Bonilla Castro Alejandro Circulation Des Modeles D'urbanisation
Bonilla Castro Alejandro Circulation Des Modeles D'urbanisation
Bonilla Castro Alejandro Circulation Des Modeles D'urbanisation
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À mes deux Étoiles.
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REMERCIEMENTS
Un merci spécial mérite mon tuteur, Alain Musset, avec qui j’ai tenu des réunions
avant de venir en France et qui a toujours été là pour non seulement me guider dans le
travail académique, mais aussi pour partager de nombreuses conversations sur nos
passions communes. Merci beaucoup Alain !
Mon passage dans les terres colombiennes, au cours de mes recherches à l’UNAL,
m’a laissé de grands collègues et amis. Aux professeurs Ana Patricia Montoya et Jorge
Ramirez, je suis profondément reconnaissant pour leurs conseils académiques au cours
de mon stage et pour leur grande amitié, ainsi que pour la direction et tout le personnel
de l’Institut d’études urbaines et des archives générales de l’UNAL.
-2-
RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS
Résumé
Après 1945, l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Organisation des États
américains (OEA) et le Point IV furent trois des promoteurs les plus importants des
programmes d’assistance technique au niveau mondial et régional. Ces programmes, qui
ont été influencés par le modèle du Service créé par l’Institut des affaires
interaméricaines (IAIA) dans les années 1940, ont favorisé la circulation des savoirs de
la planification urbaine en utilisant diverses stratégies : les missions d’experts, la
distribution de matériel pédagogique, les programmes de bourses d’études, la création
de normes et la tenue de conférences internationales. Ces programmes reflétaient une «
mondialisation solidaire » dont la principale caractéristique était de promouvoir le
développement économique et social dans les pays « sous-développés » par le biais de
principes universels qui pourraient être reproduits à l’échelle mondiale. Au niveau de
l’Amérique latine, l’OEA, l’ONU et le Point IV, future Agence des États-Unis pour le
développement international (USAID), étaient charges de mettre en œuvre ces pratiques.
Le Costa Rica s’est bénéficié de ces programmes qui devaient lui permettre de résoudre,
par des moyens institutionnels, les problèmes du logement populaire et de l’urbanisme
dans sa région métropolitaine. Depuis sa fondation en 1954, l’Institut national du
logement et de l’urbanisme (INVU) s’est engagé dans cette « mondialisation solidaire »
en envoyant ses fonctionnaires à l’étranger afin de se former, de participer aux
séminaires et congrès internationaux et, en même temps, afin qu’ils demandent l’aide
d’experts pour renforcer leur appareil institutionnel et leurs instruments de planification.
A partir de sources diverses dans des archives institutionnelles du Costa Rica, la
CEPALC, l’UNESCO, les Nations Unies et le programme CINVA de l’OEA conservé à
Bogotá, cette thèse propose d’analyser dans le cadre des programmes internationaux
d’assistance technique le processus de circulation des savoirs de la planification urbaine
au Costa Rica et les mécanismes d’appropriation, d’hybridation et de rejet d’instruments
de planification, de modèles urbains et de la fonction sociale de propriété foncière
utilisées par l’INVU pour construire les politiques publiques de logement et d’urbanisme
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entre 1954 et 1986. À cet égard la thèse analyse le parcours historique des programmes
d’assistance technique dans diverses gouvernances mondiales, tels que
l’internationalisme et la mondialisation solidaire; le processus d’institutionnalisation
des programmes d’assistance technique dans la politique étrangère du Costa Rica;
l’internationalisation naissante du Costa Rica dans le cadre des congrès panaméricains
d’architecture réalisés avant 1950; la création de réseaux professionnels d’urbanistes et
la participation de l’INVU en diverses espaces de liaison par le biais de programmes
d’assistance technique; la mutation des savoirs et la conception d’un agenda spécifique
pour l’Amérique centrale; et l’appropriation, hybridation et rejet de cet agenda au sein
de l’INVU.
Mots clés
Histoire croisée, Assistance technique, Circulation des savoirs, Planification urbaine,
Costa Rica
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ABSTRACT AND KEYWORDS
Abstract
After 1945, the United Nations (UN), the Organization of American States (OAS)
and Point IV were three of the most important promoters of technical assistance
programs at the global and regional levels. These programs, which were influenced by
the Service model created by the Institute of Inter-American Affairs (IAIA) in the 1940s,
promoted the circulation of urban planning knowledge using various strategies : expert
missions, distribution of educational materials, scholarship programs, creation of
standards and holding of international conferences. These programs reflected a "global
solidarity" whose main feature was to promote economic and social development in
"underdeveloped" countries through universal principles that could be replicated on a
global scale. In Latin America, the OAS, the UN and Point IV, the future United States
Agency for International Development (USAID), were responsible for implementing these
practices. Costa Rica was benefited from these programs which were intended to enable
it to resolve, through institutional means, the problems of popular housing and town
planning in its metropolitan region. Since its foundation in 1954, the National Institute
of Housing and Urbanism (INVU) has been committed to this "global solidarity" by
sending its officials abroad to train, to participate in seminars and international
congresses and, at the same time, ask for the help of experts to strengthen their
institutional apparatus and their planning instruments. From various sources in
institutional archives of Costa Rica, ECLAC, UNESCO, the United Nations and the OAS
CINVA program kept in Bogotá, this thesis proposes to analyze within the framework of
international technical assistance programs the process of circulation of knowledge of
urban planning in Costa Rica and the mechanisms of appropriation, hybridization and
rejection of planning instruments, urban models and the social function of land ownership
used by INVU to build public housing and town planning policies between 1954 and 1986.
In this regard, the thesis analyzes the historical trajectory of technical assistance
programs in various global governances, such as internationalism and the global
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solidarity; the process of institutionalizing technical assistance programs in Costa Rica's
foreign policy; the nascent internationalization of Costa Rica through the Pan-American
Architectural Congresses held before 1950; the creation of professional networks of town
planners and the participation of INVU in various liaison spaces through technical
assistance programs; the transformation of knowledge and the design of a specific
agenda for Central America; and the appropriation, hybridization and rejection of this
agenda within the INVU.
Keywords
Entangled history, Technical Assistance, Circulation of knowledge, Urban planning,
Costa Rica
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TA B L E D E M E T I È R E S
REMERCIEMENTS ................................................................................................... - 2 -
RÉSUMÉ ET MOTS CLÉS ........................................................................................ - 3 -
ABSTRACT AND KEYWORDS ................................................................................. - 5 -
TABLE DE METIÈRES ............................................................................................. - 7 -
TABLE DES ILLUSTRATIONS .............................................................................. - 10 -
INTRODUCTION ..................................................................................................... - 16 -
1. Une histoire urbaine globale et connectée. ............................................................ - 20 -
2. Une opportunité propice. ........................................................................................ - 23 -
3. Les sources d’information. ...................................................................................... - 26 -
PREMIÈRE PARTIE. L’ASSISTANCE TECHNIQUE INTERNATIONALE ET LA
MONDIALISATION SOLIDAIRE. ......................................................................... - 29 -
I. L’ASISTANCE TECHNIQUE : PORTAIL DE LA MONDIALISATION
SOLIDAIRE. ............................................................................................................. - 30 -
1. Internationalisme et panaméricanisme. ................................................................. - 33 -
a) Le rôle technique et social de la Société des Nations. .................................................... - 34 -
b) Empire et coopération hémisphérique. ........................................................................... - 36 -
2. Les visages de la gouvernance mondiale. ............................................................... - 41 -
a) Le « développementisme » et la solidarité mondiale. .................................................... - 42 -
b) L’épuisement de la solidarité. .......................................................................................... - 46 -
3. « Maintenant, vos jambes sont libres ». ................................................................. - 48 -
a) Le modèle du « Servicio »................................................................................................. - 49 -
b) Les programmes d’assistance technique contemporains. ............................................. - 51 -
c) Comment les programmes d’assistance technique ont-ils fonctionné ?....................... - 56 -
4. Une unité régionale d’assistance technique ? ........................................................ - 59 -
5. L’État costaricain. Son contexte politique et socio-économique. ........................ - 64 -
a) Quelques antécédents (1850-1948). ................................................................................. - 64 -
b) L’État providence au Costa Rica. Apogée et crise. ........................................................ - 67 -
6. Conclusion du chapitre............................................................................................ - 78 -
II. LE COSTA RICA DANS UN SYSTÈME DE COEXISTENCE MONDIAL. - 81 -
1. L’institutionnalisation de l’assistance technique. ................................................. - 83 -
a) Le fonctionnement et la structure de la politique étrangère costaricaine. .................. - 83 -
b) La loi et les normatives de l’assistance technique. ......................................................... - 86 -
c) Les trajectoires de l’assistance technique internationale au Costa Rica. .................... - 94 -
2. Du discours à la définition officielle de l’assistance technique. ......................... - 112 -
a) Les discours officiels. ...................................................................................................... - 113 -
-7-
b) Les discours communistes. ............................................................................................. - 125 -
d) Vers une définition officielle. ......................................................................................... - 137 -
3. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 142 -
III. COSTA RICA, L’URBANISME ET LA FIN DE L’INTERNATIONAL
URBAINE. ............................................................................................................... - 148 -
1. Les congrès panaméricains d’architecture (1927, 1939 et 1947) ....................... - 152 -
a) La « science », ses instruments et ses modèles. ............................................................. - 153 -
b) La question sociale urbaine et le rôle de l’État. ........................................................... - 157 -
c) Des professions et des savoirs en circulation. ............................................................... - 160 -
2. L’UNESCO et l’« internationale urbaine » (1947-1949). ................................... - 163 -
a) L’épuisement de l’« internationale urbaine ». ............................................................. - 165 -
b) Urbanisme, éducation et niveau de vie.......................................................................... - 169 -
3. Une internationalisation naissante. ...................................................................... - 175 -
a) La métamorphose de San José. ...................................................................................... - 175 -
b) « Les congrès n’ont jamais résolu aucun problème ». ................................................. - 186 -
4. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 193 -
DEUXIÈME PARTIE. LA CIRCULATION DES SAVOIRS DE LA
PLANIFICATION URBAINE. .............................................................................. - 197 -
IV. Entourages et acteurs en circulation . Les matrices de connaissances. ......... - 198 -
1. Le réseau d’affiliation............................................................................................ - 203 -
2. Les espaces de liaison............................................................................................. - 210 -
a) L’univers d’événements. ................................................................................................ - 210 -
b) Entrelacements d’espaces et de ressources. .................................................................. - 214 -
3. La co-affiliation des acteurs. ................................................................................. - 221 -
a) A propos des délégations costaricaines. ........................................................................ - 222 -
b) A propos des experts internationaux. ........................................................................... - 224 -
c) L’adhésion des acteurs. .................................................................................................. - 227 -
4. De l’interaction au rapport durable. .................................................................... - 234 -
a) Les réseaux personnels des acteurs costaricains. ......................................................... - 234 -
b) La coordination entre les programmes d’assistance technique. ................................. - 253 -
5. Conclusion du chapitre. ............................................................................................. - 265 -
V. UN AGENDA DE PLANIFICATION URBAINE. ........................................... - 269 -
1. L’orientation de l’assistance technique................................................................ - 276 -
2. La relation entre le logement et l’industrie. ........................................................ - 283 -
3. Le rôle de l’État et l’initiative privée. .................................................................. - 288 -
4. Les instruments de planification urbaine. ........................................................... - 299 -
a) Le modèle de l’unité de voisinage. ................................................................................. - 299 -
b) La rénovation urbaine et les centres civiques. ............................................................. - 307 -
5. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 315 -
VI. UN PROGRAMME SPÉCIFIQUE POUR L’AMÉRIQUE CENTRALE ..... - 316 -
1. Un entourage spécialisé. ........................................................................................ - 318 -
2. Coordination régionale, formation et assistance technique. .............................. - 330 -
3. Qu’en est-il de la planification intégrale ? ........................................................... - 335 -
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4. Les obstacles de la circulation des savoirs. .......................................................... - 349 -
5. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 352 -
TROISIÈME PARTIE. LA PLANIFICATION URBAINE AU COSTA RICA. .. - 359 -
VII. EXPERIENCES CROISÉES. LE DEPARTAMENT D’URBANISME ET LE
CENTRE CIVIQUE NATIONAL. ......................................................................... - 360 -
1. Deux architectes pour la « ville moderne ».......................................................... - 365 -
a) La mission technique d’Anatole Solow (1948). ............................................................ - 365 -
b) La mission technique de César Garcés (1949-1953). ................................................... - 370 -
2. « La chose la plus importante pour le moment est de faire des maisons. » ...... - 374 -
a) L’INVU et le Grand San José. ....................................................................................... - 379 -
b) « Pour cinquante autres maisons par an... » ................................................................ - 385 -
3. Un Centre civique national…. .............................................................................. - 393 -
a) Le premier projet ............................................................................................................ - 399 -
b) Un cœur nomade. ............................................................................................................ - 404 -
c) Un problème du passé..................................................................................................... - 409 -
4. … et un Anneau de rénovation urbaine. .............................................................. - 421 -
a) De la métropole à la région. ........................................................................................... - 421 -
b) Le Centre civique et son environnement. ..................................................................... - 426 -
5. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 434 -
VIII. L’(im)possible régime de providence de la planification urbaine costaricaine. ... -
439 -
1. La planification urbaine et les intérêts privés. .................................................... - 441 -
2. Les josefinos contre le Plan Garcés. ..................................................................... - 443 -
3. Réserves de terrains, plus-value et résistance politique ..................................... - 449 -
a) « Noyade à 3, 7 ou 11 pieds. » ........................................................................................ - 449 -
b) Le coût de (ne pas) planifier........................................................................................... - 457 -
c) Une nouvelle arène, une nouvelle loi. ............................................................................ - 463 -
d) Une petite note sur l’assistance technique financière. ................................................. - 469 -
3. Les facilités communales et la fonction sociale de la propriété. ........................ - 474 -
a) L’unité de voisinage au Costa Rica. .............................................................................. - 477 -
b) « Mínimum minomórum » ............................................................................................. - 488 -
4. Conclusion du chapitre.......................................................................................... - 501 -
IX. CONCLUSION.................................................................................................. - 505 -
BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. - 514 -
ANNEXES ............................................................................................................... - 567 -
-9-
TA B L E D E S I L L U S T R AT I O N S
Image I.1. Travailleur social qui supervise les enfants pendant leurs activités
agricoles………………………………………………………………………………. 49
Image I.2. Logo officiel de l’Exposition panaméricaine de Raphael Beck. (1899)
……………………………………………………………………………………….... 61
Image I.3. Timbre commémoratif du 50e anniversaire de l’Union panaméricaine (1940)
………………………………………………………………………………………… 62
Image I.4. Carte postale commémorant le 50e anniversaire de l’Union panaméricaine.
(1940) ……………………………………………………………………………….…63
Image II.1. Procédure de planification et de développement du programme
d’assistance technique des Nations Unies.
1955………………………………………………………………………………….…96
Image II.2. « Le singe et les étrangères ». 1963. ……………………………………..129
Image II.3. « À la morgue ». 1963…………………………………………………....132
Image II.4. « La semaine sérieuse. » …………………………………………………135
Image II.5. « La semaine sérieuse. » …………………………………………………136
Image III.1. Costa Rica. Plan du village de San José. 1776.
………………………………………………...............................................................178
Image III.2. Costa Rica. Plan du village de San José et terrains du père Chapuí.
1776………………………………………………………………………………….. 179
Image III.3. Costa Rica. Plan de la Ville de San José.
1851………………………………………………………………………………….. 180
Image III.4. Costa Rica. Jardins de l’Hôpital psychiatrique Chapuí, San José.
1921………………………………………………………………………………….. 181
Image III.5. Costa Rica. « Paseo de las Damas » (Avenue 3), San José.
1921………………………………………………………………………………….. 182
Image III.6. Costa Rica. Rue Nº 1 vers le Sud, San José.
1921……………………………………………………………………..…………… 185
Image III.7. Portrait de l’architecte Arturo Prins, délégué du Costa Rica au CPA27.
(1926)……………………………………………………………………………….... 189
- 10 -
Image III.8. José Francisco Salazar et Luis Paulino Jiménez, délégués du Costa Rica au
CPA47. (1947). ……………………………………………………………………… 189
Image III.9. Costa Rica. Plan du centre-ville de San José.
1941………………………………………………………………………………….. 193
Image IV.1. Amérique latine. Réseau d’affiliation de planification urbaine de
l’INVU. (1953-1979) …………………………………………………………………206
Image IV.2. Amérique latine. Entourages et intermédiaires du réseau d’affiliation (1953-
1979)…………………………………………………………………………………. 207
Image IV.3. Scores de cohésion du réseau d’affiliation………..…………………….. 208
Image IV.4. Entourages et nombre d’acteurs en relation avec le réseau d’entrelacement.
……………………………………………………………………………………….. 215
Image IV.5. Centre et périphérie du réseau de entrelacements. …………………..…. 220
Image IV.6. Entourages et acteurs centraux du réseau d’adhésion. ………………..…. 228
Image IV.7. Centre et périphérie du réseau d’adhésion ………………………………. 233
Image IV.8. Rodrigo Carazo Odio. 1958. ………………………………………….... 235
Image IV.9. Réseau égocentrique de Rodrigo Carazo Odio. 1955-1958. …………… 236
Image IV.10. Rodrigo Carazo au CINVA. 1958. ……………………………………. 238
Image IV.11. Luis Antonio Marcial Philipón. 1955…………………………………. 239
Image IV.12. Conseil d’administration d l’INVU. 1958. ……………………………. 242
Image IV.13. Réseau égocentrique de Rodrigo Vargas Salas. 1956-1962. …………. 243
Image IV.14. Leonard James Currie, directeur du CINVA. Date
inconnue……………………………………………………………………………… 245
Image IV.15. Walter Harris, directeur du CINVA. Date inconnue. ………………….. 246
Image IV.16. Gastón Bartorelli Falugi. 1949. ………………………………………... 248
Image IV.17. Réseau égocentrique de la Commission ad-hoc de 1953. …………….. 249
Image IV.18. Réseaux égocentriques de Eladio Jara et Adolfo Becerril. 1954-
1976………………………………………………………………………………….. 251
Image IV.19. Eduardo Jenkins Dobles. Date inconnue. ……………………………… 252
Image IV.20. Anatole Abraham Solow. 1950. ……………………………………….. 253
Image IV.21. Francis Violich. Date inconnue….…………………………………….. 255
Image IV.22. Réseau égocentrique d’Anatole Solow. 1953-1959……………………. 256
Image IV.23. Carl Eric Carlson. Date inconnue……………………………………… 258
Image IV.24. Annapolis, Maryland. Leonard J. Currie et Jacob Crane. 1954………… 259
- 11 -
Image IV.25. Ernest Weissmann. Date inconnue…………………………………..… 261
Image IV.26. Costa Rica. Ernest Weissmann réunit avec les membres du Département du
logement, CCSS. 1953……………………………………………………………….. 263
Image V.1. Bogotá. Anatole Solow devant le CINVA. Novembre
1951……………………………………………………………………………..…… 278
Image V.2. Bogotá. Laboratoire des matériaux de construction du CINVA.
1952………….………………………………………………………………………. 280
Image V.3. Clarence Arthur Perry. 1935……………………………………………... 300
Image V.4. Josep Lluís Sert. 1952……………………………………………………. 301
Image V.5. Dessin des principes de l’unité de voisinage d’après Clarence Perry.
1929………………………………………………………………………………..… 305
Image V.6. Couverture du manuel Planning the Neighboorhood.
1960………………………………………………………………………………….. 306
Image VI.1. Costa Rica. Rodrigo Carazo, Víctor Urquidi et Anatole Solow lors de la
session inaugurale de la Réunion sur les problèmes du logement en Amérique
centrale et au Panama. 1957……………..........……………………………………. 320
Image VI.2. Annonce sur la démonstration publique de la machine CINVA-RAM.
1957………………………………………………………………………………….. 321
Image VI.3. « Pourquoi la coordination modulaire ? » 1961……………………….… 324
Image VI.4. Module de base de 1 décimètre pour l’Amérique centrale.
1961………………………………………………………………………………….. 325
Image VI.5. Maison type « Istmo » fondée sur le module de base pour l’Amérique
centrale. 1961…………………………………………………………………...……. 326
Image VI.6. Page du glossaire des termes utilisés dans l’architecture et la construction
centraméricaines. 1961…………………………………………………………..…… 327
Image VI.7. Costa Rica. Le Sous-comité du logement lors de sa première réunion à
l’INVU. 1958………………………………………………………………………… 332
Image VI.8. Nicaragua. Projet Bolonia et plan d’aménagement du Grand Managua.
1955…………………………………………………………………………………... 336
Image VI.9. Mexique. Membres du Club de jeunesse rural de San Gregorio Atapulco en
élaborant des blocs de terre stabilisé avec le CINVA-RAM.
1958………………………………………………………………………………….. 345
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Image VII.1. Costa Rica. Grand San José, d’après Anatole Solow.
1948…………………………………………………………………………….……. 368
Image VII.2. César Garcés Vernaza. 1960………………...………………….………. 371
Image VII.3. Maurice Rotival. Date inconnue…………..………………..………….. 373
Image VII.4. Costa Rica. Structure du Département d’urbanisme de l’INVU.
1957………………………………………………………………………………….. 382
Image VII.5. Costa Rica. Parc Central de San José. 1922…………………………….. 394
Image VII.6. Costa Rica. Palais National (1955) et Place de l’Artillerie
(1930)………………………………………………………………………………… 396
Image VII.7. Costa Rica. Parc et Monument Nationaux, San José.
1922…………………………………………………………………………..……… 397
Image VII.8. Costa Rica. Plan de l’avant-projet du Centre civique pour San José.
1956…………….......................................................................................................... 402
Image VII.9. Costa Rica. Perspective de l’avant-projet du Centre civique pour San José.
1956………………………………………………………………………………….. 403
Image VII.10. Costa Rica. Anatole Solow et Eduardo Jenkins.
1956………………………………………………………………………………….. 405
Image VII.11. Costa Rica. Plan de l’avant-projet du Centre bancaire de San José.
1955…………………………………………………………………………….……. 406
Image VII.12. Costa Rica. Perspective du projet du Centre bancaire de San José.
1956………………………………………………………………………………….. 408
Image VII.13. Costa Rica. Démolition de l’ancien Palais National de San José.
1958……………………………………………………………………………..…… 410
Image VII.14. Costa Rica. Caserne Bellavista ou Musée national du Costa Rica.
2019………………………………………………………………………………….. 412
Image VII.15. Costa Rica. Bibliothèque nationale, San José.
2015………………………………………………………………………….………. 413
Image VII.16. Costa Rica. Plan du Centre civique gouvernemental.
1964………………………………………………………………………………….. 414
Image VII.17. Costa Rica. Plan de la zone administrative du Centre civique
gouvernemental. 1964……………………………………………………..…………. 415
Image VII.18. Costa Rica. Perspective du Centre civique gouvernemental.
1964………………………………………………………………………………..… 416
- 13 -
Image VII.19. Costa Rica. Délimitation de la région métropolitaine de San Jose.
1969……………………………………………………………………………..…… 423
Image VII.20. Costa Rica. Plan de l’Anneau de rénovation urbaine et Centre civique
national de San José. 1978……………………………………………………………. 428
Image VIII.1. Costa Rica. Eduardo Jenkins et César Garcés.
1958………………………………………………………………………………….. 440
Image VIII.2. « Là-bas à Corralillos »…………………...…………………………... 447
Image VIII.3. « Le peuple parlera le 1er mai dans les rues de San
José. »…………………………………………………………………….…………... 448
Image VIII.4. Rendez-vous dans l’école de l’Unité de voisinage Nº1 d’Hatillo.
1957……………………………………………………………………………..…… 453
Image VIII.5. San José. Réserves de terrains de l’INVU.
1962…………………………………………………………………………..……… 455
Image VIII.6. Système de nucléation progressive de la ville satellite d’Hatillo.
1958……………………………………………………………………………….…. 481
Image VIII.7. Costa Rica. Avant-projet de la ville satellite d’Hatillo.
1956…………………………………………………………………………….……. 482
Image VIII.8. Modèle de l’unité de voisinage et le secteur résidentiel proposé par le
CINVA et adopté par l’INVU.
1968……………………………………………………………………………..…… 485
Image VIII.9. Costa Rica. Ville satellite d’Hatillo, San José.
1979………………………………………………………………………………….. 486
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Costa Rica
Source : https://www.worldometers.info/img/maps/costa_rica_physical_map.gif
- 15 -
INTRODUCTION
The city has become a terribly overextended monstrosity. The means of communication and contact and
connection are so difficult that the people, because of the physical difficulties, get together less. This
dispersion is dangerous, and it can result in the destruction of the city, not only the destruction of the
spiritual values of the city, but also the destruction of the city as an economic unit.
Josep Lluís Sert, 1951.
Un carrer és tot, cruïlla de camins, el banc del vell, la cursa dels infants, la posada que acull els
pelegrins u el recer de tendresa dels amants. Un carrer és tot, indicis de jardins enforma de parterres
ciutadans, el sol besant la pell dels llambordins i la lluna als geranis rutilants. I botigues arreu: preuats
botins del pa les flors, les nines o els coixins per a omplir-nos les hores i les mans. Un carrer és tot si hi
neix de molt endins la guspira d’amor desl seus veïns que encén el goig al cor dels vianants.
Miquel-Lluis Muntané, 1997.
- 16 -
relativement fort et centralisé, cela n’a pas suffi à endiguer la marée - ou le tsunami selon
l’opinion de chacun - de cette croissance urbaine désordonnée.
Il suffit de regarder les rapports annuels du programme « État de la nation », en
particulier celui de l’année 2015, pour vérifier cette réalité. C’est précisément ce rapport
qui a mis en garde contre le fait que la problématique urbaine était due, entre autres, au
déséquilibre entre la gérance de l’État et l’activité du secteur immobilier qui a aggravé
les inégalités sociales et de place dans la Grande Aire métropolitaine.1 Face à ce
diagnostic, la question se pose : quand l’État a-t-il commencé à s’inquiéter de l’urbanisme
? L’a-t-il vraiment fait ? A cet égard, il existe un consensus sur la localisation du premier
contact du Costa Rica avec cette discipline en 1948, année où l’architecte Anatole Solow
s’est rendu dans le pays dans le cadre d’une mission technique de l’Union panaméricaine,
entamant ce que Vladimir Klotchkov a appelé un « urbanisme mondialisé ».2
A quoi a-t-il fait référence Klotchkov par « urbanisme mondialisé » ? L’auteur
suggère que Solow a fait « atterrir » les idées urbaines internationales au Costa Rica. Ont-
elles été « implantées » dans l’institutionnalisation costaricaine ? Etaient-elles une copie
? Ou s’agissait-il plutôt d’un processus de construction sociale plus complexe, impliquant
beaucoup plus d’acteurs que les urbanistes ou les architectes internationaux ? Sur la base
de ces questions, la prémisse suivante se pose : la planification urbaine costaricaine doit
être considéré comme le résultat d’un processus global et connecté.
Qu’est-ce que le « global » ? Connecté à quoi ou à qui ? Un premier indice pour
répondre à ces questions se trouve dans les conditions dans lesquelles Solow est arrivé au
Costa Rica : il faisait partie d’une mission d’assistance technique de l’Union
panaméricaine (UnP). Considérant les programmes d’assistance technique internationale
comme catalyseurs d’un processus de circulation des savoirs, cette recherche portera sur
la contribution de ces programmes à l’institutionnalisation de la planification urbaine au
Costa Rica, à travers les réseaux professionnels d’urbanisme, l’établissement de priorités,
1
Programa Estado de la Nación en Desarrollo Humano Sostenible (PEN). Vigésimo primer informe del
Estado de la Nación en Desarrollo Humano Sostenible (San José, Costa Rica: PEN, 2015), pp. 273-324.
2
Ileana Vives Luque. Pioneros de la Arquitectura Moderna en Costa Rica: trilogía de Arquitectura. Vol.
II. (San José, Costa Rica: Colegio Federado de Ingenieros y Arquitectos, 2018), p. 68; Guillermo Carvajal
Alvarado. La organización del espacio urbano de la ciudad de San José: Temas y problemas a inicios del
tercer milenio. (San José, Costa Rica: Alma Máter, 2005), p. 44; Vladimir Klotchkov. « Brevísima historia
de la planificación urbana de San José. » Ambientico, Revista mensual sobre actualidad ambiental. Nº 99
(diciembre 2001), p. 5.
- 17 -
la création d’agendas de travail et la promotion de modèles et d’instruments pour
concrétiser ces agendas, entre 1927 et 1986.
L’assistance technique internationale est de longue date et fondée sur des
principes de solidarité universelle qui tendaient à démocratiser la connaissance, à la
normaliser et à améliorer les échanges économiques. Cette dynamique a été nommée
internationalisme, et son expression américaine était le panaméricanisme. Ces deux
tendances ont évolué au cours des premières décennies du XXe siècle, en particulier
pendant la crise économique des années 30, et ont incorporé de nouveaux objectifs, tels
que la promotion du développement économique et l’élévation du niveau de vie. À la fin
de la Seconde Guerre mondiale, cette expérience internationaliste a donné naissance à
une gouvernance globale fondée sur la solidarité et le développement, qui a transformé
les programmes d’assistance technique en vecteurs de ces principes, processus qui a
également coïncidé avec le développement des États-providence dans diverses parties du
monde. Le chapitre 1 s’efforcera d’analyser en détail ce processus.
Ce type de programme était-il nouveau pour le Costa Rica ? Comment les
institutions costaricaines ont-elles été préparées pour pouvoir les gérer correctement ? Le
chapitre 2 aura précisément pour but d’approfondir ces questions, en partant du principe
que le Costa Rica appartenait déjà au mouvement internationaliste depuis la fin du XIXe
siècle, ceci lui permettant d’être bénéficiaire des premiers programmes d’assistance
technique soutenus par la Société des Nations (SdN), l’UnP et des fondations privées
comme la Rockefeller. Cependant, la reconfiguration de la gouvernance mondiale menée
par les Nations Unies (ONU) à partir de 1945 a obligé le gouvernement costaricain à
ajuster ses institutions pour ce contexte, à créer des lois et à mettre fin à des dynamiques
administratives qui n’étaient plus compatibles. Il sera intéressant de déterminer quels ont
été les discours qui ont légitimé ou résisté à l’utilisation de ces programmes.
Si le Costa Rica participait depuis le XIXe siècle au panaméricanisme, quels ont
été les facteurs qui expliquent que le pays n’ait eu son premier contact avec l’urbanisme
qu’en 1948? Le chapitre 3 proposera une réponse à cette question, à travers la trajectoire
costaricaine des congrès panaméricains d’architecture qui se sont tenus entre 1927 et 1947
et de déterminer les raisons pour lesquelles, malgré leur participation à ces événements,
l’urbanisme n’a pas réussi à s’institutionnaliser au Costa Rica. La question se pose
également de savoir si l’ordre du jour de ces congrès était particulier ou s’il s’agissait de
l’expression régionale d’une tendence mondial d’urbanisme.
- 18 -
A partir de 1950, les programmes d’assistance de l’ONU, l’UnP de l’Organisation
des États américains (OEA) et l’initiative appelée Point IV des États-Unis ont commencé
à approfondir leurs opérations en Amérique latine. L’une de ces expressions était les
congrès, séminaires ou réunions techniques organisés dans le cadre de ces programmes
et réunissant régulièrement des spécialistes qui, par un travail coordonné et régulier,
constituaient un programme de priorités pour la planification urbaine et un réseau
professionnel chargé de le faire circuler, ainsi que les instruments et modèles nécessaires
pour y parvenir. Il est donc très important d’identifier les événements et les acteurs qui
ont été essentiels dans le processus de circulation des savoirs auquel ont participé les
fonctionnaires de l’Institut national du logement et de l’urbanisme du Costa Rica (INVU).
Tel sera l’objectif du chapitre 4.
Si nous parlons d’un agenda, d’instruments et de modèles, en quoi ont-ils
consistait ? A partir du croisement des experts internationaux et locaux, une série de
priorités ont été constituées qui ont répondu, d’une part, à ce que les programmes
d’assistance technique ont considéré comme développement et, d’autre part, aux
spécificités des pays d’Amérique latine qui ont été apportées par les experts locaux. Les
priorités sont alors le fruit du croisement des intérêts des programmes d’assistance
technique et des trajectoires historiques des pays d’Amérique latine. Dans ce cas, il est
intéressant de déterminer si l’Amérique centrale a mis en place un programme spécifique
de planification urbaine et quelles priorités a-t-elle cherché à défendre. Pour répondre à
ces questions, il a fallu le faire en deux temps : l’Amérique latine, qui sera analysée au
chapitre 5 ; et l’Amérique centrale, qui sera traitée au chapitre 6.
Comment cet agenda a-t-il circulé au Costa Rica ? Comment a-t-il été approprié,
modifié ou résisté au niveau local ? Les chapitres 7 et 8 s’efforceront de répondre à ces
questions. Pour cela, il faut attirer l’attention sur le comportement du Conseil
d’administration de l’INVU vis-à-vis des experts d’assistance technique qui se sont
rendus dans le pays, des experts locaux, des acteurs politiques des pouvoirs suprêmes,
des institutions et des communautés. En tant qu’hypothèse, le programme d’urbanisme,
soutenu par les programmes d’assistance technique, n’a été ni adopté ni imposé. Dans le
cadre d’un processus de circulation des savoirs, le Conseil d’administration a joué un rôle
actif dans l’examen critique de l’agenda d’urbanisme, de ses instruments et modèles, qui
a ensuite profilé la structure, l’approche de travail, la réglementation et les projets
d’urbanisme réalisés par le département d’urbanisme. Il est intéressant de suivre le
- 19 -
parcours historique de ce département et la façon dont celui-ci s’est reflété dans la
conception du Centre civique national, de la ville satellite d’Hatillo et dans la
réglementation urbaine costaricaine.
Cette recherche tente de répondre à l’appel fait par l’historien costaricain Víctor
Hugo Acuña Ortega, qui a souligné la nécessité d’analyser l’histoire centraméricaine (et
donc costaricaine) à travers ses interactions avec d’autres régions, pays et acteurs, à
travers le temps, tout en considérant sa précieuse position stratégique.3 Sa proposition est
étroitement liée à ce que Lewis Mumford comme Charles Tilly a appelé « histoire
urbaine ». Selon ces auteurs, l’objectif qui doit guider le chercheur est d’analyser le lien
entre les processus sociaux et les processus mondiaux, c’est-à-dire comment la circulation
des idées et des personnes, le commerce, les institutions et la vie quotidienne façonnent
la ville. L’histoire urbaine ne se limite pas à la description de sa forme ou de son
architecture, mais tient compte des changements démographiques, de l’économie, de la
politique publique, de la culture et de l’action collective, qui agissent dans la
transformation des villes à long terme.4 Il faut maintenant la considérer comme un
processus global et connecté. Qu’est-ce que cela implique ?
Premièrement, elle nous place dans ce que signifie la « mondialisation » et
comment la délimiter. Des auteurs comme Sebastian Conrad ou Diego Olstein ont
proposé des délimitations temporelles pour le phénomène de la mondialisation, mais cela
n’a fait que prouver la difficulté de la ramener à une période spécifique, car plus on
remonte dans le temps, plus on parvient à identifier d’autres formes de connexion
mondialisée entre les cultures et les sociétés. Alessandro Stanziani, face à cette difficulté,
a souligné que l’histoire mondiale doit plutôt se concentrer sur les interactions entre
différentes valeurs et systèmes de pensée, de manière dense et soutenue dans le temps;
3
Víctor Hugo Acuña Ortega. « Centroamérica en las globalizaciones (siglos XVI-XXI). » Anuario de
Estudios Centroamericanos, Universidad de Costa Rica, 41 (2015): p. 13-27.
4
Charles Tilly. « What is good urban history? » Journal of Urban History, Vol. 22, Nº 6 (September 1996):
pp. 704, 707, 715; Lewis Mumford. « What is a city? » Architectural Record (1937), p. 8; Françoise Choay.
La règle et le modèle. Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme. (Paris: Éditions du Seuil, 1996):
pp 70-80; Stéphane Van Damme. « Les sciences humaines à l’épreuve de la ville: les enjeux d’une
archéologie des savoirs urbaines (XVIIe-XIXe siècles) », Revue d’Histoire des Sciences Humaines, Nº 12-
1 (2005): pp. 5-6.
- 20 -
c’est cesser d’interpréter l’histoire sur la base de la suprématie de l’Europe, des États-
Unis, de la Chine, de la Russie, etc. comme les grands créateurs de la connaissance et les
bienfaiteurs de la civilisation.5 L’histoire mondiale tend donc à « provincialiser » ou à
« décentraliser » ces soi-disant pôles de pouvoir politique, économique et de
connaissance.6
La variable locale est donc essentielle pour comprendre l’histoire mondiale. Il
existe actuellement un consensus relatif sur le fait que les échelles locales, régionales et
globales sont étroitement liées.7 L’échelle locale est considérée comme plus dynamique,
en introduisant des modifications stratégiques dans les savoir-faire qui circulent à travers
des processus globaux (et vice versa), mettant en cause les positions de diffusion et de
modernisation.8
Cela contextualise le titre de cette recherche : « San José, ville globale. » Les
contributions de Saskia Sassen, John Friedmann et Goetz Wolff et leurs critiques
ultérieures ont suscité un courant analytique qui a souligné les processus d’exclusion
territoriale, la perte du rôle de l’État ou des municipalités en tant que gestionnaires de la
croissance urbaine, les limites de la soi-disant modernité et l’action sociale.9 Même si on
5
Alessandro Stanziani. Eurocentrism and the Politics of Global History. (Switzerland: Springer - Palgrave
McMillan, 2018), pp. 6-9.
6
Natalie Zemon Davis. « Decentering History: Local Stories and Cultural Crossings in a Global World. »
History and Theory, Vol. 50, Nº 2 (May 2011): pp. 188-202; Antonella Romano. « Ce que l’histoire global
fait à la “revolution scientifique”, ou la fin d’un grand récit et ses multiples conséquences », p. 13; Wong
R. Bin. « Entre monde et nation: les régions braudéliennes en Asie ». Annales. Histoire, Sciences Sociales.
56ᵉ année, N. 1, (2001): p. 18.
7
Jacques Revel (ed.) Jeux d’échelles: Le micro analyse à l’expérience. (París: Seuil-Gallimard, 1996).
Citado por: Sebastian Conrad. Una historia global. Una nueva visión para el mundo actual. Trad. Gonzalo
García, 2017. (Barcelona: Crítica-iBooks, 2017), p. 143. Roger Chartier. « La conscience de la globalité
(commentaire) ». Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56ᵉ année, N. 1, (2001): pp. 120-123 ; Serge
Gruzinski. “Les mondes mêlés de la Monarchie catholique et autres «connected histories»“. Annales.
Histoire, Sciences Sociales. 56ᵉ année, N. 1, 2001. pp. 85-117; Sanjay Subrahmanyam. « Du Tage au Gange
au XVIe siècle: une conjoncture millénariste à l'échelle eurasiatique. » Annales. Histoire, Sciences Sociales.
56ᵉ année, N. 1, (2001): p. 56.
8
Conrad, Una historia global, pp. 59-60. Zemon Davis, « Decentering History », pp. 190-191; Chloé
Maurel, « La World/Global History » Vingtième siècle- Revue d’histoire (4) (2009), p. 160; Richard
Drayton y David Motadel, « Discussion: the futures of global history. » Journal of Global History, 13
(2018), p. 10.
9
Saskia Sassen. The Global City. New York, London, Tokyo. (New Jersey: Princeton University Press,
1991); Ashley Dawson y Brent H. Edwards. « Global Cities of the South ». Social Text 81, Vol. 22, Nº 4,
(Winter 2004): 1-8; Bryan R. Roberts. « Globalization and Latin American Cities » International Journal
of Urban and Regional Research, Vol. 29.1(March 2015): pp. 110-123; Jordi Borja. « Revolución y
contrarrevolución en la ciudad global: las expectativas frustradas por la globalización de nuestras
ciudades. » Revista Eure, Vol. XXXIII, Nº 100 (diciembre 2007): pp. 35-50; Jordi Borja, et.al. Local y
global: la gestión de las ciudades en la era de la información. (Madrid, España: Taurus, 1998), pp. 1-11;
Alfonso Valenzuela. « Dispositivos de la globalización: la construcción de grandes proyectos urbanos en
Ciudad de México. » Eure, Vol. 39, Nº 116 (Enero 2013): pp. 101-118; Alain Musset. « El mito de la ciudad
justa. Una estafa neoliberal. » Bitácora urbano territorial, Nº 25 (enero-junio 2015), pp. 11-20; Teresa de
- 21 -
parle de San José en tant que capitale, un centre de commandement et un nœud
d’échanges, globalement, elle ne sera pas comprise comme la transformation de la ville,
en l’occurrence San José, en un pôle d’innovation technologique ou d’investissement,
mais comme un processus de croisement entre acteurs, modèles et instruments, rendu
possible par les programmes d’assistance technique internationale. C’est là que la
connectivité entre en jeu.
L’histoire croisée suppose que l’interaction ou l’intersection est
multidimensionnelle, réciproque et que ses effets sont soumis à de nouvelles résistances,
inerties, modifications ou combinaisons. Par conséquent, les acteurs, les objets ou les
pratiques qui se croisent ne restent pas statiques, mais changent
(quoiqu’asymétriquement). On analyse ainsi non seulement la nouveauté produite par
l’interaction, mais aussi le processus de changement dans l’interaction.10 Si nous
transférons cette réflexion aux programmes d’assistance technique, où situons-nous cet
espace d’interaction ? Comment voir à l’intérieur de cette « boîte noire » où le
changement historique se produit ?
L’une des modalités d’assistance technique était les congrès internationaux. Des
chercheurs comme Beatriz Fernández, Javier Ruiz, Claudio Secci, Alicia Novick, entre
autres, ont clairement élucidé le rôle de ces espaces en tant que catalyseurs de la
circulation des savoirs et représentent donc une occasion clé pour observer comment les
acteurs interagissent, comment ils coordonnent leurs actions, comment ils construisent
mutuellement l’agenda de travail et définissent les instruments et les modèles pour le
concrétiser.11 Ma proposition, pour observer ce processus, sera de recourir à la
Jesús Peixoto Faria y Alain Musset. « Justicia, conflictos socioespaciales, resistencia, rescate histórico y
construcción de las identidades en las ciudades latinoamericanas. » Geografares, Revista do Programa de
Pos Graduaçao em Geografia e do Departamento de Geografia de la UFES, Vol. I, Nº 22, (Julho-
Dezembro 2016), pp. 1-5.
10
Michael Werner y Bénédicte Zimmermann. « Penser l'histoire croisée : entre empirie et réflexivité »,
Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/1 (58e année), pp. 15-17 ; Bénédicte Zimmermann, Claude
Didry y Peter Wagner (eds), Le travail et la nation. Histoire croisée de la France et de l’Allemagne. (Paris,
Ed. MSH, 1999) ; Michael Werner. « Apports et limites de la triangulation. Le Maghreb dans les relations
scientifiques franco-allemandes au XIXe siècle. » Savoirs d’Allemagne en Afrique du Nord. XVIIIe - XIXe
siècle, Ahcène Abdelfettah, Alain Messaoudi, Daniel Nordmann (eds), (Paris : Bouchène, 2012), pp. 275-
276.
11
Beatriz Fernández Águeda, Javier Ruiz Sánchez « Circulations et ancrage du survey geddesien dans
l’urbanisme espagnol ». Espaces et sociétés 2016/4 (n° 167), pp. 81-98; Claudio Secci, « Réceptions et
appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des CIAM et du Team Ten (1928-1962) »,
Espaces et sociétés 2010/2 (n° 142), pp. 17-31; María Cristina García y Salvador Guerrero. « The National
Federation of Town Planning and Housing 1939-1954: A Network for Town Planners and Architect’s in
Franco’s Spain. » Journal of Urban History, Vol. 40(60) (2014): pp. 1099-1122; Alicia Novick. « La
ciudad, el urbanismo y los intercambios internacionales. Notas para la discusión. » Revista Iberoamericana
- 22 -
méthodologie de l’analyse des réseaux sociaux. Les congrès ou événements
internationaux ont la qualité d’être des espaces de liaison tant d’acteurs que d’objets, de
sorte que le réseau fonctionne à partir de deux dimensions : les objets se rapportent à
travers les acteurs et vice versa. Et cette interaction ou relation soutenue donne lieu à des
matrices de connaissances, catégorie d’analyses qui donne son nom à la synthèse de
l’agenda de l’urbanisme et de sa circulation.12
Les graphs et sociomatrices produits par l’analyse des réseaux sociaux sont les
représentations de la structure relationnelle entre acteurs et objets et, à travers leurs
indicateurs, on pourra identifier les événements et les acteurs qui ont été essentiels pour
le Costa Rica dans l’institutionnalisation de la planification urbaine. Il convient de noter
que ces représentations sont loin de représenter la totalité du processus historique. Les
réseaux sociaux ne sont qu’un guide pour déterminer la complexité de la circulation des
savoirs et en repérer leur limites. Les rapports entre les acteurs et les objets doivent
continuer à être explorées, à travers d’autres espaces hors réseau, pour tester leur durée
et leur durabilité, variables qui déterminent la force du lien et la trajectoire des savoirs.
Les programmes d’assistance technique seront considérés comme des instruments
ou des mécanismes d’apprentissage d’un programme territorialisé d’urbanisme, dont le
succès dépend de la manière dont les acteurs sociaux s’opposent ou favorisent
l’appropriation ou leur transformation, en tenant compte à tout moment des spécificités
locales et de la manière dont leur résultat circule à nouveau aux niveaux régional et
mondial.13
de Urbanismo, Vol. 1, Nº 1 (2009): pp. 4-13; Guillermo Jajamovich. « América Latina y las asimetrías de
poder en abordajes sobre producción y circulación de políticas y teorías urbanas. » Quid 16 N°7 (Oct.2017-
Nov.2017): pp. 160-173.
12
Claire Bidart, Alain Degenne y Michel Grossetti. La vie en réseau. Dynamique des relations sociales.
(Paris: Presses Universitaires de France - Kindle, 2015); Stanley Wassermann y Katherine Faust. Social
Network Analysis: methods and applications. (New York: Cambridge University Press, 1994); Laurent
Beauguitte. « L’analyse de réseaux en sciences sociales et en histoire: vocabulaire, principies et limites. »
Le réseau. Usages d’une notion polysémique en sciences humaines et sociales, Rosemonde Letricot, et.al.
(Presses Universitaires de Louvain, 2016), pp. 9-24.
13
Marcel Roncayolo. « Territoire » Territoires Nº1-1983 - Laboratoire de sciences sociales. École Normale
Supérieure, pp. 1- 34, 54.
- 23 -
ont exploré plusieurs axes : l’urbanisation en tant que politique d’intérêt national, les
principes théoriques qui la régissent, et deux études de cas illustrant son application : la
ville satellite d’Hatillo et la ville universitaire Rodrigo Facio. De l’utilisation d’un
langage prophylactique (qui prend l’urbanisme comme le remède d’une maladie), à
considérer ces deux projets comme des références des théories des Congrès
internationaux d’architecture moderne (CIAM), ces travaux et d’autres, constituent des
antécédents significatifs pour l’histoire urbaine costaricaine.14
Or, il attire puissamment l’attention que, dans les sciences sociales,
l’historiographie costaricaine soit la moins présente dans l’analyse de la problématique
urbaine. En effet, entre 1990 et 2010, l’histoire urbaine n’a pas été considérée comme une
tendance particulière de la recherche et ses problèmes ont été inclus dans l’histoire
culturelle et/ou sociale.15 Malgré cela, la production historique costaricaine a apporté des
contributions notables à l’histoire urbaine en explorant des problèmes tels que les
processus de métropolisation16, l’utilisation des sols et leur spéculation17, la
diversification des modèles d’établissement18 et de consommation19, la culture des élites20
ou la question sociale.21
14
Eduardo Jenkins Dobles. « Vivienda popular en Costa Rica. » (Tesis de incorporación, 1953); Rodrigo
Carazo. « Breves consideraciones sobre el problema del Urbanismo » Revista de la Universidad de Costa
Rica, Vol. 18 (1958), pp. 9-18; Édgar Vargas Vargas. « Principios teóricos sobre urbanismo. » Revista de
la Universidad de Costa Rica, Vol. 18 (1958), pp. 19-42: Eduardo Jenkins Dobles y Jorge Crespo
Villavicencio. « Ciudad satélite de Hatillo y Unidad Vecinal Nº2. » Revista de la Universidad de Costa
Rica, Vol. 18 (1958), pp. 43-88; Eugenio Gordienko. « Mercados centrales para provincias de Costa Rica ».
(Tesis de Licenciatura en Ingeniería Civil, Universidad de Costa Rica, 1955); Hernán Arguedas Salas.
« Sugestiones urbanísticas y terminal de autobuses. » (Tesis para grado de Ingeniero - Arquitecto,
Universidad de Costa Rica, 1960).
15
Iván Molina Jiménez, et. al. (ed). Entre dos siglos: la investigación histórica costarricense (1992-2002).
1ª ed. (Alajuela, Costa Rica: Museo Histórico Cultural Juan Santamaría, 2003); David Díaz, Iván Molina y
Ronny Viales. La historiografía costarricense en la primera década del siglo XXI: Tendencias, avances e
innovaciones. 1ª ed. (San José, Costa Rica: EUCR, 2014).
16
Mario Luis Chaverri, et. al. Proceso de metropolización: caso San José-Costa Rica. (Heredia y San José:
UNA - UCR, 1994).
17
Enrique Jiménez Acuña. « Proceso de urbanización y transacciones inmobiliarias en el Cantón Central
de San José: 1950-1974. » (Tesis de Licenciatura en Historia, Universidad de Costa Rica, 1980).
18
Steven Palmer. « Prolegómenos para toda historia futura de San José, Costa Rica. » Mesoamérica, Vol.
17, Nº 31 (1996): pp. 181-213.
19
Patricia Vega Jiménez. « De la banca al sofá. La diversificación de los patrones de consumo en Costa
Rica (1857-1861)” en Héroes al gusto y libros de moda, sociedad y cambio cultural en Costa Rica (1750-
1900), Iván Molina y Steven Palmer, eds. (San José, Costa Rica: EUNED, 2004), pp. 163-208; Patricia
Fumero. Teatro público y estado en San José 1880-1914: una aproximación desde la historia social. 1ª ed.
(San José, Costa Rica: EUCR, 1996).
20
Florencia Quesada Avendaño. En el Barrio Amón: arquitectura, familia y sociabilidad del primer
residencial de la élite urbana de San José, 1900-1935. 1ª ed. (San José, Costa Rica: EUCR, 2004).
21
William Elizondo Calderón. « El problema de la vivienda: Segregación y pobreza urbana en la primera
mitad del siglo XX en Costa Rica » Pobreza e historia en Costa Rica: determinantes estructurales y
representaciones sociales del siglo XVII a 1950, Ronny Viales Hurtado (ed.) 1ª ed, 1ª reimp. (San José,
- 24 -
Cependant, des travaux tels que ceux de Florence Quesada et Ileana Vives se sont
montrés plus proches de la problématique de cette recherche puisqu’ils ont porté sur les
missions d’assistance technique, le mouvement des boursiers, l’utilisation de
nomenclatures « modernes » pour l’élargissement de la ville, la diffusion de règlements
d’hygiène, de police et de styles architecturaux et la tenue de congrès. Dans cette tendance
s’insère également un travaux que j’ai publié récemment.22 D’autres études qui ont
apporté des contributions précieuses pour identifier certains courants
d’internationalisation de l’architecture costaricaine ont été ceux de Carlos Altezor, Ofelia
Sanou et Natalia Solano.23
Au Costa Rica, récemment, des efforts ont été faits pour intégrer l’approche
globale et de la circulation des savoirs dans la discipline historiographique. Cela a été fait
dans la perspective CTS (Science, Technologie, Société) dans laquelle se trouvent les
travaux de David Chavarría, qui analyse la construction historique de l’informatique en
tant que profession et discipline scientifique entre 1963 et 1994. Ronny Viales et Patricia
Clare ont proposé le concept de « régime de scientificité » pour désigner les différents
acteurs et instances qui ont encouragé le développement de la science et de la technologie
au Costa Rica. Ce travail est lié à la thèse de Clare, où elle analyse la formation de
communautés scientifiques dans le contexte de la production du palmier à huile.
Récemment, Viales a réfléchi à la construction de réseaux sociotechniques impliquant
non seulement les acteurs humains et non humains, mais aussi la nature et les objets dans
la co-construction des faits scientifiques, des contributions auxquelles se rapproche
l’orientation cette recherche.24
Costa Rica: EUCR, 2009), pp. 155-169; Ana María Botey Sobrado. « Los actores sociales y la construcción
de las políticas de salud del Estado Liberal en Costa Rica (1850-1940). » (Tesis de Doctorado en Historia,
Universidad de Costa Rica, 2013); Rosa Malavassi Aguilar. « La vivienda de madera de los barrios Luján-
El Cerrito y Barrio Keith (1910-1955). Un análisis histórico de la imagen urbana y la arquitectura
habitacional. »(Tesis de Maestría en Historia, Universidad de Costa Rica, 2014); Carlos Izquierdo Vázquez.
« Pobreza, condiciones de vida y subjetividad en el casco central de San José. » (Tesis de Maestría en
Historia, Universidad de Costa Rica, 2016).
22
Florencia Quesada Avendaño. La modernización entre cafetales: San José, Costa Rica, 1890-1930. (San
José, Costa Rica: EUCR, 2011); Ileana Vives Luque. Pioneros de la Arquitectura Moderna en Costa Rica:
Trilogía de arquitectura, vol. II. (San José, Costa Rica: Colegio Federado de Ingenieros y Arquitectos,
2018).
23
Carlos Altezor F. Arquitectura urbana en Costa Rica: exploración histórica 1900-1950. (Cartago, Costa
Rica: Editorial Tecnológica de Costa Rica, 1986); Ofelia Sanou Alfaro. « La arquitectura ». Costa Rica en
el siglo XX, Eugenio Rodríguez Vega, ed. Tomo II. (San José, Costa Rica: EUNED, 2004): pp. 258-317;
Natalia Solano Meza. « Pensar, romper, hacer. La Escuela de Arquitectura de la Universidad de Costa Rica,
1962-1974. » (Tesis de doctorado en Arquitectura, Universidad de Porto-Portugal, 2017).
24
Ronny Viales y Patricia Clare. « El Estado, lo transnacional y la construcción de comunidades científicas
en la Costa Rica liberal (1870-1930). La construcción de un “régimen de cientificidad”. » Diálogos. Revista
- 25 -
Plus récemment, le Centre de recherche historique d’Amérique centrale (CIHAC)
a publié un volume sur l’histoire mondiale et la circulation des savoirs, où elles ont été
explorées depuis l’invention de l’Amérique à partir de ses concepts et de ses relations
avec l’Empire espagnol; les propositions théoriques de l’histoire mondiale et leurs
implications pour l’analyse historique de l’Amérique centrale et de ses problématiques,
la transformation des identités politiques et citoyennes des femmes en Amérique centrale
dans le cadre de la guerre froide, ou la géopolitique de la Seconde Guerre mondiale qui a
motivé la fondation de l’Institut interaméricain des sciences agricoles au Costa Rica ,
entre autres thématiques.25 La présente recherche est donc influencée et insérée dans ces
efforts académiques au Costa Rica pour comprendre l’histoire du pays, à travers le prisme
du mondial et de ses liens avec d’autres acteurs, institutions, pays et régions du monde.
Electrónica de Historia, Vol. 7, Nº 1 (Setiembre 2006 - Febrero 2007): pp. 145-168; Ronny Viales Hurtado.
« Entre el constructivismo social, las redes sociotécnicas y los estilos de conocimiento. Bases para el
estudio de la historicidad del vínculo entre Ciencia, Tecnología y Sociedad. » La intersección entre
ambiente, ciencia, tecnología y sociedad. Aproximaciones teóricas para su estudio desde la perspectiva
CTS, Ronny Viales Hurtado (comp.). Serie Cuadernos del Bicentenario, Nº 2 (San José, Costa Rica:
CIHAC-UCR, 2017): pp. 39-54.
25
Ronny Viales y David Díaz (ed). Historia global y circulación de saberes en Iberoamérica, siglos XVI-
XXI. (San José, Costa Rica: CIHAC-VINV – UCR, 2018).
- 26 -
communautés et la presse, ils ont été constitués à la source la plus importante pour suivre
la piste des interactions et des relations des fonctionnaires de cette institution avec
d’autres de la région et avec les programmes d’assistance technique.
Malgré le volume de données impliquant la révision de ce fond documentaire, les
fonds de la présidence de la République, du ministère des Affaires étrangères, du Congrès
et de la municipalité ont été consultés en complément. Il a également fallu recourir à
d’autres archives institutionnelles, notamment celles de l’Assemblée législative, d’où ont
été extraits les dossiers des lois les plus importantes liées à l’urbanisme costaricain. De
même, bien que cela n’ait pas été fait de manière exhaustive, des journaux de l’époque,
tels que le Diario de Costa Rica, La República, La prensa libre, Adelante, Libertad, ont
également été consultés pour récupérer certaines des discussions qui ont eu lieu dans
l’opinion publique sur des sujets d’urbanisme. Par son volume et en raison de mon
absence au Costa Rica pendant la majeure partie de ce doctorat, la révision a été rendue
possible grâce à l’excellent travail et à l’exhaustivité de mes assistants de recherche Josué
Jiménez Álvarez, Amanda Varela Valle et Daniel Ribas Villalobos, que je remercie
profondément pour leur collaboration.
Lors de l’examen des sources, il a été possible d’identifier un lien d’une
importance capitale entre l’INVU et le Centre interaméricain de logement et de
planification (CINVA), fondé en 1951 dans la ville de Bogota. Grâce à une bourse de
recherche, fournie par l’EHESS, il a été possible de se rendre à l’Université nationale de
Colombie, siège original du CINVA pour consulter son fonds documentaire, qui est
conservé dans les Archives générales de cette institution. Au cours de la révision, il a été
possible de récupérer à partir de la correspondance, des publications du CINVA, des
photographies de son personnel, des rapports finaux de congrès et de réunions techniques,
des travaux finaux de graduation des boursiers costaricains dans ce centre, des manuels,
entre autres, qui reflètent le niveau d’interaction internationale de l’INVU et qui était
jusqu’ici inconnu. Tant l’aide du personnel des Archives générales que celle des
professeurs Ana Patricia Montoya et Jorge Ramírez ont été essentielles à la localisation
de ces documents et à l’obtention d’autres documents de leurs propres archives
personnelles, par exemple les comptes rendus des Congrès panaméricains d’architecture
auxquels le Costa Rica a participé entre 1927 et 1947, des rapports de l’UnP et des
photographies.
- 27 -
Parmi les autres dépôts documentaires consultés figurent les archives de
l’UNESCO, obtenues dans son siège central à Paris. La révision documentaire de
l’UNESCO a permis d’identifier d’autres programmes d’assistance technique liés à la
problématique urbaine, tels que l’École supérieure d’administration publique d’Amérique
centrale (ESAPAC). Il a également été possible de mettre en garde, à travers les dossiers
de la Fédération internationale du logement et de l’urbanisme (IFHTP) et des Congrès
internationaux d’architecture moderne (CIAM), une série de préoccupations mondiales
concernant l’architecture et l’urbanisme, ainsi que la position initiale des Nations Unies
à leur égard.
La numérisation de plusieurs fonds documentaires de la bibliothèque Dag
Hammarskjöld des Nations Unies, de la Commission économique pour l’Amérique latine
(CEPALC) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a permis
de récupérer de nombreux rapports des bureaux chargés de gérer les programmes
d’assistance technique, de reconstituer leurs tendances de financement tout au long de la
période étudiée et d’être en mesure d’obtenir les dossiers des congrès internationaux qui
ont permis de reconstruire une partie du réseau professionnel qui a été stimulé par les
programmes d’assistance technique.
Cette recherche a été menée dans le contexte de la crise mondiale provoquée par
la pandémie du SRAS-CoV-2. Malgré les restrictions provoquées par la pandémie, en
particulier lors de sa première vague, dans la révision documentaire réalisée en Colombie,
elle a motivé davantage l’analyse des organismes internationaux et comment, encore
aujourd’hui, de nombreux mécanismes de circulation des savoirs tels que les congrès, les
missions d’assistance technique, l’appel à la coopération entre les pays, persistent et
façonnent la dynamique mondiale. Certes, notre expérience personnelle et la gérance de
la pandémie qui a été menée depuis l’État-nation, les organismes régionaux de
coopération comme l’Union européenne, ou les organismes mondiaux comme
l’Organisation mondiale de la santé ont démontré non seulement la force des principes de
solidarité qui font bouger une bonne partie de notre monde globalisé, mais aussi ses
propres limites.
Ce texte a reçu de nombreuses observations et recommandations. Cependant,
toute erreur ou omission qu’il puisse y avoir sont de mon entière responsabilité.
- 28 -
P R E M I È R E P A R T I E . L’ A S S I S T A N C E
T E C H N I Q U E I N T E R N AT I O N A L E E T L A
M O N D I A L I S AT I O N S O L I D A I R E .
- 29 -
I. L’ASISTANCE TECHNIQUE : PORTAIL DE LA
MONDIALISATION SOLIDAIRE.
26
Paul Rosenstein-Rodan (1902-1985), économiste polonais, fut l'auteur de la théorie intitulée « Big Push
». Cette théorie ou modèle soutient que, si plusieurs secteurs de l'économie modifient leurs modèles
d'investissement et de profit, ils peuvent générer un revenu à leur disposition pour accroître la demande de
biens et de services, élargissant ainsi le marché et créant un système industriel rentable. Cette théorie exige
que l'économie maintienne son secteur primaire en place, sans exiger de sources de revenus externes,
seulement la richesse produite au niveau national et en utilisant la technologie disponible. Kevin Murphy,
Andrei Schlifer et Robert Vishny. « Industrialization and big push ». Journal of Political Economy [en
ligne], Vol. 97, Nº 5 (1989) : 1003-1026. Consulté le 15 octobre 2019. URL :
https://doi.org/10.1086/261641
- 30 -
« Ce que nous pourrions demander aux États-Unis, c'est de fournir une aide
technique aussi longtemps que nécessaire et de transférer progressivement la
propriété et les responsabilités. Une politique visant à développer les pays sous-
développés et à ne pas les prendre en charge... Dans ces pays, le véritable besoin
est l'instruction. Ils devraient être instruits dans les techniques de production, mais
ils doivent également être instruits dans les méthodes de gérance de la richesse
produite afin qu'ils capitalisent une partie et se développent. Pas toujours, a-t-il
dit, on tient compte du fait que l'éducation est aussi une richesse ».27
27
“Lo que podríamos pedirles a los Estados Unidos es que facilitaran ayuda técnica durante el tiempo
necesario y que transfirieran gradualmente la propiedad y las responsabilidades… Una política dirigida a
desarrollar a los países subdesarrollados y no a adueñarse de ellos… En esos países la verdadera necesidad
es la instrucción. Debe instruírseles en las técnicas de la producción, pero es indudablemente necesario
instruirlos también en los métodos de administrar la riqueza producida para que capitalicen una parte y
crezcan. No siempre - dijo - se tiene en cuenta que la educación es también riqueza.” Dépôt numérique de
la CEPALC (DNCEPALC), Dossier confidentiel, septembre 1953. « Exposición del Excmo. Señor José
Figueres, Presidente electo de Costa Rica y comentarios sobre la misma por el Dr. Raúl Prebisch Director
Principal de la CEPAL. », pp. 5-6. Consulté le 5 octobre 2018. URL : https://goo.gl/Zns52z. Je souligne.
Traduction libre.
28
“De otra forma puede también ayudar los Estados Unidos a los países de América Latina, y
oportunamente lo ha mencionado don José Figueres… Me refiero a la ayuda técnica, en particular a cuanto
puede traducirse en una mejor capacitación tecnológica de nuestros hombres para desarrollar la riqueza de
nuestros países. La formación de técnicos es tan esencial para el desarrollo económico como el capital.”
Traduction libre. “Exposición del Excmo”, p. 10. Je souligne. Traduction libre.
29
Conseil fondateur de la Seconde République.
- 31 -
autre pays d’Amérique Latine - n'avait pas l'expérience nécessaire pour gérer ses
ressources, ignorant à bien des égards les expériences acquises à long terme pour former
un régime de providence, une économie diversifiée et un mécanisme bureaucratique qui
s’est développé tout au long de la première moitié du XXe siècle. Pour les politiciens de
l'époque, dont Figueres, l'État nécessitait autant d'aide que possible pour consolider ses
institutions et l’économie planifié, laquelle viendrait de la gouvernance mondiale
promouvait par divers organismes internationaux.
Le but de ce chapitre est précisément d'analyser la structure des programmes
d’assistance technique promus par l’ONU, l’Organisation des États américains (OEA) et
le Point IV des États-Unis au XXe siècle, mais également d’étudier quels mécanismes
ont-ils utilisés pour encourager la circulation des savoirs en tant que portails de la
mondialisation.30 Les programmes d’assistance technique, de manière générale, ont été
constitués dans les premières décennies du XXe siècle à partir des expériences de certains
groupes académiques, scientifiques, entre autres, qui ont pour but la normalisation de la
connaissance humaine, d’encourager son échange et de promouvoir la
professionnalisation des sciences. Cette tendance a ensuite été modifiée pour répondre
aux objectifs du développement des pays et mobilisée par les organismes internationaux
renouvelés qui ont émergé après la Seconde Guerre mondiale.
Tout d’abord, le contexte des programmes d’assistance technique sera exploré, à
travers les cas de la Société des Nations et des Conférences panaméricaines. La deuxième
partie abordera comment le « développementisme » a imprégné les discours et les
modalités de l’assistance technique et quels changements ont été apportés au modèle
économique mondial. La troisième partie examinera comment les programmes
d’assistance technique de l’ONU, de l’OEA et du Point IV ont été établis en suivant le
modèle du « Service ». La quatrième partie introduira quelles idées, quels discours et
quels symbolismes ont mobilisé les organismes internationaux pour constituer une
« région » latino-américaine et quels obstacles ont empêché leur consolidation. La
dernière partie analysera les changements institutionnels subis par le Costa Rica du milieu
du XIXe siècle au début des années 2000, qui s’inscrivent dans le cadre des gouvernances
mondiales qui ont mobilisé les programmes d’assistance technique.
30
La catégorie d’analyse « portail de la mondialisation » était proposé premièrement par Michel Espagne,
laquelle explique les lieux où se rencontrent plusieurs « espaces » pendant les dynamiques de transferts
culturels. Michel Espagne, « La notion de transfert culturel », Revue Sciences/Lettres [en ligne], 1 (2013) :
1-9. Consulté le 30 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rsl/219.
- 32 -
1. Internationalisme et panaméricanisme.
Ces dernières années, des historiens comme Amy Sayward, Michel Marbeau et
Akira Iriye ont remis en question le travail technique des agences internationales et les
mécanismes qui ont permis un soutien mutuel entre les nations et la démocratisation du
savoir. Tant la Société des Nations (SdN) que l’ONU ont été analysées sous le prisme des
relations internationales et ont souligné le succès ou l’échec de leur recherche incessante
de la paix mondiale, qui a sous-estimé les contributions de ces organisations à la
circulation des savoirs. C’est l’idée de base de ce qu’on appelle l’internationalisme qui
cherche à créer et à diffuser des connaissances partagées par la coopération entre les
nations.31
Plusieurs facteurs furent responsables de l’émergence de l’internationalisme :
l’augmentation de la scolarisation, le développement des technologies de communication
et de transport et l’insertion de scientifiques et d’intellectuels dans divers secteurs
bureaucratiques, économiques et sociaux qui ont collaboré à la consolidation progressive
d’une classe moyenne dans les premières décennies du XXe siècle. N’oublions pas que
l’introduction progressive d’un système international d’unités, d’artefacts nouveaux qui
se sont faufilés dans la vie quotidienne des riches et des plus humbles (comme le cinéma
ou la radio) ont créé le besoin de plus de connaissances, de meilleure qualité et d’espaces
pertinents où de telles connaissances seraient formulées, discutées et diffusées.32
31
Amy L. Sayward. The United Nations in International History. (London : Bloomsbury - Kindle, 2017),
pos. 402. Voir aussi la partie IV de l’œuvre de Michel Marbeau. La Société des Nations : Vers un monde
multilatéral, 1919-1946. (Tours, France : Presses universitaires François-Rabelais – Kindle, 2018) et
l’Introduction de l’œuvre d’Akira Iriye. Global Community. The Role of International Organizations in the
Making of the Contemporary World. (Berkely, Los Ángeles, London : University of California Press -
Kindle, 2002). Tout au long de ce travail, je citerai des œuvres qui se trouvent sous le format « iBooks »
ou « Kindle » et qui, souvent, ne disposent pas d’une pagination conventionnelle, mais offrent des
« positions » qui peuvent changer avec le format de lettre du dispositif de lecture. Pour cette raison, les
positions à inclure dans les références seront toujours approximatives et indiquées par l’indicateur « pos ».
Les œuvres qui ont une pagination seront utilisées de la manière conventionnelle.
32
Sayward, The United Nations, pos. 594-606 ; Marbeau, La Société des Nations, pos. 3941 ; Jorge Rhenan
Segura. La Sociedad de las Naciones y la política centroamericana. 1ª ed. (San José, Costa Rica :
Euroamericana de Ediciones, 1993), pp. 27-28 ; Iriye, Global Community, pos. 127. D’après Christopher
Bayly, l’internationalisme a été défini comme une sorte de dialogue ou de concert dans lequel les entités
politiques pourraient utiliser un certain nombre de droits, en échange de l’accomplissement de certaines
fonctions. L’internationalisme a été alimenté par des réseaux transnationaux qui ont progressivement été
mis en place entre diverses associations publiques et privées et qui ont abouti à une « société civile
internationale embryonnaire ». Cette société, par le biais de traités internationaux, a cherché à réglementer
le commerce, les déplacements humains, la santé, la guerre, entre autres domaines, en normalisant souvent
les connaissances afin qu’elles puissent être utilisées pour divers pays. Christopher A. Bayly. La naissance
du monde moderne. Trad. Michel Cordillot (Paris : Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvriers - iBooks,
2007), pp. 446-457. Il ne faut pas oublier qu’il y avait un autre internationalisme, le marxiste, basé sur la
- 33 -
Ces espaces ont commencé à être informels et limités à peu de spécialistes, mais
progressivement se sont consolidés sous les formes de forums spécialisés et d’institutions.
L’impulsion de cette pratique était énorme : entre la fin du XIXe siècle et 1914, environ
500 organisations internationales opèrent déjà, effectuant des travaux techniques et
politiques.33 Une autre caractéristique de l’internationalisme est qu’avec le soutien de la
SdN, plusieurs de ces organisations ont réussi à établir des normes mondiales pour des
secteurs tels que l’agriculture, la télégraphie, le service postal, la santé et l’hygiène, le
syndicalisme et le droit international conçus pour faciliter sa diffusion et s’adoption.34
Mon but dans ce segment est de souligner certaines des contributions de cet
internationalisme en tant que sponsor de la circulation des savoirs, en utilisant comme
tremplin le cas de la SdN et aussi l’une de ses expressions américaines, le
panaméricanisme.
Michel Marbeau soutient que la SdN visait deux types de politique : celle qu’il
appelle la « grande politique » qui englobe la diplomatie de la paix entre les nations et la
prévention de la guerre ; et une politique « accessoire » qui inclut toutes les activités qui
se trouvent à la périphérie de cette diplomatie, telles que la coopération économique,
technique et intellectuelle entre les nations. Bien que cette « grande politique » ait été
jugée un échec, Marbeau défend que ce constat n’ait pas empêché d’atteindre les efforts
de la SdN pour établir un cadre de coopération technique entre ses pays membres et faire
un pas de plus vers l’universalité de la « nouvelle diplomatie » découlant du Traité de
Versailles.
Plusieurs intellectuels liés à la SdN, comme León Bourgeois35 et Jan Christiaan
Smuts, ont clairement indiqué que cette organisation devait dépasser ses objectifs
conscience de classe du prolétariat mondial. Eric Hobsbawm. La era del imperio : 1875-1914. (Buenos
Aires : Crítica, 2009), pp. 122-151.
33
Jean-Jacques Renoliet. L’UNESCO oubliée. La Société des Nations et la coopération intellectuelle (1919-
1946). (Paris : Publications de la Sorbonne, Série Internationale 59, 1999), p. 11.
34
Sayward, The United Nations, pos. 545, 606, 819-831.
35
L’idée centrale de la « solidarité » chez Bourgeois était que les êtres humains vivant au sein d’une société
y sont débiteurs. « L’obéissance à ce devoir social n’est pas l’acceptation d’un fardeau en échange d’un
gain. C’est la reconnaissance d’une dette. Plus tard, il a été assimilé à la « solidarité » comme une exigence
de « justice sociale » et « éducation » comme le dépôt que la société fait dans l’individu de sorte que, au fil
du temps, il collaborera non seulement pour l’améliorer, mais aussi pour transmettre ce qu’elle a appris. La
- 34 -
diplomatiques et que, par conséquent, ses orientations économiques et sociales étaient
nécessaires. Une telle mission serait définie aux articles 23, 24 et 25 du Traité et, afin
d’atteindre ses objectifs, le Secrétariat a demandé l’avis et recommandations de plusieurs
institutions et comités spécialisés qui assureraient la communication et le transit,
l’hygiène, les questions sociales, l’économie et le financement, la coopération
intellectuelle et, surtout, un bureau de liaison pour l’Amérique Latine.36 Ceux-ci ont été
chargés de la normalisation de certains problèmes techniques et administratifs, de la
coordination de l’échange d’informations et des professionnels, de l’établissement de
protocoles d’aide humanitaire et de l’assistance aux pays membres. Malgré ces efforts, la
tendance des pays membres à agir individuellement ont limité l’impact des efforts du
SdN ; toutefois, il a créé un précédent essentiel pour les futurs projets de coopération
internationale qui émergeront après la Seconde Guerre mondiale.37
Avant le déclenchement de ce conflit armé, l’Australien Stanley Melbourne Bruce
a soumis un rapport à l’Assemblée du SdN recommandant de séparer les fonctions
diplomatiques des celles de nature technique et économique. Ce rapport proposa qu’il y
ait deux catégories de membres : les membres officiels, signataires du Traité, et les
partenaires qui, bien qu’ils ne soient pas signataires, collaborent avec les activités
d’assistance technique et économique. Bien que les propositions du rapport Bruce, qui
date de 1939, n’aient pas donné de résultats immédiats en raison de la guerre, ce document
a été identifié comme l’un des piliers du futur Conseil économique et social (ECOSOC)
de l’ONU.38
« solidarité » est donc un produit politique de la société et devrait être parrainée par l’État. Ce n’est pas un
hasard si Bourgeois était l’un des parents intellectuels de la Société des Nations (SdN) et son premier
président, ni que ses idées ont par la suite inspiré le travail technique de cette agence pendant la première
période d’après-guerre. Jacques Mièvre. « Le solidarisme de León Bourgeois. Naissance et métamorphose
d’un concept. » Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 63 (2001), pp. 141-155. Consulté le 01 mai 2020.
URL : http://journals.openedition.org/cdlm/17; Segura, La Sociedad de las Naciones, pp. 28-32.
36
Marbeau a souligné que la formulation de ces articles fut le produit du contexte d’après-guerre, où
l’intervention de la SdN était nécessaire dans les secteurs économique et social des États dévastés par la
Grande Guerre ou d’autres crises humanitaires, comme l’Autriche ou la Grèce. Cependant, c’est essentiel
de remarquer que ces opérations ont dû tenir compte à tout moment des particularités de chaque cas, une
idée qui, comme on le verra ci-dessous, a survécu dans la structure de l’assistance technique du second
après-guerre. Marbeau, La Société des Nations, pos. 3642, 3655, 3719-3750 ; Iriye, Global Community,
pos. 256-266 ; Segura, La Sociedad de las Naciones, pp. 37, 40, 41 y 42.
37
Sayward, Les Nations Unies, pos. 2490 ; Marbeau, La Société des Nations, pos. 3554-3583, 3642-3686.
Hedley Bull contextualise ces pratiques dans ce qu’il appelle la « société internationale ». Hedley Bull. The
Anarchist Society : A Study of Order in World Politics. 2e. Ed. (New York, 1995), p. 13. Cité dans Iriye,
Global Community, pos. 135.
38
Marbeau, La Société des Nations, pos. 4026-4089 ; Sayward, The United Nations, pos. 819-831 y 2490.
- 35 -
b) Empire et coopération hémisphérique.
39
Naoko Shibusawa. « Chapter 3. Ideology, culture and the Cold War. » The Oxford Handbook of The Cold
War, Richard H. Immerman and Petra Goedde (eds.). (Oxford : Oxford University Press, 2013), p. 35.
40
David Slater. Geopolitics and the Post-colonial. Rethinking North-South Relations. (UK : Blackwell
Publishing - Edición Kindle, 2004). pos. 453, 518.
41
Victor Hugo Acuña dans un ouvrage inédit sauve le terme « américanisme » d’Yves Cohen et Carolina
Mora comme l’expression de « l’admiration, du respect et de la volonté d’imiter que suscite la nation
américaine. » Víctor Hugo Acuña Ortega. « Costa Rica y la llegada del Imperio estadounidense (1890-
1917). » Centroamérica frente a la llegada del imperio estadounidense, Víctor H. Acuña y Héctor Lindo
(eds.) (San Salvador : EDUCA, en cours d’impression). Je suis très reconnaissant au professeur Acuña de
m’avoir partagé ce texte ; Greg Grandin. Empire’s Workshop : Latin America, the United States, and the
rise of the new imperialism. (New York : Metropolitan Books, 2006), pp. 12-14, 18 ; Slater, Geopolitics
and the Post-colonial, pos. 596 y 606 ; Michel Gobat « The Invention of Latin America : A Transnational
History of Anti-Imperialism, Democracy and Race. » American Historical Review [en ligne], 118, 5,
(December 2013) : pp. 1345-1375. Consulté le 17 juin 2020. URL : https://academic.oup.com/ahr/article-
abstract/118/5/1345/17516; César Sepúlveda. El Sistema Interamericano: génesis, integración,
decadencia. (México: Editorial Porrúa, 1974), pp. 18-21; Teresa Maya Sotomayor. « Estados Unidos y el
panamericanismo: el caso de la I Conferencia Internacional Americana (1889-1890). » Historia Mexicana
[en ligne], Vol. 45, Nº 4, Una mirada hacia afuera: México y América Latina, siglos XIX y XX (Abril-
Junio 1996): p. 768. Consulté le 15 juin 2020. URL : https://www.jstor.org/stable/25139019
42
Arturo Ardao explique que l’origine du panaméricanisme vient du courant du XIXe siècle du « panisme
» qui faisait référence aux mouvements politiques qui cherchaient à rassembler des pays ou des
communautés ayant une parenté ou un tronc culturel commun. Dans le cas de l’Amérique, Ardao prévient
- 36 -
identité commune. De toute évidence, les intellectuels latino-américains ont tourné le dos
à cette pensée et ont revendiqué leur différence face au colosse du Nord.43 Une telle
divergence causa que plusieurs accords de la Première Conférence internationale
américaine (octobre 1888 – avril 1889) tels que le développement de nomenclatures
communes ou la normalisation des poids furent un échec. Seulement la fondation du
Bureau commercial des Républiques américaines44 échappe à ce destin, et 20 ans après
changea son nom en Union panaméricaine (UnP).45
Le panaméricanisme est un cas particulier d’internationalisme, car il a été désigné
comme un instrument de l’hégémonie impériale américaine sur les pays d’Amérique
latine et encore comme un instrument du Corollaire Roosevelt.46 Pour ces raisons, certains
historiens ont argumenté que les États-Unis ont manipulé l’ordre du jour des Conférences
panaméricaines de sorte que le contenu économique et commercial soit la priorité et que
le panaméricanisme soit l’expression d’un «empire international » fondé sur
l’exploitation du prestige des États-Unis en tant que puissance économique, politique,
culturelle et technologique.47 Certes, ce processus a été rendu possible par le travail de
que c’était le premier « panisme » basé sur une géographie d’échelle continentale, en raison de la réalité
hétérogène qui caractérisait la région. Arturo Ardao. « Panamericanismo y latinoamericanismo. » Antología
del pensamiento crítico uruguayo contemporáneo, Karina Batthyány y Gerardo Caetano (coord). (Buenos
Aires : CLACSO, 2018), pp. 181-182 ; Sotomayor, « Estados Unidos y el panamericanismo », p. 766.
43
Juan Pablo Scarfi. « La emergencia de un imaginario latinoamericanista y antiestadounidense del orden
hemisférico: de la Unión Panamericana a la Unión Latinoamericana. (1880-1913). » Revista Complutense
de Historia de América [en ligne], Vol. 39 (2013) : pp. 81-104. Consulté le 20 octobre 2019. URL :
https://core.ac.uk/download/pdf/38840184.pdf ; Sotomayor, « Estados Unidos y el panamericanismo », pp.
773-778.
44
Le Bureau a commencé à fonctionner avec un budget de 36 000 dollars par an et a eu pour fonction de
produire et de diffuser des rapports et des données statistiques qui serviraient à l’expansion des activités
industrielles et commerciales. Il a reçu des critiques sévères des pays d’Amérique latine en accusant le
Bureau d’être porte-parole des intérêts étasuniens et de n’avoir pas le bon financement pour garantir sa
bonne performance. Instituto Interamericano de Ciencias Agrícolas y Asociación Latinoamericana de
Fitotecnia. Las Ciencias Agrícolas en América Latina. Progreso y futuro. (San José, Costa Rica : Imprenta
Trejos Hnos., 1967), p. 467.
45
Héctor Vera. « Medición y vida económica. Medidas panamericanas y la lucha por un “lenguaje
universal” para el comercio. » Estudios sociológicos [en ligne], Vol. 32, Nº 95 (mayo-agosto 2014) : pp.
231-260. Consulté le 19 octobre 2019. URL : https://www.jstor.org/stable/24368100 ; Sotomayor, «
Estados Unidos y el panamericanismo », p. 772 ; María Rodríguez Díaz. « La Cuarta Conferencia
Panamericana de 1910 y la doctrina Monroe en la prensa y diplomacia mexicana. » Ciencia Nicolatina [en
ligne], Nº 71 (Octubre 2017) : p. 47. Consulté le 19 octobre 2019. URL :
https://www.cic.cn.umich.mx/cn/article/view/381 ; Acuña, « Costa Rica y la llegada del Imperio », pp. 17-
18.
46
Slater, Geopolitics and the Post-colonial, pos. 606-627 ; Grandin, Empire’s Workshop, pp. 22-23.
47
Éricka Gólcher. « La Segunda Guerra Mundial: Participación costarricense en la Organización
Panamericana (1936-1944). » Anuario de Estudios Centroamericanos [en ligne], Vol. 22(2), (1996) : p. 92.
Consulté le 17 octobre 2019. URL : https://www.jstor.org/stable/25661284 ; Acuña, “Costa Rica y la
llegada del Imperio”, pp. 7-8. Acuña justifie cet argument d’après Paul Krammer, qui caractérise «
l’impérial » comme une manifestation à la fois de domination et de consensus et appelle la capacité de
contrôler la relation des États-nations, leurs connexions et leur flux. Paul A. Krammer. « Power and
- 37 -
fondations privées, telles que la Carnegie, la Ford et la Rockefeller, qui ont réalisé des
projets en Amérique latine visant à créer une main-d’œuvre disciplinée, pour promouvoir
le droit international en tant qu’instrument de stabilité régionale ou d’aider à
l’amélioration des conditions de vie de la population, parfois sans tenir compte de l’avis
des experts locaux.48
Je considère le panaméricanisme à la fois comme un instrument géopolitique et
en même temps comme de l’internationalisme. Le Graphique I.1 révèle qu’en effet, les
questions les plus discutées qui pourraient avoir été liées aux projets expansionnistes des
États-Unis furent celles des relations internationales et des normes, des statistiques et du
commerce, qui représentent 49 % de l’ordre du jour. Si l’on considère également que le
domaine des transports et des communications comprenait la discussion de projets tels
que le canal de Panama ou la route panaméricaine, comme cela s’est produit lors des
conférences II, IV et VIII, nous voyons le poids géopolitique et l’intérêt des États-Unis
pour ces questions.
Connection : Imperial Histories of the United States in the World. » The American Historical Review [en
ligne], Vol. 116, Nº5 (December 2011) : pp. 1351, 1366. Consulté le 16 octobre 2019. URL :
https://doi.org/10.1086/ahr.116.5.1348
48
Grandin, Empire’s Workshop, pp. 12-14, 18 ; Voir aussi le chapitre 1 d’Inderjeet Parmar Foundations of
the American Century. The Ford, Carnegie, & Rockefeller Foundations in the Rise of American Power.
(New York : Columbia University Press, 2012), pp. 1-30. Pour approfondir le travail de la Fondation
Rockefeller au Costa Rica, voir aussi Steven Palmer. « Adiós laissez-faire : la política social en Costa Rica
(1880-1940). » Revista de Historia de América [en ligne], Nº 124 (enero-junio 1999) : 99-117. Consulté le
20 octobre 2019. URL : https://www.jstor.org/stable/23800947 ; Ana Paulina Malavassi A. « El encuentro
de la Fundación Rockefeller con América Central, 1914-1921. » Diálogos Revista Electrónica de Historia
[en ligne], Vol. 7, Nº 1 (Febrero - Agosto 2006) : pp. 115-149. Consulté le 21 octobre 2019. URL DOI :
10.15517/DRE.V7I1.6186 ; Ana María Botey Sobrado. « Salud, higiene y comunistas (1933). » Diálogos
Revista Electrónica de Historia [en ligne], Vol. 9, Nº 2 (Agosto 2008 - Febrero 2009) : 2-22. Consulté le
21 octobre 2019. URL : DOI 10.15517/DRE.V9I2.6149
- 38 -
Graphique I.1. Représentativité des sujets traités dans les Conférences
panaméricaines, en pourcentages (1889-1948).
1%
2% 1%
Relations internationales
9% Normes, statistiques et
commerce
29%
Problématiques sociales
Transports et communications
Hygiene et santé
Problématiques
20% 22%
environmentales
Problématiques municipales et
locales
Source : Ricardo Jinesta. La Operación Panamericana. (San José, Costa Rica, Imprenta Trejos Hnos.,
1960), pp. 8-16.
- 39 -
et évitent la complexité de leurs relations, leurs points communs, leurs divergences et les
mécanismes de coopération mis à disposition pour résoudre leurs problèmes communs.49
Nous ne pouvons pas non plus avancer, du moins pour ce cas particulier, que
l’impérialisme n’a pas créé l’internationalisme. Il est clair que les Conférences
panaméricaines ont fonctionné comme des espaces de liaison entre nombreux acteurs
latino-américains et étasuniens par la convocation de congrès de géographie, de
journalisme, de pédagogie, d’autorités universitaires, d’architecture, de questions
criminelles, de femmes et même de questions municipales ; les activités académiques et
les échanges entre ces pays ont été encouragés et certaines bases d’assistance technique
ont été établies. Pour ces raisons, le panaméricanisme a fonctionné comme une «
communauté mondiale » suivant la définition donnée par Iriye.50
Si l’analyse des espaces et des stratégies de la coopération internationale qui ont
créé le panaméricanisme est privilégiée, il est possible de nuancer la thèse impérialiste
parce que de nombreux aspects qui composent ce projet hémisphérique ne peuvent pas
être expliqués avec cette perspective qui empêche de voir la pluralité des interactions et
relations entre les pays d’Amérique latine et les États-Unis. Avec cela, je cherche à
évoquer le même constat que celui qui a été mis pour la Guerre froide, parce que bon
nombre des processus historiques qui ont eu lieu dans ce contexte ne peuvent pas être
expliqués avec la relation Est-Ouest51 et il devient nécessaire de réfléchir aux différentes
formes d’assimilation, d’adaptation ou de rejet du projet impérial en l’Amérique latine.52
49
Rodríguez Díaz, « La Cuarta Conferencia», pp. 48-56; Leandro Morgenfeld. « La oposición argentina a
la organización panamericana impulsada por Estados Unidos (Segunda Conferencia, México, 1901-1902).
» Temas de historia argentina y americana [en ligne], Nº 15 (Julio-Diciembre 2009) : pp. 159-193.
Consulté le 21 octobre 2019. URL : https://repositorio.uca.edu.ar/handle/123456789/7611
50
Iriye, Global Community, pos. 218-229.
51
Akira Iriye. “Historicizing the Cold War”. The Oxford Handbook of the Cold War, Richard Immerman
y Petra Goedde (eds) (Oxford : Oxford University Press, 2013-Kindle), pp. 16-17, 21-22 ; Iriye, Global
Community, pos. 624-647.
52
Acuña, “Costa Rica y la llegada del Imperio”, pp. 8-9.
- 40 -
2. Les visages de la gouvernance mondiale.
53
Selon Pascal Lemy, la gouvernance mondiale est « l’ensemble des transactions par lesquelles des règles
collectives sont élaborées, décidées, légitimées, mises en oeuvres et contrôlées » Pierre Jacquet, Jean
Pisani-Ferry et Laurence Tubiana. « Gouvernance mondiale: les institutions économiques de la
mondialisation » dans Gouvernance modiale, Vol. 37 (Paris: La Documentation française, 2002), p. 13.
54
Iriye, Global Community, pos. 341.
55
Pour les pays touchés par la Grande Guerre ou d’autres situations extrêmes en Europe, le SdN a affecté
des prêts internationaux, est intervenu dans l’économie avec des politiques restrictives pour les dépenses et
a soutenu la stabilisation des monnaies. Au fil du temps, il a étendu ces tâches à d’autres parties du monde,
comme en Amérique centrale où le Guatemala, El Salvador et le Nicaragua se sont bénéficié de ce type
d’assistance technique. Marbeau, La Société des Nations, pos. 3676-3748 ; Segura, La Sociedad de las
Naciones, p. 247.
56
Le « Bon voisinage » devrait être considéré comme une mise à jour du projet hégémonique des États-
Unis, utilisant le discours de l’amitié et de la responsabilité mutuelle pour maintenir son leadership dans la
région. Ironiquement, « le Bon voisinage » a toléré les gouvernements dictatoriaux en Amérique latine, ce
qui a désavoué les objectifs de stabilité politique dans la région. Slater, Geopolitics and the Post-colonial,
pos. 690-701 ; Grandin, Empire’s Workshop, pp 28-37 ; Stephen Macekura. « The Point Four Program and
U.S. International Development Policy ». Political Science Quarterly [en ligne], Vol. 128, Nº 1 (2013) : p.
134. Consulté le 10 octobre 2019. URL : https://www.jstor.org/stable/23563372
- 41 -
de vie » des habitants, à travers trois piliers fondamentaux : le travail expert,
l’investissement privé57 et la collaboration à long terme.58
L’atmosphère de guerre a répandu ces idées, en commençant par les Alliés qui,
soit par la Déclaration interalliés ou soit par la Charte atlantique de 1941, reconnaissaient
que les hommes libres devaient jouir de la sécurité économique et sociale et que, grâce à
eux, la paix pouvait être atteinte. Dès lors, l’idée que l’objectif de la coopération entre les
nations était d’atteindre des niveaux de vie élevés, c’est-à-dire leur « développement », a
été renforcée plus intensément. D’après Nick Cullhater, l’une des caractéristiques de ce
« développement » a été la création de modèles qui, à travers une série de « principes
universels », un pays pourrait améliorer son statut économique et social basé sur la
reproductibilité de ces principes. Son caractère universel fut le moteur de la croissance et
c’est pourquoi elle a favorisé un mépris généralisé de la tradition et une mise à jour des
conceptions civilisatrices ou colonialistes.59 Certes, cette perspective s’est si
profondément implantée dans l’état d’esprit collectif des sociétés occidentales que
personne ne l’a remise en question ou essayé de définir correctement sa nature et ses
objectifs.60
En plus de ce que j’ai analysé antérieurement, une étape importante dans tout ce
processus a été le discours inaugural de l’ancien président américain Harry S. Truman
(1945-1953), prononcé le 20 janvier 1949, qui a popularisé le « développement » et le «
sous-développement ».61 Truman recourut aux représentations sociales de la pauvreté
57
La croyance que l’entreprise privée avait une « responsabilité social » envers la société qui a servi d’hôte
était une mise à jour de cette philanthropie entrepreneuriale qui a émergé au début du XXe siècle et
professait la propagation de la connaissance, de la science et du progrès basés sur les principes chrétiens.
Grandin, Empire’s Workshop, pp. 29-30 ; Claude Erb. « Prelude to Point Four : The Institute of Inter-
American Affairs. » Diplomatic History [en ligne], Vol. 9, Nº 3 (1985) : p. 253. Consulté le 18 octobre
2019. URL : https://doi.org/10.1111/j.1467-7709.1985.tb00535.x
58
Macekura, « The Point Four », pp. 131-132.
59
Nick Cullather. « Research Note : Development ? It’s History. » Diplomatic History [en ligne], Vol. 24,
Nº 4 (Fall 2000) : pp. 645-646. Consulté le 18 octobre 2019. URL : https://doi.org/10.1111/0145-
2096.00242 ; Sayward, The United Nations, pos. 2514-252.
60
Gilbert Rist. « Development as a Buzzword. » Development in Practice [en ligne], Vol. 17, Nº 4/5 (Aug.
2007) : pp. 485-491. Consulté le 17 octobre 2019. URL : https://doi.org/10.1080/09614520701469328
61
Alain Musset a noté que le terme sous-développé avait été utilisé de nombreuses années plus tôt par
Vladimir Lénine dans son ouvrage « L’impérialisme, l’État suprême du capitalisme ». Alain Musset. « De
Lênin a Lacoste. Os Arquétipos espaciais de subdesenvolvimiento », en Compreendo a complexidade
socioespacial contemporânea. O território como catégoria de diálogo interdisciplinar, María Teresa
- 42 -
comme handicap moral, le progrès scientifique et industriel comme remède de ce mal, et
la responsabilité des pays riches d’aider ceux qui sont moins chanceux.62 Le produit
intérieur brut (PIB) a été utilisé comme indicateur principal pour mesurer ce
développement, et le système démocratique a été considéré comme la base politique de
tout programme économique visant à réussir. Bien sûr, pour les idéologues du
« développementisme », la pauvreté était un handicap et une menace parce que le
communisme pouvait se fortifier à cause d’elle.63
Malgré l’inexactitude du terme « développement », cela n’a pas empêché la
coopération internationale de rétablir progressivement ses objectifs en vue d’élever le
niveau de vie et d’établir ainsi un certain nombre de droits et de responsabilités des pays
riches et des pays pauvres. Ce fut le début d’une nouvelle classe de gouvernance mondiale
fondée sur une « solidarité pragmatique », comme l’appelle Sayward, qui a relancé les
principes économiques de John Maynard Keynes, à savoir ceux du rôle actif de l’État
dans l’économie et l’importance d’accroître l’investissement public. D’après Walt
Withman Rostow le modèle s’est procuré du postulat qui a défendu l’augmentation du
niveau de vie des masses appauvries visait à les transformer en consommateurs potentiels
et donc favoriser l’industrie, comme un suivi des étapes de la croissance économique.64
Cette « solidarité pragmatique » que j’appellerai mondialisation solidaire,
s’exprima à l’article 55 de la Charte des Nations Unies qui délinéa la mission de
promouvoir la stabilité et le bien-être des pays, par la coopération internationale et le
Franco Ribeiro y Carlos Sanchez Milani (coord.) (Salvador, Brasil : EDUFBA, 2009) : p. 101.
L’inexactitude du terme développement était également due à son utilisation comme un « truc de relations
publiques » pour le rendre plus original et attrayant et pas vraiment comme instrument consolidé de la
politique économique. Rist. « Development as a Buzzword. », p. 485.
62
William Gibbons. « The Point Four Program and our responsibilities to underdeveloped areas. » Review
of Social Economy [en ligne], Vol. 11, Nº 1 (March, 1953) : p. 33. Consulté le 20 octobre 2019. URL :
https://doi.org/10.1080/00346765300000003 ; Sayward, The United Nations, pos. 2514-2525 ; Cullather,
« Research Note : Development?», pp. 650-651.
63
Dans le contexte de la Guerre froide, le facteur démocratique a été utilisé comme condition sine qua non
pour fournir de l’aide, même si les États-Unis n’ont pas été en mesure de cacher leurs propres contradictions
dans ce domaine. Macekura, « The Point Four », pp. 145-147 ; Slater, Geopolitics and the Post-colonial,
pos. 1076 y 1095.
64
Rist et Slater mettent en garde contre la violence intrinsèque de ce modèle, car il intègre une modification
substantielle des modes de vie traditionnels et les convertit modèles de consommation. Rist, « Development
as a Buzzword », p. 486 ; Slater, Geopolitics and the Post-colonial, pos. 937-948. Yves Lacoste a
sévèrement critiqué Rostow parce que il considérait le sous-développement comme une situation
comparable à celle vécue par les pays européens avant la révolution industrielle et parce qu’il utilisait le
développement comme un instrument idéologique pour promouvoir le capitalisme et le « mode de vie
américain ». Musset. « De Lênin a Lacoste », p. 96.
- 43 -
respect des droits fondamentaux de l’homme65, et désigné le ECOSOC comme l’organe
chargé de fournir l’assistance technique et financière que les États membres ont demandé
pour promouvoir leur développement économique.66 Ce cadre juridique a servi de base
aux résolutions qui façonneront le futur programme d’assistance technique.67
Une caractéristique importante de cette mondialisation solidaire a été sa tendance
à se régionaliser. L’ONU divisa l’ECOSOC en commissions régionales chargées de
s’occuper des spécificités économiques, politiques, culturelles et sociales des États
membres. Au cours de ce processus, les pays « sous-développés » ont collaboré les uns
avec les autres pour façonner ces commissions, les cas des pays d’Asie et d’Amérique
latine avec la création de la ECAFE (Commission économique et sociale pour l’Asie et
l’Extrême-Orient) en 1946 et de la CEPALC en 1948 en étant des bons exemples.
Un autre facteur contribuant à cette régionalisation a été l’incorporation de
nouveaux États, le produit des processus d’indépendance et de décolonisation qui ont eu
lieu au cours des années 1950 et 1960. Ce contexte a mis en évidence les limites du
modèle universel de l’ONU68, car au fur et à mesure que ces nouveaux États ont été
intégrés, il est devenu incontestable qu’il y avait plusieurs visages de « sous-
développement » et, par conséquent, qu’il y avait plusieurs voies vers la prospérité
économique tant désirée. L’une des commissions régionales les plus critiques à cet égard
a été la CEPALC, comme je l’expliquerai plus loin.69
Les années soixante sont couvertes par le soi-disant « Décennie des Nations Unies
pour le développement ». En cet encadrement, l’ancien président John F. Kennedy (1961-
1963) a inauguré une nouvelle phase de l’hégémonie américaine en particulier en
65
Il convient de souligner que les pays d’Amérique latine ont promu avec enthousiasme les droits à la
protection sociale, à la nourriture, aux loisirs, aux vêtements, au logement, à l’éducation et à l’égalité pour
les femmes, qui ont fini par faire partie de la Charte des Nations Unies. Grandin, Empire’s Workshop, pp.
37-38.
66
La nature économique de la mondialisation solidaire a été abordée par Guy Roustang, la considérant
comme un outil pour renforcer le capital social et lutter contre les inégalités économiques produites par la
« mondialisation libérale ». Au-delà de la mise en valeur sur les « biens de consommation », l’accent était
mis sur la démocratisation de l’accès aux « biens communs de l’humanité », c’est-à-dire l’alimentation, la
santé, le logement et le respect de la diversité culturelle. Guy Roustang. « Mondialisation et économie
solidaire. » Hermès [en ligne], 36, 2003, pp. 175-182. Consulté le 20 juin 2020. URL :
https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2003-2-page-175.htm
67
Charte des Nations Unies. Consulté le 26 octobre 2019. URL : https://www.un.org/es/sections/un-
charter/chapter-ix/index.html
68
Jimmy Linn Caylor. « The United Nations Regional Economic Commissions : Regionalization and
Decentralization in the Third World. » (Mémoire de master de Relations internationales, University of
Southern California, 1974), pp. 9-10 ; Sayward, The United Nations, pos. 2669 ; Sunkel y Paz, El
subdesarrollo, pp. 20-21.
69
Caylor, « The United Nations Regional », pp. 91-92.
- 44 -
Amérique latine avec le Programme de l’Alliance pour le progrès (ALPRO) que Kennedy
a appelé une révolution contre le projet cubain ; en autre, l’incorporation de l’Union
soviétique (URSS) dans le Programme élargi d’assistance technique (EPTA) de l’ONU
cherchait « conquérir » les pays décolonisés avec leur offre d’assistance technique.70
Dans ce contexte, l’URSS et les États-Unis se sont évertués à contrôler, conformément à
leurs intérêts, les plates-formes d’aide internationale en même temps que les organisations
internationales tendraient à résister à cette pratique.71
Au cours de ces décennies, les contraintes du modèle de développement
économique ont été plus évidentes et de nouveaux forums de discussion ont été proposés
pour la proposition d’alternatives, auxquelles les pays « développés » ont rapidement
résisté. Deux d’entre eux, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le
développement (CNUCED) et l’Organisation des Nations Unies pour le développement
industriel (ONUDI), ont réuni le Groupe des 77 (G-77) dont les membres ont souligné
leur droit de s’industrialiser et de corriger les distorsions commerciales causées par l’écart
économique et social croissant entre eux et les pays riches. Entre 1970 et 1980, le G-77 a
proposé la souveraineté nationale sur les ressources naturelles, la création d’instruments
juridiques pour réglementer l’activité des sociétés transnationales, la transmission et
l’utilisation des principales avancées scientifiques et technologiques, entre autres
demandes, comme base d’un « nouvel ordre économique mondial ».72
70
L’ALPRO est considéré comme une manifestation de ce que Kennedy, dans son discours inaugural, a
appelé « Nouvelle Frontière ». Héritière de la « Nouvelle Liberté » de Woodrow Wilson, du « New Deal »
de Roosevelt et du « Point IV » de Truman, la « Nouvelle Frontière » a été définie comme une série de
défis, y compris le développement économique et social de l’Amérique latine. Les « nouveaux hommes de
la frontière » seraient chargés de délimiter les objectifs d’ALPRO dans le but de consolider la démocratie
dans la région et d’éliminer la possibilité d’un « deuxième Cuba ». John F. Kennedy. « Excerpt, 1960
Democratic National Convention, 15 July 1960. » John F. Kennedy Presidential Library and Musseum.
Consulté le 27 décembre 2020. URL : https://www.jfklibrary.org/learn/about-jfk/historic-
speeches/acceptance-of-democratic-nomination-for-president; Michael Dunne. « Kennedy's Alliance for
Progress : countering revolution in Latin America : Part I: From the White House to the Charter of Punta
del Este. » International Affairs (Royal Institute of International Affairs) [en ligne], Vol. 89, No. 6
(November 2013), pp. 1389-1409. Consulté el 7 juin 2020. URL : https://doi.org/10.1111/1468-
2346.12080 ; Rafael Domínguez. « La Alianza para el Progreso. Aportes para una teoría crítica de la
cooperación », Historia de la Cooperación Internacional desde una perspectiva crítica, Rafael Domínguez
y Gustavo Rodríguez (coord.). (Barranquilla, Colombia : Editorial Uniautónoma, 2017), p. 124.
71
Grandin, Empire’s Workshop, p. 47-50 ; Slater, Geopolitics and the Post-colonial, pos. 959-980 ;
Sayward, The United Nations, pos. 2779, 2791, 2878 ; Iriye, Global Community, pos. 752. Il convient de
souligner que l’ALPRO a été fondée sur l’Opération panaméricaine de l’ancien président brésilien Jucelino
Kubitschek proclamée en 1958. Il a insisté sur la nécessité d’un plan Marshall, qui servirait de « cri de
guerre » contre le communisme et contribuerait à la durabilité démocratique de la région, grâce à la
coopération technique et économique des États membres de l’Organisation des États américains. Jinesta,
La Operación Panamericana, pp. 16-38 ; Sepúlveda, El Sistema Interamericano, pp. 66-67.
72
Sayward, The United Nations, pos. 2820-2878, 2918, 3099.
- 45 -
Ces décennies ont également vu l’émergence de nouvelles dimensions qui ont été
incorporées dans la notion de développement. L’une d’elles était l’intégration
économique des femmes et des minorités, une proposition qui a gagné prépondérance
après les mouvements sociaux des années 1960. En plus, un autre facteur tout aussi
important a été l’émergence du discours de conservation environnementale, qui a
popularisé l’idée que le « sous-développement » était l’un des facteurs à l’origine de la
dégradation des écosystèmes.73 En conséquence, plusieurs conférences mondiales ont été
organisées, telles que la conférence de Stockholm de 1972, et de nouvelles agences
affiliées à l’ONU telles que le Programme des Nations Unies pour l’environnement
(PNUE) basé à Nairobi, au Kenya, et le Programme des Nations Unies pour les
établissements humains (HABITAT) ont été créés. Ces nouvelles agences et l’émergence
de nouveaux forums mondiaux ont encouragé la non-marchandisation de la nature et la
promotion du futur « développement durable ».74
b) L’épuisement de la solidarité.
73
Joan Martínez-Alier et Ramachandra Guha ont contredit cette perspective, indiquant que dans les pays
pauvres, il y avait une prise de conscience de la protection de leur environnement, car sa dégradation
compromettait la survie leur peuples et sociétés. Joan Martínez-Alier. El ecologismo de los pobres.
Conflictos ambientales y lenguajes de valoración. (Barcelona : Icaria Editorial – FLACSO, 2006). Pour un
examen critique de l’écologie des pauvres, voir Mauricio Folchi. « Environmentalism of the poor:
environmental conflicts and environmental justice. » Social-ecological Systems of Latin America :
Complexities and Challenges, L.E. Delgado y V.H. Marín (eds.) (Switzerland: Springer Nature, 2019): pp.
95-115 et Anthony Goebel. « Ecologismo de los pobres y marginalidad social : vehículos de
complementariedad y puentes dialógicos. » Reflexiones [en ligne], Vol. 89, Nº 1 (2010) : pp. 127-142.
Consulté le 22 octobre 2019. URL : DOI 10.15517/RR.V89I1.11580
74
Sayward, The United Nations, pos. 3018-3061.
75
Rist a fait valoir que l’élargissement continu de l’écart socio-économique entre les pays riches et les pays
pauvres a motivé les idéologues du développement à incorporer de nouveaux attributs dans ce mot pour
renouveler son sens (tels que « développement humain » ou « développement durable »). Toutefois, cette
pratique n’a fait que révéler les contradictions d’un modèle économique qui continuait à produire beaucoup
d’inégalités. Rist, « Development as a Buzzword », pp. 486-487.
76
Le néolibéralisme est une théorie de l’économie politique qui considère le bien-être humain comme le
produit de la libéralisation des capacités entrepreneuriales individuels dans un cadre institutionnel qui
protège la propriété privée, le libre marché et le commerce. L’État n’est qu’un garant de ce processus, par
la réglementation, et il doit encourager la création de marchés lorsqu’ils n’existent pas, par exemple dans
- 46 -
1981 sur le commerce international et le développement et le Consensus de Washington77
comme responsables de la promotion du modèle de la libre concurrence et le commerce
avec des entreprises privées, la Banque mondiale (BIRF-BM) et le Fonds monétaire
international (FMI) comme les chefs d’orchestre de ce changement.78
La CNUCED et le G-77 ont soulevé de sérieuses critiques quant à l’ingérence
croissante des entreprises privées dans les affaires intérieures des pays et aux programmes
d’ajustement structurel promus par la BIRF-BM et le FMI qui, pendant la crise de 1980,
ont étranglé les institutions de l’État providence des pays « sous-développés ». Ainsi,
l’ONU a été également touchée par ce mouvement, car parmi les directives du PNUD il
y en avait certaines qui ont promu l’absorption des fonctions du Fonds des Nations Unies
pour l’enfance (UNICEF) et du Programme alimentaire mondial et du Fonds des Nations
Unies pour la population (FNUAP) pour réduire le nombre d’agences spécialisés de
l’organisation internationale. Or, tout en essayant de limiter les fonctions de solidarité de
l’ONU, celles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de ses pratiques
néolibérales ont été encouragées et renforcées.79
Malgré l’assaut du néolibéralisme, les institutions spécialisées de l’ONU ont
cherché à garder l’esprit de solidarité et de responsabilité mutuelle entre les nations, en
maintenant (quoique dans une moindre mesure) des programmes de coopération
technique aux pays qui en avaient besoin, en proposant de nouvelles méthodologies pour
mesurer non plus le développement, mais le bien-être humain à travers l’Indice de
développement humain qu’elle a commencé à publier depuis 1991, à financer la
transformation institutionnelle de plusieurs pays qui se remettent de périodes autoritaires
et promouvoir la convocation de sommets environnementaux qui, quelques années plus
tard, ont abouti au Protocole de Kyoto de 1997. En ce sens, le travail de solidarité des
des domaines tels que l’éducation, la sécurité sociale, la pollution ou le logement. David Harvey. A Brief
History of Neoliberalism. (Oxford: Oxford University Press, 2005), p. 2.
77
Pour approfondir les effets du Consensus de Washington, voir le chapitre 5 de Sarah Babb. Behind
Development Banks. Washington Politics, World Poverty, and the Wealth of Nations. (Chicago and London
: The University of Chicago Press – Kindle, 2009). Baab scrutait la manière dont le Consensus de
Washington affectait le fonctionnement des « banques multilatérales de développement », en particulier le
Banque Interaméricain de Développement (BID), qui, à partir de 1985, a vu son indépendance réduite en
raison des pressions du Département du Trésor qui ont forcé l’institution à mettre en place des réformes
dans son fonctionnement et à allouer des ressources aux politiques d’ajustement structurel.
78
Sayward, The United Nations, pos. 3239.
79
Sayward, The United Nations, pos. 2999, 3319, 3299.
- 47 -
organisations internationales reste en place et demeure un vecteur de premier plan pour
la connaissance mondiale de l’humanité.80
Lors du 20e gala des Oscars qui s’est tenu dans la nuit du samedi 20 mars 1948,
l’Académie a décerné le prix du meilleur court métrage documentaire à Leo Seltzer,
réalisateur de la capsule intitulée « Premiers pas », qui s’est tenue sous les auspices du
Département des affaires sociales des Nations Unies. Le documentaire décrivait que grâce
à des exercices et des stimuli, des enfants avec des problèmes moteurs ont réussi à
surmonter leurs difficultés et devenir, donc, indépendants. Les activités mises à
disposition par les travailleurs sociaux comprenaient des exercices moteurs fins, des
étirements, des jeux de billard, du bricolage, de la physiothérapie et même des travaux
agricoles (Image I.1).
Une lecture superficielle de son contenu ne nous amène qu’à l’histoire de
l’amélioration personnelle d’un enfant qui entre dans la clinique incapable de se déplacer
et qui, avec l’aide de ses parents et des travailleurs sociaux, marche enfin de son propre
chef. Toutefois, le documentaire peut être lu comme une métaphore des programmes
d’assistance technique destinés aux pays « sous-développés ». Mais avant de regarder ce
documentaire, nous devons explorer certains aspects : quels étaient les antécédents des
programmes d’assistance technique ? Quels étaient les organismes les plus importants de
l’époque ? Quelles activités ont-ils promues ? Comment ont-ils été institutionnalisés ?
Comment ont-ils obtenu leur financement ? Les réponses seront explorées ci-dessous.
80
Sayward, The United Nations, pos. 3339-3359.
- 48 -
Image I.1. Travailleur social qui supervise les enfants pendant leurs activités
agricoles.
Source : Leo Seltzer. « Premiers pas. » (New York : A Department of Social Affairs, 1947). Consulté le
23 octobre 2019. URL : https://www.youtube.com/watch?v=J1jnvbilnBA
a) Le modèle du « Servicio ».
- 49 -
pays et stimuler la circulation des connaissances scientifiques et techniques par le biais
de ses accords avec les universités de la région.81
Le Comité de coopération intellectuelle a été responsable de ce dernier travail et
son successeur, l’Organisation internationale de coopération intellectuelle (OICI) - basée
à Paris - a encouragé l’organisation des congrès, le développement scientifique, la
perfection de l’enseignement primaire supérieur et la diffusion de publications
scientifiques et culturelles. D’après Fabian Herrera, l’OICI a également contribué à
protéger les droits d’auteur, l’adoption de mesures internationales pour promouvoir
l’activité éditoriale, l’avancement de mesures visant à accroître la circulation des
enseignants et des étudiants et d’assurer l’équivalence des titres universitaires, des
accords de réglementation des fouilles archéologiques et la promotion
cinématographique.82
Telles activités ont caractérisé l’internationalisme de l’entre-deux-guerres.
Cependant, ce modèle, sans disparaître complètement, a été repensé pendant la crise
économique des années 1930 pour accroitre le développement économique basé sur l’idée
de « l’entraide » utilisée par la TVA (Tennessee Valley Authority). Pendant la Seconde
Guerre mondiale, Nelson Aldrich Rockefeller et Beardsley Ruml, avec le soutien du
gouvernement de Franklin D. Roosevelt, fondèrent le Bureau des affaires
interaméricaines (BAIA) en 1942 qui a pour but la reconnexion des marchés latino-
américains et de rétablir les activités stratégiques de guerre en les combinant avec de
plans d’hygiène et d’amélioration productive. Le BAIA, après deux ans, a été transformé
en Institut des affaires interaméricaines (IAIA).83
81
En Amérique latine, le SdN a mené un certain nombre d’activités d’assistance technique, y compris la
recherche en santé à Rio de Janeiro, l’étude des médicaments et des opiacés dans la population, et même
des campagnes de prévention des maladies en Amérique centrale, où plusieurs scientifiques costaricains
tels que Solón Núñez Frutos et Clodomiro Picado Twight ont été répertoriés comme experts du SdN. Un
autre travail important du SdN a été sa collaboration dans la création d’instituts pour les enfants, qui a
également favorisé le Costa Rica. Segura, La Sociedad de las Naciones, pp. 139-140, 242-243, 247-248.
82
Fabián Herrera León. « México y el Instituto Internacional de Cooperación Intelectual. » Tzintzun Revista
de Estudios Históricos [en ligne], Nº 49 (Enero-Junio 2009) : pp. 173-176. Consulté le 24 octobre 2019.
URL : http://tzintzun.umich.mx/index.php/TZN/article/view/226
83
Macekura, « The Point Four », p. 133-134 ; Erb, « Prelude to Point Four », pp. 251- 253; Rollin Atwood.
« The United States Point Four Program- A Bilateral approach. » The Annals of the American Academy of
Political Science [en ligne], Vol. 323, Partnership for Progress : International Technical Co-operation (May
1959) : p. 34. Consulté le 22 octobre 2019. URL : https://doi.org/10.1177/000271625932300106 William
Gibbons fixe à tort la date de sa fondation en 1947. William Gibbons. « The Point Four… », p. 32.
- 50 -
L’IAIA a incorporé une grande nouveauté. Le Dr. George Dunham, un
collaborateur renommé de Nelson Rockefeller, créa le modèle du « Servicio »
(le Service) qui a promu la méthodologie de « l’apprentissage par faire ». Principalement
le personnel américain du « Servicio » a encouragé dans son travail « l’entraide » par le
biais d’activités démonstratives et l’envoi aux États-Unis de personnel local, qui serait
responsable de la poursuite des projets sans avoir besoin d’être surveillé par l’IAIA.84
Avec la signature d’un accord entre l’IAIA et le gouvernement concerné, le
« Servicio » s’établissait au sein d’une institution nationale et a fonctionné en tant que
programme d’échange d’informations, de techniques et de personnel dans des domaines
tels que l’agriculture, la santé et l’éducation. Malgré les pressions politiques exercées par
l’IAIA pour qu’elle ne réponde qu’à la géopolitique américaine, Dunham, Rockefeller et
leur personnel ont réussi à nuancer cette approche dans une certaine mesure et ont trouvé
un équilibre relatif avec les activités techniques et sociales de l’institut, plus souples et
adaptées aux réalités particulières de chaque pays.85
Les activités telles que la recherche pour l’agriculture, la santé publique,
l’éducation, les programmes d’échanges d’enseignants, d’étudiants et de techniques, la
traduction et la distribution de manuels et l’élaboration de normes techniques sont restées
sans grande variation dans les programmes de l’IAIA. Ses experts étaient considérés
comme des « missionnaires » qui répandaient leurs « vastes connaissances et expériences
» aux pays en développement afin d’élever « la dignité et la place de l’individu. C’est
pourquoi les programmes éducatifs ont fait partie de l’épine dorsale de « l'entraide » au
sein du pays bénéficiaire. Ces caractéristiques ont été héritées des programmes
d’assistance technique qui ont été créés après la Seconde Guerre mondiale, comme nous
le verrons ci-dessous.86
84
Macekura, “The Point Four”, p. 135-136 ; Erb. “Prelude to Point Four”, pp. 254-255.
85
Erb, « Prelude to Point Four », pp. 265-266.
86
Macekura, « The Point Four », pp. 141-142.
- 51 -
PNUD, et le programme de l’OEA. Comme nous le verrons plus loin, ce sont les
organismes auxquels le pays s’est tourné pour demander de l’aide pour ses programmes
de logement et d’urbanisme et qui ont eu la caractéristique commune d’avoir été inspirés
par le modèle du « Servicio ».
Pour commencer, le Point IV est nommé d’après le paragraphe numéro quatre du
discours de Truman et avec sa fondation, en 1950, il a été utilisé comme un instrument
pour lutter contre le communisme. En élargissant son travail sur trois continents (Asie,
Afrique et Amérique), le Point IV a cherché à être un catalyseur de « la démocratie et la
liberté » par l’utilisation du Service en renforçant des institutions libérales, économiques
et culturelles des pays « sous-développés ». Ce programme était sous la coordination de
la Coopération d’assistance technique (TCA) qui, en 1953, a changé son nom en
Administration des opérations étrangères (FOA) et finalement en 1955 a adopté son nom
définitif, l’Administration de coopération internationale (ICA). Dans les années 1960,
l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) a été créée pour
superviser, parmi d’autres tâches, la mise en œuvre de l’ALPRO.87
Toutefois, comme je l’ai mentionné précédemment, de nombreux pays « sous-
développés » se méfiaient des conditions qui pouvaient violer leur souveraineté
économique ou politique. C’est pourquoi les programmes multilatéraux d’assistance
technique ont été préférés par leur relative indépendance. À cet égard, le programme des
Nations Unies a été coordonné, au niveau général, par le Conseil économique et social
(ECOSOC), qui, par l’intermédiaire de la résolution 222 (IX), a créé l’organe du Conseil
d’assistance technique (CAT) chargé du traitement et de la gérance de l’assistance
technique. Cette résolution a également donné naissance à l’EPTA, qui couvrait les
projets d’assistance technique de l’ONU, de ses institutions spécialisées et d’autres
sources bilatérales, comme la soviétique ou l’étasunienne. En 1965, l’EPTA a été
réorganisée dans le PNUD.88
87
Aux fins de cette recherche, les noms de Point IV ou d’USAID seront traités comme équivalents. L’ICA
a encouragé l’échange universitaire par le biais de bourses d’études et l’invitation de professeurs américains
selon les conditions des accords de coopération. Iriye, Global Community, pos. 546. D’autre côté de
l’Atlantique, la présidence de Truman mis en pratique une distincte modalité de l’assistance technique : le
Plan Marshall. Nommé par Winston Churchill comme « l’acte le plus magnanime de l’histoire », la
reconstruction de l’Europe s’était mobilisée avec similaires discours de la solidarité où l’aide économique
était l’expression d’un impérative morale des nations. Daniel Lemus Delgado. « Regímenes de verdad : el
Comité de Ayuda al Desarrollo y la narrativa histórica de la cooperación internacional para el desarrollo. »
Historia de la Cooperación Internacional, pp. 37-39.
88
Organización de las Naciones Unidas. Servicios de la Administración de Asistencia Técnica de las
Naciones Unidas y la manera de obtenerlos. (New York : Administración de Asistencia Técnica ONU,
- 52 -
L’ONU a défini l’assistance technique comme « les activités fournies par elle ou
par ses institutions spécialisées qui ont l’objectif d’aider les pays membres dans la mise
en œuvre de leurs programmes de promotion économique afin d’élever leur niveau de
vie », ce qui rend compte de l’assimilation des idées de solidarité et de développement
économique qui ont façonné la gouvernance mondiale du second après-guerre. De façon
équivalente au Point IV, l’ONU a exigé aux gouvernements la signature d’un accord
d’assistance technique, établissant les paramètres de base de la collaboration et
définissant les contreparties. Une fois l’accord signé, d’autres pourraient en tirer en
concordance du type de projet et de l’organisme spécialisé qui le mettrait en œuvre.89
Le programme d’assistance technique de l’OEA a partagé ses origines avec le
Point IV, car le discours de Truman inspira le Conseil économique et social
interaméricain (CIES) à s’entendre sur sa création et sa mise en œuvre le 10 avril 1950.
Elle a suivi le modèle établi par l’ONU, mais en mettant particulièrement l’accent sur «
l'éducation technique » avec le but de soutenir la formation du personnel qualifié pour ses
institutions ou ses secteurs économiques.90
Si, pour l’ONU, le CAT était l’unité chargée de gérer les programmes d’assistance
technique, dans le cas de l’OEA, cette tâche revenait à l’Union panaméricaine (UnP) et à
son Conseil de coopération technique (CCT). Le CCT devait se réunir au moins une fois
par an et informer au CIES des projets annuels d’assistance technique et de leur budget.
En outre, c’est l’unité qui a évalué les propositions des États membres et a remis son
discernement au CIES, sur lequel reposait la décision finale de les approuver ou de les
rejeter. Les programmes d’assistance technique de l’OEA ont également été inspirés par
le « Servicio », de sorte qu’il y a eu des activités axées sur l’éducation, la sécurité sociale,
1951), pp. 23-28. Cette tâche n’a pas toujours été facile, compte tenu de l’indépendance des institutions
spécialisées et parfois de la concurrence entre elles dans leurs domaines d’action. En outre, ses
administrateurs ont assisté irrégulièrement aux réunions convoquées par le TAB. Lori Green. « The
Changing Patterns of United Nations Technical Assistance : 1941-1983. » (Ph.D. Thesis, New York
University, 1984), pp. 48-49.
89
Organización de las Naciones Unidas. Asistencia técnica para el desarrollo económico disponible por
intermedio de las Naciones Unidas y sus Organismos Especializados. (Nueva York : Departamento de
Asuntos Económicos ONU, 1948), p. iii; ONU, Servicios de la Administración, p. iii; International
Cooperation Administration. Point Four in Costa Rica (Washington D.C. : United States Operations
Mission to Costa Rica, 1957), p. 6.
90
Archives nationales du Costa Rica (ANCR). Fonds du ministère des Affaires étrangères, référence
(signatura) Nº 8702, « Datos y hechos del programa de cooperación técnica OEA », p. 1 ; José A. Mora. La
Organización de los Estados Americanos. Informe presentado por la Unión Panamericana a la Undécima
Conferencia Interamericana. (Washington D.C. : Unión Panamericana, 1959), p. 42.
- 53 -
la promotion de l’industrialisation, l’amélioration des modes d’alimentation des habitants
et, surtout, l’impulsion pour l’urbanisme et le logement social.91
Au niveau opérationnel, chacun de ces organismes examina les conditions
structurelles socio-économiques et proposa les mesures techniques et financières qui
favoriseraient leur décollage économique, par exemple :
1. Missions d’experts techniques classées en deux types : celles qui appuient la
formation technique professionnelle et celles qui ont mené des activités de
démonstration ou organisé des conférences dans diverses branches.
2. La prestation de fourniture et la distribution de matériel technique.
3. La formation technique internationale, par le biais de programmes de bourses et
d’échange de personnel de recherche technique.
4. La création de mesures de production uniformes. 92
91
Mora, La Organización de los Estados, p. 28-29, 91, 130, 135.
92
ONU, Asistencia técnica para el desarrollo, pp. 3-11 ; Mora, La Organización de los Estados, pp. 26-27
; ICA, Point Four in Costa Rica, pp. 37-38.
93
Macekura, « The Point Four », pp. 142, 145-147 ; Slater, Geopolitics and the Post-colonial, pos. 838 y
849 ; Atwood, « The United States Point Four », p. 34-37.
- 54 -
financement a été les contributions volontaires au Fonds d’aide au développement, axées
sur la divulgation et la formation éducatives.94
Le cas de l’ONU est beaucoup plus complexe. La première source de financement
de l’EPTA est venue des États membres, qui ont contribué au programme sur leur plan
économique. En 1950, le fonds reçut une aide de 50 pays, pour un total de $20 035 000
dollars ; en 1958, il est passé à 31 307 000 dollars. L’influence des États-Unis est aussi
évidente, en raison de son apport très haut (environ le 45% du budget total).95 Toutefois,
depuis 1954, le CAT a également demandé l’aide d’autres sources telles que des
entreprises et des syndicats, des politiciens de haut rang, des églises, des universités et
des organisations culturelles, des écrivains et des journalistes et d’organisations de
femmes. Un document restreint du CAT invitait ses membres à tirer le meilleur parti de
leur position,
« […] pour inciter leurs amis influents à soutenir le programme. Des lettres
personnelles sur l’importance de l’assistance technique pourraient alors être
envoyées aux personnes sélectionnées qui régissent que l’assistance technique est,
dans de nombreux cas, une condition préalable à d’autres formes d’action
nationale et internationale visant à accroître la productivité et à améliorer le niveau
de vie. »96
Le dernier c’est très important car cela nous donne un aperçu de l’utilisation du «
lobby » ou même, d’un éventuel trafic d’influences, pour obtenir le financement de
programmes au sein de l’ONU.97 En outre, il y a un autre élément d’urgence souligné
dans la missive : le danger posé à l’indépendance du programme en raison que les États-
Unis ont apporté des contributions économiques près de 60% du total. Bien que le TAB
n’ait pas l’intention de réduire soudainement cette contribution, afin de maintenir un
94
ANCR. Fonds du Ministère des affaires étrangères, Nº 8702, « Datos y hechos del programa de
cooperación técnica OEA », pp. 9-10.
95
A.G. Mezerik. « Technical Assistance for Economic Development. » International Review Service, Vol.
V, Nº 50 (February 1950) : pp. 5-6.
96
« […] to induce their influential friends to support the program. Personal letters on the importance of
technical assistance might then be sent to the selected individuals emphasizing that technical assistance is,
in many cases, a prerequisite to other forms of national and international action to increase productivity and
to rise the standards of living. » Archives historiques de l’UNESCO (AHUNESCO). Technical Assistance
Board. Box TA Programme, Financial Contributions X07-2 TA/F, 1950-1960. « Measures for increasing
governments’ contributions to technical assistance. » TAB/ Working Paper/20 (28), 22 March 1954, p. 1-
3. Traduction libre.
97
Comme hypothèse, cette chaîne de faveurs et son potentiel de parrainage de carrières dans cet organisme
pourraient être considérés comme faisant partie des jeux de pouvoir qui se cachent derrière le visage
bienveillant de la coopération internationale.
- 55 -
équilibre, il était jugé prudent de la réduire à 50 % et d’obtenir le reste d’autres sources.98
Un autre problème lié au financement des programmes d’assistance technique était la
capacité de certains États à conditionner l’utilisation des fonds et ainsi favoriser leurs
propres entreprises, étudiants ou experts impliqués dans les activités.99
De cette façon, le financement des programmes d’assistance technique a été
vulnérable par l’intervention de certains pays qui ont refusé ou conditionné l’aide
financière, et dans le cas des États-Unis, en raison de la pression des coupures budgétaires
de son Congrès.100 Cela explique pourquoi il était essentiel pour le TAB de « séduire »
les membres du Congrès et les politiciens pour soutenir le programme et pourquoi ceux-
ci ont influencé le devenir tant de l’EPTA que du PNUD.101 La concurrence entre les
institutions spécialisées pour obtenir le financement et la duplication des fonctions ont
été d’autres inconvénients qui ont caractérisé l’assistance technique fournie par l’ONU
au cours de la période.102
Avec clarté sur la façon dont les programmes d’assistance technique ont été
structurés, je peux maintenant approfondir sur leur fonctionnement. Pour cela, je vais
recourir au documentaire de Seltzer « Premiers pas » car il sert de base interprétative pour
le travail de ces programmes et les discours qui ont accompagné ceux qui ont servi
d’experts dans leurs activités et projets.
Il ne faut pas oublier que le documentaire, à première vue, raconte l’histoire d’un
enfant qui parvient à retrouver la mobilité de ses jambes, grâce aux travailleurs sociaux
qui ont stimulé ses membres afin qu’il puisse être moins dépendant de ses parents.
Auparavant, j’ai mentionné que le quatrième point du discours de Truman décrivait la
pauvreté comme un handicap ; d’autre part, il convient de noter que l’assistance technique
était également l’héritière des pratiques philanthropiques du début du XXe siècle, et
98
AHUNESCO, TAB, « Measures for increasing », p. 5.
99
AHUNESCO. Box TA Programme, Financial Contributions X07-2 TA/F, 1950-1960. David Owen.
“Utilization of Argentine Contribution to the Expanded Programme.” TAB/CM/597, 15 August 1955, p. 1.
100
AHUNESCO. Box TA Programme, Financial Contributions X07-2 TA/F, 1950-1960. David Owen.
“Communication from the United States Secretary of State to all American Diplomatic and Consular
Offices.” Restricted TAB/CM/604, 2 September 1955, p. 3.
101
Green. “The Changing Patterns”, p. 27.
102
Green, “The Changing Patterns”, pp. 39, 49-53, 72.
- 56 -
même ceux qui l’ont administrée étaient considérés comme une sorte de « missionnaires
» adaptés aux temps modernes.103
L’assistance technique a été considérée en tant que partie d’un processus
universel, bienveillant et progressif, qui peut déjà être vu dans les premières lignes de
l’introduction du documentaire :
« Ces enfants qui éclaboussent et jouent comme n’importe quel autre enfant sont
tous paralysés. D’autres ne seront peut-être jamais guéris, mais tous deviendront
des adultes utiles, après avoir reçu une formation appropriée acquise par des
travailleurs compétents concernant les connaissances techniques du corps et du
cerveau et des émotions et dont les connaissances professionnelles sont renforcées
par l’amour et le dévouement nécessaires à la formation des enfants
handicapés. »104
Dans cette section, le narrateur concentre son attention sur le travailleur social qui
œuvre à partir de l’archétype de l’expert en assistance technique, possesseur des
connaissances techniques et professionnelles qui est capable de faire face à divers
problèmes.105 Dans le documentaire, l’obstacle à surmonter était la contrainte physique
de l’enfant ; pour notre cas, une telle entrave était la pauvre performance économique des
pays. « Le premier objectif de la thérapie est l’auto-assistance », annonce le narrateur du
documentaire un peu plus tard, et puis ajoute : « Lentement, le jeu change : le bloc devient
un morceau de pain et l’enfant peut se nourrir ».106
« L'entraide » s’est manifestée par des activités éducatives et démonstratives. À
la fin de la mission d’assistance technique, il appartenait au gouvernement de poursuivre
le projet sans aucune surveillance, ce que j’ai noté dans la section précédente. Dans le
documentaire, cela est montré, allégoriquement, dans le guide du travailleur social et les
103
Une brochure sur les projets d’assistance technique indiquait que le travail des experts s’inspirait de
celui des missionnaires, qui fournissaient souvent des services scolaires et hospitaliers. Mezerik, «
assistance technique » p. 2.
104
“These children splashing and playing like any other children are all crippled. Some other may never be
cured, yet all of them will become useful adults, given proper training by skill workers who have acquired
technical knowledge of the body and brain and the emotions and whose professional knowledge is
reinforced by the love and devotion necessary for training handicapped children.” Traduction libre. Seltzer,
« First Steps. »
105
L’expert en assistance technique, quel que soit son domaine, a été conçu comme un possesseur de
connaissances vastes et supérieures capables de transformer non seulement la société, mais élève la «
dignité de l’individu ». Comme le souligne Macekura, en se concentrant sur l’individu était une condition
préalable pour atteindre la croissance économique souhaitée. Les contemporains de Truman, comme
Samuel P. Hayes, sont clairs sur ce point. Macekura, « The Point Four », pp.141-142 ; Samuel P. Hayes.
“The United States “Point Four” Program. » The Millbank Memorial Fund Quarterly [en ligne], Vol. 28,
Nº 3 (Jul. 1950) : p. 265. Consulté le 24 octobre 2019. URL : https://www.jstor.org/stable/3348136
106
« The first goal of therapy is self-help. Slowly the game change : the block becomes a piece of bread
and the child can feed herself ». Traduction libre. Seltzer, « First Steps. »
- 57 -
exercices continus qui permettent à l’enfant de surmonter ses limites et d’acquérir une
indépendance croissante.
« L’équipement simple l’aide à se préparer à la marche ».107 L’assistance
technique a également nécessité des investissements dans des équipements
technologiques qui ont contribué à accroître les capacités de production d’un pays ou à
améliorer les conditions de santé d’une population. En conjonction avec les activités
démonstratives – qui exigeaient essentiellement peu de budget – et les programmes
éducatifs contribuaient à entraîner le remplacement de l’expert étranger par cet expert
local formé dans le cadre du plan. « Étape après étape, mois après mois, la formation se
poursuit et à chaque étape, chaque mois, la reprise est un peu plus proche »,108 une
expression qui fait référence non seulement à la constance d’un programme d’assistance
technique, mais à son temps limité et à l’engagement du gouvernement qui a bénéficié de
sa poursuite à long terme.109 Le documentaire se termine par cette phrase, tout en voyant
l’enfant protagoniste s’éloigner de la caméra avec un grand sourire :
« Maintenant, ses jambes sont libres, parce que l’enfant a été développé ainsi que
ses jambes ; marchant est un début pas une fin. Ceux qui l’ont aidé, le travailleur
social, ses parents, l’aideront toujours. Maintenant, ils peuvent commencer à
partager ses triomphes comme avec ses premiers pas, il cherche une direction : le
chemin de l’utilité et la dignité parmi les gens. »110
107
« Simple equipment helps him prepare for walking ». Traduction libre. Seltzer, « First Steps. »
108
« Step after step, month after month the training continues and with each step, each month, recovery is
a little closer ». Traduction libre. Seltzer, « First Steps. »
109
Hayes, “The United States”, p. 270.
