dans ce cas, (9.16) se réécrit :
ψt u (e 1 − ψt ) = βψt +1 u e 2 + ψt +1 , (9.17)
où l’opérateur E t a été omis puisqu’aucun aléa n’affecte plus l’économie (selon les
agents). Mais (9.17) coïncide alors avec (9.13) : la monnaie est superneutre lorsque les
agents croient en la superneutralité de la monnaie.
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mu (e 1 − m) = βπmu (e 2 + m)
⇔ u (e 1 − m) = βπu (e 2 + m) (9.18)
puisque m > 0. En appliquant le théorème des fonctions implicites, il est facile de
vérifier que, par (9.18), m est une fonction croissante de π. Il reste à vérifier qu’elle
prend ses valeurs dans [0, e 1 ]. Pour cela, remarquons que, pour π = 1, (9.18) définit
m comme l’équilibre stationnaire monétaire m ∗ du modèle déterministe ; on a donc
m ∗ = m(1) e 1 . Comme m (π) > 0, les encaisses réelles seront inférieures à m ∗ pour
π 1 ; ces encaisses sont donc dans [0, e 1 ], au moins pour des valeurs de π suffisam-
ment proches de 1, ce qui correspond à des seuils μ̄ suffisamment petits : si les agents
croient fortement en la non-neutralité de la monnaie, la monnaie ne sera pas neutre !
Les chocs monétaires peuvent donc se révéler source de fluctuations à l’équilibre
lorsque l’information sur la masse monétaire est imparfaite.
Remarque 9.3
Notons que l’encaisse réelle n’est jamais parfaitement corrélée avec le taux de crois-
sance de la masse monétaire à l’équilibre, au sens où elle ne peut être égale à m j
lorsque le taux de croissance de la masse monétaire est μ j (avec la probabilité π j ).
En effet, pour tout i , on devrait alors avoir, en utilisant (9.16),
m i u (e 1 − m i ) = β π j m j u e 2 + m j .
j
4. ANNEXE
4.1. Les cycles répertoriés par le NBER
Le premier cycle répertorié par le NBER débute en 1854. En moyenne, leur durée
est légèrement supérieure à 50 mois environ, soit 4-5 ans (http ://www.nber.org/
cycles.html). Le tableau 2 ci-dessous vous en donne des extraits. Il est tiré de Stock et
Watson (1998).
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268 Macroéconomie
TABLEAU 2
Quelques données du NBER
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5. EXERCICES ET PROBLÈMES
5.1. Anticipations rationnelles
On considère un modèle à générations imbriquées dans lequel les jeunes travaillent
lorsqu’ils sont jeunes et consomment lorsqu’ils sont vieux. Durant leur jeunesse, les
agents produisent un bien périssable selon une technologie à rendements constants
normalisée de sorte qu’une unité de travail permet de produire une unité de bien,
et ils épargnent les revenus du travail sous forme de monnaie. Durant leur vieillesse,
ils perçoivent un intérêt nominal sur leur encaisse monétaire et consomment. L’État
est supposé financer l’intérêt qu’il paye aux détenteurs de monnaie en émettant de la
monnaie.
Le bien-être espéré d’un agent de la génération t est représenté par la fonction
d’utilité E t (c t +1 ) − l t2 /2, où c t +1 est la quantité de biens qu’il prévoit de consommer
en t + 1, l t est son offre de travail courante, et E t est un opérateur d’espérance condi-
tionnelle à l’information détenue en t .
Soit m t l’encaisse réelle détenue en t , μt +1 le taux d’intérêt nominal versé en t + 1
et p t le prix du bien en t .
p t = φ(z t , M t −1 )
où z t représente le rapport 1 + μt / (1 + n t ). Définissez un équilibre à antici-
pations rationnelles de cette économie. Dans ce qui suit, on supposera que les
chocs réels, représentés par n t , et les chocs monétaires, représentés par μt , sont
tous les deux i.i.d.
5. Soit
z t M̄ t −1
ψ(z t , M t −1 ) = .
φ(z t , M t −1 )
Que représente la fonction ψ ? Écrivez la définition d’un équilibre à anticipa-
tions rationnelles en fonction de ψ.
6. Supposons que φ(z, M ) est monotone en z pour tout M . Comment l’équilibre
est-il défini alors ?
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270 Macroéconomie
6. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
La théorie des cycles réels est présentée dans Blanchard et Fischer (1989), chapitre 7 ;
la section 2 du chapitre s’inspire de la section 7.1 de ce manuel. Les équilibres du
modèle de Lucas (1972) qui ont été construits dans la section 3.2.2 ont été décrits dans
Azariadis (1980) et Chiappori et Guesnerie (1990).
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CHAPITRE 10
Anticipations et fluctuations
1. INTRODUCTION
Dans le chapitre précédent, nous avons cherché à rendre compte des fluctuations
économiques en supposant qu’elles correspondaient à une réponse (optimale) de
l’économie à des chocs exogènes affectant la technologie des entreprises, les préfé-
rences individuelles ou la politique économique de l’État. Nous avons été amené à
conclure que cette explication ne permettait pas de rendre compte à elle seule des
fluctuations économiques de moyen terme, celles qui correspondent aux « cycles des
affaires ». Nous allons voir dans ce chapitre que, contrairement aux postulats du cou-
rant des cycles réels, l’économie peut fluctuer spontanément, au sens où des fluc-
tuations peuvent apparaître en l’absence de perturbations exogènes. Ce sont cette
fois les anticipations, les croyances des agents, qui sont la source des fluctuations.
