Entre Fête Traditionnelle Liée Au Vodou Et Patrimoine Ouvert Au Tourisme
Entre Fête Traditionnelle Liée Au Vodou Et Patrimoine Ouvert Au Tourisme
Entre Fête Traditionnelle Liée Au Vodou Et Patrimoine Ouvert Au Tourisme
2022 22:44
Ethnologies
Le Rara de Léogâne
Entre fête traditionnelle liée au vodou et patrimoine ouvert au
tourisme
Joseph Ronald Dautruche
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10. Tirailleurs étant le nom donné à une ancienne unité d’élite de l’armée d’Haïti.
11. Instrument de musique très long, en tige de bambou ou en PVC, de taille
variable, il est à la fois soufflé et frappé et le son se répercute en écho.
12. Puissance ou esprit surnaturel qui exécute la volonté de quelqu’un qui a envers lui
des obligations.
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13. La poudre ici fait référence à des substances préparées à base de plantes
pouvant provoquer des malaises de toutes sortes chez l’individu touché, voire
même causer son décès.
14. Le vodou était vu comme une superstition barbare par nombre d’écrivins
étrangers et a fait l’objet de plusieurs campagnes d’éradication menées par
l’Église catholique avec l’appui de l’État haïtien. En 1987, le pays s’est doté
d’une nouvelle constitution plus démocratique qui reconnaît le droit d’exercer
au vu et au su de tout le monde les pratiques vodou.
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15. Clairin mélangé avec des herbes tropicales et des écorces de certains arbres
reconnues pour leurs effets aphrodisiaques.
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importantes pour les gens vivant sur les sites des bandes et les localités
avoisinantes.
Au sens de Russo et Romagosa, nous pouvons parler ici
d’« itinéraire touristique » ou de « moyen de diversification de l’offre
touristique ». Selon Russo et Romagosa (2010), un itinéraire est le
moyen par lequel les ressources touristiques sont commercialisées
(l’attraction, l’accueil, le mouvement, l’espace, le repos, le temps).
Les itinéraires, selon ces auteurs, contribuent au développement du
tourisme dans les régions en établissant un pont entre les centres et
les périphéries au sein des systèmes touristiques. Ils permettent, ainsi,
de réduire les externalités négatives qui sont généralement associées à
cette polarisation. Dans ce sens, poursuivent-ils, les responsables du
tourisme peuvent établir des routes thématiques portant les touristes
à visiter également l’arrière-pays ou encore entreprendre un voyage
complet dans un territoire potentiellement important et développer
des réseaux mettant l’accent sur des produits complémentaires situés
dans les périphéries ; voir aussi Murray et Graham (1997). Dans ce
sillon, les bandes transportent les participants visiteurs dans différents
coins de Léogâne, leur font vivre toutes sortes d’émotions et leur
font découvrir différentes attractions dans un contexte où l’accueil,
le déplacement, le temps de rafraîchissement sont tous préparés et
bien arrangés à l’avance. Sans que la notion d’itinéraire touristique ait
clairement été définie chez les dirigeants des bandes de Léogâne, ces
parcours permettent de mettre en valeur les ressources culturelles de
la zone et de valoriser différents aspects de cette expression culturelle.
17. Ce retour est aussi la preuve qu’ils ont un statut légal dans le pays d’adoption.
Ils peuvent aller là-bas et venir ici comme bon leur semble.
18. Le terme « diaspora » réfère dans le langage populaire en Haïti à tout Haïtien
vivant à l’étranger. Il arrive que même après un court séjour à l’étranger, on
puisse dire de quelqu’un qu’il est une diaspora ou un diaspora.
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Conclusion
Les anciennes formes de compétition entre les bandes de Rara ont
donné lieu à des affrontements violents. Ces rivalités ont projeté une
image négative de cette fête traditionnelle et celle-ci s’est répercutée
sur toute la région de Léogâne. Les dirigeants de bandes ont voulu
renverser cette situation. Cet objectif s’est manifesté, dans un premier
temps, à travers leurs interventions dans les médias, et dans un second
temps, par l’organisation d’un Festival Rara. D’autres acteurs comme
la Mairie, la Députation, la diaspora léoganaise, le ministère de la
Culture et des mécènes de la zone se sont tour à tour impliqués dans
la dynamique. Le Rara a ainsi fait l’objet d’une certaine esthétisation
et se profile depuis une décennie environ comme le patrimoine
identitaire de la région.
La question des festivités rara se discute au plus haut point des
instances étatiques du pays depuis 2004. Le Rara de Léogâne fait
l’objet de débat à l’UNESCO depuis 2010, s’inscrivant au premier
plan du projet pilote pour la sauvegarde du patrimoine culturel
immatériel haïtien. Il devient une source de fierté pour les Léoganaises
et les Léoganais, qui ne cessent de faire sa promotion à l’intérieur
comme à l’extérieur du pays. Subséquemment, le Festival Rara
rassemble chaque année des milliers de personnes voulant bénéficier
de la thérapie que cette forme de communion collective procure.
Tout bien considéré, dans un monde où les points d’ancrage
familial et identitaire deviennent moins solides face aux choix de vie
cruciaux qu’opèrent nombre de gens, les festivités rara offrent aux
Léoganaises et Léoganais dispersés d’un bout à l’autre du pays et de
la planète une occasion annuelle de retourner chez eux et de renouer
contact avec les membres de leur famille élargie et leurs amis aussi
bien qu’avec les bruits, les musiques, les saveurs, les émanations des
moulins de cannes et des guildiveries, les odeurs de feu de bois, de
fritures et des marchés aux puces propres à leur localité d’origine.
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Références
Alexis, Gerson, 1959. « Les Danses Rara ». Bulletin du Bureau
d’Ethnologie, série III. Port-au-Prince, Imprimerie de l’État.