110
« Now his legs are free, because the child has been developed as well as his legs; walking is a beginning
not an end. Those who have helped him, the social worker, his parents, will still help him. Now they can
begin to share his triumphs as with his first steps he seeks a direction: the way to usefulness and dignity
among people. » Traduction libre. Seltzer, « First Steps. »
- 58 -
4. Une unité régionale d’assistance technique ?
Les programmes d’assistance technique ont été une des portes utilisées par les
pays pour entrer dans la mondialisation solidaire. Cependant, le modèle universel qui
l’avait façonné a trouvé de sérieuses limitations en raison des innombrables causes qui
étaient coupables de « sous-développement ». Puis sont venues les critiques de l’intérieur
: l’une d’elles est venue de la Commission économique pour l’Amérique latine
(CEPALC), qui a précisé l’importance de la trajectoire historique des pays de la région et
les causes qui, à long terme, ont conditionné leurs performances économiques. Le
panaméricanisme, d’autre part, a cherché à caractériser le « développement économique
» comme un produit de la diplomatie et de la coopération entre les pays du continent
américain, mais en utilisant des facteurs plus symboliques tels que l’idée d’une «
Amérique unique » qui n’a pas été entièrement acceptée par les pays d’Amérique latine.111
Les intellectuels de la CEPALC112 se sont consacrés à promouvoir
l’industrialisation de la substitution des importations comme moyen de surmonter la
pauvreté et de rendre ces pays moins vulnérables aux crises cycliques du capitalisme et à
la détérioration du commerce. Cela serait complété par des stratégies de diversification
des exportations, qui continuent de jouer un rôle important dans la structure économique
de la région. Pour ces raisons et pour d’autres, la CEPALC est reconnue comme une école
de pensée et non pas seulement comme une annexe à l’ECOSOC.113 La CEPALC a
caractérisé les pays d’Amérique latine comme suit :
1. Ils ont une croissance accélérée de leur population.
2. La population économiquement active (PEA) était concentrée dans le secteur
primaire.
3. Ce secteur primaire était très vulnérable à la variation des prix à l’étranger.
4. Ils ont un faible niveau de consommation.
5. Ils présentent de grandes lacunes dans leur secteur de l’éducation et un manque
de professionnels et de techniciens bien préparés.
6. Ils ne sont pas attrayants pour les investissements en capital.
111
Sunkel y Paz, El subdesarrollo, pp. 15, 19-22, 26; Slater, Geopolitics and the Post-colonial, pos. 1585.
112
En plus de Raul Prebisch, d’autres intellectuels affiliés à l’ECLAC étaient Osvaldo Sunkel, Celso
Furtado, Regino Botti, Jorge Ahumada, Aníbal Pinto, entre autres. Ricardo Bielschowsky. « Evolución de
las ideas de la CEPAL ». Revista de la CEPAL, Número extraordinario (octubre 1998) : p. 25.
113
Bielschowsky, «Evolución de las ideas», p. 25-27.
- 59 -
7. Ils ont besoin d’investissements importants dans le capital social pour soutenir
les services essentiels ou les étendre à l’avenir.114
114
Raúl Prebisch. La cooperación internacional en la política de desarrollo latinoamericana. (New York
: Naciones Unidas-CEPAL, 1954): pp. 100-101.
115
L’ECLAC s’est autocritique avec son propre modèle, déterminant que l’industrialisation n’était qu’un
aspect de plus des relations « centre-périphérie », ce qui a donné lieu à sa théorie de la dépendance. María
da Coneiçao Tavares y Gerson Gomes. « La CEPAL y la integración económica de América Latina. »
Revista de la CEPAL, Número extraordinario (octubre 1998): pp. 213-227; Osvaldo Sunkel. « Desarrollo
e integración regional : ¿otra oportunidad para una promesa incumplida? » Revista de la CEPAL, Número
extraordinario (octubre 1998) : pp. 229-241.
116
En tant que produit culturel des Lumières et de la Révolution Français, l’utilisation d’allégories pour
représenter les attributs, les valeurs ou les défauts de l’être humain a été popularisée dans l’art public à la
manière d’un diffuseur des idées modernes de la nation et du libéralisme économique. Juan F. Esteban
Lorente. Tratado de iconografía. (Madrid : Ediciones ISTMO, 2002).
- 60 -
l’Amérique centrale, la composante ethnique des allégories et des symboles qui les
accompagnent n’est pas une mince affaire : l’Amérique du Nord personnalise la
composante caucasienne et blonde de « l’identité » étasunienne, contrairement au
métissage caractéristique de l’Amérique du Sud. En outre, seule l’Amérique du Nord
porte le bonnet rouge (avec un attachement clair à la Marianne), comme symbole de la
Liberté, tandis qu’avec son sa main gauche, elle déploie un manteau doré, dont l’éclat se
mêle à la couleur de ses cheveux donnant l’apparence du Soleil.117
117
Apollon, dieu du Soleil au sein du panthéon grec, était lié à l’esprit rationnel et civilisé de l’homme.
James Hall. Dictionary of Subjects and Symbols in Art. (New York : Harper & Row, 1974), pp. 25, 192.
- 61 -
Les représentations officielles ultérieures du panaméricanisme ont continué à
mettre en évidence l’unité de l’hémisphère, mais toujours faire la distinction entre ses
parties. Le timbre commémorant le cinquantième anniversaire du panaméricanisme
(Image I.3) ne montre pas deux Amériques mais trois prises à la main. Ce geste faisait
allusion à la politique du « bon voisin » en vigueur à l’époque et présente dans
l’expression « Un hémisphère de bons voisins ».118 En raison de son format et de sa palette
de couleurs, il n’est pas possible de déterminer une différence ethnique dans les
allégories. Toutefois, l’hypothèse pourrait être suggérée que cela a été fait comme un
effort pour correspondre à l’état des parties. Le timbre est accompagné d’une carte postale
(Image I.4) qui a une carte de l’hémisphère américain, deux petites photos du siège de
l’UnP et le Hall des Amériques, et une phrase de Woodrow Wilson : « Les Amériques.
Unies dans l’esprit et le but, elles ne peuvent pas être déçues de leur destin pacifique. »119
118
« A Hemisphere of Good Neighboors ».
119
« The Americas. United in Spirit and Purpose They Cannot Be Disappointed Of Their Peaceful
Destiny. »
- 62 -
Image I.4. Carte postale commémorant le 50e anniversaire de l’Union
panaméricaine. (1940)
120
Grandin, Empire’s Workshop, p. 38 ; Sepúlveda, El Sistema Interamericano, p. 27.
- 63 -
d’assistance technique, qui ont traduit un ensemble de dispositions universelles (telles
que « l’entraide » et « l’augmentation du niveau de vie ») et les amèneront en dialogue
avec les différentes manifestations du « sous-développement ». De toute évidence, l’un
des scénarios d’assistance technique était de promouvoir l’intégration régionale comme
solution à des problèmes communs, comme on le verra avec le cas de la planification
urbaine en Amérique centrale et au Costa Rica. Ce processus je l’analyserai avec plus de
détaille aux chapitres 5 et 6.
Parallèlement au développement de ces gouvernances mondiales, les pays
d’Isthme d’Amérique centrale ont constitué leurs États-nations, partiellement ou avec
succès. Le degré de maturité atteint au cours de ce processus est essentiel pour
comprendre le rôle de l’assistance technique bilatérale ou multilatérale et ses
contributions à la transformation des sociétés d’Amérique centrale. La section suivante
abordera les principaux changements politiques, économiques et sociaux au Costa Rica
au cours de la période à l’étude.
121
Ileana D’Alolio Sánchez. « El estanco de aguardiente en Costa Rica : Formación del Estado y política
fiscal (1821-1837). » Revista de Historia (UNA-Heredia) [en ligne], Nº69 (Enero-junio 2014) : pp. 75-98.
Consulté le 19 août 2020. URL : https://www.revistas.una.ac.cr/index.php/historia/article/view/6515 ;
Carmen Fallas Santana. Élite, política y negocios en Costa Rica, 1849-1859. 1ªed. (Alajuela, Costa Rica :
Museo Histórico Cultural Juan Santamaría, 2004) ; Iván Molina Jiménez. Costa Rica (1800-1850) : el
legado colonial y la génesis del capitalismo. (San José, Costa Rica : EUCR, 2007); Claudio Vargas Arias.
El liberalismo, la Iglesia y el Estado de Costa Rica (San José, Costa Rica : Ediciones Guayacán / Alma
- 64 -
Ces réformes ont été rendues possibles en partie par l’accumulation de capitaux
issus du modèle agro-exportateur du café, qui favorisait un changement des coutumes et
des goûts de l’élite costaricaine qui absorbait une partie de la mode culturelle européenne
et étasunienne. Couplée à ce changement, c’était aussi l’époque où l’identité nationale
costaricaine se consolidait, recourant principalement à la commémoration de la
« Campagne nationale » (Campaña Nacional) de 1856-1857 et à l’exaltation de ses héros,
la création de plusieurs fêtes nationales, tels que l’indépendance de l’Empire espagnol le
15 de septembre de chaque année, et la promotion de l’imagerie civique et des traditions
à travers les arts.122
Alors que les libéraux costaricains ont réussi à établir, avec plus de succès, un État
fort et centralisé par rapport à ses voisins d’Amérique centrale, les premières décennies
du XXe siècle ont démontré l’épuisement du modèle agro-exportateur et la croissance des
inégalités sociales dans les zones rurales et urbaines. A cette époque, plusieurs groupes
d’intellectuels radicaux et les premiers syndicats qui dénonçaient ces disparités sociales
sont apparus, tant dans la presse écrite que dans la rue, et ont exigé de l’État qu’il
intervienne directement sur cette question sociale par le biais de lois ou de la création
d’institutions.123
À la suite de ce panorama, plusieurs historiens ont réfuté la thèse selon laquelle
l’État libéral du Costa Rica suivait fidèlement le dogme du « laissez-faire, laissez-passer
» et ont conclu qu’avant les années 1940, l’État avait réussi à établir, entre autres
avancées, une vaste réforme de l’éducation, un lien fort avec les organisations
philanthropiques qui aidaient les plus pauvres, d’établir mécanismes de contrôle social
visant à surveiller la moralité et, finalement, un système d’hygiène qui est devenu plus
Máter, 1991) ; Orlando Salazar Mora. El apogeo de la república liberal en Costa Rica 1870-1914. (San
José, Costa Rica : EUCR, 1990).
122
Il est appelé la Campagne nationale à la guerre entre les armées d’Amérique centrale et les mercenaires
(“filibusteros”) dirigés par l’américain William Walker, qui s’est installé au Nicaragua avec l’intention de
transformer l’Amérique centrale en un protectorat des États-Unis. L’armée costaricaine – la mieux préparée
de la région à l’époque – mena l’attaque contre les “filibusteros”, prolongeant la lutte pendant deux ans
(1856-1857). Trois ans après sa défaite, Walker tenta d’envahir à nouveau l’Amérique centrale, mais il était
arrêté au Honduras et abattu dans le port de Trujillo en 1860. David Díaz Arias. Historia del 11 de abril.
Juan Santamaría entre el pasado y el presente (1915-2006). 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2006);
Victor Hugo Acuña. « Costa Rica : la fabrication de Juan Rafael Mora. (XIXe-XXe siècles) » Caravelle
[En ligne], 104 (2015). Consulté le 14 août 2020. URL : http://journals.openedition.org/caravelle/1545.
123
Víctor Hugo Acuña. Los orígenes de la clase obrera en Costa Rica : Las huelgas de 1920 por la jornada
de ocho horas. 1ª ed. (San José, Costa Rica : CENAP-CEPAS, 1986) ; Virginia Carvajal Mora. « Mujer e
historia : La obrera urbana en Costa Rica (1892-1930) ». (Mémoire de Master 1 en Histoire, Universidad
de Costa Rica, 1992) ; Victoria Ramírez Avendaño. Jorge Volio y la revolución viviente. 1ª ed. (San José,
Costa Rica : Ediciones Guayacán, 1989)
- 65 -
robuste au cours des deux premières décennies du XXe siècle. L’affaiblissement de
l’armée en tant que ministère a favorisé le transfert d’une partie de ses ressources vers les
parties sociales du budget de la République, renforçant ainsi l’interventionnisme de l’État
et l’émergence d’un « régime de providence libéral ».124
Ce régime s’est étendu à d’autres domaines sociaux, tels que le droit du travail, le
bien-être des enfants, la participation politique et économique des femmes, le logement,
etc. Et bien qu’il ait été momentanément éclipsé par la dictature de Federico Tinoco
Granados (1917-1919), après ce moment convulsif, a de nouveau gagné en vigueur. La
politique économique, qui est restée plus ou moins prudente jusqu’au « crack » de Wall
Street125, a forcé l’État à intervenir de plus en plus dans l’économie par le biais de
politiques de création d’emplois, de contrôle de la politique monétaire, de construction
d’infrastructures physiques et de promotion de nouvelles techniques agricoles.126
Le gouvernement de Rafael Angel Calderón Guardia (1940-1944) a fondé son
projet de réforme de l’État sur les progrès politiques, sociaux et économiques réalisés au
cours des décennies précédentes. Cependant, il a réussi à consolider des réformes
nouvelles et pertinentes telles que l’Université du Costa Rica (UCR) fondée en 1941, le
chapitre sur les garanties sociales ajouté, en 1942, à la Constitution de 1871 et, surtout,
l’adoption du Code du travail en 1943. Entre 1942 et 1943, Calderón a réussi à former
une alliance politique avec l’Église catholique et le Parti « Vanguardia Popular » ou PVP
(nouveau nom du Parti communiste) qui, a permis de poursuivre le projet calderoniste à
travers le gouvernement de Teodoro Picado Michalsky (1944-1948).127 Parallèlement au
124
Steven Palmer. « Adiós laissez-faire… » pp. 99-117 ; Ronny Viales Hurtado. « El régimen liberal de
bienestar y la institucionalización de la pobreza en Costa Rica 1870-1930 » en Pobreza e historia e Costa
Rica. Determinantes estructurales y representaciones sociales del siglo XVII a 1950. Ronny Viales H. (ed.)
(San José, Costa Rica : EUCR, 2009) : pp. 71-100 ; Juan José Marín Hernández. « La miseria como causa
atenuante de la delictividad : el caso de la delincuencia de menores y la cuestión social : 1907-1949 » en
Pobreza e historia…, pp. 297-323.
125
La seule exception à cette tendance a été le gouvernement d’Alfredo González Flores qui a promu un
modèle économique et fiscal progressiste, fondé sur le principe de justice et de social-démocratie. Ses
détracteurs politiques, dont Federico Tinoco, ont empêché la mise en œuvre réussie de ses mesures, qui
sont aujourd’hui encore débattues et combattues par les groupes économiques les plus conservateurs du
Costa Rica. Sur la politique sociale d’Alfredo González Flores, voir : « Política social y económica. Una
carta del Presidente de la República de Costa Rica ». Alfredo González Flores : su pensamiento. Alberto
Cañas (comp). 1er ed. (San José, Costa Rica : Editorial Costa Rica, 1980), pp. 309-329 ; Bernardo
Villalobos. Alfredo González Flores. Políticas de seguros y de banca (1910-1917). 1ª ed. (San José, Costa
Rica : Editorial Costa Rica, 1981).
126
Jorge León, et.al. Historia económica de Costa Rica en el siglo XX. Tomo 1. Crecimiento y las políticas
económicas. 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2018), pp. 79-100 ; Jorge Rovira Mas. Estado y política
económica en Costa Rica. 1948-1970. 1ª ed. (San José, Costa Rica : Editorial Porvenir, 1982), pp. 31-32.
127
David Díaz Arias « Social Crises and Struggling Memories : Populism, popular mobilization, violence
and memories of Civil War in Costa Rica, 1940-1948 » (PhD. Thesis, Indiana University, 2009), pp. 57-
- 66 -
processus de réforme sociale, la violence politique entre calderonistes et opposants s’est
accrue, ce qui, associé à une dénonciation de la fraude électorale aux élections de 1948,
incita plusieurs dirigeants politiques à prendre les armes contre le gouvernement de
Picado en déclenchant, la Guerre civile de cette année-là.128
Un de ces dirigeants était José Figueres Ferrer, populairement connu comme don
Pepe.129 Avec ses partisans, et soutenu par la « Légion du Caraïbe »130, Figueres profita
des allégations de fraude qui se sont produites lors de l’élection de 1948 pour déclarer la
guerre contre le gouvernement costaricain. Le conflit, bien que de courte durée, laissa un
pays très divisé émotionnellement et politiquement.131 La période de 1948 à 1959 a été
l’une des plus convulsives de l’histoire du Costa Rica, au cours de laquelle la violence
armée et symbolique a persisté. L’image internationale du Costa Rica, fondée sur le
prétendu respect de l’institutionnalisation et du pacifisme132, a été remise en question car
ses dirigeants politiques étaient loin de parvenir à un consensus pour soutenir la
démocratie. Alors que le Conseil fondateur de la Seconde République mis en pratique ses
projets de réforme de l’État, poursuivait ses ennemis politiques, spécialement les
communistes, en les forçant à s’exiler ou à se cacher133; ceux-ci, d’autre part, ont répondu
avec une rhétorique incendiaire dans la presse pour attaquer à Figueres et ont même opté
88, 120-138 ; David Díaz Arias. Reforma sin alianza, discursos transformados, interés electoral, triunfos
dudosos. La nueva interpretación histórica de la década de 1940. Serie: Cuadernos de Historia de las
Instituciones de Costa Rica, vol. 7. 1ª ed, 3ª reimp. (San José, Costa Rica : EUCR. 2014), pp. 23-26
128
Manuel Solís Avendaño. La institucionalidad ajena: los años cuarenta y el fin de siglo. 1ª ed. (San José,
Costa Rica : EUCR, 2006), pp. 339-378 ; Díaz Arias « Social Crises… », pp. 181-246.
129
A partir de maintenant, je vais utiliser « Don Pepe » ou « Figueres » pour me référer à José Figueres
Ferrer. La distinction sera faite avec son fils, José María Figueres Olsen, en utilisant son deuxième nom de
famille.
130
L’armée de libération du Caraïbe et l’Amérique centrale, a été créé à partir d’un pacte établi entre
Figueres et plusieurs révolutionnaires de la région, qui se sont fixé l’objectif de la libérer de ses
gouvernements dictatoriaux, y compris Somoza au Nicaragua, Rafael Leónidas Trujillo en République
dominicaine et celui de Teodoro Picado, que Figueres considérait de cette nature. Diaz Arias « Social
Crises... », p. 239-241.
131
Voir chapitre 6 de Díaz Arias, « Crises sociales... », pp. 298-350.
132
Víctor Hugo Acuña. « La invención de la diferencia costarricense, 1810-1870. » Revista de Historia
(UNA- Heredia) [en ligne], Nº 45 (enero-junio 2002) : pp. 191-228. Consulté le 15 août 2020. URL :
https://www.revistas.una.ac.cr/index.php/historia/article/view/12397.
133
Silvia Elena MolinaVargas. “La violencia política contra los comunistas tras la guerra civil en Costa
Rica (1948-1949).” Cuadernos Intec·a·mbio sobre Centroamérica y el Caribe [en ligne], Vol. 15, Nº 1
(abril-setiembre 2018), pp. 133-158. Consulté le 20 juillet 2020. URL: DOI 10.15517/C.A..V15I1.32944
- 67 -
pour deux invasions militaires avec l’aide de Nicaragua. L’absence de l’armée en tant
qu’institution permanente depuis le 1er décembre 1949 a contribué à la non-rupture de
l’ordre constitutionnel, mais elle n’a pas éclipsé les diverses manifestations d’intolérance
politique qui ont persisté dans les années suivantes, du moins jusqu’en 1970 puisque, à
cette année, le Parti communiste a été réinséré dans le système des partis politiques.134
Celui-ci était le contexte dans lequel l’État costaricain renforça ses capacités, non
seulement au niveau de la politique économique, mais aussi en tant qu’État providence et
« État entrepreneur ». Bien que ce soit la poursuite d’un processus historique qui a
commencé principalement depuis le milieu du XIXe siècle, les développements dans
l’administration de la chose publique étaient multiples et nécessitaient, en même temps,
la coopération internationale pour les consolider. Á continuation, je vais présenter
quelques remarques sur la politique économique et, ensuite, le rôle des secteurs populaires
et les mouvements sociaux qui ont contribué au procès d’institutionnalisation d’un État
providence.
La politique économique.
134
Kirk S. Bowman. « ¿Fue el compromiso y consenso de las élites lo que llevó a la consolidación
democrática en Costa Rica ? Evidencia de la década de 1950. » Revista de Historia (UNA-Heredia) [en
ligne], Nº 41 (enero-junio 2000) : pp. 91-127. Consulté le 23 août 2020. URL :
https://www.revistas.una.ac.cr/index.php/historia/article/view/1868 ; Mercedes Muñoz Guillén. « La
Asamblea Nacional Constituyente de 1949 : el discurso anticomunista y la inconstitucionalización del
Partido Vanguardia Popular. » Diálogos Revista Electrónica de Historia [en ligne], Vol. 9, Nº1 (Febrero –
Agosto 2008) : 93-111. Consulté el 22 août 2020. URL : DOI 10.15517/DRE.V9I1.6139
135
En ce qui concerne le Parti de libération nationale (PLN), il a été fondé le 12 octobre 1951 sur une base
idéologique sociale-démocrate. Son principal dirigeant était don Pepe. Eduardo Oconitrillo García. Cien
años de política costarricense, 1902-2002. De Ascención Esquivel a Abel Pacheco. 1ª ed. (San José, Costa
Rica : EUNED, 2004) : pp. 138-139.
136
Palmer, « Adiós laissez-faire… », p. 102.
- 68 -
d’intervention économique, qui comprenaient les domaines de la politique budgétaire, de
la politique monétaire et de la diversification productive par l’agriculture et l’industrie de
substitution des importations. Les premiers efforts de nationalisation des biens étrangers
et un vaste programme de construction d’infrastructures physiques ont également été mis
en œuvre. Cela s’est poursuivi dans une certaine mesure pendant la Seconde Guerre
mondiale et, après ce conflit, un tel processus s’est généralisé, cette fois sous les auspices
de l’ONU et de la CEPALC, qui ont encouragé le développement économique et les
programmes d’intégration régionale.
Bien que les années 1950 aient été globalement une période de prospérité pour
l’Amérique latine, celles de 1960 et 1970 ont encadré leur déclin commercial en l’absence
d’accès à de meilleures conditions d’échange et de commerce pour leurs produits et d’une
reforme juste de leurs systèmes fiscaux, l’importation continue de biens d’équipement,
l’endettement interne et extérieur et des systèmes de protection sociale assez limités. Sans
oublier les effets néfastes des droits de l’homme et des droits politiques causés par les
dictatures militaires qui ont été enracinées sur le continent pendant la période à l’étude.137
Le cas du Costa Rica faisait suite à un développement parallèle à celui du reste de
la région. Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’État costaricain avait élargi ses capacités
économiques et sociales, développant un état-providence naissant, avant 1948. Toutefois,
pour certains groupes, cela n’a pas suffi. L’un d’eux, le Centre d’Études pour les
Problèmes Nationaux (CEPN)138, a regroupé certains jeunes intellectuels qui, à eux seuls,
ont diffusé leur projet politique fondé sur la diversification productive, le coopérativisme,
l’industrie et l’introduction de la technique dans l’administration publique.139
137
Bulmer-Thomas. La historia económica…, pp. 255-365.
138
Centro de Estudios para los Problemas Nacionales.
139
Le CEPN, comme d’autres intellectuels costaricains comme Mario Sancho et Yolanda Oreamuno,
critiquait la vieille politique libérale et soutenait que le Costa Rica avait besoin d’une réédation
générationnelle et d’une transformation institutionnelle renouvelée. Bien qu’ils n’aient d’abord pas été
considérés comme des ennemis politiques du calderonisme, au cours de 1943 et 1944, leur position a changé
à mesure que des alliances politiques avec les communistes ont été établies et que le gouvernement, le Parti
républicain national et le PVP ont été accusés d’être responsables de la ruine démocratique du pays. Parmi
les intellectuels liés ou influencés par le CEPN se trouvaient Alberto « Beto » Cañas Escalante, Rodrigo
Facio Brenes, Carlos Monge Alfaro, Isaac Felipe Azofeifa et Roberto Brenes Mesén. Díaz Arias, « Social
Crises... », p. 141-163. Ces idées, au milieu des années 1940, ont été à la base du Parti social-démocrate
(ancêtre du PLN) et plusieurs de ses membres les ont mises en œuvre pendant la période du Conseil et de
l’Assemblée nationale constituante de 1949. Rovira Mas, Estado y política…, pp. 42-45. Sur Yolanda
Oreamuno, voir : Iván Molina Jiménez. Yolanda Oreamuno: del mundo elegante costarricense a la
república internacional de las letras (1916-1956). (San José, Costa Rica : EUNED, 2020).
- 69 -
Plusieurs de ses membres, en tant que députés à l’Assemblée constituante de 1949,
ont dû nager à contre-courant pour que leurs propositions soient acceptées par leurs
collègues conservateurs. Beaucoup d’entre eux n’ont pas prospéré. Toutefois, ils ont pu
reconnaître à l’article 50 de la nouvelle Magna Carta la responsabilité de l’État pour le
bien-être de la population et la répartition équitable des richesses. Pour atteindre cet
objectif, une nationalisation bancaire140 inédite a été mise en œuvre accompagnée de la
création d’une banque centrale et, surtout, d’un certain nombre d’institutions autonomes
qui, par la science et la technologie, visaient à renouveler l’administration publique et à
fournir plusieurs services clés à la société tels que l’électricité ou le logement.141
Dans l’ensemble, entre 1949 et 2004, l’économie costaricaine a connu une
croissance soutenue de son PIB, à l’exception de la période comprise entre 1979 et 1983
où elle s’est contractée à la suite de la crise économique. Entre 1950 et 1997, la valeur du
PIB a décuplé, tandis qu’entre l’année dernière et 2004, elle a doublé.142 Ce dynamisme
a répondu à la croissance des trois secteurs productifs de l’économie, bien que cela ait été
plus important dans l’industrie et les services qui sont devenus les moteurs économiques
du pays, remplaçant jusque-là le rôle prédominant de l’agriculture. Également, un autre
facteur contribuant à l’augmentation du PIB a été l’investissement public, qui pour la
période 1983 et 1984 représentait 35 pour cent du PIB. Cette tendance, quelle que soit la
position idéologique des gouvernements en service, est demeurée à la hausse, bien que le
PLN ait été caractérisé comme le plus susceptible d’être à l’égard de cette pratique.143
140
La nationalisation bancaire avait également un objectif politique, qui était d’affaiblir les secteurs
dominants de l’époque et donc de former de nouveaux groupes de pouvoir émergents au sein de la classe
moyenne et surtout, dans le futur secteur industriel que le PLN renforcera dans les années à venir. Rovira
Mas, Estado y política…, pp. 49-54.
141
León, et. al. Historia económica…, pp. 130-131. Au cours des années 1950, plusieurs institutions
autonomes ont été créées ou renforcées : l’Institut costaricain d’électricité (ICE) en 1949, l’Institut national
du logement et de l’urbanisme (INVU) en 1954, l’Institut autonome du chemin de fer électrique vers le
Pacifique dans la même année, l’Institut costaricain du tourisme (ICT) en 1955 et le Conseil national de la
production (CNP), qui a pris ce rang en 1956. Dans les années 1960, ils se sont joints au Service national
de l’aqueduc et des égouts (SNAA) en 1961, l’Institut des terres et de la colonisation (ITCO) en 1962, le
Bureau de la planification nationale (OFIPLAN) en 1963, le Conseil d’administration portuaire et de
développement économique du versant atlantique (JAPDEVA) en 1965, l’Institut national d’apprentissage
(INA) et l’Institut conjoint d’aide sociale (IMAS) en 1971, la Caisse de développement social et
d’allocations familiales (FODESAF) en 1974, entre autres. Rovira Mas, Estado y política…, pp. 74-77,
106-111, 135,163; León, et. al. Historia económica…, pp. 282-283.
142
D’après l’économiste costaricain Luis Paulino Vargas, malgré ses déficiences structurelles, cette
croissance économique s’est traduite par des politiques socio-économiques véritablement inclusives,
suivant des bases et des « aspirations minimales à la justice et à l’équité ». Luis Paulino Vargas Salas. Costa
Rica, 1985-1997 : liberalización y ajuste estructural o la autodestrucción del neoliberalismo. 1ª ed. (San
José, Costa Rica : EUNED, 2002), p. 132. La période de croissance est due à l’évolution de l’année de base
pour calculer le PIB, selon León, et. al. Historia económica…, pp. 128-129.
143
León, et. al. Historia económica…, pp. 132, 193-194.
- 70 -
Le secteur industriel a été l’un des plus bénéfiques au cours de la période grâce à
plusieurs avantages fournis par l’État, notamment l’accès préférentiel au crédit, la mise
en place de mesures protectionnistes, des exonérations fiscales pour l’importation de
matières premières et de biens d’équipement, l’accès à des sources d’énergie bon marché
et la promotion de l’investissement étranger direct. Bien sûr, l’entrée du Costa Rica sur
le Marché commun centraméricain (MCCA) en 1963 a élargi l’échange de produits
industriels costaricains avec les pays voisins. Avec la création de la Société de
développement144 (CODESA), un nouvel épisode d’industrialisation a été ouvert alors
que le même État commençait à participer à l’économie avec ses propres entreprises dans
des domaines tels que la raffinerie de pétrole, le transport, l’extraction de l’aluminium, la
production d’engrais, entre autres. Cette orientation est restée jusqu’à la crise des années
1980, lorsque le CODESA a été démantelé dans le cadre des programmes d’ajustement
structurel lancés au cours de cette décennie.145
En plus du développement industriel, le gouvernement a stimulé diverses
transformations dans l’administration publique. L’une d’entre elles était la création des
institutions autonomes, déjà mentionnées.146 Deuxièmement, l’ALPRO a conduit à la
création du Bureau national de la planification (OFIPLAN) en 1963, qui avait pour
fonction d’élaborer des plans nationaux de développement qui guideraient le travail et la
politique économique du gouvernement. En 1974, et dans le but de lui fournir de plus
grands instruments, l’OFIPLAN était chargé d’assurer l’audit des budgets des institutions
autonomes qui a conduit à une confrontation ouverte avec eux. Dans d’autres travaux, il
a également proposé la division du pays en six régions socio-économiques qui sont encore
une référence pour l’élaboration des politiques publiques et ont contribué à établir une
série de sous-secrétaires à la planification dans les ministères, qui développeraient les
statistiques et les études de base nécessaires à leur mise en œuvre.147
Cependant, la planification nationale a été victime de plusieurs réformes qui ont
nui à son efficacité. Au cours de la décennie 1968-1978, les institutions autonomes
perdaient leur indépendance au nom du gouvernement central, qui a obtenu le pouvoir de
nommer la plupart de ses conseils d’administration (suivant le modèle 4:3) et de ses
144
Corporación para el Desarrollo.
145
León, et. al. Historia económica…, pp. 173-176, 189 ; 221-226.
146
Il faut souligner que pour le PLN, ils étaient un mécanisme pour assurer une part du pouvoir pendant les
gouvernements de leurs adversaires politiques. Rovira Mas, Estado y política…, p. 135.
147
León, et. al. Historia económica…, pp. 211, 214-215.
- 71 -
présidents exécutifs, ce qui a conduit à sa politisation.148 Dans le contexte de la crise
économique de 1980, même si l’OFIPLAN a été transformé en ministère de la
Planification et de la politique économique (MIDEPLAN) en 1982, il a perdu toute son
autorité au nom du portefeuille du Trésor et de la Banque centrale qui a repris la gérance
de la politique économique.149
Avec l’augmentation des investissements publics, le domaine de la couverture des
services essentiels pour la population tels que la santé, l’électricité et l’éducation a
augmenté; bien sûr, cela n’a pas été possible sans recourir à des emprunts extérieurs et
internes qui, bien qu’avant la crise favorisaient la croissance de ces infrastructures.150
Depuis lors, les politiques de restriction des dépenses (et donc la baisse de la capacité des
consommateurs) ont été la pierre angulaire des programmes d’ajustement structurel. Ce
processus, mené entre 1982 et 1990, a impliqué l’intervention de diverses agences telles
que l’USAID, le FMI, la Banque mondiale, la banque privée et le « Club de Paris »151,
qui ont négocié une série de réformes de l’État en échange de financements extérieurs
nécessaires à la relance de l’économie. Même si cette contribution a eu un impact positif
à court terme, elle a creusé à moyen et long terme les inégalités sociales, en raison de la
persistance d’un système fiscal dépassé, de l’endettement élevé et de l’inflexibilité du
budget de la République.152
La réforme de l’État a été influencée par les changements dans le paradigme
économique de la fin des années 1970. Les économistes dits « néolibéraux »153 ont
148
Sous la période présidentielle de Mario Echandi (1958-1962), les institutions autonomes ont été
sévèrement critiquées en raison de leur soi-disant « pouvoir sans restriction ». Pour résoudre cette
distorsion, le gouvernement considéra ils devraient être transformés en organes subordonnés au Pouvoir
exécutif de façon que certains groupes opposants et enracines dans les Conseils administratifs peuvent
perdre leur pouvoir. Fait intéressant, c’est dans le gouvernement de José Figueres (1970-1974) que ces
réformes ont eu lieu, contredisant la politique sociale-démocrate du début des années 1950. Rovira Mas,
Estado y política…, p. 136.
149
León, et. al. Historia económica…, pp. 214, 220.
150
Vargas Salas. Costa Rica, 1985-1997…, p. 87.
151
Entité qui reagroupait les pays avec lesquels le Costa Rica a contracté des dettes extérieures.
152
León, et. al. Historia económica…, pp. 258-261, 287, 303, 309-312.
153
Dans des travaux récents, David Diaz a noté que le néolibéralisme avait sa place dans la politique
costaricaine depuis les années 1950. Des organisations telles que l’Association nationale de développement
économique (ANFE) fondée en 1958, des économistes comme Alberto Di Mare Fuscaldo, Miguel Angel
Rodríguez Echeverría (ancien président du Costa Rica entre 1998 et 2002), des journalistes comme Cecilia
Valverde et des partis politiques tels que l’Unification Nacional y Unidad, ont promu des politiques de libre
marché et se sont prononcés contre la « bureaucratie excessive », le « gaspillage » et la « corruption » créés
par le PLN. Lors de la course électorale de 1978, le candidat du Parti Unidad, Rodrigo Carazo Odio, a eu
recours à critiquer le degré d’interventionnisme de l’État, y voyant un frein au développement ; en revanche,
il favorisait les bons services de l’entreprise privée qui étaient synonymes d’« efficacité ». Bien que Diaz
n’ait pas proposé une définition du néolibéralisme en soi, il a soutenu que ce concept illustre la colère de
certains groupes politiques et universitaires sur la continuité et le projet social-démocrate du PLN. David
- 72 -
énergiquement poussé les politiques conservatrices conçues dans le Consensus de
Washington, qui visaient à réduire le rôle intermédiaire de l’État dans l’économie,
renforçant ainsi les secteurs productifs liés aux exportations.154 La politique de crédit et
les incitations fiscaux ont été affectées à ces activités, bien que dans la pratique le secteur
tertiaire, spécialement le tourisme, ait été le plus favorisé. D’autre part, divers
mécanismes ont renforcé le modèle tels que l’Initiative du bassin de Caraïbe (qui a
commencé à être mise en œuvre depuis 1983), l’adhésion du Costa Rica à OMC et la
signature d’accords de libre-échange, en particulier celui de l’Amérique centrale, la
République dominicaine et les États-Unis (DR-CAFTA) qui a été approuvé par
référendum en 2007.155 Cela s’est accompagné d’une série de lois qui ont éliminé les
anciens protectionnismes et ouvert la voie à une économie plus ouverte156, mais qui ont
repoussé le Costa Rica dans les indicateurs sociaux qu’il avait obtenus au cours des
décennies précédentes.157
Même avec les problèmes structurels décrits ci-dessus, l’État costaricain a assuré
une mobilité sociale minimale pour la société qui a abouti à des niveaux plus élevés de
bien-être. Cela était le résultat d’investissements substantiels de l’État dans les domaines
Diaz Arias. Historia del neoliberalismo en Costa Rica : la aparición en la contienda electoral 1977-1978.
1ª ed. (San José, Costa Rica : Vicerrectoría de Investigación: Centro de Investigaciones Históricas de
América Central, 2019). En ce qui concerne la politique économique, Rovira avait déjà donné des
indications précoces de ces stratégies. Rovira Mas, Estado y política…, pp. 166-176.
154
Luis Paulino Vargas a averti que cette stratégie était fondée, dans ce que Hinkelammert appelait le
« chantage de l’alternative unique ». Cette option, qui révèle la nature autoritaire de la thèse néolibérale,
est basée sur l’idée du changement libre comme source de prospérité infinie, oubliant d’autres facteurs
impliqués dans le bien-être (social et culturel). Pour qu’une telle prospérité atteigne son plus haut degré,
l’État doit être réduit au minimum afin de ne pas fausser les forces du marché. Ces distorsions sont causées
par des groupes d’intérêts qui « prennent l’institutionnalisation pour voies de fait » et qui sont en pratique
des fonctionnaires et des syndicats. De cette façon, le programme d’ajustement structurel est légitimé
comme le seul moyen plausible pour l’État de sortir de sa capacité inopérante et de permettre maintenant
le développement économique attendu. Vargas Salas. Costa Rica, 1985-1997..., p. 39, 63-70.
155
Pour approfondir sur ce processus politique et social, voir : Mercedes Álvarez Rudín. « Movimientos
sociales y participación política : el movimiento contra el TLC en la campaña el referéndum 2007 en Costa
Rica. » Anuario de Estudios Centroamericanos [en ligne], Nº 37 (2011) : pp. 201-230. Consulté le 25 août
2020. URL : https://www.jstor.org/stable/41306439 ; Ciska Raventós Vorst. Mi corazón dice No : el
movimiento de oposición al TLC en Costa Rica. 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2018).
156
Toutefois, cette « ouverture économique » s’est de nouveau fondée sur une nouvelle stratégie
protectionniste : l’exonération fiscale des activités économiques destinées au marché extérieur. Parce qu’ils
ne paient pas d’impôts, leur croissance ne se reflète pas dans les finances publiques qui, couplées à d’autres
facteurs, obligent l’Etat à recourir à des emprunts intérieurs et extérieurs pour s’acquitter de ses obligations.
De cette façon, un cricle vicieux est créé qui ne peut être rompu qu’avec une réforme fiscale progressive.
Vargas Salas, Costa Rica, 1985-1997…, pp. 118, 124.
157
León, et. al. Historia económica…, pp. 283, 308-310.
- 73 -
de l’éducation, de la santé, de la culture et des services essentiels (eau, électricité,
logement, etc.), mais en plus d’une importante participation citoyenne qui a contribué à
exiger, critiquer ou légitimer les institutions qui ont formé l’État-providence costaricain.
Pour des raisons d’extension, je ne m’arrêterai pas ici pour analyser la croissance de
chacun de ces indicateurs, dont certains seront mentionnés dans des chapitres ultérieurs.
Toutefois, je vais me référer ci-dessous à certaines tendances générales qui nous
permettent de contextualiser les changements dans le niveau de vie des Costaricains au
cours de la période d’étude.
Tout d’abord, je voudrais souligner que l’institutionnalisation de l’État providence
costaricain a dépend non seulement de l’activité des secteurs politiques et du modèle
économique, mais aussi d’une large participation citoyenne. Les formes traditionnelles
d’organisation sociale, telles que les syndicats, ont été rejointes par d’autres où
l’organisation collective des citoyens, tels que les coopératives, les Associations de
solidarité et les conseils progressistes158, a été canalisée.159 Entre 1963 et 2000, le
coopérativisme a considérablement augmenté, de 67 coopératives la première année à
environ 318 la dernière, soit environ 445652 membres. La plupart de ces coopératives
étaient situées dans la province de San José et sur les 318 signalées en 2000, 13
correspondaient à la question du logement.160
Les associations de solidarité ont été fondées par l’avocat et économiste Alberto
Martén Chavarría, sur la base du « solidarisme » de Léon Bourgeois.161 Le modèle
proposé par Martén consistait en la mise en place de plans d’épargne pour les travailleurs
au sein des entreprises ou des institutions publiques de telle sorte qu’il s’agissait d’une
alternative au syndicalisme, considéré comme une niche communiste. À la fin des années
1950, 27 associations de ce genre avaient déjà été créées et trente ans plus tard, le
mouvement s’était consolidé dans les régions en dehors de la Vallée centrale.
Actuellement, le plus grand nombre d’associations de solidarité sont concentrées dans
158
Juntas Progresistas.
159
León, et. al. Historia económica…, pp. 178-180.
160
Juan A. Huaylupo. Las cooperativas en Costa Rica. (San José, Costa Rica : Facultad de Ciencias
Económicas de la Universidad de Costa Rica – Red Universitaria de las América en estudios cooperativos
y asociativos, 2003), pp. 54-56. Consulté le 26 août 2020. URL :
https://base.socioeco.org/docs/unpan033284.pdf
161
Mièvre, « Le solidarisme de León Bourgeois ; Marie-Claude Blais. « Aux origines de la solidarité
publique, l’œuvre de León Bourgeois. » Revue française des affaires sociales, 2014/1. Consulté le 16
septembre 2020. URL: https://www.cairn.info/revue-francaise-des-affaires-sociales-2014-1-page-12.htm
- 74 -
l’entreprise privée, ce qui dénote leur nature démobilisant de la main-d’œuvre dans ce
secteur productif.
Les conseils progressistes sont des groupes locaux qui jouissaient de
l’indépendance organisationnelle et, bien que certains de leurs membres se déclaraient
publiquement communistes, existait une pluralité idéologique au sein de leur
composition. Sa contribution a été mise en évidence dans la construction de travaux
essentiels pour les quartiers, assumant souvent les responsabilités des municipalités. En
revanche, en ce qui respecte les grands travaux d’infrastructure, les conseils ont travaillé
ensemble pour faire pression sur les municipalités ou pour atteindre leur collaboration
afin d’atteindre leurs objectifs. Son indépendance est le résultat de son financement
interne, qui a été maintenu par l’aide logistique et monétaire des voisins. Toutefois, cela
a été modifié avec la création de la Direction nationale du développement communautaire
(DINADECO) en 1967, qui a promu le modèle des Associations de développement pour
déplacer les conseils de leur travail local et ainsi nuire à leur pouvoir de convocation,
qu’ils ont atteint en partie.162
Entre 1950 et 2000, un nombre important de mobilisations citoyennes ont été créés
au sein des collectivités et ont servi de plate-forme à des conseils d’administration. Sur
ce point, l’historienne Patricia Alvarenga souligne que l’État providence costaricain, loin
d’être considéré comme le résultat d’un processus dans lequel la citoyenneté est restée
passive, a plutôt été mobilisé pour ou contre la nationalisation de certains services
stratégiques, tels que l’électricité, l’eau et le transport payant de personnes.163 Dans cette
« tradition de protestation sociale », d’autres acteurs sociaux ont eu une participation
importante dans la période. Organisés contre la signature de la loi sur les contrats entre
l’État costaricain et l’Aluminum Company of America (ALCOA) en 1970, les étudiants
se sont consolidés en tant qu’acteur majeur, une tradition qui a également été démontrée
162
Patricia Alvarenga Venutolo. De vecinos a ciudadanos: Movimientos comunales y luchas cívicas en la
historia contemporánea de Costa Rica. 1 ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2005), pp. 10-36.
163
En ce qui concerne les services électriques, les acteurs sociaux – où les femmes ont joué un rôle de
premier plan – ont exigé de l’État la nationalisation de la Electric Bond & Share qui était responsable de la
distribution électrique dans la capitale. Fait intéressant, face au service de l’eau, les citoyens se sont opposés
à l’administration nationale de la ressource par SNAA établi en 1962, notant qu’il enlèverait à la collectivité
(et à la municipalité) le pouvoir de gérer une ressource qu’ils croyaient la leur. Enfin, en ce qui concerne
les services de transport, les citoyens ont proposé plusieurs solutions, de leur nationalisation à la promotion
des coopératives de quartier ou à la municipalisation, à condition qu’ils baissent les tarifs et améliorent la
qualité du service. Alvarenga, De vecinos a ciudadanos, pp. 51-166.
- 75 -
lors de manifestations sociales contre la privatisation des services de télécommunications
d’ICE en 2000 et lors de la négociation de l’accord DR-CAFTA entre le 2002 et 2005.164
Dans l’ensemble, tant l’État-providence du Costa Rica que la participation des
citoyens ont permis au pays d’améliorer substantiellement ses indicateurs socio-
économiques au cours de la période d’étude. Le programme État de la nation (PEN) a
souligné, dans son premier rapport, que le pourcentage de ménages pauvres a diminué
d’environ 31 % entre 1960 et 1990. L’espérance de vie à la naissance, qui dans les années
1940 était de 46,9 ans, en 1990, avait atteint 75,6 ans. En termes de mortalité infantile, il
est passé de 123 enfants en 1940 à seulement 15 pour mille en 1990. Enfin, le pourcentage
d’enfants analphabètes dans le pays est passé de 27 % en 1940 à 7 % au début des années
1990. L’indice de développement humain (IDH) du Costa Rica s’élevait à 0,55 dans les
années 1960 et, au début des années 1990, il était de 0,85 considéré comme élevé par les
normes du PNUD. En 1995, le Costa Rica occupait le 28e rang de l’IDH.165
Certes, malgré les contraintes structurelles du modèle de développement et de
bien-être décrites ci-dessus, les politiques sociales de l’État ont atteint la majorité de la
population costaricien qui a réussi, à la fin du XXe siècle, à avoir une qualité de vie même
similaire à celle des pays riches.166 Cependant, le PEN a constaté dans ses rapports des
années de 2005 et 2010 un comportement erratique dans les indicateurs du développement
humain qui révèlent l’incapacité de l’État à maintenir le niveau de progrès social et que
son comportement dépend principalement du facteur « inertiel » de l’investissement
social effectué dans les décennies passées. L’IDH montre également ces fluctuations :
entre 1995 et 2010, le Costa Rica est passé de la 28e à la 54e place.167 En outre, au cours
164
José Manuel Cerdas Albertazzi. “Las luchas contra la empresa ALCOA. Un intento de síntesis
interpretativa (1969-1970)”. Revista de Historia (UNA-Heredia) [en ligne], Nº 75 (Enero-Junio 2017), pp.
77-122. Consulté le 15 septembre 2020. URL : https://doi.org/10.15359/rh.75.3. ; Randall Chavez Zamora.
“Una leyenda heróica. Historia y memoria pública del movimiento estudiantil costarricense, 1970-2020”.
Diálogos Revista Electrónica de Historia [en ligne], 21(1) (Enero-junio 2020) : pp. 1-36. Consulté le 15
septembre 2020. URL : DOI 10.15517/DRE.V21I1.37676
165
Proyecto Estado de la Nación (PEN). Estado de la nación en desarrollo humano sostenible. (San José,
Costa Rica : Estado de la Nación, 1995), p. 4. L’Indice de développement humain (IDH), introduit par le
Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) en 1990, est une mesure qui vise à mesurer
le bien-être humain en tenant compte de l’espérance de vie à la naissance, des possibilités d’alphabétisation
et d’un revenu qui lui permet d’avoir un niveau de vie décent. Cet indice a une échelle de 0 à 1 : plus on est
proche de 0, plus un pays a d’inégalités et plus il est proche de 1, c’est l’inverse. PNUD. Índices e
indicadores de desarrollo humano. Actualización estadística de 2018. (New York : Naciones Unidas,
2018), p. 1.
166
PEN, Estado de la nación 1995, p. 13.
167
PEN, Estado de la nación 1995, p. 2 ; Ibid. Decimosexto informe Estado de la nación en desarrollo
humano sostenible. (San José, Costa Rica : PEN, 2010), p. 303.
- 76 -
de la même période, le coefficient de Gini est passé de 0,377 à 0,437 à la fin de cette
période, ce qui indique une plus grande inégalité sociale à l’intérieur du pays.168
Cette augmentation des inégalités sociales a eu un autre effet : la méfiance
croissante du public à l’égard de la démocratie et du système des partis politiques. C’est
ce qui est le plus visible depuis l’élection de 1982, lorsque l’abstentionnisme représentait
21,4 % des listes électorales. Lors des trois élections suivantes (1986, 1990 et 1994),
l’abstentionnisme était en moyenne de 18,4 %, mais dès 1998, il est passé à 30 %. Depuis
lors et jusqu’en 2010, le comportement de cet indicateur n’a pas baissé par rapport à cette
valeur et s’est plutôt tendu vers le haut.169 Contribue à cette tendance ce que le PEN
appelle la « promesse démocratique », un phénomène qui découle de l’augmentation des
obligations de l’État par la législation sans lui fournir les ressources nécessaires pour être
en mesure de s’y conformer. C’est aussi le résultat du long processus dont une législation
importante a besoin pour que le développement du pays soit adopté au Congrès, une
dynamique qui s’est accrue au fil des ans.170
À la fin de la période à l’étude, il est noté que si la capacité de l’État a diminué
pour répondre aux besoins et aux défis de la société costaricienne d’aujourd’hui, elle a
réussi à maintenir un minimum de garanties qui lui a permis de maintenir la plupart de
ses indicateurs de bien-être social à long terme. Toutefois, le manque de concertation
entre les secteurs politiques et les secteurs sociaux a évité de modifier les problèmes
structurels du pays, ce qui a entraîné une augmentation des inégalités sociales. Tout au
long de ce processus, on peut se demander : quelle a été la contribution de l’assistance
technique internationale à la construction de l’État providence costaricain ? Combien
cette coopération a-t-elle signifié, en termes monétaires, pour le pays ? Comment
l’utilisation d’une telle aide a-t-elle été légitimée par rapport à l’opinion publique ? Le
but du prochain chapitre sera de répondre à ces questions.
168
PEN, Decimosexto informe…, p. 98.
169
Ciska Raventós Vorst, et. al. Respuestas ciudadanas ante el malestar en la política: salida, voz y lealtad.
(San José, Costa Rica : Universidad de Costa Rica y Tribunal Supremo de Elecciones, 2011), p. 64.
170
PEN. Decimoséptimo Informe estado de la nación en desarrollo humano sostenible. (San José, Costa
Rica : El Programa, 2011), pp. 238-240.
- 77 -
6. Conclusion du chapitre
- 78 -
pourraient être reproduits dans le monde entier, c’est-á-dire, de modèles. Leur caractère
universel, il faut le dire, a créé des biais au niveau méthodologique parce que leurs
promoteurs ont encouragé des formules qui ont rejeté les savoirs traditionnels des pays
membres et révèlent une autre dimension de ces organismes internationaux comme des
espaces de confrontation et d’institutions inachevées, si la contribution de Marc Abélès
est prise comme point de référence.
Les portails de la mondialisation solidaire furent les programmes d’assistance
technique de l’ONU, de l’OEA et des agences américaines telles que le Point IV. Le
« Servicio » a légitimé « l’entraide » en tant que méthodologie coopérative pour
populariser un modèle de développement économique universel, mais adapté aux
conditions particulières de chaque région. Les commissions régionales de l’ONU, telles
que la CEPALC, ont choisi de proposer des alternatives au « développement économique
» qui corrigeraient les distorsions historiques à l’origine des inégalités. La CNUCED et
le G-77 ont poursuivi cette lutte, faisant également écho au modèle intégrationniste
d’expansion des réseaux commerciaux de leurs membres, afin d’accroître l’influence des
pays « sous-développés » et par conséquence, obtenir le muscle nécessaire pour
renégocier les termes de l’échange avec les pays « développés ».
À cet égard, les programmes d’assistance technique reflétaient ces stratégies de
développement dans leurs discours et concentraient leurs activités sur les secteurs clés de
l’économie qui permettraient le « décollage » économique tant désiré. Cependant, leur
territoire d’action était fragmenté. Cela était principalement dû à la trajectoire historique
des pays d’Amérique latine, qui conditionnaient leur identité économique et leur modèle,
vis-à-vis des États-Unis dont le rôle aussi bien comme empire que comme « bon voisin »
limitait les avantages que les programmes d’assistance technique avaient pu avoir.
D’autre part, l’État costaricain a fait l’objet d’une série de réformes qui ont
contribué à lui donner un profil plus social, dont le moteur économique était basé sur le
« développementisme » et la substitution des importations. Bien qu’il y ait eu des
contradictions politiques qui remettre en question le degré de démocratisation de la
société après la guerre civile de 1948, il existe un consensus général selon lequel l’État
providence a réussi à améliorer le niveau de vie de la population en se fondant sur les
principes de justice sociale. L’épuisement de ce modèle dû aux crises externes et internes
est intervenu dans les années 1980 et a ouvert la porte à un nouveau paradigme
institutionnel fondé sur la libéralisation économique, qui subsiste aujourd’hui. Bien que
- 79 -
ce virage ait entraîné le déclin de divers indicateurs de bien-être social, l’État costaricain
a réussi à maintenir des niveaux relativement élevés de développement humain. Le rôle
de l’assistance technique internationale dans cette dynamique a été peu exploré, de sorte
que le prochain chapitre vise à fournir certaines contributions pour son analyse et sa
trajectoire historique.
- 80 -
II. LE COSTA RICA DANS UN SYSTÈME DE COEXISTENCE
MONDIAL.
171
Parmi les discours qui ont légitimé la guerre civile de 1948, l’un des plus importants a été celui de la
défense du système démocratique. Les divergences apparues dans le décompte des voix et les soupçons de
fraude dans l’élection présidentielle et du Congrès, bien qu’ils aient incité à l’insurrection militaire, n’ont
pas réussi à expliquer les raisons qui ont conduit à Figueres à recourir à la voie armée. Des recherches
ultérieures ont révélé que l’élection à la violence était le seul moyen pour le figuerisme d’arriver au pouvoir,
car il ne disposait pas d’une base électorale très forte par rapport au « Partido Republicano Nacional » et
au « Partido Vanguardia Popular » (communiste) qui représentaient l’officialité. Iván Molina Jiménez.
Demoperfectocracia: la democracia pre-reformada en Costa Rica (1885-1948). 1ª ed. (Heredia, Costa Rica
: EUNA, 2005), pp. 365-420 ; Díaz Arias. « Social Crises… » pp. 243-244, 277-278.
172
José Figueres F. « Mensaje presidencial presentado a la Asamblea Nacional Constituyente de la Segunda
República de Costa Rica por el Presidente de la Junta Fundadora de la Segunda República, 16 janvier de
1949, » Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 3. Consulté le 27 de juillet
2020. URL : https://drive.google.com/file/d/1ArPyufxCExgOJkR1PEWJX7DXsge8DMZ3/view. Le
Conseil fondateur de la Seconde République a été créé le 8 mai 1948 et a gouverné le pays en tant
qu’institution législative et exécutive, pour une période de 18 mois. Elle était composée par José Figueres,
Fernando Valverde Vega, Benjamín Odio, Bruce Masís, le prêtre Benjamín Nunez, Gonzalo Facio, Alberto
Martén, Francisco J. Orlich, Raul Blanco, Uladislao Gámez, Daniel Oduber et Édgar Cardona. Diaz,
« Social Crises... » p. 272.
173
José Figueres Ferrer. El Espíritu del 48, (San José, Costa Rica. EDEL, s.f.), p. 259. Consulté le 9 août
2020. URL : https://cldup.com/FRSBD23nff.pdf
174
Le Pacte Figueres – Ulate, signé le 1er mai 1948, a permis au Conseil fondateur de gouverner pendant
18 mois. A la fin de la période, le pouvoir devait être retourné à Ulate qui avait été élu président aux
élections de cette année-là. Diaz, « Social Crises... », pp. 301-302.
175
Otilio Ulate Blanco. « Mensaje del Presidente Constitucional de la República de Costa Rica. 10 de
noviembre de 1949 », en Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 1.
- 81 -
de son prédécesseur, le Costa Rica avait besoin de la coopération internationale pour
développer son système économique. Et, bien que le Costa Rica ait fait partie de la Société
des Nations (SdN) et de l’Union panaméricaine (UnP) depuis le début du XXe siècle, les
nouveaux organismes internationaux ont demandé au pays de modifier et d’étendre le
fonctionnement de sa politique des affaires étrangères afin qu’ils puissent mieux gérer les
programmes d’assistance technique.
C’est pourquoi mon objectif, dans ce chapitre, sera d’analyser comment les
programmes d’assistance et de coopération technique internationale au Costa Rica ont été
institutionnalisés à long terme. Cette analyse consistera, tout d’abord, à déterminer quel
a été le changement institutionnel expérimenté par le ministère des Affaires étrangères et
du culte (MRREE), le Bureau national de planification (OFIPLAN) et son successeur, le
ministère de la Planification et de la politique économique (MIDEPLAN). Ensuite,
j’identifierai les domaines prioritaires desservis par les programmes d’assistance
technique et les tendances de financement, et, finalement, déterminer quels ont été les
discours et définitions officiels produits par les anciens présidents de la République du
Costa Rica, les fonctionnaires et diplomates du MRREE et les communistes qui ont
contribué à légitimer ces programmes ou à les remettre en question. Par l’analyse de ces
facettes, une périodisation de l’assistance technique sera proposée, qui permettra de
contextualiser l’utilisation de ce type de programmes dans l’urbanisme costaricain.
Les sources documentaires utilisées dans ce chapitre sont variées. En ce qui
concerne l’institutionnalisation de l’assistance technique, les mémoires annuels du
MRREE et le Registre des lois et décrets disponibles sur le site web du Bureau du
procureur général de la République du Costa Rica ont été utilisés.176 Pour l’analyse de la
trajectoire des programmes d’assistance technique au Costa Rica, j’ai créé la « Base de
données des projets d’assistance technique au Costa Rica 1950-1995 » en utilisant, entre
autres sources, les rapports de gérance du Conseil d’assistance technique des Nations
Unies (1953-1964), des rapports de l’Administrateur du Programme des Nations Unies
pour le développement (1972-2003), des brochures d’information de l’OEA (1950-1965),
- 82 -
du Point IV (1952-1956) et de l’explorateur de l’aide étrangère de l’USAID.177 Pour le
cas américain, il a été possible d’obtenir des données plus spécifiques pour la période
1952-1956, mais pas pour les autres, dont seules les tendances générales de financement
sont disponibles. Pour ces raisons, l’approche du cas de l’ONU sera privilégiée tout au
long de ce chapitre et les programmes seront comparés lorsque les sources le permettront.
Pour l’analyse des discours de l’assistance technique, j’ai recouru au « Corpus
numérique des messages présidentiels du Costa Rica » de l’Institut de recherches
linguistiques de l’Université du Costa Rica, et aussi les discours prononcés par les
diplomates costaricains et publiés dans les mémoires annuels du MRREE.178 En plus, j’ai
tenu compte, mais pas de manière exhaustive, des articles publiés par les hebdomadaires
Adelante et Libertad, tous deux d’orientation communiste.
Cette partie est organisé en deux sections. La première sera consacrée à l’examen
du processus d’institutionnalisation de l’assistance technique et de son parcours au Costa
Rica. La deuxième partie abordera les discours, tant officiels que communistes, sur
l’assistance technique et sera finalisée par une analyse des définitions officielles. Enfin,
une périodisation de l’assistance et de la coopération technique sera proposée dans les
conclusions.179
177
« Foreing Aid Explorer ». Consulté le 3 janvier 2021. URL: https://explorer.usaid.gov/cd. Je remercie
Carlos Cascante de m’avoir recommandé cette référence.
178
« Rendición de cuentas. Memorias de las instituciones públicas. » Consulté le 30 juillet 2020. URL:
http://www.asamblea.go.cr/sd/memoriasgobierno/forms/allitems.aspx
179
Il convient de noter que je n’ai pas l’intention de réaliser ici une analyse exhaustive de la trajectoire de
ces programmes d’assistance technique au Costa Rica, mais seulement de constituer un cadre de référence
qui permettra de contextualiser correctement les programmes destinés à l’urbanisme. Toutefois, étant donné
qu’il n’existe pas de bibliographie abondante dans ce domaine des relations internationales au Costa Rica,
j’espère que cette petite contribution encouragera de nouveaux chercheurs à approfondir en détail
l’historicité de ces programmes et leur participation à la conception de l’institutionnalisation costaricaine.
- 83 -
manière, de s’opposer à tout projet d’intégration régionale émergeant de ses voisins de
l’Amérique centrale. D’après le point de vue libéral, la diplomatie costaricaine devait
obtenir des marchés plus nombreux pour le café, faciliter l’accès aux crédits
internationaux et encourager la migration européenne vers le pays.
L’historien costaricain Carlos Cascante a démontré que les relations
internationales dans la politique costaricaine a pris de l’importance entre 1936 et 1947 en
raison de la Seconde Guerre mondiale et de l’émergence de l’ONU, ce qui a suscité
l’intérêt du gouvernement pour la réforme de la SRREE. Pour atteindre cet objectif, le
gouvernement de Teodoro Picado a promu la loi sur la carrière consulaire qui est entrée
en vigueur le 4 janvier 1946 et a constitué un pas important vers la professionnalisation
du service extérieur. Cependant, sous le gouvernement du Conseil fondateur de la
Seconde République, le nouveau ministère des Affaires étrangères et du culte (MRREE)
s’est réorganisé sans tenir compte de ces progrès. Parmi les raisons internes figurait la
volonté du nouveau gouvernement de nommer des personnes de confiance aux postes
diplomatiques et, fortement liée à celui-ci, la possibilité d’obtenir un soutien financier et
électoral. Quant aux raisons extérieures, peut-être la plus importante, a été de consolider
l’image extérieure du Costa Rica vis-à-vis des États-Unis et d’obtenir ainsi son soutien
politique et financier. 180
En ce sens, la Seconde République a hérité d’un service extérieur branlant. Et bien
que la loi organique du MRREE ait été adoptée en 1962 pour combler les lacunes
jusqu’alors présentes dans le fonctionnement de ce portefeuille, elle n’a pas empêché la
poursuite du clientélisme dans les nominations diplomatiques ou les fonctions non
coordonnées, où la confiance ou la loyauté envers un parti politique ou le président, était
plus importante que la qualité professionnelle ou l’expérience des fonctionnaires et des
diplomates. Toutefois, le service extérieur a fait plusieurs pas importants vers sa
professionnalisation et son fonctionnement tout au long de la période étudiée.181
Entre 1948 et 1970, le nombre de fonctionnaires rémunérés au MRREE est passé
de 29 la première année à 78 la dernière ; quant aux missions diplomatiques avec des
180
Cascante S., Clientelismo, partidos políticos, pp.49-50, 60-63; Jorge Sáenz Carbonell. « Creación de la
carrera Consular (1946). » Relaciones Internacionales (Heredia) 56.2 (1997): pp. 149-154.
181
Dans la Constitution politique de 1949 et la réglementation inférieure restent des ambiguïtés quant au
directeur de la politique étrangère, qui conserve un caractère fragmentaire. Carlos Cascante, Marco
Méndez, Sergio Moya y Karen Chacón. Costa Rica y su política exterior. (2013). (Heredia, Costa Rica:
Escuela de Relaciones Internacionales Universidad Nacional, 2015), p. 59 ; Cascante S., Clientelismo,
partidos políticos, pp. 74-78.
- 84 -
fonctionnaires rémunérés, celles-ci sont passées de 21 à 38. C’est sous les gouvernements
libérateurs que ce nombre a eu tendance à augmenter pour plusieurs raisons, dont les
engagements pris par Figueres, le renforcement des relations avec les États-Unis, les pays
d’Amérique latine et la participation du Costa Rica aux organismes internationaux. Tout
cela s’est appuyé sur une idéologie fondée sur la solidarité internationale, l’anti-
impérialisme et « l’interaméricanisme ». Cette maturité relative a favorisé pour que le
Costa Rica puisse avoir encore plus d’impact sur la réalité internationale.182
Entre 1970 et 1978, le Costa Rica est passé d’avoir des relations diplomatiques
avec 45 pays à 180, ce qui a répondu à trois lignes prioritaires : l’ONU, les pays asiatiques
et le bloc socialiste. Avec ce nord, le Costa Rica ouvra davantage de missions
diplomatiques et de bureaux consulaires : d’avoir eu 30 en 1966, ils sont passés à 76 en
1990. Pendant cette période, 1979 et 1980 furent les années où le pays a eu le plus de
représentations diplomatiques (78 et 80 respectivement), tombant à 69 en 1981 et à 48 un
an plus tard, produit de la crise économique. Quant aux fonctionnaires rémunérés, ceux-
ci ont augmenté de 172 entre 1970 et 1990. Cela étant, la prétendue « maturité » du
ministère contrastait avec l’instabilité des missions diplomatiques parce que, comme l’a
souligné Cascante, seuls trois ans a savoir, 1974, 1976 et 1990 le nombre d’ambassades
de l’année précédente est resté.183
Au début des années 1970, le ministère comptait 39 fonctionnaires administratifs
et 6 unités. En 1990, le nombre de places est passé à 139 répartis dans 23 dépendances.
Malgré cette croissance, une partie de ces nominations était le résultat du clientélisme
politique et a suscité des critiques dans l’opinion publique, notamment pendant la crise
économique des années 1980. La création de l’Institut du service extérieur Manuel María
de Peralta en 1988 fut motivée, parmi d’autres raisons, pour éliminer le clientélisme, mais
celui-ci persiste et est responsable, entre autres, de l’immaturité de la politique étrangère
costaricaine.184
Les instances qui ont eu la responsabilité de gérer les programmes s’assistance et
coopération technique ont reflété à la fois les progrès et les reculs de la politique étrangère
costaricaine au cours de la période étudiée. Afin d’approfondir le processus
d’institutionnalisation, la réglementation relative à l’assistance technique sera d’abord
182
Cascante S., Clientelismo, partidos políticos, pp. 67-69.
183
Cascante S., Clientelismo, partidos políticos, pp. 86, 89-96, 101-103.
184
Cascante S., Clientelismo, partidos políticos, pp. 99, 111, 113, 127-129.
- 85 -
révisée afin d’identifier les principaux changements dans la gérance de ces programmes,
ce qui sera complété, dans une autre section, par les principales tendances en matière de
domaines prioritaires et de financement pour terminer par une analyse de leurs principaux
discours et définitions officielles.
185
Le Tableau A.1 inclut dans les Annexes contient toutes les lois et les normatives qui ont été identifiés
pour la période entre 1950 et le 2010.
186
SRREE. Memoria de Relaciones Exteriores, Justicia, Gracia, Culto y Beneficencia presentada al
Congreso Constitucional por J.R. Argüello de Vars Secretario de Estado en el despacho de esas carteras.
(San José, Costa Rica : Imprenta Nacional, 1926), p. VI; SRREE. Memoria correspondiente al año 1930
presentada al Congreso Constitucional por el Lic. Octavio Beeche Secretario de Estado en los despachos
de Relaciones Exteriores, Gracia, Justicia y Culto. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1931), p. VI;
SRREE. Memoria de la Secretaría de Relaciones Exteriores, Gracia, Justicia y Culto presentada al
Congreso Constitucional por el Licenciado Manuel F. Jiménez Secretario de Estado en el despacho de
esas carteras. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1937), pp. VII-VIII.
187
Steven Palmer. « Salud imperial y educación popular. La Fundación Rockefeller desde una perspectiva
centroamericana (1914-1921). » Educando a Costa Rica. Alfabetización popular, formación docente y
género (1880-1950). Iván Molina y Steven Palmer (eds.). (San José, Costa Rica: EUNED, 2003), pp. 212-
213; Malavassi, « El encuentro de la Fundación… », p. 126.
188
« Ley Nº 27, 22 de noviembre de 1945. Obliga a becarios del Estado o de entes extranjeros a prestar
servicios ». Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 30 août 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=33814&nValor3=35658¶m2=1&strTipM=TC&lResultado=1&strSim=simp.
189
Je suis d’accord avec Wilda Quiñones et Walter Ramírez pour considérer la création du Conseil national
de coordination de l’assistance technique en 1950 comme le premier pas dans l’institutionnalisation de
l’assistance technique. D’autres auteurs ont marqué le début de ce processus en 1962 ou 1963, soit par la
- 86 -
substantielle avec la période précédente puisque ses fonctions se limitaient à rédiger les
accords d’assistance technique, laissant le processus de négociation aux ministères, les
institutions autonomes et les municipalités. En outre, un facteur qui a maintenu ses
fonctions limitées a été le manque de personnel, problème qui a été signalé de façon
récurrente.190
Dans les années 1960, deux changements importants ont contribué à consolider la
gérance des programmes d’assistance technique. Le premier a été la création de la
direction générale de la politique étrangère en 1962 par le biais de la loi organique du
MRREE, qui a reçu le pouvoir de traiter les demandes d’assistance technique du
gouvernement, de rendre compte de l’offre de bourses et de tenir un registre des missions,
ce qui a mis fin à l’autonomie des entités gouvernementales et des municipalités dans ce
domaine.191 Cependant, un an plus tard, ces responsabilités ont été transférées à la section
de l’assistance technique du département de la productivité et de l’efficacité
administrative de l’OFIPLAN récemment créée, dont la création a été faite pour respecter
les engagements pris avec l’ALPRO.192
Ces modifications ont été justifiées, entre autres raisons, par la nécessité du
gouvernement costaricain d’obtenir toute l’aide technique et financière possible pour
mener à bien ses programmes de développement, qui ont connu plusieurs épisodes de
crise : d’abord avec la baisse des prix internationaux du café en 1958, puis avec l’éruption
du volcan Irazú en 1963 et avec les problèmes fiscaux constants. A ces mesures s’est
ajoutée l’ouverture d’un bureau financier à l’ambassade du Costa Rica à Washington D.C.
publication de la loi organique du MRREE soit par la loi de planification nationale de cette dernière année,
en coïncidant avec la version officielle du MIDEPLAN. Walter Ramírez Fonseca. « El sistema de
coordinación de la cooperación internacional en Costa Rica. » Revista de Relaciones Internacionales
(Heredia), Vol., 40 (1992): p. 94; Wilda Quiñones Corrales. « Aspectos sociológicos de la asistencia técnica
internacional en Costa Rica. » (Tesis de Licenciatura en Sociología, Université du Costa Rica, 1975), p. 12;
Jimena Araya Villegas. « Propuesta de mecanismo de seguimiento a los planes de acción para la
implementación de la política de cooperación internacional de Costa Rica en el eje prioritario social. »
(Tesis de Maestría en Diplomacia, Universidad de Costa Rica – Instituto de Servicio Exterior Manuel María
de Peralta, 2019), pp. 45-46; Ministerio de Planificación y Política Económica. Política de cooperación
internacional. Costa Rica 2014-2022. (San José, Costa Rica: MIDEPLAN, 2014), p. 13.
190
MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto presentada a la Asamblea
Legislativa por el Señor Mario A. Esquivel Ministro de Relaciones Exteriores y Culto. 1954-1955. Volume
1. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1955), p. XII; MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones
Exteriores y Culto. 1957-1958. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1958), p. 51.
191
MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto. 1962-1963. Volume I. (San José,
Costa Rica: Le ministère, 1963), s.n.p.
192
Quiñones Corrales, « Aspectos sociológicos… », p. 13.
- 87 -
qui pourrait coordonner les demandes de soutien financier faites par l’État et les présenter
aux organismes internationaux ayant leur siège dans la capitale étasunienne.193
La période 1962-1970 a été caractérisée par la vulnérabilité de l’OFIPLAN et du
MRREE aux changements de politique présidentielle. Le transfert des compétences
mentionné ci-dessus a perdu du terrain en 1969 par la loi de finances de cette année-là et
a essentiellement obéi à la position défavorable de l’ancien président José Joaquín Trejos
Fernández (1966-1970) à continuer à renforcer l’OFIPLAN, qui a émergé sous le
gouvernement du PLN de Francisco Orlich Bolmarcich (1962-1966). Le MRREE a
toutefois bénéficié de ce changement puisqu’il a centralisé les responsabilités de
coordination, de formulation, d’évaluation et de traitement des programmes d’assistance
technique. En revanche, l’OFIPLAN se concentrait uniquement sur l’élaboration des
plans nationaux de développement et sur le conseil au département des affaires
économiques et de l’assistance technique du MRREE.194
À cela s’ajoutent d’autres inconvénients. Le Bureau financier de Washington était
le symptôme d’une concurrence déloyale entre les entités costaricaines pour obtenir des
crédits internationaux qui, selon le ministre Daniel Oduber Quirós, restait crédibilité et
du prestige au pays auprès des institutions financières. L’information disponible a montré
aussi une décoordination entre les institutions costaricaines et les organismes
internationaux par différents motifs, entre eux, la difficulté de coïncider leurs temps
administratifs195 et la persistance de certains ministères à traiter les demandes d’assistance
technique, sans respecter la procédure administrative auprès le MRREE.196 À cet égard,
le ministre Gonzalo Facio Segreda a adressé la plainte suivante à Douglas Oliden, qui
était alors le représentant résident du PNUD:
193
León, et. al. Historia económica…, p. 211-212; Rovira Mas, Estado y política…, pp. 93-94, 108;
MRREE. Memoria 1962-1963, s.n.p.
194
Quiñones Corrales, « Aspectos sociológicos… », p. 14; ANCR, Fonds du ministère des Affaires
étrangères, Nº 8542, 24 avril 1969, « Reestructuración del Departamento de Asuntos Económicos y
Asistencia Técnica », p. 1; Jorge Guardia. « Informe para la Memoria Anual. » 27 mars 1969. Memoria del
Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto. 1968-1969. (San José, Costa Rica: Le ministère, 1969), s.n.p.
195
ANCR, Fonds du ministère des Affaires étrangères, signatura 8448, 25 mai 1967, Jaime Renart. “Carta
del Representante Regional del PNUD al Lic. Alberto Di Mare, Ministro de Planificación.” R/3-1376, s.n.p.
196
Quelques années plus tard, Gonzalo Facio s’inquiétera pour les changements dans la politique étrangère
costaricaine et de la manière dont la coopération technique était gérée. Gonzalo Facio. La política
internacional en el cuarto año de la Administración Oduber. Parte expositiva general de la Memoria del
Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto presentad a la Asamblea Legislativa el 1º de mayo de 1978.
Volume 1. (San José, Costa Rica: Le Ministère, 1978), p. 11.
- 88 -
« Hier, nous avons reçu un radiogramme de son bureau indiquant la remise d’une
bourse pour un séminaire sur la réforme agraire et la colonisation à un candidat
présenté directement par le Ministère de l’agriculture et de l’élevage, dont ce
Bureau n’avait pas connaissance. En revanche, les candidats de l’Institut des terres
et de la colonisation, dont le traitement a été fait par notre intermédiaire, n’ont pas
été pris en compte.
Comme vous le comprendrez, il est très difficile de faire une bonne coordination
si les agences spécialisées traitent les demandes présentées par différents canaux.
L’une des raisons pour lesquelles l’assistance technique a été centralisée au
ministère des Affaires étrangères est que le titulaire du portefeuille est autorisé à
conclure les contrats avec l’extérieur et doit logiquement être au courant de leur
traitement. »197
Il est possible que cette situation soit le résultat d’une indépendance mal comprise
du ministère de l’Agriculture et de l’élevage (MAG), du fait que, pendant 19 ans, le
Comité des normes et de l’assistance technique industrielles a appartenu à ce portefeuille
et que l’une de ses fonctions a été de traiter devant les organismes internationaux
l’assistance technique destinée à l’industrie.198 Cela peut avoir aidé à légitimer la
demande du MAG auprès l’ONU pour obtenir la bourse sans avoir à respecter la
procédure devant le Département des affaires économiques et de l’assistance technique.
197
« Ayer recibimos un radiograma de su Oficina informando la concesión de una beca para un Seminario
sobre Reforma Agraria y Colonización a un candidato presentado directamente por el Ministerio de
Agricultura y Ganadería, de lo que esta Dependencia no tenía conocimiento. En cambio, no se tomó en
cuenta a los candidatos del Instituto de Tierras y Colonización, cuyo tramite sí se hizo a través nuestro.
Como usted comprenderá, es muy difícil realizar una buena coordinación, si las Agencias Especializadas
tramitan solicitudes presentadas por canales distintos. Una de las razones para que la Asistencia Técnica se
haya centralizado en el Ministerio de Relaciones Exteriores es que el titular de la cartera es el autorizado
para suscribir los contratos con el exterior y lógicamente debe estar al tanto de su tramitación.» ANCR,
Fonds du ministère des Affaires étrangères, signatura 8328, 5 novembre 1971. Gonzalo Facio. « Carta a
Douglas Oliden, Representante Regional PNUD », Nº 1771-AT, pp.1-2. Traduction libre.
198
La création de ce comité était une condition préalable à l’établissement d’une nouvelle convention avec
le Point IV, comme l’a signalé le président Ulate en 1952. Otilio Ulate Blanco. « Mensaje del señor
Presidente de la República don Otilio Ulate presentado al Congreso Constitucional. 1º de mayo de 1952 »,
p. 15. Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR. Consulté le 27 juillet 2020.
URL: https://drive.google.com/file/d/1IZoXCgILBqs2IAoWNLhlY3NvdI56A0im/view; « Decreto Nº 6,
21 setiembre de 1951. Creación del Comité de Normas y Asistencia Técnica Industriales ». Sistema
Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 1 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=60889&nValor3=68965¶m2=1&strTipM=TC&lResultado=5&strSim=simp;
« Decreto Nº 8, 9 de octubre de 1951, Reglamento del Comité de Normas y Asistencia Técnica
Industriales. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 1 septembre 2020. URL :
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=60891&nValor3=0&strTipM=TC. Ce comité a été l’un des organismes de soutien
industriel créés dans les années 1950, en collaboration avec la Commission technique tarifaire, créée en
1954, et le Centre de coopération technique industrielle créé en 1956. Cependant, par rapport aux autres
pays d’Amérique latine, le nombre de normes adoptées était très faible puisque seulement 51 normes
avaient été conçues en 1982 contre 2000 pour la moyenne régionale. Jorge León, Nelson Arroyo y Andrea
Montero. Historia económica de Costa Rica en el siglo XXI. Tomo III: La industria en Costa Rica en el
siglo XX. 1ª ed. (San José, Costa Rica: EUCR, 2018), pp. 180, 220.
- 89 -
Bien que cette période de centralisation naissante n’ait pas éliminé tous les
problèmes et les chevauchements des tâches, elle favorisait la délimitation d’une
« gérance coresponsable » entre le MRREE et l’OFIPLAN lesquels, avec la création de
la direction générale de l’assistance technique en 1973, ont reçu des responsabilités
spécifiques: tandis que l’OFIPLAN s’occupa de formuler, canaliser, coordonner et
évaluer les programmes d’assistance technique, le MRREE vigila la gérance et le
traitement des demandes auprès les organismes internationaux. Aussi, les deux entités
négociaient, au nom du gouvernement central, les institutions autonomes et les
municipalités, tous les programmes d’assistance technique, malgré les protestations qui
existaient face à cette politique.199
Entre 1978 et 1999, la gérance a eu tendance à se politiser. Le premier pas fut la
création du Comité de coordination technique internationale en 1978 qui s’occupé
d’évaluer les rapports et demandes des programmes de coopération, en arrachant ces
fonctions aux organes techniques. Deux ans plus tard, la création de la Commission
nationale des négociations internationales bilatérales en 1980 a pris les fonctions de
contrepartie costaricaine au sein des commissions mixtes et a recommandé au pouvoir
exécutif d’accepter les traités et conventions. Les réunions étaient convoquées par le
président de la République et, pour la première fois, des représentants du secteur privé
ont été admis en qualité de consultants.200
Il est possible que la création de ces deux comités ait répondu à la nécessité pour
le pouvoir exécutif de coordonner, au plus haut niveau, la négociation de prêts et les
programmes d’ajustement structurel avec l’USAID, le FMI et le BIRF-BM, qui, selon lui,
ne pouvaient pas incomber aux organes techniques du MRREE et de l’OFIPLAN. D’autre
199
« Decreto Nº 3370, 14 de noviembre de 1973. Creación de la Dirección General de Asistencia Técnica ».
Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 1 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=14102&nValor3=15140&strTipM=TC; León, et. al. Historia económica…, p. 214;
« Ley Nº 5525, Ley de Planificación Nacional. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté
le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=34439&nValor3=109848&strTipM=TC.
200
“Decreto Nº 9287, Creación del Comité de Coordinación de la Cooperación Técnica Internacional, 2 de
Agosto de 1978.” Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=22074&nValor3=23417&strTipM=TC ; “Decreto Nº 11741, 2 de agosto de 1980,
Crea la Comisión de Negociaciones Internacionales Bilaterales.” Sistema Costarricense de Información
Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=16329&nValor3=17471&strTipM=TC.
- 90 -
part, il a également pu influencer que, depuis le milieu des années 1975, les montants de
coopération technique destinés au Costa Rica ont commencé à diminuer, tendance qui
s’approfondissait dans les années 80 (l’exception de quelques années) et 90. L’une des
causes de ce comportement était que les organismes internationaux ont considéré le Costa
Rica un pays plus développé et, en conséquence, moins digne de l’aide international.
Comme résultat, le gouvernement reformula sa politique intérieure et extérieure pour
l’attirer à nouveau.201
Il convient de souligner qu’au cours de cette période de crise, une avancée
fondamentale a été atteinte dans la gérance de la coopération technique: la « coopération
Sud-Sud » ou coopération technique entre pays en développement (CTPD) a été
officiellement introduite dans le cadre normatif costaricain en 1995, avec l’élaboration
du premier catalogue d’assistance technique costaricaine et l’envoi de missions d’experts
dans des États comme la Palestine, la République dominicaine, la Bolivie, le Brésil, le
Paraguay, le Pérou, entre autres.202
En 1999, le Conseil consultatif de coopération internationale a supprimé les
instances décrites ci-dessus, mais il est resté un organe politisé par la présence des
ministres du RRREE et du MIDEPLAN.203 Dix ans plus tard, avec la publication du
règlement à l’article 11 de la loi de Planification nationale, il a rétabli la gérance
coresponsable par l’intermédiaire du Conseil technique de coopération internationale, qui
a rendu au MIDEPLAN et au MRREE ses anciennes fonctions au niveau interne et
externe dans le domaine de la coopération internationale.204
201
Fernando Naranjo Villalobos. Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto. Memoria Anual 1995-1996.
Administración Figueres Olsen. (San José, Costa Rica: El ministerio, 1996), pp. 155-156.
202
MRREE. Memoria 1996-1997. (San José, Costa Rica: El ministerio, 1997), pp. 53-54.
203
Il faut rappeler que l’OFIPLAN a été transformée en ministère en 1982. Par ailleurs, en 2006, le Domaine
de la coopération internationale a été créé au sein de ce ministère, ce qui a ajouté plus de complexité à la
gestion de l’assistance technique. Decreto Nº 28177, Creación del Consejo Consultivo de Cooperación
Internacional.” Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=54633&nValor3=75573&strTipM=TC; Cascante, Méndez, Moya y Chacón. Costa
Rica y su política exterior, p. 61.
204
« Decreto Nº 35056-PLAN-RE, Reglamento del Artículo 11 de la Ley de Planificación Nacional Nº
5525 del 2 de mayo de 1974. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre
2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=64904&nValor3=79744&strTipM=TC.
- 91 -
La gérance de l’offre de bourses internationales s’est concrétisée avec les
processus de centralisation et de décentralisation décrits avant. Les données disponibles
montrent que jusqu’en 1954, les institutions autonomes, les municipalités et les ministères
ont traité directement les bourses avec les organismes internationaux.205 Toutefois, à
partir de cette dernière année, cette fonction a été transféré à la section des organismes
internationaux du MRREE, qu’elle a maintenue jusqu’en 1969, date à laquelle elle a été
remplacée par la section culturelle du Département des affaires économiques et de
l’assistance technique. À moyen terme, les fonctionnaires espéraient que la section
culturelle pourrait stimuler la création de centres d’études et de formation, auxquels
collaboreraient à la fois des techniciens étrangers et des fonctionnaires nationaux, plan
qui reflétait l’importance de l’assistance mutuelle en tant que pilier de l’assistance
technique.206 Bien que des progrès ait ont lieu entre 1980 et 1995 dans le processus de
sélection des boursiers et dans la diffusion de l’offre de bourses207, celui-ci a également
été politisé en raison de la présence du directeur des bourses de la Maison présidentielle
et d’un représentant du président de la République208, pratique qui a persisté jusqu’en
2009 lorsque le règlement est entré en vigueur à l’article 11 de la loi de Planification
nationale.209
205
« Ley Nº 1302. Gobierno regula las becas dadas por organismos internacionales. » Sistema
Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 28 août 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=1087&nValor3=1168&strTipM=TC. « Ley Nº 1810. Licencias para adiestramiento
de servidores públicos. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 28 août 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=31732&nValor3=33474&strTipM=TC. En 1962, par la loi Nº 3009 du 18 juillet, les
mêmes dispositions ont été étendues aux autres pouvoirs de gouvernement.
206
ANCR, « Reestructuración del Departamento… », pp. 2-3.
207
« Decreto Nº 13264-RE, 11 de enero de 1982, Reglamento Candidatos de Becas de Gobiernos y
Organismos Internacionales. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre
2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=19939&nValor3=69337&strTipM=TC; « Decreto Nº 19561, 9 de marzo de 1990,
Reglamento de Tareas y Funciones del Ministerio de Relaciones Exteriores. » Sistema Costarricense de
Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=5840&nValor3=6195&strTipM=TC.
208
« Decreto Nº 25487-RE, 5 de agosto de 1996, Reglamento de la Comisión Nacional del Programa de
Becas al Exterior. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=61179&nValor3=76775&strTipM=TC.
209
« Decreto Nº 35294-RE, 18 de mayo del 2009, Deroga el Decreto Ejecutivo Nº 25487 Reglamento de
la Comisión Nacional del Programa de Becas al Exterior. » Sistema Costarricense de Información Jurídica.
Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=65625&nValor3=76762&strTipM=TC.
- 92 -
En ce qui concerne la participation à des congrès, des conférences et des activités
internationaux, l’organe directeur a toujours été le MRREE, qui, depuis 1953, étudiait,
traitait et préparait ces événements en collaboration avec les institutions concernées ou
intéressées. En 1962, la direction générale de la politique étrangère a maintenu ces
fonctions et s’est vu confier, en outre, le suivi des recommandations et conclusions,
l’élaboration d’un ordre du jour et la préparation des créances des délégués nommés par
le pouvoir exécutif, fonctions qui ont persisté jusqu’à la fin de la période à l’étude.
L’institutionnalisation de l’assistance technique a été un processus inachevé et
instable, qui fut le résultat des enjeux de pouvoir et des improvisations des entités qui
avaient la responsabilité de la gérer.210 Cela ouvre le débat sur le poids des groupes
d’intérêt privés qui se sont insérés dans cette dynamique, tels que les entreprises et/ou les
associations, et qui ont commencé à participer plus activement depuis les années 1980211
et, d’autre part, à la manière dont le caractère inachevé de cette institution a permis de
maintenir le clientélisme par exemple dans des secteurs tels que les bourses, ou de garder
secrets plusieurs projets d’assistance et de coopération techniques malgré leur impact sur
divers secteurs de la société costaricaine et le modèle d’État.212
Pour compléter ce parcours par l’institutionnalisation de l’assistance et de la
coopération technique au Costa Rica, il faut jeter un coup d’œil à son comportement
pendant la période étudiée. À cette fin, les domaines prioritaires desservis principalement
par les programmes d’assistance et de coopération technique, les tendances de
financement, la dotation en bourses seront identifiés et la question de la dépendance vis-
à-vis de l’assistance technique pour le développement économique sera aussi abordée.
210
Marc Abélès. « Pour une anthropologie des institutions. » L’Homme, tome 35, nº 135. La formule
canonique des mythes. (1995): pp. 65-85.
211
Le décret Nº 78 de 1970 qui réglemente le comité des normes reste en vigueur et il y a donc d’autres
acteurs impliqués dans le processus de gestion de la coopération technique, tels que les collèges
professionnels, qui doivent être préalablement consultés avec la Chambre des industries, les
consommateurs et d’autres « organismes techniques officiels et privés », avant de mettre en vigueur une
règle. Une telle pratique doit être prise en compte, car la même législation costaricaine et sa dispersion ont
ouvert des portes et légitimé des groupes de pression qui se sont opposés aux résultats de programmes
d’assistance technique au Costa Rica, y compris celui visant le logement et l’urbanisme. Quiñones Corrales,
« Aspectos sociológicos… », pp. 65-66.
212
Selon Quiñones, les programmes de coopération technique peuvent faire l’objet de critiques ou de
résistances de la part de nombreux groupes sociaux et politiques dès que leurs projets sont rendus publics.
Cela peut expliquer pourquoi le gouvernement costaricain a gardé secrète à plusieurs reprises la
planification et le lancement de projets financés ou soutenus par la coopération internationale. Cette attitude
malheureuse, qui peut également être considérée comme peu démocratique, a également été responsable
du fait que plusieurs projets d’aménagement urbain et territorial n’ont pas été approuvés en contradiction
souvent avec le mandat de publicité que plusieurs organismes internationaux exigent des gouvernements
pour leurs ressources de coopération internationale.
- 93 -
Pour cette analyse, les cas de l’ONU, du Point IV et de l’OEA seront pris en considération,
mais l’accent sera mis sur le premier organisme, car il existe une série de données
beaucoup plus complète, comme expliqué précédemment. Lorsque les sources le
pourront, des comparaisons seront effectuées avec les autres pays d’Amérique centrale
afin de déterminer, dans quelle mesure, le Costa Rica s’est différencié ou non de ses
voisins dans ces domaines.
213
Bibliothèque numerique des Nations Unies (BNNU), E/CN.12 /84, 5 mai 1949, ECOSOC. « Estudio
preliminar de las necesidades de ayuda técnica en América Latina. » p. 3. Consulté le 10 octobre 2020.
URL : https://digitallibrary.un.org/record/807721?ln=es.
214
ICA, Point Four in Costa Rica, p. 8; OEA, « Datos y hechos del programa… », p. 1.
215
Rist, « Development as a Buzzword », pp. 485-491; Musset, « De Lênin a Lacoste… », p. 96.
- 94 -
extérieure ou de former technicien(sic) et enseignants, mais aussi d’imprégner,
dans toutes les campagnes sociales, de nouvelles attitudes psychologiques... »216
216
« Sin embargo, está de más subrayar que todo esfuerzo serio para resolver este problema no puede
ignorar la trascendencia de estos factores. Las costumbres y tradiciones sociales, la educación general y las
actitudes culturales determinan, en grado considerable, el deseo y la habilidad de un pueblo para asimilar
y desarrollar nuevas técnicas. En otras palabas, no se trata simplemente de conseguir ayuda exterior o de
adiestrar técnico(sic) y maestros, sino también de imbuír(sic), en todas las campas sociales, nuevas actitudes
psicológicas… ». BNNU, « Estudio preliminar de las necesidades… », p. 4. Je souligne. Traduction libre.
217
Comme j’ai l’expliqué au première partie, les experts d’assistance technique ont souvent été considérés
comme des « missionnaires » qui aidaient les secteurs les plus démunis du monde, persistant dans certains
d’entre eux des positions « civilisatrices ».
- 95 -
Image II.1. Procédure de planification et de développement du programme
d’assistance technique des Nations Unies. 1955.
Source : UN-Technical Assistance Committee. Annual Report of the Technical Assistance Board.
Official Records : Twentieth Session, Supplement Nº 4. (New York, USA : UN-ECOSOC, 1955), p. 42.
Cet accent mis sur les domaines de la santé et de l’agriculture a également été
trouvé au Point IV. Bien qu’il n’ait pas été possible, dans ce cas, d’obtenir les dépenses
par secteur socio-économique effectuées par ce programme, on dispose de la répartition
en pourcentage des bourses attribuées au cours de la période 1952-1956 (Graphique II.2).
On peut y constater que les secteurs socio-économiques dominants étaient celui de
l’agriculture et des ressources naturelles, ainsi que celui de la santé et de l’hygiène. Tous
deux représentaient 26,4 %, suivis de ceux qui s’adressaient au domaine de
l’administration publique (17 %). Le programme de coopération technique de l’OEA a
également coïncidé avec ces tendances en indiquant que c’est le domaine de l’agriculture
et de l’amélioration rurale qui a reçu le plus de boursiers entre 1951 et 1965, avec plus de
neuf mille dans toute l’Amérique latine. Le secteur de la santé, contrairement à l’ONU et
au Point IV, s’est classé quatrième, après l’économie et les sciences sociales.
- 96 -
Graphique II.1. Amérique centrale. Répartition en pourcentage des dépenses
effectuées par l’EPTA, par agence spécialisée et par pays. (1952-1964). a
100%
90%
80%
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
AATONU OIT FAO UNESCO OACI OMS OMM OIEA
a
Non compris les années 1955, 1959, 1961 et 1962.
Source : Alejandro Bonilla Castro. Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica,
1950-1995. (2020).
80%
60%
40%
20%
0%
1952 1953 1954 1955 1956
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 97 -
La prédominance du secteur agricole au Costa Rica est due, selon Héctor Pérez
Brignoli, au fait que, dans les années 1950 et 1960, la part de ce secteur dans le PIB est
restée supérieure à 30%. Cette proportion a été modifiée à partir de 1970 en raison, entre
autres, de la consolidation du Marché commun centraméricain (MCCA), qui a provoqué
une réduction à 25% pour le Costa Rica. Dans les autres pays de la région, une part plus
élevée de 30% du PIB a persisté.218
En ce qui concerne la santé, à l’exception du Costa Rica, les autres pays
d’Amérique centrale avaient de faibles indicateurs en termes d’espérance de vie, de
mortalité infantile, d’accès à l’eau potable et de consommation de protéines. Cela a
justifié la présence de l’OMS qui a aidé à mettre en œuvre des projets d’assistance
technique visant à renforcer la santé publique, y ayant également inclus un programme
de lutte contre le paludisme en 1958 (auquel le Costa Rica était présent) et des
programmes de nutrition en collaboration avec la FAO. La présence de l’UNESCO a
également été significative pour l’isthme, les taux d’alphabétisation et d’infrastructures
scolaires étant très faibles, toujours à l’exception du Costa Rica.219
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
218
Héctor Pérez Brignoli. El laberinto centroamericano: los hilos de la historia. 1ª ed. (San José, Costa
Rica: Vicerrectoría de Investigación – Centro de Investigaciones Históricas de América Central, 2017), p.
107.
219
Edelberto Torres Rivas. La piel de Centroamérica: una visión epidérmica de setenta y cinco años de su
historia. 1ª ed. (San José, Costa Rica: FLACSO, 2007), p. 78.
- 98 -
Les priorités de la période 1982-1989 ont considérablement varié et une nouvelle
procédure a été ajoutée à ce que les pays devaient suivre pour obtenir des ressources de
coopération technique. Contrairement à la phase précédente, le PNUD a demandé aux
États membres d’identifier, par le biais de leurs plans nationaux de développement, leurs
priorités et d’élaborer leurs demandes de coopération technique sur cette phase. Le PNUD
analyserait la demande à l’aide des chiffres indicatifs de planification (CIP), indicateur
négocié entre l’agence et les pays dans le but de rendre l’allocation des ressources plus
souple. Cependant, le CIP a commencé à avoir un effet inverse dans les pays qui étaient
moins « sous-développés ».220 Le Graphique II.3 démontre comment, pour le Costa Rica,
la réduction du CIP à partir de la troisième période (1982-1986) explique les regrets et
les efforts de ses dirigeants politiques pour dénoncer cette politique et ses appels à la
communauté internationale pour qu’elle augmente la portée de ses programmes de
coopération, qui seront analysés plus loin.
Au cours de cette période, la région a connu une série de problèmes tels que la
contraction du MCCA, la fuite des capitaux et des « cerveaux », la diminution des
investissements, l’augmentation des dépenses militaires au détriment de secteurs socio-
économiques clés, l’augmentation des réfugiés politiques et économiques, la détérioration
des indicateurs d’emploi et de revenu par habitant, qui a fait reculer la région dans son
développement socio-économique.221 En premier lieu, le cas costaricain représente la plus
grande variation en ce qui concerne les destinations de la coopération technique, celle-ci
étant davantage concentrée dans les domaines des politiques de planification et de
développement général et surtout dans la promotion commerciale, l’aide humanitaire, le
logement populaire et la création de politiques culturelles, scientifiques et technologiques
(Graphique II.4).
Il convient de noter que le domaine de l’Agriculture, du développement forestier
et de la pêche était le troisième en importance pour le Costa Rica, peut-être en raison des
politiques de diversification agricole et productive promues à partir de 1982. L’autre
220
BNNU. Asamblée generale, A/8028 – 1971, « La capacidad del sistema de las Naciones Unidas para el
desarrollo » en Resoluciones aprobadas sobre la base de los informes de la Segunda Comisión. 25º sesión,
15 setiembre -17 diciembre 1970. Consulté le 10 octobre 2020. URL :
https://digitallibrary.un.org/record/201873?ln=es.
221
Archive de documents officiels du Programme de Nations Unies pour le dévéloppement (APNUD).
Session documents, Thirty-fifth session, NºA/42/949, 26 April 1988 “The situation in Central America :
Threats to International Peace and Security and Peace Initiatives. Special Programmes of Economic
Assistance. Note by the Secretary-General”, pp. 7-9. Consulté le 2 mars 2019. URL:
http://web.undp.org/execbrd/archives/sessions/gc/35th-1988/A-42-949.pdf.
- 99 -
extrême régional est représenté par le Honduras et le Nicaragua, ou la plupart des
dépenses de la coopération technique fut destinée à l’agriculture, avec respectivement
19% et 16% ; de même, la coopération destinée à l’industrie a été tout aussi importante,
avec 13,2% et 28,6%, le Nicaragua ayant reçu le plus d’attention. Au niveau régional, la
tendance la plus stable a été celle du champ des « Politiques de planification et stratégies
pour le développement général », puisqu’elle a localisé les programmes d’ajustement
structural (PAE) qu’ils ont appliqués dans ces pays au cours de cette période. Les résultats
de cette analyse montrent que les domaines du logement et de l’urbanisme, contrairement
à ce que l’on pourrait penser, n’ont pas été trouvés dans les priorités pour l’Amérique
centrale, à l’exception du Costa Rica pour la période 1982-1989. Pourquoi est-ce arrivé ?
Pour répondre à cette question, il convient maintenant, avec les données disponibles,
d’analyser les tendances de financement de ces programmes en Amérique centrale, ce qui
sera fait, notamment dans les cas de l’ONU et du Point IV.
100%
80%
60%
40%
20%
0%
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
I II III IV V VI VII
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 100 -
L’investissement des programmes d’assistance technique internationale.
- 101 -
celui du Guatemala, qui s’est échappé sur la trajectoire du reste de ses voisins à partir de
1954. Andrea Renner a démontré que le président Carlos Castillo Armas, afin
d’influencer directement la base électorale de la « révolution d’Octobre », a cherché à
financer un grand programme d’infrastructure dans lequel le logement avait un rôle
central, ce qui a conduit à la création du futur Institut coopératif interaméricain du
logement (ICIV) en 1956, aspect qui permet de contextualiser la forte augmentation du
financement dans ce pays au cours de ces années.222
La crise des années 1980 montre clairement la géopolitique américaine dans
l’isthme : alors que les montants de l’assistance technique ont augmenté de façon
exponentielle dans le cas du Honduras, El Salvador et dans une moindre proportion au
Guatemala et au Costa Rica, les investissements destinés au Nicaragua ont pratiquement
chuté à partir de 1982 et se sont poursuivis jusqu’à la défaite du Front sandiniste de
libération nationale (FSLN) aux élections démocratiques de 1990. Dans ce contexte, la
diminution de l’investissement de l’USAID au Costa Rica a été momentanément
inversée, avec une augmentation de 17 562 300 dollars et 13 266 300 dollars
respectivement en 1983 et 1985. (Graphique II.8).
Les pays d’Amérique centrale, à l’exception du Nicaragua qui a atteint un niveau
record en 1991 grâce à un investissement de 148 621 700 dollars, ont connu des baisses
de montants d’assistance technique. Cela s’explique en partie par la fin du conflit
centraméricain et de la guerre froide et peut-être par l’entrée de nouvelles sources
d’assistance technique telles que la Communauté européenne et l’Asie. Cependant, bien
que le reste de la région conserve un flux d’investissement important de la part de
l’USAID, le Costa Rica n’est plus un pays d’intérêt en raison de l’amélioration de ses
indicateurs de développement.
222
Renner, « Housing Diplomacy… », pp. 106-110, 123, 128-129.
- 102 -
Tableau II.1. Dépenses annuelles de l’EPTA par année et par domaine d’activité, en milliers de dollars américains courants et en
pourcentages. 1955-1964.
1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964
Champ d’activité Montant % Montant % Montant % Montant % Montant % Montant % Montant % Montant % Montant % Montant %
1. Assistance aux
gouvernements
2552 12,3 3511 14 3601 14 3985 13,3 3704 12,9 4076 14,6 4243 13,6 6763 15,2 7224 18,3 8229 16
dans leurs plans de
développement
2. Développement
1625 7,8 1944 7,7 2269 8,8 2450 8,2 2460 8,6 2381 8,5 2441 7,8 3542 8 3169 8 4472 8,7
des services publics
3. Production
1846 8,8 2659 10,5 2399 9,3 2359 7,9 2437 8,4 2381 8,6 2018 6,5 2597 5,8 2183 5,5 2924 5,7
industrielle
4. Production
5349 25,9 6177 24,5 6185 23,9 6843 2,8 6424 22,3 6235 22,4 7082 22,7 9364 21 8336 21,2 9643 18,8
agricole
5. Services
auxiliaires pour
1691 8,2 2215 8,8 2234 8,7 2481 8,3 2489 8,6 1809 6,5 2284 7,3 3060 6,8 2693 6,9 3781 7,3
l’industrie et
l’agriculture
6. Services de santé 3530 17 4388 17,3 4368 16,9 5077 17 4697 16,4 4762 17,1 5458 17,5 7058 15,9 6900 17,5 8161 15,9
7. Éducation 1657 8,1 1873 7,4 2031 7,8 3700 12,4 3436 12,2 3484 12,5 4394 14,1 6673 15 4183 10,6 7638 14,8
8. Développement
1554 7,5 1725 6,8 1791 7 2073 6,9 2045 7 1860 6,7 1837 5,9 2612 5,8 2001 5,1 2130 4,1
communautaire
9. Autres services
895 4,4 738 2,9 914 3,6 959 3,2 978 3,6 856 3,1 999 3,2 1731 3,9 2025 5,2 3217 6,3
sociaux
a) Logement et
218 1,1 166 0,7 207 0,8 311 1,1 362 1,4 352 1,3 399 1,2 539 1,2 495 1,3 858 1,7
urbanisme.a
a
Comprend les secteurs initialement appelés « Logement et construction » et « Planification de la ville et de la campagne ».
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 103 -
Graphique II.5. Amérique centrale. Dépenses de l’EPTA et du PNUD par pays en milliers de dollars américains constants,
1952-1991. (1970=100).
4500
4000
3500
3000
2500
2000
1500
1000
500
0
52
53
54
55
56
57
58
60
63
64
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
Notes :
Les chiffres de 1952 à 1964 excluent ceux investis dans des programmes régionaux ou provenant d’autres fonds d’assistance technique gérés par l’EPTA.
Les chiffres postérieurs à 1972 sont basés sur les CIP, les réserves du programme, les services spéciaux pour l’industrie et le Fonds spécial de mesures pour les pays en développement.
Les chiffres nicaraguayens pour les années 1952 à 1960 ont été calculés à partir de l’IPC de cette dernière année.
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 104 -
Graphique II.6. Amérique centrale. Dépenses de l’EPTA et du PNUD par pays en milliers de dollars courants, 1952-1991.
6000
5000
4000
3000
2000
1000
0
52
53
54
55
56
57
58
60
63
64
72
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
91
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
19
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
Notes:
Les chiffres de 1952 à 1964 excluent ceux investis dans des programmes régionaux ou provenant d’autres fonds d’assistance technique gérés par l’EPTA.
Les chiffres postérieurs à 1972 sont basés sur les CIP, les réserves du programme, les services spéciaux pour l’industrie et le Fonds spécial de mesures pour les pays en développement.
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 105 -
Graphique II.7. Amérique centrale. Dépenses des programmes d’assistance technique de l’USAID par pays en milliers de dollars
constants. 1950-1991. (1970=100).
160000
140000
120000
100000
80000
60000
40000
20000
0
1950
1951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 106 -
Graphique II.8. Amérique centrale. Dépenses des programmes d’assistance technique de l’USAID par pays en milliers de dollars
courants. 1950-1991.
600000
500000
400000
300000
200000
100000
0
1950
1951
1952
1953
1954
1955
1956
1957
1958
1959
1960
1961
1962
1963
1964
1965
1966
1967
1968
1969
1970
1971
1972
1973
1974
1975
1976
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
Costa Rica El Salvador Guatemala Honduras Nicaragua
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
- 107 -
Les problèmes de la dépendance et du rôle des femmes
L’une des façons dont l’ONU a mis les pays à la disposition des pays pour briser
le cercle vicieux de la dépendance vis-à-vis des techniciens étrangers a été de renforcer
les projets de formation et de bourses à l’étranger dont le comportement est présenté au
Graphique II.9. On peut affirmer à sa lecture que le programme de coopération technique
de l’ONU s’est efforcé, au moins au Costa Rica, de maintenir un solde favorable de
bourses accordées à des professionnels costaricains, par rapport aux experts
internationaux qui se sont rendus dans le pays dans le cadre des projets de cet organisme
international. La dépendance du pays vis-à-vis des experts étrangers de ce programme
spécifique a été considérablement faible entre 1952 et 1972, l’année la plus représentative
étant celle de 1964 où la proportion d’experts internationaux et de boursiers costaricains
était de 28 : 81. Le record a été atteint en 1985, où le PNUD a accordé 102 bourses tout
en fournissant au pays seulement 31 experts internationaux, suivi de 1981 où 58 bourses
ont été accordées contre 28 experts. Cette tendance s’est inversée entre 1973 et 1979, le
Costa Rica ayant le plus dépendu des services de techniciens étrangers, atteignant le
record de 72 professionnels affectés au pays en 1974. Un comportement similaire, mais
de moindre durée, est constaté entre 1983, 1984, 1989 et 1992.
223
« La técnica, en forma de especialistas y de conocimientos, se ha venido importando más y más,
generalmente acompañada de maquinaria, cuyo empleo necesita conocimientos nuevos. Aunque esta ayuda
ha sido y seguirá siendo sin duda, elemento importante en el desarrollo económico latinoamericano, se
trata, sin embargo, de una ayuda parcial que no está estrechamente integrada con los demás sectores de la
industria y la agricultura. » BNNU, « Estudio preliminar de las necesidades… », p. 7. Traduction libre.
- 108 -
Graphique II.9. Costa Rica. Techniciens étrangers affectés à des projets d’assistance
technique et bourses attribuées par l’EPTA et le PNUD, 1952-1993.
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
Bien qu’il n’existe pas suffisamment de données pour les cas de l’OEA et du Point
IV/USAID, le Graphique II.10 permet de constater qu’entre 1952 et 1964, le Point IV et
l’OEA ont dépassé l’ONU en matière de bourses au cours de ce même laps de temps. En
effet, pour ces seuls avantages, le Point IV a alloué 122 des 236 bourses que ces sources
d’assistance technique ont apportées au pays en 1956. Malheureusement, l’absence de
données supplémentaires n’a pas permis d’effectuer une analyse plus complète de ces
trajectoires qui ont peut-être reflété une plus grande dépendance vis-à-vis des services
des techniciens étrangers vis-à-vis de ces programmes, hypothèses qu’il faudra vérifier
dans les recherches futures.
- 109 -
Graphique II.10. Costa Rica. Bourses accordées par les programmes
d’assistance technique des Nations Unies, de l’OEA et du Point IV. 1951-1964.
250
200
150
100
50
0
1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964
Costa Rica P-IV Costa Rica UnP/OEA Costa Rica ONU
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
L’autre aspect qui mérite une attention particulière, également pour les débats
futurs, est la participation des femmes tantôt boursiers, tantôt qu’expertes aux
programmes d’assistance technique. Les séries de données consultées ont montré
qu’avant 1990, l’ONU avait omis de tenir un registre spécifique des femmes qui faisaient
partie des équipes internationales d’experts et de boursiers. Le Tableau II.4, qui montre
le cas costaricain, dénote que la coopération technique internationale avait un visage
masculin puisque les femmes avaient un taux de participation inférieur à 20%. Les
chiffres des experts sont les plus inégaux en matière de genre, puisque sur les 153 experts
internationaux qui se sont rendus dans le pays entre 1990 et 1993, seulement 12 étaient
des femmes. En ce qui concerne les bourses, sur les 131 allouées pour cet intervalle, 26
étaient destinées aux femmes costaricaines.
- 110 -
Tableau II.2. Costa Rica. Personnel féminin de projets
internationaux affecté au pays et bourses accordées à des
femmes costaricaines. 1990-1993.
Experts Boursiers
Années Total Femmes Total Femmes
1990 46 1 18 1
1991 28 5 26 0
1992 41 2 29 9
1993 38 4 58 16
Source : Bonilla C., Base de données des projets d’assistance technique au
Costa Rica, 1950-1995.
- 111 -
Dans le cas de l’ONU, le Costa Rica a pu avoir un solde favorable de bourses, par
rapport aux experts internationaux, obtenant ainsi un certain degré d’ « indépendance »
vis-à-vis des services de ces derniers acteurs. Ce n’est qu’à quelques années des décennies
de 1970 et 1990 que cette tendance s’est inversée. Toutefois, il restera à approfondir les
recherches futures à ce sujet, car les sources disponibles n’ont pas permis de combler les
lacunes des programmes du Point IV et de l’OEA. De même, la perspective de genre dans
l’analyse des programmes d’assistance et de coopération technique reste en suspens, ce
qui promet d’être une tendance intéressante pour comprendre le rôle des femmes dans ces
programmes.
Ayant fait ce tour de l’institutionnalisation de l’assistance et de la coopération
technique au Costa Rica, il me reste à dire quels discours et images ont été mobilisés par
les anciens présidents costaricains, les fonctionnaires et les diplomates du ministère des
Affaires étrangères (MRREE) pour légitimer leur utilisation dans le pays. Cependant, ces
images n’étaient pas les seules, car les communistes costaricains avaient quelque chose à
dire sur ces programmes qui ont également été conçus comme un instrument
anticommuniste au sein du système de mondialisation solidaire, processus que
j’analyserai ensuite.
224
L’analyse de discours sera comprise sous les contributions de Teun A. van Dijk pour qui le discours
« reflète toutes les manifestations de la société, d’où l’englobement de la culture, de la société, de
l’interaction et de la connaissance. En ce sens, l’analyse critique du discours conçoit le langage comme une
pratique sociale, en mettant l’accent sur la façon dont la domination est reproduite et résistée dans les
- 112 -
le logiciel Wordsmith 8.0225, l’identification de trois tendances principales a pu être
possible dans les discours des hommes politiques costaricains : 1. la sécurité, la
démocratie et la paix de l’hémisphère américain; 2. La solidarité, le niveau de vie et la
justice économique: 3. La qualité de vie et le bien-être humain, qui témoignent du degré
d’assimilation des discours sur le « développement » et le « sous-développement », la
pauvreté comme « handicap moral », « le progrès scientifique et technologique » comme
remède à la pauvreté et l’appel à une coopération internationale soutenue , que nous
verrons ci-après à partir des paroles de ses protagonistes.
discours, ce qui permet à son tour de clarifier le lien qui est établi entre les pratiques discursives - conçues
comme des pratiques sociales - et la structure sociale. » Ana Paulina Malavassi Aguilar. « Análisis del
discurso: teoría y metodología. » Teoría y métodos de los estudios regionales y locales, Ana Paulina
Malavassi, Ronny Viales y Susan Chen (eds.). (San José, Costa Rica : Sección de Impresión del SIEDIN,
2008), pp. 93-117.
225
Le logiciel d’analyse des schémas linguistiques Wordsmith est développé par la société Lexically
Analysis Software en collaboration avec Oxford University Press. Pour plus d’informations, voir :
https://www.lexically.net/wordsmith/. Cette méthodologie a été appliquée exclusivement pour les discours
présidentiels, car ils étaient disponibles en format « .pdf » et qui ont ensuite été convertis en « .txt » pour
localiser les mots clés et leur context. Toutefois, l’analyse statistique a été omise car elle échappe aux
objectifs de ce chapitre.
- 113 -
répressive envers les communistes costaricains, forçant beaucoup d’entre eux à
s’exiler.226
Cependant, les diplomates costaricains et les fonctionnaires du MRREE ont
commencé à lier l’assistance technique comme vecteur de la paix et de la stabilité
démocratique dans l’hémisphère. Selon les données disponibles, la première référence en
ce sens a été faite par Lily M. Rudin qui, en 1953, a estimé que l’assistance technique au
développement était primordiale pour parvenir à la paix mondiale227 idée reprise par le
vice-ministre des Affaires étrangères Fernando Fournier pour qui la démocratie et «
l’ordre social » étaient le résultat d’une politique qui résoudrait les injustices
économiques, la misère, la guerre et les tensions entre pays.228 Deux ans plus tard, le
prêtre Benjamín Núñez Vargas qualifia cette paix de « justice sociale », produit de
« l’effort audacieux » des peuples qui cherchaient à réviser l’ordre économique existant
et à parvenir ainsi à sa « pleine réalisation spirituelle » et, selon lui, les programmes
d’assistance technique étaient l’une des meilleures expressions de la « solidarité des
responsabilités » entre pays riches et pays pauvres.229
Les diplomates costaricains, dont Gonzalo Facio, ont exhorté la communauté
internationale à orienter sa lutte contre le communisme par des alternatives pacifiques.
La démocratie était la manifestation d’une politique commerciale juste et non un produit
de la répression idéologique.230 Dans les années 1970, il a été possible pour plusieurs
226
Otilio Ulate Blanco. « Mensaje del Presidente Constitucional de la República de Costa Rica a la
honorable Asamblea Legislativa. 1º de mayo de 1951 », Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa
Rica, INIL-UCR, pp. 11, 17. Consulté le 28 juillet 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1Gh2_JW6Jwz8ldYerhdFOcp6_A-38yn69/view; « Mensaje del señor
Presidente de la República don Otilio Ulate presentado al Congreso Constitucional », 1º de mayo de 1952.
Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 17. Consulté le 28 juillet 2020.
URL: https://drive.google.com/file/d/1IZoXCgILBqs2IAoWNLhlY3NvdI56A0im/view; OEA. « Acta
final de la Cuarta Reunión de Consulta de Ministros de Relaciones Exteriores, Washington, 26 de marzo –
7 de abril de 1951. » MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores, 1951. (San José, Costa
Rica: Imprenta Nacional, 1951), pp. 25-27.
227
Lily M. Rudin. « Informe del Departamento de Organismos Internacionales. » MRREE. Memoria del
Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto presentada a la Asamblea Legislativa por el señor Mario A.
Esquivel Ministro de Relaciones Exteriores y Culto. 1953-1954. (San José, Costa Rica : Imprenta Nacional,
1954), p. 67.
228
Fernando Fournier. « Discurso del Viceministro de Relaciones Exteriores, Jefe de la Delegación de
Costa Rica, ante la Asamblea de las Naciones Unidas, 24 de setiembre de 1954. » MRREE, Memoria 1954-
1955, p. 54.
229
Reverendo Benjamín Núñez. « Delegación de Costa Rica a la X Asamblea General de las Naciones
Unidas, 20 de setiembre de 1956. » MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto
presentada a la Asamblea Legislativa por el señor Mario A. Esquivel Ministro de Relaciones Exteriores y
Culto. 1955-1956. Tomo 1. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1956), p. 68.
230
Gonzalo Facio. « Embajador Facio, Electo Vicepresidente del Consejo de la OEA, 20 de noviembre de
1957 ». MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto presentada a la Asamblea
- 114 -
pays, dont le Costa Rica, de mener une politique étrangère plus amicale avec le bloc
socialiste sur la prémisse du « respect mutuel », commençant ainsi l'«ère de la
négociation » saluée par le président Richard Nixon et exprimée lors de l’envoi de
délégations et de l’ouverture d’ambassades dans les pays socialistes, comme cela a été
noté au début de ce chapitre.231
Toutefois, les données ont démontré que c’est le discours du vice-ministre Bernd
Niehaus devant la Conférence des Nations Unies entre pays en développement qui a
considéré la paix comme un produit direct de la coopération technique, qui a ainsi
exprimé :
« Si vous voulez la paix, préparez la paix. La formule que cautionne l’instauration
de la paix dans le monde et le bannissement de la violence et la guerre réside dans
l’élimination de la misère et de l’ignorance, dans l’élimination des déséquilibres
et des inégalités entre le Nord et le Sud, caractéristiques de notre monde
contemporain. La coopération technique horizontale vient représenter l’élément
clé pour y parvenir, servant de moyen d’atteindre une fin. »232
Cependant, cette coopération technique n’était pas la même que celle évoquée par
le père Nuñez. Niehaus, conformément à la définition de la « coopération technique
horizontale » qui était fournie par les pays « sous-développés », a estimé que la
compréhension mutuelle de leurs problèmes économiques et sociaux pourrait éradiquer
la pauvreté et les inégalités entre le « nord et le sud ». Pour ce diplomate, c’était aussi la
façon dont les pays pauvres surmonteraient leur « enfance dépendante » pour atteindre
leur « adolescence technico-économique ». Ces derniers mots rappellent les discours de
Legislativa por el Licenciado Mario Gómez Calvo Ministro de Relaciones Exteriores y Culto. 1957-1958.
Tomo 1. (San José, Costa Rica : Imprenta Nacional, 1958), p. 77; Gonzalo Facio. « Exposición del Canciller
de Costa Rica, Dr. Gonzalo J. Facio, sobre temas comprendidos en la agenda del Quinto Periodo de
Sesiones de la Asamblea de la OEA, 1º de mayo de 1975 ». Gonzalo Facio. La política internacional de la
Administración Oduber. Parte expositiva general de la Memoria del Ministerio de relaciones Exteriores y
Culto presentada a la Asamblea Legislativa el 12 de mayo de 1975. Tomo 2. (San José, Costa Rica : El
Ministerio, 1975), p. 274.
231
José Figueres Ferrer. « Mensaje pronunciado ante la Asamblea Legislativa, 1º de mayo de 1973 »,
Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 6. Consultado el 28 de julio del
2020. URL : https://drive.google.com/file/d/18CfVMv1ruiKZvjNrgD2yqEzc68iDAv9B/view.
232
« Si quieres paz, prepara la paz. La fórmula de afianzar la paz en el mundo y de desterrar la violencia y
la guerra, reside en la eliminación de la miseria y la ignorancia, en la eliminación de los desequilibrios y
desigualdades entre norte y sur, características de nuestro mundo contemporáneo. La cooperación técnica
horizontal viene a representar el elemento clave para lograr lo anterior, sirviendo como medio para la
obtención de un fin. » Bernd Niehaus. « Discurso pronunciado por el Viceministro de Relaciones
Exteriores, en la Conferencia de las Naciones Unidas sobre Cooperación Técnica entre países en
Desarrollo. » Rafael Ángel Calderón Fournier. Política internacional de Costa Rica en el Primer Año de
la Administración Carazo. Tomo II. Parte expositiva general de la Memoria del Ministerio de Relaciones
Exteriores y Culto presentada a la Asamblea Legislativa el 1º de mayo de 1979. (San José, Costa Rica: El
Ministerio, 1979), pp. 544-545. Je souligne. Traduction libre.
- 115 -
l’assistance technique observés au chapitre 1 avec le documentaire « First Steps » où
l’enfant, personnifiant les pays « sous-développés », avait besoin des conseils du
travailleur social et de ses parents pour surmonter sa dépendance. En outre, Niehaus a
anticipé le type de relation qui existerait dans les années suivantes entre les organismes
internationaux et les pays « sous-développés », fruit des changements suscités par le
Consensus de Washington.
Dans les années 1980, le Costa Rica a été un acteur prépondérant dans la crise
politique d’Amérique centrale.233 Pendant cette période, le discours de paix a été utilisé
pour légitimer la politique étrangère costaricaine et, en même temps, pour attirer
davantage d’aide technique dans le pays qui a été comprise comme une reconnaissance
de la communauté internationale envers le pays comme un « modèle démocratique ».
Cette aspiration s’est concrétisée de deux façons : l’ancien président Luis Alberto Monge
(1982-1986) a interprété la politique de neutralité234 comme un mécanisme de lutte
indépendant pour la justice économique et pour perfectionner le système démocratique.235
En revanche, pour l’ancien président Óscar Arias, l’intervention diplomatique
costaricaine pour endiguer les conflits rendait le pays méritoire de l’aide internationale.
233
Grandin, Empire’s Workshop…, pp. 87-119. Héctor Pérez Brignoli. « Otra vez la crisis
centroamericana » ¿Cuándo pasará el temblor ? Crisis, violencia y paz en la América Latina
Contemporánea, David Díaz y Christina Hatzky (ed). 1ª ed. (San José, Costa Rica : Vicerrectoría de
Investigación – Centro de Investigaciones Históricas de América Central, Universidad de Costa Rica,
2019), pp. 133-148 ; Torres Rivas. La piel de Centroamérica, pp. 99-129.
234
En 1982, l’administration de Luis Alberto Monge a mis en place des négociations avec l’administration
de Ronald Reagan qui ont permis l’utilisation du territoire costaricain comme point d’avancement de la
contre-révolution nicaraguayenne. En échange, les États-Unis ont augmenté l’aide monétaire au Costa Rica,
par l’intermédiaire de l’USAID, et ont soutenu la demande du Costa Rica de renégocier la dette avec le
FMI et la BIRF-BM. Une telle politique a eu un coût politique majeur dans le gouvernement Monge en
démissionnant d’une partie de son cabinet, y compris le ministre des Affaires étrangères Fernando Volio.
A partir de 1983, dans le but de démobiliser les protestations sociales découlant des premières réformes
structurelles et de s’opposer aux secteurs politiques en faveur d’une position plus belliqueuse du Costa Rica
à l’égard du conflit centraméricain, Monge a déclaré la « neutralité perpétuelle » fondée sur le discours de
l’exceptionnalisme costaricain où se démarquaient les images de la paix par opposition à la guerre
symbolisée par l’Amérique centrale. Ce discours sera renforcé par Arias, pendant le plan de paix. Voir à
cet égard : Francisco Rojas Aravena. « Interés nacional y toma de decisiones. El caso de la neutralidad
costarricense. » Anuario de Estudios Centroamericanos, 11(1) (1985): pp. 79-97; Carlos Cascante. « Entre
la política exterior y la política interna. De la proclama de la neutralidad al Plan de Paz. » Diálogos Revista
Electrónica de Historia, Vol. 13, Nº 1 (Febrero-Agosto 2012) : pp. 3-31; David Díaz Arias. « Hegemonía
imperial, diplomacia y Guerra Fría : los intelectuales costarricenses y la neutralidad perpetua. » Diálogos,
Vol. 23, Nº 1 (2019): pp. 151-179.
235
Luis Alberto Monge Álvarez. « Mensaje de toma de posesión, 8 de mayo de 1982 », pp. 3-4, Corpus
digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR. Consulté le 28 juillet 2020. URL :
https://drive.google.com/file/d/14GFP1aIjWD0RhEzIYA9FvtCh253LJssy/view; « Señor Luis Alberto
Monge Álvarez. Mensaje pronunciado ante la Asamblea Legislativa, 1º de mayo de 1983 », Corpus digital
de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 5. Consulté le 28 juillet 2020. URL : URL:
https://drive.google.com/file/d/1a4C1gimQbsKC8wL-_8IBDoV66gXU3ceA/view.
- 116 -
Le prix Nobel remporté par Arias à la suite de sa participation au processus de paix a été
utilisé comme un « aimant » ou une propagande pour encourager les organismes
internationaux à accroître leur aide au pays, qui avait commencé à diminuer
considérablement ces dernières années.236
Les discours de l’assistance technique en matière de sécurité, de démocratie et de
paix présents dans les diplomates et anciens présidents costaricains se sont encadrés entre
deux crises politiques : la lutte hémisphérique contre le communisme et la guerre en
Amérique centrale. Dans les deux cas, les acteurs costaricains ont souligné que la misère
et le faible niveau de vie des Latino-Américains les rendaient plus susceptibles de pencher
vers le communisme. Cependant, le « danger rouge » n’était pas le seul problème à
résoudre car un grand nombre de totalitarismes de droite persistaient sur le continent,
apportant avec eux la misère, les inégalités et une répression politique implacable.
Dans les années 1980, le Costa Rica a su capitaliser sur le discours de paix et en
faire une stratégie diplomatique pour obtenir une aide internationale. Monge et Arias
s’efforcèrent de positionner le pays comme un « modèle démocratique » dans la région,
qui devait être soutenu par le reste de la communauté internationale pour rétablir la
démocratie représentative en Amérique centrale et la stabilité politique. En cela, tant la
politique de neutralité que le prix Nobel remporté par Arias en 1987 ont servi
d' « invitations » aux organismes internationaux à soutenir plus vigoureusement le pays,
qui s’est encadré dans le processus de réforme structurelle parrainé par le FMI, le BIRF-
BM et l’USAID.
Parmi les discours précédemment analysés, celui du père Nuñez a donné un bref
aperçu du rôle prépondérant de la solidarité internationale dans les discours d’assistance
technique. Don Pepe fut l’un des plus véhéments à cet égard : « Nous ne voyons pas
l’objet de l’unité hémisphérique, sans solidité économique », avait-il déclaré dans son
message d’investiture le 8 novembre 1953, réaffirmant ainsi sa conviction envers les idées
236
Óscar Arias Sánchez. « Estoy orgulloso de mi pueblo. Mensaje del Presidente de la República, 1 de
mayo de 1989 », Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 7. Consultado el
28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/147v0NOWHXO364uiXVM3hBiqkxnRRzoHF/view
- 117 -
promues par Prebisch, Keynes et Rostow qui préconisaient d’augmenter « les revenus des
faibles, dans le but d’améliorer les affaires des forts. »237
Une autre voix qui s’est jointe à celle de don Pepe était celle d’Alvar Antillón qui,
dans une lettre envoyée à O.H. Salzman Jr. de l’UnP, a souligné que l’assistance
technique des organismes internationaux « doit être orientée précisément pour réduire la
dépendance vis-à-vis des zones sous-développées en matière d’aide extérieure. »238 Pour
don Pepe, atteindre ces objectifs conduirait à la consolidation de ce qu’il a appelé un «
capitalisme social. »239 Le contraste qu’Antillón a fait entre « assistance technique » et
« aide internationale » est fondamental car il révèle une prise de conscience précoce parmi
les secteurs diplomatiques des instruments de coopération qui contribuaient véritablement
au « développement » économique et il est apparu que « l’aide », comprise sous forme de
prêts, était en quelque sorte préjudiciable au pays. Les communistes et l’ancien président
Carazo approfondiront cette différence, comme on le verra plus loin.
Bien qu’avec les discours de l’ancien président du PLN Francisco J. Orlich (1962-
1966) il y ait eu le retour du discours anticommuniste à cause de l’entrée en vigueur de
l’ALPRO, qui a été comprise comme une coopération hémisphérique visant à éradiquer
la « misère et la peur » du continent, les diplomates costaricains ont continué à alimenter
les discours d’assistance technique comme un instrument servant à la juste répartition des
richesses mondiales. Daniel Oduber Quirós, dans son rôle de chancelier de la République,
a exhorté l’Assemblée générale des Nations Unies, en 1963, à accorder « plus d’attention
à ce que l’on pourrait appeler la « justice sociale internationale », c’est-à-dire à faire
disparaître, progressivement mais sans interruption, le gouffre qui sépare les peuples
237
José Figueres Ferrer. « Mensaje del señor Presidente Constitucional de la República de Costa Rica don
José Figueres. 8 de noviembre de 1953 », Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-
UCR, p. 7. Consultado el 27 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1cQMfl3D3NsaSTRC7ymKcimYaeuqz0WWS/view; « Mensaje del señor
Presidente de la República José Figueres, 1 de mayo de 1954. » Corpus digital de mensajes presidenciales
de Costa Rica, INIL-UCR, p. 3. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1rKr2elGscYpKySvllwhk6e_8JLwxQGtw/view; Figueres, El Espíritu del
48, pp. 259-260.
238
Fournier, « Discurso del Viceministro… »; Álvar Antillón. « Necesidades de Cooperación Técnica de
Costa Rica ». MRREE. Memoria del Ministerio 1957-1958, p. 90. El subrayado es mío.
239
José Figueres Ferrer. « Señor José Figueres Ferrer. Mensaje de toma de posesión, 8 de mayo de 1970 »,
Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 5. Consultado el 28 de julio del
2020. URL: https://drive.google.com/file/d/1rKr2elGscYpKySvllwhk6e_8JLwxQGtw/view.
- 118 -
riches des peuples pauvres ». Cela n’était possible que si les « grandes puissances »
augmentaient leur « esprit de solidarité » avec les pays pauvres.240
Oduber a rejeté ce qu’il a appelé le « froid lexical » des experts qui considéraient
le « sous-développement » comme une réalité éminemment économique, ignorant que le
chemin vers l’autodétermination et le progrès dépend également d’aspects culturels et
géopolitiques. Par ses paroles, il a donc exhorté à comprendre le développement d’une
manière plus globale et les pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie à resserrer leurs
liens de collaboration.241 Ces visions de la coopération technique sont une petite
indication que, dans l’esprit de certains hommes politiques costaricains, les notions
traditionnelles de « développement » ne suffisaient pas à couvrir le kaléidoscope des
problèmes subis par les pays pauvres.
Malgré ces réflexions, ce processus a été partiellement inversé au cours des années
80. Le plan de gouvernement de Luis Alberto Monge, « Retournons à la terre » et les
politiques de diversification agricole menées par son gouvernement et celui d’Óscar Arias
à partir de 1986, ont conduit à revendiquer l’agro par le biais des discours officiels de la
coopération technique. C’est-à-dire à retrouver la notion originale du concept en tant que
programmes de formation pour les agriculteurs et, dans une certaine mesure, pour les
industriels.242
Les anciens présidents opposants au PLN ont introduit de nouveaux discours de
coopération technique, bien qu’ils aient également poursuivi leur processus de promotion
agricole. En ce qui concerne ce dernier, Rafael Angel Calderón Fournier (1990-1994) du
Parti de l’unité chrétienne-sociale (PUSC) a estimé que l’« assistance technique »
moderniserait l’économie et « revendiquerait l’agro.»243 En ces termes, il a été considéré
que la prospérité de ce secteur contribuerait davantage à l’exercice démocratique
240
Daniel Oduber Quirós. « Discurso pronunciado por el señor Licenciado Daniel Oduber Quirós, Ministro
de Relaciones Exteriores y Culto de Costa Rica, en la Sesión Plenaria de la 18ava. Asamblea General de
las Naciones Unidas, en Nueva York, Estados Unidos de América. 24 de setiembre de 1963 ». Memoria
Anual del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto. 1963-1964. (San José, Costa Rica: El Ministerio,
1964), pp. 16-17.
241
Oduber Quirós, « Discurso pronunciado, 1963 », pp. 15, 17.
242
Monge, « Mensaje pronunciado, 1983 », p. 4; Óscar Arias Sánchez. « Sin armas y sin hambre. Mensaje
del Presidente de la República Dr. Óscar Arias Sánchez, 1º de mayo de 1988 », Corpus digital de mensajes
presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, pp. 6-7. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/17ZF7XyXRvDfekJ1sHEm0uKGEmqPryekh/view.
243
Rafael Ángel Calderón Fournier. « Una era de prosperidad. Mensaje de toma de posesión, 8 de mayo de
1990 », Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 3. Consultado el 28 de
julio del 2020. URL: https://drive.google.com/file/d/1hSclEOIMXPP1Ph3fgXBMWQ5F4N2wdc5v/view.
- 119 -
costaricain, se référant au mythe de la « démocratie rurale » promu par une série
d’intellectuels au cours du XXe siècle.244
D’autre part, selon l’ancien président José Joaquín Trejos (1966-1970), le
coopératisme et l’effort mutuel étaient les clés du progrès pour les citoyens, de sorte que
les programmes de coopération technique devaient contribuer à encourager l’esprit
d’entreprise et à réduire ainsi le paternalisme d’État promu par la PLN.245 À la fin de la
période, Calderón a également repris cette même notion, en liant le concept d' « assistance
technique » à l’éducation et aux « petites et moyennes entreprises » du secteur informel
urbain et de l’économie paysanne et à la lutte contre le trafic de drogue, qui était pour le
chancelier Niehaus le nouveau fléau de la démocratie dans la région.246
Parmi les présidents opposants au PLN, c’est Rodrigo Carazo Odio (1978-1982)
qui a transgressé les tendances discursives précédentes et a opté pour une position
beaucoup plus critique à l’égard de ce qu’il considérait comme « l’aide étrangère ». Dans
son dernier rapport à l’Assemblée législative, il a déclaré que
244
Le mythe de la démocratie rurale était un discours popularisé par Rodrigo Facio, Eugenio Rodríguez
Vega et Carlos Monge Alfaro qui affirmait que la société costaricaine était composée d’une série de paysans
autosuffisants, sans aucune division sociale ni professionnelle, créant ainsi une image égalitaire du Costa
Rica colonial. L’utilisation politique de ce discours a permis aux intellectuels de dénoncer les inégalités
produites par le capitalisme agricole et de faire du paysan un personnage fondamental de l’identité
costaricaine. Lowell Gudmundson, a critiqué ce discours, arguant que la société coloniale était beaucoup
plus complexe et dont le système économique était basé sur l’accumulation de capitaux par l’échange inégal
et un accès, également inégalé, de la terre. Lowell Gudmundson. « Costa Rica antes del café: la distribución
de oficios, la desigualdad en la riqueza y la élite en la economía aldeana de la década de
1840. » Mesoamérica 6.10 (1985): pp. 211-241; Molina, Del legado colonial, pp. 4-10.
245
Rovira Mas, Estado y política…, pp. 166-167; José Joaquín Trejos F. « Mensaje del señor Presidente
Constitucional de la República de Costa Rica, 1 de mayo de 1967 », Corpus digital de mensajes
presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, pp. 1, 6, 13. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1lutX6Nawyxr--v7ej6lD9vBhylc6dsiG/view; José Joaquín Trejos F.
