Esquisse D'une Histoire de La Traduction en Afrique
Esquisse D'une Histoire de La Traduction en Afrique
Esquisse D'une Histoire de La Traduction en Afrique
Meta
Le prisme de l’histoire
Volume 50, numéro 3, août 2005
URI : id.erudit.org/iderudit/011607ar
DOI : 10.7202/011607ar
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dutilisation/]
paul f. bandia
Université Concordia, Montréal, Canada
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RÉSUMÉ
Cet article a pour but de dresser l’esquisse d’une histoire de la traduction en Afrique
subsaharienne qui couvre les périodes-clé de son histoire ainsi que les principales ré-
gions du continent. De l’époque précoloniale à l’époque néocoloniale actuelle, la traduc-
tion et l’interprétation ont toujours aidé à faciliter la communication entre divers
groupes, que ce soit pour faire le lien entre les souverains et leurs sujets, entre les
colonisateurs et les colonisés ou encore, aujourd’hui, entre les communautés linguisti-
ques d’une Afrique hautement multilingue et multiculturelle. La traduction a touché tous
les secteurs d’activité en Afrique au cours des siècles, tant sur le plan politique qu’admi-
nistratif, culturel et religieux. Dans ce contexte, la traduction s’est faite entre diverses
combinaisons de langues : arabe, langues africaines et langues européennes. On peut
compter aussi des formes traditionnelles de traduction intersémiotique. Tracer une his-
toire de la traduction en Afrique c’est présenter l’histoire riche et complexe de ce conti-
nent, de tous les échanges et contacts qui ont forgé son identité et défini son destin.
ABSTRACT
This paper aims to present an overview of the history of translation in Sub-Saharan
Africa, and attempts to cover the major periods of its history and the main regions of the
continent. From precolonial times to today’s neocolonial period, translation and
interpreting have always played a major role in enabling communication between dispa-
rate groups such as between kings and their subjects, colonizers and colonized, or in
more contemporary times, between linguistic communities in a highly multicultural and
multilingual Africa. Over the centuries, translation has been involved in many key sectors
of activity in Africa ranging from politics and administration to culture and religion.
Translation in this context has involved a great variety of language combinations
between African languages, European languages and Arabic, as well as some traditional
forms of intersemiotic translation. The history of translation in Africa reflects the rich
and complex history of the continent and the various linguistic and cultural contacts and
exchanges that have shaped and defined its destiny.
MOTS-CLÉS/KEYWORDS
Afrique subsaharienne, traduction postcoloniale, tradition orale, langues vernaculaires,
traducteurs-performeurs
Meta, L, 3, 2005
L’époque précoloniale
Les recherches dans le domaine de l’histoire orale, en particulier les travaux de
Vansina (1985), Bascom (1964, 1965), Finnegan (1970) et Okpewho (1992), ont
fourni des informations précieuses sur l’histoire de la traduction en Afrique
précoloniale. Les missionnaires européens et les explorateurs ont aussi décrit certains
aspects de la tradition orale africaine dans la période qui a suivi les premiers contacts
entre l’Europe et l’Afrique.
Étant donné son caractère préhistorique, c’est-à-dire une histoire au départ
presque entièrement non écrite, l’histoire ancienne de l’Afrique a surtout été trans-
mise par la tradition orale de génération en génération. Dans cette tradition, la per-
sonne qu’on a parfois appelée « linguiste professionnel » se rapproche dans une
certaine mesure du traducteur/interprète d’aujourd’hui. Il s’agit en quelque sorte
d’un porte-parole officiel d’un village ou d’une ethnie. On le croyait doué d’un talent
spécial pour la narration de l’histoire et de la culture et il était ainsi chargé de préser-
ver en mémoire le patrimoine de son peuple. Dans la plupart des sociétés africaines,
le « linguiste professionnel » appartenait à une lignée d’orateurs doués. Plusieurs tra-
vaillaient à la cour des grands rois des royaumes du Mali, du Zimbabwe ou du
Ghana, parmi d’autres. Ces linguistes jouissaient d’une position privilégiée dans la
société et d’un certain pouvoir politique, étant porte-parole des chefs et des rois.
