Analyse CH 5 B

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Chapitre 5

Transformation de Fourier

Contents
5.1 Transformation de Fourier dans L1 . . . . . . . . 100
5.1.1 Définition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
5.1.2 Transformée de Fourier des gaussiennes . . . . . . 102
5.1.3 Propriétés élémentaires . . . . . . . . . . . . . . . 102
5.1.4 Formule d’inversion de Fourier . . . . . . . . . . . 104
5.2 L’espace S de Schwartz . . . . . . . . . . . . . . . 104
5.2.1 Définition de l’espace S . . . . . . . . . . . . . . . 105
5.2.2 Transformation de Fourier dans S . . . . . . . . . 106
5.3 L’espace S ′ des distributions tempérées . . . . . 107
5.3.1 Définition de l’espace S′ . . . . . . . . . . . . . . . 107
5.3.2 Convergence et dérivation dans S ′ . . . . . . . . . 109
5.3.3 Transformation de Fourier dans S ′ . . . . . . . . . 110
5.3.4 Transformation de Fourier dans L2 . . . . . . . . . 112
5.4 Distributions périodiques et séries de Fourier . 112
5.4.1 Séries de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
5.4.2 Représentation des distributions périodiques . . . . 115
5.4.3 Transformée de Fourier des distributions périodiques117
5.5 Exercices supplémentaires . . . . . . . . . . . . . 117

99
La transformation de Fourier est un outil incontournable de l’analyse des
phénomènes linéaires, constamment utilisé dans de nombreuses applications
comme le traitement du signal, l’électronique ou l’acoustique.

Dans ce dernier chapitre, nous manipulerons des fonctions à valeurs com-


plexes. Le produit scalaire sur L2 (Rd ) que nous utiliserons sera celui défini
par Z
(f, g)L2 = f g.
Rd

5.1 Transformation de Fourier dans L1


5.1.1 Définition
Définition 5.1. Soit f ∈ L1 (Rd ). On appelle transformée de Fourier de f
la fonction notée Ff ou fˆ définie en tout point ξ ∈ Rd par
Z
ˆ
(Ff )(ξ) = f (ξ) = f (x) e−iξ·x dx. (5.1.1)
Rd

Proposition 5.2. Soit f ∈ L1 (Rd ). La transformée de Fourier de f vérifie


les propriétés suivantes

1. fˆ ∈ L∞ (Rd ) et kfˆkL∞ ≤ kf kL1 ;

2. fˆ ∈ C 0 (Rd ) et fˆ tend vers 0 à l’infini.

Avant de donner la preuve de cette proposition, tirons-en un corollaire (presque)


immédiat :

Corollaire 5.3. L’application F est une application linéaire continue de


L1 (Rd ) sur L∞ (Rd ) et

kFkL(L1 (Rd ),L∞ (Rd )) = 1.

100
Preuve de la proposition 5.2. Pour tout ξ ∈ Rd ,
Z Z

ˆ
|f (ξ)| = f (x) e −iξ·x
dx ≤ |f (x)| dx = kf kL1 .
d
R d R
Ceci prouve la première assertion.
La continuité de la fonction ξ 7→ fˆ(ξ) résulte du théorème 3.29. Enfin, la
limite de fˆ à l’infini peut s’obtenir par exemple de la façon suivante :
• Si ϕ ∈ D(Rd ), on montre par intégration par parties que
Z Z
−ix·ξ 1
ϕ̂(ξ) = ϕ(x)e dx = − 2 ∆ϕ(x)e−ix·ξ dx.
Rd |ξ| Rd
Il s’en suit que
k∆ϕkL1
|ϕ̂(ξ)| ≤ −→ 0.
|ξ|2 |ξ|→+∞

• Comme D(Rd ) est dense dans L1 (Rd ) (théorème 4.36), on peut trouver,
pour tout f ∈ L1 (Rd ), une suite (ϕn )n∈N de fonctions de D(Rd ) qui
converge vers f dans L1 . Comme fˆ − ϕ̂n = f\ − ϕn , il résulte de la
première assertion que
kfˆ − ϕ̂n kL∞ = kf\
− ϕn kL∞ ≤ kf − ϕn kL1 −→ 0.
n→+∞

Cela signifie donc que la suite de fonctions (ϕ̂n )n∈N converge uniformément
sur Rd vers la fonction fˆ. Comme chaque ϕ̂n tend vers 0 à l’infini, il
en est de même pour fˆ.

