Facteurs Étiologiques de La Carie Dentaire

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LES FACTEURS ETIOLOGIQUES DE LA CARIE DENTAIRE

I - Introduction

Maladie infectieuse et transmissible, la maladie carieuse figure parmi les maladies


chroniques les plus répandues dans le monde. Elle est considérée par l’OMS comme le
troisième fléau de morbidité mondiale après les maladies cardiovasculaires et les cancers.
Son étiologie est multifactorielle. Elle est principalement attribuée à une interaction
simultanée, à un moment donné, entre les micro-organismes cariogènes et les sucres
fermentescibles à la surface des dents. Les quatre facteurs qui influencent sa progression sont
l’hôte, le substrat, les bactéries et le temps. Des études épidémiologiques ont également ajouté
le niveau d’influence communautaire, familiale et individuel. Elle reste encore de nos jours un
enjeu de santé publique majeur bien que nous connaissions les moyens de la prévenir.
Comprendre les facteurs de risque conduit à une meilleure prise en charge de la
maladie carieuse. L’AAPD (American Academy of Pediatric Dentistry) propose et
recommande que l’évaluation des facteurs de risque carieux chez l’enfant soit incluse dans
l’examen clique de routine par les professionnels de santé.

II – ETIOLOGIE et PATHOGENIE DE LA CARIE

1) Étiologie principale

Les bactéries cariogènes qui colonisent les surfaces dentaires fermentent les sucres ap-
portés par l’alimentation et qui permettent leur survie. Les déchets métaboliques rejetés sont
des acides, en particulier l’acide lactique. Ces derniers entraînent une baisse du pH local :
c’est la phase de déminéralisation. Les systèmes tampons salivaires permettent une remontée
du pH et une reprécipitation des cristaux préalablement dissous : c’est la phase de reminérali-
sation.

L’évolution du processus carieux dépend de l’équilibre entre les facteurs patholo-


giques et les paramètres physiologiques de défense. En effet, le processus de déminéralisation
s’initie lorsque le pH de la plaque bactérienne n’est plus tamponné par la salive, c’est-à-dire
inferieur à 5,5. La carie progresse ainsi lorsque le phénomène de déminéralisation est supé-
rieur à celui de reminéralisation.

Le schéma de Keyes, qui résume toujours correctement cette déminéralisation acide


d'origine bactérienne (même s'il a été plusieurs fois modifié depuis 1962) nous permet tout
d'abord de considérer les deux facteurs étiologiques agresseurs : sucres fermentescibles et
bactéries cariogènes (Streptococcus, Actinomyces et Lactobacillus). Puis, ils interagissent
avec d'autres facteurs correspondant à la susceptibilité individuelle ou « le terrain » évoqué
par Keyes. En 1978, Newbrun ajoute la notion de temps montrant que la durée de la cohabi-
tation des différents facteurs au sein d’un écosystème a un impact. L’installation durable d’un
écosystème cariogène peut mettre en péril non seulement la santé orale de l’enfant mais aussi
celle du futur adulte.
En 2007, Fisher-Owens reprend la triade de Keyes et la complète pour présenter un
model conceptuel portant sur l’ensemble des facteurs de risque concernant la santé bucco-
dentaire.

Figure 1: Modèle développé par Fisher-Owens

i) Le facteur bactérien

Ce dernier s’exprime par la présence de bactéries cariogènes, en particulier les Streptococ-


cus mutans (SM) et les Actinomyces. Ces bactéries sont présentes dans le biofilm oral des pa-
tients. Ces facteurs bactériens s'expriment chez un hôte qui présente une susceptibilité. Une
méta-analyse publiée en 2015 a mis en évidence le lien entre les défauts de l'émail et le risque
élevé d'avoir des lésions carieuses. Le lien entre le taux élevé de SM présents dans la cavité
buccale des enfants et la prévalence de la maladie carieuse a été prouvé par de nombreuses
études. Ainsi, Milgrom et al ont démontré que les enfants présentant des taux élevés de SM é-
taient 5 fois plus à risque de développer des caries dentaires. Il existe deux modes de trans-
mission des SM : verticale et horizontale. La transmission verticale est assurée entre les pa-
rents et l’enfant. La source principale de contamination des SM provient de la mère par l’in-
termédiaire de la salive du fait de sa proximité avec l’enfant. Par la suite, une mauvaise hy-
giène buccale maternelle et une exposition fréquente au grignotage accompagnée d’un apport
important en sucre augmentent les risques de transmission de l’infection bactérienne à l’en-
fant. Une transmission horizontale peut également avoir lieu lorsque les enfants échangent des
objets mis à la bouche à la crèche ou à l'école.

