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M E S U R E S - A N A LY S E S

Ti630 - Techniques d'analyse

Spectrométrie atomique
et spectrométrie moléculaire

Réf. Internet : 42707

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)
composé de  :

Chimie analytique : instrumentation et métrologie Réf. Internet : 42379

Études de structure et caractérisation Réf. Internet : 42386

Techniques d'analyse par imagerie Réf. Internet : 42387

Méthodes thermiques d'analyse Réf. Internet : 42384

Chromatographie et techniques séparatives Réf. Internet : 42385

Méthodes électrochimiques Réf. Internet : 42388

Méthodes nucléaires d'analyse Réf. Internet : 42389

Spectrométrie de masse Réf. Internet : 42390

Spectrométrie atomique et spectrométrie moléculaire Réf. Internet : 42707

Analyse des macromolécules biologiques Réf. Internet : 42380

Analyses de surface et de matériaux Réf. Internet : 42383

La science au service de l'art et du patrimoine Réf. Internet : 42579

Analyses dans l'environnement : méthodologies Réf. Internet : 42382

Analyses dans l'environnement : eau et air Réf. Internet : 42831

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Techniques d'analyse
(Réf. Internet ti630)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Gwenola BURGOT
Professeur à l'université de Rennes 1

Pierre LE PARLOUËR
Docteur Ingénieur, Consultant société Thermal Consulting

Gérard DURAND
Professeur honoraire à l'École Centrale de Paris, Consultant

Patrick MAUCHIEN
Chef du Service de Chimie Physique au Commissariat à l'Énergie Atomique
Saclay

Philippe QUEVAUVILLER
Commission Européenne, DG Environnement

Jean-François HENNINOT
Professeur, université d'Artois, unité de Catalyse et de Chimie du Solide, équipe
Couches Minces et Nanomatériaux

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Jacques BARBILLAT Dominique DI BENEDETTO Raymond MEILLAND


Pour l’article : P2865 Pour l’article : P2795 Pour les articles : P2755 – P2756

Daniel BOUGEARD Manuel DOSSOT Jean-Michel MERMET


Pour l’article : P2865 Pour l’article : P2850 Pour les articles : P2660 – P2895

Philippe BREUIL François-Xavier FELPIN Jean-Yves MEVELLEC


Pour l’article : P2795 Pour l’article : J8015 Pour l’article : P2850

Guy BUNTINX Frédéric GARET Éric MOTTAY


Pour l’article : P2865 Pour les articles : AF3254 – Pour l’article : P2685
AF3255
Aurélien CANIZARÈS Patrick MOUNAIX
Pour l’article : IN164 Patrick GIRAUDEAU Pour les articles : RE143 –
Pour l’article : J8015 RE144 – P2145
Cédric CARTERET
Pour l’article : P2850 Jérôme GRAUSEM Alain PETIT
Pour l’article : P2850 Pour les articles : P2655 – P2656
Jean-Louis COUTAZ
Pour les articles : AF3254 – Guillaume GUIMBRETIÈRE Nunzia SAVOIA
AF3255 Pour l’article : IN164 Pour l’article : P2875

Jean-Christophe DELAGNES Michel HOENIG Jean-Baptiste SIRVEN


Pour l’article : RE144 Pour l’article : P2825 Pour l’article : P2870

Michel DELHAYE Bernard HUMBERT Jacques VANDEGANS


Pour l’article : P2865 Pour l’article : P2850 Pour l’article : P2825

Jacques DESPUJOLS Daniel L'HERMITE Virginie ZENINARI


Pour l’article : P2695 Pour l’article : P2870 Pour l’article : P2890

Paul DHAMELINCOURT Sylvain LAZARE Anne-Marie de KERSABIEC


Pour l’article : P2865 Pour l’article : P2685 Pour l’article : P2825

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VI
Spectrométrie atomique et spectrométrie moléculaire
(Réf. Internet 42707)

SOMMAIRE

1– Spectrométrie atomique Réf. Internet page

Théorie des spectres atomiques P2655 11

Systèmes dispersifs en spectrométrie atomique P2660 17

Détecteurs de photons en spectrométrie atomique P2895 21

Spectrométrie d'émission des rayons X. Fluorescence X P2695 25

Spectrométrie d'absorption atomique P2825 29

2– Spectrométrie moléculaire Réf. Internet page

Théorie des spectres moléculaires P2656 37

Spectrométries laser en analyse et caractérisation P2685 43

Spectrométrie d'émission optique à source étincelle (partie 1) P2755 47

Spectrométrie d'émission optique à source étincelle (partie 2) P2756 51

Spectrophotométrie d'absorption dans l'ultraviolet et le visible P2795 55

Spectrométrie d'absorption dans l'infrarouge P2850 61

Spectrométrie Raman P2865 67

Spectroscopie de diffusion Raman en conditions extrêmes IN164 75

LIBS : spectrométrie d'émission optique de plasma induit par laser P2870 79

Spectroscopie microonde P2875 85

Spectrométrie photoacoustique. Application à l'analyse de gaz P2890 89

Spectro-imagerie térahertz. Voir autrement RE143 93

Spectroscopie térahertz RE144 97

Avancées technologiques des sources et capteurs térahertz. Vers le transfert industriel P2145 101

Ondes électromagnétiques térahertz. Principes et techniques AF3254 107

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VII
Ondes électromagnétiques térahertz. Applications AF3255 115

Spectromètres RMN de paillasse pour l’analyse en ligne de réactions en flux continu J8015 121

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Spectrométrie atomique et spectrométrie moléculaire
(Réf. Internet 42707)

1
1– Spectrométrie atomique Réf. Internet page

Théorie des spectres atomiques P2655 11

Systèmes dispersifs en spectrométrie atomique P2660 17

Détecteurs de photons en spectrométrie atomique P2895 21

Spectrométrie d'émission des rayons X. Fluorescence X P2695 25

Spectrométrie d'absorption atomique P2825 29

2– Spectrométrie moléculaire

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9
1

10
Référence Internet
P2655

Théorie des spectres atomiques

par Alain PETIT


1
Docteur d’État en physique
Chef de la section Photo-ionisation et spectroscopie
Centre d’études nucléaires de Saclay

Ce texte est la refonte de l’article précédemment rédigé par Paul BOUSQUET

1. Les différents processus d’interaction rayonnement-matière .... P 2 655 - 2


2. Notions de structure et de spectroscopie atomiques ................... — 3
2.1 Généralités ................................................................................................... — 3
2.2 Spectre de l’atome d’hydrogène ................................................................ — 3
2.3 Théorie de Bohr de l’atome d’hydrogène.................................................. — 4
2.4 Moment cinétique et moment magnétique de l’atome............................ — 4
2.5 Intervention de la mécanique quantique................................................... — 5
2.6 Configurations électroniques ..................................................................... — 7
2.7 Spectres optiques des systèmes atomiques ............................................. — 11
2.8 Structure hyperfine...................................................................................... — 16
2.9 Déplacement isotopique ............................................................................. — 17
2.10 Effet d’un champ magnétique extérieur .................................................... — 18
2.11 Effet d’un champ électrique extérieur........................................................ — 19
2.12 Spectres de rayons X .................................................................................. — 20
Références bibliographiques ......................................................................... — 22

près avoir passé en revue les différents processus d’interaction du rayonne-


A ment avec la matière, nous examinerons successivement les spectres opti-
ques et les spectres X, en commençant par le spectre le plus simple, celui de
l’atome d’hydrogène.
Nous verrons que les premiers sont à l’origine d’une connaissance extrême-
ment précise des configurations électroniques externes des atomes, configura-
tions qui sont d’ailleurs très variées et qui conditionnent les propriétés
chimiques des éléments ; c’est dire l’importance du rôle joué par la spectrosco-
pie atomique. Les spectres de rayons X, pour leur part, traduisent les configura-
tions électroniques internes des atomes ; nous verrons, entre autres résultats,
que leur forme caractéristique est la preuve directe de la disposition de ces élec-
trons en couches successives.

L’étude des spectres moléculaires fait l’objet de l’article P 2 656.


Parution : décembre 1999

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation P 2 655 − 1

11
Référence Internet
P2655

THÉORIE DES SPECTRES ATOMIQUES ______________________________________________________________________________________________________

1. Les différents processus évident : chaque substance, à l’état atomique ou moléculaire, pré-
sentant un spectre caractéristique, tant en émission qu’en absorp-
d’interaction rayonnement- tion (ou éventuellement en diffusion ou en fluorescence), il suffit de
reconnaître la présence de ce spectre pour avoir la preuve de la pré-
matière sence de la substance correspondante dans un mélange.
L’analyse quantitative est évidemment basée sur des lois qui
relient, de façon plus ou moins précise, l’intensité du rayonnement
L’interaction du rayonnement électromagnétique avec la matière

1
émis ou, plus souvent, absorbé, à la concentration de la substance
peut prendre différentes formes ; nous distinguerons ainsi successi- correspondante. La plus simple est la loi de Beer-Lambert.
vement les processus d’émission, d’absorption, de fluorescence et
de diffusion. Cette loi exprime la fraction d’énergie qui est absorbée lorsqu’un
rayonnement traverse une substance en solution, en fonction d’une
L’émission de rayonnement, s’accompagnant du transfert d’un part de l’épaisseur traversée z, d’autre part de la concentration C.
certain flux d’énergie de la source vers le milieu extérieur, exige que
la matière constituant cette source ait été préalablement excitée, Seules interviennent, naturellement, les pertes d’énergie corres-
c’est-à-dire qu’elle ait elle-même reçu une quantité correspondante pondant effectivement à l’absorption du rayonnement par la
d’énergie. Cette excitation peut revêtir de nombreuses formes (exci- matière, en excluant tout phénomène accessoire tel que la réflexion
tations thermique, électrique, par bombardement électronique, sur les faces de la cuve contenant la solution ou éventuellement la
etc.). Dans tous les cas, on dit qu’il s’agit d’une émission spontanée diffusion.
de rayonnement, caractérisée par le fait que les vibrations émises À la traversée d’une épaisseur élémentaire dz d’une substance
par les différents points de la source sont incohérentes. absorbante, l’énergie transportée par un faisceau parallèle subit une
Dans le cas de l’absorption, c’est au contraire le rayonnement diminution relative proportionnelle à dz. La variation correspon-
incident qui apporte au matériau absorbant une certaine quantité dante dI de l’intensité de ce faisceau est donc :
d’énergie. Il faut noter que l’absorption s’accompagne toujours, en dI = − k Idz
fait, d’une certaine émission de rayonnement, mais dont le proces-
sus est tout à fait différent de celui évoqué précédemment. Il s’agit Si I0 est l’intensité incidente, l’intensité émergente après traver-
de l’émission induite (ou stimulée), phénomène intimement lié à sée de l’épaisseur z de substance est alors :
l’absorption et qui, contrairement à l’émission spontanée, est carac- I = I0 e−kz
térisé par la parfaite cohérence des vibrations émises par les diffé-
rents points de la source. L’émission stimulée n’apparaît pas Cette relation traduit la loi de Lambert, qui s’applique à toute
directement dans une expérience classique, car elle ne fait que se substance absorbante ; k est le coefficient d’absorption de celle-ci.
retrancher de l’absorption, qui reste prépondérante et qui la mas- Dans le cas des solutions, on a cherché à relier ce coefficient k à la
que. Mais c’est le phénomène qui est à la base du fonctionnement concentration. Si l’on admet que, dans un élément de volume,
des lasers et, de façon générale, des sources cohérentes de rayon- l’énergie absorbée est proportionnelle au nombre de molécules ren-
nement électromagnétique. Son importance est donc considérable ; contrées par le rayonnement, on obtient la loi de Beer, selon
nous n’aurons cependant pas la possibilité de l’évoquer dans le laquelle le coefficient d’absorption k d’une solution est proportion-
cadre de cet article, malgré le rôle actuellement joué par les lasers nel à sa concentration C :
en spectroscopie (cf. article spécialisé [21] de ce traité).
k=a·C
Indépendamment du cas de l’émission induite, non directement
observable dans une expérience classique, la matière soumise à un a étant un facteur constant pour une substance et un rayonnement
rayonnement primaire peut réémettre un rayonnement secondaire, monochromatique donnés.
de même longueur d’onde ou de longueur d’onde différente. Si le L’intensité transmise par une épaisseur z de solution devient
processus de réémission est précédé d’une absorption du rayonne- donc :
ment excitateur, on dit qu’il s’agit de fluorescence, tandis que s’il
n’y a pas absorption préalable, on parle de diffusion. I = I0 e−aCz
C’est la loi de Beer-Lambert.
Le spectre électromagnétique s’étend sur un très vaste Le facteur de transmission T de la substance est :
domaine de fréquences (ou de longueurs d’onde), depuis les ondes
hertziennes les plus longues jusqu’aux rayons γ. Dans ce qui suit, T = I/I0 = e−aCz
nous rencontrerons successivement :
et sa densité optique D :
— les spectres optiques des atomes, qui s’étendent de l’ultravio-
let à l’infrarouge proche, c’est-à-dire très approximativement depuis D = − lg T = KCz
des longueurs d’onde inférieures à 100 nm jusqu’à quelques avec K ≈ 0,434 a.
micromètres ;
— les spectres de rayons X, dans le domaine de longueurs Contrairement à la loi de Lambert qui est rigoureuse, la loi de Beer
d’onde compris entre environ 0,01 nm et 10 nm ; n’est qu’approximative et l’on doit, dans chaque cas, s’assurer que
— les spectres moléculaires qui s’étendent de l’ultraviolet au sa validité est suffisante, compte tenu des autres causes d’erreur
domaine hertzien. possibles.
L’étude des différents types d’interaction que nous venons d’évo- En principe, cette loi s’applique bien aux solutions diluées de
quer − émission, absorption, fluorescence, diffusion −, constitue substances formées de molécules non polaires. En effet, en solution
l’objet de la spectroscopie des rayonnements électromagnétiques, diluée, les molécules polaires ont tendance à s’associer à celles du
qui joue un rôle capital dans la connaissance des caractéristiques de solvant, d’où résulte une modification du moment dipolaire, donc
la matière. Cette connaissance se situe d’ailleurs aux deux niveaux de l’absorption. En solution concentrée, elles ont tendance à s’asso-
microscopique et macroscopique. cier entre elles. Dans le cas des solutions électrolytiques, la loi de
Beer s’applique en général assez bien aux électrolytes forts, tant que
Au niveau microscopique, il s’agit d’études de structure de la la concentration ne dépasse pas une valeur de l’ordre de 1 mol/litre.
matière. Il en va différemment pour les électrolytes faibles, avec lesquels la
Du point de vue macroscopique, la spectroscopie est également loi de Beer ne s’applique à peu près correctement que pour des
utilisée de façon intensive pour faire des analyses qualitatives et solutions très diluées (10−2 mol/litre par exemple), car le degré de
quantitatives (dosages). Le principe de l’analyse qualitative est dissociation varie avec la concentration.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
P 2 655 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

12
Référence Internet
P2655

_____________________________________________________________________________________________________ THÉORIE DES SPECTRES ATOMIQUES

2. Notions de structure La constante RH conserve exactement la même valeur dans toutes


ces expressions. L’ensemble des raies du spectre atomique de
et de spectroscopie l’hydrogène peut donc être représenté par la relation :

atomiques 1 1
1 ⁄ λ = R H -------- Ð ------ = T m Ð T n
m2 n2
dans laquelle m et n sont deux nombres entiers.
2.1 Généralités Il apparaît ainsi une suite de nombres Ti ou termes spectraux,
dépendant d’un seul indice, et le nombre d’ondes de toute raie du
spectre est la différence Tm − Tn de deux de ces termes. Cette règle
1
Les spectres d’émission et d’absorption des atomes sont formés ne s’applique d’ailleurs pas qu’à l’atome d’hydrogène, mais est très
d’un certain nombre de raies qui sont plus ou moins fines suivant générale en spectroscopie.
l’état du milieu considéré. Chaque atome est caractérisé par un ensemble de termes spec-
traux et le nombre d’ondes de toute raie, tant en émission qu’en
Le plus simple des atomes, celui de l’hydrogène, émet un spectre absorption, est la différence de deux de ces termes. C’est le principe
qui est lui-même relativement simple, tandis que les spectres des de combinaison de Ritz (1908).
atomes lourds sont extrêmement complexes. Le spectre de l’atome
d’hydrogène fut ainsi celui sur lequel portèrent les premières tenta- Mais le nombre d’ondes d’une radiation étant proportionnel à sa
tives d’interprétation théorique et il a joué un rôle extrêmement fréquence ν, donc à l’énergie E = hν des photons correspondants, le
important de ce point de vue. principe de combinaison s’applique aussi aux énergies, sous la
forme :
Le lecteur pourra trouver des informations complémentaires dans
les ouvrages de référence [3, 4, 5, 6, 7, 8]. E = hν = hc/λ = hc (Tm − Tn)
avec h constante de Planck,
c vitesse de lumière.
2.2 Spectre de l’atome d’hydrogène Le lecteur peut trouver dans le tableau 1 les valeurs des principa-
les constantes physiques fondamentales utilisées dans cet article.

2.2.1 Généralités
Tableau 1 – Valeurs des principales constantes
Dans sa partie visible, le spectre de l’atome H comprend quatre de physique utilisées (1)
raies dites de Balmer, respectivement rouge, bleue, indigo et vio-
lette, et notées Hα, Hβ, Hγ, Hδ. Cette série se prolonge dans l’ultravio- Grandeur Valeur Unité
let et comporte en fait une infinité de raies qui se resserrent au fur et
à mesure que la longueur d’onde diminue et dont la position tend Charge de l’électron e = 1,602 177 33 (49) x 10−19 C
vers une limite située à λ = 364,5 nm. Masse de l’électron me = 9,109 389 7 (54) x 10−31 kg
Les nombres d’ondes de toutes ces raies sont représentés, avec Masse du proton mp = 1,672 623 1 (10) x 10−27 kg
une exactitude remarquable, par la relation de Balmer :
Rapport des masses mp/me mp/me = 1 836, 152 701 (37)
1 1
σ B = ( 1 ⁄ λ ) B = R H ------ Ð ------ Vitesse de la lumière c = 299 792 458 m/s
22 n2
Constante de Planck h = 6,626 075 5 (40) x 10−34 J·s
avec RH constante de Rydberg (pour l’hydrogène),
Constante de Planck h/2π = 1,054 572 66 (63) x 10−34 J·s
n entier supérieur ou égal à 3. réduite

En étendant les études vers l’ultraviolet et vers l’infrarouge, on a Permittivité du vide ε0 = 8,854 187 817 x 10−12 F/m
pu vérifier que les autres raies du spectre de H pouvaient aussi se
grouper en séries et que, dans chaque série, les nombres d’ondes Perméabilité du vide µ0 = 12,566 370 614 x 10−7 N · A−2
étaient parfaitement représentés par une relation du type précédent. Constante de Rydberg R∞ = 10 973 731,534 (13) m−1
On a ainsi, dans l’ultraviolet, la série de Lyman, avec n b 2 :
Magnéton de Bohr µB = 9,274 015 4 (31) x 10−24 J/T
1 1 Magnéton nucléaire µN = 5,050 786 6 (17) x 10−27 J/T
σL = ( 1 ⁄ λ )L = RH ------ Ð ------
12 n2 (1) Source : Handbook of Chemistry and Physics, 74th ed. 1993, CRC Press.

dans l’infrarouge, la série de Paschen, avec n b 4 :


Admettant que les atomes rayonnent indépendamment les uns
1 1 des autres, c’est-à-dire que chaque photon est émis par un atome
σ P = ( 1 ⁄ λ ) P = R H ------ Ð ------
32 n2 particulier, cette émission correspond à la perte de l’énergie E pour
l’atome concerné ; celui-ci passe donc, au cours de l’émission, d’un
puis la série de Brackett, avec n b 5 : niveau énergétique initial Ei à un niveau final Ef tels que Ei − Ef = E.
Le principe de combinaison, qui affirme que chaque atome est
1 1 caractérisé par une suite bien déterminée de termes spectraux et
σ Br = ( 1 ⁄ λ ) Br = R H ------ Ð ------
42 n2 que les nombres d’ondes des radiations émises sont nécessaire-
ment égaux à la différence de deux de ces termes, implique que les
et ainsi de suite. états énergétiques possibles de l’atome forment eux-mêmes une

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13
Référence Internet
P2655

THÉORIE DES SPECTRES ATOMIQUES ______________________________________________________________________________________________________

l’atome n’émet pas normalement de rayonnement. Par ailleurs, cet


Série Série Énergie En atome ne peut se trouver que dans certains états d’énergie, bien
de de
Brackett Paschen n ∞ définis, formant une suite discrète, et le rayonnement n’est possible
0 n = 6
n = 5 qu’au cours de transitions entre deux de ces états.
10 000 n = 4 E 4 = –0,85eV
n = 3 E 3 = – 1, 5eV Bohr a donc recherché la condition de quantification que devait
respecter le mouvement de l’électron autour du noyau pour que
n = 2 E 2 = – 3,4eV l’énergie correspondante ait une des valeurs permises par l’expé-
Série

1 50 000
de Balmer rience. Il a ainsi trouvé que le module du moment cinétique σ de
l’électron devait être un multiple entier de la quantité h/2π.

Avec cette condition σ = n ( h ⁄ 2π ) = n " , les valeurs correspon-


dantes de l’énergie prennent bien la forme voulue [3] :
4
Z2 e m
E n = Ð ------ ⋅ -----------------e- = Ð hc R H Z 2 ⁄ n 2
n 8 ε 02 h 2
2
100 000
État fondamental
n = 1 E 1 = – 13,6eV e 4 me
Tn Série avec R H = ----------------------- (ε0 permittivité du vide)
(cm – 1 ) de 8 ε 02 h 3 c
Lyman
Les transitions en tiretés représentent les limites des séries (positions vers
Les grandeurs e et me désignent respectivement la charge et la
lesquelles convergent les raies lorsque n ∞) masse de l’électron, tandis que l’introduction, dans ces expressions,
du numéro atomique Z permet de traiter, en même temps que
Figure 1 – Diagramme d’énergie et transitions spectrales de l’atome l’atome d’hydrogène, les ions hydrogénoïdes tels que He+, Li++.
d’hydrogène Pour un noyau « infiniment » lourd, on définit ainsi la constante de
Rydberg R∞ dont la valeur est donnée dans le tableau 1.

suite discontinue. Il y a émission ou absorption de rayonnement


lorsque l’atome effectue une transition entre deux des niveaux 2.4 Moment cinétique et moment
d’énergie qui le caractérisent.
magnétique de l’atome
2.2.2 Diagramme d’énergie
et transitions spectrales 2.4.1 Définitions

Il est commode de représenter sur un diagramme les différents Nous considérons maintenant, non plus spécialement l’atome
niveaux d’énergie (ou les termes spectraux correspondants) d’un d’hydrogène, mais un atome quelconque. Du fait du mouvement
atome et les transitions correspondantes. On porte en ordonnée les des électrons autour du noyau, cet atome possède à la fois un
valeurs de l’énergie et on trace une droite horizontale pour chacun moment cinétique et un moment magnétique. Ces deux grandeurs,
des niveaux énergétiques possibles de l’atome considéré. Les tran- qui sont qualifiées respectivement de moment cinétique orbital et
sitions sont schématisées par des flèches verticales joignant deux de moment magnétique orbital, sont liées par une simple relation
niveaux (figure 1). de proportionnalité.

Il faut d’ailleurs noter que, en général, toutes les transitions que Chacun des électrons, de masse me, animé d’une vitesse v i , pos-
l’on peut imaginer en associant deux niveaux arbitraires ne corres-
pondent pas effectivement à une émission de rayonnement. Il sède en effet le moment cinétique m e r i ∧ v i , le vecteur r i = OA i
existe, pour chaque atome, de nombreuses transitions interdites ;
les transitions permises, qui donnent naissance à une raie spectrale, repérant la position de l’électron par rapport à un point fixe O.
sont indiquées par des règles de sélection. L’ensemble des électrons de l’atome considéré possède donc le
moment cinétique orbital :
Appliquant à l’atome d’hydrogène les règles précédentes de
quantification des niveaux d’énergie, Bohr en a bâti un modèle qui
a joué un très grand rôle dans le développement de la physique ato-
σ L = me ∑ ri ∧ vi
i
mique. Certes, ce modèle ne peut plus être considéré comme satis-
faisant à l’heure actuelle, car il associe, de façon contradictoire, des Par ailleurs, chaque électron, au cours de son mouvement, est
hypothèses de nature quantique et une description classique du assimilable à un petit circuit électrique ; or, on sait que les effets
système atomique. La théorie de Bohr reste néanmoins une étape d’un tel circuit, à des distances suffisamment grandes par rapport à
capitale dans la compréhension des phénomènes atomiques. ses dimensions, sont caractérisés, dans une approximation du pre-
mier ordre, par un moment magnétique µ (moment dipolaire
magnétique). Dans le cas d’une charge ponctuelle qi, on montre
2.3 Théorie de Bohr de l’atome que :
d’hydrogène ú
1
µ = --- q i r i ∧ v i
2
Bohr (1913) utilise le modèle planétaire d’atome, en se restrei-
gnant au cas où l’orbite de l’électron est circulaire. Mais il constate Le moment magnétique orbital de l’atome est donc :
que l’expérience lui impose une condition qui est d’ailleurs en
1
contradiction avec les lois classiques de l’électromagnétisme ; c’est M = Ð --- e ∑ r i ∧ v i
le fait que, malgré le mouvement de l’électron autour du noyau, 2 i

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P2655

_____________________________________________________________________________________________________ THÉORIE DES SPECTRES ATOMIQUES

B nieur permettent de mesurer directement l’orientation de M par


dM/ dt
rapport à B . On opère sur un jet atomique qui est dévié à son pas-
sage dans un champ magnétique inhomogène ; la force exercée sur
chaque atome, qui est alors :
M
θ dB dB

1
F = M ⋅ ------- = M z ⋅ -------
dz dz
si le champ a la direction O z , se déduit facilement de la déviation
observée, ce qui permet une mesure directe de la composante Mz
O du moment magnétique des atomes sur la direction du champ.
L’expérience montre que, lors de la traversée du champ magnéti-
Figure 2 – Précession de Larmor que, les atomes sont déviés dans un petit nombre de directions bien
définies, ce qui signifie que la composante Mz de leur moment
magnétique sur la direction du champ appliqué ne peut prendre
Les deux vecteurs moment cinétique et moment magnétique elle-même que quelques valeurs particulières. Il en est donc de
sont donc colinéaires, de sens opposés : même pour la composante σz du moment cinétique.

e Puisque les vecteurs moment magnétique M et moment ciné-


M = Ð ----------- σ L
2 me
tique σ conservent dans le champ B une grandeur constante, le
γ = − e/ (2 me) est le rapport gyromagnétique. résultat précédent prouve que c’est l’angle θ que font ces vecteurs
L’existence de ce rapport gyromagnétique permet de prévoir de avec B qui ne peut, lui-même, prendre que certaines valeurs bien
nombreux phénomènes (résonance paramagnétique électronique, définies. C’est le phénomène de quantification spatiale.
effet Zeeman, etc., cf. articles spécialisés du présent traité) et a une
importance fondamentale en physique atomique.
2.4.4 Sous-niveaux Zeeman
2.4.2 Action d’une induction magnétique
À la quantification spatiale (§ 2.4.3) correspond une quantification
extérieure
de l’énergie d’interaction W = Ð M ⋅ B entre l’atome et l’induction
Considérons un électron particulier de l’atome et négligeons son
interaction avec les autres électrons. L’action d’une induction magnétique B . Lorsqu’on applique l’induction B à un atome se
trouvant dans l’état d’énergie E0, son énergie devient E = E0 + W.
magnétique extérieure B se réduit à un moment magnétique L’énergie W pouvant prendre plusieurs valeurs distinctes, mais en
Γ = M ∧ B . D’après le théorème du moment cinétique : général très petites devant E0, le niveau énergétique initial E0 se
trouve remplacé par plusieurs niveaux voisins, mais distincts : ce
sont des sous-niveaux magnétiques ou sous-niveaux Zeeman.
d dM (L’effet Zeeman est le phénomène de décomposition des raies spec-
----- ( σ L ) = M ∧ B , soit --------- = γ M ∧ B
dt dt trales que l’on observe lorsqu’une source lumineuse est placée dans
un champ magnétique et que l’énergie d’interaction W intervient
en multipliant par γ les deux membres de cette égalité. La dérivée
directement dans son interprétation, voir § 2.10).
d M ⁄ d t étant perpendiculaire à B et à M , ce dernier vecteur En résumé, l’expérience a montré jusqu’ici que trois grandeurs
conserve une grandeur constante et se trouve animé d’un mouve- caractéristiques de l’atome étaient quantifiées : il s’agit de l’énergie
d’interaction électrons-noyau, de la grandeur du moment cinétique
ment de rotation de vitesse angulaire ω = γ B autour de la direc- et, lorsqu’un champ magnétique extérieur est appliqué, de la com-
tion de l’induction magnétique appliquée B . posante du moment cinétique (ou du moment magnétique) sur la
direction du champ. Mais il faut maintenant faire intervenir la méca-
nique quantique pour esquisser une interprétation cohérente de ces
Le moment magnétique M et, par suite, le moment cinétique phénomènes.
orbital σ L effectuent donc autour de la direction de B un mouve-
ment de précession (figure 2) ; c’est la précession de Larmor.
2.5 Intervention de la mécanique
2.4.3 Quantification spatiale quantique

Au cours de leur mouvement de précession autour de B , les vec- Le lecteur se reportera utilement à l’article Mécanique quantique
[22] du traité Sciences fondamentales, ainsi qu’aux ouvrages de
teurs M et σ L font, avec le champ appliqué, un angle θ (figure 2) référence [1] [2].
qui dépend de l’énergie d’interaction entre l’atome et l’induction
appliquée ; cette énergie est en effet :
2.5.1 Notions sur le formalisme
de la mécanique quantique
W = Ð M ⋅ B = Ð M ⋅ B ⋅ cos θ
Des expériences, notamment l’expérience célèbre de Stern et Si la théorie de Bohr a marqué une étape importante dans le déve-
Gerlach (1921) décrite dans l’article [22] des Techniques de l’Ingé- loppement de la physique atomique, elle s’est avérée impuissante à

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P2660

Systèmes dispersifs
en spectrométrie atomique
1
par Jean-Michel MERMET
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Strasbourg
Docteur ès sciences
Directeur de recherche au CNRS
Laboratoire des sciences analytiques de l’université Claude-Bernard (Lyon I)

1. Spectromètres : définitions et types.................................................. P 2 660 - 2


2. Réseaux de diffraction ........................................................................... — 2
2.1 Caractéristiques d’un réseau ...................................................................... — 3
2.2 Formule des réseaux ................................................................................... — 3
2.3 Longueur d’onde maximale diffractée par un réseau .............................. — 3
2.4 Ordres observés........................................................................................... — 3
2.5 Angle et longueur d’onde de miroitement ................................................ — 4
2.6 Production des réseaux............................................................................... — 4
2.7 Illumination d’un réseau ............................................................................. — 4
3. Montage optique à réseau plan ........................................................... — 5
3.1 Réseau plan conventionnel......................................................................... — 5
3.2 Réseau échelle ............................................................................................. — 5
4. Montages optiques à réseau concave................................................ — 6
4.1 Polychromateur à réseau concave ............................................................. — 6
4.2 Monochromateur à réseau concave .......................................................... — 6
5. Dispersion linéaire réciproque ............................................................. — 7
6. Résolutions théorique et pratique ...................................................... — 8
6.1 Résolution théorique ................................................................................... — 8
6.2 Bande passante et fentes résultantes ........................................................ — 8
6.3 Aberrations optiques................................................................................... — 9
6.4 Résolution pratique ..................................................................................... — 9
6.5 Compromis résolution - domaine de longueur d’onde............................ — 10
6.6 Réglage des fentes ...................................................................................... — 10
7. Mesure de l’intensité nette d’une raie d’analyse............................ — 10
7.1 Polychromateur à fentes fixes .................................................................... — 10
7.2 Monochromateur......................................................................................... — 11
7.3 Étalonnage en longueur d’onde ................................................................. — 11
8. Conclusion ................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. P 2 660

e nombreuses méthodes d’analyse élémentaire sont fondées sur l’utilisation


D de spectres de raies atomiques. On peut citer la spectrométrie d’émission
atomique avec comme sources de radiation possibles la flamme, l’arc, l’étincelle,
la décharge luminescente et les plasmas (en particulier les plasmas à couplage
inductif ou ICP), la spectrométrie d’absorption atomique avec comme sources
d’atomisation la flamme et le four, et la spectrométrie de fluorescence atomique.
Parution : mars 2002

Pour pouvoir utiliser une raie d’un spectre, il est nécessaire de pouvoir l’isoler

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P2660

SYSTÈMES DISPERSIFS EN SPECTROMÉTRIE ATOMIQUE ______________________________________________________________________________________

à l’aide d’un système qui va disperser la lumière en fonction de la longueur


d’onde. Si les deux derniers types de spectrométrie permettent de s’affranchir
presque totalement des interférences spectrales, il n’en est pas de même pour
la spectrométrie d’émission. Il faut alors que la raie sélectionnée pour l’analyse
soit séparée des autres raies présentes dans le spectre d’émission. Le rôle du
système dispersif devient alors crucial, en particulier au niveau de la versatilité
de la sélection de la raie suivant le problème analytique, de la résolution

1 permettant de séparer la raie et du domaine de longueurs d’onde accessible par


le système. Les différents types de spectromètre, les réseaux de diffraction, plan,
concave, échelle, avec leurs propriétés, les différents montages optiques, les
concepts de résolution théorique et pratique, et la mesure de l’intensité nette
d’une raie spectrale seront décrits dans cet article.

1. Spectromètres : Intensité
définitions et types Imax
Profil
En spectrométrie atomique, le système dispersif est un spectro-
mètre c’est-à-dire un instrument spectral qui disperse dans
Imax /2
l’espace une lumière émise par une source de radiation, qui isole ∆λ
une ou des bandes (ou fenêtres) spectrales spécifiques contenant Aile de raie
les raies des analytes, ou des régions contenant le fond spectral
(background ) et qui mesure l’intensité des raies et du fond spectral 0,01 Imax
au moyen d’un ou de plusieurs détecteurs. Continuum
Un spectrographe diffère d’un spectromètre dans la mesure où
tout le domaine spectral permis par le système est enregistré à λ
l’aide d’une plaque ou d’un film photographique. Lorsque l’on uti-
lise des spectrographes, l’analyse qualitative est obtenue en véri- Figure 1 – Profil d’une raie avec l’intensité maximale Imax ,
fiant la présence de plusieurs raies de l’élément concerné, l’analyse la largeur de raie ⌬ ␭ , et l’aile de raie
quantitative s’effectue en mesurant l’intensité des raies avec un
densitomètre. Historiquement, les spectroscopes étaient utilisés
pour l’observation visuelle des spectres. Le domaine idéal de longueur d’onde en spectrométrie d’émis-
sion serait de 120 à 770 nm. Le domaine allant de 580 à 770 nm est
Les spectromètres sont classés en deux catégories : les mono-
utilisé pour les alcalins. Le domaine inférieur à 190 nm ne peut être
chromateurs et les polychromateurs. Un monochromateur est un
utilisé qu’en l’absence d’oxygène, celui-ci absorbant les radiations.
spectromètre qui isole une seule bande spectrale spécifique à un
Il est alors nécessaire soit de purger le système avec de l’azote soit
moment donné. Cette bande peut être fixe, ou bien le mono-
d’utiliser le vide. La région entre 160 et 190 nm est utilisée pour
chromateur peut balayer de façon continue un domaine donné de
des éléments comme Al, P et S, alors que la région en dessous de
longueur d’onde, ou encore le monochromateur peut se déplacer
160 nm est utilisée pour des éléments comme Cl, Br, O et N. Dans
séquentiellement d’une bande à une autre. Dans ce dernier cas, le
le cas de la spectrométrie d’absorption atomique, le domaine spec-
monochromateur est appelé système séquentiel. Un poly-
tral est généralement situé entre 180 ou 190 nm et 900 nm.
chromateur est un spectromètre qui isole simultanément plusieurs
bandes spectrales spécifiques. Le système est aussi appelé sys- Tous les spectromètres commerciaux utilisés en analyse sont
tème à lecture directe pour différencier l’utilisation de détecteurs pilotés par ordinateur aussi bien pour l’acquisition des données
de celle de la plaque photographique. Avant l’introduction de la que pour le déplacement de la bande spectrale.
détection multicanal, la position de ces bandes spectrales était fixe.
L’introduction de détecteurs à transfert de charge a modifié la
classification des spectromètres dans la mesure où le détecteur
multicanal est situé à l’emplacement d’une plaque photographi- 2. Réseaux de diffraction
que. On a ainsi sur le même appareillage un spectrographe (acqui-
sition du spectre) et un spectromètre (mesure de l’intensité de
n’importe quelle partie du spectre). Deux différents types de composants ont été utilisés pour la
dispersion de la lumière : le prisme et le réseau de diffraction. La
Il faut noter qu’il peut être nécessaire de mesurer l’intensité du plupart des systèmes commercialisés font appel au réseau à
fond spectral à la longueur d’onde de la raie de l’analyte ou dans cause de ses meilleures caractéristiques de dispersion. Un réseau
le voisinage de la raie pour obtenir l’intensité nette de la raie de de diffraction consiste en une série de traits périodiques et parallè-
l’analyte, tout particulièrement quand l’intensité du fond contribue les sur une surface plate ou concave. Ces traits imposent une
de façon significative à l’intensité brute de la raie (voir § 7). Rappe- variation périodique, en amplitude et phase, à une onde incidente.
lons que l’on appelle largeur de raie ∆ λ la largeur du profil de la Le premier réseau a été conçu par Fraunhofer et le premier réseau
raie qui correspond à la moitié de l’intensité maximale (figure 1). concave a été gravé par Rowland en 1890. Bien que des réseaux
L’aile d’une raie est la partie du profil qui est au-delà de 1 % de puissent travailler par transmission, seuls les réseaux par réflexion
l’intensité maximale. sont actuellement utilisés.