Comme dans le chapitre précédent, nous imposerons dans un premier temps l’hy-
pothèse d’anticipations rationnelles, en la regardant comme un garde-fou ; on devine
que l’on disposerait d’un très grand nombre de degrés de liberté si les anticipations
étaient laissées quelconques.
En même temps, cette hypothèse est a priori très forte. Si tous les agents ont accès
au même ensemble d’informations, elle impose en particulier que tous forment leurs
anticipations de la même façon. On peut penser qu’une telle homogénéité n’est pas
anodine, au moins lorsque l’on s’intéresse aux fluctuations : le fait que tous les agents
aient des croyances identiques pourrait tendre à favoriser l’émergence de fluctua-
tions ; au contraire, une plus grande diversité des croyances pourrait avoir un effet
de lissage, les anticipations plutôt optimistes étant contrebalancées par des anticipa-
tions plutôt pessimistes. On conclura ce chapitre en relâchant l’hypothèse d’anticipa-
tions rationnelles. Ce relâchement nous permettra d’illustrer certaines conséquences
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272 Macroéconomie
u(c t +1 ) − v(y t ),
où u > 0, u < 0, v > 0 et v > 0. Les deux contraintes de budget auxquelles ils font
face sont :
Mt = p t yt ,
p t +1 c t +1 = M t .
Soit
pt
yt = y
p t +1
l’offre de biens en t . Le rapport p t +1 /p t est le prix relatif du bien de consommation
par rapport au loisir (c’est aussi l’inverse du salaire réel anticipé).
La réaction des agents à une hausse de ce rapport passe, comme d’habitude, par
deux effets éventuellement opposés. Il y a, d’une part, l’effet de substitution : lorsque
le prix relatif du bien de consommation (future) baisse (ou bien encore, le salaire réel
anticipé augmente), les agents jeunes décident de consommer plus de biens et moins
de loisir, c’est-à-dire de travailler plus, ce qui conduit à une hausse de la produc-
tion courante. D’autre part, il y a un effet de revenu : lorsque le prix relatif du bien
de consommation (future) baisse, le pouvoir d’achat des agents jeunes augmente ; ils
consomment plus de biens et plus de loisir, relâchent donc leur effort de production,
et ainsi la production baisse.
La réaction de l’offre de travail et de la production à une hausse du salaire réel
p t /p t +1 est donc ambiguë : ces deux grandeurs augmentent si l’effet de substitution
est dominant, et diminuent si l’effet de revenu est dominant. Par contre, la consom-
mation anticipée est toujours croissante avec le salaire réel.
De leur côté, les agents vieux demandent une quantité de biens égale à leur
encaisse réelle.
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Dans ce qui suit, nous supposerons qu’il existe un prix p ∗ < ∞ solution de cette équa-
tion. C’est l’équilibre monétaire stationnaire du modèle de Samuelson.
Notez qu’il n’y a pas de condition initiale asociée à cette suite. Cette équation peut
donc être lue de la façon suivante : le prix courant p t est déterminé par l’anticipation
(exacte) du prix futur p t +1 . Dans ce cas, c’est le futur qui détermine le présent, et l’on
parle d’une « dynamique (regardant) vers l’avant » (forward looking dynamics).
L’économie, ici résumée à la dynamique du niveau général des prix, peut-elle fluc-
tuer en l’absence de chocs ? Il est facile d’avoir une première intuition de la réponse.
Pour cela, supposons que les agents anticipent en t des prix élevés en t + 1. Le salaire
réel est donc plutôt bas. Si l’effet de revenu est dominant, la production, vue comme
une fonction du prix courant, est élevée pour tout prix courant. Il y aura donc une
tendance à l’excès d’offre qui se solde, à l’équilibre, par une baisse du prix courant.
Réciproquement, sous la même hypothèse que l’effet de revenu est dominant, si les
agents jeunes pensent que le prix sera bas demain, il tend à être plutôt élevé aujour-
d’hui.
Dans ce cas, la dynamique des prix tend à osciller spontanément entre des prix
hauts et des prix bas ; ces prix sont prévus parfaitement (il n’y a pas d’erreurs d’an-
ticipation) et aucun choc exogène ne vient perturber l’économie (en particulier, la
quantité de monnaie reste constante). Cette dynamique peut même se stabiliser sur
un cycle de période deux, défini par deux prix (p a , p b ) tels que
pa 1 pb 1
y = , et y = .
pb pa pa pb
Lorsque les agents jeunes anticipent p a (p b ) pour demain, le prix est p b (p a ) aujour-
d’hui.
Mais s’ils avaient anticipé le prix constant p ∗ tel que y(1) = 1/p ∗ , le prix serait resté
constant, égal à p ∗ lors de chaque période. Ce sont donc les anticipations qui sont la
cause des fluctuations : la dynamique de l’économie se conforme à un cycle des prix
1. Vous pouvez adapter l’argument présenté dans le chapitre 3 à cette version du modèle à générations pour le
vérifier.