Preuve du corollaire 5.3. Il est clair que l’application F est linéaire. On


déduit en outre de l’assertion 1 de la proposition 5.2 que F envoie L1 (Rd )
dans L∞ (Rd ) et qu’on a pour tout f ∈ L1 (Rd ),
kFf kL∞ ≤ kf kL1 .
Ceci prouve que F est continue de L1 (Rd ) dans L∞ (Rd ) et de norme inférieure
ou égale à 1. Pour voir que la norme de F est exactement égale à 1, il suffit
de remarquer que pour tout f ∈ L1 (Rd ) positive sur Rd ,
Z
kf kL1 = f (x) dx = (Ff )(0) ≤ kFf kL∞ .
Rd

101
5.1.2 Transformée de Fourier des gaussiennes
Pour des raisons profondes liées à l’universalité du théorème de la limite
centrale, les gaussiennes jouent un rôle fondamental en mathématiques. Ces
fonctions ont un comportement remarquable vis-à-vis de la transformation
de Fourier qui sera exploité par la suite.

Proposition 5.4. Soit α > 0. On a la relation


  2
  π d/2 2
F e−α|x| (ξ) = e−|ξ| /4α .
α

On déduit de la proposition précédente que la transformée de Fourier de


2
la gaussienne g(x) = C exp(− |x| 2σ 2
) de variance σ 2 est la gaussienne ĝ(ξ) =
 π d/2 |ξ| 2
C exp(− ) de variance 1/σ 2 . La transformée de Fourier d’une
a 2/σ 2
gaussienne très piquée sera donc une gaussienne très étalée et réciproquement.

Exercice 5.5 (Preuve de la proposition 5.4).

1. Montrer que pour d = 1, on a pour tout ξ ∈ R


 ′ ξ b
fb (ξ) + f (ξ) = 0.

2. Déduire que fb est de la forme


ξ2
fb(ξ) = Ce− 4α .
R 2 pπ
3. Montrer que R
e−αx dx = α
.

4. Étendre le résultat pour d quelconque.

5.1.3 Propriétés élémentaires


Un des intérêts majeurs de la transformation de Fourier est que celle-ci per-
met de transformer certaines opérations linéaires fondamentales (dérivation,
convolution, translation) en des opérations plus simples. Les trois théorèmes
suivants synthétisent les principaux résultats à connaı̂tre.

102
Théorème 5.6. Soit f ∈ L1 (Rd ).
∂f
• Si ∈ L1 (Rd ), alors
∂xj
 
∂f
F (ξ) = iξj (Ff )(ξ).
∂xj
• Si xj f ∈ L1 (Rd ), alors
∂(Ff )
(F(xj f )) (ξ) = i (ξ).
∂ξj
Démonstration. pour la première: intégration par parties + (f et f’ intégrables
implique f tend vers 0 à linfini, qu’on démontre en 1) écrire f en fonction de
l’intregrale de f’ 2) f a une limite àl’infini 3) cette limite ne peut pas être
autre chose que 0)

Théorème 5.7. Si f ∈ L1 (Rd ) et g ∈ L1 (Rd ), alors


F(f ⋆ g) = F(f )F(g).

Théorème 5.8. Soit f ∈ L1 (Rd ) et a ∈ Rd . Soit τa f la translatée de f selon


a définie pour tout x ∈ Rd par τa f (x) = f (x − a). On a
F(τa f ) = e−iξ·a (Ff ).
Les preuves des théorèmes 5.6 et 5.8 sont élémentaires ; la première s’appuie
sur le théorème 3.30 et la seconde s’obtient par le changement de variable
x 7→ x − a. Détaillons la

Preuve du théorème 5.7. Posons h = f ⋆ g. On a donc, en utilisant le


théorème 3.32 et le changement de variable z = x − y,
Z Z 
ĥ(ξ) = f (y) g(x − y) dy e−ix·ξ dx
d d
Z R Z R 
−i(x−y)·ξ −iy·ξ
= f (y) g(x − y)e e dy dx
Rd Rd
Z  Z 
−iy·ξ −iz·ξ
= f (y)e dy g(z)e dz
Rd Rd

= fˆ(ξ) ĝ(ξ).

103
5.1.4 Formule d’inversion de Fourier
Définition 5.9. Soit f ∈ L1 (Rd ). On note (F −1 f ) la fonction définie en
tout ξ ∈ Rd par Z
−1 1
(F f )(ξ) = f (x) eiξ·x dx. (5.1.2)
(2π)d Rd

Nous allons maintenant énoncer le théorème d’inversion de Fourier dans L1 .