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P2660

______________________________________________________________________________________ SYSTÈMES DISPERSIFS EN SPECTROMÉTRIE ATOMIQUE

temps au niveau du réseau. De la figure 2, on peut déduire que la


Normale différence nette de trajet est égale à :
au réseau
BC – AD = k λ
θ
α avec k entier positif ou négatif, appelé l’ordre.
Comme sin α = BC/a et sin β = AD/a, l’équation précédente peut
s’écrire :

1
sin α – sin β = k λ /a
puisque n = 1/a.
β D
L’équation du réseau devient, dans le cas de la figure 2, c’est-
C à-dire quand les faisceaux incident et diffracté sont de part et
d’autre de la normale au réseau :
A θ B sin α – sin β = k n λ

a Quand les faisceaux incident et diffracté se situent du même


côté de la normale au réseau, l’équation est donnée par :

Figure 2 – Schéma des faisceaux incident ␣ et diffracté ␤ sin α + sin β = k n λ


sur un réseau dont le plan des traits fait un angle ␪ avec la surface ce qui se retrouve par le fait que sin(– β ) = – sin β. Il existe un cas
du réseau. La distance entre deux traits est AB = a = 1/n particulier pour k qui est l’ordre zéro (k = 0), ce qui correspond à la
réflexion spéculaire (α = – β ). Le réseau agit comme un miroir et
non plus comme un dispositif de diffraction.
2.1 Caractéristiques d’un réseau La même formule peut être obtenue dans le cas d’un réseau
concave. Dans ce cas, les rayons ne doivent plus être parallèles,
Les caractéristiques d’un réseau sont la distance a , entre deux mais doivent arriver sous le même angle α par rapport à la nor-
traits successifs (ou pas du réseau), la densité (ou nombre) de male du réseau au niveau du point d’intersection.
traits n par unité de longueur, la largeur W du réseau, le nombre
total de traits N = n W, et l’angle θ, entre la normale au réseau et
la surface des traits lorsque ceux-ci ont une forme en dents de scie 2.3 Longueur d’onde maximale diffractée
(figure 2). La largeur W du réseau peut dépasser 100 mm.
par un réseau
On distingue deux types de réseaux, les réseaux standards ou
conventionnels et les réseaux du type échelle. Les réseaux stan-
La longueur d’onde la plus élevée λ max qui peut être atteinte
dards ont une densité de traits supérieure à 600 traits · mm–1 avec
avec un réseau donné se déduit en considérant le maximum
des valeurs typiques dans la gamme 1 000 à 4 800 traits · mm–1 et
obtenu pour le terme de gauche de l’équation du réseau, c’est-
utilisent le côté large du profil triangulaire, alors que les réseaux
à-dire le maximum de sin α + sin β. La valeur maximale qui peut
du type échelle ont une faible densité (n < 100 traits · mm–1) et uti-
être atteinte par α et β est 90o – θ. Les valeurs de sin α et sin β sont
lisent le petit côté du profil triangulaire. Dans le cas des réseaux
ainsi très proches de 1. La valeur de λ max est :
échelle, les angles incident α et réfléchi β sont très proches et voi-
sins de 60 à 70o. Il faut noter que le nombre de traits est générale- λmax = 2/k n
ment calculé pour des millimètres dans le cas des réseaux
conventionnels, ce qui correspond à des nombres ronds comme La plus haute valeur de λ que peut donner un réseau respec-
1 800, 3 600, etc. Par contre, dans le cas des réseaux échelle, le cal- tivement de 2 400 et 3 600 traits · mm–1, est 830 nm et 550 nm. Un
cul est fait pour des pouces (25,4 mm), ce qui peut conduire à des réseau de 3 600 traits · mm–1 qui opère dans le second ordre a une
valeurs non rondes de la densité de traits si elle est exprimée par longueur d’onde maximale de 275 nm. Dans la pratique, des
millimètre (78,7 traits par millimètre pour 2 000 traits par pouce). angles d’incidence voisins de 90o – θ ne sont jamais utilisés, et
la longueur d’onde maximale qui est réellement utilisée est plus
Dans le cas des réseaux standards, on distingue également deux
faible que celle calculée théoriquement. Le choix du réseau est
formes de réseaux, les réseaux plans et les réseaux concaves. Les
donc lié au domaine de longueur d’onde à couvrir. Comme il a été
réseaux échelle sont toujours des réseaux plans.
indiqué précédemment, le domaine idéal en spectrométrie d’émis-
sion serait de 120 à 770 nm. L’utilisation d’un réseau à nombre
élevé de traits par millimètre limitera donc le domaine utile, et il
2.2 Formule des réseaux sera nécessaire de pallier cette limitation (voir § 6.5).

Quand un faisceau parallèle incident arrive sur un réseau plan en


faisant un angle α avec la normale au réseau, l’équation du réseau 2.4 Ordres observés
est utilisée pour calculer la valeur de l’angle diffracté β, et cela pour
une longueur d’onde monochromatique λ . Chaque trait se com- Pour une longueur d’onde donnée λ, il peut exister plusieurs
porte comme un miroir très étroit qui réémet la lumière. Les combinaisons de l’ordre k et de l’angle de diffraction β, en tenant
rayons réfléchis se recombinent pour interférer et produire un compte du fait que k ne peut avoir que des valeurs entières et que
phénomène de diffraction. Les rayons seront renforcés quand la β doit rester inférieur à 90o – θ. Un exemple est donné dans la
différence nette du trajet optique résultera en une interférence figure 3 pour un réseau de 1 200 traits · mm–1 et un angle d’inci-
constructive, c’est-à-dire quand cette différence sera un multiple dence α = 20o. Un domaine de 200 à 500 nm a été sélectionné. On
de λ. peut voir que la longueur d’onde de 200 nm peut être observée à
Pour calculer la formule du réseau, on considère que les diffé- sept angles différents (β = 59,09o, 38,17 o, 22,21o, 7,93 o, – 5,85o,
rents rayons partent en même temps d’un plan qui leur est – 35,59o et – 55,29o pour respectivement k = 5, 4, 3, 2, 1, – 1, – 2)
perpendiculaire. Sauf dans le cas où ils sont perpendiculaires au alors que la longueur d’onde de 500 nm est observée seulement à
réseau, les rayons n’arrivent pas et ne repartent pas en même trois angles différents (59,09o, 14,95o et 70,39o pour k = 2, 1, – 1).

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P2895

Détecteurs de photons
en spectrométrie atomique
1
par Jean-Michel MERMET
Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Strasbourg
Docteur ès sciences
Consultant
Spectroscopy Forever

1. Historique ................................................................................................... P 2 895 - 2


2. Tubes photomultiplicateurs .................................................................. — 2
2.1 Fenêtre .......................................................................................................... — 2
2.2 Photocathode ............................................................................................... — 2
2.3 Multiplicateur d’électrons............................................................................ — 3
2.4 Anode de collection ..................................................................................... — 3
2.5 Performances des tubes photomultiplicateurs.......................................... — 3
2.6 Conclusions sur les tubes photomultiplicateurs ....................................... — 5
3. Détection multicanal ............................................................................... — 5
3.1 Différents principes de détection multicanal ............................................. — 5
3.2 Caractéristiques d’une détection multicanal à transfert de charge ......... — 6
3.3 Détecteurs intensifiés .................................................................................. — 10
3.4 Caméra.......................................................................................................... — 11
3.5 Intérêt des dispositifs à transfert de charge .............................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 895

e nombreuses méthodes d’analyse élémentaire sont fondées sur l’utili-


D sation de spectres de raies atomiques. On peut citer la spectrométrie
d’émission atomique avec comme sources de rayonnement possibles la
flamme, l’arc, l’étincelle, la décharge luminescente et les plasmas, en particu-
lier les Plasmas à Couplage Inductif ou ICP, et les plasmas produits par laser
ou LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectrometry), la spectrométrie d’absorp-
tion atomique avec comme sources d’atomisation la flamme et le four, et la
spectrométrie de fluorescence atomique. Les spectres de raies atomiques sont
liés à la production ou à l’absorption de photons. Les photons peuvent être
facilement transportés sur de longues distances, et leur collecte est facile, et
cela en utilisant une optique très simple, miroir ou lentille. Les photons n’ont
pas de masse, ce qui signifie qu’ils ne produiront pas d’effets de mémoire ou
de phénomènes d’implantation, par exemple au niveau du détecteur. Pour
pouvoir identifier les raies émises et mesurer leur intensité, il est nécessaire de
pouvoir quantifier le nombre de photons mis en jeu. C’est le rôle du détecteur
de pouvoir transformer les photons en un signal, généralement électrique,
signal qui pourra ensuite être amplifié, traité et utilisé dans les logiciels des
systèmes. Les différents détecteurs de photons actuellement utilisés en spec-
trométrie atomique analytique seront décrits dans cet article.
Parution : décembre 2011

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est strictement interdite. – © Editions T.I. P 2 895 – 1

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DÉTECTEURS DE PHOTONS EN SPECTROMÉTRIE ATOMIQUE ________________________________________________________________________________

1. Historique hν
Dynode
Historiquement, l’œil a été le premier détecteur utilisé (spectros-
copie). Sa sensibilité est limitée par définition au domaine du
visible (400-700 nm) et si l’œil peut comparer des intensités entre e
elles, il ne peut évaluer de façon précise une intensité absolue. Anode
Fenêtre
Néanmoins, l’œil est un détecteur sensible, en particulier à la

1
Cathode
lumière jaune, et au XIXe siècle, on a pu détecter quelques mg/L de
Na dans une flamme. La spectrométrie atomique analytique, en
l’occurrence la spectrométrie d’émission, n’a pu devenir quantita-
tive qu’avec l’utilisation de la plaque photographique (spectrogra-
phie). La plaque photographique présente beaucoup d’avantages, HT
en particulier le nombre d’informations qui peuvent y être sto-
ckées. Il est facile d’enregistrer plusieurs spectres complets dans
une large gamme de longueurs d’onde. En revanche, la plaque
nécessite un développement pour révéler l’information, sa dyna-
mique de mesure est très faible et son utilisation pour de l’analyse Cathode Dynodes
quantitative nécessite l’emploi d’un densitomètre et la détermi-
Anode
nation d’une courbe caractéristique. La plaque photographique a
été progressivement abandonnée au profit de détecteurs effec-
tuant une conversion photons-électrons, ce qui permet de générer Figure 1 – Schéma de principe d’un tube photomultiplicateur
un courant proportionnel au nombre de photons (spectrométrie).
Parmi ces détecteurs, le tube photomultiplicateur a connu une
expansion rapide après la seconde Guerre mondiale, ce qui a for- et le fluorure de magnésium. La sélection se fait selon la limite
tement contribué au développement commercial, tout d’abord de inférieure du domaine de longueur d’onde d’intérêt, c’est-à-dire
la spectrométrie d’émission, et ensuite de la spectrométrie 300 nm pour le verre, 185 nm pour le verre spécial UV, 160 nm
d’absorption atomique. Plus récemment, la détection multicanal, pour la silice fondue et 115 nm pour le fluorure de magnésium. Le
fondée sur les détecteurs à transfert de charge, a connu un déve- fluorure de magnésium est utilisé de préférence aux autres halogé-
loppement important et est actuellement implantée dans la majo- nures d’alcalins, car il est le moins sensible à l’humidité,
rité des systèmes commerciaux de spectrométrie d’émission c’est-à-dire aux phénomènes de déliquescence.
fondés sur l’utilisation d’un Plasma à Couplage Inductif (ICP) ou
produit par LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectrometry ), et
d’étincelles, et sur quelques appareils de spectrométrie d’absorp- 2.2 Photocathode
tion atomique.
Quel que soit le détecteur, le domaine idéal de longueur d’onde Les premières photocathodes sont apparues dans les années
se situe entre 120 et 770 nm en spectrométrie d’émission atomique 1920. Le principe de la photocathode est fondé sur l’effet photo-
et entre 190 et 900 nm en spectrométrie d’absorption atomique. électrique. L’énergie cinétique maximale des électrons émis par
une photocathode éclairée par un rayonnement de longueur
d’onde λ est donnée par la relation d’Einstein :

2. Tubes E=
hc
− W0
λ
photomultiplicateurs
avec E (J) énergie cinétique maximale,
Un tube photomultiplicateur [1] est un détecteur qui, d’une part, h constante de Planck,
convertit les photons émis par la source de rayonnement en élec- c vitesse de la lumière,
trons, et d’autre part, amplifie ces électrons pour produire un cou-
rant proportionnel au nombre de photons incidents. Cette W0 fonction de travail photoélectrique caractéristique du
technologie date de 1936. Un tube photomultiplicateur est matériau utilisé (varie entre 2,14 eV pour le césium et
constitué d’une enceinte sous vide (10–4 ·Pa) qui comprend 5,9 eV pour le sélénium).
(figure 1) : Il existe deux types principaux de photocathodes : les photoca-
– une fenêtre d’entrée transparente au rayonnement à étudier ; thodes situées en bout du tube (head-on ) et les photocathodes
– une cathode photoémissive qui convertit par effet photo- situées latéralement (side-on ). La plupart des fenêtres en bout
électrique des photons en électrons ; sont du type à transmission, c’est-à-dire que la photocathode est
– des électrodes de focalisation électrostatique pour diriger les semi-transparente (les électrons sont émis de l’autre côté par rap-
électrons ainsi produits vers le multiplicateur d’électrons ; port aux photons incidents) et est produite par dépôt sur la partie
– un multiplicateur d’électrons, constitué d’une série de dynodes intérieure de la fenêtre d’entrée. Elles sont de forme circulaire. Les
portées à des hautes tensions positives et croissantes, et où les photocathodes latérales sont généralement de forme rectangulaire
électrons sont multipliés par émission secondaire ; et opaques pour obtenir un mode par réflexion, les électrons étant
– une anode qui collecte les électrons à la sortie de la dernière émis du même côté que les photons incidents.
dynode. Une caractéristique importante d’une photocathode est sa
réponse spectrale. Elle est généralement exprimée en efficacité
quantique (QE ), qui est le rapport entre le nombre d’électrons pro-
2.1 Fenêtre duits et le nombre de photons incidents. On exprime cette efficacité
quantique en pourcentage. Le maximum de l’efficacité quantique
Son matériau dépend du domaine de longueur d’onde d’intérêt, est de l’ordre de 30 à 40 %. Une autre manière d’exprimer la réponse
en particulier de la réponse spectrale dans l’UV. Les quatre princi- spectrale est la sensibilité radiante S (radiant sensitivity ) qui
paux matériaux utilisés sont le verre, le verre spécial UV, la silice compare le courant I (mA) produit par les photoélectrons à la

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P2895

_________________________________________________________________________________ DÉTECTEURS DE PHOTONS EN SPECTROMÉTRIE ATOMIQUE

puissance radiante P (W) des photons incidents. Pλ/hc photons par

Sensibilité radiante de la cathode (mA/W)


seconde produit un courant I :


I= QE × e

Efficacité quantique (%)


hc
100
R955 Sensibilité
avec e charge de l’électron.
radiante
La sensibilité S est alors :

1
de la cathode

I QE × λ
S= =
P 124 10
avec S en mA/W, QE en pourcentage et λ en nm. R928

Un QE de 20 % à 400 nm est équivalent à une sensibilité de Efficacité quantique


64,5 mA/W.
À l’origine, la réponse spectrale est décrite à l’aide du nombre
« S » [2]. Les tubes utilisés dans les années 1960 (par exemple 1
1P21 et 1P28 de RCA) avaient des photocathodes du type Cs-Sb
(réponse S-5). Compte tenu du nombre de photocathodes actuel-
lement disponibles, la nomenclature se fonde plutôt sur le type de
matériau utilisé pour la photocathode, ainsi que sur celui de la
fenêtre (trois chiffres suivis d’une lettre, K pour le verre, U pour le
verre UV, S pour la silice et M, pour MgF2). La réponse S-5 est 0,1
devenue 350 U. Les photocathodes du type bi-alcalin (avec deux
alcalins utilisés), K2CsSb, Na2KSb, RbCsSb, KCsSb (réponse 400)
permettent de descendre à 185 nm, alors que les multi-alcalins
comme NaKCsSb (réponse 500) vont de 160 à 930 nm dans le cas
d’une fenêtre en silice (réponse 500S). Ces dernières photocatho-
des sont certainement les plus polyvalentes. Un exemple de 0,01
réponse spectrale est donné dans la figure 2 pour deux tubes cou- 100 200 300 400 500 600 700 800 900 1 000
ramment utilisés, les R928 et les R955 (tableau 1). Il est nécessaire Longueur d’onde (nm)
d’utiliser des photocathodes du type CsTe (réponse 200S) ou CsI
(réponse 100M) pour descendre jusqu’à 115 nm. En revanche, la Figure 2 – Exemple de courbes de réponse spectrale pour les tubes
limite supérieure de ces deux matériaux est très basse, respecti- photomultiplicateurs R928 et R955 (doc. Hamamatsu Photonics)
vement 320 nm et 200 nm. Ces photocathodes sont donc insen-
sibles aux longueurs d’onde localisées dans le domaine du visible.
C’est pourquoi les tubes photomultiplicateurs équipés de telles Si les photomultiplicateurs à photocathode latérale ne font appel
photocathodes sont appelés tubes aveugles (solar blind ). qu’à la cage circulaire, ceux à photocathode en bout peuvent avoir
trois conceptions différentes. Le choix dépendra des performances
demandées, gain, encombrement, temps de réponse.
2.3 Multiplicateur d’électrons
Dans un multiplicateur d’électrons, les électrons secondaires sont 2.4 Anode de collection
créés par impact des photoélectrons sur la première dynode (ou
L’anode sert à collecter le courant produit en sortie du multipli-
électrode à émission secondaire), puis accélérés par le champ élec-
cateur d’électrons. Les courants sont au maximum de l’ordre de
trostatique vers la seconde dynode où ils agissent comme électrons
0,01 à 0,1 mA. Ce courant peut être lu directement par un électro-
primaires pour créer de nouveaux électrons secondaires, et cela
mètre ou picoampèremètre, ou débité dans une résistance de
jusqu’à la dernière dynode. Une cascade est ainsi créée, dont
charge pour être transformé en tension. La mesure peut s’effectuer
l’amplitude est proportionnelle au nombre de dynodes et à la ten-
de façon analogique, en mesurant le courant ou la tension en
sion appliquée à chaque dynode. La tension maximale appliquée à
fonction du temps, ou par comptage des impulsions correspon-
chaque dynode se situe dans la gamme 150-250 V. Chaque dynode
dant à l’arrivée des électrons. En spectrométrie atomique analy-
est recouverte d’un matériau permettant une émission secondaire
tique, les signaux sont la plupart du temps intégrés sur une
d’électrons, tel que des alliages BeCu et SbCs. Le coefficient d’émis-
certaine période à partir d’un signal analogique. Il serait pourtant
sion secondaire δ est le rapport du nombre des électrons secondai-
judicieux d’utiliser le mode comptage, car l’analyse chimique fai-
res sur le nombre d’électrons incidents. Il est égal à 5 dans le cas de
sant appel à de la statistique pour mesurer la répétabilité et les
BeCu et pour une tension de 200 V. Si n est le nombre de dynodes,
limites de détection, il y aurait ainsi un accès direct aux phéno-
avec n compris généralement entre 9 et 13, le gain G est alors :
mènes statistiques.
G = δn
Il existe quatre types principaux de multiplicateurs d’électrons :
2.5 Performances des tubes
– cage circulaire (circular-cage type ), généralement utilisée avec
photomultiplicateurs
une photocathode latérale, conduisant à un dessin compact et un Pour des applications analytiques, plusieurs caractéristiques
temps de réponse très rapide ; sont à considérer :
– rideau vénitien (venetian blind type ), utilisé avec une photoca-
thode en bout, généralement de grande dimension ; – domaine de longueur d’onde ;
– boîte et grille (box-and-grid type ), également avec une photo- – gamme de haute tension et gain d’amplification ;
cathode en bout ; – phénomène d’hystérésis ;
– focalisé linéairement (linear focused type ) pour obtenir une – valeur et fluctuation du courant d’obscurité ;
très bonne résolution temporelle et un gain maximal. – encombrement du tube.

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1

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Spectrométrie d’émission
des rayons X. Fluorescence X
1
par Jacques DESPUJOLS
Ingénieur E.C.P., Ingénieur-Docteur, Docteur ès sciences
Ancien Professeur à l’Université de Reims-Champagne-Ardenne

1. Principes de la spectrométrie d’émission X..................................... P 2 695 - 2


1.1 Raies d’émission X ...................................................................................... — 2
1.2 Différents types de spectromètres X.......................................................... — 4
1.3 Procédés d’excitation des spectres X ........................................................ — 5
2. Spectromètres de fluorescence X usuels ......................................... — 7
2.1 Constitution des spectromètres à dispersion de longueur d’onde ......... — 7
2.2 Constitution des spectromètres à dispersion d’énergie .......................... — 8
3. Pratique de l’analyse............................................................................... — 10
3.1 Analyses qualitative, quantitative et semi-quantitative ........................... — 10
3.2 Préparation des échantillons ...................................................................... — 11
3.3 Étalonnage et corrections ........................................................................... — 11
3.4 Opérations automatiques et manuelles..................................................... — 12
4. Que peut-on attendre de la spectrométrie des rayons X ?........... — 13
4.1 Éléments envisageables, matrices, teneurs .............................................. — 13
4.2 Interférences possibles dues à la superposition de raies ........................ — 13
4.3 Précision et sensibilité................................................................................. — 14
4.4 Durée et coût................................................................................................ — 14
4.5 Comparaison avec les autres méthodes.................................................... — 15
5. Exemples .................................................................................................... — 15
5.1 Industrie minière et cimenteries................................................................. — 15
5.2 Métallurgie ................................................................................................... — 15
5.3 Chimie et géologie....................................................................................... — 15
5.4 Biologie et médecine................................................................................... — 16
5.5 Études de pollution...................................................................................... — 16
5.6 Analyses de surfaces et de couches minces ............................................. — 17
5.7 Microscopie X analytique ........................................................................... — 17
6. Conclusion ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 695

D epuis 1895, date de la découverte du rayonnement X par W. Röntgen, les


nombreux travaux concernant aussi bien l’émission de ce rayonnement que
son interaction avec la matière ont conduit au développement de puissantes
méthodes d’analyse, utilisables en laboratoire de recherche ou de contrôle, et
même dans certains cas in situ.
■ La diffusion des rayons X par la matière permet, notamment par l’observation
de phénomènes d’interférence (diffraction), de connaître l’organisation interne
Parution : septembre 2000

de celle-ci, et d’étudier la structure des cristaux et des molécules ; elle permet


aussi la détection et l’étude des contraintes et des défauts dans de nombreux
matériaux.

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P2695

SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________

■ L’absorption du rayonnement X dépendant non seulement de la nature et,


dans une moindre mesure, de la structure des matériaux constituant l’absor-
bant, mais aussi de la longueur d’onde du rayonnement, les techniques spectro-
métriques sont utilisées avec profit pour l’analyse chimique élémentaire
(analyse par spectrométrie X d’absorption) ainsi que pour l’analyse de structure
des molécules (Extended X-ray Absorption Fine Structures, ou EXAFS et X-ray
Absorption Near Edge Structures, ou XANES).

1 ■ Mais ce sont les spectres d’émission qui ont conduit aux techniques les plus
performantes pour l’analyse qualitative et quantitative élémentaire de la matière
solide ou liquide ; les appareils correspondants diffèrent suivant le procédé
d’excitation des spectres :
— l’excitation électronique (on dit aussi cathodique) est utilisée actuellement,
essentiellement, dans les microsondes électroniques et dans les microscopes
électroniques analytiques, notamment dans les microscopes électroniques à
balayage (voir les articles correspondants dans ce traité) ;
— l’excitation à l’aide d’un tube à rayons X ou de radioéléments a donné lieu
à toute une constellation d’appareils d’analyse que nous étudierons dans cet
article. Nous verrons que ces appareils, utilisés tout d’abord principalement
dans les industries métallurgiques, minières, pétrolières et dans les cimenteries,
sont devenus maintenant universels ;
— enfin d’autres procédés d’excitation, demandant des installations plus lour-
des [79] [80], sont aussi utilisés avec succès pour l’analyse.

1. Principes de la Les énergies des niveaux internes sont très peu modifiées par la
liaison chimique.
spectrométrie d’émission X
1.1.2 Transitions entre niveaux
Concernant les études de structures par rayons X, le lecteur
Sous l’influence d’un événement venant de l’extérieur (arrivée
pourra se reporter aux articles [76] [77] [78] [79].
d’une particule chargée ou d’un rayonnement d’énergie suffisante),
un électron du cortège électronique d’un atome, situé sur un certain
niveau d’énergie Ex (rappelons que cette énergie est négative), peut
être arraché de la couche à laquelle il appartient. La place libre est
1.1 Raies d’émission X susceptible d’être comblée par un électron situé sur un autre niveau
d’énergie Ey > Ex , avec émission d’un rayonnement électromagnéti-
que ; la fréquence ν de celui-ci, est telle que :
On trouvera la description des spectres d’émission X dans l’article
[81] de ce traité. Nous nous contenterons de rappeler ici ce qui est hν = Ey – Ex = |Ex| – |Ey|
nécessaire pour la compréhension de la suite de cet article.
avec h (6,626 × 10–34 J · s) constante de Planck.
ν étant donc bien défini, cette émission donne lieu à une « raie ».
1.1.1 Niveaux d’énergie des électrons atomiques À chaque couche correspond une « série » de raies (tableau 1).
Les transitions correspondant aux raies les plus intenses sont cel-
Les électrons constituant le cortège électronique des atomes les qui obéissent aux règles de sélection optiques. Le lecteur pourra
libres sont situés sur des niveaux d’énergie bien définis, correspon- se reporter utilement à l’article [83] dans le traité Constantes phy-
dant aux différentes couches (K, L, M, etc.) et sous-couches : sico-chimiques. On désigne les raies soit par la dénomination des
— deux électrons, au maximum, sont sur la couche K (la plus niveaux Ex et Ey (par exemple, K-L3 [18]), soit par un symbole débu-
énergétique en valeur absolue) ; tant par la dénomination de la série (K, L, M...) dont il fait partie ; les
— huit, au maximum, se trouvent sur la couche L, subdivisée en raies les plus intenses des séries K et L sont les raies Kα1 et Lα1.
sous-couches L1 , L2 et L3 ;
— dix-huit, au maximum, remplissent la couche M, subdivisée en
sous-couches M1 , M2 , M3 , M4 , M5 , etc. 1.1.3 Longueurs d’onde. Loi de Moseley
Ces niveaux ont une certaine largeur, en général négligeable sauf
pour les sous-couches les plus externes (c’est-à-dire les moins éner- À chaque raie, pour un atome donné, correspond une fréquence ν,
gétiques en valeur absolue) qui interviennent dans la liaison chimi- donc une longueur d’onde λ = c/ν bien définie, c étant la vitesse des
que. ondes électromagnétiques dans le vide.

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_______________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X

Tableau 1 – Spectres d’émission K et L du molybdène (Z = 42)


Série K Série L

Raie (1) λ E I Raie (1) λ E I Raie (1) λ E I

(pm) (keV) (nm) (eV) (nm) (eV)


K – L2
K – L3
Kα2
Kα1
71,36
70,93
17,37
17,48
52
100
L3 – M 1
L3 – M 4
L,
Lα1
0,6151
0,5414
2 016
2 290 11
4 L2 – M1
L2 – M4

Lβ1
0,5848
0,5177
2 120
2 395 43
1
1
K – M2 Kβ3 63,29 19,59 8 L3 – M 5 Lα1 0,5407 2 293 100 L2 – N4 Lγ1 0,4726 2 623 2
K – M3 Kβ1 63,23 19,61 17 L3 – N5 Lβ2 0,4923 2 518 4 abs. L2 0,4718 2 628
K – M4, 5 Kβ5 62,70 19,77 abs. L3 0,4913 2 524
K – N2, 3 Kβ2 62,10 19,97 5 L1 – M2 Lβ4 0,5049 2 456 3
K – N4, 5 Kβ4 62,01 19,99 L1 – M3 Lβ3 0,5013 2 473 5
abs. K 61,98 20,00 abs. L1 0,4299 2 884
(1) abs. K, abs. L3 , abs. L2 , abs. L1 : discontinuités d’absorption

On a souvent besoin de la relation entre la longueur d’onde et


l’énergie E d’une raie ; celle-ci est presque toujours mesurée en
électronvolts (eV) :

1 eV = 1,602 × 10–19 J.
Tous calculs faits, cette relation est :
λ (nm) = 1 239,85/E (eV) ;
la relation approchée
λ (nm) = 1 240/E (eV)
est en général suffisante.
Les longueurs d’onde de presque toutes les raies des éléments
connus ont été mesurées avec précision et tabulées (cf. article [82]
dans le traité Constantes physico-chimiques) ; on les exprime sou-
vent encore en angströms (Å) ; l’unité X (uX) n’est plus utilisée [18] :

1 Å = 10–10 m = 0,1 nm Figure 1 – Longueurs d’onde et énergies des raies d’émission Kα1,
Lα1 et Mα, ainsi que des discontinuités d’absorption K, L1 et M3,
1 uX = 1,002 1 × 10–4 nm pour les différents éléments en fonction de leur numéro atomique Z

À titre d’exemple sont consignées dans le tableau 1 les longueurs


d’onde, les énergies et les intensités relatives des principales raies
des séries K et L du molybdène (Z = 42) ; ne figurent pas dans ce avec k constante,
tableau les raies L dont les intensités relatives sont inférieures à 1 %, Z numéro atomique,
la raie la plus forte Lα1 étant prise comme référence. Sont notées ν fréquence,
aussi dans ce tableau les énergies et les longueurs d’onde corres-
pondant aux niveaux K, L1 , L2 et L3 ; ces dernières constituent des σ constante d’écran voisine de l’unité pour la série K.
limites inférieures pour les longueurs d’onde des raies de la série K
et des sous-séries L1, L2 et L3 ; notées « abs. » dans le tableau 1, 1.1.4 Effet de la liaison chimique
elles correspondent aux discontinuités d’absorption étudiées au
paragraphe 1.3.3. On peut remarquer que les longueurs d’onde des Nous avons parlé jusqu’à présent de l’atome libre ; la liaison chi-
raies Kα1 et Kα2 sont très proches l’une de l’autre ; elles ne sont en mique déplace légèrement les niveaux atomiques dans les
général pas séparées par les spectromètres usuels et constituent le composés ; ce phénomène est utilisé notamment dans l’ESCA.
doublet Kα1, 2 , appelé simplement Kα ; cette remarque est valable
pour tous les éléments, le rapport des intensités des deux compo- Le changement de configuration des électrons de valence conduit
santes de ce doublet est toujours voisin de 2. D’autres doublets sont en effet à des modifications d’énergie de l’ordre de quelques
aussi observables. électronvolts : l’énergie de liaison est augmentée quand des élec-
trons sont perdus et diminuée quand des électrons sont ajoutés ;
Les énergies, donc les longueurs d’onde, de toutes les raies, peu- cela se traduit par des déplacements des discontinuités d’absorp-
vent être reliées au numéro atomique Z des éléments (figure 1) à tion, qui se font, dans le cas des métaux, vers les grandes énergies
l’aide des nombres quantiques et de constantes d’écran ; la relation et croissent approximativement proportionnellement à la valence
approchée la plus simple avait été trouvée par H.G.J. Moseley en du cation (règle de Kunzl), à moins d’être supprimés par le caractère
1913 : covalent de la liaison ou augmentés s’il se forme une liaison métal-
métal. Les niveaux de chaque atome sont en général déplacés dans
ν = k (Z – σ ) le même sens ; les plus affectés sont ceux des électrons qui partici-

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SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION DES RAYONS X. FLUORESCENCE X ________________________________________________________________________________

pent à la liaison : ce sont les moins profonds ; les transitions partant de Soller sont alors inutiles ; le domaine de longueurs d’onde
de ces niveaux correspondent aux raies proches des discontinuités exploré et la luminosité sont relativement faibles, et les réglages
d’absorption. On peut donc mesurer les déplacements de certaines sont délicats ; les spectromètres à deux cristaux sont donc réservés
raies, notamment dans le domaine des grandes longueurs d’onde, à des études de spectrométrie fine.
avec des spectromètres de résolution suffisante [16]. De nombreu-
ses applications, notamment en chimie analytique, en découlent 1.2.1.2 Spectromètres à cristal courbé
(cf. § 5.3).
Conçus à l’origine pour des enregistrements de spectres sur des

1
émulsions photographiques, sans aucune pièce mobile, ils ont été
modernisés et sont utilisés notamment dans les microsondes. Le
1.2 Différents types de spectromètres X cristal est courbé suivant une portion de cylindre de rayon R, ce qui
permet une focalisation du rayonnement réfléchi sur un cylindre de
L’analyse d’un faisceau de rayons X polychromatique exige la pré- rayon R/2, analogue au cylindre de Rowland bien connu en spectro-
sence d’un système dispersif ; deux types de systèmes se font métrie optique. Les faisceaux incident et réfléchi peuvent être du
concurrence : l’un utilise les phénomènes de diffraction des rayons même côté du cristal (spectromètres de Johann et de Johansson) ou
X par les cristaux (dispersion en longueur d’onde), et l’autre la sen- de part et d’autre (spectromètre de Cauchois). Ces spectromètres
sibilité de certains capteurs à l’énergie des photons détectés (disper- sont lumineux et possèdent une très bonne résolution. Leur réalisa-
sion en énergie, appelée encore, de manière plus correcte, sélection tion est cependant moins simple que celle des spectromètres à cris-
d’énergie). tal plan, car la distance entre cristal et détecteur doit être asservie à
l’angle θ.
Certains appareils combinent ces deux types de dispersion (on
parle alors de fluorescence multidispersive) ; la dispersion en éner- Un cristal courbé suivant un arc de spirale logarithmique donne
gie est alors employée de préférence pour les éléments de numéro une focalisation rigoureuse ; mais à chaque longueur d’onde doit
atomique élevé (Z > 20). correspondre alors un pas de spirale différent ; on a alors affaire à
un monochromateur plutôt qu’à un spectromètre. Cependant, dans
Sont commercialisés aussi des appareils utilisant un seul type de
certains appareils, le cristal est à courbure variable.
dispersion mais configurés en vue d’analyses spécifiques (minerais,
céramiques, huiles et produits pétroliers, plaquettes de silicium...).
1.2.1.3 Détecteurs