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274 Macroéconomie
parce que les agents croient qu’elle doit se conformer à ce cycle. On retrouve l’inter-
prétation d’un équilibre à anticipations rationnelles comme une croyance qui s’au-
toréalise ; ici, il n’y a toutefois aucun aléa exogène. Ces fluctuations sont entièrement
endogènes.
L’existence de tels cycles est très simple à étudier ; à ce stade, la figure 1 devrait
suffire. Pour la construire, différentions tout d’abord l’équation d’équilibre (10.1). On
obtient :
pt p t +1 pt pt pt
y + y d pt − y d p t +1 = 0.
p t +1 pt p t +1 p t +1 p t +1
Comme1
pt p t +1 pt
y + y > 0,
p t +1 pt p t +1
le théorème des fonctions implicites implique que pour tout p t +1 il existe un unique
p t = φ(p t +1 ) solution de (10.1). Par contre, la réciproque n’est pas toujours vraie,
puisque y = 0 lorsque l’effet de substitution compense exactement l’effet de revenu.
Pour le dire autrement, étant donnée une anticipation de prix, il existe un prix d’équi-
libre courant p t solution de (10.1) ; par contre, étant donné un prix courant, il peut ne
pas exister d’anticipation de prix qui le justifie, ou il peut en exister plusieurs. Notons
que φ est du signe de y : on a donc φ > 0 si et seulement si l’effet de substitution est
dominant (si cet effet est toujours dominant, φ−1 est bien définie).
Si 1/p t +1 → 0 alors y → 0 et 1/p t → 0 : lorsque le salaire réel est arbitrairement bas,
les agents jeunes ne travaillent pas, de sorte que la production (l’offre de biens) est
faible, ce qui tend à pousser le prix courant à la hausse. On obtient alors les figures
1 et 2 ; la position de φ par rapport à la bissectrice est justifiée dans le paragraphe
suivant.
La figure 1 suppose que l’effet de substitution est partout dominant : une hausse du
prix anticipé est associée à une hausse du prix courant. Lorsque les agents anticipent
un prix supérieur à p ∗ , les prix augmentent au cours du temps et finissent par explo-
ser alors que la quantité de monnaie reste constante ! L’inflation persiste (s’accroît)
au cours du temps, alors que la quantité de monnaie ne varie pas ; souvenez-vous
de la version de la théorie quantitative de la monnaie selon laquelle l’inflation a une
origine purement monétaire pour voir combien ce résultat en est éloigné ! Intuitive-
ment, on comprend bien ce qui se passe : lorsque le prix anticipé est élevé, c’est-à-dire
que le salaire réel anticipé est plutôt bas, les agents jeunes réagissent en travaillant
peu, de sorte que l’offre est faible par rapport à la demande, ce qui pousse le prix
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1/P(t + 1)
1/P(t + 1) = 1/P(t)
1/P(t)
1/P2 1/P1 1/P0 1/P*
FIGURE 1
Dynamique des prix : effet de substitution dominant
p0
⇒ < 1 ⇔ p0 < p1.
p1
1/P(t+1)
1/P(t+1) = 1/P(t)
1/P(t)
1/Pb 1/P* 1/Pa
FIGURE 2
Dynamique des prix : effet de revenu dominant
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276 Macroéconomie
C’est pour cette raison que φ(·) est située sous la première bissectrice dans la figure 1
pour p t > p ∗ .
Ce résultat suggère que l’équilibre stationnaire (p t = p ∗ , t 0) est globalement
instable1 . Cependant, comme nous l’avons remarqué précédemment, il n’est entiè-
rement évident que l’on doive regarder les suites de prix (p 0 , . . . , p t , p t +1 , . . .) dans le
sens naturel d’écoulement du temps. Après tout, c’est parce que les agents anticipent
un prix futur que le prix courant se réalise : c’est le futur qui détermine le présent.
Il faudrait alors regarder les équilibres comme des suites (. . . , p t +1 , , p t , . . . , p 0 ), auquel
cas l’équilibre stationnaire devient globalement stable.
Sur la figure 2, l’effet de revenu l’emporte lorsque 1/p t +1 est suffisamment grand :
lorsque le prix du bien de consommation devient très élevé, les agents finissent par
travailler moins. Un cycle de période 2 peut alors émerger.
Remarque 10.1
Le chapitre 8 avait mis l’accent sur l’usage de règles de politique économique pour
faire face au problème de crédibilité. On peut également justifier le recours à des
règles pour influencer les anticipations des agents : lorsque ces règles sont crédibles,
elles sont prises en compte au moment où les agents forment leurs anticipations, et
influencent par ce biais la dynamique de l’économie. Pour illustrer ce point, repre-
nons le modèle précédent, supposons que l’État souhaite stabiliser les fluctuations
de prix, par exemple pour que toutes les générations soient traitées par le marché de
façon identique. Pour ce faire, l’État annonce qu’il versera un intérêt nominal μt +1 aux
vieux en t + 1. Le salaire réel s’écrit alors
pt 1 + μt +1
(1 + μt +1 ) = ,
p t +1 1 + πt +1
À l’équilibre,
1 + μt +1
y = mt
1 + πt +1
où m t = M̄ t /p t . Si l’État annonce que le taux de croissance de la masse monétaire
est égal au taux d’inflation, alors μt +1 = πt +1 et, à l’équilibre, m t = y(1) pour tout t .