« Mensaje del señor Presidente Constitucional de la República de Costa Rica, 1 de mayo de 1968 », Corpus
digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, pp. 13. Consultado el 28 de julio del 2020.
URL: https://drive.google.com/file/d/1kABluLJzL9DelmIFEvLM8q2qiK9bD1DB/view; José Joaquín
Trejos F. « Mensaje del Presidente de la República de Costa Rica, 1 de mayo de 1970 », Corpus digital de
mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 26. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1VgGlvaYwu_9V0VTa02fh5kC-jpE7JErU/view.
246
Rafael Ángel Calderón F. « ¡Costa Rica está en marcha! Mensaje del señor Presidente de la República
ante la Honorable Asamblea Legislativa, San José, Costa Rica, 1º de mayo de 1992 », Corpus digital de
mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 6. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1O_uj_lhcDSrl2Q8wUGTCdTake4dKq4Ct/view; Calderón Fournier.
« Una era de prosperidad », p. 4; Bernd Niehaus. « Discurso del señor Ministro de Relaciones Exteriores y
Culto de Costa Rica Bernd H. Niehaus. XXI Periodo Ordinario de Sesiones de la Asamblea General de la
Organización de Estados Americanos Santiago de Chile Junio, 1991. » MRREE. Memoria anual Ministerio
de Relaciones Exteriores y Culto 1991-1992 presentada a la Asamblea Legislativa el 1º de mayo de 1992
por el Dr. Bernd H. Niehaus Q., Ministro de Relaciones Exteriores y Culto. Tomo 2. (San José, Costa Rica:
El Ministerio, 1992), p. 8.
- 120 -
« De nombreux dirigeants s’en prennent aux offres d’aide extérieure et s’engagent
fréquemment avec eux afin d’obtenir un soulagement passager et la vaine
prétention de sortir de la détresse de façon transitoire. L’histoire enseigne
cependant que ce type de solutions, outre une abdication, sont trompeuses, car elles
ne résolvent aucun problème structurel. Seul le travail et les solutions de fond,
même si le succès n’est pas immédiatement récolté, résolvent les problèmes d’un
pays. De ce point de vue, la justice internationale est plus utile que les prêts et les
cadeaux, même s’ils sont utiles. »247
247
« Muchos gobernantes corren tras los ofrecimientos de ayuda externa y se comprometen frecuentemente
con ellos con el fin de obtener un pasajero alivio y la vana pretensión de salir de apuros transitoriamente.
La historia enseña, sin embargo, que este tipo de soluciones, además de una abdicación, son engañosas,
pues no resuelven ningún problema estructural. Solo el trabajo y las soluciones de fondo, aunque el éxito
no se coseche de inmediato, soluciona los problemas de un país. Desde este punto de vista, más ayuda la
justicia internacional que los préstamos y los regalos, aunque estos sean útiles.» Rodrigo Carazo Odio.
« Discurso del señor Presidente de la República a la Asamblea Legislativa. 1º de mayo de 1982. » Corpus
digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 18. Consultado el 28 de julio del 2020.
URL: https://drive.google.com/file/d/1HPoIT2ydOLw9dy-8nT5r4sNsw4Z8HosS/view. Traduction libre.
248
Vargas Salas, Costa Rica, 1985-1997…, p. 54; Jorge Rovira Mas. Costa Rica en los años ’80. 1ª ed.
Digital. (San José, Costa Rica: EUCR, 2020), pp. 42-55.
249
Monge, « Mensaje de toma de posesión », p. 3.
- 121 -
davantage liés à des projets d’amélioration interne des secteurs productifs, au moyen des
méthodologies d’effort propre et d’assistance mutuelle, de la diversification agricole, du
soutien aux micro, petites et moyennes entreprises et au développement technologique
des exportations. Seul Carazo, face au contexte si fort du début des années 80, a fait un
tour de 180º qui a momentanément rompu avec cette confiance du pays envers les
organismes internationaux.
Bien que les programmes d’assistance technique aient eu pour but de promouvoir
le « développement économique », des efforts ont été déployés depuis le début des années
1950 pour leur donner un sens plus holistique. Figueres a été le premier à exprimer une
idée de cette nature dans son message de prise de possession en soulignant que,
« L’investissement culturel dans les pays sous-développés doit être plus large, plus
général, que la simple « assistance technique ». Cette phrase se limite, dans l’esprit
de beaucoup de gens, à l’instruction dans les méthodes agricoles ou industrielles
modernes. Nous devons nous rendre compte que la culture de notre époque
comprend des connaissances en sciences administratives, économiques, politiques
et sociales, en matière d’éducation, de santé et autres, qui sont aussi indispensables
à notre développement que les techniques manufacturières ou industrielles. »250
250
« La inversión cultural en los países subdesarrollados debe ser más amplia, más general, que la simple
“asistencia técnica”. Esta frase se circunscribe, en la mente de muchas personas, a la instrucción en los
modernos métodos agrícolas o industriales. Debemos darnos cuenta de que la cultura de nuestra época
incluye conocimiento en ciencias administrativas, económicas, políticas y sociales, en materias
educacionales, sanitarias y otras, que son tan indispensables para nuestro desarrollo, como las técnicas
fabriles o industriales» Figueres, « Mensaje del señor Presidente, 1953 », p. 7. Traduction libre.
- 122 -
qui pouvaient se transformer en « flammes », c’est-à-dire en une nouvelle conflagration
mondiale.251
L’ancien président Trejos, en partie influencé par sa carrière d’éducateur, a mis
l’accent sur les méthodologies de l’effort personnel et de l’entraide pendant son
gouvernement. Bien que celles-ci aient toujours été interprétées sur la base du
« développement », Trejos a cherché à lui imprimer une notion d’indépendance non
seulement pour le travailleur, mais aussi pour l’État qui devait abandonner son rôle
paternaliste et donc encourager l’initiative privée.252 La création de DINADECO visait à
aider à « réhabiliter » les individus, discours qui devrait nous rappeler le cas de l’enfant
du documentaire « First Steps ».253
Au cours de son troisième mandat, don Pepe a estimé que ce n’était pas suffisant.
La culture devait être au cœur de tout programme de développement économique254 et a
souligné à cet égard ce qui suit :
« La science et la productivité du travail se développent rapidement. Ce qui ne se
développe pas aussi vite, c’est la sagesse. Nous risquons de devenir un peuple riche
et vulgaire... Un effort culturel supérieur aux possibilités économiques
d’aujourd’hui est nécessaire. Il faut penser non seulement au niveau de vie, mais
aussi à la qualité de la vie. »255
251
MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y de Culto presentada a la Asamblea
Legislativa por el Licenciado Fernando Lara Bustamante, Ministro de Relaciones Exteriores y de Culto.
1966-1967. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1967), p. 49.
252
José Joaquín Trejos. Por esfuerzo propio. Memorias, p. 353. Consulté le 14 août 2020. URL:
http://www.josejoaquintrejos.com/Libros/Por_Esfuerzo_Propio.epub.
253
José Joaquín Trejos. « Mensaje del Señor Presidente Constitucional de la República de Costa Rica »,
Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 10. Consulté le 28 juillet 2020.
URL:
https://docs.google.com/viewer?a=v&pid=sites&srcid=ZGVmYXVsdGRvbWFpbnxtZW5zYWplcHJlc2l
kZW5jaWFsY3J8Z3g6YjRmZDJhNjNjZTBmNTc3.
254
United Nations. Technical Assistance…,pp. 220-222.
255
« La ciencia y la productividad del trabajo están creciendo con rapidez. Lo que no está creciendo con
igual rapidez es la sabiduría. Corremos el peligro de llegar a ser un pueblo rico y vulgar… Es necesario
hacer un esfuerzo cultural superior a las posibilidades económicas de hoy. Es necesario pensar no solo en
el nivel de vida, sino también en la calidad de la vida.» Figueres F. « Mensaje pronunciado, 1º de mayo de
1973 », p. 2. Je souligne. Traduction libre.
- 123 -
tracteurs, sans des violons ? »256 Des années plus tard, le chancelier Niehaus a proposé
l’une des définitions les plus complètes du « développement » dans le corpus de sources
analysé :
« En ce qui concerne le « développement », il ne faut pas le confondre avec la
simple croissance... mais il est conçu dans le cadre du développement social,
culturel spirituel et politique de chaque peuple. Uniquement vaut la peine un
développement qui implique un enrichissement simultané de toutes les
potentialités de l’homme et qui s’associe également à une répartition
équitable. »257
Il convient de noter que cette notion de développement n’a pas été reprise par les
chanceliers ou les présidents des décennies suivantes qui, comme indiqué précédemment,
sont retournés à de vieilles conceptions de l’assistance technique ou les ont imprégnées
de nouveaux objectifs, tels que la lutte contre le trafic de drogue ou la promotion
technologique. Cependant, il faut reconnaître que le discours de Niehaus précède la notion
de « bien-être humain » utilisée par le PNUD pour proposer son IDH.258 De cette façon,
il y a eu ce que l’on pourrait appeler des discours alternatifs de l’assistance technique qui
ont incorporé les notions de justice économique et sociale, associée au renforcement
culturel et spirituel des individus.
256
Mario Salazar Montes. « Los espectáculos de representación escénico-popular en Costa Rica: Culturas
populares y políticas culturales, durante 1960-1990. » (Tesis de Maestría Académica en Historia,
Universidad de Costa Rica, 2013), pp. 69-84,114-125, 142-154.
257
« En cuanto a “desarrollo” no debe confundirse con el simple crecimiento… sino se concibe dentro del
desarrollo social, cultural espiritual y político de cada pueblo. Sólo vale la pena un desarrollo que implique
un enriquecimiento simultáneo de todas las potencialidades del hombre y que corra asimismo parejo con
una distribución equitativa.» Benrd Niehaus. La política exterior de Costa Rica. 1980-1981. (San José,
Costa Rica: El Ministerio, 1981), p. 84. Le soulignement est de l’original. Traduction libre.
258
Ces points de vue coïncident avec le débat que les chercheurs de diverses disciplines ont encouragé ces
dernières années pour une révision du modèle économique en vigueur. L’une des idées fondamentales est
que les mesures de la croissance économique, par exemple le PIB, excluent bon nombre des dimensions
qui font partie de ce processus, telles que les dimensions écologiques, démographiques, culturelles ou
publiques qui ne font souvent pas l’objet de transactions monétaires. Il en résulte la nécessité de remettre
en question les objectifs de croissance économique, la population bénéficiaire de cette croissance, les coûts
d’opportunité à prendre en compte pour atteindre les objectifs, y compris leur coût énergétique et la manière
dont les différents groupes qui composent les sociétés actuelles peuvent participer à ce processus. Bien
qu’il soit reconnu que plusieurs alternatives de mesure du progrès social sont basées sur le PIB, celles-ci
proposent d’intégrer d’autres indicateurs tels que l’IDH, l’IDSP (indicateur sexospécifique du
développement humain), l’IPF (indice de participation des femmes), l’IPH (indice de pauvreté humaine)
pour compléter l’analyse de la croissance économique, son reflet dans le progrès social et déplacer
l’économie qui régit les politiques de développement depuis la seconde moitié du XXe siècle. Christian
Comeliau. La croissance ou le progrès? Croissance, décroissance, développement durable. (Paris: Éditions
du Seuil – Kindle, 2006); Alain Massiera. De la croissance économique au développement durable. (Paris:
L’Harmattan, Série Cours Principaux, Collection L’esprit économique, 2010); Jean-Marc Huart.
Croissance et développement. (Paris: Éditions Bréal, 2003).
- 124 -
b) Les discours communistes.
Dans les paragraphes précédents, les programmes d’assistance technique ont été
mentionnés comme instruments de lutte contre le communisme, discours qui était partagé
non seulement par les responsables politiques costaricains, mais aussi par les organismes
internationaux qui ont soutenu la mondialisation solidaire. Cela a rendu nécessaire
d’analyser comment les communistes costaricains se sont positionnés face à ces
programmes car, bien qu’ils n’aient pas été les seuls acteurs à critiquer leurs méthodes et
leurs objectifs, l’interdiction de leur parti après la guerre civile de 1948, l’exil de plusieurs
de leurs dirigeants et la répression politique que leurs militants ont subie, dont certains
ont perdu la vie ne les a pas empêchés de faire connaître leur opinion devant une
assistance technique essentiellement utilisée pour les neutraliser socialement et
politiquement. En outre, il est également intéressant de déterminer si les communistes se
sont approprié l’outil discursif ou des images du développement ou de la solidarité, au
profit des programmes de coopération soviétiques qui ont été diffusés dans leurs
hebdomadaires Adelante et Libertad.
En ce qui concerne l’assistance technique américaine, il convient de noter qu’au
niveau général, l’opinion publique costaricaine a été favorable à l’assistance technique,
notamment au Point IV, bien que ses activités aient été peu couvertes entre 1951 et
1953.259 Au cours de la dernière année, plusieurs publications ont couvert la visite de
Jonathan Bingham, l’administrateur exécutif, qui a salué le travail du Point IV au Costa
Rica comme un « modèle pour le monde ».260 Selon lui, le programme était la
concrétisation de la vision d’Arnold Toynbee, dans laquelle la pauvreté mondiale
disparaîtrait enfin au XXe siècle.261
Figueres et Ulate262 ont exprimé des opinions positives sur le Point IV à plusieurs
reprises, mais c’est ce dernier qui a mis au défi les communistes de clarifier leur
contribution au développement au Costa Rica, car ceux-ci dénonçaient que l’assistance
259
« Desde hoy disfrutará nuestro país de los beneficios del Punto IV del programa de Truman. » Diario
de Costa Rica, 12 de enero de 1951, pp. 1-6; « Firmado acuerdo sobre el Punto IV. Su fundamento es la
cooperación técnica entre los Estados Unidos y Costa Rica. » La República, 12 de enero de 1951, pp. 1-5;
« La ayuda técnica en Costa Rica. » Diario de Costa Rica, 2 de marzo de 1951, p. 3.
260
« El programa del Punto 4 en Costa Rica puede servir de modelo en el mundo entero. » La República, 1
de marzo de 1953, p. 4.
261
Daniel C.S. Wilson. « Arnold Toynbee and the Industrial Revolution: The Science of History, Political
Economy and the Machine Past. » History and Memory, Vol. 26, Nº 2 (Fall/Winter 2014), pp. 133-161.
262
Figueres « Mensaje del señor Presidente, 1953… », p. 7; ICA, Point Four in Costa Rica, p. 3.
- 125 -
technique américaine était une « pénétration impérialiste ».263 Le communisme
costaricain, à travers les hebdomadaires Adelante et Libertad, a exprimé un rejet
véhément de l’utilisation de l’assistance technique étasunienne, à laquelle ils ont tenu
responsable le sous-développement latino-américain, comme on le verra ci-après.
263
Otilio Ulate Blanco. « Mensaje del señor Presidente constitucional de la República de Costa Rica don
Otilio Ulate presentado a la Asamblea Legislativa, 1º de mayo de 1953 », Corpus digital de mensajes
presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 5. Consultado el 28 de julio del 2020. URL:
https://drive.google.com/file/d/1P6-lD7f7z6s31tda5hr02QJFXupDBuGP/view. En ce qui concerne la
critique d’Ulate à l’égard des communistes, l’historienne Ana Maria Botey a procédé à une analyse
approfondie des contributions de ces acteurs politiques à la recherche d’un programme institutionnalisé de
santé publique, depuis sa fondation en 1931 jusqu’en 1948. Ana María Botey Sobrado. « Los actores
sociales y la construcción de las políticas de salud del Estado Liberal en Costa Rica. »(Tesis de Doctorado
en Historia, Universidad de Costa Rica, 2013), pp. 633-692.
264
« Contra las inversiones imperialistas en el país se pronunció Figueres. » Adelante, 6 de setiembre de
1953, p. 5.
265
« Ayuda o saqueo descarado. » Adelante, 4 de agosto de 1957, p. 7; « El Ministro de Obras Públicas se
enfrenta a la Public Roads. » Adelante, 30 de marzo de 1958; « Sigue la estafa de la Carretera Panamericana
contra los sagrados intereses de los costarricenses. » Adelante, 15 de junio de 1958, p. 3.
- 126 -
produits, Nelson Rockefeller lui-même ayant également souligné cet objectif depuis
1951.266
La position si ambiguë de Figueres à l’égard de « l’aide » américaine a été
interprétée par la presse communiste comme sa façon de vouloir transformer le « mal
impérialisme » en quelque-chose de « bon ».267 Toutefois, à cet égard, il a considéré que:
« En théorie, le développement économique des pays en retard de l’Amérique
latine et l’équilibre qui en résulte entre le nord et le sud de l’hémisphère ne doivent
être que le produit de la lutte des peuples contre la domination et l’exploitation des
compagnies étrangères. L’inverse est de prétendre mettre le loup et le mouton
d’accord. M. Figueres dit qu’il ne croit pas au colonialisme et à l’impérialisme
comme une politique délibérée, mais qu’il croit qu’il s’agit de la « persistance de
certains concepts [illisibles] et anachroniques dans certains pays ». Affirmer cela,
commentons-nous, c’est la même chose que de dire, en présence d’un incendie qui
consume la maison dans laquelle on vit, qu’« il n’y a pas de tel incendie », mais
qu’il s’agit d’une « erreur » d’où le feu s’est produit »268
Selon Manuel Solís et Jorge Barrientos, l’ambiguïté de Figueres a pris racine dans
la guerre civile de 1948 et dans l’installation du Conseil fondateur de la Seconde
République. N’ayant pas été un gouvernement populairement élu, le figuerisme a cherché
un moyen non seulement de légitimer les fonctions du Conseil, mais aussi d’obtenir toute
l’aide possible des États-Unis, tant militaires qu’économiques. Pourtant, don Pepe a été
considéré par plusieurs de ses adversaires comme un communiste pour ses attaques contre
les investissements étrangers, attitude qu’il a pu maintenir jusqu’en 1955 lorsque le Costa
Rica a fait face à une invasion militaire promue par les calderonistes et soutenue par le
régime d’Anastasio Somoza. Ayant recours à l’aide bilatérale et multilatérale, Figueres a
adouci sa position en se montrant donc plus tolérante à l’égard d’entreprises étrangères
telles que l’UFCO.269
266
Nelson Rockefeller. « The meaning of Point Four. » Popular Economics, Vol. 2, Nº 3 (November 1951),
pp. 13-14; Erb, «Prelude to Point Four», pp. 250, 253.
267
« Las inversiones extranjeras no son el camino hacia el desarrollo mundial y hacia la paz. » Adelante,
11 de octubre de 1953, p. 2.
268
« Poner “acuerdo” al lobo y a las ovejas propone el Sr. Figueres como solución a los problemas
internacionales en su Mensaje Inaugural. » Adelante, 22 de noviembre de 1953, p. 4,6.
269
Solís, La institucionalidad ajena, pp. 494-496; Jorge Barrientos Valverde. « La ideología anti-comunista
en Costa Rica: Guerra Fría, discursos hegemónicos e identidades políticas 1948-1962. » (Tesis de Maestría
Académica en Historia, Universidad de Costa Rica, 2013), pp. 116-117.
- 127 -
Adelante a en outre utilisé l’humour pour transmettre son message, ce qui était
récurrent. L’Image II.2 montre l’histoire d’un singe, qui a vu d’autres animaux améliorer
leur « maison » par l’agriculture, le tourisme et les travaux d’infrastructure. Cependant,
il n’a pas compté sur le Tigre, représentation de l’investisseur américain, abattre son arbre
pour finalement garder ses terres. Pour ajouter davantage à son symbolisme, le singe
partage certains traits du visage avec le président Orlich de l’époque, qui devient seul
responsable de « vendre » le Costa Rica à des intérêts privés américains en utilisant le
discours de « l’aide ».
La publication de cette caricature a également contribué à renforcer d’autres
discours de l'« aide » américaine récupérés sur les impressions de l’ancien président
Alfredo Gonzalez Flores (1914-1917) en décembre 1962, qui la considérait comme un «
mal » qui « dénationalisait la production ». Selon Alberto Venegas, rédacteur en chef de
Adelante, Gonzalez Flores dans sa quête pour améliorer la structure économique du Costa
Rica, a payé le prix fort après avoir été évincé par son secrétaire de la Guerre, Federico
Tinoco Granados en 1917, avec l’accord de « l’aide étrangère ».270
270
« Habla don Alfredo González Flores. Niego rotundamente que las inversiones extranjeras sean una
bendición. » Libertad, 5 de enero de 1963, pp. 3 y 4; Alberto Venegas. « La economía esta semana. »
Libertad, 5 de enero de 1963, p. 4. Le coup d’État de Federico Tinoco, le 27 janvier 1917, a déclenché la
seule dictature militaire du Costa Rica au XXe siècle, qui s’étend jusqu’au 12 août 1919. Au cours de cette
dernière année, fruit d’une mobilisation populaire, le régime a pris fin. Alejandro Bonilla Castro. « El
retrato del recuerdo y el olvido: políticas de conciliación, olvido y memorias emblemáticas de la dictadura
de Federico Tinoco Granados (1917-1963). » (Tesis de Maestría en Historia, Universidad de Costa Rica,
2013).
- 128 -
Image II.2. « Le singe et les étrangères. » 1963.
- 129 -
Anti-impérialisme, dépendance et trahison.
271
« ¿Qué le van a decir al pueblo después del engaño? » Libertad, 23 de marzo de 1963, p. 2.
272
Carlos Luis Fallas. « El prestigio de Costa Rica. » Libertad, 23 de marzo de 1963, p. 2; Manuel Mora
V., Carlos Luis Fallas y Arnoldo Ferreto. « La reunión de Presidentes y la Declaración de Centroamérica. »
Libertad, 6 de abril de 1963, p. 3.
273
L’intégration économique centraméricaine a fait l’objet de plusieurs analyses dans la presse communiste
depuis le début des années 1960. Les principales réprimandes des communistes à l’effet de ce projet étaient
la capacité industrielle inégale qui était présente dans la région, qui positionnait le Guatemala et El Salvador
comme les mieux placés, ce qui désavantage nettement les autres pays qui ne pourraient pas être
compétitifs. L’autre critique était que le projet d’intégration était éminemment économique, laissant de côté
des aspects de la législation sociale, tels que la santé, l’éducation et les salaires, que les communistes
considéraient comme indispensables à la réussite de l’unification. Et, enfin, que ce projet a été fait sur
mesure pour que les investissements américains pénètrent facilement dans la région et transforment leurs
États en simples vassaux. « ¿Qué hay detrás de la integración económica de C.A.? » Adelante, 28 de enero
de 1956, p. 2; « Centro yanqui sobre Centroamérica. Eso persiguen las Conferencias Centroamericanas. »
Adelante, 28 de enero de 1956, p. 3; « Hondas contradicciones dificultan integración económica en
Centroamérica. » Adelante, 21 de febrero de 1960, pp. 1 y 7; « Entraña grave peligro para Costa Rica la
llamada integración económica Centroamericana. » Adelante, 28 de febrero de 1960, p. 7; « Vanguardia
Popular denuncia peligros de la Integración Económica Centroamericana. » Adelante, 29 de julio de 1962,
pp. 14 y 15.
- 130 -
prêts étrangers, en raison de la crise économique que connaissait le pays depuis 1957. M.
Ferreto a souligné que des institutions telles que l’ICE, l’INVU et le SNAA nouvellement
créés dépendraient de crédits « usuriers » et seraient liées à l’achat de leurs biens
d’équipement exclusivement aux États-Unis, payant davantage qu’avec d’autres options.
La situation serait encore aggravée par la création de l’OFIPLAN, car
« [...] ce qu’il est prévu de créer avec le nouveau projet de loi est une AGENCE
D’INVESTISSEMENT DE CAPITAL MONOPOLISTE ÉTRANGER. Nous
nous dirigeons ainsi vers une livraison « planifiée » de l’économie nationale. Nous
sommes en présence d’un plan néocolonialiste secret sous le nom de « Plan
d’Alliance pour le progrès ». »274
274
« … lo que se proyecta crear con el nuevo proyecto de ley es una AGENCIA DE INVERSIONES DE
CAPITAL MONOPOLISTA EXTRANJERO. Vamos, así, hacia una entrega “planificada” de la economía
nacional. Estamos en presencia de un plan neo-colonialista encubierto bajo la denominación de “Plan de
Alianza para el Progreso. » Arnoldo Ferreto S. « Proyecto de Ley de Planificación. Agencia de inversiones
de capital extranjero para la entrega “planificada” de la economía nacional. » Adelante, 16 de junio de 1962,
pp. 6 y 13. Ferrreto a ainsi dénoncé la soi-disant « politique d’additionnalité », qui obligeait les
soumissionnaires d’un prêt à acheter les matériaux dont ils avaient besoin pour leurs projets aux États-Unis,
ce qui limitait l’accès à d’autres options plus accessibles. Domínguez, « La Alianza para el Progreso », p.
142. Les majuscules sont de l’original.
275
Alberto Venegas. « La economía esta semana. » Libertad, 8 de junio de 1963, p. 6; Alberto Venegas.
« La economía esta semana. » Libertad, 20 de julio de 1963, p. 8.
276
« El famoso informe de Prebisch. » Libertad, 13 de julio de 1963, p. 6.
277
« La Alianza para el Progreso ha fracasado. » Libertad, 7 de setiembre de 1963, p. 6; Domínguez, « La
Alianza para el Progreso », pp. 136-138.
- 131 -
Image II.3. « À la morgue ». 1963.
278
“La Alianza para el Progreso ha fracasado.” Libertad, 7 de setiembre de 1963, p. 6.
- 132 -
Union soviétique279, ce qui montre que le système d’assistance technique n’était pas le
problème, mais d’où il venait et comment il était donné.280
279
« Campo pagado. Becas para estudiantes pobres. » Libertad, 30 de marzo de 1963, p. 2.
280
Francisco Rojas Aravena a démontré que la coopération technique soviétique reçue par le Costa Rica
était le produit de la dissidence qui a eu lieu à partir des années 1970. Cependant, à la fin des années 1950,
les contacts entre le Costa Rica et l’URSS se sont accrus, ce qui a conduit à l’envoi des premiers boursiers
costaricains dans l’Union. Des années plus tard, l’Institut costaricain soviétique a été créé et la Convention
de coopération culturelle et scientifique a été signée en 1974. Les relations culturelles et l’assistance
technique avec les Soviétiques ont été rendues possibles par d’autres voies, à savoir l’ONU, l’UNESCO et
le même parti d’avant-garde populaire qui avait le pouvoir de sélectionner plusieurs boursiers. En 1983,
environ 20 % des boursiers latino-américains étaient de nationalité costaricaine. Francisco Rojas A. « Las
vinculaciones diplomáticas, económicas y culturales entre Costa Rica y la Unión Soviética: Un bajo
perfil. » Anuario de Estudios Centroamericanos, 12(1) (1986): pp. 53-68.
281
Elsa Fuenmayor, et. al. « Descripción de las ideas pedagógicas de Luis Beltrán Prieto Figueroa. » Orbis:
revista de Ciencias Humanas, Año 5, Nº 13 (2009): pp. 73-85; Josué Pascual Mora. « La filosofía educativa
de Luis Beltrán Prieto Figueroa y su aporte a la historia de la educación actual: Análisis de los indicadores
de las políticas de inclusión en educación 1998-2006. » Educere, Año 12, Nº 42 (Julio-Agosto-Setiembre
2008): pp. 615-624.
282
« El proyecto piloto de la UNESCO es una maniobra figuerista. » Adelante, 6 de julio de 1952, pp. 1 y
3.
- 133 -
Mais les critiques les plus évidentes ont été à l’égard des politiques
interventionnistes du FMI et du BIRF-BM. Eduardo Mora Valverde, économiste et frère
de Manuel Mora, a dénoncé, à travers plusieurs articles, les conditions des prêts par ces
organismes, qui obligeaient les pays pauvres à mener des réformes structurelles,
notamment en réduisant l’inflation, en gelant les salaires, en réduisant les dépenses du
secteur public et toute forme de subvention, en promouvant la vente d’entreprises
publiques au secteur privé et en favorisant la libre circulation des capitaux.283 Mora a
ainsi décrit un autre type d’assistance technique « impérialiste » menée par des experts
internationaux qui ne s’efforçaient pas de résoudre des problèmes de formation technique,
l’amélioration de secteurs productifs clés ou le transfert technologique, mais pour
préparer le pays « sous-développé » à gérer les ressources qu’il obtiendrait du prêt et qui
serait capable de faire face à ses obligations. Le grand coupable, pour Mora, étaient les
États-Unis qui imposait son programme financier à ces organismes pour favoriser les
banquiers des « Rockefeller, Morgan et Boston. »284
Les années 1960 ont été, dans une certaine mesure, un prélude de ce qui se
passerait dans les années 80, période au cours de laquelle le Costa Rica a négocié avec
l’USAID, le FMI et le BM une série de prêts qui mettraient en œuvre les PAE. Au cours
de ces années, Adelante a récupéré une partie des discours élaborés au cours des dernières
décennies sur le FMI ou les « banques internationales », comme on le voit dans les
caricatures des Images II.4 et II.5, où ces institutions étaient représentées comme des «
usuriers » ou des « requins ».
283
Eduardo Mora Valverde. « Problemas de la América Latina. Banco Mundial y Fondo Monetario
Internacional. » Adelante, 29 de mayo de 1960, p. 3; Ídem. « Problemas de la América Latina. Las
condiciones del Fondo Monetario. » Adelante, 5 de junio de 1960, p. 3; Sarah Baab a souligné que les prêts
accordés aux pays « sous-développés » par les « banques multilatérales de développement » dépendaient
de leur engagement à mener des réformes structurelles, telles que la vente d’actifs publics ou des réformes
de l’éducation. Les décaissements étaient effectués par parties, étant entendu qu’il y avait des progrès dans
ces domaines. Bien qu’il existait avant 1980 des exemples de prêts de ce type, ceux-ci étaient plus fréquents
à partir des années 80, influencés par le Consensus de Washington et qui seront ensuite liés aux politiques
économiques néolibérales. Babb, Behind Development Banks…, pos. 188.
284
Bien que les États-Unis aient pu, par le biais de la soi-disant « politique de levier », procéder à des
nominations clés au sein des conseils d’administration des banques multilatérales, ils ont souvent dû faire
face aux autres actionnaires qui ont entravé leurs intérêts. Pour cette raison, les États-Unis ont été contraints
de favoriser davantage leurs programmes bilatéraux. Baab, Behind Development Banks…, pos. 614-670.
- 134 -
Image II.4. « La semaine sérieuse. »
285
Lizano a été président de la Banque centrale du Costa Rica pendant la période 1984-1990.
286
L’expresion popular costaricaine « Jalarle el rabo a la ternera » signifie « faire perdre patience » .
287
« Nuestra posición. Frente común contra la política neoliberal. » Adelante, 29 enero – 4 febrero de 1988,
p. 4.
- 135 -
Image II.5. « La semaine sérieuse. »
Les discours communistes sur l’assistance technique ont coïncidé avec un secteur
du PLN qui considérait le développement comme la concrétisation d’une solidarité
internationale consacrée à l’élimination des distorsions économiques et sociales du
commerce mondial. Les communistes ont utilisé le même outil conceptuel, même les
notions de niveau de vie, de progrès, de consommation que les politiciens costaricains
ont utilisées comme porte-parole des organismes internationaux, dont Keynes, Rostow,
Prebisch et Camargo. Cela explique pourquoi les communistes n’ont pas eu un rejet
- 136 -
catégorique de l’assistance ou de la coopération technique multilatérale, à l’exception du
cas décrit par l’UNESCO, qui s’est inscrit dans un contexte électoral très particulier.
Là où les discours contre l’assistance et la coopération technique multilatérales ont
prédominé, c’est avec les cas du FMI et du BIRF-BM, qui ont été considérés dans les
années 1960 comme des instruments de « l’impérialisme yankee » et, dans les années 80,
du « néolibéralisme ». Les discours dépeignaient ces organismes financiers comme des «
prédateurs », des « escrocs », des « requins » et des « usurpateurs », des appellations qui
ont également été utilisées contre le Point IV et l’USAID. Loin d’être le « remède » de la
pauvreté comme Truman les avait qualifiés, les programmes étasuniens et ceux du FMI
et de la BM étaient, pour les communistes, les images vivantes du « sous-développement
», de la « dépendance » et de la « mort ».
L’univers des discours qui a été identifié était l’expression des aspirations et des
craintes des acteurs politiques et sociaux à l’égard de l’assistance et de la coopération
technique. À quelques exceptions près, elles n’ont pas toujours coïncidé avec les
définitions officielles qui ont marqué les institutions costaricaines, que ce soit dans les
mémoires du MRREE ou dans la réglementation de ce ministère et de
l’OFIPLAN/MIDEPLAN. Je tiens à souligner que celles-ci sont aussi l’expression de
l’inachèvement et immaturité de cette institution, condition qui persiste aujourd’hui.
Les informations disponibles ont permis d’identifier deux périodes au cours
desquelles se sont concentrées la plupart des tentatives, tant formelles qu’informelles, de
définir l’assistance et la coopération technique internationales, à savoir : 1954-1958,
1970-1979. La première période, qui coïncide également avec le deuxième gouvernement
de Figueres, peut être considérée comme une période d’expérimentation puisque les
définitions fournies par les acteurs politiques n’ont pas été incluses dans une
réglementation institutionnelle. Pourtant, ils ont apporté une approche des aspirations des
acteurs à l’assistance technique, car ils avaient tendance à se concentrer sur deux
domaines : l’éducation comme un « investissement culturel » et la « justice économique
internationale ». Avant de continuer, une clarification est nécessaire : une définition
formelle est celle qui est incorporée dans une réglementation ou une législation de la
- 137 -
république. En revanche, l’informelle sera celle qui, bien qu’elle figure dans un document
officiel, n’a pas atteint une hiérarchie supérieure au sein de l’institutionnalisation
costaricaine.
Cela dit, en examinant les attributs des définitions résumées au Tableau II.3, seuls
deux d’entre eux évoquaient le caractère éducatif de l’assistance technique. Le premier a
été fourni par Lily M. Rudin en 1954, qui considérait ce type de programmes comme des
plateformes de conseil pour les fonctionnaires costaricains, par le biais de techniciens
étrangers ou de bourses à l’étranger.288 En 1958, Christian Tattenbach Iglesias, délégué
du Costa Rica auprès de l’ECOSOC, récapitula le caractère éducatif de l’assistance
technique, mais y ajoute le titre de « temporaire ». Il a ainsi cherché dans une certaine
mesure à exprimer sa confiance au système en le considérant tout sauf une
« intervention » politique.289 Ces deux positions visaient clairement à mettre en évidence
288
Rudin. « Informe del Departamento… », p. 68.
289
Christian Tattenbach Iglesias. « XXVI Periodo de sesiones del Consejo Económico y Social ». MRREE.
Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y de Culto presentada a la Asamblea Legislativa por el
Licenciado Alfredo Vargas Fernández Ministro de Relaciones Exteriores y de Culto. 1958-1959. (San José,
Costa Rica: Imprenta Nacional, 1959), pp. 153-154.
- 138 -
le caractère « désintéressé » de l’assistance technique internationale, contrairement aux
discours communistes qui ont mis en garde contre le contraire. Par ailleurs, Alvar Antillón
et Gonzalo Facio ont convenu de lui attribuer des fonctions de développement
économique, mais avec des perspectives différentes. Antillón se pencha vers une
attribution verticale, la qualifiant d’« aide » aux « pays sous-développés », tandis que
Facio la considérait comme une collaboration horizontale entre des peuples frères.290
Au cours des années 1960, les informations disponibles n’ont permis de trouver
aucune définition officielle de l’assistance technique. Il convient toutefois de noter qu’au
cours de la XIVe Assemblée générale des Nations Unies, le Président exécutif du Conseil
d’assistance technique (TAB), David Owen, a déclaré que, compte tenu du nombre de
pays participant à l’EPTA, il ne fallait plus parler d’« assistance » mais de « coopération
technique ». Par la suite, la délégation grecque a proposé que l’Assemblée reconnaisse
officiellement cette dernière dénomination pour refléter plus fidèlement les objectifs des
programmes de l’ONU291, bien que cela n’ait pas eu d’impact perceptible sur la
réglementation costaricaine.
En 1973, la première définition formelle de l’assistance technique a été fournie,
qui comprenait « à la fois les services de conseil par l’intermédiaire de consultants et
d’experts et les facilités de formation du personnel par le biais de bourses d’études à
l’étranger ou la fourniture d’équipements de travail. »292 Cette définition représente une
continuité avec la période précédente, puisqu’elle a mis l’accent sur le rôle éducatif de
ces programmes, mais n’a pas incorporé la dimension économique, du moins
explicitement, aspects qui dans le discours, étaient déjà évidents comme il a été démontré
précédemment. En 1978, un autre décret précisait que « la coopération technique
internationale est un élément important et complémentaire à l’effort national visant à
290
Alvar Antillón H. « Informe anual del Departamento de Organismos Internacionales. » MRREE.
Memoria del Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto presentada a la Asamblea Legislativa por el
Señor Mario A. Esquivel Ministro de Relaciones Exteriores y Culto. 1954-1955. (San José, Costa Rica:
Imprenta Nacional, 1955), p. 119; Facio, « Embajador Facio, Electo… », p. 76.
291
« XIV Asamblea General de las Naciones Unidas. » MRREE. Memoria del Ministerio de Relaciones
Exteriores y de Culto presentada a la Asamblea Legislativa por el Licenciado Alfredo Vargas Fernández
Ministro de Relaciones Exteriores y de Culto. 1959-1960. (San José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1960),
pp. 149, 155-156.
292
« Decreto Nº 3370, 14 de noviembre de 1973. Creación de la Dirección General de Asistencia Técnica ».
Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 1 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=14102&nValor3=15140&strTipM=TC.
- 139 -
accélérer le développement économique et social du pays », le terme « assistance » ayant
été officiellement remplacé par « coopération ».293
Toutefois, ces définitions formelles n’ont pas tenu compte des attributions que
d’autres fonctionnaires ont données à l’assistance technique au cours des années 70. En
1971, José de J. Conejo, alors chef des affaires économiques et de l’assistance technique
du MRREE, considérait ce type de programmes comme un « préinvestissement » car,
lorsqu’il s’agissait d’améliorer à la fois l’infrastructure et les ressources humaines, il était
essentiel de les renforcer avant d’attirer des « capitaux étrangers ».294 De même, le
président de l’époque, Daniel Oduber Quirós (1974-1978), l’a considéré comme un
« transfert permanent de capitaux » indispensable pour rechercher et exploiter les
ressources naturelles.295
L’impression de Conejo doit être interprétée à la lumière du transfert de la section
de l’assistance technique du département de la productivité et de l’efficacité
administrative de l’OFIPLAN vers le MRREE. Toutefois, elle confirme également les
craintes des communistes à l’égard de ces programmes, en particulier ceux de nature
remboursable. Il n’est pas étonnant qu’Oduber ait souligné que le Costa Rica devait
trouver des formules de coopération qui assureraient le flux de ces ressources vers le pays.
Associés à ces attributs, Oduber et Gonzalo Facio ont considéré la coopération
internationale comme un échange de connaissances et de talents, tant économiques,
culturels que démocratiques, essentiels au renforcement institutionnel et au bien-être
intégral du pays. Les attributs mentionnés ci-dessus montrent une continuité avec cette
définition de la « qualité de vie » que don Pepe avait fournie des années auparavant et qui
était un signal d’alarme pour surmonter la conception « développée » de l’assistance
technique.
293
« Decreto Nº 9287, Creación del Comité de Coordinación de la Cooperación Técnica Internacional, 2
de Agosto de 1978. » Sistema Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=22074&nValor3=23417&strTipM=TC. Comme on l’a vu, j’ai jusqu’à présent évité
de faire une distinction entre assistance et coopération technique et j’ai utilisé simultanément les deux
concepts. Toutefois, à partir de ce moment, le premier ne sera utilisé que pour la période 1951-1977 et la
seconde, de 1978 à 1995. Cependant, la conceptualisation fournie par les sources sera respectée à tout
moment pour maintenir la rigueur historique.
294
José de J. Conejo. « Memoria anual Departamento de Asuntos Económicos y Asistencia Técnica. »
Gonzalo Facio Segreda. Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto Costa Rica. Memoria. 1971. (San
José, Costa Rica: El Ministerio, 1971).
295
Daniel Oduber Quirós. « Mensaje pronunciado ante la Asamblea Legislativa, 1º de mayo de 1975 »,
Corpus digital de mensajes presidenciales de Costa Rica, INIL-UCR, p. 11. Consulté le 28 juillet 2020.
URL: https://drive.google.com/file/d/1U8EKbSNdl55rVLK4JVsRiyzYj1FRDdiz/view.
- 140 -
Dans les années 80, la réglementation costaricaine n’a fourni aucune autre
définition de la coopération technique, de sorte que celle de 1978 était en vigueur depuis
21 ans. De toute évidence, cela a négligé les changements institutionnels qui ont été
réalisés à partir de ce moment-là dans ce domaine de la politique étrangère et les
régressions conceptuelles qu’elle a vécues de la part des présidents costaricains qui ont
encouragé la diversification productive de l’agro et de l’industrie dans les années 1980 et
1990.
Le crépuscule du XXe siècle a apporté avec lui une nouvelle définition formelle
de la coopération technique. Celle-ci a été considérée comme « un instrument complétant
les efforts nationaux pour relever les différents défis du développement » et comme « tous
les projets et programmes réalisés en collaboration avec d’autres gouvernements et
organismes internationaux ou régionaux, institutions privées internationales ayant cette
vocation et ceux mis en œuvre sur les fonds que le budget national attribue à cette fin,
que ce soit le Costa Rica le pays qui reçoit ou qui accorde la coopération
internationale. »296 Essentiellement, la nouveauté qu’a apporté cette nouvelle sens était
que le Costa Rica est apparu comme un acteur qui pouvait également la fournir,
conformément à la définition de « coopération technique horizontale », qui a commencé
à être utilisée dès le milieu des années 1990. Toutefois, en raison de sa généralité, elle ne
permet pas d’observer quelles étaient les priorités de cette collaboration ni dans quelle
mesure elles complétaient les « efforts nationaux ».297
296
Decreto Nº 28177, « Creación del Consejo Consultivo de Cooperación Internacional. » Sistema
Costarricense de Información Jurídica. Consulté le 2 septembre 2020. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=54633&nValor3=75573&strTipM=TC.
297
Bien qu’en dehors de la période considérée, il a été possible d’identifier qu’en 2008 le règlement à
l’article 11 de la loi nationale de Planification a incorporé une nouvelle définition de la coopération
internationale, qu’il a divisée en deux types: ceux de type remboursable comprenant des prêts à faible taux
d’intérêt et à long terme, et celui non remboursable qui se rapproche le plus du profil historique de la
coopération internationale. En ce qui concerne la coopération à caractère technique, le règlement l’a définie
comme « l’adaptation et l’adoption de connaissances, de capacités, de compétences, d’expériences, de
ressources et de techniques et technologies nouvelles ou meilleures que le pays ne possède pas ou ne peut
pas mobiliser; fournis par les agences et organismes de coopération sous une forme non remboursable pour
entreprendre des activités de développement. » Ce nouveau sens était la reconnaissance officielle du fait
que la coopération technique n’était pas des formules ou des modèles transplantés d’un endroit à l’autre,
donnant le sentiment que le pays était un acteur passif dans l’ensemble du processus, mais qu’il jouait un
rôle très important dans la réflexion et l’adaptation des connaissances reçues de sources internationales.
Nous verrons que cette notion a été très présente dans plusieurs fonctionnaires de l’État costaricain pendant
la période étudiée, mais ce n’est qu’en 2008 qu’on lui donne un sens normatif. De même, la coopération
technique horizontale, qui était fournie par les pays en « voies de développement » à leurs pays similaires,
est formellement définie. « Decreto Nº 35056-PLAN-RE, Reglamento del Artículo 11 de la Ley de
Planificación Nacional Nº 5525 del 2 de mayo de 1974. » Sistema Costarricense de Información. Consulté
le 2 septembre 2020. URL:
- 141 -
Ce qui ressort de ce parcours des définitions formelles de la coopération technique
internationale, c’est que celles-ci ont toujours été à l’origine des attributions ou des
aspirations des acteurs politiques et sociaux à son sujet. D’une certaine manière, cela était
le symptôme de l’instabilité institutionnelle que le MRREE et l’OFIPLAN/MIDEPLAN
ont connu et les organismes chargés de gérer ces programmes. En outre, on comprend
pourquoi l’assistance technique a été blâmée ou symbolisée comme un instrument
« impérialiste » puisque ce concept englobe à la fois celui de caractère remboursable et
non remboursable, bien qu’il y ait une certaine conscience parmi certains acteurs
politiques de leurs différences et de leurs portées.
3. Conclusion du chapitre.
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=64904&nValor3=79744&strTipM=TC
- 142 -
à élaborer des normes techniques et à définir les tâches des premiers organes de gérance
au sein du MRREE qui apparaît pour la première fois comme un acteur institutionnel clé.
Toutefois, leur rôle est encore limité par l’autonomie des institutions autonomes, des
municipalités et des ministères pour traiter leurs demandes d’assistance technique. Ces
transformations institutionnelles ont cherché à se justifier par des discours soulignant
l’urgence de remédier aux injustices économiques de l’hémisphère et d’encourager la
formation de professionnels qui réaliseraient l’expansion de l’État-providence. Bien
entendu, cette assistance technique serait de nature temporaire et ne porterait préjudice à
la souveraineté des pays « sous-développés ».
La sous-période Planificatrice concurrentielle s’étend de 1955 à 1969 et se
caractérise essentiellement par la lutte de pouvoir entre le MRREE et l’OFIPLAN en tant
qu’organe directeur de l’assistance technique internationale au Costa Rica. Le
comportement des institutions était essentiellement le transfert de compétences d’une
entité à une autre, en obéissant essentiellement la politique du gouvernement en poste.
Dans cette sous-période, les discours qui aspiraient à faire de l’assistance technique un
instrument de justice économique internationale et de démocratie pour la région latino-
américaine continuent de prévaloir, notamment en raison de l’importance acquise par la
lutte anticommuniste dans le cadre de l’ALPRO. En outre, un intérêt gouvernemental a
été noté pour la promotion des programmes d’entraide, inspirés par la structure de
l’assistance technique internationale.
La période expérimentale s’est également différenciée de celles qui l’ont succédée
par son instabilité, qui s’est matérialisée dans le nombre de dépendances et de
réglementations créées entre 1950 et 1969 qui a atteint un maximum de 12. D’autre part,
elle a également été encadrée au cours de l’exercice de la TAB et des premières années
du PNUD, ce qui a conditionné le pays à suivre une offre prévue par ces agences des
Nations Unies et dont l’assistance technique s’est concentrée principalement sur la lutte
contre les problèmes de santé, d’alimentation, d’agriculture et de productivité et,
notamment, d’éducation.
Ensuite, la période de gérance conjointe (1970-1980) a été caractérisée par deux
changements substantiels : la nouvelle politique du PNUD consignait aux pays la
planification et la fixation des objectifs et priorités à atteindre par les programmes de
coopération technique. Cela explique la décision du gouvernement de Figueres de créer
la direction générale de l’assistance technique, entité centralisée pour la gérance et la
- 143 -
coordination de ces programmes. Il convient de souligner que la direction générale s’est
appuyée sur un système de coopération, l’OFIPLAN devant se charger de la gérance
interne et le MRREE de la gestion face aux organismes internationaux. Ce système de
coresponsabilité a également bénéficié de la réforme de l’OFIPLAN et de la
diversification des sources de coopération technique grâce à la politique des « portes
ouvertes » avec le bloc socialiste et les pays asiatiques.
Un autre aspect qui ressort de cette période est que la création de la direction
générale en 1973 a élaboré la première définition formelle officielle de l’assistance
technique. Outre le fait que cette définition n’a pas pris le terme de « coopération », elle
a maintenu l’accent mis sur la nature formatrice et démonstrative de ces programmes, le
sens économique étant exclu. Au contraire, cette aspiration persistait dans les aspirations
des politiciens costaricains qui lui accordaient des fonctions de préinvestissement, de
transfert de capitaux et, dans une certaine mesure, la considéraient comme un « éveil »
de la maturité économique, laissant derrière elle l’enfance du « sous-développement ».
Ce type de désir a davantage contribué à lier l’assistance technique aux prêts
internationaux et, partant, à renforcer les discours communistes sur la dépendance et la
pénétration impérialiste yankees.
Il convient toutefois de souligner qu’au niveau du discours, l’assistance technique
a continué d’être considérée pendant cette période comme un instrument de paix et,
surtout, que celle-ci devait surmonter son déterminisme économique et prendre en
considération d’autres aspects, tels que la culture et la spiritualité. Cela a introduit, à cette
époque, une réflexion accrue sur ce qu’était la « qualité de vie » et le « bien-être », qui
dépassait les objectifs initiaux d’augmentation du « niveau de vie » de la population. Un
indicateur qui témoigne de la sensibilité des responsables politiques costaricains à l’égard
d’une assistance technique plus holistique a été l’intégration d’un plus grand nombre
d’acteurs dans la prise de décision sur ces programmes, avec le CONICIT et le MCJD. A
la fin de cette période apparaît une nouvelle définition formelle dans la réglementation
costaricaine, remplaçant pour la première fois le terme « assistance » par celui de
« coopération » mais qui n’a pas réussi à intégrer cette intégralité qui avait réussi à
influencer le discours des acteurs politiques.
La période suivante, appelée Crise et cacophonie institutionnelle (1982-1998), est
contextualisée pendant la crise centraméricaine et le processus d’ajustement structurel qui
s’est déroulé dans le pays, promu par des organismes de coopération technique tels que
- 144 -
l’USAID, le FMI et la BIRF-BM. La crise s’est également concrétisée par le type de
discours sur l’assistance technique, qui ont de nouveau penché vers l’aspect formateur
dans l’agriculture et l’industrie, perdant l’esprit globaliste qu’elle avait au cours de la
dernière période. En outre, l’influence du néolibéralisme sur le concept est perceptible,
car il a incorporé les discours du développement des secteurs de haute technologie et la
poussée à la micro et petite entreprise ciblant le secteur exportateur. Les images liées à la
justice économique internationale sont donc affaiblies, tandis que celles du renforcement
de la démocratie, localisées pendant la crise centraméricaine, restent présentes. Quant à
l’institutionnalisation, la période se caractérise par la prolifération des commissions, dont
beaucoup sont politisées par la présence de représentants du président de la République,
des ministres, des vice-ministres, les acteurs techniques ayant moins d’influence. Il
convient de souligner que, dans le domaine de la gérance des bourses, de nouveaux
acteurs pertinents tels que le MEP, le CONARE, le MICIT et l’INA ont été intégrés, mais
probablement avec un rôle technique assez limité.
Pendant cette période, les priorités de la coopération technique ont varié vers la
réforme de l’appareil d’État, la planification du développement, l’incitation au commerce
international, les politiques du logement, le traitement de la crise humanitaire due à la
guerre en Amérique centrale, l’emploi et, dans une moindre mesure, la culture, la santé,
la science et la technologie. Il faut rappeler qu’au niveau du financement, cette période a
également été caractérisée par une diminution substantielle de la coopération technique à
l’égard du Costa Rica, ce qui a contraint le gouvernement à promouvoir le pays et à
rechercher d’autres sources de coopération internationale.
La périodicité de l’assistance et de la coopération technique au Costa Rica était un
effort pour comprendre la construction de ses institutions au-delà de la réglementation,
ce qui n’était pas suffisant pour déterminer le rôle des discours, les acteurs impliqués et
l’influence du contexte international. J’ai ainsi cherché à situer les indices qui
permettaient de lire ces institutions comme des constructions sociales et un jeu de pouvoir
où la culture et les intérêts des acteurs sociaux étaient en relation. En ce sens, même si la
dernière période s’appelle consolidation, cela ne veut pas dire que les institutions
costaricaines responsable des programmes de coopération internationale soient
consolidés, tout le contraire. Au-delà de la période étudiée, de nouvelles réformes et
problèmes ont pu être localisés et continuent d’alimenter ce processus historique, qui est
loin d’être fini.
- 145 -
Le dernier aspect auquel je voudrais faire référence concerne les problèmes de la
dépendance des pays vis-à-vis des programmes d’assistance technique et la manière dont
une territorialité de ces programmes a été socialement construite. Je dois tout d’abord
signaler que d’autres recherches seront nécessaires pour avoir une vue d’ensemble plus
complète du degré de dépendance du Costa Rica et des pays d’Amérique centrale vis-à-
vis des programmes d’assistance technique. Dans cette recherche, la seule série de
données couvertes par la plupart des périodes étudiées était celle de l’ONU et de
l’USAID, mais ce dernier uniquement pour les montants globaux. Cela pose également
plusieurs problèmes méthodologiques, liés à la disponibilité des sources, car parfois les
pays fournisseurs de coopération technique cachaient leurs chiffres ou fournissaient des
données très générales au pays bénéficiaire. Elle oblige également de se rendre dans
d’autres pays pour obtenir la documentation nécessaire, car l’OEA ne dispose pas d’une
base numérique semblable à celle de l’ONU ou de l’USAID, celles-ci étant néanmoins
loin d’être complètes.
Cependant, les données disponibles ont permis de constater que le programme de
coopération technique de l’ONU visait à promouvoir davantage l’octroi de bourses que
l’envoi de professionnels de l’extérieur, conscients que les politiques de développement
devaient être créées et gérées par les fonctionnaires du pays bénéficiaire. Ainsi, au moins
le Costa Rica a réussi à maintenir une position plus ou moins « indépendante » en ce qui
concerne les experts internationaux. Cependant, la demande continue de boursiers
soulève une autre réflexion sur la dépendance, car c’est aussi un indicateur de
l’impossibilité du pays de créer les carrières universitaires ou les facultés nécessaires pour
s’approvisionner localement de fonctionnaires formés, pour une raison ou une autre. Cela
signifie que, loin de former ses professionnels par des méthodes et des théories adaptées
au contexte national, il a continué à dépendre de connaissances souvent étrangères à la
réalité costaricaine et qu’elles devaient, d’une certaine manière, être adaptées en générant
des conflits entre ces experts nationaux lors de la construction des savoirs.
D’emblée, bien que légitimés sur la base de discours liés à la solidarité et à la
responsabilité mutuelle, l’assistance et la coopération technique sont, dans une certaine
mesure, des instruments de transformation sociale et culturelle, souvent violente, avec
une inclinaison éminemment économique. Les organismes internationaux, au moins
pendant les 20 premières années de vie de ce type de programmes, ont établi des lignes
directrices et une offre de projets consacrés principalement à l’amélioration des
- 146 -
conditions de santé, d’éducation, de productivité agricole et industrielle qui ont été
identifiés comme les besoins prioritaires de l’Amérique latine.
En Amérique centrale, il a été possible de constater, à travers les données de
l’ONU, que l’offre de projets et leur demande ont répondu au comportement des secteurs
productifs par rapport au PIB, en laissant de côté d’autres domaines qui pourraient être
importants pour le pays, comme le développement technologique ou le renforcement de
ses systèmes éducatifs. Dans les années 70, avec les nouvelles dispositions établies par le
PNUD, les pays ont eu plus de liberté pour déterminer leurs priorités mais, avec la
restriction que représentaient leurs CIP. Dans les années 80 et 90, le Costa Rica a été
contraint à de nouvelles sources de coopération, en réponse à la réduction de son CIP, car
il a commencé à être considéré comme un pays à revenu intermédiaire et donc plus
développé.
En outre, à la suite de l’influence du Consensus de Washington à partir de 1980,
on peut observer que les programmes de coopération ont été tournés vers la compétitivité
des secteurs technologiques, l’agriculture d’exportation, l’attention ciblée de la pauvreté,
laissant de côté des domaines qui restent encore aujourd’hui prioritaires pour les pays
pauvres, comme l’accès à une meilleure éducation, à un système de santé universel, à la
disponibilité d’eau pour la consommation humaine ou à un meilleur environnement de
vie. Certainement, les programmes de coopération technique demeurent un outil
important pour accroître le bien-être humain, sans perdre de vue que leur contribution au
bien-être est médiatisée par une série d’intérêts tant sociaux que politiques qui peuvent
limiter leur impact et, partant, provoquer la persistance de la pauvreté des pays dans
certains domaines.
- 147 -
III. COSTA RICA, L’URBANISME ET LA FIN DE
L’INTERNATIONAL URBAINE.
298
Arturo Almandoz. Modernización urbana en América Latina. De las grandes aldeas a las metrópolis
masificadas. (Santiago de Chile : Instituto de Estudios Urbanos y Territoriales, Pontificia Universidad
- 148 -
San José (MSJ) a incorporé pendant cette période des concepts modernes d’urbanisme
tels que l’ensanche pour organiser la croissance urbaine de la capitale de « manière
scientifique ». Même si la municipalité a demandé, à la mairie de Paris ses règlements
quant aux services d’eau, d’éclairage et d’organisation de la police au cours du XIXe
siècle, elle n’a pas appliqué à la lettre ces recommandations ni appliqué un modèle
d’urbanisme dans la capitale costaricaine dont la croissance a été contrôlée, pour la
plupart, par l’initiative privée299. Toutefois, les cas d’assistance technique internationale
étudiés par Quesada dans son enquête dont l’importation de technologie, le conseil de
techniciens étrangers pour les travaux d’assainissement de San José et même la dotation
en bourses de la Fondation Rockefeller, montrent des signes d’une internationalisation
naissante du Costa Rica dans le domaine urbain qui mérite d’être explorée en
profondeur300.
L’une des variantes d’assistance technique qui est absente du travail de Quesada
est le rôle des événements internationaux dans la circulation des connaissances de
l’urbanisme au Costa Rica. Des chercheuses et des chercheurs tels que Beatriz Fernández,
Javier Ruiz, Claudio Secci, Maria Cristina García, Salvador Guerrero et Alicia Novick
ont apporté leur contribution concernant le rôle fondamental de ces événements dans la
circulation des savoirs et dans les processus d’adaptation et d’appropriation de modèles
et d’instruments d’urbanisme modernes301. Il est donc légitime de se demander si le Costa
Rica, en quelque sorte, a participé à certains d’entre eux et s’il lui a été possible
d’assimiler ces connaissances et méthodologies afin de les introduire dans son cadre
institutionnel.
Les informations disponibles suggèrent que le Costa Rica, avant 1948, n’avait pas
de législation systématique régissant la croissance urbaine, malgré les progrès
Católica de Chile, 2013), pp. 25-26 ; Arturo Almandoz. Modernization, Urbanization and Development in
Latin America, 1900s-2000s (London : Routledge - iBooks, 2015), pp. 23-24, 35.
299
Florencia Quesada. La modernización entre cafetales. San José, Costa Rica, 1880-1930. (Helsinki :
Instituto Renvall, 2007), pp. 77, 88-90, 101, 106 ; Almandoz. Modernización urbana…, pp. 75-89, 128-
136.
300
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 125, 130, 138,141.
301
Beatriz Fernández Águeda, Javier Ruiz Sánchez « Circulations et ancrage du survey geddesien dans
l’urbanisme espagnol », Espaces et sociétés 2016/4 (n° 167), pp. 81-98 ; Claudio Secci, « Réceptions et
appropriations des sciences humaines par les architectes. Le cas des CIAM et du Team Ten (1928-1962) »,
Espaces et sociétés 2010/2 (n° 142), pp. 17-31 ; María Cristina García y Salvador Guerrero. « The National
Federation of Town Planning and Housing 1939-1954 : A Network for Town Planners and Architect’s in
Franco’s Spain. » Journal of Urban History, Vol. 40(60) (2014) : pp. 1099-1122 ; Alicia Novick. « La
ciudad, el urbanismo y los intercambios internacionales. Notas para la discusión » Revista Iberoamericana
de Urbanismo, Vol. 1, Nº 1 (2009) : pp. 4-13.
- 149 -
significatifs réalisés jusqu’alors par la réglementation relative au logement d’intérêt
social. Anatole A. Solow, dans son rapport de mission technique, a constaté que,
« À l’heure actuelle, ni la municipalité de San José ni le gouvernement national
ne disposent des outils administratifs ou juridiques nécessaires pour les tâches
spécifiques de planification - des outils actuellement mis à l’œuvre dans la plupart
des villes et des pays du monde entier. Il n’y a pas de plan pour le développement
de San José, pas plus qu’il n’y a d’agence chargée de la planification. Aucune loi
ne permet ou n’oblige la ville à planifier et à se conformer à un plan une fois qu’il
est établi. Et il n’y a pas de lois contrôlant l’utilisation ou le lotissement des terres,
si essentielles au développement ordonné de la ville. »302
D’après ce rapport de Solow, on pourrait penser que le Costa Rica était totalement
en marge des discussions internationales concernant le logement social et l’urbanisme.
Cependant, tout au long de l’enquête, il a été possible de constater que le pays, du moins
entre 1927 et 1947, a participé aux congrès panaméricains d’architecture, ses délégations
s’étant exposées aux connaissances les plus récentes en matière de logement et
d’urbanisme pour la région. Cette constatation est fondamentale, car elle révèle que la
participation à ces événements s’est inscrite à long terme et n’a pas été limitée aux
opportunités créées dans le cadre de la mondialisation solidaire. Si c’était le cas, pourquoi
Solow a-t-il été catégorique en marquant l’absence de progrès sur ces questions ? Qu’a-
t-il pu se passer pour que le processus de circulation des connaissances n’affecte pas la
réglementation costaricaine ?
Le but de ce chapitre sera donc d’analyser la participation du Costa Rica aux
congrès panaméricains d’architecture de 1927, 1939 et 1947 afin de déterminer les
facteurs qui ont empêché le cadre institutionnel costaricain à mettre en pratique les savoirs
sur l’urbanisme discutées dans ces espaces avant 1948. Pour ce faire, nous aborderons les
discussions relatives à la construction de l’urbanisme en tant que discipline, aux
instruments de réglementation de l’utilisation de sol urbain, au rôle de l’État dans la
question du logement, les mécanismes proposés pour améliorer l’éducation des
architectes et des urbanistes et la coopération des pays d’Amérique latine. Je me
302
« At present, neither the Municipality of San José nor the National Government have the administrative
or legal tools for the specific tasks of planning – tools now being put to work in most cities and countries
the world over. There is no plan for the development of San José, neither is there any agency entrusted with
the task of planning. There is no legislation either permitting or making it mandatory to plan the city, and
to conform to a plan, once it is established. And there are no laws controlling the use or subdivision of land,
so essential to orderly development of the city. » Anatole A. Solow. A planning program for the capital of
Costa Rica. (Washington D.C. : Division of Labor and Social Informations, Pan-american Union, 1948),
p. 2. Traduction libre.
- 150 -
concentrerai ensuite sur le comportement des délégations costaricaines et leur
participation aux congrès, afin de déterminer si celles-ci ont facilité la circulation des
savoirs ou si, au contraire, elles l’ont entravée. Pour cette analyse, nous utiliserons
principalement les comptes rendus des congrès panaméricains d’architecture de 1927,
1939 et 1947 où ont été présentes les délégations costaricaines et les articles de presse qui
ont été publiés pour rendre compte de leur participation.
Ce chapitre part en outre de la prémisse que l’analyse de la question urbaine dans
les congrès panaméricains d’architecture a été l’expression d’un phénomène qui s’est
produit simultanément dans d’autres parties du monde et qui a connu, entre 1945 et 1950,
une transformation importante. Pour en savoir davantage sur ce processus, nous
utiliserons les cas de l’UNESCO, de la Fédération internationale du logement et de
l’urbanisme (IFHTP) et des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) qui
illustrent comment les associations internationales ont tenté de s’introduire dans le
processus de mondialisation solidaire lancé par l’ONU en constatant que leurs efforts
pour mondialiser leurs idées, leurs concepts et instruments avaient été insuffisants.
L’élection de l’UNESCO est justifiée par le fait que son prédécesseur,
l’Organisation internationale de coopération internationale (OICI) fit des efforts en ce qui
concerne la circulation des savoirs par le biais de l’organisation de congrès, un modèle
qui a été maintenu dans les programmes d’assistance technique. Par ailleurs, j’ai exploré
la disponibilité de sources qui ont lié l’UNESCO à la problématique urbaine avant 1950,
dont les dossiers de l’IFHTP et des CIAM, situés dans ses archives à Paris.
Ce chapitre se termine précisément en 1950, date à laquelle commence une
décennie fondamentale pour les programmes d’assistance technique internationale, et il
constitue un « avant-propos » des chapitres 4, 5 et 6 qui auront pour objectif d’analyser
l’interaction du Costa Rica, en particulier de l’Institut national de logement et urbanisme
(INVU), dans les événements internationaux de logement social et d’urbanisme pour
déterminer comment ces espaces de liaison ont permis la mise en réseau des acteurs et
instruments et comment celles-ci ont contribué à la circulation des savoirs de la
planification urbaine.
- 151 -
1. Les congrès panaméricains d’architecture (1927, 1939 et 1947)
303
Almandoz, Modernización urbana, pp. 151, 233 ; Sociedad Central de Arquitectos (SCA). III Congreso
Panamericano de Arquitectos. Libro de Actas y Trabajos. (Buenos Aires, Argentina : La Sociedad, 1927),
p. 7.
304
Ramón Gutiérrez, Jorge Tartarini y Rubens Stagno. Congresos Panamericanos de Arquitectos 1920-
2000. Aportes para su historia. 1ª ed. (Buenos Aires : CEDODAL, 2007), p. 9. Je remercie à Ana Patricia
Montoya pour me faciliter ce texte.
305
Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos…, pp. 9-12.
- 152 -
La participation du Costa Rica à ces congrès a été précoce, mais intermittente. La
première d’entre elles a eu lieu lors du troisième Congrès panaméricain d’architecture
(CPA27) de 1927 qui s’est tenu à Buenos Aires. Une délégation costaricaine participa à
nouveau dans ce forum lors du sixième Congrès panaméricain d’architecture (CPA47) de
Lima en 1947 et, après une longue absence, elle y assiste en 1975, 1980, 1984 et 1992.306
Bien qu’aucun CPA n’ait été convoqué dans les années 1930, d’autres forums alternatifs
ont été ouverts, dont le 1er Congrès panaméricain du logement populaire de Buenos Aires
(CPV39) en 1939, où le Costa Rica a envoyé une délégation.307 Compte tenu de cette
situation, certaines des discussions et conclusions de ces événements seront abordées afin
de déterminer le type d’agenda urbain et de logement auquel le Costa Rica a été exposé,
qui servira de point de départ pour l’analyse de la dernière partie de ce chapitre.
L’approche de l’urbanisme en tant que science a été l’un des thèmes les plus
importants du CPA27. Les participants ont estimé que la croissance désordonnée des
villes latino-américaines s’explique par l’absence d’une discipline capable de
systématiser ce travail par l’utilisation de certains instruments et modèles. Ils ont tenu
l’initiative privée responsable de ce désordre et, en contre-proposition, ont placé l’État et
les communes au centre de toute démarche urbanistique.308
La discussion sur la nature scientifique de l’urbanisme remonte au milieu du XIXe
siècle. Françoise Choay et Laurent Coudroy de Lille ont souligné que l’un des pionniers
306
Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos, pp. 55, 67, 107, 111, 119. Ces auteurs
n’incluaient pas la participation du Costa Rica au CPA-15, qui comprenait une délégation de l’INVU.
ANCR, Comptes rendus du Conseil d’administration de l’INVU (Actas INVU), signatura 89, Acta Nº 2700
y 2701, 17 y 18 de noviembre de 1975, fs. 277 y 280.
307
Je remercie à nouveau à Ana Patricia Montoya, qui m’a très gentiment facilité l’accès aux rapports de
ces congès qui se trouvaient dans ses archives personnelles. Les documents originaux peuvent être consultés
au CEDODAL.
308
Il est important de souligner que cela se produit dans un contexte où plusieurs pays d’Amérique latine
ont pu, dans une moindre ou plus grande mesure, affaiblir leurs structures oligarchiques et constituer des
États « modernes ». Ce processus, encadré entre la crise de 1929 et la fin de la Seconde Guerre mondiale,
a entraîné la création de nouvelles et meilleures politiques de contrôle territorial, l’expansion de son appareil
administratif et de ses cadres de réglementation économique et politique, ainsi que la création de lois
institutionnalisant la question sociale mobilisée par les secteurs populaires qui ont contribué à renforcer les
mécanismes de eléction démocratique et les droits et devoirs des citoyens. Laurence Whitehead. « State
organization in Latin America since 1930. » The Cambridge History of Latin America. Volume VI : Latin
America since 1930. Economy, Society and Politics. Part 2. Politics and Society, Leslie Bethell (ed.)
(Cambridge : Cambridge University Press, 1994), pp. 3-95.
- 153 -
était l’ingénieur catalan Ildefons Cerdà i Sunyer qui proposait le néologisme
« urbanisation » pour désigner un groupe de constructions mises en relation afin de
faciliter les activités humaines mais, également, une série de connaissances immuables et
de règles fixes. Pour cela, la nouvelle discipline devait recourir à l’utilisation de la
statistique pour donner un esprit scientifique à l’« urbanisation » et, d’autre part, à
l’histoire pour comprendre le contexte qui façonnait la vie urbaine et conditionnait sa
forme matérielle. Sa pensée était une autre expression du positivisme et de l’esprit de
progrès bourgeois.309 Cette tendance a été renforcée au début du XXe siècle : Patrick
Geddes a proposé son « enquête régionale » comme modèle de recherche, d’analyse et de
planification urbaine ; d’autre part, Le Corbusier, dans l’un de ses célèbres travaux, a
salué l’approche scientifique pour planifier les villes et effacer toute empreinte de ce qu’il
a appelé « le chemin des ânes », c’est-à-dire les tracés organiques310.
Au sein des CPA, les architectes et urbanistes latino-américains se sont activement
intégrés au débat sur l’identité de ce nouveau savoir-faire. Dans le CPA27, deux exposés,
celui d’Alfredo E. Coppola et celui de Rafael Terra Arocena, Antonio C. Bonnecarrere,
Alberto D. Aguerre et Eugenio Baroffio, se sont concentrés afin de définir au mieux «
l’urbanisme latino-américain ». Les deux communications ont convenu d’appeler
l’urbanisme « science-art », dont les fondements scientifiques reposaient sur son
interdisciplinarité intrinsèque, qui se nourrissait des sciences sociales (géographie,
sociologie, histoire et philosophie) et des sciences physiques ; quant à sa relation avec
l’art, c’était le résultat de sa communion avec l’architecture.311
Les pierres angulaires de l’urbanisme latino-américain, selon les rapporteurs,
étaient l’hygiène, la voirie et l’esthétique. On fondait ainsi une division du travail entre
architectes, ingénieurs, sociologues, géographes, hommes d’État et urbanistes, ce dernier
étant le grand chef d’orchestre de la symphonie urbaine.312 Les sciences sociales, en
309
Françoise Choay. La règle et le modèle. Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme. (Paris :
Éditions du Seuil, 1996), pp. 292, 297-298 ; Laurent Coudroy de Lille. « Ildefonso Cerdá. Connaissance et
reconnaissance d’un urbaniste. » Histoire urbaine, 1, Nº1 (2000) : 169-185.
310
Peter Hall. Cities of Tomorrow : an intellectual history of urban planning and design since 1880. (UK :
Wiley Blackwell, 2014), p. 155 ; Carlos García Velázquez. Teorías e historia de la ciudad contemporánea.
(Barcelona : Gustavo Gili - iBooks, 2016), pp. 32-36, 55 ; Françoise Choay. « L’histoire et la méthode en
urbanisme ». Annales. Économies, sociétés, civilisations. 25ᵉ année, N. 4, (1970), p. 1145 ; Fernández y
Ruiz, “Circulations et ancrage du survey”, pp. 81-98 ; Le Corbusier. Urbanisme. (Paris : Flammarion,
1994), pp. 9-11.
311
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 223-227.
312
Toutefois, comme l’indiquent les conclusions du CPA27, il est recommandé que ce soit un architecte-
urbaniste qui soit à tête des projets urbanistiques. De toute évidence, dans ce contexte, les deux professions
sont inhérentes l’une à l’autre, leurs limites et leur identité n’étant pas bien établies. John Galen Howard a
- 154 -
particulier la sociologie, ont contribué à prendre conscience du fait que la ville est avant
tout un scénario d’activité humaine et que, en raison de la croissance démographique,
l’ensanche doit répondre à l’objectif de donner plus d’espace aux activités humaines.
Pour les rapporteurs, la ville était une construction sociale, une idée qu’ils ont synthétisée
à partir des contributions aussi bien de Camilo Sitte que de Le Corbusier, idée qui aurait
certainement scandalisé ce dernier313.
L’instrument par excellence de l’urbanisme latino-américain était le plan
d’aménagement. Fruit de l’interdisciplinarité, il a été conçu pour éliminer
l’individualisme qui avait guidé la création et la croissance des villes. Les participants
des congrès ont accusé le « latifundisme » d’avoir tiré profit de la construction des villes
et à l’architecte dit « individualiste » d’avoir synthétisé une image urbaine dissonante. Le
plan d’aménagement viendrait corriger cette tendance et coordonnerait la croissance
urbaine à partir d’une vision collective motivée, non plus à partir du « latifundio » ou de
l’atelier de l’architecte isolé, mais par la municipalité et par l’État. Le modèle de ville
dont les participants rêvaient était éminemment social, empruntant quelques traits du
modèle des « centres civiques » étatsuniens.314
La commission IV « L’urbanisme et le logement populaire » du CPV39 de 1939 a
débattu la proposition de Benito J. Carrasco qui a donné continuité au plan
d’aménagement. Carrasco a qualifié d'« urbanisme intégral » celui qui intègre l’utilisation
du « zonización » (zonage), le terrain rationnel, la distribution des espaces verts, la voirie,
les conditions d’hygiène et l’environnement.315 Encore une fois, cela n’était possible que
par le plan d’aménagement, qui a été défini comme :
« ... plans de prévoyance, qui prévoient le développement général d’une ville dans
un délai de 30 ou 40 ans, de sorte que... ces besoins d’expansion soient assurés,
exécutant alors toutes ces mesures, pour empêcher non seulement la division
inadéquate des terrains, mais aussi pour empêcher la spéculation. »316
défendu la thèse selon laquelle l’architecte devait être le grand coordinateur des travaux d’urbanisme, même
si ce sont souvent les ingénieurs qui ont élaboré les plans urbains les plus reconnus au niveau mondial,
comme celui de Washington D.C. ou de Paris. SCA, III Congreso Panamericano, pp. 230, 239-240.
313
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 224, 226 ; Le Corbusier, Urbanisme, pp. III, 9 y 10.
314
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 226, 228-229.
315
Ministerio de Relaciones Exteriores y Culto de Argentina (MRREE-A). Primer Congreso
Panamericano de la Vivienda Popular. Actas y trabajos. Tomo 1. 2 al 7 de octubre de 1939. (Buenos Aires
: Talleres Gráficos del Ministerio de Obras Públicas, 1940), p. 487.
316
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 489.
- 155 -
Le plan d’aménagement devait être accompagné d’une législation ou de
règlements, qu’ils appelaient le « dossier urbain » qui, ensemble, empêcheraient
l’utilisation irrationnelle du sol urbain.317 Bien qu’il y ait eu un consensus au cours des
discussions du comité sur l’importance et l’obligation du plan d’aménagement, il y a eu
de vives discussions sur les limites de l’initiative privée en faveur du « bien commun ».
Le plan d’aménagement devait être déclaré « d’utilité publique », car, sans lui, les villes
s’étendraient sans aucun contrôle ni commodité et, pour atteindre ce but, il était essentiel
d'« éduquer » l’opinion publique sur ses objectifs. D’autre part, pour Carrasco,
l’utilisation des recensements et des statistiques pour planifier les villes, considérées
comme les pierres angulaires de « l’urbanisme moderne », était essentielle. En outre,
Angel Guido a rappelé l’importance pour l’urbaniste d’être conscient des particularités
de la société pour laquelle il travaille, ce qui témoigne du lien étroit entre l’urbanisme et
les sciences sociales.318 Ces thèmes sont également abordés dans les CPA-4 et CPA-5.319
Dans le CPA47, le rôle central de l’architecte dans l’ensemble du travail de
planification des villes est à nouveau reconnu, car l’urbanisme est « l’expression la plus
large de l’architecture ».320 Cela posait des défis dans la formation professionnelle, à
laquelle je ferai référence plus loin. Par ailleurs, le rôle du plan d’aménagement a été
renforcé : une dimension sociale y a été ajoutée en établissant au centre de tout travail de
planification l’unité de voisinage, modèle de logement urbain et communautaire
synthétisé depuis les années 1920. Le plan d’aménagement a été pensé à partir de l’utilité
publique et toute action urbanistique, publique ou privée, devait être soumise à ses lignes
directrices.321
En résumé, les CPA et le CPV ont conçu l’urbanisme comme une science-art
interdisciplinaire qui a fait appel aux sciences sociales et physiques pour donner un sens
d’organisation, d’harmonie et d’ordre à l’activité humaine.322 Toutefois, dans le souci de
317
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 489.
318
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, pp. 73, 490-491, 500, 502.
319
Ana Patricia Montoya Pino. « Las unidades vecinales en América Latina - 1930-1970. Política, bienestar
y vivienda como proyecto moderno. » (Tesis de doctorado en Arte y Arquitectura - Universidad Nacional
de Colombia, 2014), p. 139.
320
Ana Patricia Montoya souligne que l’architecte a obtenu une double fonction : être le médiateur entre
les idées internationales, ses idées et le savoir-faire local. Et, d’autre part, il devait l’être aussi entre sa
profession et les institutions publiques. Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 17.
321
Oficial. Actas del VIº Congreso Panamericano de Arquitectos. Lima 15 de octubre de 1947. Cuzco 25
de octubre de 1947. (Lima, Perú: Imprenta Santa María, 1953), pp. 185-187; Montoya Pino, « Las unidades
vecinales en América… », pp. 26, 137.
322
Dans d’autres domaines, la discussion sur la nature et les fonctions de l’urbanisme a également eu lieu.
L’un des cas les plus emblématiques fut la publication, en 1940, du Manuel d’urbanisme de Karl Brunner,
- 156 -
limiter ou de réglementer l’initiative privée, qui est à l’origine de la mauvaise organisation
des villes jusqu’alors, le plan d’aménagement s’est vu confier une mission d’utilité
publique et sociale basée sur deux modèles urbains: les centres civiques et les unités de
voisinage. Les CPA et le CPV, à travers de multiples débats, ont ainsi conclu que l’État
était tenu d’avoir une plus grande importance dans la planification des villes latino-
américaines.
Au cours du CPA27, les délégués ont réfléchi à plusieurs reprises au rôle des
municipalités et de l’État dans le développement urbain. En ce qui concerne les premières,
celles-ci devaient élaborer et gérer leurs plans d’aménagements, tandis que l’État devait
émettre les lois et règlements nécessaires pour coordonner ce travail au niveau national.
Cela a été justifié par le fait que l’intérêt social devait primer sur l’individu, ce dernier
étant responsable de la croissance désordonnée des villes et du renchérissement des
services publics tels que l’éclairage, l’hygiène, le pavage, les égouts et la police.323
Ce congrès a également fait les premiers pas vers la reconnaissance du bien-être
social comme l’un des principes directeurs de l’urbanisme. Coppola, dans son exposé
précité, a reconnu ce qui suit :
« Pour le deuxième principe [l’élargissement urbain], l’éminent [Léon] Jaussely
nous assure que pour un bien-être social abordable pour tous et le désir de
rapprochement entre la vie naturelle et la vie urbaine, ce sont les plantations
urbaines et privées. Non seulement il souhaite que l’ouvrier ait son petit jardin-
verger, mais également que les promenades publiques et les parcs soient nombreux
et se multiplient chaque jour. »324
où il s’est efforcé de hiérarchiser les objectifs de cette « science », la première étant l’amélioration culturelle
et l’hygiène, suivie de ses problèmes techniques et enfin de l’aspect artistique-esthétique. Almandoz,
Modernización urbana, p. 238.
323
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 229-230, 236-237.
324
« Para el segundo principio [el ensanchamiento urbano], el eminente [León] Jaussely nos asegura que
para el bienestar social asequible a todos y el anhelo de la aproximación entre la vida natural y la urbana,
son las plantaciones urbanas y privadas. No solamente desea que el obrero tenga su pequeño jardín-huerto,
sino que los paseos públicos y parques sean numerosos y se multipliquen cada día. » SCA, III Congreso
Panamericano, p. 226. Traduction libre. Sur Leon Jaussely, voir : Beatriz Fernández Águeda. « León
Jaussely et le plan de liasions de Barcelone. Vers un urbanisme scientifique. » Inventer le Grand Paris.
Relectures des travaux de la Commission d’extension de Paris. Rapport et concours 1911-1919. Actes du
colloque des 5 et 6 décembre 2013, Corinne Jacquand, Florence Bourillon, Frédéric Bertrand (eds) (Paris :
Cité de l’Architecture et du Patrimoine Paris, Bordeaux, éditions Biére, 2016), pp. 333-354.
- 157 -
De toute évidence, cette notion de bien-être social a pris racine dans les principes
d’hygiène, tout en reconnaissant l’importance de l’environnement par rapport au
logement,325 qui affectait invariablement la manière dont l’État et les municipalités
devaient aborder le problème du logement social.326 L’événement où l’un des débats les
plus importants en la matière a eu lieu, c’est au CPV39. Le discours de Luciano
Kulczewky est révélateur à cet égard car :
« L’intérêt social est un point fondamental. L’État, la société entière, doit apporter
ses contributions, accorder dans ses budgets une somme annuelle pour la solution
du problème [du logement], soit en construisant directement, soit en finançant les
investissements d’entités particulières, de communes, de la Caisse [d’assurance
de l’ouvrier], etc. »327
325
En 1932, Wladimiro Acosta réfléchit à la relation biologique entre le logement et l’environnement
comme suit : « le problème biologique est défini par la réponse à l’hygiène, au climat et aux influences sur
l’homme, l’environnement dans lequel vit les conditions de vie et l’activité humaine contemporaine, où les
facteurs économiques, malgré leur importance, doivent être subordonnés aux facteurs biologiques et
sociaux qui définissent le logement à caractère civil. » Montoya Pino, « Las unidades vecinales… », p. 20.
Au CPV39, les propositions visant à établir des vergers individuels dans les logements ont été débattues.
Bien que cette thèse ait été la gagnante, Wladimiro Acosta a souligné que les modèles coopératifs devaient
plutôt être poussés car ceux-ci fournissaient les moyens les plus réalistes de doter les pays de « la richesse
et le progrès ». MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, pp. 507-511.
326
Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos, pp. 47-50, 59-66.
327
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 69 ; SCA, III Congreso Panamericano, p. 223.
- 158 -
strictement interdit de faire toute sorte de construction. La zone d’un tel autre, déjà
construite, se déclare, pour des raisons d’utilité publique, susceptible
d’exproprier... C’est une preuve que lorsqu’il y a une autorité sanitaire soutenue
par un gouvernement qui est prêt à le faire, des sanctions comme celle-ci peuvent
être obtenues. »328
328
« Soy médico, pero formo parte de la comisión de turismo de la ciudad de Jujuy. Se trataba de evitar que
se hicieran barriadas de ranchos al lado de la ciudad: había una ordenanza municipal que lo prohibía, pero
era de esas ordenanzas que no se cumplen… Entonces, fui al Poder Ejecutivo y dije que parecía que en la
municipalidad, por intereses creados, por amistades o por intereses de familia propios de las ciudades
chicas, no se cumplían las ordenanzas… Convinimos con el gobernador en hacer una ley… y que dice
terminantemente: en la zona de tal a tal punto, está terminantemente prohibido hacer toda clase de
edificación. La zona de tal a tal otro, que ya está edificada, se declara, por razones de utilidad pública,
expropiable… Esta es una prueba que cuando hay una autoridad sanitaria respaldada por un gobierno
dispuesto a hacer, se pueden conseguir sanciones como ésta. » MRREE-A, Primer Congreso
Panamericano, p. 493. Traduction libre.
329
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 505.
330
Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos, pp. 49, 53, 58, 61 ; MRREE-A, Primer
Congreso Panamericano, p. 476-477 ; Archive General de l’Université national de Colombie (ci-après
AGUNAL). Fond CINVA, Boîte 53, Eric Carlson. Monografías básicas de documentación sobre la
vivienda en América Latina. A. Resúmenes cronológicos de legislación sobre vivienda. (Bogotá, Colombia:
Servicio de Intercambio Científico y Documentación – CINVA, 1959).
- 159 -
concept de « logement minimal » impliquait « un rendement maximal avec un coût
minimal, une plus grande ampleur dans un espace plus réduit ».331
Pour y parvenir les délégués au CPV39 proposèrent, entre autres facteurs,
l’utilisation de la construction standardisée et industrialisée, dotant ce type de logement
d’une superficie minimale à la portée des travailleurs.332 Bien qu’il ne s’agisse pas d’un
rejet des typologies multifamiliales, la construction horizontale, entourée de jardins et de
vergers, a été principalement recommandée parce qu’elle répondait davantage aux
particularités latino-américaines. En ce qui concerne l’accès aux terres, les
gouvernements ont été invités à mettre en place des politiques de réserves foncières pour
se protéger de la spéculation.333 Au CPA47, ces préoccupations sont à nouveau discutées,
mais cette fois-ci en recommandant le modèle d’unité de voisinage comme réponse au
problème du logement et comme vecteur du bien-être social.334
L’intervention de l’État et le renforcement des communes ont ainsi été justifiés
sur la prémisse de l’« intérêt social » du logement et de l’urbanisme. De toute évidence,
les relations entre les municipalités et les États devaient être fondées sur un système de
contrepoids et de travail en commun, de sorte que la législation et les réglementations
urbaines soient respectées tant au niveau local que national. Le plan d’aménagement
pourrait s’accompagner d’autres réglementations renforçant le bien-être social et, sur
cette base, le modèle d’unité de voisinage a été proposé en raison de son approche
communautaire et coopérative, caractéristiques qui seront analysées ultérieurement.
331
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 500 ; Montoya Pino, « Las unidades vecinales en
América », p. 21.
332
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, pp. 70-71.
333
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, pp. 506, 631, 720-723.
334
Oficial. Actas del VIº Congreso, pp. 187-189.
335
Cela était plausible dans l’article 2º du règlement du CPA27 qui a déclaré, dans son quatrième point
« Promouvoir les échanges intellectuels en vue de créer et de maintenir des liens de solidarité entre les
architectes, les associations professionnelles et les établissements d’enseignement des nations d’Amérique.
SCA, III Congreso Panamericano, p. 17. Je souligne.
- 160 -
d’enseignement régional qui encouragerait l’exercice pratique et critique des architectes,
considéré, à ce moment-là, comme très académique et étranger à la réalité latino-
américaine.336
Bien que cette thématique n’ait pas été reprise dans le CPA27, plusieurs délégués
ont proposé, au CPV39, quelques orientations qu’ils ont appelées « Institut panaméricain
du logement », réinterprétant leurs travaux en fonction de l’« intérêt social » du logement.
Teófilo Herrán a souligné que cette entité devrait être :
« …un complément à ce travail [des instituts nationaux], pour éviter que
l’expérience d’un pays ne soit exploitée (sic) par un seul. Une commission est donc
créée et elle servira à échanger des idées, des résultats, de l’expérience. Il s’agirait
simplement d’une commission qui centraliserait l’expérience de tous ces instituts
nationaux du logement. »337
336
Curieusement, le siège proposé pour le Centre panaméricain de perfectionnement des architectes était le
quartier Saint-Germain de Paris. Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos, p. 9.
337
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, p. 479 ; Montoya Pino, « Las unidades vecinales », p.
139.
338
Oficial. Actas del VIº Congreso, pp. 189-190.
339
Oficial. Actas del VIº Congreso, p. 190.
- 161 -
Par ailleurs, les CPA et les CPV ont convenu que l’architecte devait être le
protagoniste du changement urbain. Cela partait du principe que la composition d’un plan
urbain était une tâche éminemment esthétique et que l’architecte, étant un esthète, était
chargé de diriger les équipes de travail interdisciplinaires. Il a été envisagé que, tout
comme l’architecte ne pouvait pas envahir les tâches d’un autre domaine professionnel,
les villes ne devaient pas non plus être confiées à des personnes mal préparées à ce sujet.
On a ainsi reconnu la prépondérance de cette profession sur les autres et le caractère
subordonné de l’urbaniste.340
Que devait contenir la formation de l’architecte pour remplir cette commission ?
Au cours du CPA27, la priorité fut que les programmes d’études réduisent la théorie de
l’architecture au minimum indispensable et qu’ils intègrent davantage d’exercices
pratiques qui rapprocheraient les étudiants de la réalité latino-américaine, s’éloignant
donc de la tradition érudite qui régnait jusqu’alors. Pour ouvrir la porte à cette
méthodologie, les matières devaient être enseignées par des architectes. En outre, la
priorité devait être donnée à l’arpentage, à la géométrie, aux installations sanitaires,
électriques, au chauffage, à l’urbanisme et à l’introduction de l’anglais et de l’allemand.
Toutes ces propositions avaient pour but, en partie, de déplacer progressivement le
modèle des beaux-arts comme grande référence de l’architecture latino-américaine et
d’ouvrir la porte à de nouvelles techniques, styles et méthodologies provenant des États-
Unis, d’Angleterre et d’Allemagne.341
La réforme de l’enseignement de l’architecture et de l’urbanisme passait d’abord
par l’établissement de facultés et de cours dans les pays d’Amérique latine, un avis qui
avait été donné lors des éditions précédentes des CPA. Le CPA47 a recommandé que les
écoles d’architecture américaines intensifient l’enseignement pratique, la sensibilité au
contexte local et l’utilisation de matériaux et de systèmes de construction propres à la
région. Le renouvellement académique proviendrait de l’encouragement à la recherche,
de la proposition de nouvelles méthodes et, surtout, du partage de ces informations avec
les institutions d’urbanisme et de logement afin de trouver les « solutions scientifiques »
les plus appropriées à la réalité de chaque pays.342
340
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 222, 226, 229-230, 232, 243 ; Oficial. Actas del VIº Congreso,
pp. 187-188.
341
SCA, III Congreso Panamericano de Arquitectos, p. 222.
342
Oficial. Actas del VIº Congreso, pp. 187-188.
- 162 -
Les CPA et le CPV analysés se sont focalisés dans la délimitation des rôles de
l’architecte dans l’organisation des villes. Pour cela, ils se sont interrogés sur la structure
des programmes d’études en vigueur en concluant que leur caractère académique
influençait la sensibilité des étudiants et des futurs professionnels quant aux aspects
socioculturels des sociétés latino-américaines, qui devaient non seulement guider la
conception des bâtiments, mais également leur manière de dialoguer comme un ensemble.
L’enseignement pratique a donc été fortement invité à rompre avec l’héritage du modèle
des beaux-arts. La réforme de ces programmes d’études, la création de nouvelles facultés
ou écoles d’architecture et la création des instituts nationaux et interaméricains de
logement et d’urbanisme viseraient, selon les délégués, à moderniser les villes et à mettre
à jour les savoirs qui seraient utilisés par les pays américains.
L’analyse préalable amène à la question suivante : ces préoccupations étaient-elles
exclusives au panaméricanisme ? Les données disponibles indiquent que l’ordre du jour
de ces événements a répondu à des questions d’envergure mondiale et qu’ils ont été
discutés en parallèle dans d’autres forums internationaux. La section suivante examinera,
à partir des cas de la Fédération internationale du logement et de l’urbanisme (IFHTP),
des Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) et de l’UNESCO, comment
ces problèmes ont été abordés et comment ils ont été mis à jour par la coopération entre
ces trois entités selon les principes de la mondialisation solidaire.
- 163 -
politiques publiques par divers gouvernements populistes dans le cadre de leurs
programmes politiques afin d’obtenir le soutien de leurs électorats.343
Ce qui a été exploré lors d’événements panaméricains a été l’expression régionale
d’une discussion mondiale qui se déroulait dans des espaces multiples. L’un d’eux était
l’UNESCO. Héritière de l’Organisation internationale de coopération intellectuelle
(OICI), cette agence spécialisée des Nations Unies a été créée en 1945 dans le but de
promouvoir la coopération internationale dans les domaines de la culture, de l’éducation
et de la science.344 Très rapidement, certaines associations liées au problème de
l’urbanisme et du logement frappent à la porte de l’UNESCO pour qu’elle devienne leur
porte-parole. Deux d’entre elles étaient la Fédération internationale du logement et de
l’urbanisme (IFHTP) et les Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM).345
La sélection de ces cas n’est pas due au hasard: bien qu’il s’agisse d’associations
aux approches différentes et concurrentes, les deux ont affiché, à travers leurs congrès et
leurs acteurs, des préoccupations semblables à celles abordées dans les CPA et les CPV
au cours de la même période, mais appliquées à une échelle différente: l’échelle
globale.346 D’autre part, ces associations nous permettent de nous rapprocher des
stratégies qu’elles ont utilisées, tout comme celles employées par l’UNESCO, afin
d’établir une coopération durable dans le temps et définir leurs responsabilités mutuelles
à un moment où les partenariats internationaux ont subi un affaiblissement de leurs
structures internes. Ceci nous permet également d’analyser comment l’UNESCO a
constitué sa position face au problème du logement et de l’urbanisme dans le cadre de la
mondialisation solidaire.
343
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 99.
344
ONU, Asistencia técnica para el desarrollo económico, p. 26.
345
Chloé Maurel. « L’Unesco : une plateforme pour les circulations transnationales de savoirs et idées
(1945-1980) », Histoire Politique 2011/3 (nº 15), p. 42-59. Consulté le 10 juillet 2018. DOI :
10.3917/hp.015.0042
346
L’une des différences les plus importantes entre l’IFHTP et les CIAM a été l’ampleur spatiale de
l’urbanisme. Alors que la première s’inclina vers les techniques d’urbanisme et d’aménagement du
territoire, les CIAM ont davantage poussé l’urbanisme comme expression locale. En Amérique latine,
comme le souligne Almandoz, l’élection entre ces deux perspectives façonnera la transition de l’urbanisme
à la planification urbaine à partir des années 1950. Almandoz, Modernization, Urbanization and
Development, p. 108.
- 164 -
a) L’épuisement de l’« internationale urbaine ».
La rencontre entre l’UNESCO, l’IFHTP et les CIAM s’explique, entre autres, par
les difficultés rencontrées par ces associations pour convaincre les gouvernements
d’utiliser leurs modèles et recommandations. Phillip Wagner a noté dans un article récent
que c’était l’un des indicateurs de l’épuisement de ce qu’il a appelé l’« internationale
urbaine », dynamique qui avait pour but la circulation mondiale des normes de
cartographie, des termes et des symboles destinées à faciliter le travail des urbanistes. Ces
obstacles étaient, selon Wagner, l’eurocentrisme marqué, la difficulté d’adapter des
modèles et des instruments à des réalités et sociétés diverses, l’idéologie « trop libérale »
qui a provoqué de sérieuses controverses parmi les membres proches du communisme,
du socialisme et de l’anarchisme et, enfin, la barrière de la langue.347
L’IFHTP était l’une des plus anciennes associations internationales liées à
l’urbanisme. Fondée par Ebenezer Howard en 1899, elle s’est d’abord concentrée sur la
diffusion et la popularisation du modèle de la ville-jardin. Dix ans plus tard, après avoir
consolidé la banlieue-jardin au détriment du modèle original d’Howard, la direction a
adopté un nouveau nom, Garden Cities and Town Planning Association, et, par
conséquent, elle a promu ce modèle alternatif, qui divisa ses membres. En 1926, elle
adopte le nom d’IFHTP et promeut fortement son propre mouvement transnational
d’idées pendant l’entre-deux-guerres.348
Quant aux CIAM, ils ont vu le jour en 1928 ; parmi eux, celui d’Athènes constituait
l’un de leurs piliers fondamentaux. La Charte dite d’Athènes, rédigée en 1933 mais
publiée dix ans plus tard, a rassemblé en 95 principes ce qu’ils considéraient « la gérance
de la ville rationnelle ». Elle a placé au centre de tout plan urbanistique le logement social,
qui devait être garanti par un État fort qui puisse empêcher les bureaux privés, dont
certains étaient proches du marché de l’immobilier, d’élaborer les plans d’aménagements.
Ces instruments appliqueraient un zonage strict, basé sur les quatre activités primaires de
l’être humain : habiter, travailler, reposer et circuler, celles-ci étant liées à l’instar d’une
machine ou organisme vivant. Les CIAM ont misé sur l’universalisation de leur modèle
de ville, la Ville Radieuse, basée sur la verticalité, l’industrialisation et la circulation des
347
Phillip Wagner. « Facilitating planning communication across borders : The International Federation for
Housing and Town Planning in the interwar period. » Planning Perspectives, 31 :2 (2016) : pp. 299-311.
348
Hall, Cities of Tomorrow, pp. 112-115.
- 165 -
voitures. Cependant, leur proposition favorisait la ségrégation sociale et, tout en niant la
composante culturelle des sociétés, elle devenait extrêmement inflexible.349
Ces deux associations avaient atteint leurs conquêtes et subi leurs échecs pendant
l’entre-deux-guerres, mais l’un de leurs talons d’Achille était leur difficulté à convaincre
les gouvernements internationaux d’adopter leurs modèles de ville. C’est ce qu’a dit E.
Rolfsen, délégué de Norvège à la réunion d’experts convoquée par l’IFHTP le 8 juin 1947
à la Maison de l’UNESCO :
« M. ROLFSEN fait remarquer que l’une des grandes difficultés auxquelles se
heurtent les organisations privées est de faire accepter leurs recommandations par
les gouvernements, et il demande si l’Unesco dispose de moyens afin de donner
du poids à leurs recommandations, d’exercer en quelque sorte une pression auprès
des organismes gouvernementaux. »350
349
García, Teorías e historia de la ciudad, pp. 53-54, 81, 93-94 ; Hall, Cities of Tomorrow, p. 244.
350
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, « Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part » 8 juin 1947, p. 6.
351
AHUNESCO, 71 A OI ICMA Intl. Congresses for Modern Architecture, Charles S. Ascher,
« Architecture and Town Planning », X.R. 6495, 1 April, 1948.
352
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, « Lettre de H. Fraser-
Campbell à Arvid Brodersen », 29 avril 1947, s.n.p.; « Mémorandum de Arvid Brodersen au Directeur
General », 20 mai 1947, s.n.f.; « Invitation », 21 mai 1947, s.n.p.
353
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, « Conference of Experts on
Home and Community Planning », First part, 8 de junio de 1947, p. 3.
- 166 -
Comme on peut le constater, ces préoccupations n’étaient pas différentes de celles
débattues lors des congrès panaméricains d’architecture. Les sources disponibles
suggèrent qu’au sein de l’UNESCO il y a eu un mouvement visant l’intégration de
l’urbanisme et de l’architecture dans son programme. À cet égard, Charles S. Ascher
« … tient à préciser une fois de plus que l’Unesco s’intéresse aux arts, aux lettres
et aux humanités car ils sont susceptibles d’élever le niveau de compréhension
international ; que l’urbanisme et l’architecture trouvent une place légitime parmi
ses agents éducateurs est une idée chère au Directeur général depuis
longtemps… »354
354
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, « Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part » 8 de junio de 1947, p. 7.
355
Cependant, également au congrès de Bergame, Berto Lardera a indiqué que la Troisième Commission
avait eu des débats extrêmement violents sur la synthèse entre architecture et arts plastiques. Selon Lardera,
il s’agissait du « problème le plus grave de l’architecture de notre temps », suggérant ainsi que l’intégration
des thèmes sociaux et économiques dans le métier de l’architecture avait un tableau difficile au sein du
CIAM et même, au sein même de l’UNESCO. AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern
Architecture, MEMO ALA/193 Berto Lardera “RAPPORT SUR LE 7ème CONGRESS DE C.I.A.M.” 30
Août 1949, pp. 2-3. Eric Mumford a démontré que le CIAM 7 était l’événement où la crise de ce
groupement a pris conscience, en raison de sa difficulté à s’approprier des tendances plus sociales et
intégrées dans l’architecture moderne. Eric Mumford. The CIAM discourse on urbanism, 1928-1960.
(Cambridge, Massachussets: MIT Press, 2000)
356
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part” 8 de junio de 1947, pp. 1-2.
357
Le groupe MARS a été fondé par Samuel Giedion en 1938. Après la Seconde Guerre mondiale, il est
devenu l’un des vecteurs du modèle « New Towns ». Hall, Cities of Tomorrow, pp. 253-255.
- 167 -
nouvelles lois et, bien sûr, assurer un engagement plus conséquent de la part de l’État. Ce
dernier point a également été recommandé par l’IFHTP deux ans auparavant.358
Par ailleurs, l’IFHTP et les CIAM ont convenu que l’éducation transcendait la
formation professionnelle des architectes et des urbanistes et devait atteindre les
gouvernements et le grand public. Jaqueline Tyrwitt a démontré que le travail des
associations privées, même de la taille du CIAM, était insuffisant pour parvenir à diffuser
l’importance de l’urbanisme et du logement social à l’ensemble de la société, du fait que
ces associations représentaient des intérêts limités et n’avaient aucune autorité
internationale. Le travail devait se faire à plusieurs niveaux : au niveau national, qui était
la responsabilité de l’État ; au niveau international, par l’intermédiaire d’organismes
multilatéraux et de leurs organes consultatifs qui apporteraient leur soutien.359
En 1949, la Sixième Commission du CIAM à Bergame a fait écho à une
préoccupation similaire à celle exprimée par Rolfsen en 1947 et s’est engagée à :
« … stimuler “une campagne d’information, d’enseignement, d’instruction, et
d’éducation à l’échelle internationale et dans le cadre d’un organisme apte à
entreprendre cette campagne”, l’Unesco par exemple, afin de toucher “l’autorité
mal e insuffisamment informée, et pour réaliser des formes d’urbanisme dans
lesquelles l’homme retrouve les raisons et les possibilités de son existence. »360
358
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, MEMO ALA/193 Berto
Lardera “RAPPORT SUR LE 7ème CONGRESS DE C.I.A.M.” 30 Août 1949, pp. 3-4; AHUNESCO, 71
A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on Home and Community
Planning, First part, 8 juin 1947, p. 8.
359
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning, First part, 8 juin 1947, p. 7; AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for
Housing and Town Planning, “Conference of Experts on Home and Community Planning – Second part”
8 juin 1947, pp. 2-3.
360
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, MEMO ALA/193 Berto
Lardera “RAPPORT SUR LE 7ème CONGRESS DE C.I.A.M.” 30 Août 1949, p. 3.
- 168 -
Cependant, dans les CIAM, le nord n’était pas tout à fait clair. Si plusieurs
commissions du congrès de Bergame avaient reconnu la valeur des aspects sociaux,
économiques et politiques dans la formation des architectes et des urbanistes, sa
Troisième Commission a conclu que les programmes d’enseignement devaient renforcer
« la culture humaniste » par les liens entre l’art et le progrès technique.361 D’autres
domaines d’action susceptibles d’être renforcés par l’UNESCO ont été l’organisation
d’expositions itinérantes, l’utilisation des médias pour diffuser les principes de
l’urbanisme, la création et/ou le renforcement de bibliothèques et le maintien d’un service
d’information.362
En résumé, bien que l’on puisse observer certaines divergences quant à l’approche
de l’éducation pour les architectes et les urbanistes, les préoccupations exprimées par
l’IFHTP et les CIAM ont pour la plupart coïncidé avec les thèmes qui ont été discutés, à
peu près au même moment, dans le cadre du panaméricanisme. En outre, l’établissement
d’alliances entre les associations ou solliciter l’UNESCO pour qu’elle serve de plate-
forme pour renouveler et renforcer leur travail sont des indicateurs de la transition de
l’internationalisme vers la mondialisation solidaire. La nouvelle gouvernance mondiale
visait à atteindre un public plus large par l’éducation, mais qu’en pensait l’UNESCO ?
361
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part” 8 juin 1947, p. 3; AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl.
Congresses for Modern Architecture, MEMO ALA/193 Berto Lardera “RAPPORT SUR LE 7ème
CONGRESS DE C.I.A.M.” 30 Août 1949, p. 4.
362
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning, First part, 8 juin 1947, p. 4; AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for
Housing and Town Planning, “Conference of Experts on Home and Community Planning – Second part”
8 juin 1947, pp 6-7.
- 169 -
l’Unesco ne diminuerait en rien l’importance du rôle de la Fédération, car l’Unesco
ne saurait épuiser tous les aspects du problème. »363
363
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part” 8 juin 1947, p. 5. Je souligne.
364
United Nations. Technical Assistance for Economic Development. Plan for an expanded co-operative
programme through the United Nations and the specialized agencies. (Lake Success, New York: United
Nations, 1949), p. 212.
365
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “Conference of Experts on
Home and Community Planning – Second part” 8 juin 1947, p. 10.
- 170 -
jusqu’aux proportions des volumes les plus menacées ; l’Unesco se doit de veiller
à son enseignement comme à sa diffusion par le monde. »366
Pour atteindre cet objectif, l’UNESCO a structuré son plan de travail comme suit :
1. Devenir un centre de regroupement des associations internationales
d’urbanisme afin que, avec leur soutien, les portées de l’urbanisme puissent être
popularisées, ce qui élève non seulement le niveau culturel, mais aussi le niveau de
vie des sociétés.
2. Devenir un centre de liaison entre les associations internationales
d’urbanisme et le reste de l’ONU, car si l’UNESCO s’occupait de l’aspect culturel,
d’autres comme l’ECOSOC pouvaient apporter des contributions statistiques ou
législatives. L’UNESCO deviendrait en outre le référent spécialisé de la
documentation relative à l’urbanisme, de sorte qu’elle serait accessible à tous ceux
qui en auraient besoin.
3. Bien que l’UNESCO ne puisse contraindre les gouvernements à suivre les
recommandations données par les associations internationales, elle pourrait les
exhorter à les suivre par l’intermédiaire de commissions nationales.
4. En matière d’éducation, l’UNESCO contribuerait à renforcer les programmes
de formation des architectes et des urbanistes, y compris dans les aspects
économiques et sociaux, tout en renforçant les programmes d’échange pour les
étudiants.367
366
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “L’UNESCO ET
L’URBANISME”, pp. 3-4.
367
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, “L’UNESCO ET
L’URBANISME”, pp. 1-3.
- 171 -
domaines et de constituer un réseau transnational de professionnels instruits et à jour qui
travailleraient selon les lignes de la mondialisation solidaire.
Le 6 novembre 1947, l’UNESCO a tenu sa deuxième conférence générale au
Mexique, où elle proposerait ce plan. Pour cet événement, l’IFHTP a désigné Paul de
Vissher comme son premier représentant.368 Toutefois, les informations disponibles
révèlent qu’une telle proposition n’a pas abouti puisque, selon la Conférence du
Mexique :
« … estimant que ces problèmes n’entraient pas directement dans la compétence
de l’Unesco, n’a pas approuvé les résolutions qui lui ont été présentées, et depuis
lors l’urbanisme a complètement disparu de notre programme. Je ne sais pas dans
quelle mesure le département des Sciences Sociales pourrait dans l’avenir
réintroduire dans ces plans la question de l’urbanisme. »369
368
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, André de Blonay « Lettres
aux M. Lesoir et M. Vinck », XR/I4 953, 16 septembre 1947; A. Gabriellson, « Lettre à André de Blonay »
28 octobre 1947.
369
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, Jean Thomas, « Congrès
Internationaux d’Architecture Moderne » 2646/ADGO/JT.FA, 17 mars 1949, p. 2.
370
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, Charles S. Ascher,
« Architecture and Town Planning », X.R. 6495, 1 April, 1948 ; AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl.
Congresses for Modern Architecture, André de Blonay, « International Non-Governmental and Semi-
Governmental Organisations proposed for consultations arrangements », XR/Note/03087, 20 avril 1948 ;
- 172 -
rapprochement, Le Corbusier, Giedion et Syrkus ont invité l’UNESCO à participer au
Congrès de Bergame de 1949, en qualité d’observateur.371 Cette pratique doit être
considérée comme l’une des stratégies utilisées aussi bien par les associations que par les
organismes internationaux pour établir une éventuelle relation à long terme, comme cela
a été clairement indiqué lors de la planification du Congrès de l’IFHTP de 1947.372
Lors du Congrès de Bergame, les CIAM ont proposé un plan préliminaire de
collaboration en partenariat avec l’UNESCO, qui conservait son rôle d’espace de
prédilection pour la circulation des savoirs de l’urbanisme entre techniciens et institutions
du monde entier et de promoteur d’expositions publiques présentant la relation entre art
et architecture. Ce plan, bien sûr, a obéi aux intérêts propres des CIAM puisqu’il a donné
la priorité à la circulation de la Charte d’Athènes, en écartant d’autres modèles ou
propositions alternatives qui avaient été envisagés dans la proposition de l’UNESCO de
1947. Il révèle en outre que la priorité pour les CIAM restait la « synthèse entre art et
architecture », comme en témoignent les discussions des Deuxième et Troisième
Commissions.373
Entre 1949 et 1950, les CIAM ont obtenu le statut d’organe consultatif de
l’UNESCO, ce qui a entraîné la réintégration de l’urbanisme dans le programme de cette
agence de l’ONU.374 Cet aspect a notamment décrit un programme alternatif à celui
proposé par l’ECOSOC dans le cadre de ses programmes d’assistance technique et qui
s’est concrétisé, à son tour, dans la manière dont les séminaires internationaux
d’urbanisme organisés à Bangkok en 1956 et au Chili en 1959 ont été organisés. Ce
dernier, pour le domaine latino-américain, a renforcé les thèses de développement de la
CEPALC qui ont ensuite été critiquées par des académiques comme Jorge Hardoy.375
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, Edward J. Carter, « Presence
of CIAM in the list of NGOs recognized by Unesco », LBA Memo 130, 26 avril 1948.
371
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, Le Corbusier, Giedion y
Syrkus, “Invitation au VII CIAM”, 9 mars 1949.
372
AHUNESCO, 71 A OI I.F.H.T.P Int. Fed. for Housing and Town Planning, « CONGRESS OF THE
“UNION DES VILLES” », p. 2.
373
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, MEMO ALA/193 Berto
Lardera « RAPPORT SUR LE 7ème CONGRESS DE C.I.A.M. » 30 Août 1949, p. 4.
374
AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, André de Blonay
“Association internationale : « Les Congrès internationaux d’Architecture moderne », XR/NGO/134183,
12 decembre1949 ; AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A. Intl. Congresses for Modern Architecture, Le
Corbusier, « Lettre au Directeur General Torres Bodet », 5 mai 1950 ; AHUNESCO, 71 A OI I.C.M.A.
Intl. Congresses for Modern Architecture, Jaime Torres Bodet, « Association internationale : “Les Congrès
internationaux d’Architecture moderne” », XR/NGO/185.254, 26 septembre 1950.
375
Almandoz, Modernization, Urbanization and Development, p. 6.
- 173 -
La période 1945-1950 a encadré un réaménagement des forces entre les organismes
de l’ONU et les associations internationales qui s’efforçaient depuis plusieurs décennies
de mobiliser leurs connaissances et leurs propositions dans le domaine de l’architecture
et de l’urbanisme. D’après Phillip Wagner, l’entre-deux-guerres a rendu plus plausibles
les difficultés rencontrées par des groupements tels que l’IFHTP pour faire circuler les
connaissances de l’urbanisme et permettre aux gouvernements et aux institutions de
suivre à la lettre leurs recommandations. Ces faiblesses ont également été partagées par
les CIAM. La création de l’ONU et l’inauguration de la mondialisation solidaire ont attiré
ces associations vers les organismes multilatéraux pour qu’ils renforcent le processus de
circulation des savoirs, mais aussi pour légitimer les modèles et techniques qu’ils
cherchaient à promouvoir.
Cependant, au sein de l’ONU, le problème de l’urbanisme ne s’est pas limité à un
problème d’éducation, mais a concerné de nombreux aspects sociaux, économiques,
politiques et culturels qui ont fini par faire pencher la balance en faveur des thèses de
développement et, partant, des programmes d’assistance technique. Elle n’était pas seule
non plus, car dans la région latino-américaine, elle partageait ce même objectif avec le
Point IV et l’OEA, ainsi que d’autres sources d’assistance technique qui ont été intégrées
au fil du temps. C’est dans ce cadre que seront analysés les congrès et réunions latino-
américains et leur contribution à la mise en réseau et à un programme régional
d’urbanisme dans les trois chapitres suivants.
Dans ce paysage de transition, le rôle du Costa Rica n’est pas tout à fait clair. S’il
a été constaté au début de ce chapitre que le pays avait participé à trois reprises aux
congrès panaméricains d’architecture, ces connaissances ont-elles pu arriver au Costa
Rica et provoquer un changement dans les politiques de logement social et urbain ?
Comment les délégations qui ont représenté le pays à ces événements ont-elles été
organisées ? Quelle relation les acteurs avaient-ils avec les institutions costaricaines ?
Éventuellement, quels ont été les obstacles qui empêchaient la circulation de savoirs au
Costa Rica ? Ces questions sont essentielles pour comprendre comment, à long terme,
l’État costaricain a interagi dans ces forums spécialisés et quels changements ou
continuités ont été apportés lors de la transition de l’internationalisme à la mondialisation
solidaire.
- 174 -
3. Une internationalisation naissante.
a) La métamorphose de San José.
La transformation urbaine de San José qui s’est produite entre la fin du XIXe siècle
et les premières décennies du XXe siècle n’a pas été un processus isolé des tendances
latino-américaines. La visite de techniciens de sociétés étrangères, la circulation de
publications et de règlements, l’envoi de boursiers à l’étranger et la participation
d’ingénieurs et d’architectes costaricains formés à l’étranger à des projets nationaux ou
municipaux sont des indicateurs d’une internationalisation peu explorée.376 Bien sûr,
l’ampleur et la complexité de ce processus étaient beaucoup plus faibles par rapport aux
cas de Mexico, Buenos Aires, Río de Janeiro ou Bogotá, pour ne citer que quelques cas.
Néanmoins, cela ne doit pas sous-estimer les progrès faits par le Costa Rica afin
d’accorder le changement urbain de sa capitale aux pratiques urbaines modernes dont les
décideurs politiques ont eu connaissance. Florence Quesada, dans ce qui est à mon avis
l’une de ses plus grandes contributions dans ce domaine, a retrouvé les efforts des
ingénieurs Alberto González, Leónidas Carranza, Faustino Montes de Oca et Salomón
Escalante pour doter l’ensanche de la capitale d’un sens « scientifique ». En 1895, pour
atteindre cet objectif, ils ont déclaré ce qui suit :
« La ville de San José, à l’occasion de l’augmentation de sa population, doit
s’élargir dans toutes les directions. Jusqu’à présent, l’ensanche qui a été fait n’a
pas obéi à un plan scientifique et, par conséquent, ses rues et avenues ont des
défauts notables qui enlaidissent son aspect général. Il est donc nécessaire de
prévoir une étude conforme à un plan déterminé qui harmonise les conditions
topographiques avec les exigences de la culture en matière d’hygiène, d’ordre et
de confort. »377
376
Depuis l’histoire de l’architecture costaricaine, des efforts ont été déployés pour analyser ce processus.
L’un des premiers a été Carlos Altezor qui a suivi la carrière de plusieurs architectes nationaux et
internationaux, tels que José Maria Barrantes, José Francisco Salazar et Paul Ehrenberg et leur contribution
au changement urbain de la capitale et de ses villes environnantes. Un autre travail, plus exhaustif, a été
celui de Luis Gonzalez, qui s’est concentré sur le cas de l’architecte d’origine catalane Luis Llach
Llagostera et son parcours dans plusieurs pays d’Amérique latine. Carlos Altezor F. Arquitectura urbana
en Costa Rica : exploración histórica 1900-1950. (Cartago, Costa Rica : Editorial Tecnológica de Costa
Rica, 1986), pp. 157-249 ; Luis Fernando González Escobar. Luis Llach : en busca de las ciudades y la
arquitectura en América. (San José, Costa Rica : EUCR, 2004).
377
« La ciudad de San José con motivo del aumento que se nota en su población, necesita ensancharse en
todas sus direcciones. Hasta la fecha el ensanche que se ha ido haciendo de ella no ha obedecido a un plan
científico y de ahí que sus calles y avenidas tengan defectos notables que afean su aspecto general. Es pues
una necesidad que se disponga hacer un estudio que obedezca a determinado plan en el cual se armonicen
las condiciones topográficas con las exigencias de la cultura en cuanto higiene, ornato y comodidad. »
ANCR, Comptes rendus du Conseil municipal de la ville de San José (Municipal), signatura 11332, 2 de
octubre de 1895, fs. 97-97v. Cité par Quesada, La modernización entre cafetales, p. 90. Traduction libre.
- 175 -
L’utilisation du concept d'ensanche, le désir de donner une valeur scientifique à
l’aménagement urbain, de faire référence à un « plan » et de recourir à l’hygiène comme
guide de ce processus, sont des indices clairs de la présence d’un circuit de connaissances
mondiales de l’urbanisme qui arrivait au Costa Rica. Ce flux n’a cependant pas été assez
fort pour se concrétiser dans une politique publique puisque, comme Quesada l’a
également souligné, le manque de ressources économiques était un argument récurrent de
l’élite politique pour ne pas le faire. A cela doit s’ajouter la décision de la municipalité
de laisser au secteur privé le développement de l’ensanche de la capitale378 et de déléguer
la responsabilité des travaux techniques urbains à des personnes mal préparées.379 Si l’on
considère que l’attitude du « laisser faire » peut être considérée une politique publique, il
faut se questionner sur le rôle des réseaux de clientélisme locaux qui ont donné plus de
priorité à l’initiative privée et qui ont empêché un plan d’aménagement urbain dirigé par
l’Etat de prendre forme. Cela devra être exploré dans des futures recherches. Le résultat
de cette trajectoire s’est matérialisé dans un développement urbain très inégal de San
José.380
À la fin du XIXe siècle et dans les premières décennies du XXe siècle, le moteur
du changement urbain était l’hygiène, considérée comme l’une des meilleures
représentations du « progrès et de la civilisation » émanant des capitales industrielles et
culturelles de l’époque : Londres et Paris.381 L’État costaricain a joué un rôle essentiel
dans la professionnalisation et l’institutionnalisation des domaines de l’hygiène et de la
santé publique à travers une série de lois, de règlements et d’entités visant à moderniser
l’enseignement et les pratiques médicales, le traitement des malades et la transformation
des pratiques funéraires.382 Bien entendu, la participation des secteurs populaires a été
essentielle, car la dénonciation, la protestation sociale et la création de leurs partis
politiques ont permis d’assurer le renforcement et l’ampleur de ces changements.383
378
Florencia Quesada Avendaño. En el Barrio Amón: arquitectura, familia y sociabilidad del primer
residencial de la élite urbana de San José, 1900-1935. 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2004).
379
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 99-101.
380
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 64, 85.
381
Quesada, La modernización entre cafetales, p. 81 ; Almandoz. Modernización urbana, pp. 46-52.
382
Botey Sobrado. « Los actores sociales y la construcción… », pp. 217-501.
383
Botey, “Los actores sociales…,”, pp. 611-683.
- 176 -
Il convient de souligner que l’hygiène était aussi un mécanisme de contrôle
social384, utilisé par l’État pour surveiller et forcer le changement des coutumes des
secteurs populaires. L’éclairage public, le renforcement de la police, des inspecteurs
d’hygiène et l’expulsion progressive mais constante des indigents, des pauvres et des
prostituées vers les périphéries de la ville sont le résultat de ce processus de contrôle
social.385 En outre, comme l’a précisé l’architecte et historienne Rosa Malavassi Aguilar,
les communistes se sont également appropriés le discours d’hygiène pour dénoncer les
mauvaises conditions de vie des secteurs populaires en insistant à plusieurs reprises sur
le manque d’eau potable, sujet qui a été abordé à de nombreuses reprises par la presse
costaricaine, communiste et non communiste.386 Mais comment était la ville de San José
dans la première moitié du XXe siècle?
Ce qui est aujourd’hui connu sous le nom de ville de San José a été fondé au
crépuscule de l’époque coloniale. En 1737, les premiers regroupements de population ont
eu lieu et, en 1767, la première paroisse consacrée à San José a été fondée (Image III.1).
La création de cet établissement s’est insérée dans le processus des réformes
bourboniennes qui cherchaient à améliorer, entre autres, le contrôle de la population, à
affaiblir les élites locales et à perfectionner la collecte d’impôts.387 Au fil du temps, San
José s’est différenciée de ses voisines Villa Vieja (Heredia), Villa Nueva (Alajuela) et
384
L’historien Juan José Marin Hernández, citant Eduardo Zimmermann, a défini le contrôle social comme
le processus dans lequel les intellectuels et les secteurs populaires prennent conscience des distorsions ou
contradictions du modèle de développement et le matérialisent dans la création de nouvelles institutions ou
dans la protestation sociale. Juan José Marín. « La miseria como causa atenuante de la delictividad: el caso
de la delincuencia de menores y la cuestión social: 1907-1949. » Pobreza e historia en Costa Rica :
determinantes estructurales y representaciones sociales de la pobreza del siglo XVII a 1950. Colección
Nueva Historia. Ronny Viales H. (ed.) (San José, Costa Rica : EUCR, Posgrado centroamericano en
Historia - CIHAC, 2005), pp. 298-299.
385
Quesada, La modernización entre cafetales, p. 85. Au Costa Rica, Juan José Marín et José Daniel Gil
ont grandement contribué à la compréhension des mécanismes de contrôle social de l’État et qui ont affecté,
surtout, les secteurs populaires des villes costaricaines. Juan José Marín Hernández. Prostitución, honor y
cambio cultural en San José de Costa Rica : 1860-1949. 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 2007); Juan
José Marín y José Daniel Gil (comp.). Delito, poder y control en Costa Rica. 1821-2000. 1ª ed. (San José,
Costa Rica : Sociedad Editora Alquimia, 2000).
386
Rosa Malavassi Aguilar. « La vivienda de madera de los barrios Luján- El Cerrito y Barrio Keith (1910-
1955). Un análisis histórico de la imagen urbana y la arquitectura habitacional. » (Tesis de Maestría
Académica en Historia, Universidad de Costa Rica, 2014), pp. 205-210.
387
Christophe Belaubre. « Bourbon Reforms and Enlightment in Chiapas, 1758-1808. » Independence in
Central America and Chiapas, 1770-1823, Aaron Pollack (ed.) Nancy T. Hancock (trad.) (University of
Oklahoma Press, 2019), pp. 103-130 ; Adrian J. Pearce. The Origins of Bourbon Reform in Spanish South
America 1700-1763. (New York : Palgrave Macmillan, 2014).
- 177 -
Cartago, la capitale coloniale, grâce à la stimulation économique apportée par la
production du tabac.388
Source: Róger Abarca Zamora, et.al. « San José – Ensanches 1900-1941. Un análisis evolutivo de la
ciudad. » (Seminario de Graduación en Historia Urbana, Escuela de Arquitectura - Universidad de Costa
Rica, 1990), p. 40.
À la fin du XVIIIe siècle, San José disposait d’un plan officiel et de terres
disponibles pour l’installation de nouvelles familles, grâce au don de Josefa Torres dont
les terrains seront populairement connus sous le nom de « terrains du père Chapuí »
(Image III.2)389 En outre, la culture du tabac a donné naissance à une élite urbaine qui a
commencé à s’installer dans le secteur nord du village; parallèlement, au sud, les secteurs
populaires se trouvaient sur le site connu sous le nom de « La Puebla ». Dès le début, les
schémas d’établissement ont révélé une ségrégation socio-spatiale de la localité, tout
comme d’autres villes espagnoles à l’époque, qui s’est poursuivie même après
l’indépendance de l’Empire espagnol, le 15 septembre 1821. Dans ce nouveau contexte
politique, plusieurs changements d’une grande importance se sont produits dans le village
388
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 27-28 ; Víctor Hugo Acuña e Iván Molina. Historia
económica y social de Costa Rica : de la colonia a la guerra civil de 1948. 1ª ed. (San José, Costa Rica :
Editorial Porvenir, 1991), p. 72.
389
Carlos Zamora Hernández. La Sabana : Un parque con historia. (San José, Costa Rica : Ministerio de
Cultura y Juventud. Centro de Investigación y Conservación del Patrimonio Cultural, 2009), p. 16.
- 178 -
de San José, notamment lorsqu’elle s’est transformée en capitale du nouvel État du Costa
Rica, remplaçant ainsi Cartago après une période de guerres civiles intermittentes qui ont
culminé en 1838.390
Image III.2. Costa Rica. Plan du village de San José et terrains du père Chapuí.
1776.
Selon Quesada, entre 1840 et 1860 sont apparus les premiers règlements qui
cherchaient à organiser la croissance, l’ordre et la vie urbaine de la capitale basée sur
l’hygiène. De même, les gouvernements de Juan Rafael Mora Porras (1849-1859) ont
poussé une série d’œuvres architecturales, essentiellement de style néoclassique, qui ont
imprimé un air cosmopolite à la petite ville (Image III.3).
390
Malavassi, « La vivienda de madera… », p. 92 ; Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 21-28.
- 179 -
Image III.3. Costa Rica. Plan de la Ville de San José. 1851.
- 180 -
Parmi les toits austères des logements, des bâtiments tels que le Palais National,
le Séminaire, le Théâtre Mora (Municipal), l’Usine nationale des liqueurs et l’Université
de Santo Tomás ont commencé à se distinguer. Le changement urbain a pris un plus grand
élan à la fin du XIXe siècle, avec la construction de nouveaux monuments architecturaux
tels que le Théâtre National, le Théâtre Variedades, la Cathédrale métropolitaine, les
temples de La Soledad, El Carmen, La Merced et La Dolorosa, l’Hôpital psychiatrique
Chapuí, l’Hôpital San Juan de Dios, l’École métallique, le Lycée supérieur des
demoiselles, le Lycée de Sion, le Lycée du Costa Rica et une série de parcs et d’avenues
inspirés de l’esthétique du Second Empire français (Images III.4 et III.5)391.
Image III.4. Costa Rica. Jardins de l’Hôpital psychiatrique Chapuí, San José.
1921.
391
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 31-70.
- 181 -
Image III.5. Costa Rica. « Paseo de las Damas » (Avenue 3), San José. 1921.
392
Javiera Azocar a démontré que pendant la Colonie, le cabildo de Santiago du Chili promut des initiatives
et réglementations visant à l’approvisionnement d’eau de la ville et le traitement des ordures, où le discours
de l’hygiène était présent. Javiera Azocar. « El teatro de lo urbano en Santiago : espacio público a fines de
la Colonia. » Revista de Arquitectura [en ligne], 16 (21) (2010) : pp. 26-33. Consulté le 15 juin 2021. DOI :
10.5354/0719-5427.2013.27887
393
Almandoz, Modernización urbana, pp. 69, 128-154.
- 182 -
Développement a renforcé son organisation au cours de la dernière décennie du XIXe
siècle, en intégrant des techniciens nationaux et étrangers. En 1903, la Faculté technique
de la République a été constituée, regroupant tous les ingénieurs et arpenteurs et, au cours
des premières décennies du XXe siècle, de nombreuses entreprises de construction ont
engagé des architectes et des ingénieurs de renom, dont beaucoup avaient des contacts
internationaux. Ces acteurs publics et privés ont joué un rôle essentiel dans le changement
technique de l’architecture et de l’ingénierie, motivé en partie par les tremblements de
terre qui ont détruit des bâtiments et même des villes entières, comme cela s’est produit
à Cartago en 1910.394
Curieusement, les informations disponibles indiquent que ce cercle professionnel
a rencontré certaines limitations au moment de diffuser des avatars de la pratique
architecturale et urbanistique au Costa Rica, ce qui constitue une différence substantielle
par rapport à d’autres pays d’Amérique latine comme le Mexique, l’Argentine, le
Venezuela, le Brésil ou la Colombie.395 Ceux-ci, au cours de la même période, ont réussi
à constituer non seulement un cercle académique et professionnel plus consolidé
d’architectes et d’urbanistes, mais également à créer diverses facultés ou bureaux
techniques, à établir des revues spécialisées qui ont diffusé les projets architecturaux et
urbains et à s’imprégner du passage des « génies étrangers » qui ont fourni leurs services
ou contribué à légitimer ces plans. Parmi ces « génies », comme les appelait Almandoz,
se trouvaient Joseph Antoine Bouvard, Barry Parker, Claude Nicholas Forestier, Léon
Jaussely, Donat-Alfred Agache, Jacques Lambert, Karl Brunner ou Le Corbusier. Aucun
394
Clotilde Obregón Quesada. Historia de la ingeniería en Costa Rica. (San José, Costa Rica : Colegio
Federado de Ingenieros y Arquitectos, 2005) ; Ofelia Sanou « La arquitectura » en Costa Rica en el siglo
XX, Eugenio Rodríguez Vega, (comp). Volumen 2. (San José, Costa Rica : EUNED,2004), pp. 263-265,
273 ; González Escobar, Luis Llach : en busca de …, pp. 138, 162-163, cité par Malavassi, « La vivienda
de madera… », p. 144.
395
L’un de ces obstacles a été la diffusion des principes de l’architecture et de l’urbanisme au Costa Rica,
en raison de l’absence de publications spécialisées. Malgré cela, certains magazines tels que
« Pandemonium » ou « Repertorio Americano » ont parfois publié des articles relatifs à ces thèmes, où
l’adoption d’une « architecture autochtone » pour le Costa Rica a été promue. En l’absence de publications
spécialisées, les recherches futures doivent aborder cette source primaire riche et diversifiée pour analyser
la circulation des savoirs architecturaux et urbanistiques au Costa Rica. Ricardo Fernández Guardia.
« Hacia la arquitectura propia. » Repertorio Americano, 10 (9-1925) : p. 137, cité par Altezor F.
Arquitectura urbana en Costa Rica : exploración histórica 1900-1950. (Cartago, Costa Rica : Editorial
Tecnológica de Costa Rica, 1986), pp. 146-147.
- 183 -
d’entre eux ne s’est rendu au Costa Rica et, du moins dans cet aspect, le pays a été exclu
des discussions urbaines promues par ces acteurs.396
Pourtant, dans la première moitié du XXe siècle, San José avait réussi à «
surmonter » en partie cet héritage colonial que ses élites politiques et intellectuelles
méprisaient par diverses voies. La première a été l’entreprise privée, qui a joué un rôle de
premier plan dans le processus d’ensanche de la capitale et dans l’introduction de services
clés tels que l’électricité et le tramway ou de nouveaux systèmes et matériaux de
construction tels que le ciment, le fer, le marbre et les mosaïques, qui ont cohabité avec
les briques d’argile et le bois déjà traditionnels.397 Le second a été par l’intermédiaire des
municipalités et de l’État qui ont parrainé la construction d’infrastructures urbaines telles
que les canalisations, l’ordre des voies publiques, la création de parcs urbains, de marchés
d’approvisionnement, d’abattoirs, de cimetières et la réglementation des systèmes et
matériaux de construction.398
Pourtant, l’absence d’un « urbanisme intégral » a laissé sa marque sur un San José
dont la modernisation a été sélective, ce qui a donc renforcé la ségrégation sociale.
Quesada a défendu qu’une telle discrimination a été identifiable dans le regard des
étrangers qui ont visité le Costa Rica entre le XIXème et le XXème siècles. Ces étrangers
ont été témoins du changement culturel qui s’est produit parmi les josefinos399 de
l’époque, en particulier chez l’élite, qui ont modifié leurs habitudes de consommation et
établi des espaces de sociabilité en accord avec la mode européenne.400 S’agissant des
espaces qu’ils utilisaient eux-mêmes dans leurs voyages, les voyageurs ont reproduit une
image fictive de la capitale qui était censée être prospère, heureuse, égalitaire et
cosmopolite ignorant, consciemment ou inconsciemment, qu’il existait un secteur
populaire de la ville qui n’avait pas les services les plus essentiels. La marginalité n’avait
396
Arturo Almandoz. « Modernización urbanística en América Latina. Luminarias extranjeras y cambios
disciplinares, 1900-1960. » Iberoamericana, Nueva Época, Año 7, Nº 27 (Setiembre de 2007), pp. 59-78 ;
Almandoz, Modernización urbana, pp. 242-245.
397
Altezor, Arquitectura urbana en Costa Rica, pp. 101-132 ; Isabel Avendaño Flores. « El tranvía de San
José : un fantasma de la memoria histórica urbana y del patrimonio de Costa Rica. » PatryTer, (1), 1(2018)
: pp. 44-56.
398
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 149-197.
399
Josefino est le gentilé des habitats de la ville de San José.
400
Patricia Fumero. Teatro público y estado en San José 1880-1914 : una aproximación desde la historia
social. 1ª ed. (San José, Costa Rica : EUCR, 1996) ; Patricia Fumero. « La ciudad en la aldea : actividades
y diversiones urbanas en San José a mediados del siglo XIX. » Héroes al gusto y libros de moda, sociedad
y cambio cultural en Costa Rica (1750-1900), Iván Molina y Steven Palmer, eds. (San José, Costa Rica :
EUNED, 2004), pp. 113-162 ; Patricia Vega Jiménez. « De la banca al sofá. La diversificación de los
patrones de consumo en Costa Rica (1857-1861). » Héroes al gusto y libros…, pp. 163-208.
- 184 -
pas de public et était donc absente des témoignages de ces voyageurs, à quelques
exceptions près. Les albums photographiques grand style, produits par les photographes
étrangers et locaux, ont renforcé cette image de progrès à travers les techniques
photographiques, qui ont accru le caractère monumental des bâtiments commerciaux et
institutionnels, mis en évidence l’exubérance des parcs publics et des paysages des
alentours, l’élégance et le dynamisme de la vie quotidienne de l’élite josefina allant
jusqu’à montrer l’opulence de ses espaces privés (Image III.6)401
Image III.6. Costa Rica. Rue Nº 1 vers le Sud, San José. 1921.
401
Quesada, La modernización entre cafetales, pp. 214-225, 227-280.
- 185 -
ont-ils pu entrer au Costa Rica et influencer ses politiques urbaines et de logement ? Je
tâcherai ci-dessous de répondre à ces questions.