1.2.1 Spectromètres à dispersion en longueur Ces spectromètres sont toujours équipés d’un détecteur (comp-
teur) de photons. Le compteur Geiger, bien que peu coûteux et
d’onde d’emploi facile, n’est plus guère utilisé ; on lui préfère le compteur à
Le sigle anglais correspondant est WDS (Wave-length Dispersive scintillations et surtout le compteur proportionnel ; celui-ci peut être
Spectrometry ). Leur principe repose sur la réflexion sélective d’un soit de type scellé (pour les longueurs d’onde faibles ou moyennes),
faisceau de rayons X par un cristal avec utilisation de la loi de soit à flux gazeux (pour les grandes longueurs d’onde). Les détec-
Bragg : teurs linéaires ne sont pas encore utilisés de manière courante en
spectrométrie X.
n λ = 2d sinθ
Les impulsions électriques issues du compteur sont préampli-
avec d distance réticulaire du cristal analyseur pour la fiées, puis traitées comme un signal par une électronique associée.
réflexion utilisée,
λ longueur d’onde,
1.2.2 Spectromètres à dispersion d’énergie
2θ angle du faisceau réfléchi avec le faisceau
incident, Le sigle anglais correspondant est EDS (Energy Dispersive
n (nombre entier positif souvent égal à l’unité) Spectrometry ) ; ces spectromètres sont aussi quelquefois appelés
ordre de la réflexion. spectromètres non dispersifs. Ils ne comportent pas de pièce
mobile. L’organe essentiel est le détecteur ; celui-ci est sensible non
Ces spectromètres peuvent être à cristal plan ou à cristal courbé
seulement au flux mais encore à l’énergie hν des photons reçus : il
[19].
délivre des impulsions électriques de hauteur proportionnelle à hν ;
1.2.1.1 Spectromètres à cristal plan un sélecteur d’amplitude permet donc l’analyse en énergie du
rayonnement.
Le principe en a été donné il y a fort longtemps par W.L. Bragg. Le
cristal analyseur est taillé de manière que les plans réticulaires utili- Les détecteurs les plus utilisés sont le compteur proportionnel
sés soient parallèles à sa surface utile. Le faisceau incident étant et surtout le « silicium-lithium » (monocristal de silicium compensé
fixe, le balayage en longueur d’onde est effectué à l’aide d’une rota- partiellement au lithium), en abrégé Si (Li) ; ce dernier doit être
tion du cristal à vitesse angulaire ω, constante, associée à une rota- conservé de préférence au réfrigérateur en dehors des périodes
tion du détecteur à vitesse angulaire double 2ω. La direction du de fonctionnement et refroidi à l’azote liquide pendant les périodes
faisceau incident et très souvent celle du faisceau réfléchi sont défi- de fonctionnement. On peut cependant se contenter souvent d’un
nies à l’aide de canaliseurs dits fentes de Soller constitués par des refroidissement par effet Peltier.
ensembles de lames absorbantes parallèles et équidistantes, plus La résolution du spectromètre dépend essentiellement de la réso-
ou moins resserrées suivant la précision désirée sur l’angle θ. lution énergétique du détecteur ; soit E0 l’énergie nécessaire pour
Ce sont des considérations sur le pouvoir réflecteur, la résolution ioniser (ou créer une paire électron-trou dans le cas d’un semicon-
désirée et surtout le domaine de longueurs d’onde exploré qui ducteur) la partie active du détecteur ; un photon d’énergie E
déterminent le choix du cristal ; pour les très grandes longueurs absorbé par celle-ci crée en moyenne N = E/E0 charges ; la distribu-
d’onde, celui-ci peut être remplacé par un système formé par un tion du nombre de charges créées n’est pas tout à fait poisson-
empilement de monocouches orientées de sels d’acides gras (cou- nienne, car elle est adoucie par le facteur de Fano F < 1, qui tient
ches de Langmuir-Blodgett) ou de couches constituées alternative- compte des corrélations entre événements. L’écart type σN de la dis-
ment d’éléments de numéros atomiques très différents, par tribution des charges ainsi que l’écart type σ pour l’énergie sont
exemple, du carbone et du tungstène (systèmes « multicouches »). donnés par :
Des spectromètres de très grande résolution peuvent être obte- 2
nus à l’aide de deux cristaux ; le premier cristal est fixe, et les fentes σN = FN et σ 2 = FEE0

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P 2 695 − 4 © Techniques de l’Ingénieur, traité Analyse et Caractérisation

28
Référence Internet
P2825

Spectrométrie d’absorption
atomique
1
par Jacques VANDEGANS
Docteur en sciences de l’université de l’État à Liège
Professeur et chef du service de Chimie analytique à l’Institut Meurice, Bruxelles

Anne-Marie de KERSABIEC
Docteur de l’université Pierre-et-Marie-Curie
Ingénieur au Laboratoire de géochimie et métallogénie à l’université Pierre-et-Marie-Curie
(CNRS, URA 1762), Paris
et Michel HOENIG
Docteur en sciences de l’université des Sciences et Techniques de Lille-Flandres-Artois
Chef de travaux agrégé au Centre d’études et de recherches vétérinaires et agronomiques
du ministère de l’Agriculture (CERVA), Tervuren

1. Lois fondamentales de la spectrométrie d’absorption


atomique ..................................................................................................... PE 2 825 - 2
2. Appareillage ............................................................................................... — 6
3. Perturbations en SAA.............................................................................. — 26
4. Correction des perturbations ................................................................ — 29
5. Étalonnage .................................................................................................. — 44
6. Propriétés de la méthode ....................................................................... — 46
7. Applications analytiques ........................................................................ — 48
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. PE 2 825

L e choix d’une méthode analytique de dosage est avant tout conditionné par
la nature de l’échantillon à analyser, par la concentration présumée de l’ana-
lyte, par les interférences potentielles dues à la matrice. À cela, il faut ajouter les
besoins associés à la cadence des analyses ainsi que le coût et les moyens dis-
ponibles pour l’investissement. Aucune technique ne pourra satisfaire tous ces
critères.
Parmi toutes les techniques disponibles à ce jour pour l’analyse minérale des
éléments en solution, les plus répandues sont la spectrométrie d’absorption
atomique (SAA), la spectrométrie d’émission atomique avec plasma induit (SEA/
ICP) auxquelles nous pouvons ajouter les méthodes électrochimiques ainsi que
la chromatographie ionique et l’électrophorèse capillaire.
En termes de sensibilité la SAA électrothermique (SAAE) offre des performan-
ces comparables à celles de l’électrochimie, polarographie et voltamétrie. Dans
la plupart des cas, les limites de détection avoisinent le µg/dm3 et, à l’heure
actuelle, la maîtrise des interférences permet de réaliser l’analyse de milieux fort
complexes et chargés en sel.
C’est grâce au développement de systèmes efficaces de correction des absorp-
tions non spécifiques (ANS), à l’apport considérable de l’informatique et à une
Parution : mars 1997

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meilleure connaissance des phénomènes se déroulant avant et pendant l’atomi-


sation, que la SAA a atteint aujourd’hui sa maturité.
Après un bref rappel théorique, cet article reprend une description approfon-
die de l’appareillage, comprenant tous les développements récents. On aborde
ensuite les problèmes liés aux interférences et aux moyens de les mettre en évi-
dence et de les corriger. Un examen détaillé des propriétés de la méthode (sen-
sibilité, limite de détection...) termine cette mise au point.
1

1. Lois fondamentales E0 = 0 niveau fondamental pris comme niveau de


référence.
de la spectrométrie
d’absorption atomique
Tableau 1 – Population de l’état excité pour différents
métaux et à différentes températures
1.1 Principes de base
Raie de Potentiel N1/N0
résonance d’excitation P1/P0
Un atome, initialement à l’état fondamental, peut passer dans un (nm) (eV) 2 000 K 3 000 K 4 000 K
état excité à condition qu’on lui fournisse un quantum d’énergie Cs 852,1 1,46 2 4,44 x 10− 4 7,24 x 10− 3 2,98 x 10− 2
égal à la différence d’énergie entre le niveau excité et le niveau fon-
damental (figures 1 et 2). L’énergie fournie peut être d’origine ther- Na 589,0 2,11 2 9,86 x 10− 6 5,88 x 10− 4 4,44 x 10− 3
mique, cinétique (entraînant des collisions entre particules) ou Ca 422,7 2,93 3 1,21 x 10− 7 3,69 x 10− 5 6,04 x 10− 4
lumineuse. S’il s’agit d’énergie non lumineuse, l’atome pourra se
retrouver dans l’un ou l’autre état excité E1, E2, E3... suivant la quan- Zn 213,8 5,80 3 7,29 x 10−15 5,38 x 10− 10 1,48 x 10− 6
tité d’énergie qui aura été absorbée. La population sur chaque
niveau par rapport à la population du niveau fondamental obéit à la
loi de distribution de Maxwell-Boltzman :
(Nn / N0) = (Pn / P0) exp (− En / kT )
La spectroscropie d’absorption atomique est basée sur le principe
avec Nn nombre d’atomes sur l’état excité n, qu’une population d’atomes à l’état E0 peut absorber des photons
d’énergie hν et qu’une estimation du nombre de photons absorbés
N0 nombre d’atomes sur l’état fondamental 0, peut être reliée à la concentration de l’élément dans la solution à
Pn et P0 poids statistiques de l’état excité et de l’état analyser.
fondamental,
En énergie de l’état n par rapport à l’état Les figures 1 et 2 schématisent très succinctement le principe de
fondamental ou potentiel d’excitation, l’absorption atomique. Une population d’atomes est générée dans
un atomiseur. Cette population est éclairée par un rayonnement
k constante de Boltzmann (1,380 658 10−23 J · K−1), lumineux de longueur d’onde λ0 = 1/E1 · c et d’intensité I0. Lors du
T température absolue en kelvins. passage de ce rayonnement au travers du nuage atomique, les ato-
mes au niveau fondamental E0 peuvent absorber de la lumière de
Le tableau 1 présente quelques valeurs de N1/N0 pour certains
éléments à différentes températures. Nous voyons que le premier telle sorte que, à la sortie du nuage, l’intensité lumineuse est égale
niveau excité est en général extrêmement peu peuplé même à des à I (figure 1). La longueur d’onde n’a pas changé. Les atomes qui
températures élevées. L’énorme majorité des atomes se trouve donc sont passés à l’état excité E1 vont très rapidement (10−5 à 10−9 s)
à l’état fondamental. revenir à l’état fondamental en émettant un photon de même éner-
gie que celle de celui qui a été absorbé et, par conséquent, à la
Si nous fournissons le quantum d’énergie nécessaire pour passer même longueur d’onde λ0. Cette émission se fait dans toutes les
de E0 à E1 (figure 2) au moyen d’un photon, ce photon pourra être directions et notamment à 90˚ du rayonnement incident. Elle a une
absorbé par l’atome à la condition que l’énergie du photon soit intensité F. Elle est à la base d’une technique quelque peu tombée
égale à la différence d’énergie entre les deux états E1 et E0, c’est-à- en désuétude et appelée la spectroscropie de fluorescence atomi-
dire au potentiel d’excitation relatif au premier niveau :
que.
hν = E1 − E0 = E1
On définit l’absorbance A comme suit :
avec h constante de Planck (6,626 0755 10− 34 J · s),
ν fréquence de l’onde lumineuse en s−1, A = lg (I0 /I)

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et il a été montré que l’absorbance obéit à une loi de proportionna-


lité du type de la loi de Beer-Lambert,

A = K , N0

avec K coefficient d’absorption ou section efficace de


capture d’un photon,

1
, longueur du chemin optique dans l’atomiseur,
N0 nombre d’atomes à l’état fondamental par unité
de volume dans l’atomiseur.

Figure 1 – Principe général de l’absorption atomique

Figure 2 – Schéma simplifié des niveaux d’énergie et des transitions


électroniques possibles
La grandeur qui intéresse l’analyste n’est pas N0, mais la concen-
tration C de l’analyte dans la solution à analyser. Il faut donc trouver
une relation de proportionnalité entre N0 et C. Or, en solution, l’ana-
lyte est sous forme ionique. Le rôle de l’atomiseur sera de transfor- Nous ne reviendrons par sur la théorie du coefficient d’absorp-
mer aussi complètement que possible les ions en atomes à l’état tion, celle-ci, étant complètement décrite dans les ouvrages spécia-
fondamental. C’est cette transformation qui est à l’origine d’un nom- lisés [3, 4].
bre très important d’interférences.

Évolution de la méthode
À la fin des années 1950, le chimiste ne disposait guère de Parallèlement à ces développements du four, l’usage et les per-
méthodes d’analyse de traces en solution et il était extrêmement fectionnements des correcteurs d’absorptions non spécifi-
difficile de doser un élément dont la concentration avoisinait ques (ANS), ont contribué à augmenter la qualité des mesures.
1 mg/dm3. Si les services de développement des constructeurs ont joué un
rôle primordial, il ne faut certes par négliger l’apport de l’électroni-
Quoique connues depuis fort longtemps, puisque découvertes
que et de l’informatique modernes. Au niveau de l’électronique,
par Bunsen au milieu du siècle passé, les applications analytiques
c’est surtout l’amélioration du traitement du signal par abaisse-
de la spectrométrie d’absorption atomique ne firent leur apparition
ment de la constante de temps qui est remarquable. L’informati-
qu’un siècle plus tard. Il fallut notamment attendre les travaux de
que a surtout permis la visualisation des signaux d’absorption en
Walsh [1] et de Alkemade [2] pour assister aux premiers dévelop-
fonction du temps.
pements de l’analyse quantitative par spectrométrie
d’absorption atomique avec flamme (SAAF). Avec cette tech- Enfin, toujours pour réduire les interférences, l’addition de
modificateurs s’est avérée être un excellent moyen.
nique, le dosage de concentrations de l’ordre de 1 mg/dm3 devient
facilement réalisable. À l’origine, la SAA était une méthode d’analyse essentiellement
monoélémentaire. La cadence analytique était donc relativement
Ce sera l’apparition du four en graphite dans les années 1970, et faible. Sans atteindre dans ce domaine les performances de l’émis-
donc de la spectrométrie d’absorption atomique électrother- sion atomique dans un plasma induit, l’introduction récente sur le
mique (SAAE), qui permettra d’atteindre des teneurs bien plus marché d’appareils multiélémentaires a permis d’augmenter
basses. cette cadence de façon remarquable.
Si le four en graphite a apporté une amélioration considérable Quelles que soient les performances de l’appareillage, la qualité
des limites de détection, il a malheureusement compliqué l’ana- du résultat ne sera valable que si la préparation et l’introduction de
lyse en favorisant l’apparition d’interférences de tout type. Les l’échantillon sont correctement effectuées. L’introduction directe
développements de la SAAE sont tous dirigés vers la maîtrise et la de solides en SAAE, développée dans les années 1970 à 80, dispa-
correction de ces interférences. La qualité du graphite servant à la raît au profit de l’introduction d’échantillons solides en suspen-
confection des fours, l’introduction d’une plate-forme dans le tube sion. Dans ce cas, les étapes de préparation de l’échantillon sont
de graphite, la géométrie de l’atomiseur ainsi que son mode de fortement réduites. Enfin, l’usage de passeurs automatiques
chauffage, ont déjà considérablement abaissé le niveau des inter- d’échantillons permet d’améliorer la répétabilité des mesures, que
férences. ce soit pour les solutions ou les suspensions.

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1.2 Loi de proportionnalité

On a pu montrer que l’intensité transmise à la sortie de l’atomi-


seur obéit à une loi exponentielle :
I = I 0 exp – ( K , N 0 )

1
Dans la flamme, il y a toute une série d’espèces présentes. Soit N,
le nombre d’atomes présents sous quelque forme que ce soit :
N = N0 + Nn + Nmol + Nion + ...
avec Nn nombre d’atomes dans un état excité,
Nmol nombre d’atomes combinés sous une forme
moléculaire, Figure 3 – Schéma de base d’un appareil de spectrométrie
Nion nombre d’ions de l’analyte, d’absorption atomique
plus toute autre espèce pouvant exister dans la flamme.
On en déduit :
N0 = α N 2. Appareillage
où α est un coefficient de proportionnalité dépendant de la tempéra-
ture et, par conséquent, de la composition de la flamme ainsi que de
la hauteur d’observation. 2.1 Schéma général d’une installation
Les atomes arrivent dans la flamme sous forme de gouttelettes
produites lors de la nébulisation. Seule une fraction β de la solution
est utile à la mesure, le reste étant évacué par le drain. On peut en Tout instrument d’absorption atomique contient les mêmes élé-
déduire que : ments de base (figure 3), à savoir :
N = β NT — une source de lumière (source primaire) qui produit une radia-
tion caractéristique de l’élément à doser à la longueur d’onde λ0 ;
où NT est le nombre d’atomes d’analyte aspirés dans le nébuliseur
— un système pour moduler le rayonnement provenant de la
par unité de temps. Ce nombre NT est directement relié à la concen-
source ;
tration C de la solution étudiée par un facteur γ :
— un atomiseur dont le rôle est de produire un nuage d’atomes à
NT = γ C l’état fondamental ;
— un monochromateur qui sert à éliminer toutes les radiations
Nous pouvons donc en déduire que :
autres que celle à la longueur d’onde λ0 ;
N0 = α β γ C — un détecteur couplé à un système électronique pour enregis-
trer et traiter les signaux.
et, par conséquent, que :
À côté de ces éléments essentiels, nous trouvons l’un ou l’autre
I = I 0 exp – ( K , α β γ C ) complément suivant le degré de perfectionnement de l’appareil. Il
peut s’agir :
Si tous les paramètres d’aspiration, de nébulisation et de condi-
tions de flamme sont maintenus constants : — d’un diviseur de faisceau lumineux dans les appareils à double
faisceau ;
I = I0 exp − (K′ C ) — d’un correcteur d’absorptions non spécifiques (cf. § 4.1.1) ;
et, après transformation : — d’un système permettant la visualisation des signaux spécifi-
ques et non spécifiques.
A = lg (I0 /I) = k1 C
L’absorbance est directement proportionnelle à la concentration
de la solution et indépendante de l’intensité incidente. 2.2 Sources de lumière
Cela est vrai pour un rayonnement monochromatique, mais la loi
n’est vérifiée que dans un petit domaine de concentrations, rare-
ment plus d’un ordre de grandeur. 2.2.1 Rôle de la source et ses caractéristiques
En spectrométrie d’absorption atomique électrothermique de base
(SAAE), la loi de proportionnalité peut être prouvée de façon simi-
laire en tenant compte du mode différent d’introduction de
Le rôle de la source primaire est de produire une radiation lumi-
l’échantillon :
neuse à la longueur d’onde caractéristique de l’élément à doser
N0 = α′ NT (raie d’émission). Les photons émis à cette longueur d’onde caracté-
ristique pourront être absorbés dans l’atomiseur par la raie
avec α′ coefficient de proportionnalité dépendant des d’absorption. La raie d’émission doit répondre à deux critères de
conditions d’atomisation, base :
NT nombre total d’atomes introduits dans le four en — son intensité lumineuse doit être la plus élevée possible ;
graphite :
— sa largeur spectrale doit être très faible, la raie d’émission
NT = γ ′ C devant être plus étroite que la raie d’absorption.

avec γ ′ coefficient tenant compte du volume de solution introduit. ■ Premier critère : intensité lumineuse

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Par définition, l’absorbance vaut A = lg I0 /I où I0 est l’intensité


incidente et I l’intensité transmise. I est théoriquement plus petit
que I0 puisqu’une partie des photons a été absorbée (figure 2).
Deux autres grandeurs utilisées sont la transmittance et le
pourcentage de transmission.
La transmittance est la fraction de lumière qui est transmise (qui
n’a pas été absorbée) :
T = I/I0
Le pourcentage de transmission vaut :
1
T (%) = 100 I/I0
À partir de ces équations, on peut écrire que
A = lg 100/T
Théoriquement, les valeurs de A sont comprises entre 0 (aucune
absorption) et l’infini (absorption totale). En pratique, A est compris
entre 0 et 2, parfois 3. Au-delà, la lumière transmise a une intensité
beaucoup trop faible. Si, par exemple, A = 2, cela signifie qu’il n’y a Figure 4 – Principe de l’absorption de lumière dans la largeur
déjà plus que 1 % de la lumière incidente qui est transmise. Or, il ne de la bande passante du monochromateur suivant que la lumière
faut pas perdre de vue que, à la fin du trajet optique, il y a un détec- incidente est continue ou monochromatique
teur qui, pour répondre correctement, doit recevoir suffisamment de
lumière.
■ Deuxième critère : largeur spectrale de la raie
On a tenté, et l’on tente toujours d’ailleurs, d’utiliser des sources
lumineuses continues qui émettent un spectre continu dans tout le
domaine spectral (comme le font les lampes à filament de tungstène
dans le visible ou les lampes au deutérium ou au xénon dans l’UV).
L’utilisation de ces sources continues pose deux problèmes.
Même si ces lampes sont fort puissantes, l’intensité lumineuse est
répartie sur toute la largeur du spectre et, par conséquent, à la lon-
gueur d’onde caractéristique, elle n’est pas suffisante car c’est, bien
entendu, l’intensité I0 à la longueur d’onde caractéristique qui
importe.
L’autre problème est lié au monochromateur, dont la bande pas-
sante varie entre 0,2 et 2 nm ; elle est donc beaucoup plus large que
la raie d’absorption. Si la source lumineuse est continue, seule une
toute petite fraction de la lumière correspondant aux longueurs
d’onde de la raie d’absorption pourra être absorbée (figure 4). La
différence entre I0 et I sera alors faible et les mesures seront impré-
cises. Ce n’est donc plus uniquement la valeur de I qui importe mais
bien la valeur relative de I par rapport à I0.
Figure 5 – Schéma simplifié d’une lampe à cathode creuse
En fait, la largeur spectrale ∆ λ de la raie d’émission doit être plus
faible que celle de la raie d’absorption ∆ λ′. Si tel est le cas, tous les
photons provenant de la source sont absorbables par la raie
d’absorption dans l’atomiseur, quelle que soit leur longueur d’onde — d’une anode en W, Ni, Ta ou Zr ;
puisqu’ils sont compris dans ∆ λ′ et, à la limite, pour autant que tous — d’une cathode cylindrique en forme de petit godet d’environ
les photons rencontrent un atome, l’absorbance pourra être infinie. 1 cm de profondeur et de 3 à 5 mm de diamètre. Le fond de la
cathode, qui est la partie essentielle de la lampe, est usinée en l’élé-
Un très grand nombre de sources primaires ont été essayées
ment que l’on veut doser, ou recouvert de l‘élément ou d’un alliage
mais, en fin de compte, seulement quelques types de lampes sont
de celui-ci.
d’usage courant en absorption atomique.
L’air a été évacué hors de la lampe et remplacé par un gaz inerte,
Ne ou Ar, sous faible pression (0,5 à 1,3 kPa).
2.2.2 Lampes à cathode creuse
Une différence de potentiel comprise entre 100 et 400 V est appli-
quée entre l’anode et la cathode. Une décharge va apparaître entre
Les lampes à cathode creuse (Hollow Cathode Lamps, HCL) sont les deux électrodes, et cette décharge sera concentrée dans la
certainement les lampes les plus répandues, sauf pour certains élé- cathode qui va émettre des électrons hautement énergétiques. Ces
ments pour lesquels elles ne donnent pas satisfaction. électrons vont entrer en collision avec les atomes du gaz de remplis-
Bien qu’il existe de nombreuses variantes de construction d’un sage et vont l’ioniser, par exemple :
fabricant à l’autre, le principe de fonctionnement est toujours le
même (figure 5). Ar + e− → Ar+ + 2 e−
Les lampes sont constituées : Les ions Ar+ ou Ne+ vont ensuite être attirés par la cathode en
— d’un tube en verre d’une vingtaine de centimètres de long et de subissant une accélération importante. L’accélération va leur confé-
3 à 5 cm de diamètre, fermé à l’extrémité par une fenêtre de quartz rer une énergie cinétique telle que, en percutant le fond de la
transparente aux UV ; cathode, ils arracheront un atome de celle-ci.

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Les vapeurs métalliques confinées dans la cathode sont soumises 2.3 Atomiseurs
à un flux intense d’ions argon (ou néon) mais aussi d’électrons. Il en
résulte un grand nombre de collisions avec, pour conséquence, le
passage à l’état excité des atomes métalliques. De l’état excité, ils 2.3.1 Rôle de l’atomiseur
vont redescendre à l’état fondamental en émettant chacun un pho-
ton dont l’énergie dépendra de l’état excité auquel l’atome aura été
porté. La lumière émise par la lampe n’est donc pas monochromati- La lumière émise par la source primaire passe au travers de la cel-
que, mais est constituée de plusieurs raies caractéristiques de l’élé- lule d’absorption (l’atomiseur) où une partie de la lumière incidente

1 ment. Parmi celles-ci, la plus intense sera celle qui correspond à la est absorbée. Étant donné que la rayonnement incident provient de
transition la plus probable, c’est-à-dire celle qui fait intervenir le pre- transitions atomiques d’un élément, il ne peut être absorbé que par
mier niveau excité, à la longueur d’onde λ0. À ces raies s’ajoutent des atomes de cet élément (ou une autre espèce qui absorbe à la
celles du gaz de remplissage. même longueur d’onde, cf. § 3.1). Or, dans pratiquement tous les
cas, et surtout si l’échantillon est en solution, l’élément à doser n’est
pas à l’état atomique, mais bien à l’état ionique ou combiné.
2.2.3 Lampes à décharge sans électrode Le rôle de l’atomiseur est de produire des atomes, mais ceux-ci
doivent se trouver à l’état fondamental pour pouvoir absorber les
Il s’est rapidement avéré que les lampes à cathode creuse avaient photons provenant de la source. On distingue essentiellement deux
des performances réduites pour toute une série d’éléments volatils : types d’atomiseurs : la flamme et le four en graphite (électrothermi-
soit l’intensité lumineuse émise était trop faible, soit le rapport que).
signal sur bruit était trop mauvais, soit la durée de vie de la lampe
était trop courte.
2.3.2 Flamme
Bien qu’il existe des lampes à décharge sans électrode (Electrode-
less Discharge Lamps, EDL) pour une cinquantaine d’éléments, cel-
les pour lesquelles les résultats sont les meilleurs sont celles pour La technique de spectroscopie d’émission atomique de flamme
As, Bi, Cd, Ge, Pb, Sb, Se, Sn, Te, Tl et Zn. avait montré depuis longtemps qu’une flamme produite par la com-
bustion d’un gaz (le plus courant étant l’acétylène) avec de l’air pro-
Le principe de fonctionnement des lampes EDL est très proche de duisait des atomes dont une faible proportion est à l’état excité. La
celui d’un plasma induit (ICP), si ce n’est que les courants, les pres- majorité des atomes, en vertu de la loi de Maxwell-Boltzmann, s’y
sions et, par conséquent, les températures sont beaucoup plus fai- trouvent à l’état fondamental.
bles.
En émission atomique de flamme, il fallait concentrer la zone
Les lampes HCL et EDL sont parfaitement complémentaires, les d’émission de façon à récupérer un maximum de photons et la
premières donnant d’excellents résultats pour les métaux non vola- flamme avait donc une forme conique. En absorption atomique
tils, les secondes s’adressant particulièrement bien à l’étude des (SAAF), il est nécessaire d’augmenter la probabilité de rencontre
métaux volatils. d’un photon avec un atome. Le temps de séjour d’un atome dans le
faisceau lumineux est extrêmement court, environ 5 ms. Pour aug-
menter la probabilité de rencontre, il a fallu allonger le chemin opti-
2.2.4 Super-lampes et ultra-lampes que au travers de l’atomiseur. C’est la raison pour laquelle les
flammes d’absorption atomique ont une forme laminaire, mince
Un des inconvénients des lampes à cathode creuse est que, lors (1 mm) mais fort longue (5 à 15 cm).
d’une augmentation de courant, non seulement la lampe s’échauffe
trop, mais un phénomène de renversement de raie apparaît. On ne ■ Chemin suivi par la solution
peut donc pas infiniment augmenter ce courant dans le but d’aug- Prenons à titre d’exemple un échantillon de NaCl. En solution,
menter l’intensité lumineuse. celui-ci est sous forme de Na+ et de Cl−. La solution est aspirée par
Un nouveau type de lampes, dérivées de cathodes creuses, est effet Venturi au travers d’un fin capillaire. Le gaz responsable de
apparu sur le marché il y a quelques années. Il s’agit des super-lam- cette aspiration est le plus souvent de l’air, c’est-à-dire le comburant.
pes et des ultra-lampes. Dans ce type de lampe, on provoque, grâce Le capillaire amène la solution dans le nébuliseur dont le rôle est de
à une alimentation électrique séparée, une décharge dans le nuage produire un aérosol solution-gaz dans lequel les gouttes sont les
atomique juste devant la cathode creuse. Cette décharge excite les plus fines possible. Le nébulisat est mélangé avec un complément
atomes à l’état fondamental, qui émettent ensuite les photons carac- d’air et avec le combustible dans une chambre de prémélange. C’est
téristiques. Ces photons fort nombreux s’ajoutent à ceux déjà pro- ce mélange qui va arriver à la base du brûleur et pénétrer ensuite
duits dans la cathode, augmentant ainsi l’intensité lumineuse d’un dans la flamme.
facteur allant de 3 à 5 avec, pour conséquences directes, une dimi- La flamme comporte deux zones principales, le dard et le pana-
nution importante de la limite de détection, une légère amélioration che. Le dard, zone d’émission lumineuse intense, est aussi une zone
de la sensibilité et une plus grande zone de linéarité. relativement froide. C’est là que la combustion des gaz démarre. Le
Ces lampes n’apportent cependant aucun gain à l’analyse des élé- panache apparaît juste au-dessus. La zone la plus chaude de la
ments à bas potentiel d’excitation (alcalins et Al), ni à celle des flamme se situe environ 3 à 4 cm au-dessus du brûleur (figure 6), et
réfractaires (W, V, Ta, Zr). Pour les premiers, les lampes convention- c’est à cette hauteur que passe le faisceau lumineux provenant de la
nelles produisent déjà suffisamment d’atomes excités ; pour les source primaire et qu’a lieu l’absorption des photons. Étant donné la
seconds, les lampes opèrent déjà à la limite de leurs possibilités, et vitesse des gaz, qui est d’environ 10 m · s−1, nous disposons de 3 ms
il est impossible d’augmenter la densité du nuage atomique. pour passer du nébulisat à l’état d’atome. Le temps nécessaire pour
passer d’une goutte de solution à un atome en phase vapeur dépend
de la taille de la goutte et de la température de la flamme.
2.2.5 Lampes à vapeur de mercure Lorsque l’aérosol liquide-gaz arrive dans la flamme, l’évaporation
de l’eau a lieu, et il se forme un aérosol solide-gaz (microcristaux de
Certains appareils d’absorption atomique sont spécifiques au NaCl dans ce cas).
dosage du mercure. Ils utilisent une lampe à décharge de vapeur de Toujours sous l’influence de la température, les microcristaux
mercure. Ces lampes émettent des raies assez larges et il faut les ali- fondent pour reformer un aérosol liquide-gaz, puis le liquide se
menter par un très faible courant, ce qui peut entraîner un manque vaporise pour produire des molécules de NaCl en phase vapeur. À
de stabilité. partir de là, toute une série de problèmes peuvent apparaître, pro-

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
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Spectrométrie atomique et spectrométrie moléculaire
(Réf. Internet 42707)

1– Spectrométrie atomique 2
2– Spectrométrie moléculaire Réf. Internet page

Théorie des spectres moléculaires P2656 37

Spectrométries laser en analyse et caractérisation P2685 43

Spectrométrie d'émission optique à source étincelle (partie 1) P2755 47

Spectrométrie d'émission optique à source étincelle (partie 2) P2756 51

Spectrophotométrie d'absorption dans l'ultraviolet et le visible P2795 55

Spectrométrie d'absorption dans l'infrarouge P2850 61

Spectrométrie Raman P2865 67

Spectroscopie de diffusion Raman en conditions extrêmes IN164 75

LIBS : spectrométrie d'émission optique de plasma induit par laser P2870 79

Spectroscopie microonde P2875 85

Spectrométrie photoacoustique. Application à l'analyse de gaz P2890 89

Spectro-imagerie térahertz. Voir autrement RE143 93

Spectroscopie térahertz RE144 97

Avancées technologiques des sources et capteurs térahertz. Vers le transfert industriel P2145 101

Ondes électromagnétiques térahertz. Principes et techniques AF3254 107

Ondes électromagnétiques térahertz. Applications AF3255 115

Spectromètres RMN de paillasse pour l’analyse en ligne de réactions en flux continu J8015 121

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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35
2

36
Référence Internet
P2656

Théorie des spectres moléculaires

par Alain PETIT


Docteur d’État en physique

2
Chef du Laboratoire de Spectroscopie et d’Interaction Laser-matière (DEN/DPC/SPAL)
Centre d’Études de Saclay

1. Potentiels interatomiques ..................................................................... P 2 656 - 2


2. Approximation de Born-Oppenheimer ............................................... — 2
3. Énergie électronique des molécules diatomiques .......................... — 3
3.1 Construction des orbitales moléculaires ................................................... — 3
3.2 Configuration électronique, état moléculaire............................................ — 4
4. Énergie vibrationnelle des molécules diatomiques ....................... — 5
5. Énergie rotationnelle des molécules diatomiques ......................... — 6
6. Cas de couplage ....................................................................................... — 7
7. Spectres des molécules diatomiques................................................. — 8
7.1 Transitions rotationnelles ........................................................................... — 8
7.2 Transitions vibrationnelles.......................................................................... — 8
7.3 Spectres rovibrationnels ............................................................................. — 8
7.4 Transitions électroniques. Principe de Franck-Condon ............................ — 10
7.5 Règles de sélection...................................................................................... — 11
8. Quelques compléments sur les molécules diatomiques............... — 11
8.1 Raies rotationnelles manquantes et alternance des intensités ............... — 11
8.2 Spectres impliquant un continuum............................................................ — 12
8.3 Prédissociation............................................................................................. — 12
9. Spectres des molécules polyatomiques ............................................ — 13
9.1 Spectres rotationnels .................................................................................. — 14
9.2 Vibrations moléculaires .............................................................................. — 14
10. Fluorescence moléculaire et diffusion .............................................. — 17
10.1 Fluorescence moléculaire ........................................................................... — 17
10.2 Diffusion Raman et Rayleigh ...................................................................... — 18
10.3 Spectre Raman............................................................................................. — 19
10.4 Diffusion Mie................................................................................................ — 20
10.5 Comparaison entre différents processus d’émission et de diffusion...... — 21
Références bibliographiques ......................................................................... — 21

près avoir passé en revue les propriétés spectroscopiques des molécules


A diatomiques et les principaux types de couplages, une étude détaillée des
spectres des molécules diatomiques est présentée suivant la nature des
transitions : rotationnelle, vibrationnelle ou électronique.
Du fait de la complexité des vibrations et des rotations dans les molécules
polyatomiques, seules quelques généralités sont données sur les spectres rota-
tionnels et les vibrations moléculaires associées à ces molécules.
Les molécules peuvent émettre un rayonnement après avoir été excitées par
une onde électromagnétique incidente. Si le rayonnement incident est absorbé
Parution : mars 2002

au cours du processus, la lumière réémise est dite de fluorescence ; par contre,

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lorsqu’il n’y a pas d’absorption du rayonnement excitateur, il s’agit d’un phéno-


mène de diffusion. Ces deux aspects sont examinés en fin d’article.
Pour des informations complémentaires, le lecteur peut se référer aux ouvrages généraux [1]
à [6] donnés dans les références bibliographiques ainsi qu’aux publications récentes [15] [16]
[17] [18].
L’étude des spectres atomiques a fait l’objet de l’article [P 2 655] dans ce volume (référence
[21]).