Nous admettrons provisoirement ce résultat, qui apparaı̂tra par la suite
comme un simple corollaire du théorème 5.28 d’inversion de Fourier dans
l’espace des distributions tempérées.

Théorème 5.10. Soit f dans L1 (Rd ) telle que fˆ soit aussi dans L1 (Rd ).
Alors
f = F −1 Ff (5.1.3)
et
f = FF −1 f. (5.1.4)

L’espace des fonctions L1 dont la transformée de Fourier est aussi dans L1


est donc stable par transformation de Fourier et la transformation F −1 est
l’inverse de la transformation de Fourier F sur cet espace. Notons que la
formule (5.1.3) s’écrit aussi
Z
1
f (x) = fˆ(ξ) eiξ·x dξ.
(2π)d Rd

5.2 L’espace S de Schwartz


Notre objectif, que nous atteindrons à la section 5.3, est d’étendre la transfor-
mation de Fourier à des objets plus généraux que les fonctions L1 . Le procédé
va être similaire à celui que nous avons utilisé à la section 4.4 pour définir
la dérivation dans l’espace des distributions. Nous allons en effet construire
dans cette section un “petit” espace de fonctions tests stable par transfor-
mation de Fourier (l’espace de Schwartz) qui nous permettra de définir par
dualité la transformation de Fourier sur un “grand” espace (l’espace des dis-
tributions tempérées).

104
5.2.1 Définition de l’espace S
Définition 5.11. On dit qu’une fonction ϕ : Rd −→ R de classe C ∞ est à
décroissance rapide si pour tout p ≥ 0,
Np (ϕ) = sup sup kxα ∂ β ϕ(x)kL∞ < +∞.
|α|≤p |β|≤p

On note S(Rd ) l’espace vectoriel des fonctions C ∞ à décroissance rapide.

Définition 5.12. On dit qu’une suite (ϕn )n∈N de fonctions de S converge


dans S vers ϕ ∈ S si et seulement si
∀p ∈ N, Np (ϕn − ϕ) −→ 0.
n→+∞

On a évidemment D(Rd ) ⊂ S(Rd ). Mais on a en fait un résultat plus fort :

Proposition 5.13. D(Rd ) est dense dans S(Rd ).

Comme exemple de fonctions de S(Rd ) qui ne sont pas dans D(Rd ), citons
en particulier les gaussiennes.

Preuve. Soit ϕ ∈ S(Rd ) et χ ∈ D(Rd ) telle que χ = 1 sur la boule unité et


0 ≤ χ ≤ 1. On considère la suite (ϕn )n∈N∗ définie par
ϕn (x) = ϕ(x)χ(x/n).
Il est clair que pour tout n ∈ N∗ , ϕn ∈ D(Rd ). On a donc pour tout β ≥ 0,
X  β  1
β β
∂ (ϕ−ϕn )(x) = ∂ ϕ(x)(1−χ(x/n))− ∂ β−γ ϕ(x) ∂ γ χ(x/n).
γ n|γ|
|γ|≥1, γ≤β

D’où,
α β X α β−γ
x ∂ (ϕ − ϕn )(x) ∞ ≤ sup |xα ∂ β ϕ(x)| + Cα,β x ∂ ϕ(x) .
L n L∞
|x|≥n
|γ|≥1, γ≤β

Pour α et β fixés, chacun des deux termes tend vers 0 lorsque n tend vers
+∞. On a donc pour tout α ≥ 0 et β ≥ 0,
α β
x ∂ (ϕ − ϕn )(x) ∞ −→ 0.
L n→+∞

La suite (ϕn )n≥1 converge donc vers ϕ dans S(Rd ).

105
Proposition 5.14. L’espace S(Rd ) est stable par dérivation et par multipli-
cation par des polynômes. De plus S(Rd ) ⊂ L1 (Rd ) et il existe une constante
C ∈ R+ telle que pour tout p ∈ N

∀ϕ ∈ S(Rd ), sup sup kxα ∂ β ϕ(x)kL1 ≤ CNp+d+1 (ϕ). (5.2.1)


|α|≤p |β|≤p

Preuve. Les premières affirmations sont des conséquences directes de la définition 5.11.
Pour montrer l’inégalité (5.2.1), commençons par remarquer que
Z
1
I= X dx < +∞.
Rd 1 + |xj |d+1
1≤j≤d

On en déduit que pour p ≥ 0, |α| ≤ p et |β| ≤ p,





X 1
α β
kx ∂ ϕ(x)kL1 = (1 + d+1 α β
|xj | )x ∂ ϕ(x) X
d+1
1≤j≤d 1+ |xj |

1≤j≤d L1




X 1
d+1 α β
≤ (1 + |xj | )x ∂ ϕ(x) X
1 + d+1
1≤j≤d |x j |
L∞
1≤j≤d L1
≤ CNp+d+1 (ϕ).