Danquah (1928 : 42) indique que non seulement le « linguiste » ashanti était-il chargé
de répéter clairement les mots de son chef pour que l’audience comprenne le mes-
sage en lui conférant l’autorité voulue, mais on s’attendait aussi à ce qu’il améliore le
discours d’un chef manquant d’éloquence. Cependant, en aucun cas il ne devait en
modifier le contenu. Il pouvait simplement rallonger ou restructurer les phrases tout
en y insérant quelque commentaire ou réflexion humoristique ou philosophique, des
touches qui valaient au linguiste et à son chef d’être célébrés pour leur ingéniosité.
Chez les ethnies qui se trouvent de nos jours dans la sphère francophone, ces « lin-
guistes » étaient appelés griots. Les griots étaient reconnus pour leur habileté à parler
plusieurs langues et grâce à leur rôle d’interprète, la poésie d’une culture pouvait être
diffusée sur un vaste territoire, touchant plusieurs langues et cultures. On doit la
survie des récits épiques africains en grande partie à ces griots.
Le langage hautement ésotérique qu’employaient les chefs traditionnels ou les
sages dans l’Afrique traditionnelle rendait souvent nécessaire la médiation d’un
interprète pour faciliter la communication entre le pouvoir et le peuple. Les interprètes
étaient parfois requis pour simplifier le langage qu’utilisaient les membres de sociétés
secrètes ou pour embellir les discours prononcés lors d’événements publics tels que
les sermons, les incantations religieuses ou les mariages. Le langage utilisé lors de ces
cérémonies suivait des conventions de style rigides, et une phraséologie préétablie,
incorporant proverbes et mots de sagesse inconnus des non-initiés. Le rôle de média-
teur entre les classes dirigeantes et le peuple que jouaient les interprètes leur procurait
beaucoup de respect dans ces sociétés hautement organisées et hiérarchisées. Cepen-
dant, ils formaient une classe à part que l’on redoutait aussi et dont on se méfiait.
Une autre forme de « traduction » répandue en Afrique précoloniale est associée
au langage des tambours et du tam-tam. Il s’agit d’un type de communication où
l’instrument est utilisé pour transmettre un message au lieu de la parole. Les instru-
ments reproduisent le ton et le rythme de la parole. Cela est donc une forme de
Une fois que les Portugais eurent assuré leur présence sur le continent, ils com-
mencèrent à enseigner l’écriture (en alphabet romain) aux Africains. Les premières
traductions de littérature africaine en langue européenne se firent vers le portugais. Il
y a d’ailleurs des preuves historiques que la littérature africaine traduite en portugais
vit son apogée au xixe siècle. Les premiers missionnaires portugais tenaient à offrir
aux Africains un enseignement de niveau au moins primaire. Quelques écoles furent
établies par les Jésuites qui enseignaient le portugais et le latin et qui montraient un
certain intérêt pour les langues africaines. Les missionnaires ont vite pris conscience
qu’ils pourraient mieux répandre l’Évangile chez les Africains par le biais des langues
locales. Ceci les amena à développer des systèmes d’écriture pour ces langues orales.
Des dictionnaires, des grammaires et des catéchismes apparurent en deux, trois ou
même quatre langues. Ces travaux des Portugais et les écoles qu’ils fondèrent inspi-
rèrent, plus tard, le mouvement littéraire connu sous le nom de Groupe de 1880
(Hamilton 1975). Le mouvement de 1880 lança une revue bilingue (portugais/
kimbundu) intitulée O Echo de Angola (L’Écho de l’Angola), dans laquelle furent
publiés parmi les tout premiers textes traduits d’une langue européenne vers des
langues africaines. De ce groupe de 1880 est issu l’un des premiers traducteurs/
terminologues de l’Afrique, Joaquin Dias Cordeiroo Da Matta, auteur de Philosophia
popular em proverbios angolanos (Philosophie populaire dans les proverbes angolais). Il
s’agissait d’une collection de proverbes et de devinettes kimbundu traduites en por-
tugais. Da Matta publia aussi un dictionnaire kimbundu-portugais que l’on consi-
dère encore comme un « monument d’érudition » (Hamilton 1975 : 15). Toutefois,
l’approche coloniale assimilatrice et ethnocentrique adoptée par les autorités portu-
gaises eut raison de tous ces travaux des premiers missionnaires catholiques qui
auraient pu donner naissance à une florissante littérature africaine s’ils n’avaient été
supplantés par des textes en langues européennes plus tard.