Toutes les fluctuations réelles ont donc été éliminées en choisissant une règle qui fixe
le salaire réel à 1 pour tout t .
1. Si la production est bornée, par exemple parce que la dotation en heures (de travail) est finie, les suites de prix
pour lesquelles p 0 < p ∗ ne sont pas des équilibres (la production explose).
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et
p b c tb+1 = p t y t .
De même, lorsqu’ils observent l’état b en t , ils choisissent une offre de travail qui
maximise
pt pt
πba u y t + πbb u y t − v(y t ).
pa pb
Soit
pt pt
y t = ỹ , , πbb
pb pa
cette offre.
et
pt pt 1
ỹ , , πbb = si l’état est b en t .
pb pa pt
On peut maintenant définir un équilibre à taches solaires.
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278 Macroéconomie
Définition 10.1
Un équilibre à taches solaires est une paire de prix (p a , p b ) telle que :
pa 1
ỹ 1, , πaa = , (10.2)
pb pa
pb 1
ỹ 1, , πbb = , (10.3)
pa pb
p a = p b . (10.4)
où ε∗ est l’élasticité de l’offre de travail par rapport au salaire réel évaluée pour un
salaire réel égal à 1 (c’est-à-dire à l’équilibre stationnaire monétaire p t = p t +1 = p ∗ ).
On en déduit :
1
F (1) > 0 ⇔ ε∗ < − . (10.6)
2 − πaa − πbb
Cette condition sera satisfaite si, lorsque les prix sont proches de l’équilibre station-
naire, une hausse du salaire réel conduit à une baisse suffisamment forte de l’offre de
travail.
Intuitivement, si l’on anticipe des prix bas demain, et que l’on réagit en produisant
peu aujourd’hui, les prix aujourd’hui sont plutôt élevés. L’économie tend donc à se
conformer à un cycle d’ordre deux. Ce cycle s’obtient pour πaa = πbb = 0 (il existe si
ε∗ < −1/2). Par continuité, pour πaa et πbb suffisamment proches de 0, un équilibre à
taches solaires existe aussi dans ce cas.
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280 Macroéconomie
si l’état est a en t . Elle dépend bien de l’état courant, a, puisque les agents de type 1
font varier leur comportement d’offre avec cet état : ils tiennent pour certain que le
prix sera p b demain. De même, l’offre est
pt pt pt
αy 1 + (1 − α)y 2 ,
pa pa pb
si l’état est b en t .
La demande agrégée émane des vieux, qui possèdent M̄ = 1 unité de monnaie au
total. Elle est égale à 1/p t .
Pour que les croyances ne soient pas invalidées, le prix courant doit être p a si l’état
est a en t , et p b sinon. Soit :
1 pa 2 pa 1
αy + (1 − α)y 1, = , (10.7)
pb pb pa
1 pa 2 pb 1
αy + (1 − α)y ,1 = . (10.8)
pb pa pb
En un tel équilibre, les anticipations de prix des agents de type 1 sont exactes ; celles
des agents de type 2 ne sont qu’en moyenne exactes. Mais, étant donnés les a priori
respectifs des deux types d’agents, aucune de ces deux croyances ne devrait être
remise en cause.
La même méthode que celle que nous avons utilisée dans la section précédente
pour étudier l’existence des équilibres à taches solaires peut être appliquée ici. Il est
facile de vérifier qu’il existe deux prix p a et p b différents, solution de (10.7) et (10.8), si
1
ε∗ < − . (10.9)
1+α
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Au total, lorsque l’on introduit une certaine diversité des croyances individuelles, il
devient moins vraisemblable que des fluctuations persistent au cours du temps, mais
ces fluctuations peuvent être plus prononcées.
Exemple 10.1
Reprenons la même version du modèle à générations imbriquées que dans les sec-
tions précédentes. Supposons que les jeunes ont une anticipation de prix commune
p te+1 qui n’est pas nécessairement exacte. Le prix d’équilibre courant est tel que :
pt 1
y = ,
p te+1 pt
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282 Macroéconomie
ε∗
d pt − d p te+1 = 0.
1 + ε∗
Le rapport −ε∗ /(1 + ε∗ ) représente le poids (relatif) des anticipations sur le système.
Pour décrire la dynamique de l’économie, il faut spécifier comment les agents forment
leurs anticipations. Supposons que p te+1 = p t −1 . Alors, on a :
ε∗
d pt − d p t −1 = 0.
1 + ε∗
Les agents finiront par découvrir le prix p ∗ si et seulement si |ε∗ /(1 + ε∗ )| < 1, c’est-à-
dire lorsque le système économique est peu sensible aux anticipations. Cette condi-
tion est toujours satisfaite si ε∗ 0. Lorsque −1 < ε∗ < 0, elle l’est si et seulement si
ε∗ > −1/2 ; cette inégalité est liée à l’existence de cycles de période 2 : lorsque l’équi-
libre monétaire stationnaire est localement instable dans la dynamique avec appren-
tissage (myope), il existe un cycle de prix de période 2.
q i = ci−1 (p ie ) = s i (p ie )
On supposera que le prix effectif assure l’égalité entre l’offre et la demande agrégée.
En notant D(p) la fonction de demande agrégée, avec D < 0, le prix effectif est tel que :
D(p) = s i (p ie )di
i
−1
⇔p =D s i (p ie )di . (10.10)
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Le prix p est appelé un équilibre temporaire : c’est le prix d’équilibre étant données
des anticipations arbitraires des producteurs.