5.2.2 Transformation de Fourier dans S


Toute fonction de S(Rd ) étant intégrable, on peut définir la transformation
de Fourier sur S(Rd ) en restreignant la définition 5.1 à l’espace S(Rd ). Le
point remarquable est que la transformée de Fourier d’une fonction de S(Rd )
est elle-aussi dans S(Rd ).

Théorème 5.15. L’espace S(Rd ) est stable par transformée de Fourier et


pour tout p ∈ N il existe une constante Cp′ telle que

∀ϕ ∈ S(Rd ), Np (ϕ̂) ≤ Cp′ Np+d+1 (ϕ).

106
De plus la transformée de Fourier définit un isomorphisme séquentiellement
bicontinu de S(Rd ) dans lui-même d’inverse l’application F −1 définie par (5.1.2).

Preuve. Soit p ≥ 0. Pour tout |α| ≤ p et |β| ≤ p,


α β 
ξ ∂ ϕ̂(ξ) ∞ = F ∂ α (xβ ϕ(x)) ∞
L L
α β

≤ ∂ (x ϕ(x)) L1

≤ C ep sup sup ′ ′
xα ∂ β ϕ(x)
|α′ |≤p |β ′ |≤p L1

≤ Cp′ Np+d+1 (ϕ).

On en déduit que la transformation de Fourier est un endomorphisme séquentiellement


continu sur S(Rd ).

5.3 L’espace S ′ des distributions tempérées


5.3.1 Définition de l’espace S ′
Définition 5.16. On note S ′ (Rd ) l’espace vectoriel des formes linéaires sur
S(Rd ) qui vérifient la propriété de continuité suivante : il existe un entier p
et une constante C tels que

∀ϕ ∈ S(Rd ), |hT, ϕiS ′ ,S | ≤ CNp (ϕ). (5.3.1)

Définition 5.17. Les éléments de S ′ (Rd ) sont appelés les distributions tempérées,
ou parfois les distributions à croissance lente.

Théorème 5.18. La restriction à D(Rd ) d’un élément de S ′ (Rd ) définit une


distribution.

Preuve. Soit T ∈ S ′ (Rd ), p ∈ N et C ≥ 0 tels que

∀ϕ ∈ S(Rd ), |hT, ϕiS ′ ,S | ≤ CNp (ϕ).

107
D(Rd ) étant un sous-ensemble de S(Rd ), il est clair que la restriction de T à
D(Rd ) est une forme linéaire sur D(Rd ). Soit K un compact de Rd et R ≥ 1
tel que K ⊂ BR (0). On a pour tout ϕ ∈ D(Rd ) à support dans K,
|hT, ϕiS ′ ,S | ≤ CNp (ϕ) = C sup sup kxα ∂ β ϕ(x)kL∞ ≤ C Rp sup k∂ β ϕ(x)kL∞ .
|α|≤p |β|≤p |β|≤p

La restriction de T à D(Rd ) définit donc une distribution sur Rd d’ordre


inférieur ou égal à p.

Exercice 5.19.
1. Montrer que l’espace S ′ (Rd ) contient
(a) les polynômes sur Rd ;
(b) les fonctions Lp pour tout 1 ≤ p ≤ +∞
Lp (Rd ) ֒→ S ′ (Rd )
(c) l’espace E ′ (Rd ) des distributions à support compact, et en partic-
ulier, la distribution de Dirac δ0 .
2. Montrer que L1loc n’est pas contenu dans S ′ (Rd ).

Remarque 5.20. Le théorème 5.18 montre qu’il existe une application na-
turelle de l’espace S ′ (Rd ) des distributions tempérées dans l’espace D′ (Rd )
des distributions. Le fait que cette application soit une injection résulte de ce
qu’une distribution tempérée T ∈ S ′ (Rd ) est complètement caractérisée par
sa restriction à D(Rd ) du fait de la densité de D(Rd ) dans S(Rd ) (proposi-
tion 5.13). Réciproquement, si T est une distribution telle qu’il existe p ∈ N
et C ∈ R+ tel que
∀ϕ ∈ D(Ω), |hT, ϕi| ≤ C Np (ϕ),
alors il existe une unique distribution tempérée qui prolonge T . Par abus
de notation, on notera par la même lettre une distribution tempérée et sa
restriction à D(Rd ). Cela permet notamment d’écrire
∀ϕ ∈ D(Rd ) ⊂ S(Rd ), hT, ϕiS ′ ,S = hT, ϕi. (5.3.2)
Si en particulier, f est une fonction de Lp (Rd ) avec 1 ≤ p ≤ +∞, et si
ϕ ∈ S(Rd ), on écrira Z
hf, ϕiS ′ ,S = f ϕ. (5.3.3)
Rd

