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L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE EN CÔTE D’IVOIRE.

LECTURE EN
TROIS TABLEAUX DES POLITIQUES PUBLIQUES

TOURE Mamoutou
Maître-Assistant
Institut de Géographie Tropicale, Laboratoire Espace-Système
Université Félix Houphouët-Boigny (Abidjan, Côte d’Ivoire)
[email protected]

RÉSUMÉ
La présente contribution est un regard critique sur les référents théoriques affichés par la nouvelle politique de l’aménagement du
territoire en Côte d’Ivoire au regard des politiques passées. Elle s’appuie principalement sur la documentation accumulée par le minis-
tère ivoirien du plan à la fois concepteur et maître d’œuvre de ces politiques. L’analyse révèle que l’aménagement du territoire ivoirien
procède d’une vision coloniale d’organisation du territoire que les politiques publiques ont reconduite dans la Côte d’Ivoire indépendante
en y apportant des correctifs. Plus de cinquante ans après, la Côte d’Ivoire est toujours à la recherche du meilleur aménagement de
son territoire alors que les référents théoriques des nouvelles politiques s’apparentent à des copies conformes des politiques passées.
Mots-Clés : Politiques publiques, aménagement du territoire, stratégies, Côte d’Ivoire.

SUMMARY
The contribution is a critical look at the theoretical references displayed by the new policy of land in Ivory Coast in terms of past
policies. It relies mainly on documentation accumulated by the Ivorian Ministry of Planning both designer and master of implementa-
tion of these policies. The analysis revealed that land Ivorian territory stems from a colonial vision of territorial organization that public
policies were renewed in Côte d’Ivoire by bringing independent patches. Over fifty years later, the Ivory Coast is always looking for the
best development of its territory, while the theoretical referents of the new policies are like carbon copies of past policies.
Tags : Public policies, regional planning, strategies, Ivory Coast.

© (EDUCI) 2016 Revue de Géographie Tropicale et d’Environnement, n°2, 2016 193


INTRODUCTION
La trajectoire du développement ivoirien est marquée par une méridionalisation du peuplement dont les
premiers signes apparaissent une quinzaine d’années après l’indépendance du pays.
Pour tenter de résoudre les problèmes posés par la polarisation des activités autour d’Abidjan, l’agrandis-
sement de la base de création de la richesse nationale à travers de grands projets agricoles régionaux et la
création des villes comme pôles moteurs, est une des solutions, retenues au milieu des années soixante par
l’État ivoirien. Dans sa conception, le projet volontariste repose sur une organisation du territoire national en
régions « homogènes de développement », « siège de programmes intégrés » à dominante agro-industrielle.
A court terme, ces programmes devraient contribuer à la réduction des disparités régionales et à moyen
ou long terme ils constituent aussi « l’amorce d›une évolution vers une structuration plus équilibrée et donc
vers un développement plus harmonieux et plus durable du pays tout entier » (Datar, 1974).
Un demi-siècle plus tard, les efforts engagés n›ont pas atteint les objectifs majeurs de rééquilibrage. Les
aires méridionales, le littoral en tête concentre 90% de l’appareil productif national et 75% de la population
ivoirienne (INS, 2016). A l’émergence d’un réseau de villes intérieures modernisées, lieux privilégiés de
l’emploi moderne et de l’emploi informel, s’oppose l’agglomération abidjanaise comme pôle économique
et démographique majeur du pays.
C›est le bilan réalisé par G. Ancey et M. Pescay (1983) qui pose et engage la discussion. Ils observent « qu’il
n’y a jamais eu réellement de choix entre le meilleur aménagement du territoire possible ». Le déploiement
de l’appareil institutionnel ne procède pas vraiment d’une recherche de la complémentarité optimum entre les
espaces composant le territoire national ; et les actions de développement régional ne sont pas opérées dans
un souci d›autosuffisance régionale en recentrant la croissance à une autre échelle que celle de l’ensemble
national ». En réalité, comparées aux alternatives, les options stratégiques de lutte contre « les déséquilibres
inter et intra-régionaux » relèvent plutôt « d›inflexions importantes que d›un renversement complet des ten-
dances ». A. Dubresson (1989) complète en observant que « la contradiction entre les discours politiques et
les pratiques d’aménagement relevait de l’affermissement permanent du pouvoir et de l’appareil d’Etat… et que
c’est du constat de la gravité politique des disparités engendrées qu’émanaient les grands projets correctifs ».
Or, depuis mars 2006, après l’arrêt de la politique d’aménagement du territoire au milieu des années
quatre-vingt, le gouvernement ivoirien a relancé la politique d’aménagement du territoire. Quelle interpréta-
tion peut-on faire de cette nouvelle politique d’aménagement du territoire au regard des référents théoriques
affichés ? Pour l’instant aucune contribution ne répond à cette question de fond. Ce qui justifie l’intérêt de
cette étude.
L’objectif de cette contribution est une analyse des référents théoriques affichés par la déclaration de
politique nationale au regard des politiques passés.
Nous pensons que la politique d’aménagement du territoire n’a pas véritablement changé. Le « savoir-
faire » et le « savoir penser » l’espace qui transparaissent dans les référents théoriques de la nouvelle poli-
tique d’aménagement du territoire en Côte d›Ivoire ne sont pas fondamentalement différents des politiques
passées qui ont pourtant montré leurs limites.
Pour défendre ce parti pris, l’argumentaire est rédigé autour de trois points focaux. Le premier est centré
sur le tableau géographique de la Côte d’Ivoire telle qu’organisée par l’administration coloniale ; le second
analyse les politiques dans la Côte d’Ivoire indépendance pour mieux apprécier, dans le troisième point
focal, les orientations exprimées dans la nouvelle politique.
L’étude s’appuie sur la documentation technique accumulée par le ministère ivoirien du plan sur la
politique d’aménagement du territoire en Côte d’Ivoire. Elle exploite spécifiquement certains documents de