402
Jimenez étudia la chimie à l’université de La Sorbonne et a appartenu, peu de temps après, à la Société
Chimique de Paris. Pendant son passage dans la capitale parisienne, il fréquenta les cercles anarchistes où
il assista à plusieurs conférences de Jean Jaurès. Ángel J. Cappalletti. « El anarquismo en Costa Rica. »
Repertorio Americano, Segunda Nueva Época, Nº 25 (Enero-diciembre del 2015) : pp. 85-86 ; Marta
Castenagro. « El día histórico. Elías Jiménez Rojas. » La Nación, 27 de setiembre de 1981, p. 2B. Consulté
le 4 janvier 2021. URL :
http://repositorio.sibdi.ucr.ac.cr:8080/jspui/bitstream/123456789/14810/1/JRE001.pdf. Jimenez était
également célèbre pour avoir eu des contacts avec Peter Kropotkine, qui proposait l’idée du « communisme
des libres ». Sa philosophie a en outre inspiré Ebenezer Howard et Patrick Geddes, notamment dans les
aspects de la vie communautaire et de l’initiative libre et propre, qui seront à la base des méthodologies
d’effort propre et d’entraide. Hall, Cities of Tomorrow, pp. 157-158.
403
« - Las conferencias de Panamá ?...
- No hablemos de eso porque solamente hay que decir una sola frase, y es que los congresos de cualquier
clase que sean, jamás han resuelto problema alguno, ni nacional, ni internacionalmente. » « Los
CONGRESOS de cualquier clase que sean, jamás han resuelto problema alguno, ni nacional, ni
internacionalmente. » La Tribuna, 1 de octubre de 1939, pp. 1, 5. Traduction libre.
- 186 -
des futurs chercheurs. Cependant, les informations disponibles donnent certaines traces
pour comprendre pourquoi les connaissances sur le logement social et l’urbanisme
discutées dans les CPA et les CPV analysés ont eu du mal à se frayer un chemin dans le
contexte costaricain par l’intermédiaire des délégations envoyées à ces événements.
Le 24 juin, La Tribuna a rendu compte de la célébration du CPA27 auquel le Costa
Rica avait été invité. En réponse à cet appel, le gouvernement de Ricardo Jiménez
Oreamuno (1924-1928) a désigné comme « délégué ad-honorem l’éminent architecte
argentin Arturo Prins (Image III.7), qui sera également chargé de la délégation spéciale
de la Faculté d’Ingénierie du Costa Rica »404.
Source : Daniela Natalia Fernández. « Arturo Prins. » Anales del Instituto de Arte Americano e
Investigaciones estéticas “Mario J. Buschiazo” [en ligne]. Vol. 49, Nº 2 (2019). Consulté le 19
novembre 2020. URL: http://www.iaa.fadu.uba.ar/ojs/index.php/anales/article/view/322/559
404
« Congresos panamericanos de arquitectura y de la tuberculosis en la República Argentina. » La
Tribuna, 24 de julio de 1927, p. 2.
- 187 -
Né à Montevideo mais naturalisé argentin en 1929, Prins a obtenu son diplôme
d’ingénieur civil de l’Université de Buenos Aires (UBA) en 1900, poursuivant sa
formation à l’École des beaux-arts de Paris sous la direction de Pierre Leprince-Ringuet.
En tant que professionnel, il a encouragé l’envoi d’étudiants en Europe, a effectué des
recherches sur le style gothique et musulman et a proposé des règlements sur la
construction et l’esthétique urbaine. La faculté de droit et de sciences sociales de l’UBA
et le Palais Vera figurent parmi ses œuvres les plus reconnues.405 Il convient de souligner
que Prins a été délégué aussi bien du gouvernement costaricain que du gouvernement
argentin, comme il est indiqué dans les comptes rendus du CPA27.406
En 1939, le gouvernement du Costa Rica nomma le consul à Buenos Aires, Pablo
Wedel Quirós, en réponse à l’invitation au CPV39 reçue en mai. La note publiée dans le
Diario de Costa Rica détaillait en outre que le gouvernement devait présenter un travail
relatif à la problématique du logement et que le secrétaire des Affaires étrangères, Tobías
Zúñiga Montúfar, avait demandé au Conseil national du logement de préparer les rapports
nécessaires pour répondre à cette demande.407 Concernant ce document, les sources
disponibles suggèrent qu’il n’a pas été envoyé aux organisateurs du forum, car aucun
travail du Costa Rica n’a été discuté au congrès et n’apparaît dans la liste des exposés du
CPV39.408
Encore une fois, à l’occasion du CPA47, La Tribuna a informé ses lecteurs de la
nomination de la délégation costaricaine, composée des ingénieurs José Francisco Salazar
Quesada et Luis Paulino Jiménez Montealegre (Image III.8).409 Salazar, contrairement à
ce que l’article a souligné, était un architecte et l’un des plus réputés dans le milieu
costaricain. Formé à l’Université de Santa Clara, en Californie, il a obtenu son diplôme
en 1912 et après trois ans d’exercice de sa profession aux États-Unis, il est retourné au
Costa Rica où il a eu une activité prolifique. Parmi ses œuvres les plus reconnues figurent
le Temple de la Musique du Parc Morazán de San José, le Temple de San Ramon Nonato
405
Fernández, « Arturo Prins. »
406
SCA, III Congreso Panamericano, p. 29, 31.
407
« La Junta de la Habitación prepara los trabajos que nuestro delegado presentará al Congreso
Panamericano de la Vivienda. » El Diario de Costa Rica, 12 de mayo de 1939, pp. 1 y 5.
408
MRREE-A, Primer Congreso Panamericano, pp. 737-781.
409
« Delegación de Costa Rica al Congreso Interamericano de Arquitectura. » La Tribuna, 14 de octubre
de 1947, p. 3.
- 188 -
à Alajuela et la Faculté de Médecine de San José, où il a laissé l’empreinte du
néoclassique, de l’éclectisme et de l’art déco.410
Image III.8. José Francisco Salazar et Luis Paulino Jiménez, délégués du Costa
Rica au CPA47. (1947).
Sources: Altezor, Arquitectura urbana en Costa Rica; « El Gran Hotel Costa Rica. » Consulté le 4
janvier 2021. URL:
http://www.icomoscr.org/doc/defensas/HOTELCOSTARICA_[4]_Anexo4.CronologiaFotografica.pdf
410
Altezor, Arquitectura urbana en Costa Rica, pp. 193-222.
411
« Gran Hotel Costa Rica, San José : levantamiento general de información. » Consulté 4 janvier 2021.
URL :
http://www.icomoscr.org/doc/defensas/HOTELCOSTARICA_[3]_Anexo3.TablaCronologicaNarrativa.p
df; « Antiguo Aeropuerto. » Consulté le 4 janvier 2021. URL: http://www.mac.go.cr/instalaciones.php.
- 189 -
La nomination de ces acteurs comme délégués du Costa Rica aux congrès
panaméricains d’architecture a généré plusieurs difficultés en ce qui concerne la
circulation des savoirs. L’une d’entre elles concernait le fonctionnement de la politique
étrangère costaricaine. La nomination de Pablo Wedel répond à l’habitude de la SRREE
de se faire représenter aux congrès internationaux par son personnel consulaire. La raison
en était essentiellement économique, car le gouvernement n’encourait aucune dépense.
Mais, comme il a été souligné au Chapitre 2, la carrière consulaire manquait de certaines
garanties économiques qui affectaient structurellement sa performance et s’ajoutait au
personnel diplomatique réduit qui empêchait de s’acquitter efficacement de ses
obligations.412 Par ailleurs, le manque de savoir-faire en la matière a pu affecter la
participation de Wedel pendant le congrès ou la restreindre complètement.
La désignation d’Arturo Prins, bien qu’architecte de profession et étroitement lié
aux thèmes discutés, est également le résultat d’une autre habitude de la SRREE qui est
celle d’assister à « des si importantes réunions quand il peut utiliser les services
désintéressés de personnes qui s’intéressent patriotiquement à de telles activités. »413
Prins était délégué ad-honorem, de sorte qu’étant sa représentation purement symbolique,
il est probable qu’il n’ait pas eu une obligation directe de transmettre les informations
acquises lors du congrès au gouvernement costaricain.
Outre ces facteurs, deux autres doivent s’y ajouter. Le premier concerne la
résidence de Prins et Wedel qui se trouvait à Buenos Aires et, ne vivant pas au Costa
Rica, ils ne pourraient pas faire circuler les recommandations des congrès avec une
connaissance exacte de la réalité des villes costaricaines ou les besoins des institutions et
municipalités. Deuxièmement, il y a l’absence de ses rapports. Les sources disponibles
n’ont pas permis de vérifier si ces documents ont été rédigés par Prins et Wedel. Tous ces
obstacles, parmi d’autres, ont pu empêcher que les recommandations des congrès
panaméricains d’architecture parviennent au Costa Rica et soient discutées par les
institutions responsables du logement et de l’urbanisme.
Il reste enfin le cas de Salazar et Jiménez, tous deux professionnels ayant des liens
étroits avec le gouvernement et le milieu universitaire. Plusieurs raisons peuvent
permettre de comprendre les difficultés rencontrées par ces personnes pour faire circuler
412
Argüello, Memoria de Relaciones Exteriores, p. V ; Beeche. Memoria correspondiente al año 1930, p.
VI ; Cascante S., Clientelismo, partidos políticos, p. 14.
413
Jiménez, Memoria de la Secretaría de Relaciones Exteriores, pp. VII y VIII.
- 190 -
les connaissances acquises dans le CPA47. En premier lieu, le climat politique de cette
année-là a été extrêmement défavorable. Des événements tels que la grève des « Brazos
Caídos », déclenchée par des secteurs opposés au gouvernement Picado et au caldero-
communisme414, tout comme les marches syndicales qui ont eu lieu le 12 octobre 1947,
ont laissé le pays au bord de la guerre civile, qui se déclencherait des mois plus tard.415
En outre, ce climat a atteint l’université du Costa Rica, institution pour laquelle
Salazar travaillait à l’époque. Patricia Fumero a souligné que l’enceinte universitaire qui
se trouvait à l’époque dans le quartier central de González Lahmann à San José a été le
théâtre d’affrontements entre étudiants et professeurs en raison de leurs orientations
politiques. Pendant la guerre civile, le bâtiment de la Faculté d’ingénierie a été pris par
des étudiants et, à la fin du concours, le Conseil étudiant universitaire a exigé la démission
de plusieurs professeurs pour des raisons partisanes. Bien qu’il n’ait pas figuré sur la liste
« noire », Salazar démissionne du corps enseignant le 11 mai 1948.416
La municipalité de San José, également à la suite de la guerre civile, a connu des
changements dans son gouvernement à partir du 4 mai de la même année, lorsque le
gouverneur Alfonso Goicoechea a pris ses fonctions, qui a blâmé le caldero-communisme
des « corrompus » et des « vices bureaucratiques » au sein de la municipalité josefina.417
Pour cette raison, si la société avait pris connaissance des recommandations du CPA47,
le nouveau gouvernement local aurait pu freiner son éventuelle mise en œuvre.
Cependant, certaines de ces connaissances sont arrivées des mois plus tard avec
l’assistance technique fournie par l’architecte Anatole Solow. Quant à Jiménez
Montealegre, les informations disponibles n’ont pas permis de déterminer où il se trouvait
à l’époque.
Pour retourner à la phrase d’Elías Jiménez, le fait que les congrès internationaux
ne « résolvaient les problèmes » d’aucun pays a obéi, du moins dans le cas du Costa Rica
et des événements analysés, aux défaillances structurelles de la politique étrangère du
pays et au contexte politique. A ces deux éléments s’est ajoutée, entre autres facteurs, la
414
Nom qui a reçu la tendance partisane résultant de l’alliance politique entre le Partido Republicano
Nacional et Vanguardia Popular (communiste).
415
Díaz, « Social Crises… », pp. 228-238.
416
Patricia Fumero. « “Se trata de una dictadura sui generis”. La Universidad de Costa Rica y la Guerra
Civil de 1948. » Anuario de Estudios Centroamericanos, 23 (1-2) (1997) : pp. 125-127.
417
« El martes tomará posesión el nuevo Gobernador de San José. » Diario de Costa Rica, 1 de mayo de
1948, p. 5 ; « He aceptado la gobernación con el propósito de colaborar a la obra de bien público que se
proyecta. » Diario de Costa Rica, 5 de mayo de 1948, pp. 1 y 8.
- 191 -
couverture médiatique pauvre ou nulle des congrès panaméricains d’architecture puisque
dans le mois qui a suivi l’achèvement de ces congrès, il n’a pas été possible de trouver un
seul article traitant ces thèmes. Il convient toutefois de souligner qu’au cours de la même
période, le Costa Rica a pu institutionnaliser le problème du logement social (pas celui
de l’urbanisme), ce qui suggère la présence de voies alternatives qui ont permis l’arrivée
de ces savoirs dans le pays, mais qui n’ont pas été entièrement explorées. Cet aspect devra
être développé à l’occasion de futures recherches.
C’est la situation que Solow rencontrera quelques mois plus tard lors de sa mission
technique en 1948. A cette occasion, le journal La prensa libre a consulté l’architecte
arrivé à San José pour planifier sa « ville moderne », qui a dit au journaliste ce qui suit :
« Je suis tombé sur l’inconvénient qu’il n’y a pas ici d’institution spéciale des
affaires urbaines... Dans la planification des villes pour l’avenir, un travail de
coordination avec d’autres départements est encouragé, et la première étape est
une analyse détaillée sur l’aspect physique, économique, social et démographique
de l’environnement... Il n’y a pas beaucoup de villes dans le monde qui ont des
sites d’une beauté naturelle aussi grande que San José... Certaines personnes
m’ont dit que les cafés situés au nord et à l’ouest de l’aéroport empêchent la ville
de s’étendre sur ce flanc. Mais je considère que les plantations de café, étant une
richesse nationale, ne doivent pas être rasés, mais constitueront même un élément
esthétique inestimable pour la ville. Le principe de modernisation soutient plutôt
le point de vue selon lequel il faut encourager la présence de ces parties de terres
ou de forêts agricoles au milieu du regroupement de constructions solides, car
l’idéal est entièrement une combinaison de différents centres urbains reliés par de
larges routes, chacun étant doté de toutes les commodités imaginables. »418
La presse aura vent de ces lignes directrices, mais surtout des institutions
costaricaines qui participeront aux événements internationaux organisés par l’ONU et
l’OEA à partir de 1950. San José, dont la physionomie avait considérablement changé
depuis sa fondation au XVIIIe siècle : de nouveaux quartiers, aussi bien populaires que
418
« He tropezado con el inconveniente de que no existe aquí una institución especial de asuntos urbanos…
En la planificación de las ciudades para el futuro se suscita un trabajo de coordinación con otros
Departamentos, y el primer paso es un análisis detallado sobre el aspecto físico, económico, social y
demográfico del medio… No hay muchas ciudades en el mundo que cuenten con sitios de tanta hermosura
natural como San José… Algunas personas me han dicho que los cafetales que están situados al Norte y al
Oeste del aeropuerto impiden que la ciudad se extienda hacia ese flanco. Pero yo considero que los
cafetales, siendo una riqueza nacional, no deben arrasarse sino más bien hasta constituirán un elemento
estético inapreciable para la ciudad. El principio de modernización sostiene más bien el punto de vista de
que hay que fomentar la presencia de esas porciones de tierra labrantía o bosques en medio de la
aglutinación de construcciones macizas, pues el ideal es cabalmente una combinación de distintos núcleos
urbanos conexionados por carreteras amplias y dotado cada uno de ellos de todas las comodidades
imaginables. » “La ciudad moderna debe preservar sus parajes verdes.” La prensa libre, 21 de agosto de
1948, pp. 1 y 8. Traduction libre.
- 192 -
pour l’élite sont apparus dès les années 20 et ont élargi la ville dans tous ses extrêmes,
spécialement à l’ouest de la capitale où le quartier Pitahaya a vu le jour tout en profitant
des travaux d’embellissement de la dite Calle de la Sabana ou Paseo Colón. A l’est,
d’autres quartiers comme celui d’Escalante se sont transformés en espaces urbains
élitistes et, au sud de la capitale, la colonie Calderón Muñoz s’éloigna de la forme
orthogonale définissant les îlots des nouvelles maisons ouvrières (Image III.9). La capital
connaîtra encore nombre d’autres variations dues à l’interaction des acteurs et à la
circulation des instruments et des modèles, processus dont je parlerai aux chapitres 4, 5
et 6.
4. Conclusion du chapitre.
La transformation urbaine de San José, selon les études historiques les plus
récentes, a été le reflet local d’un processus complexe qui s’est développé en Amérique
latine à partir de 1850. Celui-ci a eu recours à l’hygiène comme principe directeur des
politiques urbaines, qui s’est manifesté par la construction de bâtiments, de parcs publics,
par l’amélioration de certains services de base clés tels que l’électricité, l’eau, les égouts
- 193 -
et l’état des voies de communication. Ces transformations ont été saluées dans les récits
de voyageurs et dans les albums photographiques qui, à cette époque, ont été imprimés
pour attirer les investissements privés au Costa Rica.
Dans cette dynamique, l’acteur le plus important était l’entreprise privée. L’État
ou les municipalités ont refusé leur responsabilité de gérer la croissance urbaine de la
capitale, faisant allusion au manque de ressources économiques. La plupart des politiques
urbaines ont été mises en œuvre dans les zones les plus utilisées par l’élite josefina, créant
très rapidement dans la capitale une ségrégation territoriale. Le modèle d’hygiène s’est
également manifesté par des règlements et des travaux d’inspection et de contrôle social
destinés aux secteurs populaires qui ne disposaient pas de la plupart des infrastructures et
de la qualité de l’espace public.
Ces asymétries socio-économiques ont incité divers secteurs populaires et
intellectuels à se mobiliser pour obtenir davantage de garanties et de bonnes conditions
de logement, tout comme pour avoir accès aux services de base et de santé. Ces secteurs,
en plus de la protestation sociale, se sont organisés en partis politiques et ont
publiquement dénoncé leurs problèmes par le biais de la presse, ce qui a incité l’État à
intervenir dans divers secteurs clés tels que la santé, l’éducation et le logement. Les
premières législations sociales ont vu le jour à partir des années 1920, parmi lesquelles la
question du logement social a commencé à être traitée aussi bien par des associations
caritatives que par la Croix-Rouge, puis par l’État même.
Du côté urbain, bien que l’entreprise privée ait continué à avoir l’initiative dans
l’élargissement de la capitale, l’État a cherché à réglementer le bâtiment et les matériaux
de construction en raison des catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre,
qui touchaient le pays avec une certaine périodicité. Les municipalités, comme celle de
San José, ont également établi une série de contacts avec des municipalités d’autres pays
pour obtenir des exemplaires de leurs règlementations leur permettant d’organiser la leur,
tâche qui a succombé au manque de volonté politique de la société. C’est l’un des indices
les plus pertinents trouvés par la recherche historique actuelle qui suggère que la
transformation urbaine de San José n’a pas été déconnectée de son contexte mondial et a
montré une internationalisation naissante. Parmi les autres signes, on remarque l’arrivée
d’experts étrangers travaillant sur divers projets d’infrastructure, l’octroi de bourses par
des organismes internationaux tels la Fondation Rockefeller et l’arrivée, dans le milieu
professionnel local, d’étudiants costaricains qui ont étudié à l’étranger.
- 194 -
Les résultats obtenus au cours de ce chapitre ont révélé que le Costa Rica avant
1949 a été représenté, au moins à trois reprises, dans des congrès panaméricains liés à la
problématique de l’urbanisme et du logement social. Dans ces forums, les délégations
costaricaines ont eu accès aux discussions les plus récentes sur ces problèmes, parmi
lesquelles la définition de l’urbanisme comme discipline, l’éducation des architectes et
des urbanistes, le rôle des municipalités et de l’État, l’importance du bien-être social en
tant que principe directeur des politiques urbaines, l’utilisation du plan d’aménagement
comme instrument de planification et la nécessité d’instituts régionaux pour avoir les
connaissances à jour et pour les faire circuler dans toute l’Amérique latine.
Le cas du Costa Rica lors des congrès panaméricains d’architecture et de logement
a permis d’explorer certains facteurs qui ont empêché une circulation fluide des savoirs
et la discussion d’instruments et de modèles urbains à l’intérieur des pays qui ont pu
affecter ces associations internationales. Le premier facteur était la désignation de
délégués qui n’étaient pas des spécialistes de ces sujets. Pour des raisons économiques,
le SRREE a délégué sur son personnel diplomatique la représentation du Costa Rica à ces
événements, ce qui a permis non seulement d’éviter une participation active du pays, mais
aussi de faire connaître les progrès réalisés par le Costa Rica aux autres délégations. Le
deuxième facteur était de nommer des spécialistes en la matière, mais comme délégués
ad-honorem. Ceux-ci ne vivant pas dans le pays qu’ils représentaient, ne pouvaient pas
transmettre les connaissances acquises aux institutions intéressées, auxquels s’ajoutait
également le fait de ne pas être obligés de transmettre un rapport sur l’événement.
Le troisième facteur concerne le contexte historique, en particulier les périodes
qui présentent une grande instabilité politique et socio-économique, qui évitait la
discussion opportune des connaissances acquises dans les forums internationaux. Il est
extrêmement important d’en tenir compte pour l’Amérique latine, notamment en raison
de sa longue histoire de chocs politiques et de crises économiques. Le quatrième facteur
est celui de la couverture médiatique donnée à ces événements dans les médias locaux,
car il n’y avait pas la possibilité de faire de la publicité pour les projets urbains et l’opinion
publique n’a pas pu être impliquée dans le débat sur d’autres modèles d’urbanisme et de
logement social.
Ces inconvénients reflétaient, entre autres, un caractère institutionnel étatique
limité et un accomplissement de leur politique étrangère qui, conjuguée aux
contradictions rencontrées par les associations internationales dans la promotion de leurs
- 195 -
modèles qui pouvaient ne pas être adaptés à certaines régions de la planète, a pu
contribuer à l’épuisement de ce qu’on appelle l’« internationale urbaine ». Cependant, la
fondation de l’ONU en 1945 selon des principes de solidarité internationale a donné une
impulsion à ces partenariats qui ont approché les nouveaux organismes pour promouvoir
leurs modèles respectifs. Elle a également obligé les États à reconfigurer leur politique
étrangère et à la préparer en vue d’une action diplomatique dans les forums établis par
l’ONU et d’autres organismes régionaux.
Les discussions qui ont eu lieu lors des congrès panaméricains d’architecture et
de logement ont été les expressions régionales d’un processus qui s’est produit à échelle
mondiale. Au cours de la même période, des associations internationales telles que la
Fédération internationale du logement et de l’urbanisme et les Congrès internationaux
d’architecture moderne ont fait circuler leurs modèles urbains et leurs principes directeurs
grâce à leurs membres qui ont élaboré des projets dans diverses parties du monde.
Toutefois, ces associations ont connu de nombreuses difficultés pour convaincre les
gouvernements de suivre leurs recommandations, dont certaines ne pouvaient être
facilement adaptées qu’en Europe.
Le cas de l’UNESCO a été révélateur pour la compréhension de cette situation.
Soutenue par ses organes consultatifs, l’UNESCO a élaboré un plan axé sur la
démocratisation des savoirs sur l’urbanisme et l’amélioration des conditions éducatives
tant des urbanistes que des architectes, qui reflète fidèlement l’objectif d’élever le niveau
de vie des populations par l’éducation. Cette initiative a fini par succomber à l’intention
de l’ECOSOC d’établir un programme d’assistance technique internationale. Le modèle
de l’UNESCO, dont uniquement l’organisation de congrès, l’échange d’étudiants,
d’enseignants et de spécialistes et la diffusion de l’information ont été retenus, a été
subordonné à la perspective « développementiste » de l’ECOSOC et de ses commissions
régionales, qui a ensuite été soutenue par d’autres organismes tels que l’OEA et des pays
comme les États-Unis, par le biais du Point IV.
- 196 -
D E U X I È M E PA R T I E . L A C I R C U L AT I O N
D E S S AV O I R S D E L A P L A N I F I C A T I O N
URBAINE.
- 197 -
IV. ENTOURAGES ET ACTEURS EN CIRCULATION . LES MATRICES DE
CONNAISSANCES. 419
Durant près d’un siècle, le moteur du changement urbain en Amérique latine a été
l’hygiène. Mais, à partir de 1945, elle et l’internationalisme ont été remplacés par le
développement et la mondialisation solidaire. Cette nouvelle étape n’a pas constitué une
rupture radicale avec la perspective hygiéniste, car celle-ci a continué de cohabiter avec
d’autres telles que l’industrialisation, le bien-être économique et la planification à long
terme. L’entre-deux-guerres a permis le mûrissement de ces principes tout en accordant
à l’État et aux municipalités de plus grandes responsabilités autour de l’aménagement
urbain.
Dans cette phase, les réseaux de l’urbanisme ont joué un rôle essentiel. Sans avoir
approfondi l’analyse structurelle de ces liens pour la période précédant 1949, il est
indéniable que l’internationalisme a contribué à façonner cette discipline grâce à divers
mécanismes, dont les missions d’experts, les programmes de bourses, les activités
techniques et les réunions internationales. La participation du Costa Rica aux congrès
panaméricains d’architecture et de logement lui a donné la possibilité d’accéder aux
savoirs les plus récentes, de participer à leur conception et de les faire circuler au niveau
national ou local. Bien que le climat de guerre civile et l’absence de canaux institutionnels
appropriés aient empêché les délégués costaricains de transmettre correctement l’ampleur
de ces événements, la création d’entités dédiées au problème du logement depuis les
années 1930 suggère l’existence de voies alternatives par lesquelles ces connaissances
sont arrivées au Costa Rica.
Les informations disponibles permettent d’inférer, pour la période 1949-1986, une
dynamique de croisement entre acteurs, instruments et espaces qui n’avait pas été mise
en valeur auparavant. La participation du Département du logement de la Caisse
419
L’analyse de réseaux sociaux de ce chapitre, a été bénéficié par les commentaires et observations des
professeurs Pascal Cristofoli et Michel Grossetti dans le cadre des séminaires « Dynamiques des réseaux
et collectifs » et « l’Atelier Analyse des données relationnelles ». Je voudrais sincèrement remercier
messieurs Cristofoli et Grossetti pour leur aide et attention.
- 198 -
costaricaine de sécurité sociale (CSSS) et, peu de temps après, de l’Institut national du
logement et de l’urbanisme (INVU) à divers réseaux de planification urbaine, loin d’être
une nouveauté, a été la poursuite de cette tendance qui est devenue plus viable au fur et à
mesure que les institutions costaricaines et le contexte historique le permettaient. Selon
cette logique, l’urbanisme costaricain faisait partie d’un processus mondial et connecté.
Sur cette base, l’objectif de ce chapitre sera d’analyser, dans le cadre des
programmes d’assistance et de coopération technique de l’ONU et de l’OEA, l’interaction
de l’INVU dans les activités internationales convoquées par ces organisations pour
déterminer quels événements et acteurs ont joué un rôle déterminant dans la construction
d’un programme et d’un réseau régional d’urbanisme entre 1949 et 1986. Cette analyse
se poursuivra au chapitre 5 et 6, où les techniques et modèles d’urbanisme qui ont circulé
dans le cadre de ces activités techniques grâce aux principaux acteurs du réseau seront
abordés.
Pour cela, l’approche de l’Histoire croisée sera combinée avec la méthodologie de
l’analyse des réseaux sociaux (ARS).420 La sélection de l’ARS n’est pas un hasard :
Werner et Zimmermann ont fait quelques clins d’œil à ce sujet. Le premier d’entre eux a
été de souligner que les « interactions » et les « relations » entre acteurs et objets sont
essentielles à l’analyse des croisements. Un événement international, à cause de sa courte
durée, sera considéré comme une « interaction » mais il permet néanmoins la création ou
le renforcement de relations, qui sont définies comme l’existence d’un lien entre deux ou
plusieurs acteurs qui est soutenu au fil du temps.421 Deux acteurs ou plus qui se trouvent
périodiquement dans des congrès sont plus susceptibles de créer un rapport plus forte,
mais d’autres conditions sont nécessaires afin de doter cette interaction primaire de plus
de densité et de durabilité.422
Werner et Zimmermann ont également noté que des croisements peuvent se
produire entre des objets. Considérons-les, momentanément, comme des événements.
Conformément à l’ARS, les réseaux dits d’affiliation analysent comment les acteurs
420
Michael Werner y Bénédicte Zimmermann. « Penser l'histoire croisée : entre empirie et réflexivité ».
Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2003/1 (58e année), pp. 15-23.
421
Claire Bidart, Alain Degenne y Michel Grossetti. La vie en réseau. Dynamique des relations sociales.
(Paris : Presses Universitaires de France - Kindle, 2015), pp. 5-7, 23 ; Conrad, Una historia global, pp.
122-123.
422
Stanley Wassermann y Katherine Faust. Social Network Analysis : methods and applications. (New
York : Cambridge University Press, 1994), pp. 293, 297 ; Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, p.
83.
- 199 -
interagissent les uns avec les autres par leur adhésion aux événements et vice versa. Un
réseau d’affiliation est donc composé de deux sous-réseaux : un réseau d’adhésion, qui
est constitué par les acteurs, et un réseau d’entrelacements, composé d’événements.
Cependant, je définis les événements internationaux comme des espaces de
liaison. Ce sont des domaines à caractère multi-échelle et c’est là que non seulement les
acteurs et les objets sont associés, mais aussi les processus de création, de résistance,
d’inertie, de modification et/ou de rejet des savoirs. Ce processus est appelé matrice de
connaissances.423 Cette catégorie d’analyse utilise la métaphore de la « gestation » pour
désigner la production des savoirs et la notion de « sociomatrice » de l’ARS, qui servira
pour notre cas, comme l’une des représentations du réseau social qui lui donne forme et
soutien.424 Je ne considère pas la sociomatrice, ainsi que les graphes, comme une
radiographie parfaite et totale du réseau social qui soutient le processus de circulation des
connaissances, mais seulement comme des représentations abstraites et partielles de
celui-ci.425
Mais si nous étendons la notion d’objets aux instruments et aux modèles urbains
et de logement social discutés dans l’espace de liaison, cela nous rapproche de ce que
Claire Bidart, Michel Grossetti et Alain Degenne appelaient les « ressources sociales ».
Une « ressource sociale » est celle qui est accessible par le biais d’un réseau ou d’un
groupe spécifique. L’interaction des acteurs au sein de ce réseau les expose également à
une autre ressource sociale qui est celle de l’entourage, qui influence la façon dont ceux-
ci agissent et se mobilisent, mais qui peut aussi limiter la circulation des savoirs.426 Cette
adhésion constitue un stimulant pour la création de liens entre ces acteurs à partir de
l’accès à ces ressources sociales, qui peuvent définir leur identité par rapport à leur
extérieur et qui s’accompagne à la fois de droits et de devoirs. Ces « ressources sociales »,
prennent la forme de « dispositifs de médiation ».427
423
Les catégories proposées d’espace de liaison et les matrices de connaissances découlent du concept de
« zones de contact » de Werner et Zimmermann. Cependant, alors que les matrices de connaissances se
réfèrent au processus intellectuel de (de)construction du savoir, les espaces de liaison pointent vers le
processus de territorialisation des savoirs. Choay, dans un autre emploi, avait proposé une catégorie
similaire, les « espaces de contact ». Werner y Zimmermann, « Penser l’histoire croisée », p. 12 ; Choay,
« L'histoire et la méthode… », p. 1151.
424
Wassermann y Faust, Social Network Analysis, pp. 150-152.
425
Laurent Beauguitte. « L’analyse de réseaux en sciences sociales et en histoire : vocabulaire, principes et
limites. » Le réseau. Usages d’une notion polysémique en sciences humaines et sociales, Rosemonde
Letricot, et.al. (Presses Universitaires de Louvain, 2016), p. 21.
426
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, pp. 10-11, 257.
427
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, p. 37.
- 200 -
Michel Grossetti, sans proposer d’adapter forcément l’ARS à l’analyse des
réseaux sociotechniques proposée par plusieurs chercheurs dont Bruno Latour et Michel
Callon, a utilisé la notion de « dispositifs de médiation » pour établir un dialogue entre
les deux perspectives.428 Si, dans l’ARS, les liens sont une qualité privative de l’acteur
humain, dans les réseaux sociotechniques, il est possible d’étendre le principe relationnel
aux non-humains. Grossetti a ainsi mis au point une dynamique de groupe ou de réseau,
dans laquelle ses membres se définissent mutuellement et fixent leurs frontières, à partir
de la création de leurs « dispositifs de médiation » comprenant des règles, des procédures,
des instruments, des institutions, des congrès ou des médias et où les acteurs peuvent
également servir de médiateurs.429
Le réseau d’urbanistes dans lequel l’INVU a été inséré à partir de 1954 doit
également être compris à travers les notions de « cercle social » et de « cercle utilitaire »
dans lesquelles les acteurs ont une conscience de groupe, partagent des ressources qui
délimitent leur champ d’action et ont un intérêt commun qu’ils défendent et
promeuvent.430 Les membres du cercle mobilisent leurs instruments pour résoudre leurs
problèmes mutuels mais, loin d’être considéré comme un ensemble homogène, il existe
une concurrence entre eux pendant la production du savoir qui est légitimée ou non par
les structures de pouvoir dominantes.431 Ces structures, aux niveaux mondial et régional,
se manifestent dans les organismes et gouvernements internationaux qui gèrent les
programmes d’assistance technique, tandis qu’au niveau local, c’est l’État et les
428
Paul Marc Collin, Yves-Frédéric Livian, Eric Thivant. « VIII. Michel Callon et Bruno Latour. La théorie
de l’acteur réseau. » Les Grands Auteurs en Management de l'innovation et de la créativité, Thierry Burger-
Helmchen et al. (Paris : EMS Éditions, 2016), pp. 57-178. Consulté le 14 decembre 2020. URL :
https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-management-de-linnovation---page-157.htm; Michel Callon.
« Éléments pour une sociologie de la traduction : la domestication des coquilles Saint-Jacques et des
marins-pêcheurs dans la baie de Saint-Brieuc. » L'Année sociologique, Vol. 36, (1986) : pp. 169-208.
429
Michel Grossetti. « Reflexiones en torno a la noción de red. » Redes - Revista hispana para el análisis
de redes sociales, Vol. 12, Nº 25 (Julio 2017) : pp. 85-108. Ronny Viales et Patricia Clare ont réfléchi à la
construction de réseaux socio-techniques impliquant non seulement les agents humains et non humains,
mais aussi la nature et les objets dans la co-construction des faits scientifiques. Viales y Clare. « El Estado,
lo transnacional… », pp. 145-168 ; Viales, “Entre el constructivismo social… », pp. 39-54.
430
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, pp. 9, 37-38 ; Wassermann y Faust, Social Network
Analysis, p. 239.
431
Pierre Bourdieu. Science of Science and Reflexivity. Trad. Richard Nice. (UK, Polity Press, 2004), pp.
45-46 ; Sandrine Kott, « Une « communauté épistémique » du social ? Experts de l'OIT et
internationalisation des politiques sociales dans l'entre-deux-guerres », Genèses, 2008/2 (n° 71) : pp. 26-46
; Dany Lapostolle, « Les enjeux de la professionnalisation des agents de développement. L'ingénierie
territoriale prise en étau entre les conceptions organique et mécaniste du développement territorial »,
Géographie, économie, société, 2011/4 (Vol. 13) : pp. 339-362 ; Hélène Charton, « Gouvernement de
l'école et communautés épistémiques au Sénégal. Trajectoires d'acteurs et circulation des normes et des
modèles d’éducation en contexte international », Revue Tiers Monde, 2015/3 (N° 223) : pp. 49-66.
- 201 -
municipalités qui, par leurs projets politiques, consolident publiquement les
connaissances.432 Avec d’autres facteurs, cette dynamique contribue à créer une
territorialisation de l’assistance technique de l’urbanisme au niveau latino-américain,
dont les piliers fondamentaux étaient le développement, l’intégration régionale et la
géopolitique américaine, dont il a été question au premier chapitre.
J’ai déjà souligné que les congrès et réunions internationaux ne facilitent que
l’interaction des acteurs et de leurs dispositifs de médiation. Mais quand pouvons-nous
parler d’une relation soutenue ? Dans le cadre de ce travail, il faudra tenir en compte le
suivant :
1. Que les acteurs ou objets aient interagi deux fois ou plus au sein du réseau.
2. Que les acteurs aient pu transcender ce rapport minimal et le consolider par
d’autres modalités de l’assistance technique, telles que les missions d’experts, les
échanges professionnels ou les programmes de bourses.433
432
Harry M. Collins y Robert Evans. « The Third Wave of Science Studies : Studies of Expertise and
Experience. » Social Studies of Science, 32/2 (April 2002) : pp. 240-241.
433
Cela n’exclut pas du tout d’autres dynamiques dans lesquelles les acteurs ont pu renforcer leur lien,
comme leur rencontre dans des espaces de sociabilité communs, les relations familiales ou commerciales
ou leur amitié.
434
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, pp. 26, 44 ; Claire Bidart. « En busca del contenido de
las redes sociales : los “motivos” de las relaciones. » Redes - Revista hispana para el análisis de redes
sociales, Vol. 6, Nº 7 (Junio 2009) : pp. 178-202.
- 202 -
1. Le réseau d’affiliation.
Sur l’Image IV.1 nous pouvons observer l’ensemble du réseau d’affiliation auquel
l’INVU a participé où la taille des événements (en vert) est proportionnelle au nombre
d’acteurs (en rouge) qui s’y sont trouvés affiliés. Cette opération a été réalisée grâce au
calcul de son demi-degré intérieur (« In-degree centralization »)436 qui a été interprétée
comme une mesure de support, acquérant l’événement une qualité de « vecteur » de
messages, d’informations et d’idées. Une vue rapide permet d’identifier certains « centres
de gravité » qui ont articulé le processus de circulation des savoirs.
435
Ce modèle de réseau a été introduit par A. Davis, B.B. Gardner et M.R. Gardner qui, en 1941, ont analysé
l’interaction de plusieurs femmes lors de divers événements pour déterminer leur structure sociale. Comme
dans une sociomatrice à mode unique (1-mode) où l’existence d’un lien entre acteurs est codée avec un
« 1 », dans un réseau d’affiliation (2-mode) le « 1 » représente le lien entre un acteur et un objet particulier
(dans notre cas, des événements), tandis qu’un « 0 » détermine qu’il n’existe pas. Stephen P. Borgatti y
Martin G. Everett. « Network analysis of 2-mode data. » Social Networks, 19 (1997) : p. 245.
436
Pascal Cristofoli et Arnaud Bringé. « Analyser la structure d’un réseau. Partie – Trouver les sommets
“importants” d’un réseau. » Atelier des données relationnelles, 2 décembre 2020. EHESS.
- 203 -
Certains entourages peuvent être déduits dans le graph et ont été configurés de
façon chronologique. Le premier d’entre eux, situé dans le coin supérieur droit, a
concentré tous les espaces de liaison organisés dans les années 1950, parmi lesquels ont
été soulignées la Conférence ad hoc pour l’étude des problèmes du logement de 1953
(« re1953 »), la Conférence interaméricaine d’investissement de 1955 (« re1955 »), les
deux réunions techniques interaméricaines de logement et de planification de 1956 et
1958 (« re1956 » et « re1958b ») , le Séminaire latino-américain sur le logement et les
services publics en Amérique latine de 1959 (« re1959 ») et deux événements exclusifs à
la région d’Amérique centrale, la Réunion sur les problèmes du logement, des industries
du bâtiment et des matériaux de construction en Amérique centrale et au Panama de 1957
(« re1957 ») et, enfin, la Première réunion du sous-comité du logement, de la construction
et de la planification de l’isthme centraméricain de 1958 (« re1958a »).
Le deuxième entourage, situé en bas du premier, se compose de trois événements
développés en dehors de l’Amérique latine: la Première réunion du Comité du logement,
de la construction et de la planification de l’ECOSOC de 1963 (« re1963a »), le Séminaire
latino-américain sur les statistiques et les programmes de logement (« re1962b ») et la
Tournée d’études et le Séminaire sur l’organisation et les fonctions des organismes
nationaux chargés de la mise en œuvre des programmes de logement de 1964
(« re1964 »). Ces deux derniers espaces de liaison partageaient la qualité d’avoir été
organisés par trois pays scandinaves, à savoir le Danemark, la Norvège et la Suède, en
collaboration avec l’ONU.
Le troisième entourage, situé en haut à gauche du graph, a essentiellement
concentré les événements prévus pour l’isthme centraméricain, à savoir la Réunion du
groupe de travail sur la coordination modulaire du logement en Amérique centrale
(« re1962a »), les Réunions du sous-comité du logement des années 1963 (« re1963b »)
et 1965 (« re1965 ») et le Séminaire sur la programmation du logement organisé au
Mexique en 1963 (« re1963c »).
Le quatrième entourage aurait pu être constitué par trois activités techniques qui
partageaient la même thématique : la politique des Nations Unies en matière
d’établissements humains. Deux d’entre elles, la Conférence régionale préparatoire pour
l’Amérique latine dans les établissements humains de 1975 (« re1975 ») et la première
Conférence des Nations Unies pour les établissements humains – HABITAT I de 1976
(« re1976 »), sont liées par plusieurs de leurs acteurs communs, mais la Conférence
- 204 -
d’Amérique latine sur les établissements humains de 1979 (« re1979 ») est considérée
comme une île à l’extrême gauche du réseau d’affiliation. Cette séparation suggère
l’avènement d’un relais générationnel.437
Le problème qui se pose, à ce stade, avec la lecture du réseau d’affiliation est qu’il
ne permet pas de discerner lequel de ces acteurs avait le plus de chances d’établir des
relations soutenues dans le temps.438 Pour résoudre ce problème, le réseau d’affiliation a
été dichotomisé en fonction d’une condition, à savoir que les acteurs et les événements
aient interagi au moins deux fois.439 Cette opération a abouti à un nouveau graphique
composé de 91 acteurs qui ont eu l’occasion non seulement de travailler ensemble à
plusieurs reprises sur le réseau, mais aussi d’établir des relations à long terme et, peut-
être, de les entretenir en dehors de leur domaine (Image IV.2).
Ce graph permet déjà d’identifier les Costaricains qui ont pu jouer des rôles
importants au sein du réseau, tels qu’Eduardo Zúñiga (« zunige »), Rodrigo Carazo
(« carazo »), Eduardo Jenkins (« jenkins »), Rodrigo Vargas Salas (« vargasr »), Eladio
Jara Jiménez (« eladioj ») et Alvaro Hernández Carvajal (« carvahe »). Quant aux acteurs
internationaux, Eric Carlson (« carlson »), Ernest Weissmann (« weissma »), Anatole
Solow (« solowa »), Einer Engberg (« engberg ») ou Pedro Abelardo Delgado (« padel »)
sont visibles également, pour n’en nommer que quelques-uns. Cette nouvelle structure du
réseau d’affiliation a été soumise à l’analyse du logiciel spécialisé, afin d’obtenir leurs
scores de cohésion.440
437
Les informations disponibles montrent qu’après 1979, les fonctionnaires de l’INVU ont été
progressivement remplacés par d’autres acteurs affiliés à la Banque nationale hypothécaire du logement
(BANHVI) et au ministère du Logement et des établissements humains (MIVAH).
438
Cela crée également des problèmes d’ordre méthodologique. Dans l’ARS, Françoise Bahoken, Laurent
Beaguitte et Serge Lhomme ont recommandé de normaliser ou de dichotomiser les réseaux pour faciliter
l’identification des sommets les plus importants. Cette opération aide à la lisibilité des graphs, en suivant
aux recommandations d’Edward Tufte et Jacques Bertin. Françoise Bahoken, Laurent Beauguitte y Serge
Lhomme. “La visualisation des réseaux. Principes, enjeux et perspectives. 2013. halshs-00839905, pp. 2-
3. Consulté le 1 mai 2021. URL : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00839905; Laurent Beauguitte.
« L’analyse de réseaux en sciences sociales et en histoire : Vocabulaire, principes et limites. » Le réseau.
Usages d’une notion polysémique en sciences humaines et sociales (France : Presses Universitaires de
Louvain, 2016), pp. 15-16 978-2-87558-500-4. halshs-01476090. Consulte le 2 mai 2021. URL :
https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01476090
439
Cette fonction se trouve dans le Menu UCINET « Transform », « Dichotomize ».
440
Borgatti y Everett, « Network analysis », p. 253. Pour les calculer, j’ai utilisé la version UCINET 6.586
qui contient toutes les routines nécessaires à l’analyse des réseaux d’affiliation. La fonction « Modularité »
incluse dans Gephi a été utilisée pour déterminer les entourages du réseau. Il faut noter que Gephi n’est pas
un logiciel spécialisé dans le traitement des réseaux d’affiliation et qu’il comporte donc quelques limites
pour tracer certaines dynamiques.
- 205 -
Image IV.1. Amérique latine. Réseau d’affiliation de planification urbaine de l’INVU. (1953-1979).
Source des donnés : Alejandro Bonilla. C. Réseau d’affiliation d’urbanisme latino-américain. 2020. (Inédite). Analyse des donnés : UCINET. Visualisation
: Gephi (Algorithme ForceAtlas).
- 206 -
Image IV.2. Amérique latine. Entourages et intermédiaires du réseau d’affiliation (1953-1979).
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme, 2020. Analyse des donnés : UCINET. Visualisation : Gephi
(Algorithme ForceAtlas).
- 207 -
Les scores de densité (Density) et de fragmentation (Fragmenta) ont obtenu les
valeurs suivantes : dans le premier cas, un résultat de 7,6% et, dans le second, un supérieur
à 0, ce qui est interprété comme un réseau très peu connecté (Image IV.3).441 Ce n’est pas
une source de surprise car, comme je l’ai déjà souligné, le réseau d’affiliation ne garantit
que les interactions entre les acteurs et les événements, et non des relations soutenues
entre eux. A cela il faut ajouter que la séparation de la Conférence d’Amérique latine sur
les établissements humains de 1979 du corps principal du réseau d’affiliation a exercé
une influence notable sur ces résultats.
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET
v. 6.586
Une autre caractéristique du réseau d’affiliation est que l’adjacence entre acteurs
n’est possible que par la médiation des événements (et vice versa). Le score de distance
géodésique moyenne (Avg Dist), d’une valeur de 4,2, montre que la distance moyenne
pour que deux acteurs interagissent est par la participation à deux événements et par
l’intermédiaire de deux autres acteurs. C’est ainsi qu’un acteur « u », pour engager une
interaction avec l’acteur « uº », doit suivre un itinéraire « uàvàu*àv*àuº », où les
flèches sont les chemins géodésiques possibles.442 Le score de diamètre (« Diameter »)
montre que la distance géodésique la plus éloignée entre deux sommets est égale à 8,
c’est-à-dire que quatre acteurs et événements sont négociés entre eux.
Le calcul des scores précédents montre que, à eux seuls, les réseaux d’affiliation
n’assurent pas le succès de la circulation des savoirs. Bien qu’ils soient facilitateurs du
processus, les acteurs ont besoin d’autres espaces alternatifs permettant de consolider
leurs relations car, bien qu’ils aient interagi au moins à deux reprises, la densité du réseau
441
Tous les indicateurs de l’ARS seront présentés en pourcentage. Il sera clarifié quand ce n’est pas le cas.
442
Borgatti y Everett, « Network analysis », pp. 254-256.
- 208 -
s’est avérée extrêmement faible. Le relais générationnel détecté avec la Conférence de
1979 y a contribué, car il n’y a pas eu d’acteurs la reliant au corps principal du réseau.
Borgatti et Everett, dans un article récent, ont montré qu’il existe deux approches
pour analyser ce type de réseaux : celui de conversion et le direct. Dans le premier cas,
grâce aux outils disponibles dans les logiciels ARS, le chercheur peut diviser le réseau
d’origine en deux : celui de l’adhésion et celui des entrelacements. Ces deux sous-
réseaux, étant symétriques, peuvent être appliqués, sans aucun problème, aux routines
d’analyse des réseaux de manière unique. La deuxième approche est apparue en réponse
à l’inquiétude de plusieurs chercheurs de perdre des données dans le processus de
conversion et, par conséquent, l’analyse devait être effectuée à partir de la structure
originale du réseau d’affiliation.443
Suivant les recommandations de ces deux auteurs, les deux sections suivantes
traiteront chacune des projections du réseau d’affiliation. Étant donné que de nombreux
événements et acteurs ne seront pas pris en compte dans l’ARS, le comportement général
de ces deux variables sera d’abord introduit par des analyses statistiques et
prosopographiques et, par la suite, les réseaux d’entrelacement et d’adhésion tirés du
réseau d’affiliation seront abordés.444 Il convient de souligner que ces sous-réseaux ont
été dichotomisés en utilisant la condition exposée ci-dessus. Je présenterai d’abord
l’univers des événements auxquels l’INVU a participé et pourquoi uniquement ceux
observés dans les graphiques du réseau d’affiliation déjà présentés ont été pris en compte.
443
Borgatti et Everett ont précisé que la perte de données se produit si le chercheur analyse une projection
sans tenir compte de l’autre, mais que l’approche de la conversion est essentiellement valable pour analyser
un réseau d’affiliation. Martin G. Everett y Stephen P. Borgatti. « The dual-projection approach for two
mode networks. » Social Networks. 35 (2013) : pp. 204-205.
444
Cette fonction se trouve dans le menu UCINET « Data », « Affiliations (2-mode to 1-mode) ».
- 209 -
2. Les espaces de liaison.
a) L’univers d’événements.
445
Le cas de la CCSS ne sera pris en compte que par sa participation à la Commission ad hoc de 1953, qui
s’est avérée importante dans la dynamique du réseau d’affiliation. L’analyse détaillée de cette institution
ainsi que la participation de ses fonctionnaires à d’autres événements internationaux avant 1953 dépassent
les objectifs de ce travail.
446
L’exclusion de l’INVU de ces événements est visible à partir des années 1990. Les délégations
costaricaines qui ont assisté aux réunions régionales des ministres et des autorités du secteur du logement
et du développement urbain en Amérique latine et dans les Caraïbes étaient composées de fonctionnaires
du BANHVI, du MIVAH et de son corps diplomatique. Lors de la troisième réunion, la CEPALC a reconnu
le MIVAH comme l’institution officielle chargée de la coordination du secteur urbain et du logement au
Costa Rica, bien que ce ministère ne dispose ni d’une loi organique ni d’un portefeuille spécifique. ECLAC.
Report of the Regional Meeting of Ministers and High-Level Authorities of the Housing and Urban
Development Sector in Latin America and the Caribbean (Santiago, Chile, 16-20 March 1992). (UN :
ECLAC, 1992). Consultado el 20 de enero del 2021. URL : https://goo.gl/1hh3tF; CEPAL. Gestión urbana
y de vivienda en América Latina. II Reunión regional de ministros y autoridades máximas del sector de la
vivienda y el urbanismo de América Latina y el Caribe (MINURVI 2). (ONU: CEPAL, Santiago de Chile,
1994). Consultado el 20 de enero del 2021. URL : https://goo.gl/vyyqjA; ECLAC. Report of the Third
Regional Meeting of Ministers and High-Level Authorities of the Housing and Urban Development Sector
in Latin America and the Caribbean. (Quito, Ecuador, 16 to 18 November 1994). (UN : ECLAC, 1994).
Consultado el 20 de enero del 2021. URL: https://goo.gl/iTCJiq; ECLAC. Report of the Fourth Regional
Meeting of Ministers and High-Level Authorities of the Housing and Urban Development Sector in Latin
America and the Caribbean. (Santiago, Chile, 16-17 November 1995). (UN : ECLAC, 1996). Consultado
el 20 de enero del 2021. URL: https://goo.gl/GBG4CJ; CEPAL. Informe de la Quinta Reunión regional de
ministros y autoridades máximas del sector de la vivienda y el urbanismo de América Latina y el Caribe.
(Kingston, Jamaica 12 al 15 de noviembre de 1996). (ONU : CEPAL, 1997). Consultado el 20 de enero del
2021. URL: https://goo.gl/yD4cQn.
- 210 -
contribue à nuancer à nouveau la centralité géographique de ce pays et sa position
influente dans ces forums.
Tableau IV.1. Nombre d’événements internationaux d’urbanisme et d’urbanisme
auxquels ont participé la CCSS et l’INVU, par pays et par région. (1953-1986).
Région Pays Nombre ev. Région Pays Nombre ev.
Amérique du Nord Canada 1 Amérique du Colombie 2
Sud
États-Unis d’Amérique 10 Pérou 8
Mexique 12 Venezuela 4
Am. Centrale et des Caraïbes Costa Rica 5 Chile 1
Nicaragua 4 Argentina 2
Honduras 1 Équateur 4
Le Salvador 3 Brésil 1
Guatemala 5 Europe Danemark 2
Panama 4 Norvège 1
Porto Rico 1 Suède 1
Rep. Dominicaine 1 Espagne 1
Trinité-et-Tobago 1 Yougoslavie 1
N/D N/d 3 Asie Taiwan 1
Une autre caractéristique des événements auxquels l’INVU a participé est la faible
représentativité européenne, qui peut être interprétée comme un effet de la régionalisation
des politiques de développement international poussée par l’ONU. Des pays comme
l’Angleterre et la France, qui à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle avaient
exercé une influence considérable sur le Costa Rica, dans cet univers d’événements, l’ont
complètement perdue.447 Si l’on part du fait que les événements internationaux permettent
des interactions et des relations entre les acteurs, l’absence de l’INVU dans ces espaces
de liaison a eu pour conséquence qu’aucun expert de ces pays n’a travaillé au sein de
l’institution. Les données recueillies n’ont permis d’identifier que la visite à San José de
l’urbaniste français Maurice Rotival en 1954, l’un des « génies étrangers » ainsi appelés
par Almandoz, mais celui-ci est arrivé dans le pays à l’invitation de l’École supérieure
d’administration publique d’Amérique centrale (ESAPAC), qui est l’un des projets
d’assistance technique de l’ONU basés dans la capitale costaricaine. Par conséquent, si
l’influence française ou anglaise a été maintenue, elle a dû circuler par d’autres moyens
ou espaces qui devront être analysés dans de futures recherches.
447
Les informations disponibles montrent qu’entre 1954 et 2010, l’INVU n’a assisté à aucun événement
international organisé par l’Angleterre ou la France, du moins officiellement. Le seul enregistrement lié à
un événement dans ces pays était celui connu par le conseil d’administration de l’INVU le 15 novembre
1956, où a été lu le rapport de l’ambassadeur du Costa Rica en France, León Pacheco, sur les activités de
la Journée mondiale de l’urbanisme organisées par l’Institut d’urbanisme de l’Université de Paris. ANCR,
Actas INVU, signatura 31, Acta nº225, 15 de noviembre de 1956, f. 302.
- 211 -
Carte IV.1. Pays hôtes des événements internationaux d’urbanisme auxquels ont participé la CCSS et l’INVU. (1953-1986)
- 212 -
Dix-sept activités techniques seront analysées dans cet univers d’événements, et
leur sélection a répondu à ces conditions : la première est que parfois les comptes rendus
du Conseil d’administration ou les mémoires de l’INVU ne consignent pas de données
importantes telles que l’institution organisatrice des événements ou le nom des délégués.
Cela a rendu difficile l’identification des référentiels documentaires et la récupération du
dossier de l’événement. Le second est lié à l’intégralité du dossier, car sans sa liste de
participants, l’événement n’a pas pu être inclus dans le réseau.448 Le troisième est dû à la
délimitation de l’objet d’étude, car en l’absence de délégués de l’INVU, l’événement n’a
pas été pris en compte, même s’il était lié à la thématique de l’urbanisme ou du logement
social. Par conséquent, les événements organisés par l’ONU ont été plus facilement
localisables sur les dépôts numériques de la CEPALC et l’ONU. Les archives et
bibliothèques de l’Université nationale de Colombie (UNAL), quant à eux, ont permis de
localiser ceux convoqués par l’OEA.
Il convient donc de rappeler que l’analyse qui sera effectuée dans les pages
suivantes est loin de représenter l’ensemble du processus de circulation des savoirs. Pour
cela, de nombreuses recherches seront nécessaires afin aborder les activités non incluses
et les autres institutions ou organismes internationaux qui ont eu un lien avec les
problèmes du logement social et de l’urbanisme tant au niveau national que régional. Ce
n’est que dans le cas de l’OEA que d’autres forums ont abordé ces thèmes, tels que les
Conférences interaméricaines, les Congrès interaméricains des municipalités, les
événements organisés par l’Union panaméricaine des associations d’ingénieurs (UPADI)
et les Congrès panaméricains d’architecture (CPA). Dans le cas du Costa Rica, il reste à
analyser la participation du Département du logement de la CCSS, de la municipalité de
San José, de l’Institut de développement et de conseil municipal (IFAM), de la
Compagnie nationale de la force et de la lumière (CNFL) et, bien entendu, du BANHVI
et du MIVAH.
Après avoir apporté cette clarification, j’analyserai la première des projections, le
réseau d’entrelacements, afin de situer les événements qui étaient les plus centraux dans
le processus de circulation des savoirs et comment ils ont été organisés dans les contextes
448
Cette circonstance s’est produite avec la Conférence régionale d’Amérique latine sur les établissements
humains qui s’est tenue au Mexique du 13 au 17 septembre 1976, car, bien que les rapports de rapporteur
aient pu être obtenus, la liste de participation n’était pas disponible.
- 213 -
qui ont généré, au cours de cette période, les différents instruments, modèles et normes
de l’urbanisme et du logement social en Amérique latine.
Pour commencer, le graph inclus dans l’Image IV.4 montre un réseau un peu plus
dense (22,06%) que le réseau d’affiliation initial et se compose de six entourages, dont
trois apparaissent totalement isolés de la structure principale du réseau d’entrelacements,
à savoir la Conférence interaméricaine des investissements de 1955 (« re1955 »), la
première réunion du Comité du logement, de la construction et de la planification de
l’ECOSOC de 1963 (« re1963a ») et la conférence précitée de 1979. Pour cette raison,
ses discussions et recommandations sont considérées comme ayant eu une influence
faible ou nulle dans le processus de circulation des savoirs. En outre, leur isolement se
reflète dans les scores de centralité Freeman (« Centrality Degree ») incluses dans le
Tableau IV.2 qui sont pratiquement nulles, dû au fait que les acteurs affiliés à ces
événements n’ont pas réussi à interagir à au moins deux reprises au sein du réseau
d’affiliation.
Les espaces de liaison les plus importants du réseau d’entrelacements ont été la
première Réunion interaméricaine de logement et de planification, qui s’est tenue à
Bogota en 1956, et la Réunion sur les problèmes de logement, d’industries de bâtiment et
de matériaux de construction en Amérique centrale et au Panama organisée à San José en
1957, qui ont obtenu 50% de leur centralité de grade. Quant à sa centralité, Philip
Bonacich a averti que le fait qu’un sommet ait plus de connexions au sein d’un réseau ne
signifie pas forcément qu’il soit influent. Pour que cela se produise, celui-ci doit être
central tout en étant relié à d’autres sommets qui sont également centraux. Si un sommet
est influent sur d’autres sommets également prédominants, le processus de circulation des
savoirs tend à être plus fluide et peut élargir sa portée, ce qui se reflète dans sa centralité
de pouvoir (« Alpha Centrality/Bonacich Power »).449 Compte tenu de cela, les
événements de 1956 et 1957 ont été les plus influents du réseau d’entrelacements, dont la
centralité de pouvoir a atteint une valeur de 7,7 pour chacun.
449
Robert Hanneman y Mark Riddle. Introduction to social network methods. (Riverside, CA : University
of California, Riverside, 2005). Consulté le 25 janvier 2021. URL :
https://faculty.ucr.edu/~hanneman/nettext/C10_Centrality.html. La centralité du pouvoir n’est pas un
pourcentage, mais un indice.
- 214 -
Image IV.4. Entourages et nombre d’acteurs en relation avec le réseau
d’entrelacement.
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés :
UCINET. Visualisation : Gephi (Algorithme ForceAtlas).
- 215 -
Tableau IV.2. Activités techniques, pays d’accueil et scores de centralité du réseau d’entrelacement.
Congrès ou réunion Code Siège F.C.1 B.P.2 R.C.3 B.C.4
Commission ad-hoc pour l’étude des problèmes de logement social « re1953 » États-Unis 19 2,9 51 0
Conférence interaméricaine sur l’investissement « re1955 » États-Unis 0 0 6 0
Première réunion technique interaméricaine sur le logement et la planification « re1956 » Colombie 50 7,7 67,6 19,3
Réunion sur les problèmes de logement, les industries du bâtiment et des matériaux de construction en Amérique « re1957 » Costa Rica 50 7,7 67,6 19
centrale et au Panama
Première réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la planification d’Isthme en Amérique centrale « re1958a » Costa Rica 25 3,9 55 1,2
Deuxième réunion technique interaméricaine sur le logement et la planification « re1958b » Pérou 31,25 4,9 57 2,5
Séminaire sur le financement du logement et des services publics en Amérique latine « re1959 » Colombie 12,5 2 45 0
Réunion du Groupe de travail sur la coordination modulaire du logement en Amérique centrale « re1962a » El Salvador 37,5 5,8 60 5,4
Séminaire latino-américain sur les statistiques et les programmes sur le logement « re1962b » Danemark 19 2,9 52 0,7
Première réunion de la commission du logement, de la construction et de l’urbanisme, ECOSOC « re1963a » États-Unis 0 0 6 0
Deuxième réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la planification d’Isthme en Amérique centrale « re1963b » El Salvador 25 3,9 54 1,1
Séminaire sur la programmation du logement « re1963c » Mexique 25 3,9 50,5 0,7
Visite technique et séminaire sur l’organisation et les fonctions des agences nationales chargées de la mise en œuvre « re1964 » Danemark, 25 3,9 55 4
des programmes de logement Norvège et Suède
Troisième réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la planification d’Isthme en Amérique centrale « re1965 » Guatemala 31,25 4,8 57 2,2
Conférence préparatoire régionale pour l’Amérique latine sur les établissements humains « re1975 » Venezuela 6,25 1 37 0
Habitat. Conférence des Nations Unies sur les établissements humains « re1976a » Canada 19 3 52 10
Conférence latino-américaine sur les établissements humains « re1979 » Mexique 0 0 6 0
1 3
Centralité de degré. Centralité d’atteinte
2 4
Centralité du pouvoir Centralité d’intermédiarité
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
- 216 -
Les ressources qui ont circulé lors de ces deux événements, grâce à leurs acteurs
communs, ont contribué à consolider les recommandations du premier entourage (situé à
droite) constitué en outre par la Commission ad hoc de 1953 (« re1953 »), la Première
réunion du Sous-comité du logement, de la construction et de la planification de l’isthme
centraméricain de 1958 (« re1958a »), la Deuxième réunion technique interaméricaine
sur le logement et la planification de la même année (« re1958b ») et le Séminaire sur le
financement du logement et des services publics en Amérique latine de 1959 (« re1959 »).
Parmi celles-ci, la deuxième Réunion technique interaméricaine, par son ampleur et son
niveau de participation, a obtenu un degré élevé de centralité (31,25%) et une influence
considérable (4,9).
Le deuxième entourage important, situé au sommet du graph, est revêtu d’un label
centraméricain. On constate que la réunion du groupe de travail sur la coordination
modulaire du logement en Amérique centrale de 1962 (« re1962a »), et les réunions du
Sous-comité du logement, de la construction et de la planification de 1963 (« re1963b »)
et de 1965 (« re1965 ») ont maintenu l’ordre du jour de la réunion de 1957. Parmi ceux-
ci, le premier événement a été le plus central de tous (37,5%) et le plus influent (5,8) et
par conséquent, la Troisième réunion du Sous-comité de 1965 (« re1965 ») a également
eu une centralité élevée (31,25%) et une influence considérable (4,8). La Deuxième
réunion du Sous-comité de 1963 a eu moins de poids, n’étant pas directement influencée
par l’événement de 1957. Les séminaires organisés dans les pays scandinaves semblent
avoir maintenu certains aspects de l’ordre du jour discutés lors de la Première réunion
interaméricaine de 1956, celui organisé en 1964 étant le plus central (25%) et influent
(3,9).
Un facteur qui a pu contribuer à la centralité et à l’influence des événements
signalés a été leur accessibilité. La Carte IV.2 révèle que des pays comme la Colombie,
le Costa Rica, El Salvador, le Guatemala et le Pérou partagent des valeurs élevées dans
leur centralité de proximité. Les acteurs qui ont assisté à ces événements ont mobilisé
beaucoup plus facilement les ressources entre ces espaces de liaison en raison de facteurs
tels que la proximité géographique, le partage d’une même langue, des problèmes
économiques, sociaux et culturels similaires et, surtout, la présence continue d’acteurs
clés au sein du réseau.
- 217 -
Carte IV.2. Centralité géographique des événements du réseau d’entrelacements.
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET. Visualisation : Gephi (Algorithmes GeoLayout et
MapOfCountries).
- 218 -
Ce caractère central et influent de ces événements est également confirmé par le
score de la centralité d’intermédiarité (« Freeman Betweenness Centrality »), qui se situe
au-dessus de la moyenne pour l’ensemble du réseau d’entrelacements (3,9%). Il est
important de souligner qu’un événement assez limité, tel que la Réunion du groupe de
travail sur la coordination modulaire de 1962, a eu une influence considérable sur l’ordre
du jour de travail des deuxièmes et troisièmes réunions du sous-comité du logement de
1963 et 1965, ainsi que sur celui du Séminaire sur la programmation du logement de
1963, ce qui suggère que la coordination modulaire a joué un rôle important dans les
politiques de logement pour la région d’Amérique centrale. Par ailleurs, HABITAT-I,
l’un des événements internationaux les plus importants du XXe siècle, a obtenu de scores
de centralité relativement modérées. Cela peut suggérer que pour l’isthme
centraméricaine, et peut-être aussi pour l’Amérique latine, HABITAT-I a introduit peu
de nouveautés.
Il reste finalement à observer quels espaces de liaison ont assumé des rôles de
« centre » et de « périphérie » dans le processus de circulation des savoirs. Dans l’Image
IV.5 les résultats obtenus à partir de la routine centre/périphérie d’UCINET sont
affichés.450 Pour cette analyse je m’appuie également sur les contributions d’Alain
Musset, qui a souligné que la catégorie centre-périphérie peut aider à comprendre
l’organisation des territoires et les inégalités de place qui s’y trouvent. Loin de considérer
le centre comme un équivalent des pays du « Nord », il sera utilisé à partir de la notion
d’accès aux connaissances qui ont circulé sur le réseau et de la facilité de les transformer
en politiques publiques.451
Nous remarquons grâce à elle que les événements les plus pertinents pour l’INVU
ont été trois activités interaméricaines (Commission ad hoc de 1953 et Réunions
techniques de 1956 et 1958) et cinq événements pour Amérique centrale (réunions de
1957, 1958, 1962, 1963 et 1965). En outre, la première réunion interaméricaine a eu un
impact plus important que les autres événements centraux, ses ressources ou ses
dispositifs de médiation ayant réussi à influencer quatre événements situés à la périphérie.
450
Cette fonction se trouve dans le menu « Network », « Core/Periphery », « Categorical ». Ce type de
procédure témoigne des forces et faiblesses structurelles du réseau, qui affectent l’accès aux ressources ou
aux dispositifs de médiation. Hanneman y Riddle. Introduction to social networks. Consulté le 20 décembre
2020. URL : https://faculty.ucr.edu/~hanneman/nettext/C17Two_mode.html; Everett y Borgatti. « The
dual-projection approach », pp. 206-207.
451
Musset « De Lênin à Lacoste », pp. 105, 108.
- 219 -
Les événements « centraux » ont constitué un entourage compact qui a facilité la
circulation des savoirs en raison de leur densité élevée (57%).
Source des donnés : Bonilla. C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
La densité des événements « périphériques » s’est avérée plus faible (8,3 %) que
celle détectée pour les événements centraux, suggérant que la circulation de ses dispositifs
de médiation a eu beaucoup de difficultés à atteindre l’INVU. Seuls deux événements ont
donné suite aux dispositifs de médiation « centraux », comme le Séminaire sur le
financement du logement de 1959, qui a repris certains aspects des Réunions
interaméricaines de 1956 et 1958. Le séminaire sur la programmation du logement de
1963 a réussi à avoir un impact sur les réunions du sous-comité du logement de 1963 et
1965 lors de la tournée et du séminaires organisés dans les pays nordiques en 1964, faisant
écho aux recommandations de la réunion du groupe de travail sur la coordination
modulaire de 1962. Les événements liés à HABITAT ont constitué une « clique » ou un
groupe très compact, ce qui a marqué le début du relèvement générationnel et
- 220 -
l’impossibilité de l’INVU de donner suite à ses recommandations. Cependant, il est
indiqué par son rapport avec les réunions techniques interaméricaines (« re1956 » et
« re1958b ») que ses dispositifs de médiation se sont révélés moins nouveaux et que
certains d’entre eux se sont appuyés sur l’expérience accumulée de deux décennies.
En résumé, l’analyse du réseau d’entrelacement suggère que les événements
classés comme « centraux » ont eu un impact plus important lors de l’établissement d’un
programme spécifique de logement social et d’urbanisme, qui a débuté avec les activités
techniques à l’échelle latino-américaine (Commission ad hoc de 1953 et réunions
interaméricaines de 1956 et 1958) et s’est consolidé avec la réunion centraméricaine de
1957 et le travail continu du Sous-comité du logement et de ses groupes de travail entre
1958 et 1965. Les événements « périphériques » se caractérisent par leur rôle de
complémentarité avec certaines des recommandations émises par les événements
centraux et même par des événements tels qu’HABITAT-I qui, au lieu d’être un
événement fondateur, a été un grand haut-parleur de l’expérience acquise en Amérique
latine et dans d’autres régions du monde. Il me reste à introduire le deuxième sous-réseau
du réseau d’affiliation, celui d’adhésion, qui sera abordé ci-dessous.
452
La prosopographie, comme méthode, a été principalement utilisée pour construire des biographies
collectives de groupes sociaux, y compris professionnels, dans le but de se rapprocher de leur dynamique
sociale. Neithard Bulst. « Objet et méthode de la prosopographie. » L'état moderne et les élites, XIIIe -
XVIIIe siècles. Apports et limites de la méthode prosopographique. Actes du colloque international CNRS-
Paris I, 16 - 19 octobre 1991, Jean Phillipe Genet et Günther Lottes (comp.). (Paris : Université Paris I,
1996), pp. 467-482 ; Éric Saunier. « La prosopografía : Una nueva vida para la historia de la masonería. »
- 221 -
En outre, les experts internationaux seront inclus dans cette analyse
prosopographique, car d’après les informations disponibles, il a été constaté qu’entre
1948 et 2010, 43 experts en mission technique ont fourni leurs services au Costa Rica, la
plupart dans l’INVU. Les autres institutions auxquelles ont participé étaient la MSJ, la
CCSS et d’autres domaines créés par les programmes d’assistance technique tels que
l’ESAPAC, aujourd’hui Institut centraméricain d’administration publique (ICAP). Les
données de base de ce groupe d’acteurs sont incluses dans le Tableau A.4 des annexes.
La première chose qui attire l’attention, c’est que les fonctionnaires qui ont
représenté la CCSS et l’INVU entre 1953 et 1986 étaient fondamentalement un groupe
de jeunes. Les informations disponibles indiquent qu’environ 72,7 % des fonctionnaires
avaient moins de 40 ans, la plupart ayant entre 30 et 39 ans (51,5 %). Dans ce groupe, on
a constaté une importante concentration de postes décisionnaires, tant techniques que
politiques. Au sein du type 1, qui regroupe les postes du conseil d’administration, 50%
des acteurs avaient précisément moins de 40 ans. Cette tendance s’est fortement reflétée
dans le Type 2, les chefs de département, où 100 % des postes ont été occupés par les
moins de 36 ans. Dans le type 3, les fonctionnaires communs, la répartition des groupes
d’âge était mixte.453
En ce qui concerne la profession des acteurs, les plus prédominantes étaient
l’architecture (26,2%) et l’ingénierie civil (23,8%), concentrant donc un 50% des acteurs.
Que se passe-t-il si nous observons ces professions en fonction des types de postes ? Sur
les 12 acteurs qui ont eu une place au conseil d’administration, 6 étaient des ingénieurs
ou des architectes (50%). De même, c’est le cas des chefs et des fonctionnaires communs,
où il y avait 4 (44,4%) et 11 (52,4%) acteurs ayant respectivement ces professions. Cette
prééminence de l’architecte et de l’ingénieur dans les espaces de décision technique et
politique a été, selon Ana Patricia Montoya, essentielle pour concrétiser les connaissances
Trad. Yván Pozuelo Andrés. Revista de Estudios Históricos de la Masonería Latinoamericana y Caribeña,
Vol. 1, Nº 1 (Mayo-Noviembre 2009) : pp. 37-43 ; Ricardo Martínez Esquivel. « Prosopografía y redes
sociales : notas metodológicas sobre el estudio de la masonería en Costa Rica. » Revista de Estudios
Históricos de la Masonería Latinoamericana y Caribeña, Vol. 7, Nº 2 (Diciembre 2015 – Abril 2016) : pp.
1-27.
453
Il convient de préciser que pour le calcul de l’âge des délégués l’année de naissances a été prise en
conjonction avec l’année où le fonctionnaire a représenté le pays pour la première fois. L’état civil du Costa
Rica peut être consulté sur le site web https://www.consulta.tse.go.cr/consulta_persona/menu.htm.
- 222 -
urbanistiques et de logement, qui ont dialogué et se sont légitimées mutuellement avec le
discours et le projet politique des gouvernements en place.454 Il faut également tenir
compte de la longévité des acteurs dans leurs postes, dont je parlerai plus tard.
Au chapitre 2, j’ai souligné que les programmes internationaux d’assistance et de
coopération technique avaient un visage masculin. Cette tendance se répète avec les
délégations de la CCSS et de l’INVU, où 88% de ses membres étaient des hommes. Si
l’on le compare aux professions les plus dominantes observées ci-dessus, seules deux
femmes ont pu être identifiées comme ingénieures (Lourdes Huaringa Yepes et Clara
Zomer Rezler), tandis qu’avec l’architecture une seule d’entre elles appartenait à la
profession (Zuleyka Salom Rodríguez).455 L’ingénieure Zomer a été jusqu’en 1986, la
seule femme à avoir réuni la double condition d’adhésion aux professions les plus liées
dans la pratique de l’urbanisme et du logement au Costa Rica et d’avoir un poste de
décision politique (présidence exécutive). Parmi les autres femmes qui ont représenté
l’INVU lors d’événements internationaux, l’une d’entre elles était la pédagogue (Thais
Navarro Coto)456 et la seconde (Ana Irene Garbanzo de la Peña). Bien que la profession
de cette dernière n’ait pas pu être déterminée avec précision, les informations disponibles
suggèrent qu’elle pourrait appartenir à un domaine des sciences économiques.457
454
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 94.
455
Clara Zomer fut la première femme diplômée en ingénierie civile de l’Université du Costa Rica (UCR)
et s’est démarquée à la fois dans son travail de chercheuse et de développeuse et dans son parcours politique.
En plus de son travail en tant que présidente de l’INVU et ministre du Logement, elle a été l’une des
premières enseignantes à coordonner des cours d’informatique au Costa Rica et a contribué à démocratiser
son utilisation dans le pays. En 1999, elle a reçu la distinction de « Professionnelle exceptionnelle ».
« Cátedra regional UNESCO. » Consulté le 18 juillet 2021. URL :
http://catunescomujer.org/creencias/pioneras.html
456
Thais Navarro Coto a été boursier du CINVA et a joué un rôle important dans la Première réunion
technique interaméricaine de 1956 sur le logement et la planification, où elle a été présidente de la sous-
commission C de la Commission I, chargée d’analyser les aspects nationaux du logement et de la
planification. Navarro a coordonné ce groupe de travail en collaboration avec l’architecte Mario Valenzuela
et Celestino Sañudo qui a été secrétaire. OEA-CIES. Informe de la Secretaría del Consejo Interamericano
Económico y Social sobre la Primera Reunión Técnica Interamericana en vivienda y Planeamiento, OEA-
CIES. (Washington, D.C. : Unión Panamericana, 1958), pp. 16-17. L’architecte Mario Valenzuela, de
nationalité hondurienne et diplômé de l’université de Berkeley, a participé à de nombreux projets
architecturaux d’inspiration moderne, tels que le Palais du Congrès de Tegucigalpa. Daniela Navarrete
Cálix. “Tegucigalpa, laboratoire urbain des modernités au Honduras. XIXe et XXe siècles.” (Thèse de
Doctorat en Études Urbains, PSL-EHESS, 2018) pp. 211, 345-346. Celestino Sañudo a été professeur à la
CINVA en 1952 et 1956. Jorge Rivera Páez. « El CINVA : Un modelo de cooperación técnica 1951-1972. »
Anexes. (Tesis de Maestría en Historia, Universidad Nacional de Colombia, 2002).
457
Ana Irene Garbanzo de la Peña, a reçu une bourse pour étudier les statistiques économiques et sociales
au CIENES, à Santiago du Chili en 1965. ANCR, Actas INVU, signatura 49, Acta Nº 1292, 17 de
noviembre de 1965, fs. 390-391.
- 223 -
En résumé, les caractéristiques sociales des délégués de l’INVU qui ont participé
aux événements internationaux identifiés sont les suivantes :
1. Il s’agissait principalement de jeunes acteurs de moins de 40 ans.
2. Les personnes occupant les postes de décision politique (conseil
d’administration) en tant que technique (chefs des départements) avaient comme
qualité leur jeunesse, en particulier dans ces derniers.
3. Plusieurs architectes et ingénieurs qui occupaient certains de ces postes ont
réussi à dépasser les 10 années de service, ce qui a accru la possibilité de soutenir
un programme urbain à moyen et à long terme.
4. Les délégations étaient essentiellement masculines, reflétant la tendance
observée dans les programmes internationaux d’assistance et de coopération
technique.
Je parlerai ensuite des experts internationaux qui ont fourni leurs services au Costa
Rica tout au long de la période étudiée.
- 224 -
les administrateurs et les employeurs avec un 2,3% chacun. Les données suggèrent une
dépendance considérablement élevée de la CCSS et de l’INVU vis-à-vis des services
d’architectes et d’urbanistes étrangers, ce qui s’explique, entre autres, par l’absence
d’écoles d’architecture et d’urbanisme au Costa Rica. Cela a été partiellement corrigé par
la fondation de l’École d’Architecture de l’UCR en 1970, mais, aujourd’hui, aucune école
ou faculté d’urbanisme n’existe au Costa Rica.
Quant aux organismes internationaux, des dynamiques intéressantes ont été
trouvées. Au niveau mondial, le Point IV a été le programme d’assistance et de
coopération technique qui a nommé le plus d’experts dans le pays, 16 sur un total de 44.
Il est suivi par l’OEA, avec 12, l’ONU avec 9 et, quant aux 10 autres, ils provenaient
d’autres programmes. En observant de plus près, c’est l’OEA qui a nommé le plus
d’architectes dans le pays, avec un total de 7, suivis de 2 ingénieurs et d’1 urbaniste.
L’ONU n’a envoyé qu’un architecte et 3 urbanistes au Costa Rica, mais le Point IV, outre
un architecte et un ingénieur, a envoyé également 6 urbanistes au cours de la période. Les
données semblent indiquer que, malgré la dépendance du pays vis-à-vis de ces
professionnels étrangers, aucun programme d’assistance technique n’a connu une
prédominance substantielle au cours de la période et il ne semble donc pas y avoir eu de
monopole du savoir de la part d’une seule source d’assistance technique.
Si les nationalités sont prises en compte, nous remarquons à première vue la
prédominance de l’Étasunienne parmi les experts de mission technique, qui représentait
36,4%. Mais celle-ci a été suivie de près par les Latino-Américains qui représentaient
32% du total des experts, suivis de loin par les Européens avec 13,63% et enfin par les
Asiatiques avec 2,27%. Ces données semblent indiquer qu’il n’y avait pas d’avantage
d’Étasuniens dans la CCSS et dans l’INVU qui ont plutôt contracté à plusieurs reprises
les services de Latino-Américains qui connaissaient mieux le contexte costaricain.
Cela se confirme également quand nous observons le comportement des
professions par nationalité, où, bien qu’il y ait clairement une prééminence des Étasuniens
parmi les urbanistes (60%), ce n’était pas la même chose en ce qui concerne les architectes
et les ingénieurs où il y avait la plus grande diversité de nationalités, parmi elles, la Suisse,
la Yougoslavie, la Mexicaine et la Colombienne, entre autres. Il faut rappeler que, dans
les projets d’urbanisme, ce ne sont pas toujours les urbanistes qui dirigeaient les projets,
mais ce sont souvent les architectes et les ingénieurs qui ont pris ce rôle. Les informations
disponibles indiquent que, contrairement aux craintes exprimées par les communistes
- 225 -
d’une imposition d’un « agenda impérialiste » dans les institutions costaricaines
analysées au chapitre 2, au moins au sein de la CCSS et de l’INVU, le travail des experts
en assistance technique ne semble pas avoir été un facteur décisif à cet égard. Néanmoins
il faut considérer le rôle de ces experts pendant la négociation de crédits avec la banque
multilatérale de développement, ou je parlerai au Chapitre 8.
En résumé, les caractéristiques du groupe d’experts d’assistance et de coopération
technique qui ont été au Costa Rica sont les suivantes :
1. Il s’agissait d’un groupe éminemment masculin, au sein duquel se sont
concentrées les professions d’architecture, d’ingénierie et d’urbanisme. Par
ailleurs, les femmes n’ont fourni que des services dans le domaine du travail social.
2. L’INVU dépendait fortement des architectes et des urbanistes venus dans le
pays dans le cadre d’une mission technique. Cela s’explique, entre autres, par
l’absence d’une école d’architecture et d’urbanisme au Costa Rica, partielle dans
le premier cas et totale dans le second, à laquelle s’est joint une disponibilité
réduite de personnel qualifié au sein de l’institution.
3. Aucun programme d’assistance et de coopération technique, que ce soit le
Point IV, l’OEA ou l’ONU, n’avait le monopole du savoir urbain pendant la
période, le pays ayant eu recours dans le cadre de proportions similaires aux
services de chacun.
4. Contrairement aux discours antagonistes qui parlaient d’une ingérence
« yankee » dans les institutions costaricaines par le biais des programmes
d’assistance technique, du moins dans le cas de l’INVU, le nombre d’experts
américains a été presque égalé par ceux qui étaient latino-américains, ce qui a pu
réduire les chances d’une imposition de politiques ou de modèles urbains.
- 226 -
occupant ces postes, pour des raisons structurelles des programmes d’assistance
technique. Compte tenu de ces résultats, j’analyserai ensuite le réseau d’adhésion en
utilisant la même méthodologie appliquée sur l’autre sous-réseau.
- 227 -
Image IV.6. Entourages et acteurs centraux du réseau d’adhésion.
Source des donnés : Bonilla. C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET. Visualisation : Gephi (Algorithme
ForceAtlas)
- 228 -
Tableau IV.3. Scores de centralité des délégués costaricains et des experts
internationaux au Costa Rica du réseau d’adhésion.
Nombre Código F.C.1 B.P. 2 C.C.3 R.C. 4 B.C.5
Anatole Solow “solowa” 37,8 25 4,4 53,3 11,22
Rodrigo Carazo Odio “carazo” 33,3 22 4,38 51,1 5,5
Carl Eric Carlson “carlson” 32 21,2 4,35 48,6 7,7
Paul Foster “fosterp” 27,8 18,3 4,34 46,4 1,11
Edmond Hoben “hobene” 27,8 18,3 4,34 46,4 1,11
Rodrigo Vargas Salas “vargasr” 26,6 17,6 4,38 48,4 10,2
René Eyheralde Frías “eyher” 23,3 15,4 4,36 45,8 0,93
Francis Diamond “diamond” 16,6 11 4,32 40,5 0
Luis Lander “landerl” 16,6 11 4,32 40,5 0
Eladio Jara Jiménez “eladioj” 16,6 11 1,3 17,6 0
Ernest Weissmann “weisma” 15,5 10,26 4,29 39 0,4
Rafael Picó Santiago “rafapi” 15,5 10,26 4,29 39 0,4
Luis Marcial Philipón “philipón” 7,8 5,1 4,27 34,8 0
Adolfo Becerril Delgado “becerril” 5,5 3,6 4,15 26,6 0
Eduardo Zúñiga Chavarría “zunige” 1,1 0,7 4,21 26,5 0
César Garcés Vernaza “garces” 1,1 0,7 4,15 25,2 0
Gastón Bartorelli Falugi “barto” 1,1 0,7 4,25 30,8 0
Eduardo Jenkins Dobles “jenkins” 1,1 0,7 4,21 28,8 0
1 4
Centralité de degré Centralité d’atteinte
2 5
Centralité du pouvoir Centralité d’intermédiarité
3
Centralité de proximité
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
- 229 -
de pouvoir et d’atteinte détaillées au Tableau IV.3. Comme cela a été fait pour le réseau
d’entrelacements, une analyse centre-périphérie a été appliquée pour déterminer quels
acteurs ont eu le plus de facilité à coordonner leurs actions dans le processus de circulation
des connaissances et quels ont été ceux que, par leur position marginale, n’ont pas pu
participer entièrement.
L’Image IV.7 est divisée en deux parties: la partie supérieure se compose de la
zone du « centre » où 29 acteurs interagissent et ont la plus grande capacité de
coordination. Dans ce groupe figurent des experts internationaux et des fonctionnaires de
la CCSS et de l’INVU, dont certains n’ont curieusement pas présenté de valeurs de
centralité significatives. Gaston Bartorelli, un acteur que nous pouvons défini comme peu
central, influençable et sans rôle d’intermédiation est au centre. Pourquoi cela se produit-
il? Les données suggèrent que sa centralité ne dépend pas de son rôle d’acteur, mais de
son adhésion à deux événements prépondérants pour l’ensemble du réseau, à savoir ceux
organisés en 1953 et 1957 et sa relation étroite avec Anatole Solow.
Sauf dans ce cas particulier, qu’il convenait de souligner, le caractère central de
plusieurs des acteurs analysés, tels que Rafael Picó, Ernest Weissmann, Anatole Solow,
Francis Diamond, Paul Foster, Edmond Hoben, Rodrigo Carazo, Rodrigo Vargas, Eric
Carlson, René Eyheralde et Luis Lander, est confirmé. En tant que collectif ou groupe, ils
avaient une densité élevée de 50,5% qui est presque le double de la valeur obtenue par le
réseau d’entrelacements. Ces résultats confirment également l’hypothèse selon laquelle
le Costa Rica, par le biais des programmes d’assistance technique, s’est placé comme un
acteur de premier plan dans la création d’un programme d’urbanisme et de logement
social pour l’Amérique latine, proposé dans un travail antérieur.458
458
Alejandro Bonilla Castro. « Circulación de saberes del urbanismo y redes transnacionales del INVU. »
Revista Reflexiones, 97, (2) (2018) : p. 90.
- 230 -
Image IV.7. Centre et périphérie du réseau d’adhésion
- 231 -
… vient de la page précédente
Source des donnés: Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme, 2020. Analyse des donnés: UCINET.
- 232 -
Qu’en est-il de la « périphérie » ? Celle-ci comprend les autres acteurs qui ont fait
l’objet d’analyses, tels que César Garcés, Eduardo Jenkins, Luis Marcial Philipón,
Eduardo Zúñiga, Eladio Jara et Adolfo Becerril. Certains d’entre eux, comme Philipon,
Garcés, Zuñiga et Jenkins, ont maintenu un certain degré de relation avec les acteurs
situés au « centre », mais sans le même niveau d’importance. Une mise en garde est
cependant nécessaire : la « périphérie » peut ne pas l’être pour les acteurs
« périphériques ». Cela est plausible en bas à droite de la matrice, où nous voyons des
regroupements intéressants résultant de leur participation à des événements propres à la
région d’Amérique centrale et ceux qui se rapportaient à HABITAT-I. En tant que
collectif, il avait une densité de 11, 2% qui n’est pas négligeable et montre qu’il existait
entre eux, aussi, la possibilité de mobiliser les savoirs entre le réseau.
Un autre aspect essentiel concerne l’aspect suivant : si les acteurs « centraux » et
« périphériques » ont entre eux une faible densité (3,7%) ce qui est encore moins que le
réseau d’affiliation, cela peut être un indicateur de l’existence de difficultés structurelles
dans le processus de circulation des savoirs et donc dans leur réajustement. Cela peut
résulter, parmi d’autres facteurs, des éléments suivants : premièrement, le départ de
certains acteurs clés du réseau dotés d’un pouvoir important d’influence et
d’intermédiation qui peut être causé par des raisons institutionnelles ou personnelles.
Deuxièmement, elles peuvent affecter des aspects de nature politique ou socio-
économique susceptibles de modifier la dynamique du réseau, tels que des coups d’État
ou des crises économiques profondes qui rendent difficile pour les pays de continuer à
participer aux événements internationaux. Troisièmement, le relèvement générationnel
indiqué ci-dessus, qui peut contribuer à l’émergence d’autres modèles et instruments qui
rompent ou modifient substantiellement l’ordre du jour des années précédentes.
Cependant, comme je l’ai signalé au début du chapitre, le réseau d’affiliation
n’offre que des possibilités de créer des relations à long terme entre les acteurs. Il faut
donc observer la dynamique de ces acteurs, identifiés comme centraux, hors réseau pour
déterminer quels espaces de liaison alternatifs ont contribué à renforcer leurs relations
professionnelles et personnelles. Dans ce cas, une analyse de la polyvalence sera
proposée, qui est comprise comme la capacité d’un réseau à superposer d’autres cercles
sociaux et à combiner plusieurs contextes pour une ou plusieurs relations. Dans ce cas,
les contextes à prendre en considération seront ceux rendus possibles par les missions
- 233 -
d’experts et les programmes de bourses des organismes internationaux, c’est-à-dire de
nature professionnelle.459
Pour ce faire, une analyse des réseaux égocentriques sera effectuée460 et
s’appliquera aux cas de Carazo, Vargas, Bartorelli et Solow car ce sont eux qui ont connu
une dynamique remarquable au sein du réseau d’adhésion. Il faut noter que les réseaux
égocentriques témoigneront de deux types de relations : les vérifiables et les déduites.
Bien que l’on s’efforcera à tout moment de démontrer le lien entre les acteurs, dans
certains cas, cela ne sera pas possible en raison de la délimitation de l’objet d’étude et des
sources, de sorte que l’apport se réduira à les identifier en attendant de nouveaux travaux
de recherche approfondissant leurs caractéristiques.
Parmi les délégués costaricains, Rodrigo Carazo (Image IV.8) et Rodrigo Vargas
ont été les seuls à avoir des valeurs de centralité et d’intermédiation élevées, ce qui en fait
les plus importants costaricains au sein du réseau d’adhésion. Deux éléments qui ont
contribué à leur prépondérance ont été leurs fonctions et leurs antécédents : Carazo a
occupé la direction de l’INVU, tandis que Vargas a occupé deux départements au cours
de ses 26 années de service dans cette institution.461 Économiste de profession et auteur
d’une des études essentielles du problème du logement social au Costa Rica462, il a été
directeur de cette entité autonome de septembre 1954 à août 1959463. Cette position
avantageuse entre la politique (conseil d’administration) et la technique (départements)
de l’institut lui a rapidement permis de resserrer les liens avec les directeurs des
principaux programmes d’assistance technique, comme on peut le voir dans son réseau
égocentrique recréé dans l’Image IV.9.
459
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, p. 28.
460
Un réseau égocentrique est celui qui se concentre sur un acteur ou un sommet focal, appelé ego, auquel
sont liés ses alters. Wassermann y Faust, Social Network Analysis, p. 42.
461
Rodrigo Vargas a été chef du département des plans et travaux pendant 17 ans (1955-1972) et des
constructions pendant 9 ans (1973-1982). On ne sait pas si Vargas est resté au-delà de 1982 en tant que
fonctionnaire de l’INVU, parce que les sources disponibles n’étant pas en mesure de le confirmer.
462
Rodrigo Carazo Odio. « El problema de la vivienda en Costa Rica. » (Tesis de licenciatura en Ciencias
Económicas y Sociales, Universidad de Costa Rica, 1955).
463
ANCR, Actas INVU, signatura 37, Acta 510, 13 de agosto de 1959, fs. 141-142.
- 234 -
Image IV.8. Rodrigo Carazo Odio. 1958.
464
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta 120, 25 de octubre de 1955, fs. 255-256.
465
Lors de cette réunion, Carazo s’est efforcé d’élargir les avantages du premier accord avec le CINVA et
de renforcer les liens avec l’ONU afin d’amener des experts en architecture et en urbanisme au Costa Rica
et d’obtenir un manuel pour les coopératives. Lors de cette réunion, Robert Davison et César Garcés ont
- 235 -
d’administration, Carazo a souligné que « les avantages que présentent les services de M.
Solow sont le fait de bien connaître San José, et le Costa Rica en général, pour avoir déjà
travaillé dans le pays ». Rodrigo Vargas, a également ajouté que « d’autres avantages du
fait que M. Solow vienne dans le pays, [...] sont les conseils qu’il puisse donner en matière
de logement et les cours similaires à ceux qui sont donnés en Colombie. »466
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
Visualisation : Gephi (Algorithme Yifan Hu Proportionnel).
été recommandés comme experts internationaux, dont la collaboration ne s’est jamais concrétisée. ANCR,
Actas INVU, signatura 29, Acta 138, 27 de diciembre de 1955, fs. 397-400 ; Actas INVU, signatura 29,
Acta 141, 10 de enero de 1956, fs. 416-417.
466
ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta 155, 28 de febrero de 1956, fs. 54-55.
- 236 -
Le 24 juillet 1956, le Conseil d’administration a reçu l’invitation à la première
réunion technique interaméricaine et, pour approfondir l’importance d’un tel événement,
Solow a exposé ce qui suit :
« [Je suis]... convaincu que cette institution [l’INVU] va être un exemple au
niveau interaméricain. Je crois aussi que le Costa Rica est sur la bonne voie pour
un véritable plan modèle, ce qui me plaît beaucoup pour les conditions du pays...
[Je tiens] maintenant à souligner que la réunion d’experts est une question de
réelle importance. Il s’agit de mettre en œuvre l’une des résolutions de la dixième
conférence interaméricaine tenue en 1954... Parmi les résultats obtenus figure
l’accord de convoquer une réunion tous les deux ans avec des représentants et des
techniciens en matière de logement des gouvernements membres... Le Conseil
[interaméricain économique et social] a estimé qu’une telle réunion ne pourrait
réussir concrètement que si les gouvernements se faisaient représenter par
l’intermédiaire des dirigeants des institutions nationales de logement. Si seuls des
techniciens individuels sont envoyés, sans le sens de la responsabilité générale, à
la fin de la réunion il n’y aurait aucune possibilité de continuité. »467
467
“[Estoy]… convencido de que esta Institución [el INVU] va a ser un ejemplo en el nivel interamericano.
Cre[o], también, que Costa Rica está encaminada en un verdadero plan modelo, lo que [m]e agrada
sobremanera por las condiciones del país… [Deseo] ahora señalar que la Reunión de Expertos es asunto de
verdadera importancia. Se trata de poner en práctica una de las resoluciones de la Décima Conferencia
Interamericana celebrada en el año de 1954… Entre los resultados obtenidos, está el acuerdo de convocar
a una reunión cada dos años, de representantes y técnicos en vivienda de los gobiernos miembros… El
Consejo [Interamericano Económico y Social] consideró que una reunión de este tipo sólo podría tener
éxito práctico, si los gobiernos se hacen representar por medio de los ejecutivos de las instituciones
nacionales de vivienda. Si sólo se envían técnicos individuales, sin el sentido de la responsabilidad general,
al final de la reunión no habría ninguna posibilidad de continuidad establecida.” ANCR, Actas INVU,
signatura 30, Acta 194, 24 de julio de 1956, fs. 412-415. L’information entre parenthèse [] est la mien.
468
Carlson, Monografías básicas de documentación…
- 237 -
Image IV.10. Rodrigo Carazo au CINVA. 1958.469
469
La source de la photographie note que celle-ci a été prise lorsque Carazo (situé au centre de la photo) a
visité le CINVA en 1956 alors que les fonctionnaires de l’INVU, Sairy Chavarria et Edwin Quesada étaient
boursiers. Cependant, les informations disponibles ont montré que ces deux fonctionnaires étaient étudiants
dans ce centre en 1958.
470
Lors d’une des réunions, à l’initiative de Solow, il a été recommandé de recruter Luis Lander qui
travaillait alors au conseil de planification de Porto Rico. A partir de 1956, Lander et Carazo ont collaboré
à plusieurs reprises : d’abord lors de la première réunion technique interaméricaine, puis entre 1957 et 1958,
alors que Lander a servi à l’INVU et enfin en tant que professeurs invités du CINVA en 1958. ANCR,
Actas INVU, signatura 30, Acta 191, 12 de julio de 1956, fs. 382-384 ; Actas INVU, signatura 32, Acta
258, 5 de marzo de 1957, fs. 122-123. Dans ses mémoires, Carazo a qualifié Lander d'« ancien conseiller »
et a forgé avec lui une amitié étroite, au point que pendant son séjour au Venezuela qu’il a commencé en
1959, Carazo a participé en tant que consultant à la création du système d’épargne et de prêt du Banco
Obrero de Venezuela, dont Lander était président à l’époque. Un autre Vénézuélien avec qui Carazo a établi
une relation étroite était Rolando Grooscors Caballero, qui était secrétaire du Conseil d’administration de
l’INVU en 1957 et qui, en 1958, a été nommé directeur du département de l’administration du logement de
la Banque ouvrière. Carazo les a qualifiés d'« exilés vénézuéliens ». Carazo Odio, Carazo : Tiempo y
marcha, pp. 80, 87-90.
471
Rivera Páez, “El CINVA : un modelo…” p. 120.
- 238 -
consultant en 1958 (Image IV.10) et en 1961, des participations auxquelles s’ajoutent ses
visites en 1955 et en 1956, cette dernière lors de la première réunion technique
interaméricaine.
En tant que professeur au CINVA, Carazo a eu l’occasion de communiquer
également avec d’autres professeurs figurant sur le réseau d’adhésion, tels que René
Eyheralde Frías (« eyher »), Ernesto Vautier (« vautier ») et Jorge Videla Mallarino
(« Videla »). En outre, le produit de son passage dans ce centre régional en 1955 a été sa
relation avec l’architecte péruvien Luis Antonio Marcial Philipón (« philipon ») (Image
IV.11) qui était étudiant au CINVA et qui en 1956 a été recruté par Carazo pour travailler
à l’INVU.472
472
Luis Antonio Marcial Philipón, a obtenu son diplôme d’architecture de l’Université nationale
d’ingénierie du Pérou et a été étudiant au CINVA en 1955, où il était le partenaire du Costaricain Alvaro
Hernández Carvajal, travailleur social de l’INVU. À l’INVU, il a participé à des projets tels que celui de la
ville satellite de Hatillo, avec Solow et Eduardo Jenkins, et en 1958, par l’intermédiaire de l’institution, il
a obtenu une bourse pour effectuer des études supérieures à l’Institut de développement économique et
social de l’Université de Paris et à l’Institut de formation et de recherche pour le développement harmonieux
de cette même ville. En 1962, il était conférencier à l’Institut de planification de Lima. Victoria Ramos
Cebreros de Montezuma. « Planeamiento regional y formación profesional en Perú. El caso del Instituto de
Planeamiento de Lima-IPL. Orígenes, desarrollo y desarticulación 1961-1984. » (Tesis de Maestría en
Planificación urbana y regional, Universidad Nacional de Ingeniería, 2011), p. 264 ; INVU. Proyecto de
ley para reservas de terrenos en Hatillo. (San José, Costa Rica : El Instituto, Setiembre de 1957), p. 9 ;
ANCR, Actas INVU, signatura 35, Acta 427, 23 de octubre de 1958, fs. 258-260.
- 239 -
Hoben (« hoben ») et Paul Foster (« foster ») ont également été des alters
remarquables dans le réseau égocentrique de Carazo. Hoben, qui avait travaillé dans des
bureaux de planification à Detroit et Minneapolis473 a été affecté en 1955 en tant que
conseiller sur les questions de logement du Point IV. Il a également collaboré à l’INVU
pendant trois ans afin d’établir la bibliothèque de l’institution et pour élaborer l’accord
spécifique entre l’INVU et l’agence américaine dans le but de mener à bien le projet
d’approvisionnement en eau potable pour la région métropolitaine de San Jose.474 En ce
qui concerne l’urbaniste Paul Foster, qui était fonctionnaire de la Commission pour le
développement de Baltimore, il a été affecté depuis 1952 au Nicaragua par le Point IV
pour collaborer à la création du bureau d’urbanisme de la municipalité de Managua et à
la conception de la colonie Bolonia. En 1955, Eduardo Jenkins a publié une note exhortant
le Conseil d’administration de l’INVU à engager Foster pour un mois afin de collaborer
avec le département d’urbanisme, qui avait été recommandé par Anatole Solow et
Edmond Hoben. Les informations disponibles suggèrent que Foster a collaboré dans deux
projets avec l’INVU : un portant sur la révision du plan de voies proposé par la
municipalité de San José et un autre sur l’avant-projet de la rocade de San José.475
Un autre expert du Point IV, Francis Dimond476, apparaît comme un alter discret
dans le réseau égocentrique, bien qu’il ait été l’un des experts internationaux ayant
travaillé le plus longtemps au Costa Rica (1957-1962). Avant son passage à l’INVU,
Dimond a été nommé à la Société nationale des services publics de Colombie477mais en
1957, il a commencé ses fonctions sur le territoire costaricain où il a collaboré, avec Luis
Lander, à la création du Bureau de planification de la région métropolitaine de San José
(OPAM), l’une des deux sections du Département d’urbanisme de l’INVU et, durant ses
dernières années, à la création du Système d’épargne et de prêt de l’institution.478
473
Renner, « Housing Diplomacy… », p. 127.
474
INVU. Memoria 1955. (San José, Costa Rica : El Instituto, 1955), p. 71 ; ANCR, Actas INVU, signatura
33, Acta 334, 28 de noviembre de 1957, fs. 313-314.
475
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta 132, 6 de diciembre de 1955, f. 345 ; Actas INVU, signatura
30, Acta 152, 16 de febrero de 1956, fs. 32-33 ; Actas INVU, signatura, 32, Acta 258, 5 de marzo de 1957,
fs. 122-123.
476
Dans les sources, son nom de famille apparaît également comme « Diamond ».
477
OEA-CIES, Informe de la Secretaría…, p. 148.
478
INVU. Memoria 1958. (San José, Costa Rica : El Instituto, 1959), p. VI ; ANCR, Actas INVU, signatura
41, Acta 701, 11 de julio de 1961, fs. 347-352.
- 240 -
Finalement, il faut considérer la relation entre Carazo et Rafael Picó. Les données
disponibles n’ont pu confirmer aucune visite technique de Picó à l’INVU, bien qu’il y ait
des registres prouvant qu’il a collaboré avec le Département de logement de la CCSS en
1953 et en tant que consultant du gouvernement costaricain dans l’élaboration de la loi
organique de l’INVU.479 En outre, dans le Mémoire de l’INVU de 1955, il a été précisé
que l’institut avait des relations avec le Conseil de planification de Porto Rico et les trois
autorités des logement, où Picó aurait pu intervenir.480 Le lien entre ces deux acteurs est
peut-être devenu plus étroit lors de la réunion technique interaméricaine de 1956, où la
Société interaméricaine de planification (SIAP) a été instaurée481 et à laquelle l’INVU a
été invité à s’intégrer au début de 1959, son premier représentant étant Rodrigo Carazo.482
Le SIAP, qui a été reconnu comme un organisme consultatif de l’ONU et de l’OEA, a
également fonctionné comme un espace de liaison de premier ordre, regroupant parmi ses
membres à Picó, Luis Lander (qui était président en 1961), César Garcés, Francis Violich,
Ernest Weissmann, Anatole Solow et même, Charles S. Ascher de l’UNESCO.483
Enfin, Carazo a maintenu des relations avec les fonctionnaires des instituts de
logement d’Amérique centrale, parmi lesquels les Honduriens Mario Valenzuela
(« mavale ») et Arturo Quesada (« arches »), le Nicaraguayen Rolando Porras (« rolpo »),
le Salvadorien Rynaldo López Laucel (« reynal »), le Guatémaltèque Alfredo Pinillos
Roldán (« pinial »), le Panaméen Ricardo J. Bermúdez (« rjbemu ») et même le
Colombien Rafael Mora Rubio (« moraru »), futur directeur du CINVA (1961-1964), ce
qui montre comment les événements du réseau d’affiliation ont permis la coopération
technique entre les différentes institutions du domaine.
Le réseau égocentrique de Carazo s’est essentiellement limité au premier
entourage du réseau d’adhésion et sa démission du poste de manager de l’INVU en 1959
479
CCSS, Memoria 1953, p. 367.
480
INVU, Memoria 1955, p. LXI.
481
Luis Eduardo Camacho. « Sociedad Interamericana de Planificación, SIAP 50 años. Vida institucional
y programática. » Bitácora, 11(1) (2007) : pp. 268-284. OEA-CIES, Informe de la Secretaría…, p. 9.
482
ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta 453, 29 de enero de 1959, f. 62. Selon Camacho, Carazo a
représenté le Costa Rica auprès du SIAP entre 1956 et 1970. Pendant 14 ans, le pays n’avait pas de délégués.
En 1984, le Britannique Allan Michael Lavell était le représentant du Costa Rica auprès de la société.
Camacho, « Sociedad Interamericana… », p. 271.
483
En 1964, Efraín Morales Albán fut le délégué costaricain auprès du SIAP. Sociedad Interamericana de
Planificación. La Carta de Lima. Mesa redonda de vivienda y planificación. SIAP-IBEC. 20-23 de abril de
1964, Lima, Perú. (San Juan, Puerto Rico : SIAP, 1964), p. 43.
- 241 -
a considérablement réduit ses chances de l’étendre.484 La mobilisation des acteurs est
nécessaire pour maintenir la circulation des savoirs et, parmi les Costaricains avec le plus
de centralité, seul Rodrigo Vargas (Image IV.12.) a pu établir des relations dans deux
entourages du réseau, comme le montre l’Image IV.13, ce qui en fait un intermédiaire
plus important que Carazo.
Bien que son réseau personnel soit similaire dans sa structure à celui de Carazo,
des différences notables existent. Vargas, tout en ayant des relations avec des acteurs
prépondérants du réseau de Carazo tels que Solow, Hoben et Carlson, dans son propre
réseau, d’autres alters tels que Rafael Mora Rubio, Arturo Quesada, Rynaldo Lopez et
René Eyheralde et le salvadorien Pedro Abelardo Delgado ont pris de l’importance. Bien
484
Il convient de noter que sa sortie a coïncidé avec celle d’Anatole Solow, qui a pris peu de temps après
la Deuxième réunion technique de 1958 en raison de différences avec l’Union panaméricaine. Rivera Páez,
« El CINVA : un modelo… » p.139.
485
Rodrigo Vargas Salas apparaît en deuxième position dans la rangée supérieure, de gauche à droite aux
côtés de l’ingénieur Eduardo Jenkins.
- 242 -
que Delgado n’ait pas fourni ses services d’assistance technique au Costa Rica, celui-ci a
été délégué de la CEPALC lors des événements de 1957, 1958 et après du Secrétariat de
l’intégration économique centraméricaine (SIECA) en 1962 et 1963. Sa présence au sein
du réseau suggère qu’au niveau centraméricain, il a été l’un des promoteurs de la politique
d’intégration économique orientée vers le logement promu par la CEPALC et qui a
finalement donné naissance MCCA.
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
Visualisation : Gephi (Algorithme ForceAtlas).
- 243 -
Delgado a été un intermédiaire entre Vargas et le Guatémaltèque Emilio
Beltranena Matheu (« beltra »)486, avec qui il a coïncidé lors de la réunion
centraméricaine de 1957 et de la réunion du groupe sur la coordination modulaire de
1962. Ces liens ont donné un profil plus centraméricain au réseau égocentrique de Vargas.
Plus important encore, Vargas a pu établir des relations avec d’autres acteurs
internationaux grâce à son passage au CINVA en tant que boursier. L’une des plus
importantes dans le cadre de son réseau personnel a été avec l’architecte chilien René
Eyheralde487 qui fut son professeur en 1954. En plus de Eyheralde, Vargas avait Jorge
Videla et Ernesto Vautier comme professeurs488, ce dernier étant le directeur de son
travail de graduation final et qu’il réalisa avec l’architecte Leonardo Silva King.489 Son
lien avec ces deux professeurs n’est pas visible dans le réseau d’adhésion pour avoir
coïncidé uniquement lors de la réunion interaméricaine de 1956. Vargas retrouve à
nouveau Eyheralde en 1958, lors de la visite technique du Chilien aux côtés de César
Garcia au Costa Rica.490 Il convient de souligner que son lien avec Carlson n’est pas
prédominant puisque, pendant son passage au CINVA en 1954, le directeur de ce centre
486
Emilio Beltranena Matheu a été doyen de la Faculté d’ingénierie, directeur du Centre de recherche en
génie et chef du laboratoire des matériaux de l’Université de San Carlos au Guatemala. Banco de
Guatemala. 50 años del edificio del Banco de Guatemala. Edición conmemorativa. 1º ed. (Ciudad de
Guatemala : Departamento de Comunicación y Relaciones Institucionales, 2017), pp. 79, 84 ; UNESCO.
La UNESCO en Guatemala. Una historia de 60 años de cooperación. (Ciudad de Guatemala : UNESCO,
2010) : p. 67.
487
René Eyheralde, de nationalité chilienne, est né à Valdivia en 1921. Il a obtenu son diplôme d’architecte
à l’Université catholique du Chili en 1950. En 1952, il a suivi le cours régulier de logement au CINVA (où
il a coïncidé avec les Costaricains Ma. de los Ángeles Cavallini Quirós, Luis Guillermo Solano Allen et
Guido Bonilla Brenes) et en 1953 il a été engagé par ce centre comme professeur titulaire. « Diccionario
Biográfico de Chile. » Consulté le 4 avril 2021. URL :
https://diccionariobiograficodechile.blogspot.com/2017/01/409-ewertz-eyheramendy.html
488
Ernesto Vautier, de nationalité argentine, était l’un des représentants du mouvement moderne dans ce
pays. Sa participation à la reconstruction de la ville de San Juan lui a permis d’appliquer ses connaissances
en urbanisme et, sur recommandation du vice-président Juan Perón, il a participé en 1944 aux projets de
Barrio Nº1 et des Piletas de Ezeiza. De 1937 à 1951, il a été professeur diplômé en planification à la Faculté
d’architecture et d’urbanisme de l’UBA. En 1950, il propose le plan de réglementation de la ville de
Necochea. Au CINVA, il s’est spécialisé dans les cours de logement rural. Patricia Méndez (ed).
Experiencias de urbanismo y planificación en la Argentina 1909-1955. Biografía de los protagonistas. 1ª
ed. (Buenos Aires, Argentina : CEDODAL, 2012), p. 22 ; Rivera Páez, « El CINVA : un modelo… » pp.
106-108.
489
AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 151, Rodrigo Vargas y Leonardo Silva. « Barrios de tugurios y su
erradicación. » (Trabajo final Curso Regular de Vivienda, CINVA, 1954). Fruit de cette collaboration,
l’Équatorien Leonardo Silva King a été recruté à l’INVU en 1955 où il a développé une longue carrière
jusqu’en 1995, année de sa retraite. Karen Retana Barboza. « Arq. Leonardo Silva King. Referente en
planificación urbana. » Habitar, 96 (mayo 2019) : pp. 32-37.
490
AGUNAL Fond CINVA, Boîte 212, César Garcés y René Eyheralde F. Informe de la misión para
realizar un cursillo de demostración de la máquina CINVA-RAM en el Instituto Nacional de la Vivienda
de México y visitar algunos países centroamericanos. Misiones de Asesoría Nº4. (Bogotá, Colombia:
CINVA, 1958).
- 244 -
était Leonard James Currie (Image IV.14) qui est resté dans ce poste jusqu’en 1956 et
avec qui il a pu avoir une relation plus étroite.491
491
Le Canadien Leonard J. Currie, architecte de l’Université du Minnesota et de l’Université Harvard, était
étudiant chez Walter Gropius, qu’il a rencontré des années plus tard à The Architects Collaborative (TAC).
En Amérique centrale, il s’est impliqué dans des projets tels que la construction de l’aéroport Las Mercedes
à Managua et même de nature archéologique, comme la restauration des ruines de Copán sous la direction
de la Fondation Carnegie. En 1951, il a posé l’un des premiers diagnostics sur le problème du logement au
Costa Rica, en tant qu’expert de mission du Point IV. Après son passage à la CINVA, il a été chef du
département d’architecture de la Virginia Tech University de 1956 à 1962. De cette dernière année et
jusqu’en 1981, il a été professeur au College of Architecture and Art de l’Université de l’Illinois à Chicago.
Rivera Páez, « El CINVA : un modelo… » p. 80 ; Virginia Tech. « Leonard J. Currie Slide Collection. »
Consulté le 7 avril 2021. URL : https://blogs.lt.vt.edu/currieslides/costa-rica/
- 245 -
travaillé comme expert en mission technique du Point IV au Guatemala depuis 1956. Peu
de temps après, il est devenu le directeur du département d’urbanisme de l’Institut
coopératif interaméricain du logement (ICIV) de ce pays, l’un des projets d’assistance
technique les plus importants du Point IV en Amérique centrale et a conçu les unités de
voisinage de Colonia Centroamérica et de Las Victorias.492 En 1959, l’OEA l’a envoyé
au CINVA pour effectuer une évaluation dans laquelle il a recommandé un nouveau
modèle éducatif pour l’établissement, axé sur les études supérieures, qu’il a pu appliquer
à moitié dans sa courte gérance en tant que directeur, entre 1960 et 1961, avec l’aide de
son alma mater.493 Harris, en collaboration avec le directeur de l’ICIV Temple Dick, a
visité plusieurs des missions du Point IV en Amérique centrale, dont celle du Nicaragua,
où ils ont rencontré Paul Foster, et celle du Costa Rica rencontrant Edmond Hoben qui
travaillait déjà à l’INVU.494 Ce contact avec Hoben a pu rapprocher Harris avec d’autres
fonctionnaires de l’institution, dont Vargas.
492
Renner, « Housing Diplomacy… », pp. 136, 140-141, 252, 257.
493
Selon Rivera, le rapport de Harris lui a causé des frictions avec le professeur du CINVA, car il dénotait
un mépris pour le travail avec les communautés. Rivera Páez, « El CINVA : un modelo… » pp. 140-147.
494
Renner, « Housing Diplomacy… », p. 127.
- 246 -
Le cas de Vargas est essentiel pour apprécier la manière dont un boursier
costaricain pouvait étendre ses liens avec d’autres spécialistes internationaux en
soulignant le potentiel des programmes d’assistance technique pour faciliter la circulation
des connaissances au-delà des congrès, qui n’étaient qu’une modalité. Plus haut, j’ai
évoqué le cas de la pédagogue Thais Navarro Alfaro, qui a été présidente en 1956 d’une
des sous-commissions de la réunion technique interaméricaine. La présence de Navarro
ainsi que celle d’Otto Starke Jiménez dans cette activité n’était pas un hasard, car ils
étaient étudiants au CINVA à l’époque et ont donc été inclus parmi la délégation
costaricaine. Alors que Navarro et Starke se rencontraient à Bogota, ils avaient comme
professeurs Eyheralde, Vautier et Videla, mais aussi d’autres comme le Britannique Alec
S. Bright, Robert L. Davison, Orlando Fals Borda, Álvaro Ortega, Helga Peralta, Raúl
Ramirez et Celestino Sañudo.495 Certains d’entre eux ont été exclus du réseau d’adhésion,
mais cela ne les prive pas d’importance dans le processus de circulation des
connaissances.
Un acteur auquel je voudrais faire référence est Gaston Bartorelli Falugi (Image
IV.16), car c’est l’un de ces cas particuliers qui ont acquis un rôle central grâce aux
résultats de la méthode directe (centre-périphérie). Gaston Bartorelli Falugi, originaire
d’Italie, a obtenu son doctorat en génie de l’Université de Pise en 1926 et, en 1929, a
déménagé au Costa Rica pour travailler dans l’une des entreprises de construction les plus
réputées à l’époque: Adela de Gargollo veuve de Jiménez.496 En plus de son travail dans
l’entreprise privée, Bartorelli a fait partie de plusieurs entités liées au logement social,
telles que le Conseil national du logement et la Coopérative des maisons bon marché La
Familia de 1943 à 1945, dans le département du logement de la CCSS de 1946 à 1954 et,
avec l’INVU de 1955 à 1971. Parallèlement à cette carrière professionnelle, il a été l’un
des professeurs de l’Université du Costa Rica de 1941 à 1946 et a occupé divers postes à
l’Institut costaricain de l’électricité (ICE) de 1949 à 1973.497
495
Navarro a été l’auteure du texte « Investigaciones sociales en los programas de vivienda » et Starke
realisa un intitulé « Construcción antisísmica. ». AGUNAL Fond CINVA, Boîte 4, Margarita Escobar.
Catálogo de los trabajos realizados por los becarios del CINVA, 1952-1965. (Bogotá, Colombia:
Biblioteca CINVA, 1965), pp. 33, 47.
496
Altezor, Arquitectura urbana en Costa Rica, pp. 132-142, 152-156.
497
Fernando Rojas Brenes. « IV Congreso de Ingeniería Civil. Ing. Gastón Bartorelli Falugi. » Revista del
Colegio Federado de Ingenieros y Arquitectos (CFIA), Año 32, Número 3, (1989) : pp. 17-19 ; Carlos
Revilla M. « Parque Italia: Una pequeña joya en San José. » Cambio político, 3 de junio del 2018.
Consultado el 8 de abril del 2021. URL : https://cambiopolitico.com/parque-italia-una-pequena-joya-en-
san-jose/93901/. Bartorelli a été l’un des responsables de la conception du premier siège de la Banque
- 247 -
Image IV.16. Gastón Bartorelli Falugi. 1949.
nationale du Costa Rica, dans le style art déco. Ofelia Sanou Alfaro. Costa Rica : Guía de arquitectura y
paisaje. (San José y Sevilla : Junta de Andalucía, 2010), p. 158.
498
Dans le réseau d’adhésion, Bartorelli n’a interagi qu’avec Solow, de sorte que son réseau égocentrique
aurait montré ce seul acteur.
499
Engberg a également aidé à planifier des événements pour l’Asie et « l’Extrême-Orient », avec le soutien
de l’ONU. Organisation et Administration Statistiques. Revue De L'Institut International De
Statistique, 31, no. 3 (1963): pp. 398-405. Consulté le 8 avril 2021. URL :
http://www.jstor.org/stable/1401447.
- 248 -
Image IV.17. Réseau égocentrique de la Commission ad-hoc de 1953.
Source des donnés : Bonilla. C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés : UCINET.
Visualisation : Gephi (Algorithme ForceAtlas).
500
Jacob Leslie Crane, originaire du Michigan, était urbaniste diplômé de l’Université Harvard et a participé
à divers programmes liés au problème du logement, de la Tennessee Authority Valley (TVA), de la Defense
Housing, de la Federal Housing Administration (FHA) et du Housing and Home Finance Agency (HHFA).
Il a collaboré avec Weissmann à la fondation de la Section du logement et de l’urbanisme et de
l’aménagement du territoire des Nations Unies (UN-HTCP) en 1946 et a eu des relations avec d’autres
spécialistes comme Roy J. Burroughs, qui était présent à trois événements du réseau d’affiliation : la
deuxième réunion interaméricaine de 1958, le séminaire sur le logement de 1959 et lors de la réunion du
comité du logement de l’ECOSOC en 1963. Renner, « Housing Diplomacy… », p. 28-30, 37-39, 42-44.
- 249 -
Point IV et avec une vaste expérience en Amérique latine.501 Parmi tous ces acteurs,
Solow fut la principale référence internationale pour Bartorelli502, et cela explique sa
position proche sur le graph. En fait, les deux se connaissaient depuis 1948503, quand
l’architecte suisse a réalisé les études préliminaires pour le plan d’aménagement de San
José à la demande du Conseil fondateur de la Seconde République et de la municipalité
de la capitale et, entre 1950 et 1953, lorsque Solow a collaboré à trois reprises avec le
Département du logement.504 Il convient de souligner que, par la délimitation de l’objet
d’étude, on ne dispose pas de données suffisantes pour entrer dans les détails de la relation
entre Bartorelli et Solow, mais il y a des indications d’autres rencontres entre ces deux
acteurs au niveau international qui devront être explorées dans des travaux à venir.505
Les réseaux égocentriques précédents partageaient l’avantage et l’inconvénient
d’appartenir au premier et au deuxième entourage du réseau, où le plus grand nombre
d’acteurs étaient concentrés. Mais qu’est-il arrivé aux autres Costaricains ? L’Image
IV.18 montre que les réseaux personnels d’Eladio Jara et d’Adolfo Becerril ont été
constitués par de très petites « cliques » (groupes) et, dans le cas de Jara, complètement
déconnectés du réseau d’adhésion. Becerril et Alvaro Hernández Carvajal (« carvahe »)
sont liés au corps principal du réseau par l’intermédiaire de Ricardo Jordan, expert en
assistance technique de l’ONU et membre de la Mission conjointe de programmation du
logement en Amérique centrale, mais qui n’était pas auprès de l’INVU en tant qu’expert
international. Hernandez, bien qu’il ait été boursier du CINVA en 1955, n’a pas eu de
présence continue aux événements internationaux analysés et ses liens ont donc pu se
dégrader au fil du temps contrairement à Rodrigo Vargas, dont la fréquentation était plus
stable. Le fait que leurs réseaux se comportent comme des « îles » vérifie le rôle
périphérique de ces acteurs.
501
Crane, qui était fonctionnaire du gouvernement américain, a effectué plusieurs tournées en 1946 en
Amérique latine où il a visité des pays comme le Chili, l’Uruguay, le Brésil, le Pérou, l’Équateur, la
Colombie et le Panama. Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 90.
502
Au sein de la commission ad hoc, Bartorelli a été nommé rapporteur de la sous-commission du
financement. OEA. Informe sobre el Problema de la Vivienda de Interés Social en América Latina
preparado por la Comisión Ad Hoc para el Estudio del Problema de la Vivienda Económica. (Caracas,
Venezuela : Secretaría General de la CISS, 1955), s.n.p.
503
Solow, A planning program…, s.n.p.
504
CCSS. Memoria Anual 1951. (San José, Costa Rica : CCSS, 1951), p. 152.
505
Sarah Feldman. « Do primer congreso panamericano de la vivienda popular (1939) ao seminário de
habitação e reforma urbana (1963) : planejamento e habitação na perspectiva da metrópole latino-
americana. » URBANA: Revista Eletrônica do Centro Interdisciplinar de Estudos sobre a Cidade [en
ligne], Vol. 6, no 1 (2014), pp. 129-143. Consulté le 15 mai 2021. URL:
https://doi.org/10.20396/urbana.v6i1.8635295
- 250 -
Image IV.18. Réseaux égocentriques de Eladio Jara et Adolfo Becerril. 1954-
1976.
Un autre cas particulier à souligner est celui d’Eduardo Jenkins Dobles (Image
IV.19). Bien que sa dynamique dans le réseau d’adhésion soit pratiquement négligeable,
sa participation au réseau d’affiliation est remarquable. Jenkins a été le seul Costaricain
à avoir pu se lier aux trois entourages du réseau détectés dans le réseau d’entrelacements,
grâce à sa participation à la réunion centraméricaine de 1957, à la réunion du comité du
logement, de la construction et de la planification de l’ECOSOC en 1963 et enfin à
HABITAT-I en 1976. Pourquoi apparaît-il alors comme un acteur périphérique ? Tout
d’abord, c’est le résultat de son association à deux événements périphériques, celui du
comité du logement en 1963 et HABITAT-I. Mais un autre facteur qui a eu de l’influence
est le corpus de sources qui a été utilisé pour construire le réseau d’affiliation et qui a
réduit le poids de sa participation.506
Contrairement au résultat de l’analyse des réseaux, Jenkins est tout sauf un acteur
périphérique pour le Costa Rica, car comme nous le verrons aux chapitres 7 et 8, en plus
d’avoir dirigé le Département de l’urbanisme pendant 18 ans, il a été responsable de
certains des projets les plus importants de logement et d’urbanisme au Costa Rica.507 Pour
506
Les données disponibles au Tableau A.3 montrent que Eduardo Jenkins fut délégué en dix activités
internationales.
507
Ileana Vives Luque. Pioneros de la Arquitectura Moderna en Costa Rica : trilogía de Arquitectura. Vol.
II. (San José, Costa Rica : Colegio Federado de Ingenieros y Arquitectos, 2018), pp. 79-81.
- 251 -
reconstruire le réseau Jenkins, il faudra tenir compte des événements qui, en raison des
circonstances décrites ci-dessus, n’ont pu être inclus dans cette recherche et, en outre,
suivre son parcours professionnel en dehors de l’INVU, notamment à l’IFAM et
l’OFIPLAN à partir de 1973.
- 252 -
b) La coordination entre les programmes d’assistance technique.
- 253 -
Anatole Solow, contrairement à ce que plusieurs travaux récents ont avancé,
n’était pas Étasunien.508 Né en Suisse en 1913, Solow s’est professionnalisé comme
architecte à l’École spéciale d’architecture de Paris, où il est diplômé en 1935, et à la
Graduate School of Planning and Research de Londres en 1939.509 La même année,
Solow émigre aux États-Unis510 et travaille comme assistant de recherche au Département
d’urbanisme du Massachusetts Institute of Technology (MIT) entre 1939 et 1940, passant
cette dernière année à l’American Public Health Association (APHA) où il reste jusqu’en
1947.511 Entre 1945 et 1946, invité par la Banque d’urbanisation et de réhabilitation du
Panama, il a effectué l’une de ses premières missions d’assistance technique en Amérique
latine où il a coopéré avec l’avant-projet de l’unité de voisinage Vista Hermosa, avec le
programme du recensement du logement au Panama et une projection sur la croissance
urbaine de Panama City et le bassin de la rivière Matasnillo.512 Parallèlement, Solow a
préparé en collaboration avec Anne Copperman le manuel Planning the Neighborhood
publié par l’APHA en 1947, qui s’est transformé en l’un des manuels les plus importants
sur l’unité de voisinage aux États-Unis et en Amérique latine.513
508
Andrés Fernández Ramírez. « Un edificio emblemático, un patrimonio histórico. » Metamorfosis 2041
: Hacia una CCSS Centenaria, Caja Costarricense del Seguro Social. (San José, Costa Rica : CCSS, 2016),
p. 248. Zuhra Sasa Marín. « ¿Cohesión urbana en la ciudad fragmentada? » On the w@terfront, Vol. 52
(April 2017) : p. 49 ; Sofía Vindas Solano. « De la ficción históricamente comprobable: Cuadra Cero,
espacio, arquitectura e interpretación simbólica de la historia nacional » Cuadra Cero: Stephanie Williams,
Daniel Soto Morúa, Gabriela Sáen-Shelby y Sofía Vindas. 1º ed. (San José, Costa Rica : Museo de Arte y
Diseño Contemporáneo, 2018), pp. 14-16.
509
MIT Institute Archives & Special Collections, News Office, AC0069, « Bemis Conference », Saturday
2 May 1953. Consulté le 19 janvier 2021. URL:
https://libraries.mit.edu/app/dissemination/DIPonline/AC0069_NewReleases/NewsRelease_1950/AC006
9_1953/AC0069_195305_022.pdf
510
Solow émigré en Amérique fuyant la persécution des Juifs par le régime nazi. Sa famille est enregistrée
au sein de la communauté juive de Pittsburgh comme indiqué dans les archives du journal The Jewish
Chronicle. « Historic Pittsburgh. » Consulté le 12 avril 2021. URL :
https://historicpittsburgh.org/islandora/object/pitt%3AUS-QQS-mss906/viewer.
511
Charles S. Ascher et Robert Davison, membres du Comité de l’hygiène et du logement de l’APHA,
travailleront respectivement à l’UNESCO et à l’ONU. Au sein de l’APHA, Solow a réalisé l’une de ses
premières publications en collaboration avec Allan Twichell. Allan A. Twichell y Anatole Solow. “An
Appraisal Technique for Urban Problem Areas as a Basis for Housing Policy of Local Governments.”
Public Health Reports, Vol. 57, º 9 (February 1942) : pp. 285-296.
512
Anatole Solow. Población futura de la Ciudad de Panamá y de la Cuenca del Río Matasnillo. (Ciudad
de Panamá : Banco de Urbanización y Rehabilitación de Panamá, 1946) ; Banco de Urbanización y
Rehabilitación. Cinco años de labores. 1944-1949. (Ciudad de Panamá : El Banco, 1949).
513
Anatole Solow y Anne Copperman. Planning the Neighborhood. (Chicago : Public Administration
Service, 1960). Dans sa thèse de doctorat, James Brody a noté qu’en plus de Planning the Neighborhood,
un autre manuel qui a popularisé le modèle de l’unité de voisinage était le Community Builders Handbook
de l’Urban Land Institute publié la même année. James Brody. « Constructing Professional Knowledge:
The Neighborhood Unit Concept in The Community Builders Handbook. » (PhD Thesis in Regional
Planning, Graduate College of the University of Illinois at Urbana-Champaign, 2009), pp. 92-107.
- 254 -
Image IV.21. Francis Violich. Date inconnue.
Source : Kathleen Maclay. « Francis Violich, emeritus profesor of city planning and
landscape architecture, dies. » UCBerkeley News, 07 September 2005. Consulté le 12 avril
2021. URL : https://www.berkeley.edu/news/media/releases/2005/09/07_violich.shtml
514
Après son départ de l’UnP Violich, il collabore à la fondation du groupe Telesis et rejoint en 1951
l’Université de Berkeley où il cofonde son département d’urbanisme et de planification régionale. Jusqu’à
sa mort, en 2005, il a accumulé une vaste expérience en recherche sur le développement communautaire et
la planification grâce à ses recherches en Amérique latine, en Europe et en Yougoslavie dans le cadre de
missions d’assistance technique de l’UNP, des Corps de la paix et de la Fondation Ford. Kathleen Maclay.
« Francis Violich, emeritus profesor of city planning and landscape architecture, dies. » UCBerkeley News,
07 September 2005. Consulté le 12 avril 2021. URL :
https://www.berkeley.edu/news/media/releases/2005/09/07_violich.shtml; Renner, « Housing
Diplomacy… », p. 7 ; Rivera Páez, « El CINVA : un modelo… », p. 56.
515
Selon Rivera, Solow avait 34 ans lorsqu’il a pris la direction de la Division du logement et de la
planification. Rivera Páez, « El CINVA : un modelo… » p. 79.
- 255 -
Image IV.22. Réseau égocentrique d’Anatole Solow. 1953-1959.
Source des donnés : Bonilla C., Réseau d’affiliation d’urbanisme 2020. Analyse des donnés :
UCINET. Visualisation : Gephi (AlgorithmeYifan Hu proporcional).
- 256 -
En tant que chef de la Division du logement et de la planification, Solow a effectué
plusieurs missions d’assistance technique en Amérique centrale où il s’est rendu au Costa
Rica en 1948 et au Guatemala un an plus tard.516 Outre son travail d’expert international,
il a organisé, en collaboration avec l’ONU et d’autres organismes auxiliaires de l’OEA,
du SIAP et du Point IV, de nombreux événements et congrès, dont certains ont été inclus
dans l’analyse des réseaux déjà effectué. Il a également été membre fondateur du SIAP
et a supervisé le fonctionnement du CINVA, dont il a signé l’accord de coopération
technique au nom de l’OEA.517 Solow est resté à la tête de la Division du logement et de
la planification jusqu’en 1959518 et, après cette année, il s’est consacré, outre ses travaux
académiques à l’Université de Pittsburgh, à travailler comme expert en mission technique
de l’ICA et de l’USAID dans le domaine du logement et de l’urbanisme. En 1960, il se
rend au Nicaragua et collabore quatre ans plus tard au Salvador.519 Les données
disponibles n’ont pas permis d’identifier si, après 1964, il a continué à effectuer des
travaux sur le terrain en Amérique latine, bien que, dans le cadre de ses travaux
académiques à Pittsburgh, il soit resté actif en diffusant ses expériences et ses
connaissances lors de divers événements et publications.520
Tout au long de sa carrière, Solow a établi des liens avec de nombreuses
institutions et organismes internationaux, dont certains sont représentés dans le graph de
l’Image IV.21. En raison de son affiliation institutionnelle, le groupe le plus représenté
sur le graph était l’OEA, qui est représenté en bleu. De cette organisation, Eric Carlson
(Image IV.23) a pris la position la plus centrale pour son rôle de directeur du CINVA,
institution que, comme indiqué précédemment, Solow surveillait de très près.
516
Anatole Solow. Housing in Guatemala. (Washington D.C. : Panamerican Union, 1950).
517
AGUNAL, Fond CINVA, 458 – Correspondence, « Acuerdo entre la Universidad Nacional de
Colombia, el Instituto de Crédito Territorial y la Unión Panamericana, Secretaría General de la
Organización de Estados Americanos con objeto de establecer un centro interamericano experimental y de
adiestramiento en vivienda (Proyecto Nº.22), bajo el programa de cooperación técnica de la Organización
de Estados Americanos. », 10 de febrero de 1951, fs. 87-97.
518
Rivera Páez, “El CINVA : un modelo…” p. 139.
519
Alvin Mayne (ed.). Proceedings of the Seminar on the Contribution of Physical Planning to Social and
Economic Development in a Regional Framework. May 23-27, 1960, San Juan, Puerto Rico. (Puerto Rico
: ICA-Puerto Rico Planning Board, 1960), p. 5 ; Department of State. Foreign Service List. (Washington
D.C. : Department of State, 1964), p. 103.
520
John P. Powelson y Anatole Solow. « Urban and Rural Development in Latin America. » The Annals of
the American Academy of Political and Social Science. Vol. 360, Latin America Tomorrow (Jul. 1965) :
pp. 48-62 ; Anatole A. Solow. « Housing in Latin America : The Problem of the Urban Low-Income
Families. » The Town Planning Review, Vol. 38, Nº2 (Jul. 1967) : pp. 83-102.
- 257 -
Selon Rivera, Eric Carlson, d’origine suédoise, était un administrateur public
formé aux États-Unis au New York Institute of Public Administration. Pendant la
Seconde Guerre mondiale, il a travaillé à la Division du logement et de l’urbanisme de
l’Université Columbia de 1942 à 1943, et entre 1943 et 1946 a été officier d’information
et d’éducation pour le Corps des transports de l’armée américaine. Avant de prendre ses
fonctions à l’ESAPAC, située à San Jose, il était rédacteur en chef du magazine The
American City. Au CINVA, c’est grâce à lui que les approches éducatives et coopératives
du cours régulier de logement ont pris le plus de force, malgré sa courte période au centre.