2 (0)

Facteurs de conversion utiles [5]


–1
Unités cm–1 MHz kJ eV kJ ⋅ mol
1cm–1 1 29 979,25 1,986 45 x 10 –26 1,239 84 x 10 –4 1, 196 27 x 10–2
1 MHZ 3,335 64 x 10 –5 1 6,626 08 x 10 –31 4,135 67 x 10 –9 3,990 31 x 10–7
1 kJ 5, 034 11 x 1025 1,509 19 x 1030 1 6,241 51 x 1021 6,022 14 x 1023
1eV 8065,54 2,417 99 x 108 1,602 18 x 10–22 1 96,485
–1
1 kJ ⋅ mol 83,593 5 2,506 07 x 106 1,660 54 x 10 –24 1,036 43 x 10–2 1

1. Potentiels interatomiques V

Quand deux atomes s’approchent l’un de l’autre, les électrons de


valence de chacun vont subir l’influence du potentiel attractif du A til
n ia
noyau de l’autre. Il s’ensuit un réarrangement de la distribution élec- nt
tronique qui tend à rendre minimale l’énergie totale du système e
constitué des deux atomes. La force d’attraction entre les deux ato-
mes augmente quand la distance internucléaire R décroît, jusqu’à ce
que R devienne suffisamment faible pour que les forces répulsives R0
deviennent prépondérantes. Cela provient à la fois du potentiel 0
internucléaire ZAZBe2/(4πε0R) ZAe et ZBe étant la charge respective nte R
des deux noyaux) de la répulsion de Pauli due au recouvrement des Lia
couches électroniques proches. D0
Les forces répulsives peuvent éventuellement dominer les forces
attractives, donnant lieu à un potentiel V(R) de la forme de celui
montré figure 1 (courbe en trait plein) pour laquelle R0 est la dis-
tance internucléaire d’équilibre et D0 l’énergie de dissociation de la D0 énergie de dissociation
molécule. R0 distance internucléaire à l'équilibre

Pour des molécules simples, R0 est de l’ordre de 0,4 à 0,6 nm et D0 Les courbes en pointillé donnent l'énergie électronique des orbitales
de l’ordre de quelques électronvolts. liante et antiliante, et les courbes en trait plein montrent l'effet de la
répulsion internucléaire (représentée par la courbe en tirets).
La figure 1 fait référence à deux atomes dans leurs états fonda-
mentaux. Si un atome est dans un état excité, la courbe de potentiel Figure 1 – Potentiel interatomique (contributions nucléaire
est déplacée vers les énergies plus élevées, sa forme est parfois dif- et électronique)
férente et la distance R0 est généralement différente. En fait, plu-
sieurs potentiels interatomiques sont possibles pour une
configuration électronique donnée de chaque atome, comme dans Les énergies vibrationnelles et rotationnelles sont quantifiées,
le cas d’un seul atome où différentes valeurs de L, S, J donnent nais- comme cela est décrit dans les paragraphes 4 et 5, et les fonctions
sance à plusieurs niveaux d’énergie. d’onde décrivant le système sont fonctions des nombres quantiques
rotationnels, vibrationnels et électroniques.
L’énergie totale d’une molécule diatomique est une fonction de
l’énergie électronique, mais aussi du mouvement nucléaire. Deux
atomes isolés ont chacun trois degrés de liberté, par rapport aux
trois axes de coordonnées x, y, z. Quand les deux atomes sont liés, 2. Approximation
trois degrés de liberté décrivent le mouvement du centre de masse
du système entier ; les trois autres sont représentés par le mouve- de Born-Oppenheimer
ment relatif : un par la vibration le long de l’axe internucléaire et les
deux autres par la rotation le long des deux axes perpendiculaires à L’équation de Schrödinger pour une molécule implique des fonc-
l’axe internucléaire. tions d’onde dépendant des coordonnées nucléaires et électro-

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___________________________________________________________________________________________________ THÉORIE DES SPECTRES MOLÉCULAIRES

niques. La première simplification consiste donc à séparer en deux


parties distinctes la partie nucléaire et la partie électronique :
3. Énergie électronique
des molécules
Ψ = Ψ e ( r i , R N ) χ N (R N ) (1)
diatomiques
avec RN et ri respectivement coordonnées du noyau et des
électrons i.
3.1 Construction des orbitales
On suppose que des valeurs de Ψe peuvent être trouvées en pre- moléculaires
nant des valeurs constantes pour RN, de sorte que l’équation de
Schrödinger peut être séparée en deux équations, une impliquant En supposant la validité de l’approximation de Born-Oppenhei-

2
Ψe seulement et l’autre χN seulement. La solution de l’équation en mer, on résout l’équation de Schrödinger pour les électrons dans le
Ψe donne une énergie Ee, qui dépend des valeurs particulières de RN champ des deux noyaux. La méthode du champ central est évidem-
choisies. Cette énergie Ee(RN) forme une partie du potentiel à intro- ment inappropriée pour deux centres de forces, mais on peut tou-
duire dans la deuxième équation impliquant la partie nucléaire χN jours utiliser l’approche du champ autoconsistant (self consistent
pour donner l’énergie totale. field) : on suppose une fonction d’onde initiale impliquant les deux
atomes A et B ; on utilise la distribution électronique résultante pour
Cette approximation (approximation de Born-Oppenheimer) est calculer une distribution potentielle ; on résout l’équation de
justifiée par le fait que les noyaux bougent beaucoup plus lentement Schrödinger avec ce potentiel pour trouver une nouvelle fonction
d’onde et ainsi de suite... Les valeurs d’énergie, ainsi trouvées, per-
que les électrons, à cause de leur masse plus élevée.
mettent de tracer les courbes de potentiel du type de celle donnée
(courbe en trait bleu plein appelée « liante ») sur la figure 1.
Une simplification peut être faite en écrivant χN comme le produit
de deux fonctions, Ψv(R) représentant les changements des posi- La puissance des ordinateurs actuels a conduit à des déve-
tions relatives des noyaux (vibration le long de l’axe internucléaire loppements significatifs dans le domaine de la chimie quantique
dans le cas d’une molécule diatomique) et Ψr(θ, ϕ) représentant la (calcul des fonctions d’onde moléculaires). Pour ce type de calcul,
deux approches peuvent être utilisées (cf. références [4] pour une
rotation de la molécule. On peut ainsi écrire :
description complète de ce type de traitement et [12] pour une revue
des méthodes de calcul) :
Ψ = Ψe Ψ v Ψ r —l’approche orbitale moléculaire qui traite chaque électron de
valence comme appartenant aux deux noyaux, généralement en
écrivant sa fonction d’onde comme une combinaison linéaire de
et E = Ee + Ev + Er (avec Ee >> Ev >> Er)
deux orbitales atomiques uA et uB (Linear Combination of Atomic
Orbitals LCAO). Il existe nécessairement deux combinaisons satis-
La condition entre parenthèses est toujours vérifiée car les quan- faisant la condition que la densité électronique soit invariante par
tas vibrationnels représentent quelques milliers de cm−1 ou quel- rapport à l’échange des électrons. Une de ces combinaisons aug-
ques dixièmes d’eV, tandis que les quantas rotationnels sont mente la probabilité de trouver l’électron entre les deux noyaux,
tandis que l’autre concentre la densité électronique en dehors de la
généralement environ deux ordres de grandeur plus petits. Puisque
région internucléaire et a l’effet inverse. Ces deux combinaisons
les premiers états excités des atomes simples sont généralement sont respectivement appelées orbitales liante et antiliante. La
situés quelques eV au-dessus de leur état fondamental, la sépa- dépendance en R des énergies ainsi calculées a la forme des deux
ration des fonctions d’onde correspondant aux parties électronique, courbes en pointillé données sur la figure 1. En ajoutant la répulsion
vibrationnelle et rotationnelle est justifiée. Cependant, l’approxima- nucléaire en ZAZBe2/(4πε0R) (courbe en tirets), on obtient les cour-
tion de Born-Oppenheimer n’est pas valable quand les courbes de bes en trait plein donnant les énergies résultantes. Dans le cas de
potentiel provenant de différentes configurations électroniques l’orbitale liante, l’énergie passe par un minimum pour la valeur R0
excitées sont proches ou se croisent (§ 8). correspondant à une molécule stable.
Un simple traitement « LCAO » n’est pas entièrement une des-
Les fonctions d’onde électroniques et les énergies électroniques cription satisfaisante de la molécule, puisqu’elle ne permet pas que
ne sont pas celles des atomes isolés. Les différentes approches pour les électrons retournent à leurs atomes parents lorsque la distance
R augmente. Pour obtenir une fonction d’onde ayant un comporte-
les calculer sont données dans le paragraphe 3. Si elles sont con-
ment correct quand R devient grand, il est nécessaire d’ajouter une
nues suffisamment précisément, elles peuvent être utilisées pour fraction de la fonction antiliante dans la partie liante. La fraction
calculer Ee( R ). En tenant compte de la répulsion nucléaire nécessaire peut être prise comme un paramètre à ajuster pour mini-
Z AZ Be 2/(4πε 0R ), on forme la courbe de potentiel de la figure 1 miser l’énergie, la meilleure fonction d’onde étant celle qui a la plus
(courbe en trait plein), qui régit le mouvement nucléaire. basse énergie ;
— l’approche par la méthode Heitler-London, qui démarre avec
Un potentiel semi-empirique est souvent utilisé comme cela est des atomes séparés, mais qui ajoute un échange des électrons entre
montré au paragraphe 4. Au contraire, l’énergie rotationnelle, qui eux. À nouveau, on obtient un état liant et un état antiliant. Cette
est déterminée en première approximation par les moments d’iner- approche n’est pas non plus entièrement satisfaisante, mais cette
tie de la molécule autour des axes de rotation, dépend seulement fois pour une raison opposée : à savoir qu’elle ne permet pas un
des séparations internucléaires d’équilibre et non de la forme du échange suffisant des électrons. Il est possible de corriger ce défaut
potentiel interatomique. La rotation est discutée au paragraphe 5. en ajoutant une partie de la configuration ionique avec les électrons
liés à un noyau.
Vu le rapport de masse, les vitesses des électrons sont beaucoup
Cet article est consacré principalement aux molécules diato- plus grandes que celles des noyaux et l’on peut admettre avec une
miques, du fait de la complexité des vibrations et rotations dans bonne approximation que leur mouvement se fait dans le champ
les molécules polyatomiques. Néanmoins quelques remarques électronique constant des noyaux considérés comme fixes (cf. § 2,
concernant ces molécules sont données au paragraphe 9. hypothèse de Born-Oppenheimer). Dans une molécule diatomique,
ce champ a la symétrie de révolution autour de la droite joignant les

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deux noyaux (axe internucléaire). Cette droite joue par la suite le


rôle d’axe de quantification, c’est-à-dire que les projections des dif- 3σu+
férents moments cinétiques électroniques sur cet axe ont des
valeurs bien définies qui sont caractéristiques de l’état électronique 1πg
de la molécule. 2p 2p
Si l’on considère d’abord individuellement chaque électron, il est
caractérisé, comme dans un atome, par quatre nombres 1πu
quantiques : n, ᐉ , λ et ms. Les nombres quantiques n, ᐉ , ms ont la
même signification qu’en atomistique, c’est-à-dire caractérisent res- 3σg+
pectivement l’énergie, la grandeur du moment cinétique orbital, la
composante du spin et sa projection sur l’axe de quantification. Le
nombre quantique λ mesure, en unité h/2π, la composante du 2σu+

2
moment cinétique orbital sur l’axe nucléaire ; c’est donc l’équivalent
du nombre quantique m ᐉ et il peut prendre toute valeur entière 2s 2s
positive, négative ou nulle comprise entre – ᐉ et + ᐉ .
Vu l’importance de λ dans la description des états électroniques
des molécules diatomiques, on a l’habitude de symboliser sa valeur 2σg+
absolue par une lettre de la suite σ, π, δ, ϕ... (analogue à la suite s, p,
d, f... pour le nombre quantique ᐉ en atomistique).
1σu+
Dans le cas des atomes, les fonctions d’onde multiélectroniques
sont construites à partir des orbitales qui sont peuplées par les élec-
1s 1s
trons selon le principe de Pauli. Pour les molécules, il est possible
d’adopter une approche analogue dans laquelle les fonctions
d’onde moléculaires multiélectroniques sont construites à partir
d’un ensemble d’orbitales moléculaires qui ont les caractéristiques 1σg+
suivantes :
Figure 2 – Diagramme des niveaux d’énergie d’une molécule
— une orbitale moléculaire est une fonction propre de l’hamilto-
diatomique homonucléaire
nien monoélectronique, qui dépend des coordonnées d’un seul
électron ;
— une orbitale moléculaire peut s’étendre à n’importe quel nom-
bre d’atomes de la molécule. En conséquence un électron dans une V
orbitale moléculaire n’est pas localisé, mais peut avoir une densité
de probabilité non nulle dans différentes parties de la molécule ;
— une orbitale moléculaire ne peut pas être occupée par plus de
deux électrons qui, dans ce cas, doivent avoir un spin opposé [prin-
cipe d’exclusion de Pauli (cf. article [P 2 655], § 2.6.2) ; O(1D) + O(3P)
— les orbitales moléculaires reflètent la symétrie de base de la
molécule. Chaque orbitale appartient à une représentation irréducti-
ble du groupe de symétrie de la molécule qui est le groupe de trans-
formations qui laissent l’hamiltonien moléculaire invariant ;
— une orbitale moléculaire multipliée par une fonction de spin R
0
est appelée une spin-orbitale moléculaire. O(3P) + O(3P)
La figure 2 donne le diagramme des niveaux d’énergie d’une
molécule diatomique homonucléaire.
Quand les orbitales de plus basses énergie (liantes) sont remplies,
les électrons de valence supplémentaires doivent aller dans les orbi-
tales antiliantes.
Uniquement quelques états connus sont représentés sur cette figure
Exemple : pour la molécule d’hydrogène, les deux électrons 1s des
deux atomes d’hydrogène vont tous les deux dans une orbitale liante Figure 3 – États électroniques inférieurs de la molécule O2
Ψ(1σ) = uA(1s) + uB(1s) avec des spins opposés ; l’état moléculaire
s’écrit : ( 1 σ g+ ) 2 .
peut montrer que plusieurs états moléculaires stables peuvent être
Par contre, les deux électrons 1s supplémentaires dans le cas de la déduits de chaque paire d’états atomiques : cela provient des
combinaison He+He doivent aller dans l’orbitale antiliante manières différentes dont leurs moments angulaires peuvent être
Ψ(1σ) = uA(1s) − uB(1s) ; l’état moléculaire s’écrira : ( 1 σ g+ ) 2 ( 1 σ u+ ) 2 . couplés. Une description de ce couplage est nécessaire pour com-
prendre la désignation de ces états et les règles de sélection gouver-
Les électrons 2p peuvent former trois orbitales liantes distinctes nant les transitions entre ces états.
correspondant à la dégénérescence de la fonction d’onde p ( ᐉ = 1 ,
m ᐉ = 0, ± 1 ). Ainsi l’atome d’oxygène a quatre électrons de valence
2p, de sorte que 6 électrons de valence vont dans deux orbitales 3.2 Configuration électronique, état
liantes et deux dans une orbitale antiliante ; deux des orbitales lian-
tes remplies constituent la double liaison, l’état moléculaire s’écrit :
moléculaire
( 1 σ g+ ) 2 ( 1 σ u+ ) 2 ( 2 σ g+ ) 2 ( 2 σ u+ ) 2 ( 3 σ g+ ) 2 ( 1 π u ) 4 ( 1 π g ) 2
La situation d’une molécule est sensiblement similaire à celle d’un
Si l’un des atomes ou les deux sont dans un état excité, de nou- atome, dans lequel une configuration électronique donnée
veaux ensembles d’orbitales liantes et antiliantes peuvent être cons- ( n 1 ᐉ 1, n 2 ᐉ 2 ... ) donne lieu à différents niveaux d’énergie caractéri-
truits donnant l’allure de la figure 3 pour la molécule d’oxygène. On sés par les vecteurs moment angulaire L, S et J ; il existe néanmoins

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___________________________________________________________________________________________________ THÉORIE DES SPECTRES MOLÉCULAIRES

une différence importante due à la présence d’un champ électrique


le long de l’axe internucléaire. V

En général le couplage spin-orbite de chaque électron pris indivi-


duellement est faible devant les autres couplages et l’on est amené
à considérer le moment orbital de l’ensemble des électrons d’une R1 R0 R2
part et le spin résultant d’autre part ; il s’agit donc d’un type de cou-
0
plage analogue au couplage LS des atomes (cf. article [P 2 655],
R
§ 2.7.3.2). Ici, c’est la composante du moment cinétique orbital de
l’ensemble des électrons sur l’axe de la molécule ML qui est impor-
tante. Cette composante a pour valeur M L , , le nombre quantique
ML qui la mesure pouvant prendre, comme les λi, des valeurs entiè-
res positives, négatives ou nulles. Comme pour les électrons indivi- D0
v
duels, on symbolise la valeur de Λ = ML pour la molécule par une

2
3
lettre capitale de la suite : Σ, Π, ∆... (équivalents des notations atomi-
ques S, P, D...) : 2

Λ 0 1 2 3 ... 1
0
état Σ Π ∆ Φ ... De
L’ensemble des spins électroniques a aussi une résultante carac-
térisée par un nombre quantique S. Or, comme dans les atomes, le
mouvement orbital des électrons crée un champ magnétique dont la La partie en trait plein de la courbe de potentiel est supposée
direction moyenne est celle de l’axe de la molécule ; il y a donc cou- parabolique. Les courbes en noir représentent 兩Ψv (R)兩2, la probabilité
plage entre le moment orbital et le spin, sauf lorsque Λ = 0. Donc de trouver les noyaux à une distance R.
pour tout état tel que Λ ≠ 0, l’orientation relative du spin et du
Figure 4 – Énergie vibrationnelle d’une molécule diatomique.
moment orbital est quantifiée, ce qui signifie que le spin résultant a,
Niveaux d’énergie vibrationnelle et fonctions d’onde associées
sur l’axe moléculaire, une composante quantifiée de la forme
1/2 , Σ . Le nombre quantique Σ caractérisant la projection du spin
résultant peut prendre 2S + 1 valeurs différentes entre − S et + S.
par rapport à un tel plan, aussi bien dans les molécules homonu-
En effet, la composante constante MS du spin électronique résul- cléaires que dans les molécules hétéronucléaires, mais Ψ peut pren-
tant S est une valeur entière ou demi-entière selon qu’il y a un nom- dre les valeurs + Ψ ou − Ψ. Seulement une de ces options est
bre pair ou impair d’électrons dans la molécule. Dans le cas où possible pour tout état Σ donné, et un indice + ou − est utilisé pour
Λ ≠ 0, la non-conservation du spin électronique total S est due au désigner l’état en question. Les états Σ pour H2 sont tous des états
champ magnétique interne dans la direction de l’axe internucléaire Σ+. Les symétries + et − existent dans les états avec Λ ≠ 0, mais les
résultant du mouvement orbital des électrons. Ce champ cause un niveaux + et − sont dégénérés tant que la molécule ne tourne pas.
mouvement de précession du vecteur S autour de la direction du L’origine de cette dégénérescence est essentiellement la même que
champ avec une composante constante MS = Σ le long de l’axe inter- celle rencontrée dans les atomes en présence d’un champ
nucléaire. électrique : + M et − M ont la même énergie. Cette dégénérescence
Le moment cinétique total Ω pour l’ensemble des électrons de la est levée par couplage entre les moments angulaires rotationnel et
molécule est donc en unité , : orbital, ce qui conduit à une faible séparation des niveaux désignée
par dédoublement Λ.
Ω = Λ + Σ (2)
D’autres types de couplage peuvent exister (cf. § 6), en particulier
Pour chaque état d’énergie électronique correspondant à une analogues au couplage jj des atomes (cf. article [P 2 655], § 2.7.3.3).
valeur de Λ et à une valeur de S déterminées, Ω peut prendre 2S + 1
valeurs différentes auxquelles correspondent 2S + 1 sous-niveaux
d’énergie. La grandeur 2S + 1 est la multiplicité de l’état considéré.
Comme avec les atomes (cf. article [P 2 655], § 2.7), on a donc des
état singulets, doublets, triplets... ; par analogie aussi avec la 4. Énergie vibrationnelle
nomenclature des termes spectroscopiques dans les atomes, un
terme moléculaire est représenté par le symbole 2S + 1ΛΩ (comme :
des molécules diatomiques
2Π , 3∆ ...).
1/2 2
Exemple : un état avec S = 0 et Λ = 0 s’écrit 1Σ : un état avec S = 1 Les courbes d’énergie électronique (figure 1) sont les courbes de
et Λ = 1 s’écrit : 3Π avec la valeur de Ω en indice (3Π2...). potentiel régissant le mouvement nucléaire. De manière classique,
si les noyaux ont une énergie cinétique nulle, ils doivent être au
Mais, dans le cas des états moléculaires, il existe deux difficultés repos à la position R0, tandis que, s’ils possèdent une énergie ciné-
supplémentaires qui concernent la symétrie des orbitales électroni- tique Ev, ils peuvent osciller entre les positions R1 et R2 (figure 4).
ques. La première affecte uniquement les molécules homonucléai- Les principes sur lesquels les calculs de la courbe de potentiel sont
res. La densité électronique Ψ2 dans une molécule basés ont été décrits au paragraphe 3. Dans la pratique, une
homonucléaire doit toujours être symétrique par rapport au point approximation du potentiel est fréquemment donnée par une
milieu entre les noyaux, mais la fonction d’onde elle-même peut expression empirique (potentiel de Morse) :
être symétrique (Ψ → Ψ) « gerade » ou antisymétrique (Ψ → − Ψ)
« ungerade ». La symétrie s’indique par l’indice g ou u. V = De [1 − exp (−βx)]2 (3)
Exemple : dans le cas de la molécule H2, les états moléculaires
avec V énergie par rapport au minimum de la
liants (stables) formés à partir des atomes H(1s) et H(2p) sont :
courbe,
1Σ , 1 Σu , 1 Π u , 3 Σg , 3 Σu , 3 Π u
g De profondeur du puits,

Deuxièmement, on doit prendre en compte la symétrie par rap- x (≡ R − R0) déplacement des noyaux à partir de leur
port à la réflexion dans n’importe quel plan passant par les deux distance d’équilibre,
noyaux. Là encore la densité Ψ2 est nécessairement symétrique β constante.

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41
2

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Spectrométries laser en analyse


et caractérisation

par Sylvain LAZARE


Directeur de Recherche, Institut des Sciences Moléculaires (ISM),
2
UMR 5255 du CNRS, Université de Bordeaux 1
et Éric MOTTAY
Ingénieur et Directeur de la Société Amplitude Systèmes

1. Notions de base sur les lasers ............................................................. P 2 685v2 - 2


1.1 Absorption, émission spontanée, émission stimulée et amplification ... — 2
1.2 Principe et propriétés du laser [3] .............................................................. — 3
1.3 Modes d’une cavité laser et blocage des modes ...................................... — 4
1.4 Lasers impulsionnels, ns, ps, fs et as ........................................................ — 5
1.5 Lasers accordables : choix de la longueur d’onde.................................... — 5
2. Techniques de mise en œuvre des lasers .......................................... — 6
2.1 Mise en forme des faisceaux. Lentilles de précision ................................ — 6
2.2 Piégeage optique (particules, etc.) ............................................................. — 6
2.3 Désorption et ablation (solides, liquides, gels, tissus) ............................. — 7
2.4 Nanoabsorption, nanoablation et nanoanalyse........................................ — 7
2.5 Usinage de précision, microcanaux........................................................... — 8
3. Techniques de spectroscopie laser ..................................................... — 8
3.1 Techniques fondées sur la diffusion, Rayleigh, Mie, Raman.................... — 8
3.2 Émission de photons : spectroscopie de fluorescence ............................ — 9
3.3 Ionisation et analyse des atomes (LIBS) et des ions (ICP-MS)................. — 10
3.4 Analyse des protéines par MALDI-SM....................................................... — 11
3.5 Spectroscopie photoacoustique et caractérisation photothermique ...... — 12
3.6 Spectroscopie sub-Doppler à haute résolution......................................... — 13
3.7 Technique du mélange à quatre ondes...................................................... — 13
4. Applications en analyse dans l’environnement
et le laboratoire ........................................................................................ — 14
4.1 Analyses de traces, analyses localisées, tomographie fs ICP-MS ........... — 14
4.2 Spectrométrie Raman télescopique dans l’environnement (BTEX) ........ — 14
4.3 LIDAR Téramobile [64] ................................................................................. — 14
4.4 Imagerie 2D, 3D, OCT .................................................................................. — 14
4.5 Utilisation des lasers en usinage des microlaboratoires d’analyse
sur puce ........................................................................................................ — 15
5. Conclusions ............................................................................................... — 15
Références bibliographiques ......................................................................... — 15

es sources laser sont maintenant une réalité quotidienne du domaine grand


L public et tiennent une place de plus en plus importante en ce qui concerne
les problèmes d’analyse de la matière, reliés ou non aux grandes inter-
rogations scientifiques de notre temps. Les paramètres déterminants des lasers
sont la longueur d’onde, la cohérence ou la directivité, la durée d’impulsion,
l’intensité et la puissance. Il y a dans le concept d’utilisation d’un laser, les
notions de sonder le milieu à distance, de le sonder de façon ultrarapide ou
Parution : juin 2007

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P2685

SPECTROM ÉTRIES LASER EN AN ALYSE ET CARACTÉRISATION __________________________________________________________________________________

encore avec une grande résolution spatiale. À la source laser, il faut joindre des
éléments indispensables dans les systèmes d’analyse, à savoir les optiques et
les détecteurs. Il est aussi important de bien réaliser le rôle grandissant joué
par l’informatique capable de gérer les mesures et d’interpréter les résultats en
un temps de plus en plus court. Les progrès des concepts dont découle ce type
d’instrumentation sont constants, grâce à une technologie de plus en plus
sophistiquée et performante, et nous permettent de mieux appréhender les
différents problèmes analytiques des sciences modernes. Ils contribuent au
développement d’une meilleure vision, toujours plus rapide et plus large du
monde, grâce au progrès scientifique. Nous allons énumérer et introduire les
différentes techniques couramment utilisées, en essayant d’en illustrer les

2 applications importantes. Nous incitons le lecteur à compléter son information


par une recherche bibliographique plus large en s’aidant de celle de ce dossier
qui a été conçue pour mettre en place les principaux mots-clés du domaine.

1. Notions de base
sur les lasers hν
E2

E1
Pour plus d’information le lecteur pourra se reporter à la
Absorption Émission Émission
référence [1]. spontanée stimulée

1.1 Absorption, émission spontanée, Figure 1 – Phénomènes d’interaction des photons


avec deux niveaux d’énergie électroniques d’un atome
émission stimulée et amplification
L’effet laser (light amplification by stimulated emission of
radiation ) a été démontré vers 1960 [2]. Il est le résultat de
transitions entre niveaux électroniques ou vibrationnelles à E2 n2
l’échelle atomique dans des milieux de grande qualité optique, où
une direction de propagation est privilégiée par réflection multiple
b12 b21 a21
sur un jeu de deux miroirs qui définissent une cavité. Le milieu de
la cavité est capable de générer des photons et de les amplifier
dans l’axe du laser grâce à l’émission stimulée. Si on considère des E1 n1
atomes, deux niveaux d’énergie E 1 et E 2 sont mis en jeu pour
l’effet laser, avec des populations respectives n 1 et n 2 .
Figure 2 – Les coefficients d’Einstein pour l’absorption b 12 ,
L’absorption excite les atomes de E 1 vers E 2 , la plupart du temps l’émission stimulée b 21 = b 12 et l’émission spontanée a 21
à l’aide d’une source de photons, dite pompe, d’énergie hν = E 2 – E 1 qui est négligeable dans le schéma cinétique du laser
(figure 1).
L’émission spontanée d’un photon d’énergie correspondante se
produit un certain temps après l’absorption, avec une direction et Le pompage optique est inventé par A. Kastler en 1958, car un
des caractéristiques aléatoires. C’est un phénomène naturel de système à deux niveaux ne peut pas satisfaire cette condition. En
retour à l’état fondamental de plus basse énergie qui se produit effet l’équilibre thermique et la loi de Boltzmann imposent :
dans de nombreuses sources lumineuses.
L’émission stimulée (Einstein, 1917) est provoquée par la ( E 2 – E 1 ) ⁄ kT
n 2 冫 n 1 = 1冫 冢 e + 1冣
collision d’un photon incident de bonne énergie hν = E 2 – E 1 avec
un état excité. Elle produit un deuxième photon émis dans la direc- et il peut au mieux arriver à n 2 = n 1 pour une température infinie
tion du photon stimulant avec une polarisation et une phase iden- avec les deux niveaux. Pour contourner cette difficulté, le
tiques. En utilisant la réflexion sur les miroirs de la cavité, concepteur du laser cherche des systèmes à plus de deux niveaux
l’émission dans l’axe des miroirs peut être ainsi amplifiée selon d’énergie (3 ou 4). Un exemple historique (Maiman, 1960) est le
toutefois les conditions cinétiques d’inversion de population. laser à rubis qui est constitué de trois niveaux (figure 3) et dont le
L’inversion de population, n 2 > n 1 , est indispensable pour schéma cinétique simultané du pompage et de la relaxation est
obtenir l’effet laser. Elle doit être réalisée par l’action de favorable à l’établissement de l’inversion de population.
l’absorption provoquée par la source de pompage. On montre
aisément que si N 0 photons entrent dans le milieu amplificateur, la Un système à quatre niveaux (exemple : laser au néodymium)
quantité de photons dans la direction de propagation s’écrit : présente une transition laser vers un niveau sous-jacent
constamment et rapidement vidé vers l’état fondamental pour
( n 2 – n 1 ) b 21 z mieux satisfaire la condition d’inversion de population (figure 4).
N ( z ) = N0 e
Le milieu amplificateur peut être un gaz, un liquide ou un solide.
L’amplification est obtenue si N s’accroît avec z, c’est-à-dire si Il est en général pompé par une source d’énergie extérieure :
n 2 – n 1 > 0 (figure 2). lumière, courant électrique, énergie d’une réaction chimique, etc.

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_________________________________________________________________________________ SPECTROM ÉTRIES LASER EN AN ALYSE ET CARACTÉRISATION

Tableau 1 – Classification de différents lasers


Énergie (eV)

Absorption des ions Cr+++ Nom, Longueur d’onde, Énergie, Pulse, Fréquence, Utilisation
Laser à gaz
3
HeNe, 632 nm, ≈ 100 mW, continu, mesure
Relaxation
Ar+, 448 nm, ≈ 100 mW, continu, très diverses
Transmissio
ransmission
Transitions CO2 , 10,6 µm, kW, continu et pulsé µs, usinage
2 radiat ves
radiative
non radiatives
Excimère KrF, 248 nm, ≈ 100 W, 25 ns, kHz, ablation
États métastables Laser à solide
Laser

1
Vert

Pompa
ompage
Pompage
Bleu

694,3 nm
Rubis, 694 nm, 100 mJ/pls, 10 ns, diverses
Nd/YAG, 1,06 µm, 1 à 100 J/pls, 1 à 1 000 Hz, très diverses 2
Saphir-dopé au titane, 800 nm, µJ/pls, fs, kHz, ablation
Laser à semi-conducteur
État fondamental
0 AsGa, 904 nm, mW, continu et pulsé, kHz, très diverses
0 Laser à rubis : Al2O3–Cr2O3 0,05 %
Laser à colorant
Rhodamine, 400 à 800 nm, µJ/pls, pulsé, mesure
Figure 3 – Les niveaux d’énergie des ions chrome
Laser femtoseconde (5 à 500 fs)
dans le cristal de rubis, le premier laser de Maiman (1960),
toujours d’intérêt actuellement TiSa (Ti :Al2O3), 800 nm, nJ/pls, kHz à MHz, très diverses
Yb :KGd(WO4)2 , 1 030 nm, 100 µJ/pls, kHz à MHz, diverses
pls : impulsion

Rapide
Les lasers à solide récents ont intégré des améliorations comme
Transition
Transition laser
des réflecteurs pour concentrer la lumière de pompe vers le
de pompage barreau, des refroidisseurs. Souvent les faces sont taillées pour
permettre une incidence dite de Brewster et le faisceau laser est
Rapide polarisé linéairement. Il est de coutume de classer certains grands
types de lasers suivant leurs caractéristiques principales
(tableau 1). Il est clair que les lasers récents, pour leur besoin de
Figure 4 – Milieu à quatre niveaux d’énergie lumière de pompage, font une grande utilisation de ces lasers de
avec le schéma cinétique des transitions base dans des montages plus ou moins complexes. On s’attardera
sur le cas des lasers femtoseconde, apparus dans les années 1980,
qui par la durée ultrabrève d’impulsion apportent un potentiel
d’applications prometteur et encore peu développé.
1.2 Principe et propriétés du laser [3]
Les propriétés intéressantes des faisceaux lasers sont :
Le laser à rubis, tel que dans les premières expériences, présente — la directivité (capacité de pointage) et la faible divergence
un barreau cristallin Al2O3-Cr2O3 0,5 % qui est pompé par une (élargissement du faisceau dans la direction de propagation)
lampe flash au Xe pendant environ 400 µs. L’émission laser se pro- seulement limitée par la diffraction de la lumière et l’existence des
duit alors en mode relaxé, c’est-à-dire sous la forme d’une série de modes transversaux de la cavité, qui ont tendance à s’opposer à la
petites impulsions (figure 5). (0) focalisabilité ;

Barreau de rubis avec miroirs d'argent


R = 90 %
T = 10 % Flash
Sortie
R = 100 % laser

Lampe flash de pompage au Xe


Laser

Capacité de stockage d'énergie

0 t
Alimentation électrique HT
Figure 5 – Schéma du premier laser à rubis
dont le principe se retrouve dans tous les lasers

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SPECTROM ÉTRIES LASER EN AN ALYSE ET CARACTÉRISATION __________________________________________________________________________________

Intensité
Spectre d’émission

Modes Modes
permis amplifiés

δω δω ω

2 L
t

2π /δω
m λ = 2L → résonance de la cavité

Figure 6 – Les modes longitudinaux ␭ (m) de la cavité laser amplifiés Figure 8 – Le blocage des modes (synchronisation de la phase)
(en gras) sont nécessairement de longueur d’onde génère des impulsions de courte durée. Ici trois modes donnent
dans le spectre de l’émetteur des impulsions de largeur 2␲ ⁄ ␦ ␻

1.3 Modes d’une cavité laser


et blocage des modes
La cavité du laser, de manière analogue à un interféromètre de
Fabry-Pérot (1913), permet la résonance, uniquement de certaines
longueurs d’ondes λ(m) avec m entier, appelées modes longi-
tudinaux. La condition de résonance impose d’avoir des « nœuds »
sur les miroirs. Le milieu amplificateur du laser, caractérisé par son
TEM00 TEM10 TEM11
spectre d’émission spontané, va donc amplifier les modes en gras
sur la figure 6, qui sont définis en intensité par la courbe de gain
(enveloppe de gain) analogue au spectre d’émission du milieu à
Figure 7 – Exemples de modes transverse TEM d’une cavité laser
gain (amplificateur).
Les modes transverses, en plus des modes longitudinaux, sont
— la monochromaticité, appelée encore finesse de raie, qui peut imposés par la condition de résonance d’une cavité laser. Ils se
être éventuellement accordable (colorant, MOPO : Master Oscilla- décomposent en TE, TM et TEM (pour transverse électrique, trans-
tor Power Oscillator, doublage, triplage, Raman shifting) dans un verse magnétique et transverse électrique et magnétique), suivant
grand domaine de longueur d’onde allant de l’infrarouge au les caractéristiques du champ électrique ou magnétique. Ils sont
domaine des rayons X ; observables par l’analyse de l’intensité du laser dans un plan per-
pendiculaire à l’axe du faisceau. Ils correspondent à une condition
— la grande irradiance (≈ 1 MW/cm2) et la puissance moyenne
de résonance sensible à l’inclinaison des rayons par rapport à l’axe
soit en continu, soit en régime pulsé, en ajustant la largeur du
de la cavité (figure 7).
faisceau à l’aide d’optiques appropriées ;
— la cohérence est un atout pour produire des impulsions de La superposition des modes transverses fait qu’un laser est plus
courte durée par blocage de modes, mais qui peut être un ou moins divergent et un petit nombre de modes, voire un seul
inconvénient pour réaliser des petits faisceaux ; TEM00 (limite basse théorique), peut être souhaité pour réaliser un
— la durée brève d’impulsion (ns, ps, fs, as : voir § 1.4) qui laser peu divergent. Il est important de réaliser qu’un laser de fai-
permet d’avoir accès à des intensités très élevées (nécessaire pour ble divergence est focalisable sur une tache plus petite et peut y
l’ablation) ou à des champs électromagnétiques très intenses déposer plus d’énergie.
(nécessaire pour l’ionisation, le claquage optique) ; Le blocage de mode, ou verrouillage de modes, consiste à
— le déclenchement électrique à délai contrôlé des impulsions synchroniser en phase les modes longitudinaux du laser (accord de
qui permet l’étude et l’enregistrement de phénomènes ultra- phase). Si à un temps donné t tous les modes ont le champ élec-
rapides, dans des échelles de temps très courtes ; trique sur un maximum, on obtient une impulsion centrée sur cette
— la mise en forme, la manœuvrabilité et la focalisabilité réali- valeur de t, qui sera d’autant plus courte qu’il y a de modes à addi-
sables par des optiques intelligentes, c’est-à-dire programmables tionner. La figure 8 illustre le principe en considérant la superposi-
par des commandes numériques ; tion de trois modes.
— la capacité de pénétrer tous les milieux, en mettant à profit le Les techniques de blocage sont très diverses (colorant à absor-
choix de longueur d’onde et de déposer de l’énergie (excitation de ption saturable, modulateur acousto-optique, cellule de Pockels,
la matière) à distance, par des processus multiphotoniques ou etc.) et sont essentielles pour les oscillateurs femtoseconde. Il
de champ électrique intense, en focalisant les faisceaux ; existe une dualité entre la largeur de l’enveloppe de gain et la
— la grande diversité des technologies laser en pleine évolution brièveté des impulsions réalisables. (0)

et capables de produire des systèmes de tailles très différentes,


dont les extrêmes sont, par exemple, le Laser Méga Joule (LMJ du Exemple : le titane:saphir, Ti:Al2O3 , le matériau qui a la plus large
CEA-CESTA [4]) et les microdiodes laser, intégrées sur des circuits enveloppe de gain [5], donc capable de superposer le plus grand
de micro-électroniques, ou dans des équipements ultraportables. nombre de modes bloqués, fournit les impulsions les plus courtes 5 fs.