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référence et de synthèse, les études connexes à visée rétrospectives et prospectives (1973, 2000 et 2025)
et la déclaration de politique nationale d’aménagement du territoire (2006). Cette base documentaire est
complétée par l’exploitation de contributions universitaires.

TABLEAU 1-

SURIMPOSITION DU MOULE COLONIAL SUR LES ANCIENS SYSTÈMES PRODUCTIFS


IVOIRIENS, PROBLÈMES LATENTS ET CHOIX FONDAMENTAUX À L’INDÉPENDANCE
Avant l’irruption coloniale, il existait d’anciennes structures régionales en Côte d’Ivoire à savoir les
espaces ethno-culturels akan, krou, mandé et voltaïque. Du point de vue du territoire, ces civilisations se
distinguaient à partir de structures politiques (Etats anciens ou royaumes), des sous-systèmes écologiques
(forêt, mosaïque forêt-savane et savanes) et les cultures vivrières destinées à l’autoconsommation. Ce réfé-
rent est retouché et a laissé place à un processus d’émergence d’un espace économique avec les postes
coloniaux, les routes, le chemin de fer et le télégraphe, les rades foraines et les ports, les dispensaires et
les marchés. C’est à partir de ces germes de changement, qui fondent l’assise géographique d’un nouvel
Etat, que se sont dessinées les tendances lourdes qui ont différencié les espaces régionaux en créant des
ruptures plus ou moins profondes dans les continuités traditionnelles.
La Côte d’Ivoire est avant tout le produit d’un territoire sans unité naturelle, sans homogénéité de popu-
lation (G Joseph, 1944). Le pays est créé ex nihilo par la colonisation française qui a introduit des germes
d’innovations dans la nature et les sociétés traditionnelles auparavant homogènes. Ces facteurs exogènes
introduits par le moule colonial vont transformer les différences écologiques des systèmes productifs anciens
en inégalités de développement.
Les options politiques ne montrent aucune volonté d’isoler une région par rapport à une autre ; même si
l’arboriculture forestière est imposée au sortir de la seconde guerre, il y a eu au nord des essais de valorisation
des productions régionales (coton, kapok, sisal etc.). De fait, la valorisation des productions tient davantage
aux opportunités économiques en rapport avec la demande du marché international, au moyen de transport
et aux problèmes d’accessibilité qu’à une volonté de favoriser une région par rapport à une autre.
Sans doute, dans sa marche, le colonisateur a essaimé partout des germes d’innovation ; mais c’est
principalement le littoral et la forêt mitoyenne qui deviennent la zone de réglage de la logique de mise en
valeur coloniale. Cette région devient naturellement le centre dominant des activités économiques laissant
la savane en situation périphérique.
Ce réglage territorial va induire rapidement les germes de changement non encore maîtrisés auquel le
nouvel Etat va devoir faire face :
- émergence d’une économie de plantation forestière ;
- une urbanisation rapide ;
- un appel de main-d›œuvre des savanes du Nord et des pays voisins (Mali, Burkina et Guinée) ;
- le renforcement d›Abidjan comme pôle majeur de développement ;
- un désordre urbain généralisé.
Ces tendances lourdes sont au cœur de la problématique du développement ivoirien. La question posée
au planificateur est de savoir comment maintenir la croissance et pourvoir à un développement équilibré
du pays ?

