Jessica SOME, Les Yeux Du Monde

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Projet lancé à l’initiative de la Chine fin 2014 avec comme objectif de créer une
institution financière internationale réellement multilatérale, la Banque Asiatique
d’Investissement pour les Infrastructures (BAII) prend peu à peu forme. Les 57 Etats ayant
manifesté leur intérêt pour cette nouvelle banque se sont réunis le 22 mai afin de débattre des
statuts qui devraient la régir. Cette nouvelle offensive diplomatique chinoise s’inscrit dans la
continuité de la politique étrangère du pays, passant du statut d’atelier du monde à banquier
du monde et ne manquera pas de reconfigurer l’architecture financière internationale. Si la
Chine présente la BAII comme une structure à même de répondre aux faiblesses du Fonds
Monétaire International et de la Banque Mondiale en matière de gouvernance, elle aura aussi
pour fonction de développer sa politique étrangère et notamment la nouvelle route de la soie
développée par le président Xi Jinping visant à l’approfondissement des relations de la Chine
avec le continent eurasiatique. La BAII défie ainsi ouvertement le FMI et la Banque Mondiale,
accusés d’être à la botte des Etats-Unis mais aussi la Banque Asiatique de Développement
créé en 1966, à qui la Chine reproche sa trop grande proximité avec le Japon.
Afin de garantir la multilatéralité, l’organisation devrait être régie par un conseil de
douze membres, dont neuf asiatiques. Cela vise à assurer une absence de domination
chinoise, au moins institutionnellement. De même, la Chine a indiqué qu’elle ne disposerait
pas de droit de veto. Cela ne présume en rien de la modalité selon laquelle seront gérés
effectivement les fonds de cette banque – 90 milliards d’euros devraient être investis dans les
infrastructures en Asie – dont la Chine sera le principal actionnaire. L’autre puissance
émergente, l’Inde, se positionne déjà comme le deuxième actionnaire avec 10-15% du dépôt
(contre 25-30% pour la Chine). Ce projet se situe dans la continuité du positionnement
économique international de la Chine qui a par exemple accordé plus de prêts que la Banque
Mondiale aux pays africains en difficulté entre 2009 et 2010. Il met néanmoins en exergue le
primat des intérêts nationaux et régionaux chinois notamment dans le cadre de son implication
au sein du groupe des pays émergents. Le lancement de cette nouvelle institution questionne
la pertinence de la banque des BRICS lancée en grande pompe en juillet 2014. Si ces deux
institutions ont des objectifs différents, elles participent toutes deux à un remodelage de la
gouvernance mondiale. De plus, l’implication de nombreux pays européens (dix-sept membres
de l’Union européenne), de partenaires historiques américains (Royaume-Uni, Corée du Sud,
Israël) et le soutien récent du FMI attestent de la perte de contrôle de l’économie mondiale par
les Etats Unis. Les pays occidentaux qui ont décidé de rejoindre la banque ont en effet préféré
adopter une posture ouverte et s’impliquer dans le projet, afin d’en tirer des bénéfices, plutôt
qu’adopter la posture américaine et japonaise de défiance.
C’est enfin une vision spécifique du développement et de la politique étrangère que
favorise la Chine à travers cette banque : le marché des infrastructures représente près de
8000 milliards de dollars en Asie. En choisissant de lancer une banque d’investissement dans
les infrastructures la Chine favorise le développement endogène et concret, défiant là encore
les institutions financières internationales auxquelles il est souvent reproché leur déconnexion
du terrain. Si des critiques s’élèvent déjà sur la transparence et le respect des normes et
standards internationaux de la banque, cette nouvelle institution qui verra le jour d’ici la fin de
l’année 2015 constitue déjà une réussite diplomatique chinoise.

Jessica SOME, Les Yeux du monde, 25 mai 2015.

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