Pour savoir quel prix est susceptible de survenir, il faut spécifier les anticipations
de prix. Jusqu’à présent, nous avons considéré le cas particulier des anticipations par-
faites, ou exactes. Il s’agit ici d’un prix p ∗ tel que
p ∗ = D −1 s i (p ∗ )di . (10.11)
i
En d’autres termes, lorsque tous les producteurs anticipent le prix p ∗ , le prix effectif
est bien égal à p ∗ . Étant données les hypothèses de monotonie des fonctions d’offre
et de demande, ce prix est unique s’il existe, et des conditions aux bords (il existe un
excès de demande si le prix est bas et un excès d’offre s’il est élevé) nous assurent que
ce prix existe. Le prix p ∗ coïncide avec le prix d’équilibre walrassien : si tous les pro-
ducteurs pouvaient choisir leur production au moment où ils la mettent sur le mar-
ché, c’est le prix qui égaliserait l’offre et la demande agrégée.
Anticiper un tel prix est habituellement justifié de la façon suivante : les agents
connaissent le modèle de l’économie. Ici, ce modèle est défini par les fondamentaux
(la fonction de demande agrégée et les fonctions de coût des producteurs) et l’hypo-
thèse de rationalité des comportements individuels. Ceci n’est clairement pas suffi-
sant pour justifier la rationalité des anticipations, puisqu’on ne peut en déduire que
la fonction d’offre des autres, c’est-à-dire la fonction qui associe les anticipations de
prix à l’offre, mais pas l’offre elle-même. En fait, chaque producteur anticipe le prix p ∗
uniquement s’il est convaincu que les autres producteurs se comportent rationnelle-
ment et anticipent eux aussi ce prix. Et ceci doit être vrai pour tous les producteurs ...
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284 Macroéconomie
avec α > 0. Lorsque le producteur i constate qu’il a sous-estimé le prix (p t −1 −p iet −1 > 0),
il ajuste sa dernière anticipation de prix à la hausse.
Plus généralement,
p iet = ψi (p t −1 , p iet −1 , ...) (10.12)
représente la fonction d’anticipation de i . L’imposition de propriétés particulières à la
fonction ψ revient à préciser les figures que le producteur peut reconnaître : si le prix
est resté constant, l’anticipation de prix est égale à ce prix ; s’il a suivi un cycle d’ordre
deux, l’anticipation de prix se conforme à cette évolution, ; si la variable a crû à un
taux de croissance constant, les producteurs peuvent prolonger la tendance ; etc.
Exemple 10.2
Considérons la fonction d’anticipation
L
1= ψ∗l .
l =0
Alors, si le prix est resté constant dans le passé, disons égal à p (proche du prix p ∗ ),
l’agent anticipe que le prix restera égal à p demain. Il reconnaît des séries de prix
s’écartant de p ∗ au taux g si
L
g L+1 = ψ∗l g L−l .
l =0
Plus généralement, les racines du polynôme caractéristique associé à (10.13) nous
renseignent sur les figures que l’agent est prêt à reconnaître (cf. Grandmont, 1998).
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S (p ∗ )
(p t − p ∗ ) = (p t −1 − p ∗ ).
D (p ∗ )
p t − p ∗ < 0 ⇔ p t −1 − p ∗ > 0.
S (p ∗ ) e
⇒ (p te+1 − p ∗ ) = (p − p ∗ ).
D (p ∗ ) t
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286 Macroéconomie
1
(p − p ej )2
2
pour le producteur j . Si le producteur j connaît le modèle de l’économie, il sait que le
prix est finalement déterminé selon (10.10). Il va donc choisir
p ej = D −1 s i (p ie )di
i
lorsqu’il croit que les prix anticipés par les autres sont (p ie , i ∈ [0, 1]). On peut interpré-
ter cette fonction comme une fonction de réaction. Un équilibre de Nash est le prix
p ∗ : si tous les autres producteurs anticipent p ∗ , le producteur j a intérêt à antici-
per p ∗ . Cependant, cette justification n’est pas suffisante : le producteur j anticipe p ∗
parce qu’il croit que tous les autres croient que tous les autres anticipent p ∗ . Et ceci
ad infinitum. On dit que l’anticipation du prix p ∗ est compatible avec la connaissance
commune (CK, pour Common Knowledge) que chacun anticipe p ∗ .
Remarque 10.2 L
e gain du producteur est son profit, et non pas une fonction de l’erreur d’anticipation.
Lorsqu’il anticipe p ie il produit q i = s i (p ie ). Son profit effectif est p i s i (p ei ) − ci s i (p ei ) .
La fonction s i est croissante ; le profit ex post, lorsque p i se réalise, est maximal pour
q i = s i (p i ). La concavité du profit avec la quantité implique que le profit est d’autant
plus grand que l’erreur d’anticipation commise est faible, c’est-à-dire que s i (p ei ) est
proche de s i (p i ).