Les lactobacilles participent également au développement des lésions carieuses et jouent


un rôle important dans la progression de ces lésions, mais pas dans leur initiation.

ii) Le facteur alimentaire

Le sucrose est l’hydrate de carbone le plus fréquemment impliqué. Mais, les bactéries
peuvent utiliser tous les sucres fermentescibles, y compris l’amidon lorsqu’il est cuit. La
quantité d’hydrate de carbone fermentescible ingérée n’a pas une grande importance car un
apport minime est immédiatement utilisé.

Chez l’enfant, les prises de sucre peuvent se faire de différentes manières : biberons
sucrés (contenant jus, sodas, lait chocolaté, grenadine…), tétines enduites de sucre (miel) ou
encore de médicaments sucrés (sirop granules homéopathiques). L’allaitement maternel à la
demande et prolongé, associé à des pratiques de co-sleeping (sommeil partagé dans le même
lit que les parents) contribue également au développement de la pathologie. Les dernières re-
commandations (OMS) préconisent un allaitement maternel exclusif d’une durée maximale de
6 mois, suivi du passage à la diversification accompagnée d’un allaitement mixte

iii) Facteurs intrinsèques

Différents facteurs généraux et locaux propres à chaque individu influencent le déve-


loppement de caries. Parmi les facteurs généraux, la salive et la qualité de l’émail sont les
deux paramètres importants.

La salive participe au nettoyage des surfaces dentaires, à la reminéralisation grâce aux


ions calcium et phosphate. La qualité du flux salivaire est un paramètre important dans l’éva-
luation du risque carieux : s’il est diminué, le risque carieux augmente. La salive est majoritai-
rement composée d’eau (99,5 %). En revanche, parmi les 5 % restants, on retrouve des com-
posés inorganiques et organiques tels que des protéines salivaires (histatines, mucines, stathe-
rines). Ces protéines ont des actions antibactériennes, antivirales et antifongiques.

Des modulations dans la réponse immunitaire modifient la susceptibilité de chacun à


la carie. Il a été montré que certains allèles du système HLA ou complexe majeur d’histocom-
patibilité permettent une plus grande efficacité de la réponse immunitaire

La salive constitue donc le système de défense principal de l’hôte contre la maladie ca-
rieuse et joue un rôle protecteur contre le développement des lésions carieuses (lysozyme,
IgA, lactoferrine…). La quantité de salive, ses propriétés antimicrobiennes et son pouvoir
tampon sont des facteurs importants pour réduire le développement des caries dentaires. L’ali-
mentation nocturne augmente le risque de carie dentaire chez les tout-petits en raison du
faible débit salivaire.

Par ailleurs, la littérature actuelle comprend un grand nombre d'études sur l'association
entre les défauts de l'émail et les caries dentaires. Les dents présentant une hypoplasie de l'é-
mail ont des surfaces irrégulières et rétentives entrainant un risque accru de colonisation bac-
térienne. Par conséquent, les enfants atteints d’hypoplasie de l'émail possèdent des taux élevés
de SM et un risque plus élevé de développer des caries dentaires. Dans son étude longitudi-
nale, Targino et al démontrent la relation étroite entre la CPE et les défauts de l'émail chez les
enfants âgés de 18 à 54 mois.

iv) Le facteur temps

Il correspond au rythme des ingestions alimentaires : plus elles sont répétées, plus la
production d’acide est fréquente. L’évolution du mode de vie et la déstructuration des repas
ont favorisé le grignotage responsable d'une production d'acide excessive. Il existe un système
buccal capable de neutraliser cette acidité : le pouvoir tampon salivaire. Cependant, lorsque la
production d'acide est trop importante, le pouvoir tampon est dépassé et devient incapable de
neutraliser l'acidité.