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P2755

Spectrométrie d’émission optique


à source étincelle (partie 1)

par Raymond MEILLAND


Ingénieur
Chef de service, Arcelor Research
2

1. Principes..................................................................................................... P 2 755 – 2
1.1 Excitation et ionisation................................................................................ — 2
1.1.1 Influence des phénomènes majeurs dans l’espace
interélectrode ...................................................................................... — 3
1.1.2 Extraction et excitation des particules de la matière....................... — 3
1.1.3 Évolution temporelle des phénomènes d’extraction
et d’excitation ..................................................................................... — 4
1.1.4 Évolution du taux de vaporisation .................................................... — 4
1.1.5 Excitation optimale............................................................................. — 4
1.2 Spectres d’émission .................................................................................... — 5
2. Appareillage .............................................................................................. — 6
2.1 Statif d’étincelage........................................................................................ — 6
2.2 Sources d’excitation .................................................................................... — 7
2.2.1 Arc électrique ...................................................................................... — 7
2.2.2 Étincelle pilotée .................................................................................. — 8
2.2.3 Analyse du signal d’émission............................................................ — 9
2.2.4 Sources d’excitation numériques...................................................... — 10
2.3 Système optique de mesure....................................................................... — 10
2.3.1 Montages spectrométriques.............................................................. — 11
2.3.2 Montage Paschen-Runge ................................................................... — 11
2.3.3 Montage Czerny-Turner...................................................................... — 11
2.3.4 Montages mixtes ................................................................................ — 11
2.3.5 Ambiances sous vide et gazeuses..................................................... — 12
2.4 Détection ...................................................................................................... — 12
2.4.1 Photomultiplicateur ............................................................................ — 12
2.4.2 Barrette de photodiodes .................................................................... — 13
2.4.3 Composants CCD................................................................................ — 13
2.5 Mesure du signal détecté............................................................................ — 13
2.5.1 Intégrateur analogique....................................................................... — 14
2.5.2 Mesures par impulsions .................................................................... — 14
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. P 2 757

ans le domaine de l’analyse chimique, la spectrométrie ou plutôt les spec-


D trométries occupent un espace majeur, aussi bien pour l’analyse des
matériaux solides que pour l’analyse des échantillons liquides (voire gazeux
dans certains cas). Si l’on se restreint à la spectrométrie d’émission optique
(SEO, ou « optical emission spectrometry » : OES), là encore, un ensemble de
techniques est concerné, que ce soit la spectrométrie d’émission optique à
source plasma (ICP-SEO), plus particulièrement utilisée pour l’analyse des
Parution : décembre 2005

échantillons liquides, la spectrométrie d’émission optique équipée d’une


source à décharge luminescente plus orientée aujourd’hui vers le domaine de
l’analyse des revêtements ou la spectrométrie d’émission optique à source
laser en cours de développement industriel. Quant à la spectrométrie

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© Techniques de l’Ingénieur P 2 755 − 1

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P2755

SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE À SOURCE ÉTINCELLE (PARTIE 1) _________________________________________________________________________

d’émission optique à source étincelle, dans le cadre de son utilisation courante


dans l’industrie, elle est couramment appliquée à l’analyse des matériaux soli-
des métalliques.
Cette technique est traitée en deux parties dans les dossiers [P 2 755] et [P 2 756].

2 1. Principes Le développement de l’étincelle sur l’échantillon fait que la sur-


face de celui-ci est vaporisée, atomisée, ionisée et excitée dans le
plasma constitué par l’étincelle.
La resolidification du métal modifie l’état de la surface de l’échan-
Le principe de fonctionnement et l’organisation générale de la tillon avant les décharges successives. La cinétique de solidification
spectrométrie d’émission optique (SEO) à source étincelle peut être est un paramètre important à considérer. On observe la formation
schématisé comme indiqué sur la figure 1. d’un anneau de dépôts de métal fondu autour des microcratères, qui
se resolidifie avant que le métal ne puisse à nouveau remplir les cra-
tères (figure 3).
L’observation par microscopie de la surface de l’échantillon après
1.1 Excitation et ionisation étincelage montre que le processus d’ablation de matière est violent
et très rapide. Les parois des cratères formés sont très accidentées
et ne présentent pas de signe de fusion prolongée. Les particules de
matière éjectées autour des cratères n’ont pas non plus un aspect
D’après le principe de conservation de l’énergie, pour qu’un lisse.
atome émette de l’énergie, il faut qu’il en ait reçu au préalable. Pour Le mécanisme d’ablation peut être décrit comme une explosion
cela, une énergie extérieure est apportée à l’atome sous forme ther- et l’éjection d’un flux de matière de l’échantillon. Une fois qu’une
mique, électrique ou optique (cas des lasers). Si l’énergie est suffi- particule de l’échantillon est extraite, il n’y a qualitativement pas
sante, les électrons passent en quelque 10–8 s à un niveau supérieur. beaucoup de différence entre son comportement et celui qui est
Le retour à l’état stable se fait avec émission d’un rayonnement observé quand une goutte de liquide contenant l’analyte est
spectral caractéristique de la transition. L’énergie potentielle de aspirée dans une flamme. Pour être vaporisée, une particule doit
l’électron croît avec sa distance au noyau (figure 2). être chauffée suffisamment pour que la pression de vapeur de ses
constituants aboutisse à la formation d’atomes libres. Cela ne
La valeur limite de cette énergie tend vers l’énergie d’ionisation,
correspond pas forcément à l’atteinte du point de fusion du
énergie à laquelle l’électron quitte l’atome pour donner un ion
matériau.
chargé positivement et un électron libre. L’atome peut être ionisé
une ou deux fois selon qu’il perd un ou deux électrons. Les électrons Si le temps de séjour de la particule dans le plasma est court, une
excités qui restent dans l’édifice atomique génèrent des raies température du plasma en excès par rapport à la température de
d’atome neutre. Elles sont identifiées par la notation Fe I, Cr I. Les fusion du matériau peut être nécessaire pour transférer suffisam-
raies émises par des atomes ionisés une fois ou deux fois sont repé- ment de chaleur pendant un intervalle de temps réduit et provoquer
rées par la notation Fe II ou Fe III. la vaporisation.
De même, pour des temps de séjour plus long, la pression de
Une décharge d’étincelles est un plasma formé par l’application vapeur inférieure à la pression de l’atmosphère environnante provo-
d’une tension électrique suffisamment élevée entre deux électrodes. que l’atomisation de la particule.
L’étincelle convertit l’énergie électrique en énergie thermique forte-
ment concentrée à la surface de l’échantillon. Le processus de trans- Il a été démontré que des particules de diamètre très supérieur à
fert d’énergie du plasma vers l’échantillon métallique se traduit 30 µm ne peuvent pas être complètement vaporisées.
principalement par un effet thermique qui conduit à la fusion de sur- En conclusion, le mécanisme d’ablation de matière d’une
face du matériau et dans une moindre mesure par une érosion sous matrice métallique s’effectue principalement par fusion. L’éjection
l’effet des ions bombardant la surface. L’énergie thermique transfé- de particules dans le plasma est minoritaire. Le nuage de vapeur
rée à la cathode est fonction non seulement du taux de bombarde- serait ionique avant d’être atomique. Les espèces vaporisées sont
ment des ions, mais aussi du transfert de chaleur par conduction alors excitées dans le plasma, sous forme d’atomes ou d’ions. La
dans le volume de l’échantillon qui s’oppose à l’accroissement de désexcitation des atomes et des ions génère l’émission d’un
température de la surface. photon.

Source Échantillon Détection des


d’excitation excitation des niveaux rayonnements
étincelle atomiques périphériques émis

Extraction de la matière → atomisation → excitation → désexcitation radiative


Figure 1 – Principe général d’un spectromètre
d’émission optique à étincelle

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P 2 755 − 2 © Techniques de l’Ingénieur

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P2755

_________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE À SOURCE ÉTINCELLE (PARTIE 1)

Température (K)
Électron

Wi = 0 15 000
Absorption
+ h νji Wi Wj
Émission 10 000

Noyau
5 000
État fondamental État excité

2
1 000
Figure 2 – Émission et absorption atomique
Cathode Distance Anode

Figure 4 – Distribution de la température dans le plasma

1.1.1 Influence des phénomènes majeurs


dans l’espace interélectrode

Dans une première approche et en simplifiant la compréhension


des phénomènes physiques, on peut considérer que deux phéno-
mènes majeurs interviennent dans le plasma étincelle entre l’échan-
tillon et l’électrode (gap analytique), ce sont :
— l’extraction de matière de la surface de l’échantillon vers le
plasma argon ;
— l’excitation des atomes et des ions de la vapeur de l’échan-
tillon, dans le plasma argon.
7 mm La simultanéité de ces deux phénomènes (qui se développent et
sont présents en même temps dans l’environnement du plasma
a surface impactée par une analyse analytique) tend à compliquer la compréhension de leur influence et
de leur importance dans l’analyse spectrométrique.

1.1.2 Extraction et excitation des particules


de la matière

Un plasma est généré par une décharge électrique entre l’élec-


trode (en tungstène généralement) et l’échantillon.

La matière est extraite de la surface de l’échantillon principale-


ment par vaporisation du matériau. Les atomes du matériau vapo-
risé sont excités dans le plasma, permettant ainsi l’observation du
rayonnement des raies spectrales caractéristiques des éléments chi-
5 µm miques à analyser.

La température dans le plasma argon évolue d’environ 1 000 K


(proximité de l’électrode) à environ 15 000 K ou plus à la surface de
b détail de la redéposition de matière pour l´impact d´une étincelle l’échantillon. La distribution de la température n’est pas linéaire
mais suit généralement une courbe de la forme de celle présentée
sur la figure 4.
profondeur 22
(µm) 11
Les raies atomiques et ioniques ont des potentiels d’excitation dif-
férents. Les raies ioniques, qui requièrent une énergie plus impor-
0
– 11
tante, sont excitées préférentiellement dans la partie haute du
plasma, près de l’échantillon. Les raies atomiques, quant à elles,
0,6 1,6 2,6 3,6 4,6 5,6 largeur (mm) sont plus particulièrement excitées dans la partie basse du plasma.
c profil d´un cratère Puisque l’excitation d’étincelle est plus énergétique que l’excita-
tion d’arc, les raies ioniques sont préférentiellement excitées en
condition d’étincelle alors que les raies atomiques le sont avec des
conditions d’arc. Cette potentialité est largement utilisée sur les ana-
Figure 3 – Photographies illustrant les redépôts autour des cratères
lyseurs actuels, dans lesquels il est possible de mixer des séquences
d’étincelage
« étincelle » et des séquences « arc ».

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© Techniques de l’Ingénieur P 2 755 − 3

49
2

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P2756

Spectrométrie d’émission optique


à source étincelle (partie 2)

par Raymond MEILLAND


Ingénieur
Chef de service, Arcelor Research
2

1. Appareils commerciaux ......................................................................... P 2 756 – 2


1.1 Appareils en poste fixe ............................................................................... — 2
1.2 Spectromètres mobiles............................................................................... — 2
2. Performances des appareils actuels................................................... — 2
3. Caractéristiques de mesures ................................................................ — 3
3.1 Échantillons.................................................................................................. — 3
3.2 Analyse......................................................................................................... — 5
3.3 Robotisation de la méthode ....................................................................... — 6
3.4 Traitement des données spectrales ........................................................... — 7
3.5 Spectrométrie d’émission optique avec classement des impulsions..... — 10
3.6 Résultats analytiques .................................................................................. — 11
4. Applications .............................................................................................. — 12
5. Conclusion ................................................................................................. — 12
5.1 Méthodes concurrentes .............................................................................. — 12
5.2 Évolution ...................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. P 2 757

e développement de la spectrométrie d’émission optique (SEO, ou « optical


L emission spectrometry » : OES) a conduit de nombreux constructeurs à se
lancer sur le marché du spectromètre d’émission. Les parts de marché n’étant
pas toujours suffisantes pour assurer la pérennité de chaque société, ces der-
nières ont souvent complété leur fabrication par du matériel concernant le
plasma ICP (« inductively coupled plasma »), la fluorescence de rayons X, la
fluorescence atomique, l’absorption atomique…
Les performances des spectromètres d’émission optique à étincelle ont forte-
ment évolué, notamment dans le domaine de l’analyse des basses teneurs et de
l’amélioration de la justesse et des limites de détection.
De plus, bien que la concurrence entre les constructeurs soit toujours réelle au
niveau du matériel, c’est surtout dans le domaine des logiciels de traitement de
l’information qu’il existe des différences. En effet, la puissance des calculateurs
autorise l’exploitation de modèles mathématiques qui permettent de résoudre
les problèmes complexes relatifs aux effets interéléments et aux chevauche-
ments de raies. Le traitement des informations spectrales est devenu en lui-
même une technique.
La première partie est traitée dans le dossier [P 2 755].
Parution : décembre 2005

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51
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P2756

SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE À SOURCE ÉTINCELLE (PARTIE 2) _________________________________________________________________________

1. Appareils commerciaux
La nature des spectromètres d’émission par étincelle proposés
permet de résoudre des problèmes très divers. Le laboratoire cen-
tral ou de recherche est souvent équipé de systèmes complexes et
complets alors que le contrôle des produits sur parc de stockage
peut être fait avec un appareil porté à dos. Entre ces extrêmes, il
existe une gamme de produits adaptés à chaque type de besoin.

2
1.1 Appareils en poste fixe

Ces instruments équipent les laboratoires centraux d’analyse, les


sites d’élaboration des métaux, les fonderies et, depuis le dévelop-
pement de l’assurance qualité, ils sont aussi installés chez les trans- Figure 1 – Spectromètre mobile (doc. Spectro)
formateurs de métaux. Pour optimiser l’exploitation du matériel et
la qualité des résultats, les spectromètres sont implantés dans un
environnement spécialement adapté. La climatisation est recom- Ces avancées significatives ont été rendues possibles principale-
mandée malgré la thermostatisation fréquente du spectromètre lui- ment par le développement du traitement des données de l’analyse
même. Pour faciliter la maintenance, un accès facile sur l’arrière et et des possibilités offertes par le mode PDA (pulse discrimination
les côtés de l’appareil doit être prévu. L’alimentation électrique dans analysis) (ou Single Spark pour Spectro, Spark-Dat pour Thermo…,
certains cas doit être stabilisée, particulièrement dans les milieux selon les constructeurs).
industriels.
Les résultats délivrés par les appareils disponibles sur le marché
peuvent à divers titres être discutés, voire contestés. Les caractéris-
1.2 Spectromètres mobiles tiques analytiques présentées par les constructeurs peuvent varier
d’un appareil à un autre. Ces caractéristiques sont directement fonc-
tion de la précision qui a été apportée au montage de l’appareil chez
S’il est, le plus souvent, facile d’apporter l’échantillon au labora- le constructeur mais elles sont aussi liées aux caractéristiques indi-
toire de spectrométrie, il existe des cas où il est plus rapide et ren- viduelles de chaque composant du spectromètre. Ces outils sont de
table d’utiliser un appareil mobile (figure 1). Ces matériels sont conception et de réalisation complexe et il est illusoire de considé-
exploités depuis les années 1980 pour contrôler la qualité des aciers rer que deux outils issus de la même chaîne de montage sont rigou-
de toutes nuances sur des parcs de stockage, pour séparer des pro- reusement identiques. En conséquence, lors de l’acquisition d’un
duits mélangés accidentellement ou pour analyser des pièces impor- spectromètre, il est nécessaire d’en valider les performances par
tantes non échantillonnables. Les conditions d’utilisation de ces rapport au cahier des charges préalablement rédigé et validé avec
appareils ne permettent pas les mêmes performances que celles des le fournisseur.
spectromètres de laboratoire. La majorité d’entre eux travaillent
sous air, ce qui limite la gamme spectrale vers les ultraviolets (UV) En spectrométrie, nous sommes confrontés en premier lieu à
jusqu’à des longueurs d’onde de 200 nm. L’excitation est faite par un
quatre quantités qui déterminent la qualité des analyses réalisées
« pistolet » et la lumière est reprise par une fibre optique pour être
avec les instruments. La répétabilité et la justesse sont certaine-
conduite jusqu’à la fente primaire du spectromètre monté sur châs-
sis mobile. Le flexible, qui contient les conducteurs électriques, la ment les considérations majeures d’un point de vue analytique.
fibre et les fonctions de sécurité, peut atteindre 7 m, donnant ainsi Les limites de détection et la reproductibilité (stabilité à long
un rayon d’action équivalent autour de l’appareil. Les appareils les terme) sont cependant tout aussi importantes et nécessitent d’être
plus récents permettent la détection du carbone à 193,0 nm grâce à discutées.
un balayage du statif et du spectromètre avec de l’argon et à la qua-
lité des nouvelles fibres optiques. L’analyse est souvent limitée à une De façon pratique, un spectromètre d’émission optique à étincelle
comparaison avec des échantillons de référence dont les intensités doit fournir :
des éléments sont affectées d’une fourchette de tolérance. Les élé-
ments analysés sortant des fourchettes sont signalés par des — des résultats répétables d’une analyse à une autre sur un
témoins lumineux. Une bibliothèque de nuances peut aussi être même échantillon ;
stockée dans le microprocesseur. L’analyse permet d’identifier un
— des résultats sur les échantillons de référence qui soient en
échantillon par sa nuance ou par celle qui est la plus proche dans les
références stockées. accord avec les teneurs certifiées (justesse) ;
— des limites de détection qui permettent la mesure des élé-
ments aux niveaux les plus faibles attendus ;

2. Performances des appareils — un instrument suffisamment robuste pour ne pas dériver trop
rapidement et induire des recalibrations fréquentes.
actuels Le tableau 1 reprend les valeurs de LDD (limites de détection)
qu’il est usuel d’obtenir aujourd’hui avec les spectromètres du mar-
Les performances des spectromètres d’émission optique à étin- ché. Quel que soit le constructeur, il n’y a pas à ce jour un appareil
celle ont fortement évolué, notamment dans le domaine de l’ana- qui se détache vraiment. On ne peut en dire autant pour les BEC
lyse des basses teneurs et de l’amélioration de la justesse et des (background equivalent concentration) dont les valeurs du tableau 2
limites de détection. représentent l’état de l’art en la matière.

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_________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE À SOURCE ÉTINCELLE (PARTIE 2)

(0)

Tableau 1 – Limites de détection de différents éléments obtenues avec les spectromètres


actuels pour une matrice en acier
Élément ............................ C C C N Mn P S Si Al Ni Cr Cr Cu Cu Mo Mo As Nb Ti Co
Longueur d’onde .... (nm) 156 133 193 149 293 178 180 212 396 231 286 267 327 324 281 202 189 319 337 228
LDD .........................(ppm) 2,5 0,9 2,7 3,9 1,8 1,8 1,2 2,1 0,9 0,9 6,3 2,1 0,9 0,6 1,2 0,9 2,1 1,5 0,2 1,5

(0)

Tableau 2 – BEC de différents éléments obtenues avec les spectromètres actuels exprimée selon 3 fois l’écart-type
résiduel de la mesure du fond, pour une matrice en acier 2
Élément ................................. C C C N Mn P S Si Al Ni Cr Cu Mo As Nb Ti B Co Sn
Longueur d’onde .......... (nm) 156 133 193 149 293 178 180 212 396 231 267 324 281 189 319 337 182 228 189
BEC .............................. (ppm) 33 5 233 140 90 23 32 103 55 92 124 56 199 29 283 35 13 41 86

Le tableau 3 reprend les niveaux de répétabilité qu’il est courant 3.1.1 Échantillons métalliques
d’obtenir avec les spectromètres actuels. Un échantillon d’acier faible-
ment allié est considéré, sur lequel dix analyses ont été faites consé-
cutivement. Répétabilité « min » correspond aux meilleures valeurs Dans le domaine des métaux ferreux, une évolution importante a
de l’écart-type obtenu sur la moyenne des mesures et Répétabilité eu lieu en matière de prélèvement des échantillons. Pour éviter les
« max » correspond aux résultats les plus dispersés. Ces essais ont réactions entre le métal liquide et l’air, les lingotins obtenus par cou-
été menés avec les principaux spectromètres du marché. lée dans un moule à partir d’une louche ont été remplacés par des
prélèvements résultant de l’immersion du moule dans le bain.
On remarque qu’il n’y a pas de différence notoire entre les valeurs
minimum et maximum des écarts-types de mesure sur les moyen- Cette technique, très largement adoptée dans l’industrie de l’acier,
nes obtenues, quel que soit le spectromètre considéré. À ce titre, on a donné naissance à des échantillons de géométrie différente selon
peut considérer que ces analyseurs sont relativement équivalents. le réacteur d’élaboration et la nature du métal produit. Le modèle le
La démarche menée pour la reproductibilité est similaire. Le plus utilisé est une sonde dont le démoulage après immersion déli-
tableau 4 présente les résultats obtenus. De même que pour la répé- vre un échantillon qui a la forme d’une sucette (figure 2). Actuelle-
tabilité, les analyseurs du marché ne se différencient pas réellement. ment, des sondes de prélèvement sous soufflage suivi d’une
aspiration par l’argon permettent d’optimiser la qualité et la repré-
sentativité de l’échantillon. La sonde est consommable et ne sert
que pour un seul prélèvement. La tige de l’échantillon est coupée et
3. Caractéristiques peut servir au dosage par combustion du carbone et du soufre. Ce
type de prélèvement permet un refroidissement rapide de l’échan-
de mesures tillon et conduit à une structure métallurgique reproductible.
La languette, de 8 ou 12 mm d’épaisseur, sert à l’analyse par SEO.
Certains modèles disposent d’une double languette, la partie amin-
cie (4 mm) étant destinée au poinçonnage. Les lopins ainsi réalisés
3.1 Échantillons sont exploités pour l’analyse des gaz N2 et O2 ainsi que pour C et S.
L’analyse par SEO est faite après ablation de 0,5 à 0,7 mm à la sur-
Les échantillons et leur préparation constituent une partie délicate face de l’une des deux faces. En plus des sondes courantes, d’autres
de la procédure analytique. Dans le processus de prélèvement, de modèles adaptés aux fontes et aux prélèvements dans des jets de
mise en forme de l’éprouvette et de surfaçage de celle-ci, un nombre coulée sont commercialisés par les sociétés SOLED, Electro-Nite,
important de paramètres interviennent pour lesquels il ne faut pas Minco.
sous-estimer l’incidence sur la qualité des dosages. On peut aussi utiliser des échantillons plus massifs tels que des
Le spectrométriste doit aussi prendre en compte l’origine du lingotins cylindriques prélevés par la même technique d’immersion
métal, car un échantillon prélevé en cours d’élaboration et un maté- du moule dans le métal liquide. Le refroidissement plus lent conduit
riau de référence certifié n’ont pas, sur le plan de la structure et de la à une décantation dans l’échantillon et à une retassure centrale à la
répartition des constituants, une similitude complète. Chaque type partie supérieure. Le lingotin est tronçonné à 25 mm de sa base. La
d’échantillon présente ses caractéristiques propres. La nature locale surface résultante est utilisée pour l’analyse par SEO. Les prélève-
et destructive de l’analyse par SEO suppose, pour obtenir un résul- ments par immersion avec moule ouvert aboutissent à des
tat correct, que l’échantillon soit représentatif de son milieu d’ori- « bombes » qui sont également coupées à 25 mm du pied. Les
gine (liquide ou solide) et que la partie consommée lors de échantillons peuvent également se présenter sous forme de pro-
l’étincelage ait la même composition en tout point de l’échantillon. duits finis : forgés, étirés ou laminés. Les copeaux métalliques com-
Cette dernière exigence n’est malheureusement pas toujours réali- pressés dans des bagues permettent de reconstituer un échantillon
sée. Les éprouvettes obtenues par prélèvement dans un bain liquide massif qui peut sous certaines conditions être analysé par SEO. Les
sont étudiées en fonction de leur forme pour fournir une analyse morceaux de métal non normalisés peuvent être refondus dans des
spectrale la plus représentative de la composition chimique fours spécialisés pour donner un « bouton » massif. Des systèmes
moyenne de l’échantillon. Dans la zone choisie sur l’échantillon, on de fixation particuliers sont utilisés sur le statif des spectromètres
effectue deux, voire trois impacts pour atténuer, par la moyenne des pour l’analyse des échantillons existant sous forme de gros fils ou
valeurs, une hétérogénéité résiduelle acceptable. de baguettes.

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Spectrophotométrie d’absorption
dans l’ultraviolet et le visible

par Dominique DI BENEDETTO


Professeur honoraire à l’École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne
2
et Philippe BREUIL
Ingénieur de recherches à l’École Nationale Supérieure des Mines de Saint-Étienne

1. Principes..................................................................................................... P 2 795v2 - 2
1.1 Absorption du rayonnement dans le domaine UV-VIS ............................ — 2
1.2 Spectres obtenus, analyse qualitative ....................................................... — 3
1.3 Lois de l’absorption, analyse quantitative................................................. — 4
2. Instrumentation........................................................................................ — 6
2.1 Organisation des composants.................................................................... — 6
2.2 Sources de rayonnement............................................................................ — 7
2.3 Monochromateurs et spectrographes (polychromateurs) ....................... — 7
2.4 Cellules d’absorption................................................................................... — 8
2.5 Détecteurs .................................................................................................... — 9
2.6 Traitement des données.............................................................................. — 9
3. Paramètres instrumentaux .................................................................... — 9
3.1 Domaine spectral......................................................................................... — 9
3.2 Résolution des spectrophotomètres .......................................................... — 9
3.3 Lumière parasite .......................................................................................... — 10
3.4 Dynamique de mesure ................................................................................ — 11
4. Vérification des performances, validation des données, BPL..... — 12
4.1 Exactitude du réglage en longueur d’onde ............................................... — 12
4.2 Exactitude photométrique .......................................................................... — 13
4.3 Lumière parasite .......................................................................................... — 13
4.4 Résolution spectrale .................................................................................... — 14
4.5 Bruit et rectitude de la ligne de base ......................................................... — 14
5. Conduite d’une analyse.......................................................................... — 15
5.1 Cas simple ou classique : utilisation d’une seule longueur d’onde ........ — 15
5.2 Cas des mélanges, spectres dérivés, analyse multivariable.................... — 16
6. Domaines d’application ......................................................................... — 19
Parution : mars 2007 - Dernière validation : mars 2019

6.1 Quelques exemples ..................................................................................... — 19


6.2 Applications particulières, couplages ........................................................ — 20
7. Conclusion ................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 795v2

a spectrophotométrie d’absorption dans l’ultraviolet et le visible (UV-VIS)


L est une technique d’un âge respectable encore très utilisée dans les labo-
ratoires et dans l’industrie. Elle a bénéficié des progrès technologiques récents
– miniaturisation, fibres optiques – et des moyens de calcul apportés par l’outil
informatique. De plus, c’est une technique bien adaptée aux moyens de
contrôle et de validation qui permettent de produire des données de qualité
reconnue et quantifiée.

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SPECTROPHOTOMÉTRIE D’ABSORPTION DANS L’ULTRAVIOLET ET LE VISIBLE ______________________________________________________________________

La terminologie utilisée dans le domaine de la spectrophotométrie d’absorption


moléculaire n’est pas encore normalisée. On peut se reporter à la norme AFNOR
NF X 02-206 et à l’IUPAC (International Union of Pure and Applied Chemistry)
pour la terminologie en anglais, dont le site est donné dans [Doc. P 2 795v2].
Les anglo-saxons utilisent plutôt le terme « spectroscopy ».
Si cette technique est encore largement utilisée, c’est qu’elle présente des
qualités qui seront développées dans ce dossier, dont on peut citer les plus
évidentes :
— technique d’un coût raisonnable, de l’ordre de 10 000 à 30 000 € ;
— vérification et validation des données bien documentées ;

2
— travail entre deux « bornes » : 0 et 100 % de transmission, facilement
vérifiables ;
— de nombreuses espèces à l’état gazeux, liquide ou solide absorbent dans
l’UV-VIS, soit directement, soit après développement d’espèces absorbantes ;
— on dispose d’une abondante bibliographie et de notes d’applications dans
de nombreux domaines ;
— on peut obtenir de bonnes sensibilités, soit par préparation des échan-
tillons, soit en modifiant des paramètres physiques comme la longueur du trajet
optique par exemple ;
— les temps de réponse peuvent être très courts, même pour l’enregistrement
de spectres complets ;
— on trouve sur le marché des composants miniatures, des fibres optiques et
des cellules couplées qui permettent de faire des mesures déportées, ce qui
permet d’adapter facilement la technique à des problèmes particuliers ;
— les méthodes modernes de traitement des données permettent de résoudre
des problèmes difficiles d’analyse multi-composants ou de suppression des
interférences ;
— on peut coupler la spectrométrie UV-VIS avec d’autres techniques comme
la chromatographie.
Ces caractéristiques seront développées dans ce dossier, ainsi que les
limitations qui sont principalement que :
— la dynamique (gamme de mesures) est réduite par la loi logarithmique et la
lumière parasite ; il existe, de plus, les phénomènes de diffusion et de
fluorescence ;
— les interférences spectrales ne sont pas toujours maîtrisées, de même que
les effets physico-chimiques comme le pH, les effets du solvant, la tempéra-
ture... ;
— c’est une méthode d’analyse essentiellement quantitative, surtout lorsque
plusieurs espèces absorbent, ce qui rend difficile la reconnaissance de la
signature spectrale ;
— les logiciels ont tendance à présenter des résultats qui donnent confiance,
mais attention à l’effet « boîte noire », surtout quand la composition des échan-
tillons varie : les méthodes d’analyse multivariable ne permettent plus de tracer
la bonne vieille loi de Beer-Lambert. Il faudra donc vérifier les données fournies
avec des échantillons de caractéristiques connues, et dans tout le domaine de
concentrations que l’on risque de trouver dans les échantillons inconnus.

1. Principes Dans cette application, on peut considérer le rayonnement


UV-VIS comme une onde électromagnétique qui transporte une
énergie E liée à sa fréquence ν par la relation :
1.1 Absorption du rayonnement E = hν = hc /λ (1)
dans le domaine UV-VIS avec h constante de Planck (h = 6,63 · 10–34 J · s),
c vitesse de la lumière dans le milieu où se propage l’onde
Le principe de la spectrométrie d’absorption dans l’ultraviolet et (c = 3 · 108 m/s dans le vide),
le visible repose sur l’absorption du rayonnement par les molécules
dans le domaine allant de 190 à 800 nm, ce qui correspond à l’ultra- λ longueur d’onde du rayonnement, exprimée habituel-
violet (190-400 nm) et au visible (400-800 nm). Certains spectro- lement en nanomètres (nm).
photomètres couvrent aussi le proche infrarouge jusqu’à 2 500 nm On remarque que le domaine UV-VIS n’occupe qu’une faible
par exemple. Ce domaine est illustré figure 1. partie du domaine d’existence des rayonnements, allant des

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Fréquence (Hz)
1022 1015 1012 106 1 000 1

UV VIS

190 nm 800 nm

Rayons cosmiques UV-VIS Radar TV Radio Audible

2
Rayons X Figure 1 – Domaine spectral du rayonnement
électromagnétique

rayons cosmiques aux ondes radios. Dans l’UV-VIS, le domaine de La figure 2 représente un schéma simplifié de l’absorption du
190-800 nm correspond à des fréquences allant de 1,6 · 1015 Hz à rayonnement UV-VIS par les atomes et les molécules :
3,8 · 1014 Hz, et des énergies de l’ordre de quelques électrons-volts • Pour les atomes, il n’existe que des états électroniques
(1 eV correspond à une longueur d’onde de 1 230 nm environ, donc quantifiés susceptibles d’absorber des photons. L’absorption du
l’UV-VIS de 200 à 800 nm correspond à des énergies de 6,5 à 1,5 eV rayonnement se traduit par un spectre de raies pratiquement
environ.) Ces énergies correspondent aux énergies de transition monochromatiques, absorption qui est mise en œuvre dans la
électronique des molécules : à température ambiante, la plupart spectrophotométrie d’absorption atomique.
des molécules sont dans leur état électronique et leur état de vibra-
tion fondamental, plusieurs états de rotation pouvant être occupés • Pour les molécules, même simples comme les molécules
conformément à la répartition de Boltzmann. Ces molécules vont diatomiques, les niveaux d’énergie quantifiés sont plus nombreux :
donc pouvoir absorber des photons UV-VIS et changer leurs états — les niveaux électroniques : les écarts d’énergie entre ces
énergétiques électroniques, de vibration et de rotation – comme le niveaux sont de l’ordre de quelques électrons-volts, conduisant à
montre la figure 2 – ce qui explique la complexité des spectres des absorptions dans le domaine UV-VIS, comme pour les
d’absorption, même pour des molécules simples à l’état gazeux. atomes ;
On comprend aussi que le nombre de photons absorbés entraînant — les niveaux de vibration : les écarts d’énergie de quelques
une diminution de l’intensité du rayonnement UV-VIS transmis par dixièmes d’eV correspondent à des absorptions dans le domaine
le milieu, cette diminution va dépendre du nombre de molécules de l’infrarouge moyen, soit de 2,5 à 40 µm (ou 4 000 à 50 cm–1,
traversées par le rayonnement. Ceci va se traduire par une loi avec σ cm–1 = 104/λ µm) ;
d’absorption : la loi de Beer-Lambert. — les niveaux de rotation : les écarts d’énergie sont de l’ordre
de quelques millièmes d’eV, correspondant à l’infrarouge lointain.
Quand les molécules sont soumises à un rayonnement du
domaine UV-VIS – à température ambiante, ce qui suppose qu’elles
se trouvent dans leur état fondamental, aussi bien électronique
que vibrationnel – les transitions (absorptions) se produisent pour
E2 tous les niveaux d’énergie supérieurs permis par les règles de
E2 sélection, aussi bien électroniques, vibrationnels et rotationnels, ce
Niveaux J qui explique la complexité des spectres d’absorption, même pour
(rotation) des molécules simples.
J = 1, 2, 3... On remarque sur la figure 3 que la structure fine des spectres,
observée à l’état gazeux, disparaît quand la même molécule – ici le
v=1 benzène – est mise en solution dans l’éthanol.
E1 Pour toutes les molécules mises en solution, les spectres UV-VIS
v=0 E1 se présentent sous forme de bandes plus ou moins larges, les
interactions avec les solvants venant masquer la structure fine.
Transition Transition Cette structure fine n’apparaît que pour les gaz, à condition d’avoir
E1 → E2 E1 → E2
des spectrophotomètres possédant une résolution suffisante (voir
v = 0 → v = 1 la figure 13), et aussi que les gaz ne soient pas photodissociés par
v = 1 → v = 2 etc. le rayonnement, comme le montrent les spectres de l’ozone et du
∆J = – 1 ∆J = 0 ∆J = + 1 dioxyde d’azote de la figure 3.
a atome b molécule diatomique Ces deux gaz sont en effet dissociés par le rayonnement UV : un ou
des électrons sont éjectés de la molécule et emportent une partie de
l’énergie des photons incidents. L’énergie des photons n’étant pas
quantifiée, la structure fine du spectre disparaît, ce qui explique la
présence de larges bandes d’absorption.

1.2 Spectres obtenus, analyse qualitative


c spectres obtenus ■ Pour les nombreuses molécules gazeuses qui absorbent dans
l’UV-VIS comme le monoxyde d’azote NO, le dioxyde de soufre SO2 ,
l’ammoniac NH3 , le chlore Cl2 , l’hydrogène sulfuré H2S, le benzène
Figure 2 – Transitions électroniques des atomes et des molécules
C6H6 ... les spectres obtenus sont une véritable empreinte digitale

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SPECTROPHOTOMÉTRIE D’ABSORPTION DANS L’ULTRAVIOLET ET LE VISIBLE ______________________________________________________________________

0,8

Absorbance
0,7
et p = 1 atm (ppm–1 · m–1)
Coefficient d'absorption à 16 °C

0,006
10 0,6
0,005
12 0,5
8
0,004
0,4
0,003
0,3
6 11
0,002
9 13 0,2

2
0,001 7
4 5
1 23 14 0,1
0
0
220 230 240 250 260 270 280 290 220 238 255 272 290
Longueur d'onde (nm) Longueur d'onde (nm)

a benzène b spectre d'absorption du benzène en solution

1
Absorbance

Absorbance
NH3 100 ppm
0,9 0,19
0,8
O3 1
108
08 ppm
0,7
NO 1 000 ppm 0,14
0,6
NO2 1 00
0000 ppm
0,5
0,09
0,4
0,3 000
NO 1 00 0 ppm
NO2 500 ppm
0,2 0,04
0,1 Blanc
0 – 0,01
202 212 222 200 220 240 260 280 300 320 340 360 380 400
Longueur d'onde (nm) Longueur d'onde (nm)

c spectres UV de NO, NO2 , NH3 d spectres UV de NO, NO2 , O3

Figure 3 – Quelques spectres d’absorption de molécules

de ces molécules, si le spectromètre a une résolution suffisante. On une longueur d’onde où la molécule absorbe, il existe une loi
peut donc les reconnaître facilement, même dans un mélange, simple entre quantité de rayonnement transmis par le milieu et
comme le montrent les spectres de la figure 3. concentration des molécules qui absorbent (on suppose que seule
l’espèce à doser absorbe à cette longueur d’onde).
■ Dans le cas des liquides et des solutions, les interactions molé-
culaires viennent masquer les structures fines observées pour les C’est la loi de Beer-Lambert qui relie absorption, à une longueur
gaz : on ne retrouve alors que des bandes plus ou moins larges qui d’onde λ, et concentration c des molécules qui absorbent. Si
peuvent rendre plus douteuse l’identification des molécules, ce qui l’intensité du rayonnement à la longueur d’onde λ, avant traversée
explique que la spectrométrie d’absorption dans l’ultraviolet et le o
de la cellule, est I λ , l’intensité, après traversée de la cellule, sera
visible est surtout une méthode d’analyse quantitative. o
Iλ , reliée à I λ par la relation :
■ Dans le cas de mélanges simples avec peu de constituants qui
absorbent, on peut cependant identifier des espèces. Cette identi- o
I λ = I λ exp ( – ε λ L c )
fication est rendue plus performante avec l’analyse multivariable
des données qui sera vue au paragraphe 5.2. ou encore :
o

- = ελ L c
A λ = lg ------- (2)
1.3 Lois de l’absorption, Iλ
analyse quantitative avec Aλ absorbance du milieu à la longueur d’onde λ,
exprimée en nm dans l’UV-VIS,
L’absorption du rayonnement UV-VIS par les molécules permet o

de mesurer le nombre (ou plutôt la concentration) de ces molécu- lg -------
- logarithme en base 10,
les présentes dans le trajet du rayonnement. On ne mesure pas Iλ
directement ce nombre, mais on procède à un étalonnage en utili- ελ coefficient spécifique d’absorbance molaire (ex–coef-
sant des mélanges étalons de concentrations connues des molécu- ficient d’extinction moléculaire) en L · mole–1 · cm–1,
les que l’on veut doser. Ces étalons sont placés dans des cellules
L trajet optique de la cellule en cm,
d’absorption traversées par le rayonnement UV-VIS. La quantité de
rayonnement absorbée dans les zones d’absorption spécifiques c concentration en mole · L –1 des molécules qui
des molécules à doser est déterminée par le spectrophotomètre. À absorbent à la longueur d’onde λ.