Supposons
maintenant
qu’il soit CK que chacun anticipe dans un segment de prix
P 0 = p 0max , p 0min comprenant p ∗ (et non plus exactement égal à p ∗ ). Si le modèle est
CK et que chaque producteur sait que chaque autre producteur est rationnel, chaque
sup
producteur sait que l’offre individuelle est comprise entre s i (p 0inf ) et s i (p 0 ) pour tout
sup
(autre producteur) i , et donc que l’offre agrégée est comprise entre S(p 0inf ) et S(p 0 ).
La connaissance du modèle, ici la fonction de demande agrégée, implique que chaque
producteur sait que le prix effectif va satisfaire :
p ∈ P 1 = D −1 (S(p 0 )), D −1 (S(p 0inf )) .
sup
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Mais chaque joueur sait maintenant que chaque autre sait que le prix sera dans l’in-
tervalle P 1 . Les mêmes déductions peuvent être tirées de cette restriction : le prix est
en fait dans un nouvel intervalle P 2 = D −1 (S(P 1 )). Et plus généralement :
P t = D −1 (S(P t −1 )).
t → ∞ si et seulement
si D −1 (S(·)) est localement contractante, c’est-à-dire à nouveau
S (p ∗ )/D (p ∗ ) < 1. On comprend un peu mieux les conditions de stabilité locale :
lorsque les anticipations influencent peu le comportement individuel, il est plus facile
pour chacun de prédire le comportement des autres, et ainsi le prix qui va survenir.
4. CONCLUSION
Qu’avons-nous appris ? D’abord que les anticipations sont elles aussi une source de
fluctuations. En même temps, les conditions sous lesquelles ces fluctuations per-
durent, au moins dans les exemples simples utilisés dans ce chapitre, sont empiri-
quement peu plausibles (notamment au travers de la nécessaire importance de l’effet
revenu). Comme pour le courant des cycles réels, des efforts ont été faits pour utiliser
un cadre plus pertinent (cf. Benhabib et Farmer, 1999), tout en conservant l’hypothèse
d’anticipations rationnelles, mais ils ne sont pas toujours concluants.
D’autres critères que l’apprentissage auraient pu être utilisés pour justifier l’hy-
pothèse d’anticipations rationnelles. Un critère de multiplicité (indétermination) est
souvent invoqué : lorsqu’il existe plusieurs équilibres, on peut penser qu’il sera plus
difficile pour les producteurs de se coordonner a priori sur l’un d’entre eux.
En fait, indétermination, existence d’équilibres à taches solaires et instabilité de
l’apprentissage sont trois critères très étroitement liés. L’hypothèse de rationalité des
anticipations serait plus pertinente lorsque les anticipations influencent peu l’écono-
mie : alors, l’équilibre peut être découvert au terme d’un processus d’apprentissage, il
est (localement) unique, et il n’existe pas d’équilibre à taches solaires à proximité.
5. ANNEXE
5.1. Élasticités de l’offre de travail
Considérons tout d’abord le problème déterministe. L’offre de travail optimale est telle
que :
pt pt
u l t − v (l t ) = 0.
p t +1 p t +1
En différentiant cette expression à l’équilibre stationnaire p t = p t +1 = p ∗ , on obtient :
u (l ∗ ) + l ∗ u (l ∗ ) pt
dl t = − ∗ d ,
u (l ) − v (l ∗ ) p t +1
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288 Macroéconomie
De même, η∗b = (1−πbb )ε∗ . On en déduit facilement l’expression de F (1) donnée dans
le texte.
6. EXERCICES ET PROBLÈMES
6.1. Stabilité et liquidité
La crise financière récente s’est traduite par une brusque contraction du crédit,
notamment à partir de la faillite de Lehman Brothers en septembre 2008. Les
contraintes de liquidité auxquelles font face les ménages sont sans doute devenues
plus prégnantes : les ménages ont dû financer une plus grande partie de leurs achats
au comptant au moyen d’une encaisse monétaire préalablement constituée. L’ob-
jectif de ce problème est de discuter dans quelle mesure ces contraintes contribuent
à l’instabilité de l’économie. Une intuition simple suggère que, le comportement
des agents ne pouvant plus être aussi volatile qu’auparavant, leurs croyances seront
moins susceptibles d’influencer les comportements individuels et par là-même la
dynamique agrégée de l’économie.
Afin de se faire une première idée sur cette assertion, on s’inspire d’un exemple
de Michel et Wigniolle (2005), Cash-in-advance constraints, bubbles and monetary
policy, Macroeconomic Dynamics 9, 28-56. On considère une économie stylisée dans
laquelle les agents vivent deux périodes consécutives. Le taux de croissance démogra-
phique n est constant. On a N t = (1+n)N t −1 où N t représente le nombre d’agents nés
en t . Chaque agent consomme lors de ses deux périodes de vie, mais travaille unique-
ment durant la première. On notera c1t (resp. c2t ) la consommation d’un agent jeune
(resp. vieux) en t , et w t t le salaire réel perçu en t par un agent qui travaille t unités
de temps. Le temps disponible pour travailler est limité : t 1 pour tout t . Pour trans-
férer son revenu d’une période sur l’autre, deux actifs sont disponibles : la monnaie
et le capital. On notera m t l’encaisse réelle d’un agent né en t , et s t son épargne sous
forme de capital. Le taux d’inflation est πt en t (c’est le taux de croissance du niveau
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général des prix entre t − 1 et t ). Le taux d’intérêt réel est r t en t . Enfin, on supposera
qu’au moins une partie μ (0 μ < 1) de la dépense d’un agent vieux doit être finan-
cée par une encaisse monétaire qu’il détient au début de sa seconde période de vie : il
s’agit d’une contrainte de liquidité.