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TABLEAU 2

ACCUMULATION DIFFÉRENTIELLE DANS L’ESPACE IVOIRIEN, ENGAGEMENT ET


LIMITES DES POLITIQUES RÉGIONALES DE RÉDUCTION DES DISPARITÉS DANS LA
CÔTE D’IVOIRE INDÉPENDANTE
La phase de redéploiement de l’ancien système productif est relayée par celle relative aux efforts entre-
pris par l’Etat indépendant en faveur du développement, desquels on tire des leçons de « realpolitik » face
aux contraintes de l’environnement international. En effet, la stratégie du développement en Côte d’Ivoire
a reposé sur un cadre de référence qui s’est construit sur une appréciation des enjeux de l’environnement
international et des réalités internes (M. Touré, 2004). Les pères des indépendances se positionnent par
rapport aux idéologies dominantes d’un contexte géopolitique bipolaire : démocraties libérales du bloc capi-
taliste d’une part, et démocraties populaires et marxistes du bloc de l’Est d’autre part. Ce contexte laisse de
faibles marges de liberté aux Etats qui venaient d’accéder à la souveraineté nationale.
Le choix ivoirien a privilégié l’option libérale dans un cadre de coopération négociée avec l’ex puissance
coloniale. Cette voie a été jugée incontournable pour stimuler le progrès technique, économique et social.
La conscience de ne pas être un acteur autonome sur la scène internationale est affirmée et assumée
avec modestie. La porte de sortie du sous-développement ne commence donc pas pour les Ivoiriens par la
« recherche du royaume politique » (option du Président socialiste du Ghana Kwamé N’Krumah).
Le choix libéral du nouvel Etat ivoirien se double d’une approche du développement résolument volonta-
riste soutenue par la planification : « car seule la planification peut faire en sorte que l’ensemble des actions
s’intègrent dans une stratégie globale ».
Les premiers pas de la planification ivoirienne sont prudents et encadrés par d’importants travaux de
recherche pour une meilleure connaissance des réalités internes et appuyer les prises de décision sur les
politiques de développement à court, moyen ou long terme. Les études et enquêtes régionales à objectifs
multiples (1962-1966) ont ainsi constitué un premier cadre de réflexion globale qui a permis de fixer à la
fin de l’année 1966 des perspectives décennales de développement économique, social et culturel pour la
période 1960-1970.
L’étude prospective Côte d’Ivoire 2000 dont les conclusions sont publiées en 1975 a été par la suite d’un
concours précieux pour proposer un cadre institutionnel de l’aménagement du territoire afin de soutenir des
actions centrées régionales par la loi (lois-plans et lois-programmes). Les programmes pluriannuels sont
budgétisés par régions et secteurs d’intervention, discutés et approuvés par le Parlement. En parallèle des
études, les moyens stratégiques et opérationnels au service de la planification sont créés. Des sociétés d’Etat
(ou SODE), véritables fer de lance de l’agriculture, ont successivement vu le jour.
Les décisions publiques qui précèdent témoignent de l’importance accordée au capital humain et à la
recherche sur le développement encadrée essentiellement par des personnes ressources issues de la
coopération avec l’ancienne puissance coloniale. Elles interviennent dans des instituts orientés prioritai-
rement vers la recherche agronomique ou dans des bureaux d’étude nationaux (par exemple le BNETD
et le BETPA) où étrangers (SEDES, BDPA, SEMA etc.). Les études sur les milieux naturels ivoiriens de
l’ORSTOM, celles de la SEDES (1965) et du BDPA figurent parmi les premières à avoir fourni des données
de base pour s’attaquer de manière réaliste et rigoureuse à la résolution des problèmes du pays, y compris
ceux de la région nord.
Au plan économique, l’option en faveur du développement du secteur primaire avec l’agriculture comme
axe prioritaire est clairement affichée dans une société symboliquement perçue à l’époque comme « une
société de planteurs ».

