Extrait
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La République
de Platon
La République
~ La République au sein des œuvres de Platon
Les dialogues de Platon, au nombre de trente-cinq, portent souvent le titre de
l’interlocuteur de Socrate. Les traducteurs ont ajouté un sous-titre qui en précise
l’objet. Il est délicat d’en connaître l’ordre chronologique, car la tradition préférait
les ranger par type de raisonnement ou par thèmes. On peut cependant distinguer
des ouvrages écrits après la mort de Socrate, dans lesquels Platon reste fidèle à la
pensée de son maître. Ces dialogues s’attachent à définir les idées morales, comme
le courage (Lachès), la sagesse (Charmide), l’amitié (Lysis), la piété (Euthyphron), la
beauté (Hippias majeur), la vertu (Ménon).
Puis il y a les dialogues plus tardifs, dans lesquels Platon prend plus de liberté
et commence à affirmer sa propre pensée. Celle-ci trouve son originalité et son
fondement dans la théorie des Idées. Il existerait, dans un monde intelligible accessible
uniquement par la pensée, des modèles parfaits, uniques et immuables de toutes les
choses matérielles, imparfaites, changeantes et périssables existant dans notre monde.
C’est le but de la philosophie que de connaître ces Idées. On retrouve cette théorie
développée dans de multiples dialogues, comme Le Banquet, ou dans La République.
Il s’agit sans doute de l’œuvre la plus connue de Platon, la plus imposante aussi,
la plus foisonnante. Elle trouve des échos dans de multiples autres dialogues. On y Chapitre 1. La République de Platon
parle certes de justice, mais également de politique, d’éducation, de musique, de
philosophie, de la théorie des Idées. C’est une de ces œuvres qui refont le monde,
et à l’intérieur de laquelle Platon semble avoir ramassé toute sa pensée. Platon y
présente notamment une idée forte : les philosophes doivent gouverner la Cité. C’est
cette idée qui l’a mené à faire ces nombreux allers-retours à Syracuse pour tenter de
convaincre les tyrans de se convertir à la philosophie. Platon tentait en fait de réaliser
sa philosophie, de faire passer sa République de la théorie à la pratique.
~ L’objet de La République
Le sous-titre de La République, donné par les traducteurs, est « la justice ». Et en
effet, une double question court tout au long de l’œuvre : qu’est-ce que la justice ?
et : vaut-il mieux se conduire de façon juste ou injuste ? Cependant, il ne s’agit pas
de la justice au sens juridique (qu’est-ce qu’une loi juste ? une peine juste ?). Le titre
de La République en grec est politeia, ce qui signifie la constitution : l’organisation la
vie de la cité. En latin, cela a été traduit par respublica : la chose publique. Il ne faut
donc pas comprendre « république » au sens de « république démocratique », mais
au sens premier : activité qui s’occupe de gérer la vie en commun.
Et en effet, Socrate, pour répondre à la double question de départ, se lance dans une
description minutieuse de l’organisation idéale d’une cité. Chaque groupe constituant
la cité doit être à sa place et assurer la fonction qui lui revient naturellement : le peuple
produit la subsistance, les gardiens protègent leurs concitoyens, les philosophes
gouvernent. C’est ainsi qu’on aura une cité juste. Mais de quelle façon une cité juste
peut nous apprendre ce qu’est la justice ? Parce que la cité est un reflet agrandi de
l’âme humaine. Ainsi, la justice dans l’âme humaine c’est quand chaque partie de
l’âme est à sa place et assure sa fonction : les désirs se soumettent à la partie irascible
qui elle-même obéit à la raison. L’individu juste est pleinement heureux, car il est en
paix et goûte les plaisirs les meilleurs, ceux qui sont attachés au développement de
notre part réellement humaine : la raison.
D’autre part, les philosophes doivent gouverner, car être philosophe c’est étudier
l’Idée de la justice. Seul le philosophe sait ce qu’est véritablement la justice, lui seul
est à même d’organiser de façon juste la cité. Or, le philosophe dans notre âme, c’est
la raison.
Une juste organisation de la cité garantit des citoyens justes. L’enjeu est donc
l’éducation : les législateurs et les gouvernants, par leur politique, font éclore la véritable
nature de l’homme. La République est, comme le remarquait Rousseau dans l’Émile,
moins un traité politique qu’un traité d’éducation. Éducation des futurs philosophes
d’abord, éducation de l’être humain en général ensuite.
Ce premier livre est une sorte d’introduction. Socrate, qui est allé voir la fête en
l’honneur d’Artémis au port d’Athènes, est invité chez Polémarque et discute avec le
père de ce dernier, Céphalos. Il est âgé et partage ses inquiétudes : est-on puni après
la mort, si on a été injuste pendant sa vie ? Mais qu’est-ce qu’être juste ?
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Réfutation : Socrate
Hypothèse 1 : Céphalos Dans certaines situations, il est
C’est rendre un dépôt juste de le garder, injuste de le
rendre
Réfutation : Socrate
Certains ont l’air d’être des
amis et ne le sont pas
il n’est pas juste de leur
Hypothèse 2 : Polémarque faire du bien… ou du mal
C’est faire du bien à ses amis,
du mal à ses ennemis Réfutation : Socrate
En faisant du mal à quelqu’un,
on le rend pire. Comment la
justice pourrait produire de
l’injustice ?
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~ Apparence/réalité
Il y a différentes façons de prouver que la justice est préférable à l’injustice.
Ça peut être en disant que sinon, on se fait punir, ou qu’on en retire une bonne
réputation. D’un côté comme de l’autre, on ne ferait pas la justice pour elle-même,
mais parce qu’elle est un moyen de nous rapporter autre chose. Ce qui signifie que si
elle cessait de rapporter, ou si l’injustice cessait d’être sanctionnée, on abandonnerait
la justice. La justice ne serait un bien qu’en apparence, mais ne le serait pas en réalité.
Or, Glaucon et Adimante, nouveaux interlocuteurs de Socrate et frères de Platon,
veulent que celui-ci leur prouve que la justice est un bien pour elle-même, quoiqu’il
arrive. Ils vont même jusqu’à se faire l’avocat du diable en présentant un homme
commettant des injustices, mais avec la réputation d’être quelqu’un de juste, et un
juste pratiquant la justice, avec la réputation d’être un homme injuste, pour montrer
que l’injustice vaut mieux que la justice.
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