On supposera que les préférences d’un agent né en t peuvent être représentées par
la fonction d’utilité u(c1t ) + βu(c2t +1 ).
1. Écrivez les contraintes auxquelles un agent né en t fait face.
2. Supposons que la contrainte de liquidité est saturée.
2.1. Écrivez la contrainte de budget intertemporelle à laquelle un agent né en t
fait face. Vous noterez
1 1−μ
≡ μ (1 + πt +1 ) + .
1 + ρ t +1 1 + r t +1
Que représente le paramètre ρ t +1 ?
2.2. Soit m t + s t = σ(w t , ρ t +1 ) l’épargne réelle choisie à l’optimum par un agent
né en t . Quelle inégalité r t +1 et πt +1 doivent-ils satisfaire pour qu’un tel
agent accepte de détenir une épargne sous forme de capital (s t 0) ?
2.3. La fonction de production est néoclassique. Montrez que la maximisation
du profit implique que r t = r (k t ) et w t = w(k t ) où k t est le stock de capital
par tête en t , et exprimez r (·) et w(·) en fonction de la production par tête
f (k t ).
2.4. On supposera que les prix équilibrent les marchés ouverts lors de chaque
période. Écrivez l’égalité offre-demande sur le marché du capital en t en
fonction de σ(·), m t et k t +1 .
2.5. L’offre de monnaie est supposée constante, égale à M̄ . Écrivez l’égalité
offre-demande sur le marché de la monnaie en t en fonction de m t , πt +1
et m t +1 . Montrez que cette égalité peut se réécrire
1 − μ m t +1 = μ(1 + r t +1 )k t +1 .
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290 Macroéconomie
4.1. Supposons que les agents anticipent en t que (1) la contrainte de liquidité
sera active lors de la période suivante, et (2) on aura m t +1 = m 2 et k t +1 = k 2
(où m 2 et k 2 sont deux valeurs, pour l’instant quelconques). Quelles sont
les deux valeurs (m t , k t ) d’équilibre lors de la période courante ?
4.2. Supposons maintenant que les agents anticipent en t que (1) la contrainte
de liquidité ne sera pas active lors de la période suivante, et (2) on aura
m t +1 = m 1 et k t +1 = k 1 (où m 1 et k 1 sont deux valeurs, pour l’instant
quelconques). Quelles sont les deux valeurs (m t , k t ) d’équilibre lors de la
période courante ?
4.3. Définissez alors un équilibre avec prévisions parfaites dans lequel l’écono-
mie se trouve alternativement dans le régime où la contrainte de liquidité
est saturée et dans celui où elle ne l’est pas, et où (m t , k t ) suit un cycle de
période deux ((m 1 , k 1 ), (m 2 , k 2 ).
4.4. Dans ce qui suit, on considère pour simplifier le cas où les préférences indi-
viduelles sont Cobb-Douglas : u(c) = ln c. À quoi est égale σ(w, ρ) ? Après
avoir substitué (m 1 , m 2 ), écrivez le système de deux équations qui définit
(k 1 , k 2 ).
4.5. Remarquez que k 1 = k 2 = k d est solution au point μ = 0. Supposons μ suf-
fisamment petit, mais différent de 0. Utilisez à nouveau le théorème des
fonctions implicites pour étudier l’existence d’une solution (k 1 , k 2 ) où k 1 et
k 2 sont proches de k d : montrez qu’une telle solution existe si k d est dyna-
miquement efficace et localement stable. Qu’en concluez-vous finalement
sur l’effet (dé)stabilisant de contraintes limitant les capacités d’échange
des agents ?
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Éléments de correction
1. Un agent né en t choisit un plan de consommation (c1t , c2t +1 ) et un portefeuille
(m t , s t ) qui maximise u(c1t ) + βu(c2t +1 ) sous les contraintes
c1t + m t + s t = w t t
mt
c2t +1 = (1 + r t +1 )s t +
1 + πt +1
mt
μc2t +1
1 + πt +1
t 1
m t = μ (1 + πt +1 ) c2t +1
1 1−μ
≡ μ (1 + πt +1 ) + .
1 + ρ t +1 1 + r t +1
r t = f (k t ) − δ ≡ r (k t )et w t = f (k t ) − k t f (k t ) ≡ w(k t ).
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292 Macroéconomie
N t p t m t = M̄ = N t +1 p t +1 m t +1
⇔ m t = (1 + n)(1 + πt +1 )m t +1
Si l’agent né en t anticipe qu’il sera contraint lors de sa seconde période de
vie, on a :
1 mt mt
c2t +1 = = (1 + r t +1 )s t +
μ 1 + πt +1 1 + πt +1
1 − μ mt
⇔ = (1 + r t +1 )s t
μ 1 + πt +1
En utilisant (10.14), l’égalité offre-demande sur le marché de la monnaie se
réécrit finalement indépendamment du taux d’inflation :
1 − μ m t +1 = μ(1 + r t +1 )k t +1 (10.15)
2.7.