Quelques Africains qui furent asservis puis éduqués produisirent des travaux en
latin que l’on considère comme étant des traductions de la tradition orale. On peut
citer le cas de Juan Latino, un esclave noir qui entra au service d’un général espagnol
en 1530 et qui devint professeur de latin à l’université de Grenade. La poésie panégy-
rique qu’il écrivit semble être une simple « transposition » du modèle africain de
poème d’éloge qu’il aurait adapté au contexte européen. Latino écrivit surtout en
latin comme l’exigeait la tradition de l’époque. Bien qu’esclave, Juan Latino, comme
bien d’autres latinistes, contribua au développement de la littérature et de la pensée
classiques. Ces faits furent découverts par le chercheur et historien africain Cheikh
Anta Diop vers le milieu du xxe siècle (voir Diop 1974).
La tradition de l’écriture africaine en latin s’estompa vers la fin du xvie siècle,
alors que la traite des esclaves s’intensifiait et que les Noirs étaient souvent privés
d’éducation. Certaines nations du Nord s’étaient maintenant jointes à ce commerce
de plus en plus lucratif. Les commerçants hollandais devinrent particulièrement
actifs dans ce commerce et les quelques savants d’origine africaine dont les travaux
pourraient nous éclairer sur l’histoire de la traduction à cette époque furent surtout
instruits en allemand et en hollandais. C’est le cas de Amo, par exemple. Né en 1703
sur le territoire de l’actuel Ghana, il fut envoyé en Hollande par un pasteur de l’église
réformiste hollandaise où un noble allemand le prit sous sa protection et lui permit
d’étudier à l’université sous Christian Wolff, un disciple connu de Leibniz. Cet esclave
africain devint ainsi un philosophe érudit qui, dit-on, savait parler l’allemand, le
Le partage de l’Afrique
La conférence de Berlin sur le partage de l’Afrique noire (1884-1885) donna le signal de
départ pour la colonisation à grande échelle du continent. À partir de 1890, l’Afrique
a été découpée selon les sphères d’influence européennes, sans aucune considération
pour les frontières naturelles ou ethniques. La naissance de littératures africaines en
portugais, en anglais ou en français est le résultat de la domination coloniale euro-
péenne qui suivit cette « bousculade pour l’Afrique ».
L’histoire de la traduction en Afrique à cette époque est étroitement liée aux
politiques adoptées par les administrations coloniales européennes. Alors que la
France et le Portugal avaient adopté une politique d’assimilation des « indigènes », la
Grande-Bretagne préférait l’indirect rule, une approche indirecte de l’administration
et du pouvoir. Ces politiques peuvent expliquer la carte linguistique de l’Afrique.
Dans les colonies françaises et portugaises, l’éducation en langue vernaculaire était
quasi inexistante, alors que dans les colonies anglaises, elle était encouragée, bien que
ce fût pour des raisons d’opportunisme.
La littérature en langues vernaculaires était surtout encouragée par les mission-
naires protestants dont l’objectif principal était la conversion des Africains vers le
christianisme. Il subsiste de cette période un volume important de littérature en lan-
gues africaines, dont le but unique était de répandre l’Évangile. Néanmoins, dans les
régions sous domination britannique, on a vu naître très tôt une tradition littéraire
bilingue, avec au départ des ouvrages en langues vernaculaires puis, plus tard, des
œuvres écrites en anglais.
Les Français, de leur côté, se soucièrent plutôt de créer une sorte de « France outre-
mer » où les sujets coloniaux devaient se transformer en bons citoyens de la France,
maîtrisant parfaitement la langue et la culture françaises. Les quelques tentatives par
des Africains de produire des œuvres écrites en français furent cependant vouées à
l’échec au tout début. Leur travail n’était pas pris au sérieux parce qu’on considérait
que leur français n’était pas parfait. Cette attitude, adoptée entre autres par l’Académie
française, a rendu la tâche plus ardue pour les colonisés de l’Afrique française, qui ne
pouvaient pas « traduire » leur tradition orale en français avec la flexibilité et l’ingé-
niosité dont jouissaient leurs pairs anglophones. Par conséquent, de cette époque, il
reste beaucoup plus d’ouvrages de facture locale en anglais qu’en français.