Dans les années 1960, il a travaillé en collaboration avec Weissmann au Centre des
Nations Unies pour le logement, la construction et la planification, prédécesseur du futur
Centre HABITAT fondé en 1978 à Nairobi, au Kenya.
- 258 -
interaméricaines de 1956 et 1958 au nom de l’Organisation interaméricaine de
coopération intermunicipale. Les derniers, mais non les moins importants, étaient
l’urbaniste Luis Vera et Carlos Pérez Calvo (« perezc »), qui ont travaillé sous la
supervision de Solow à la Division du logement et de la planification.
Photographie : Anatole A. Solow. Source: University Libraries, Virginia Tech, Blacksburg, Virginia.
Consulté le 29 avril 2021. URL: https://library.artstor.org/asset/SS37059_37059_41063822.
Le Point IV (en jaune) a été placé dans des positions centrales avec Hoben et
Foster en tête et Dimond situé plus loin vers la périphérie. Bien que Jacob Crane
n’apparaisse pas répertorié sur son réseau égocentrique, la photo plus haut témoigne de
l’amitié que Solow et Leonard Currie avaient avec l’urbaniste étasunien (Image IV.24).
Les institutions d’Amérique centrale (couleur violette) qui sont très variées sont
également remarquables : à commencer par l’INVU (couleur rouge) qui a regroupé
Carazo, Vargas et Philipón et Bartorelli (ce dernier découplé du corps central du réseau).
Viennent ensuite l’Institut du logement urbain (IVU) du Salvador, la Direction générale
des travaux publics du Honduras et la Banque d’urbanisation et de réhabilitation du
Panama, représentées respectivement par Ryanaldo Lopez (« reynal »), Arturo Quesada
(« arques ») et Ricardo J. Bermúdez (« rjbemu »). Les données disponibles indiquent que
Bermudez et Solow ont travaillé ensemble pendant leur passage au Panama entre 1945 et
- 259 -
1946. Enfin, dans ce groupe, l’Association des architectes du Honduras et l’Office
national d’urbanisme du Nicaragua, auxquels appartenaient respectivement Mario
Valenzuela (« mavale ») et Rolando Porras (« rolpo ») ont été identifiés.521
Une caractéristique de ces interactions est qu’au niveau centraméricain, seules
deux institutions nationales de logement ont fonctionné avant 1957 : l’IVU salvadorien
et l’INVU costaricain. Le Panama, comme déjà indiqué, n’a fondé son institut du
logement qu’en 1958 et un an plus tard, le Nicaragua et le Honduras l’ont fait. Le
Guatemala a été le seul pays d’Amérique centrale à avoir créé tardivement son Institut
national du logement (INVI), sur la base de l’ICIV de l’USAID qui a terminé ses
fonctions en 1962.522
En ce qui concerne le SIAP, je l’ai abordé à plusieurs reprises tout au long de ce
chapitre ; je n’y reviendrai donc pas davantage. Il convient toutefois de remarquer, pour
rappel, les alters (en orange) qui faisaient partie de cette organisation en soulignant Luis
Lander, Rafael Picó, Carlos Alvarado (« alvacar ») et Gabriel Andrade Lleras (« lleras »).
L’ONU, d’autre part, est représentée par trois alters, dont le Guatémaltèque Carlos
Leonidas Acevedo Juarez (« leoace »), Pedro Abelardo Delgado (« padel »), déjà
mentionné, et enfin Ernest Weissmann. C’est sur ce dernier acteur que je souhaite porter
le plus d’attention.
Ernest Weissmann partage avec Solow la qualité d’avoir été un acteur très sous-
estimé dans l’histoire de l’urbanisme latino-américain. Un facteur décisif à cet égard a
été les références récurrentes au parcours d’architectes et d’urbanistes internationaux déjà
connus, tels que Gaston Bardet, Karl Brunner, León Jaussely, Le Corbusier, Josep Lluís
Sert, Paul Wiener, Walter Gropius et des Latino-Américains tels que Lucio Costa, Óscar
Niemayer, Mario Pani, Carlos Raul Villanueva, entre autres, pour expliquer les liens de
521
Dans le réseau égocentrique se trouvent une série d’alters centraméricains qui n’ont pas de filiation
institutionnelle en raison de contraintes des sources. Ce groupe se situe au sommet du graphe gris et
comprend les Guatémaltèques Alfredo Pinillos Roldán (« pinial »), Salvador Toledo Moran (« tolsesa »),
les Panaméens Carlos de la Guardia (« guardial ») et William Ross (« rossw ») et le nicaraguayen Pilar
Altamirano (« pilalta »).
522
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/SC.4/32, 24 de noviembre de 1965, Gerrit Huizer. Proyectos de esfuerzo
propio y ayuda mutua en Centroamérica (Informe preliminar), pp. 3, 16 ; Renner, « Housing
Diplomacy… », p. 168-169. A propos de l’INVA du Honduras, Daniela Navarrete a indiqué qu’il avait été
transformé en Fonds social pour le logement (FUSOVI) qui, en dix ans, a fait faillite. Navarrete Cálix,
« Tegucigalpa, laboratoire urbain », pp. 352, 391 ; En ce qui concerne l’INVI guatémaltèque, celui-ci a eu
une courte durée puisqu’il a été transformé en Banque nationale du logement (BANVI) en 1973. Rokael
Cardona y Eugenia Mijangos. « El problema metropolitano de la vivienda en Guatemala : Notas
introductorias para el estudio de las políticas públicas. » Revista de Administración Pública (1983) : pp.
111-128.
- 260 -
l’Amérique latine avec l’urbanisme académique européen ou les CIAM. Par conséquent,
on a eu le sentiment que dans les pays qui étaient en dehors de l’orbite de ces acteurs, il
n’y avait pas d’urbanisme, même si cela était causé par d’autres facteurs, comme cela a
été analysé au chapitre 3. Et pourtant Ernest Weissmann a été, grâce à son lien avec
l’ONU, l’un des membres du CIAM qui a le plus collaboré à la construction d’un
programme régional urbain et de logement social pour l’Amérique latine, y compris le
Costa Rica.
Weissmann (Image IV.25) est né en 1903 dans la ville de Požega, dans l’actuelle
Croatie. En 1926, il est diplômé comme architecte à l’Université de Zagreb et s’installe à
Paris, où il travaille dans les ateliers des architectes Adolf Loos et Le Corbusier,
coïncidant à ce dernier endroit avec Josep Lluís Sert.523 Sa relation avec Le Corbusier et
Sert l’a rapproché des CIAM, participant à plusieurs des activités organisées par ce
groupement, comme le CIAM IV de 1933, le CIAM V de 1937 et les Comités
internationaux pour la résolution des problèmes de l’architecture contemporaine
(CIRPAC) de Barcelone en 1932 et d’Amsterdam en 1935.524
523
MIT Institute Archives & Special Collections, News Office, AC0069, « Bemis Conference », Saturday
2 May 1953 ; Josep Lluís Sert. “The Neighborhood Unit. A Human Measure in City Planning (circa 1953)”,
The writings of Josep Lluís Sert, Eric Mumford (ed.) (New Haven and London : Yale University Press;
Cambridge: Harvard Graduate School of Design, 2015), p. 12.
524
Doris Tarchópulos. « La unidad vecinal : objeto de investigación de Josep Lluís Sert. » Libro de actas
correspondiente al I Congreso Internacional de Vivienda Colectiva Sostenible, Barcelona 25 al 27 de
febrero del 2014. (Barcelona : Escuela Técnica Superior de Arquitectura, 2014), pp. 132-137.
- 261 -
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Weissmann est resté lié aux CIAM, mais
est progressivement devenu un membre critique de l’approche formaliste et
technocratique du groupement où la plupart de ses membres étaient encore présents et qui
l’a également rapproché de la pensée de plusieurs de ses membres communistes comme
Helena Syrkus qui préconisaient une architecture et un urbanisme socialement orientés.525
Loin prudemment des CIAM – bien qu’il n’ait jamais cessé d’y être membre actif –
Weissmann a poursuivi sa carrière professionnelle en tant que consultant auprès du
gouvernement étasunien et, entre 1944 et 1947, il est devenu directeur de la Division de
la réhabilitation industrielle de l’Administration des Nations Unies pour l’aide et la
réadaptation (UNRRA). Il est ensuite devenu le chef de la Section du logement de l’ONU,
puisqu’il y a travaillé jusqu’en 1965, lorsque la section a été transformée en Centre de
logement, de construction et de planification. Il a finalement pris sa retraite de
l’organisation en 1974.526 Au niveau latino-américain, la collaboration entre Weissmann
et Solow a été étroite et les deux ont coïncidé lors de nombreux événements régionaux et
en tant que conseillers d’organismes tels que le SIAP ou le CINVA.
Les données disponibles ont permis d’identifier que Weissmann a interagi avec
Département de logement de la CCSS entre le 23 et le 24 novembre 1953, opportunité
qui a été convenue par Gaston Bartorelli possiblement suite à leur rencontre dans la
Commission ad hoc deux mois plus tôt (Image IV.26). Au Costa Rica, Weissmann a
collaboré à la définition du programme d’assistance technique en matière de logement
pour 1954 et a effectué une visite du projet multifamilial de la colonie Calderón Muñoz,
située dans la capitale. Au cours de sa visite, M. Weissmann a déclaré que le problème
du logement devait être abordé de manière globale, c’est-à-dire en impliquant la
communauté dans le processus, en la liant à d’autres activités productives et en
envisageant une planification territoriale qui aborde à la fois la zone urbaine et la zone
rurale, à travers une politique dirigée par l’État.527
525
Mumford, The CIAM discourse…, pp. 143-149, 193-195.
526
Ljubica Spaskovska. « Constructing the 'City of International Solidarity' : Non-Aligned
Internationalism, the United Nations and Visions of Development, Modernism and Solidarity, 1955–
1975. » Journal of World History, Vol. 31, Nº 1 (March 2020) : pp. 137-163 ; Pavel Veljanoski. « The
contribution of Polish urban planners and architects to the post-earthquake reconstruction of Skopje. »
Skopje, City, Architecture and Art of Solidarity. (Cracovia: Skopje International Cultural Center, 2019), pp.
33-51.
527
Óscar Castro Vega. « Existe ya en Latinoamérica conciencia clara de la gravedad del problema de la
vivienda. » La República, 24 de noviembre de 1953, p. 15.
- 262 -
Aucune autre donnée n’est disponible sur les autres visites techniques de
Weissmann au Costa Rica, mais les informations disponibles indiquent qu’il a examiné
le projet de loi organique de l’INVU avant qu’il ne soit adopté par l’Assemblée
législative.528 Son passage fugace au Costa Rica explique en partie pourquoi Weissmann
n’était pas un acteur de premier plan dans les réseaux personnels de Carazo ou Vargas,
bien que son engagement envers l’Amérique centrale l’ait amené à proposer la réunion
d’Amérique centrale de 1957529 et à assister à une bonne partie des événements qui
faisaient partie du réseau d’adhésion.
Image IV.26. Costa Rica. Ernest Weissmann réunit avec les membres du
Département du logement, CCSS. 1953.
Les réseaux égocentriques se sont avérés être un instrument utile pour orienter
l’analyse des relations établies par les acteurs dont les densités et les centralités ne
pouvaient être déduites que par le réseau d’adhésion. Les cas analysés ont montré que la
528
« Jefe de la Sección de Vivienda y Planeamiento de las N.U. llega hoy. » La República, 22 de noviembre
de 1953, p. 10 ; INVU, Memoria 1955, p. LX.
529
INVU. Memoria 1956. (San José, Costa Rica : El Instituto, 1956), p. XLII.
- 263 -
plupart des relations entre les acteurs ont même précédé leur interaction lors des
événements internationaux, qui ont servi à les consolider et à faciliter leur action
coordonnée. En résumé, la polyvalence du réseau d’adhésion s’est comportée comme suit
:
1. Tout d’abord, il y a celles que les acteurs ont établies dans les centres de
formation régionaux, comme le CINVA en raison de leurs rôles de boursiers, de
professeurs attitrés ou d’enseignants invités. Dans cette catégorie, Carazo et
Vargas ont pu consolider leurs liens professionnels et personnels avec des acteurs
tels que Luis Lander, Luis Marcial Philipón, René Eyheralde, Ernesto Vautier,
entre autres.
2. Deuxièmement, il y a les relations qui ont pris naissance par le biais des
missions d’experts en assistance technique. Celles-ci ont non seulement mis en
contact des acteurs nationaux, mais ont également motivé les relations entre les
mêmes experts qui se trouvaient dans les pays voisins, comme on l’a vu dans le cas
des experts du Point IV.
3. Troisièmement, la coopération des acteurs dans des associations ou
organismes nationaux et internationaux a été mise en évidence, où il convient de
rappeler le travail de Solow à l’APHA où il a coïncidé avec Robert Davison et
Charles S. Ascher ou Weissmann dans son passage aux CIAM et qui l’a lié à des
acteurs internationaux de renom tels que Le Corbusier ou Sert.
- 264 -
5. Conclusion du chapitre.
- 265 -
dépendance vis-à-vis du savoir-faire étasunien. C’est là que l’institutionnalisation
précoce du problème du logement au Costa Rica a également contribué, qui se distingue
du cas guatémaltèque où le Point IV, par l’intermédiaire de l’ICIV, a agi comme un
institut de logement de facto pendant plusieurs années et a été soumis, possiblement, à un
seul flux d’instruments et de modèles. Pour se plonger dans le degré d’influence, il faut
explorer les projets spécifiques, en particulier ceux qui ont généré un engagement
financier, qui ont pu réduire la marge de manœuvre institutionnelle pour explorer d’autres
instruments et modèles qui résoudraient les problèmes de logement et d’urbanisme.
Pourtant, ces projets ont peut-être fait l’objet d’examens ou de rejets de la part des
institutions, sauvegardant ainsi leur agentivité.
La question à laquelle ce chapitre a cherché à répondre était de savoir quels
événements et acteurs étaient au cœur de la construction d’un programme régional de
logement et d’urbanisme qui, après tout, a influencé les politiques de l’INVU. La
méthodologie de l’ARS a été justifiée parce que celle-ci facilitait l’analyse de ce qui était
fondamental pour Werner et Zimmermann dans un processus de circulation des savoirs:
leur (de)construction dans les espaces de liaison. Grâce à la catégorie d’analyse de la
matrice de connaissances et aux méthodes de conversion et direct des réseaux d’adhésion,
on a réussi à identifier au moins trois entourages organisés de manière chronologique qui
ont guidé le processus de circulation des savoirs. Il a été conclu que l’entourage constitué
par les événements organisés dans les années 1950 était le plus important, grâce au rôle
prépondérant des réunions techniques interaméricaines de 1956 et 1958 et de la réunion
centraméricaine de 1957 où de nombreux acteurs ont coïncidé. Le reste des événements
de la décennie a servi d’écho ou de support des ressources ou des « dispositifs de
médiation » qui ont pris naissance lors de ces deux événements et qui ont en outre
influencé les autres entourages.
Un deuxième entourage, composé des événements des années 1960, a été dirigé
par la réunion du groupe de travail sur la coordination modulaire de 1962 dont les «
dispositifs de médiation » ont été réappropriés lors des réunions du sous-comité du
logement de 1963 et 1965 et du séminaire sur la programmation du logement de 1963 au
Mexique. Les événements organisés dans les pays scandinaves, d’autre part, ont eu un
impact plus modéré sur l’agenda de l’entourage.
Enfin, un troisième entourage constitué par les événements liés à HABITAT a été
identifié. Compte tenu de leur relation avec le premier entourage du réseau
- 266 -
d’entrelacements, il a été constaté que les « dispositifs de médiation » apparus dans
HABITAT-I étaient loin d’être une nouveauté et pouvaient plutôt être des
réinterprétations ou des mises à jour des instruments ou modèles connus depuis les années
1950. Un aspect pertinent lié à ce type d’événements est la localisation du relèvement
générationnel qui a commencé avec la Conférence de 1979 parce que les acteurs, qui
avaient historiquement participé au réseau d’affiliation, ont été entièrement renouvelés.
Les dynamiques personnelles et professionnelles, comme le départ de plusieurs acteurs
de l’INVU, et institutionnelles, avec l’émergence de nouvelles collectivités liées au
problème du logement et de l’urbanisme, ont été des éléments qui ont joué un rôle
important dans ce relais générationnel.
Grâce à la méthode directe ou « centre-périphérie » appliquée au réseau
d’adhésion, on a réussi à constater que les événements et les acteurs considérés comme
centraux ont eu le plus d’influence sur le processus de circulation des savoirs, ces acteurs
ayant eu plus de chances de coordonner leurs actions grâce à leur assistance récurrente.
On a pu aussi identifier qu’il existait des difficultés ou des obstacles causés, entre autres,
par le départ d’acteurs pertinents du réseau d’affiliation, le peu de recours aux activités
ou le relèvement générationnel mentionné ci-dessus. La coordination entre acteurs
centraux et périphériques, lorsqu’ils ont coïncidé, a également été assez faible, ce qui a
pu conduire à la création de frontières qui n’ont pas permis, entre autres, de mettre à jour
les connaissances.
L’ARS a également révélé certaines de ses limites. La première concerne le corpus
de sources, qui a sous-estimé le rôle de certains acteurs pertinents pour le Costa Rica dans
le réseau d’adhésion, comme cela s’est produit avec Eduardo Jenkins Dobles. La
deuxième limitation a été l’incapacité du réseau d’adhésion à expliquer seul la densité
relationnelle entre les acteurs, car les événements internationaux ne font qu’assurer les
possibilités de les créer ou suggèrent l’existence de ces relations. Il s’agit là d’une
différence par rapport aux méthodes habituellement utilisées pour créer des réseaux à
partir de témoignages ou d’enquêtes, où il existe une plus grande clarté sur l’importance
ou la hiérarchie de certains liens entre les acteurs. Dans un réseau d’affiliation, le
chercheur ne dispose que d’un guide qui lui permet d’identifier les relations possibles,
qu’il doit confirmer ou invalider ensuite à partir de sources auxiliaires.
Cela a permis de déterminer que le réseau d’adhésion, du moins parmi les délégués
costaricains les plus importants, n’a pas contribué à créer des relations, mais a contribué
- 267 -
à consolider des liens qui existaient à l’avance et à les revêtir des principes de la
mondialisation solidaire. Ceci a été possible avec les cas analysés par la polyvalence et
les réseaux égocentriques. Il a été constaté que les espaces de liaison qui ont donné la
plus grande densité aux relations entre les acteurs étaient les missions d’assistance
technique, les expériences personnelles en tant que boursiers et leur adhésion à d’autres
associations nationales ou internationales. La rencontre constante des acteurs dans ces
espaces a abouti à des relations d’amitié, comme celle observée entre Lander et Carazo
et Solow avec Weissmann, Currie et Crane, ou d’intermédiation, comme le rôle de Solow
dans le réseau égocentrique de Carazo. Ce sont des manifestations d’une confiance
structurelle dans le tissu social du réseau, qui a certainement facilité la coordination de
ses actions et la circulation des connaissances.
Le chapitre suivant poursuivra l’analyse de la circulation des connaissances au
Costa Rica, à partir du suivi des recommandations et conclusions des événements qui
faisaient partie du réseau d’entrelacements, qui a regroupé les entourages les plus
importants pour l’INVU. C’est à travers eux que l’on pourra déterminer les
caractéristiques finales de l’agenda régional sur le logement et l’urbanisme, dans lequel
le Costa Rica a été inséré à partir de 1954, ce qui se fera à deux échelles : la région, à
travers l’analyse des « dispositifs de médiation » qui ont été conçus lors des événements
latino-américains et comment ceux-ci ont été appropriés dans la zone d’Amérique
centrale dans le cadre du processus d’intégration économique régionale.
- 268 -
V. UN AGENDA DE PLANIFICATION URBAINE.
- 269 -
pays, étaient relativement négligées. Elle a été suivie, dans les années 80, par la crise
économique et la décision de plusieurs programmes d’assistance technique, dont l’ONU
et l’USAID, de réduire leur financement, dynamique qui a également affecté le Costa
Rica.
Malgré leurs échecs, les programmes d’assistance et de coopération technique,
motivés par le principe de la mondialisation solidaire, sont parvenus à créer des
mécanismes d’engagement et de réciprocité entre les pays, tels que les réunions
internationales et les réseaux qu’ils ont favorisés, associant des acteurs nationaux et
internationaux, ainsi que des instruments et des modèles qui ont commencé à circuler
dans la région, soutenus également par d’autres modalités d’assistance technique telles
que les bourses, les missions d’experts et la diffusion de la littérature spécialisée.
Grâce à ces mécanismes, les programmes d’assistance technique ont-ils vraiment
pu territorialiser un programme spécifique de logement et d’urbanisme en Amérique
latine, dans lequel le Costa Rica a été inséré ? Dans ces termes, une unité régionale
solidaire a-t-elle pu être concrétisée ? Cette catégorie est originaire de Fernand Braudel,
qui l’a conçue comme les relations et les itinéraires créés par le mouvement des
hommes530 et de la définition de territoire proposée par Marcel Roncayolo, qui est un
espace socialement construit par des mécanismes de territorialisation, c’est-à-dire des
pratiques et des croyances de nature sociale dans lesquels entrent des jeux dynamiques
d’appropriation, de pouvoir et de représentation. Les individus et les groupes «
apprennent » ou « résistent » à cette territorialité par la circulation des modèles et des
normes et leur appropriation dans les milieux sociaux.531
Le concept d’unité régionale solidaire tend à dialoguer avec le mode de
fonctionnement du réseau d’entrelacement analysé au chapitre 4. Les entourages trouvés
ont fonctionné comme des ressources sociales ou des « dispositifs de médiation »
composés de règles, de procédures, d’instruments, d’institutions ou de médias qui sont
devenus la matière première de l’agenda de l’urbanisme latino-américain. Les acteurs,
par leur rôle d’intermédiaires, ont eu la capacité de franchir ces frontières et de
promouvoir ces ressources au fil du temps. Son absence a produit, au contraire,
l’encapsulation des savoirs devenant limitants. Je considère, suivant Roncayolo, les
530
Serge Gruzinski. « Les mondes mêlés de la Monarchie catholique et autres « connected histories »».
Annales. Histoire, Sciences Sociales. 56ᵉ année, N. 1, 2001. pp. 85-117.
531
Roncayolo, « Territoire », pp. 1- 34, 54.
- 270 -
réseaux et les événements internationaux comme des mécanismes d’apprentissage de
cette territorialité à laquelle appartenait également le Costa Rica, qui dépendra
essentiellement du suivi et du respect des recommandations et des résolutions qui y sont
apparues.
Dans ce chapitre, les principales sources seront les rapports finaux et de
rapporteurs des événements internationaux inclus dans le réseau d’entrelacements. Ceux-
ci contiennent, outre les recommandations, le contexte, les débats, les discours des
délégués les plus importants et, dans certains cas, les processus de vote qui ont eu lieu en
séance plénière et qui ont abouti à la synthèse des recommandations. Il faut signaler
certaines limites de la source : ces rapports, en particulier les sections qui ont récupéré les
débats (rapports de rapporteurs) ont souvent quelques biais créés par les rapporteurs, car
ils ne sont que des récapitulatifs du processus de discussion. Ainsi, dans certains cas, les
noms des intervenants sont omis, les points de vue divergents ne sont pas inclus (à moins
que les délégués ne demandent que leur position « figure dans le compte rendu »)
provoquant, en conséquence, un sentiment erroné de consensus ou d’homogénéité des
opinions. En outre, les détails des recommandations finales peuvent être omis. Pour
compenser ces biais, cette source sera complétée par les exposés ou études techniques
présentés lors de ces congrès ainsi que par des articles de presse.
Le présent chapitre se concentrera sur l’analyse des discours et recommandations
qui ont structuré les priorités de l’agenda au niveau latino-américain, en tenant compte de
la situation centrale et périphérique des événements du réseau d’entrelacements. Dans le
chapitre 6 j’explorerai explorera les mécanismes utilisés par les acteurs centraméricains
pour mettre en œuvre et adapter l’agenda régional aux besoins des pays de l’isthme,
auquel répondront les politiques costaricaines de logement social et d’urbanisme. À la fin
du chapitre 6 une conceptualisation et une délimitation temporelle des entourages
techniques du réseau sera proposé.
L’analyse des réseaux sociaux a permis de déterminer l’existence de six
entourages techniques, dont trois étaient prépondérants pour le réseau d’entrelacements.
Le Tableau V.1 les classe en fonction de leur environnement et de leur état de centralité
ou de périphérie, sur la base de l’Image IV.4 du chapitre précédent.
- 271 -
Tableau V.1 Événements du réseau d’entrelacements, selon leur entourage, leur type
et leur portée.
Entourage Nom d’évènement Type Portée
Commission ad-hoc pour l’étude des problèmes de logement social, Central A. latine
1953
Première réunion technique interaméricaine sur le logement et la Central A. latine
planification, 1956
Deuxième réunion technique interaméricaine sur le logement et la Central A. latine
planification, 1958
Entourage
Séminaire sur le financement du logement et des services publics en Périphérique A. latine
1
Amérique latine, 1959
Réunion sur les problèmes de logement, les industries du bâtiment et Central A. centrale
des matériaux de construction en Amérique centrale et au Panama,
1957
Première réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la Central A. centrale
planification d’Isthme en Amérique centrale
Séminaire latino-américain sur les statistiques et les programmes sur Périphérique A. latine
le logement, 1962
Séminaire sur la programmation du logement, 1963 Périphérique A. latine
Visite technique et séminaire sur l’organisation et les fonctions des Périphérique A. latine
agences nationales chargées de la mise en œuvre des programmes de
Entourage logement, 1964
2 Réunion du Groupe de travail sur la coordination modulaire du Central A. centrale
logement en Amérique centrale, 1962
Deuxième réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la Central A. centrale
planification d’Isthme en Amérique centrale, 1963
Troisième réunion du Sous-comité du logement, du bâtiment et de la Central A. centrale
planification d’Isthme en Amérique centrale, 1965
Conférence préparatoire régionale pour l’Amérique latine sur les Périphérique A. latine
Entourage établissements humains, 1975
3 HABITAT-I. Conférence des Nations Unies sur les établissements Périphérique Mondial
humains, 1976
Source : Image IV.4.
Selon Bidart, Degenne et Grossetti lorsque les relations des acteurs qui se
concentrent sur un entourage unique ont tendance à être plus interconnectées, il est
répertorié comme un processus d’encastrement. Considérant à tout moment l’INVU, on
observe que le comportement de ses délégués dans l’Entourage 1 était interdépendant, la
plupart des événements étant centraux. Dans ces espaces de liaison, les acteurs ont agi de
- 272 -
manière plus coordonnée parce qu’ils ont pu former un « système de connaissance » plus
homogène, qui s’est enrichi grâce à la polyvalence et à la spécialisation que d’autres
espaces de liaison alternatifs ont accordées aux relations de plusieurs acteurs centraux
pour le Costa Rica.532
Au fur et à mesure que nous nous déplaçons vers les Entourages 2 et 3, le
comportement varie. Un facteur contribuant à cette dynamique a été l’univers des sources
et leurs limites. Mais, compte tenu des informations disponibles, on peut déduire une
période de transition au cours de laquelle l’INVU et ses délégués ont diversifié leurs
espaces de liaison et ont ainsi lancé un processus de « découplage » du réseau. La
recherche d’un agenda spécifique pour l’Amérique centrale a donc contribué à ce
comportement dans le Tableau V.1. Les événements de l’isthme ont commencé à être
plus pertinents que ceux ayant une portée plus régionale, lesquels ont été situés dans des
positions périphériques.533
Le « découplage », qui débute dans les années 1960, s’est renforcé au cours de la
décennie suivante, grâce à un plus grand nombre d’activités techniques, convoquées par
des organismes ou associations alternatifs qui ont modifié la structure des relations. En
outre, il convient de souligner qu’il existe des processus internes qui ont accéléré ce
processus, comme le départ de certains acteurs importants pour l’INVU. L’un d’eux,
Eladio Jara, était lié dans toutes les activités préparatoires à HABITAT-I depuis 1975,
mais après HABITAT-I il a été remplacé comme directeur par le Conseil d’administration
de l’INVU. Au lieu de cela, l’architecte Warnes Sequeira Ramirez, jusqu’alors chef du
Département d’urbanisme, a pris ses fonctions, puisqu’il avait pris ses fonctions en 1974
pour le transfert d’Eduardo Jenkins à l’IFAM. Cette série de mouvements institutionnels
a augmenté le rythme de découplage de l’INVU du réseau d’entrelacements, se
consolidant dans les années 80 avec le relais générationnel identifié ci-dessus. Ces
processus d’encastrement et découplage réseau témoigneront de l’évolution historique
des priorités et de la territorialisation de l’ordre du jour.
532
Bidart, Degenne y Grossetti, La vie en réseau, pp. 41, 61, 80-83: Grossetti. « Reflexiones en torno… »,
pp. 99-101.
533
La convocation de Conférences centraméricaines permanentes sur le logement et le développement
urbain (COPVIDU) témoigne de l’intérêt de construire son propre programme, dont le premier événement
a eu lieu en 1972.
- 273 -
Graphique V.1. Amérique latine. Fréquence des champs prioritaires recommandés
lors des événements du réseau d’entrelacement, en pourcentages (1953-1976).
- 274 -
Les Graphiques V.2 et V.3 illustrent les continuités et les changements dans les
priorités du réseau d’entrelacements. D’une part, on observe que le seul domaine qui est
resté inchangé a été l’assistance et la coopération techniques internationales, qui ont
accumulé le plus grand nombre de recommandations lors des événements centraux
(40,5%) et périphériques (35%). En revanche, la priorité d’une mutation radicale a été le
rôle de l’industrie, qui représentait 21,4% des recommandations lors des événements
centraux, tandis que dans les périphériques son poids n’était que de 1,3%, un
comportement partagé également par les personnes liées au financement qui ont réduit
leur présence à seulement 4% dans les événements périphériques, alors qu’ils
représentaient à l’origine 9,5 % du total des recommandations centrales.
- 275 -
Graphique V.3. Amérique latine. Fréquence des recommandations des événements
périphériques du réseau d’entrelacements, en pourcentages. (1953-1976).
L’analyse qui sera présentée dans les pages suivantes prendra comme point de
départ les recommandations des événements centraux et périphériques du réseau
d’entrelacements, afin de révéler le changement historique dans les matrices de
connaissances. Celles-ci ont été organisées en quatre priorités, celles d’assistance
technique, la relation entre le logement et l’industrie, le rôle de l’État et l’initiative privée
et les instruments de planification urbaine.
- 276 -
suisse, qu’il y ait en 1956 diverses institutions nationales de logement réalisant des
recherches et des projets, formant son personnel et coopérant entre eux avec l’aide de
l’assistance technique, c’était la preuve la plus claire de l’existence de cette conscience
collective.534
Le panaméricanisme a constamment appelé à la création d’un centre régional qui
suivrait la politique du logement, demande qui s’est finalement concrétisée en 1951,
année de l’ouverture de la CINVA sur le campus de l’UNAL (Image V.1). A cet égard,
la Conférence de Caracas et la Commission ad hoc, toutes deux de 1953, ont émis
plusieurs recommandations visant à améliorer les programmes d’assistance technique de
la Division du logement et de la planification de l’UnP et ceux du CINVA, qui ont
finalement été concrétisés dans la résolution XXXV publiée par la Xe Conférence
interaméricaine de Caracas en mars 1954.535
L’une des caractéristiques des événements centraux a donc été de consolider le
rôle du CINVA en tant qu’institut de liaison et d’assistance technique régionale le plus
important d’Amérique latine. Lors des réunions techniques interaméricaines de logement
et de planification de 1956 et 1958, un ensemble de recommandations a renforcé les
programmes d’échange et de formation du personnel technique, la recherche et la
diffusion du CINVA et a invité les gouvernements à créer, dans leurs universités, des
cours de logement et d’urbanisme sur le modèle de ceux du centre régional. Les délégués
de la Réunion Technique 1956 ont en outre élevé le CINVA au statut de programme
permanent d’assistance technique de l’OEA.536
Cela a probablement répondu à l’intention du CIES de différencier son
programme d’assistance technique des autres programmes en cours d’exécution en
Amérique latine. Au cours de la même période, le programme de logement du Point IV
fondé par Crane a commencé ses activités en 1950, mais il s’agissait d’un programme à
534
Anatole A. Solow. « Exposición del representante del Secretario General de la Organización de los
Estados Americanos, Sr. Anatole A. Solow, en la Segunda Sesión Plenaria. 28 de noviembre de 1956. »
OEA-CIES, Informe de la Secretaría…, pp. 95-96.
535
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, pp. 119-120.
536
Pour la réunion technique de 1956, les recommandations qui ont porté sur ces points étaient les X, XI et
XIV, tandis que les recommandations de la réunion technique de 1958 étaient les XII, XVII, XXVI, XXVII
et XXIX. Au point a) de la recommandation XIV, il a été accepté de changer le nom du CINVA, rebaptisé
pour la première fois Centre interaméricain de logement et de planification. OEA-CIES, Informe de la
Secretaría del Consejo…, pp. 33-34. Le CINVA a également été chargé de collaborer aux recensements de
1960 prévus pour la région latino-américaine. OEA-CIES. Informe final. Segunda Reunión Técnica
Interamericana en Vivienda y Planeamiento. Huampaní, Perú. 18 al 26 de noviembre de 1958.
(Washington D.C.: Unión Panamericana, 1959), pp. 24-25, 29-31, 38-41, 43-44.
- 277 -
financement limité.537 Quatre ans plus tôt, l’ONU avait mis en place son programme de
diffusion et d’assistance technique dans la Section du logement et de la planification
urbaine et de la campagne (UN-HTCP) dirigée par Weissmann, mais dans les années
1950, cet organisme n’avait pas encore de centre spécialisé.538
Photographie : Leonard J. Currie, 1951. Source : University Libraries, Virginia Tech, Blacksburg,
Virginia. Consulté le 29 avril 2021. URL : https://library.artstor.org/asset/SS37059_37059_41064012.
Il faut garder à l’esprit que l’ONU a exclu en 1948 l’UNESCO comme organe qui
remplissait ces fonctions. L’OEA s’est donc trouvée dans une position d’avantage par
537
Dans le budget adopté par le Congrès en 1949, le programme de logement du Point IV n’a reçu que
US$600.000 dollars, soit 70 % du montant initialement demandé par Crane. En revanche, des secteurs tels
que l’agriculture, la santé, l’éducation ont reçu des montants de US$12,7, US$17 et US$6 millions. Renner,
« Housing Diplomacy… », pp. 38-39, 43-44.
538
Le Bulletin sur le logement et l’urbanisme et la campagne, édité par Weissmann, a été l’un des moyens
de diffusion les plus importants pour l’Amérique latine. Montoya Pino, « Las unidades vecinales en
América… », p. 89. En janvier 1964, le Comité du logement, de la construction et de la planification a
recommandé la création d’un centre coordonné par le Secrétariat des Nations Unies, demande qui a été
approuvée lors de la 37ª session de l’ECOSOC. Department of State. U.S. Participation in the UN. Report
by the President to the Congress for the Year 1964. International Organization and Conference Series 67.
(Washington D.C.: Department of State, 1966) pp. 148-149. Department of State. U.S. Participation in the
UN. Report by the President to the Congress for the Year 1964. International Organization and Conference
Series 67. (Washington D.C.: Department of State, 1966) pp. 148-149.
- 278 -
rapport à ces programmes d’assistance technique et a pu fonder le CINVA en tant que
projet 22 d’assistance technique.539 Un aspect important de ce centre régional a été sa
capacité à articuler la coopération de ces programmes d’assistance technique.540 Ernest
Weissmann, à cet égard, a déclaré que :
« Il existe, Monsieur le Président, de nombreux cas où la coopération et l’action
conjointes du Secrétariat des Nations Unies et de l’Union panaméricaine ont pu
apporter des contributions importantes à la résolution de certains problèmes des
pays d’Amérique latine. Le Centre interaméricain du logement (CINVA),
aujourd’hui solidement créé, et la récente Mission d’experts sur les programmes
de financement du logement et d’amélioration des communautés, présentent des
exemples particuliers de notre coopération. Les Nations Unies continueront, dans
le cadre de leurs ressources, à coopérer avec le Centre interaméricain du logement
(CINVA), car il s’agit à notre avis du centre pilote, essentiel au développement de
centres régionaux et nationaux similaires dans tout autre pays. »541
539
Il est à noter que l’effort visant à renforcer le travail du CINVA lors de la réunion technique de 1956 a
été contredit par les mêmes délégations par la résolution XXV, qui recommandait la création du programme
23 d’assistance technique. Cette initiative a pris ses origines au début des années 1950, mais ce n’est qu’en
1959 qu’une mission conjointe entre l’ONU et l’OEA a constaté que le CINVA avait du mal à mettre en
place un cours d’enseignement formel sur l’urbanisme. À la suite de ce rapport, l’OEA a créé en 1960 le
Programme interaméricain de planification urbaine régionale (PIAPUR), basé à l’Université nationale
d’ingénierie du Pérou (UNI), dont les cours ont été élaborés en collaboration avec l’Université de Yale.
Ramos, « Planeamiento regional y formación… », pp. 10-11. Rivera Páez, « El CINVA: un modelo… », p.
74.
540
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 34; OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, p.
48. Bien qu’il n’ait pas été fait mention du Point IV dans les résolutions, son fondateur, Jacob Crane, avait
des excellentes rélations avec Weissmann, Violich et Solow, ce qui a facilité le travail coordoné. Renner.
« Housing Diplomacy… », pp. 37, 50.
541
« Existen, señor Presidente, muchos casos en los cuales la cooperación y acción conjunta del
Secretariado de las Naciones Unidas y la Unión Panamericana, ha podido dar importantes contribuciones a
la solución de algunos de los problemas de los países latinoamericanos. El Centro Interamericano de
Vivienda (CINVA), ahora sólidamente establecido, y la reciente Misión de Expertos en los Programas para
la Financiación de la Vivienda y el Mejoramiento de las Comunidades, presentan ejemplos especiales de
nuestra cooperación. Las Naciones Unidas continuarán, dentro de sus recursos, cooperando con el Centro
Interamericano de Vivienda (CINVA), ya que en nuestra opinión es el centro piloto, esencial para el
desarrollo de centros regionales y nacionales similares en cualquier otro país.» Ernest Weissmann.
« Exposición del observador de las Naciones Unidas, Sr. Ernest Weissmann, durante la segunda sesión
plenaria. 28 de noviembre de 1956. » OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, pp. 94-95.
Traduction libre. Je souligne.
542
AGUNAL, Fond CINVA, 458 – Correspondence, Julio Carrizosa Valenzuela. « Misión de técnicos de
las Naciones Unidas y equipo requerido para laboratorio de ensayo y experimentación de materiales de
construcción », noviembre 26 1952, fs. 24-26; Gilberto Arango Londoño. « Solicitud de Asistencia Técnica
para el Centro Interamericano de Vivienda », diciembre 1 de 1952, f. 22.
- 279 -
périphériques, on parvient à observer plusieurs changements dans l’approche et la nature
de l’assistance et de la coopération technique.
Photographie : Howard Fischer. Source : University Libraries, Virginia Tech, Blacksburg, Virginia.
Consulté le 29 avril 2021. URL : https://library.artstor.org/asset/SS37059_37059_41064170.
- 280 -
de développement du logement, la nécessité de saisir les économies des familles latino-
américaines et d’établir des normes uniformes dans le cadre de la politique régionale.543
Toutefois, la Conférence régionale préparatoire pour l’Amérique latine sur les
établissements humains de 1975544 et HABITAT-I ont radicalement modifié leur
approche, adoptant une position « révisionniste » conforme aux principes du « Nouveau
Ordre économique mondial »545. La recommandation 21 de la Déclaration de Caracas
était plus que ferme546 et deux délégués qui n’ont pu être identifiés par omission de la
source ont synthétisé son ton de cette manière :
« Les trente dernières années nous ont appris que la croissance économique ne
produit pas nécessairement un développement économique et social. Il faut donc
redéfinir les modalités de croissance, en les harmonisant avec les objectifs socio-
économiques et environnementaux en fonction de trois aspects principaux :
l’identification et l’étude des besoins de l’homme, l’identification et l’utilisation
des ressources, et la détermination des écotechniques... l’objectif du
développement doit se recentrer sur la réalisation pour chacun des habitants de
satisfaire socialement et équitablement leurs besoins matériels et spirituels. »547
543
AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 212, César Garcés Vernaza. Informe del Seminario sobre
Financiamiento de la Vivienda y Servicios Públicos en América Latina. (Bogotá, CINVA: Servicio de
Intercambio Científico y Documentación, 1959), pp. 1 y 2, 15, 19-20; DNCEPALC, E/CN.12/647/Rev.1,
febrero de 1963. ONU. Informe del Seminario Latinoamericano sobre estadísticas y programas de
vivienda. Copenhague, Dinamarca 2 al 15 de septiembre de 1962. (Nueva York: Naciones Unidas, 1963),
pp. 12-16, 82. Consulté le 15 février 2021. URL: https://goo.gl/Abghzw; DNCEPALC,
E/CN.12/CCE/SC.4/28, 30 de noviembre de 1965. ECOSOC. « Informe del seminario sobre programación
de vivienda (México D.F., 2 de diciembre de 1963) », pp. 5-9. Consulté le 14 février 2021. URL:
https://goo.gl/ayqkg5.
544
« Conferencia Hábitat 1975 ».
545
Il convient de noter que la première réunion du Comité du logement, de la construction et de la
planification de l’ECOSOC de 1963 était une première tentative de nuancer les notions de développement
des politiques de logement et d’urbanisme. Bien que dans l’analyse du réseau d’entrelacements cet
événement ait été séparé du corps principal du réseau, il faut souligner la proposition de définition de
« établissement » faite par la délégation grecque, qui a été constituée dans les termes suivants: « ... 2)
convient que le terme établissement connote l’environnement physique comme base d’une croissance
économique équilibrée et d’un progrès économique, social, politique, administratif, technique et culturel
équilibré. » Cette proposition a été rejetée par le comité par 7 voix contre 1 et 6 abstentions. BNNU,
E/3719/Rev.1., ECOSOC. Committee on Housing, Building and Planning. Report of the First Session (21
January – 1 February 1963). Official Records: Thirty-Six Session Supplement Nº 13. (New York: United
Nations, 1963), p. 4. Consulté le 14 mars 20201. URL:
https://digitallibrary.un.org/record/828478/files/E_3719_Rev-1%26E_C-6_9_Rev-1-EN.pdf
546
DNCEPALC, ST/CEPAL/Conf. 55/L.5/Rev.1, 21 de agosto de 1975, CEPAL. « Conferencia regional
preparatoria para la América Latina sobre los asentamientos humanos. Caracas, 30 de junio al 4 de julio de
1975. Informe del relator », p. 26. Consulté le 15 mars 2021. URL:
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/21933/S7500356_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y
547
« Los últimos treinta años nos han enseñado que el crecimiento económico no produce, necesariamente,
un desarrollo económico y social. Se precisa, por lo tanto, redefinir las modalidades de crecimiento,
armonizándolas con los objetivos socioeconómicos y del medio ambiente en función de tres aspectos
principales: la identificación y el estudio de las necesidades del hombre, la identificación y utilización de
los recursos, y la determinación de ecotécnicas… el objetivo del desarrollo debe volver a centrarse en lograr
que todos y cada uno de los habitantes pueda satisfacer, en forma socialmente justa, sus necesidades
materiales y espirituales. » CEPAL, « Conferencia regional preparatoria… », pp. 8-9. Traduction libre.
- 281 -
Conjugué à ces perspectives, HABITAT-I a reconnu que les progrès
technologiques et la science n’étaient pas synonymes de progrès.548 Cela signifiait une
rupture avec l’idéologie du Point IV de Truman, dont nous nous souvenons qu’elle était
essentielle dans la structure et le fonctionnement des programmes d’assistance technique
modernes.549 Suivant ces points de vue lors des deux conférences, il a été conclu que tout
projet d’assistance et de coopération technique devait compléter l’action nationale; qu’il
fallait adopter une approche régionale et laisser place aux initiatives émergeant des
propres pays « en développement et du tiers monde », des orientations que le PNUD
pratiquait déjà depuis le début des années 1970.550 Les modalités, ce faisant, n’ont
présenté aucun changement puisque les programmes de formation, les conseils techniques
directs, la recherche et leur diffusion, la convocation à des réunions techniques et, enfin,
le respect de la souveraineté de chacun des pays par les programmes de financement
international ont continué à être recommandés.551
L’héritage le plus important dans ce domaine a été la création du Centre des
Nations Unies pour les établissements humains (UN-HABITAT) en 1978 à Nairobi, au
Kenya, et qui a divisé son action en six priorités: politique et stratégie des colonies,
planification des colonies, institutions et gérance, logement, infrastructures et services,
terres et, enfin, participation du public.552 Cela a été l’aboutissement d’un processus
entamé dans les années 1960, car dans le cadre de l’ALPRO, le CINVA a été affaibli et a
fermé ses portes en 1972, ce qui s’est traduit par un transfert de leadership régional de
l’OEA à l’ONU et à la CEPALC.553 Cette dernière a renforcé sa position grâce au
fonctionnement de l’Institut latino-américain de planification économique et sociale
(ILPES) en 1962 et à sa collaboration étroite avec UN-HABITAT, à partir de 1978.554 Il
548
United Nations. Report of Habitat: United Nations Conference on Human Settlements. Vancouver, 31
May – 11 June 1976. (New York: United Nations, 1976), p. 127. Consulté le 15 mars 2021. URL:
https://habitat.scarp.ubc.ca/wp-content/uploads/2018/06/Report-of-Habitat-UN-1976.pdf; Michael Cohen.
« From Habitat II to Pachamama: a growing agenda and diminishing expectations for Habitat III. »
Environment & Urbanization, (2015), p. 4.
549
DNCEPALC, CEPAL/MEX/AH/83, 29 de diciembre de 1981. Sergio Soza. Un marco metodológico
para la planificación de los asentamientos humanos en América Latina. (México: CEPAL – Centro de las
Naciones Unidas para los Asentamientos Humanos (HABITAT), 1981), pp. ix-xii. Consulté le 16 mars
2021. URL: https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/26455/S8100502_es.pdf
550
United Nations. Report of Habitat, p. 129; CEPAL, « Conferencia regional preparatoria… », pp. 9-10,
18.
551
CEPAL, « Conferencia regional preparatoria… », pp. 26-27; United Nations. Report of Habitat…, pp.
94-100.
552
United Nations. Report of Habitat, pp. 94-100; ECOSOC. Committee on Housing…, pp. 8, 22.
553
Rivera Páez, « El CINVA: un modelo… », pp. 6, 129, 139-155.
554
Ramos Cebreros de Montezuma. “Planeamiento regional…”, pp. 134-135.
- 282 -
faut souligner que tous ces changements contribuent à contextualiser le relais
générationnel détecté dans l’analyse des réseaux.
En comparaison, les événements centraux et périphériques ont convenu que l’une
des plus grandes priorités de la région latino-américaine était d’obtenir à la fois les
ressources humaines, techniques et financières que les programmes d’assistance et de
coopération technique internationale pouvaient leur accorder. Les modalités de cette
assistance technique n’ont pas varié ; cependant, leur approche a connu des mutations
substantielles en raison de l’influence des idées du « Nouveau Ordre économique
international » qui ont encouragé un type d’assistance technique respectueuse de la
souveraineté des pays, plus intégral au niveau socio-économique et ayant un impact
positif sur la protection de l’environnement. L’une des priorités sur lesquelles cette
perspective révisionniste a eu un impact considérable était la nécessité de lier la
production de logements au développement industriel latino-américain, un processus que
j’expliquerai ci-dessous.
555
Le Corbusier, Urbanisme, pp. 36-37, 67-69; Eric Mumford. Designing the Modern City. Urbanism since
1850. (New Haven & London: Yale University Press, 2018), pp. 160-163.
556
Gutiérrez, Tartarini y Stagno, Congresos Panamericanos, pp. 48, 53, 57, 60, 73-74.
- 283 -
utilisés dans la région et en particulier dans les zones rurales étaient « primitifs ».557
Répondre à cette série d’antécédents et à la dynamique de l’industrialisation de
substitution en vogue en Amérique latine558, Solow a invité les pays membres de l’OEA
à encourager leurs instituts nationaux de logement à mettre en place des cimenteries et à
normaliser l’industrie des matériaux locaux, afin de réduire les coûts de construction.559
Lors de la réunion technique de 1956, Solow et Weissmann se sont dit préoccupés
par le coût élevé du logement qui, selon eux, résultait de l’absence de statistiques et du
faible développement industriel qui empêchait la production de masse des logements.560
Weissmann, à cet égard, a déclaré que :
« Afin de réduire le coût du logement urbain et d’en améliorer la qualité, à
l’intérieur et à proximité de grandes agglomérations urbaines où se présentent
généralement un déficit important de logements, il est nécessaire de créer des
logements productifs et d’établir des industries de matériaux de construction, à
une échelle suffisante pour pouvoir satisfaire le volume de constructions requises,
à un prix raisonnable... L’objectif reconnu du développement des ressources est
d’améliorer le niveau de vie de l’homme. En même temps, l’expérience nous
montre que le progrès social n’est pas une conséquence du développement
économique... »561
Par ces derniers mots, Weissmann a avancé de près de vingt ans sur ce que ces
deux membres anonymes de la Conférence Habitat 1975 avaient reconnu comme l’une
des grandes faiblesses du développement et sur les critiques qui, dans le même contexte,
ont fait des intellectuels comme Celso Furtado, Osvaldo Sunkel, Pedro Paz à ce
modèle.562 D’accord avec Weissmann, Washington Bermudez, alors président du CIES,
557
Solow, El problema de la vivienda económica, p. 72; OEA-CIES, Informe de la Secretaría del
Consejo…, p. 2.
558
Bulmer-Thomas. La historia económica…, pp. 230, 262-263.
559
CCSS. Memoria anual 1953, pp. 361 y 364. Anatole Solow a souligné que toute norme minimale de
logement devait être « suffisamment souple pour s’adapter aux conditions géographiques, climatiques et
sociales de la région ou du lieu ». Anatole A. Solow. El problema de la vivienda económica en la América
Latina. Informe preparado por el Secretariado Técnico para el uso de los miembros de la Comisión Ad-
hoc. (Washington D.C.: Unión Panamericana, 1953), pp. 18-19.
560
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 3.
561
« A fin de reducir el costo de la vivienda urbana y de mejorar su calidad, dentro y en los alrededores de
grandes aglomeraciones urbanas en las cuales por lo general se presenta un gran déficit de viviendas, se
hace necesaria la vivienda productiva y el establecimiento de industrias de materiales de construcción, en
escala suficiente para poder satisfacer el volumen de construcciones requeridas, a un precio razonable… El
propósito reconocido del desarrollo de recursos es el de mejorar el nivel de vida del hombre. Al mismo
tiempo, la experiencia nos muestra que el progreso social no es una consecuencia del desarrollo
económico… » Weissmann. « Exposición del observador… », pp. 91-92. Traduction libre. Je souligne.
562
Celso Furtado. Economic Development in Latin America. Historical background and contemporary
problems. Trad. Suzette Macedo. (Cambridge: Cambridge University Press, 1976), pp. 296-298; Sunkel y
Paz, El subdesarrollo, p. 34-35.
- 284 -
a en outre souligné que l’action coordonnée des pays d’Amérique latine à travers les
marchés régionaux des matériaux de construction se traduirait par une baisse significative
du coût du logement.563
Suivant cette ligne discursive, une bonne partie des recommandations des
événements centraux latino-américains visaient à renforcer l’activité industrielle du
logement. La Commission ad hoc de 1953, dans sa déclaration de principes, a indiqué
que la normalisation « des matériaux, techniques et designs, avec l’attention nécessaire
aux traditions et coutumes de la vie locale, doit contribuer à la fourniture de logements
d’intérêt social »564. La réunion technique de 1956 a suivi ces observations et a incité les
pays à déterminer la population économiquement active dans le secteur industriel des
matériaux de construction et à promouvoir la préfabrication du logement, en donnant la
priorité aux matériaux locaux.565
Cet événement a introduit la notion que l’une des voies possibles pour atteindre la
formation des marchés régionaux, était par la normalisation et la coordination modulaire
des conceptions des matériaux de construction566. En revanche, la réunion technique de
1958 a été plus catégorique en recommandant que les pays renforcent leurs instituts de
normalisation, élaborent des normes basées sur le système métrique décimal et échangent
leurs expériences nationales par l’intermédiaire du Comité panaméricain des normes
techniques.567 Ainsi, en 1958, les événements centraux latino-américains ont défini un
563
Washington Bermúdez. « Palabras pronunciadas por el presidente del Consejo Interamericano
Económico y Social, en la sesión de clausura. 7 de diciembre de 1956. » OEA-CIES, Informe de la
Secretaría del Consejo…, p. 112.
564
CIES. Informe sobre el Problema de la Vivienda de Interés Social en América Latina preparado por la
Comisión Ad-hoc para el Estudio del Problema de la Vivienda Económica. (Unión Panamericana -
Washington, D.C., 1953). (Caracas, Venezuela: Conferencia Interamericana de Seguridad Social - OEA,
1955), pp. 3, 77, 82.
565
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 33.
566
Le rapport final de la réunion technique de 1956 n’a pas permis de déterminer s’il y avait une
recommandation sur la normalisation et la coordination modulaire. Cependant, un document préparatoire
de la réunion de 1957 a constaté que la recommandation XVIII de la réunion de 1956 était sur ce sujet.
CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, pp. 24-26; DNCEPALC, E/C12. /CCE/AC.6/2 Rev.1, 30 de
octubre de 1957, CEPAL. « Explicación acerca de los fines y naturaleza de la reunión », pp. 3 y 4. Consulté
le 28 avril 2021, URL: https://goo.gl/Uo7UcT.
567
Il est important de souligner que l’Amérique latine comptait déjà quelques instituts normatifs, comme
l’Institut argentin de rationalisation des matériaux qui a été créé en 1939. Dix ans plus tard, le Comité
panaméricain des normes techniques a été créé. DNCEPALC, AC.6/I/DT/14, 10 de noviembre de 1957,
Patricio Samper Gnecco. Normalización y coordinación modular de la industria de la edificación. (Bogotá,
Colombia: CINVA, 1957), p. 6. Consulté le 1 mai 2021. URL: https://goo.gl/vHv6V6.
- 285 -
modèle spécifique pour insérer le logement dans les processus d’industrialisation: la
normalisation et la coordination modulaire.568
Dans le Tableau A.5 des annexes, il est noté qu’aucun événement périphérique, à
l’exception d’HABITAT-I, n’a émis de recommandations spécifiques sur le logement et
le développement industriel. Néanmoins, plusieurs ont été identifiés associés à la
programmation du logement, où le facteur industriel était sous-déclaré.569 Ainsi, lors du
Séminaire sur le financement du logement et des services publics de 1959, il a été
recommandé que le CINVA élabore un manuel de programmation du logement basé sur
les objectifs nationaux de développement économique, ce qui a de nouveau été réitéré
dans les deux recommandations du séminaire latino-américain sur les statistiques et
programmes de logement de 1962, comme du séminaire sur la programmation du
logement de 1963.570
Comme dans le domaine de l’assistance et de la coopération technique, la
Conférence Habitat 1975 a vivement critiqué l’approche développée dans l’élaboration
des normes et des standards, où quatre positions ont pu être distinguées parmi les
délégués:
1. Premièrement, il a été considéré que l’élaboration des normes et des standards
devait être une prérogative des pays et des communautés et qu’elles devaient
refléter les modes de vie et les conditions environnementales de chaque pays.
2. Par ailleurs, les normes élaborées par les organismes internationaux devaient
être adaptées précisément à ces caractéristiques particulières de chaque pays et,
par conséquent, toute tentative d’imposer des « normes exogènes » a été rejetée.
3. Les normes et les standards, au lieu de se concentrer sur les « critères de
productivité », devaient plutôt répondre à la « productivité du système », définie
comme la « capacité de la société à élever le bien-être général de la population ».
568
La recommandation III indiquait ce qui suit: « Que ce n’est que par la normalisation, la typification et
la coordination modulaire que l’on peut parvenir à la rationalisation nécessaire dans l’industrie de la
construction, à la réduction des coûts et à l’amélioration du niveau humain de la maind’œuvre qui y
intervient. » OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, pp. 16 y 17.
569
Le terme « programmation » est équivalent à celui de « planification ». Martín Becerril Padua y César
Garcés. « Contribuciones de la CEPAL en los estudios del fenómeno urbano-metropolitano, 1950-1990. »
Revista de Estudios Regionales, Nº70 (2004): p. 152.
570
Garcés Vernaza, Informe del Seminario, pp. 21-22; ONU, Informe del Seminario Latinoamericano, p.
82; ECOSCOC, Informe del seminario, p. 12.
- 286 -
4. Enfin, les normes et les standards n’étaient pas immuables, mais ils devaient
varier avec le temps et les niveaux de développement adaptés.571
Sur la base de ces prémisses, les délégués ont estimé nécessaire que les pays
élaborent leurs normes et leurs standards dans une perspective de droits de l’homme, en
tenant compte des spécificités culturelles, sociales, économiques et écologiques de la
société. En outre, ils ont souligné l’opportunité de fixer non seulement des critères
minimaux, mais aussi des « droits maximaux » pour empêcher une minorité d’accumuler
ou de consommer les ressources d’un pays, y compris la terre.572 Au cours des discussions
de la commission II d’HABITAT-I, ces mêmes arguments ont été repris et exprimés dans
deux recommandations portant sur la flexibilité des normes minimales et maximales.
Toutefois, en ce qui concerne l’industrie nationale de la construction, le forum s’est
contenté de souligner que celle-ci devait être soutenue par des politiques, des facilités
financières et une assistance technique573, il n’a donc pas promu un changement
substantiel dans les politiques macroéconomiques des pays, comme Michael Cohen
l’avait déjà prévenu.574
La disparition progressive du développement industriel orienté vers le logement
en tant que priorité régionale est due non seulement à cette nouvelle « éthique » que les
délégués aux événements de l’agenda HABITAT ont dit défendre, mais aussi à la
méfiance émanant de la CNUCED et du G-77 à l’égard des industries contrôlées par le
capital transnational. Parallèlement, elle a également coïncidé avec les crises
économiques successives qui ont eu un impact sur le développement, d’abord avec
l’effondrement du système de Bretton Woods en 1971, puis avec la crise pétrolière en
1973; l’épuisement de l’espoir vers un modèle qui n’a pas réussi à inverser les inégalités
sociales et la pauvreté; et, enfin, avec l’entrée en vigueur des politiques d’ouverture et de
libéralisation économique.575 Ces dernières ont plaidé pour une diminution drastique du
571
CEPAL, « Conferencia regional preparatoria… », p. 13.
572
L’idée des « droits maximaux » a également été abordée lors du discours de Diego Arria, alors président
de la Conférence de 1975. Arria declara que parler de « droits maximaux » répondait à la nouvelle éthique
qui inspirait la Conférence, car les discussions s’étaient tellement concentrées sur l’élaboration de ces
« normes minimales auxquelles nous voulons soumettre la majorité », qu’il a été oublié de limiter la liberté
d’une minorité qui accapare des ressources comme l’eau, le sol, la nourriture et la propriété. CEPAL,
“Conferencia regional preparatoria…”, pp. 26, 41-42.
573
United Nations. Report of Habitat…, pp. 14, 41, 45, 162.
574
Cohen, « From Habitat II to Pachamama… », p. 4.
575
Bulmer-Thomas, La historia económica…, pp. 255, 293-294, 295-308.
- 287 -
rôle régulateur et de gérance de l’État dans l’économie, en faveur du marché et de
l’initiative privée, limitant ainsi le désir des activités liés à HABITAT de le renforcer, car
selon les mots d’Enrique V. Iglesias, les forces du marché ne pouvaient résoudre les
problèmes des établissements humains car elles manquaient d’un « horizon social et
temporel »576.
Ce qui a été abordé dans cette section oblige à approfondir les relations entre l’État
et l’initiative privée et la manière dont les événements centraux et périphériques ont
cherché à réguler cette interaction. Le point de départ sera la position des congrès
panaméricains d’architecture à l’égard de l’initiative privée, dont ils se méfiaient et
recommandaient donc aux gouvernements de renforcer leurs institutions nationales et
locales à un moment où l’expansion du secteur public commençait à apporter des
changements sociaux, culturels et politiques dans la région, parmi lesquels se trouvait le
problème du logement et de la planification urbaine.
576
DNCEPALC, E/CEPAL/CONF.70/L.11/Rev.1., 28 February 1980, CEPAL. « Report on the Latin
America Conference on Human Settlements », p. 8. Consulté le 23 mars 2021. URL:
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/19841/S8020302_en.pdf?sequence=3&isAllowed=y
577
CIES, Informe sobre el Problema…, p. 112.
578
Weissmann. “Exposición del observador…”, p. 92; OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…,
p. 32; OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, pp. 15-16, 20-21, 24, 26-29, 33-37.
- 288 -
« La participation des sociétés coopératives et mutualistes, des sociétés de crédit
et de capitalisation, des organismes d’épargne et de prêt, des caisses d’assurance
ouvrière et de prévoyance sociale, qui contribuent toutes dans une large mesure à
la solution du problème du logement, nécessite l’encouragement et le soutien des
gouvernements nationaux et municipaux. L’expérience a en outre montré que la
seule action de l’entreprise privée, sans l’aide du gouvernement, ne peut résoudre
le problème. Par conséquent, l’État serait principalement responsable de veiller à
ce que le pays dispose d’un programme de logement, tant public que privé,
permettant à toute famille d’avoir un logement convenable. »579
Son argument était une première tentative de nuancer l’étatisme légué par les
congrès panaméricains d’architecture, révélant les limites de l’approche publique et
privée si les deux travaillaient séparément. En ce qui concerne l’État, Solow a souligné
sa grave contradiction de financer les programmes de logement d’intérêt social par des
impôts indirects qui nuisaient précisément davantage à la population cible de ces
politiques.580 Conformément à ces observations, la Commission ad hoc a évoqué le revers
de la médaille, l’initiative privée, qui, en raison
« … du volume élevé de capital nécessaire et du faible rendement qui peut en être
obtenu, cette activité de l’initiative privée s’est déplacée par rapport à des
domaines qui lui restituent des bénéfices plus importants et plus immédiats. Son
intervention dans le domaine du logement a été réduite à la construction de
logements pour le secteur à revenu élevé... [et c’est pourquoi] une grande partie
des travaux réalisés ces derniers temps en Amérique latine en matière de logement
d’intérêt social a été entreprise par l’État. »581
579
« La participación que en la construcción de viviendas económicas tienen las sociedades cooperativas y
mutualistas, las sociedades de crédito y de capitalización, las entidades de ahorro y préstamo, las cajas de
seguro obrero y de previsión social, todas las cuales contribuyen en buena medida a la solución del
problema habitacional, precisa del estímulo y del apoyo de los gobiernos nacionales y municipales. La
experiencia, además ha venido a demostrar que la sola acción de la empresa privada, sin la ayuda
gubernamental, no puede resolver el problema. Por consiguiente, el Estado vendría a ser el principal
responsable en asegurar que el país tenga un programa de habitaciones, tanto público como privado, que
haga posible que toda familia llegue a tener una vivienda adecuada. » Solow, El problema de la vivienda
económica, p. 63. Traduction libre.
580
Solow, El problema de la vivienda económica, pp. 67-68.
581
« … al alto volumen de capital que se precisa y a la poca rentabilidad que puede obtenerse, esta actividad
de la iniciativa privada se ha desplazado con referencia a esferas que le reditúan utilidades mayores y más
inmediatas. Su intervención en el campo de la habitación se ha reducido a la construcción de viviendas para
el sector de ingresos elevados… [y por eso] gran parte de la obra efectuada últimamente en la América
Latina en materia de vivienda de interés social, ha sido emprendida por el Estado. » CIES, Informe sobre
el Problema…, p. 66. Traduction libre.
- 289 -
et se coordonner mutuellement. Cela n’était pas sans l’avis de Weissmann, pour qui la
conciliation de cette diversité d’intérêts était une condition préalable à la mise en œuvre
d’autres aussi importants que l’industrialisation ou l’accès aux terrains à potentiel
urbanisable.582
Cette série de discours, qui ont en quelque sorte cherché à concilier le pouvoir
public avec l’initiative privée, est également le résultat des changements provoqués par
le début de la guerre froide et la crainte de la « soviétisation » des gouvernements en
Amérique latine. Comme indiqué au chapitre 1, à partir des années 1950, le
développement a placé l’État comme le grand chef d’orchestre des politiques
économiques et sociales. Mais des épisodes comme la Révolution cubaine en 1959 et le
lancement de l’ALPRO des années plus tard ont cherché à « déradicaliser » ce processus,
en intégrant de plus en plus l’entrepreneuriat. Hugo Navarro, délégué panaméen à la
Réunion technique de 1956, a clairement exprimé ses craintes à l’égard du
« paternalisme » d’État dans son exposé lors de la troisième session plénière :
« Mais il faut préciser que l’État panaméen n’a pas pour but de se constituer en un
État paternaliste, en dotant les citoyens de logement sans exiger d’eux
l’acceptation des engagements économiques et sociaux que représente la
possession de celui-ci. Ce qu’il propose, c’est de créer les conditions favorables
et d’offrir l’encouragement nécessaire pour que la solution du problème du
logement, qui ne pourra être entièrement résolue par le gouvernement, soit entre
les mains des citoyens eux-mêmes. Couvert ainsi le problème, la solution
recherchée repose sur l’initiative privée et sur l’effort individuel et collectif. Et
cette exploitation des ressources humaines, cette participation des citoyens à la
solution du problème du logement, qui peut être mesurée en termes économiques,
devra permettre au pays de multiplier ses maigres ressources budgétaires. »583
582
Weissmann. « Exposición del observador… », p. 93; AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 46, Dossier 9, Eric
Carlson. « Tema VI: Liderato en planeamiento ». Seminario de técnicos y funcionarios en planeamiento
urbano. Serie: Enseñanza 9-F. (Bogotá, Colombia: CINVA – Unión Panamericana, 1958).
583
« Pero es necesario aclarar que el Estado Panameño no tiene el propósito de constituirse en un Estado
paternalista, dotando a los ciudadanos de vivienda sin exigir de ellos la aceptación de los compromisos
económicos y sociales que la posesión de la misma representa. Lo que propone es, crear las condiciones
favorables y ofrecer el necesario estímulo para que la solución del problema de la vivienda, que no podrá
ser completamente resuelto por el Gobierno, quede en manos de los propios ciudadanos.
Abarcado así el problema, la solución que se procura obtener descansa en la iniciativa privada y en el
esfuerzo individual y colectivo. Y este aprovechamiento de los recursos humanos, esta participación de los
ciudadanos en la solución del problema de la vivienda, que puede medirse en términos económicos, habrá
de permitir al país la multiplicación de sus escasos recursos presupuestales. » Hugo Navarro. « Exposición
del presidente de la delegación de Panamá, en la tercera sesión plenaria. 29 de noviembre de 1956. » OEA-
CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 82. Traduction libre.
- 290 -
le cadre des recommandations issues des événements centraux, deux formes d’incitation
aient été encouragées: la création de systèmes de financement appropriés tels que les
méthodologies d'«épargne et de prêt » ou de soutien hypothécaire584 et les projets d’effort
propre et d’entraide, également appelés auto-assistance ou auto construction.
La tendance observée dans les recommandations de financement, qui
représentaient 9,5% dans les événements centraux latino-américains, était de combiner
ces deux modalités pour capter les « ressources », qu’elles soient monétaires ou
humaines. La Commission ad hoc a fait le premier pas vers la promotion de ces modalités
à travers ses recommandations 6 et 7, qui ont été soutenues par les réunions techniques
de 1956 et 1958, avec quelques variantes. Deux des plus importantes ont été les
recommandations VII des deux événements qui ont introduit un rejet généralisé de
l’attribution gratuite des logements (sauf dans des cas extrêmes), créant ainsi un
mécanisme d’exclusion sociale.585
Étant probablement conscients de ceci, les délégués à la réunion technique de
1958 ont proposé qu’en plus d’appliquer toutes les modalités disponibles de mobilisation
de capitaux, les États étudient les causes qui expliquent la faible capacité de paiement des
familles et s’efforcent de corriger ce problème. Malgré cela, cet ensemble de
recommandations se souciait davantage de la recherche de capitaux et de maintenir
l’intérêt des entreprises privées dans la construction de logements sociaux que de jeter les
bases d’une politique d’éradication de la pauvreté.586 Une autre voie que ces événements
ont suivi a été de poursuivre les dispositions de la Xe Conférence interaméricaine de 1954
pour constituer une banque interaméricaine du logement, ce qui a été exprimé dans les
recommandations XVIII de l’I-RTI587 et la XXXII de la réunion technique de 1958. Lors
de cette réunion, la Commission spécialisée qui avait entre ses mains la création de cette
584
Renner, « Housing Diplomacy », pp. 31-33; Norman P. Mason. « Exposición del presidente de la
delegación de los Estados Unidos, en la primera sesión plenaria. 28 de noviembre de 1956. » OEA-CIES,
Informe de la Secretaría del Consejo…, pp.76-78.
585
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 32; Le texte de la septième recommandation de
la Réunion technique de 1958 indiquait: « Que les gouvernements des États membres de l’Organisation des
États américains élaborent leurs programmes de logement d’intérêt social en évitant, sauf en cas de
catastrophe et à condition que la situation particulière le signale comme seule solution, les attributions
gratuites en usage ou en propriété, qui, en plus d’affecter la dignité des bénéficiaires, nuisent au financement
des logements pour les grandes masses de population et entrave à l’initiative privée de collaborer avec les
gouvernements dans la lutte contre le déficit des chambres. »
OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, p. 20.
586
Les recommandations IX, X ainsi que les points d, e et f des XV et XVIII de la réunion technique de
1958 se sont concentrés sur ces objectifs. OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, pp. 21-23, 28, 31-32.
587
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 13.
- 291 -
agence a été invité à inclure dans ses programmes de financement les opérations relatives
au logement et aux services communaux et connexes.588
Dans les événements périphériques, le financement est passé à l’avant-dernière
place des domaines prioritaires (3,9 %) en surpassant l’industrie. Le séminaire sur la
programmation du logement de 1963, la conférence Habitat 1975 et HABITAT-I se sont
concentrés sur la recommandation aux gouvernements d’allouer des ressources publiques
suffisantes pour atteindre les objectifs de la programmation du logement589, que les
institutions financières internationales soient flexibles dans la manière dont les pays
pourraient mettre en œuvre les fonds dans les politiques d’établissement humain590 et,
enfin, que les liens avec ces institutions soient renforcés en tant que politique du
Secrétariat aux établissements humains, en particulier avec la Banque mondiale (BIRF-
BM) et les banques de développement.591
Toutefois, le paysage international a rendu difficile la mise en œuvre de ces
recommandations. Dans le cas de la BID, Baab a montré qu’avant 1970, les prêts de la
banque avaient, dans une certaine mesure, une approche sociale, en affectant des fonds à
des projets de réduction de la pauvreté, l’agriculture, entre autres. Après cette date, la BID
a réorienté sa politique vers le financement de projets d’infrastructure (tels que des routes
ou des barrages hydroélectriques). A cela s’ajoute la puissance d’influence américaine
qui s’est accrue au sein de la BID dans les années 1980, fruit du Consensus de
Washington. En ce qui concerne le BIRF-BM, lors de la Conférence des Nations Unies
sur le commerce et le développement (UNCATD) à Manille en 1979, Robert McNamara
a annoncé la politique d’« aide » aux pays pauvres dans leurs programmes d’ajustement
structurel, en mettant fin à leur parrainage des projets de développement rural et urbain
que l’institution avait financés jusqu’alors592. Ceci, uni à d’autres facteurs, a
considérablement réduit la disponibilité des ressources économiques pour la mise en
œuvre des politiques d’établissement humain.
Caractérisés également comme une autre modalité d’initiative privée, les
événements centraux ont aussi recommandé les projets d’entraide (3,3%). Ce type de
588
Mora, La Organización de los Estados Americanos, pp. 48-50; OEA-CIES, Informe Final. Segunda…,
pp. 46-47.
589
ECOSCOC, Informe del seminario, p. 12; CEPAL, “Conferencia regional preparatoria…”, p. 26.
590
CEPAL, “Conferencia regional preparatoria…”, p. 23.
591
United Nations, Report of Habitat, p. 100.
592
Cohen, “From Habitat II to Pachamama”, p. 4; Babb. Behind Development Banks, pos. 457-465, 805-
812, 1399-1425, 1932-1946.
- 292 -
projets, qui avaient déjà une longue expérience, est apparu le plus souvent après la
Première Guerre mondiale dans différentes parties du monde et s’est généralement inspiré
des idéaux anarchistes et socialistes. L’expérience allemande, entre autres, a influencé les
premiers projets en Amérique pendant la Grande Dépression, qui, bien qu’ayant reçu un
accueil mitigé, ont rapidement été insérés dans le New Deal en raison de leur lien avec
les idéaux du Destin Manifeste et de la colonisation de la « frontière ». Alors que
plusieurs initiatives destinées aux anciens combattants américains étaient mises en œuvre
après la Seconde Guerre mondiale, en Amérique latine, de telles solutions ont été
diffusées par divers acteurs, dont Jacob Crane, qui a supervisé de tels projets à Porto Rico
et diffusé l’approche geddesienne à propos du logement auto-construit.593
Cette méthodologie a trouvé dans les programmes d’assistance technique un
créneau favorable à la reproduction et à l’expansion, car le modèle du Service considérait
l’auto-assistance comme un instrument de dépassement tant individuel que collectif,
principe qui a inspiré ses deux approches: le soi-disant « effort propre », qui prenait
comme ressource de base la famille dans la construction de son foyer; et l' « assistance
mutuelle » que l’organisation communautaire a encouragée dans le même but ou la
fourniture de services de base ou communaux.594 Dans le contexte interaméricain,
diverses voix se sont manifestées en faveur de cette méthodologie, dont Carlos Burr,
Caroline Ware, Orlando Fals Borda595 et Luis Vera, qui ont exalté sa vocation sociale et
593
Hellen Gyger et Richard Harris ont démontré que de tels programmes étaient appliqués depuis le début
du XXe siècle, dans diverses parties du monde. En Europe, des pays comme la Suède ont promu les
premiers projets institutionnalisés avant la Première Guerre mondiale. Après ce conflit et pour faire face au
déficit du logement, d’autres expériences ont émergé comme en Grèce, en Finlande ou en Union soviétique
grâce à l’effort individuel ou coopératif. Alors que des pays comme l’Allemagne ont promu des solutions
au niveau local, l’Angleterre et la France ont vu avec suspicion de tels programmes, encourageant des
projets de type « ville-jardin » au détriment de l’action collective. Hellen E. Gyger. « The Informal as a
Project: Self-Housing in Perú 1954-1986. » (Ph.D. in History Thesis, Columbia University, 2013), pp. 90-
91; Richard Harris. « Slipping through the Cracks: The Origins of Aided Self-Help Housing, 1918-1953. »
Housing Studies, Vol. 14, Nº 3 (1999): pp. 281-309; Annie Fourcaut. « Le Comité Supérieur
d'Aménagement et d'Organisation de la Région Parisienne et les lotissements, de la loi SARRAUT à la
remise du Plan PROST (1928-1934). » Villes en parallèle, La ville fragmenté. Le lotissements d’hier et
d’aujourd’hui, Nº 14, (juin 1989): pp. 46-57; Annie Fourcaut. « Du lotissement au quartier. Le cas de la
banlieue parisienne dans l'entre-deux-guerres. » Mélanges de l’École française de Rome. Italie et
Méditerranée, Tome 105, Nº 2 (1993): pp. 441-457.
594
Martha Peña Rodríguez. El programa CINVA y la acción comunal. Construyendo ciudad a través de la
participación comunitaria. (Bogotá: Universidad Nacional de Colombia, Facultad de Artes, 2010), p. 133.
595
Caroline Ware a été conseillère à la Section des services sociaux de la Division du travail et des affaires
sociales de l’UnP et professeure à l’Université Howard. En 1953, elle est invitée par le CINVA où elle
donne une série de conférences qui sont ensuite publiées en volume. En 1959, elle a dirigé le processus
d’institutionnalisation du programme d’action communal à Bogota. Caroline F. Ware. El servicio social y
la vivienda. Serie. Resúmenes de clase Nº 3. (Bogotá: Centro Interamericano de la Vivienda – Servicio de
Intercambio Científico, 1953). Quant à Fals Borda, il a obtenu un doctorat en sociologie de l’Université de
- 293 -
interdisciplinaire et sa capacité à renforcer le tissu communautaire de la société, idées qui
se sont formalisées dans le contenu des cours du CINVA.596 Face à la Commission ad
hoc de 1953, Solow a appuyé ces discours, se référant aux cas spécifiques des pays
scandinaves, de la Suisse, de leur pays d’origine, où fonctionnaient depuis longtemps des
« coopératives de locataires », et de Porto Rico.597 Cela explique pourquoi la Commission
ad hoc a inclus dans les recommandations 6 et 7 précitées ce type d’initiatives privées.
Les discours prononcés en faveur des programmes d’effort propre et d’entraide
ont en outre mis en évidence la présence de deux notions ou aspirations. Eric Carlson, en
1955, a noté que ces méthodes avaient « l’avantage de faire naître la foi et la confiance »
dans les capacités des individus et que, « par conséquent, la quantité de ressources
humaines augmente notoirement ». Lors de la réunion technique de 1956, Weissmann a
déclaré dans le même sens que :
« Les processus de développement communautaire pourraient ainsi être utilisés
efficacement pour améliorer les ménages et la communauté. Jusqu’à présent, les
projets d’un bénéfice aussi évident et direct pour l’individu et les groupes, par
l’effort propre et l’entraide, sont devenus des points focaux d’action locale, qui
s’est souvent étendu à d’autres types d’améliorations. »598
Floride en 1955 et est reconnu en Colombie pour avoir supervisé certains des premiers projets d’action
communautaire rurale, tels que Cachinbal et Vereda del Saucio. En 1953 et 1958, il fait partie du corps
enseignant du CINVA et, en 1959, il collabore à la fondation de la Faculté de sociologie de l’UNAL. Peña
R., El programa CINVA, p. 117.
596
Carlos Guillén. Habitaciones obreras y cooperativas de vivienda. Serie Sobre educación del trabajador,
Nº 10. (Washington D.C.: Unión panamericana – División de Trabajo y Asuntos Sociales, 1952); Peña R.,
El programa CINVA, pp. 56, 105; 121, 143-145.
597
Solow, El problema de la vivienda económica, p. 60.
598
«Los procesos de desarrollo de la comunidad podrían así usarse en forma efectiva para el mejoramiento
de los hogares y de la comunidad. Hasta ahora los proyectos de tan obvio y directo beneficio para el
individuo y para los grupos, por medio del esfuerzo propio y de la ayuda mutua, se han convertido en puntos
focales de acción local, la cual con frecuencia se ha extendido también a otros tipos de mejoras. »
Weissmann. « Exposición del observador… », pp. 92.
- 294 -
modifier cette réalité.599 Dans cette logique, l’entraide a acquis un caractère utilitaire et
économique, visant à éviter la « production inepte »600 du logement perdant dans le
processus sa qualité transformatrice de la communauté en termes d’identité,
d’enracinement et de prise de décision.601 Hugo Navarro, dans son intervention lors de la
Réunion technique de 1956, a illustré de manière cristallisée ce type de pensée appliquée
aux projets de logement panaméens:
« Pour arriver à ce stade d’acceptation de la responsabilité de construire son
propre logement de la part du paysan, il faut lancer nos programmes par un vaste
travail de diffusion... C’est pourquoi l’éducation est la base solide de nos
programmes. Éduquer l’homme à produire, à accepter des responsabilités, à
acquérir ou à respecter la propriété privée, à s’occuper de son hygiène personnelle
et à y développer une mentalité qui englobe la nécessité d’élever son niveau de
vie et, partant, la capacité économique de la Nation. »602
Gyger a démontré à travers le cas péruvien que cette ligne de pensée était
conforme aux idéaux libéraux de libre entreprise et de promotion individuelle diffusés
par des acteurs tels que Pedro Beltrán, propriétaire du journal La Prensa et qui ont ensuite
été repris par Hernando de Soto dans les années 1986 qui a interprété l’activité des
envahisseurs professionnels de terrains, la distribution clandestine de services tels que
l’eau ou l’électricité sur le marché informel comme l’expression la plus fidèle de
l’initiative privée néolibérale, y compris l’auto construction du logement.603 En revanche,
l’expérience du CINVA dans des projets tels que Siloé et Bello Horizonte604 ainsi que les
599
Comme l’a montré Marta Peña, pendant un certain temps, le CINVA a été influencé par des notions
péjoratives de la communauté et ses conditions de marginalité. La travailleuse sociale Josephina Albano,
professeure au CINVA entre 1957 et 1958, soulignait dans ses cours que les populations marginales
n’avaient aucune ambition, étaient rebelles, d’attitudes primitives, apathiques et insalubres. Ces
perspectives ont légitimé l’intervention des professionnels et des institutions dans les communautés et qui
ont souvent sous-estimé les connaissances locales, au profit des valeurs propres du professionnel ou de
l’institution dans le processus de planification. Peña R., El programa CINVA, pp. 89, 97-98.
600
Gyger, « The Informal as a Project », p. 42.
601
Peña R., El programa CINVA, p. 140.
602
« Para llegar a esa etapa de aceptación de la responsabilidad de construir su propia vivienda, de parte
del campesino, es necesario, sin embargo, iniciar nuestros programas con una amplia labor de
divulgación… Es por ello, la educación, la base sólida de nuestros programas. Educar al hombre para
producir, aceptar responsabilidades, para que adquiera o respete la propiedad privada, para que atienda su
higiene personal y para desarrollar en él, una mentalidad que comprenda la necesidad de elevar el nivel de
vida de su vida y con ello, la capacidad económica de la Nación. » Navarro, « Exposición del
presidente… », p. 83.
603
Gyger, « The Informal as a Project », pp. 27-28, 299-300.
604
AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 151, CINVA. Siloé. El proceso de desarrollo comunal aplicado a un
proyecto de rehabilitación urbana. Serie : Trabajos de clase Nº 6. (Bogotá : Servicio de Intercambio
Científico – CINVA, 1958) ; AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 151, CINVA. Proyecto de rehabilitación
urbana. Barrio Bello Horizonte – Bogotá, Colombia. Serie: Trabajos de clase Nº 7. (Bogotá: Servicio de
Intercambio Científico – CINVA, 1958).
- 295 -
contributions de John Turner dans les années 1960 et 1970 au Pérou, ont cherché à
réorienter l’entraide vers des formes plus démocratiques de planification, en
reconnaissant d’abord la capacité d’organisation des communautés, la complexité
socioculturelle de leurs habitants et, partant, en transférant le « contrôle » du processus
précédemment exercé par les institutions ou l’urbaniste vers les bénéficiaires. Quant à
l’État, il s’est vu attribuer un statut de « facilitateur » ou de « serveur » pour la
communauté, plutôt que de « régulateur » ou de « guide ».605
Pourtant, pour les institutions, la communauté avait un comportement volatile. Ses
habitants, qui se sont historiquement organisés et mobilisés de différentes manières pour
assurer l’accès de la communauté aux services de base ou aux infrastructures qui
améliorent leurs conditions d’habitabilité et de bien-être, ont été mal compris par les
institutions et ont attribué ce dynamisme à une série d’obstacles, tels que leurs difficultés
administratives et bureaucratiques et les plaintes des professionnels et ouvriers de la
construction à l’égard de l’utilisation de la main-d’œuvre « gratuite » et mal préparée.606
La préférence pour la construction ciblée du logement par des méthodes conventionnelles,
bien que coûteuse, était plus pratique pour l’État et profitait à l’entreprise privée.
Cela permet d’expliquer pourquoi le nombre de recommandations qui ont motivé
l’entraide était très limité (3,3%). Lors de la réunion technique de 1956, on n’a pu
identifier que le numéro IV qui a pu motiver l’application de ces méthodologies, tandis
que lors de la Réunion technique de 1958, quatre recommandations ont cherché à donner
la priorité aux projets d’assistance technique internationale dans ce sens, à ce que les
gouvernements locaux et nationaux les mettent en œuvre dans les zones rurales et, enfin,
qu’ils soient utilisés pour renforcer l’enracinement et l’identité communautaires, la
création de partenariats communaux et le resserrement des liens entre eux et les
institutions.607 Cet ensemble de recommandations indique une continuité en partant du
principe que l’État ne pouvait résoudre seul le problème du logement, ce qui rendait
nécessaire l’implication des gouvernements locaux, de la communauté et des organismes
internationaux.608 Dans la pratique, seuls quelques pays, comme le Pérou, ont mis en
œuvre massivement ce type de programmes malgré leurs limites et leurs contradictions.
605
Peña R., El programa CINVA, pp.162-170; Gyger, « The Informal as a Project », pp. 107, 127, 282-283.
606
Peña R., El programa CINVA, pp. 15, 135.
607
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 32; OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, pp.
20, 34-35, 40.
608
Gyger, « The Informal as a Project », p. 282-283; Peña R., El programa CINVA, p. 48.
- 296 -
Qu’est-il arrivé aux méthodologies d’entraide dans les événements périphériques?
Celles-ci ont maintenu leur présence (5,8%), mais spécifiquement dans les événements
liés à HABITAT. Ainsi, lors de la conférence Habitat 1975, les recommandations 7 et 16
ont maintenu comme priorité d’encourager la participation des citoyens aux processus de
planification et d’exécution des projets d’établissements humains, tandis que dans
HABITAT-I, la recommandation C.10 a expliqué l’opportunité de poursuivre les
méthodologies d’effort propre et d’assistance mutuelle et les recommandations de l’E.1.
et de l’E.5. se sont concentrés sur la promotion des processus de participation populaire.
L’un des aspects nouveaux d’HABITAT-I et l’une de ses plus grandes
contributions dans ce domaine a été la manière dont le Comité II, consacré à l’analyse
des stratégies d’action nationale, a cherché à donner un sens plus complet à l’action
communautaire. La « participation » a été considérée comme un mécanisme de contrer
les actions d’une « élite technique » dont les politiques d’urbanisme et d’établissement
humain ont écarté les valeurs culturelles de la communauté, qui, selon le comité, devait
renforcer la représentativité de tous les intérêts de ses habitants, y compris les enfants, les
jeunes, les femmes, les personnes âgées et les handicapés. Dans cette définition, il sous-
entendait donc de renforcer les institutions démocratiques pour assurer et faciliter la
participation de l’ensemble des citoyens.609
Pour conclure, revenons au rôle de l’État. Dans les événements périphériques, les
recommandations (21%) reflètent un vote de confiance vers leur capacité de direction,
par rapport aux événements centraux. Entre 1962 et 1963, les activités techniques
analysées ont cherché à élargir les fonctions de programmation du logement et la collecte
des statistiques. Lors de la conférence Habitat 1975, son pouvoir de coordination et de
gérance dans la politique des établissements humains a de nouveau été réaffirmé, auquel
cas les recommandations ont été divisées en deux fonctions: la première, renforcer les
institutions de planification sociale et économique qui coordonneraient les politiques
nationales d’établissements humains et ruraux, avec une vision globale visant à améliorer
la qualité de vie et la seconde, chercher à garantir que l’État contrôle le marché foncier et
la récupération de la plus-value. HABITAT-I a élargi toutes ces responsabilités en
ajoutant la gérance des ressources naturelles, de l’énergie, des déchets et de la pollution.
609
“Conferencia regional preparatoria…”, p. 23, 25; United Nations, Report of Habitat, pp. 71-79, 163.
- 297 -
On s’est ainsi efforcé de réduire sensiblement et de contrôler la portée de l’initiative
privée dans les politiques d’établissement humain.
En résumé, ces domaines prioritaires, bien qu’ils aient eu tendance à s’élargir en
raison de la représentativité dans le corpus de recommandations analysé, leur capacité de
succès a été considérablement réduite en raison des crises économiques et politiques des
années 1970 et 1980 et du changement de paradigme provoqué par le Consensus de
Washington sur le modèle de développement. Il convient toutefois de souligner la volonté
des délégués des événements périphériques de remettre l’État au centre de la politique du
logement et de l’urbanisme et de rétablir ainsi la tendance inaugurée pendant le
panaméricanisme dans les premières décennies du XXe siècle.
L’entreprise privée, bien que sa contribution ait été reconnue, a été résistée en
raison de la méfiance que le capital transnational engendre dans les pays pauvres. Quant
aux méthodologies d’effort personnel et d’entraide, celles-ci ont été stimulées par leurs
effets positifs sur le tissu social de la communauté et de ses membres, y compris les
femmes, les enfants, les jeunes, les personnes âgées et les handicapés, en cherchant à
réduire leur caractère utilitaire et économique démontré lors des événements centraux.
Selon Cohen, malgré le changement de paradigme économique intervenu dans les années
1980, un certain espoir pour les solutions multilatérales persistait dans les pays et a
alimenté la volonté de convoquer une conférence HABITAT II plus ambitieuse en
1996.610 Malgré cette oscillation, si quelque chose est claire, c’est le rôle clé de l’État
dans l’ensemble du processus d’urbanisme et dans l’introduction de nouveaux
instruments et outils, travail qui a été subordonné aux institutions nationales, processus
qui sera vu ci-dessous.
610
Cohen, “From Habitat II to Pachamama”, p. 5
- 298 -
4. Les instruments de planification urbaine.
a) Le modèle de l’unité de voisinage.
611
AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 60, Dossier 5. David Vega-Christie. « Concepto general de vivienda. »,
s.f., fs. 2-4. David Vega Christie, de nationalité péruvienne, était ingénieur civil diplômé de l’Université
nationale d’ingénierie du Pérou. Il a obtenu son diplôme en logement et urbanisme à l’Institut d’urbanisme
de l’UNI et à l’Université du Texas. Il a été professeur à la CINVA aux dates indiquées et consultant en
1960. Ramos Cebreros de Montezuma. « Planeamiento regional… », p. 264.
612
Solow, El problema de la vivienda económica…, pp. 18, 68. Navarro, « Exposición del presidente… »,
p. 82; Weissmann, « Exposición del observador… », p. 91.
613
« Conferencia regional preparatoria… », pp. 8-9, 26; United Nations, Report of Habitat, p. 38, 41.
- 299 -
comme modèle a été proposée614. Les principes de la neighborhood unit615 ou unité de
voisinage ont été conçus par Clarence Arthur Perry616 (Image V.3) dans les années 1920
inspiré par certains aspects de la ville-jardin conçue par Ebenezer Howard à la fin du
XIXe siècle617.
614
Gyger, « The Informal as a Project », p. 22; Stephane Demiddel y Leonel Bustamante. « Más que una
suma de casas: La unidad vecinal Villa San Pedro Coronel. » Revista INVI, Vol. 24, Nº 67 (noviembre
2009): pp. 127-152.
615
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », pp. 37, 162.
616
Selon Peter Hall, Clarence A. Perry, il était sociologue et a travaillé comme planificateur communautaire
à la Russell Sage Foundation de 1913 à 1937. Influencé par les travaux de Charles Horton Cooley qui a
souligné l’importance du partenariat et de la coopération entre les voisins pour renforcer le tissu social et
l’identité des individus, ainsi que de la construction de Forest Hill Gardens, une banlieue construite par la
Russell Sage Foundation en 1911, il a établi les principes de l’unité de voisinage qu’il a présentée pour la
première fois en 1923 et a fini par les consolider en 1929. Ce modèle est arrivé aux CIAM grâce au groupe
MARS qui l’a utilisé dans l’élaboration du plan de Londres 1938-1941. Hall, Cities of Tomorrow, pp. 133-
134. Quant au concept d’unité de voisinage, sa paternité appartient à William Drummond qui l’a inventé
dans les années 1910. James Brody. « Constructing Professional Knowledge: The Neighborhood Unit
Concept in The Community Builders Handbook. » (Ph.D Thesis in Regional Planning, Graduate College
of the University of Illinois at Urbana-Champaign, 2009), pp. 45-46; Donald L. Johnson. « Origin of the
Neighborhood Unit. » Planning Perspectives, Vol.7, Nº 3 (2002): pp. 227-245.
617
Almandoz, Modernización urbana…, pp. 156-157, 163.
- 300 -
Cependant, les preuves fournies par Ana Patricia Montoya ont indiqué qu’en
Amérique latine il y avait un développement autochtone de ce type de projets de
logements dans plusieurs pays comme le Chili et l’Argentine, qui précéda la synthèse de
l’unité de voisinage faite par Perry. Lors du premier Congrès de logement de 1920, les
délégués appelaient des « quartiers-parcs » à de tels projets qui étaient un mélange entre
un logement hygiénique et ses services connexes.618 Montoya a indiqué qu’en l’espace
d’environ 50 ans, l’unité de voisinage avait trois accents: le premier, centré sur le
logement hygiénique, les services et la vie communautaire; le second, qui prenait la
famille comme base pour déterminer ses besoins et planifier son infrastructure
individuelle et collective; troisièmement, l’impératif de séparer le véhicule du piéton, par
la planification du super îlot.
Source : José Ángel Montañéz. « La arquitectura moderna y anónima de Josep Lluís Sert. » Consulté le
15 juillet 2021. URL : https://elpais.com/cultura/2019/06/04/actualidad/1559663372_528528.html
618
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », pp. 20-21, 125-126, 182-186.
- 301 -
Avant de se réunir à Washington en 1953, plusieurs acteurs ont continué à
encourager l’utilisation de ce modèle. Solow considéra, dans le même sens que Vega
Christie a exprimé dans son texte déjà cité, que l’homme avait besoin de contact social
avec les autres et qu’un environnement de qualité pourrait y remédier. En outre, ce modèle
apportait des avantages économiques aux États, car il facilitait la reconstruction des
quartiers, leur assainissement et la réduction des coûts de construction.619 Une autre voix
en faveur fut celle de Josep Lluís Sert (Image V.4) qui écrivit en 1953 un texte où il
réfléchit au potentiel de ce modèle pour consolider le sentiment de coopération et
d’identité des communautés, basé sur ses expériences personnelles en Amérique latine
aux côtés de Paul Lester Wiener.
Dans ce rapport, qui n’a jamais été publié et qu’il a écrit à la demande de son ami
et ancien collègue Ernest Weissmann, l’urbaniste catalan a souligné l’importante
symbiose du logement avec son environnement immédiat et la responsabilité de
l’urbaniste de toujours en tenir compte :
« Ce problème présenté aux urbanistes est celui de l’organisation des secteurs
résidentiels au sein de la ville où l’homme trouvera non seulement un abri mais
quelque chose de plus : de vraies maisons au sens plein du terme, des lieux de
résidence, de paix et de repos. Pourtant, les maisons, aussi bonnes soient-elles, ont
besoin d’un environnement approprié, d’un environnement agréable à l’homme.
Là, des éléments naturels tels que des plantes, des arbres, de l’eau, du soleil, de
l’ombre, de la lumière et de l’air doivent être trouvés près de ces maisons. Mais
ces deux facteurs, les maisons et l’environnement agréable, ne pourraient pas
fournir l’habitat domestique approprié si la vie communautaire ne peut pas trouver
un cadre approprié et plus stimulant dans les services communautaires du quartier
qui constituent vraiment l’extension de ces maisons et leurs liens avec le quartier
et, à travers lui, toute la ville dans son ensemble. »620
Dans les discours examinés ci-dessus, il y a une coïncidence avec le fait que les
services communaux constituent l’amalgame de l’esprit communautaire des habitants et
619
Solow, El problema de la vivienda económica, pp. 20-21, 94; Gyger, « The Informal as a Project », pp.
23-25; Josep Lluís Sert. « The Neighborhood Unit. A Human Measure in City Planning (circa 1953) », The
writings of Josep Lluís Sert, Eric Mumford (ed.) (New Haven and London: Yale University Press;
Cambridge: Harvard Graduate School of Design, 2015), p. 21.
620
« This problem set before the city planners is that of organizing residential sectors within the city where
man will find not only shelter but something more: real homes in the full meaning of the word, places of
abode, peace, and rest. Yet homes, no matter how good they may be, need appropriate surroundings, an
environment congenial to man. There, natural elements such as plants, trees, water, sun, shade, light, and
air should be found near those homes. But both these factors, homes and congenial environment, could not
provide the proper home habitat if community life cannot find a proper and more stimulating setting in the
neighborhood community services which really constitute the extension of those homes and their ties to the
neighborhood and, through it, tot the city as a whole. » Sert, « The Neighborhood Unit… », p. 16.
Traduction libre.
- 302 -
une extension du bien-être que le logement devait apporter aux familles. Ces idées,
associées à la volonté des gouvernements latino-américains de mobiliser leurs propres
discours, programmes politiques et ambition électorale, sont devenues un moyen de
résoudre la question sociale du logement. En outre, les architectes et les urbanistes,
insérés dans les institutions gouvernementales ou travaillant à leur demande, ainsi qu’une
assistance technique internationale qui acquérait de plus en plus de force et affinait leurs
méthodes, ont contribué à la popularisation du modèle et à son adoption dans toute la
région.621
Comment ce modèle a-t-il été exprimé dans les recommandations des événements
centraux ? On a pu constater que jusqu’en 1956, le modèle de l’unité de voisinage était
explicitement recommandé par ces activités, mais qu’à partir de cette année, son concept
a commencé à disparaître. La Commission ad hoc a poursuivi la tendance du
panaméricanisme à le recommander explicitement, qu’elle a également appelé « quartiers
de logement » pour les avantages qu’il offrait à la vie communautaire et à l’économie de
la construction.622 Cette netteté a commencé à diminuer lors de la réunion technique de
1956, où, bien que l’accent ait été mis sur le droit de l’homme à un logement et à un
environnement décent, il n’a fait aucune mention de l’unité de voisinage.623
Pourtant, plusieurs indices montrent la présence, parmi les délégués présents à cet
événement, d’une sensibilité aux avantages sociaux et économiques du modèle. Les
délégués de Cuba et du Costa Rica, José Pardo Jiménez et Rodrigo Vargas Salas
respectivement, ont souligné dans leurs discours les avantages de l’unité de voisinage
dans leurs pays. Le Secrétaire général de l’OEA, José A. Mora, a également évoqué
l’importance de planifier l’environnement et les services communaux, deux variables
contribuant à l’élévation du niveau de vie des habitants.624 L’autre indication est la
621
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », pp. 94, 154.
622
CCSS. Memoria anual 1953, p. 364; CIES, Informe sobre el Problema…, p. 1.
623
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 31; Cependant, la déclaration de principes de la
réunion technique de 1958 a déclaré, de manière catégorique, « le droit naturel et inaliénable de l’homme
et de sa famille, au sein de la communauté, d’utiliser et de profier d’un logement continuellement adapté à
leurs besoins, aux exigences sociales et aux progrès de l’époque. Il faut entendre comme logement
l’environnement physique et social qui répond aux exigences indispensables d’hygiène, de sécurité et
d’esthétique, doté des services publics et communaux correspondants et dûment intégré au travail et aux
loisirs. » OEA-CIES, Informe Final. Segunda…, pp. 14-15.
624
José Pardo Jiménez. « Exposición del presidente de la delegación de Cuba, Sr. José Pardo Jiménez, en
la primera sesión plenaria. » OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, pp. 72-75; Rodrigo
Vargas Salas. « Exposición del delegado de Costa Rica, Sr. Rodrigo Vargas Salas, en la tercera sesión
plenaria. 29 de noviembre de 1956. » OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, pp. 85-87; José
A. Mora. « Discurso pronunciado por el Secretario General de la Organización de los Estados Americanos,
- 303 -
présence du terme « facilités communales » dans certaines recommandations et qui est
indissociable de l’unité de voisinage.625
Dans sa proposition initiale Perry a placé l’école primaire, plus tard remplacé par
le centre communautaire626, comme le noyau de l’unité de voisinage et à partir de celle-
ci étaient calculées la densité de population, la zone et les services connexes auxquels ses
habitants se déplaceraient principalement à pied (Image V.5). En 1947, Solow et Ann
Copperman ont repris ces idées et, dans l’introduction du manuel Planning the
Neighborhood (Image V.6), ils ont écrit ce qui suit :
« Le Comité convient que l’environnement du logement comprend « la zone qui
englobe toutes les installations et conditions publiques requises par la famille
moyenne pour son confort et son bon développement à proximité du logement ...
Il y a un accord général sur le fait que l’unité minimale de planification est le
quartier. Utilisé en ce sens, le quartier est un concept physique : c’est la zone à
l’intérieur de laquelle les résidents peuvent tous partager les services communs,
les activités sociales et les facilités nécessaires à proximité du logement. »627
- 304 -
La Conférence Habitat 1975, par sa recommandation 5, a rappelé que toute politique
serait orientée vers l’amélioration de la qualité de vie, ce qui impliquerait que la fourniture
de logements s’accompagne de « services adaptés à tous », comme l’a établi sa
recommandation 15. Sans avoir encore fait mention explicite de l’unité de voisinage, le
principe d’association logement et environnement persistait. HABITAT-I a inclus
plusieurs recommandations qui ont hérité de ces principes, dans lesquelles les quartiers
devaient être planifiés de manière globale (recommandation C.1) et accorder une attention
particulière « aux caractéristiques sociales, à la fourniture de facilités, de services et
d’équipements nécessaires à la vie quotidienne de leurs habitants » (recommandation
B.12), y compris les services sociaux (recommandation C.15) et les services de loisirs
(recommandation C.18).629
Image V.5. Dessin des principes de l’unité de voisinage d’après Clarence Perry.
1929.
629
« Conferencia regional preparatoria… », pp. 23, 25; United Nations, Report of Habitat, pp. 32, 39, 55-
56, 59-60.
- 305 -
Dans une perspective comparée, les événements centraux et périphériques ont
réussi à mobiliser les principes de l’unité de voisinage presque sans modification. Ce qui
ressort cependant, c’est la perte du concept et de son caractère central dans la politique
d’urbanisme, comme l’avaient initialement proposé les congrès panaméricains
d’architecture. Sur le concept, Montoya a précisé que l’unité de voisinage a assumé en
Amérique latine plusieurs identités : « maisons collectives », « quartiers », « ensembles
résidentiels », « centre urbain », « unité logement », « hameau », « unité résidentielle »,
etc.630, donc la non-mention explicite du concept ne veut pas dire que le modèle ait cessé
d’être appliqué comme en témoignent la dynamique des recommandations qui viennent
d’être explorées.
630
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 18.
- 306 -
Mais le modèle de l’unité de voisinage, outre les solutions, a également produit
plusieurs inconvénients. À cet égard, Sert a critiqué le fait que « Il ne fait aucun doute
que la planification civique s’est évadée au cours des dernières années vers les banlieues
; l’urbanisme est vraiment devenu suburbain... Cela correspond à la tendance à la
décentralisation dans les villes… »631. La fuite de la population de classe moyen et riche
vers les périphéries de la ville est devenue un problème d’une grande importance en raison
de la détérioration des nombreux quartiers et centres historiques, de l’augmentation de
certains aggravants tels que la misère, la pollution et le démantèlement du commerce local
qui avait autrefois été la clé du développement économique de ses habitants. Cela allait
en accord avec la promesse d’une « salubrité de la vie à la campagne » des unités de
voisinage qui motivait davantage le déplacement de la population vers les périphéries,
laissant le centre comme foyer des secteurs dépossédés de la société.632 Pour inverser
cette dynamique, les délégués ont proposé un modèle alternatif.
Aux côtés de l’unité de voisinage, les événements centraux ont favorisé la remise
en état des centres-villes pour endiguer leur dépeuplement. À partir des données
disponibles, il a été possible d’identifier deux versions ou paradigmes qui ont inspiré les
recommandations. Le premier d’entre eux, appelé rénovation urbaine ou « re fondement
urbain », a été principalement diffusé par l’OEA depuis la fin des années 1940.633 En
1955, cet organisme a publié un manuel écrit par l’urbaniste Luis Vera qui définissait la
portée et les modalités de ce modèle d’urbanisme. Dans l’introduction de cette œuvre,
Solow a affirmé qu’il était,
631
Josep Lluís Sert. « The Theme of the Congress. The Core (1951). » The Writings…, p. 2.
632
Almandoz. Modernización urbana…, p. 160.
633
Solow, A planning program for…, pp. 16-18. La rénovation urbaine n’était pas tout à fait une nouveauté
ni exclusive de l’Amérique latine. Henri Coing nous rappelle que les opérations faits par Hausmmann au
XIXe siècle, les politiques de control social ménees par l’État inspirés par les discours hygiéniques au début
du XXe siècle et les plans d’aménagement des années 60 à Paris furent expressions de transformation
violent du tissu urbain et social des quartiers populaires ou centre-ville qui ont affecté non seulement les
expresions de la vie quotidienne des habitants, mais aussi un changement à l’espace geographique
provoquées par un agent externe, soit l’État ou les enterprises privés. Henri Coing. Rénovation urbaine et
changement social: L'îlot n° 4, Paris 13e. (Paris: FeniXX, 1976); Rosemery Wakeman. « Fascinating Les
Halles. » French Politics, Culture & Society. [en ligne]. Vol. 25, Nº 2 (Summer 2007), pp. 46-72. Consulté
le 21 février 2018. URL: http://www.jstor.org/stable/42843501.
- 307 -
« ... bien sûr, la simple construction de nouveaux logements, ou encore des
nouvelles unités de voisinage à la périphérie des villes, ne résoudra pas le
problème des bidonvilles existants. Il est également clair que, quelle que soit la
bonne intention d’éliminer certains logements délabrés ou d’élargir peut-être une
rue, les efforts sporadiques et non coordonnés auront très peu d’effet sur le
problème total... Le moment est venu d’entreprendre des programmes d’action,
des programmes de rénovation urbaine, si les villes doivent survivre à l’impact de
l’industrialisation et de l’expansion que le développement économique a imposé
à beaucoup d’entre elles. »634
634
« … claro que la mera construcción de nuevas viviendas, o aún las nuevas unidades vecinales en la
periferia de las ciudades, no solucionará el problema de los tugurios existentes. También es claro que, por
buena que sea la intención de eliminar algunas viviendas deterioradas o de ensanchar una que otra calle,
los esfuerzos esporádicos y sin coordinación tendrán muy poco efecto sobre el problema total… Ha llegado
la hora de emprender programas de acción, programas de renovación urbana, si las ciudades han de
sobrevivir el impacto de la industrialización y expansión que el desarrollo económico ha forzado sobre
muchas de ellas. » Luis Vera. Renovación urbana. Serie Vivienda y Planeamiento Nº 10. (Washington
D.C.: División de Vivienda y Planeamiento - Unión panamericana, 1955), p. 8. Traduction libre.
635
Le pouvoir de la police, chez Vera, était un prérogative de la municipalité de protéger et de maintenir le
bien-être et la santé des habitants. Ses composantes étaient une série d’instruments limitant les personnes
et les biens, au profit de la collectivité, parmi lesquels figuraient les ordonnances et les contrôles de
l’utilisation des sols et de l’urbanisme.Vera, Renovación urbana, pp. 22, 25-26.
- 308 -
4. Intervenir les espaces libres, qui étaient non développés et étaient des
instruments de spéculation.
5. Intégrer les zones non développées ou vacantes, qui nécessitaient l’achat direct
de la municipalité par le biais de la réglementation.636
636
Vera a détaillé les actions d’un programme de rénovation urbaine. Par Éradication, il a compris les
actions visant à éliminer ou à démolir complètement les bâtiments existants. Par Conservation, il a évoqué
les mesures visant à améliorer la qualité des secteurs résidentiels qui n’avaient pas besoin d’être démolis.
Réhabiliter, c’était une approche qui combine les tâches d’éradication et de conservation, selon l’espace.
Vera, Renovación urbana, p. 31.
637
Vera, Renovación urbana, p. 28.
638
Vera, Renovación urbana, pp. 33-34, 37-38.
639
Almandoz, Modernización urbana…, p. 281; León Espinosa Restrepo. « El Plan piloto de Cali, 1950. »
Revista Bitácora Urbano Territorial, Vol. 10, Nº 1 (enero-diciembre 2006): pp. 222-233.
640
Mumford, The CIAM discourse on urbanism, pp. 132-133, 188-191, 202-203.
- 309 -
Le centre civique de Sert n’était cependant pas nouveau. Lors du troisième
congrès panaméricain des architectes de 1927, Alfredo Coppola a cité les centres civiques
américains comme exemples de bien-être social et d’esthétique architecturale, la place
étant l’un de ses espaces articulateurs. Cet événement a également réuni l’architecte et
éducateur John Galen Howard en tant que délégué des États-Unis, qui avait conçu le
centre civique de San Francisco en 1912.641 Pour cet architecte, cet espace signifiait :
« ... l’unité de la communauté dont elle est le besoin pratique, la fin esthétique et
l’expression spirituelle. Pour moi, le Civic Center de San Francisco signifie
aujourd’hui « Rassemblez-vous ! » Demain et pour le moment à venir, cela
signifiera : « San Francisco s’est réunie, et elle se tient, finalement, ensemble. »642
641
SCA, III Congreso Panamericano, pp. 226-227, 238-239.
642
Joan E. Draper. « The San Francisco Civic Center: Architecture, Planning and Politics. » (PhD. Thesis
in Architecture, University of California, Berkeley, 1979), p. 56.
643
Hall, Cities of Tomorrow, pp. 207, 210-212, 227-236.
644
Sert, « The Theme of the Congress », pp. 8, 10. Le terme « centre civique » n’a pas été inventé par Sert.
Selon Jonathan Ritter, John DeWitt Warner l’a utilisé dans un article de sa paternité en 1902. Trois ans plus
tard, le New York Times l’a défini comme un regroupement de bâtiments autour d’un parc ou d’une place
qui visaient à améliorer le paysage architectural ainsi que la vie civique. Jonathan Ritter. « The American
Civic Center: Urban Ideals and Compromise on the Ground. » (PhD. Thesis, Institute of Fine Arts – New
York University, 2007), pp. 5-6.
- 310 -
« Ils disent dans leur programme qu’une communauté n’est pas simplement un
agrégat d’individus, et qu’une caractéristique essentielle de tout véritable
organisme (comme la communauté) est un cœur physique ou un noyau, que nous
appelons le noyau ... À chaque niveau, la création d’un environnement particulier
est demandée, à la fois comme cadre pour l’expression de ce sentiment de
communauté et comme expression réelle de celui-ci. C’est le cœur physique de la
communauté, le noyau. »645
L’une des principales exigences pour faciliter la rencontre sociale était d’inverser
le processus de motorisation des villes et d’en consacrer certains espaces au transport
piétonnier qui contribuaient à améliorer le sentiment de sécurité et de bonheur des
habitants. Une autre condition était que le centre civique devait échapper à la
normalisation, car les conditions spécifiques de chaque pays déterminaient les
caractéristiques de ces espaces. Il était important que le centre civique soit complété par
d’autres centres de niveau intermédiaire, formant ce qu’il appelait une « constellation
d’unités » dont la fonction fondamentale était toujours de renforcer la vie
communautaire.646 Sert, dans un autre texte, a en outre appelé à l’utilisation d’une échelle
plus « humaine » facilitant le contact humain et favorisant donc l’aspect compact du
centre civique.647
Ainsi, la rénovation urbaine et les centres civiques ont partagé la caractéristique
d’une perspective hygiéniste continue. Expliquant l’impact de la mauvaise planification
des villes latino-américaines et le préjudice causé à leur image physique, Vera a souligné
ce qui suit :
« Les quartiers délabrés et la surpopulation constituent aujourd’hui un
prélèvement pour le contribuable et une maladie sociale qui se manifeste par des
taux élevés de criminalité et de délinquance juvénile, à l’exception d’autres taux
d’insalubrité et de symptômes évidents de dégénérescence morale. La
désintégration se produit dans une plus ou moins grande mesure dans tous les
quartiers de la ville, mais elle s’est surtout localisée dans les quartiers du centre-
ville et est facile à reconnaître pour ses effets nombreux et variés qui se font sentir
dans les impacts sociaux et économiques sur la communauté... C’est le résultant
d’un processus multiforme complexe... avec des effets multiples et, dans une
645
« They say in their program that a community is not merely an aggregate of individuals, and that an
essential feature in any true organism (such as the community) is a physical heart or nucleus, which we call
the core… At each level, the creation of a special environment is called for, both as a setting for the
expression of this sense of community and an actual expression of it. This is the physical heart of the
community, the nucleus, the core.» Sert, “The Theme of the Congress”, p. 9. Traduction libre.
646
Sert, « The Theme of the Congress », pp. 6 y 8.
647
Josep Lluís Sert. « The Human Scale. Key to the Measure of Cities (1957) » The Writings…, pp. 83, 87-
88; García, Teorías e historia de la ciudad, p. 93.
- 311 -
certaine mesure, contradictoires sur les institutions, les groupes communautaires
et les individus. »648
648
« Los barrios ruinosos y el hacinamiento constituyen hoy un gravamen para el contribuyente y una
enfermedad social que se evidencia en porcentajes elevados de criminalidad y delincuencia juvenil, aparte
de otros índices de insalubridad y de síntomas evidentes de degeneración moral. La desintegración ocurre
en mayor o menor grado en todas las áreas de la ciudad, pero se ha localizado principalmente en los distritos
céntricos y es fácil de reconocer por sus efectos numerosos y variados que se patentizan en impactos
sociales y económicos sobre la comunidad… Es la resultante de un proceso polifacético complejo… con
efectos múltiples y, hasta cierto punto, contradictorios sobre instituciones, grupos comunidades e
individuos. » Vera, Renovación urbana, p. 18.
649
Weissmann. « Exposición del observador… », p. 93.
- 312 -
l’instrument qui assurerait la croissance ordonnée des villes, le développement équilibré
des zones rurales et la récupération de la plus-value des terres soumises à la spéculation
par leurs propriétaires. Il s’agissait de la première étape de l’élaboration de la
réglementation nécessaire à la mise en œuvre de ses programmes de rénovation urbaine,
avec le soutien du capital privé, et de l’encouragement de projets de « centres urbains
intégrés » qui remplissaient la fonction de décongestionner la ville et d’absorber
« organiquement » les flux migratoires, assurant ainsi le développement économique et
social des habitants.650
Lors des événements périphériques, plusieurs changements ont été réalisés en ce
qui concerne ces modèles et instruments. Le plus important, qui s’inscrit dans le cadre
des politiques de l’ALPRO et de la Décennie des Nations Unies pour le développement,
a été l’introduction du « plan national de développement » comme instrument essentiel
pour planifier le développement économique et social, y compris dans le domaine du
logement. Le plan d’aménagement, qui avait joué un rôle central pendant plusieurs
décennies, est passé à l’arrière-plan aux côtés des programmes de logement, car les deux
devaient répondre aux lignes directrices du « plan national ». Bien que les approches
quantitatives et économiques aient certainement prédominé dans la programmation du
logement, des discours appelant à une planification intégrale ont continué de persister. En
ce qui concerne les modèles, celui de la rénovation urbaine a motivé l’organisation d’un
symposium à Genève en 1962, où l’approche régionale, la qualité des zones urbaines et
les politiques de rénovation, de réhabilitation et de conservation ont continué d’être
explorées. Relatif aux centres civiques, bien que les rapports finaux ne fassent pas
référence à ce modèle, on ne peut pas conclure pour autant que ceux-ci ont cessé d’être
entièrement promus, en raison de la présence de projets depuis les années 1950 dans
plusieurs pays, dont le Costa Rica, aspect dont je parlerai plus loin.651
Dans les activités liées à HABITAT, il y a eu une reprise explicite de la
planification intégrale, appelant à doter les zones rurales et urbaines d’un développement
équilibré et à réduire l’effet des « macrocéphalies » urbaines. Au cours des débats
d’HABITAT-I, le modèle de la rénovation urbaine a également été légitimé, avec
650
Informe Final. Segunda…, pp. 28-29, 33-34, 36-37.
651
ONU, Informe del Seminario Latinoamericano…, pp. 22-25, 92; ECOSOC. « Informe del
seminario… », p. 6.
- 313 -
l’avertissement que sa mise en œuvre devait reposer sur un vaste programme d’action
communautaire.652
Dans cet ordre d’idées, la Conférence Habitat 1975 a orienté ses recommandations
vers trois objectifs: la planification intégrale, par la création d' « unités de population
intermédiaires » pour freiner la migration vers les centres-villes (recommandation 6), la
planification, le développement et la dotation des services au niveau métropolitain
(recommandation 13) et la mise à jour de la législation correspondante pour introduire de
nouvelles conceptions de villes intégrées, qui amélioreraient l’environnement et
préviennent la détérioration du tissu urbain (recommandation 18).
En revanche, HABITAT-I s’est contenté de reconduire les politiques d’urbanisme
à plusieurs niveaux et dans une perspective à long terme, en commençant par s’assurer
que la planification répond aux valeurs nationales et utilise des modèles inspirés par
celles-ci (recommandation B.2), que des politiques de développement régional soient
mises en place (recommandations B.4 et B.5), en tenant compte de la prévention des
catastrophes (recommandation B.14) et de l’échelle métropolitaine des villes et de leur
environnement (recommandé). B.6). Pourtant, les recommandations B.8. et B.9. ont
réitéré la nécessité de combiner les instruments pour créer de nouveaux établissements
humains et ceux qui rénovent et protègent de la détérioration les anciennes zones des
villes.653
652
« Conferencia regional preparatoria… », p. 9; United Nations, Report of Habitat, pp. 131, 141.
653
« Conferencia regional preparatoria… », pp. 23, 25; United Nations, Report of Habitat, pp. 32, 39, 55-
56, 59-60.
- 314 -
5. Conclusion du chapitre.
- 315 -
VI. UN PROGRAMME SPÉCIFIQUE POUR L’AMÉRIQUE
CENTRALE
654
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/361, abril de 1970. CEPAL. « Textos y documentos sobre integración
económica latinoamericana. El Mercado Común Centroamericano », pp. 1-9. Consulté le 30 avril 2021.
URL : https://goo.gl/XMxnYj. Alfredo Guerra Borges. « Capítulo 1. El desarrollo económico. » Historia
General de Centroamérica. Tomo V : De la posguerra a la crisis, Héctor Pérez Brignoli (ed.) (San José,
Costa Rica : FLACSO – Programa Costa Rica, 1994), pp. 37-41.
655
CEPAL. « Textos y documentos sobre integración… », p. 45-46.
- 316 -
institution immature avec des ressources humaines et financières médiocres et, surtout,
une industrie des matériaux qui, bien que prometteuse, ne répondait pas encore à la
demande de chaque pays. Ce rapport indiquait que le programme d’intégration
économique représentait une occasion cruciale d’atteindre l’objectif de réduction des prix
de la construction, car
« En tant que facteur de développement économique, le logement est étroitement
lié à la production et à l’industrialisation. Les familles urbaines et rurales
dépendent aujourd’hui des produits de l’industrie pour améliorer leurs conditions
d’hébergement. Par conséquent, là où les industries ne sont pas au stade du
développement, il est difficile de lancer des programmes de logement d’intérêt
social à une échelle appréciable. »656
656
« Como factor del desarrollo económico, la vivienda grava estrecha relación con la producción y la
industrialización. Las familias urbanas y rurales dependen hoy de los productos de la industria para mejorar
sus condiciones de alojamiento. En consecuencia, allí donde las industrias no se encuentren en etapa de
desarrollo, es difícil iniciar programas de vivienda de interés social en escala apreciable » Unión
Panamericana. La vivienda de interés social en América Latina. Istmo Centroamericano. Serie Vivienda y
Planeamiento Nº 13. (Washington D.C. : División de Vivienda y Planeamiento – Unión Panamericana,
1957), p. 24.
657
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/AC.6/3, 11 de septiembre de 1957. Carlos Leónidas Acevedo. « El
problema de la vivienda en Centroamérica. » Consulté le 30 avril 2021. URL: https://goo.gl/QEBqHz
658
Víctor Bulmer-Thomas. Studies in the Economics of Central America. (London : Palgrave Macmillan,
1988), p. 79.
- 317 -
politiques centraméricaines furent biaisées, car les recommandations associées au
logement et au bien-être social et le rôle de la communauté sont arrivées en dernier
position où, ensemble, ils ne représentaient que 3% des recommandations. En revanche,
les instruments de planification physique (9%), le financement (7,5%) et le rôle de l’État
(6%) ont conservé une certaine pertinence. On peut constater que l’agenda centraméricain
est resté fortement « couplé » à la politique de développement latino-américaine qui s’est
exprimée dans le Marché commun centraméricain (MCCA). C’est ce programme
d’intégration économique qui a donné son identité à l’agenda centraméricain et qui
expliquera à la fois ses forces et ses faiblesses.
1. Un entourage spécialisé.
- 318 -
les projets de logement, des ouvriers spécialisés, jusqu’aux maîtres d’œuvre, architectes,
administrateurs publics, économistes et spécialistes des sciences sociales659. Dans le cadre
de la fondation du MCCA, certaines de ces tâches n’étaient pas entièrement inconnues
des pays d’Amérique centrale qui avaient établi leur propre normalisation tarifaire en
1953 et de leur régime d’industries d’intégration en 1956.660
Les délégués présents à la Réunion sur les problèmes de logement, des industries
du bâtiment et des matériaux de construction en Amérique centrale et au Panama de 1957
(Réunion de logement 1957), parmi lesquels Rodrigo Carazo et Anatole Solow (Image
VI.1) ont répondu à cet appel et émis plusieurs recommandations visant à créer un marché
commun des matériaux de construction, dont la promotion de l’utilisation de matériaux
locaux, la stimulation de la formation de chambres de commerce nationales,
l’amélioration de l’échange d’informations et de la publicité, publier des registres des
entreprises d’Amérique centrale, former la main-d’œuvre centraméricaine, étudier
constamment la demande de matériaux de construction, créer les mécanismes légaux
d’incitation à l’industrie et permettre la libre concurrence des personnes et des capitaux
dans l’isthme.661
L’une des recommandations le plus relevant a été de donner un caractère
permanent à l’Exposition des industries des matériaux de construction d’Amérique
centrale et du Panama, car elle a été considérée non seulement comme un espace de
publicité et d’échange d’informations entre clients et entrepreneurs, mais aussi comme
une circulation du savoir technique et scientifique en matière de logement et
d’urbanisme.662 La première de ces activités a été organisée à San José et bien qu’il n’ait
pas été possible d’obtenir des photographies de l’exposition, des annonces ont été
659
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/108, 16 de noviembre de 1957. CEPAL. « Informe de la Reunión sobre
problemas de vivienda, industrias de la edificación y de materiales de la construcción en Centroamérica y
Panamá (San José, Costa Rica, 10 a 16 de noviembre de 1957) », pp. 13-17. Consulté le 30 avril 2021. URL
: https://goo.gl/opye1w
660
Guerra B., « Capítulo 1. El desarrollo económico », p. 50.
661
Tout au long de ce processus, le Panama s’est montré prudent face à la création d’un marché commun
et donc à la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux, pour des raisons tarifaires.
Pourtant, il a souligné qu’avec les bonnes études, il pourrait reconsidérer sa position. En ce qui concerne le
même sujet, les pays d’Amérique centrale ont pris des positions différentes où certains ont souligné qu’il
n’y avait aucune restriction à ce que les entreprises de construction de la région puissent participer aux
appels d’offres, tandis que d’autres ont souligné le contraire. CEPAL, « Informe de la Reunión sobre
problemas… », pp. 28, 30-31, 54-60, 67.
662
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 56.
- 319 -
localisées pour plusieurs des démonstrations publiques de technologie, comme le cas de
la CINVA-RAM fait par l’architecte René Eyheralde (Image VI.2).663
Une autre recommandation à souligner concerne la création des chambres
nationales de la construction, proposée par Jorge Rivera Farfán du CINVA. Dans son
rapport, Rivera a noté que, compte tenu des potentialités de l’industrie centraméricaine,
une chambre régionale était idéale pour coordonner le développement du secteur
secondaire, conformément à l’intérêt du CINVA pour le développement technologique
de la construction et la promotion de la recherche scientifique664. Au cours des débats et
des recommandations finales, les délégués ont estimé qu’avant la création d’une chambre
ou d’un partenariat régional, il fallait établir ceux à caractère national.665
Image VI.1. Costa Rica. Rodrigo Carazo, Víctor Urquidi et Anatole Solow lors
de la session inaugurale de la Réunion sur les problèmes du logement en
Amérique centrale et au Panama. 1957.
663
Lors des discussions de la réunion sur le logement de 1957, la machine CINVA-RAM a été
recommandée pour réduire les coûts de construction. CEPAL, « Rapport de la Réunion sur les
problèmes... », p. 38.
664
DNCEPALC, AC.6/I/DT/2, 10 de noviembre de 1957, Jorge Rivera Farfán. Bosquejo sobre la
capacidad de la industria de la edificación en Centro América y Panamá. (Bogotá, Colombia : CINVA,
1957). Consulté le 2 mai 2021. URL : https://goo.gl/ef1qLC.
665
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 26.
- 320 -
Cette série de recommandations issues de la Réunion pour le logement de 1957
doit être considérée dans le cadre de soutiens à l’entreprise privée, qui avaient été
promues lors des événements centraux latino-américains où l’État apparaît clairement
comme le gestionnaire et le guide de l’industrie de la construction, en accord avec les
organismes internationaux et les mêmes entreprises, se rapprochant de l’idéal de la
« planification intégrale ». Ils ont également coïncidé sur la ligne discursive avec les
événements centraux latino-américains que l’entreprise privée avait besoin d’incitations
pour s’intégrer dans un champ productif qui ne lui laissait pas beaucoup de profits.666
Toutefois, cette impulsion comporta plusieurs obstacles comme on le verra plus loin.
Cette thématique n’a été reprise qu’en 1963, année de la reprise des réunions du
Sous-comité du logement, de la construction et de la planification, où de nouvelles
recommandations ont été émises pour former le marché commun des matériaux de
construction pour l’identification des sources de financement par les pays, l’élaboration
de recueils statistiques sur l’activité industrielle et les codes du bâtiment et, surtout, par
666
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 12, 29.
- 321 -
la politique du « traitement national » aux industries d’Amérique centrale, une demande
recommandée depuis 1957.667
Parmi toutes les recommandations, celles qui ont donné une identité propre au
processus centraméricain ont été celles qui ont été associées au modèle de normalisation
et de coordination modulaire. Avant la réunion sur le logement de 1957, El Salvador et le
Costa Rica avaient été les seuls pays à l’avoir testée ; mais la tendance centraméricaine
était de se prévaloir des normes américaines et européennes car c’étaient les marchés
d’origine de la plupart des matériaux de construction importés.668
Les recommandations visaient à mettre fin à l’« anarchie » résultant de l’absence
de normes centraméricaines et à créer ainsi un « langage commun », suggérant donc de
créer un module de base fondé sur le système métrique décimal, de stimuler son étude et
son application pratique et de créer le cadre juridique et institutionnel de soutien aux
normes étayé par un discours d’efficacité et de prévision face à la croissance
démographique d’Amérique centrale (Image VI.3)669. Les délégués, curieusement, ont
évité de suggérer l’essai des modules connus jusqu’à présent, le Salvadorien, le
Costaricain et celui proposé par Patricio Samper du CINVA670. En effet, la première
réunion du Sous-comité du logement en 1958 ne s’est limitée qu’à réitérer les
engagements pris en 1957671 en ayant recours à la justification suivante :
667
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/305, 30 de mayo de 1963, CEPAL. « Informe de la segunda reunión del
Subcomité de Vivienda, Edificación y Planeamiento del Istmo Centroamericano », pp. 22-23,29-30.
Consulté le 1 mai 2021. URL : http://hdl.handle.net/11362/22742.
668
Comme indiqué au chapitre 2, le Costa Rica a créé en 1951 son comité des normes et de l’assistance
technique industrielles, le seul pays d’Amérique centrale à avoir un organe spécifique de cette nature. En
1957, Francisco Schuschny, conseiller du CINVA, a réalisé une étude sur l’industrie de la briqueterie dans
le pays, qui comprenait plusieurs recommandations sur la normalisation. Par ailleurs, l’INVU proposa pour
le bois un module de 813 mm qui a été utilisé dans le laboratoire de préfabrication géré par cette institution
et l’ONU. Quant au Salvador, bien qu’il n’ait pas eu de comité des normes nationales, l’IVU a mis en place
un module de 1,35 mètre pour la conception de couloirs, d’escaliers, de balcons, de cuisines et de salles de
bains. INVU. Memoria 1957. (San José, Costa Rica : El Instituto, 1957), pp. 16-17 ; DNCEPALC,
AC.6/I/DT/16, 11 de noviembre de 1957, Enrique Salaverria. « Ponencia de la delegación salvadoreña
sobre normalización de materiales de construcción, dimensionamiento y coordinación modular del
diseño », pp. 1-2. Consulté le 1 mai 2021. URL : https://goo.gl/m7gfM4; DNCEPALC, AC.6/I/DT/3, 10
de noviembre de 1957. « Normalización de materiales de construcción, dimensionamiento y coordinación
modular del diseño. Documento presentado por la Delegación de Guatemala. » Consulté le 1 mai 2021.
URL : https://goo.gl/zeLerL; DNCEPALC, AC.6/I/DT/35, 14 de noviembre de 1957, « Normalización de
materiales de construcción, dimensionamiento y coordinación modular del diseño. Documento presentado
por la Delegación de Honduras. » Consulté le 1 mai 2021. URL : https://goo.gl/GHQWTz.
669
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 51-53.
670
Ces conseillers ont noté que la plupart des pays intéressés par la normalisation et la coordination
modulaires se penchaient pour un module de base de 10 centimètres ou 4 pouces, en raison d’équivalences
étroites. Samper Gnecco, normalisation et coordination modulaire, p. 28.
671
DNCEPALC, SC.4/I/DT/10, 30 de octubre de 1958, CEPAL. « Subcomité de Vivienda, Edificación y
Planeamiento del Istmo Centroamericano. » Consulté le 2 mai 2021 2021. URL : https://goo.gl/Phj2tD.
- 322 -
« En Amérique latine, à l’exception du Venezuela, l’application de ce système de
construction est faible et en Amérique centrale, où les possibilités de répéter une
même conception en quantité suffisante pour obtenir les résultats notés sont
limitées, l’adoption de normes pour les matériaux de construction semble comme
une solution indispensable, la normalisation de certains éléments tels que les
portes et fenêtres et l’adoption d’un module commun pour les différents pays
permettant de réaliser des économies et facilitant l’échange de matériaux et
d’éléments de construction. »672
672
« En la América Latina, excepción hecha de Venezuela, es poca la aplicación que se ha hecho de este
sistema de construcción, y en la América Central, donde las posibilidades de repetir un mismo diseño en
cantidad suficiente para obtener los resultados anotados son limitadas, parece como solución indispensable
la adopción de normas para los materiales de construcción, la estandarización de ciertos elementos tales
como puertas y ventanas y la adopción de un módulo común para los distintos países que permita lograr
economías y facilite el intercambio de materiales y elementos de construcción. » DNCEPALC, ST/SOA/41,
1960, CEPAL. La vivienda y la industria de materiales de construcción. Programa de integración
económica del Istmo Centroamericano. (Nueva York: Naciones Unidas, 1960), pp. 2-4. Consulté le 2 mai
2021. URL: https://goo.gl/Zgihvc
673
Ortega, « Coordinación modular en la vivienda », pp. 29-37, 55-56, 62.
674
Le rapport était accompagné d’une série de diagrammes montrant les potentialités de la coordination
modulaire dans la conception des machines à laver, cuisines, planchers, murs, baignoires, escaliers, etc.
- 323 -
Image VI.3. « Pourquoi la coordination modulaire ? » 1961.
- 324 -
Image VI.4. Module de base de 1 décimètre pour l’Amérique centrale. 1961.
- 325 -
Image VI.5. Maison type « Istmo » basée sur le module de base pour l’Amérique centrale. 1961.
- 326 -
Image VI.6. Page du glossaire des termes utilisés dans l’architecture et la construction centraméricaines. 1961.
Source : DNCEPALC, E/CN.12/CCE/SC.4/10, 15 de agosto de 1961, Álvaro Ortega. « Glosario de términos empleados en arquitectura y construcción
en el istmo centroamericano », p. 5. Consulté le 3 mai 2021. URL: https://goo.gl/wQdW6M
- 327 -
Quant aux images VI.4 et VI.5, elles montrent l’application technique du module
de base de 1 décimètre, ses combinaisons possibles, les mesures de travail et son potentiel
de conception pour des structures complètes, telles que la maison de type « Istmo ». Le
silence observé dans le document quant à savoir si ce modèle a été réalisé en consultation
avec les pays d’Amérique centrale est appréciable, ce qui suggère que ce n’était pas le
cas. La maison apparaît située dans un type de paysage homogène, sans identité. Est-ce
un logement pour la plaine ? Pour une vallée ? Pour la côte ? Impossible de le discerner.
Ce qui précède montre les contradictions entre les membres du Sous-comité du logement
qui, d’une part, appelaient les pays à connaître leurs particularités et à partir d’eux à créer
leurs règles, mais d’autre part recommandait la « répétition d’une conception » ou
« l’adoption d’un module commun » qui les exposait au risque d’appliquer des règles peu
adaptables aux sociétés d’Amérique centrale.675
En 1962, la Réunion du groupe de travail sur la coordination modulaire de 1962 a
été convoquée676, où ses membres ont convenu d’adopter officiellement le module de
base proposé par Ortega et de réaliser les activités de démonstration et de diffusion dans
chaque pays d’Amérique centrale dans un délai pas supérieur à trois ans. Bien que les
membres aient adopté le module de base presque sans discussion, il a été possible de
s’opposer à une certaine souplesse en permettant l’utilisation de certaines mesures non
standardisées dans divers matériaux, en reconnaissant que les conditions climatiques de
l’isthme obligeaient l’expérimentation de certains composants, tels que le matériau des
toits, ou en proposant un module de base de 30 centimètres (3M), où M = module de base
de 1 dm)677. Ce qui précède montre que, s’il n’y a pas eu d’imposition du module de base ;
mais son approbation ouvrit la porte à la poursuite de l’importation de matériaux de
construction étrangers pour autant qu’ils respectent cette norme, mettant en péril
l’enquête autochtone d’Amérique centrale.