1 μ (1 + r t +1 )(1 + n)k t +1
1 + r t +1 =
1 + πt +1 1 − μ mt
⇔ 1 − μ m t μ(1 + n)k t +1 (10.17)
avec, de (10.16),
1 μ(1 + r t )k t + 1 − μ (1 + n)k t +1
= . (10.19)
1 + ρ t +1 (1 + r t +1 )(1 + n)k t +1
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2.10.
μ
σ(w, ρ) − (1 + r )k = (1 + n)k (10.20)
1−μ
1 μ(1 + r )k + 1 − μ (1 + n)k
= . (10.21)
1+ρ (1 + n) (1 + r ) k
(1 + r )k (1 + n)k (10.22)
On remarque que k = 0 est solution. Si k > 0, alors pour μ = 0, k = k d : les
agents ne détiennent pas de monnaie et le stock de capital par tête est celui
du modèle de Diamond. Pour que les agents acceptent de détenir du capi-
tal, on doit avoir r n : l’équilibre de Diamond doit être dynamiquement
efficace, contrairement aux résultats du chapitre 6. Pour k proche de k d et
μ proche de 0, on a ρ r . En différentiant (10.20) en ce point, on a :
dk
σw w + σr r − (1 + n) = (1 + r ) − σr ρ μ k d . (10.23)
dμ
Si σw w + σr r − (1 + n)
= 0, et si l’équilibre de Diamond est dynamique-
ment efficace, il existe un stock de capital stationnaire k solution de (10.20),
(10.21), (10.22), pour μ suffisamment petit.
2.11. On différentie (10.18) et (10.19) par rapport à k t et k t +1 dans le voisinage
de k d (pour μ = 0) :
σw w dk t + (1 + n) − σr r dk t +1 = 0
dk t +1 σw w
= > 0,
dk t (1 + n) − σr r
puisque σw w > 0. La dynamique locale est donc bien définie, aussi bien
dans le sens forward que dans le sens backward. L’équilibre de Diamond
est localement stable si et seulement si
dk t +1
< 1 ⇔ σw w + σr r − (1 + n) < 0.
dk t
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294 Macroéconomie
1
1 + r t +1 = .
1 + πt +1
1
c1t + c2t +1 = w t
1 + r t +1
1+n
mt = m t +1
1 + r t +1
σ(w t , r t +1 ) − m t = (1 + n)k t +1
mt
μc2t +1 < ⇔ μ(1 + r t +1 )σ(w t , r t +1 ) < (1 + r t +1 )m t
1 + πt +1
⇔ μ(1 + n)k t +1 < (1 − μ)m t
Si μ est suffisamment petit, l’équilibre stationnaire est celui de la règle d’or. Il est
monétaire si m or = σ(w(k or ), r (k or )) − (1 + n)k or > 0. À l’équilibre de Diamond,
l’encaisse réelle détenue est nulle, ce qui n’est pas compatible avec le fait que la
contrainte de liquidité n’est pas saturée. En présence d’une contrainte de liqui-
dité (μ > 0), l’équilibre stationnaire, s’il existe, est nécessairement monétaire et
dynamiquement efficace.
4.1. Supposons que les agents anticipent en t qu’ils seront contraints demain.
On doit avoir :
σ(w(k t ), ρ) − m t = (1 + n)k 2
1 − μ m 2 = μ(1 + r 2 )k 2
1 m t + (1 + n)k 2
= 1−μ
1+ρ (1 + n)(1 + r 2 )k 2
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4.2. Supposons qu’ils anticipent cette fois ne pas être contraints demain :
1+n
mt = m1
1 + r1
σ(w t , r 1 ) − m t = (1 + n)k 1
4.3.
σ(w(k 1 ), ρ) − m 1 = (1 + n)k 2
1 − μ m 2 = μ(1 + r 2 )k 2
1 m 1 + (1 + n)k 2
= 1−μ
1+ρ (1 + n)(1 + r 2 )k 2
1+n
m2 = m1
1 + r1
σ(w 2 , r 1 ) − m 2 = (1 + n)k 1
4.4. La fonction d’épargne prend une forme simple : σ(w, ρ) = w/(1 − β).
L’effet de revenu compense exactement l’effet de substitution de sorte
que l’épargne devient indépendante du taux d’intérêt. On élimine m 1 et
m2 :
μ
m2 = (1 + r 2 )k 2
1−μ
1 + r1 1 + r1 μ
m1 = m2 = (1 + r 2 )k 2
1+n 1+n 1−μ
On en déduit :
w(k 1 ) 1 + r 1 μ
− (1 + r 2 )k 2 = (1 + n)k 2 (10.24)
1−β 1+n 1−μ
w(k 2 ) μ
− (1 + r 2 )k 2 = (1 + n)k 1 (10.25)
1−β 1−μ
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296 Macroéconomie
7. REPÈRES BIBLIOGRAPHIQUES
L’article de référence sur les fluctuations endogènes est celui de Grandmont (1985).
Grandmont (1986) étudie les politiques de stabilisation des fluctuations. Voir aussi
Grandmont (1998) pour une synthèse sur les dynamiques avec apprentissage, et
Guesnerie (1992) pour l’apprentissage divinatoire. Vous pouvez lire l’article d’Azariadis
(1981) qui introduit les équilibres à taches solaires (stationnaires), et dont on s’est lar-
gement inspiré dans ce chapitre.
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Bibliographie
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298 Macroéconomie
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Bibliographie 299
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