L’époque postcoloniale
Les années entourant les indépendances, soit les décennies 1950 et 1960, virent
l’émergence d’une nouvelle étape dans l’histoire de la traduction en Afrique. On pra-
tiquait à cette époque trois types principaux de traduction : la traduction religieuse,
la traduction littéraire et la traduction administrative pour la fonction publique.
La traduction religieuse qui avait débuté à l’époque coloniale se poursuivit dans
la période postcoloniale. Les missionnaires européens continuaient d’apprendre les
langues locales afin de poursuivre leur travail d’évangélisation, surtout pour pouvoir
traduire la Bible et d’autres textes religieux. Parmi les pionniers de la traduction
biblique on compte S. W. Koealle, J. F. Schon et l’évêque nigérian Samuel Ajayi
Crowther, reconnu pour sa traduction de la Bible en ibo et en yoruba. Jusqu’à présent,
la Bible a été traduite en plus de 100 langues africaines. Les mouvements évangé-
liques, surtout américains, et des groupes bien organisés et subventionnés tels que
The American Bible Society ayant pour tâche de traduire les évangiles en langues
africaines ou en langues hybrides de grande diffusion (le pidgin, par exemple) ont
continué de sillonner le continent. Le célèbre linguiste-traductologue Eugene Nida
est une figure de proue de cette organisation et a lui-même participé à ces activités de
traduction en Afrique, plus récemment à Édéa au Cameroun (Nama 1993 : 420). Bien
L’époque néocoloniale
L’époque néocoloniale désigne le contexte actuel en Afrique, plusieurs décennies après
les indépendances. Plusieurs organisations économiques et internationales ont été
créées afin d’améliorer la coopération entre les États africains, augmentant ainsi la
nécessité de faire appel à des traducteurs de langues européennes. Quand l’Organisa-
tion de l’unité africaine (OUA) fut fondée en 1962, l’anglais, le français, le portugais,
l’espagnol et, dans une moindre mesure, l’arabe ont été déclarées langues officielles de
travail. La décision d’utiliser des langues européennes plutôt que des langues africaines
comme moyen de communication entre les pays membres fut sévèrement critiquée
par plusieurs qui y voyaient un signe du sort qui attendait l’Afrique.
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) réu-
nit 16 pays qui ont adopté l’anglais et le français comme langues de travail. D’autres
organisations telles que le Centre du riz pour l’Afrique (ADRAO) et l’Association
internationale de la sécurité sociale (AISS), pour n’en nommer que deux, ont fait de
même. Ces organisations presque sans exception font appel surtout à des traducteurs
et interprètes travaillant en langues européennes.
La formation des traducteurs est donc un phénomène assez récent dans la plupart
des pays d’Afrique. C’est ce qui explique la pénurie de traducteurs bien formés et
compétents. Simpson (1985 : 107) cite une étude commandée par le CNUCED pour
évaluer la « nécessité de créer un réseau de soutien à la formation de traducteurs,
d’interprètes et services linguistiques, et la faisabilité d’établir un tel service s’il s’avérait
nécessaire ». Cette étude recommande entre autres la création d’une école régionale
de traduction et d’interprétation.
Les changements politiques récents en Afrique du Sud ont donné lieu à la nécessité
de revoir de fond en comble les programmes de formation des traducteurs dans le
pays. La constitution mise de l’avant par l’ANC pour l’Afrique du Sud post-apartheid
reconnaît 11 langues officielles dont la plupart sont des langues africaines. Dans le
passé, les écoles de traduction ne se souciaient que de l’anglais et de l’afrikaans. Les
programmes actuels doivent tenir compte des langues africaines. On a recommandé
que les programmes de traduction soient le lieu de promotion du multilinguisme et
qu’on tente d’y éliminer les préjugés linguistiques et les inégalités sociales qui ont
tant marqué l’Afrique du Sud. Pour ce faire, les traducteurs doivent être formés non
seulement au niveau du 2e cycle, mais à tous les niveaux. On croit qu’en ajoutant un
aspect de prise de conscience linguistique au cursus des programmes de traduction, on
réussira à vaincre les préjugés linguistiques et à amener à instaurer le respect des droits
linguistiques de tous les citoyens dans une société démocratique de l’après-apartheid.