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Le souci moderne de planification dans le nouvel Etat indépendant s’est appuyé sur deux des trois
sphères de la prospective : celle de l’anticipation (imaginer le meilleur futur de la société), celle de l’action
(interventionnisme d’Etat à travers les plans régionaux et programmes de développement) et la mobilisation
des acteurs, notamment le monde paysan.
La volonté d’articuler prospective et stratégie illustre une option gouvernementale : concilier réflexion
et action à travers le schéma de structuration à long terme de l’espace national pour l’horizon 2000. Les
politiques agro-industrielles au nord comme au sud qui visent à résorber les disparités régionales apportent
des illustrations concrètes quant à cette volonté d’agir pour transformer un milieu traditionnel.
Au regard des problématiques, des objectifs et des moyens institutionnels, il apparaît clairement que
la planification ivoirienne de l’ère des indépendances est prudente et teintée de réalisme politique dans
le domaine des choix politiques de l’époque. L’absence d’une problématique explicite au niveau du cadre
théorique de la part des décideurs politiques de l’époque n’altère pas la valeur de ces choix. En fait, il se
dégage une problématique implicite avec l’option d’une planification basée sur la promotion de pôles régio-
naux de croissance pour stimuler le développement en lieu et place du saupoudrage des investissements
et des efforts.
L’approche ivoirienne de la planification est effectivement volontariste et elle a connu son âge d’or entre
1960 et 1980 avec une intensification des actions dans la décennie 1970-1980. Les décideurs politiques
étaient conscients qu’ils devaient assumer les risques politiques des déséquilibres inhérents aux propositions
des techniciens de la planification et aux conséquences d’une agriculture tournée vers l’exportation agricole.
L’option stratégique du planificateur (plan quinquennal 1976-1980) ne visait pas à freiner la croissance du
pôle abidjanais amorcée depuis les années 50, mais plutôt chercher à contrebalancer le poids de son influence
par la promotion d’autres pôles de croissance. Il y a là, la preuve du rejet implicite du mythe du développement
équilibré et l’expression de la préférence d’une progression par déséquilibres successifs.
La structuration de l’espace national et la mise en œuvre des grands projets de développement apportent
les preuves matérielles du souci du planificateur d’articuler prospective et stratégie, et d’être en phase avec la
définition de la prospective définie comme une réflexion tournée vers l’avenir et la prise de décision.
L’extension du réseau routier et la réduction des temps de parcours entre le littoral et le reste du pays
situent sur l’ampleur des interventions étatiques à l’échelle de tout le pays et de la volonté de donner les
mêmes chances à tous les corps géographiques du pays en matière d’ouverture tant sur le pays que sur
l’extérieur (l’Afrique de l’Ouest et le monde).
La ventilation régionale des investissements de l’Etat entre 1971 et 1980 situe l’importance des interventions
publiques au cours de cette décennie où les investissements structurels majeurs de la morphologie actuelle de
l’espace socio-économique ivoirien ont été mis en place. Sur la masse globale des investissements et surtout
sur l’équivalent par tête d’habitant de ces investissements, le nord est loin d’être la partie la plus défavorisée
du pays aujourd’hui.
La place de Korhogo dans la hiérarchie urbaine révèle également que cette ville du nord a émergé
comme l’un des pôles majeurs effectivement programmé dans le modèle urbain rapidement mis en place par
un Etat ivoirien disposant d’importants moyens. Korhogo croît dans cette région, considérée à tort comme
marginale, au même rythme que les villes forestières du Centre-Ouest. Ce qui est donc en cause dans la
marginalité économique du nord c’est moins un désintérêt public à l’égard de la région nord que les effets
induits d’un choix de développement.
En effet, le planificateur a jugé important de définir une politique d’aménagement qui permette d’orienter
avec clarté les grandes orientations de développement du pays et de mener avec détermination la réduction

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des disparités de toute nature, existant ou se créant entre les diverses régions mais aussi la recherche d’un
développement en profondeur de chacune de ces régions. Ces objectifs impliquaient de facto une double
démarche nécessairement volontariste de l’Etat social.
Premièrement, rechercher une évolution des situations régionales tendant vers un progrès de l’ensemble
du pays en s’attaquant en priorité aux causes des déséquilibres ; c’est donc un équilibre dynamique entre le
développement respectif de chaque région qui est visé, étant entendu que cet équilibre ne peut être atteint
qu’à long terme. Deuxièmement, il s’agissait d’une part d’éviter le freinage du développement des régions
les plus dynamiques ; leur développement permet de démarrer et de soutenir le développement des régions
les plus pauvres ; et d’autre part, d’éviter une focalisation abusive du planificateur sur les problèmes du
court terme, quelle qu’en soit l’acuité, le risque étant ce faisant de s’attaquer aux effets plutôt qu’aux causes.
Cette option s’est matérialisée en deux approches qui ont contribué au dynamisme du développement
ivoirien : d’une part, le planificateur a cherché à reproduire le modèle de développement initialement mis en
place ; d’autre part, cette reproduction a été le plus souvent une reproduction corrigée (M. Penouil, 1983).
La reproduction extensive du modèle peut être repérée à deux niveaux.
a) D’abord, sur le plan géographique. Il est certain que les autorités ivoiriennes ont tenté de reproduire
dans le quart Sud-Ouest du pays le schéma qui avait réussi dans la partie Sud-Est. Certes, les conditions
humaines notamment étaient différentes du fait du vide démographique de l’Ouest. Il n’en demeure pas
moins que la volonté de créer le port et la ville de San Pedro, de réaliser un réseau routier autour de l›axe
Nord-Sud (Man-San Pedro) et de favoriser l’émergence d’activités agro-industrielles relèvent de cette volonté
d’imiter le modèle de développement concentrique du Sud-Est. S›il est possible d›attirer un nombre suffisant
de migrants, il sera convenable d›y réaliser une extension de l›économie caféière et cacaoyère. Le désir
de mettre en œuvre et en exploitation la forêt du Centre prolonge cette volonté d›imiter le modèle de déve-
loppement de l›Est. Il s’agissait d’aménager la vallée du Bandama autour d›exploitations agricoles de type
moderne, basées soit sur les plantations de caféier et de cacaoyer, soit sur la pêche ou la motorisation etc.
Dans une certaine mesure également, on rencontre une volonté de reproduire dans le nord du pays le
même schéma de développement. Ici, les obstacles ne sont plus simplement humains, ils sont également
d›ordre naturel et climatique. Les mêmes types de cultures ne pouvant pas être valorisées dans le nord,
il a fallu recourir à d›autres types de cultures d›exportation, notamment le coton puis la canne à sucre et
accessoirement le tabac et une gamme de cultures vivrières.
Il convient de noter que dans toutes les zones, le planificateur ivoirien a cherché à réaliser la même
combinaison de l›agriculture d›exportation et de l›agriculture vivrière en utilisant bien sûr les potentialités
originales de chaque zone. Ce qui veut dire que la reproduction extensive du modèle a également une
dimension sectorielle dans le quart Sud-Est du pays. La combinaison entre la culture vivrière et la culture
d›exportation s›est faite dans le sens de la diversification.
On peut donc dire que depuis les années 60, on assiste à une reproduction extensive du modèle dont
le trait majeur reste la combinaison de trois formes d›agriculture. L›agriculture vivrière assurant la subsis-
tance devenue par la suite un appoint important des revenus en milieu rural ; les plantations villageoises
assurant la distribution des revenus ; les plantations d›Etat assurant la mise en place d›agriculture moderne
très capitalistique.
b) Parallèlement, il est observable que cette foi dans la reproduction du modèle n›a pas été aveugle. Il
est notable que s›il y a eu reproduction du modèle, il y a aussi correction dans la reproduction du modèle. En
témoignent trois faits majeurs qui se dégagent des politiques agricoles et de planification à base régionale.