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3,5

Absorbances
3
Absorbance
2,5

2
Aéch
1,5 [(I ° + I p ) / (I
lg [(I (I + I p )]

I °λ Iλ 1 Effet d'une lumière


Effet lumi
lumièère
parasite de 1 %
0,5
céch

2
0
0 2 4 6 8 10 12
Concentrations (ua)
Solution de concentration c
Figure 5 – Tracé de la droite d’étalonnage
et détermination des concentrations inconnues

Figure 4 – Schéma d’une cellule d’absorption


En présence de lumière parasite, la droite se transforme en
courbe qui a une signification physique. Il vaut mieux éviter, dans
La figure 4 représente le schéma d’une cellule et explicite les ce cas, de faire par exemple une régression linéaire sur les points
variables utilisées. expérimentaux (Aλ ; c ). La droite de régression va couper la courbe
en deux points (cercles) comme le montre la figure 6 provoquant
L’absorbance Aλ est donc proportionnelle à la concentration c une erreur (et non pas une incertitude) sur les résultats, sauf autour
des molécules de l’espèce qui absorbe (seule !) à cette longueur des deux points d’intersection représentés par les cercles bleus.
d’onde λ.
Bien entendu, cette erreur n’apparaît que si les incertitudes sur
Il est alors possible de construire une droite d’étalonnage en la mesure des absorbances sont faibles devant les déviations
utilisant plusieurs concentrations connues de la molécule à doser apportées par la régression, et si la lumière parasite n’est pas
et en mesurant les absorbances correspondantes à la longueur négligeable, ce qui est souvent le cas en pratique.
d’onde λ. Cette droite d’étalonnage permet le calcul de ελ . En
plaçant dans la cellule un échantillon dont on veut connaître la Dans l’exemple de la figure 6 qui correspond à un taux de lumière
concentration céch , l’absorbance mesurée Aλéch permet le calcul parasite de 1 %, la droite de régression calculée sur tous les points
direct de céch . On préfère utiliser la droite d’étalonnage pour s’éloigne significativement de la courbe réelle, courbe qui illustre
déterminer céch comme le montre la figure 5. un phénomène physique. On remarque que le coefficient de corré-
lation R 2 vaut 0,95, ce qui pourrait faire croire à une utilisation
On a représenté, sur la même figure, l’effet d’une lumière para- acceptable de la régression linéaire. Pour une absorbance de 1,2,
site (on utilise traditionnellement le terme de lumière au lieu du l’écart – que l’on peut appeler ici une erreur – de concentration vaut
terme rayonnement pour cette caractéristique), c’est-à-dire d’une 19 % ! Si l’on calcule la régression linéaire sur les 4 premiers points,
lumière d’une autre longueur d’onde λp que celle pour laquelle on on obtient la droite tracée en pointillé noir, R 2 = 0,997. L’erreur dans
a tracé la loi de Beer-Lambert, et qui arrive au détecteur, superpo- ce cas est limitée à 3,6 %. Il faut donc utiliser l’outil statistique avec
sée à la lumière de longueur d’onde de travail λ. Si λp est en prudence, nous en verrons d’autres exemples dans la suite du
dehors de la bande d’absorption de la molécule à doser, la lumière dossier.
à λp n’est pas absorbée. La loi de Beer-Lambert s’écrit alors :
Cette approche ne peut être utilisée que dans les cas simples,
o pour lesquels n’interviennent pas ou peu les phénomènes de
( I λ + Ip ) lumière parasite, la diffusion, les interférences chimiques ou
A λ = lg -----------------------
- (3)
( Iλ + Ip ) spectracles, etc. On peut se rapprocher de ces cas simples au prix
d’une préparation plus élaborée des échantillons, mais ce trai-
Lorsque Iλ tend vers zéro pour les fortes concentrations, la tement préalable prend du temps, et peut être source d’erreurs et
relation devient : d’incertitudes. De plus, il est inapplicable pour l’analyse en ligne.
o Nous verrons au § 5 les moyens et les méthodes que l’on peut
( I λ + Ip ) utiliser pour tenir compte de ces limitations.
A λ = lg -----------------------
-
Ip
Lorsque plusieurs espèces absorbent à la même longueur
d’onde, et qu’il n’y a pas d’interaction entre les espèces, l’absor-
o
L’effet d’une lumière parasite de 1 % de est représenté par la
Iλ bance mesurée va être égale à la somme des absorbances de cha-
courbe bleue sur la figure 5. On note que la lumière parasite cune des espèces :
diminue la sensibilité de l’analyse en diminuant la pente. De plus,
l’absorbance sera limitée à 2 (cf. lg (101/1) ≈ 2) : pour des échan- At λ = ε 1 λ L c1 + ε 2 λ L c2 + ε 3 λ L c3 + … (4)
tillons d’absorbance proche de 2, l’incertitude sur la détermination
de céch – pour la même incertitude sur l’absorbance – sera plus avec A tλ absorbance totale,
grande que dans le cas de la droite obtenue sans lumière parasite. ε 1λ , ε 2λ ,ε 3λ coefficients spécifiques d’absorbance molaire à
la longueur d’onde λ des constituants 1, 2, 3...
Remarque : la lumière parasite augmente dans l’ultraviolet
aux concentrations c 1 , c 2 , c 3 ..., placés dans
(diffusion, fluorescence...). Elle dépend des configurations des
une cellule de mesure de trajet optique L .
spectromètres. Elle peut prendre des valeurs élevées pour les spec-
tromètres miniatures équipés de détecteurs de type barrettes de Cette équation est appliquée aux mélanges en utilisant les
photodiodes (PDA ; Photodiode Array ) ou de CCD (Charge Coupled méthodes d’analyse multivariable vues au § 5 quand le nombre de
Device : détecteur à transfert de charge, voir § 2). constituants dépasse deux.

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2

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P2850

Spectrométrie d’absorption
dans l’infrarouge
par Bernard HUMBERT
Habilité à diriger des recherches , professeur des Universités

2
Université de Nantes, IMN Institut des matériaux Jean Rouxel, UMR 6502 CNRS-Univ Nantes
Jean-Yves MEVELLEC
Docteur, Ingénieur de recherche CNRS
Université de Nantes, IMN Institut des matériaux Jean Rouxel, UMR 6502 CNRS-Univ Nantes
Jérôme GRAUSEM
Docteur, Ingénieur d’études CNRS
Université de Lorraine, LCPME UMR 7564 CNRS-Univ de Lorraine
Manuel DOSSOT
Docteur, Maître de Conférences
Université de Lorraine, LCPME UMR 7564 CNRS-Univ de Lorraine
et Cédric CARTERET
Habilité à diriger des recherches, Professeur des Universités
Université de Lorraine, LCPME UMR 7564 CNRS-Univ de Lorraine

1. Notions générales .................................................................................... P 2 850 - 2


1.1 Nature du rayonnement .............................................................................. — 2
1.2 Interaction matière-rayonnement et spectrométrie moléculaire ............. — 3
1.3 Modes de vibration d’une molécule isolée à N atomes ........................... — 5
1.4 Notion de fréquence de groupe .................................................................. — 5
1.5 Notion de fréquences fondamentales, harmoniques et de combinaison — 8
1.6 Spectres de vibration-rotation .................................................................... — 9
1.7 Notion de vibration dans les solides .......................................................... — 9
1.8 Spectroscopie infrarouge et autres spectroscopies moléculaires :
similitudes et différences ............................................................................ — 9
2. Spectromètres, du lointain au proche infrarouge........................... — 12
2.1 Sources et détecteurs de rayonnement infrarouge .................................. — 12
2.2 Dispositifs d’analyse du rayonnement infrarouge .................................... — 13
2.3 Réalisation pratique ..................................................................................... — 14
2.4 Avantages de la spectrométrie à transformée de Fourier ........................ — 15
3. Protocoles expérimentaux d’obtention du spectre IR ................... — 16
Parution : décembre 2012 - Dernière validation : juillet 2018

3.1 Méthodes d’analyse des gaz et des liquides en transmission ................. — 16


3.2 Milieux fortement absorbants : dispersion anomale ................................ — 17
3.3 Réflexion totale atténuée............................................................................. — 20
3.4 Méthodes d’étude des solides .................................................................... — 21
3.5 Microscopie Infrarouge ............................................................................... — 24
4. Exploitation des données ....................................................................... — 27
4.1 Informations qualitatives pour l’identification
d’une propriété chimique ou physique ...................................................... — 27
4.2 Analyse quantitative .................................................................................... — 27
5. Conclusion.................................................................................................. — 28
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. P 2 850

es spectroscopies optiques, en exploitant les interactions entre la matière


L et la lumière, permettent d’obtenir la composition chimique et de caracté-
riser les propriétés physiques et chimiques d’échantillons. Selon la gamme
spectrale utilisée (ou l’énergie des photons utilisés), cette interaction sonde les

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SPECTROMÉTRIE D’ABSORPTION DANS L’INFRAROUGE ____________________________________________________________________________________

divers types de niveaux d’énergie de la matière. Dans le domaine des rayons X


ou ultraviolets durs, les niveaux électroniques d’électrons de cœur, des élec-
trons proches des noyaux sont excités, tandis que dans le domaine
200-400 nm des ultraviolets usuels, les électrons impliqués dans les liaisons
chimiques seront sondés. Dans l’infrarouge, les niveaux vibrationnels sont
sondés pour caractériser aussi bien les groupements chimiques constituant
l’échantillon que la structure moléculaire ou encore les propriétés physiques
d’ordre, de désordre, de stress mécanique, optiques, etc. La nature de l’infor-
mation obtenue est cependant dépendante de la méthode d’enregistrement du
spectre et de l’état physique de l’échantillon (gaz, liquide, solide...).

2
En pratique, les spectromètres actuels dits à transformée de Fourier (FTIR)
possèdent des qualités permettant une large gamme de possibilités d’analyse.
L’analyse sera qualitative pour identifier un composé à partir de sa signature
spectrale (empreinte complète spectrale) ou établir, en utilisant des évolutions
d’une zone restreinte de cette empreinte, des changements fins de structure ou
d’interactions moléculaires dépendant des niveaux d’énergie « sondés » par le
rayonnement. Outre l’identification, l’analyse sera quantitative permettant le
dosage d’une substance, grâce à l’évolution de sa signature spectrale en fonc-
tion de la quantité de matière mesurée.
Cet article est spécifiquement dédié à la spectroscopie d’absorption infra-
rouge ou spectroscopie d’absorption de vibration. Après un bref rappel des
notions générales sur l’interaction matière-rayonnement, une seconde partie
présente les principaux modes d’enregistrement d’un spectre infrarouge, en
comparant leurs avantages et leurs inconvénients. Dans une troisième partie,
les méthodes actuellement facilement accessibles d’enregistrement d’un
spectre selon que l’échantillon étudié est solide (massif, film ou pulvérulent),
liquide ou gazeux, seront détaillées pour leurs applications courantes. La qua-
trième partie conclura sur quelques méthodes d’exploitation analytique
qualitative des données spectrales infrarouges ou de prédiction quantitative
d’une variable, telle qu’évidemment la concentration, mais aussi des grandeurs
physico-chimiques comme l’acidité, l’hygrométrie, le degré d’organisation d’un
assemblage, la pression intrinsèque subie par un échantillon, etc. Ce type de
traitement informatique est intégré à un grand nombre de logiciels d’acquisi-
tion et est de plus en plus répandu dans l’industrie pour des utilisateurs sans
préformation particulière.

1. Notions générales tribution de radiations dont les fréquences s’écartent peu d’une
valeur moyenne, soit polychromatiques, pour une source composée
d’une distribution large de fréquences. Le formalisme reliant toutes
Les notions générales survolées ici, seront à compléter par la lec- ces grandeurs lors de la propagation d’une onde électromagnétique
ture d’autres chapitres proposés dans les Techniques de l’ingénieur, dans un milieu, a été établi par Maxwell. Le champ  s’y exprime sui-
autour des spectrométries optiques soit moléculaires [P 2 656], vant les grandeurs ω pulsation (en rad · s–1), et k , vecteur d’onde (en
[P 2 795] soit instrumentales [P 2 865], [R 6 310] et [P 2 660]. Nous rad · m–1) dont l’amplitude est proportionnelle à l’inverse de la pério-
invitons aussi les lecteurs à se retourner vers des ouvrages complets
dicité spatiale λ, la longueur d’onde. Les relations dans le vide reliant
qui détailleront les aspects moléculaires ou de la matière [1] [2], les
aspects instrumentaux [3] [4] [5] ou applications [6]. ces grandeurs sont :


ω= = 2 πν (1)
1.1 Nature du rayonnement T
avec T la période (en s) et ν la fréquence (en s–1 ou Hz) et :
Le rayonnement électromagnétique (transport d’énergie sans
transport de matière) se décrit à l’aide de la propagation d’un champ  2π 
électrique E et d’un champ  magnétique H interdépendants (souvent k= e (2)
λ k
l’induction magnétique B est utilisée en place et lieu de H ). Leurs
variations périodiques, temporelle T (l’inverse de la fréquence ν ), et Ce dernier vecteur donne l’orientation de la propagation. Sa
spatiale, définissant la longueur d’onde λ, définissent l’onde électro- norme correspond au nombre d’onde, que l’on donne par habitude
magnétique. L’onde est dite « monochromatique » lorsqu’une et une en cm–1 :
seule fréquence ν la caractérise. En réalité, les radiations sont soit 
« quasi monochromatiques », quand elles sont composées d’une dis- ν = ν /c0 (3)

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La vitesse de propagation de l’onde, c0 , dans le vide, est reliée


aux deux grandeurs, longueur d’onde et périodicité temporelle par :
E (kcal/mol) v = E/hc (cm–1)
λ
T = (4) UV Niveaux
c0 102
  35 000 électroniques
Par le biais des champs E et H , l’onde électromagnétique
transporte de l’énergie lumineuse. Cette énergie ramenée par unité Visible
de temps et de surface donne l’irradiance ᑣ (en W/m2) définie 4 000
dans le vide par : 10
IR moyen Niveaux
1
ᑣ = ε 0 E 02 c (5) vibrationnels
2 400
où ε0 représente la permittivité du vide.
Le transport d’énergie lumineuse obéit à la fois à cette description
ondulatoire mais aussi à une description corpusculaire. Ainsi l’irra-
0,6
1

IR lointain
Agitation
thermique
2
Niveaux
diance représente aussi un flux de particules : des photons, possé- rotationnels
0
dant une masse au repos nulle et se déplaçant à une vitesse égale à
celle de la lumière dans le vide, c0 . L’énergie E d’un photon associée Rappel : 1 cal = 4,18J
à l’onde électromagnétique de fréquence ν a pour expression :
E = hν (6) Figure 1 – Niveaux énergétiques moléculaires aux fréquences
(ou énergies) des différents domaines spectraux de photons
avec h constante de Planck.
Le domaine spectral de l’infrarouge correspond au domaine de
longueurs d’onde s’étendant de 0,8 à 100 µm. Ce domaine est sub-
divisé en proche (PIR de 0,8 à 2,5 µm ou 12 500 à 4 000 cm–1), 4000
Énergie potentielle de la liaison chimique

moyen (MIR de 2,5 à 25 µm, soit de 4 000 à 400 cm–1 ou en fré-


quence de 12 THz à 120 THz) et lointain (LIR de 25 à 100 µm, soit 3500
de 400 à 30 cm–1 soit encore de 12 THz à 1 THz) infrarouge. Le
domaine moyen infrarouge (MIR), communément nommé 3000
(unité arbitraire)

« infrarouge » est le plus anciennement utilisé. Il est encore le plus


2500
populaire dans les méthodes analytiques vibrationnelles molécu-
laires mais peut être avantageusement complété par le domaine 2000
du proche infrarouge. Ces deux domaines sont étudiés par la suite.
1500

1.2 Interaction matière-rayonnement 1000

et spectrométrie moléculaire 500

Les transferts d’énergie entre une onde électromagnétique et un 0


système moléculaire se font soit par la disparition d’un photon, 0,0 0,5 1,0 1,5 2,0 2,5 3,0
l’absorption, soit par la génération d’un photon, l’émission. Dans ˚
Distance entre noyaux (A)
le cas de l’absorption, l’énergie de la molécule augmente, alors
que dans celui de l’émission la molécule se retrouve dans un état
final plus bas en énergie. Figure 2 – Énergie de liaison interatomique d’une molécule
diatomique dans un modèle qualitatif de type Morse. Les niveaux
Les résultats expérimentaux accumulés depuis plus d’un siècle vibrationnels sont représentés par les traits horizontaux
et leur interprétation par la mécanique quantique ont permis à la
physique de décrire les systèmes moléculaires. Ceux-ci possèdent
des niveaux discrets d’énergie parfaitement définis, reliés à la Lors de l’absorption d’un photon par une molécule, le principe
nature des atomes et des liaisons entre eux. Dans l’approximation de la conservation de l’énergie impose que :
de Born-Oppenheimer, les mouvements nucléaires de rota-
tion-vibration d’une molécule sont considérés lents devant ceux h ν = E final − Einitial
des électrons (de l’ordre de la femtoseconde, tandis que les
noyaux bougent dans des temps de l’ordre de la picoseconde). Seules certaines fréquences bien précises correspondent à des
Dans cette approximation, l’énergie potentielle, essentiellement phénomènes d’absorption : des spectres discrets (non continus)
fonction des coordonnées nucléaires des noyaux, et les états caractérisent les niveaux moléculaires. Les domaines du spectre
caractéristiques électroniques de la molécule sont traités séparé- électromagnétique sont alors corrélés aux niveaux d’énergie des
ment. Il est alors permis de séparer également les mouvements de molécules.
vibration des noyaux des mouvements de rotation. L’énergie totale
La figure 1 présente les domaines spectraux et leurs correspon-
d’une molécule serait la somme de termes indépendants :
dances énergétiques moléculaires. Les photons UV absorbés
E tot = E el + E vib + Erot portent les molécules vers des niveaux électroniques plus élevés
tandis que les photons du proche et moyen infrarouge, qui nous
où chacune de ces énergies correspond respectivement à celles intéressent ici, amènent la molécule vers des états excités de
des électrons, des interactions entre noyaux et de rotation de la vibration.
molécule rigide. La figure 2 décrit le comportement énergétique d’une molécule
Dès lors l’indépendance des mouvements admise, les spectros- composée de deux atomes en fonction de la distance interato-
copies électroniques, vibrationnelles et rotationnelles sont mique. Si le gain génère un puits de potentiel suffisamment
étudiées séparément [P 2 656]. profond pour que l’énergie thermique ne « re-sépare » pas les

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SPECTROMÉTRIE D’ABSORPTION DANS L’INFRAROUGE ____________________________________________________________________________________

deux atomes, une liaison chimique est créée. Au fond de ce puits,


lorsque la distance est légèrement écartée de la position la plus
basse en énergie potentielle, les atomes tendent à revenir vers 0,6
cette position, en acquérant une énergie cinétique, si la molécule
est isolée de l’extérieur : la molécule se met à osciller changeant 0,5
alternativement l’excès d’énergie potentielle en énergie cinétique.
ᐍ"
L’énergie potentielle, V, autour de cette position d’équilibre s’écrit
classiquement comme le développement : 0,4

 dV  0,3
1  d2V  1  d3V 
V = Véq +  ℓ+  ℓ2 +  ℓ3 + ... (7)
 d ℓ  ℓ =0 2  dℓ2  ℓ =0 6  dℓ3  ℓ =0 ᐍ'
0,2

2 où ℓ correspond à l’allongement de la liaison entre les deux


atomes (ℓ = 0 désigne la position d’équilibre avec la plus petite
valeur de V : Véq ). Avec un choix judicieux du référentiel d’énergie,
0,1
Puissance absorbée (u.a.)
Véq définit le zéro. Le deuxième terme décrit la position d’équilibre
0,0
autour du minimum d’énergie et est donc nul.
Par conséquent le premier terme non nul du développement est : 400 430 440 450 460 470 480 490 500 510 520
1  d2V 
ℓ2 , que l’on posera égale à (1/2)k ℓ2. Le facteur k est Pulsation (unité arbitraire)
2  d ℓ2  ℓ =0
l’analogue d’une constante de raideur de force de la liaison
chimique. Si on se contente de ce premier terme du développe- ᐍ' et ᐍ" correspondent aux deux amplitudes d'oscillation en phase
et en antiphase en mode d'oscillation forcée
ment, l’énergie potentielle correspond à une parabole centrée
autour de ℓ = 0; définissant le cadre de l’approximation,
harmonique. Cet oscillateur dans l’approximation harmonique Figure 3 – Description d’un oscillateur mécanique classique
autour de sa fréquence de résonance positionnée arbitrairement
possède une fréquence propre et un nombre d’onde d’oscillation à une pulsation de 500
donnés par :

1 k 1 k Les deux spectres résultants sont respectivement les spectres de


ν0 = et ν 0 = (8) dispersion ( ℓ′ correspond au terme en phase) et d’absorption ( ℓ″
2π µ 2 πc µ
correspond au terme en déphasage de π/2) (figure 3). Ces solu-
où µ, la masse réduite de la molécule diatomique, constituée des tions se simplifient pour ω 0 − ω ⬍⬍ ω 0 + ω en une « lorentzienne »
atomes de masses m1 et m2 , est calculée comme pour ℓ″ ; dans ce cas ℓ′ est relié à ℓ″ par la transformée de Hilbert
(m1 · m2/(m1 + m2)). (analogue à la relation de Kramers-Kronig en optique).
Cette vibration moléculaire, mise en oscillation forcée via une La mesure de la valeur de ν0 renseigne sur la constante de raideur
contrainte extérieure de type F0 cos (ωt ), rentrera en résonance de la liaison chimique donc sur la force de la liaison et sur les mas-
quand ω sera égale à 2 π ν0 . Pour cette pulsation ω0 , un transfert ses des atomes impliqués dans le mouvement de vibration. Ainsi,
d’énergie se produit entre la contrainte extérieure et l’oscillateur cette résonance renseigne le chimiste sur la nature chimique de la
harmonique. molécule : une liaison covalente simple est caractérisée par une
Le modèle d’oscillateur harmonique est amélioré afin d’appro- constante de force de l’ordre de 400 à 500 N/m, une double d’envi-
cher les phénomènes réels, en y ajoutant une force « de ron 800 N/m et une triple de 1 000 à 1 200 N/m. Le physico-chimiste
frottement » dans l’équation de la dynamique : lui sera renseigné sur l’environnement moléculaire de la molécule
en mesurant les variations de cette fréquence de résonance et de la
largeur à mi-hauteur (fonction de τ ) en fonction des paramètres
 d2 ℓ   dℓ 
µ 2  = − kℓ −f   (9) physiques T, p ou chimiques pH, concentration, potentiel de sur-
 dt   dt  face, force ionique... Pour cela, il faut être capable d’appliquer une
force F0 extérieure sur la molécule. Une des manières d’appliquer
qui accepte pour solution : une force extérieure sur une molécule est de la faire interagir avec
un champ électrique oscillant via son moment dipolaire électrique,
   
ℓ (t ) = ℓ 0 exp (– t /τ ) cos ω 02 − (1/τ )2 t P = Pel + Pvib + Ppermanent , où le moment permanent correspond au
dipôle existant pour la molécule dans son état d’énergie fondamen-
avec 1/τ = f /2 µ , où τ est un temps de relaxation.
tal, et les termes vibrationnels et électroniques sont associés aux
En oscillation forcée, on a : moments dipolaires générés respectivement par le mouvement des
noyaux autour de leurs positions d’équilibre et par l’excitation élec-
 d2 ℓ   dℓ  tronique.
µ  2  = − k ℓ − f   + F0 cos (ωt )
 dt   dt 
Pour qu’une molécule entre en résonance vibrationnelle, un
En posant : 
dipôle Pvib non nul doit être présent.
ℓ = ℓ′ cos (ωt ) + ℓ ″ sin (ωt )
la solution est : Ainsi, la molécule de diazote, parfaitement homonucléaire, qui ne
génère aucun dipôle lors de l’élongation de la liaison azote-azote,
 µ (ω 02 − ω 2 )   fω  n’entrera pas en résonance de vibration sous l’effet d’un champ
ℓ′ = F0   et ℓ ″ = F0   (10) électrique extérieur. En revanche, une molécule diatomique hétéro-
 µ (ω 02 − ω 2 )2 + f 2 ω 2 
2  µ 2 (ω 02 − ω 2 )2 + f 2 ω 2  nucléaire, telle que CO, présentera des variations de dipôle électri-

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que, lors de l’élongation de liaison dans les conditions de résonance


[équation (7)]. Pour cette triple liaison covalente, l’ordre de gran- A1
deur de la fréquence de résonance est de 6 × 1013 Hz, correspondant
au domaine optique du moyen infrarouge.
La mécanique quantique affine cette description. Le traitement
quantique de l’oscillateur harmonique, montre en effet que les
niveaux d’énergie sont quantifiés par un nombre entier n allant de
0 à l’infini (par pas de 1) de la façon suivante :

En = (n + 1/ 2)h ν 0 (11)

Les fonctions d’onde associées à ces niveaux n dérivent des


T2

2
polynômes d’Hermite, de parité identique à celle de n. L’absorp-
tion d’un photon par la molécule quantifiée en énergie de vibration
correspond au transfert d’énergie suivant le bilan :

1 k
h νphoton = h (n′ − n)ν 0 = h (n′ − n) (12)
2π µ

où n′ et n sont les nombres quantiques final et initial respective-


ment de la molécule après et avant interaction avec le photon.
Ainsi on retrouve que la fréquence du photon impliqué dans une
Le mode totalement symétrique (haut) de représentation irréductibe A1
1 k représente la respiration totalement symétrique de la molécule sans
absorption est égale à ν 0 = , quand n′ = n ± 1, soit le création de moment dipolaire et donc inactif en absorption infrarouge.
2π µ
Les trois autres modes brisant la symétrie de la molécule, notés T2 sont
domaine moyen infrarouge. La description quantique du phéno- attachés au même niveau d’énergie vibrationnel (ils sont équivalents
mène d’absorption montre que la probabilité de transition est énergétiquement) et génèrent une variation du moment dipolaire si
gouvernée par le produit scalaire entre dipôle électrique et champ l’atome central est chimiquement différent des quatre sommets. Ces
électrique ainsi que par l’écart entre nombres quantiques. Par trois modes sont dits dégénérés d’ordre 3.
conséquent, conformément à la description classique, le moment
dipolaire de la molécule doit avoir sa composante vibrationnelle Figure 4 – Schéma des modes d’élongation d’une molécule
non nulle. La mécanique quantique impose de plus des relations tétraédrique
entre les nombres quantiques n′ et n, reliés aux parités des fonc-
tions d’onde des différents niveaux vibrationnels : n′ = n ± 1 (ou + 1
correspond à l’absorption et – 1 à l’émission). quatre atomes prenne son mouvement déphasé de π/2 par rapport
aux autres. Dans ce cas, le mode brise la symétrie de l’édifice et
génère un moment dipolaire, si l’atome central est différent des
Cette relation, n′ = n ± 1, constitue ce que l’on appelle une
quatre autres atomes. Il est possible d’imaginer ce même
règle de sélection en absorption infrarouge dans l’approxima-
mouvement en choisissant un des trois autres atomes à mettre en
tion harmonique.
déphasage ; en remarquant cependant que le dernier de ces
mouvements d’oscillation ne serait en fait que la combinaison des
trois précédents. Ces mouvements asymétriques sont décrits sur la
1.3 Modes de vibration d’une molécule base de trois mouvements, indépendants les uns des autres,
isolée à N atomes orthogonaux entre eux tout en correspondant à un même niveau
d’énergie (niveau d’énergie dégénéré d’ordre trois).
Pour une description complète de ce paragraphe, il est
recommandé aux lecteurs de se reporter aux documents [1] [2]
et [P 2 656] traitant de l’application de la théorie des groupes aux 1.4 Notion de fréquence de groupe
vibrations moléculaires. Une molécule de N atomes, avec N > 2,
possède trois degrés de mouvement de translation et trois de rota- La fréquence de vibration de molécules diatomiques dépend
tion (ou deux si la molécule est linéaire). Les autres 3N – 6 (ou 5) [équation (7)] des masses des atomes et des forces des liaisons,
se combinent constructivement pour donner naissance à des caractéristiques chimiques de la molécule. Dans le cas de molé-
mouvements internes qui déforment la molécule sans que celle-ci cules plus complexes, le nombre de modes de vibration devient
ne translate ou ne tourne. Ces mouvements sont indépendants les très élevé et une analyse comme il vient d’être fait devient difficile
uns des autres. La molécule possède : à mener pour interpréter un spectre d’absorption ou de diffusion
Raman. Cependant, l’expérience et les calculs montrent qu’une
3N – 6 (ou 5 si linéaire) modes de vibration interne molécule peut être fragmentée en groupements vibrationnels.
Cet aspect sera traité sur l’exemple d’une molécule tétraédrique
(groupe Td). Composée de cinq atomes, cette molécule possède Par exemple, des molécules possédant le groupe R3C—H, sont
neuf (3N – 6) modes de vibration. Quatre mouvements (figure 4) toutes caractérisées par une bande d’absorption à 2 960 cm–1, et cela
sur neuf sont décrits sur la base des élongations des quatre quelles que soient les natures chimiques des groupements R.
liaisons, les cinq autres à partir des déformations angulaires. Le D’autres molécules possèdent une liaison C—H dans un groupe de
premier, intuitif (figure 4), correspond à l’allongement des quatre type R2C—H et sont caractérisées par une bande à 3 020 cm–1,
liaisons en phase : mode de respiration préservant la symétrie d’autres encore avec une liaison C—H dans un motif de type
totale de la molécule. Ce mode conserve toute la symétrie de la C—— C — H par 3 300 cm .
–1
molécule, le mode est dit totalement symétrique et est noté A1
dans la théorie des groupes (notation de Schoënflies). La présence dans un spectre de certaines fréquences est donc
Les trois autres modes d’élongation, orthogonaux à ce premier, significative de la présence d’un groupe chimique donné. L’exis-
se conçoivent à partir de ce premier en imaginant que l’un des tence de ces fréquences caractéristiques de groupements

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SPECTROMÉTRIE D’ABSORPTION DANS L’INFRAROUGE ____________________________________________________________________________________

chimiques repose sur le fait que la nature d’une liaison chimique ceux d’autres atomes. Le mouvement de vibration est essentielle-
particulière semble transférable d’une molécule à une autre et ment localisé dans un groupe chimique, qui se comporte comme
donc aussi les constantes de force des ressorts représentant cette un oscillateur indépendant. Ce constat est d’autant plus juste qu’il
liaison. Ainsi, s’il est vrai que pour un mode donné, un grand s’agit de fréquence élevée.
nombre d’atomes de la molécule vibrent à la même fréquence, les Les tableaux 1 à 8 donnent les fréquences caractéristiques des
amplitudes des oscillations diffèrent de telle manière que seuls les différentes fonctions organiques les plus fréquemment rencon-
atomes de ce groupement ont des déplacements plus amples que trées dans l’analyse.

Tableau 1 – Vibration d’élongation de liaison X—H (cm–1)

2
BH CH NH OH FH
2 500 3 000 3 400 3 600 3 960
AIH SiH PH SH CIH
1 820 2 150 2 350 2 580 2 890
GeH AsH SeH BrH
2 070 2 150 2 300 2 560
SnH SbH IH
1 850 1 890 2 230
Les atomes X sont considérés dans un état de plus haute hybridation.

Tableau 2 – Vibration d’élongation de groupement XH2


Groupe ␯as (cm–1) ␯s (cm–1)
R—BH2 2 600 2 500
R—CH2 2 925 2 850
R—NH2 3 380 3 300
R—PH2 2 300 2 300
C—CH2 2 926 2 850
O—CH2 2 970 2 865
N—CH2 2 930-2 960 2 760-2 820
S—CH2 2 935 2 860
Cl—CH2 3 000 2 950
RNH2 3 400-3 380 3 330-3 300
Ar—NH2 3 520-3 440 3 420-3 330
R2N—NH2 3 430-3 360 3 330-3 240

Tableau 3 – Vibration d’élongation de XH3 (1)


Groupe ␯as (cm–1) ␯s (cm–1)
2 965 2 875
C—CH3
(ε = 130) (ε = 50)
O—CH3 2 985 (souvent dédoublée) 2 810-2 820
N—CH3 2 960-2 970 2 805-2 780
2 825-2 810
N—(CH3)2 "
2 775-2 765
N(CH3 )4+ 3 050 "
O — C — CH3 3 020-2 920 2 870
S—CH3 2 980 2 920
Arom—CH3 2 930 2 860
(1) Pour le cas de CH3 en symétrie de type C3ν , c’est-à-dire quand les trois atomes d’hydrogène sont identiques, on attend deux modes dégénérés asymétriques
(donc un seul nombre d’onde d’absorption ou de diffusion) et un mode symétrique non dégénéré.