On croit aussi que le fait d’inscrire ces droits dans la constitution donnera lieu à une
expansion et à une professionnalisation des services linguistiques dans le pays. L’in-
terprétation communautaire est aussi encouragée, surtout sur le plan des soins de
santé et des services sociaux, afin d’éviter l’aliénation des locuteurs qui ne parlent ni
anglais ni afrikaans. La recherche terminologique jouera aussi un rôle de plus en plus
important, surtout dans les programmes destinés aux traducteurs travaillant dans les
langues africaines (Kruger 1994).
d’occuper des postes considérés comme parmi les meilleurs de la fonction publique.
Ils se plaignent cependant de ne pas être aussi reconnus que certains fonctionnaires
n’ayant aucune compétence professionnelle (voir Nama 1990).
Il n’est donc pas surprenant de constater que plusieurs traducteurs africains pré-
fèrent travailler pour les organisations internationales telles l’OUA ou l’ONU où ils
sont souvent mieux payés et atteignent souvent des postes administratifs de haut
niveau. Plusieurs traducteurs africains travaillent ainsi dans les agences d’organisations
internationales telles UNICEF, l’UNESCO, le FMI, la FAO et la Banque mondiale. Les
procès de crimes contre l’humanité concernant le génocide du Rwanda qui ont eu lieu
à Arusha en Tanzanie ont fait appel aux services de plusieurs traducteurs-interprètes
de partout en Afrique.
Il y a aussi des traducteurs pigistes travaillant dans certains pays africains. Ces
traducteurs répondent souvent aux besoins des agences africaines de multinationales
ou à des entreprises locales du secteur privé. Les gouvernements font rarement appel
aux services des agences de traduction parce qu’ils comptent déjà des traducteurs
parmi les rangs de leurs fonctionnaires. La traduction à la pige est assez lucrative
mais non réglementée et elle a tendance à attirer un grand nombre de diplômés de
tous horizons, sans aucune formation en traduction. En effet, avec la mondialisation
du marché, l’Internet et la nouvelle technologie, l’industrie langagière s’est dévelop-
pée bien au-delà du travail habituel du traducteur et englobe toutes sortes d’activités
liées aux services de communication. On y trouve actuellement des informaticiens,
des localisateurs et des terminologues et spécialistes en intelligence artificielle. Il est
devenu chose commune de voir des traducteurs en Afrique travailler par Internet sur
des contrats octroyés par des compagnies ou des agences en dehors de l’Afrique.
Associations professionnelles
Le manque de reconnaissance de la profession de traducteur en Afrique est sans
doute en partie reliée à l’absence d’associations professionnelles. Au Cameroun où la
profession est la mieux développée grâce au statut de bilinguisme officiel (anglais/
français) du pays, il n’existe toujours pas d’association professionnelle pour les tra-
ducteurs. Les efforts dans ce sens ont toujours été tacitement découragés par le gou-
vernement, qui est aussi le principal employeur dans le domaine. Les gouvernements
africains se méfient pour la plupart de tout groupe indépendant rassemblant des
intellectuels ; les traducteurs ne font pas exception. On compte en effet très peu d’as-
sociations professionnelles de traducteurs en Afrique, bien que les quelques associa-
tions qui ont vu le jour ont tendance à s’associer étroitement avec des organismes
internationaux de traduction et d’interprétation tels que la FIT ou l’AIIC.
En octobre 1982, la FIT, en collaboration avec l’UNESCO, organisait une réunion
consultative avec des professionnels en Afrique, à Lomé au Togo, dans le but d’étudier
les problèmes de cette profession propres à l’Afrique. La réunion eut lieu six ans après
la rencontre des ministres africains de l’Éducation qui se tint à Nairobi en 1976, où
certaines recommandations avaient était faites concernant l’organisation de la profes-
sion, de la formation des traducteurs et interprètes et des questions de terminologie
en Afrique (une liste complète des recommandations se trouve dans Simpson 1985 :
109-110). Ces réunions eurent un effet bénéfique sur la profession en lui donnant un
statut officiel reconnu par les gouvernements africains. On recommanda, entre
NOTES
1. La version anglaise, Translators through History, est publiée chez John Benjamins Publishers.
2. Voir entre autres les articles sur le Cameroun, le Nigéria, l’Afrique de l’Est, l’Afrique du Sud,
l’Afrique lusophone et l’Afrique francophone publiés dans Meta, Babel ou TTR.
3. Voir les travaux de Cheikh Anta Diop, Antériorité des civilisations nègres : mythe ou vérité historique ?,
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