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Le premier est la réduction progressive de la séparation, très nette, qui existait au départ entre l›agriculture
vivrière et l›agriculture marchande : le plus souvent produites en assolement avec les cultures de rentes
(café, cacao, coton) promues par ailleurs, les cultures vivrières (riz, maïs, arachide, manioc, igname etc.) sont
devenues de véritables production de rente. Une large partie de la production vivrière se destine maintenant
au marché, générant des ressources non négligeables. C’est le cas de l’igname, du riz et de l’arachide.
Deuxième fait important. La politique de développement de la Côte d›Ivoire est basée sur le secteur agricole
très étroitement dépendant de la nature, de la qualité et de l›extension du réseau de transport. On a pu penser
dans un premier temps que ce réseau de transport serait un réseau très axé sur le port d›Abidjan et rayonnant
à partir de ce centre. En fait aujourd’hui, on voit que le schéma du réseau routier bitumé paraît se corriger selon
l›image à long terme du quadrillage du pays et il laisse préjuger du bitumage des axes transversaux d›Ouest en
Est, à savoir l›axe oblique Danané/Bouna-Bondoukou par Man-Séguéla-Mankono-Katiola-Dabakala et l›axe reliant
Odiénné à Bouna et dont une portion, réalisée entre 1980 et 1997 au cœur du pays Sénoufo, est déjà en service.
La situation en 2016 montre que deux axes Nord-Sud, celui de l›Ouest (réalisé entre 1975 et 1980) puis celui de
l›Est (réalisé entre 1995 et 2000) sont venus compléter l›axe traditionnel Abidjan-Bouaké-Ferkéssédougou ; cet
axe principal a été complété également par des axes transversaux (Ouest-Est) reliant San Pedro à Abidjan et au
Ghana (axes réalisés entre 1980 et 1990), puis Man à Abengourou par Daloa-Bouaké (1990-1995).
La correction du linéaire routier vers le Nord du pays depuis 1960 vaut aussi bien pour divers équipements
d›intérêt public comme les télécommunications, la santé, l›éducation, l›hydraulique villageoise dont le Nord
ivoirien était dépourvu au début des années 60.
En raison de son impact direct sur l›amélioration des conditions de vie des populations, les dirigeants
ivoiriens ont attaché une importante de premier ordre à l›équipement du pays, intérêt dont témoigne la taille
des budgets spéciaux d›investissements et d›équipement (BSIE), le volume et la diversité des résultats.
Sans revenir sur les tous aspects de ce «social hardi», rappelons que les efforts d›équipement ont été
menés avec le souci d›interconnecter le pays à ses principaux partenaires commerciaux et de relier les
différentes régions du territoire national entre elles. Mais, ces actions avaient aussi une dimension corrective
des disparités régionales. Dans ce cadre, les efforts en direction du Nord à partir des indicateurs précités
que nous avons analysés et les résultats atteints, sont importants.
A l›indépendance, l›insuffisance de ces équipements était patente au Nord. A partir de 1970, le souci
d›accroître les équipements pour assurer une bonne qualité de vie aux populations des villes et des cam-
pagnes ivoiriennes s›affirme, avec notamment la création des Fonds régionaux de développement rural
(FRAR) et son équivalent urbain les FIAU en 1973. Si la mise en service de ce dernier a tardé, les FRAR
ont constitué par contre un instrument efficace d›équipement des campagnes défavorisées. Ce système
de coopération entre l›Etat et les collectivités rurales a privilégié l›équipement des régions de savane où
les apports des collectivités ont été fixés à 20% des engagements financiers des projets à réaliser. Cette
formule originale a ainsi permis au Nord de construire des écoles, des centres de santé, des marchés etc.
Malgré le relèvement des revenus régionaux, le Nord ivoirien continue de bénéficier de ce système même
si la part des populations a été établie à 40%.
Les progrès réalisés dans les domaines de la télécommunication, de l›hydraulique villageoise ou de
l›électrification rurale sont tout autant substantiels. L›amélioration des conditions sanitaires et du recul
de l›analphabétisme sont sans doute les plus importants. Malgré les pesanteurs sociologiques dans ces
domaines, les structures de santé ont été multipliées et les taux moyens de scolarisation ont été portés de
15% en 1965 à environ 30% dans les départements du Nord. En somme, les indicateurs socio- économiques
sont entrés dans une spirale ascendante de tout point de vue ; ce qui n›était pas le cas il y a une quarantaine
d›années (J.-P. Peyon, M. Touré, 1999).