675
Samper a considéré la normalisation et la coordination modulaire comme l’un des exemples de
« développement indigène » de la recherche technique appliquée. Il convient de souligner que l’utilisation
de noms comme « anarchie » reflète le caractère civilisationnel des programmes d’assistance technique.
Samper, Normalización y coordinación modular, p. V.
676
Le Costa Rica s‘adhéré de facto au traité général d’intégration économique le 23 juillet 1962, permettant
la convocation de la réunion du groupe de travail en août de la même année à San Salvador. Guerre B.,
« Chapitre 1. Le développement économique », p. 52.
677
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/SC.4/14, agosto 1962, CEPAL. « Informe del Grupo de trabajo sobre
coordinación modular en vivienda (San Salvador, El Salvador, 14 a 23 de agosto de 1962) », pp. 13-25.
Consulté le 2 mai 2021. URL : https://goo.gl/kZu5YG.
- 328 -
Outre le rapport déjà mentionné, Ortega élabora un glossaire qui comprenait
environ 500 termes utilisés dans la construction et l’architecture d’Amérique centrale
pour faciliter l’uniformité des termes, l’un des domaines où « l’anarchie » était évidente
et qui a été l’un des exemples les plus curieux et exhaustifs de la coordination modulaire
en Amérique centrale (Image VI.6). En 1963, lors de la deuxième réunion du Sous-comité
du logement, les délégués ont approuvé les portées du groupe de travail, invitant les
institutions nationales de logement à mettre immédiatement en œuvre des cours de
formation et à demander les ressources financières nécessaires pour lancer les
programmes de démonstration.678
Certes, le comportement des recommandations et l’adoption tardive du module de
base proposé par la CEPALC témoignent de faiblesses structurelles dans le
fonctionnement des instituts nationaux de logement d’Amérique centrale et d’une
certaine dépendance vis-à-vis des programmes d’assistance technique puisque, pendant
cinq ans, il y a eu peu ou pas de progrès régionaux dans la création de leurs propres
normes de conception modulaire. Cette affirmation est étayée par le fait que Álvaro
Ortega n’a fait référence qu’à la norme salvadorienne, alors qu’en 1959 quatre instituts
de logement opéraient déjà dans l’isthme.679
Compte tenu des résultats de l’analyse des réseaux, il est également clair pourquoi
la réunion sur la coordination modulaire de 1962 a été si importante dans le deuxième
entourage technique du réseau d’entrelacements, car, du moins entre 1957 et 1963, les
acteurs centraméricains et les organismes internationaux ont contribué à créer un « sous-
entourage » spécialisé qui a donné une nuance particulière aux politiques de logement de
l’isthme. Si les problèmes économiques et politiques des pays et les restrictions imposées
aux prêts dénoncés par les acteurs centraméricains ont limité le succès ou la mise en
œuvre du modèle, des produits tels que le module de base, les spécifications pour le
mobilier domestique, la maison type et le glossaire des termes témoignent à la fois du
bien et du mal de la mondialisation solidaire et de ses programmes d’assistance technique.
De toute évidence, les modalités d’assistance technique ont été alignées sur le processus
d’intégration économique centraméricaine, dont les caractéristiques seront présentées ci-
dessous.
678
CEPAL. « Informe de la segunda reunión del Subcomité… », pp. 25-26.
679
Ortega, « Coordinación modular en la vivienda », p. 4.
- 329 -
2. Coordination régionale, formation et assistance technique.
680
C’est le produit de l’alinéa 2 de la recommandation XXIII qui proposait, dans ses autres sections, de
poursuivre la tenue des réunions sur les problèmes de logement, de donner la priorité à l’affectation
d’experts en logement aux gouvernements d’Amérique centrale et de confier tout travail technique pour
atteindre les objectifs au CINVA, à l’ONU et à la CEPALC sans exclure d’autres organismes
internationaux. CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 47-48, 68-69 ; DNCEPALC,
E/CN/CCE/SC.4/4, 31 de octubre de 1958, Alfredo Pinillos Roldán. « Informe del relator », p. 2. Consulté
le 4 mai 2021, URL : https://goo.gl/tj1GXa
681
« ... se desprende la conveniencia de establecer una entidad única para la formulación de normas de
edificación, que coordine la producción de los elementos de construcción que, cada vez con mayor
volumen, se están fabricando en los distintos países de esa región. A la vez, este instituto controlaría y
coordinaría las normas de los elementos de construcción importados, con los de la industria local. Pareciera
que, por su naturaleza el Instituto Centroamericano de Investigación y Tecnología Industrial (ICAITI)
- 330 -
Considéré par Bulmer-Thomas comme l’un des mécanismes de transfert
technologique les plus importants de l’intégration économique centraméricaine682,
l’ICAITI a été créé en 1956 avec le soutien des Nations Unies pour répondre aux besoins
de recherche technologique et scientifique appliquée de l’industrie centraméricaine, y
compris l’établissement de normes de qualité industrielles.683 Ce dernier a fait pencher la
balance en sa faveur pour que l’ICAITI, en collaboration avec le CINVA et d’autres
organismes internationaux, mène des actions visant à introduire des politiques
réglementaires et de qualité pour les matériaux de construction d’Amérique centrale, à
étudier tout ce qui concerne l’utilisation des matières premières locales et à faciliter
l’adoption de technologies modernes dans le domaine de la construction. En 1958, l’ONU
a assigné un expert international à l’ICAITI pour l’accompagner dans ses « nouvelles »
fonctions.684
Bien qu’il ait été constaté qu’en 1959, l’ICAITI a soutenu l’un des ministères de
l’économie de la région (il n’a pas été précisé lequel) à établir son comité des normes, qui
proposa des lignes directrices de base à usage international et effectua quelques
recherches concernant le verre plat, les maisons préfabriquées et les entreprises de
construction685, il n’a pas atteint pleinement son objectif. Cela s’explique, entre autres,
par le fait que la plupart des recherches et des conseils concernaient des industries de
biens de consommation (aliments, textiles, papeterie, etc.) et, surtout, les problèmes qui
ont secoué le MCCA et qui seront ensuite abordés686.
pudiera ser encargado de tal misión, aún cuando esta es una materia que debe ser motivo de un estudio
cuidadoso por parte de los países interesados. » Samper, Normalización y coordinación modular, p. 26.
682
Bulmer-Thomas, Studies in the Economics, p. 81.
683
DNCEPALC, ST/TAA/J/CENTRAL AMERICA/R.2, 15 de setiembre de 1954, Manuel Bravo, W.H.
Cook y Albert Mirles. « Informe sobre la organización de un Instituto Centroamericano de Investigación y
Tecnología Industrial », p.1, 5. Consulté le 4 mai 2021. URL : https://goo.gl/vf5aYv
684
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 52, 57-58 ; Pinillos Roldán, « Informe del
relator », p. 11.
685
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/178, agosto de 1959. Instituto Centroamericano de Investigación y
Tecnología Industrial. Informe del Director al Comité de Cooperación Económica del Istmo
Centroamericano en su VI Reunión. (Guatemala, 1959), pp. 10-11. Consulté le 8 mai 2021. URL :
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/22706/S5900322_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y;
E/CN.12/CCE/274, Diciembre de 1962. « Informe del director del Instituto Centroamericano de
Investigación y Tecnología Industrial », pp. 3, 8. Consulté le 8 mai 2021. URL :
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/22737/S6200154_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y ;
E/CN.12/CCE/328, 12 de enero de 1966, « Informe del director del Instituto Centroamericano de
Investigación y Tecnología Industrial », pp. 5, 11, 13. Consulté le 8 mai 2021. URL :
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/22752/S6600300_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y
686
En réponse à la détérioration du MCCA, les pays d’Amérique centrale ont proposé en 1975 la création
d’un système consultatif de développement industriel régional composé du Secrétariat à l’intégration
économique de l’Amérique centrale (SIECA), du BCIE, de l’ICAITI, de l’ONUDI et de la CEPALC afin
d’améliorer la coopération entre les gouvernements et les secteurs d’activité régionaux afin d’accroître la
- 331 -
Image VI.7. Costa Rica. Le Sous-comité du logement lors de sa première réunion
à l’INVU. 1958.
productivité du secteur secondaire. Il a été envisagé de créer des comités se concentrant sur certaines
branches de production, où celles de biens de consommation prévalaient, excluant ainsi l’industrie de la
construction. DNCEPALC, E/CEPAL/CCE/372/Rev.1, octubre de 1975. CEPAL. « El Sistema Consultivo
de Desarrollo Industrial Regional y el Apoyo a los Organismos Regionales de Integración. » Consulté le 9
mai 2021. URL :
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/25476/S7500330_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y
687
Les délégués à la réunion de logement de 1957 ont explicitement demandé à l’OEA d’intensifier ses
programmes d’assistance technique en Amérique centrale par l’intermédiaire de l’Union panaméricaine et
du CINVA, comme indiqué au paragraphe 2 de la recommandation V. CEPAL, « Informe de la Reunión
sobre problemas… », p. 54.
- 332 -
la formation des professionnels et de la main d’œuvre par le biais de ses cours et de la
collaboration du Conseil supérieur universitaire d’Amérique centrale688. Ce vote de
confiance au CINVA a pu résulter, entre autres raisons, des relations personnelles et
professionnelles entre le président du sous-comité de l’époque, Rodrigo Carazo, et les
délégués présents à l’époque, Anatole Solow et René Eyheralde, dont les détails ont été
analysés au chapitre 4 (Image VI.7).
Cette relation étroite a toutefois pris fin en 1959. A partir de 1960, comme on l’a
constaté lors des événements latino-américains, un transfert de la direction de l’OEA à la
CEPALC a commencé à avoir lieu, ce qui est déjà plausible avec le travail d’Ortega dans
sa proposition du module de base pour l’isthme, ignorant la contribution de Samper faite
des années auparavant. Lors de la deuxième réunion du Sous-comité du logement, la
CEPALC a été chargée de superviser les travaux des instituts nationaux du logement
chargés de se réunir en groupes de travail et de réaliser des propositions de
programmation du logement, de conception de plans pour les logements minimaux,
d’études des méthodes de construction, d’élaboration de statistiques, etc.; mais lors de la
troisième réunion, la surtaxe de fonction que le sous-comité a faite à la CEPALC était
évidente puisqu’il lui a été demandé d’intégrer ces groupes de travail. Cela révèle non
seulement le degré de décoordination parmi les instituts nationaux de logement
d’Amérique centrale, mais est également une autre démonstration de la dépendance à
l’égard de la commission régionale des Nations Unies.689
Enfin, les pays d’Amérique centrale ont cherché à tirer parti des possibilités de
formation technique offertes par les organismes internationaux. L’un des domaines où il
a fallu mettre à disposition des bourses, solliciter le soutien d’experts internationaux ou
renforcer les cours des établissements d’enseignement d’Amérique centrale, était celui de
la normalisation et de la coordination modulaires690, mais il n’était pas le seul : les
délégués se sont également inquiétés de l’amélioration des compétences de l’ouvrier
688
Pinillos Roldán, « Informe del relator”, p. 12, 16.
689
CEPAL. « Informe de la segunda reunión… », pp. 20-23 ; DNCEPALC, E/CN.12/CCE/326, CEPAL.
« Informe de la Tercera reunión del Subcomité de Vivienda, Edificación y Planeamiento del Istmo
Centroamericano. (Guatemala, Guatemala, 6 al 10 de diciembre de 1965) », pp. 8, 25-26. Consulté le 2 mai
2021. URL : https://goo.gl/2rdaHr.
690
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 17.
- 333 -
centraméricain puisqu’il affectait directement la productivité du secteur de la construction
et le prix des logements.691
Pour atteindre cet objectif, les événements centraméricains ont favorisé un
développement académique interne, d’une part, par le biais des facultés d’architecture et
des universités d’Amérique centrale qui seraient chargées de créer des cours spécialisés
et qui demanderaient le soutien des organismes internationaux pour obtenir de la
documentation et l’échange de techniciens.692 Ils ont également soutenu la
recommandation du CCE de créer une école supérieure d’ingénierie et d’administration
industrielle d’Amérique centrale693, de faire un inventaire des instituts professionnels
d’Amérique centrale, de réaliser des enquêtes continues sur les besoins en main d’œuvre,
de disposer de bourses pour former les dirigeants et les techniciens des industries et de
promouvoir la libre circulation des professionnels. Tous ces plans seraient soutenus par
les programmes de bourses de l’ONU, de l’UNP et du CINVA.694 Lors de la première et
de la deuxième réunion du sous-comité du logement, les mêmes demandes ont été
réitérées, mais dans la troisième, ce type de conclusions a été omis, ce qui indique qu’il
y a eu des progrès très limités dans ce domaine dans les pays d’Amérique centrale et une
marge d’action limitée des organismes régionaux d’intégration pour pouvoir assurer leur
suivi695.
Le comportement des pays d’Amérique centrale à l’égard de la normalisation de
l’industrie du logement pourrait être qualifié d’ambivalent, car si les acteurs étaient
conscients des avantages de la recherche locale, ils ont choisi de laisser cette initiative
dans les programmes d’assistance technique internationale. Cela a pu résulter de la faible
691
CEPAL. La vivienda y la industria, p. 3 ; DNCEPALC, E/CN.12/CCE/AC.6/5, 1 de noviembre de 1957.
CEPAL. « Significación económica de los programas de vivienda en Centroamérica y Panamá », p. 4.
Consulté le 4 mai 2021. URL : https://goo.gl/79aC7h
692
OEA-CIES, Informe de la Secretaría del Consejo…, p. 33 ; CEPAL, « Informe de la Reunión sobre
problemas… », p. 52.
693
Les données suggèrent que le CCE a demandé aux pays d’Amérique centrale de créer cette institution,
par le biais des résolutions 31 (CCE) de 1956 et 72 (CCE) de 1958, mais les études nécessaires n’avaient
pas encore été entreprises au cours de cette dernière année. Le CCE a également décidé de solliciter le
conseil de l’UNESCO et de coordonner le processus avec le Conseil supérieur universitaire d’Amérique
centrale. Toutefois, les informations disponibles n’ont pas permis de discerner si cette institution a pu être
créée. DNCEPALC, E/CN.12/492, agosto de 1958. CEPAL. Informe del Comité de Cooperación
Económica del Istmo Centroamericano, 25 de febrero de 1957 al 10 de junio de 1958. (Ciudad de México
: CEPAL, 1958), pp. 28. Consulté le 5 mai 2021. URL :
https://repositorio.cepal.org/bitstream/handle/11362/23634/S5800002_es.pdf?sequence=1&isAllowed=y
694
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 56-57, 68.
695
CEPAL. « Subcomité de Vivienda, Edificación… », pp. 1-4 ; CEPAL. « Informe de la segunda
reunión… », pp. 22-23, 26
- 334 -
maturité des institutions nationales de logement, dont certaines ont été fondées après 1957
et à des conditions propres au contexte social et politique de l’isthme qui ont entravé la
consolidation de leurs fonctions ainsi que leur financement, ce qui s’est traduit par une
instabilité administrative et financière qui a considérablement limité leur marge d’action.
Quels ont été les effets de ce tableau sur la planification physique centraméricaine ? Ceci
sera analysé ci-dessous.
696
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 60-61.
697
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 80.
698
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 80.
- 335 -
Bolonia699, (Image VI.8) comme modèle en matière de planification parce qu’il s’agit de
l’un des projets qui ont appliqué des réglementations et règlements urbains officiels qui
avaient été approuvés en 1954.700
699
Paul Foster, expert du Point IV, a participé dans le cadre de l’équipe qui a planifié le projet Bologne lors
de son passage à l’Office national de l’urbanisme.
700
Oficina Nacional de Urbanismo. Plan Regulador de Managua. Sus leyes y reglamentos. (Managua,
Nicaragua : Oficina Nacional de Urbanismo – Ministerio de Obras Públicas, 1968), pp. 3-5. Il est à noter
que les délégués n’ont pas fait référence au cas panaméen, qui, depuis 1943, avait des lois et des règlements
d’urbanisme découlant de la visite de l’urbaniste Karl Brunner et des projets réalisés par la Banque
d’urbanisation et de réhabilitation. Unión Panamericana, La vivienda de interés social, pp. 113-115 ;
Carlson, Resúmenes cronológicos de legislación, pp. 1-3.
- 336 -
Lors de son allocution à la Réunion technique de 1956, Ernest Weissmann a
déclaré que l’une des tâches des pays d’Amérique latine était d’établir un équilibre entre
les intérêts privés et publics en ce qui concerne la spéculation des terres urbaines, pratique
qui devait être réglementée.701 A ce sujet, lors de la Réunion du logement de 1957, les
délégués ont consacré une grande partie de leurs discussions à ce thème, reconnaissant
que les travaux urbains :
« ... sont construites dans tous ou presque tous les pays participants en utilisant les
fonds communs des différentes localités, ce qui entraîne des injustices notoires,
car avec les fonds qui sont strictement employés dans des œuvres d’utilité
publique, des travaux qui bénéficient principalement et directement certaines
propriétés privées sont effectuées, obtenant ainsi un bénéfice considérable alors
que rien ou très peu n’a été payé. Cette plus-value est exploitée la plupart du temps
par les spéculateurs. »702
Cela a soulevé le débat sur la fonction sociale de la propriété privée, qui a été
abordée par les acteurs centraméricains de deux manières : l’une était de créer les lois
fiscales permettant la capture de la plus-value résultant des travaux publics et la seconde,
d’établir un système de réserves de terrains pour éviter de futurs problèmes
d’expropriation de la propriété privée. Cependant, il n’est pas surprenant que la dernière
des solutions ait été mieux accueillie, car une réforme fiscale signifiait a priori
l’opposition brutale des secteurs riches et conservateurs de la société, même si elle était
une des solutions les plus importants aux problèmes urbaines703, comme nous le verrons
avec le cas du Costa Rica.
Les preuves disponibles ont montré que, malgré certains progrès institutionnels et
réglementaires réalisés en Amérique centrale, une politique intégrale n’avait pas été
établie en 1965 en raison, parmi des autres facteurs, de la faiblesse des établissements de
logement. Le Sous-comité a reconnu que l’une d’entre elles était le manque
d’informations statistiques et l’urgence et l’ampleur du problème qui empêchait sa
701
Weissmann, « Exposición del observador… », p. 93.
702
« … son construidas en todos o casi todos los países participantes utilizando los fondos comunes de las
distintas localidades, lo cual acarrea notorias injusticias, ya que con los dineros que se suponen sean
empleados estrictamente en obras de utilidad común se realizan trabajos que en la práctica benefician
principal y directamente a determinadas propiedades de dominio particular, las cuales derivan así un
beneficio considerable por el que no se ha pagado nada o muy poco. Esta plusvalía es aprovechada la mayor
parte de las veces por los especuladores… » CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 35.
703
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 35-36, 42-43.
- 337 -
résolution à temps.704 Mais le biais créé par le même Sous-comité du logement en se
concentrant uniquement sur l’aspect quantitatif du problème du logement était également
responsable. Bien qu’il y ait eu des appels à considérer l’intégralité du problème705, en
1963, ses membres ont réitéré que
« ... les efforts déployés par les gouvernements doivent avant tout être destinés à
résoudre les problèmes de logement des groupes de population à faible revenu, à
accorder la plus grande attention au logement rural et à couvrir le plus grand
nombre de bénéficiaires, tout en maintenant les conditions minimales de
logement. A cet effet, les programmes de logement devront être intégrés dans les
plans généraux de développement économique et social dans la préparation
desquels sont engagés les pays d’Amérique centrale... »706
704
CEPAL, « Informe de la Tercera reunión… », pp. 10, 13 ; DNCEPALC, E/CN.12/CCE/SC.4/19, 7 de
mayo de 1963. CEPAL. « Situación actual y nuevos campos de la coordinación regional de los programas
de vivienda en el istmo centroamericano. », p. 10. Consulté le 6 mai 2021. URL : https://goo.gl/PdPozn
705
Pinillos Roldán, « Informe del relator », p. 1.
706
« … los esfuerzos que realicen los gobiernos deben encauzarse, ante todo, a solucionar los problemas
habitacionales de los grupos de población de más bajos ingresos, prestar la mayor atención a la vivienda
rural, y cubrir el mayor número de beneficiarios, manteniendo las condiciones mínimas de habitabilidad.
Con este objeto, los programas de vivienda deberán ser incorporados a los planes generales de desarrollo
económico y social en cuya preparación están empeñados los países centroamericanos… » CEPAL.
« Informe de la segunda reunión… », p. 8-9. Traduction libre. Je souligne.
707
CEPAL. « Informe de la segunda reunión… », pp. 18-19 ; CEPAL, « Informe de la Tercera reunión… »,
p. 25.
- 338 -
« L’étude des plans d’un logement minimum pour une région donnée d’un pays,
effort qu’elle devrait en tout cas faire dans son propre intérêt, et qui serait d’autant
plus justifiée qu’il concerne une région typique, profiterait aux autres pays en
mettant à la disposition de leurs instituts respectifs un projet qui avec des
adaptations plus ou moins importantes, selon le cas, pourrait être exploité par les
zones qui remplissent les mêmes conditions topographiques et climatiques que la
région pour laquelle il a été conçu. Ce travail permettrait, par ailleurs, de connaître
et de comparer les différentes approches utilisées pour résoudre un même
problème et d’analyser leurs avantages relatifs. »708
708
« El estudio de los planos de una vivienda mínima para una región determinada de un país, esfuerzo que
en todo caso tendría que hacer en su propio interés, y que estaría tanto más justificado cuanto se refiere a
una región típica, vendría a beneficiar a los otros países al poner a disposición de sus respectivos institutos
un proyecto que con adaptaciones mayores o menores, según el caso, pudiera ser aprovechado por aquellas
zonas que reúnan las mismas condiciones topográficas y de clima que la región para la cual fue diseñado.
Esta labor permitiría, por otra parte, conocer y comparar los distintos enfoques que se hayan empleado para
la solución de un mismo problema y analizar sus ventajas relativas. » Pinillos Roldán, « Informe del
relator », p. 14. Traduction libre.
709
Pinillos Roldán, « Informe del relator », p. 14.
- 339 -
Les maisons ont été construites par le Département de logement de la CCSS entre 1946
et 1948, mais les sources disponibles n’ont pas permis d’approfondir si, pendant cette
période, les logements étaient accompagnés de facilités communales.710
Cependant, en 1952, le Département a commencé les études préliminaires pour
construire à l’extrémité ouest de la colonie quatre bâtiments multifamiliaux dans lesquels
il a été fait, selon l’information disponible, pour la première fois mention de « travaux
complémentaires », tels que l’aire de jeux, salles de lecture, sentiers de circulation
couverts ainsi que la destination du premier étage des bâtiments pour les locaux
commerciaux comme apothicaires, « sodas » (restaurants), épiceries, boucheries,
quincailleries, courriers et salons de beauté. L’étage supérieur a été réservé à toutes sortes
d’activités sociales et culturelles. Avec la construction de ces multifamiliaux, Calderón
Munoz a été incorporé dans le modèle de l’unité de voisinage même si elle n’était pas
appelée comme telle. Il y a aussi des indications qu’à Turrialba, la colonie Des
Amériques, conçue par Solow, a suivi ce modèle comme indiqué au Chapitre 4.711
Lors de la Réunion de logement de 1957, les discussions ont porté sur le lien entre
le logement et son entourage à travers les « facilités communales », qui ont également été
considérées comme un instrument de contrôle social, reflétant ainsi la tendance
hygiénique de ce type de projets.712 À cet égard, il a été indiqué :
« En outre, l’appréciation du problème doit tenir compte de l’entourage qui
entoure la maison. Les conditions environnementales telles que le manque de
facilités de communication appropriées, la mauvaise disposition et l’utilisation
inadéquate des espaces, l’absence de services publics, l’existence de problèmes
sociaux tels que la criminalité, des taux élevés de morbidité et de surpeuplement,
de mauvaises conditions sanitaires, etc., sont des facteurs déterminants pour
apprécier la situation des habitations existantes et localiser les zones de bidonville.
»713
710
Abarca Zamora, « San José – Ensanches… », pp. 279-291
711
Malavassi Aguilar, « La vivienda de madera… », p. 241 ; CCSS, Memoria 1953, pp. 324-334. Mónica
Chaves Serrano, et.al. « La producción del espacio público en proyectos habitacionales en el Cantón de San
José : Instituto Nacional de Vivienda y Urbanismo (1954-1986) ». (Seminario de Graduación de
Licenciatura en Arquitectura, Universidad de Costa Rica, 2019), pp.170-216.
712
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 125.
713
« Además, en la apreciación del problema ha de tomarse muy en cuenta el ambiente que rodea la casa.
Condiciones ambientales como carencia de facilidades de comunicación apropiada, mala disposición y
utilización inadecuada de los espacios, ausencia de servicios públicos, existencia de problemas sociales
como delincuencia, altos índices de morbilidad y de hacinamiento, malas condiciones sanitarias, etc., son
factores determinantes para apreciar la condición de las viviendas existentes y localizar las zonas de
tugurio. » CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », p. 34. Traduction libre.
- 340 -
Tableau VI.1. Amérique centrale. Projets d’unités de voisinage (1935-1956).
Pays Ville Nom de projet Année
Costa Rica San José Colonie et multifamiliaux Calderón Muñoz 1946-1953
Unité de voisinage Nº 1 d’Hatillo 1955-1956
Turrialba Colonie Las Américas 1951
El Salvador San Salvador Colonie Las Delicias 1952
Santa Ana Colonie El Palmar 1952
San Miguel Colonie Belén 1952
Soyapango Colonie Guadalupe 1953
San Salvador Colonie Centroamérica 1954
San Salvador Colonie Santa Dorotea 1954-1955
San Salvador Colonie Málaga 1956
Guatemala Guatemala Colonie 25 de Junio 1935-1939
Colonie 20 de Octubre 1945
Colonie Labor 1946
Colonie de Carteros 1948
Colonie Betania 1949-1952
Colonie Las Victorias 1953
Colonie Centroamérica 1956
Quetzaltenango Colonie El Rosario 1946
Nicaragua Managua Colonie « de Casas mínimas » 1935-1937
Managua Projet Bolonia 1955
Panama Panama Bâtiment Arraiján 1944-1945
Colonie Santa Cruz Nº1 1945
Bâtiment Renta 9 1945
Bâtiment Renta 10 1945
Bâtiment Renta 11 1946
Bâtiment Renta 15 1947
Bâtiment Renta 5 1948
Unité de voisinage Vista Hermosa (Betania) 1946-1949
Bâtiment Capira 1946
Bâtiment Pesé 1946
Bâtiment Penonomé 1947-1948
Colonie Francisco Arias Paredes 1949
Colonie Nº1 – Juan Díaz 1950
Colonie Nº 2 1950
Source : Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », Anexe 1 ; Abarca Zamora, « San José
– Ensanches… », pp. 279-291 ; Malavassi Aguilar, « La vivienda de madera… », p. 241 ; CCSS,
Memoria 1953, pp. 324-334.
- 341 -
De toutes les présentations présentées par les pays d’Amérique centrale
concernant l’application de normes urbanistiques, celle du Costa Rica a été la seule à se
concentrer expressément sur les facilités communales, en prenant comme étude de cas
l’Unité de voisinage Nº1 d’Hatillo. L’ingénieur Eduardo Jenkins Dobles, auteur du texte,
s’est appuyé sur diverses sources, dont Planning the Neighborhood, les projets Sogamozo
et Techo del CINVA714 ou des projets réalisés à Cleveland et à Porto Rico, pour expliquer
l’adaptation des facilités communales au contexte costaricain et, par conséquent, les
délégués ont exhorté à suivre ce que le Costa Rica a proposé pour continuer l’utilisation
du modèle de l’unité de voisinage en Amérique centrale à travers deux recommandations,
c’est-à-dire les seules qui avaient un lien étroit avec ce thème et explique leur faible
représentativité dans le Graphique V.4.715
Un détail important est que les discussions sur l’unité de voisinage en Amérique
centrale ont été absentes des travaux du Sous-comité du logement lors de ses réunions de
1958 et 1963, événements qui n’ont pas non plus donné de recommandation de suivi à ce
qui avait été suggéré en 1957. Toutefois, lors de sa deuxième réunion, le Sous-comité a
reçu un rapport préliminaire de la CEPALC sur les aspects sociaux des programmes de
logement centraméricains, qui pourrait également être considéré comme une évaluation
de l’unité de voisinage dans l’isthme. Le premier élément à souligner est qu’en 1963, sur
37 projets de logements pris en considération par l’étude, environ 15 s’inscrivaient dans
le modèle. Il s’agit certainement d’un sous-enregistrement, puisque le Tableau VI.1 basé
sur la recherche de Montoya comptait déjà 34 unités de voisinage en Amérique centrale
avant 1957, nombre qui a certainement augmenté en 1963. À cet égard, le même rapport
de la CEPALC a mis en garde que le fait n’était pas concluant, car l’indicateur utilisé était
l’existence ou non de « maisons ou centres communautaires » sur lesquels l’appréciation
suivante a été faite :
714
Dans les Archives générales de l’UNAL, on a localisé un rapport reproduit par l’INVU en 1956 sur le
projet Techo, qui a pu être utilisé par Jenkins dans son travail. AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 46, Dossier
8, INVU. « Reproducción del informe para Servicios Comunales del “PROYECTO TECHO” – Preparado
en CINVA 1954. » (San José, Costa Rica : El Instituto, 1956).
715
La Réunion de 1957 n’a pas élaboré de recommandation explicite du modèle de l’unité de voisinage,
mais a distribué en plusieurs paragraphes l’application de ce modèle. La recommandation XIII, à son
paragraphe 2, a invité les pays à créer leurs cadres réglementaires urbains comprenant, entre autres, la
création de facilités communales. Par ailleurs, la recommandation XIX a incité les promoteurs privés à
fournir les services publics dans leurs urbanisations et la communauté à s’organiser à cette fin, par
l’entraide. CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 61, 66.
- 342 -
« Même si l’existence de ces maisons ne constitue pas la preuve du
développement d’une conscience sociale (certaines unités qui se réfèrent à leurs
maisons communales ont très peu d’activité de groupe, tandis que d’autres, sans
ces maisons, rendent compte des activités de nombreux groupes actifs qui se
réunissent dans des maisons privées), leur absence révèle la nécessité de la
création ou du développement d’une politique sociale sur les programmes de
logement où on lui accorde l’importance voulue à la répartition de l’espace
disponible du point de vue des besoins des relations humaines, de manière à mettre
davantage l’accent sur la manière dont une élévation intégrale du niveau de vie
des résidents sera encouragée… »716
716
« Aún cuando la existencia de dichas casas no constituye prueba del desarrollo de una conciencia social
(algunas unidades que hacen referencia a sus casas comunales tienen muy poca actividad de grupo, mientras
otras, sin dichas casas, informan sobre actividades de muchos grupos activos que se reúnen en casas
particulares) su inexistencia revela la necesidad de la creación o desenvolvimiento de una política social
sobre programas de vivienda donde se le concede(sic) la debida importancia a la división de espacio
disponible desde el punto de vista de las necesidades de las relaciones humanas, de manera que enfoque
con mayor claridad la forma en que se fomentará una elevación integral de los niveles de vida de los
residentes… » DNCEPALC, CCE/SC.4/II/DI.5, 13 de mayo de 1963. CEPAL. « Algunos aspectos sociales
de los programas de vivienda centroamericanos. », p. 3. Consulté le 5 mai 2021. URL :
https://goo.gl/7xzPsg Traduction libre.
717
CEPAL. « Algunos aspectos sociales », pp. 3, 7-8.
718
CEPAL, « Algunos aspectos sociales », pp. 5-6.
- 343 -
Lors de la troisième réunion du Sous-comité du logement, le thème des facilités
communales a de nouveau fait l’objet d’un débat, à la suite d’un nouveau rapport présenté
par le Costa Rica sur le développement communal dans les programmes de logement. A
cette occasion, il a été réaffirmé que l’entourage physique était essentiel pour consolider
l’intégration de la communauté, où le logement était un facteur de progrès et de justice
sociale et un instrument d’éducation. Alfredo Ramírez A., délégué du Centre régional de
construction scolaire pour l’Amérique latine, a souligné que l’école était un élément
important de l’unité communautaire et a encouragé les institutions de logement à intégrer
cet élément dans la conception de leurs programmes, qui avait été négligé, selon lui, ces
dernières années.719
Il est évident que, malgré l’absence d’instruments de suivi adéquats de la part du
Sous-comité du logement, le modèle de l’unité de voisinage était présent en Amérique
centrale au moins jusqu’aux années 1970, période qui coïncide avec la délimitation
proposée par Montoya.720 Il convient toutefois de dire que le modèle de l’unité de
voisinage a cohabité avec d’autres stratégies d’organisation communautaire où ont
également été trouvés les projets d’entraide.
On a pu constater que, lors des événements centraux latino-américains, ces projets
d’entraide ont été promus, d’une part, pour encourager le sentiment d’enracinement et de
coopération des individus à leur communauté et, d’autre part, comme stratégie pour capter
la main d’œuvre bon marché. Les données disponibles ont démontré qu’en Amérique
centrale, elles ont été utilisées dans cette dernière approche, comme en témoignent
respectivement les points 10 et g) des recommandations XVIII et XIX. En 1963, le Sous-
comité a examiné les résultats préliminaires de ces projets et a constaté que les projets à
petite échelle étaient les plus efficaces en termes de coûts et d’avantages sociaux et a
recommandé la formation d’un groupe de travail analysant les expériences réalisées
jusqu’alors.721
Lors de sa dernière réunion, le Sous-comité a eu une meilleure image de ce type
de projets grâce à un rapport rédigé par Gerrit Huizer de la CEPALC, qui a conclu que
les facteurs ayant une incidence sur l’échec des projets d’entraide étaient les courtes
journées de travail, les longues distances entre le projet et les lieux de travail, le travail
719
CEPAL, « Informe de la Tercera reunión… », pp. 15-16, 21.
720
Au Costa Rica, des projets de logement ont été réalisés dans le cadre de ce modèle jusqu’au début des
années 80. Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », pp. 46-47.
721
CEPAL. « Informe de la segunda reunión… », p. 13.
- 344 -
du soir, les longues saisons des pluies, le manque de discipline, l’épuisement excessif, les
progrès limités dans la construction, le manque de nourriture, les critiques des syndicats
d’ouvriers de la construction, la spéculation foncière et les amortissements élevés que les
bénéficiaires des projets devaient payer. Elle a également eu un impact sur le coût élevé
pour l’administration, le gaspillage des matériaux et les relations peu cordiales entre les
techniciens et les bénéficiaires des projets.722
Source : AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 212, CINVA. CINVA-RAM. Máquina para portátil para
hacer bloques de tierra estabilizada. (Bogotá : CINVA, 1958).
722
Gerrit Huizer. « Proyectos de esfuerzo propio y ayuda mutua en Centroamérica. (Informe preliminar). »
Consulté le 4 mai 2021. URL : https://goo.gl/Cm7wCN
- 345 -
Dans d’autres domaines, tels que l’assistance technique, le rapport a constaté que
plusieurs des programmes centraméricains étaient dirigés par des fonctionnaires formés
au CINVA, qui, outre l’apport de leurs connaissances théoriques et pratiques sur les
chantiers, étaient également responsables de l’introduction généralisée de la machine
CINVA-RAM (Image VI.9). Les membres du Sous-comité avaient l’impression d’être
méfiants à l’égard de ces projets en raison de leur coût élevé, mais il a été recommandé
de les maintenir parce que les expériences recueillies n’étaient pas encore suffisamment
concluantes pour freiner leur mise en œuvre.723
Cependant, la chose la plus précieuse de ce rapport a été d’avoir démontré, par les
témoignages des fonctionnaires, l’un des obstacles des programmes de logement
d’Amérique centrale : les prêts des banques internationales. Huizer a souligné que :
« Un problème souvent évoqué dans les discussions sur l’entraide en matière de
logement a été celui des relations entre les institutions nationales de logement et
la BID. On estime les prêts qu’il accorde, mais on critique l’attitude paternaliste
que comportent les contrôles réglementaires inclus dans les contrats avec les
gouvernements ainsi que certaines de ses stipulations. La limitation de l’aide de
la BID pour des projets bénéficiant uniquement des groupes à revenu fixe a été
particulièrement censurée, ce qui est attribué à l’effet contradictoire de la publicité
de l’Alliance pour le progrès lorsqu’elle concerne les projets parrainés par la BID.
Lorsque l’on sait que les projets abondamment annoncés ne profitent qu’à ceux
qui jouissent déjà d’un certain niveau de vie, cette propagande se tourne contre
ceux qui prétendent aider les « familles à faible revenu ». Dans la pratique, on
craint qu’elle n’entraîne un plus grand mécontentement qu’il n’y en a déjà. »724
Cette constatation de Huizer est très importante, car elle montre que les conditions
imposées par les prêts avaient une incidence directe sur les objectifs, la population
bénéficiaire, la qualité et la quantité des logements, les méthodologies et même l’origine
des matériaux de construction, qui devaient habituellement être importés des États-
Unis.725 En ce sens, les prêts internationaux ont imposé des conditions plus rigides et créé,
723
CEPAL, « Informe de la Tercera reunión… », pp. 21-22.
724
« Un problema al que se eludió con frecuencia en las discusiones sobre la ayuda mutua y el esfuerzo
propio en vivienda, ha sido el de las relaciones entre las instituciones nacionales de vivienda y el BID. Se
estiman los préstamos que concede, pero se critica la actitud paternalista que implican los controles
reglamentarios incluidos en los contratos con los gobiernos, así como algunas de sus estipulaciones. Se ha
censurado especialmente la limitación de la ayuda del BID para proyectos que benefician sólo a grupos de
determinados ingresos…, hecho al que se atribuye el efecto contradictorio de la publicidad de la Alianza
para el Progreso cuando se relaciona con los proyectos patrocinados por el BID. Cuando se sabe que los
proyectos profusamente anunciados solo benefician a quienes gozan ya de cierto nivel de vida, esta
propaganda se vuelve contra quienes dicen ayudar a las “las familias de bajos ingresos”. En la práctica se
teme que dé lugar a mayor descontento del que ya existe.» Huizer. « Proyectos de esfuerzo propio », p. 30.
Traduction libre. Je souligne.
725
Huizer. « Proyectos de esfuerzo propio. », p. 31.
- 346 -
par conséquent, un facteur de dépendance difficile à briser pour les institutions nationales
de logement, dont l’autonomie a toujours été mise en évidence par son financement
limité. C’est également l’un des facteurs qui ont pu influencer de manière significative la
faible progression de la normalisation et de la coordination en Amérique centrale.
Selon les données disponibles, les projets d’entraide en Amérique centrale ont eu
des résultats contradictoires, en raison de leur rachitique base sociale. Bien que, dans le
discours, les membres du Sous-comité aient salué les avantages que ces projets
apportaient aux relations communales, la forte inclination économique qui ne considérait
les bénéficiaires que comme une « main d’œuvre bon marché » limitait les possibilités de
cohésion communautaire ou d’initiative favorisant l’appropriation et l’identification avec
les projets, à quelques exceptions près. Il faut aussi ajouter le fort paternalisme et la
conviction généralisée que la communauté n’avait pas d’initiative, aspects qui, comme
on l’a vu précédemment, étaient également présents dans d’autres cas latino-
américains. »726
Il convient également rappeler que les méthodologies d’entraide faisaient
également partie des projets de rénovation urbaine, qui n’ont pas non plus eu une présence
notable aux événements centraméricains. Même si leur discussion était limitée, il était
possible de constater que les délégués centraméricains à la Réunion de logement de 1957
s’appropriaient de l’approche de rénovation urbaine proposée par Luis Vera. Ils ont
également estimé que la solution au problème du logement n’était pas seulement de
construire de nouvelles maisons, mais aussi de réhabiliter celles qui étaient délabrées ou
de les remplacer totalement lorsque la première chose n’était pas possible. Toute solution,
quelle qu’elle soit, devait être fondée sur un « critère technique et scientifique ». Mais la
préférence des délégués à ce modèle visait à éviter l’apparition de nouveaux bidonvilles
dans les villes, car :
« ... ils ont été considérés non seulement comme un problème urbain mais aussi
comme social, en raison de l’énorme importance qu’ils revêtent pour l’avenir des
communautés, car ils constituent des développements qui, une fois consolidés par
une situation de fait, sont très difficiles à enlever et produisent des conséquences
très défavorables... Il a été considéré que l’une des mesures les plus efficaces pour
décourager ces lotissements est de ne pas les doter de services publics, en donnant
à cette mesure une large publicité... »727
726
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 34-35.
727
« … se consideraron no solamente como problema urbanístico sino también social, por la enorme
trascendencia que tienen para el futuro de las comunidades, ya que constituyen desarrollos que, una vez
consolidados por una situación de hecho, son muy difíciles de extirpar y producen consecuencias altamente
- 347 -
Certes, une telle recommandation ne garantissait que l’accroissement des
inégalités sociales entre les populations urbaines, en particulier lorsqu’on tient compte du
fait que l’accès à l’eau potable ou à l’électricité représentait la différence entre la précarité
et un meilleur niveau de vie. Néanmoins, les recommandations relatives à la rénovation
urbaine ne faisaient qu’encourager la création de lois et de projets pilotes sur la rénovation
urbaine et ont écarté la discussion de l’impact social de ce type de mesures.
Une autre absence importante dans la discussion a été les projets de centres
civiques à la Réunion de 1957 ni lors des réunions du Sous-comité du logement. Pourtant,
entre 1950 et 1980, il a été possible d’identifier pour toutes les capitales d’Amérique
centrale des projets de centres civiques ou de planification pour leur région
métropolitaine, parmi lesquels celui de la ville de Guatemala, Managua et San José ont
été les premiers à proposer dans les années 1950. Les projets pour San Salvador et
Tegucigalpa ont été développés dans les années 1960 et 1970 respectivement, bien que
dans la capitale hondurienne certains bâtiments publics tels que le Palais législatif aient
affiché l’intention du gouvernement de consolider et de moderniser son centre politique
depuis les années 1950.728
Les projets mentionnés précédemment ont cherché à transformer à la fois le
paysage et la forme urbaine, inspirés par l’esthétique du style international, la mise en
œuvre de plans d’aménagement et le zonage des centres urbains et de leurs environs. Bien
qu’il ait été affirmé que ceux-ci s’inspirent des principes du « cœur de la ville » des
CIAM, il conviendrait d’approfondir si ces projets répondaient effectivement à cette
approche, ou à celle de rénovation urbaine promue par l’OEA ou s’il s’agissait d’une
combinaison des deux. Ce qui attire l’attention, c’est l’absence de ces projets dans le cadre
de la Réunion de 1957, car au moins celui de San José et de la ville de Guatemala avaient
un certain degré d’avancement, ce qui pourrait suggérer l’existence d’une certaine
étanchéité des autorités sur ces projets pour diverses raisons, notamment être promus par
desfavorables… Se consideró que una de las medidas más efectivas para desalentar dichas lotificaciones
consiste en no dotarlas de servicios públicos, dando a esta medida amplia publicidad… » Cela a été inscrit
au point 3 de la recommandation XIII. CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 32-33,
61. Traduction libre.
728
Navarrete Cálix, « Tegucigalpa, laboratoire urbain », pp. 345-346 ; Freddy Morales Díaz. « Movimiento
moderno, registro y catalogación. El Banco de Guatemala y El Crédito Hipotecario Nacional. Centro Cívico
de la Ciudad de Guatemala. » (Tesis de licenciatura en Arquitectura, Universidad de San Carlos de
Guatemala, 2013), p. 33
- 348 -
des gouvernements très impopulaires (comme le cas guatémaltèque) ou par les critiques
de certains secteurs qui considéraient la construction de ce type de projets comme un
gaspillage de ressources publiques, alors que le problème du logement était plus que
délicat (comme le cas costaricain). Le cas de San Salvador, planifié dans les années 1960,
a mis en évidence les effets négatives du manque de publicité et ses mauvais espaces de
participation.729
Revenons maintenant à la question suivante : y avait-il une planification intégrale
en Amérique centrale? L’intention des délégués lors de la Réunion du logement de 1957
était de mettre ce principe en pratique en utilisant parti de l’expérience récente de la
Réunion technique de 1956 et du total accord des programmes d’assistance technique
pour soutenir les pays d’Amérique centrale dans cette tâche. Cependant, le programme
d’intégration économique a pesé davantage et les délégués ont choisi de s’approprier
essentiellement les instruments, modèles et pratiques liant le développement industriel à
la construction massive des programmes de logement. Le modèle de l’unité de voisinage
et les méthodologies d’entraide ont été partiellement appliqués, étant donné que les
aspects économiques ont été davantage pris en compte dans leur planification, comme en
témoigne le corps des résolutions. Ainsi, dans l’intérêt de consolider le marché commun
centraméricain, les acteurs ont renoncé à une planification intégrale dans l’isthme, ne
restant que des efforts isolés et peu articulés.
729
Mario Lungo. « Los planes de desarrollo urbano. Construyendo nuevas relaciones de gobernabilidad
urbana. » Gobernabilidad urbana en Centroamérica, Mario Lungo (comp). 1ª ed. (San José : FLACSO-
GURI, 1998), p. 53-55.
- 349 -
renforcement des institutions étatiques de protection sociale, approfondissant ainsi les
fractures sociales qui existaient dans les sociétés d’Amérique centrale.
Les gouvernements n’ont pas non plus pu transmettre les avantages économiques
obtenus par le MCCA aux secteurs populaires, dont beaucoup de paysans dépossédés et
appartenant à des ethnies indigènes qui n’ont guère pu s’insérer dans les légers processus
de démocratisation. Les guérilleros qui ont commencé leur activité dans les années 1960
dans des pays comme le Guatemala se sont étendus à d’autres pays de l’isthme et ont payé
l’arrivée de gouvernements plus répressifs qui, en fin de compte, ont fait exploser les
guerres civiles qui ont commencé à la fin des années 1970 et qui se sont étendues
jusqu’aux années 1990. Dans ces conditions, la base institutionnelle d’Amérique centrale
affaiblie a eu peu d’occasions de concrétiser avec succès les savoirs qui ont circulé dans
le réseau d’entrelacements.730
Le processus d’intégration économique centraméricaine n’a pas échappé à ses
propres problèmes et contradictions. L’un d’eux était le traité tripartite qui a déclenché la
polémique entre les pays partenaires en les obligeant à se réunir pour définir un nouvel
accord d’intégration économique, qui a été signé le 13 décembre 1960 par les pays
d’Amérique centrale, à l’exception du Costa Rica. La position costaricaine fut le résultat
de la politique du gouvernement de Mario Echandi (1958-1962) qui a refusé de
poursuivre le processus d’intégration économique qui n’a été repris que lorsque Francisco
Orlich, du PLN, a été élu président pour la période 1962-1966 et a finalement signé le
traité d’adhésion au MCCA en 1963.731
La politique intérieure costaricaine et les démêlés découlant du traité tripartite ont
coïncidé avec les années au cours desquelles le Sous-comité du logement a cessé ses
activités et doivent donc être considérés comme deux des facteurs qui ont directement
affecté les travaux de cet organe collégial. Par conséquent, on comprend pourquoi les
initiatives proposées lors de la première réunion du Sous-comité du logement en 1958 ont
fait peu de suivi au cours de ces années, affectant la circulation des savoirs en Amérique
centrale de modèles tels que celui de la normalisation et de la coordination modulaires.732
730
Grandin, Empire’s Workshop, pp. 40-44, 69-72, 75-76, 80-90, 94-110, 114-119 ; Manuel Rojas Bolaños.
« Capítulo 2. La política. » Historia General de Centroamérica, pp. 85-163.
731
Guerra B., « Capítulo 1. El desarrollo económico », pp. 50-53 ; Rovira Mas, Estado y política…, pp.
101-103,151.
732
CEPAL, « Informe de la Tercera reunión… », pp. 17-18, 22.
- 350 -
La fracture du MCCA à partir de 1969 et les crises politiques et économiques
successives qui ont frappé l’isthme dans les années 1970 ont rendu la mise en œuvre de
ce modèle encore plus difficile. Un bilan du Groupe 5 sur les matériaux de construction
lors de la huitième Conférence sur le logement et le développement urbain (COPVIDU)
a conclu qu’en 1980, le Guatemala et le Honduras n’avaient pas de normes pour produire
et contrôler la qualité de leurs matériaux de construction ; Le Salvador et le Costa Rica,
bien qu’ils aient mis en œuvre des politiques dans le premier domaine, ce dernier pays a
pris du retard dans les contrôles de qualité. Le Nicaragua n’a même pas été pris en compte
dans l’évaluation, peut-être en raison de sa situation politique compliquée à l’époque.733
Il ne faut pas non plus oublier les restrictions imposées par les banques internationales
aux gouvernements d’Amérique centrale, qui ont considérablement réduit leur autonomie
dans les politiques du logement et de l’urbanisme.
Il faut également tenir compte des aspects liés au fonctionnement du réseau
d’entrelacements. Il a été noté précédemment que la relation étroite entre Carazo et Solow
favorisait également le travail conjoint entre le Sous-comité du logement et le CINVA.
Mais les deux acteurs ont quitté leurs postes à l’INVU et dans l’UnP en 1959 et
probablement a influencé la décision d’annuler la réunion prévue en novembre.734 C’est
un facteur qui a contribué au découplage de l’entourage isthmique des lignes directrices
qui avaient été tracées lors des événements centraux latino-américains. Ces
développements ont également été le reflet de ce transfert de leadership de la CINVA et
de l’OEA dans les politiques régionales de logement à la CEPALC, qui a également dirigé
en Amérique centrale les aspects d’assistance technique du projet de liaison.
La présence d’acteurs qui se trouvaient à plusieurs reprises dans les événements
centraméricains a été considérablement réduite. L’acteur le plus récurrent dans les
événements d’Amérique centrale a été Emilio Beltranena qui était présent à quatre
réunions, Pedro Abelardo Delgado, Pio González Alvarado, Fabio Arango présents à trois
réunions et Édgar Martinez, Ricardo Jordan et le Costaricain Rodrigo Vargas en deux. Le
peu d’assiduité de ces acteurs reflète l’attitude peu stratégique des gouvernements
d’Amérique centrale dans la formation de leurs délégations et le risque que courait le
processus de circulation des savoirs dans les institutions de logement de l’isthme. La
733
« Evaluación de las conclusiones y recomendaciones de las siete conferencias COPVIDU. » Órgano
Oficial del Colegio Federado de Ingenieros y Arquitectos, Nº 74 (octubre-noviembre-diciembre 1980) : pp.
47-48.
734
Pinillos Roldán, « Informe del relator », p. 18.
- 351 -
participation de nouveaux délégués, bien qu’elle puisse être considérée comme positive
en ce qui concerne l’évolution des dirigeants, les obligeait à se mettre au courant des
accords pris lors des réunions précédentes, ce qui pourrait ne pas se produire. D’autre
part, le départ des acteurs influents, tels que Solow et Carazo, mit la fin d’alliances
stratégiques dans le processus de circulation des savoirs. Sa poursuite dans d’autres
forums, tels que les conférences COPVIDU à partir des années 1970, a entraîné de
nouveaux problèmes et de nouveaux leaderships, qui devront être analysés dans des futurs
travaux.
5. Conclusion du chapitre.
- 352 -
régionale, à travers les plans nationaux de développement, assurant ainsi un zonage
approprié, des centres urbains intermédiaires absorbant les migrations et un
développement rural adéquat.
Dans cet entourage, le rôle de l’État a subi certaines modifications par rapport à
l’héritage du panaméricanisme et s’est transformé en guide de l’initiative privée et
régulateur de toute la politique du logement et de l’urbanisme, clôturant ainsi son épisode
paternaliste tel qu’il avait été conçu avant 1950. Ces changements ont été associés à des
changements dans le contexte international, comme le début de la guerre froide qui a
adouci le degré d’interventionnisme étatique hérité du panaméricanisme, par crainte de
son éventuelle « soviétisation », il était donc essentiel d’inclure l’initiative privée dans la
construction des logements. En l’espèce, l’État a été appelé à créer les incitations
nécessaires à l’effet de cette collaboration et à freiner ainsi la tendance à recharger dans
ses institutions les projets de logement social. Dans ce sens, les institutions nationales de
logement ont été appelées à appliquer les méthodologies de l’entraide pour renforcer
l’esprit de coopération des communautés et obtenir une main d’œuvre bon marché pour
les projets de logement.
La promotion de l’initiative privée était étroitement liée aux projets d’intégration
économique régionaux, parmi lesquels a été inséré le MCCA, qui considéraient le
logement comme un facteur de développement économique et déterminant pour
l’amélioration du niveau de vie de la population à ressources limitées. Pour atteindre cet
objectif, il a été explicitement recommandé le modèle de normalisation et de coordination
modulaires établissant des normes minimales de qualité et de dimensions des matériaux
de construction, une terminologie commune et des conceptions minimales de logement
fondés sur ces normes, afin de la produire en série et de réduire ainsi son déficit en
Amérique latine. D’autre part, cette approche industrielle a également cherché à diminuer
le prix des unités, de manière qu’elles soient adaptées au revenu des secteurs populaires,
ce qui s’est finalement avéré être un échec car les possibilités d’emploi requises n’ont pas
été créées pour que ces secteurs puissent améliorer leur économie familiale.
Dans ce processus, la coopération des organismes internationaux était essentielle,
où le CINVA avait un rôle privilégié en tant que centre pionnier de la région, plaçant
l’OEA dans une position de leader vis-à-vis de ses « collègues », de l’ONU et du Point
IV. En Amérique centrale, leur contribution a été essentielle dans la promotion de
recommandations sur l’industrialisation et la coordination modulaire. Dans l’entourage
- 353 -
de la planification intégrale, l’assistance technique a été conçue comme un soutien de
courte durée, dont les tâches devaient éventuellement être assumées par l’État, répondant
aux caractéristiques du modèle du service. Ses modalités comprenaient l’utilisation des
programmes de bourses, l’envoi ou l’échange d’experts en matière de logement et de
planification, la recherche et leur diffusion respective et la convocation répétée de
réunions internationales d’experts.
Sur cette base coopérative, deux modèles d’urbanisme ont circulé, l’unité de
voisinage et l’unité de rénovation urbaine – centres civiques, ainsi que deux instruments
clés qui ont été, en premier lieu, le plan d’aménagement, puis les plans nationaux de
développement. Les deux modèles, à juste titre, ont favorisé le développement du
territoire en contrôlant soigneusement la croissance des centres urbains à travers les unités
de voisinage, tout en freinant la détérioration des anciennes zones des villes par diverses
modalités de rénovation urbaine. Enfin, ces modèles, oubliant parfois leurs avantages
sociaux, sont devenus des instruments de promotion industrielle et de contrôle social, qui
ont aggravé les inégalités des secteurs pauvres de la société.
L’entourage a été composé de six événements, dont les plus importants ont été la
Première réunion technique interaméricaine de 1956 sur le logement et la planification et
la Réunion sur les problèmes de logement, d’industrie du bâtiment et de matériaux de
construction en Amérique centrale et au Panama en 1957, ou ont interagi au moins 16
acteurs; suivie de la Première réunion du Sous-comité du logement, de la construction et
de la planification d’Amérique centrale et du Panama, qui a partagé 13 acteurs avec la
Réunion de logement de 1957 et, enfin, la Deuxième réunion technique interaméricaine
de 1958 sur le logement et la planification, qui a été liée à son prédécesseur par 12 acteurs.
Cette proximité et les rencontres successives des mêmes acteurs dans ces espaces de
liaison, parmi des autres facteurs, expliquent la coordination étroite entre eux, qui a été
complétée par les espaces de liaison alternatifs trouvés dans l’analyse de polyvalence du
chapitre 4.
L’entourage suivant, appelé « Industrialisation et logement programmés »,
reconfigure la délimitation initiale, en déplaçant ses débuts en 1956 et finalisant en 1965,
année de la dernière réunion du Sous-comité du logement. Pourquoi retourner sur cette
période ? C’est parce que la Réunion technique de 1956 a publié les premières
recommandations concernant la normalisation et la coordination modulaires, qui sont
devenues l’épine dorsale des politiques d’industrialisation du logement. Toutefois, pour
- 354 -
le cas centraméricain, un sous-entourage « Normatif et de conception modulaire
d’Amérique centrale » est proposé qui s’étend de 1957 à 1963 et qui constitue l’élément
de différenciation de l’agenda de l’urbanisme dans l’isthme. Ce sous-entourage prend fin
en 1963 parce que la troisième réunion du sous-comité du logement de 1965 n’a pas inclus
de recommandations à ce sujet.
Cet entourage, au niveau général, se caractérise par un renforcement des tendances
de planification économique entraînées par la CEPALC, l’OEA et l’USAID dans le cadre
de l’ALPRO, dont les caractéristiques les plus importantes ont été la subordination des
plans d’aménagement et des programmes de logement aux plans nationaux de
développement et une politique plus agressive à l’égard de la production de masse
d’unités de logement, financés par les prêts bancaires internationaux. Il est apparu que
l’une des préoccupations de l’assistance technique était de renforcer le travail des États
dans des domaines tels que l’administration publique, la statistique et la formation de la
main d’œuvre et de soutenir la création d’incitations à l’initiative privée.
Dans le sous-entourage normatif et de conception modulaire, l’énoncé précoce des
recommandations associées à ce thème s’est accompagné à la fois d’un abandon quasi
radical des approches sociales poussées dans le premier entourage, s’étant créé un biais
ou une défaillance structurelle. Il a été possible de noter que, bien que des discours
favorables aux avantages sociaux des unités de voisinage et aux méthodologies d’effort
personnel et d’entraide aient persisté, ceux-ci n’étaient pas prioritaires pour les acteurs
institutionnels centraméricains. Cela s’est également accompagné du déclin progressif du
CINVA, dans le réseau d’entrelacement, en tant que centre régional et du transfert du
leadership vers la CEPALC, ce qui s’est produit dans le contexte centraméricain, entre
1959 et 1962, années où les études d’Alvaro Órtega sur la normalisation et la coordination
modulaire ont été préparées.
Ce sous-entourage, caractérisé par les quelques acteurs qui ont pu interagir ou se
rapporter aux événements, a mis en évidence un certain degré de dépendance des
institutions centraméricaines vis-à-vis de la CEPALC, notamment dans l’élaboration du
module de base, activité dans laquelle les institutions centraméricaines ont renoncé à une
partie de leur propre initiative pour expérimenter les normes apparues dans l’isthme en
préférant celle suggérée par la commission régionale des Nations Unies. Une autre façon
d’exprimer cette dépendance a été le domaine du financement, car les instituts nationaux
de logement, n’ayant pas suffisamment d’autonomie économique, ont dû recourir à la
- 355 -
banque internationale qui, en l’occurrence, a imposé des conditions qui ont dégradé la
marge d’action des institutions pour orienter, dans le cadre de leurs propres objectifs,
normes et méthodologies, les programmes de logement centraméricains avec
l’approfondissement conséquent des fractures sociales.
La périodisation de ce sous-entourage est relativement courte, non seulement pour
les raisons expliquées ci-dessus, mais aussi pour les crises politiques et socio-
économiques qui ont frappé les pays d’Amérique centrale au cours de ces années et qui
se sont aggravées au cours des 25 années suivantes. Ceci est essentiel pour en tenir
compte, car il explique les raisons d’ordre structurel qui ont empêché le suivi des
recommandations émanant des événements internationaux et du Sous-comité du
logement. En outre, il faut garder à l’esprit que dans les années 1960, les espaces de
liaison se sont diversifiés, ce qui a rendu difficile le maintien d’un programme cohérent.
Nous arrivons au dernier entourage, celui des « établissements humains »,
caractérisé par l’influence des idées du « Nouvel Ordre économique international » et sa
volonté réformiste de politiques de logement social et d’urbanisme. Ce dernier, qui ne
couvre que deux ans (1975-1976) pour des raisons de délimitation de l’objet de l’étude,
a cherché à redonner aux pays pauvres leur pouvoir de choisir leurs propres priorités et
de planifier leur développement sur la base de celles-ci, en assumant l’entière
responsabilité de l’élaboration de leurs normes, instruments et modèles. Comme l’a
prouvé l’analyse des réseaux sociaux au chapitre 4, bon nombre de ces aspects n’ont pas
été nouveaux, car lors des événements de l’entourage de planification intégrale
interaméricaine, bon nombre de ces notions ont été introduites, mais elles n’ont pas été
suivies de la constance requise pour favoriser les processus d’intégration économique.
En réponse, l’entourage des établissements humains a réorienté l’approche
économiste vers celle des droits de l’homme, introduisant des notions précieuses comme
des « droits maximaux » par opposition aux « normes minimales », a redirigé l’État vers
son leadership dans la définition des politiques de logement et d’urbanisme, a délimité le
rôle de l’entreprise privée, tout en renforçant les mécanismes de participation populaire
et, enfin, il a repris le caractère complémentaire de l’assistance technique qui ne pouvait
prendre la place de l’État. Bien que des facteurs liés au contexte international, dont
l’épuisement du développement et l’émergence du néolibéralisme ainsi que les derniers
épisodes de la guerre froide, aient limité dans une certaine mesure la réalisation de tous
- 356 -
ces objectifs, une partie de l’esprit de coopération entre les pays qui avait légué la
mondialisation solidaire est restée vivante.
Savoir si ces entourages ont pu constituer une unité régionale solidaire reste à
résoudre. Il faut rappeler que ce concept fait référence non seulement aux relations et au
mouvement des acteurs, mais aussi à la construction sociale d’un territoire par des
mécanismes de territorialisation, c’est-à-dire à la manière dont les acteurs s’approprient
ou résistent aux modèles, normes et connaissances qui circulent dans les milieux sociaux.
Chacun de ces entourages s’accouple et se découple, acquérant une identité propre et
établissant ses frontières.
L’un des indicateurs de cet apprentissage de la territorialité est les
recommandations et résolutions émanant des événements internationaux. Dans
l’entourage de la planification intégrale, il a été possible de situer dans presque tous les
événements des recommandations concernant l’assistance technique, le rôle de l’État,
l’entreprise privée et l’industrie, la participation communautaire et les instruments et
modèles de planification. Cela est plus clair dans le cas de l’Amérique centrale, puisque
la Réunion du logement de 1957 est restée fortement liée à l’entourage de la planification
intégrale et s’est transformée en écho à la Réunion technique de 1956 sous tous ces
aspects. Lors de la première réunion du Sous-comité du logement en 1958, des signes de
découplage ont déjà été constatés dans des domaines tels que les instruments et modèles
d’urbanisme ou la participation communautaire, tandis que de nouvelles
recommandations sur le marché commun des matériaux de construction maintenaient
l’Amérique centrale attachée à ce point de l’agenda latino-américain.
A partir de cette année, les événements centraméricains ont été regroupés dans un
sous-entourage spécialisé dans la normalisation et la coordination modulaires, qui a
contribué au processus d’intégration économique entamé en 1952. Cette inclination a
entraîné leur découplage avec les aspects sociaux et intégrés de méthodologies telles que
l’entraide ou la capacité des unités de voisinage et des centres civiques à renforcer
l’enracinement et l’esprit communautaire des habitants pour mettre l’accent sur les
aspects techniques, économiques ou hygiénistes vieille école. De son côté, le sous-
entourage a motivé les pays d’Amérique centrale à dépendre de l’assistance technique de
la CEPALC pour mener les recherches requises dans le domaine du logement, en raison
des aspects susmentionnés. Cela signifiait, en résumé, que le développement tant attendu
- 357 -
d’une industrie de substitution des importations et son intégration régionale
conditionnaient fortement l’objectif des mécanismes de territorialisation.
Le manque d’acteurs récurrents dans ce sous-entourage l’a encore spécialisé,
d’une part parce que le petit nombre d’acteurs a pu soutenir leur agenda sans que celui-ci
soit en danger, se conformant à des espaces de liaison très fermés. De même, les acteurs
participants au sous-entourage ont été moins exposés à d’autres événements
internationaux mettant en avant des nouveautés. Cependant, il convient de souligner que
c’est pour l’instant une hypothèse, tant que d’autres espaces de liaison alternatifs comme
les COPVIDU qui ont commencé dans les années 1970 n’étaient pas analysés. Le
processus de découplage, il ne faut pas l’oublier, a également été accéléré par les crises
politiques et socio-économiques de l’isthme centraméricain qui a détérioré le
fonctionnement des institutions nationales de logement et leur capacité à se renouveler.
En raison de ces facteurs, des événements aussi importants au niveau mondial
qu’HABITAT-I n’ont pas réussi à se situer dans des positions centrales pour les
institutions d’Amérique centrale, en raison de l’absence d’acteurs et de recommandations
qui les maintenaient encastrés à ce changement de paradigme. L’entourage des
établissements humains a consolidé un relèvement générationnel où, dans le cas de
l’INVU, il n’a pas pu continuer à renouveler sa part de connaissances par le départ
d’acteurs clés et par la création d’institutions liées au logement qui ont pris leur place lors
d’événements internationaux à partir des années 1980.
On peut affirmer que l’unité régionale solidaire a existé et a fonctionné avec le
plus de succès entre 1953 et 1959, date à laquelle les acteurs ont agi de manière plus
coordonnée, grâce à leur expérience personnelle ou à leurs amitiés. La perte de leadership
de la CINVA, la disparition d’acteurs clés du réseau d’entrelacements, l’ALPRO, la
guerre froide, le programme d’industrialisation, les crises politiques et socio-
économiques des pays d’Amérique latine, y compris ceux de l’isthme, ont fracturé cette
unité régionale solidaire qui, bien qu’elle ait persisté dans certains domaines, ne l’a pas
fait aussi intégralement que ses acteurs l’avaient proposée. Les années 80 lui ont donné
le coup de grâce, le transformant en un régime de concurrence qui a forcé les villes à
« innover » et à attirer des investissements en oubliant à nouveau ce qu’Ernest
Weissmann avait dit en 1956 : que le développement économique n’était pas la même
chose que le progrès social.
- 358 -
T R O I S I È M E PA R T I E . L A P L A N I F I C AT I O N
U R B A I N E A U C O S TA R I C A .
- 359 -
VII. EXPERIENCES CROISÉES. LE DEPARTAMENT
D’URBANISME ET LE CENTRE CIVIQUE NATIONAL.
Quelques mois après la guerre civile de 1948, le journal La prensa libre annonça
en première page la visite de l’architecte Anatole A. Solow qui effectuera, à la demande
du Conseil fondateur de la Seconde République et de la municipalité de San José, « une
étude complète de l’état et du gouvernement de la ville avec des projections de son
développement futur ». Selon le quotidien, Solow est arrivé à l’aéroport de La Sabana la
veille et serait dans le pays pendant plusieurs semaines, analysant de manière exhaustive
le fonctionnement des gouvernements locaux et projetant à l’avenir « les services publics
d’ordre et de confort » dont la capitale avait besoin à l’époque. C’était la première porte
de la mondialisation utilisée par le Costa Rica, dans le domaine de l’urbanisme et dans le
cadre de la nouvelle gouvernance mondiale lancée quelques années auparavant.735
Quelques jours plus tard, un article est apparu sur la page éditoriale du même
journal intitulé « Un sacrifice. Victime : la ville », où le projet possible des autorités de
transformer la Place de l’Artillerie (Plaza de la Artillería), ce « petit rire de la ville,
témoin centenaire de la vie de la République » en parking, a été vivement critiqué.
L’auteur anonyme a ajouté,
« Aucun revenu qui pourrait représenter cette transformation de la place en un
champ réverbérant, intensément chaud, un immense four réchauffant tout le
quartier dans un large rayon, ne peut justifier la suppression de celui qui est l’un
des rares évents qui restent dans la ville de San José. La ville se développe, la
population s’agrandit, et aucun terrain n’a été laissé pour être affecté à des places
ou des parcs. Ensuite, on ne sait pas pourquoi San José est une ville malsaine »736
735
« En Costa Rica un experto en cuestiones urbanas. » La prensa libre, 14 de agosto de 1948, pp. 1 y 10;
Solow, A planning program, s.n.p.
736
« Ninguna renta que pudiera representar esa transformación de la plaza en un páramo reverberante,
intensamente cálido, un inmenso horno recalentando todo el vecindario en un amplio radio, puede justificar
la supresión de ese que es uno de los escasos respiraderos que le van dejando a la ciudad de San José. La
ciudad crece, la población se aglomera, y no se han ido dejando terrenos para destinarlos a plazas o parques.
Después no se sabe por qué San José es una ciudad insalubre. » « Temas del momento. Un sacrificio.
Víctima: la ciudad. » La prensa libre, 20 de agosto de 1948, p. 2. Traduction libre.
- 360 -
suisse: la pénurie de parcs publics, la congestion des véhicules et la croissance incontrôlée
de la ville. En plus d’offrir une résistance à la « modernité » du ciment, l’expression
« témoin centenaire de la vie de la République » est clé pour comprendre le rôle de cet
espace dans l’histoire de la ville car non seulement San José y est née au XVIIIe siècle,
mais elle a abrité l’une des expressions de la centralité de l’État : le Palais National.
Cela introduit la problématique de l’échelle locale, dans l’analyse de la circulation
des savoirs de l’urbanisme. Au niveau local, les techniciens, qu’ils soient nationaux ou
internationaux, ne sont pas les seuls à décider du sort de la ville, mais impliquent d’autres
acteurs tels que des organisations communales, des journalistes et des responsables
politiques locaux ou nationaux, des entrepreneurs, entre autres. Les instruments de
planification, tels que le plan d’aménagement et ses outils, les règlements de zonage, la
carte officielle ou les fractionnements, impliquent d’imposer des divisions
administratives et des façons de penser la ville, qui ne correspondaient pas toujours aux
citoyens qui utilisaient quotidiennement la ville ou l’intérêt des groupes sociaux
dominants.
Selon Christian Topalov, l’être humain, tout au long de son histoire, a créé des
divisions de son espace de vie pour l’homogénéiser et imposer un ordre aux individus qui
l’habitent. La différenciation de l’espace n’est pas du tout stable car elle est soumise à
des processus de lutte, de ruptures et de consensus sociaux qu’une seule carte ne révèle
pas. Le zonage en est un bon exemple, car elle impose une division au service du pouvoir.
Cet acte – diviser la ville – coexiste et se chevauche souvent avec d’autres formes
culturelles, sociales et économiques de segmentation de la ville, détonant parfois des
conflits sociaux.737 En effet, ces opérations entrent en collision avec les limites
perceptuelles de la ville ou des quartiers, avec les itinéraires choisis pour circuler dans la
ville, avec les stratégies de survie738 et avec le régime de propriété foncière.
Le présent chapitre et le chapitre 8 ont pour but d’analyser comment le Conseil
d’administration de l’INVU, en tant qu’espace de liaison local, a approprié, modifié ou
rejeté l’agenda d’urbanisme qui a circulé dans le réseau d’entrelacements, à travers quatre
737
Christian Topalov (dir.) Les divisions de la ville. (Paris: Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
2002), pp. 11-13, 607-610.
738
Luis Durán Segura. Cartografías josefinas : ventas ambulantes y espacio público. (Heredia, Costa Rica
: EUNA, 2013) ; Malavassi, « La vivienda de madera de los barrios », pp. 179-190; Rosa Malavassi, et.al.
Proyecto Barrios Costa Rica: Barrio Luján y Barrio México. (San José, Costa Rica: Ministerio de Cultura
y Juventud, Museo de Arte Costarricense, 2010).
- 361 -
études de cas: tout d’abord, le processus d’institutionnalisation de la planification
intégrale au Département de l’urbanisme et comment il a été reflété dans le projet du
Centre civique national; ensuite, les lois visant à introduire la fonction sociale de la
propriété et l’instrumentalisation des « facilités communales » en prenant comme
exemple la ville satellite d’Hatillo. Pourquoi le Conseil d’administration est-il un espace
de liaison ? Car non seulement y ont convergé une variété d’acteurs, des techniciens, des
hommes politiques ou des citoyens ordinaires, mais les dispositifs de médiation ou les
ressources sociales des entourages du réseau y ont été croisés, créant de nouvelles
matrices de connaissances qui sont à nouveau diffusées aux niveaux régional ou global à
travers les programmes d’assistance technique.
Dans le chapitre 4, j’ai fait référence à l’invitation de l’Histoire croisée à se
concentrer sur les processus d’interaction et de relation entre acteurs et objets. Cette
prémisse justifiait l’analyse des réseaux sociaux comme stratégie méthodologique et
permettait d’identifier, dans les chapitres 5 et 6, trois entourages, à savoir la planification
intégrale, l’industrialisation et le logement programmé et celui des établissements
humains, permettant également de clarifier le degré de coordination des acteurs qui ont
participé au réseau d’entrelacements qui a facilité la circulation des savoirs et des agendas
de l’échelle globale à l’échelle locale et vice versa.
Ces résultats ont complété la lecture de l’urbanisme comme objet d’étude. Compte
tenu des précieuses contributions de Werner, Zimmermann, Valérie Amiraux et Kapil
Raj, l’urbanisme doit être compris non seulement comme la mise en œuvre des prémisses
contenues dans un plan d’aménagement ou un plan directeur, mais aussi comme le produit
du croisement de divers entourages techniques avec les aspirations, les absences, les
omissions, les fantômes et les craintes liées au développement urbain. Cela implique de
le considérer non pas comme le produit d’un transfert ou d’une diffusion linéaire ou
passive, mais comme le résultat d’une « circulation des hommes [et des femmes], des
pratiques, des informations, des savoirs, des objets et des instruments ». L’approche de
l’analyse est donc d’insuffler la continuité ou le recul d’un ou de plusieurs de ses
référents, les jeux de pouvoir des acteurs et de détecter les processus d’innovation.739
739
Kapil Raj, « Connexions, croisements, circulations. Le d tour de la cartographie britannique par l’Inde,
xviiie-xixe siècles », Le Genre humain Nº 42, 1 (2004): pp. 73-98; Valérie Amiraux. « Regards croisées
sur l’Islam truc d’Allemagne. Du poids des disciplines aux contraites de l’objet », Le Genre humain, Nº 42,
1 (2004): pp. 213-236.
- 362 -
L’analyse de l’effet intégral du réseau d’entrelacements sur les politiques
d’urbanisme costaricain nécessite de nombreuses études. Cela a obligé à prendre certaines
décisions méthodologiques concernant les études de cas et l’élection des sources.
Commençons par le dernier aspect. Le présent chapitre et le chapitre 8 se fondent
essentiellement sur les livres des comptes rendus du Conseil d’administration de l’INVU,
élaborés entre 1954 et 1986 et qui figurent dans les Archives nationales du Costa Rica.
Au moment de la révision, l’ANCR ne disposait pas d’un index centralisé des livres, il
était donc nécessaire de les réviser un par un. 125 livres et 3773 comptes rendus ont
finalement été révisés, privilégiant ceux qui étaient les plus liés aux problématiques qui
seront exposés dans les pages suivantes.740
Le volume de données a obligé de délimiter l’objet d’étude uniquement à l’INVU,
bien qu’il existe d’autres institutions qui, au cours de la période, avaient des relations
étroites avec le problème du logement et du développement urbain, telles que l’École
supérieure d’administration publique d’Amérique centrale (ESAPAC), l’Institut de
développement et de conseil municipal (IFAM), le ministère du Logement et des
établissements humains (MIVAH), la Banque hypothécaire du logement (BANHVI), le
Bureau de planification nationale (OFIPLAN) et son successeur, le ministère de la
Planification (MIDEPLAN). La liste est longue. On a donc tâché, dans la mesure des
possibilités, de choisir les comptes rendus où ces voix auraient également un rôle
important, pour analyser leur croisement avec celle de l’INVU. Il faut signaler que
l’analyse privilégiera la dernière. Cependant, on a eu recours à l’utilisation non
exhaustive de la presse écrite, des rapports de mission d’assistance technique d’experts,
des mémoires de l’INVU, des rapports sur les projets de logement et d’urbanisme, des
plans, des photographies, des comptes rendus de la municipalité de San José et des
documents de la présidence de la République comme sources auxiliaires.
En ce qui concerne les études de cas, la sélection s’est partie du problème de
l’institutionnalisation. Cela a obligé à analyser le Département de l’urbanisme, l’un des
organes techniques du Conseil d’administration de l’INVU et d’où émanant la plupart des
740
Au cours du processus de révision, des omissions ont été détectées dans la transcription selon la
technique utilisée par le secrétaire de comptes rendus. Parfois il a été omis d’inclure ou de transcrire des
documents tels que des lettres, des mémos ou des rapports qui ont motivé les discussions des membres du
Conseil d’administration. Et surtout, les secrétaires ont synthétisé à plusieurs reprises les débats, manquant
ainsi des informations précieuses. D’autre part, il y avait des lacunes d’information, par exemple pour
certains mois des années 1962 et 1963, où les livres de comptes rendus n’étaient pas disponibles.
- 363 -
lignes directrices en matière de planification urbaine. L’accent a été mis sur la façon dont
les croisements entre les connaissances locales et internationales ont introduit la notion
de planification intégrale et comment elle s’est reflétée dans le projet du Centre civique
national.
Deuxièmement, il y a eu la question de la réglementation. Au cours de la révision,
il a été constaté que la plupart des discussions se sont concentrées sur la problématique
de la fonction sociale de la propriété où l’utilisation des instruments de zonage, de
fractionnement et d’urbanisation, des cartes officielles et des mécanismes de captage de
la plus-value. Le problème de la fonction sociale de la propriété s’est traduit par des
réserves de terrain pour les facilités communales et l’élargissement des voies publiques.
Le cas de la ville satellite d’Hatillo a donc été choisi pour analyser ces processus, bien
que le Plan Garcés soit mentionné comme prédécesseur. Faute d’espace, les problèmes
de normalisation et de coordination modulaire, les programmes d’effort propre et
d’assistance mutuelle ne seront pas analysés en profondeur.
Le présent chapitre est organisé comme suit. Dans la première section, les
missions techniques d’Anatole Solow et de César Garcés sont introduites comme contexte
fondamental pour la circulation des savoirs de la planification urbaine. Dans la deuxième
section, l’institutionnalisation de la planification urbaine sera analysée à travers le cas du
Département de l’urbanisme, toujours compris comme un processus de croisement du
savoir-faire provenant des programmes d’assistance technique et des connaissances
locaux, afin de clarifier la forme que la planification intégrale a prise au Costa Rica. Dans
la troisième section, le projet du Centre civique national sera analysé afin de comprendre
comment les approches de travail du Département d’urbanisme se sont reflétées dans la
transformation de la capitale et les résistances produites dans l’opinion publique, les
syndicats et d’autres institutions gouvernementales par l’instrumentalisation de divisions
de la ville qui ne correspondaient pas aux intérêts des groupes de pouvoir.
- 364 -
1. Deux architectes pour la « ville moderne ».
a) La mission technique d’Anatole Solow (1948).
L’arrivée de Solow au Costa Rica en 1948 est devenue un tournant historique pour
l’urbanisme et le logement social. Jusque-là, le pays avait connu un processus
d’internationalisation naissante de sa pratique urbaine remontant à la fin du XIXe siècle
et qui s’est poursuivi par intermittence pendant la première moitié du XXe siècle. Des
facteurs tels que l’immaturité de la politique étrangère, la manière de constituer les
délégations et le climat politique ont minimisé l’impact des congrès panaméricains
d’architecture sur l’institutionnalisation costaricaine. Pourtant, il a été possible d’observer
la présence de courants alternatifs des savoirs urbains, notamment ceux concernant le
logement social, qui a généré une institutionnalisation précoce dans ce domaine.
En ce qui concerne l’urbanisme, l’État costaricain n’a pas réussi à créer une
institution liée à cette pratique avant 1948, défaut qui a été immédiatement souligné par
Solow dans son rapport. Cependant, il y avait un conglomérat d’institutions liées à
l’urbanisme, telles que l’Institut géographique national, le Bureau de la circulation, le
Département de logement de la CCSS, le ministère des Travaux publics et les
municipalités elles-mêmes, vers lesquelles Solow s’est tourné pour obtenir des conseils
afin de comprendre les problèmes urbains qui touchaient la capitale. C’est un fait
fondamental, car il révèle que le rapport Solow n’est pas le fruit d’un travail isolé d’un
expert international, mais qu’il s’agit du croisement de savoirs sur le logement et
l’urbanisme déjà présentes dans le pays avec celles de l’architecte suisse.741 Parmi les
acteurs consultés par Solow lors de son séjour au Costa Rica, qui s’est étendu d’août à
septembre 1948, il a rencontré Gastón Bartorelli qui, à l’époque, travaillait au
Département de logement en tant que conseiller technique.
La proposition de Solow de planifier la ville de San Jose partait de la prémisse
d’une planification intégrale avec une approche métropolitaine.742 Selon les données
741
Kapil Raj a démontré que le développement de la cartographie en Inde, l’organisation commerciale,
militaire ou fiscale, entre autres, était le résultat de la rencontre d’experts, de techniques et de connaissances
indigènes avec ceux apportés par les colonisateurs britanniques, entraînant une dynamique d’adaptation et
de reconditionnement mutuel. Raj, « Connexions, croisements, circulations… » pp. 81-86.
742
Solow a consulté l’urbaniste Paul Oppermann son avis avant de publier le rapport. Oppermann a travaillé
avec Solow au sein du Comité de l’hygiène et du logement de l’APHA, comme indiqué au début du manuel
Planning the Neighborhood.
- 365 -
disponibles, Solow a été le premier à introduire la notion de l’Aire métropolitaine de San
José ou Grand San José, qui comprenait les cantons de Tibás jusqu’au canyon de la rivière
Virilla, Moravia, Goicoechea, Montes de Oca, Desamparados, Alajuelita et Escazú, qui
devait être planifiée comme une unité, sans distinction de limites administratives (Image
VII.1). Pour cela, Solow a recommandé que, sur la base de ces limites, soit défini un
district national regroupant les municipalités de ces cantons, y compris celle de San José.
D’autre part, il a appelé « zone centrale » cette zone délimitée par les Avenidas Mauro
Fernández (Nº 5), San Martin (Nº 10), et les Rues 12 et Paseo de los Estudiantes (Calle
9).743 C’est là que la définition que Solow a donnée de la planification urbaine a été clé :
« L’urbanisme moderne implique l’utilisation de nombreux outils techniques,
juridiques, administratifs et financiers pour améliorer les conditions de vie et de
travail dans et autour des zones urbaines, et pour guider le développement rationnel
des villes... et doit être complété par l’orientation et la coordination du travail de
toutes les agences publiques et privées... signifie également l’imposition de
contrôles judicieux sur l’entreprise privée pour assurer la conformité avec le plan
de développement. La planification ne devrait pas être simplement coercitive et
restrictive, elle devrait encourager et développer les activités de la part des
membres individuels d’une communauté qui mèneront à un développement urbain
meilleur et plus économique. Pour cette raison, une fonction essentielle pour
accompagner le programme est l’éducation constante du public aux saines
pratiques de planification urbaine. La planification d’une ville ne consiste pas à
préparer un plan une fois pour toutes. Une adaptation continue est nécessaire pour
guider la croissance de la ville et répondre à des conditions en constante évolution.
Par conséquent, un mécanisme administratif est nécessaire pour effectuer une
tâche continue de planification, et des lois sont également nécessaires pour rendre
le processus de planification possible et efficace. »744
743
Solow, A planning program, pp. 11-14, 16. Il semble nécessaire de se demander si Solow, comme l’a
indiqué Vives dans une étude récente, n’a été inspiré que par les principes des CIAM. Tout au long de cette
enquête, il n’a pas été possible de confirmer si Solow était un membre actif de cette organisation, mais si
ses liens avec plusieurs de ses membres, comme Robert L. Davison, qui travaillait à l’APHA, Ernest
Weissmann ou Leonard J. Currie, étudiant chez Gropius, pouvaient être identifiés. Il convient de noter, à
la lumière des données disponibles, que Solow a nourri sa pratique professionnelle de diverses sources,
dont le town planning anglo-saxon, l’urbanisme panaméricain cultivé depuis les années 1920 et, bien sûr,
les CIAM dont les connaissances sont venues indirectement, ainsi que d’autres sources qui ont circulé en
Amérique latine et aux États-Unis dans les décennies précédentes. Vives Luque, Pioneros de la
Arquitectura, p. 68-71.
744
« Modern city planning implies the use of many technical, legal, administrative, and financial tools to
improve the living and working conditions in and around urban areas, and to guide the rational development
of cities… and must be supplemented by guidance and coordination of the work of all public and private
agencies… also means the imposition of wise controls over private enterprise to insure conformity with the
development plan. Planning should not be merely coercive and restrictive, it should encourage and develop
those activities on the part of individual members of a community which will lead to better and more
economic city development. For this reason, an essential function to accompany the program is constant
education of the public in sound city planning practices. Planning a city does not consists of the preparation
of a plan once and for all. A continuous adaptation is required to guide the growth of the city and to meet
ever changing conditions. Consequently, an administrative mechanism is needed to perform a continuous
- 366 -
Cette définition rappelle à bien des égards celle promue lors des congrès
panaméricains d’architecture où le caractère interdisciplinaire, l’utilisation du plan
d’aménagement et sa mise à jour constante et le rôle central de l’État dans l’ensemble du
processus avaient déjà été suggérés. Cependant, Solow a introduit une nouveauté : le
processus de planification ne se limite pas à l’initiative privée mais la favorise,
contrairement à l'« urbanisme intégral » panaméricain qui cherchait à la restreindre et à
l’annuler.
Quant à la ville et à ses environs, Solow a exalté « la magnificence de son paysage
environnant » avertissant que la capitale josefina ne pouvait pas se permettre de se
développer dans toutes les directions et, par conséquent, tous les plantations de café
devaient être protégés comme une « ceinture verte » et les populations voisines de la ville
devaient devenir des « unités autonomes ».745 Son appréciation du paysage urbain
présente de nombreuses similitudes avec celles qui ont été faites par les voyageurs
étrangers qui ont visité le Costa Rica entre le XIXe et le XXe siècle. À cet égard, Florencia
Quesada a fait remarquer que des voyageurs comme Anders Oersted, Moritz Wagner,
Wilhem Marr, Anthony Trollope, Felix Belly, Maurice de Waleffe, entre autres,
contrastaient le caractère villageois et « arriéré » de San José avec la beauté de son
paysage, son climat bienveillant, les couleurs « vertes sucrées » de ses montagnes et
surtout les domaines de café. Le paysage était un « baume », contrairement au noyau
urbain qui était devenu une sorte de « poulpe » qui étendait ses tentacules à travers les
champs, absorbant les populations voisines et détruisant les précieuses plantations de
café.746 La différence entre ces acteurs était que Solow instrumentalisait le paysage
comme outil de planification, acquérant le nom de green belt ou de « ceinture verte » et
son statut de limite du Grand San José. (Image VII.1).
task of planning, and laws necessary to make the planning process possible and effective. » Solow, A
planning program, p. 3. Traduction libre.
745
Solow, A planning program, pp. 1 y 15.
746
Quesada, La modernización entre…, pp. 39-44, 203-206.
- 367 -
Image VII.1. Costa Rica. Grand San José, d’après Anatole Solow. 1948.
- 368 -
Le rapport Solow recommandait la mise en œuvre simultanée de programmes de
rénovation urbaine et de logement dans et autour de la capitale, sur la base du principe de
zonage. Comme nous le verrons plus loin, certains d’entre eux ont cimenté des projets
futurs, tels que le Centre bancaire, le Centre civique national ou des programmes de
rénovation urbaine de quartiers populaires tels que Barrio México, Mata Redonda et La
Cruz.747 En ce qui concerne les nouvelles zones résidentielles, il a averti que celles-ci :
« ... doivent être conçues à une échelle suffisamment grande et en tant qu’unités
complètes, afin qu’elles puissent être dotées de toutes les facilités communautaires
nécessaires telles que des écoles, des terrains de jeux pour enfants, des magasins
locaux, des églises et des centres de loisirs, en tenant compte des installations
existantes utilisables dans la mesure du possible. »748
747
Solow, A planning program, p. 17.
748
« … require to be designed on a sufficiently large scale, and as complete units, so that they may be
provided with all necessary community facilities such as schools, children’s playgrounds, local shopping,
churches, and recreations centers, taken into account usable existing facilities where possible. » Traduction
libre. Solow, A planning program, p. 31. Traduction libre. Je souligne.
- 369 -
b) La mission technique de César Garcés (1949-1953).
749
A cette occasion, le Conseil municipal a décidé de créer un « bureau d’urbanisation » doté d’un budget
annuel de ₡50 000 (cinquante mille colones), d’autoriser le gouverneur à intégrer une commission
municipale d’urbanisation et à signer un accord d’assistance technique avec l’Union panaméricaine pour
l’engagement des services de Garcés. ANCR, Municipal, signatura 11434, Acta Nº 74, 31 de agosto de
1949, fs. 78-83.
750
ANCR, Municipal, signatura 11436, Acta Nº 74, 18 de noviembre de 1949, fs. 268-269; ANCR,
Municipal, signatura 11436, Acta Nº 1, 6 de diciembre de 1949, fs. 308-309; ANCR, Municipal, signatura
11436, Acta Nº 2, 13 de diciembre de 1949, fs. 339-343. Le contrat de Garcés a été prolongé par la
municipalité de San Jose à trois reprises, le dernier étant par un accord d’assistance technique avec le
CINVA en 1952, dirigé à l’époque par Leonard J. Currie. A cette occasion, il est indiqué que les services
de Garcés seraient répartis entre la municipalité de San José et le Département de logement de la CCSS.
ANCR, Municipal, signatura 11441, Acta Nº 45, 3 de octubre de 1950, fs. 222-227; ANCR, Municipal,
signatura 11446, Acta Nº 73, 3 de abril de 1951, fs. 169-170; ANCR, Municipal, signatura 11452, Acta Nº
115, 5 de febrero de 1952, pp. 6-7; ANCR, Municipal, signatura 11452, Acta Nº 116, 12 de febrero de
1952, p. 1; ANCR, Municipal, signatura 11452, Acta Nº 120, 4 de marzo de 1952, pp. 3-4.
751
ANCR, Municipal, signatura 11441, Acta Nº 48, 17 de octubre de 1950, fs. 289-290.
752
ANCR, Municipal, signatura 11442, Acta Nº 55, 21 de noviembre de 1950, fs. 1-3. Parmi les pays
d’Amérique centrale, le seul institut de logement qui était opérationnel était l’Institut du logement urbain
- 370 -
de modèle de Françoise Choay753, Solow a averti que toutes les villes possédaient leurs
propres caractéristiques et que toute solution devait donc être conforme à ces conditions
particulières, recommandation qui a été réitérée lors des événements internationaux
analysés dans les chapitres précédents.754
du Salvador, qui a été inauguré la même année en tant que dépendance du ministère des Travaux publics
de ce pays et qui s’est démarqué par ses projets et recherches de logements minimum et moyen. Si les
missions techniques effectuées par Solow et Rafael Picó entre 1949 et 1950 ont recommandé la création
d’une direction de l’urbanisme, au moment où le séminaire s’est déroulé, il n’avait pas encore été constitué,
ce faisant le bureau d’urbanisme de la municipalité de San José le premier de l’Amérique centrale. Unión
Panamericana, La vivienda de interés social, pp. 68-69.
753
Choay defina le modèle comme « … des traits spatiaux délocalisés et reproductibles, relève, au contraire,
exclusivement de l’ordre humain et d’un strict système de normes culturelles. » Choay. La règle et le
modèle, pp. 173, 184-185.
754
Solow, A planning program, p. 4.
- 371 -
En tant que chef de la section de l’urbanisme, César Garcés avait pour
responsabilité, entre autres, d’organiser ce bureau et d’élaborer le plan d’aménagement
de la ville de San José, plus tard connu sous le nom de Plan Garcés. Bien qu’il n’ait pas
été possible de récupérer tous ses contenus755, le Plan des voies publiques principales qui
visait à étendre, rectifier et organiser le système de transit automobile de la capitale a pu
être localisé. Le rapport Solow recommandait l’extension des rues et avenues josefinas756,
établir des normes en matière d’alignement des bâtiments et construire une série de
boulevards et de ronds-points qui accostaient la périphérie de centre-ville.757
Pour des raisons d’espace, une analyse détaillée du Plan Garcés ne sera pas
effectuée ici, mais il convient d’en présenter quelques éléments. Le plan a certainement
été controversé et la municipalité a dû répondre à de nombreuses plaintes. Par ailleurs,
comme le signalent les comptes rendus municipaux, le Conseil a soutenu à la quasi-
unanimité le plan et l’a respecté dans toutes ses portées. Mais tous les membres du Conseil
n’étaient pas d’accord pour que les taxes municipales soient utilisées pour l’achat de
biens, alors qu’il restait encore beaucoup d’autres problèmes à résoudre, tels que le
manque d’eau, l’entretien des routes et, surtout, l’itinérance pour les secteurs populaires.
Comme nous le verrons plus loin, les discours contre le Plan ont basculé entre les
changements apportés au régime de la propriété privée et la question sociale.
755
Une description du plan peut-être consulté en ANCR, Municipal, signatura 11463, Acta Nº 169, 30 de
enero de 1953, fs. 59-65.
756
Avec quelques différences mineures, le Plan Garcés a repris ces suggestions et hiérarchisé la largeur des
rues et des avenues, les principales étant de 24 mètres de large et les secondaires de 19 mètres de large.
Cependant, le changement le plus radical contenu dans le plan a été l’élargissement de l’Avenue Centrale,
qui devait être rectifié jusqu’à atteindre 24 mètres de large jusqu’à la 9ème rue, appelée Paseo de los
Estudiantes, ce qui exigeait que toute propriété située sur cette avenue respecte une ligne de construction
de 2,25 m. ANCR, Municipal, signatura 11445, Acta Nº 64, 26 de enero de 1951, fs. 311-321.
757
Solow, A planning program, pp. 19-24. L’une des recommandations les plus controversées de Solow a
été le retrait du tramway de la ville de San Jose, qui fonctionnait depuis 1899 dans la ville. Le service était
composé de deux lignes principales, l’une d’ouest à l’est reliant La Sabana à San Pedro et du nord au sud,
de la ville de Guadeloupe à la gare du Pacifique. D’autres branches ont été introduites pour relier certains
espaces de la ville tels que Barrio México, les Cimetières ou le Lycée du Costa Rica. Le tramway a été
fermé en 1950 à la suite des recommandations de Solow, entre autres raisons. Avendaño Flores. « El tranvía
de San José… », pp. 44-56.
- 372 -
Image VII.3. Maurice Rotival. Date inconnue.
Source : William Bernstein. « From Paris to New Haven : Maurice Rotival and the long
durée of Urban Renewal. » MSSA Kaplan Prize for Use of MSSA Collections. 10. Consulté
le 20 juin 2021. URL :
https://elischolar.library.yale.edu/mssa_collections/10
758
Le chapitre 4 mentionnait que l’un des « célèbres étrangers » d’après Almandoz, à savoir Maurice
Rotival, travaillait au Costa Rica en 1954 dans une mission technique de l’ONU coordonnée par l’ESAPAC.
Selon Carola Hein, Rotival était étudiante auprès d’urbanistes français de premier plan tels qu’Eugène
Hénard et Henri Prost; a établi des liens avec Le Corbusier, Carlos Raul Villanueva, Wallace Harrison et
avec des personnalités politiques et commerciales comme Charles de Gaulle et Nelson Rockefeller. Parmi
ses interventions les plus importantes en Amérique latine a été son plan monumental de Caracas projeté en
1939, qu’il a réalisé en collaboration avec Jacques Lambert, à l’invitation de la direction de l’urbanisme
créée par le général et également gouverneur de Caracas Elbano Mibelli. L’élargissement de la Deuxième
Avenue de San José a été inséré, dans la pratique de l’urbaniste français, dans l’idée de créer des « axes »
de véhicules inspirés des Champs-Elysées à Paris, symbolisant le progrès de la ville et s’adaptant aux
exigences de la circulation automobile de l’époque. Au cours de sa visite, la municipalité de San Jose a
coordonné la location d’un avion afin que Rotival puisse commencer ses études sur la région métropolitaine.
ANCR, Municipal, signatura 11471, Acta Nº 25, 25 de mayo de 1954, f. 1; Carola Hein. « Maurice Rotival:
- 373 -
transformation radicale de cette voie et de ses espaces environnants, se perdant dans le
processus des bâtiments historiques tels que l’Université de Saint-Thomas ou le Sagrario
de la Cathédrale Métropolitaine, qui ont suscité de nombreux débats jusque dans les
années 1970.759
Le rapport Solow et le Plan Garcés ne peuvent être considérés séparément, mais
doivent être compris comme une unité. Le dernier en date a dû résister à l’embarras de
l’opinion publique et aux doutes du Conseil municipal, car il est le résultat du croisement
d’un savoir-faire nouveau, dans une certaine mesure, pour le contexte costaricain et
l’attitude conservatrice de certains membres de la municipalité et d’un secteur
commercial qui serait affecté par l’intervention directe dans leurs propriétés.
Le rapport Solow a été présenté comme une excellente occasion de moderniser
San José, mais la discussion sur les coûts politiques, économiques, politiques et culturels
que ce rapport entraînerait a brillé par son absence à l’époque. L’urbanisme costaricain
avant 1954 est le résultat de divers processus de lutte interne, mais aussi de consensus
entre les savoirs locaux de l’organisation de l’espace urbain, le discours et les intérêts tant
politiques que privés et les connaissances qui ont pu circuler à travers les programmes
d’assistance technique dans leurs différentes modalités. Ce processus de croisement des
savoirs et des expériences se reflétera dans la conception et l’organisation du département
d’urbanisme de l’INVU, qui sera analysé ci-après.
La phrase qui sert de titre à cette section peut être considérée comme l’un des
fantômes de l’urbanisme costaricain. Elle contient un débat qui n’est pas terminé jusqu’à
présent et qui révèle le caractère inachevé des institutions costaricaines face à l’immense
travail de programmation de la croissance des villes. La priorité de traiter le problème du
logement avait des raisons historiques. Depuis le début du XXe siècle, l’État libéral est
intervenu dans cet aspect de la question sociale.
French planning on a world scale (Part I). » Planning Perspective, 17:3 (2002): 247-265; Carola Hein.
« Maurice Rotival: French planning on a world scale (Part II). » Planning Perspective, 17 (2002): 325-344.
759
Chester Urbina Gaitán. « Imposición política, Iglesia y modernización urbanística. El caso de la Avenida
Segunda de San José. (1951-1972). » Revista de Ciencias Sociales, 143 (1) (2014): pp. 170-174.
- 374 -
Parallèlement, les secteurs populaires organisés en syndicats, en conseils
progressistes et plus tard en partis politiques tels que le Parti réformiste760 et le
communiste ont rendu publiques les conditions de vie épouvantables des ouvriers, le
manque de services de base et les prix élevés des loyers, incitant l’État à créer un corpus
juridique axé sur la location, la définition de normes minimales, la promotion de
programmes de logements bon marché et, en fin de compte, la création des premières
institutions de logement populaire.761
Cette trajectoire a exercé une influence notable sur l’exposé des motifs de la loi
organique de l’INVU rédigé par le ministre de l’Économie et des finances Jorge Rossi.
Appuyé sur ce contexte, le discours de développement et la lutte contre le communisme
ont justifié, selon lui, l’action de l’État dans ce domaine, que l’initiative privée n’avait
pas pu résoudre seule. Toutefois, il a reconnu que le logement ne devait pas être considéré
de manière isolée, car il impliquait des éléments aussi bien naturels que culturels,
économiques et sociaux dont il fallait tenir compte.762
Les données disponibles suggèrent que la loi organique de l’INVU est le fruit de
divers croisements et collaborations: l’expérience personnelle des rédacteurs de la loi,
Arnoldo Jiménez Zavaleta et Julio Ruiz; la collaboration d’Ernest Weissmann et Rafael
Picó en tant que consultants du projet de loi; les diagnostics de logement au Costa Rica
effectués par Rafaela Espino et Leonard J. Currie en tant qu’experts en mission technique
du Point IV en 1951; et vingt ans d’expérience des congrès internationaux qui
demandaient aux gouvernements « un intérêt direct à résoudre ce problème ».763
Toutefois, la loi organique de l’INVU ne définissait que les fonctions du Conseil
d’administration, de l’Audit et la Direction. C’est à cette dernière qu’il appartenait
d’organiser la structuration de l’urbanisme au sein du nouvel Institut. Le 28 septembre
1954, Rodrigo Carazo créa la section de l’urbanisme au sein du Département des plans et
760
Marina Volio. Jorge Volio y el Partido Comunista. (San José, Costa Rica: EUNED, 1983); Virginia
Mora Carvajal. « Mujer e historia: La obrera urbana en Costa Rica (1892-1930). » (Tesis de Licenciatura
en Historia, Universidad de Costa Rica, 1992); Victoria Ramírez Avendaño. Jorge Volio y la revolución
viviente. 1ª ed. (San José, Costa Rica: Ediciones Guayacán, 1989).
761
Malavassi, « La vivienda de madera de los barrios », pp. 109, 215-217, 224-242, 257-260; Calderón,
« El problema de la vivienda… », pp. 155-169.
762
INVU. Primera Memoria 1954. Periodo comprendido entre el 1 de octubre y 31 de diciembre de 1954.
(San José, Costa Rica : El Instituto, 1954), pp. 1-3.
763
Eduardo Jenkins Dobles. « Vivienda popular en Costa Rica. » (Tesis de incorporación, 1953), p. 3;
Rafaela Espino y Leonard J. Currie. « La vivienda en Costa Rica. » (Massachussets: Technical Cooperation
Administration- The Architects Collaborative – Housing and Home Finance, 1951) ; INVU, Memoria 1954,
pp. 6-7.
- 375 -
des travaux, qui avait des fonctions multiples, dont l’élaboration des plans
d’aménagement pour les villes du Costa Rica. À l’époque, l’ingénieur Óscar Cadet était
le chef du département des plans et des travaux.764
Entre 1954 et le milieu de 1955, la position du Conseil d’administration à l’égard
de la section de l’urbanisme a beaucoup changé. Les observations d’Eduardo Jenkins sur
les plans d’aménagement et, d’autre part, le travail d’Antonio Cruz Kayanan, expert de
la mission technique de l’ONU, qui travaillait à l’INVU à cette époque, y ont contribué.765
Lors de la discussion sur le plan d’aménagement de la ville portuaire de Puntarenas située
dans le Pacifique costaricain, plusieurs membres du Conseil ont déclaré que les travaux
de l’Institut devaient être uniquement et exclusivement destinés à fournir une assistance
technique aux municipalités.766 Un jour plus tard, Jenkins, toujours fonctionnaire au
Département du logement de la CCSS, a fait part de ses préoccupations au sujet de la
position de l’INVU à l’égard de la question des plans de d’aménagement :
« Pour l’application effective des plans d’aménagement élaborés par cette
institution ou toute autre entité après approbation de la municipalité
correspondante, il est indispensable d’avoir le pouvoir légal de réglementer
l’utilisation des terres sur sa propriété privée aux fins de l’établissement de lignes
de construction sur les voies publiques et du zonage fonctionnel de la ville. Je
considère qu’il est urgent de préciser si la loi organique... le permet également,
comme cela semble logique, d’obliger les propriétaires à utiliser leurs terrains
comme indiqué dans la planification ou d’arrêter toute construction qui ne soit pas
conforme aux dispositions prises sans qu’il y ait possibilité de réclamations pour
dommages ou demandes d’achat immédiat. »767
764
ANCR, Actas INVU, signatura 27, Acta Nº 4, 28 de setiembre de 1954, f. 13.
765
Antonio Cruz Kayanan a été le premier expert en mission d’assistance technique en urbanisme affecté à
l’INVU par l’ONU. Kayanan, un ressortissant philippin et formé au MIT, a été un membre fondateur de la
Société de planification de Porto Rico et a travaillé comme conseiller à l’ONU, aux côtés de Weissmann et
Sert. Son séjour dans le pays a été d’environ 7 mois, de décembre 1954 au 13 juillet 1955, selon une lettre
adressée à Rodrigo Carazo, Ernest Weissmann et Eric Carlson cinq jours avant leur départ. ANCR, Actas
INVU, signatura 27, Acta Nº 23, 7 de diciembre de 1954, fs. 156-157; Antonio Cruz Kayanan. Elementos
propuestos de una ley básica de planificación en Costa Rica. (San José, Costa Rica: INVU, 1955), s.n.p;
Tarchópulos. « La unidad vecinal: objeto… », p. 133; INVU, Memoria 1955, p. XI; Vale, Changing Cities,
p.15
766
ACNR, Actas INVU, signatura 27, Acta Nº8 15 de octubre de 1954, fs. 44-45. Oriester Abarca, Jorge
Bartels, Juan José Marín. El Pacífico Central y Sur de Costa Rica. 1821-1950. 1ª ed. (San José, Costa Rica:
Alma Máter, 2010).
767
« Para la efectiva Aplicación de los Planes Reguladores que elabore esta Institución o cualquier otra
entidad previa aprobación de la Municipalidad que corresponda, es imprescindible contar con la facultad
legal de Regular el uso de la tierra en su propiedad privada para el efecto de establecer líneas de
construcción en las vías públicas y de zonificar la ciudad funcionalmente. Considero de urgencia clarificar
si la Ley Orgánica… lo faculta también, como parece lógico, para obligar a los propietarios a usar sus
terrenos según indica la planificación o a detener cualquier construcción que no se ajuste a las disposiciones
adoptadas sin que haya posibilidad de reclamos por daños o demandas de compra inmediata. » ANCR,
Actas INVU, signatura 27, Acta Nº 8, 15 de octubre de 1954, f. 46. Le soulignement est original. Traduction
libre.
- 376 -
Ce mémorandum a alerté l’Institut sur un problème fondamental qui avait, dans
l’immédiat, des implications substantielles pour son fonctionnement. Quelques mois plus
tard, Kayanan a fait part au Conseil d’administration de sa contrariété d’apprendre
qu’aucun budget n’avait été alloué à l’urbanisme. Cette critique n’a pas été entièrement
bien accueillie : Carazo a souligné qu’aucun poste ne serait affecté « de manière
spécifique, en aucune occasion » car l’Institut devait se concentrer sur la fourniture d’une
assistance technique aux municipalités. D’autre part, Cadet a noté que « la chose la plus
importante pour le moment est de faire des maisons, ce qui est ce que les gens attendent.
Ensuite, on pourra penser au reste. »768
Si la maxime de Cadet est restée dans le cœur et l’esprit de ce Conseil
d’administration et des postérieurs, la dynamique des travaux d’urbanisme n’a fait
qu’augmenter. En cela, le travail d’Eduardo Jenkins a été vital, rejoignant la Section
d’urbanisme au début de 1955 et a encouragé la collaboration interinstitutionnelle, la
demande de plans d’aménagement pour les villes en dehors de la vallée centrale769,
l’installation d’un conseil d’urbanisme local à Limón, ville portuaire du Caraïbe
costaricain et la proposition d’un cours de logement et d’urbanisme pour l’Université du
Costa Rica.770
En outre, les premiers formulaires de bourses offerts par des organismes tels que
l’ONU et le Point IV, qui ont été informés par le ministère des Affaires étrangères, ont
commencé à arriver et l’accord d’assistance technique avec le Point IV a été promu, où
deux spécialistes ont été sollicités, l’un en urbanisme et l’autre en construction pour lancer
un projet de démonstration d’entraide, ainsi que quatre bourses pour des fonctionnaires
de l’INVU.771 Enfin, la recommandation de Gastón Bartorelli selon laquelle Kayanan
devait rester plus longtemps dans le pays était essentielle, notamment pour les raisons
768
ANCR, Actas INVU, signatura 27, Acta Nº 23, 7 diciembre de 1954, pp. 156-157.
769
Jenkins a très tôt promu une collaboration étroite avec l’Institut geographique national pour faire face
aux études des plans de réglementation et à la réserve future de terrains de l’institut. ANCR, Actas INVU,
signatura 28, Acta Nº 40, 1 de febrero de 1955, fs. 81-82.
770
Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 43, 15 de febrero de 1955, fs. 90-92; Bonilla, « Circulación de
saberes del urbanismo… », pp. 93-94.
771
Le protocole d’entente a été signé par Rodrigo Carazo et Jasper Costa le 22 mars 1955. Les négociations
ont été menées par la directive Elsa Orozco, Gaston Bartorelli, Óscar Cadet, Eduardo Jenkins, Antonio C.
Kayanan et José Manuel Salazar. Peter M. Moncy et Leonard Kornfeld ont participé en répresentation du
Point IV. L’accord définitif a eté signé le 14 juin 1955. ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 34, 11
de enero de 1955, f. 39; ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 41, 3 de febrero de 1955, f. 85; ANCR,
Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 50, 3 de marzo de 1955, fs. 163; ANCR, Actas INVU, signatura 28,
Acta Nº 56, 24 de marzo de 1955, fs. 238-239.
- 377 -
évoquées, car elle confirme l’étendue de son réseau personnel et sa connaissance des
travaux du Conseil de planification portoricain et de l’ONU:
« M. Bartorelli est heureux de présenter cette demande. Il a rencontré M. Kayanan
avant son arrivée dans le pays. A Porto Rico, on l’apprécie beaucoup, comme dans
les milieux des Nations Unies, pour ses vastes connaissances en matière
d’urbanisme et de logement. Il possède une grande expérience des programmes
menés en Asie et pourrait être utilisé pour la réalisation d’un programme
concret. »772
772
« El señor Bartorelli se siente complacido de plantear esa solicitud. Conoció al señor Kayanan antes de
llegar al país. En Puerto Rico se le aprecia mucho, lo mismo que en los círculos de las Naciones Unidas,
por sus amplio conocimientos en materia de urbanismo y vivienda. Tiene una vasta experiencia sobre
programas llevados a cabo en Asia, y se podría aprovechar para la realización de un programa concreto. »
ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 57, 29 de marzo de 1955, f. 248. Traduction libre.
773
ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 60, 6 de abril de 1955, f. 291.
774
ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 59, 5 de abril de 1955, fs. 278-279. Cet accord fut refusé
par la Municipalité du San José. INVU, Memoria 1955, p. X-XI.
775
« Las relaciones del Instituto con la Municipalidad deben orientarse en tal forma que sea posible
mantener equipos de trabajo que se dediquen a la planificación del área metropolitana… Su criterio es el
de que en el futuro, el Departamento de Urbanismo cuya creación ahora propone formalmente a los señores
Directores, pase a ser una institución con atribuciones suficientes y amplias para llevar a cabo los proyectos
de planificación. » ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 85, 23 de junio de 1955, fs. 19-20.
- 378 -
Sa création a officialisé les tâches de l’INVU en la matière et a clôturé son épisode
de « chrysalide » institutionnelle. Il a été possible de noter que pendant les premiers mois
de fonctionnement de l’Institut, il y a eu un attachement à la question sociale du logement,
qui a commencé à être nuancée par l’action de Jenkins, Kayanan et Bartorelli qui ont
chacun incarné, dans leurs rôles, le processus de circulation des savoirs de l’urbanisme
ainsi que le croisement entre les échelles mondiales et locales. Il faut souligner Kayanan
dans cette dynamique car il avait un lien direct avec Weissmann, Eric Carlson et Josep
Lluís Sert qui, sauf le dernier, faisaient partie du réseau d’entrelacements. Grâce à eux, le
principe de la planification intégrale avec une approche métropolitaine a pris de
l’ampleur, et il guide les travaux de l’Institut dans les années suivantes.
776
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 87, 30 de junio de 1955, fs. 25-27.
777
Kayanan, Elementos propuestos para…, p. 7-8.
778
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 113, 29 de setiembre de 1955, fs. 186-187; ANCR, Actas
INVU, signatura 29, Acta Nº 120, 25 de octubre de 1955, fs. 255-256.
- 379 -
avaient été refusées par la municipalité, a été signalé comme l’un des obstacles dans le
travail du Département d’urbanisme qui l’a forcé à se concentrer sur d’autres localités,
même si la priorité était de s’occuper de l’Aire métropolitaine.779
La présentation du rapport final de l’ESAPAC, qui a coïncidé avec la mission
d’assistance technique de Solow à l’INVU, a fini par consolider l’approche
métropolitaine du Département d’urbanisme telle qu’elle est indiquée dans l’intervention
de Carazo devant le Conseil d’administration :
« Il indique que l’installation de la ville satellite a été étudiée, en liaison avec M.
Solow. Ces études ont été très utiles. Le design, qui sera ce que feront les
urbanistes de l’institution, sera le dernier... Les réunions sont organisées par M.
López Gallegos et M. Eric Carlson de l’ESAPAC pour qu’ils donnent des idées et
coordonnent la ville satellite avec le reste de la région métropolitaine. Grâce à ces
études, il a été définitivement possible de déterminer que les problèmes de la
région métropolitaine ne peuvent être résolus qu’en travaillant ensemble. Ainsi, la
proposition de l’ESAPAC est tout un défi que l’Institut doit relever. Si une équipe
de travail doit être intégrée pour la planification de la ville satellite, pourquoi ne
pas obtenir des 9 municipalités un accord régional pour leur contribution, par
lequel elles recevront des règlements de zonage appropriés, des rues, etc. ? »780
779
ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta Nº 174, 10 de mayo de 1956, f. 209.
780
« Informa que se ha estado estudiando, en unión de Mr. Sollow(sic), acerca de la instalación de la ciudad
satélite. Esos estudios han sido de gran provecho. El diseño, que será lo que harán los urbanistas de la
Institución, será lo último…A las reuniones están concurriendo el Dr. López Gallegos y el señor Eric
Carlson de ESAPAC para que den ideas y coordinen la ciudad satélite con el resto del área metropolitana.
A través de esos estudios se ha podido determinar definitivamente que los problemas del Área
Metropolitana solo se puede resolver trabajando unidos. De manera que la proposición de la ESAPAC es
todo un reto que debe aceptar el Instituto. Si se ha de integrar un equipo de trabajo para la planificación de
la ciudad satélite, por qué no lograr de las 9 municipalidades un acuerdo regional para su aporte, por el que
recibirán adecuados reglamentos de zonificación, calles, etc.? » ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta
Nº 191, 12 de julio de 1956, fs. 382-384. Traduction libre.
781
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 137, 22 diciembre de 1955, f. 392; ANCR, Actas INVU,
signatura 30, Acta Nº 166, 12 de abril de 1956, fs. 149-150; ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta Nº
182, 12 de junio de 1956, f. 263; ANCR, Actas INVU, signatura 31, Acta Nº 204, 30 de agosto de 1956, fs.
59-60; ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 258, 5 de marzo de 1957, fs. 122-123.
- 380 -
prenne les mesures qu’elle juge appropriées pour y être présente... Démontrer aux
autres pays ce qui est fait au Costa Rica, en utilisant ce forum pour exposer leur
programme national. Que ce gouvernement et cette institution prennent un certain
leadership pour obtenir la coopération interaméricaine. »782
782
« Se considera así que el Centro [Interamericano de Vivienda] y la Dirección de vivienda popular del
INVU, se vincularán más con Instituciones de vivienda y planeamiento del resto del continente, para hacer
más efectiva la cooperación y la investigación a través del Centro… De manera que ha querido llamar la
atención en forma especial sobre esa reunión y sugerir que esta Institución tome las medidas que considere
apropiadas para estar presente en ella… Demostrar a los demás países lo que se está haciendo en Costa
Rica, utilizando ese foro para exponer su programa nacional. Que este gobierno e Institución tomen cierto
liderato para obtener la cooperación interamericana. » ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta Nº 194, 24
de julio de 1956, f. 414. Traduction libre.
783
ANCR, Actas INVU, signatura , Acta Nº 299, 26 de julio de 1957, fs. 486-488.
784
INVU. Memoria 1958, p. IV; ANCR, Actas INVU, signatura , Acta Nº 299, 26 de julio de 1957, fs. 488-
489; INVU, « Planeamiento Urbano ». Memoria 1957, 1-3.
- 381 -
Image VII.4. Costa Rica. Structure du Département d’urbanisme de l’INVU.
1957.
Source : ANCR, Actas INVU, signatura , Acta Nº 299, 26 de julio de 1957, f. 488; INVU, Memoria
1957, p. 175.
785
« … él está convencido de que si bien el Distrito Nacional simplificaría cosas no conviene en Costa Rica
ya que eliminaría el Gobierno Local que indudablemente tiene su importancia. Se ha creído conveniente
buscar una solución intermedia como es la de que los cantones deleguen en un organismo central
determinadas funciones. Este organismo podría ser el INVU o bien el Consejo de Representantes de la
OPAM. El arraigo del grupo de la localidad los obliga a atender problemas de poca monta, por lo que es
- 382 -
Il faut ajouter à la citation précédente que la création d’un tel district impliquerait
une lutte de pouvoir entre le gouvernement et les municipalités avec lesquelles l’INVU
avait eu du mal à coordonner les efforts de planification. Au moins jusqu’au début des
années 1960, l’OPAM a fonctionné avec un succès relatif dans diverses études, l’une des
plus pertinentes étant l’étude pour l’eau potable de la région métropolitaine de San José,
qui a été réalisée par une accord d’assistance technique avec le Point IV et dans laquelle
Edmond Hoben et Francis Dimond ont intervenu.786 Une campagne de sensibilisation a
même été réalisée entre les conseils progressistes de la région métropolitaine et les
municipalités, qui ont modifié leurs conseils municipaux lors des élections de 1958.787
Cependant, à partir de 1960, l’OPAM a commencé à donner des signes de rupture,
spécialement par l’élimination de la section d’urbanisme de la Municipalité de San José,
sa séparation de l’OPAM qui a été suivie par d’autres municipalités et la crise économique
dont plus de détails seront donnés dans le chapitre suivant.788
Entre 1960 et 1968, le département de l’urbanisme est entré dans une période de
tribulation. La planification de la région métropolitaine a cessé à partir de 1962, bien que
des projets tels que le Centre civique soient restés opérationnels. L’OPAM a été fermée.
Le personnel a été réduit et les salaires ont été gelés.789 Et, selon les informations
disponibles, l’existence du Département de l’urbanisme au sein de l’Institut a été remise
en question pour la première fois. Les responsables de l’urbanisme, en collaboration avec
leurs collègues du Département des plans et des travaux, ont défendu le travail
d’urbanisme face à ces questions, faisant appel à leur parcours dans les réseaux
internationaux auxquels ils participaient déjà :
importante el Gobierno Local. » ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 299, 26 de julio de 1957, fs.
491-492. Traduction libre.
786
ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 299, 26 de julio de 1957, fs. 491-492.
787
Cette analyse a été réalisée par la société Rader and Associates et ses résultats ont été utilisés pour la
fondation du Service national des eaux et des égouts (SNAA). ANCR, Actas INVU, signatura 33, Acta Nº
334, 28 de noviembre de 1957, fs. 313-314; ANCR, Actas IBVU, signatura 35, Acta Nº 415, 11 de
setiembre de 1958, fs. 98-99; ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta Nº 470, 24 de marzo de 1959, f. 280;
ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta Nº 461, 24 de febrero de 1959, fs. 156-158; OPAM. Informe sobre
un sistema de agua potable para el Área Metropolitana de San José, Costa Rica. (San José, Costa Rica: El
Instituto – Radder & Associates, 1959).
788
ANCR, Actas INVU, signatura 48, Acta Nº 1189, 9 de marzo de 1965, fs. 540-543; INVU, Memoria
1958, p. III.
789
ANCR, Actas INVU, signatura 71, Acta Nº 2250, 8 de mayo de 1972, fs. 19-24.
- 383 -
« ... nous n’avons pas la vanité de croire que notre organisation, ainsi que celle de
notre Institut, qui a servi de modèle aux instituts similaires du Nicaragua, du Honduras
et du Panama, et dont le nom est mentionné avec respect dans le reste du continent,
ne sont pas susceptibles d’être encore améliorées ; au contraire, nous avons toujours
été attentifs à recevoir la critique constructive qui a un certain fondement. »
790
« … no tenemos la vanidad de creer que nuestra organización, así como la de nuestro Instituto, que ha
servido de modelo para los institutos similares de Nicaragua, Honduras y Panamá, y cuyo nombre se
menciona con respeto en el resto del Continente, no sea susceptible de mejorarse aún más; por el contrario,
siempre hemos estado atentos a recibir la crítica constructiva que tenga algún fundamento.
Consideramos que las labores de vivienda no deben realizarse a expensas de las de urbanismo, como
tampoco los gastos de urbanismo deben cargarse a las viviendas, porque si así fuera, se estaría cargando
sobre un reducido sector, el más necesitado por cierto, los estudios de desarrollo urbano, servicios públicos
(agua, cloacas y otros), vías públicas, facilidades comunales, localización industrial, zonificación,
urbanización, etc., que son del interés de la comunidad entera. ¿Que estos estudios son poco conocidos?
¿Que son difíciles de entender por un sector del público? No por eso desmerecen su valor, y antes bien, lo
que corresponde es darles una mayor divulgación » ANCR, Actas INVU, signatura 42, Acta Nº 741, 21
noviembre de 1961, fs. 234-236. Traduction libre.
- 384 -
Planification urbaine et la défense que ses fonctionnaires feront, une fois de plus, de
l’importance du Département de l’urbanisme pour l’aménagement des villes
costaricaines.
791
Archive de l’Asamblée legislative (AAL), Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine,
« Sesión extraordinaria Comisión Permanente de Asuntos de Gobierno y Administración », 30 de setiembre
de 1966, f. 29.
792
Elle est définie comme « le processus continu et complet d’analyse et de formulation de plans et de
règlements relatifs au développement urbain, visant à assurer la sécurité, la santé, le confort et le bien-être
de la communauté ». AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, f. 313.
793
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, fs. 86-89, 313,315-322, 336-338.
- 385 -
proposé la base d’une loi, qui a ensuite été adaptée par Jenkins et Zavaleta, et enfin, les
experts en mission technique du Point IV, William I. Goodman et Francis Dimond, qui
ont suggéré d’introduire dans le texte les différences entre la planification nationale et la
planification locale.794
Comme cela a été mentionné tout au long de ce travail, la planification nationale
a été principalement encouragée lors de la mise en œuvre de l’ALPRO et, bien que la
création des plans nationaux de développement ait déjà été introduite lors des réunions
techniques de 1956 et 1958, ce n’est que dans les années 1960 que les gouvernements ont
institutionnalisé cette pratique pour obtenir les fonds du programme continental.
Toutefois, les efforts visant à centraliser les permis de construire et la définition de l’Aire
métropolitaine contenue dans la loi sont deux aspects où la persistance de l’approche
métropolitaine est clairement décelée, ce qui retarde quelque peu la mise en œuvre de
l’approche régionale.795
Parallèlement à ce renforcement de la Direction de l’urbanisme, il y a eu le
premier Code municipal qui a consolidé l’autonomie et le financement des municipalités.
En outre, les revenus de l’impôt territorial leur ont été fournis et l’IFAM a été créé, qui a
pris la responsabilité de transférer ces revenus aux municipalités. Le Code lui a assigné
des fonctions d’urbanisme et d’aménagement régional, qu’il devait remplir en tant que
soutien à l’OFIPLAN et à l’INVU.796 Par ailleurs, à partir du 4 mai 1971, la loi 4760
instituant l’Institut mixte d’aide sociale (IMAS) est entrée en vigueur et visait à affecter
des fonds à la lutte contre l’extrême pauvreté et, par l’intermédiaire de son département
des travaux et du logement populaire, a développé ses propres programmes de logement
d’intérêt social. L’IFAM et l’IMAS ont doublé les efforts de l’INVU en matière de
logement et d’urbanisme.797
794
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, INVU. « Anexo A. Análisis de las
disposiciones del proyecto. », fs. 116-117; « Anexo D. Colaboración de asesores extranjeros. », f. 147-149.
795
ANCR, Actas INVU, signatura 56, Acta Nº 1816, 23 de mayo de 1969, fs. 404-410; ANCR, Actas
INVU, signatura 64, Acta Nº 2080, 4 de abril de 1971, fs. 556-568; ANCR, Actas INVU, signatura 65,
Acta Nº2105, 3 de mayo de 1971, fs. 45-61.
796
Carlos Araya Pochet. « El régimen municipal en la óptica jurídico-constitucional (1949-1999). » Revista
de Historia, Nº 41 (2000): pp. 84-85; Jorge Enrique Romero Pérez. « El Instituto de Fomento y Asesoría
Municipal. » Revista de estudios de Administración local y autonómica. Nueva época. (1973): pp. 531-532.
Le projet de l’IFAM a reçu le soutien financier de l’USAID.
797
Javier Rodríguez Sancho. « Las políticas sociales en materia de pobreza y su institucionalización en
Costa Rica: 1970-1978. Una aproximación histórica al Instituto Mixto de Ayuda Social. (IMAS) ». (Tesis
de Maestría Académica en Historia, Universidad de Costa Rica, 2012), pp. 229-268.
- 386 -
La période qui a commencée en 1970, loin de contribuer à la consolidation de la
Direction de l’urbanisme et de ses travaux, l’a plongée dans une intense impulsion par
son existence devant le Conseil d’administration de l’INVU, qui a conduit à un processus
de changement au sein de l’institution: la firme chilienne Quásar a envoyé ses conseillers
techniques Agustin Venegas Alhucema, Enrique Cabrera et Sergio Leñero pour
participer, tout d’abord, à la définition d’un plan national de logement populaire, puis au
conseil de la firme Peat Marwick & Mitchell (PM&M) qui a envoyé l’ingénieur Reinaldo
Escobedo dans l’intention de proposer une réforme administrative pour l’INVU.798 De
même, le 8 mai 1972, le Conseil d’administration a connu le rapport d’Eduardo Jenkins
concernant le transfert de la Direction de l’urbanisme à l’IFAM en raison des problèmes
budgétaires et de l’augmentation des responsabilités.799
Le rapport Quásar recommandait à l’INVU de définir les priorités de sa politique
de logement populaire et d’assurer ainsi une croissance soutenue. Cela impliquait
toutefois de négliger d’autres travaux que l’INVU avait eus, ouvrant ainsi la porte au
transfert de compétences à d’autres institutions.800 Quelques semaines plus tard, le
Conseil d’administration a entendu la proposition de réorganisation de l’ingénieur
Escobedo représentant la PM&M, qui a incité le président du Conseil d’administration,
Ricardo Echandi Zürcher, à dire ce qui suit :
« À l’heure actuelle, ce qui doit intéresser l’INVU, c’est de produire plus de
maisons et de ne pas trop réfléchir à qui les distribue, c’est-à-dire de mobiliser les
ressources et les éléments qui peuvent y participer pour devenir aussi efficaces
que possible... Telle est l’idée des conseils, orienter l’action de l’Institut. »
798
ANCR, Actas INVU, signatura 65, Acta Nº 2114, 25 de mayo de 1971, fs. 283-287; ANCR, Actas
INVU, signatura 65, Acta Nº 2125, 21 de junio de 1971, fs. 595-610; ANCR, Actas INVU, signatura 72,
Acta Nº 2275, 3 de julio de 1972, f. 17.
799
ANCR, Actas INVU, signatura 71, Acta 2250, 8 de mayo de 1972, fs. 19-24.
800
ANCR, Actas INVU, signatura 71, Acta Nº 2272, 26 de junio de 1972, f. 389.
- 387 -
l’entreprise privée facturerait pour préparer les projets utilisés, combien ils coûtent
à ce département avec le budget qu’il a alloué. »801
801
« En este momento lo que debe interesar al INVU es producir más casas y no ponerse a pensar mucho
en quién las reparte, o sea que se movilicen los recursos y los elementos que puedan concurrir a eso a fin
de llegar a ser lo más eficiente posible… Esa es la idea de las asesorías, orientar la acción del Instituto
… Respecto a Urbanismo, que es una(sic) área que no se ha tocado, el señor Echandi Zürcher hizo una
aclaración de que lo importante es hacer casas. Dentro de los objetivos de la institución se propone hacer
urbanismo, pero hasta donde?... A pesar de lo importante de la labor, no sabe por qué razón sólo entre el 5
y el 10% de los proyectos elaborados por esta dependencia son ejecutados o llevados a la realidad. De ahí
que una de las medidas propuestas para esa rama es determinar el costo que cobraría la empresa privada
para preparar los proyectos que se utilizan, cuánto le cuestan a ese Departamento con el presupuesto que
tiene asignado. » ANCR, Actas INVU, signatura 72, Acta Nº 2275, 3 de julio de 1972, fs. 20-21. Je
souligne.
802
ANCR, Actas INVU, signatura 72, Acta Nº 2275, 3 de julio de 1972, fs. 22-23.
803
ANCR, Actas INVU, signatura 71, Acta Nº 2264, 6 de junio de 1972, fs. 275-279.
- 388 -
projets ne se concrétisaient pas et la pression publique réclamant plus de logements
augmentait, ils ont recommandé le transfert à l’IFAM parce que cette institution avait
plus de relations avec les municipalités. Ils ont toutefois noté que si la Direction de
l’urbanisme restait à l’INVU, il fallait déterminer clairement l’origine de ses ressources
et, surtout, mettre en place une gérance.804
Quant aux arguments juridiques, ceux-ci ont été présentés par le chef du
Département juridique Arnoldo Jiménez et la directrice Elvia Rodríguez López, qui ont
soutenu que la loi organique donnait à l’INVU une double fonction; en dehors de cela, la
loi de Planification urbaine récemment adoptée a fait du département une direction, de
sorte que les plans visant à en faire une « section » au sein du nouveau « Département de
la construction et de l’urbanisme » entraient en contradiction avec la loi. À cela s’ajoutent
les préoccupations de l’architecte Warnes Sequeira pour qui le transfert à l’IFAM ou à
l’OFIPLAN n’avait pas beaucoup de sens si les conditions devaient être les mêmes que
celles de l’INVU ; enfin, sa principale inquiétude était l’intention de « faire table rase »,
sans considérer que l’ensemble du cadre réglementaire costaricain, y compris la récente
loi de Planification urbaine, avait été une réalisation de l’Institut.805
A cette occasion, les fonctionnaires de la Direction de l’urbanisme ont défendu le
travail accompli jusqu’à présent, mais avec une différence : au lieu de faire appel à leur
expérience internationale, ils ont cette fois eu recours à l’expérience et à près de 18 ans
d’appropriation et de modification du principe de la planification intégrale. Parmi ses
défenseurs, étaient l’ancien boursier au CINVA, l’architecte Leonardo Silva, qui a
vivement critiqué la proposition de la PM&M car elle fusionnait des activités distinctes :
l’urbanisme qui est de nature générale et ciblée et la construction de logements, qui est
plus sectorielle. Selon Silva, l’INVU ne devrait pas être complaisant envers l’opinion
publique, mais déterminer quelles zones étaient les plus dépouillées de logement et de
développement urbain et y investir. L’urbanisme était donc une stratégie pour réaliser le
« développement harmonieux du pays. »806
804
ANCR Actas INVU, signatura 72, Acta Nº 2285, 31 de julio de 1972, fs. 131; ANCR, Actas INVU,
signatura 73, Acta Nº 2317, 17 de octubre de 1972, fs. 312-314.
805
ANCR, Actas INVU, signatura 72, Acta Nº 2285, 31 de julio de 1972, fs. 131-132; ANCR, Actas INVU,
signatura 73, Acta Nº 2317, 17 de octubre de 1972, fs. 316-317; ANCR, Actas INVU, signatura 73, Acta
Nº 2321, f. 368.
806
ANCR, Actas INVU, signatura 73, Acta Nº 2308, 18 de setiembre de 1972, fs.82-83.
- 389 -
L’architecte Warnes Sequeira a poursuivi cette idée, mais en se concentrant sur
les ressources humaines car le manque de budget avait condamné la Direction de
l’urbanisme à se priver d’un certain nombre de spécialistes nécessaires à l’urbanisme tels
que les géographes, les législateurs urbains, les sociologues urbains ou les économistes
urbains. Certains de ces professionnels n’existaient pas dans le pays et l’assistance
technique était donc nécessaire. Selon Rodrigo Vargas Salas, la PM&M connaissait les
systèmes d’organisation, mais « l’INVU est connu par ses fonctionnaires » et c’est là que
réside la différence entre « adapter et adopter ».807
Eduardo Jenkins a été le dernier à réaliser son exposition. La première
problématique à aborder a été la planification intégrale, qu’il a divisée en quatre
approches :
1. Cette planification, qu’il appelait « planification physique territoriale »,
exigeait un rééquilibrage de l’investissement, car l’approche métropolitaine créait
des distorsions sociales dans l’accès aux services et aux ressources. L’instrument
de base devait être le plan national de développement urbain et régional, qui
planifierait les zones urbaines comme des « pôles de développement » et leurs
zones d’influence, suivant les objectifs fixés par l’OFIPLAN.
2. Certes, il correspondait à l’architecte Sequeira que le manque de ressources
limitait l’accès à une ressource humaine nécessaire, car l’urbanisme était
interdisciplinaire.
3. Institutionnellement, l’urbanisme devait d’abord être organisé par
l’intermédiaire d’un Conseil national de développement urbain et régional qui
marquerait les grandes orientations politiques de l’organisation territoriale, suivie
de l’OFIPLAN, qui traduirait ces politiques en un plan national de développement
urbain et régional. Le niveau suivant correspondrait à l’urbanisme local qui
pourrait rester à l’INVU ou passer à l’IFAM.
4. Financer les travaux de planification, par une taxe de valorisation.
Sur le plan administratif, il a accentué que la solution n’était pas de fusionner les
départements, car en outre, cela ne créerait aucune économie, à l’exception du salaire
d’un sous-chef, ce qu’il fallait faire était de renforcer le personnel. Si les départements
807
ANCR, Actas INVU, signatura 73, Acta Nº 2317, 17 de octubre de 1972, fs. 318, 319, 321. Je souligne.