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Spectrométrie Raman

par Jacques BARBILLAT


Daniel BOUGEARD
Guy BUNTINX
Michel DELHAYE
2
Paul DHAMELINCOURT
Laboratoire de Spectrochimie Infrarouge et Raman du CNRS (LASIR-UPR 2631)
et François FILLAUX
Laboratoire de Dynamique, Interactions et Réactivité du CNRS (LADIR-UPR 1580)

1. Rappels théoriques et principes .......................................................... P 2 865 - 3


1.1 Niveaux d’énergie moléculaires................................................................. — 3
1.2 Niveaux d’énergie vibrationnels ................................................................ — 3
1.3 Interaction rayonnement-matière .............................................................. — 4
1.4 Différents effets Raman............................................................................... — 6
2. Instrumentation........................................................................................ — 9
2.1 Installation de spectroscopie ...................................................................... — 9
2.2 Macroanalyse et microanalyse................................................................... — 15
2.3 Imagerie spectrale ....................................................................................... — 17
2.4 Spectrométrie Raman proche infrarouge .................................................. — 19
2.5 Analyse à distance par fibres optiques...................................................... — 20
2.6 Perspectives ................................................................................................. — 21
3. Applications .............................................................................................. — 22
3.1 Application au contrôle en industrie.......................................................... — 22
3.2 Matériaux ..................................................................................................... — 22
3.3 Catalyse ........................................................................................................ — 24
3.4 Environnement ............................................................................................ — 25
3.5 Biologie et médecine................................................................................... — 26
3.6 Objets et œuvres d’art................................................................................. — 26
3.7 Géologie et gemmologie ............................................................................ — 28
3.8 Spectroscopie Raman résolue dans le temps ........................................... — 28
Parution : septembre 1999 - Dernière validation : mai 2019

Références bibliographiques ......................................................................... — 31

’effet Raman fut découvert simultanément en 1928 par Raman et Krishnan


L lors de l’étude de la diffusion de la lumière par les liquides et par Landsberg
et Mandelstam dans des travaux sur les solides. Raman en fut récompensé par
le prix Nobel en 1930. Cet effet consiste en l’existence d’un spectre décalé en fré-
quence dans la lumière diffusée par un échantillon soumis à une illumination
monochromatique. Ce spectre de très faible intensité est difficile à observer à
côté de la lumière diffusée sans changement de fréquence. Il est caractéristique
de l’échantillon étudié et lié aux vibrations des édifices atomiques constituant
l’échantillon observé. La spectroscopie Raman constitue donc, avec la spectro-
scopie infrarouge et la diffusion inélastique de neutrons, une des branches de la
spectroscopie de vibration. Elle permet à ce titre la caractérisation d’échantillons
et des applications en analyse qualitative ou quantitative.
Tant que les limitations des techniques spectrographiques ne permettaient
d’aborder que des échantillons soigneusement purifiés par de fastidieuses

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SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________

filtrations et distillations pour éviter les phénomènes parasites liés à la fluores-


cence, l’effet Raman resta confiné à des études fondamentales. Mais c’est pour-
tant à cette époque, pendant les trois premières décennies qui ont suivi la
découverte, que des milliers de spectres Raman de toutes sortes de substances
à l’état liquide, solide ou même gazeux, ont été répertoriés et ont apporté des
données essentielles à l’établissement des structures et conformations molécu-
laires. Ainsi dans les années 1930, la comparaison des spectres infrarouge et
Raman du benzène montra qu’ils ne présentaient aucune raie commune. Ce
caractère, dit de mutuelle exclusion, apportait la preuve de l’existence d’un cen-
tre de symétrie, incompatible avec les symétries ternaire ou binaire suggérées
par la plupart des formules proposées. Cela a constitué un argument décisif en

2 faveur de l’hypothèse d’une structure plane à symétrie d’ordre 6, universelle-


ment admise de nos jours. De la même manière, l’absence de la raie caractéris-
tique du carbonyle –C=O dans le spectre Raman des sucres en C6 a dû être prise
en compte dans les controverses qui opposaient à cette époque les partisans
d’une structure à chaîne linéaire à ceux d’une formule cyclique. Cependant, bien
que la complémentarité des spectres infrarouge et Raman et la nécessité de les
étudier conjointement soient clairement reconnues, le développement pendant
les années 1940 et 1950 de spectromètres infrarouge industriels, d’emploi facile
et bien adaptés aux besoins analytiques, sonna le déclin des techniques Raman.
Les choses en étaient là vers 1960 lorsque l’apparition et le développement
spectaculaire des sources de lumière laser apportèrent enfin l’outil idéalement
adapté à l’excitation monochromatique qu’attendaient les rares partisans du
Raman. Le laser fut le germe d’une véritable révolution des techniques de spec-
trométrie Raman qui s’est depuis poursuivie et amplifiée par l’apport de multi-
ples technologies. C’est la convergence de nombreux progrès en optique,
microélectronique et informatique qui a permis de se libérer des limitations
jusque-là reprochées aux techniques de spectrométrie Raman et s’est traduite
par la mise au point de spectromètres de hautes performances donnant accès à
un vaste champ d’applications.
Les différents aspects de la spectrométrie Raman sont passés en revue dans
cet article, qui présente sous une forme simple et accessible à tout analyste,
quelques bases théoriques puis fait le point sur les principaux développements
de l’instrumentation, et présente enfin quelques exemples choisis pour illustrer
les nombreux domaines d’application offerts par cette technique.
Ces applications sont basées sur quelques caractéristiques importantes de la
spectrométrie Raman qu’il est utile de résumer.
1) Le spectre caractéristique de l’échantillon peut en général être obtenu à par-
tir de n’importe quel état de l’échantillon : gazeux (flamme ou plasma), liquide
(pur ou en solution) ou solide (cristallin ou amorphe). En particulier la très faible
diffusion de la molécule d’eau fait de l’effet Raman un outil de choix pour l’étude
des solutions aqueuses, par opposition à la spectroscopie infrarouge pour
laquelle les bandes d’absorption de l’eau rendent les mesures impossibles ou
très difficiles.
2) Il s’agit d’une technique optique non destructive qui se satisfait d’échan-
tillons de très petite taille (de l’ordre du micromètre cube) et qui en outre peut
être utilisée à distance par l’intermédiaire de fibres optiques.
3) Par ailleurs, la gamme actuelle des rayonnements d’excitation permet le
plus souvent de s’affranchir du problème de la fluorescence et il est souvent pos-
sible de travailler sans préparation particulière de l’échantillon.
4) Cette technique est donc susceptible d’applications nombreuses, même
dans des milieux peu accessibles (haute pression, température extrême, envi-
ronnement toxique ou radioactif).
Dans le domaine de l’imagerie, la résolution spatiale de l’ordre du µm permet
des analyses topologiques ou cartographiques d’excellente qualité et plus
détaillées que celles obtenues en infrarouge, où la résolution est moins bonne.
Par contre, les applications en analyse quantitative sont moins nombreuses
qu’en infrarouge du fait de l’effort expérimental nécessaire pour la mesure et
l’étalonnage des intensités des bandes Raman.

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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN

En résumé, les nombreux développements instrumentaux ont permis depuis


une vingtaine d’années une renaissance de la spectrométrie Raman qui, complé-
mentaire de l’infrarouge au niveau conceptuel, l’est aussi au niveau des applica-
tions. Les exemples traités dans l’article montrent qu’elle est susceptible de très
nombreuses applications.

Nous remercions messieurs J. Laureyns et B. Sombret, ingénieurs au LASIR,


pour leur participation et pour les documents mis à disposition pendant la pré-
paration de cet article.

2
1. Rappels théoriques x

et principes
m1 m2
La spectrométrie de diffusion Raman, à l’instar de l’absorption
infrarouge est une technique permettant l’observation des états
vibrationnels (et également rotationnels dans le cas des gaz) d’une m1, m2 masses des atomes
molécule. Nous allons donc tout d’abord rappeler quelques notions x distance séparant les atomes
de dynamique moléculaire vibrationnelle avant de voir comment un
rayonnement électromagnétique peut interagir avec la matière, afin Figure 1 – Molécule diatomique : modèle de l’oscillateur libre
de donner une information quantitative sur la nature de cette dyna-
mique (fréquence, symétrie des vibrations, etc.).
l’énergie potentielle V du système. Pour ce faire, un développement
en série selon la coordonnée x peut ainsi être effectué :

1.1 Niveaux d’énergie moléculaires ∂V 1  ∂ V 2 1  ∂ V 3


2 3
V = V 0 +  ------- x + ---  ---------- x + ---  ---------- x + ...
 ∂ x 0 2  ∂ x2 6  ∂ x3
Si l’on néglige les translations d’ensemble, d’énergie très faible, 0 0
l’état d’une molécule quelconque peut se décrire à partir des fonc-
Le choix de l’énergie potentielle à l’équilibre V 0 est arbitraire et il
tions d’onde rotationnelle Ψrot , vibrationnelle Ψvib et électronique
est généralement pris comme nul. À l’équilibre, (∂V /∂x )0 est égale-
Ψel qui lui sont associées.
ment nul, seuls restent donc les termes d’ordre supérieur ou égal à
L’approximation dite adiabatique permet d’écrire la fonction deux.
d’onde globale Ψ en un produit des trois fonctions d’onde
L’hypothèse harmonique consiste à ne considérer que le terme
correspondantes :
d’ordre deux et l’on trouve alors les résultats suivants.
Ψ = Ψrot Ψvib Ψel
■ Traitement classique
On trouve ainsi que l’énergie E du système est égale à la somme
des trois énergies : x = x 0 cos (2πνt + ϕ)
E = Erot + Evib + Eel
La molécule vibre à la fréquence :
Ces trois énergies ont des valeurs croissantes (Erot < Evib < Eel ) et
1⁄2
1  ∂ V m 1 + m 2
ce de plusieurs ordres de grandeur. 2
ν = -------  ---------- · ----------------------
-
Cette approximation est valable dans la plupart des cas et permet 2π  ∂ x 2  m 1 · m 2
0
de traiter séparément les problèmes. Le diagramme des niveaux
d’énergie d’une molécule est donc entièrement déterminé par la L’amplitude x0 et la phase ϕ sont fonction des conditions initiales.
connaissance de ses nombres quantiques rotationnel J , vibration-
nel v et électronique n . ■ Traitement quantique
Dans les milieux condensés, les rotations libres sont empêchées L’énergie est quantifiée :
et les mouvements de rotation se manifestent soit sous forme d’un
continuum pour les liquides, soit sous celle d’une libration dans les Ev = h ν (v + 1/2)
cristaux. Nous traiterons donc plus spécialement le cas des niveaux avec h constante de Planck (6,6260755 × 10–34 J · s),
vibrationnels dans la suite de cet article.
v nombre quantique de vibration de la molécule.
La position des atomes, ou la distance x , n’est plus déterminée
que par une probabilité.
1.2 Niveaux d’énergie vibrationnels Dans la plupart des cas réels cependant, cette approximation har-
monique n’est pas valable et il faut alors prendre en compte le
terme du 3e ordre. L’énergie devient alors :
1.2.1 Molécule diatomique
Ev = h ν (v + 1/2) + h ν ’ (v + 1/2)2
Le traitement, classique ou quantique, de l’oscillateur libre  ∂ 3 V
(figure 1) ne peut être effectué que si l’on définit de façon analytique avec ν ’ fréquence fonction de la valeur de la dérivée  ---------- .
 ∂ x3 0

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1.2.2 Molécule polyatomique


axe C2
Si une molécule comporte N atomes, son état vibrationnel est
déterminé de façon exacte par l’évolution temporelle de chacune
des trois coordonnées d’espace (x, y, z) associées à chaque atome.
3 N coordonnées que nous désignerons par qi (i = 1, ..., 3 N ) sont
O
donc nécessaires.
H H
Le traitement classique consiste alors à résoudre un système de
3 N équations de Lagrange : plan ␴yz

d ∂T ∂V
------  -------.- + -------
-=0 z
d t  ∂ q i ∂ q i

2 avec i = 1, ..., 3 N, plan ␴xz O


dq y
= ---------i x
.
qi
dt
a représentation de la molécule
T et V sont respectivement les énergies cinétique et potentielle de la
molécule.
L’écriture de T n’offre pas de difficulté et V dépend des constantes
d’interactions entre les atomes. Le système d’équations différentiel-
les se résout aisément et l’on trouve que, dans l’hypothèse harmo-
nique, le mouvement de la molécule peut se décomposer selon un
ensemble de modes normaux auxquels sont associées des coordon-
nées normales Q. Pour chacun de ces mouvements, tous les atomes Élongation symétrique Élongation antisymétrique Déformation
vibrent en phase et à la même fréquence. Parmi ces 3 N solutions, 6 A1 B2 A1
sont de fréquence nulle et correspondent aux trois mouvements de
rotation et de translation d’ensemble de la molécule. b modes normaux
Le traitement quantique de la molécule polyatomique est absolu-
ment analogue à celui de la molécule diatomique. Pour chaque
coordonnée normale, on obtient ainsi : C2v E C2 ␴yz ␴xz Activités (cf. § 1.3.3)

Ev = h ν (v + 1/2) + termes anharmoniques. A1 1 1 1 1 αxx αyy αzz Tz


A2 1 1 –1 –1 αxy
B1 1 –1 –1 1 Tx αxz
1.2.3 Symétrie des vibrations – Théorie B2 1 –1 1 –1 Ty αyz
des groupes
L’analyse des vibrations d’une molécule peut être simplifiée si l’on E opération identité
tient compte de ses propriétés de symétrie. En prenant comme C2 opération de rotation de ␲/2 par rapport à l’axe C2
exemple la molécule d’eau H2O, on peut dénombrer l’ensemble des ␴yz opération de réflexion par rapport au plan ␴yz
opérations de symétrie laissant la structure moléculaire invariante
(figure 2). Cet ensemble forme un groupe nommé C2v . c espèces de symétrie du groupe C2v
Plus généralement, toute molécule possède une symétrie donnée
Tx , Ty , Tz composantes du vecteur moment dipolaire
et se classe parmi l’un des 32 groupes ponctuels de symétrie. Pour
chacun de ces groupes, on définit des représentations irréductibles αxx , αyy , αzz , αxz , αyz composantes du tenseur de polarisabilité
déterminées par leurs caractères. On peut trouver de telles tables de
caractères dans la plupart des ouvrages de dynamique moléculaire,
par exemple [1]. Figure 2 – Molécule d’eau : symétrie et modes normaux

Dans la base des coordonnées normales définie précédemment


(§ 1.2.2), l’énergie cinétique et potentielle de la molécule s’écrit de
façon quadratique. Or cette énergie doit rester invariante pour Notons enfin que ce raisonnement établi dans le cadre du traite-
toutes les opérations de symétrie du groupe de la molécule. Il ment classique des vibrations moléculaires est également valable
s’ensuit que chaque coordonnée normale doit être soit symétrique, du point de vue quantique.
soit antisymétrique par rapport à chaque opération de symétrie. Les
vibrations normales se transforment comme les représentations
irréductibles du groupe considéré. 1.3 Interaction rayonnement-matière
Exemple : dans le cas du groupe C2v de la molécule d’eau, qui pos-
sède 3 atomes, 3 N – 6 = 3 modes normaux sont attendus. Ces modes
sont en première approximation les élongations symétrique et antisy- 1.3.1 Traitement classique
métrique des liaisons OH, ainsi que la déformation de l’angle de
valence HOH (figure 2b ). Une simple visualisation de ces mouvements Un rayonnement électromagnétique de fréquence ν, comportant
montre qu’ils se transforment respectivement comme les représenta- outre un champ magnétique sinusoïdal un champ électrique de
tions, appelées parfois espèces de symétrie, A1 , B2 et A1 du groupe même fréquence, peut se coupler avec tout mouvement moléculaire
C2v (figure 2c ). faisant intervenir une variation de l’état de polarisation électrique de
cette molécule. Ainsi, certains mouvements du nuage électronique
Des calculs très simples permettent de prévoir le nombre de peuvent être mis en résonance par une onde électromagnétique de
modes normaux attendus dans chacune des espèces de symétrie du même fréquence (domaine UV-visible) donnant lieu à un phéno-
groupe, ainsi que leur activité éventuelle en absorption infrarouge mène d’absorption de ce rayonnement. De la même manière, un
ou en diffusion Raman comme nous le verrons plus loin. mouvement de vibration des noyaux de la molécule peut donner

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lieu à une absorption dans le domaine de l’infrarouge, si ce mouve-


ment modifie le moment dipolaire µ de la molécule. En d’autres ter- 2
mes, une vibration de coordonnée normale Q peut absorber un
1
∂µ
rayonnement infrarouge si la dérivée -------- est non nulle. On dit sou- h νv
∂Q v=0
vent qu’une telle vibration est polaire.
Inversement, une vibration polaire peut émettre un champ élec- a émission IR (pas de rayonnement incident)
tromagnétique à la même fréquence. Ce phénomène est appelé
émission.
Enfin, lorsque la fréquence de l’onde électromagnétique est loin ν = νv
de toute fréquence de vibration moléculaire, c’est le phénomène de

2
h νv h νv h νv
diffusion, lié à la polarisabilité moléculaire, qui est prépondérant.
h νv
Cette polarisabilité exprime la faculté du nuage électronique à
acquérir un moment dipolaire électrique induit P sous l’effet du b absorption IR c émission stimulée

champ électrique E , ce qui s’écrit :

P = αE
où α est un tenseur de rang 2, représenté par une matrice d’ordre 3 ν Ⰷ νv
symétrique : hν h (ν + νv )
 α xx α xy α xz 
  hν hν hν h (ν – νv )
α =  α xy α yy α yz 
 
 α xz α yz α zz 
d diffusion e diffusion f diffusion Raman
Si le champ E oscille à la fréquence ν : Rayleigh Raman Stokes anti-Stokes
E = E 0 cos (2πνt)
Figure 3 – Interaction entre un photon et la matière caractérisée
et si la molécule vibre à la fréquence νv et que cette vibration de par des niveaux d’énergie vibrationnelle
coordonnée normale Q fasse intervenir une variation d’un élément
αij du tenseur α , nous pouvons écrire au 1er ordre :
∂α Dans ce formalisme où nous savons que l’énergie de vibration est
α ij = ( α ij ) 0 +  ---------ij- Q quantifiée en niveaux discrets, l’interaction entre la lumière caracté-
∂Q 0
risée par un photon d’énergie h ν et une molécule se trouvant dans
avec Q = Q0 cos (2πνv t) un état donné peut engendrer différents phénomènes (figure 3).
L’expression du champ électrique diffusé Ediff , proportionnel à P, Si ␯ ≈ ␯v , la transition la plus probable est la transition v → v + 1.
comporte donc, outre un terme en cos (2πνt) qui correspond à une C’est le phénomène d’absorption infrarouge. Notons également la
diffusion sans changement de fréquence et que l’on appelle diffu- possibilité v → v – 1 qui est l’émission stimulée, base du rayonne-
sion Rayleigh ou diffusion élastique, un produit de deux fonctions ment laser. Toutes les autres transitions seraient interdites dans
sinusoïdales de fréquences différentes qui peut s’écrire sous forme l’approximation harmonique.
d’une somme de deux termes : Si ␯ est très grand par rapport à tous les ␯v , le phénomène le plus
probable est alors une diffusion pour laquelle le mécanisme peut
1  ∂ α ij
Ediff ~ P = (αij )0 E0 cos (2πνt) + --- ---------- Q 0 E 0 être décrit, de façon très schématique, de la manière suivante : lors
2 ∂Q  0 de l’excitation par le photon d’énergie h ν, la molécule transite dans
un état virtuel et redescend sur un niveau réel. On montre une nou-
[cos 2π (ν + νv)t + cos 2π(ν – νv)t]
velle fois que seuls les niveaux v – 1, v et v + 1 sont possibles, ce qui
Le symbole ~ signifie ici proportionnel à. amène à une diffusion de photons d’énergie h ν (diffusion Rayleigh),
h (ν – νv) (diffusion Raman Stokes) et h (ν + νv ) (diffusion Raman
Ces deux termes indiquent un rayonnement diffusé inélastiquement anti-Stokes). La diffusion Rayleigh est la plus probable, alors que les
aux fréquences ν + νv et ν – νv . C’est cette diffusion que l’on appelle diffusions Stokes et anti-Stokes sont très peu favorisées.
diffusion ou effet Raman respectivement anti-Stokes et Stokes. Ce
À une température donnée, la répartition en niveaux d’énergie
phénomène n’aura lieu que si la dérivée (∂αij /∂Q )0 est non nulle,
d’un ensemble de molécules obéit à une distribution de
c’est-à-dire uniquement pour les mouvements donnant lieu à une
Maxwell-Boltzmann et seules celles se trouvant dans un état excité
variation de la polarisabilité de la molécule.
pourront donner une transition anti-Stokes de type v → v – 1. Cela
explique le fait expérimentalement observé que les raies Stokes
sont plus intenses que les raies anti-Stokes.
1.3.2 Traitement quantique
Le rapport des intensités des raies Stokes IS et anti-Stokes IAS est
Le traitement classique de la diffusion Raman reproduit bien déterminé par la relation :
l’expérience en ce qui concerne l’existence ou non des raies (règles
I AS ν 0 + ν v 4 hν
de sélection) de part et d’autre d’un pic de diffusion élastique (à la - exp – ---------v-
-------- =  -----------------
même fréquence que le rayonnement incident) dont l’écart avec ce IS ν – ν   kT 
0 v
pic central est égal aux fréquences de vibration de la molécule. Ce avec k constante de Boltzmann (1,380658 × 10–23 J · K–1),
modèle ne reproduit pas, par contre, les intensités relatives des
raies Stokes et anti-Stokes que seul le traitement quantique permet T température thermodynamique,
d’obtenir. ν0 fréquence de l’onde excitatrice.

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P2865

SPECTROMÉTRIE RAMAN ________________________________________________________________________________________________________________

La connaissance de IS et IAS pour une vibration donnée peut donc c ) Si la molécule possède au moins un axe de symétrie d’ordre
être une bonne mesure de la température de l’échantillon. supérieur à deux, des modes dégénérés apparaissent. Une dégéné-
rescence double, symbolisée par E, signifie que deux modes sont
confondus en une seule raie ; une dégénérescence triple F signifie
1.3.3 Règles de sélection que trois modes sont confondus en une seule raie. Ce phénomène
et symétrie des vibrations réduit le nombre de raies ou de bandes apparentes, qui peut ainsi
devenir très inférieur au nombre 3N – 6.
Comme nous l’avons vu dans le paragraphe 1.3.1, un mode de
vibration de coordonnée normale Q est actif en spectrométrie Exemple : dans SnCl4 , au lieu des neuf modes prévus, on n’ob-
infrarouge ou en spectrométrie Raman si les dérivées (∂µ /∂Q )0 et serve que quatre raies en raison de la présence d’un mode E et de
deux modes F (tableau 1, 2e colonne).
(∂α /∂Q )0 respectivement sont non nulles. Le moment dipolaire µ et
la polarisabilité α étant respectivement un vecteur et une matrice, la d ) Les vibrations totalement symétriques (désignées par A,

2
condition se ramène à ce que l’une au moins des composantes A1 , A’1 , A1g ) sont toujours actives en Raman, pour tous les groupes
(∂µi /∂Q )0 (i = x, y ou z ) et (∂αij /∂Q )0 (i et j = x, y ou z ) soit non nulle. de symétrie. Les raies correspondantes sont polarisées et souvent
Ces conditions se visualisent aisément pour les molécules diato- intenses, ce qui permet de les repérer facilement dans le spectre
miques mais deviennent très vite impossibles à estimer pour les Raman.
molécules polyatomiques. C’est là que la théorie des groupes inter- Exemple : on peut citer la pulsation symétrique de la molécule de
vient. Nous avons vu en effet (§ 1.2.3) que chaque vibration normale benzène à 992 cm–1, vibration au cours de laquelle tous les atomes de
se transformait comme une représentation irréductible du groupe carbone et d’hydrogène s’approchent ou s’éloignent, en phase, du cen-
de symétrie de la molécule concernée. Or on montre que n’importe tre du cycle.
quelle dérivée [∂f (Q )/∂Q]0 est nulle si et seulement si f (Q ) et Q
n’appartiennent pas à la même représentation irréductible (espèce Ce mode, au cours duquel les éléments de symétrie de la molé-
de symétrie), c’est-à-dire n’ont pas la même parité, ou ne se trans- cule au repos sont conservés, est dit totalement symétrique et
forment pas de la même manière, vis-à-vis de tous les éléments de donne une raie Raman polarisée.
symétrie de la molécule.
Un mode est donc actif en infrarouge si sa coordonnée normale Q e ) Les autres modes de vibration (antisymétriques ou dégénérés)
se transforme comme µ , c’est-à-dire comme un vecteur translation donnent, lorsqu’ils sont actifs en diffusion Raman, des raies dépola-
risées.
T , ou au moins comme une de ses composantes Tx , Ty ou Tz .
Les règles de sélection établies précédemment dans le cadre du
De même, un mode est actif en Raman si sa coordonnée normale traitement classique se retrouvent en mécanique quantique où
Q ’ se transforme comme l’un au moins des éléments αij d’une l’intensité Raman IR est dictée par la valeur de l’intégrale :
matrice d’ordre 3 symétrique.
La plupart des tables de caractères indiquent à quelle espèce de
symétrie appartiennent les éléments Tx , Ty et Tz d’un vecteur et αij (i, 冕
I R ⬃ Ψ ∗f ( Q ) αΨi ( Q )d Q
j = x, y ou z ) d’une matrice symétrique ; il est donc aisé de détermi-
ner l’activité Raman ou infrarouge d’un mode donné. avec Ψi et Ψf fonctions d’onde associées à l’état initial et à l’état final.
Le nombre et le type de symétrie de tous les modes normaux On peut montrer qu’elle est non nulle si α et Q appartiennent à la
d’une molécule de symétrie donnée sont déterminables à l’aide de même espèce de symétrie.
la théorie des groupes. L’analyse vibrationnelle d’une molécule, à
savoir dénombrement et activités des modes de vibration Raman et Le raisonnement est analogue pour l’activité infrarouge.
infrarouge, peut être effectuée entièrement à partir des tables de Nous insistons également sur le fait que ces règles de sélection
caractères. sont établies dans l’hypothèse harmonique. Cependant, les spectres
Exemple : la molécule d’eau H2O possède trois modes normaux réels, Raman ou infrarouge, comportent parfois des bandes, le plus
de symétrie 2 A1 + B2 qui sont à la fois actifs en Raman et en infra- souvent peu intenses, appelées harmoniques (de fréquence n νv) ou
rouge, comme nous pouvons le voir dans la table de caractère du combinaisons (de fréquence νv + νv’ ).
groupe C2v (figure 2). L’intensité de ces bandes provient de l’anharmonicité mécanique
ou électrique.
Un exemple d’application des prévisions théoriques à des molé-
cules de formule brute AB 4 est donné dans le tableau 1. Voici, de
plus, un résumé de quelques règles importantes.
a ) Si la molécule possède un centre de symétrie, il n’existe 1.4 Différents effets Raman
aucune vibration commune aux spectres infrarouge et Raman. Les
vibrations symétriques par rapport à ce centre (indice g : gerade ) La diffusion Raman telle que nous l’avons présentée précédem-
sont actives en Raman mais inactives en infrarouge. Les vibrations ment concerne uniquement l’effet Raman linéaire que l’on appelle
antisymétriques par rapport à ce centre (indice u : ungerade ) sont également Raman classique ou conventionnel. Nous indiquerons
au contraire actives en infrarouge et inactives en Raman. dans la suite de ce paragraphe comment on peut concrètement
Cette règle est connue sous le nom de règle de mutuelle exclusion l’observer (§ 1.4.1).
(tableau 1, 1re colonne).
Exemples : O2 , H2 , N2 , CO2 , CH2 = CH2 , C6H6 , complexes carrés
plans (AB4), complexes octaédriques (AB6). 1.4.1 Effet Raman conventionnel
Si certains modes sont actifs à la fois en infrarouge et en Raman, Pour observer l’effet Raman, on éclaire un milieu matériel,
cela indique de façon certaine que la molécule ne possède pas de contenu dans un récipient transparent, par une lumière monochro-
centre de symétrie. matique, c’est-à-dire une radiation électromagnétique dont la fré-
b ) Par contre, certaines vibrations peuvent n’apparaître ni en quence est connue avec précision. Cette radiation est appelée
infrarouge ni en Raman (par exemple, mode inactif B2u sur le radiation excitatrice et provient, dans la grande majorité des cas,
tableau 1). d’une source laser.

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_______________________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE RAMAN

Tableau 1 – Exemple d’application des prévisions théoriques à des molécules ou ions de formule brute AB4

Tétraèdre Tétraèdre Tétraèdre Pyramide à


Hypothèses structurales Plan carré régulier irrégulier irrégulier base carrée

B 90° 90°
B B
B A
B B B A
A A B
A B
B B B B
B B B
B

2
B B 120° B

Angles entre liaisons 90° 109° 28’ ≠ 109° 28’ ≠ 109° 28’ ≠ 109° 28’

Groupes ponctuels D4h Td C3v C2v C4v

Dénombrement et activité des modes


de vibration
Mode inactif B2u

Spectre Raman - raies polarisées 1 A1g 1 A1 3 A1 4 A1 2 A1

Spectre Raman - raies dépolarisées 1 B1g 1 B2g 1E 2 F2 3E 1 A2 2 B1 2 B2 2 B1 1 B2 2 E

Spectre infrarouge 1 A2u 2 Eu 2 F2 3 A1 3E 4 A1 2 B1 2 B2 2 A1 2E

Nombre de raies communes aux spectres 0


IR et Raman 2 6 8 4
(mutuelle exclusion)
CCl4
SnCl4
Exemples (AuCl4)– SF4
(SO4)2–
(CrO4)2–

Une fraction des photons constituant cette radiation est réfléchie Il est d’usage d’utiliser non pas la fréquence du rayonnement,
ou absorbée, et une fraction bien plus faible est diffusée dans toutes mais une grandeur qui lui est proportionnelle, le nombre d’ondes :
les directions de l’espace. Parmi les photons diffusés, la plupart ont
la même fréquence ν0 que le rayonnement excitateur. Ce phéno- ν = --ν- = 1
---
mène de diffusion sans changement de fréquence est la diffusion c λ
Rayleigh.
avec c vitesse de la lumière (3 × 108 m · s–1),
Pour moins d’un millième des photons diffusés, un changement λ longueur d’onde du rayonnement.
de fréquence est observé et cela correspond à l’effet Raman. Soit νd
la fréquence des photons ainsi diffusés, deux cas peuvent se Dans la quasi-totalité des tables et des livres ou publications trai-
présenter : tant de spectroscopie de vibration, l’unité de nombre d’ondes est le
cm–1 (parfois dénommé Kayser).
νd < ν0 νd = ν0 – νv c’est la diffusion Raman Stokes ;
De plus, plutôt que de repérer les raies Raman par leur nombre
νd > ν0 νd = ν0 + νv c’est la diffusion Raman anti-Stokes. d’ondes absolu ν d = ν 0 ± ν v , on préfère mettre en évidence la gran-
deur ν v , caractéristique de la molécule, et indépendante du choix de
Dans les deux cas, les écarts de fréquence νv sont égaux aux fré- la radiation excitatrice ν 0 . C’est donc cette grandeur, égale à l’écart
quences de vibration, actives en Raman, de la molécule considérée. de nombres d’ondes (exprimé en cm–1) entre la raie Raman et la raie
Le spectre Raman contient diverses informations qu’il est souhai- Rayleigh, et appelée nombre d’ondes relatif, que l’on fait apparaître
table de présenter de la manière la plus commode pour l’utilisateur. sur les spectres pour les raies Stokes (figure 4).
Chaque raie ou bande peut être caractérisée par :
Des normes de présentation des spectres Raman ont été propo-
— sa position dans le spectre, que l’on peut relier à la fréquence
sées par l’Union internationale de chimie pure et appliquée [2].
d’un mode de vibration ;
— son intensité, liée au nombre de molécules diffusantes ainsi
qu’au mode de vibration considéré ;
— son état de polarisation, qui renseigne sur la symétrie du mode 1.4.2 Effet Raman de résonance
correspondant ;
— son profil, qui permet l’étude de mouvements ou d’interac- La diffusion Raman de résonance est un cas particulier de l’effet
tions en phases condensées ou certaines déterminations de tempé- Raman qui intervient lorsque la longueur d’onde de la radiation
rature en phase gazeuse. excitatrice est voisine de celle d’une transition électronique de la

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INNOVATION

Spectroscopie de diffusion Raman


en conditions extrêmes
2
par Aurélien CANIZARES
Ingénieur en développements spectroscopiques
Laboratoire CEMHTI (Conditions extrêmes et matériaux : haute température et irra-
diation), UPR3079 CNRS
Patrick SIMON
Directeur de recherche
Laboratoire CEMHTI UPR3079 CNRS
et Guillaume GUIMBRETIERE
Chargé de recherche
Laboratoire CEMHTI UPR3079 CNRS

Résumé : Cet article, dédié à la spectroscopie de diffusion Raman appliquée aux


conditions extrêmes, présente, en complément d’autres articles de notre collection, un
état de l’art de l’instrumentation et de la méthodologie Raman via le détail des
dernières évolutions technologiques ainsi que les difficultés rencontrées liées aux
conditions extrêmes. Il montre ensuite des exemples d’applications aux milieux hostiles
(relaxation structurale de la silice pendant le recuit, suivi in situ de l’altération du
dioxyde d’uranium sous radiolyse).

Abstract : This article, dedicated to Raman scattering spectroscopy applied to the


extreme conditions, presents, as a supplement to other articles of the Techniques de
l’Ingénieur revue, a state of the art of the Raman instrumentation and methodology
through detailing the last technological evolutions as well as the special difficulties
linked to the extreme environment working conditions. It then shows examples of
applications in hostile conditions (structural relaxation of the silica during annealing, in
situ monitoring of surface alteration of uranium dioxide under radiolysis).

Mots-clés : Raman, nucléaire, haute température, innovations technologiques,


conditions extrêmes

Keywords : Raman, nuclear energy, high temperatures, technological innovations,


extreme conditions

Points clés
Domaine : techniques d’analyse
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : Spectroscopie de diffusion Raman, accélérateur de
particules, cyclotron
Domaines d’application : matériaux, nucléaire, géologie, hautes températures
Principaux acteurs français :
Industriels : Renishaw, Horiba Jobin Yvon, Andor Technology, Bruker Corp.,
Jasco, Thermo Scientific, BW Tech, BaySpec, Kaiser Optical System
Parution : septembre 2013

Autres acteurs dans le monde :


Contact : [email protected]

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INNOVATION

1. Contexte

Intensité Raman (u · arb.)


1,0
La recherche de nouveaux matériaux a toujours été au cœur Cristobalite
de l’activité de l’homme. Dans un premier temps destinée à
Cœsite
satisfaire ses besoins primaires, la maîtrise de nouveaux
matériaux a permis de concevoir des outils de plus en plus 0,8 Quartz
complexes, jusqu’à servir de support à la révolution indus- Stishovite
trielle au XIXe siècle, et aux révolutions technologiques

2
Tridymite
(microélectronique...) du XXe siècle. 0,6
Silice
Un matériau, qu’il soit naturel ou élaboré par l’homme, est
sélectionné pour ses propriétés afin d’entrer dans la
conception d’objets plus ou moins complexes. Que l’on s’inté- 0,4
resse à ses caractéristiques mécaniques, thermiques, élec-
triques, magnétiques, optiques, ou chimiques, la connaissance
de la structure atomique du matériau est la clef de la 0,2
compréhension de ses propriétés macroscopiques.
L’utilisation de méthodes de caractérisations complémentaires
permet de remonter à l’organisation atomique d’un matériau, 0,0
afin de pouvoir relier propriétés macroscopiques et organisation
microscopique. De nombreuses techniques donnent accès à des 200 300 400 500 600
informations structurales soit locales, comme les spectroscopies Nombre d’ondes (cm–1)
RMN, soit plus globales comme la diffusion des rayons X et des
neutrons, ou encore les spectroscopies vibrationnelles (Brillouin, Figure 1 – Exemples de spectres Raman
infrarouge ou Raman).
La connaissance de l’évolution des propriétés des matériaux
en conditions d’usage permet de prévoir leur évolution dans le spectres de matériaux de compositions identiques (SiO2) mais
temps, notamment lorsqu’ils sont exposés à des environ- de structures différentes. Les modes du spectre de silice, en
nements sévères. Afin d’assurer une sécurité de fonction- noir, sont larges, caractéristiques d’une structure
nement de systèmes – qui peut être cruciale dans certains cas désordonnée : celle d’un verre. Les autres spectres repré-
(réacteurs nucléaires, procédés chimiques...) – ou de garantir sentent les polymorphes du cristal de SiO2 . Les modes sont
une qualité de fabrication optimale d’un produit (cimenteries, plus fins, caractéristiques d’une structure ordonnée.
industrie verrière, aciéries, barrières thermiques ou radiopro-
tection), il est indispensable de prévoir le comportement des En résumé, la position du pic Raman renseigne sur
matériaux lorsqu’ils sont soumis à des conditions hostiles, telles l’espèce chimique mise en jeu dans la liaison sondée sa
que température ou irradiation dans les exemples précédents. largeur caractérise l’ordre structural. Un déplacement du
La spectroscopie de diffusion Raman, méthode optique basée pic renseigne sur l’état de contrainte du matériau et sur sa
sur l’interaction lumière/matière, est particulièrement bien température.
adaptée au suivi des propriétés de matériaux en conditions
extrêmes. L’utilisation de lumière visible (ou proche du visible)
offre en effet l’avantage de pouvoir déporter la sonde d’excita- Cette technique a connu un essor lié aux innovations technolo-
tion/collection via un jeu de fibres optiques, et ainsi de ne lais- giques qui ont permis de rendre la technique plus largement
ser en zone hostile que le minimum de composants optiques, et applicable. Dans un premier temps, l’excitation a été révolution-
de réaliser l’analyse du signal collecté en zone « sûre » (loin des née par le LASER : cohérence, monochromaticité, directionnalité
conditions extrêmes, stabilisée thermiquement). De plus, l’ana- et intensité. Vint ensuite l’analyse multicanale, qui a fortement
lyse est non destructive, et les mesures se réalisent sans réduit le temps de mesure grâce à l’acquisition simultanée de la
contact : il est ainsi possible de maintenir la sonde Raman éloi- gamme spectrale sur le millier de pixels d’un détecteur multica-
gnée de l’échantillon (de quelques dixièmes de millimètres à nal (barrettes de photodiodes dans un premier temps, puis
quelques dizaines de mètres), atténuant les effets de tempéra- aujourd’hui caméras CCD). Ensuite, la microspectroscopie
ture ou de rayonnements ionisants. Raman a donné accès à l’analyse cartographique d’échantillons
avec une résolution spatiale inférieure au micromètre, grâce aux
objectifs microscopiques à forte ouverture numérique, au filtrage
2. Instrumentation Raman : confocal et aux platines de déplacement micrométriques. Des
technologies ont permis d’améliorer la fiabilité, la qualité et la
un état de l’art rapidité d’acquisition des cartographies : citons la technologie de
synchronisation du déplacement du réseau et de la lecture CCD
pour obtenir un spectre large bande haute résolution ou encore
La spectroscopie de diffusion Raman est présentée en
les méthodes de type « superpixel », développées par les princi-
détail dans l’article Spectroscopie Raman [P 2 865]. Cette
paux constructeurs de spectromètres.
technique expérimentale repose sur la diffusion inélas-
tique de la lumière par les liaisons interatomiques (vibra- Nota : CCD pour Charge-Coupled Device.
teur isolé dans les molécules, phonons dans les solides).
Elle permet de connaître la composition de la matière
ainsi que sa structure (et sa dynamique) Nous allons détailler les configurations d’études non
conventionnelles, permettant d’accéder aux bas nombres
La figure 1 présente six spectres illustrant les informations d’ondes et d’étudier les matériaux en conditions
accessibles par la méthode de caractérisation. Ce sont les extrêmes.