108
5.3.2 Convergence et dérivation dans S ′
Définition 5.21. On dit que la suite (un )n∈N d’éléments de S ′ (Rd ) converge
dans S ′ (Rd ) vers u si on a
∀ϕ ∈ S(Rd ), hun , ϕiS ′ ,S −→ hu, ϕiS ′ ,S .
n→+∞

Théorème 5.22. Soit (Tn )n∈N une suite de distributions tempérées qui con-
verge dans S ′ (Rd ) vers la distribution tempérée T . Alors (Tn )n∈N converge
aussi dans D′ (Rd ) vers la distribution T .

Preuve. Résulte immédiatement de la relation (5.3.2) et des définitions 4.18


et 5.21.

Définition - Théorème 5.23. Soit T ∈ S ′ (Rd ). La dérivée de T par rapport


∂T
à la variable xj est l’élément de S ′ (Rd ) noté défini par
∂xj
∂T ∂ϕ
∀ϕ ∈ S(Rd ), h , ϕiS ′ ,S = −hT, iS ′ ,S . (5.3.4)
∂xj ∂xj
∂T
La distribution définie par est la dérivée (au sens des distributions) de
∂xj
la distribution définie par T .

∂T
Preuve. Il est clair que définit une forme linéaire sur S(Rd ). Comme
∂xj
∂T ∂ϕ
|h , ϕiS ′ ,S | = |hT, iS ′ ,S |
∂xj ∂xj
∂ϕ
≤ C Np ( )
∂xj
≤ C Np+1 (ϕ),
∂T
on voit que ∈ S ′ (Rd ). Le fait que la restriction à D(Rd ) de la distribution
∂xj
∂T
tempérée soit la dérivée au sens des distributions de la restriction de T
∂xj
à D(Rd ), résulte de la relation (5.3.2) et des définitions 4.25 et 5.23.

109
Théorème 5.24. Si un −→ u dans S ′ (Rd ), alors ∂ α un −→ ∂ α u dans S ′ (Rd ).
n→+∞ n→+∞

Preuve. Soit ϕ ∈ S(Rd ). On a

h∂ α un , ϕiS ′ ,S = (−1)|α| hun , ∂ α ϕiS ′ ,S −→ (−1)|α| hu, ∂ α ϕiS ′ ,S = h∂ α u, ϕiS ′ ,S .


n→+∞

Remarque 5.25. On peut donc écrire

D(Rd ) ֒→ S(Rd ) ֒→ L2 (Rd ) ֒→ S ′ (Rd ) ֒→ D′ (Rd )

où la notation A ֒→ B signifie que A s’injecte dans B et que l’injection de


A dans B est séquentiellement continue. Là encore, l’espace L2 joue un rôle
d’espace pivot.

5.3.3 Transformation de Fourier dans S ′


Définition - Théorème 5.26. Soit u ∈ S ′ (Rd ). La transformée de Fourier
de u est la distribution tempérée notée û ou Fu définie par

∀ϕ ∈ S(Rd ), hû, ϕiS ′ ,S = hu, ϕ̂iS ′ ,S .

La transformation de Fourier ainsi définie est une extension de la définition


classique de la transformation de Fourier sur L1 (Rd ).

Preuve. Vérifions d’abord que û est bien une distribution tempérée. Il est
clair que û est une forme linéaire sur S(Rd ). Il reste à s’assurer que û vérifie
la propriété de continuité (5.3.1). Soit ϕ ∈ S(Rd ). On a

|hû, ϕi| = |hu, ϕ̂i|


≤ CNp (ϕ̂)
≤ C ′ Np+d+1 (ϕ).