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Le troisième élément constitutif de cette stratégie de reproduction corrigée du modèle tient à une « com-
binaison entre une stratégie de développement équilibré et de développement déséquilibré » en deux volets.
Les schémas classiques en ce domaine ont été inefficaces en fin de compte en Côte d’Ivoire (M. Penouil,
1983).
Dans les premières phases de son histoire, il n’existe pas encore de polarisation du développement dans
la mesure où les points d’accès comme la ville capitale se sont déplacés de Grand-Bassam à Bingerville
puis à Abidjan. Les ressources du pays étaient des ressources essentiellement agricoles et l’industrialisation
dans ses premières phases était étroitement liée aux ressources naturelles et à l’introduction des premières
industries de substitution aux importations, par exemple dans le domaine textile. Mais ces industries n’étaient
pas alors nécessairement situées autour d’Abidjan. En réalité un schéma de croissance déséquilibré voire
polarisé n’est apparu en Côte d’Ivoire qu’après 1950, lorsque le port d’Abidjan a pu être ouvert. Pendant
une quinzaine d›années, l›activité économique s›est polarisée puis suivie du développement des inégalités
régionales qui out pu atteindre, à la fin des années 60, une proportion quasi-intolérable.
C›est alors que sont développées les actions précédemment évoquées de mise en valeur du Sud-Ouest,
du Centre et du Nord et le lancement de nouvelles cultures : le coton d›abord, le riz, le sucre, les palmiers à
huile par la suite. Dans le même temps, certains efforts ont été entrepris pour assurer une certaine décentra-
lisation industrielle aussi bien dans le secteur textile que dans le secteur agro-alimentaire ; et également un
effort de structuration administrative et de création d›infrastructures sociales a été mené à bien permettant
de créer des villes qui sont de petites capitales régionales.
Parallèlement, le planificateur a mis en place une «subtile combinaison entre la théorie des pôles et celle
dite de la base exportatrice» (A. Dubresson, 1989). Elle visait à contrebalancer le poids excessif d’Abidjan
par la promotion de pôles régionaux de croissance afin de stimuler le développement en lieu et place du
saupoudrage des investissements et des efforts. Quinze ans après l›introduction modulée du schéma et
des propositions visant à faire émerger des espaces de développement intérieurs, la perplexité a gagné à
juste titre les praticiens de la planification régionale G. Ancey et M. Pescay (1983) et ce schéma s’est avéré
difficilement applicable au cas ivoirien. L’Etat interventionniste n’arrive pas encore à corriger les disparités
spatiales de production dans un pays devenu bicéphale après 20 années de lutte contre les disparités
régionales (1960-1980). Mais, la physionomie du territoire a été complètement modifiée (M. Touré, 2004).
La différenciation écologique en bandes Est-Ouest, d’abord fortement perturbé par le moule colonial, a
été totalement remanié. Au Centre, le foyer de peuplement du pays baoulé est devenu actif, en partie grâce
aux investissements faits par l’Autorité de l’aménagement de la Vallée du Bandama (AVB), que le barrage de
Kossou a cherché à soutenir. Yamoussoukro bénéficie de sa position centrale et surtout de capitale politique
depuis 1983 ; le village présidentiel a été quasiment transformé en ville nouvelle où ont été délocalisées
certaines grandes écoles (ENSTP) et certains services publics ; même si ces investissements ont été jugés
surdimensionnés (notamment la construction de la basilique), on perçoit bien la volonté des autorités de
rééquilibrer le développement ivoirien vers le Centre (J.-P. Peyon, M. Touré, 1999). Le Sud-Ouest, long-
temps isolé en forêt, a fait l›objet d›investissements remarqués ; le vide démographique du Sud-Ouest a
été progressivement comblé par l’attrait de populations d’origine diverses (nationaux et étrangers) ; et les
réalisations de l’aménagement de la Région du Sud-Ouest (ARSO) articulées autour du nouveau port de
San Pedro y ont favorisé l’émergence d’une économie régionale.
L’ensemble des actions et opérations menées dans ce cadre global a produit des résultats non négli-
geables, mais encore trop partiels pour résoudre les problèmes majeurs exposés plus haut et pour renverser
les tendances à la concentration des activités et des hommes vers le Sud forestier et vers Abidjan. Toutefois,
ces actions et opérations ont marqué une maturation de la stratégie de la politique d’aménagement du ter-
ritoire et une nouvelle orientation proposée par les conclusions de l’Etude nationale prospective en 1995.