Figure 2: Courbe de Stephan dans le cas d’ingestions répétées de glucides

Il y a alors rupture de l'équilibre déminéralisation/reminéralisation qui initie la destruc-


tion des surfaces dentaires. Par conséquent, la réduction de la fréquence des prises alimen-
taires (grignotage et consommation de boissons sucrées) entre les repas est recommandée par
l’HAS.
v) Facteurs extrinsèques

Le statut socio-économique, le niveau d’éducation parentale et l’environnement dans le-


quel l’enfant évolue ont une influence sur le développement de la maladie carieuse. Les en-
fants issus de foyer à statut socio-économique faible sont deux fois plus susceptibles de déve-
lopper des caries dentaires. Comme mentionné précédemment, la santé bucco-dentaire de la
mère joue un rôle sur celle de son enfant. En effet, elle peut transmettre sa flore pathogène au
cours de gestes quotidiens. Une transmission précoce, autour d’1 an, renforce le risque de lé-
sions carieuses à 3 ans pour l'enfant.

L’enfant et sa famille vivent dans une société dans laquelle la prévention a plus ou moins
d’importance ; l’influence à laquelle ils sont soumis par les publicités sur les produits cario-
gènes aura son importance ainsi que les modes alimentaires auxquels ils auront accès.

Ont-ils un accès aux soins facile ? La visite annuelle ou bi-annuelle est-elle effectuée ? Les
valeurs autour de la santé, et en particulier autour de la santé orale, sont-elles les mêmes pour
tous ? Vont-elles dans le sens de la préservation de la santé orale ? Les familles ont-elles suf-
fisamment d’informations ? Les professionnels de santé et notamment ceux de la petite en-
fance et les professionnels de la petite enfance en général se sentent-ils concernés par la santé
orale des enfants ?

Tous ces facteurs, avec leur impact respectif, déclenchera, entretiendra une lésion ca-
rieuse.

2) Hygiène bucco-dentaire

L’apprentissage de l’hygiène bucco-dentaire est indispensable dès le plus jeune âge. La


première consultation chez le chirurgien-dentiste est recommandée dans les 6 mois qui
suivent l’éruption de la première dent et au plus tard à l'âge d’un an. Au-delà de la simple pro-
cédure d’examen, la première consultation permet d’aborder avec les parents des points clés
au sujet de l’alimentation et de l'hygiène dentaire.

Les recommandations principales de l’HAS (6) à destination du grand public sont les sui-
vantes :

 Un brossage des dents deux fois par jour avec un dentifrice fluoré.

 Chez les enfants de moins de 6 ans la teneur en fluor du dentifrice doit être adaptée :

-  Enfant entre 6 mois et 3 ans : teneur inférieure ou égale à 500 ppm

-  Enfant entre 3 à 6 ans : teneur à 500 ppm

-  Enfant de 6 ans : teneur entre 1000 et 1500 ppm.


 Le brossage des dents doit être réalisé par un adulte pour les enfants entre 0 et 3 ans
puis supervisé entre l’âge de 3 à 6 ans en fonction des capacités de l’enfant.

D’après Droz, l’hygiène orale peut débuter avant même l’éruption de la première dent et se
faire à l’aide d’une compresse humide. Il préconise également d’étendre la supervision du
brossage par l’adulte jusqu’aux 8 ans de l’enfant car sa maturité psychomotrice ne lui permet
pas d’être efficace avant cet âge. Ceci est d’autant plus important pour la protection de la pre-
mière molaire permanente généralement présente sur l’arcade vers l’âge de 6 ans. Sa position
postérieure, ses sillons anfractueux compliquent son nettoyage et son émail immature pendant
3 ans font d’elle une dent particulièrement exposée à la carie.

une des conséquences de la CPE sont les infections ORL. Les enfants polycariés sont très
souvent enrhumés ; par ailleurs, leur IMC est abaissé.

III – CONCLUSION
La maladie carieuse est considérée par l’OMS comme le troisième fléau de morbidité
mondiale. Cette pathologie reste encore un enjeu de santé publique bien que nous connais-
sions les moyens de la prévenir. La plus grande partie des actes de l’odontologie est dévolue
aux soins des caries, et ce bien que la majorité des praticiens connaissent peu les mécanismes
l’initiant, comment identifier les patients à risque et quel plan de traitement instaurer pour en
éviter la progression. Trop souvent, seule la conséquence de la maladie carieuse est traitée et
non la maladie elle-même. La notion d’écosystème reste encore trop vague ; un enfant polyca-
rié devrait tous les jours par exemple, réaliser un bain de bouche ou appliquer un gel à la chlo-
rhexidine pour lutter contre les streptocoques.

L’odontologie doit évoluer vers un diagnostic précoce des populations à risques, le dé-
veloppement des mesures préventives et une meilleure prise en charge de ces derniers.

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