- 390 -
fusionnaient, selon Jenkins, il y avait un risque de démotivation du personnel et
d’affaiblissement du chef. Et dans une réponse, très probablement adressée à Jara, il a
souligné ce qui suit :
« La ville satellite d’Hatillo qui est actuellement essentielle pour l’INVU pour faire
des programmes, c’est un projet d’urbanisme et les travaux ont été réalisés parce
qu’à cette époque le département avait le soutien de la direction, c’est pourquoi
400 îlots de terrain ont été acquis... Or, combien de millions valent les parcs et les
rues qui ont été réalisés gratuitement en appliquant de nouvelles règles
d’urbanisation, vous ne pouvez pas le quantifier ou l’assurer... apprécier les rues
convenablement goudronnées, les constructions alignées, les zones d’usage public
raisonnables, le zonage industriel approprié... Dans cette conception, il faudrait se
demander si c’est plus ou moins important que de faire 50 maisons de plus par
an... »
Et il a finalement signalé :
« ... si l’activité reste à l’INVU, ce qu’il faut faire, c’est tout le contraire de ce que
dit le rapport de réorganisation, parce que sinon tout ce que dit la Loi sur
l’urbanisme serait violé de manière flagrante. Si cela doit se produire comme ça,
il est préférable de le dire, car actuellement, dans la planification locale, on ne fait
presque rien... Il préférerait que la refonte ne soit pas faite mais que l’urbanisme
soit plutôt renforcé. Il croit avoir ainsi dit ce qu’il avait à dire à ce sujet. Il souligne
que son critère est diamétralement opposé à ce qui est proposé. »808
808
« La ciudad satélite de Hatillo que en este momento es esencial para el INVU para hacer programas, eso
es un proyecto de urbanismo y la obra se hizo porque en esa época el departamento tenía apoyo de la
Gerencia, por eso fueron adquiridas 400 manzanas de terreno… Ahora bien, cuántos millones valen los
parques y las calles que se han logrado gratuitamente al aplicar nuevas normas de urbanización, no lo puede
cuantificar o asegurar… apreciar calles debidamente asfaltadas, construcciones alineadas, áreas de uso
público razonables, zonificación de industria adecuada… Dentro de esta concepción habría que preguntarse
si eso es más o menos importante que hacer 50 casas más al año…
… si la actividad se queda en el INVU, lo que hay que hacer es todo lo contrario a lo que dice el informe
de reorganización, porque sino se estaría violando flagrantemente todo lo que dice la Ley de Planificación
Urbana. Si esto va a ocurrir así, es preferible decirlo, porque en la actualidad en planeamiento local casi no
se está haciendo nada… El preferiría que no se hiciera la refundición sino que más bien se fortaleciera el
urbanismo. Con esto cree haber dicho lo que al respecto tenía que decir. Enfatiza que su criterio
esdiametralmente(sic) opuesto a lo que se está proponiendo. » ANCR, Actas INVU, signatura 73, Acta Nº
2321, 26 de octubre de 1972, fs. 369-380. Traduction libre.
809
ANCR, Actas INVU, signatura 74, Acta Nº 2322, 1 de noviembre de 1972, fs. 13-16; ANCR, Actas
INVU, signatura 74, Acta Nº 2327, 9 de noviembre de 1972, fs. 41-47.
- 391 -
laquelle ont convergé les premières missions d’assistance technique à l’INVU, dont celle
de Kayanan, et l’expérience nationale de Jenkins, Bartorelli, Vargas, éventuellement
Carazo et d’autres qui se sont progressivement intégrés. Il coïncide également avec le
moment culminant de la coordination internationale au sein de l’entourage 1 de
planification intégrale, puisque, entre 1956 et 1958, se sont déroulés les événements
internationaux qui ont le plus fortement favorisé l’établissement de relations et de réseaux
professionnels tant pour l’Amérique latine que pour l’isthme centraméricain.
Avec une certaine inertie, le Département de l’urbanisme a maintenu ce profil au
moins jusqu’en 1962, année où l’OPAM a fermé ses portes, entamant ainsi une période
de crise. Plusieurs facteurs sont intervenus dans cette dynamique : premièrement, les
changements politiques provoqués en 1958 à la suite des élections présidentielles et
municipales qui ont modifié la dynamique du pouvoir. A cette époque, la municipalité de
San José a dirigé la désertion à l’OPAM et fermé sa section d’urbanisme. Deuxièmement,
un retrait de la coordination internationale à partir de 1959 qui a affecté la performance
du réseau d’entrelacements et, troisièmement, les conditions financières qui ont été
imposées dans les crédits parrainés par l’ALPRO, aspect que je vais aborder dans le
chapitre suivant.
Entre 1963 et 1972, il y a eu une période de transition caractérisée par le débat sur
la loi de Planification urbaine au sein du Congrès, qui a abouti à un « renforcement »
institutionnel du Département de l’urbanisme, mais qui le place dans une position de
compétence avec l’OFIPLAN et les nouveaux IFAM et IMAS. Cela a fait exploser une
réforme institutionnelle au sein de l’INVU, qui a cherché à confirmer son caractère de vie
et à transférer les fonctions d’urbanisme à d’autres entités gouvernementales.
L’année 1972 a marqué un tournant, l’INVU décidant de maintenir la Direction
de l’urbanisme. Contrairement à l’occasion qui s’est produite en 1961, où les fonctions
d’urbanisme de l’institution ont été remises en question pour la première fois, les
fonctionnaires du département n’ont pas eu recours aux liens et au prestige international
qui ont été acquis au cours des premières années de travail, mais à l’expérience et à une
réflexion et à une appropriation accrue du principe de la planification intégrale. Celle-ci,
qui, au début de la période, consistait essentiellement en une coordination des institutions
et des investissements au niveau métropolitain, s’est hiérarchisée en deux approches,
nationale et locale.
- 392 -
Le spectre des professions impliquées dans les travaux d’urbanisme s’est
également élargi, car outre les sociologues, les urbanistes, les architectes et les ingénieurs,
les géographes, les économistes et les avocats urbains ont été inclus, ce qui a encore dressé
le profil de l’interdisciplinarité de la Direction. Enfin, l’approche de l’aménagement du
territoire physique a prédominé à partir de cette année-là et a promu une série d’études
qui ont abouti au Plan régional du Grande Aire métropolitaine de 1983.
Un cas où l’on peut voir ces transformations est celui du Centre civique national
de San José, dont la conception et les débats ont largement reflété ces changements dans
l’approche de l’urbanisme du pays et du Département lui-même, ainsi que la fonction
sociale, politique, économique et culturelle de la capitale pendant la période.
810
Quesada, La modernización…, pp. 30-31.
811
Marcel Roncayolo. La ville et ses territoires. (Paris: Gallimard, 1990), p. 75, cité par Alain Musset.
Ciudades nómadas del Nuevo Mundo. (México: Fondo de Cultura Económica - iBooks, 2012), p. 371.
- 393 -
du XIXe siècle, ont placé au centre de l’ancienne place principale de San José une
fontaine achetée en Angleterre, pour célébrer le placement de la tuyauterie, l’un des
symboles du progrès technique du XIXe siècle. (Image VII.5)812
Florencia Quesada a accentué que le parc central de San José s’est transformé dans
le centre de sociabilité le plus important de la capitale grâce à une série d’ouvrages
d’infrastructure qui ont modifié son image urbaine telle que son kiosque où d’autres
« retretas » ou présentations musicales ont été réalisées par la bande musicale, ses jardins,
et sa tige de fer forgé ont contribué à changer la fonction économique et social de cet
espace. En plus, la fontaine « Cupidon et cygne » a marqué une étape importante non
seulement esthétique, mais technique pour la capitale.813
Dans le même temps, d’autres centralités ont été constituées dans la capitale.
L’Avenida Central, l’un des zones les plus représentés par les photographes
internationaux et nationaux, a concentré la plupart des commerces et des services de la
812
Muset, Ciudades nómadas, pp. 366, 372.
813
Sergio Orozco Abarca. « Delfines, leones y tritones. Fuentes victorianas de hierro en plazas y parques
de Costa Rica. (1868-1880). » Revista Herencias, Vol. 29, Nº 1 (2016): pp. 95-140.
- 394 -
capitale. La ligne de tramway parcourut d’ouest en est, le Marché central a été construit,
tout comme l’un des bâtiments les plus emblématiques de la capitale : le Palais National.
Conçu par l’architecte Franz Kurtze, le bâtiment s’inaugura en 1855 et concentra les
dépendances de gouvernement, de finances, des affaires étrangères, de tribunaux et de
Congrès. Au cours des années suivantes, d’autres bâtiments se sont rassemblés autour du
Palais National, comme le Palais présidentiel, la caserne et la place de l’Artillerie, se
conformant ainsi le centre politique de la période libérale (Image VII.6).814
Le processus de centralisation que le gouvernement costaricain a connu depuis
1848 et qui s’est intensifié en 1871 a également reflété dans le tissu urbain josefino
l’importance du pouvoir exécutif et le contrôle qu’il avait sur les institutions.815 D’autre
part, les styles architecturaux comme le néoclassique ont commencé à conférer un profil
plus cosmopolite à la capitale dont les habitants ont de plus en plus diversifié leurs goûts,
leurs distractions; mais qui ségréguait aussi davantage son espace et les inégalités
provoquées par le modèle agro-exportateur, telles que la pauvreté, la prostitution, la
consommation de drogues, les taudis (« chinchorros ») et les bidonvilles, les maladies et
la criminalité que prenaient d’autres espaces de la capitale, notamment dans son secteur
sud et nord-ouest.
814
Ofelia Sanou y Florencia Quesada. « Herencia, rupturas y nuevas expresiones arquitectónicas (1841-
1870). » Historia de la Arquitectura en Costa Rica, Elizabeth Fonseca y José Enrique Garnier (eds.). (San
José, Costa Rica: Fundación Museos del Banco Central de Costa Rica, 1998), pp. 158-161, 207-213;
Carmen Fallas Santana. Costa Rica frente al filibusterismo. La Guerra de 1856 y 1857 contra William
Walker: defensa y fortalecimiento de las instituciones del Estado. 1ª ed. Serie: Cuadernos de Historia de
las Instituciones de Costa Rica, vol. 26. (San José, Costa Rica: EUCR, 2015), p. 8; David Díaz Arias. La
fiesta de la independencia en Costa Rica, 1821-1921. 1ª ed. (San José, Costa Rica: EUCR, 2007), pp. 44-
51.
815
David Díaz Arias. La era de la centralización: Estado, sociedad e institucionalidad en Costa Rica, 1848-
1870. 1ª ed. Serie: Cuadernos de Historia de las Instituciones de Costa Rica, vol. 26. (San José, Costa Rica:
EUCR, 2015).
- 395 -
Image VII.6. Costa Rica. Palais National (1955) et Place de l’Artillerie (1930).
- 396 -
Image VII.7. Costa Rica. Parc et Monument Nationaux, San José. 1922.
816
Le Monument National est une œuvre du sculpteur français Louis Carrier Belleuse et a été inauguré le
15 septembre 1895. Le Monument commémore le geste de la Campagne nationale de 1856, au cours de
laquelle les armées d’Amérique centrale ont chassé le filibustero William Walker. Díaz Arias, La fiesta de
la independencia, pp. 124-136; Annie Lemistre Pujol. Dos bronces conmemorativos y una gesta heroica.
La estatua de Juan Santamaría y el Monumento Nacional. (Alajuela, Costa Rica: Museo Histórico Cultural
Juan Santamaría, 1981), pp. 47-72.
817
Rosa Malavassi y Alejandro Bonilla. « Los rostros de la Casa Amarilla. Proyectos arquitectónicos e
iconografía de la Corte de Justicia Centroamericana. San José, Costa Rica (1907-1919). » Revista
costarricense de política exterior, Vol. IX, Nº 1 (junio 2012): pp. 7-29.
- 397 -
cette étendue de la capitale, mais ont progressivement concentré les services et les
institutions publiques en formant un centre social et politique alternatif à celui situé à
proximité de la Place de l’Artillerie.818
Reprenant la définition de Roncayolo, le tissu social de ces centres politiques et
sociaux de San José ont été caractérisés par le processus de centralisation de la fonction
publique dirigé par le pouvoir exécutif, le dynamisme économique et culturel qui a injecté
le modèle agro-exportateur, l’évolution des habitudes de consommation et de amusement
des josefinos, le développement technologique avec l’introduction de services clés tels
que la conduite d’eau potable ou l’électricité et le processus d’ensanche de la capitale
vers le nord-est.
C’est à la fin de cette période qu’Anatole Solow a fait ses premières observations
concernant la création d’un centre civique pour San José. Dans son rapport, il a reconnu
le Parc central comme le centre névralgique de la vie sociale de la capitale819, mais a
averti que San José n’avait pas assez d' « espaces publics ouverts ». En ce qui concerne
la zone du Marché central, Solow a critiqué son statut en faisant appel au discours
d’hygiène de la rénovation urbaine :
« L’influence du marché a provoqué une détérioration générale de ce domaine...
Des conditions d’insalubrité ne peuvent que prévaloir... De nombreux petits
magasins, bars à alcool et divers établissements indésirables ont vu le jour tout
autour du marché, dans une zone qui n’est qu’à un pâté de maisons de la Banque
nationale, de la Poste et de l’Union Club. Je suis de l’avis que toute cette zone soit
adaptée à un type d’utilisation plus élevé, comme un centre commercial et
d’affaires haut de gamme, ou un nouveau centre gouvernemental. »820
818
Quesada, La modernización…, pp. 91, 166-172.
819
Récemment, Rosa Malavassi Aguilar a confirmé qu’aujourd’hui encore le Parc Central reste reconnu
comme l’un des espaces urbains les plus représentatifs de San José, après la Place de la Culture ou « Plaza
de la Cultura ». Malavassi Aguilar, « La construcción social del patrimonio… », pp. 427-428.
820
« The influence of the market has caused a general deterioration of this area… Insanitary conditions are
bound to prevail… Many small shops, liquor bars and various undesirable establishments have sprung up
all around the market, in an area which is only one block away from the National Bank, the Post Office and
the Union Club.
It is my opinion that this entire area is suited for a higher type of use, such as a high-class shopping and
business center, or a new government center. » Solow, A planning program, p. 17. Je souligne. Traduction
libre.
- 398 -
pénitencier qui, bien qu’éloignée de la ville, offrait un panorama unique et des facilités
d’expansion.821 Ces recommandations ont inséré la proposition dans la rénovation urbaine
qui a ensuite été promue par l’UnP et n’ont donc eu aucun rapport avec les centres
civiques des CIAM, qui ne seraient discutées que l’année suivante.
La proposition du centre civique national était un projet exclusif à la capitale,
inséré dans la logique métropolitaine qui guide le travail de Solow. Ceci est fondamental,
car le projet du centre civique est resté majoritairement sur cette ligne, provoquant des
débats entre cette institution et d’autres entités gouvernementales autonomes concernant
le transfert des dépendances et l’essence du travail du département et de la direction de
l’urbanisme.
a) Le premier projet
821
Solow, A planning program, pp. 28-29.
822
ANCR, Municipal, signatura 11463, Acta Nº 169, 30 de enero de 1953, fs. 59-65
823
En ce qui concerne la zone du Marché central, ils ont conclu que même si l’espace offrait la possibilité
de construire des bâtiments de taille moyenne pour abriter les ministères, la forte congestion des véhicules
et l’absence d’espaces de stationnement adéquats ne le rendaient pas possible. Par ailleurs, la zone de la
pénitencier, ils ont souligné que l’importance du lieu lui confère un statut de « forteresse » qui n’était pas
adapté à un « gouvernement démocratique », qui devait avant tout être proche de ses citoyens et s’articuler
avec les activités économiques et sociales de la ville. Eduardo Jenkins Dobles, et.al. « El Centro Cívico de
San José ». Kayanan, Elementos propuestos para…, pp. 3-4; Vives, Pioneros de la Arquitectura…, p. 81.
- 399 -
« Il va de soi qu’il s’agit de placer le Palais National au centre d’un ou de plusieurs
axes visuels, comme le propose Le Corbusier à Chandigarth, ou cela a été fait à
Washington sur le Mall, qui est une très belle promenade entourée de bâtiments
publics et avec deux points focaux, le Capitole et la Maison Blanche. ... Sur le
Paseo de las Damas, il faudra fournir des rampes ou des escaliers pour descendre
dans les bâtiments et il y aura généralement un système fonctionnel de passages
couverts reliant les différentes dépendances et protégeant les passants des
intempéries. Le souverain du Centre civique doit être le piéton et en aucun cas le
véhicule motorisé, principe de base consacré par Le Corbusier, Sert, Gropius et
d’autres urbanistes éminents dans le livre « Le Cœur de la ville ». »824
La seule tendance qui peut passer inaperçue est l’inscription de Washington D.C.
au sein du mouvement City Beautiful, qui a inspiré les centres civiques américains du
XIXe siècle et du début du XXe siècle. L’introduction des principes du CIAM, selon les
informations disponibles, ne pouvait venir que des ingénieurs et architectes costaricains,
dont certains avaient été formés à l’étranger, comme c’était le cas avec Jenkins,
Gordienko et Marín.825 De la citation ci-dessus, il convient de souligner sa position
concernant l’importance du piéton.
Contrairement au Plan Garcés, qui reposait essentiellement sur la réorganisation
du transit dans la capitale et l’extension de certaines voies, le Centre civique deviendrait
une « île » pour le piéton, idée qui ressort clairement de l’approche de Sert à l’égard de
ces espaces urbains :
« Du plus grand au plus petit, le noyau devrait toujours être une île pour le piéton,
où il se sent en sécurité, où il se sent heureux, où il peut se reposer et être à l’aise.
Cela signifie que cette île devrait être alimentée par des moyens de communication
venant de partout mais restant en dehors du noyau. »826
824
« Es lógico que se trate de colocar al Palacio Nacional en el centro de uno o más ejes visuales, como lo
proponen Le Corbusier en Chandigarth, o se ha hecho en Washington en The Mall, que es un hermosísimo
paseo rodeado de edificios públicos y con dos focos terminales, el Capitolio y la Casa Blanca.
… En el Paseo de las Damas será necesario proveer rampas o escaleras para descender a los edificios y en
general habrá un sistema funcional de pasajes cubiertos que conecten las diferentes dependencias y protejan
a los transeúntes de las inclemencias del tiempo. El soberano del Centro Cívico debe serlo el peatón y de
ninguna manera el vehículo motorizado, principio básico que consagran Le Corbusier, Sert, Gropius y otros
eminentes urbanistas en el libro « El Corazón de la Ciudad.» Eduardo Jenkins Dobles, et.al. « Ante-
proyecto de Centro Cívico para la ciudad de San José. » Kayanan, Elementos propuestos para…, pp. 2,7.
Je souligne. Traduction libre.
825
Eduardo Jenkins est diplômé en tant qu’ingénieur à la Florida University et en tant qu’urbaniste à
l’Université Durham. Par ailleurs, Eugenio Gordienko a obtenu son diplôme de British Columbia
University, à Vancouver Canada. En ce qui concerne Fernando Marín Chinchilla, l’ONU lui a accordé en
1953 une bourse pour étudier le logement et l’urbanisme et la planification rurale à la Pennsylvania
University. Rojas Brenes était ingénieur par l’Université du Costa Rica. Jenkins, « Vivienda popular
en… », p. 1; Vives, Pioneros de la Arquitectura…, p. 117; ANCR, Municipal, signatura 11458, Acta Nº
164, 7 de enero de 1953, fs. 321-323.
826
« From the biggest to the smallest, the core should always be an island for the pedestrian, where he feels
safe, where he feels happy, where he can rest and be at ease. That means that this island should be fed by
- 400 -
Pour préserver ces espaces, les auteurs ont souligné que les véhicules circuleraient
de façon périphérique et que les parkings seraient situés à l’extérieur du Centre. Outre le
Palais National ou l’Assemblée législative, le Centre civique serait composé des zones
consacrées à la Maison présidentielle, à la zone des ministères, à la Bibliothèque
nationale, au pouvoir judiciaire qui serait situé au sud du Centre civique, à la Cour
suprême d’élections qui serait située à la tête du Parc national et le long du « Paseo
Independencia » , aujourd’hui appelé rue 17. Il serait également l’endroit où seraient
localisées des « installations culturelles » telles que le Musée, un théâtre de masse, des
galeries, des académies artistiques et scientifiques ainsi que les médias nationaux.827
L’un des aspects qui attire l’attention dans la perspective est la disparition de
certains bâtiments historiques, qui, au contraire, ont été inclus dans le plan, y compris
l’École métallique et le Musée national. Pour l’instant, il suffit de dire que l’avant-projet
avait une sensibilité limitée à l’égard des bâtiments de la période libérale, puisque deux
d’entre eux, l’Usine nationale des liqueurs et le Lycée de Sion, ont été complètement
remplacés par les nouveaux bâtiments. Cependant, le changement le plus agressif n’a pas
eu lieu dans ce domaine. Le Centre civique national a été divisé en deux, pour constituer
à la fois un Centre bancaire dans l’îlot « de la Artillería », qui a été soumis à un processus
de rénovation urbaine plus agressif. Cela nous mène vers l’un des premiers problèmes
historiques du Centre civique : la question du transfert.
means of communication coming from everywhere but remaining outside the core». Sert, « The Theme of
the Congress », p. 8; Josep Lluís Sert. « Open Spaces and and Pedestrian Paths in the University. » The
Writings…, pp. 120. Traduction libre.
827
Jenkins, et.al. « Ante-proyecto de Centro… », pp. 2-6.
- 401 -
Image VII.8. Costa Rica. Plan de l’avant-projet du Centre civique pour San José. 1956.
- 402 -
Image VII.9. Costa Rica. Perspective de l’avant-projet du Centre civique pour San José. 1956.
- 403 -
b) Un cœur nomade.
- 404 -
Le Conseil d’administration de la Banque centrale a refusé de faire partie du projet
de l’INVU pour des raisons économiques et pour l’urgence de céder le bâtiment qu’il
occupait à l’époque (l’ancien Palais présidentiel, en face de la Place de l’Artillerie) à la
Banque nationale et a annoncé qu’il poursuivrait son propre projet.830 Quelques jours plus
tard, Jenkins a présenté le Centre civique national et le Centre bancaire au Conseil
d’administration de l’INVU et a averti que l’initiative de la Banque centrale laisserait le
bâtiment sans perspective et avec un grave problème de stationnement. A cette occasion,
Jenkins a confirmé que le projet avait été réalisé en consultation avec Anatole Solow
(Image VII.10), promoteur original des centres civiques, et a affirmé que l’élection du
Centre bancaire résultait principalement de facteurs historiques puisque, depuis le XIXe
siècle, des institutions bancaires telles que la Banque du Costa Rica ou la Banque
internationale du Costa Rica ont choisi la zone de la Place de l’Artillerie pour localiser
leurs sièges; en outre, non loin de là, sur l’Avenida Central, se trouvait l’ancienne Banco
Anglo costarricense.831
830
ANCR, Actas INVU, signatura 31, Acta Nº 238, 27 diciembre de 1956, f. 434.
831
ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 125, 10 noviembre de 1955, f. 287.
- 405 -
Image VII.11. Costa Rica. Plan de l’avant-projet du Centre bancaire de San
José. 1955.
- 406 -
domaine. Que, tout comme l’Institut du logement est tenu de se soumettre aux
réglementations que lui impose la Banque centrale en matière économique, celle-
ci doit également tenir compte des indications de l’Institut en matière
d’urbanisme. Le Lic. Solera affirmant que, dans le premier cas, c’était la loi qui
le prévoyait, il lui a proposé que si la loi pouvait disposer spécifiquement en ce
qui concerne l’Institut, le projet correspondant pourrait être proposé et soumis à
son approbation. »832
Bien que Solera ait finalement accepté de voter en faveur du projet du Centre
bancaire, si le gouvernement lui assurait de prendre possession des nouvelles propriétés
et de commencer les travaux de démolition.833 C’est un cas qui illustre le rôle de ces forces
politiques qui s’opposaient aux déplacements des villes, ou dans le cas qui nous occupe,
d’une partie importante de la ville. Il convient en outre de souligner l’intention de Carazo
de légitimer le travail d’urbanisme de l’Institut, qui n’a pas été entièrement bien accueilli
par Solera, arguant qu’il n’existait pas de loi obligeant les institutions gouvernementales
à suivre les schémas de la planification urbaine.
Le plus précieux de cette discussion a été l’utilisation de l’autonomie
institutionnelle comme un système de poids et de contrepoids dans la fonction publique.
Bien qu’il ait été démontré au chapitre 2 que son autonomie a provoqué le manque de
soutien à l’autorité du MRREE dans la gérance de l’assistance technique, créant la
décoordination, les luttes de pouvoir et la concurrence pour le financement, celles-ci ont
été légitimées par l’opinion publique comme un instrument pour freiner les intérêts
particuliers de la soi-disant « oligarchie du café » et de justifier l’intervention de l’État
dans l’économie et la société. On peut également observer le soutien de la direction de
l’INVU aux travaux du Département de l’urbanisme qui traversait à l’époque un
processus de maturation important grâce au croisement entre les acteurs internationaux et
nationaux.
832
« ”… conversé con el Lic. Jaime Solera. –Se manifestó opuesto y deseoso de iniciar la construcción en
el terreno adquiridos por ellos y manifestó que las ideas del Urbanista no eran necesariamente de tomar en
cuenta. –Le respondió el señor Gerente que cada Institución debe acatar las disposiciones y
recomendaciones que le haga aquella especializada en su propio campo. Que así como el Instituto de
Vivienda está obligado a someterse a las regulaciones que le imponga el Banco Central en materia
económica, igualmente éste debe tomar en cuenta las indicaciones del Instituto en materia de Urbanismo.
Al decir el Lic. Solera que en el primer caso era la Ley lo que lo disponía, le ofreció que si fuera preciso
fuera la ley la que dispusiera concretamente con respecto al Instituto, se podría presentar el respectivo
proyecto para su aprobación. » ANCR, Actas INVU, signatura 29, Acta Nº 127, 17 noviembre de 1955, f.
299. Traduction libre.
833
“Banco Central de Costa Rica. Proveeduría avisa.” La República, 18 de noviembre de 1955, p. 9.
- 407 -
Dès que le gouvernement a accepté de procéder à l’échange de terrains à des
conditions plus favorables pour la Banque centrale, son Conseil d’administration a
accepté le projet urbanistique, reconnaissant que seule une partie de l’îlot devait être
utilisée pour le bâtiment, en raison des zones réservées au parc public et de l’extension
des rues environnantes de six mètres qui seraient transférées à la municipalité de San José.
Selon le Conseil d’administration de la Banque, c’était sa contribution à «
l’embellissement de la ville et à la formulation du Centre bancaire que messieurs les
urbanistes ont prévu. »834
Un aspect qui variait entre la proposition initiale et la proposition finale (Image
VII.12) était la suppression de la Banque nationale d’assurance835 du projet puisqu’il n’a
pas accepté le lot offert par l’INVU. En outre, si l’on compare le plan de l’avant-projet,
on constate que l’îlot était occupé, outre les bâtiments, d’une aire de stationnement qui a
été déplacée vers le souterrain de la Banque centrale, destinée désormais aux espaces
verts. Certains sites de stationnement ont été maintenus à la fois sur l’Avenida Central (à
droite de la photo) et sur la 4ème rue (au premier plan).
Image VII.12. Costa Rica. Perspective du projet du Centre bancaire de San José.
1956.
834
ANCR, Actas INVU, signatura 31, Acta Nº 238, 27 diciembre de 1956, fs. 433, 435.
835
Il est actuellement connu sous le nom d’Institut national de l’assurance (INS).
- 408 -
Le projet du Centre bancaire a été l’un des premiers essais à être exécutés à partir
du principe du zonage dans le centre de la capitale. Comme Solow l’avait expliqué en
1948, le zonage impliquait la séparation des utilisations non compatibles des terres et la
réunification de celles qui l’étaient, qui ont ensuite été reprises par Jenkins pour expliquer
le profil de la rénovation urbaine aux États-Unis, qui spécialisait les zones centrales de
ses villes, tout en cherchant à réduire le transit des véhicules et à privilégier les
déplacements à pied.836 Le problème des déménagements des institutions
gouvernementales au Centre civique a continué de se poser dans les années 1960, car
cette fois ils avaient non seulement une connotation patrimoniale, mais ont ouvert la
possibilité de déplacer le Centre civique en dehors de San José.
c) Un problème du passé.
836
ANCR, Actas INVU, signatura 34, Acta Nº 395, 3 de julio de 1958, f. 390-391.
837
Quesada, La modernización…, pp. 21-23; Malavassi, « La construcción social… », pp. 583-584.
838
La démolition du Palais National a suscité deux débats sur la conservation du patrimoine historique
architectural au Costa Rica. Bien qu’il ait été souligné que Solow était le « père intellectuel » de cette
disparition, une lecture attentive de ses recommandations montre que la zone de rénovation urbaine du
Marché central comprenait les îlots situés entre la 16e rue et la 4e rue au nord de l’Avenida Central, à
l’exception de la Place de L’Artillerie. Vindas Solano. « De la ficción históricamente », p. 15; Andrés
Fernández. Los muros cuentan. Crónicas de arquitectura josefina. (San José, Costa Rica: Editorial Costa
Rica, 2013).
- 409 -
députés a officiellement commencé le 28 février de la même année.839 Le 16 avril
commença sa démolition, qui a été reçue par l’opinion publique de manière différente.
Alors que La República a intitulé ce fait avec la phrase « La capitale se modernise »840,
le Diario de Costa Rica a brièvement fait état des dangers des travaux de démolition,
même si les pages arrière présentaient avec plus de drame l’opposition de plusieurs
paroissiens à l’élargissement de l’Avenida Segunda, car le Tabernacle de la Cathédrale
Métropolitaine serait démoli.841
Image VII.13. Costa Rica. Démolition de l’ancien Palais National de San José.
1958.
Source : « Del viejo Palacio Nacional, donde hace cien años se reunía la sociedad costarricense, ya nada
queda… » La prensa libre, 17 de abril de 1958, p. 5.
Parmi les journaux consultés, seule La prensa libre a consacré un long article sur
la disparition de l’immeuble soulignant certains des faits historiques les plus pertinents
839
“Por última vez se usó el Palacio Nacional.” La República, 11 de enero de 1958, p. 3; “No se trasladará
todavía la Asamblea Legislativa”. La República, 17 de enero de 1958, p. 4; “Ayer se inició el traslado de
la Asamblea Legislativa.” La República, 1 de marzo de 1958.
840
“La ciudad capital se moderniza.” La República, 16 de abril de 1958, p. 1.
841
“Mutilación e irrespeto sacrílegos será la demolición del Sagrario.” Diario de Costa Rica, 15 de abril de
1958, p. 2; “Demolición del Congreso deja saldo de heridos.” Diario de Costa Rica, 15 de abril de 1958,
p. 8.
- 410 -
dont il était « témoin », ainsi que les « trifulcas »842 plus anecdotiques qui se sont
produites dans les barres du public. En fin de compte, cet article indiquait :
« « Dites ce qu’ils disent », nous disait un garde civil qui était proche de nous
lorsque nous inspections la masse délabrée du palais – « les maçons d’il y a un
siècle avaient honte de travailler ». Nous recueillons cette phrase parce qu’elle est
graphique. Et surtout, quand on fait des comparaisons avec plus d’une
construction récente qui, malgré tant de progrès dans la technique des bâtiments,
a moins de résistance que celle érigée depuis plus de cent ans, gardienne jalouse
du Palais National, que les pics des travailleurs et les puissantes machines sont en
train de réduire à des débris afin qu’une autre note semblable à celle-ci avec le
Requiescat in pace, soit écrit. »843
842
Expression familière faisant référence au désordre ou à une bagarre entre plusieurs personnes.
Dictionaire RAE. Consulté le 10 juin 2021. URL: https://dle.rae.es/trifulca?m=form
843
« ”Digan lo que dijeren”, nos decía un Guardia Civil que estaba cerca nuestra cuando inspeccionábamos
la derruida mole del palacio – “los albañiles de hace un siglo tenían vergüenza para trabajar”. Recogemos
esta frase porque es gráfica. Y sobre todo, cuando se hacen comparaciones con más de una construcción de
último cuño que, pese a tanto progreso en la técnica de edificaciones, tienen menos resistencia que la que,
después de más de cien años de erigida, ha guardado celosa la del Palacio Nacional, a la que los picos de
los trabajadores y las potentes máquinas, están reduciendo a escombros, a fin de que dentro de poco se
escriba otra nota, parecida a ésta con el Requiescat in pace. » « Del viejo Palacio Nacional, donde hace
cien años se reunía la sociedad costarricense, ya nada queda… » La prensa libre, 17 de abril de 1958, p. 5.
Traduction libre.
844
Ileana Vives Luque. « La transición del ayer al hoy » Historia de la Arquitectura…, pp. 392-393.
845
Morales, « Movimiento moderno, registro… » pp. 30-33, 43-445, 99-101; Navarrete Cálix,
« Tegucigalpa, laboratoire urbain », pp. 345-367.
- 411 -
Les racines historiques du tissu urbain intervenu par le projet du Centre civique
sont un cas où l’on parvient à observer les tensions entre le zonage, y compris comme
une division administrative de la ville et celles découlant du quotidien, de l’image et des
perceptions de l’espace urbain des fonctionnaires. La problématique du déménagement
des institutions dans la zone du nouveau Centre civique s’est poursuivie dans les années
1960, cette fois à l’Assemblée législative.
Image VII.14. Costa Rica. Caserne Bellavista ou Musée national du Costa Rica.
2019.
- 412 -
Bourbon Zeller et Carlos Ávila. (Image VII.15)846 Cependant, le débat a mis sur la table
la question du déplacement du Centre civique hors de San José, ce qui a consisté non
seulement à ignorer l’expérience et les études antérieures du projet, mais aussi les raisons
historiques qui étaient absentes au moment de la démolition du Palais National.
Source : http://web2andresm.blogspot.com/2015/08/la-biblioteca-nacional-de-costa-rica.html.
846
Marcela Muñoz Muñoz. « Un centro cívico o el réquiem del patrimonio urbano costarricense. »
RevistArquis, Vol. 6, Nº 1 (2017): pp. 20-28; Vives, « La transición del ayer al hoy », pp. 410-411.
847
Le circuit judiciaire a été conçu par les architectes Eugenio Gordienko et Hernán Arguedas Salas et a
été construit entre 1961 et 1966. Il est actuellement l’un des ensembles urbains les plus importants de la
capitale. Vives, « La transición del ayer al hoy », pp. 408-409; Vives, Pioneros de la Arquitectura…, p. 81.
- 413 -
Image VII.16. Costa Rica. Plan du Centre civique gouvernemental. 1964.
- 414 -
Image VII.17. Costa Rica. Plan de la zone administrative du Centre civique
gouvernemental. 1964.
- 415 -
Image VII.18. Costa Rica. Perspective du Centre civique gouvernemental. 1964.
- 416 -
Dans la perspective (Image VII.18), on observe au premier plan l’Auditorium (à
gauche au centre), le ministère de l’Éducation et du Travail et le bâtiment pour
« ministères » (à droite) autour de la dit « Terrasse des ministères » et, en arrière-plan, la
« Terrasse présidentielle » au centre de laquelle se trouvent un obélisque et un bâtiment
non identifié à côté droite de la Maison présidentielle. Il convient de souligner que le
nouveau visage du Centre civique est intervenu de manière agressive le contexte du
Monument national, inauguré au plus fort de l’État libéral, le reléguant à une position
subordonnée derrière la Maison présidentielle, ce qui était un autre signe de cette rupture
avec le passé et de l’étreinte de la modernité qui augure le Centre civique.
Selon Marcela Muñoz, bien que l’ancien siège de la Bibliothèque nationale n’ait
que quelques années à vivre avant de disparaître, la caserne Bellavista a été défendue par
Jaime Solera Bennett qui, comme l’auteur l’a noté, avait donné son feu vert à la
construction du Centre bancaire il y a un peu moins de dix ans. Les arguments de Solera
étaient fondés sur la transformation de l’utilisation de l’immeuble et non sur sa
démolition, comme une fin publique. Le Musée national avait donc besoin de fonds
suffisants pour garantir ces changements et leur préservation. D’autres acteurs, comme
Rafael Luccas et l’architecte Óscar Saborío se sont opposés à la démolition de l’ancienne
caserne.848
L’intention de déplacer la Bibliothèque nationale dans le bloc du Musée national
était de consolider l’un des points focaux les plus importants du Centre civique et de
consolider davantage le projet, comme il ressort des déclarations du député Carlos
Gutiérrez Gutiérrez:
« ... Je crois que la conception de la création du Centre Civique, qui a déjà cessé
d’être utopique pour devenir une réalité, ne pourrait être détruite si nous nous en
tenions à ce concept du Lic. Solera... Si le pays a pu accueillir dignement l’un des
pouvoirs de la République, comme c’est le cas par la Cour suprême de justice, il
doit poursuivre cet effort pour loger non seulement les pouvoirs de la République,
mais aussi pour loger dignement des installations de base de la culture
nationale. »849
848
Muñoz. “Un centro cívico…”, p. 24-25.
849
« … yo creo que la concepción de crear el Centro Cívico, que ya dejó de ser utópica para llegara(sic)
ser una realidad, no podría ser destruida si nos atuviéramos a ese concepto del Lic. Solera… Si el país ha
podido alojar dignamente a uno de los Poderes de la República, como lo es la Corte Suprema de Justicia,
debe continuar ese esfuerzo para alojar no solamente a los Poderes de la República, sino alojar dignamente
a instalaciones básicas de la cultura nacional.» AAL, Dossier Nº 2970, Loi Nº 4255 Construction des
bâtiments de la Bibliothèque et Musée nationaux, Sesión ordinaria Nº 49, Comisión permanente de asuntos
sociales, f. 48, pp. 2-3. Traduction libre.
- 417 -
Ces mots ont un écho avec les implications qui existaient dans la période coloniale
avec le déplacement des villes, puisque l’utilisation par Gutiérrez du discours de la
« dignité » a été faite en fonction de la défense de la cohésion et du caractère légitime du
Centre civique, de sorte que la préservation de l’immeuble « vieux » de la caserne était
de le mettre en doute.850
Quel était ce caractère légitime du Centre civique ? D’être la matérialisation du
développement économique et industrialisé du pays, mais en même temps de la culture
parce que, selon Gutiérrez, « je ne conçois pas que le développement soit uniquement un
développement économique, mais au contraire, j’estime que le développement doit être
culturel, il doit comprendre tous les aspects. »851 Cette ligne de discours renvoie à celles
analysées au chapitre 2 sur l’assistance technique en tant que vecteurs du bien-être
humain, soulignant ceux de don Pepe qui a compris les programmes d’assistance
technique comme un investissement culturel ou celui de Fernando Lara qui a souligné
que le développement technologique était insuffisant pour éradiquer l’analphabétisme.
Lors de la séance Nº 57, tenue le 4 octobre 1957, Gutiérrez a consulté l’architecte
Robles Aguilar de l’Association costaricaine des architectes à propos des objections à
l’emplacement du Centre Civique à Cuesta de Moras. Selon Robles, l’objection avait été
faite en fonction du fait que la loi obligeait à localiser les bâtiments sur un endroit donné,
ce qui allait à l’encontre des analyses préalables requises par les dessins, en l’occurrence
celui de la Bibliothèque et du Musée national. Toutefois, plus tard, Gutiérrez a souligné
que,
« ... certains d’entre vous s’opposent à l’emplacement du Centre civique en
général, alors que certains, en particulier l’urbaniste Jenkins et le représentant du
Bureau de Planification, croyaient que l’emplacement donné à l’origine par
l’INVU, c’est-à-être le L allant de la Cour au parc Morazán, était correct ; d’autres
comme l’architecte Rafael Ángel García852, soutenaient que le Centre civique
devait être situé en dehors de la ville. »853
850
Musset, Ciudades nómadas, p. 362.
851
AAL, Dossier Nº 2970, Loi Nº 4255 Construction des bâtiments de la Bibliothèque et Musée nationaux,
Sesión ordinaria Nº 49, Comisión permanente de asuntos sociales, folio 48, p. 3.
852
Rafael Ángel « Felo » García est l’un des architectes les plus réputés du milieu costaricain. Formé au
Hammersmith College of Arts and Building, il a été l’un des fondateurs de l’École d’Architecture de l’UCR
et promoteur des arts plastiques et d’une architecture socialement engagée. Natalia Solano Meza. « Pensar,
romper, hacer. La Escuela de Arquitectura de la Universidad de Costa Rica, 1962-1974. » (Tesis de
doctorado en Arquitectura, Universidad de Porto-Portugal, 2017): pp. 129-132.
853
« … algunos de ustedes objetan la ubicación del Centro Cívico en general, porque mientras algunos, en
especial el urbanista Jenkins y el representante de la Oficina de Planificación, creían que la ubicación dada
originalmente por el INVU o sea la L que va de la Corte al Parque Morazán era correcta, otro como el Arq.
Rafael Ángel García853, sostenían que el Centro Cívico debía ubicarse fuera de la ciudad… » AAL, Dossier
- 418 -
La question du transfert du Centre civique a momentanément inquiété la
Commission, les architectes Robles et Hernán Arguedas Salas précisant qu’une loi
n’aurait pas à préciser les sites pour la construction d’un bâtiment, car il s’agissait d’une
activité de technique urbaine.854 Au-delà de cette séance, le sujet n’a pas été repris en
commission et la loi 4255 a finalement été adoptée le 25 novembre 1968.
La question a refait surface lors de la discussion de la Loi Nº 5232 du Centre
civique national en 1972. Cette fois, l’INVU a défendu le site initial, recourant davantage
à des raisons historiques, face à l’intention des députés de la commission économique de
le déplacer à La Uruca, district situé au nord-ouest de la capitale. Arnoldo Jiménez a
justifié le siège du Centre civique de San José en faisant référence au fait que la
Constitution politique de 1949, dans son article 11, indiquait clairement que l’Assemblée
législative résidait dans la capitale et a ajouté :
« ... qu’une dislocation dans le fonctionnement des organismes de l’État ne peut
se produire d’un moment à l’autre. Il cite comme expérience la tentative faite sous
le gouvernement de facto du Lic. Braulio Carrillo qui a jugé le « Llano del
Murciélago » à Tibas plus approprié comme siège du gouvernement... Dans la
pratique déjà, cela n’a pas pu se faire comme il le pensait et a cessé sa tentative et
convoqué l’Assemblée législative à San José... En somme, les organismes de
l’État ne se conçoivent en dehors du centre ou de la zone urbaine commerciale de
San José. »855
Nº 2970, Loi Nº 4255 Construction des bâtiments de la Bibliothèque et Musée nationaux, Sesión ordinaria
Nº 57, Comisión permanente de asuntos sociales, folio 49, p. 3. Traduction libre.
854
AAL, Dossier Nº 2970, Loi Nº 4255 Construction des bâtiments de la Bibliothèque et Musée nationaux,
Sesión ordinaria Nº 57, Comisión permanente de asuntos sociales, folio 49, p. 4.
855
« … que de un momento a otro no puede producirse una dislocación en el funcionamiento de los
organismos del Estado. Cita como experiencia el intento que se hizo durante el Gobierno de facto del Lic.
Braulio Carrillo que consideró más adecuado el Llano del Murciélago en Tibás como asiento del
Gobierno… Ya en la práctica eso no se pudo hacer como se pensaba y depuso su intento y convocó a la
Asamblea Legislativa en San José… En suma los organismos del Estado no se conciben fuera del centro o
área urbana comercial de San José. »ANCR, Actas INVU, signatura 72, Acta Nº 2294, 22 de agosto de
1972, f. 251. Entre 1821 et 1838, l’État costaricain a connu une période politique convulsive résultant, entre
autres, de la persistance des localismes. La loi dite de l’Ambulance, adoptée en 1834, qui permettait de
régler le gouvernement dans les villes d’Alajuela, Heredia, Cartago et San Jose. Cependant, il serait abrogé
par le gouvernement de Braulio Carrillo un an plus tard, consolidant la capitale de l’État du Costa Rica à
San Jose. Cela a ouvert une courte période de guerre civile, connue sous le nom de guerre de la Liga.
Manuel Calderón Hernández. « La formación del Estado costarricense. » Costa Rica, Estado, economía,
sociedad y cultura: desde las sociedades autóctonas hasta 1914, Ana María Botey (coord.) (San José, Costa
Rica: EUCR, 2000), pp. 183-199.
- 419 -
Moras. En plus de cet argument, Zavaleta a fait référence à l’expérience de près de 20 ans
de l’INVU dans la réalisation de ce projet, de sorte qu’il n’y avait pas seulement des
raisons historiques, mais des techniques soutenant le siège à Cuesta de Moras. Le reste
du Conseil d’administration, après un petit débat, a accepté de s’opposer à l’option de
déplacer le Centre civique à La Uruca, parce qu’il était « inadapté topographiquement à
cette œuvre... en outre, le projet semble en principe inconstitutionnel parce que, selon les
dispositions légales en vigueur, le siège du gouvernement doit être la capitale de la
République et que l’Assemblée législative elle-même doit être située à cet endroit. »856
Des années plus tard, Jenkins exprimera ce qui suit :
« Si l’on suppose qu’un Centre civique national doit accueillir les bureaux et
services du siège social, c’est-à-dire qu’ils ne peuvent pas être décentralisés et
doivent nécessairement être situés dans la capitale nationale, il n’existe aucun
autre domaine qui offre des avantages aussi évidents... D’autres régions plus
éloignées, comme Pavas, Uruca, Escazú ou le Sud de Heredia, selon notre bureau,
ne peuvent pas fonctionner comme un Centre civique national... Il faut donc
chercher une zone qui soit bien liée au centre historique consolidé... Un centre
civique national, en tant que siège physique du gouvernement central et de ses
institutions, fait partie de la tête du pays et ne peut être situé, par la loi et par la
logique, dans un autre site que la capitale de la République. »857
Cela marque la fin d’une première étape pour le projet du Centre civique national
de San Jose. Comme on peut le constater, il y a une chronologie qui l’insère dans les
étapes de planification du Département de l’urbanisme, celle située entre 1948 et 1958
étant la plus proche du réseau d’entrelacements. Le projet du Centre civique a été conçu
à partir du croisement des contributions d’Anatole Solow et de César Garcés, qui ont
soutenu le projet dans le cadre de la rénovation urbaine, tandis que ce sont les urbanistes
et les architectes costaricains qui ont apporté les principes des centres civiques du CIAM
et du mouvement City Beautiful. Les discussions portant sur la Banque centrale et l’INVU
ont montré à quel point les instruments de zonage modifiaient les plans des institutions
autonomes, leur coordination et, bien sûr, l’enracinement quotidien et symbolique que la
Place de l’Artillería et le Palais National laissaient à la mémoire des citoyens. Il a
856
« … inadecuado topográficamente para esa obra… además de que en principio el proyecto parece ser
inconstitucional porque según disposiciones legales vigentes el asiento del Gobierno debe ser la capital de
la República y la misma Asamblea Legislativa debe estar ubicada en ese lugar. » ANCR, Actas INVU,
signatura 72, Acta Nº 2294, 22 de agosto de 1972, f. 253.
857
Eduardo Jenkins Dobles. Informe preliminar. Proyecto de Renovación Urbana de San José y Centro
Cívico Nacional. (San José, Costa Rica: Ministerio de la Presidencia – Ministerio de Obras Públicas y
Transportes, 1978), pp. 2-3. Je remercie profondément Roy Allan Jiménez pour son aide précieuse dans la
localisation de ce texte.
- 420 -
également révélé le faible pouvoir de l’INVU de faire valoir ses projets, devant recourir
à la négociation et au soutien du gouvernement central.
A partir de 1960, le projet est entré dans une phase d’autonomie, en partie à cause
des problèmes soulevés au sein du Département d’urbanisme et aussi d’une moindre
collaboration internationale qui a réduit au minimum les croisements, revenant au projet
éminemment national. Et cela est confirmé par la nature des débats, axés sur la
justification historique du maintien du Centre civique à Cuesta de Moras et non sur
d’autres sites de San José. A partir de l’exposition précédente, il est clair que le
déménagement du Palais National a été essentiel pour enraciner matériellement et
symboliquement le projet et consolider une zone qui contenait historiquement déjà des
espaces urbains importants tels que le Parc national, le Monument national, la Maison
présidentielle ou l’Usine nationale des liqueurs, qui a ensuite été déplacée.
Dans les années 70, le Centre civique a de nouveau fait l’objet de débats, mais au
Conseil d’administration de l’INVU et a révélé non seulement le changement d’approche
et d’attitude de la direction de l’urbanisme à l’égard de ce type de projets, mais aussi ses
faiblesses structurelles.
- 421 -
Selon le directeur de l’OPAM, l’architecte Rafael Solís, l’inégalité observée dans
les revenus des municipalités, rendait l’investissement urbain extrêmement difficile, car
seules de grandes municipalités comme San José avaient le potentiel de le faire.858 En
1971, l’OPAM a publié dans une brochure intitulée « Délimitation de la région
métropolitaine de San José » dans laquelle elle a introduit une nouvelle limite pour la
croissance urbaine, signalée par une « zone critique » qui ne déterminait pas le
commencement de la zone rurale et était donc susceptible de devenir une zone
d’exploitation urbaine dans les années à venir. (Image VII.19)859
Ce cas peut être considéré comme l’un des premiers efforts visant à régionaliser
l’étude et la planification physique de la région métropolitaine de San José. Il a également
été inséré dans un flux d’études, promues par l’OFIPLAN, dont certaines ont souligné la
création d’un district métropolitain860 jusqu’à l’établissement de régions socio-
économiques qui sont encore aujourd’hui utilisées.861 En ce qui concerne l’INVU, il a
participé à l’élaboration d’un plan national de développement urbain en collaboration
avec l’OFIPLAN862 permettant d’intégrer le productif et le social avec la construction de
logements et le développement urbain, encadré dans « un concept de régionalisation. »863
858
ANCR, Actas INVU, signatura 56, Acta Nº 1801, 18 de abril de 1969, fs. 156-165; Arvids Kalnins,
Fernando Albertazzi y Eduardo Protti. Proyecto de creación del Distrito Metropolitano. (San José, Costa
Rica: Ministerio de la Presidencia, 1971), pp. 25-26; Carolyn Hall. « La jerarquía urbana de Costa Rica:
una consideración de la aplicación de modelos geográficos. » Revista Geográfica de América Central. Vol.
1, Nº 1 (1974): 25-48.
859
Rafael Solís Zeledón, Elena Ferrer de Beck y Fernando Marín. Delimitación de la Región Metropolitana
de San José. (San José, Costa Rica: El Instituto, 1971).
860
Kalnins, Albertazzi y Protti. Proyecto de creación…, pp. 29-44.
861
Helmut Nuhn. Regionalización de Costa Rica para la planificación del desarrollo y la administración.
Oficina de Planificación Nacional y Política Económica. (San José, Costa Rica: División de Planificación
y Coordinación Regional, 1974).
862
ANCR, Actas INVU, signatura 78, Acta Nº 2425, 23 de julio de 1973, fs. 101-106.
863
ANCR, Actas INVU, signatura 63, Acta Nº 2071, 9 de febrero de 1971, f. 521-526; ANCR, Actas INVU,
signatura 64, Acta Nº 2080, 2 de marzo de 1971, fs. 43-53.
- 422 -
Image VII.19. Costa Rica. Délimitation de la région métropolitaine de San Jose. 1969.
- 423 -
Comme il ressort du comte rendu, la Direction de l’urbanisme a ainsi concentré
son personnel sur l’étude complète de l’aire métropolitaine. Des diagnostics ont été
élaborés sur la disponibilité des terres, les densités de population, la demande et la
planification des transports, y compris la relocalisation des lignes de chemin de fer, la
construction d’un chemin de fer à énergie hydroélectrique et la mise en service de
« trolleybus » dans la capitale. D’autre part, la Direction a embauché plus de personnel
ajoutant à ses rangs, un ingénieur civil, un avocat urbaniste et un sociologue. Néanmoins,
le manque de personnel qualifié est resté un problème récurrent et les problèmes de
coordination avec l’OFIPLAN ont largement freiné l’avancement des études.864
Le contexte international a également motivé cette dynamique. Entre 1975 et
1976, les réunions préparatoires à HABITAT-I auxquelles l’INVU s’est adressé ont été
développées, comme j’ai analysé au chapitre 5. Selon les rapports d’Eladio Jara et José
Bermúdez Durán, ces réunions ont exhorté les pays à consolider un
« « sumum pluridisciplinaire » où les aspects physiques harmonisent avec les
humanistes et où l’on puisse avoir avec cela des approches plus parfaites de la réalité
du phénomène. L’autre recommandation est que les représentants et délégués à ce
séminaire HABITAT retournent dans leur pays d’origine, en tant que porteurs d’une
nouvelle expérience vitale..., qui rendent rapide la voie de la « régionalité
géographique » de l’Amérique centrale, car elle est le point de départ de toute
réorganisation spatiale. »865
Au cours de la présentation des rapports, il a été souligné que le Costa Rica avait
déjà proposé des solutions institutionnelles à des problèmes tels que la participation
communautaire, comme la fondation de la Direction nationale du développement
communautaire (DINADECO) qui a encouragé la création de soi-disant « associations de
développement » dans les quartiers et les communautés qui ont abouti dans divers cas, à
la substitution des conseils progressistes historiques ou à la répartition des revenus pour
réduire l’extrême pauvreté par le biais des fonds des allocations familiales.866 Pourtant,
ils ont averti que la planification intégrale, désormais comprise à partir de l’approche des
864
ANCR, Actas INVU, signatura 88, Acta Nº 2666, 15 de julio de 1975, fs. 68-69; ANCR, Actas INVU,
signatura 88, 22 de julio de 1975, fs. 85-91.
865
« ”“sumum pluridisciplinario” en tonde los aspectos físicos, armonicen con los humanísticos y se pueda
tener con eso, aproximaciones más perfectas las realidad del fenómeno. La otra recomendación es para que
los representantes y delegados ante ese seminario de HABITAT, regresen a sus países de origen, como
portadores de una nueva vivencia vital..., que tornen expedita la vía de la “Regionalidad Geográfica” de
Centroamérica, por ser la misma el punto de partida de cualquier reordenamiento espacial.» ANCR, Actas
INVU, signatura 91, Acta Nº 2748, 3 de mayo de 1976, fs. 153-155. Traduction libre.
866
Alvarenga, De vecinos a ciudadanos, pp. 29-34.
- 424 -
droits de l’homme et de l’environnement, était encore embryonnaire car l’investissement
dans l’Aire métropolitaine continuait d’être concentré et les zones périphériques étaient
négligées.867 Les études sur l’Aire métropolitaine ont été renforcées avec l’aide de Peter
José Schweizer, qui a été envoyé par l’OEA à l’OFIPLAN pour collaborer à ces
travaux868qui ont commencé à considérer la variable environnementale comme un
mécanisme pour éviter l’étalement urbain et qui s’est étendue, entre autres, à la protection
des bassins hydrographiques et des zones de recharge aquifères.869
Bien qu’elle ait été réalisée en dehors de l’INVU, il convient de souligner la
contribution de l’étude DRENACA, réalisée par la société mexicaine Estudios y
Proyectos S.A. (EYPSA), financée par des fonds de la BID et à la demande de l’IFAM et
de la municipalité de San José. Cette étude a proposé des modèles de croissance urbaine
(mononucléaire, linéaire, polynucléaire, parallèle) pour éviter fondamentalement le
problème des inondations dans la capitale et la protection des manteaux aquifères pour
assurer l’approvisionnement en eau potable. En outre, il a étendu l’extension de la région
métropolitaine à 24 cantons et 88 districts, couvrant ainsi les quatre provinces de la vallée
centrale : San José, Heredia, Cartago et Alajuela et introduit une limite susceptible
d’usage urbain, qui a été appropriée par l’INVU en 1980.870
Ce contexte a favorisé l’INVU à affecter ses ressources à l’OPAM, afin d’élaborer
le Plan Régional Grande Aire Métropolitaine (GAM). Les études ont coïncidé avec le
début des travaux d’EYPSA dans lesquels, selon les données disponibles, l’INVU a
étroitement collaboré. C’est pour cette raison que, en établissant le contexte de ce qu’on
appellera le Plan GAM, deux événements ont été identifiés : l’hypothèse de
développement de la région métropolitaine présentée par l’architecte Warnes Sequeira et
le rapport DRENACA. Le Plan GAM est l’aboutissement de cette période d’analyse et a
convergé les contributions des programmes d’assistance technique, le réseau
d’entrelacements qu’il a permis et l’expérience nationale en matière d’urbanisme.871
867
ANCR, Actas INVU, signatura 92, Acta Nº 2763, 5 de julio de 1976, fs. 2-8.
868
ANCR, Actas INVU, signatura 92, Acta Nº2763, 5 de julio de 1976, fs. 9-17; ANCR, Actas INVU,
signatura 96, Acta Nº 2861, 5 de julio de 1977, fs. 38-50.
869
ANCR, Actas INVU, signatura 93, Acta Nº 2793, 19 de octubre de 1976, fs. 83-95.
870
EYPSA. Estudio DRENACA: Informe final para ejecutivos. (México DF: Litografía Berenfeld, 1979);
ANCR, Actas INVU, signatura 106, Acta Nº 3113, 28 de enero de 1980, fs. 89-90.
871
ANCR, Actas INVU, signatura 93, Acta Nº 2793, 19 de octubre de 1976, fs. 83-95; ANCR, Actas INVU,
signatura 103, Acta Nº 3061, 16 de julio de 1979, fs. 703-714. L’INVU a directement reconnu les
contributions des missions techniques de Garcés, Kayanan, Kalnins, Solow qui ont introduit « l’inquiétude
des autorités et des techniciens locaux pour former du personnel et lancer des études urbaines en particulier
- 425 -
L’une des contributions les plus importantes du Plan GAM a été l’établissement d’une
limite officielle de la Grande Aire métropolitaine appelée « ceinture ou anneau de
confinement » et qui prévoyait une zone de protection de 155 500 hectares et une zone de
développement urbain de 44 500 hectares, ce qui a entraîné au total une extension du
GAM de 196 700 hectares (Carte A.1 en Annexe).872
Dans ce contexte de régionalisation de l’urbanisme, le projet du Centre civique
national a de nouveau été discuté et a également proposé sa propre manière de dialoguer
avec les environs de la capitale. Le débat suscité illustre la controverse de deux types
d’urbanisme qui se sont déroulés à l’intérieur de l’INVU : la concurrence entre anciens
collègues travaillant alors pour des institutions différentes et la légitimation du travail de
l’INVU face à la possibilité de voir ses fonctions usurpées par d’autres institutions
gouvernementales.
dans la capitale de la République ». INVU. Plan Regional Metropolitano: Gran Área Metropolitana. (San
José, Costa Rica: Imprenta Nacional, 1983), pp. 8-12.
872
INVU, Plan Regional Metropolitano, pp. 41-42, 112, 114.
- 426 -
travail d’Eduardo Jenkins qui, à partir de 1973, a travaillé pour ces deux institutions a pu
avoir un poids important.873
Ce dernier élément est fondamental car après son départ, Jenkins a été fortement
critiqué par l’auditeur, Gerardo Villegas Quesada, qui a fait valoir que quand Jenkins était
chef du Département, puis de la Direction d’urbanisme « il n’a jamais eu de patron », lui
permettant d’agir indépendamment au point de retarder les conceptions des unités de
voisinage d’Hatillo 4 et 5 pour « faire des travaux particuliers demandés par le Premier
Dam de la République dans le parc Bolívar ou un autre site. » L’architecte Warnes
Sequeira a souligné qu’il y avait des frottements personnels entre Jenkins et Rodrigo
Vargas, qui dirigeait le département des plans et des travaux de l’époque. Au cours de
cette période, Jenkins avait donc perdu une partie de la faveur du Conseil d’administration
de l’INVU.874
D’autre part, Silva King a souligné que l’important était de créer un plan directeur
pour la capitale, car cela aiderait à éliminer un certain nombre de problèmes que le projet
du Centre civique ne prévoyait pas, à savoir la région métropolitaine, et pour sa part le
directeur Francisco Cordero a recommandé de divulguer davantage la contribution de
l’INVU au projet.875 Pendant une décennie, l’original « L » avait évolué en un anneau de
rénovation urbaine qui, selon Jenkins, était basé sur les principes de justice sociale, la
protection de l’environnement et du patrimoine culturel.876 Cet anneau a été divisé en 7
zones: 1) le Parc linéal Río Torres; 2) Centre civique; 3) Place Gonzalez Víquez; 4)
Quartiers du Sud; 5) Cimetières Général et Ouvrier; 6) Parc métropolitain La Sabana; 7)
Quartier México représenté sur l’Image VII.20.877
873
Eduardo Jenkins Dobles. « HABITAT: Conferencia de las Naciones Unidas sobre Asentamientos
Humanos. » (San José: IFAM, 1976).
874
Le Parc Bolívar reste encore comme le parc zoologique de San José. ANCR, Actas INVU, signatura 83,
Acta Nº 2541, 7 de mayo de 1974, fs. 15-26.
875
ANCR, Actas INVU, signatura 88, Acta Nº 2672, 5 agosto de 1975, pp. 142-150; Actas INVU, signatura
95, Acta Nº 2858, 21 de junio de 1977, p. 320; Jenkins, Informe preliminar. Proyecto, p. 5.
876
Jenkins, Informe preliminar. Proyecto, p. 10.
877
Pour une révision détaillée, les plans de chacune des zones sont inclus dans les annexes.
- 427 -
Image VII.20. Costa Rica. Plan de l’Anneau de rénovation urbaine et Centre civique national de San José. 1978.
- 428 -
Le projet, qui avait près de 20 ans de retard à cause de nombreux accidents878, a
maintenu certains de ses principes originaux : premièrement, l’importance de doter d’un
« caractère de ville », en l’absence de traits de son passé colonial ou indigène.
Deuxièmement, maintenir la centralité de la capitale, fondée sur des raisons historiques
et d’accès à des services qui ne pouvaient être décentralisés. Troisièmement, son
identification avec les principes de la rénovation urbaine et des centres civiques des
CIAM, où la priorité du piéton et la conception des bâtiments à l’échelle humaine ont été
maintenues.879 Pour le Conseil d’administration, qui s’est montré dans une certaine
mesure réceptif au projet, il a fait plusieurs remarques ponctuelles: poursuivre les projets
de piétonisation de plusieurs points de la capitale, dont l’Avenida Central; élargir la zone
des installations sportives pour les quartiers du Sud et surtout que le projet se répande
pour que les « gens le comprennent et le reçoivent avec amour » et se forment une
conscience de l’initiative.880
Le 13 mars 1978, le Conseil d’administration a reçu le président du Collège des
architectes, Hernán Ortiz, et l’ingénieur Jenkins, pour discuter de plusieurs problèmes de
conception et juridiques que posait le nouveau projet de l’Anneau de rénovation urbaine.
Le débat, pour des raisons d’espace, ne pourra pas être analysé intégralement et je me
concentrerai donc uniquement sur les points où les approches métropolitaines et
régionales ont été confrontées et sur le rôle de l’INVU en tant qu’institution dirigeante de
l’urbanisme. Il convient de souligner que ce débat a introduit un nouvel acteur à la fois
politique et technique, le Collège des architectes, instance qui appartient au Collège
fédéré des ingénieurs et architectes (CFIA) dont l’implication dans les débats sur le
développement urbain costaricain est maintenue jusqu’à nos jours.
Le point de départ de Hernán Ortiz était de nature administrative : les appels au
concours d’antécédents pour les bâtiments du Centre civique. Soulignant plusieurs vices
de la procédure, l’architecte Ortiz a critiqué la position permissive de l’INVU à l’égard
de ces actions. Il a ensuite affirmé que le Collège des architectes ne soutenait pas le projet
878
Jenkins a souligné plusieurs incidents qui ont provoqué les retards: premièrement, la perte de soutien du
projet sous le gouvernement de Mario Echandi (1958-1962); ensuite, les éruptions du volcan Irazú entre
1963 et 1965; les tentatives infructueuses d’obtenir des financements sous le troisième gouvernement de
Figueres (1970-1974) et les priorités de développement rural qui ont été mises en œuvre sous le
gouvernement de Daniel Oduber (1974-1978). ANCR, Actas INVU, signatura 95, Acta Nº 2858, 21 de
junio de 1977, pp. 318-320.
879
Actas INVU, signatura 95, Acta Nº 2858, 21 de junio de 1977, p. 320; Jenkins, Informe preliminar.
Proyecto, pp. 3, 7-8, 51-52.
880
Actas INVU, signatura 95, Acta Nº 2858, 21 de junio de 1977, pp. 324-325.
- 429 -
parce qu’il subordonnait l’investissement à un projet qui ne répondait pas correctement
aux lacunes régionales. Il remarqua le signalement que le projet n’a pas tenu compte
d’études majeures telles que le DRENACA où les problèmes d’urbanisme n’étaient pas
pris en compte au niveau de la ville, mais au niveau de la région métropolitaine.881
Les accusations d’Ortiz à l’égard de l’inaction de l’INVU n’ont pas été
entièrement bien accueillies par le président exécutif Eduardo Zúñiga Chavarría, pour les
avoir considérées comme un « emplacement direct » dans le Conseil d’administration sur
des actions qui ne lui étaient pas destinées, c’est-à-dire les appels d’offres ou la gérance
du projet par un bureau créé par les députés, de sorte que c’est dans les tribunaux que ce
type de réclamations devait être fait. En ce qui concerne la perte de pouvoirs, Zúñiga a
considéré que la plainte faite par Ortiz permettait une réflexion vers la position subalterne
de l’INVU en matière de logement et de planification, qui causait également des
problèmes budgétaires à cause de la doublure des fonctions.882
Au cours du débat, c’est le directeur Warnes Sequeira qui a mis en valeur la
contribution de l’INVU à l’ensemble du projet de l’Anneau de rénovation urbaine et a
fait valoir qu’en plus d’avoir étroitement collaboré à sa conception, l’Institut a proposé le
contexte de l’étude DRENACA, ce qui est confirmé en partie par les études de la région
métropolitaine présentées entre 1971 et 1977 par l’OPAM. La rénovation urbaine a
également été apportée par l’INVU, qui œuvrait également pour obtenir un crédit. Enfin,
il a souligné que l’attitude du Collège, car par l’intermédiaire de ses représentants affectés
au Bureau du Centre civique il connaissait les progrès du projet et a fait part tardivement
de son opposition au projet. Dans son intervention, Jenkins a fait valoir que les critiques
formulées par Ortiz avaient une teinte personnelle, dans l’ignorance du projet (bien qu’il
ait été constamment invité aux présentations) et qu’il ne représentait pas l’opinion du
Collège puisque l’assemblée s’était exprimée contre l’opposition au projet du Centre
civique.883
En ce qui concerne les critiques d’Ortiz sur l’absence de l’approche régionale du
projet, la défense de Jenkins s’est concentrée sur l’accent mis sur la valeur locale du
projet, en disant :
881
ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2926, 13 marzo de 1978, fs. 251-253.
882
ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2926, 13 marzo de 1978, f. 261.
883
ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2926, 13 marzo de 1978, fs. 257-258, 261.
- 430 -
« Tout d’abord, il ne s’agit pas d’un plan d’aménagement de la région
métropolitaine, c’est un plan de rénovation de la zone centrale de San José, qui
vise à rendre cette ville habitable, une ville rappelable et qui ne s’étouffe pas...
Avec un anneau de rénovation, on pourra réduire les parkings, ce qui manque
beaucoup, ainsi que les terminaux de bus, c’est-à-dire les zones de transfert. Il faut
convaincre qu’à l’avenir, dans l’état actuel des choses, les gens ne pourront pas
entrer dans le centre de San José, mais que c’est par le transport collectif, quoi
qu’on fasse. Ici, comme dans la plupart des villes du monde, le passage au centre
sera limité pour des véhicules individuels. »884
884
« En primer lugar, no se trata de un plan regulador del Área Metropolitana, es un plan de renovación del
área central de San José, que pretende hacer esta ciudad vivible, una ciudad recordable y que no se asfixie
a sí misma… Con un anillo de renovación, se podrá reducir estacionamientos, que mucha falta están
haciendo, así como terminales de buses o sea áreas de transferencia. Hay que convencerse que en el futuro,
a como van las cosas, la gente no podrá entrar al centro de San José, sino es con transporte colectivo, hágase
lo que se haga. Aquí, como en la mayoría de las ciudades del mundo, será restringido el paso por el centro
en vehículos individuales.» ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2926, 13 marzo de 1978, f. 271.
Traduction libre.
885
« ... cuando se dice Centro Cívico y Anillo de Renovación Urbana, se están mezclando dos cosas para
hacer algo en renovación urbana, pero él cree que el plan de renovación debe ser algo completo, y ese
Centro Cívico debería obedecer a un plan general de renovación... la capital del país,… Es un núcleo de
fuerte concentración económica y humana con una significativa capacidad para generar su propio
crecimiento. Estas características revelan los problemas actuales y futuros, a los que tendrá que enfrentarse
esta metrópoli… Por tanto, es necesario iniciar la desconcentración de San José, tomando como apoyo los
centros regionales situados en su periferia: Cartago, Alajuela, Heredia; además, Santa Ana y otros… Así,
las soluciones que se circunscriben a cantones metropolitanos de San José son esfuerzos perdidos y
erróneos. » ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2926, 13 marzo de 1978, fs. 278-280. Traduction
libre.
- 431 -
La position de Silva résumait le changement de paradigme qui s’était produit à
l’INVU dans les années précédentes et qui a également contribué à faire la gestation de
Jenkins pendant la crise subie par la Direction de l’urbanisme en 1972. Le projet du
Centre civique, bien qu’il s’agisse d’un projet de marque INVU et qu’il ait fait partie de
l’expérience historique de l’Institut, ne répondait plus au type de planification promue
par la Direction et l’OPAM à l’époque. En outre, la critique a été renforcée par la
reconnaissance de la perte de pouvoirs que l’INVU avait exploitée ces dernières années,
de sorte que défendre l’approche régionale, était aussi de légitimer le rôle de l’Institut
auprès d’autres institutions concurrentes, telles que l’OFIPLAN ou l’IFAM. En outre, son
parcours en tant ancien élève du CINVA, où le principe de la planification intégrale a
joué un rôle déterminant dans le développement de ses cours, séminaires et événements
internationaux lors de son passage au centre de recherche de l’OEA, a influencé cette
position.
Pourtant, la remarque de Silva n’a pas été partagée par le gérant Sequeira. Bien
qu’il ait estimé que la planification intégrale était préférable pour toute ville, au Costa
Rica ou en Amérique centrale,
« rien n’a à voir avec le Centre civique gouvernemental, car... seulement un peut
être dans le pays et c’est tout, et quoi qu’il en soit, il devra être dans la capitale ...
Qu’il y ait un déséquilibre au Costa Rica, c’est bien connu, même par ceux qui ne
sont pas planificateurs, mais cela ne se corrige pas en mettant ici ou là un centre
civique. »886
886
«… nada tiene que ver con el Centro Cívico Gubernamental, porque... solamente uno puede haber en el
país y punto, y por mucho que se adverse, eso tendrá que estar en la ciudad capital... Que haya desequilibrio
en Costa Rica, eso es de sobra conocido, aún por quienes no son planificadores, pero eso no se corrije
poniendo por aquí oallá(sic) un centro cívico. » ANCR, Actas INVU, signatura 98, Acta Nº 2927, 14 de
marzo de 1978, f. 290-291. Traduction libre.
- 432 -
Le projet du Centre civique a perdu de son élan à partir de cette année-là,
ironiquement sous le gouvernement de celui qui était le gérant de l’INVU : Rodrigo
Carazo.887 Bien que les informations disponibles prouvent que le gouvernement Carazo a
encouragé la planification régionale888 et dans son gouvernement aussi, la construction
d’un nouveau bâtiment pour la Maison présidentielle a été poursuivie, précisément au
Centre civique, et ce sont des efforts indépendants qui n’ont pas entièrement répondu à la
réponse initiale de l’INVU. Cependant, Cuesta de Moras a continué d’être reconnu,
encore aujourd’hui, comme le Centre civique de San José. Après la crise de 1980, des
travaux se sont poursuivis dans ce quartier de la capitale. Le Centre national de la culture
a été construit, qui, en 1993, est devenu le siège du ministère de la Culture, de la Jeunesse
et des Sports de l’époque et a déménagé l’État civil dans un bâtiment adjacent à la Cour
électorale suprême.889 Le nouveau bâtiment de l’Assemblée législative a récemment été
inauguré.890
D’autres œuvres comme le Musée des enfants, ont été basées sur l’Anneau de
rénovation urbaine891, ainsi que le premier kilomètre du projet de Rutas Naturbanas892,
qui tente de récupérer le parc linéaire de la rivière Torres. Enfin et surtout, l’initiative
« Ciudad Gobierno » s’est basée sur le plan de la zone 3 de l’Anneau de rénovation
urbaine qui vise à localiser, au sud de la capitale, un centre civique ministériel, relié au
Centre civique historique par l’axe du Paseo de los Estudiantes (rue 9) et le train
interurbain qu’au moment de la rédaction de ce chapitre, est au centre du débat
politique.893 Le Centre civique national reflète la généalogie de la planification intégrale
en tant que concept, instrument et aspiration au sein du Département d’urbanisme de
l’INVU. Cependant, des questions restent à répondre : quelles ont été les causes
structurelles qui ont entravé les travaux de planification? Quels facteurs ont influencé son
887
ANCR, Presidencia, signatura 388, PE-4227, 15 de enero de 1980, « Carta de Juan Francisco
Montealegre Martín a Rodrigo Carazo », s.n.f.
888
ANCR, Presidencia, signatura 419, 5 de junio de 1980, « Carta de Rodrigo Carazo a Wilburg Jiménez »,
s.n.f.; ANCR, Presidencia, signatura 419, 25 de junio de 1980, « Evaluación de actividades efectuadas por
OFIPLAN en lo referente al proyecto de Desarrollo Urbano », s.n.f
889
Sanou, Guía de Arquitectura..., pp. 197-200.
890
Malka Mekler. « Conozca el proceso de construcción del nuevo edificio de la Asamblea Legislativa,
Costa Rica. » Revista Construir, 13 de noviembre del 2020. Consulté le 15 juin 2021. URL:
https://revistaconstruir.com/conozca-el-proceso-de-construccion-del-nuevo-edificio-de-la-asamblea-
legislativa-costa-rica/
891
Sanou, Guía de Arquitectura…, pp. 212-213.
892
« Rutas Naturbanas. » Consulté le 15 juin 2021. URL: https://rutasnaturbanas.org/lapropuesta
893
« Ciudad Gobierno ahorrará $387,8 millones al Estado. » Consulté le 15 juin 2021. URL:
https://www.presidencia.go.cr/comunicados/2021/05/ciudad-gobierno-ahorrara-3578-millones-al-estado/
- 433 -
manque de financement ? Quelles ont été les implications sociales de ces limites ? Le
chapitre suivant s’efforcera de répondre à ces questions par la problématique de la
fonction sociale de la propriété.
5. Conclusion du chapitre.
- 434 -
nouvelles sources et méthodologies d’urbanisme qui ont été explorées aux chapitres 5 et
6. Cette expérience accumulée a abouti à l’adoption de la loi organique de l’INVU de
1954, qui est également le fruit des croisements constitués au cours de ces cinq premières
années.
Entre 1949 et 1954, le conseil municipal de San José a encouragé l’appropriation
d’instruments de planification tels que les plans d’aménagement, les règlements
d’urbanisation et de fractionnement, les plans de voies, entre autres, résultant du travail
conjoint de Garcés avec le personnel d’ingénierie de la municipalité de San José.
Cependant, les premiers obstacles sont venus avec l’application de ces instruments, qui
ont forcé la société à les défendre contre l’opinion défavorable des citoyens ayant un
pouvoir d’achat qui possédaient des biens sur l’Avenida Central. Par ailleurs, certains
membres du Conseil se sont opposés aux projets du Plan Garcés, car les taxes devaient
être utilisées pour résoudre d’autres problèmes tels que l’eau, l’entretien des routes et le
logement. L’opposition citoyenne et les recommandations de l’urbaniste Maurice Rotival
ont introduit un changement fondamental dans le plan de voies, avec le déplacement du
plan d’élargissement de l’Avenida Central vers l’Avenida Segunda. Le problème de fond,
ce sont les intérêts commerciaux de ceux qui possédaient des propriétés sur l’Avenida
Central, car le plan de voies impliquait l’application d’un régime de propriété privée
différent auquel ils n’étaient pas préparés.
Avec la fondation de l’INVU, le principe de la planification intégrale existait en
théorie, mais pas dans la pratique. Comme cela a été démontré, l’approche appliquée par
l’INVU au cours de ses premiers mois de vie a été éminemment orienté sur le logement,
conséquence à la fois de la trajectoire historique de ce problème social au Costa Rica et
de l’expérience de la CCSS. L’insertion de la planification urbaine s’est produite, selon
les données disponibles, par le croisement de diverses acteurs et savoirs, par exemple,
Eduardo Jenkins, Gastón Bartorelli, Antonio Cruz Kayanan, et autres. L’INVU s’est donc
approprié des instruments tels que les plans d’aménagement, pour introduire la fonction
sociale de la propriété, de coordination qui ont été testés à Limon comme les conseils
locaux de planification et Bartorelli, grâce à sa connaissance du réseau d’entrelacements.
L’approche métropolitaine guide les travaux du Ddépartement de l’urbanisme
entre 1955 et 1962. Cette approche, introduite par Solow en 1948, a été appropriée et
adaptée par l’INVU par l’intermédiaire de l’OPAM, l’une des sections du Département.
En ce sens, la planification intégrale a été interprétée comme l’intervention de la ville et
- 435 -
de son environnement, c’est-à-dire les cantons environnants de la capitale, qui formaient
l’Aire métropolitaine ou le Grand San José. Cependant, entre 1955 et 1969, cette zone
n’avait pas de limite bien définie, ce qui rend difficiles les contrôles d’expansion. Il n’a
pas non plus conçu le travail de planification au niveau régional, de sorte que les inégalités
territoriales entre les provinces et même au sein des mêmes cantons de l’Aire
métropolitaine ont continué de se creuser.
L’approche métropolitaine a été conçue comme un effort de plusieurs institutions,
où l’INVU a agi en tant qu’organisme de coordination et de régulation, les municipalités
en tant qu’organes locaux d’exécution et les ministères tels que ceux des Travaux publics
et de la Santé publique agissant comme soutien. Par ailleurs, l’assistance technique
internationale s’est approfondie au cours de la période : les accords d’assistance technique
ont été signés avec le Point IV et le CINVA et les premiers experts en mission technique
sont arrivés. La participation aux événements du réseau d’entrelacements a été renforcée
et des fonctionnaires ont été envoyés pour suivre une formation dans des centres tels que
le CINVA, grâce aux bourses accordées par l’ONU, l’OEA et le Point IV. La maturité
rapide du Département d’urbanisme a été largement rendue possible par le niveau de
coordination entre les acteurs nationaux et internationaux, qui ont facilité la circulation et
le renouvellement des connaissances de l’urbanisme.
Cela a eu un reflet important dans le projet du Centre civique national et du Centre
bancaire. Les deux projets ont été conçus selon les modèles de la rénovation urbaine et
des centres civiques, qui avaient pour sources l’OEA, les CIAM et le mouvement City
Beautiful. Si des acteurs tels que Solow et Garcés ont nourri les projets à travers le prisme
de la rénovation urbaine, ce sont les acteurs nationaux qui ont intégré les principes du
CIAM. Le projet a été principalement réalisé par les urbanistes et les architectes
nationaux, bien que la collaboration étroite de Solow sur le projet ait pu être identifiée,
ce qui a été rendu possible par les missions d’assistance technique qu’il a menées au Costa
Rica en 1956.
Le Centre civique a été l’un des premiers essais d’urbanisme basés sur le zonage.
Cet outil, qui impliquait un contrôle administratif sur le sol urbain, a été contrecarré par
l’action autonome des institutions, de la Banque centrale et de l’INVU, car le suivi des
schémas émanant du Département de l’urbanisme a interféré avec les intérêts de la
Banque centrale. Cela a mis en évidence de première main l’absence de mécanismes
juridiques qui donneraient à l’INVU un plus grand pouvoir de contrôle et de respect de
- 436 -
sa réglementation et de ses projets, ce qui a pu être compensé par le soutien direct du
gouvernement.
Le zonage a apporté des conséquences irréversibles à la capitale, avec le
déplacement de son « cœur », l’Assemblée législative, à Cuesta de Moras, où le Centre
civique national serait construit. Cette opération s’est fait, pratiquement, sans aucune
protestation de la population ou de l’opinion publique et a légitimé le travail de
planification de l’INVU et le projet lui-même. Il n’a pas fait objet d’aucune consultation
publique. La diffusion était presque nulle. On pourrait soutenir que le projet était presque
autoritaire. Cependant, les mécanismes de participation populaire, bien que connus, n’ont
pas été suffisamment promus, face à la méfiance qui était à l’égard de ces méthodologies,
comme en témoigne le peu de recommandations liées à ce thème dans le réseau
d’entrelacements.
Certes, dans les années 1960, le paysage variait. Face au retrait du réseau
d’entrelacements, le projet du Centre civique s’est spécialisé et est devenu éminemment
national. Pourtant, le centre du débat a continué de se concentrer sur les implications du
zonage et du déplacement de certaines dépendances gouvernementales, comme le Musée
national ou la Bibliothèque nationale. Bien que ce dernier ait été définitivement déplacé,
le premier a non seulement conservé sa place d’origine, mais aussi son bâtiment
historique. Cet aspect est fondamental, car il a obligé les proposants à tolérer un édifice
ancien au sein d’un centre civique qui cherchait avant tout à être un symbole de
développement économique et politique. Cependant, face aux intentions de localiser le
Centre civique en dehors de la capitale, des facteurs historiques et juridiques ont été
utilisés pour l’enraciner sur son site de Cuesta de Moras.
Les changements intervenus au Département de l’urbanisme au début des années
1970, la lutte contre sa crise et l’adoption, enfin, de l’approche régionale de l’urbanisme,
ont guidé le débat du Centre civique vers son incapacité à dialoguer avec les besoins de
la nouvelle région métropolitaine. Le soi-disant Anneau de rénovation urbaine, est resté
enraciné dans la tradition de l’approche métropolitaine en dépit de ses efforts pour
intégrer la périphérie immédiate de San José. Cependant, l’opposition au projet a révélé
les limites de l’urbanisme costaricain, car ni la capitale ni les autres régions du pays
n’avaient pu être correctement intervenues. Le facteur qui a eu un impact sur l’adoption
biaisée de la planification intégrale n’avait pas grand-chose à voir avec l’esthétique d’un
projet, ou son ampleur. Il résidait dans un élément insaisissable, presque invisible, qui a
- 437 -
été mentionné plusieurs fois en passant, mais dont peu voulaient discuter : la fonction
sociale de la propriété, problème qui sera analysé dans le prochain et dernier chapitre de
ce travail.
- 438 -
VIII. L’(IM)POSSIBLEREGIME DE PROVIDENCE DE LA PLANIFICATION
URBAINE COSTARICAINE.
Le 26 février 1958, l’urbaniste César Garcés retourna au Costa Rica aux côtés de
René Eyheralde Frías pour donner une formation à l’INVU sur l’utilisation de la machine
CINVA-RAM (Image VIII.1). A cette occasion, un journaliste de La República a
interviewé Garcés pour obtenir ses impressions sur la ville de San José, le travail de
l’INVU et ce qui était arrivé à son célèbre plan d’aménagement pour la capitale. Face à
ces questions, l’urbaniste a répondu :
« Je crois que le projet pour le futur développement de San José préparé par moi-
même et connu sous le nom de Plan Garcés s’est détourné de l’opinion publique vers
l’objectif exclusif de l’élargissement des rues, alors que le plan complet est pour la
meilleure utilisation du sol dans la ville... Hier, on m’a informé que les terrains
proches de la Cuesta de Moras qui valaient auparavant ₡80,00 la verge (vara) carrée,
maintenant avec l’arrangement qui a été fait dans ce secteur de l’avenue, ont été
évalués à ₡500.00 la verge carrée. »894
894
« Creo que el proyecto para el futuro desarrollo de San José preparado por mí y que se conoce como
Plan Garcés se ha desviado de la opinión pública hacia el objetivo exclusivo de la ampliación de las calles,
cuando el plan completo es para el mejor uso de la tierra en la ciudad... Ayer me informaron que terrenos
cercanos a la Cuesta de Moras que antes valían a ₡80.00 la vara cuadrada, ahora con el arreglo que se hizo
en ese sector de la avenida, se ha valorado en ₡500.00 la vara cuadrada. » Teodoro Martén. “San José está
perdiendo la luz natural.” La República, 26 de febrero de 1958, p. 16. Je souligne. Traduction libre.
- 439 -
Image VIII.1. Costa Rica. Eduardo Jenkins et César Garcés. 1958.
Au chapitre 5, les délégués présents aux réunions techniques de 1956 et 1958 ont
recommandé des instruments de financement relatifs à la prise de la plus-value et au
régime de propriété, qui ont été réitérés lors de la Réunion de logement de 1957.
Cependant, et pour le cas centraméricain, les réunions du Sous-comité du logement n’ont
pas donné suite à ces recommandations. Faisant partie des connaissances qui ont circulé
dans le réseau d’entrelacements et ayant été présents à de nombreux débats dans les
procès-verbaux de l’INVU, elles ont été analysées dans trois cas : le problème des
réserves de terrains, le financement des travaux de développement urbain et, surtout, la
dotation des facilités dites communales.
Le présent chapitre poursuivra l’analyse entamée au chapitre précédent, en se
concentrant spécifiquement sur la fonction sociale de la propriété. Pour analyser cette
problématique, le contenu a été organisé comme suit : au début, le premier contact des
institutions costaricaines avec les implications de la fonction sociale de la propriété sera
abordé, en s’approchant les raisons de l’absence de ce droit et de ce devoir dans la
Constitution politique, pour poursuivre ensuite avec la résistance sociale au Plan Garcés.
La deuxième partie examinera comment l’INVU a cherché à introduire la fonction sociale
- 440 -
de la propriété par le biais de la réglementation costaricaine, en recourant aux cas des
réserves de terrains et de la capture de la plus-value. Ce processus est étroitement lié aux
raisons qui ont motivé l’INVU à recourir aux crédits internationaux, ce qui sera
brièvement abordé dans le cas du premier prêt auprès de la BID. La troisième section
poursuivra l’analyse de la fonction sociale de la propriété, mais axée sur la réglementation
des facilités communales et des réserves de droit pour l’élargissement des voies
publiques.
Au début des années 1940, Rodrigo Facio Brenes a abordé dans son célèbre
ouvrage « Estudio sobre economía costarricense » l’impact social et économique du
régime de propriété privée rurale existant au Costa Rica. En 1947, il a reconnu les vertus
de la réforme constitutionnelle de 1943 en donnant au Congrès le pouvoir d’intervenir,
par la loi, le régime de la propriété. Eduardo Ortiz a souligné que cette réforme, introduite
par le gouvernement de Rafael Ángel Calderón Guardia, répondait à l’intérêt de ce
dirigeant pour les problèmes sociaux et économiques du pays et à des raisons historiques,
en l’occurrence la présence du latifundio895 et la monoculture dans des régions comme
les Caraïbes, Guanacaste et la vallée centrale.896 Cependant, Ortiz et José Manuel Núñez
ont convenu que cette réforme était conservatrice car la fonction sociale de la propriété a
été établie dans la Constitution de 1871 comme exception et non comme règle.897
895
Marc Edelman. La lógica del latifundio: la grandes propiedades del noroeste de Costa Rica desde fines
del siglo XIX. Trad. Jeanina Umaña Aguilar. 1ª ed. digital (San José, Costa Rica: EUCR, 2019).
896
Eduardo Ortiz Ortiz. « Propiedad, empresa e intervención pública en Costa Rica. » Revista de Ciencias
Jurídicas, Nº 35 (1974), pp. 160.
897
Ortiz, « Propiedad, empresa e intervención… », p. 202. Le concept de « fonction sociale » vient d’une
doctrine juridique dont les bases remontent à Leon Duguit pour qui la propriété n’était pas un droit, mais
une fonction sociale. Sa position partait du principe que l’homme isolé et indépendant était une « fiction »
car elle allait à l’encontre de sa nature. José Manuel Núñez González. “Las posiciones de Rodrigo Facio
respecto a la función social de la propiedad.” Revista Parlamentaria, Vol. 8, Nº 2 (Agosto 2000): pp. 616-
619; Robert Castel , « La propriété sociale : émergence, transformations et remise en cause », Esprit,
2008/8-9 (Août/septembre), pp. 171-190. Consultado el 3 de junio del 2021. DOI :
10.3917/espri.0808.0171. URL : https://www.cairn.info/revue-esprit-2008-8-page-171.htm; Eduardo
Cordero Quinzcara. « De la propiedad a las propiedades. La evolución de la concepción liberal de la
propiedad. » Revista de Derecho de la Pontificia Universidad Católica de Valparaíso, XXXI (2º Semestre
2008): pp. 493-525; Daniel Bonilla. « Liberalism and Property in Colombia: Property as Right and Property
as a Social Function. » Fordham Law Review, Vol. 80, Nº 3 (2011): pp. 1135-1170.
- 441 -
Lors de l’Assemblée nationale constituante de 1949, les articles 103 et 109 du
projet de constitution rédigé par le Conseil fondateur de la Seconde République qui
concernaient ce principe et les prérogatives de l’État pour orienter le développement
économique ont été contestés. Ces propositions ont échoué, malgré les efforts de Rodrigo
Facio pour les préserver.898 Il convient de souligner que l’actuel article 50 de la
Constitution a rencontré une certaine résistance de la relève de députés tels que Juan
Trejos Quirós, qui y a vu une ingérence de l’État dans l’initiative privée.899
À la suite de ces débats, le régime de propriété hérité de la Constitution de 1871,
qui, selon Ortiz, était caractéristique d’un État de droit libéral classique, a été maintenu
dans la Constitution de 1949. Sur cette base, l’État ne peut intervenir que par
l’intermédiaire du Congrès, par une loi qui fixe clairement les limites et les objectifs de
l’intervention ainsi qu’une juste reconnaissance pour le propriétaire concerné. Selon
Ortiz, cela explique pourquoi la planification impérative est impossible dans le régime
constitutionnel actuel, bien que des lois telles que la loi de Planification urbaine aient pu
le faire dans une certaine mesure en vertu des principes constitutionnels régissant l’action
municipale.900
Il est important de noter que la pensée de Facio ainsi que les débats de l’Assemblée
nationale constituante partagent une ligne idéologique similaire à celle observée lors des
congrès panaméricains d’architecture et le zèle de ses délégués à réglementer l’initiative
privée. Certes, la problématique de la fonction sociale de la propriété est liée au plan
d’aménagement et surtout à l’une de ses composantes : le règlement de fractionnement et
d’urbanisation. Le chapitre 7, à travers l’analyse du Centre civique national, a montré que
l’autonomie institutionnelle ou la sensibilité au patrimoine bâti étaient en quelque sorte
des obstacles aux ordonnances de zonage qui sous-tendaient le projet. A priori, ils
témoignent d’un espace de croisement des techniciens, nationaux et internationaux, des
pouvoirs suprêmes et des institutions qui s’approprient, modifient ou rejettent les
connaissances. Mais comment cette problématique a-t-elle été abordée lors des missions
techniques de Solow et Garcés ? Nous le verrons ci-dessous.
898
Núñez, « Las posiciones de Rodrigo Facio », p. 637.
899
Ortiz, « Propiedad, empresa e intervención… », p. 166.
900
Ortiz, « Propiedad, empresa e intervención… », pp. 165, 186-187, 201-202; Oriester Abarca Hernández.
« El Estado como necesidad racional y el derecho de propiedad en la teoría de Kant. » Revista Inter Sedes,
Vol. 2 (Nº 2-3, 2001): pp. 13-30.
- 442 -
2. Les josefinos contre le Plan Garcés.
901
« From the social point of view, it is questionable whether the community should pay the price of future
residential land for a piece of existing agricultural property which it intends to preserve as productive open
space in the interact of the public. It is also questionable whether the owners of property adjacent to a new
highway built by the government, are entitled to reap a personal financial benefit from a public
improvement paid for by the entire community. Great Britain… has consequently passed legislation (Town
and Country Planning Act of 1947 and related laws) which freezes payments to private owners according
to the existing and not the possible future uses » Solow, A planning program, p. 43. Traduction libre.
902
Solow, El problema de la vivienda económica, pp. 67-68.
- 443 -
« Je continue à considérer, et c’est peut-être un peu illusoire, que si nous, nous
nous proposons de bien consolider ces projets, nous lui faisons énormément de
bien à la ville de San José. Il est certainement indispensable que nous
indemnisions les bandes de terrains qui restent au service public... Un élément
fondamental de ce plan réside dans le financement de toute expropriation qui
devait être faite. En considérant ce projet, nous ne devons pas être impressionnés
par la conviction qu’il coûtera des millions de colones ; ce serait une erreur parce
que nous n’enlevons pas de face aux propriétés, bien au contraire; nous réduisons
un peu le fonds, mais pour donner de meilleures perspectives à votre
propriété. »903
Comme indiqué dans son intervention, Carballo s’est inquiété du financement des
expropriations des ceintures de terrain nécessaires au plan de voies, ce qui n’était pas
surprenant, puisque la valeur des terres avait augmenté sur l’Avenida Central au fil des
années, en raison de sa spécialisation commerciale.904 Le paiement préalable de la
ceinture de terrain démontre déjà les limites de la loi costaricaine, car il n’existait pas de
règles obligeant les propriétaires à céder une partie de leurs terrains à la commune sans
qu’il soit nécessaire de les indemniser ou de geler leur valeur. Plus le plan était en retard,
plus la municipalité risquait d’avoir à investir plus d’argent pour chaque propriété
expropriée, comme cela s’est finalement produit.
Au cours du débat, bien qu’il ait été reconnu que la municipalité ne devrait pas
indemniser les propriétaires car leurs propriétés seraient valorisées avec les travaux
d’urbanisme, des régents comme Mario Quirós ou Fernando Rudin ont proposé des
mesures pour que ces travaux ne soient pas facturés aux voisins et que la municipalité
affiche une majeur flexibilité aux propriétaires désireux d’utiliser 100% de leurs terres et
de les laisser construire des bâtiments faciles à démolir, tandis que le Plan Garcés prenait
forme et que les ceintures de terrain nécessaires étaient expropriées.
903
« Yo sigo considerando, y en eso tal vez sea un tanto iluso, que si nosotros, nos proponemos a dejar bien
cimentados estos proyectos, le estamos haciendo un enorme beneficio a la Ciudad de San José. Desde luego
es imprescindible que tengamos que indemnizar las fajas de terrenos que quedan al servicio público… Parte
fundamental de este plan está en la financiación para cualquier expropiación que hubiera que hacer. Al
considerar este proyecto no debemos impresionarnos con la creencia de que va a costar millones de colones;
eso sería un error porque nosotros no estamos quitándole frente a las propiedades, sino al contrario; le
estamos reduciendo un poco el fondo pero para darle mejores perspectivas a su propiedad. » ANCR,
Municipal, signatura 11445, Acta Nº 64, 26 de enero de 1951, f. 311-321. Traduction libre.
904
Quesada, La modernización…, p. 85.
- 444 -
À la suite du cas de Lucía López, le régent Rafael Carrillo a de nouveau proposé
ces exceptions, qui ont été vivement contestées par le régent Carballo :
« Accepter ce qui est proposé aujourd’hui reviendrait à dénaturer le plan de voies
publiques principales que nous venons d’adopter. Quand nous l’avons fait, nous
avons dit que nous avions l’ambition que ce soit bientôt une réalité. Je ne crois
pas aux effets anti esthétiques portant sur si une propriété reste plus à l’intérieur
ou dehors, parce que dans les villes à plus grand potentiel économique que la
nôtre, on le voit souvent. Je serais d’accord à ce que la municipalité achète le
terrain à la famille Lopez, mais pas à ce qu’elle lui permette de construire dans les
conditions que [la famille] propose… »905
En effet, le cas des sœurs López a cédé la place à une longue polémique sur la
responsabilité de la municipalité d’indemniser ou non celles lésées par le Plan Garcés,
faisant valoir qu’elles n’avaient pas été bien informées avant de démolir une partie de leur
propriété. L’urbaniste colombien a défendu sa décision de garder le plan secret, face à ces
critiques, car il a estimé que celui-ci devait être rendu public après l’approbation de la
municipalité. Il ressort de l’argument avancé par Garcés qu’il l’a fait pour éviter
l’augmentation de la plus-value immobilière, ce qui aurait un effet négatif sur le
financement du plan. Malgré ces considérations, le Conseil municipal a approuvé de faire
des exceptions pour le cas des sœurs Lopez et de leur permettre de construire sur la
réserve.906
D’autres manifestations ont été connues au cours des mois suivants. L’un d’eux
était la demande de plusieurs « voisins » de la capitale qui ont demandé au ministre du
Gouvernement de mettre son veto à l’accord où le Plan Garcés a été approuvé. Un tel veto
n’est jamais arrivé.907 Une autre plainte a été celle d’Edilio Bettoni Negrini qui s’est vu
refuser un permis de construire sur sa propriété située sur l’Avenida Central et a fait
pression sur le Conseil municipal pour qu’il fasse marche arrière sur sa décision. Bien
905
« Aceptar lo que ahora se propone sería desnaturalizar el Plan de Vías Públicas Principales que acabamos
de aprobar. Cuando tal hicimos, dijimos que teníamos la ambición de que eso fuera en poco tiempo una
realidad. Yo no creo en los efectos antiestéticos en cuanto que una propiedad quede más adentro o más
afuera, porque en ciudades de mayor potencial económico que la nuestra frecuentemente se ve eso. Yo
estaría de acuerdo en que la familia López, se le comprara ya el terreno, pero no en permitir que ellas
construyan en las condiciones que lo proponen… » ANCR, Municipal, signatura 11445, Acta Nº 65, 30 de
enero de 1951, fs. 321-331. Traduction libre.
906
ANCR, Municipal, signatura 11445, Acta Nº 66, 6 de febrero de 1951, fs. 363-367.
907
ANCR, Municipal, signatura 11446, Acta Nº 72, 27 de marzo de 1951, fs. 144-145.
- 445 -
que le Conseil ait décidé d’acquérir la propriété, cela a conduit à une série de réclamations
qui ont finalement été déposées devant les tribunaux.908
Lors du premier appel de Bettoni, le régent Manuel E. Sáenz Lara a fait part de
ses préoccupations concernant le plan de voies entre elles, l’impossibilité économique de
la municipalité de pouvoir l’appliquer, le mécontentement de nombreux voisins dont les
biens se dévaloriseraient, démotivant l’investissement et causant ainsi un grave préjudice
à la ville. Toutefois, à ces arguments, il a ajouté ce qui suit :
« Je suis d’avis qu’il est de l’obligation de toute la municipalité de veiller au
meilleur investissement des fonds communaux, et en ce sens et dans mon concept,
avant d’intervenir les fonds municipaux dans l’élargissement des rues de la ville,
il faut donner la préférence, comme cela a déjà été dit ici à d’autres occasions, en
appliquant ces fonds pour résoudre des problèmes d’urgence et de nécessité
accrues, comme celui d’essayer de faire en sorte qu’il ne manque pas d’eau
potable et abondante dans le dernier coin de la ville, problème que cette Société
tente de résoudre au mieux, et pour lequel il faudra investir comme messieurs les
régisseurs le savent, plusieurs millions de colones; essayer de faire disparaître les
fosses noires et les réservoirs septiques, dont la capitale est encore inondée,
etc. »909
Sáenz avait raison car, comme l’ont démontré Rosa Malavassi et Ana María
Botey, l’une des plaintes récurrentes des voisins de San José, en particulier ceux qui
vivaient dans les bidonvilles populaires, était le manque d’eau. Cette série de réclamations
a augmenté à partir des années 1930. Certains d’entre eux provenaient de plusieurs
militants du Parti communiste, dont les écrivaines María Isabel Carvajal connue sous le
nom de « Carmen Lyra » et Luisa González, qui ont dénoncé les problèmes d’hygiène
affectant les femmes et les enfants en raison de l’absence d’eau potable, de services
908
ANCR, Municipal, signatura 11447, Acta Nº 87, 19 de julio de 1951, fs. 247-256; ANCR, Municipal,
signatura 11447, Acta Nº 89, 31 de julio de 1951, fs. 315-316; ANCR, Municipal, signatura 11449, Acta
Nº 109, 18 de diciembre de 1951, fs. 197-198; ANCR, Municipal, signatura 11449, Acta Nº 111, 3 de enero
de 1951, f. 284.
909
« Soy del parecer de que es obligación de toda la Municipalidad, el velar por la mejor inversión de los
fondos comunales, y en ese sentido y en mi concepto, antes de intervenir los fondos municipales en ampliar
las calles de la ciudad, debe dársele preferencia, como ya se ha dicho aquí en otras oportunidades, al aplicar
esos fondos a resolver problemas de mayor urgencia y necesidad, tales como el de tratar de que no falte ni
en el último rincón de la ciudad, agua potable y abundante, problema que está tratando de resolver de la
mejor manera esta Corporación, y que para lo cual habrá que invertir como los Sres. Regidores lo saben,
varios millones de colones; tratar de que desaparezcan los pozos negros y tanques cépticos, de los cuales
todavía está inundada la capital, etc.» ANCR, Municipal, signatura 11447, Acta Nº 87, 19 de julio de 1951,
fs. 247-256. Traduction libre.
- 446 -
d’égout adéquats ou d’électricité dans les maisons bon marché construites dans la
capitale.910
Ce genre de discours était présent dans la presse. Le projet d’extension de
l’Avenida Segunda a été présenté comme le nouveau smoking que portait « San
Chepe »911 bien qu’il n’ait pas de chaussures (Image VIII.2) ou qu’il soit considéré
comme un ouvrage de luxe ou de gaspillage à côté des bâtiments construits par le
gouvernement où l’eau manquait encore et où il n’y avait pas d’argent pour les
agriculteurs. (Image VIII.3).
910
Malavassi Aguilar. “La vivienda de madera de los barrios”, pp. 219, 270; Botey Sobrado. “Los actores
sociales…” , pp. 665-667.
911
« Chepe » est une forme populaire utilisée au Costa Rica du nom José.
- 447 -
Image VIII.3. « Le peuple parlera le 1er mai dans les rues de San José. »
Le cas du Plan Garcés, bien qu’il doive être étudié plus en détail à l’avenir, a
montré que l’absence d’un cadre juridique régissant la fonction sociale de la propriété
posait un scénario compliqué pour l’urbanisme costaricain. L’impossibilité d’obliger, par
la loi, les propriétaires à réserver une partie de leurs terrains pour le développement urbain
sans avoir à les indemniser, a forcé la municipalité à dépendre des expropriations pour
mettre en œuvre le plan. L’un des aspects qui a eu une influence a été la généralité et le
conservatisme de la loi sur la Construction, dont les règles tendaient à protéger l’intérêt
privé.912 Ces facteurs ont grandement compliqué la réalisation des objectifs du Plan
Garcés.
En outre, il y avait l’absence d’un mécanisme pour contrôler la plus-value. Selon
les données disponibles, la municipalité n’a pas osé créer un instrument capable de la
saisir et a plutôt eu tendance à la subventionner en faisant valoir que c’était la
municipalité, et non les voisins, qui devait financer tout projet de développement urbain.
Le secret appliqué par Garcés pour protéger le plan est fruit de son intention de ne pas
motiver l’augmentation de la valeur des propriétés qui pourraient éventuellement être
expropriés. La dynamique décrite permet de mieux comprendre ses déclarations au
journal La República en 1958, à propos du fait que son plan visait principalement à
contrôler l’utilisation des terres urbaines et non à la simple action d’élargissement des
voies de la capitale. Le cas du Plan Garcés montre certains des obstacles au processus de
912
D’après Ileana Vives, la loi sur la construction a été adoptée par le Conseil fondateur de la Seconde
République pour « construire et moderniser le « nouvel État ». Cette loi a également affecté le régime
municipal car, avant 1949, toute construction était régie par les ordonnances municipales qui, à partir de
l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation, devaient y être subordonnées. Vives, “La transición del
ayer al hoy”, p. 390.
- 448 -
circulation des savoirs de l’urbanisme auxquels l’INVU devra faire face dans les années
à venir.
Comme il ressort de son analyse pour le cas du Costa Rica, il est clair que sa
prévision est de réduire l’impact négatif de la méthode d’expropriation, en particulier
dans les zones commerciales. Pour ce faire, en plus de souligner que tout travail de
rénovation urbaine devait être déclaré d’intérêt public, il a suggéré l’utilisation
d’obligations d’État pour acquérir les propriétés et, lorsqu’elles étaient suffisantes,
procéder à la concrétisation des projets urbains ou de logement. La municipalité de San
José n’a pas tenu compte de ces recommandations, affectant les objectifs du Plan Garcés.
913
« With regard to public acquisition of land, the principle of condemnation … has long been recognized…
In practice, however, the traditional basis for establishing “fair market value”, especially with respect to
business sections, has resulted in extremely high public costs…
It would be appropriate to investigate the feasibility of publicly acquiring areas large enough for replanning.
For this purpose the broadening of condemnation procedures is essential. It is necessary to establish urban
redevelopment as public purpose… Especially in the case of the central business area, the practicability
should be explored of financing the acquisition of private property by means of long-term government
bonds. Once sufficient land is assembled, the areas can be redeveloped in accordance with modern
standards… ». Solow, A planning program, pp. 41-42.
- 449 -
Dans le cas de l’INVU, il a été possible de constater à partir de 1955 une
préoccupation croissante du Conseil d’administration pour créer une réserve de terrains
dans la zone d’Hatillo et contrôler la plus-value urbaine. Cette année-là, le gérant Carazo
a exposé les problèmes rencontrés par le Département du logement de la CCSS en raison
de la valeur croissante des terres urbaines. Cette situation a conduit cette institution à
créer une réserve de 30 hectares pour réaliser le projet de son « unité de voisinage
modèle ».914 Selon Carazo, l’Institut devrait poursuivre les recommandations de plusieurs
experts en assistance technique, tels que Solow, Garcés et Kayanan, qui ont souligné
l’importance d’acquérir des terres dans le secteur sud-ouest de San José, dans la zone
délimitée par l’Unité de voisinage Nº 1 d’Hatillo et les rivières Tiribí et María Aguilar,
suivant ce principe:
« Jusqu’à présent et dans le passé, l’intervention de l’État dans la résolution du
problème du logement a été limitée. Ce n’est que ce gouvernement et plus que le
gouvernement, un mouvement idéologique au pouvoir,915 qui est venu soulever la
nécessité que ce soit l’État qui, par l’intermédiaire des agences concernées,
s’efforce, si non à résoudre, du moins à apporter un grand soulagement aux
personnes qui ont besoin d’un logement dans le pays. »916
914
CCSS. Memoria Anual. Año 1951. (San José, Costa Rica: CCSS, 1951), p. 186.
915
En disant « mouvement idéologique », Carazo a évoqué le projet politique du PLN tout en discréditant
les progrès du gouvernement de Rafael Ángel Calderón Guardia en la matière: tout d’abord avec l’adoption
de l’article 65 du chapitre des Garanties sociales qui lui a confié la responsabilité de l’Etat de promouvoir
la construction de logements populaires; deuxièmement, la création du Conseil national du logement et de
la Coopérative des « maisons bon marché »; troisièmement, l’introduction de la réforme constitutionnelle
de 1943 qui imposait la limite à la propriété privée dont j’ai parlé auparavant et, surtout, la lutte incessante
du Parti communiste en dénonçant constamment les problèmes de logement des secteurs populaires. Díaz
Arias, Reforma sin alianza, p. 12; Díaz Arias, « Social Crises… », pp. 24-88.
916
« Hasta el momento y en el pasado, la intervención del Estado en la solución del problema de la vivienda
ha sido limitada. No ha sido sino este Gobierno y más que el Gobierno, un movimiento ideológico que está
en el poder916, el que ha venido a plantear la necesidad de que sea el Estado el que a través de las agencias
correspondientes, se empeñe, sino en solucionar, al menos en llevar alivio grande a las personas que
necesitan de vivienda en el país. » ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 37, 20 de enero de 1955, fs.
46.
- 450 -
projet possible de la rocade sud qui, selon l’INVU, favorisait la plus-value des terres de
l’État. Jenkins a comparé l’Institut comme un homme qui « se noie, peu importe qu’il soit
à 3 à 7 ou à 11 pieds sous l’eau », se référant à l’absence d’une réserve de terrain
appropriée qui, selon l’urbaniste, devrait être acquise en payant sa « valeur agricole et
non la valeur spéculative urbaine ».917
Dans le cadre de la projection de la ville satellite d’Hatillo, un règlement
favorisant l’INVU à saisir la plus-value croissante des terres dans les zones proches à
l’Unité de voisinage Nº1 a été proposé avec beaucoup plus de force.918 Dans l’état d’esprit
de plusieurs membres du Conseil d’administration, le projet de loi servirait de plan
d’aménagement qui « gèlerait » la valeur des terres. Selon Jenkins, l’intention de la loi
n’était pas de geler les valeurs, mais le « développement » de la terre en accord avec la
responsabilité de l’Institut d’intervenir dans ces domaines.919
Comme on peut le constater, le point de vue du Conseil d’administration de
l’INVU s’est presque clairement aligné sur les recommandations de Solow, Garcés,
Kayanan et même Weissmann qui, lors de la Réunion technique de 1956, s’était manifesté
par l’adoption de lois territoriales conciliant les intérêts publics et privés et contrôlant ou
évitant la spéculation urbaine. Cela a été possible, entre autres facteurs, par le lien étroit
qui existait entre ces acteurs internationaux et les Costaricains en raison de leurs
rencontres lors des événements qui étaient, à l’époque, plus récurrents.
Le croisement s’est produit entre ces recommandations avec les notions qui
existaient déjà sur le rôle social de la propriété, ainsi que le savoir-faire des spécialistes
costaricains. Alors que le vice-président du Conseil d’administration Humberto Mauro
Brizuela s’est opposé au discours de faire de l’INVU le seul bénéficiaire de la plus-value,
Carazo et le père Benjamín Núñez ont insisté sur leurs positions puisque, selon les mots
de ce dernier,
« ... l’argument de la plus-value doit être un argument central de la campagne, il
ne voit aucune raison pour que cela soit caché... Il sait qu’il existe un secteur de
l’opinion publique qui ne sera jamais d’accord avec les solutions au problème du
logement chaque fois que celles-ci sapent le régime traditionnel d’utilisation et
917
ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 37, 20 de enero de 1955, fs. 45-56.
918
INVU. Proyecto de Ley para reservas de terrenos en Hatillo. Setiembre 1957. (San José, Costa Rica: El
Instituto, 1957).
919
ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 258, 5 de marzo de 1957, fs. 124-125.
- 451 -
d’abus de propriété. Si l’INVU ne prend pas les mesures qu’il demande, il donnera
la plus-value. »920
Dans les jours précédents, Carazo a convoqué les voisins d’Hatillo et des quartiers
proches à une réunion à l’école de l’Unité de voisinage Nº 1. Parmi eux étaient présents
les bénéficiaires potentiels des projets de logement ou ceux dont les terres pourraient être
affectées par la nouvelle réglementation. (Image VIII.4)921 Parmi les arguments avancés
dans les annonces en faveur du projet de réserves de terrains, il y avait la nécessité
d’éradiquer les bidonvilles dont les habitants n’avaient pas les services les plus
élémentaires, la possibilité d’obtenir des terrains au plus bas prix donnant lieu à des
logements plus accessibles pour les futurs bénéficiaires.922
Dans ces expressions de soutien, le thème de la plus-value a pratiquement disparu,
ne restant que dans la conscience des voisins, le bénéfice de leur contrôle : des logements
plus accessibles et avec de meilleurs services pour les secteurs populaires. Cependant,
lors des manifestations opposées au projet de loi sur les réserves, dont celle du conseil
progressiste d’Hatillo, ils ont critiqué l’évaluation de ses biens par l’INVU, le manque de
services publics et la décision de l’Institut de payer avec des bons d’État « au prix
fantastique de ₡2.00 colones la verge carrée ». Un aspect remarquable a été la critique de
l’approche métropolitaine de l’INVU, car sa décision de construire une ville satellite
provoquerait, selon les membres du conseil progressiste, la négligence d’autres zones
situées à la périphérie où le besoin de logement était égal ou supérieur à celui de la
capitale.923
920
« … el argumento de la plusvalía debe ser argumento central de la campaña, no ve ninguna razón para
que ello se oculte… Sabe que existe un sector de la opinión pública que nunca estará de acuerdo con las
soluciones al problema de la vivienda cada vez que éstas socaven el tradicional régimen de uso y abuso de
la propiedad. Si el INVU no toma las medidas que está solicitando estará regalando la plusvalía.» ANCR,
Actas INVU, signatura 33, Acta Nº 325, 29 de octubre de 1957, fs. 247-248.
921
« Reunión sobre proyecto del INVU. » Diario de Costa Rica, 26 de octubre de 1957, p. 17.
922
« Juntas progresistas comienzan a apoyar el plan para la ciudad “satélite” de Hatillo. » La prensa libre,
25 de octubre de 1957, p. 3; « Apoyo al INVU para que constituya una reserva de terrenos en Hatillo. » La
prensa libre, 26 de octubre de 1957, p. 11; « Apoyo al proyecto del INVU para reserva de tierras en
Hatillo. » La prensa libre, 30 de octubre de 1957, p. 6; « Se solidariza con proyecto del INVU Junta
Progresista del Barrio Claret. » Diario de Costa Rica, 27 de octubre de 1957, p. 35.
923
« Campo pagado. El precio de vara cuadrada que pagará el INVU es risible y si se empeña en calificarlo
legal, estaríamos al borde de una crisis económica sin paralelo en la historia. » La prensa libre, 30 de
octubre de 1957, p. 9.
- 452 -
Image VIII.4. Rendez-vous dans l’école de l’Unité de voisinage Nº1 d’Hatillo.
1957.
Source : “Para la reserva de terrenos de Hatillo del INVU no se perjudicarán los pequeños propietarios,
por el contrario: se beneficiarán con la urbanización”. La prensa libre, 26 de octubre de 1957, p. 15.
924
« Inatendibles las invocaciones para la interdicción de la Propiedad Privada. » Diario de Costa Rica, 29
de octubre de 1957, p. 4; Jorge Luis Cordero. « Injusticia comete el INVU. » Diario de Costa Rica, 31 de
octubre de 1957, p. 11. L’aéroport El Coco est actuellement connu sous le nom d’aéroport international
Juan Santamaría.
925
« Publicación del INVU. Análisis del proyecto de ley que reserva terrenos en Hatillo. » Diario de Costa
Rica, 27 de octubre de 1957, pp. 38-39; « Sobre el Proyecto de Ley para Reservas de Terrenos en Hatillo
presentado por el INVU. » Diario de Costa Rica, 30 de octubre de 1957, p. 19.
- 453 -
zonage, car le changement d’utilisation des sols ne pouvait se faire qu’avec le feu vert de
l’Institut. Les informations disponibles indiquent que le projet n’a jamais été approuvé,
forçant l’INVU à poursuivre sa politique de « banque foncière » en utilisant les
mécanismes d’appel d’offres public ou d’expropriation tels qu’ils étaient prévus par la loi
de l’époque et l’exposant clairement à l’augmentation de la valeur des terres urbaines,
comme Solow l’avait prévenu des années plus tôt.926
À cet égard, Jiménez Acuña a démontré qu’entre 1965 et 1974, la valeur des terres
dans la ville de San José a augmenté de 138%, passant de ₡783 à ₡1082 le mètre carré.
Hatillo n’a pas échappé à cette tendance puisque les terrains ont augmenté leur valeur de
330%, passant de ₡66 à ₡218 le mètre carré. Pendant cette période, il était le plus élevé
de tous les districts du canton central de San José. L’une des causes de cette augmentation
a certainement été les projets de logement et d’urbanisme de l’Institut, qui a cherché à
échapper à l’orientation immobilière vers l’Ouest, l’Est et le Nord de la capitale, où les
propriétés appartenaient à des entrepreneurs qui, par leur nombre et leurs réseaux sociaux,
ont pu contrôler le marché immobilier.927
Il a été possible de constater une circulation de cette expérience au niveau
international puisque, dans le cadre de la réunion du logement de 1957, la
recommandation XX a pu s’inspirer de la méthodologie de l’INVU pour financer les
réserves de terrain, étant donné qu’une législation sur la plus-value rencontrerait de
multiples obstacles comme c’était le cas à l’époque au Costa Rica.928 Parallèlement,
l’INVU a continué d’augmenter ses réserves de terrains dans l’Aire métropolitaine
comme on le voit à l’Image VIII.5, où l’on apprécie la consolidation d’Hatillo, une autre
appelée Los Angeles près de San Isidro de Coronado, certaines situées dans la capitale et
celles qui sont sur le point d’acquérir à La Uruca, Pavas, Desamparados et Curridabat.
Ceci ne l’a pas empêché de plaider en faveur de cet instrument de financement, aussi bien
lors de la réunion du Sous-comité du logement de 1963 que lors de la tournée d’études
dans les pays scandinaves en 1964.929
926
INVU. Memoria 1958, p. IX.
927
Enrique Jiménez Acuña. « Proceso de urbanización y transacciones inmobiliarias en el cantón central
de San José, 1950-1974. » (Tesis de Licenciatura en Historia, Universidad de Costa Rica, 1980), pp. 86-88,
96.
928
La délégation du Guatemala a présenté un rapport sur le projet de loi concernant la taxation de la plus-
value des terrains acquis par l’État et les municipalités. Cependant, il n’a pas été possible de localiser.
CEPAL, « Informe de la Reunión sobre problemas… », pp. 42-43, 77.
929
DNCEPALC, E/CN.12/CCE/SC.4/II/S.S.3, 13 de mayo de 1963, INVU. « Estado actual y perspectivas
de los programas de construcción de viviendas ». Consulté le 1 juin 2021. URL: https://goo.gl/F1jJHx
- 454 -
Image VIII.5. San José. Réserves de terrains de l’INVU. 1962
- 455 -
Lors de cet événement auquel a assisté le vice-président du Conseil
d’administration, Humberto Pacheco Coto, la politique des réserves de terrains a été
promue suivant l’exemple, comme l’indique son rapport, des pays scandinaves et a
souligné la responsabilité des organismes nationaux de logement de maintenir cette
politique, bien que la préférence soit de passer par les municipalités.930 Pacheco a
cependant démontré que les choses ne lui étaient pas si simples :
« Il ajoute que, dans son exposé sur les politiques de réserves de terrains, il a
toutefois été vivement attaqué par le délégué de Colombie, qui a souligné
l’opportunité de ne pas acquérir de réserves de terrains qui ne seraient pas utilisés
immédiatement, en raison du danger des invasions clandestines massives, et qu’il
a donc fallu lui réfuter ces arguments en lui expliquant que, dans chaque pays, il
existait différents degrés de culture et d’organisation juridique et qu’au Costa
Rica, ce danger n’existait pas. »931
Le délégué colombien n’a pas manqué à la vérité car en Amérique latine il existait
divers exemples d’invasions de terrains et de formation de soi-disant « quartiers »,
« colonies populaires », « colonies clandestines », les « quartiers pirates » et les
« favelas » de Rio de Janeiro, entre autres. Le Costa Rica ne ferait pas exception, car dans
les années 1970 et 1980, de nombreux cas d’invasions de terrains appartenant à la
municipalité de San José et à l’INVU ont vu le jour, émergeant des quartiers tels que
Pueblo Nuevo, Libertad I et II, Metrópolis I et II, Rincón Grande et l’un des plus célèbres,
La Carpio, dans les années 1990.932
Un aspect important à souligner, indépendamment du succès ou de l’échec de la
politique des réserves de terrains, a été le croisement d’acteurs tant internationaux que
nationaux et locaux dans la discussion du projet. Il convient de souligner que l’un des
930
Pacheco n’a pas indiqué lequel des deux délégués colombiens a fait la critique. Selon le rapport final de
l’événement publié par la CEPALC Colombie était représentée par Fabio Robledo Uribe et Ignacio Aguilar
Zuluaga. DNCEPALC, E/CN.12/715/Rev.1, 20 de agosto de 1965, CEPAL. « Informe de la gira de estudio
y seminario sobre organización y funciones de los organismos nacionales encargados de la ejecución de
programas de vivienda. », pp. 18-19. Consulté le 1 juin 2021. URL: https://goo.gl/RKHw2z
931
« Agrega que sin embargo, en su exposición sobre Políticas de Reservas de Terrenos, fue duramente
atacado por el delegado de Colombia, quien enfatizó sobre la conveniencia de no adquirir reservas de
terrenos que no fueran a ser utilizadas de inmediato, por el peligro de las invasiones clandestinas masivas,
por lo que hubo de rebatirle esos argumentos explicándole que en cada país existían diferentes grados de
cultura y organización jurídica, y que en Costa Rica no existía ese peligro.» ANCR, Actas INVU, signatura
47, Acta Nº 1122, 30 de setiembre de 1964, fs. 679-685. Traduction libre.
932
Gyger, « The Informal as a Project », pp. 54-55, 86-87; Michael Cohen, María Carrizosa y Margarita
Gutman (ed). Urban policy in Latin America. Towards the Sustainable Development Goals. (London &
New York: Routledge, 2020), p. 2; Carlos Izquierdo Vázquez. « Pobreza, condiciones de vida y
subjetividad en el casco central de San José. » (Tesis de Maestría en Historia, Universidad de Costa Rica,
2016), pp. 229-232.
- 456 -
facteurs ayant eu un impact sur l’action collective de ces acteurs était leur capacité de
coordination dans le cadre de l’environnement de la planification intégrale. Cependant, il
existe des appropriations intéressantes à l’échelle locale, c’est-à-dire les voisins, qui ont
exprimé leur soutien au projet non pas tant pour l’instrument lui-même (le contrôle de la
plus-value) mais pour les conséquences positives que cela aurait sur le prix final des
logements, ce qui répond à plusieurs décennies de lutte sociale pour de meilleures
conditions de logement pour les secteurs populaires.
Comme on l’a vu, la méthodologie des réserves de terrains a été réinsérée dans le
réseau d’entrelacements jusqu’en 1964, année où elle a été vivement critiquée pour le
danger que comportait l’invasion des terres, qui s’est rapidement manifestée dans le pays.
Conscient que la politique des réserves de terrains était un palliatif, le Conseil
d’administration de l’INVU a continué d’explorer la possibilité d’instaurer une taxe sur
la plus-value urbaine, dynamique qui a eu des résultats différents.
933
« El alto costo de los terrenos, particularmente en San José. La especulación que rige debe restringirse
drásticamente mediante disposiciones legales, ya que es, literalmente, inmoral permitir que unos cuántos
se enriquezcan desproporcionadamente a costa de la comunidad… La adopción, con fuerza legal
indisputable, de un plan general de desarrollo de San José y la libertad para expropiar terrenos al precio de
su uso existente justifica, solucionará esta cuestión en gran parte. [Eliel] Saarinen (Crecimiento y
Decadencia de las Ciudades) apunta que la suma de los valores individuales de los lotes urbanos, basados
en la especulación sobre un uso de renta mayor al presente, excede considerablemente su valor global.»
Jenkins, « Vivienda popular en Costa Rica », p. 3. Le soulignement est de l’original. L’information entre
parenthèses [] est la mienne. Traduction libre.
- 457 -
En 1955, il convient de rappeler que Jenkins avait attiré l’attention sur le rôle
social de la propriété et son importance dans les régimes de réglementation. Ce point de
vue s’est croisé avec celui des acteurs internationaux. La même année, Kayanan proposa
les bases d’une loi de Planification pour le Costa Rica. Toutefois, sa proposition était de
continuer à financer les travaux d’urbanisme par le biais des taxes sur les spectacles
publics déjà utilisées par le Département du logement. Jenkins n’était pas d’accord avec
cette proposition.934
Lorsque le rapport a été traduit en espagnol par l’INVU935, les évaluations faites
par Rafael Picó ont été jointes aux propositions de Kayanan. Pour le Portoricain, tout
travail de planification devait intégrer essentiellement la production nationale ainsi que
le rendement du travailleur, promouvoir une politique de plein emploi et ainsi augmenter
le revenu annuel des ménages. Bien qu’il ait évité de se référer aux impôts pour financer
les tâches de planification, il ressort de son exposé que les ressources devaient provenir
de la richesse nationale, c’est-à-dire par l’impôt direct.936 Enfin et surtout, l’Institut a eu
les recommandations obtenues jusqu’alors lors de la Conférence ad hoc de 1953, de la
Réunion technique de 1956 et de la Réunion du logement de 1957 concernant les lois
d’urbanisme et leur financement.
Cette dynamique de croisement a également été favorisée par le contexte national.
Le gouvernement Figueres a poussé une loi pour percevoir une redevance sur toutes les
propriétés qui ont bénéficié d’un travail d’infrastructure construit par l’État. Cette
initiative a été saluée par l’INVU car, de l’avis de Brizuela et du père Nuñez, ces mesures
contenaient un « haut sens social » car elles devaient toutes contribuer aux travaux qui
étaient un avantage pour la collectivité, et il était inquiétant que le gouvernement doive
assumer toutes les dépenses sans pouvoir percevoir la plus-value.937
Les membres du Conseil d’administration avaient une bonne prédisposition et
l’élaboration d’un projet de loi de Planification urbaine comportant des mesures
similaires a été fortement encouragée. Bien que le contexte en 1957 ait été propice à la
934
Kayanan. Elementos propuestos de una…, p. 28; Jenkins, « Vivienda popular en Costa Rica », p. 8.
935
La traduction en espagnol a été réalisée par Eduardo Jenkins, Gastón Bartorelli et Fernando Marín, entre
autres.
936
Rafael Picó. « Resumen de los comentarios del Dr. Rafael Picó, Presidente de la Junta de Planificación
y ahora Secretario de Hacienda de Puerto Rico, en una conferencia con A.C. Kayanan sobre su informe
“Elementos propuestos para una ley básica de planificación en Costa Rica” » Kayanan. Elementos
propuestos de una…, p. 4.
937
ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 246, 23 de enero de 1957, fs. 21-24.
- 458 -
promotion d’une telle initiative, Mario Echandi est arrivé au pouvoir le 8 mai 1958,
changeant le paysage politique de l’INVU. C’était la première fois qu’il opérait dans un
gouvernement d’opposition. Echandi, comme cela a été avancé au chapitre 1, était un
détracteur des institutions autonomes. Parallèlement à cette position, son gouvernement
a été caractérisé par sa politique économique conservatrice dans la gérance des finances
publiques, ce qui s’est traduit par l’utilisation de mesures d’austérité pour faire face à la
crise économique qui s’est déclenchée en 1957.
Cette crise est née de la chute des prix du café, causant un grave trouble au
financement d’un État en croissance. Selon Jorge León, entre 1950 et 1962, les dépenses
du gouvernement central ont été liées à la création de nouvelles institutions, à
l’augmentation de l’emploi public et aux investissements dans les infrastructures et les
services publics. En ce qui concerne l’emploi, les institutions autonomes sont passées
d’environ 2700 fonctionnaires en 1950 à 22600 en 1963, ce qui s’est traduit par une
répartition des dépenses puisque le gouvernement central a concentré environ 49%, les
institutions autonomes 47% et les municipalités seulement 4%. Ce retard des
municipalités a en effet entraîné de nombreuses conséquences, dont sa faible capacité à
accomplir les tâches d’urbanisme. Face à la croissance de l’investissement public, les
revenus fiscaux ont été insuffisantes en raison de la crise, notamment à cause de la
faiblesse de la structure fiscale et de la préférence du gouvernement pour recourir à
l’endettement interne et externe.938
C’est à cette époque que le premier projet de loi de Planification urbaine a été
élaboré, responsabilité portée par Eduardo Jenkins et Arnoldo Jiménez, chef du
Département juridique. Cette loi a été rétro alimentée de l’expérience nationale et
internationale sur la fonction sociale de la propriété et a introduit, dans son chapitre IV,
plusieurs taxes sur la plus-value : une redevance allant jusqu’à 20% sur toute propriété
bénéficiant d’un ouvrage d’infrastructure ou d’amélioration urbaine et un taux échelonné
allant jusqu’à 1% sur la valeur inscrite dans le Direction générale du Trésor applicable à
tout terrain urbain inactif.939
Cette loi a cherché à s’attaquer à plusieurs problèmes à la fois : premièrement,
doter les municipalités de ressources accrues; deuxièmement, mettre fin à l’incertitude
financière de l’Institut face aux difficultés du gouvernement central à continuer d’honorer
938
León, et. al. Historia económica…, p. 154-157.
939
INVU. Memoria 1958, p. 158.
- 459 -
la subvention annuelle; et troisièmement, pouvoir mettre fin au problème de la
spéculation foncière. Le gérant Carazo s’était également engagé auprès de la municipalité
de Puriscal, située au sud-ouest de San José, pour réaliser une étude permettant aux
municipalités de se financer par l’impôt territorial.940 Cela correspondait à l’appréciation
de Jenkins selon laquelle il était illogique pour le gouvernement central de réaliser des
travaux urbains, car il s’agissait d’une responsabilité municipale.941
En ce qui concerne l’incertitude financière, au début du mois de mai 1959, Carazo
a tenu une réunion avec le ministre des Finances, Alfredo Hernández, qui lui a exprimé
sa préoccupation concernant les institutions autonomes et semi-autonomes qui n’avaient
pas leurs propres revenus fixes et a suggéré l’utilisation des revenus de l’Usine nationale
des liqueurs à cette fin. Cette proposition n’a pas été accueillie par le Conseil
d’administration de l’INVU en raison des problèmes administratifs que cela comportait
et parce que la réforme de l’impôt territorial semblait être une meilleure option car si les
redevances, le cadastre et le système d’évaluation étaient mis à jour, l’impôt pourrait
générer des recettes suffisantes pour soutenir le fonctionnement de l’Institut et des
municipalités.942
En ce qui concerne la spéculation immobilière, le sujet a été repris lors de la
discussion du projet de logement de San Sebastián, situé au sud de San José, puisque des
trois facteurs ayant une incidence sur le prix des logements, la construction, les travaux
d’urbanisation et la valeur du terrain, c’est dans le dernier où l’INVU n’avait pas pu
intervenir. Comme indiqué précédemment, le prix des terres dans la zone d’Hatillo a
augmenté et San Sebastián n’a pas fait exception : entre 1965 et 1974, sa valeur a
augmenté de 297,6%.943 A cette occasion, Rodrigo Vargas Salas a critiqué l’initiative
privée pour avoir spéculé sur ses urbanisations à l’est et au nord-ouest de San José,
laissant de côté la classe moyenne et les secteurs populaires, de sorte que l’État était
appelé à intervenir.944
940
ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta Nº 455, 3 de febrero de 1959, fs. 84-85.
941
ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta Nº482, 7 de mayo de 1959, f. 379; Araya, « El régimen
municipal… », pp. 76-79.
942
ANCR, Actas INVU, Acta Nº 482, 7 de mayo de 1959, f. 379; ANCR, Actas INVU, signatura 37, Acta
Nº 510, 13 de agosto de 1959, fs. 136. Cecil Morgan, expert d’assitance technique du Point IV participa d
l’étude de l’impot territoriale. INVU. Memoria 1961. (San José, Costa Rica: El Instituto, 1961), p. 8.
943
Jiménez Acuña. « Proceso de urbanización », p. 96.
944
ANCR, Actas INVU, signatura 36, Acta Nº 486, 21 de mayo de 1959, f. 414-415.
- 460 -
Cela a conduit le Conseil d’administration à soutenir la thèse de Carazo, qui, en
août 1959, a repris le rôle social de la propriété privée en ces termes :
« A l’occasion précédente... il a été analysé que le régime fiscal national, ce qui
avait le plus de rapport avec les questions de logement, c’est l’utilisation des
terres, et cela dépend en grande partie du degré d’obligation que l’État impose aux
propriétaires, et ceux-ci doivent être liés non pas à l’utilisation de leurs terres,
mais à l’utilisation des terres communautaires, et que la communauté a intérêt à
ce que le terrain n’augmente pas de manière disproportionnée à des fins
spéculatives, et que pour éviter la spéculation, il faut stimuler l’utilisation rapide
des terres en facturant une taxe élevée à celui qui a un terrain inutilisé, en attendant
la plus-value... En outre, avec la hausse des impôts, on parvient à ce que l’INVU
puisse obtenir un revenu croissant, et les municipalités... peuvent exercer un
contrôle sur le développement urbain… »945
945
« En anterior oportunidad… se analizó que el régimen impositivo nacional, lo que tenía más relación
con los asuntos de vivienda es el uso de la tierra, y este depende en gran parte del grado de obligación que
imponga el Estado a los propietarios, y éstos deben estar ligados no al uso de su tierra, sino al uso de la
tierra comunal, y que la comunidad le interesa que el terreno no aumente desproporcionadamente con fines
especulativos, y que para evitar la especulación debe estimularse el pronto uso de la tierra cobrándose un
alto impuesto a quien tenga un terreno sin usar, esperando la plusvalía… Además, con la elevación de los
impuestos, se logra que el INVU pueda obtener una renta creciente, y las municipalidades… podrán ejercer
el control sobre el desarrollo urbano… » ANCR, Actas INVU, signatura 37, Acta Nº 510, 13 de agosto de
1959, fs. 137. Traduction libre.
946
ANCR, Actas INVU, signatura 37, Acta Nº 510, 13 de agosto de 1959, fs. 141-142.
947
Le Conseil d’administration de l’INVU a suivi le projet de l’Usine nationale de ciment entre 1957 et
1959. Le conflit avec le Conseil ministerial se concentre sur l’année écoulée et peut être consulté dans les
comptes-rendus suivants: ANCR, Actas INVU, signatura 34, Actas Nº 389-394, mayo-julio de 1959.
948
« Es innecesario aumentar el impuesto territorial. » La República, 19 de diciembre de 1959, p. 7.