110
On a donc bien û ∈ S ′ (Rd ). Soit maintenant u ∈ L1 (Rd ). On a pour tout
ϕ ∈ S(Rd ),
hû, ϕiS ′ ,S = hu, ϕ̂iS ′ ,S
Z
= uϕ̂
d
ZR Z 
−ix·y
= u(x) ϕ(y)e dy dx.
Rd Rd

Comme u(x)ϕ(y)e−ix·y ∈ L1 (Rd ×Rd ), on obtient en appliquant le théorème 3.32


de Fubini
Z Z 
−ix·y
hû, ϕiS ′ ,S = u(x)e dx ϕ(y) dy
Rd Rd
Z
= h u(x)e−ix·y dx, ϕiS ′ ,S .
Rd
Il en résulte que Z
û(y) = u(x)e−ix·y dx.
Rd

Exercice 5.27. Calculer les transformée de Fourier des distributions tempérées


suivantes: δa , eiax , xα , 1 et δ0′ en dimension 1.
Les propriétés de la transformée de Fourier énoncées dans les sections 5.1.3
et 5.1.4, valables dans L1 , donc dans S, peuvent ainsi se transporter sur S ′ .
Nous avons notamment les résultats suivants :
Théorème 5.28. La transformée de Fourier est un isomorphisme séquentiellement
bicontinu de S ′ (Rd ) sur lui-même, d’inverse F −1 défini par
∀ϕ ∈ S(Rd ), hF −1 u, ϕiS ′ ,S = hu, F −1 ϕiS ′ ,S .

∂u
Théorème 5.29. Soit u ∈ S ′ (Rd ). Alors ∈ S ′ (Rd ) et xj u ∈ S ′ (Rd ) et
∂xj
 
∂u
F = iξj F(u),
∂xj
∂ (F(u))
F (xj u) = i
∂ξj

111
5.3.4 Transformation de Fourier dans L2
Nous venons de définir la transformée de Fourier sur l’espace S ′ qui contient
(largement !) L2 . Nous allons maintenant voir des propriétés spécifiques à
la transformée de Fourier dans L2 , qui ont de nombreuses applications en
analyse.
1
Théorème 5.30. Les transformations F et (2π)d/2 F −1 sont des isométries
(2π)d/2
de L2 (Rd ) inverses l’une de l’autre. On a donc

1
∀f ∈ L2 (Rd ), Ff ∈ L2 (Rd ) et kFf kL2 = kf kL2 , (5.3.5)
(2π)d/2

∀f ∈ L2 (Rd ), F −1 f ∈ L2 (Rd ) et (2π)d/2 kF −1 f kL2 = kf kL2 .

Remarque 5.31. L’égalité (5.3.5) s’écrit aussi pour f ∈ L2 (Rd )


Z Z
1 ˆ(ξ)|2 dξ =
| f |f (x)|2 dx. (5.3.6)
(2π)d Rd Rd

Il arrive souvent en physique ou en mécanique que l’énergie d’un champ


sur Rd s’exprime précisément sous la forme d’une intégrale sur l’espace du
carré du champ (penser à l’énergie cinétique d’un écoulement, à l’énergie
d’un champ électromagnétique, à l’énergie de déformation élastique linéaire
d’un matériau homogène isotrope). L’égalité (5.3.6) signifie que l’énergie
du champ peut alors être calculée indifféremment dans l’espace réel ou dans
l’espace réciproque.

5.4 Distributions périodiques et séries de Fourier


5.4.1 Séries de Fourier
Nous proposons dans cette section une lecture “géométrique” de la théorie
des séries de Fourier. On introduit l’espace

L2per (]0, T [) = f ∈ L2loc (R, C), f (· + T ) = f (·) p.p. ,

112
des fonctions de R dans C, L2loc et T -périodiques et le produit scalaire sur
L2per (]0, T [) défini par
Z T
(f, g)L2 = f (x) g(x) dx.
0

On définit la famille de fonctions pour n ∈ Z


1
en (x) = √ e2iπnx/T .
T
Théorème 5.32. L’espace L2per (]0, T [), muni du produit scalaire défini ci-
dessus, est un espace de Hilbert complexe. La famille B = (en )n∈Z est une
base hilbertienne de H = L2per (]0, T [).

Définition 5.33 (Coefficients de Fourier). Pour f ∈ L2per (]0, T [), on appelle


coefficients de Fourier de f les nombres
Z T
1
cn (f ) = (en , f )L2 = √ f (x) e−2iπnx/T dx. (5.4.1)
T 0

De ce théorème et des résultats établis à la section 1.4.3 découle immédiatement


le corollaire suivant :

Corollaire 5.34. Soient f, g ∈ L2per (]0, T [)