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La question centrale reste alors de savoir quels pourront être, dans un contexte de croissance retrouvée,
les nouveaux points d’ancrage d’un redéploiement harmonieux des hommes et des activités sur le territoire
national ? L’analyse des référents théoriques affichés de la nouvelle politique d’aménagement du territoire
permet de répondre à cette question.

TABLEAU 3

RÉFLEXIONS AUTOUR DES NOUVELLES OPTIONS STRATÉGIQUES DE LA NOUVELLE


POLITIQUE D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Depuis la période des grands travaux d’aménagement régionaux, le gouvernement ivoirien avait sus-
pendu la politique d’aménagement du territoire que les finances publiques supportaient difficilement avec
la survenue de la crise des années quatre-vingt. En mars 2006, une déclaration adoptée en conseil de
ministres et diffusée le 29 juin 2006 au cours d’une cérémonie organisée à l’Hôtel Ivoire a remis en selle la
politique d’aménagement du territoire.
La nouvelle politique d’aménagement (2007-2020) vise six (6) objectifs généraux, chaque objectif étant
décliné en objectifs spécifiques (encadré 1), et elle repose sur une stratégie et des moyens institutionnels
et financiers.
Au fond, les éléments fondateurs de la politique d’aménagement du territoire, ne sont pas sans rappeler
la philosophie du planificateur ivoirien des trente glorieuses. On retrouve à quelques innovations près les
mêmes objectifs, stratégies et moyens de mise en œuvre. Tout comme la nouvelle, la conception des actions
d’aménagement du territoire en Côte d’Ivoire a toujours privilégié « la meilleure exploitation possible » des
potentialités de chacune des régions ivoiriennes, les synergies permettant d’assurer une croissance forte
bénéficiant à l’ensemble du pays et contribuant de ce fait à l’unité nationale. Et les objectifs ont toujours été
très explicites : augmenter à court terme la production globale, éviter une concentration des hommes et des
activités engendrant une disparité de revenus politiquement inacceptable et conduisant à négliger la mise en
valeur d’une partie du pays.

Encadré 1 : Les six objectifs de la nouvelle politique d’aménagement du territoire


1. Édifier une Côte d’Ivoire plus forte et solidaire, plus attractive et compétitive, avec un marché national,
sous-régional, régional et mondial, dans lequel chaque localité du pays optimise dans la complémen-
tarité, ses avantages comparatifs ;
2. Assurer la cohésion du territoire en veillant à corriger les disparités régionales, à réduire les inégalités
spatiales et à sauvegarder l’environnement ;
3. Exprimer la solidarité nationale au profit des territoires les plus défavorisés ou confrontés à des
mutations socio-économiques ;
3. Encadrer la croissance des zones dynamiques contribuant à renforcer le potentiel national ;
4. Assurer l’exploitation rationnelle des ressources et des potentialités là où elles se trouvent, et cela
au service du développement national, régional et local ;
5. Favoriser un développement durable.
Source : Ministère du Plan, mars 2006, Déclaration de politique nationale d’aménagement du territoire du territoire
de la république de Côte d’Ivoire, 16 p.

Cependant, il n’y a jamais eu réellement de choix entre le meilleur « aménagement du territoire » possible.
Le déploiement de l’appareil institutionnel ne procède pas vraiment d›une recherche de la complémentarité

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optimum entre les espaces composant le territoire national ; et les actions de développement régional ne
sont pas opérées dans un souci d›autosuffisance régionale en recentrant la croissance à une autre échelle
que celle de l›ensemble national.
En réalité, comparées aux « alternatives », les options stratégiques de lutte contre « les déséquilibres
inter et intra-régionaux » relèvent plutôt « d›inflexions importantes que d›un renversement complet des ten-
dances » (Ancey G. et Pescay M., 1983). Toute tentative de développement régional suppose que l’action
volontariste publique soit enracinée dans les dynamismes locaux, s’ils existent ; renverser les effets des
mécanismes de concentration implique une transformation totale des règles du jeu ainsi que des structures
dont le fonctionnement entretient la concentration ; cette transformation est impossible sans avoir recours,
au moins sous forme participative, aux forces sociales locales. Or aujourd’hui comme hier, les pratiques
d’aménagement révèlent, en réalité, une intervention permanente et accrue du pouvoir central, tant dans
le domaine de la conception que dans celui de la mise en œuvre des projets.
Dans le même temps, les efforts de décentralisation sont encore partiels. Et la tendance est plutôt au
renforcement de la suprématie d’Abidjan. En témoignent le projet de « Grand Abidjan », la modernisation
du port d’Abidjan et son extension sur le site de l’île Boulay ainsi que la mise en place d’équipements
d’envergure internationale dans la nouvelle aire métropolitaine avec la création de la zone franche à Grand-
Bassam (M. Touré, 2012).