- 461 -
la taxe centralisée et n’a alloué que 15% aux municipalités. La loi a été abrogée peu de
temps après949, car sa réception publique était énormément mauvaise, en raison de la
rapidité avec laquelle elle a été présentée, du contexte de la crise et parce que toute
propriété paierait une redevance et elle touchait également les secteurs populaires.950
Ce processus infructueux a encore affecté la situation économique de l’INVU, le
gouvernement ayant demandé que les institutions autonomes acceptent volontairement
de réduire son budget entre 7,5 à 10%. Bien que le Conseil d’administration ait accepté
cette proposition mais avec un pourcentage plus faible, il l’a fait sous la protestation de
son président Jorge Calvo Astúa qui a réitéré la nécessité d’adapter les impôts directs et
de ne pas recourir à la réduction des dépenses publiques.951 À la suite de ces événements
et de la mauvaise ambiance avec le gouvernement Echandi, le conseil (y compris Calvo)
a renoncé à poursuivre la réforme fiscale contenue dans le projet de loi de Planification
urbaine. Il a été convenu, sous la protestation de Zavaleta et Jenkins, de présenter le
chapitre IV contenant les contributions séparément et a été laissé à la discrétion de
l’Assemblée législative d’en discuter ou non. Ni le chapitre ni le projet de loi n’ont été
analysés au Congrès.952
Contrairement aux réserves de terrains, l’expérience de la taxe territoriale n’a pas
atteint le réseau d’entrelacements, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le seul événement
auquel le Costa Rica a assisté en 1959 a été le Séminaire sur le financement organisé par
le CINVA, mais les discussions ont porté, essentiellement, sur la promotion de l’épargne,
les programmes d’entraide, les banques hypothécaires, entre autres, à l’exclusion de la
question des impôts. Il n’a pas non plus été possible de partager les expériences lors des
949
« Ley 2500 de Contribución Inmobiliaria, 17 de diciembre de 1959. » Sistema Costarricense de
Información Jurídica. Consulté le 2 juin 2021. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=36172&nValor3=38133¶m2=1&strTipM=TC&lResultado=2&strSim=simp;
« Ley 550, Deroga Ley de Contribución Inmobiliaria, 9 de abril de 1960. » Sistema Costarricense de
Información Jurídica. Consultado el 02 de junio del 2021. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=4270&nValor3=4522¶m2=1&strTipM=TC&lResultado=1&strSim=simp
950
« Toda propiedad pagará impuesto territorial. » La República, 15 de diciembre de 1959, p. 19; « Hay
que comenzar por arriba. » La República, 16 de diciembre de 1959, p. 6; « Aprobado impuesto territorial. »
La República, 18 de diciembre de 1959, p. 5; « Son inmorales las nuevas exacciones sino se generaliza la
tributación. » La República, 19 de diciembre de 1959, p. 6; « Campo pagado. El Partido Liberación
Nacional frente al aumento del impuesto territorial propuesto por el gobierno. » La República, 20 de
diciembre de 1959, p. 6.
951
ANCR, Actas INVU, signatura 38, Acta Nº 556, 28 de enero de 1960, f. 84.
952
ANCR, Actas INVU, signatura 38, Acta Nº 575, 5 de abril de 1960, fs. 296-298.
- 462 -
réunions du Sous-comité du logement car, comme cela a été expliqué au chapitre 6, celle
qui était prévue pour cette année-là a été annulée.
Un autre élément fondamental a été l’absence des secteurs populaires impliqués
dans la discussion, de sorte que l’INVU n’a pas été en mesure de capitaliser sur son
soutien, élément que, dans une certaine mesure, il avait réussi à faire avec le projet de loi
de réserve de terrain pour la ville satellite, malgré son échec. La publicité était donc nulle
en raison de la nature controversée du sujet et était réservée aux espaces politiques et
techniques. Dans les deux cas, on perçoit un manque de clarté sur les objectifs des
réglementations urbaines, les aspects qui correspondaient aux préoccupations des
secteurs populaires étant laissés dans l’esprit des secteurs populaires. Ce n’était cependant
pas la fin de la discussion, car celle-ci s’est déplacée vers un autre forum : l’Assemblée
législative.
- 463 -
Francisco Orlich.953 Cependant, l’OFIPLAN s’opposé à cette mesure sous le
gouvernement de José Joaquín Trejos.
Dans le procès-verbal du dossier de la loi de Planification urbaine, le directeur
adjoint de l’OFIPLAN, Miguel Ángel Rodríguez Echeverría, a transmis les observations
de ce bureau sur le projet de l’INVU. En plus de défendre l’ingérence du pouvoir exécutif
dans l’urbanisme par le biais de l’OFIPLAN, il a recommandé de supprimer les articles
relatifs au Fonds coopératif car :
« ... les organes chargés des travaux de planification ne doivent pas être dotés de
possibilités et de pouvoirs d’exécution, dans la mesure où cela revient à mettre
entre les mains de l’organe planificateur des pouvoirs pour passer d’une action
fondée sur la persuasion à une action fondée sur la force. »954
953
ANCR, Actas INVU, signatura 47, Acta Nº 1110, 31 de agosto de 1964, fs. 480-482(b).
954
« … no deben darse posibilidades y poderes de ejecución a los órganos encargados de las labores de
planificación, por cuanto ello equivale a poner en manos del ente planificador facultades para pasar de una
acción basada en la persuación a una basada en la coacción. » AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de
Planification urbaine, « Carta de Miguel Ángel Rodríguez Echeverría a José Luis Molina Quesada », 26 de
julio de 1967, f. 48.
955
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, « Carta de Miguel Ángel Rodríguez
Echeverría a José Luis Molina Quesada », 26 de julio de 1967, f. 49.
956
Kayanan. Elementos propuestos de una…, p. 21.
- 464 -
Au Fonds coopératifs, le pouvoir de l’INVU se manifestait à la fois par l’émission
du timbre et par l’utilisation discrétionnaire d’un pourcentage des recettes, sans tenir
compte de l’origine locale des ressources ou sans consulter les communes. Comme Ortiz
l’a souligné, la planification est une fonction administrative dont les contraintes affectent
le libre exercice de certains droits, privés ou publics. C’est pour cette raison que la contre-
proposition de l’OFIPLAN s’est concentrée sur le maintien d’une telle action dans les
municipalités et à l’intérieur de leurs juridictions. C’est un cas où, en raison des lacunes
constitutionnelles, une planification impérative n’est pas possible au Costa Rica.957
Les données disponibles ont prouvé que cela avait provoqué un affrontement entre
l’INVU et l’OFIPLAN, représentés par Jenkins et par l’architecte Álvaro Saborío
respectivement, où la thèse de ce dernier s’avère gagnante. Ainsi, dans l’intérêt de
préserver le reste de la loi, l’INVU a convenu de supprimer les chapitres IV et V, en
conservant le pouvoir des municipalités de percevoir la redevance correspondant au
« timbre d’urbanisme » original. Dans le cadre du débat législatif, ces changements ont
été promus par deux motions des députés Fernando Volio Jiménez et Alfredo Vargas
Fernández.958
Le revers provoqué par la suppression de ces chapitres de la loi de Planification
urbaine a incité la Direction de l’urbanisme en 1969 à continuer d’explorer d’autres
moyens de financer les travaux de développement urbain, dont l’une était la soi-disant
« taxe de valorisation » qui n’était autre que la taxe déjà connue sur la plus-value. Jenkins
a recommandé que le Conseil d’administration envoie trois fonctionnaires, un ingénieur,
un avocat et un administrateur public à Medellin, pour analyser la politique fiscale de
cette ville et qu’ils proposent un modèle adapté pour le Costa Rica, car :
« Il poursuit en déclarant que l’élargissement routier de San José devient
indispensable et que de nombreuses années se sont écoulées sans que rien n’ait
été fait à ce sujet, faute de législation et de financement, on a calculé que le coût
approximatif pour la réalisation de cet élargissement est de deux cents millions de
colones, ce qui est impossible à réaliser par l’État, et la taxe de valorisation étant
un moyen très efficace de financer ces travaux, il considère qu’il est très important
de tirer parti de l’invitation faite par le directeur de la municipalité de
Medellin. »959
957
Ortiz, « Propiedad, empresa e intervención… », pp. 186-187.
958
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, « Debate legislativo 1 », fs. 242-230.
959
ANCR, Actas INVU, signatura 56, Acta Nº 1819, 30 de mayo de 1969, fs. 449-451.
- 465 -
Les travaux d’extension routière auxquels Jenkins a fait référence provenaient du
Plan Garcés qui avait été approuvé en 1951 et qui était toujours en cours d’exécution
principalement sur la Avenida Segunda. Le Conseil d’administration a accepté d’envoyer
uniquement l’administrateur public, Eladio A. Schmitzler M., pour effectuer les études
spécifiques, qui ont été transformées en projet de loi « Contribution par valorisation »
présenté en avril 1970.960 Cependant, seulement dix jours plus tard, l’IFAM a été créé
avec ses propres fonctions financières, laissant ce projet de loi dans l’oubli.
Les trébuchements constants du Département puis de la Direction de l’Urbanisme
sur le thème du financement expliquent pourquoi bon nombre des projets d’urbanisme
élaborés par ces bureaux n’ont pas pu être réalisés, ce qui a critiqué Reinaldo Escobedo
de la PM&M lors de la présentation de sa réforme administrative à l’INVU en 1972. A
cette occasion, Jenkins a également pris pour compte d’autres causes qui ont entravé
l’urbanisme réalisé par l’Institut et par les municipalités :
« Dans le projet initial de loi de Planification urbaine, il a été dit qu’il devait y
avoir un plan de développement urbain et régional élaboré par le Bureau de
Planification, avec la coopération que la partie urbaine allait avoir ou qui a
encore ; malheureusement l’OFIPLAN au niveau de sa direction, a estimé qu’il
ne pouvait pas entrer dans les questions d’urbanisme... qui doivent nécessairement
conduire à la coordination des différentes entités qui doivent exécuter les
programmes sectoriels et seule l’OFIPLAN dispose d’une hiérarchie suffisante
pour le faire... »
- 466 -
Il y avait donc une volonté politique de fer et conservatrice, particulièrement
émanant du gouvernement central et de l’Assemblée législative, qui évitait toute option
de financement fondée sur des impôts directs ou sur la plus-value, entravant ainsi les
possibilités de l’Institut ou des municipalités d’obtenir une plus grande autonomie.
Cela a également répondu aux intentions centralisatrices de l’État qui s’est
consolidée par une réforme constitutionnelle adoptée en 1968 qui a limité l’autonomie de
ses institutions, la réduisant au domaine administratif. Il faut souligner que le
gouvernement de José Joaquín Trejos, fidèle représentant des intérêts des secteurs riches
et conservateurs, a réussi à unifier l’opposition, dont le PLN, pour renforcer le pouvoir
exécutif, face à la soi-disant gouvernabilité des institutions autonomes. Les
gouvernements de Figueres et d’Oduber poursuivront cette réforme, par l’introduction
des présidents exécutifs et le pouvoir d’élire la majorité du Conseil d’administration.962
En 1973, don Pepe a visité l’INVU et a proposé de renforcer la ligne du logement.
À ce sujet, il a mentionné :
« ... d’autre part, si l’on envisage d’arriver à une plus grande production de
logements, pourquoi l’INVU doit porter la charge de l’urbanisme, parce que déjà
ces deux facteurs coûtent un certain montant qui est facturé au logement et il n’est
pas souhaitable d’augmenter les coûts pour ces concepts... il est favorable à ce que
l’INVU vende ses logements avec une certaine utilité. L’exploitation de
l’urbanisation doit être adaptée comme une entreprise précisément pour obtenir
des bénéfices. En ce qui concerne les programmes normaux, il estime que
certaines mesures doivent être prises pour réduire les coûts d’urbanisation, de
sorte que l’urbanisation ne coûte pas plus cher que le coût du terrain et de la
construction ; d’ailleurs chercher un moyen de vendre au prix du marché pour
éviter les pertes. »963
962
Araya, “El régimen municipal…”pp. 78-79; Rovira Mas, Estado y política…, p. 176.
963
« … por otro lado, si se piensa en llegar a una producción mayor de vivienda, por qué razón el INVU
debe llevar la carga del urbanismo, porque ya estos dos factores están costando cierta cantidad que se carga
a vivienda y no es conveniente elevar costos por estos conceptos… él es partidario de que el INVU venda
sus viviendas con alguna utilidad. Debe de adeptarse(sic) la explotación de la urbanización como un
negocio precisamente para obtener utilidades. Ya en cuanto a programas normales, estima que debe tomarse
algunas medidas para bajar costos en urbanización, de modo que no salga más cara la urbanización que el
costo del terreno y la construcción; por lo demás buscar la manera de vender a precio de mercado para
evitar pérdidas. » ANCR, Actas INVU, signatura 75, Acta Nº 2346, 2 de enero de 1973, f. 11. Traduction
libre.
- 467 -
l’approfondissement des mouvements sociaux qui ont vu le jour dans les années 1970,
notamment les soi-disant fronts du logement (« frentes de vivienda ») tels que le Front
démocratique du logement (FDV), la Coordinatrice patriotique nationale (COPAN),
l’Association nationale du logement et le Front costaricain de lutte pour le logement
(FCV) sur lesquels, comme l’ont souligné les historiens costaricains José M. Cerdas et
Patricia Badilla, environ 10% de la population urbaine de l’aire métropolitaine a été
associée. Dans les années 1980, les luttes sociales pour le logement ont basculé entre les
stratégies d’entraide, la solidarité et même le théâtre populaire, ainsi que la cooptation
des dirigeants de ces fronts par le PLN. Ce dernier facteur a ouvert l’un des épisodes de
clientélisme politique, qui a capitalisé électoralement sur la demande historiquement non
satisfaite de logement populaire.964
À l’INVU, cette conjoncture historique a consolidé son approche basée sur le
logement qui a été annoncée par Fernando Zumbado, alors président exécutif, en 1986 :
« Il est prévu qu’il y ait un ministère du Logement et des établissements humains
fort qui donnent des orientations à cette Banque hypothécaire. Dans ce contexte,
j’ai toujours cru qu’il y a des parties de l’urbanisme qui sont dans l’INVU par la
loi, qui sont en réalité imputables à une agence du pouvoir central, ce qui devra
être révisé pour voir comment le ministère les absorbe peu à peu et l’INVU se
donne une caractéristique d’institution consacrée uniquement à la solution du
logement. »965
Les paroles de Zumbado ont renforcé le relais générationnel détecté dans le réseau
d’entrelacements et subordonné le travail de l’INVU aux nouvellement créés BANHVI
et MIVAH. La lutte menée par le Département de l’urbanisme pour garantir à l’Institut et
aux municipalités un revenu croissant par le biais des impôts directs et le financement des
travaux de développement urbain n’a pas abouti. Cela a résulté, entre autres, du
conservatisme du pouvoir exécutif et de l’Assemblée législative, qui ont choisi de
protéger les intérêts des secteurs riches et des entreprises les plus touchés par ces
réformes. Accorder une plus grande indépendance aux institutions autonomes ne figurait
964
Patricia Badilla y José M. Cerdas A. « Movimientos pro vivienda en San José: una clientela movilizada
(1980-1990). » Revista de Historia, Nº 67, (Enero-Junio 2013): pp. 121-156; Salazar, « Los espectáculos
de representación… », pp. 283-285, 293-294.
965
« Se pretende que exista un Ministerio de Vivienda y Asentamientos Humanos fuerte que le dé
lineamientos a ese Banco Hipotecario. Dentro de este contexto siempre he creído que hay partes de
urbanismo que están en el INVU por ley, que en realidad son atribuibles de un ente del Poder Central, loc
cual deberá revisarse para ver cómo el Ministerio las va absorbiendo poco a poco y al INVU se le da una
característica de institución viviendista, dedicada únicamente a la solución de la vivienda. ». ANCR, Actas
INVU, signatura 124, Acta Nº 3723, 14 de mayo de 1986, fs. 3224-3226.
- 468 -
pas dans les plans du pouvoir exécutif, qui a plutôt choisi de réformer la constitution pour
la limiter davantage. Dans ce domaine, l’INVU n’a pas été en mesure de consolider son
pouvoir de police pour assurer le respect adéquat des plans réglementaires. Cela a créé un
cercle vicieux de dépendance financière qui sera présenté ensuite.
Comme l’a démontré le chapitre 2, l’un des discours mobilisés par les
communistes contre l’assistance technique internationale était le financement par les
prêts. En 1962, Arnoldo Ferreto a dénoncé le fait que des institutions telles que l’INVU,
le SNAA ou l’ICE dépendraient de « crédits usuriers » pour financer leurs opérations ou
pour acheter les matériaux dont elles avaient besoin, qui ne pouvaient être procurés
qu’aux États-Unis. Ferreto ne s’est pas trompé, car le produit de la crise économique qui
s’est déclenchée en 1957 et de la politique d’austérité du gouvernement Echandi a réduit
les revenus des institutions autonomes, dont l’INVU, qui ont été obligées de regarder
dehors pour acquérir ce que nécessitaient leurs opérations de logement et d’urbanisme.
L’échec des réformes fiscales, conçues au Département de l’urbanisme, a accru le
sentiment d’urgence pour de nouvelles ressources.
La question du financement de l’INVU est extrêmement vaste et nécessitera donc
qu’elle soit abordée par futures recherches. Cependant, au cours de l’examen des sources,
plusieurs négociations de crédit ont été identifiées avec l’USAID, le BCIE, la BID et
même l’Institute américain pour le développement du syndicalisme libre (AIFLD) qui ont
mis en évidence l’existence d’une politique de crédit de plus en plus compliquée et
restrictive pour l’Institut.966 J’évoquerai brièvement le contexte de négociation de l’un
des premiers crédits convenus avec la BID et la manière dont les départements techniques
ont cherché à nuancer certaines des conditions demandées par la banque, afin de ne pas
compromettre les programmes de logement de l’Institut ni sa politique sociale.
Bien qu’avant 1960 l’INVU ait déjà demandé quelques crédits pour financer la
réserve de terrains, ce n’est qu’en 1961 que cette pratique s’est approfondie. Le contexte
était également propice : la BID avait été créée en 1959 et l’ALPRO a été créée en 1961.
Le premier rapprochement officiel de l’INVU avec des crédits de l’ALPRO est venu par
966
Le crédit avec l’AIFLD a commencé à être négocié en 1965. ANCR, Actas INVU, signatura 49, Acta
Nº 1281, 25 de octubre de 1965, fs. 168-173.
- 469 -
l’assistance technique du Point IV. En 1961, cette agence américaine a envoyé, à la
demande de l’INVU, Jack Gordon, président de la Federal Savings and Loan Association
de Washington, qui a préparé un rapport pour réformer le système d’épargne et de prêt
qui existait à l’Institut depuis sa fondation. Gordon a proposé les bases d’un prêt pour
financer la construction de logements et a présenté son rapport au Conseil
d’administration de l’INVU le 22 février de la même année.967
Le 13 mars, le Conseil a soumis à une analyse le rapport de Gordon sur la base
des exposés du chef du département financier Efraim Morales, du conseiller en logement
de l’INVU, de Gastón Bartorelli, de Lidio Donato Sauteriano et du chef du Département
des plans et des travaux, Rodrigo Vargas Salas. Grâce à la lecture des exposés, deux lignes
de pensée ont pu être déterminées :
1. Une financière, dans laquelle l’adoption du plan Gordon était recommandé,
mais absorbé dans le système d’épargne et de prêt de l’Institut.
2. Une sociale, qui a abordé la problématique des « séries fermées » et
l’élimination d’autres programmes de logement de l’INVU pour se préparer à la
construction de « nouvelles solutions ».
Pour des raisons d’espace, je n’aborderai pas le premier point de manière détaillée,
bien que certaines des raisons invoquées pour conserver le système d’épargne et de prêt
de l’INVU aient eu un impact négatif sur le prestige de l’Institut s’il était éliminé, et le
risque de décapitalisation en raison du retrait massif d’épargne. En ce qui concerne
l’approche sociale, il y avait des divergences de critères quant au revenu familial pour
constituer les groupes, car selon Bartorelli, l’utilisation de cet indicateur induisait en
erreur car il n’en était pas de même pour une famille avec un revenu de ₡400 colones par
mois et avec quatre membres, que pour une avec le même revenu mais composée de huit
personnes. C’est cette dernière celle qui pourrait avoir le plus besoin de logement, mais
moins de chances de respecter les quotas. Pour compenser cette faiblesse, Bartorelli a
proposé d’intégrer la méthodologie de l’entraide et de continuer ainsi à inclure les
familles qui ne possédaient pas de capacité d’épargne.
Efraím Morales et Bartorelli ont tous deux abordé le problème de l’élimination de
certains programmes de logement de l’INVU, tels que ceux de logement minimum ou
967
INVU, Memoria 1961, pp. 240-272.
- 470 -
d’éradication des bidonvilles, des programmes de logement rural, de l’entraide et des lots
et services. « Considère-t-il vraiment rationnelle une politique du logement qui tend
uniquement à augmenter l’inventaire national, sans se soucier de l’entretien et du
réapprovisionnement des unités existantes ? », a demandé Morales au Conseil. Et il a
ajouté :
« Ne pensez-vous pas mieux de maintenir à côté des programmes de construction
de nouvelles unités, d’autres de conservation et de rénovation de nos quartiers afin
que la détérioration n’augmente pas le déficit actuel de logements ? Aurait-il
raison lorsqu’il assure que l’attribution de logements sur la base des besoins va à
l’encontre des membres de la société qui ont de l’initiative ? »968
Bartorelli a souligné qu’il ne fallait pas tout de suite discréditer l’expérience et les
efforts de l’INVU acquis dans l’administration de ces programmes et a préconisé de les
maintenir, ce sur quoi Rodrigo Vargas a également convenu qui, en outre, a remis en
question les capacités d’épargne des familles que Jack Gordon a utilisées pour construire
ses groupes, s’il y avait suffisamment de familles pour remplir ces exigences et donner
de la viabilité au système et si les maisons ou lots proposés remplissaient les besoins réels
des futurs bénéficiaires. De même, sur les critiques du travail de l’INVU, Vargas a
souligné ce qui suit :
« Une personne qui lit son rapport et surtout si elle est déconnectée de la réalité
nationale, pourrait croire que la seule institution qui a proposé des solutions
acceptables au problème du logement de nos pays, bien que de façon limitée soit
la Banque nationale... Si M. Gordon avait approfondi un peu plus l’étude des
activités qui ont été développées dans le logement d’intérêt social par la Banque
susmentionnée et l’INVU, auraient certainement eu une autre opinion comme
l’ont l’Union panaméricaine, les Nations Unies, le Centre interaméricain du
logement, etc., d’après les études qu’il a menées à ce sujet. Certes, ailleurs dans
son rapport, il salue le travail accompli par l’Institut, mais cela met en évidence la
contradiction dans laquelle il se trouve… »969
968
« No le parece más adecuado mantener al lado programas de construcción de unidades nuevas, otros de
conservación y renovación de nuestros barrios a fin de que el deterioro no aumente el déficit actual de
vivienda? Estará en lo cierto cuando asegura que al adjudicar las viviendas sobre la base de necesidad se
castiga a los miembros de la sociedad que tienen iniciativa? » ANCR, Actas INVU, signatura 41, Acta Nº
668, 13 de marzo de 1961, f. 2; INVU, Memoria 1961, p. 250. Traduction libre.
969
« Una persona que lea su informe y sobre todo si está desconectada de la realidad nacional, podría creer
que la única institución que ha planteado soluciones aceptables al Problema de la Vivienda de nuestro
países, aunque en forma limitada es el Banco Nacional… Si el Sr. Gordon hubiera profundizado un poquito
más en el estudio de las actividades que han desarrollado en vivienda de interés social el mencionado Banco
y el INVU estoy seguro que hubiera tenido otra opinión, como la tienen la Unión Panamericana, Las
Naciones Unidas, el Centro Interamericano de Vivienda, etc., por lo estudios que ha realizado al respecto.
Desde luego que en otras partes de su informe elogia la labor desarrollada por el Instituto pero esto pone
en evidencia la contradicción en que incurre… ». ANCR, Actas INVU, signatura 41, Acta Nº 668, 13 de
marzo de 1961, f. 11. Traduction libre.
- 471 -
En résumé, les avis des chefs du département de l’INVU (notez l’absence du
Département de l’urbanisme) étaient de recommander l’adoption du plan Gordon, mais
avec la prudence nécessaire pour ne pas démembrer les différents plans de logement de
l’Institut, qui, malgré leurs limites, visaient à atteindre le plus grand nombre possible de
familles. En outre, il importe de souligner comment l’INVU a utilisé les relations
internationales pour légitimer son travail, dont celles avec l’UnP, l’ONU et le CINVA.
L’expérience nationale doit être considérée comme un facteur de résistance au plan
Gordon.
Il est important de noter que le Conseil d’administration, malgré les questions
sociales élaborées par les chefs, n’en a pas discuté en profondeur. Le reste de ses membres
ont accepté d’approuver le plan Gordon tel qu’il était. Toutefois, le sujet a été repris
quelques mois plus tard, où le sentiment d’urgence du Conseil d’approuver le crédit est
apparu dans les mots du directeur adjoint Eduardo Zúñiga :
« Mais il s’inquiète..., une carence dont souffre l’Institut, et c’est la condition
qu’il endure à l’occasion de la situation fiscale ; les subventions ne sont pas reçues
régulièrement, il y a une incertitude quant au budget pour le second semestre de
l’année, etc. Cela étant, l’intégration dans le plan Gordon [des] maisons
actuellement en construction et la formation des premiers groupes pour pouvoir
recevoir immédiatement la première tranche du prêt constitueraient une garantie
pour pouvoir faire face aux engagements pris avec les nouveaux groupes qui se
forment. »970
Ces paroles ont été appuyées par le président du Conseil, Gonzalo Jiménez Flores,
qui a déclaré que le crédit était « une possibilité de donner à l’Institut une indépendance
économique dans un délai plus ou moins court..., car chaque jour notre conviction que
nous ne pouvons plus dépendre de la subvention de l’État est plus ferme. »971 Le crédit a
finalement été transféré à la BID, institution avec laquelle l’INVU a signé le contrat de
crédit BID 4 TF le 31 octobre 1961. A court terme, ce crédit a quadruplé la production et
970
« Pero le preocupa…, una deficiencia que padece el Instituto, y es la afección que sufre con motivo de
la situación fiscal; no se reciben las subvenciones con regularidad, hay incertidumbre con respecto al
presupuesto correspondiente al segundo semestre del año, etc. Así las cosas, incorporar al Plan Gordon [a]
las casas actualmente en construcción y formar los primeros grupos para poder recibir de inmediato la
primer cuota del préstamo constituiría una seguridad para poder hacerle frente a los compromisos que se
adquieran con los nuevos grupos que se formen. » ANCR, Actas INVU, signatura 41, Acta Nº 701, 11 de
julio de 1961, f. 350. Traduction libre.
971
ANCR, Actas INVU, signatura 41, Acta Nº 701, 11 de julio de 1961, f. 351.
- 472 -
l’investissement dans le logement par rapport à la moyenne de la période 1955-1961. Il a
également donné naissance au système dit d’épargne et de crédit qui finançait le logement
urbain des secteurs moyens de la société.
D’autres crédits ont été promus auprès de la BID et de l’USAID, à la condition
que ce dernier soit obtenu par le gouvernement central pour le transférer à l’INVU en
remplacement de la subvention annuelle. Selon les sources disponibles, cela signifiait que
l’INVU avait essuyé des pertes d’environ ₡13.300.000 alors que l’institution devait
continuer de financer des crédits. Une telle situation a fait qu’entre 1963 et 1965, l’INVU
n’a pas reçu la subvention de l’État et, en conséquence, elle a pratiquement dépendu des
dépenses du crédit de l’USAID pour fonctionner, cette situation ayant un impact sur ses
programmes de logement et, bien sûr, sur ceux d’urbanisme. Cette subvention, par le biais
d’une réforme juridique, a cessé de représenter 3% du budget national et est devenue une
cotisation annuelle fixe de ₡8.000.000 colones, ce qui représente moins de 50% de ce
qu’elle aurait reçu avec l’allocation initiale.
Le temps a prouvé que Gonzalo Jiménez avait tort, car la quasi-élimination de la
subvention d’État de l’INVU l’a privé des ressources nécessaires pour faire face aux
engagements pris dans les crédits, de sorte que son déficit était d’environ ₡30,7 millions
de colones pour le programme quadriennal de 1965-1968. L’utilisation de « bons de
logement » pour financer ses opérations et l’achat de terres pour ses réserves, a entraîné
une augmentation d’endettement interne.972 En résumé, de la politique économique
conservatrice du gouvernement Echandi, qui a rejeté les propositions de réforme fiscale
de l’INVU, ainsi que la quasi-élimination de la subvention gouvernementale et
l’obtention des premiers crédits dans le cadre de l’ALPRO, ont poussé l’Institut dans une
crise économique dont il n’a pas pu se remettre. Cela explique, entre autres, le manque
de ressources pour financer les travaux d’urbanisme, augmenter le personnel requis du
Département de l’urbanisme ou diversifier ses programmes de logement, en se
concentrant sur les secteurs sociaux avec une capacité d’épargne minimale, laissant de
côté ceux qui n’avaient pas cette capacité, augmentant ainsi, l’inégalité sociale.
L’orientation de l’INVU vers des solutions de logement destinées à la classe
moyenne a été largement exploitée par l’entreprise privée qui, à partir des années 1960, a
bénéficié des crédits internationaux et de la disponibilité de terres qui faisaient partie du
972
ANCR, Actas INVU, signatura 51, Acta Nº 1401, 12 de agosto de 1966, fs. 360-375.
- 473 -
capital de ses membres et qui ont été fractionnées, pratiquement sans aucun contrôle.
Alors que les options de logement unifamilial prolifèrent, poussant les limites de la ville
vers l’extérieur, la réorientation des programmes de logement de l’INVU a largement
négligé les secteurs populaires qui n’avaient pas d’autre élection que de continuer à
habiter des bidonvilles, des passages et des maison surpeuplées qui étaient éradiqués,
mais sans donner une solution viable aux familles pauvres qui reconstruisaient leurs
logements précaires.973
Il convient de souligner que la politique de ségrégation urbaine est le résultat
évident de l’absence de politiques claires en matière de logement et du manque de
financement ; mais cette absence n’est pas le fruit d’une réticence totale de l’INVU car,
à partir de 1957, il a proposé une série de solutions fiscales qui visaient à augmenter à la
fois ses revenus et ceux des municipalités pour pouvoir faire face non seulement aux
programmes de logement, mais aussi à l’urbanisme qui les orientait. Le gouvernement
Echandi doit être considéré, entre autres facteurs, comme un tournant historique qui a
empêché d’atteindre les objectifs de la planification intégrale du Costa Rica.
Comme il a été démontré dont la section précédente, l’INVU n’a pas été en mesure
d’introduire les réformes fiscales dont il avait besoin pour financer ses projets et qui
étaient étayées par le principe de la fonction sociale de la propriété. Au cours de ce
chapitre, la résistance sociale dont a fait l’objet le Plan Garcés a été présentée comme un
contexte fondamental, car il obligeait la municipalité à imposer des restrictions à
l’utilisation de la propriété privée pour pouvoir élargir les voies de San José. Les éléments
de preuve fournis suggéraient que le Conseil municipal avait adopté une attitude
permissive à l’égard des propriétaires de l’Avenida Central et, dans l’intérêt de protéger
leurs intérêts économiques, a subventionné la plus-value de leurs biens, compliquant ainsi
le financement du plan. Cette attitude de la municipalité explique en partie les paroles de
973
Roberto Blanco Ramos y Jefferson Porras Ramírez. « “Usted no está completo sino tiene casa propia.”
El acceso a la vivienda en el área metropolitana de San José: clases medias, urbanizaciones, residenciales
y condominios (1950-2011). » Diálogos Revista Electrónica de Historia, Vol. 19, Nº 1 (2018): pp. 1-14;
Izquierdo, « Pobreza, condiciones de vida… », pp. 199-208.
- 474 -
César Garcés en 1958, lorsqu’il a souligné que l’objectif de son plan avait été dévié :
contrôler l’utilisation des sols urbains.
Selon les informations disponibles, rien n’indique qu’un plan d’aménagement ait
été mis en œuvre avant 1948. Cela résulte, entre autres raisons, du peu de succès des
délégations costaricaines à faire circuler les savoirs des congrès panaméricains
d’architecture, au cours desquels ces instruments de planification étaient déjà discutés
depuis les années 1920, à partir d’une approche hygiéniste. Ce n’est qu’après le rapport
Solow que les principes du zonage et de la réglementation des fractionnements urbains
au Costa Rica ont été formellement introduits, ce qui s’est fait comme suit :
« Le contrôle de l’utilisation des sols prend généralement la forme d’une
ordonnance de zonage basée sur le plan directeur. L’ordonnance précise les usages
autorisés dans les différentes parties de la région métropolitaine, et limite en outre
la densité de l’aménagement des bâtiments en précisant la hauteur maximale et la
couverture foncière des structures. Il est essentiel qu’une ordonnance de zonage
soit préparée pour San José et mise en œuvre à une date rapprochée. ... Il est de la
plus haute importance qu’un ensemble de règlements modernes sur les
lotissements soit préparé et adopté, qui précisera clairement le type de services
publics et d’améliorations aux rues que le constructeur doit fournir, les tailles
minimales de lot qui peuvent être utilisées, la densité d’aménagement et d’autres
normes nécessaires pour créer des collectivités résidentielles à jour. »974
974
« Land use control takes generally the form of a zoning ordinance based on the master plan. The
ordinance specifies the uses which are permitted in the different parts of the metropolitan area, and limits
furthermore the density of building development by specifying the maximum height and land coverage of
structures. It is essential that a zoning ordinance be prepared for San José and put into operation at an early
date.
… It is of the utmost importance that a set of modern subdivisions regulations be prepared and adopted,
which will clearly specify the type of utilities and street improvements to be provided by the builder, the
minimum lot sizes which may be used, the density of development and other necessary standards to create
up-to-date residential communities. » Solow, A planning program, p. 39. Je souligne. Traduction libre.
- 475 -
donc de l’une des expressions locales de la planification intégrale. Leur utilisation, du
moins comme catégorie d’analyse, semble en premier lieu limitée à l’étude spécifique de
l’unité de voisinage ; cependant, sa présence dans la réglementation, dans d’autres projets
de logement de l’INVU, dans le discours du Conseil d’administration et des
fonctionnaires du Département de l’urbanisme révèle un processus non seulement
d’appropriation, mais de transformation pour le cas concret costaricain.
Une approche préliminaire de l’utilisation empirique de la « facilité
communautaire » comme catégorie d’analyse a été réalisée par les architectes Mónica
Chaves, Melissa Cubero, Maria A. Boniche et Ana G. López. Dans leur recherche, les
auteures ont assimilé ce terme à celui d’espace public, pour effectuer un diagnostic sur
son utilisation dans trois projets d’habitation de l’INVU, à savoir l’Unité de voisinage Nº
1 d’Hatillo, la Colonie 15 septembre, les bâtiments multifamiliaux de Calderón Muñoz et
les multifamiliaux Luis Alberto Monge entre 1954 et 1986. Les auteures ont en effet
démontré la présence de l’utilisation du terme tout au long de la période d’étude par
l’INVU et une tension présente entre la qualité-quantité du logement et son
environnement.975
Bien que l’assimilation ou non du terme de facilité communautaire à celui
d’espace public pourrait faire l’objet d’un débat intéressant, je ne me focaliserai pas pour
l’instant sur cet aspect. Je considère qu’il suffit de souligner que les facilités communales,
en tant que catégorie d’analyse, invitent à une réflexion à ce sujet car, comme l’a
démontré Montoya, le développement endogène que l’unité de voisinage a eu en
Amérique latine parallèlement à la proposition de Perry, la rend pertinente pour la région
et parce qu’elle a circulé à travers les congrès panaméricains d’architecture et plus tard
dans le réseau d’entrelacements. Dans cette section, je cherche à approfondir le processus
d’appropriation que cette catégorie a connu au Costa Rica et comment elle s’est
transformée, à la lumière de la réglementation et des premières unités de voisinage qui
ont été construites dans le pays.
Il convient de préciser que les « facilités communales », du moins dans le cas
costaricain, comportent une typologie qui conditionne leur utilisation en dehors du
domaine de l’unité de voisinage, ce qui est d’intérêt spatial pour la présente section car il
se rapproche de son utilisation normative, comme expression de la fonction sociale de la
975
Chaves, et.al. “La producción del espacio público…”, pp. 38-41.
- 476 -
propriété. Étant donné que l’unité de voisinage est le point de départ pour l’approche
construction historique des facilités communales, je présenterai ensuite quel a été le
processus d’appropriation de ce modèle de l’unité de voisinage au Costa Rica.
Dans le chapitre 5, une brève référence a été faite à la présence précoce du modèle
de l’unité de voisinage en Amérique centrale, où les projets les plus anciens remontaient
aux années 1930. Selon les informations disponibles, la première mention faite au Costa
Rica au sujet de l’unité de voisinage a été réalisé par Anatole Solow en 1948, quand il a
recommandé que les zones résidentielles soient planifiées à grande échelle, comme des
unités complètes et dotées de facilités communales. La mention suivante a été réalisée en
1951 dans le rapport annuel du Département de logement de la CCSS, faisant référence à
la planification de la colonie Las Américas par Anatole Solow. Ayant été l’un des auteurs
du manuel Planning the Neighborhood, il est fort possible que ce projet ait été élaboré
sur le modèle de l’unité de voisinage, mais comme nous ne disposons pas de plus de
données, ceci doit être considéré momentanément comme une hypothèse.
La même année, le Département du logement a fourni sa première définition de
l’unité de voisinage. Faisant valoir que ses réserves de terrains jusqu’à présent n’avaient
pas permis de s’attaquer de manière intégrale au problème du logement, le Département
a indiqué qu’il était prévu d’acquérir une propriété suffisamment vaste pour « pouvoir y
planifier le développement rationnel et organique d’une unité de voisinage », en la
définissant comme suit :
« L’unité de voisinage prévue aura une extension suffisante pour justifier et
permettre la construction de tous les bâtiments et locaux nécessaires au
développement complet de la vie communautaire, avec ses services d’assistance
et ses activités récréatives. Le toit et les murs sûrs ne sont rien de plus que
l’environnement physique dans lequel se nourrit un groupe de personnes, en tant
qu’entité théorique et abstraite, isolée du monde extérieur, mais comme un noyau
familial vivant, pensant et opérant au sein d’une communauté socialement
organisée. »976
976
« La proyectada Unidad Vecinal tendrá la extensión suficiente para justificar y permitir la construcción
de todos aquellos edificios y locales que se necesitan para el desarrollo completo de la vida comunal, con
sus servicios asistenciales y sus actividades recreativas. Techo y paredes seguras no son más que el
ambiente físico en que se abriga un grupo de personas, como entidad teórica y abstracta, aislada del mundo
exterior, sino como un núcleo familiar que vive, piensa y opera dentro de una comunidad socialmente
organizada. » CCSS, Memoria Anual 1951, pp. 186-187. Traduction libre.
- 477 -
Montoya a noté que dans les années 1930, des architectes tels que Wladimiro
Acosta, Eugenio Baroffio ou Benito Carrasco ont souligné que le problème du logement
devait se concentrer sur la création d’un environnement collectif. Le logement et son
environnement étaient donc interprétés comme des instruments civilisationnels de la
société. La première définition fournie par le Département de logement de la CCSS a été
insérée dans ce courant.977
En 1953, deux voies de circulation du modèle de l’unité de voisinage ont été
identifiées. La première est restée dans la CCSS dont les définitions étaient enracinées
dans le courant hérité des congrès panaméricains d’architecture et maintenue par le réseau
d’entrelacements. A cette occasion, le Département du logement a incorporé le principe
de « l’unité urbaine »978 qui était présent dans l’urbanisme panaméricain depuis les
années 1940 comme suit :
« Une citadelle, qui représentait deux ou trois îlots de maisons dans le problème
urbain, n’était pas une solution efficace à la congestion de la ville. Il fallait une
transplantation, une diminution des problèmes, une création de villes presque
complètes, avec les services communaux les plus indispensables... L’unité de
voisinage ne prévoit pas le cas isolé d’une famille, au contraire, elle repose sur la
capacité maximale d’un groupe social... comprend ce besoin de l’individu et de la
collectivité en général... Il réfléchit alors aux besoins du groupe humain : besoins
culturels, commerciaux, sociaux, religieux... il est prévu de construire des parcs,
des jardins, des bureaux administratifs de l’unité de voisinage, où les voisins sont
en contact immédiat avec l’institution qui les gouverne. »979
977
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », pp. 21-23.
978
Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 23.
979
« Una ciudadela, que representaba dentro del problema urbano dos o tres manzanas de casas, no era
solución efectiva a la congestión de la ciudad. Era necesario un trasplante, un restar problemas, un crear
ciudades casi completas, con los servicios comunales más indispensables… La Unidad Vecinal no
contempla el caso aislado de una familia, por el contrario, se basa en la capacidad máxima de un grupo
social… comprende esta necesidad del individuo y las de la colectividad en general… Piensa entonces en
las necesidades del grupo humano: necesidades culturales, comerciales, sociales, religiosas… se planea
construir parques, jardines, oficinas de administración de la Unidad Vecinal, donde los vecinos estén en
inmediato contacto con la Institución que los gobierna.» CCSS, Memoria Anual 1951, p. 307; Bonilla,
« Circulación de saberes del urbanismo… », p. 99.
- 478 -
fait la première référence des six principes de Clarence Perry. S’appuyant sur l’école
primaire, Jenkins a proposé la taille de la population, la densité, la taille des lots, la largeur
des rues, le pourcentage de zones libres, les centres commerciaux et les centres civiques
d’une hypothétique unité de voisinage.980 En d’autres termes, Jenkins a été l’un des
pionniers de la systématisation et de l’adaptation de ce modèle au Costa Rica, aux côtés
des auteurs de l’Unité de voisinage Nº 1 d’Hatillo, Jorge Emilio Padilla, Édgar Vargas,
Rodrigo Masís, Santiago Crespo et César Garcés.
Un élément fondamental du cas costaricain est que l’unité de voisinage et les
facilités communales ont été transformées en principes juridiques, par le biais de la loi
organique de l’INVU. Ceci se manifeste dans les articles 4 et 5 de la loi, où on lui désigne
comme objectifs d’assurer à la « famille costaricaine un meilleur logement et les éléments
connexes », de localiser les espaces publics pour ces éléments ou services communs, de
« formuler des plans généraux pour la construction et l’assainissement de logements ou
d’unités de voisinage » et de « construire les centres pour les services communaux
nécessaires ».981
Toutefois, la loi organique a clairement établi à l’article 5 b) que l’INVU pouvait
orienter la construction de logements par le biais d’unités de voisinage ou d’urbanisations.
Cela a ouvert une porte pour l’utilisation généralisée du terme facilité communale sans
nécessairement être lié à une unité de voisinage, car les urbanisations devaient avoir ce
type de services. La loi n’a pas précisé comment ces facilités communales devaient être
planifiées ou matérialisées, de sorte que l’INVU a dû éventuellement réglementer sur ce
point, comme on le verra plus loin.
En ce qui concerne la typologie des facilités communales, Jenkins a avancé une
typologie de base, composée d’espaces libres, d’écoles, de centres commerciaux et
civiques. Il est important de souligner que pour les espaces libres, Jenkins a recommandé
que ces zones soient situées à 10 % de la superficie totale de l’unité de voisinage. Ensuite,
en 1956, le rapport des services communaux pour le projet TECHO à Bogota (future ville
Kennedy) proposait six types, dont les commerces, les loisirs, les éducatifs, les
industriels, les circulatoires et autres. Dans ce cas, les récréations représentaient environ
11 % pour chaque unité de voisinage faisant partie du projet TECHO.982
980
Jenkins, « Vivienda popular en Costa Rica », pp. 19-23.
981
INVU, Memoria 1954, pp. 32-34.
982
INVU, « Reproducción del informe… », p. 23.
- 479 -
Le rapport « Fréquence d’utilisation des facilités communales » présenté par la
délégation du Costa Rica à la Réunion de logement de 1957 incluait une typologie
composée de cinq types : commercial, éducatif, services socioculturels, services de
salubrité et facilités publiques. Bien que le type récréatif semble avoir été exclu à l’œil
nu, celui-ci a été intégré dans les services socioculturels. Cela dit, les terrains de jeu
faisaient partie du club ou de la maison communautaire, ce qui a doté les aires de loisirs
d’un caractère subordonné. Il faut le souligner, puisque le rapport a été salué lors de la
Réunion du logement de 1957 et a mis en évidence un léger biais dans le modèle d’unité
de voisinage présenté pour l’Amérique centrale.983
Ce n’est qu’en 1958 qu’il y a eu une systématisation plus claire des facilités
communales. Un article publié par Jenkins et Jorge Crespo Villavicencio sur la ville
satellite d’Hatillo et l’Unité de voisinage Nº 2 a perfectionné les types, en établissant les
facilités socio-culturelles et de loisirs, les installations éducatives, les installations
médicales sanitaires, les facilités civiques et gouvernementales et enfin les facilités
commerciales et industrielles. Dans le premier type, des espaces tels que le théâtre-
auditorium, la bibliothèque publique, les églises, les cinémas, les terrains de jeux, les
théâtres en plein air, les terrains de sport, les gymnases, les piscines, les lacs et les parcs
ont été inclus. Certaines de ces facilités, comme le lac ou les espaces verts, peuvent être
très bien appréciées sur le plan de l’avant-projet de la ville satellite (Image VIII.7), qui a
été élaboré par Jenkins, Solow et Luis Marcial Philipón, ancien élève du CINVA.984
Comment ces installations communales seraient-elles distribuées dans la ville
satellite d’Hatillo qui a commencé à être planifiée en 1956 ? Cette année-là, Carazo a
expliqué au Conseil d’administration que le Comité central de planification de la ville
satellite, dirigé par Solow, a introduit une échelle d’installations communautaires, en
fonction du nombre de familles utilisatrices. En 1958, Jenkins et Crespo ont appelé à cette
échelle « nucléation progressive ». Comme on l’observe à l’Image VIII.6, chacun des
noyaux était accompagné d’une série de services qu’il a initiés avec le groupe familial,
qui disposerait d’un espace ouvert pour les jeux pour enfants. Ensuite, quatre groupes
familiaux constituaient un « quartier », qui comporterait une « pulpería » ou épicerie, un
983
Repositorio CEPAL, AC.6/I/DT/18, 11 de noviembre de 1957, Eduardo Jenkins. « Frecuencia de uso de
facilidades comunales ». Consultado el 30 de junio del 2021, URL: https://goo.gl/qKPhW3; CEPAL,
“Informe de la Reunión sobre problemas…”, p. 32.
984
Eduardo Jenkins y Jorge Crespo V. « Ciudad Satélite de Hatillo y Unidad Vecinal Nº 2. » Revista de la
Universidad de Costa Rica, Vol. 18, (1958), pp. 68-69.
- 480 -
jardin pour enfants, un terrain de jeux pour enfants et un parc de loisirs passif. Entre 5 et
7 quartiers constitueraient une unité de voisinage dont l’élément de cohésion était l’école
primaire, accompagnée du centre communal, du terrain de sport, des parcs de loisirs et
d’un centre commercial.985
985
ANCR, Actas INVU, signatura 30, Acta Nº 196, 31 de julio de 1956, f. 446; Jenkins y Crespo, « Ciudad
Satélite de Hatillo… », pp. 57-60; Vives, Pioneros de la Arquitectura…, pp. 75-76.
- 481 -
Image VIII.7. Costa Rica. Avant-projet de la ville satellite d’Hatillo. 1956.
- 482 -
Montoya a précisé que ce principe de nucléation progressive a été utilisé dans
d’autres unités de voisinage en Amérique latine, l’un des cas étant l’Ensemble Adolfo
Lopez Mateos Nonoalco de Tlatelolco, planifié par Mario Pani. Il a appelé
« nucléisation » à la création de
« une structure de communautés urbaines, de quartiers, par la conception urbaine
qui les délimite physiquement et les centres communaux de services sociaux
(écoles, commerces, clubs, sports amusants) adaptés à leur échelle de
regroupement, approvisionne culturellement et matériellement... en contribuant à
créer chez les gens l’ « esprit de quartier »… »986
986
«… una estructura de comunidades urbanas, barrios, mediante el diseño urbanístico que los delimite
físicamente y los centros comunales de servicios sociales (escuelas, comercios, clubes, deporte diversión)
que adecuados a su escala de agrupamiento, abastezca cultural y materialmente… contribuyendo a crear en
la gente el ‘espíritu de barrio’…» Montoya Pino, « Las unidades vecinales en América… », p. 118-119.
Traduction libre.
987
Renner a montré que certains de ces principes ont été appliqués au projet de logement Colonia
Centroamérica au Guatemala, conçu par Walter Harris.
- 483 -
l’environnement, la culture de la société et les priorités économiques et politiques du
gouvernement.988
Comme cela a été expliqué au début de ce chapitre, la ville satellite d’Hatillo était
un projet basé sur l’approche métropolitaine de la planification intégrale suivie par
l’INVU entre 1955 et 1962. C’est à cette époque que la construction de l’unité de
voisinage Nº 1, née dans le Département de logement, a été achevée et que les Unités de
voisinage Nº 2, 3 et 4 ont été conçues, cette dernière étant également connue sous le nom
de La Verbena. Fait important, entre 1963 et 1972, période de crise du Département
d’urbanisme, l’Unité de voisinage Nº 5 a à peine été conçue. A partir de 1973 et jusqu’en
1986, les unités voisines restantes, les 6, 7 et 8, ont été conceptualisées. Le développement
de la ville satellite a maintenu les bases de l’avant-projet original, mais sans doute, sa
forme a changé au fil des ans comme on le voit dans l’Image VIII.9.
Dans la réglementation costaricaine aussi, l’unité de voisinage s’est consolidée.
En 1968, le CINVA a produit un manuel intitulé Proposition sur les normes minimales
d’urbanisation pour les pays de l’isthme d’Amérique centrale qui a inspiré une
proposition sur les normes minimales d’urbanisation élaborée par Eduardo Jenkins,
Rodrigo Vargas et Eladio Jara. Le manuel fournit une autre définition de l’unité de
voisinage qui consistait en
« ... l’ensemble de logements qui accueille environ un millier de familles et qui
est doté d’espaces communaux pour les activités quotidiennes ou périodiques des
résidents (école, marché, magasins de vin, terrains de jeux, etc.). Cet ensemble de
logements ne doit pas être traversé par des voies primaires. »989
988
ANCR, Actas INVU, signatura 28, Acta Nº 44, 17 de febrero de 1955, fs. 105-114; Bonilla,
« Circulación de saberes del urbanismo… », p. 100-103. Je voudrais utiliser cet espace pour signaler
l’erreur contenue dans cet article, car le débat a porté sur la conception de l’Unité de voisinage Nº 1 et non
sur la Nº 2. Cette erreur n’invalide toutefois pas le contenu ou les conclusions tirées dans ce travail.
989
« … el conjunto de viviendas que da cabida a mil familias aproximadamente y que está dotado de
espacios comunales para actividades diarias o periódicas de los residentes (escuela, mercado, tiendas de
víveres, campos de juego, etc.). Este conjunto habitacional no deberá ser atravesado por vías primarias.»
INVU. Propuesta sobre normas mínimas de urbanización. (San José, Costa Rica: El Instituto, 1968), p. 5.
Traduction libre.
990
OEA-OPS-OMS. Propuesta sobre normas mínimas…, pp. 11-12.
- 484 -
qu’il prévoyait que chaque famille devait fournir 27m² pour les installations communales
et 10m² pour le secteur résidentiel comme indiqué à l’Image VIII.8. Il est important de
garder ces chiffres à l’esprit, car ils entraîneront ultérieurement plusieurs changements
fondamentaux dans la législation costaricaine.
Source : AGUNAL, Fond CINVA, Boîte 46, OEA-OPS-OMS. Propuesta sobre normas mínimas de
urbanización para los países del istmo centroamericano. (Bogotá : CINVA, 1968), p. 9; INVU,
Propuesta sobre normas mínimas…, s.n.p.
- 485 -
Image VIII.9. Costa Rica. Ville satellite d’Hatillo, San José. 1979.
- 486 -
Ce qui précède a montré que le développement de l’unité de voisinage au Costa
Rica était discontinu en période de crise du Département de l’urbanisme, mais son
insertion dans le vocabulaire technique et dans sa réglementation est restée constante.
Bien qu’il existe de nombreuses études sur Hatillo, il n’existe pas encore de recherches
axées sur l’analyse de l’unité de voisinage au Costa Rica, qui devraient tenir compte non
seulement de la catégorie des analyses des facilités communales, mais aussi du
changement historique et des implications sociales, culturelles, économiques et politiques
des six principes de Perry :
1. La superficie de l’unité de voisinage, calculée en fonction de la population
pour laquelle une école doit être destinée, ainsi que sa densité.
2. Les limites de l’unité de voisinage, qui seront constituées à partir des
principales artères de transit.
3. Les espaces ouverts de l’unité de voisinage, constitués de petits parcs et
d’espaces de loisirs nécessaires à la population.
4. Les sites institutionnels, comme les écoles ou d’autres, qui doivent être
regroupés en un point central ou commun.
5. Les magasins locaux, regroupés en « quartiers », qui doivent être situés autour
de l’unité de voisinage, de préférence aux intersections de la circulation et adjacents
à d’autres unités résidentielles.
6. Le système interne des rues, qui doit démotiver l’utilisation du transport
automobile et promouvoir les déplacements à pied.991
991
Brody, « Constructing Professional Knowledge », p. 37.
- 487 -
b) « Mínimum minomórum »
992
« El capítulo IV, se refiere al fraccionamiento y urbanización, en realidad este es el más importante,
porque el futuro, lo es más que el pasado. El reglamento de urbanización es el que controla el futuro, todo
un nuevo desarrollo pendiente de realizar, de acuerdo con el plan realizador [¿regulador?] y las previsiones
de éste reglamento… Este tiene que controlar el diseño geométrico; tiene que decir que las calles de una
urbanización deben realizarse respetando el plan vial. Y además las facilidades comunales: escuelas,
parques, etc., todas estas áreas deben ser cedidas gratuitamente, por los urbanizadores, porque es parte de
las demandas que él mismo está creando. » AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine,
30 de setiembre de 1966, “Sesión Nº 56, Comisión Permanente de Asuntos de Gobierno y Administración”,
f. 32. Je soulgne. Traduction libre.
- 488 -
La discussion des règlements de fractionnement et d’urbanisation ainsi que des
dispositions de la loi de Planification urbaine doit être insérée dans un processus de lutte
sociale qui remonte au début du XXe siècle. Entre 1880 et 1930, outre le paysan, les pions
et les ouvriers agricoles qui ont également joué dans leurs propres luttes contre les
exportateurs de café, un secteur d’ouvriers, d’artisans, d’employés et de fonctionnaires a
commencé à se former dans les centres urbains et commença à consolider
progressivement leur propre identité de groupe et leur conscience à l’égard de leurs
problèmes communs : les longues journées et les accidents du travail, le coût élevé des
subsistances, les mauvaises conditions de logement, les prix des loyers, le manque de
services de base tels que l’eau, entre autres.
Les premiers espaces d’organisation, tels que le Centre Germinal, la
Confédération générale des travailleurs et les premiers syndicats, ont accru l’organisation
de travailleurs urbains tels que les cordonniers, les boulangers, les typographes, les
ébénistes, les charpentiers, les télégraphistes, entre autres, qui ont lancé dans les années
1910 un cycle de mouvements sociaux qui ont poussé le gouvernement à intervenir dans
ces problématiques. Comme l’a souligné William Elizondo, l’action du gouvernement a
été réactive à ces pressions sociales, mais a progressivement permis de consolider un
régime de bien-être libérale, qui consacrait de plus en plus de ressources à la solution de
la question sociale.993
Les luttes populaires pour une loi sur la location dans les années 1920 ainsi que
l’expérience du mouvement ouvrier accumulée jusqu’alors, ont incité la Confédération
générale des travailleurs à former le Parti réformiste, dirigé par Jorge Volio. Dans le
programme partisan la réglementation immobilière, la réforme fiscale et le problème du
logement occupaient une place importante. Mais c’était le Parti communiste qui a mené
une lutte plus intense, sur les conditions de logement comme cela a été souligné à
plusieurs reprises tout au long de cette enquête. Botey et Malavassi ont montré que les
communistes étaient sensibles à des problèmes tels que la surpopulation dans les
habitations des secteurs populaires, le manque de lumière, de ventilation, d’eau potable
et de services sanitaires affectant la santé de leurs habitants. Au début des années 1940,
il était plausible d’identifier dans ses discours la nécessité de créer dans les quartiers
993
Víctor Hugo Acuña Ortega. Los orígenes de la clase obrera en Costa Rica: las huelgas de 1920 por la
jornada de ocho horas. (San José, Costa Rica: CENAP-CEPAS, 1986); Elizondo, « El problema de la
vivienda… », p. 163; Viales, « El régimen liberal de bienestar… », p. 93.
- 489 -
populaires, les crèches, les terrains de jeux pour enfants, les places dans les quartiers, les
salles à manger et les écoles.
Parallèlement à la fondation de l’INVU, les luttes sociales pour le logement et les
services publics menées par les conseils progressistes et l’Alliance des femmes
costaricaines ont maintenu la pression sociale vers le gouvernement et les municipalités,
afin qu’elles interviennent davantage pour résoudre ces problèmes. Selon les
contributions de Patricia Alvarenga, les femmes ont fait preuve d’une plus grande prise
de conscience de l’importance des espaces et des services qui accompagnent les solutions
de logement, telles que les crèches et les écoles. Selon Alvarenga, cela correspondait au
renforcement de la revendication et de la libéralisation économique des femmes. C’est
pourquoi des espaces ou des facilités communales de ce type leur permettaient d’entrer
plus fortement sur le marché du travail et dans les luttes politiques, tout en réduisant les
risques physiques et mentaux que les enfants pouvaient subir en l’absence de ce type
d’espaces. Les femmes en sont même venues à suggérer la construction de
multifamiliaux, car ils répondaient davantage à leurs besoins, étant donné que les projets
de logement qui se situaient progressivement plus loin du centre urbain les obligeait à
prendre les transports publics, qui n’étaient pas du tout efficaces.994
En ce sens, l’action réglementaire de l’INVU doit être contextualisée comme le
résultat du croisement de la question sociale du logement et des services publics qui était
cultivée depuis le début du XXe siècle, avec le savoir-faire de l’urbanisme qui a été promu
à partir des programmes d’assistance technique et de l’institutionnalisation costaricaine.
Le courant réglementaire s’est exprimé dans la création de normes minimales de
logement, d’urbanisation et de fractionnements qui étaient intimement liées aux
pourcentages qui étaient attribués aux propriétés. Un pourcentage plus ou moins élevé
attribué à l’un de ces facteurs impliquait une affectation directe sur l’autre.
En juin 1957, le Conseil d’administration a tenté de réformer le règlement
d’urbanisation et de fractionnement de la municipalité de San José, créé à l’origine par
Garcés. A cette occasion, il a été proposé que la zone de construction d’un lot ne soit pas
inférieure à 40%, ce qui implique que les 60% autres soient destinés à d’autres services
complémentaires, tels que les rues, les trottoirs ou les facilités communales.995 Un an plus
tard, les départements juridiques et d’urbanisme de l’INVU ont cherché à introduire
994
Alvarenga, De vecinos a ciudadanos, pp. 98-116.
995
ANCR, Actas INVU, signatura 32, Acta Nº 287, 18 de junio de 1957, fs. 378-379.
- 490 -
comme principe juridique la cession gratuite de 40% de la propriété, étant donné que de
nombreux règlements municipaux de l’Aire métropolitaine, tels que ceux de San José,
San Pedro ou Guadalupe, n’exigeaient que 5% et laissaient à la discrétion de l’urbaniste
de le placer là où mieux lui semblait, même s’il s’agissait d’un terrain à flanc de colline
ou sur un réservoir septique. Ces règlements favorisaient les propriétaires et leurs
intentions de profit, au détriment des futurs habitants des projets de logement.996
Les unités de voisinage d’Hatillo Nº 1 et Nº 2, selon les informations disponibles,
ont été utilisées pour fixer ces minimums, les deux projets de logement répondant ou
même dépassant les pourcentages requis.997 Ces deux affaires sous-tendent les articles 6
et 8 du premier projet de loi de Planification urbaine soumis en 1958 au Conseil
d’administration. En ce qui concerne le premier, Jenkins et Zavaleta, rédacteurs du projet,
ont noté que :
« L’Institut national du logement et de l’urbanisme a calculé qu’au moins 25% de
la zone urbaine est nécessaire pour fournir les voies de circulation nécessaires
(primaires, secondaires et locales). En ce qui concerne les installations
communales telles que les écoles et les collèges, les maisons communales, les
centres de santé, les parcs et les terrains de jeux, l’INVU a estimé qu’il en fallait
15% pour les accueillir. C’est pourquoi il est proposé de prévoir légalement que
tout fractionnement ou urbanisation affecte 40% de la superficie brute à
développer à l’usage public. »998
996
INVU, Memoria 1958, pp. 145, 168-169.
997
Chaves, et.al. « La producción del espacio público… », pp. 123-124; ANCR, Actas INVU, signatura 33,
Acta Nº 337, 10 diciembre de 1957, f. 347.
998
« El Instituto Nacional de Vivienda y Urbanismo ha calculado que se requiere cuando menos un 25%
del área urbana para proveer las vías de circulación necesarias (primarias, secundarias y locales). En el
referente a facilidades comunales, como escuelas y colegios, casas comunales, centros de salud, parques y
campos de juego, el INVU ha estimado que se necesita para acomodarlas, un 15% del terreno a urbanizar.
De ahí que se proponga el precepto legal de que todo fraccionamiento o urbanización debe destinar al uso
público el 40% del área bruta a desarrollar. » INVU, Memoria 1958, p. 144. Traduction libre.
- 491 -
de la propriété, a finalement été maintenue par le Conseil d’administration, mais comme
indiqué précédemment, le premier projet de loi de Planification urbaine n’a pas été
analysé par l’Assemblée législative.999
L’article 8, d’autre part, en plus d’assurer le retrait nécessaire à l’élargissement
des voies, protégeait la municipalité de ne pas avoir à indemniser immédiatement le
propriétaire. Comme il a été noté dans l’exposé des motifs de ce projet de loi, derrière
cette disposition se cache la mauvaise expérience du Plan Garcés :
« La loi en vigueur sur la construction autorise les municipalités à fixer des lignes
de construction, c’est-à-dire des retraits des structures par rapport à la ligne
centrale des voies publiques. Toutefois, la loi a été interprétée dans le sens où le
propriétaire dont la ligne de construction est repoussée a le droit d’exiger le
paiement immédiat de la ceinture comprise entre la ligne de construction existante
et celle qu’il est envisagé de fixer... Le résultat habituel est que, sauf retrait
volontaire du propriétaire, la municipalité n’a pas les ressources nécessaires pour
acquérir la ceinture d’extension requise et est forcée de permettre la construction
sur la ligne d’origine, de manière à être décrite comme « temporaire » mais qui,
au fond, a un caractère quasi permanent. De cette façon, il devient presque
impossible d’élargir les rues dans les zones développées. »1000
999
ANCR, Actas INVU, signatura 37, Acta Nº 544, 14 de diciembre de 1959, fs. 470-473.
1000
« La Ley de Construcciones vigente autoriza a las Municipalidades para fijar líneas de construcción, o
sea retiros de las estructuras con respecto a la línea centro de las vías públicas. Sin embargo, se ha
interpretado la Ley en el sentido de que el propietario cuya línea de construcción se hace retroceder, tiene
derecho de exigir el pago inmediato de la faja comprendida entre la línea de construcción existente y la que
se pretende fijar… El desenlace usual es que, salvo que el propietario se retire voluntariamente, la
Municipalidad carece de recursos para adquirir la faja de ampliación que se requiere y resulta forzada a
permitir que se edifique sobre la línea original, en forma que se describe como “temporal” pero que en el
fondo tiene carácter casi permanente. De esta manera se hace casi imposible el ensanche de calles en las
áreas desarrolladas. » INVU, Memoria 1958, p. 145. Traduction libre.
- 492 -
soient manifestées au conseil de l’Assemblée législative à l’encontre de cet article,
ce qui entrave la promulgation de la loi. »1001
L’article a été défendu par Zavaleta, qui a souligné que son but était d’arrêter la
mauvaise pratique de subdiviser les terrains qui, après tout, pourraient devenir des
bidonvilles qui sont « caractérisés par le manque de services de toutes sortes et par
l’absence de la zone indispensable à la construction d’un logement décent. » Le Conseil
d’administration a demandé que l’article soit reformulé pour concilier les points de vue ;
toutefois, les informations disponibles n’ont pas permis de vérifier si ce changement avait
été effectué. Toutefois, qu’il ait fait une telle demande démontre une crainte de la
commission à l’égard de la tâche d’intervenir dans le régime de propriété privée et, dans
une certaine mesure, une inclination à protéger les propriétaires.
Face à l’échec de ce premier projet de loi de Planification urbaine, le Département
d’urbanisme, avec l’avis du Département juridique et de l’expert en assistance technique
du Point IV, Allen Benjamin1002, ont élaboré une ordonnance type d’urbanisation et de
fractionnement pour permettre aux municipalités de mettre à jour leurs règlements
respectifs. De toute évidence, les pourcentages destinés à l’espace public ont été repris
par leurs proposants :
« La modification la plus importante proposée dans l’ordonnance type concerne
les zones que l’urbaniste doit affecter aux services publics, telles que les écoles,
les parcs, le stationnement des véhicules et d’autres services communaux, qui
demandent dans la réglementation actuelle 5% de la superficie totale hors voies
de communication ou rues, estimée à une moyenne de 25% , et qui se propose
maintenant d’exiger 15% de la superficie pour les services publics... considérant
que c’est le minimum recommandé pour éviter les problèmes futurs pour les
municipalités et les organismes chargés de doter les communautés de services
publics… »1003
Encore une fois, l’un des opposants à cette disposition était le directeur Quesada
Picado, pour qui ce pourcentage n’était pas approuvable car « l’entrepreneur perd »,
préoccupation partagée par le président du Conseil, Gonzalo Jiménez. Un autre opposant
1001
« … tiene sus dudas en cuanto a la aplicabilidad de este Artículo, pues, en cierto modo, constituye una
limitación al derecho de propiedad, puesto que a nadie se le puede impedir que compre o que venda un
terreno de cualesquiera dimensiones, por pequeñas que éstas sean. Por otro lado… es muy posible que en
la Asamblea Legislativa se pongan objeciones de fondo a este Artículo, obstaculizándose así la
promulgación de la Ley. »ANCR, Actas INVU, signatura 38, Acta Nº 577, 12 de abril de 1960, f. 318.
Traduction libre.
1002
INVU, Memoria 1961, p. 8.
1003
ANCR, Actas INVU, signatura 42, Acta Nº 750, 19 de diciembre de 1961, f. 323.
- 493 -
était le ministre du Travail Franklin Solórzano, car cette disposition désavantageait les
entrepreneurs particuliers et la mesure limitait donc l’initiative privée. Efraím Morales,
Rodrigo Vargas, Arnoldo Zavaleta et Adolfo Becerril ont tous défendu les pourcentages,
car ceux-ci ne menaçaient pas les profits des entrepreneurs et n’excédait pas non plus le
rôle de l’Institut. Certes, l’ordonnance type n’avait pas la même force que le projet de loi
de Planification urbaine, mais pour ses proposants, c’était pour l’instant le seul moyen
d’encourager la mise à jour des règlements de fractionnement et d’urbanisation.1004
La résistance politique de l’Assemblée législative et de certains membres du
Conseil d’administration à intervenir dans la propriété privée doit être considérée comme
un indicateur de l’importance sociale des facilités communales pour l’environnement de
la ville, le logement et la sécurité de ses habitants. En fait, ils étaient si importants que
l’un des discours en faveur de la nouvelle loi de Planification Urbaine était intimement
lié à la dotation de ce genre de zones pour la ville.
Dans une lettre adressée à Rodrigo Carazo, alors président de l’Assemblée
législative, le chef du Département de chirurgie de l’Hôpital national pour enfants, le Dr.
Roberto Ortiz Brenes, a expliqué ce qui suit :
« Face au grave problème posé par l’augmentation considérable des accidents
chez les enfants dans notre pays, due en grande partie à deux facteurs très
importants, le manque d’éducation et le manque de lieux appropriés pour les
loisirs des enfants, en tant que médecin à l’Hôpital national pour enfants... Je
considère qu’une campagne tendant à la construction de ce type d’installations
pourrait être un facteur déterminant dans la diminution des accidents... Si notre
pays occupe la première place en natalité, nous avons l’obligation de protéger nos
enfants et de ne pas voir avec indifférence comment notre ville grandit sans
aucune planification et sans prévoir de zones de loisirs pour les enfants. »1005
1004
ANCR, Actas INVU, signatura 42, Acta Nº 750, 19 de diciembre de 1961, fs. 323-325.
1005
« Ante el grave problema que representa el considerable aumento de los accidentes en niños en nuestro
país, atribuible en buena parte a dos factores muy importantes, como lo son la falta de educación y la
escasez de lugares apropiados para la recreación infantil, como médico del Hospital Nacional de Niños…
Considero que una campaña tendiente a la construcción de este tipo de instalaciones, podría ser factor
determinante en la disminución de los accidentes… Si nuestro país ocupa el primer lugar en natalidad,
tenemos la obligación de proteger a nuestros niños y no ver con indiferencia cómo nuestra ciudad crece sin
planeamiento ninguno y sin prever zonas de recreación para los niños. » AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº
4240 de Planification urbaine, 10 de octubre de 1966, « Carta de Roberto Ortiz a Rodrigo Carazo », fs. 11-
12. Traduction libre.
- 494 -
car il « habiliterait l’INVU à imposer la cession de zones communales dans toute
urbanisation qui se fait dans le pays, qui pourraient être destinées à des terrains de
sport. »1006
Ceci renvoie aux mots de Jenkins sur l’importance de planifier la ville future.
Selon l’urbaniste, la loi :
« ... est d’ordre, parce qu’il est proposé, d’une part, le pouvoir de réglementer cette
matière ; est un projet qui respecte la propriété privée, dans le sens où si elle est
affectée, si elle nécessite d’une compensation, mais elle exige effectivement –
parce que c’est la seule façon possible de le faire – une obligation des propriétaires
à suivre certaines règles de développement..., non pas pour limiter la liberté, mais
au contraire pour éviter le chaos... C’est-à-dire que la propriété a une fonction
sociale. Cet aspect est ce qui est le moins clairement énoncé dans notre législation,
bien que dans la loi sur la Construction, il dit que les municipalités peuvent refuser
ou dénier des permis, selon certaines règles, mais cela a été un pouvoir qui a été
appliqué très peu. »1007
Peu de temps après avoir prononcé ces mots, Jenkins a récupéré le problème du
Plan Garcés pour expliquer dans quelle mesure la nouvelle loi visait à empêcher qu’une
telle expérience ne se reproduise. Face à cette explication, le député Jorge Villanueva
Badilla a consulté l’urbaniste costaricain si, pendant la période où le propriétaire était
invité à construire et au moment de l’élargissement de la voie, la propriété était «
séquestrée ». Ce à quoi Jenkins répondit : « ... tout plan d’extension de voies dans les
zones bâties est utopique ; alors l’idée se pose, que nous le voulions ou non ; la ville a
besoin ou non d’élargir certaines rues. A San José, on s’aperçoit de ce besoin... En outre,
une zone de dix pour cent, de la zone à urbaniser, doit être remise à la municipalité pour
zonage. » L’adjoint Villanueva a rétorqué : « C’est réglementaire... », ce à quoi Jenkins a
statué : « Ici, c’est proposé comme principe juridique »1008.
1006
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 14 de noviembre de 1966, « Carta de
Rodrigo Pacheco López a la Comisión de Gobierno y Administración », f. 19.
1007
« … es de ordenamiento, porque se propone que exista, por un lado, el poder de regular esa materia; es
proyecto que respeta la propiedad privada, en el sentido de que si ésta se afecta, requiere compensación,
pero sí, efectivamente – porque es la única manera posible de hacerlo – obliga a los propietarios a seguir
determinadas reglas de desarrollo…, no por limitar la libertad, sino por el contrario, para evitar el caos…O
sea que la propiedad tiene una función social. Este aspecto es lo que menos claramente está establecido en
nuestra legislación, aunque en la ley de construcciones, dice que las municipalidades pueden negar o
denegar permisos, de acuerdo con ciertas reglas, sin embargo, esa ha sido una facultad que se ha aplicado
muy poco. » AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 7 de junio de 1966, « Acta de
la Sesión extraordinaria º 17 », fs. 24-25; Quelques mois plus tard Jenkins réitéra le même position. AAL,
Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 30 de setiembre de 1966, « Acta de la Sesión Nº
56 », f. 30. Je souligne. Traduction libre.
1008
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 7 de junio de 1966, « Acta de la Sesión
extraordinaria º 17 », f. 26. Je souligne. Traduction libre.
- 495 -
En six mots, Jenkins résumait le cœur de la problématique urbaine costaricaine,
puisque la responsabilité de réglementer les lignes de retraite pour l’extension de voies
ou pour la construction de facilités communales ayant été laissée aux municipalités, elle
avait consolidé cette demande historiquement insatisfaite d’espaces urbains larges et de
qualité. Quelques mois plus tard, Jenkins a renforcé son argument en soulignant que les
entreprises, déplacées par le profit, ne pouvaient pas simplement recharger dans l’État la
capacité de répondre à ces besoins, mais devaient être complétés par ceux qui causaient
le développement.1009
En ce qui concerne la prévention des fractionnements susceptibles de générer des
bidonvilles, le projet de loi a maintenu la méthode du visa municipal introduite dans le
projet de 1958, qui a été contestée par les députés Alfredo Vargas Fernández et Fernando
Gutiérrez Benavides parce qu’il n’était pas clair dans quelle mesure le pouvoir du
propriétaire de vendre ce qui lui appartenait était limité. Toutefois, ces questions n’ont
pas entraîné un rejet catégorique de la part de la Commission, qui s’est plutôt penchée
pour louer le projet.1010
Selon les informations disponibles, presque toutes les règles qui imposaient une
limitation à la propriété (à l’exception des règles financières) ont été approuvées.
Cependant, un changement important a été appliqué en ce qui concerne la taille de la zone
à réserver pour des installations communales. Bien que la brochure explicative et le projet
de loi aient déterminé que cette zone correspondait à au moins 10 % et à 15 % au
maximum, le décret-loi 4240 a modifié cette zone en exigeant des entreprises qu’elles ne
cèdent que 30 m² par famille, ce qui a ouvert une porte pour que la superficie dédiée aux
facilités communales soit mineure, protégeant ainsi l’intérêt privé.1011 Cela est le résultat
du veto présidentiel du président Jose Joaquin Trejos1012 qui a obligé l’INVU à recourir
aux normes minimales suggérées par le CINVA en 1968, augmentant de 3m² celle fournie
par le centre régional.
1009
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 30 de setiembre de 1966, « Acta de la
Sesión Nº 56 », f. 29.
1010
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 7 de octubre de 1966, « Acta de la Sesión
Nº 60 », f. 35.
1011
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 11 de noviembre de 1968, « Decreto-Ley
4240 », f. 330.
1012
AAL, Dossier Nº 2085, Loi Nº 4240 de Planification urbaine, 11 de setiembre de 1968, « Veto
presidencial », f. 268.
- 496 -
Selon les informations disponibles, plusieurs tentatives ont été faites pour inverser
ce changement et réintroduire les pourcentages. L’un d’eux était le règlement sur le
fractionnement et l’urbanisation qui a été approuvé par le Conseil d’administration de
l’INVU le 28 mars 1969, qui a établi une échelle de zones, en fonction de la taille du lot
et du nombre de familles, les pourcentages variant de 15 à 5 %.1013 Toutefois, ce
règlement n’a pas été publié au Journal officiel La Gaceta et n’a donc eu aucune force
juridique.1014 Par la suite, en 1972, la loi Nº 4971 a réformé l’article 40, en modifiant la
disposition de 30m² par famille pour les pourcentages de zones, qui variaient entre 5 %
et 20 %.1015
Cependant, à partir des années 1970, on a pu identifier une tendance à assouplir
ces pourcentages. En 1973, le Conseil d’administration a soumis à discussion un nouveau
règlement de fractionnement et d’urbanisation, fondé sur la thèse selon laquelle il serait
aussi large que possible et stimulerait la construction de logements par l’entreprise privée.
En effet, le président du conseil, Echandi Zürcher, a reconnu qu’il existait un intérêt
particulier de la Chambre des industries et des mutuelles à faire approuver cet instrument.
La flexibilité du nouveau règlement a été démontrée par l’inclusion de « normes
ordinaires » et de « normes minimales »1016 qui sont devenues des instruments de
différenciation sociale des projets de logement, car alors que ceux destinés aux classes
moyennes ou supérieures restaient 20% de la superficie totale du terrain à céder à la
municipalité, dans les normes minimales, ce pourcentage a été contesté par divers
membres du Conseil d’administration et des pressions ont été faites pour le réduire.1017
Le directeur Eladio Jara a fait valoir que si 20% étaient maintenus, les pauvres
étaient les plus durement touchés. Selon le directeur de l’urbanisme Warnes Sequeira, ce
pourcentage était contesté par les « particuliers » (les urbanistes privés), et il suggérait
donc d’appliquer à sa discrétion les 10m² par famille, afin de favoriser les projets de
logement économique. Ces 10m² provenaient des normes minimales du CINVA pour les
secteurs résidentiels selon l’Image VIII.7. Mais surtout, il serait accepté que l’urbaniste
1013
INVU. Reglamento de Fraccionamiento y Urbanización. (San José, Costa Rica: El Instituto, 1969), pp.
18-21.
1014
ANCR, Actas INVU, signatura 77, Acta Nº 2404, 28 de mayo de 1973, f. 120.
1015
« Ley Nº 4971. Reforma Ley de Planificación Urbana, 28 de abril de 1972. » Sistema Costarricense de
Información Jurídica. Consultado el 25 de junio del 2021. URL:
http://www.pgrweb.go.cr/scij/Busqueda/Normativa/Normas/nrm_texto_completo.aspx?param1=NRTC&
nValor1=1&nValor2=33976&nValor3=35828&strTipM=TC
1016
ANCR, Actas INVU, signatura 77, Acta Nº 2404, 28 de mayo de 1973, fs. 119, 122.
1017
ANCR, Actas INVU, signatura 89, Acta Nº 2699, 11 de noviembre de 1975, f. 255.
- 497 -
réserve ou non les zones pour des facilités communales, en l’occurrence celles destinées
aux parcs.1018 Parmi les membres du Conseil d’administration, c’est le directeur José
Bermúdez Durán qui a défendu la thèse de ne pas réduire les zones, car selon lui :
« Il faudrait voir ce que cela signifie ou ce qui se passe si une famille reçoit un
mètre de parc de plus et quels avantages seraient obtenus en matière de santé, de
développement et d’amélioration. Il y a des choses qui ne peuvent pas être
achetées dans des concepts strictement économiques. Pour ces raisons et d’autres,
il n’accepte pas de réduire ces pourcentages... ces zones ne doivent pas être
données en fonction du dimensionnement de l’urbanisation à mettre en œuvre,
mais en raison de la densité donnée. »1019
1018
Selon la réforme de la loi de Planification urbaine de 1972, la zone pour les facilités communales devait
être répartie comme suit: un tiers (environ 10m2 par famille) serait utilisé pour les parcs, tandis que les
deux autres tiers devaient être utilisés pour d’autres installations communales.
1019
« Habría que ver qué significa o qué sucede si a una familia se le da un metro más de parque y qué
beneficios se obtendrían en salud, desarrollo y mejoramiento. Hay cosas que no pueden ser compradas en
conceptos estrictamente económicos.. Por estas y otras razones él no está de acuerdo en rebajar esos
porcentajes… esas áreas no deben darse en función del dimensionamiento de la urbanización que se ejecute,
sino en razón de la densidad que se dé. » ANCR, Actas INVU, signatura 89, Acta Nº 2699, 11 de noviembre
de 1975, fs. 260-261.
1020
ANCR, Actas INVU, signatura 89, Acta Nº 2702, 24 de noviembre de 1975, fs. 298-300.
- 498 -
« charrales » ou des fumoirs de marijuana, ou les jeux mécaniques, les clôtures, etc. sont
volés. »1021
Ceci est important car certains chercheurs ont abordé la problématique de
l’abandon des espaces publics dans les projets de l’INVU. Si l’institution a eu un bon
degré de responsabilité dans cette réalité, permettant même à un moment donné aux
entrepreneurs privés de livrer les projets avec des « travaux différés », c’est-à-dire non
achevés pour réduire les coûts, les municipalités ont joué un rôle prépondérant dans
l’abandon de ces espaces publics qui sont devenus des marginaux et sous-utilisés, en
évitant que les habitants puissent en faire un usage efficace.1022 Cela a également
influencé le faible degré de participation de la population au processus de conception, ce
qui a eu un impact à la fois sur la réception de l’espace public et sur son utilisation et sa
perception finale.
Comme on a pu le constater, tout au long de la période considérée, la
problématique de la fonction sociale de la propriété a incité le Département de
l’urbanisme à établir, par le biais des règlements de fractionnement et d’urbanisme et de
la loi de Planification urbaine, des pourcentages fixes que les projets privés et publics
devaient céder aux municipalités pour qu’elles soient utilisées comme facilités
communales. Par la réglementation, les facilités communales qui étaient à l’origine liées
aux unités de voisinage sont convenues d’un mécanisme de démocratisation de l’espace
urbain pour tout projet de logement. Dans cette optique, entre 1955 et 1970, la tendance
a toujours été de maintenir un pourcentage élevé de zones réservées aux installations
communales, qui variait de 10 à 15%. Le projet initial de loi de Planification urbaine
prévoyait une norme minimale de 10%.
Un bref interrègne entre 1968 et 1972 a considérablement réduit ces domaines,
grâce au veto présidentiel, en vue de favoriser l’entrepreneur privé. Cela a été corrigé par
une réforme de la loi, mais a créé une plus grande flexibilité quant aux pourcentages allant
de 5% à 20%. En outre, il a été établi qu’environ 10m² par famille soient destinés à des
zones de parc, tandis que les 20m² restants seraient utilisés pour d’autres installations
communales. A partir de 1972, la pression des chambres commerciales, mutuelles et
1021
ANCR, Actas INVU, signatura 89, Acta Nº 2699, 11 de noviembre de 1975, f. 259.
1022
ANCR, Actas INVU, signatura 93, Acta Nº 2795, 26 de octubre de 1976, fs. 122-124; David Araya
Díaz. « La estructura urbana: Análisis de la producción del espacio en Hatillo 8. » (Tesis de licenciatura en
arquitectura, Universidad de Costa Rica, 2016), pp. 94-95; Chaves, et.al. « La producción del espacio
público… », p. 268.
- 499 -
entreprises privées a incité l’INVU à réduire enfin le pourcentage d’installations
communales à 10% pour les projets de logement populaire, y compris en ouvrant le porte
pour que celui-ci soit appliqué à la discrétion des entrepreneurs. Cette règle a été
consolidée à la fin de la période dans le règlement pour le Contrôle national des
fractionnements et des urbanisations du Plan GAM 1983.
Si l’on considère que la propriété a une fonction sociale, l’élaboration de ces règles
par l’INVU a réussi à appliquer timidement ce principe, puisque tant le Conseil
d’administration de l’institution que les pouvoirs exécutif et législatif se sont penchés
dans la mesure de leurs possibilités, à affecter le moins possible les entrepreneurs privés.
Il convient de dire que, bien qu’en dehors de la période d’étude, l’article 22 de la loi de
Planification urbaine qui obligeait les propriétaires à céder la zone de retraite pour étendre
les voies de transit, dont ils n’obtiendraient aucune indemnisation, a finalement été
abrogée par la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice en 1993. Le vote
a été motivé comme suit :
« Cette règle est ouvertement inconstitutionnelle, parce qu’elle est contraire aux
articles 9, 45 et 46 de la Constitution politique... Soutenir que les limitations de
propriété autorisées par l’article 45 de la Constitution ne sont pas indemnisables
revient à investir totalement les concepts constitutionnels sur le droit de propriété:
ce que fait la Constitution, c’est de les rendre exceptionnellement possibles, parce
que la règle est qu’ils ne le sont pas en raison de l’inviolabilité de la propriété;
mais de là à affirmer qu’aucune n’est indemnisable équivaut à violer tous les
principes non seulement du droit de propriété, mais de l’équité et de la justice, y
compris le principe de l’égalité face aux charges publiques… »1023
1023
« Esta norma es abiertamente inconstitucional, por ser contrario a los artículos 9, 45 y 46 de la
Constitución Política… Sostener que las limitaciones a la propiedad permitidas por el artículo 45 de la
Constitución no son indemnizables, equivale a invertir totalmente los conceptos constitucionales sobre el
derecho de propiedad: lo que la Constitución hace es hacerlas posibles excepcionalmente, porque la regla
es que no lo son en virtud de la inviolabilidad de la propiedad; pero de ahí a afirmar que por ser posibles
ninguna es indemnizable equivale a violar todos los principios ya no sólo del derecho de propiedad, sino
de la equidad y la justicia, entre ellos el principio de igualdad ante las cargas públicas… » « Resolución de
la Sala Constitucional Nº 06706 – 1993. » Consulté le 1 juillet 2021. URL: https://nexuspj.poder-
judicial.go.cr/document/sen-1-0007-80859. Traduction libre.
- 500 -
réformes juridiques nécessaires pour introduire la fonction sociale de la propriété au sein
de l’institutionnalisation costaricaine.
Entre 1950 et 1980, ils ont encadré le développement du modèle de l’État-
providence au Costa Rica, qui, grâce à une institution croissante, a permis d’étendre la
couverture des services essentiels tels que l’électricité ou l’eau ; a investi massivement
dans les infrastructures; a renforcé les systèmes publics de santé et d’éducation; a
provoqué la diversification productive par l’industrie et les services. Malgré les inégalités
qui ont persisté tout au long de la période, il est incontestable que l’État costaricain a
réussi à doter la population d’une mobilité sociale minimale, ce qui s’est traduit par des
niveaux de bien-être plus élevés.
Toutefois, l’État n’a pas été en mesure de traduire le capital de connaissances
obtenu grâce à l’expérience des acteurs nationaux et internationaux en une institution
robuste consacrée à l’urbanisme en raison, entre autres, d’un cadre constitutionnel désuet
qui a empêché de réglementer le régime de propriété privée qui était éminemment libéral.
Les secteurs aisés et les grands entrepreneurs immobiliers et de la construction ont été
protégés dans ces règles constitutionnelles pour défendre leur patrimoine et non pas taxer
en fonction de leurs possibilités. Cela a été permis par les pouvoirs suprêmes, les
municipalités et l’INVU. La planification urbaine a donc été l’un des domaines où l’État-
providence n’a pratiquement pas pu se consolider, contribuant à accroître au fil du temps
une demande historiquement non satisfaite de logements et d’espaces urbains de qualité.
4. Conclusion du chapitre.
- 501 -
assistance technique internationale ont permis l’introduction des instruments de
l’urbanisme, c’est-à-dire des plans d’aménagement, des règlements de zonage, de
fractionnement et d’urbanisme, des cartes officielles. Le rapport Solow et le Plan Garcés,
qui doivent être considérés comme une unité, n’étaient pas le résultat du travail solitaire
des deux architectes, mais de la coopération entre eux et les experts costaricains qui, en
plus de connaître l’environnement, avaient accumulé au fil des ans leur propre expérience
en matière de logement et de design urbain.
L’INVU, en l’occurrence, était également le fruit de ce croisement puisqu’il a
hérité du capital financier et humain du Département de logement de la CCSS qui faisait
partie du réseau d’entrelacements au début des années 1950. La loi organique de l’INVU
s’est avérée fondée sur cette expérience antérieure et a reçu les contributions d’Ernest
Weissmann et de Rafael Picó. Cette loi a en outre institutionnalisé le modèle de l’unité
de voisinage et le concept de facilités communales qui a guidé les premiers projets de
logements massifs de l’INVU à San José et autres provinces.
Il convient de souligner que les croisements entre les acteurs nationaux et
internationaux avaient réussi à consolider une approche focalisée sur le logement dans
l’institutionnalisation costaricaine, qui est également le résultat de la trajectoire historique
de la question sociale du logement. Au cours de sa première année, l’INVU a maintenu
cette approche, ce qui a limité son travail d’urbanisme. Le changement de paradigme a
été effectué en 1955, entre autres facteurs, par la collaboration mutuelle d’Eduardo
Jenkins et Antonio Cruz Kayanan, la transformation de la Section de l’urbanisme en
département. Un an plus tard, la mission d’assistance technique de Solow, d’Edmond
Hoben et l’implication de l’ESAPAC et de son directeur, Eric Carlson, dans le domaine
de l’urbanisme ont consolidé l’approche métropolitaine de la planification intégrale,
s’exprimant dans la réorganisation du Département de l’urbanisme en créant l’OPAM;
dans la transformation du projet de l’Unité de voisinage Nº 1 d’Hatillo en ville satellite;
dans l’élaboration du projet du Centre civique national; la signature de la Convention
intermunicipale avec les municipalités de l’aire métropolitaine, entre autres projets.
Cette nouvelle étape du Département de l’urbanisme a été fortement poussée par
la participation des fonctionnaires de l’INVU au réseau d’entrelacements, la signature des
premiers accords d’assistance technique avec le CINVA et le Point IV et par l’accueil de
deux événements internationaux d’une grande importance pour l’isthme centraméricain.
Dans ce contexte propice, il a été lancé de proposer une série de réformes juridiques pour
- 502 -
introduire le principe de la fonction sociale de la propriété. L’absence de sa
reconnaissance au niveau constitutionnel a fait du Plan Garcés un instrument presque
inutilisable et, comme l’a déploré son auteur, n’a pas atteint l’objectif de réglementer la
propriété urbaine.
Ces réformes juridiques ont consisté à créer un projet de loi gelant le
développement des terres dans le district d’Hatillo, afin que l’INVU puisse exproprier les
terres nécessaires sans se soucier de l’effet de la plus-value. Parallèlement, elle a mené
des études pour réformer l’impôt territorial et en faire la principale source de revenus de
l’Institut et des municipalités qui manquaient de ressources financières stables et
croissantes. Le premier projet de loi de Planification urbaine comportant un chapitre
consacré à ce point a également été proposé. Ces mesures étaient soutenues par les
missions d’assistance technique et les événements internationaux, qui recommandaient
ces mesures pour rendre efficaces les projets de développement urbain. Ces mesures ont
échoué par la résistance de l’élite, avec le soutien du pouvoir exécutif et de l’Assemblée
législative.
Les mesures visant à augmenter les pourcentages que les urbanistes devaient
réserver aux facilités communales et à en faire un principe juridique, pour ainsi dépasser
le stade des règlements moins respectés par les entrepreneurs immobiliers et de la même
municipalité, n’ont pas non plus été couronnées de succès. Le premier projet de loi de
Planification urbaine n’ayant pas été discuté à l’Assemblée législative, la première
occasion d’inclure cette exigence a été manquée. Les règlements municipaux de
fractionnement et d’urbanisation sont donc restés la méthode permettant de doter la ville
et les projets de logement des espaces publics pour ses habitants, ce qui s’est avéré
insuffisant.
De 1960 à 1972, l’INVU a connu un processus de découplage du réseau
d’entrelacements, mais des problèmes politiques et financiers l’ont plongé dans une crise
institutionnelle. Le découplage s’est aggravé à partir de 1962, car le flux des missions
d’assistance technique s’est arrêté, les événements centraméricains se sont concentrés sur
des thèmes spécifiques tels que la normalisation et la coordination modulaire, mettant de
côté le principe de la planification intégrale. Bien que les événements internationaux se
soient diversifiés, cela a dispersé l’ordre du jour et compliqué le suivi des
recommandations. Les travaux d’urbanisme sont au point mort ; les crédits internationaux
de l’ALPRO ont aggravé la crise économique institutionnelle et le peu de progrès réalisés
- 503 -
à l’Assemblée législative par le projet de loi de Planification urbaine a empêché la mise
à jour de la réglementation.
La nouvelle loi, bien qu’elle ait été adoptée en 1968, a été âprement disputée par
le pouvoir exécutif. La grande majorité des règles financières ont été supprimées ; les
pourcentages pour les facilités communales ont été remplacés par des valeurs nominales.
Pendant cette période, le découplage avec le réseau d’entrelacements s’est encore
approfondi, a atomisé l’agenda urbain et est devenu, en grande partie, un processus
national. Les réformes de la loi de Planification urbaine ont rétabli les pourcentages pour
les facilités communales, mais en même temps que la Direction de l’urbanisme est entrée
dans sa phase de planification régionale, les règles pour les fractionnements et
l’urbanisation ont été assouplies, motivées essentiellement par les intérêts des
entrepreneurs immobiliers. Sur ce point, la Direction de l’urbanisme a collaboré à cette
tendance et a fait reculer de près de 20 ans les progrès en matière de facilités communales
à la réglementation, en laissant le pourcentage de zones publiques à 10%, légitimé par le
Plan GAM de 1982.
L’absence du principe de la fonction sociale de la propriété a empêché le régime
de providence de l’État costaricain de s’étendre au domaine de l’urbanisme. L’absence
d’espaces urbains et de logements de qualité s’est consolidée en tant que demandes
historiquement non satisfaites et a contribué, dans une large mesure, au chaos urbain qui
prévaut aujourd’hui dans la Grande Aire métropolitaine de San José. À l’exception de
quelques avancées, la planification intégrale s’est transformée en rêve, désir et utopie.
- 504 -
IX. CONCLUSION
En 2010, dans un article publié dans la Revue Bitácora, Alain Musset a condamné
en quelques mots le dénouement de la circulation des savoirs de la planification urbaine
au Costa Rica analysé jusqu’à présent : « La tromperie fondamentale est de penser que
les injustices sociales peuvent être éliminées en agissant sur les formes urbaines. »1024 Les
résultats obtenus notamment au chapitre 8 ont révélé que les instruments, les modèles, les
recommandations, c’est-à-dire les ressources sociales qui circulaient sur le réseau
d’entrelacements, ne pouvaient ni conduire au développement ni améliorer le niveau de
vie. Encore moins rendre la ville plus juste et plus égale. La dynamique locale ou
régionale elle-même a entravé la matérialisation spatiale ou territoriale de cette
mondialisation solidaire que les organisations internationales et leurs programmes
d’assistance technique ont durement encouragée.
Déjà au chapitre 1, des indices avaient été avancés à ce sujet. L’internationalisme
et le panaméricanisme ont entrepris en parallèle de renforcer une normalisation et une
standardisation de la connaissance, motivées par l’idée de coopération mutuelle. Dans le
même temps, ces forums ont répondu aux intérêts géopolitiques des puissances qui
avaient à la fois le pouvoir économique et militaire d’exercer un contrôle plus ou moins
rigoureux de la politique et de l’économie d’une région particulière. Les États-Unis
’étaient l’une de ces puissances. Et il a clairement influencé l’agenda des Conférences
panaméricaines. Pourtant, le panaméricanisme a pu créer une sorte de « communauté
globale » car ses préoccupations ne se sont pas limitées à la seule question géopolitique,
mais celle-ci s’est beaucoup plus diversifiée, intégrant des thèmes et des problèmes
partagés par les pays d’Amérique latine et ceux qu’ils ont essayé de résoudre
mutuellement.
Les programmes d’assistance technique allaient de la simple assistance à la
préoccupation d’augmenter le niveau de vie des personnes. Le développement a été
introduit dans l’ADN de ces programmes qui ont incorporé dans leur méthodologie et
leur vocabulaire l’entraide, à travers le modèle du « Service ». Les caractéristiques
1024
Alain Musset. « El mito de la ciudad justa. Una estafa neoliberal. » Bitácora urbano territorial, Nº 25
(enero-junio 2015), p. 17.
- 505 -
messianiques et civilisationnelles des programmes d’assistance technique ont été
exprimées dans ce domaine : les conseillers ou experts en assistance technique furent
considérés comme des prophètes du développement et de l’indépendance économique:
les tuteurs pour les enfants opprimés, à qui il fallait apprendre à « manger » ou à
« produire ». Le discours d’élévation de la « dignité » de l’individu cache un sentiment
pervers de rejet absolu des cultures et traditions de nombreuses sociétés considérées
comme « sous-développées » qui s’est associé aux aspirations de nombreux politiciens
réformistes et d’autres pas tellement, pour apporter le développement économique
supposé à leurs pays. Les limites des programmes d’assistance technique se sont reflétées
dans la façon dont ils ont conçu leurs territoires ou régions de travail. Dans le cas de
l’Amérique latine, la géopolitique, les différences culturelles et les inégalités
économiques de leurs pays ont fragmenté l’unité régionale promue depuis le discours et
dans la pratique par l’Union panaméricaine et la CEPALC.
Le réseau d’entrelacements et les entourages créés par les acteurs et leurs
ressources reflétaient cette fracture structurelle. L’idéal des urbanistes tels que Solow,
Weissmann, Rafael Picó, Luis Lander, entre autres, était un travail articulé entre
assistance technique, État et initiative privée. Il s’agissait également de travailler
simultanément dans la ville et à la campagne. La planification urbaine exigeait également
l’incitation à l’activité industrielle, mais en même temps on demandait que celle-ci
contribue en abaissant les coûts des matériaux de construction. Les communautés étaient
invitées à faire appel à leur main d’œuvre pour que, par leurs propres efforts, leur vie
s’améliore (comme si le logement était la fin de la pauvreté).
La planification urbaine, ses instruments et ses modèles, a voulu englober
beaucoup de domaines... mais a accompli peu de choses. D’une certaine manière, l’idéal
de la planification intégrale était une « utopie territorialisée », car elle n’avait pas la force
nécessaire pour générer les transformations nécessaires pour réaliser tous les projets. En
Amérique centrale, c’était plus plausible : l’idéal de la planification intégrale a été
pratiquement mis de côté pour favoriser la normalisation et la coordination modulaire
promues par le Sous-comité du logement. Cette spécificité, conditionnée dans une large
mesure par le projet d’intégration économique centraméricaine, n’a préservé que les
approches économiques de la planification urbaine. Sa préoccupation était la quantité de
logements. Le besoin urgent de nouvelles unités d’habitation était une réalité, mais il a
- 506 -
également été utilisé comme un facteur de mobilisation électorale. Le nombre et la
rapidité de construction des logements assuraient des électeurs.
Mais la limitation de la planification intégrale n’était pas seulement le produit de
la restriction de la méthode centraméricaine. C’était aussi de sa propre trajectoire
historique d’inégalité économique et raciale, des luttes politiques entre factions
politiques, des catastrophes naturelles, de la géopolitique étasunienne. À l’exception de
quelques épisodes démocratiques, les institutions centraméricaines de logement et
d’urbanisme n’ont pas eu assez de force ou de financement pour réaliser les changements
exigés par les villes, leurs régions voisines et la campagne. Le Costa Rica s’est
certainement relativement éloigné de cette tendance, mais son expérience reflète
également des facteurs structurels d’inégalité, légitimés même par la même constitution
politique. Comme le souligne justement Musset, la ville est inégale quand elle ne permet
pas à ses habitants de développer pleinement leurs capacités.
Qui provoque cette ville injuste ou inégalitaire ? Les programmes d’assistance
technique ? D’une certaine manière, ces programmes ont un degré de responsabilité
lorsqu’on considère les effets des prêts internationaux de l’ALPRO qui sont entrés, du
moins dans le cas costaricain, par les plateformes d’assistance technique. Certes, les prêts
ont généré un cercle financier vicieux, dont l’INVU n’a pas pu se remettre. La réduction
des contributions de l’État à son capital, l’impossibilité d’obtenir des ressources par le
biais des impôts indirects n’ont fait qu’aggraver la crise lorsque l’INVU a dû réduire ses
différents programmes de logement et la planification urbaine pour maintenir à flot ceux
financés par les banques multilatérales de développement ou l’USAID. Ceci rappelle
également les préjugés sociaux des programmes de rénovation urbaine de la CINVA, qui,
au cours de ses premières années, considéraient les communautés comme manquantes
d’initiative.
La vision civilisatrice des experts en assistance technique a reproduit ou
approfondi les formules d’exclusion sociale. Il suffit de rappeler les recommandations qui
exhortaient explicitement les pays à ne pas donner gratuitement les logements. Des
solutions égales ou équitables étaient-elles alors recherchées ? Hugo Navarro, délégué
panaméen à la Réunion technique de 1956, avait déclaré que l’État panaméen exigerait
des citoyens qu’ils acceptent leurs propres engagements économiques et sociaux pour
obtenir leur logement. Que se passait-il s’ils n’en pouvaient pas se permettre les loyers
ou les frais mensuels de leur logement ? Quelle option avait l’habitant d’un bidonville
- 507 -
qui, pour se rendre au travail, devait sacrifier plusieurs heures par jour ? Pourrait-elle,
dans ces conditions, contribuer par son « propre effort » à la construction d’un logement
? L’idée d’équité n’est donc pas exclusive à notre époque.
Certes, l’État a versé son idéologie dans l’espace de la ville. Cependant, il semble
prudent de se demander quel État ? L’expérience de l’INVU dans la création d’un cadre
normatif régissant la propriété privée, met certainement une nuance aux interprétations
hégémoniques. Le croisement des notions d’égalité territoriale qui sont venues des
programmes d’assistance technique, avec ceux cultivés au niveau local par des juristes,
des économistes, des architectes et des urbanistes, a stimulé tout au long de la période
étudiée un courant réformiste presque constant. La fonction sociale de la propriété était
la pierre philosophale qui permettrait de transmuter la ville selon les principes de la
planification intégrale. Les lois fiscales, les règlements de fractionnement, d’urbanisation
et de zonage, les plans d’aménagement, la loi de Planification urbaine. Ces facteurs
démontrent la polyvalence des institutions et la coexistence de diverses façons de
comprendre la chose publique. D’autant plus dans un environnement autonome, que les
politiciens costaricains craignent tant.
L’affrontement total entre deux modèles d’État, l’un de coupe sociale-démocrate
qui a nourri l’idéologie de l’Institut au cours de ses premières années de vie et l’autre
conservateur, plus enclin à protéger les intérêts privés des élites des affaires, a bouleversé
les réformes poussées à introduire la fonction sociale de la propriété. C’est l’une des
principales conclusions de cette recherche : la planification urbaine a été un domaine où
l’État-providence costaricain n’a pas pu être constitué. Certes, au fil des ans, les
programmes de logement se sont révélés remplir, malgré leurs lacunes, une partie des
besoins des secteurs populaires, mais plus que tout, des secteurs moyens de la société.
Mais cela ne s’est pas produit avec la planification urbaine. Avec cette défaillance
structurelle, l’actuel « urbanisme à la carte », pour citer Víctor Delgadillo, ne pourra
guère transformer les villes, ou pour le cas qui nous occupe, San José.1025 Ou si ? Eh bien,
cela dépend du point de vue : comme le souligne bien Musset, la ville (néo)libérale est
juste car elle reflète « son système social, économique et culturel qui lui revient »1026.
1025
Víctor Delgadillo Polanco. « Urbanismo a la carta: teorías, políticas, programas y otras recetas urbanas
para ciudades latinoamericanas. » Cadernos Metrópole. Vol.16, n.31 (2014): pp. 89-111.
1026
Musset, « El mito de la ciudad justa. », p. 17.
- 508 -
L’histoire croisée implique également le croisement du chercheur avec son objet
d’étude. Il convient de noter que cette recherche est née d’un intérêt initial à analyser la
construction historique de modèles et de « bonnes pratiques » qui sont actuellement en
vogue tant dans les médias que dans les projets de collectifs urbains. La circulation des
savoirs dans les premiers stades de cette enquête a été comprise comme une ou plusieurs
voies par lesquelles les acteurs costaricains obtenaient les savoir-faire et les adoptaient
pour le milieu costaricain. En ma propre expérience, je voulais aussi comprendre s’il y
avait une quelconque nouveauté dans les bus articulés, dans les trains électriques, dans
les pistes cyclables, dans les boulevards piétonniers. Ma curiosité, d’une certaine manière,
a été satisfaite par la recherche et le contact avec les sources.
Mais analyser la planification urbaine, comme je l’ai signalé au début du chapitre
7, implique d’aller au-delà du plan d’aménagement, des perspectives et des plans d’un
projet urbain ou de logement. Aussi des renders qui sont devenus à la mode. Il s’agit de
le comprendre comme un processus où se croisent des savoirs locaux, des principes
universels, des savoirs standardisées, des instruments de travail, des acteurs communaux,
nationaux et internationaux ; mais, en outre, c’est aussi le croisement des fantômes, des
omissions, des absences et des craintes que l’aménagement du territoire implique. Quelles
ont été les craintes, les omissions, les absences qui ont façonné la planification urbaine
costaricain ?
En premier lieu, s’éloigner d’une question sociale du logement qui était présente
dans l’opinion publique et dans la mentalité des Costaricains depuis le début du XXe
siècle. Comme l’ont bien dit plusieurs membres du Conseil d’administration de l’INVU,
le but de l’institution était de « faire des maisons ». Tel était le reflet, tout d’abord, d’une
sensibilité extraordinaire de certains fonctionnaires de l’INVU au problème du bidonville
; deuxièmement, de prestige social pour l’entité ; troisièmement, pour les gains électoraux
qu’il offrait au parti politique au pouvoir. L’optique focalisée sur le logement de l’INVU
était une ennemie inconditionnelle de la planification urbaine, même si les deux étaient
dans la même dimension. C’était comme un mariage qui venait à moins, sans possibilité
de divorce. La planification urbaine était accusée de drainer les ressources du secteur du
logement et a été caractérisé comme quelque chose qui ne laisse aucun gain. Pour des
acteurs comme Weissmann, Solow et même des diplomates costaricains, le
développement était plutôt du « progrès social », lorsque celui-ci était dirigé avec un
sentiment d’intégrité.
- 509 -
L’autre fantôme de la planification urbaine était la propriété privée. La même
constitution politique, qui n’a cessé d’être saluée pour ses progrès en matière sociale
contenus dans le chapitre des Garanties sociales, s’est transformée en un obstacle
infranchissable. La planification urbaine exige d’imposer des limites à cette garantie
individuelle. La réserve de loi prévue par la Constitution, où le droit d’intervenir dans la
propriété incombe au Congrès, s’est avérée insuffisante et a créé des problèmes
structurels dans le financement et le coût des logements pour l’INVU. Avoir freiné
l’analyse du résultat de l’interaction et de la relation des fonctionnaires de l’Institut dans
le réseau d’entrelacements, dans le cadre de ce flux transnational de savoirs et expliquer
ainsi les modèles et les projets urbains qui s’en sont inspirés, n’a pas rendu justice aux
débats et aux polémiques rencontrés autour du problème de la propriété privée détecté
dans l’examen des sources.
C’est pourquoi cette recherche n’a fait qu’un effort pour présenter les projets.
Plutôt que de décrire les techniques, instruments ou modèles qui y ont été utilisés, il
importait davantage de mettre en valeur les troubles politiques et spatiaux créés dans le
pays avec une perspective historique. Un exemple en est les facilités communales et leur
parcours institutionnel : si elles ont été conçues dans le modèle de l’unité de voisinage,
elles sont devenues une condition fondamentale pour tout projet de logement. Et pourtant,
le sens social et environnemental que cette catégorie apportait du modèle de l’unité de
voisinage a été réduit à la bataille pour un pourcentage. La qualité de vie peut-elle être
réduite à un pourcentage ? Selon les urbanistes et les architectes oui. C’était leur stratégie
pour rendre la ville plus accessible, plus sûre et plus « juste ». Mais encore une fois, il
semble essentiel d’évaluer ce cadre méthodologique, par rapport à ce que les individus
ou les communautés considéraient comme une « facilité » pour eux1027, ce qui introduit
une occasion d’évaluer les possibilités théoriques et méthodologiques des facilités
communales en tant que catégorie endogène et équivalente à l’espace public. Si l’histoire
mondiale vise à « provincialiser » les pôles de développement économique, politique et
du savoir, cela implique aussi de se détacher des concepts ou catégories d’analyses, tels
que « espace public ».
1027
Musset, « El mito de la ciudad justa », p. 16.
- 510 -
Pourquoi souligne-t-on que le terme est endogène ? Car comme l’a montré Ana
Patricia Montoya, le développement de l’unité de voisinage en Amérique latine a même
précédé les propositions de Clarence Perry qui n’ont vu le jour qu’en 1929. Il s’est
certainement répandu à travers des manuels pour la planification de quartier, mais le souci
de lier le logement à son environnement existait bien avant qu’il ne soit versé dans le
modèle de l’unité de voisinage. Selon les preuves disponibles, les urbanistes et les
architectes costaricains n’ont jamais utilisé le mot « espace public ». La « facilité
communautaire » prédominait dans leur vocabulaire lorsqu’ils se rapportaient à des lieux
tels que les écoles, les parcs, les lacs, les terrains de jeux pour les enfants, etc. Tout au
plus, ils ont utilisé la « zone publique » lorsque les voies de circulation ont été incluses.
Une évaluation de la faisabilité de la « facilité communautaire » en tant que catégorie
d’analyse doit également tenir compte de sa typologie. Celles créées au Costa Rica
peuvent donner un indice à ce sujet.
Il faut reconnaître que la recherche n’a pas suffisamment valorisé la voix des
secteurs populaires. Ses contributions en tant que force de changement dans le secteur du
logement ont été récupérées par plusieurs études d’histoire sociale dont certaines ont été
citées tout au long de la recherche. Mais certes, dans le domaine de la planification
urbaine, elle apparaît tangentiellement tout au long du plan capitulaire. Ce n’était pas
parce qu’elle n’existait pas. Ceci a essentiellement répondu à une décision
méthodologique qui a donné la priorité à la perspective des architectes et urbanistes
locaux et internationaux, à celle des fonctionnaires et politiciens costaricains qui se sont
également impliqués dans la création des politiques urbaines costaricaines. Pourquoi ?
Parce que la voix de ces urbanistes et architectes est également depuis longtemps
méconnue. Maintenant, connaissant une partie de ses points de vue, il est désormais
possible de la confronter à la perspective des secteurs populaires sur les « facilités
communales ».
Un aspect important de l’analyse de la circulation des savoirs est l’apport de la
méthodologie d’analyse des réseaux pour identifier les degrés de relation et d’interaction
entre les acteurs et leurs ressources. La différence entre relation et interaction est
fondamentale : la densité du lien renforce les voies de la connaissance, les relations
personnelles sont ancrées, le travail coopératif est consolidé. C’est l’une des forces des
programmes d’assistance technique : malgré leurs préjugés idéologiques, le principe de
solidarité mondiale a motivé l’esprit de coopération entre acteurs et organismes. Comme
- 511 -
l’ont souligné Iriye, Sayward et Marbeau, réduire le travail des organismes internationaux
à leurs échecs dans la recherche de la paix mondiale ou du développement économique,
annule les possibilités qu’ils ont créées pour démocratiser la connaissance et resserrer les
liens de réciprocité entre les nations.
L’analyse des réseaux sociaux se constitue en une radiographie du processus de
circulation des savoirs. Déterminer la présence d’un acteur à un congrès ou à un
événement international n’implique pas qu’un modèle ou un instrument soit arrivé dans
un pays. Ce n’est qu’une première étape : il faut la suivre dans le temps ; déterminer si
cette interaction primaire est rendue plus forte par les rencontres entre acteurs et
ressources à plusieurs reprises ; si ces relations transcendent les domaines d’un réseau.
C’est là que mon analyse a trouvé certaines limites, car bon nombre des relations
détectées dans le réseau d’entrelacements conservent un caractère hypothétique.
Beaucoup d’entre elles ne peuvent être corroborées à cause du manque de sources.
Cependant, celles qui ont pu être vérifiées ont mis en évidence les raisons pour lesquelles
la circulation des savoirs était plus dense dans les années 1950, tandis que dans les autres,
cela avait tendance à diminuer.
La centralité de plusieurs événements et acteurs dépendait également du corpus
de sources et de l’objet d’étude. Plus il y a de congrès ou d’événements intégrés au réseau,
plus les indices de centralité varieront. Tout comme la centralité de certains acteurs. Mais,
du moins pour le cas qui nous a occupés dans cette enquête, l’analyse des réseaux a
confirmé les soupçons qui avaient été détectés, comme la prédominance de Solow dans
la planification urbaine costaricain ; mais a également nuancé d’autres, par exemple le
poids des experts étasuniens dans la planification urbaine. D’ailleurs, leur participation à
l’assistance technique financière mérite d’être explorée plus en détail. Des biais ont
également été détectés sur le réseau : des acteurs d’une grande importance pour le pays,
comme Eduardo Jenkins ou Gaston Bartorelli, étaient des sommets ou des acteurs
insignifiants pour le réseau d’entrelacements, mais essentiels aux programmes du
Département du logement ou de l’INVU. Il s’agissait d’une limite des sources et le
chercheur qui se penche sur l’analyse des réseaux d’affiliation, doit en tenir compte.
Le contexte dans lequel cette recherche a été menée a coïncidé avec la pandémie
de Covid-19. Au cours de la dernière année, le monde a été témoin du drame humain que
cette maladie a créé. De même, les effets sur les familles qui ont dû se confiner à leurs
studios ou logements avec seulement quelques mètres carrés de superficie ont été
- 512 -
néfastes. Ceux qui pensent au logement minimum n’ont certainement pas envisagé la
possibilité d’un confinement prolongé comme celui que nous avons vécu en 2020. La
maladie a mis en évidence les faiblesses de nos villes, de la gouvernance mondiale, des
organismes internationaux ou régionaux au cours de la dernière année.
Mais aussi, nous avons vu d’énormes manifestations de solidarité comme lorsque
toute la société a applaudi les médecins qui, pour nombre d’entre eux, sont décédés dans
l’exercice de leurs fonctions. Nous avons également vu plusieurs gouvernements locaux
entreprendre la tâche d’enlever l’espace aux véhicules pour créer des terrasses et
permettre aux restaurateurs de se remettre de la crise économique, ou d’établir davantage
de pistes cyclables face au cri de ralliement des conducteurs de véhicules. En revanche,
j’ai également pu constater le manque d’initiative de la municipalité josefina pour tirer
parti de la pandémie et promouvoir des mesures radicales de transformation urbaine. San
José reste une ville inégale, car alors que son centre continue de se détériorer, à l’ouest
de la capitale de nouveaux gratte-ciel émergent et à l’Est de nouveaux immeubles
d’appartements, souvent suite à la destruction de bâtiments patrimoniaux, qui offrent de
minuscules studios comme nouvelle tendance de vie pour les jeunes cadres.
Il faut se demander, le plus tôt possible, à qui sert la planification urbaine
costaricain contemporain. Pour qui il est juste, et pour qui il ne l’est pas.
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Asuntos Económicos y Asistencia Técnica ».
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Boite 4
- ESCOBAR, Margarita. Catálogo de los trabajos realizados por los becarios del
CINVA, 1952-1965. (Bogotá, Colombia: Biblioteca CINVA, 1965).
Boite 46
- OEA-OPS-OMS. Propuesta sobre normas mínimas de urbanización para los
países del istmo centroamericano. (Bogotá: CINVA, 1968).
Boite 53.
Boite 60
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Boite 151
Boite 212
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_issue_U.S._stamp.jpg
- 566 -
ANNEXES
Tableau A.1. Normative sur l’assistance et coopération technique au Costa Rica. 1950-
2010.
Date Nº loi-décret Division gouvernementale ou loi crée Portefeuille affecté
Conseil national de coordination de l’assistance technique
1950-07-21 Décret Nº 45 MRREE
- 567 -
Décret Nº 25487- Commission nationale du programme de bourses à l’étranger
1996-08-05 MRREE
RE
1999-10-11 Décret Nº 28177 Création du Conseil consultatif de coopération internationale MRREE/MIDEPLAN
Création du Bureau de coopération internationale
2006-0707 Décret Nº 33206 MIDEPLAN
Source : Alejandro Bonilla Castro. Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica, 1950-1995.
2020.
- 568 -
Tableau A.2. Costa Rica. Acteurs politiques et sociaux impliqués dans la gérance
des bourses des gouvernements et des organismes internationaux. 1980-2010.
Année Division gouvernementale Membres
1950 Conseil national de coordination de l’assistance MRREE
technique
- 569 -
Secrétaire exécutif de la Commission
nationale des prêts à l’éducation
(CONAPE).
1999 Conseil consultatif de coopération internationale (Président) : Ministre ou vice-ministre du
RREE.
Ministre ou vice-ministre de MIDEPLAN.
Directeur de la coopération internationale
MRREE.
Directeur général du MIDEPLAN.
2008 Conseil technique de la coopération internationale Coordinateur : ministre du MIDEPLAN ou
son représentant Ministre du RREE ou son
représentant.
Le directeur de la coopération internationale
du MRREE.
Le Coordinateur de la direction de
coopération internationale de MIDEPLAN.
Des fonctionnaires techniques des deux
ministères pourront être convoqués, selon
les sujets à traiter.
Source : Alejandro Bonilla Castro. Base de données des projets d’assistance technique au Costa Rica,
1950-1995. 2020.
- 570 -
Tableau A.3. Délégations costaricaines de la CCSS et de l’INVU qui ont participé
à des événements internationaux liés à l’urbanisme (1953-1986).
Activité Délégués Date Ville Pays
Conférence interaméricaine sur Gastón Bartorelli Falugi 14-23 septembre 1953 Washington DC États-Unis
la sécurité sociale. Ve
Réunion. Problème de
logement d’intérêt social
Conférence interaméricaine sur Rodrigo Carazo Odio, Fidel Tristán Castro, Rodrigo Sotela 27 février – 3 mars 1955 Nouvelle États-Unis
les investissements Montagué, Mario Phillips Sáenz, Rufino Gil Pacheco, Agustín Orléans
Gutiérrez Chamberalain, Guillermo Masís Diviasi, José A.
Cabezas, Jorge Hazera, Edmond Woodbridge Mangel,
Mariano Cortés, Fernando Macaya Lahnman, Fernando Pinto
Echeverría, Jorge Lang, Clarence Martín, Álvaro González
Alvarado
Première réunion technique Rodrigo Carazo Odio, Rodrigo Vargas Salas, Thais Navarro 26 novembre - 7 décembre Bogotá Colombie
interaméricaine sur le logement Coto, Otto Starke Jiménez 1956
et la planification
Réunion sur les problèmes du Rodrigo Carazo Odio, Gastón Bartorelli Falugi, Antidio Cabal 10-16 novembre 1957 San José Costa Rica
logement, des industries du González, Ángel Coronas, Jorge Crespo Villavicencio, Jorge
bâtiment et des matériaux de Fernández Acuña, Eduardo Jenkins Dobles, Luis Marcial
construction en Amérique Philipón, Leonardo Silva King, Rodrigo Vargas Salas,
centrale et au Panama Eduardo Zúñiga Chavarría
Première réunion du Sous- Rodrigo Carazo Odio, Porfirio Morera Batres, Carlos 28-31 octobre 1958 San José Costa Rica
comité du logement, de la Yglesias, Rodrigo Vargas Salas, Efraím Morales Albán,
construction et de la Fernando Rojas, Rafael Esquivel, Carlos Saborío Alvarado
planification de l’isthme
centraméricain
Deuxième réunion technique Rodrigo Carazo Odio, Luis Marcial Philipón 18-28 novembre 1958 Huampaní Pérou
interaméricaine sur le logement
et la planification
Séminaire sur le financement Efraím Morales Albán, Eduardo Zúñiga Chavarria 6-30 avril 1959 Bogotá Colombie
du logement et des services
publics en Amérique latine
Séminaire international sur la Eduardo Jenkins Dobles y Efraím Morales Albán 1960 N/d Porto Rico
contribution de la planification
physique au développement
social et économique au niveau
régional
VIe Congrès mondial de la Eduardo Jenkins Dobles y Efraím Morales Albán 1960 N/d N/d
planification du logement
Réunion du groupe de travail Rodrigo Vargas Salas 14-23 août 1962 San Salvador Le Salvador
sur la coordination modulaire
du logement en Amérique
centrale
Séminaire latino-américain sur Rodrigo Vargas Salas, Rodrigo Bolaños Sánchez 2-25 septembre 1962 Copenhague Danemark
les statistiques et les
programmes de logement
Première réunion du comité du Pbro. Benjamín Núñez Vargas y Eduardo Jenkins Dobles 21 janvier - 1 février 1963 New York États-Unis
logement, de la construction et
de la planification, ECOSOC
Conférence sur les systèmes Adolfo Becerril Delgado, Guido Bonilla Brenes 1963 Lima Pérou
mutualistes d’épargne et de
crédit
Deuxième réunion du Sous- Carlos Alberto Paniagua Vargas, Eladio Jara Jiménez 13-19 mai 1963 San Salvador Le Salvador
comité du logement, de la
construction et de la
planification de l’isthme
centraméricain
Séminaire sur la Adolfo Becerril Delgado 2-7 décembre 1963 Mexico Mexique
programmation du logement
Tournée d’étude et séminaire Humberto Pacheco Coto 30 août - 19 septembre 1964 Copenhague, Danemark,
sur l’organisation et les Oslo et Norvège et
fonctions des organismes Stockholm Suède
nationaux chargés de la mise
en œuvre des programmes de
logement
Séminaire d’évaluation des Ana Irene Garbanzo de la Peña 1965 Guatemala Guatemala
projets
Troisième réunion du Sous- Humberto Pacheco Coto, Eduardo Zúñiga Chavarría, Álvaro 6-10 décembre de 1965 Guatemala Guatemala
comité du logement, de la Hernández
construction et de la
planification de l’isthme
centraméricain
VIe Congrès interaméricain de Eduardo Jenkins Dobles 6-12 novembre 1966 Caracas Venezuela
planification
- 571 -
Séminaire sur le logement Guido Bonilla Brenes 7-12 juin 1971 Madrid Espagne
Séminaire sur la conservation Leonardo Silva King 25-30 juillet 1971 Antigua Guatemala
de l’environnement physique
en Amérique centrale
Séminaire sur les coopératives Rolando Coward Lord 30 août - 9 octobre 1971 Port d’Espagne Trinité-et-
de logement Tobago
Séminaire de construction bon Rodrigo Vargas Salas 1-19 novembre 1971 Yougoslavie
marché résistant aux
tremblements de terre et aux
ouragans
X Conférence annuelle sur Eladio Jara Jiménez 23-28 janvier 1972 Lima Pérou
l’épargne et le prêt
XXIIe Conférence annuelle Eduardo Jenkins Dobles, Leonardo Silva King 14-26 février 1972 U. Gainesville, États-Unis
latino-américaine sur « Les Florida
déterminants de la politique
publique de la croissance
urbaine dans les petits pays
d’Amérique latine »
Séminaire régional sur le Guido Bonilla Brenes 21-25 février 1972 Guatemala Guatemala
problème du logement en
Amérique centrale
Séminaire régional sur les Fernando Calderón Kikut 5 juin - 1 juillet 1972 Mexico Mexique
politiques de développement,
de contrôle et d’utilisation des
sols urbains
Séminaire régional sur les Eladio Jara Jiménez, Guido Bonilla Brenes, Eduardo Jenkins 1972 N/d N/d
politiques de développement, Dobles
de contrôle et d’utilisation des
sols urbains
Exposition et rencontre du Eduardo Jenkins Dobles, Jorge Crespo Villavicencio 3-17 septembre 1972 Santiago Chili
logement
Réunion régionale de la FPAA Javier Bolaños Quesada 11-14 avril 1973 Panama Panama
en Amérique centrale et dans
les Caraïbes
Deuxième conférence Eladio Jara Jiménez, Javier Bolaños Quesada 88 - 22 juin 1973 Guatemala Guatemala
régionale annuelle sur le
logement et le développement
urbain
Symposium latino-américain José Bermúdez Durán y Otto Starke Jiménez 23-28 septembre 1973 Caracas Venezuela
sur la rationalisation de la
construction
Quatrième Congrès José Bermúdez Durán 28 octobre - 2 novembre 1973 Mexico Mexique
interaméricain du logement
rural
Dialogue sur la population et Warnes Sequeira Ramírez 9 - 13 décembre 1974 Virginia États-Unis
les tendances écologiques
Symposium international sur Warnes Sequeira Ramírez y José Bermúdez Durán 24 - 26 février 1975 San José Costa Rica
l’écologie
XIIIe Conférence Alejandro Montero Herra, José Luis Naranjo Madrigal y 13-17 avril 1975 Buenos Aires Argentine
interaméricaine d’épargne et de Edwin Chacón Solano
prêt
Séminaire sur la politique et le Leonardo Silva King 19-23 mai 1975 Buenos Aires Argentine
gouvernement urbain
Conférence régionale Omar Aguilar, Álvaro Hernández, Eladio Jara Jiménez 30 juin - 4 juillet 1975 Caracas Venezuela
préparatoire pour l’Amérique
latine sur les établissements
humains
Réunion préparatoire sur les Eladio Jara Jiménez 25-30 août 1975 New York États-Unis
établissements humains
XVe Congrès panaméricain Mario Fernández Guardia y Rodolfo Sancho Rojas 7 - 13 décembre 1975 Mexico Mexique
des architectes
Comité préparatoire de la Eladio Jara Jiménez 10-23 janvier 1976 New York États-Unis
Conférence des Nations unies
sur les établissements humains
Comité préparatoire sur les Eladio Jara Jiménez Avril 1976 San Salvador Le Salvador
établissements humains en
Amérique centrale
HABITAT-I Eladio Jara Jiménez, José Bermúdez Durán., Eduardo Jenkins 31 mai - 11 juin 1976 Vancouver Canada
Dobles, Juan Lugari
4e Conférence COPVIDU Luis Rodolfo Araya Ramírez 15-22 septembre 1976 Tegucigalpa Honduras
Réunion du système José Francisco Camacho Marín 1-3 juin 1978 Quito Équateur
économique latino-américain
- 572 -
XIIIe Congrès de l’Union José Bermúdez Durán 23-27 octobre 1978 Mexico Mexique
internationale des architectes
Réunion latino-américaine et José María Borbón Arias 26 novembre - 2 décembre Mexico Mexique
caribéenne de la Fondation des 1978
Nations unies pour le
financement et le
fonctionnement administratif
des établissements humains
Forum technique du Comité Rodolfo Sancho Rojas, José Francisco Camacho Marín 1979 N/d N/d
d’action sur le logement et les
bâtiments d’intérêt social
Réunion sur les établissements José María Borbón Arias 8 août 1979 Mexico Mexique
humains
Réunion d’experts en N/d 13-17 août 1979 Université Pérou
constructions antisysmiques à pontificale
bon marché catholique du
Pérou
7e Conférence COPVIDU José María Borbón Arias 4-7 septembre 1979 Panama Panama
Conférence de l’Amérique Jorge Carballo Wedel, Víctor Bonesana, Hilda D. de Creco, 7-10 novembre 1979 Mexico Mexique
latine sur les établissements José Santos Delcore Alvarado, Juan Francisco Montealegre
humains Martín, Carlos Marcelo Sankilevich
VIIe Congrès interaméricain Rodrigo Vargas Salas, Leonardo Silva King 25-29 novembre 1979 Panama Panama
du logement
Forum technique CAVEIS- Zuleyka Salom Rodríguez 3-6 mars1980 Managua Nicaragua
SELA
21e Réunion de l’Assemblée Juan Francisco Montealegre Martín, José Santos Delcore 14-16 avril 1980 N/d Brésil
des gouverneurs de la Banque Alvarado
interaméricaine de
développement
Séminaire de planification Óscar Garcia Córdoba 1980 N/d Mexique
écologique
Colloque international sur le Clara Zomer Rezler 5-9 juillet 1982 Mexico Mexique
financement du logement à bon
marché
Séminaire sur les programmes Luis Fernando Castro Jiménez 23-25 février 1983 Panama Panama
de prêts pour l’amélioration du
logement
Séminaire latino-américain sur Lourdes Huaringa Yepes 24-27 mai 1983 Lima Pérou
les constructions séisme
résistant de terre
31e session régulière sur la Zuleyka Salom Rodríguez 9 août -16 septembre 1983 Taipei Taïwan
politique foncière urbaine
VIIIe Congrès interaméricain José Manuel Agüero Echeverría 23 novembre1983 Saint-Domingue République
du logement dominicaine
Réunion sur le logement et la Clara Zomer Rezler 12-17 décembre 1983 Lima Pérou
santé - OPS
I Congrès national du logement N/d 25-27 janvier 1984 San José Costa Rica
et de l’urbanisme
Symposium Rencontre pour le Mario Velázquez Bonilla 15-17 février 1984 Mexico Mexique
logement
20e session du Comité des Clara Zomer Rezler 29 mars - 6 avril 1984 Lima Pérou
établissements humains
Première Assemblée de Clara Zomer Rezler 2-4 juillet 1984 Quito Équateur
l’Organisation pour le
logement et le développement
des établissements humains
(OLAVI)
Forum interaméricain pour Adrián Benavides Murillo 11-14 décembre 1986 Nouvelle États-Unis
l’architecture Orléans
- 573 -
Tableau A.4. Costa Rica. Experts de mission d’assistance technique internationale
affectés à des projets d’urbanisme et de logement. (1948-1986).
Nom Profession Organisme ou pays Pays d’origine Années Institution
Anatole A. Solow Architecte UnP / OEA Suisse 1948-1951, 1953, MSJ, CCSS,
1956 INVU
César Garcés Urbaniste UnP / OEA / CINVA Colombie 1949-1953, 1956, MSJ, CCSS,
Vernaza 1958 INVU
Leonard J. Currie Architecte Point IV États-Unis 1952 N/d
Carl Eric Carlson Administrateur ONU Suède 1954 - 1956 ESAPAC
Guillermina Travailleur ONU N/d 1953 CCSS
Llanusa social
Fernando Romero Pédagogue OEA N/d 1953 CCSS
Carlos Guillén Pédagogue OEA N/d 1953 CCSS
José Antonio N/d ONU Venezuela 1953 CCSS
Mayobre
Rafael Picó Architecte Conseil de planification Porto Rico 1953- 1954 CCSS, INVU
Santiago de Porto Rico
Ernest Urbaniste ONU Yougoslavie 1953 CCSS, INVU
Weissmann
Antonio Serrano Économiste Banque centrale du Le Salvador 1953 CCSS
Langlois Salvador
Maurice Rotival Urbaniste ONU France 1954 ESAPAC
Antonio Cruz Urbaniste ONU Philippines 1954- 1955 INVU
Kayanan
Paul Foster Urbaniste Point IV États-Unis 1956-1957 MSJ, INVU
Edmond H. Urbaniste Point IV États-Unis 1955-1958 INVU
Hoben
Sakari Sariola Sociologue ONU Finland 1956-1958 UCR, INVU
Jacob Ben Travailleur Point IV États-Unis 1959 INVU
Lightman social
Francis M. Urbaniste Point IV États-Unis 1957-1962 INVU
Diamond
Luis Lander Urbaniste ONU Venezuela 1957-1958 INVU
Ronald C. N/d Point IV États-Unis 1957 INVU
Kephart
René Eyheralde Architecte OEA / CINVA Chili 1958 INVU
Frías
Francisco Ingénieur OEA / CINVA N/d 1957 INVU
Schuschny
Kenneth E. Bell N/d Point IV États-Unis 1959 INVU
Jack D. Gordon Entrepreneur Point IV États-Unis 1960 INVU
Berenice Travailleur Point IV États-Unis 1960 INVU
Montgomery social
- 574 -
William Penn Urbaniste Point IV États-Unis 1959-1960 INVU
Mott Jr.
Allen Benjamin Urbaniste Point IV États-Unis 1960 INVU
Raymond Gordon Travailleur Point IV États-Unis 1960 INVU
social
William Urbaniste Point IV États-Unis 1961-1962 INVU
Goodman
Cecil Morgan N/d Point IV États-Unis 1961 INVU
Murray Silberman Ingénieur Point IV États-Unis 1962 INVU
Wyman Stone N/d Point IV États-Unis 1964 INVU
Arvids Kalnins N/d ONU N/d 1969 INVU,
Presidencia
Carlos Luzuriaga Architecte OEA N/d 1974 INVU
Alfredo Johnson Architecte OEA Chili 1971-1972 INVU
Iterino
Andrés Donoso Ingénieur OEA Chili 1971 INVU
Larraín
Eneas Masa N/d BID N/d 1972 INVU
Jesús Silva Économiste INFONAVIT Mexique 1974 INVU
Herzog
Roque González Architecte Coopération mexicaine Mexique 1975 INVU
E.
Arturo Pérez Architecte Coopération mexicaine Mexique 1976 INVU
Estrada
Peter José Architecte OEA Brésil 1976-1977, 1985 INVU
Schweizer
Jorge Correa Ingénieur Gouvernement Venezuela 1979 INVU
Venezuela
Erik Vittrup Architecte ONU Danemark 2003 INVU
Christensen
Sources : ANCR, Actas INVU, 1954-2003 ; INVU, Memorias institucionales, 1954-1986 ; CCSS, Memorias
institucionales, 1952-1953 ; ANCR, Municipal, 11434, Acta 30, 12 noviembre de 1948 ; ANCR, Municipal, 11434,
Acta 74, 31 agosto de 1949, fs. 78-83 ; ANCR, Municipal, 11436, Acta 1, 6 de diciembre de 1949, fs. 308-309 ;
ANCR, Municipal, 11471, Acta 25, 25 de mayo de 1954, fs. 20-21 ; Jorge Rivera Páez. « El CINVA : Un modelo
de cooperación técnica 1951-1972. » (Tesis de Maestría en Historia, Universidad Nacional de Colombia, 2002), p.
80 ; AGUNAL, Fond CINVA, Boite 212, César Garcés y René Eyheralde. Informe de la misión para realizar un
cursillo de demostración de la máquina CINVA-RAM en el Instituto Nacional de la Vivienda de México y visitar
algunos países centroamericanos. Serie : Misiones de Asesoría Nº4 (Bogotá, Colombia: Centro Interamericano de
Vivienda y Planeamiento Urbano, 1958).
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Tableau A.5. Amérique latine. Nombre de recommandations émises lors des événements du
réseau d’entrelacement, par type d’événement et par année. (1953-1976).
Type Année Total
1953 1956 1957 1958* 1959 1962 1963y 1965 1975 1976
Logement b. social 2 2 1 3 0 1 0 9
Part. communale 1 1 0 1 0 1 0 4
Assist. Technique 1 8 5 17 0 12 8 51
Industrie 1 2 10 2 3 9 0 27
Financement 1 2 2 4 0 2 1 12
Rôle État 1 3 1 3 0 3 0 11
Logement b. social 0 1 6 7 13 27
Part. communale 0 0 0 2 7 9
Assist. Technique 4 2 4 7 37 54
Industrie 0 0 0 0 2 2
Financement 0 0 2 2 2 6
Rôle État 0 1 2 6 23 32
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Image A.1. Zone 1. Parc urbain du fleuve Torres.
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Image A.2. Zone 2. Centre civique national.
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Image A.3. Zone 3. Rénovation d’habitation, Place González Víquez.
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Image A.4. Zone 4. Dévéloppement intégrale des Quartiers du Sud.
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Image A.5. Zone 5. Centres administratifs et marché.
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Image A.6. Zone 6. Parc métropolitain La Sabana.
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Image A.7. Zone 7. Rénovation intégrale Nord-Ouest San José.
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Carte A.1. Costa Rica. Ceinture ou anneau de confinement. 1982.
Source : INVU. Plan Regional Metropolitano GAM. (San José, Costa Rica : El Instituto, 1983)
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