1. On a au sens de la convergence L2loc
+∞
X
f= cn (f ) en .
n=−∞

2. On a l’égalité de Parseval
+∞
X Z T
2
|cn (f )| = |f (x)|2 dx.
n=−∞ 0

3. On a Z T X
f (x) g(x) dx = cn (f ) cn (g).
0 n∈Z

113
Preuve du théorème 5.32. On voit facilement que (en )n∈Z est une famille or-
thonormée. En effet
Z Z
1 T −2iπpx/T 2iπqx/T 1 T 2iπ(q−p)x/T
(ep , eq )L2 = e e dx = e dx = δpq .
T 0 T 0

Soit V = Vect((en )n∈N ) (la barre horizontale désigne l’adhérence dans L2per (]0, T [)
et non la conjugaison complexe). V est un sous-espace fermé de L2per (]0, T [).
Soit maintenant f ∈ C 2 (R) ∩ L2per (]0, T [). La série
X
cn (f ) en
n∈Z

converge dans L2loc (R) vers la projection orthogonale de f sur V . Pour évaluer
sa somme, on part de la relation
N
X sin((2N + 1)πz/T )
e2iπnz/T =
n=−N
sin(πz/T )

qui, intégrée sur ]0, T [, conduit à l’égalité


Z T N
X Z T
1 2iπnz/T 1 sin((2N + 1)πz/T )
1= e dz = dz.
T 0 n=−N
2π 0 sin(πz/T )

On en déduit
N Z ! N
"
X 1 T X
f (x) − cn (f ) en (x) = e2iπn(x−y)/T dy f (x)
n=−N
T 0 n=−N
Z T N
X 
1 −2iπny/T
− f (y)e dy e2iπnx/T
T n=−N 0
Z ! N "
1 T X 2iπn(x−y)/T
= e (f (x) − f (y)) dy
T 0 n=−N
Z
1 T f (x) − f (y)
= sin((2N + 1)π(x − y)/T ) dy.
T 0 sin(π(x − y)/T )
Comme la fonction
f (x) − f (y)
y 7→
sin(π(x − y)/T )

114
est de classe C 1 , l’intégrale ci-dessus tend vers 0 lorsque N tend vers +∞
(on le voit en intégrant par parties), ce qui implique que pour tout x ∈]0, T [,
X
f (x) = cn (f ) en (x).
n∈Z

Donc f ∈ V . Il en résulte que C 2 (R) ∩ L2per (]0, T [) ⊂ V . Comme C 2 (R) ∩


L2per (]0, T [) est dense dans L2per (]0, T [) (d’après une adaptation du corol-
laire 4.38), il vient V = L2per (]0, T [).

5.4.2 Représentation des distributions périodiques


Rappelons que pour T ∈ R, la translation τT opère sur une distribution
U ∈ D′ (R) de la façon suivante :

∀ϕ ∈ D(R), hτT U, ϕi = hU, ϕ(· + T )i = hU, τ−T ϕi.

Définition 5.35. Soit U ∈ D′ (R). On dit que U est T -périodique si τT U =


U . On note DT′ (R) l’espace vectoriel des distributions T -périodique.

Définition 5.36. On dit qu’une suite (γn )n∈Z est à croissance lente s’il existe
p ∈ N et C ≥ 0 tels que

∀n ∈ Z, |γn | ≤ C (1 + |n|)p .

Théorème 5.37. Soit T > 0 et (γn )n∈Z une suite réelle à croissance lente.
La série
+∞
X
γn e2iπn t/T
n=−∞

définit une distribution T -périodique.

Preuve. Soit p ∈ N et C ≥ 0 tel que

∀n ∈ Z, |γn | ≤ C (1 + |n|)p .

115
La série de fonction X γn
p+2
e2iπn t/T
n∈Z∗
(2iπn/T )

est normalement donc uniformément convergente sur R, et converge donc


uniformément vers une fonction continue f . Cette série converge donc aussi
vers f dans D′ (R). Dérivons p + 2 fois dans D′ la relation
X γn
f= e2iπn t/T .
n∈Z∗
(2iπn/T )p+2

On obtient ainsi que la série


X
γn e2iπn t/T
n∈Z∗

converge dans D′ (accessoirement vers f (p+2) ). Il en va donc de même pour


la série X
γn e2iπn t/T .
n∈Z

Comme les sommes partielles

N
X
γn e2iπn t/T
n=−N

sont toutes des distributions T -périodiques, il en est de même pour la série.

Théorème 5.38. Soit U une distribution T -périodique. Il existe une unique


suite réelle à croissance lente (γn )n∈Z telle que

+∞
X
U= γn e2iπn t/T .
n=−∞

Les (γn )n∈Z sont appelés coefficients de Fourier de la distribution U .