CONCLUSION
Une relecture approfondie et croisée du corpus documentaire du ministère ivoirien du plan laisse trans-
paraître une conduite intelligente du développement national à partir de l’appréciation réaliste du contexte
social, géographique, des ressources et de l’organisation spatiale héritée de la colonisation.
L’aménagement du territoire se traduit par la continuité avec la logique productiviste imprimée par le
système colonial à travers une approche volontariste et reposant sur le modèle itinérant et agro-exportateur.
L’Etat ivoirien élargit la base de l’accumulation, lancée dans le Sud-Est, par le déploiement à différents pas
de temps de projets agricoles d’envergure. Parallèlement aux nombreuses actions intégrées, dotées de gros
moyens, plus discrètes mais nombreuses, les opérations sectorielles (plans palmier, cocotier, hévéa, coton,
sucre, soja, etc.) concourent au même but de promotion régionale dans toutes les campagnes ivoiriennes,
notamment dans le Nord ivoirien où ces actions prennent une ampleur particulière.
La fin de la décennie 1960-1970 marque un changement de cap. Au modèle de production assis sur
l’arboriculture d’exportation est associé un autre deuxième modèle qui intègre les questions de diffusion
spatiale de la croissance. Il s’agit de la politique des villes au travers des pôles urbains à différents niveaux
d’échelle : des pôles à vocation internationale, des pôles principaux et des pôles secondaires. Cette arti-
culation apparaît alors comme une démarche pertinente pour tenir les objectifs nationaux de production
agricole et faire face aux disparités émergentes matérialisées par la trop grande influence d’Abidjan dans
le réseau urbain souche.
La subtile combinaison entre le modèle de production et la structuration de l’espace est le résultat d’un
long processus depuis l’indépendance d’appropriation de la problématique de l’aménagement du territoire
dans un pays dont les réalités socio-économiques sont peu connues. Cela se traduit par la collecte de
données régionalisées suivies de plans quinquennaux amendés par des études connexes menées depuis
le milieu des années 60. C’est véritablement le troisième Plan quinquennal (1976-1980) qui concrétise le
modèle productiviste et urbain. Ce montage entre le souci de produire et de structurer l’espace ivoirien
avait un double objectif : continuer la croissance en modernisant la production agricole, mais assurer une
répartition équitable des fruits de la croissance par l’atténuation du poids d’Abidjan dans le réseau urbain

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en insufflant une dynamique aux villes intérieures par des actions en faveur de l’agriculture et de l’industrie.
Ce qui permettra, à terme, d’atténuer les disparités régionales de production.
La combinaison est heureuse au bout du compte : elle a permis à la Côte d’Ivoire de garantir l’équilibre de
sa balance commerciale et a bouleversé la physionomie des villes du réseau urbain souche. Les stratégies
d’investissements dans les villes (ou SIVI) ont permis de créer de nouvelles villes (San Pedro et Yamous-
soukro) et de renforcer l’équipement urbain des pôles d’équilibre comme Korhogo, Bouaké, Gagnoa, Daloa,
Abengourou, Odienné, Bondoukou, etc. Aujourd’hui toutes les villes ivoiriennes sont dotées d’un minimum
d’activités spécifiques nécessaires à leur fonctionnement quotidien.
Pourtant, la combinaison n’a pas encore résolu la question de la meilleure répartition des hommes et
des biens puisque les tendances montrent que le poids économique d’Abidjan et des régions circumpolaires
tendent à se renforcer. La réduction de certains écarts Nord-Sud, revenus et équipements, n’a nullement
empêché la poursuite des mouvements migratoires vers les forêts et les villes méridionales. Ce sont les
régions forestières les plus riches qui fournissent les plus forts contingents de néo-citadins, particulièrement
à la métropole abidjanaise, dont la fulgurante croissance est devenue une véritable obsession pour les
pouvoirs publics. En 1998, la métropole ivoirienne concentre le cinquième des 15 millions d’habitants, près
de la moitié des 6 millions d’urbains du pays et catalyse la majorité des activités économiques, soit environ
90% de l’appareil manufacturier du pays en 2003.
La tendance actuelle laisse l’impression que le problème de la polarisation donne toujours lieu aux mêmes
remèdes. Pendant que la nouvelle politique de l’aménagement du territoire reconnaît que le réseau urbain
est inadapté à cause du poids important d’Abidjan dans les emplois, services et industries, les grands pro-
jets en cours depuis au moins 2000 renforcent le pouvoir d’attraction et de rétention de l’aimant abidjanais.

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