116
5.4.3 Transformée de Fourier des distributions périodiques
Théorème 5.39. Soit U une distribution T -périodique. U est une distribu-
tion tempérée et sa tranformée de Fourier est donnée par
X
FU = 2π γk δkω
k∈Z

où les γk sont les coefficients de Fourier de U et où ω = 2π/T .

Exercice 5.40. Prouver le théorème 5.39.

Remarque 5.41. Le théorème ci-dessus met en évidence le lien entre la


théorie des séries de Fourier et celle de la transformée de Fourier : les coeffi-
cients de la série de Fourier d’une distribution périodique sont les poids des
dents du peigne de Dirac correspondant à la transformée de Fourier de cette
distribution.

5.5 Exercices supplémentaires


Exercice 5.42. Montrer que si f et g sont dans L2 (Rd ),
Z Z
(2π) d
f (x) g(x) dx = fˆ(x) ĝ(x) dx.
Rd Rd

Exercice 5.43. Montrer que la suite des sommes partielles


N
X xn
n=0
n!

est une suite d’éléments de S ′ (R) qui converge dans D′ (R) mais pas dans
S ′ (R).

Exercice 5.44. Soit (an )n∈N une suite réelle. Montrer que la suite an δn
converge dans D′ (R). A quelle condition converge-t-elle dans S ′ (R) ?

117
Exercice 5.45. Soit f : R → C une fonction continue telle que xf (x) soit
dans L1 (R) et telle que le support de fˆ soit à support compact. Montrer que
fˆ est de classe C 1 , et en déduire que fˆ et f sont dans L2 (R).

Exercice 5.46. L’objet de ce problème est l’étude de l’équation de Poisson


− ∆u = f (5.5.1)
posée dans D′ (R3 ). Dans ce qui suit, on note |y| la norme euclidienne du
vecteur y ∈ R3 .
Question 1. Soit v ∈ S ′ (R3 ). Montrer que ∆v ∈ S ′ (R3 ) et que
F(∆v)(ξ) = −|ξ|2 v̂(ξ).

Question 2. On suppose dans cette question que f ∈ S ′ (R3 ) et que fˆ ∈


L∞ (R3 ).

2a On note χη la fonction définie sur R3 par



1 si |ξ| ≤ η
χη (ξ) =
0 si |ξ| > η.

Montrer que la fonction gη (ξ) = |ξ|−2 χη (ξ)fˆ(ξ) est dans L1 (R3 ) et que
la fonction hη (ξ) = |ξ|−2 (1 − χη (ξ))fˆ(ξ) est dans L2 (R3 ).

2b En déduire que la fonction v(ξ) = |ξ|−2 fˆ(ξ) définit une distribution


tempérée et que u = F −1 (v) est solution de l’équation (5.5.1) dans
S ′ (R3 ).

2c Montrer que
lim kgη kL1 = 0.
η→0

2d Dans cette question, ainsi que dans la question 2e, u désigne la solution de
l’équation (5.5.1) construite à la question 2b. En utilisant les résultats
des questions 2a, 2b et 2c, montrer que pour tout ε > 0, il existe une
fonction u2 ∈ L2 (R3 ) et une fonction u∞ ∈ L∞ (R3 ) telles que
u = u 2 + u∞ avec ku∞ kL∞ ≤ ε.

118
2e Montrer que tout v ∈ S ′ (R3 ) vérifiant −∆v = f est tel que v = u+w avec
∆w = 0 et Supp(ŵ) ⊂ {0}. Déduire de la Proposition ?? du cours que
w est un polynôme vérifiant ∆w = 0 (un tel polynôme est appelé un
polynôme harmonique). Donner un exemple de polynôme harmonique
de degré 2.

2f Les distributions f suivantes vérifient-elles les hypothèses en vigueur dans


la question 2 (f ∈ S ′ (R3 ) et fˆ ∈ L∞ (R3 )) ?

• f = δ0
2
• f (x) = e−|x|
• f (x) = 1
1
• f (x) = 1+|x|4

119
120
Bibliographie

[1] H. Lebesgue. Sur une généralisation de l’intégrale définie. Comptes-


rendus de l’Académie des sciences, 1901.

[2] B. Riemann. Ueber die darstellbarkeit einer function durch eine tri-
gonometrische reihe [sur la représentation d’une fonction comme série
trigonométrique]. 13:87–132.

[3] W. Rudin. Analyse réelle et complexe. Masson, 1992.

[4] Reinhard Siegmund-Schultze. Henri Lebesgue. Princeton Companion to


Mathematics, Princeton University Press. 2008.

121

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