IN 164 - 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés 9 - 2013

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IN164

INNOVATION

Unités
Lumière
collectée
Un spectre Raman est la représentation d’une intensité
diffusée en fonction de l’énergie des photons.

Monochromateur
Les ordonnées s’expriment en nombre de coups détec-
tés par le pixel du CCD correspondant à l’énergie

2
concernée (qui est en réalité un gamme d’énergie). On
utilise souvent une unité arbitraire, dont l’abréviation
peut-être confondue avec d’autres unités (unités
atomiques). On préférera l’abréviation u.arb.
En spectroscopie vibrationnelle, les abscisses
s’expriment en nombres d’ondes (n.o), en cm–1. D’autres
spectroscopies utilisent des unités comme le nanomètre
(optique visible), le GHz (Brillouin), l’eV (spectroscopies Figure 2 – Schéma d’un prémonochromateur
électroniques).
Rappelons les équivalences suivantes :
1 eV = 8 065 cm–1 = 242 THz d’atteindre une limite bas nombres d’ondes inférieure à
10 cm–1, tout en conservant l’accès aux spectres Stokes et
1 cm–1 = 30 GHz = 1,24 × 10–4 eV antiStokes. Leur prix est aujourd’hui élevé, 10 à 20 fois
Notons que fréquences et nombres d’ondes sont des supérieur à celui des filtres précédents.
grandeurs couramment utilisées.
2.1.2 Étages multiples
Il est également possible d’accéder aux bas nombres
2.1 Accès aux très bas nombres d’ondes d’ondes en utilisant un spectromètre à étages multiples
(figure 2), le plus souvent triple monochromateur [1]. Le
Les bas nombres d’ondes désignent la gamme spectrale dernier « étage » (monochromateur) est utilisé pour la dis-
inférieure à 150 cm–1 dont l’obtention est complexe en persion du signal collecté, alors que les deux premiers jouent
raison de la diffusion élastique Rayleigh (et de la réflexion le rôle d’un filtre extrêmement sélectif (la limite bas nombres
à la surface de l’échantillon en configuration de rétrodiffusion) d’ondes du spectre Raman peut atteindre les 1,5 cm–1) fonc-
et dont l’intensité dépasse de plusieurs ordres de grandeur tionnant pour toutes les longueurs d’ondes.
celle du signal Raman. Pourtant, cette gamme spectrale peut
présenter un grand intérêt, par exemple dans l’étude des Le premier monochromateur disperse la lumière analysée,
verres (pic de Boson) et dans le cas de mesure de tempéra- c’est-à-dire étale spatialement les différentes composantes
ture par méthode Stokes/antiStokes. spectrales du signal collecté depuis l’échantillon. Une fente
sélectionne physiquement les longueurs d’onde d’intérêt, en
2.1.1 Filtres empêchant le signal de diffusion élastique de pénétrer dans le
second étage de dispersion (faisceaux violets sur le schéma).
Les spectromètres commerciaux les plus courants utilisent Ce deuxième monochromateur a pour rôle de « remélanger »
un filtre interférentiel (type Edge ou Notch) pour éliminer la le faisceau (tronqué de la composante élastique) au moyen
diffusion élastique de Rayleigh. d’un réseau monté en opposition. L’ensemble de ces deux
Les filtres holographiques Notch sont obtenus par un monochromateurs constitue le « prémonochromateur »
processus d’impression photographique : un milieu photosen- soustractif du système à étages multiples. Le cas des
sible est exposé à deux sources cohérentes qui vont interférer systèmes à étages multiples où les dispersions s’ajoutent
et ainsi créer une distribution périodique de l’indice de réfra- (systèmes additifs), dont l’intérêt est d’obtenir une résolution
ction. Cette couche photo-imprimée est ensuite protégée entre spectrale maximale, n’est pas abordé ici.
deux lames minces. Ces filtres sont de type coupe-bande : ils La gamme du spectre à filtrer est sélectionnée en modifiant
permettent d’obtenir les modes Stokes et antiStokes (ces la position des réseaux. Il est ainsi possible de mesurer les
derniers sont principalement utilisés pour la mesure de la raies Stokes et antiStokes (figure 3).
température). Les filtres Notch permettent de descendre à
Ce dispositif permet l’accès aux très bas nombres d’ondes
relativement bas nombres d’ondes (80-120 cm–1), mais ont
pour toutes les longueurs d’ondes d’excitation. Cependant, le
une durée de vie limitée.
passage par deux monochromateurs diminue fortement la
La technologie Edge, également basée sur les inter- luminosité du système et par conséquent l’intensité du signal
férences, est désormais la plus répandue. Les filtres Edge sont Raman. Par ailleurs, le réglage et la stabilité du système, plus
constitués de couches minces obtenues par une pulvérisation complexes qu’un simple filtre interférentiel, réservent ce
par faisceau d’ions (IBS) qui vont, grâce aux interférences, système aux spectroscopistes Raman avertis et à une utili-
atténuer la raie Rayleigh (densité optique = 6), et transmettre sation en laboratoire.
90 % du signal Stokes (uniquement). Ce sont des filtres
passe-bas. Le front de montée et les taux de réjection sont
aujourd’hui comparables aux filtres holographiques Notch. De 2.2 Hautes températures
plus, ils offrent une très bonne résistance mécanique (bonne L’étude des propriétés des matériaux à haute température
durée de vie, seuil de dommage élevé). requiert des développements instrumentaux originaux, notam-
L’apparition récente de filtres coupe-bande très efficaces ment en raison de l’émission thermique de l’échantillon dans
(Ondax SureBlockTM) permet d’avoir accès aux très bas le visible lorsqu’il est chauffé à plus de 1 000 oC. Nous verrons
nombres d’ondes. Leur fabrication repose sur la technologie quelles sont les techniques qui permettent d’acquérir un
du filtre holographique réflectif en volume. Ils permettent spectre Raman à très haute température.

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Luminance spectrale (u · arb.)


Rayleigh 1,0
500 K

Stokes 1000 K
0,8
AntiStokes 1200 K
1400 K
0,6

2
1800 K
ν0 - νvib ν0 ν0 + νvib 2200 K
0,4
a spectre 2600 K
3000 K
0,2

Stokes
0,0

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000

Nombre d’ondes (cm–1)


ν0 - νvib ν0 ν0 + νvib
Figure 4 – Luminance spectrale du corps noir à différentes
b spectre filtré pour mesure de la raie Stockes températures

AntiStokes
105

104
ν0 - νvib ν0 ν0 + νvib
L(T)/L(1 000 °C)

c spectre filtré pour mesure de raie AntiStockes


103
ν fréquence

102
Figure 3 – Filtrage de la raie Rayleigh au niveau de la fente
intermédiaire du prémonochromateur

101
2.2.1 Difficultés
L’émission thermique est la lumière émise par un échantillon
100
dont la température est supérieure au zéro absolu. A tempé-
1 000 1 200 1 400 1 600 1 800 2 000 2 200 2 400
rature ambiante, les radiations sont uniquement émises dans
le domaine spectral de l’infrarouge, donc ne gênent pas dans Température (°C)
la gamme spectrale d’intérêt en spectroscopie Raman. Mais
lorsque la température du matériau augmente, le maximum Figure 5 – Luminance spectrale en fonction de la température
à 532 nm [2]
d’émission se décale vers le rayonnement visible (loi de dépla-
cement de Wien).
Gardons en mémoire que l’intensité de la diffusion Raman avec C1 = 1,191 × 10–16 W · m–2,
est trop faible pour être visible à l’œil nu. Or nous avons tous C2 = 1,439 m · K,
vu un corps émettre dans le visible, du fer porté au rouge au
filament d’ampoule chauffé à blanc qui nous éclaire. Nous σ nombre d’ondes,
comprenons alors que le signal d’émission thermique de T température absolue.
l’échantillon, qui se superpose au signal Raman, va dans un La luminance spectrale d’un corps réel est reliée à celle du
premier temps (gamme 600 à 1 000 oC) détériorer le rapport corps noir par son émissivité :
signal sur bruit du spectre, puis à plus haute température va
complètement masquer le signal Raman. L (σ , T ,θ )
ε (σ , T ,θ ) =
Un corps noir idéal absorbe toute la radiation incidente. Sa L0 (σ , T )
luminance spectrale, représentée sur la figure 4, est donnée La figure 5 [2] représente l’évolution de l’intensité de la
par la loi de Planck : luminance spectrale du corps noir en fonction de sa tempé-
rature, L (T ), normalisée par rapport à la luminance spectrale
C1σ 3 à 1 000 oC, L (1 000 oC) (à 532 nm).
L0 (σ ,T ) =
C σ  On peut retenir que la luminance du corps noir augmente
exp  2  − 1 approximativement d’un facteur 10 tous les 200 oC dans notre
 T  gamme d’intérêt.

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P2870

LIBS : spectrométrie d’émission


optique de plasma induit par laser

par Daniel L’HERMITE

2
Ingénieur-chercheur
CEA Saclay, direction de l’énergie nucléaire, Département de physico-chimie, Gif-sur-Yvet-
te, France
et Jean-Baptiste SIRVEN
Ingénieur-chercheur
CEA Saclay, Direction de l’énergie nucléaire, Département de physico-chimie, Gif-sur-Yvet-
te, France

1. Principe, caractéristiques et positionnement............................... P 2 870 - 2


2. Notions physiques ................................................................................ — 5
3. Paramètres expérimentaux ................................................................ — 7
4. Configurations instrumentales ......................................................... — 11
5. Traitement des données...................................................................... — 13
6. Applications............................................................................................ — 18
7. Conclusion .............................................................................................. — 21
8. Glossaire – Définitions......................................................................... — 22
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. P 2 870

a LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectroscopy) est une technique d’ana-


L lyse élémentaire par spectrométrie d’émission optique. Entièrement basée
sur l’optique, elle permet de réaliser des mesures sans contact qui lui
confèrent des possibilités d’application uniques dans de nombreux domaines.
Non intrusive, elle est ainsi bien adaptée à l’analyse à distance, en ligne ou in
situ, de terrain, sans prélèvement ni préparation d’échantillon. C’est une tech-
nique rapide, la durée de mesure étant généralement de quelques secondes à
quelques minutes selon les conditions expérimentales. Comme toutes les
méthodes basées sur la spectroscopie d’émission, la LIBS permet de réaliser
des analyses multi-élémentaires simultanées. Enfin, c’est une technique dont le
principe s’applique aussi bien à l’analyse des solides, des liquides, des gaz et
des aérosols. L’instrumentation va du système entièrement portable jusqu’au
dispositif transportable dans un véhicule, voire entièrement robotisé, selon
l’application et les besoins. Ses domaines de prédilection couvrent l’analyse en
milieu industriel, la microanalyse de matériaux, les applications liées à l’envi-
ronnement, la biologie, le patrimoine culturel et la sécurité.
Cet article offre un aperçu de toutes les facettes de la technique. Son principe
et son positionnement par rapport aux autres techniques sont abordés ainsi
que les notions physiques associées. Le lecteur trouvera des indications sur les
mécanismes en jeu et sur l'influence des paramètres expérimentaux sur les
résultats analytiques. Les instruments LIBS sont adaptés aux besoins et aux
contraintes d’utilisation sur le terrain. Il existe donc différentes configurations
types qui sont présentées à titre d'exemples, en décrivant leurs particularités.
Nous abordons également les différentes façons de traiter, en fonction du
Parution : mai 2015

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LIBS : SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE DE PLASMA INDUIT PAR LASER _________________________________________________________________

besoin, les données spectrales recueillies, ainsi que les différents types d'infor-
mations que l'on peut en déduire. Les phénomènes physiques pouvant affecter
le signal tels que les interférences spectrales, l'auto-absorption et les effets de
matrices sont passés en revue. Enfin, un portrait non exhaustif est dressé des
nombreuses applications de la LIBS.

1. Principe, caractéristiques
2
La LIBS (figure 1) est une technique d’analyse élémentaire
et positionnement consistant à analyser le spectre d’émission optique d’un
plasma résultant de la vaporisation de la surface du matériau
par une impulsion laser. Les atomes, ions et molécules, excités
dans le plasma, se désexcitent en émettant des raies caractéris-
tiques, dans le domaine de longueurs d’onde allant de l’UV
1.1 Principe lointain au proche IR. Comme pour toutes les techniques
basées sur l’émission optique, l’étude du spectre d’émission du
Née en 1963 dans une équipe de la Société française de plasma permet de déterminer la composition chimique de
céramique [1], la LIBS (Laser-Induced Breakdown Spectroscopy ) l’échantillon : la longueur d’onde des raies permet d’identifier
est la première application du laser, apparu en 1960. Elle est les éléments présents (analyse qualitative) et l’on peut détermi-
cependant restée un champ de recherche assez peu exploré, ner les concentrations à partir de courbes d’étalonnage établies
jusqu’à ce que les lasers gagnent suffisamment en performances avec des échantillons de concentrations connues (analyse
pour répondre aux exigences de l’analyse spectrochimique. C’est quantitative).
dans les années 1980 que la LIBS a connu un regain d’intérêt sus-
cité par ses nombreuses applications potentielles [2]. En France,
dès cette époque, les études analytiques en milieu nucléaire réali-
sées par le CEA, ont donné lieu aux premières publications françai- Les lasers utilisés pour produire le plasma sont en très grande
ses sur la technique [3]. Grâce aux progrès considérables qui ont majorité des lasers de durée d’impulsion de 5 à 10 ns, typique-
eu lieu dans les domaines de l’optronique et de l’informatique, ment des lasers de type Nd:YAG. D’autres durées d’impulsion,
l’intérêt pour la LIBS s’est largement étendu. Au cours de la femtoseconde notamment, peuvent être employées mais les
période récente, on dénombre ainsi plus de 3 000 articles publiés mécanismes physiques d’ablation laser et de formation du plasma
entre 2009 et 2013. En 2014, une vingtaine d’équipes en France tra- sont différents du régime nanoseconde. Ces lasers sont à l’heure
vaillent activement sur le développement de la LIBS et de ses actuelle utilisés en LIBS de manière marginale, en partie pour des
applications. raisons de maturité industrielle.

Laser impulsionnel Spectromètre

Système
optique

Échantillon

Si
1. Impulsion laser focalisée sur un échantillon
2. Ablation laser/formation d’un plasma
3. Spectroscopie d’émission du plasma Al
Signal (ua)

Mg

Spectre de raies atomiques


• Longueur d’onde → identification de l’élément
• Intensité → quantification
Longueur d’onde (nm)

Figure 1 – Principe de la LIBS

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__________________________________________________________________ LIBS : SPECTROMÉTRIE D’ÉMISSION OPTIQUE DE PLASMA INDUIT PAR LASER

Dans cet article, seule l’interaction en régime nanoseconde


6 000
est donc traitée.

1 200
La LIBS présente l’avantage d’être une technique entièrement
fondée sur l’optique. Elle permet donc de réaliser des mesures 4 000

Intensité (ua)
sans contact entre l’instrument et le milieu analysé. Non intrusive
et rapide (de quelques secondes à quelques minutes), elle est 800
ainsi, et de manière unique si on la compare aux autres techniques
analytiques, bien adaptée à l’analyse à distance, en ligne ou in 2 000
situ, sans prélèvement ni préparation d’échantillon. Son principe 400
de fonctionnement permet, moyennant l’utilisation d’un instru-
ment dédié, la réalisation d’analyses sur tout type de matériaux
industriels ou naturels qu’ils soient sous forme solide, liquide, ou
gazeuse, et sur les aérosols. Comme toutes les méthodes basées
sur la spectroscopie d’émission, la LIBS permet de réaliser des
0
539,5 541,5 543,5
0
545,5 2
analyses chimiques multi-élémentaires simultanées, et l’instru- Longueur d’onde (nm)
mentation va du système entièrement portable jusqu’au dispositif
transportable dans un véhicule, voire entièrement robotisé, selon
60 ns 1 µs
l’application visée et les contraintes d’utilisation.
Des publications récentes [4] [5] ainsi que les ouvrages [6] [7] [8]
Figure 2 – Spectres LIBS d’un échantillon de fer obtenus 60 ns
[9] fournissent une revue détaillée des principes et des applica- et 1 qs après le tir laser
tions de la technique LIBS.

modifient le profil et l’intensité des raies, limitant ainsi la linéarité


1.2 Caractéristiques du signal LIBS du signal LIBS en fonction de la concentration atomique.
– L’intensité nette d’une raie non auto-absorbée est proportion-
Un spectre LIBS (figure 2) résulte de la superposition d’un nelle au nombre d’atomes émettant des photons. Elle est donc
spectre de raies, provenant de la désexcitation des atomes et des proportionnelle à la masse ablatée et à la concentration de
ions et d’un fond continu produit principalement par le ralentis- l’élément. Enfin, elle est d’autant plus élevée que la température
sement des électrons dans le plasma (Bremsstrahlung) et leur du plasma est élevée.
recombinaison avec les ions (recombinaison radiative). Le signal
Ces différents éléments sont abordés plus en détail dans les
analytique net correspond à l’intensité d’une raie de l’élément
paragraphes suivants.
d’intérêt, intégrée sur sa largeur spectrale et dont on a soustrait le
fond continu.
Plusieurs éléments le caractérisent. 1.3 Caractéristiques analytiques
– C’est un signal transitoire par nature, enregistré pendant que
le plasma se détend et se refroidit. Comme l’intensité du fond Les performances analytiques dépendent étroitement des
continu décroît plus rapidement que celle des raies, le rapport configurations instrumentales retenues, de la nature des matériaux
signal sur fond n’est pas constant au cours du temps. On constate analysés et des éléments recherchés. On se borne donc ici à don-
expérimentalement qu’il augmente après le tir laser dans un pre- ner quelques indications sur les meilleures performances qu’il est
mier temps, puis diminue. Un système de détection résolu tempo- possible d’atteindre en utilisant une instrumentation bien adaptée
rellement, permettant d’enregistrer l’émission du plasma dans une au besoin (§ 3 et 4).
fenêtre temporelle positionnée après le tir laser, est donc générale- Chaque tir laser produit un plasma et son spectre d’émission
ment indispensable pour réaliser des mesures analytiques dans mais la répétabilité tir à tir des mesures LIBS est généralement
des conditions optimales. À titre d’illustration, la figure 2 montre entachée d’un bruit de photons assez élevé. Elle peut être infé-
l’évolution du fond et des raies analytiques entre 60 ns et 1 µs rieure à 10 % pour des raies intenses. La répétabilité de la mesure
après le tir laser. À 60 ns, le spectre est dominé par l’émission du RSD (Relative Standard Deviation ) peut cependant être améliorée
fond continu et les raies sont élargies, tandis qu’à 1 µs, le spectre en accumulant les tirs laser. En l’absence de dérives, elle peut
est essentiellement constitué par l’émission des raies atomiques et atteindre le pourcent, voire encore moins dans certaines
ioniques, ce qui constitue une situation nettement plus favorable configurations spécialement optimisées permettant l’accumulation
pour l’analyse. Il faut toutefois noter que sous certaines conditions d’un grand nombre de tirs laser. Pour l’analyse des solides, la
particulières (analyses à pression réduite, microanalyse), l’apport répétabilité et la justesse obtenue en LIBS peuvent atteindre celles
de la résolution temporelle est moins prononcé et dans ce cas des obtenues par d’autres techniques d’analyses bien établies, telles
applications basées sur l’utilisation de détecteurs classiques sont que l’ablation laser couplée à une torche à plasma ICP
envisageables. (LA-ICP-OES) [10].
– L’intensité élevée du fond continu limite la dynamique de Concernant la justesse de la mesure, les phénomènes suscep-
mesure, caractérisée par le rapport signal sur fond. tibles d’avoir une influence sur ce paramètre sont présentés dans
– Le bruit du fond continu peut lui aussi être élevé, notamment le paragraphe 5.2. Dans les conditions les plus favorables, il est
en raison du bruit de photons. Par conséquent, il pénalise la limite possible d’obtenir jusqu’à 2 % de justesse par LIBS [11].
de détection, caractérisée par le rapport signal sur bruit de fond. Enfin, la limite de détection est liée à l’intensité du signal et au
bruit du fond. Pour des raisons spectroscopiques (énergie du
– Les raies peuvent être fortement élargies en raison de la den-
niveau excité de la raie, probabilité de transition, nombre de
sité du plasma. La capacité à séparer les raies peut être limitée par
niveaux de l’élément), les éléments alcalins et alcalino-terreux sont
ce phénomène, surtout aux premiers instants de désexcitation du
les éléments les plus sensibles en spectrométrie d’émission. Pour
plasma, lorsqu’il est le plus dense.
ces derniers, la limite de détection en LIBS peut atteindre le ppm
– L’épaisseur optique du plasma, liée à sa forte densité, peut masse dans les solides. À l’inverse, les éléments situés à droite
entraîner fréquemment des phénomènes d’auto-absorption qui dans le tableau périodique (gaz rares, halogènes, non-métaux)

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Intensité relative (ua)

107
Na
Ca+ Ba+
106 Li
Sc+ Rb Sr Eu+
Cu In Tl
Y+
Al
Ga Pd Ag Cs La+ Ho+ Lu+
Be+ Mo Tb+ Yb+ Pb
105 K V Mn Re
Mg Nb Rh Sn Pr+ Hf+
Os Au
Si Ti+ Cr Zn Ge Zr+ Ru Cd Ce+ Dy+ Er+Tm+ Th+
104 Fe Ni Nd+ Gd+ Hg
Co Sb Sm+ Ta+ W Bi
As Pt

2 B Te lr U+
103
O P

102 Br
H S Cl Kr

101 C
Se
Ar
N
1
F
Xe+
10–1

Ne
10–2

10–3

He
10–4
Numéro atomique

Conditions de plasma LIBS typiques : température électronique de 104 K et densité d’électrons de 4 · 1017 cm–3.
Dans la bande 200-900 nm, la raie d’émission d’intensité maximale est calculée d’après les équations de Boltzmann et de Saha (§ 2.8).
Lorsque l’intensité d’une raie ionique est plus forte que celles des atomes neutres, l’ion est indiqué à la place de l’atome neutre

Figure 3 – Intensité relative théorique émise par les différents éléments

sont nettement moins sensibles. Cela est illustré sur la figure 3 qui Enfin, grâce aux propriétés de focalisation des faisceaux laser, la
donne les intensités relatives théoriques du signal LIBS pour les LIBS permet de réaliser l’analyse au niveau microscopique ainsi
différents éléments chimiques. que des cartographies de matériaux, avec une résolution latérale
La limite de détection absolue de la LIBS peut descendre pouvant être inférieure à 2 µm (§ 4.5 et 6.6). De plus, en accumu-
jusqu’au femtogramme (10–15 g) dans les meilleurs cas. Cette per- lant les tirs laser au même point de l’échantillon, la LIBS permet
formance, comparable par exemple à celle de l’ablation laser cou- également d’effectuer des mesures de profils élémentaires en pro-
plée à une torche à plasma ICP (LA-ICP-OES), est importante à fondeur, avec néanmoins une résolution limitée due à la difficulté
prendre en compte lorsque la quantité de matière à analyser est de maîtriser l’évolution du cratère d’ablation.
limitée (microanalyse par exemple). Ces caractéristiques font d’elle une technique privilégiée pour
l’analyse hors du laboratoire, in situ ou à distance. En termes
d’applications, elle est donc particulièrement intéressante lorsque
1.4 Positionnement de la LIBS l’échantillon se trouve dans un environnement contraignant, ou
que le prélèvement d’échantillon est difficile ou même impossible
La LIBS se distingue comme étant la seule technique d’analyse (milieu à haute température, matières radioactives, exploration
élémentaire non intrusive, sans contact, sans prélèvement ni pré- spatiale...). Cette capacité unique se décline aussi dans le domaine
paration de l’échantillon. Elle ne nécessite pas que l’échantillon de l’analyse en ligne, en particulier dans le secteur industriel et du
soit conducteur et permet de mesurer simultanément tous les contrôle de procédé, qui est également un champ d’application pri-
éléments, y compris les plus légers jusqu’à l’hydrogène. Une autre vilégié de la LIBS.
spécificité de la LIBS est que l’instrumentation peut être très La comparaison de ses performances avec celles des techniques
compacte, car elle bénéficie de l’existence de lasers et de spectro- usuelles de laboratoire d’analyse du solide n’est pas totalement
mètres de dimension réduite, typiquement inférieure à 20 cm, et pertinente, car elle ne prend pas en compte le contexte d’applica-
dont les spécifications sont compatibles avec les besoins de la tion analytique. Cependant, pour mieux situer la LIBS vis-à-vis des
LIBS (durée d’impulsion, énergie, résolution spectrale...). On peut principales techniques d’analyse directe du solide, quelques
alors disposer de systèmes entièrement portables ayant une auto- éléments de comparaison pratiques sont présentés dans le
nomie de plusieurs heures, pour des applications d’analyse de ter- tableau 1. Ces techniques sont principalement l’ablation laser cou-
rain (§ 4.4). plée à l’ICP (détection optique, LA-ICP-OES, ou massique,

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Tableau 1 – Comparaison des caractéristiques de différentes techniques d’analyse élémentaire


directe du solide
Caractéristique LA-ICP-OES LA-ICP-MS GD-OES GD-MS XRF Spectrométrie EMPA LIBS
étincelle
Analyse à distance (> 1 m) X
Analyse en ligne ou in situ X X
Systèmes portables X X X
Matériaux non conducteurs X X X X X X (1) X
Analyse non destructive
Éléments légers X X X X
X
X
X
X
2
Haute sensibilité (< ppm masse) X X
Microanalyse (< 5 µm) X X X X
Mesure de profil en profondeur X (2) X (2) X X X (2)
(1) Après métallisation de la surface.
(2) Avec une résolution en profondeur limitée.
Les lignes surlignées en bleu correspondent aux caractéristiques intrinsèques des techniques, ne dépendant pas de la configuration instrumentale.

LA-ICP-MS), la fluorescence X (XRF), la spectrométrie à source le matériau, la diffusion thermique et les paramètres thermodyna-
étincelle, la spectrométrie de décharge luminescente GD (Glow miques du matériau.
Discharge ) avec détection optique (GD-OES) ou massique (GD-MS) Pour les métaux, le modèle de Drude permet de rendre compte
et la microsonde électronique (EMPA). du chauffage du matériau entraînant l’ablation. La profondeur de
Précisons cependant que les différents avantages de la LIBS ne pénétration optique dépend de l’indice optique du milieu et peut
sont pas tous cumulables. Ainsi par exemple, la microanalyse, qui être estimée par la loi de Beer-Lambert (en supposant que le maté-
nécessite l’usage d’un microscope, est difficilement compatible riau garde ses propriétés optiques durant le chauffage laser) :
avec l’analyse en ligne, et les instruments portables ont des perfor-
mances réduites par rapport aux équipements disposant de lasers L = 1/α où α = 4πk /λ
puissants et de spectromètres à haut pouvoir de résolution. Il
existe donc une configuration instrumentale dédiée à chaque avec α coefficient d’absorption,
domaine d’utilisation. k partie imaginaire de l’indice de réfraction du milieu.
La profondeur de pénétration thermique L par conduction est
donnée par la loi [12] :

2. Notions physiques L = Dτ (1)


avec D coefficient de diffusion thermique.
Les phénomènes physiques mis en jeu en LIBS sont nombreux
et complexes. Ils ne sont pas encore suffisamment compris pour Le seuil d’ablation laser varie donc en τ .
permettre une modélisation complète du processus. Nous présen- La surface du matériau étant chauffée très rapidement à très
tons ici une vision simplifiée, communément admise par la haute température, il existe un seuil d’énergie absorbée par unité
communauté LIBS et décrivant qualitativement les principaux phé- de surface et de temps au-delà duquel l’apport de chaleur est
nomènes mis en jeu. Ces informations sont utiles à la supérieur à ce que le matériau peut évacuer par conduction ther-
compréhension mais ne sont pas fondamentales pour la réalisa- mique et rayonnement de surface. Il en résulte un dégagement de
tion des analyses. matière suivant plusieurs phénomènes : l’évaporation, l’ablation
volumique (ou explosion de phase) et l’éclatement sous forme de
particules.
2.1 Ablation laser Cette phase d’éjection de matière démarre dans des temps
caractéristiques inférieurs à la nanoseconde [13]. En régime d’abla-
Afin de produire l’ablation de la matière, il est nécessaire d’utili- tion par laser nanoseconde, il existe donc une interaction entre la
ser une densité de puissance (ou éclairement) I (en GW/cm2) supé- fin de l’impulsion laser incidente et la matière en expansion.
rieure à un certain seuil :

I = E /τ S 2.2 Interaction laser/matière ablatée :


avec E énergie de l’impulsion laser,
création du plasma
τ durée d’impulsion, Lors de l’interaction du laser avec la matière en expansion, ce
sont les phénomènes d’absorption dans la vapeur qui sont à
S surface du spot laser.
prendre en compte pour décrire la dynamique de création du
Le seuil d’ablation dépend des caractéristiques de l’échantillon plasma. Les premiers électrons sont créés par ionisation collision-
et des paramètres laser (longueur d’onde λ, durée d’impulsion). nelle, multi-photonique et par thermo-ionisation. L’apparition des
L’ablation est gouvernée par la capacité d’absorption du laser par premiers électrons s’accompagne de l’accroissement rapide de

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leur énergie par effet Bremsstrahlung inverse. En effet, les élec-


trons peuvent absorber des photons lorsqu’ils entrent en collision
avec un atome neutre ou ionisé. Les électrons, ayant acquis une
Matériau
énergie suffisante, peuvent ioniser les atomes neutres majoritaires
et ainsi provoquer l’apparition d’un ion et d’un autre électron. Par
ce processus, la densité d’ions et d’électrons s’accroît rapidement.
Les collisions entre les électrons e et les ions i deviennent alors Chauffage laser
majoritaires.
Pour un plasma d’atomes hydrogénoïdes, le coefficient Vapeur
d’absorption par Bremsstrahlung inverse αB,e–i suit la relation : atomique

 Ionisation collisionnelle
 hc   3 2
αB ,e −i ∝ 1− exp  −  λ Ne et multiphotonique

2
(2)
  λkBT  
Création des premiers
avec h constante de Planck, électrons libres
c vitesse de la lumière, Bremsstrahlung
kB constante de Boltzmann, inverse e–/neutre
T température, Accélération et
Ne densité électronique. amplification du nombre
d’électrons
Si les atomes sont une fois ionisés, αB,e–i est proportionnel au
carré de la densité électronique Ne , ce qui fait que plus Ne est éle-
vée, plus le coefficient d’absorption, à la longueur d’onde λ, aug- Bremsstrahlung
mente et donc contribue à augmenter Ne . Il y a un emballement, inverse e–/ion
on parle alors d’avalanche électronique qui conduit à la création
extrêmement rapide d’un plasma fortement ionisé. Emballement
de l’amplification = claquage
La figure 4 illustre l’enchaînement des différentes étapes qui
conduisent à la création d’un plasma.

2.3 Hydrodynamique et expansion Plasma

du plasma
Le plasma créé par laser a un caractère transitoire durant lequel Figure 4 – Étapes de la création d’un plasma par laser
les grandeurs physiques évoluent continûment. La matière est
éjectée de la surface à des vitesses de l’ordre de 104 m/s. Il s’en
suit une compression du gaz entourant le plasma et la génération L’onde de choc se propage dans le gaz ambiant en suivant la loi
d’une onde de choc. Durant cette expansion, le plasma se refroidit de Sedov [14].
essentiellement par détente et par pertes radiatives. La figure 5 illustre les phénomènes mis en jeu.

Gaz ambiant
Cible
Diffusion thermique

Matière Faisceau laser


éjectée

Matériau Front d’onde


Gaz
chauffé de choc
choqué

Figure 5 – Schéma de la dynamique du plasma pendant le tir laser

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Spectroscopie microonde

par Annunziata SAVOIA


Ingénieure de Recherche CNRS, Univ. Lille, CNRS, UMR 8523 – PhLAM-Physique des Lasers
Atomes et Molécules, F-59000 Lille, France

2
1. Spectroscopie de rotation ....................................................................... P 2 875 - 3
1.1 Description classique..................................................................................... — 3
1.2 Description quantique dans l’approximation du rotateur rigide ............... — 4
2. Spectromètre à impulsions microondes par transformée
de Fourier FTMW......................................................................................... — 5
2.1 Principe général ............................................................................................. — 5
2.2 Spectromètre SIMO ....................................................................................... — 6
2.2.1 Cavité Pérot-Fabry................................................................................. — 6
2.2.2 Jet supersonique................................................................................... — 8
2.3 Avantages de la spectroscopie à impulsions microondes
par transformée de Fourier ........................................................................... — 9
3. Spectromètre à impulsions microondes par dérive
de fréquences CP-FTMW .......................................................................... — 10
3.1 Nécessité d’une évolution ............................................................................. — 10
3.2 Principe général ............................................................................................. — 10
4. Exemples d’applications de la spectroscopie microonde............... — 11
4.1 Spectroscopie de rotation pour l’étude de molécules d’intérêt
atmosphérique ............................................................................................... — 12
5. Conclusion.................................................................................................... — 12
6. Glossaire ....................................................................................................... — 13
Pour en savoir plus ............................................................................................. Doc. P 2 875

a spectroscopie est une discipline expérimentale qui étudie l’émission, la dif-


L fusion et l’absorption d’un rayonnement électromagnétique par des atomes
ou des molécules.
Les méthodes expérimentales en spectroscopie ont débuté dans le domaine
le plus accessible du spectre électromagnétique, le visible, où l’œil pouvait être
Parution : août 2021 - Dernière validation : août 2021

utilisé comme détecteur. C’est ainsi qu’en 1655, Newton entreprend ses expé-
riences sur la dispersion de la lumière blanche à l’aide d’un prisme en verre.
Cependant, il a fallu attendre environ 1860 pour que Bunsen et Kirchhoff
construisent le spectroscope à prisme utilisable en tant qu’instrument.
En 1885 Balmer établit de façon empirique une relation mathématique qui
permet de calculer les longueurs d’ondes des raies visibles du spectre de
l’atome d’hydrogène. C’est ainsi que démarre la relation étroite entre l’expé-
rience et la théorie en spectroscopie, l’expérience fournissant les résultats et
une théorie appropriée essayant de les expliquer et de prédire des résultats
dans des expériences voisines.
Cependant, la théorie rencontre de plus en plus de difficultés tant qu’elle est
basée sur la mécanique classique de Newton, et cela jusqu’au développement de
la mécanique quantique par Schrödinger en 1926. À cette époque, les données
provenant des expériences de spectroscopie, sauf celles effectuées sur des atomes

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SPECTROSCOPIE MICROONDE ________________________________________________________________________________________________________

très simples, dépassent les prédictions de la théorie, limitée par les approxima-
tions faites pour que les calculs puissent aboutir.
La première expérience où les fréquences microondes ont été utilisées pour
étudier une molécule est réalisée par Cleeton et Williams en 1934. Ils avaient
construit des oscillateurs magnétron sur mesure pour effectuer une étude de
l’inversion du mode vibrationnel de la molécule NH3.
La spectroscopie microonde est utilisée dans le domaine de la physico-chimie
dans le but de déterminer la structure des molécules en phase de gaz avec une
grande précision. La difficulté de l’utilisation des spectres dans la détermination de
la structure géométrique d’une molécule augmente avec sa taille et sa complexité.
Les fréquences de transition de rotation pouvaient déjà être mesurées avec haute
2 précision à cette époque, mais les chercheurs n’étaient pas en mesure de fournir
des informations sur la structure des molécules avec une précision correspon-
dante à celle issue de l’expérience. Cette situation s’est améliorée grâce aux
progrès des méthodes numériques. À partir des années 1960, avec l’arrivée d’ordi-
nateurs puissants permettant de réduire les approximations, la théorie commence
à prédire des propriétés spectroscopiques avec une précision comparable à celle
que l’on peut obtenir expérimentalement.
Les améliorations apportées aux instrumentations électroniques et aux équipe-
ments à vide après 1970 permettent d’améliorer encore la technique expérimentale.
Balle et Flygare en 1979 conçoivent un spectromètre à impulsions microondes
par transformée de Fourier, FTMW (Fourier Transform Microwave Spectro-
meter). Le principe de ce type de spectromètre est d’exciter des molécules à
l’aide d’une impulsion microonde et de mesurer le signal de désexcitation
émis par celles-ci. Ensuite une transformée de Fourier du signal est effectuée
donnant lieu à un ensemble de raies qui constituent le spectre des molécules
étudiées.
L’interprétation d’un spectre à température ambiante est rendue difficile par
la superposition de raies très proches en fréquence. Si, en outre, on s’intéresse
à des systèmes où plusieurs espèces sont présentes en même temps, par
exemple des complexes moléculaires, le spectre est très dense. La mesure
d’un spectre à basses températures, de l’ordre de quelques kelvins, permet de
réduire le nombre de raies et rend donc son étude plus simple. De telles tem-
pératures sont atteintes avec la technique dite du jet supersonique, présentée
dans le paragraphe 2.2.2, qui a été couplée par Balle et Flygare en 1981 au
spectromètre à impulsions microondes.
Le spectromètre FTMW permet d’étudier une vaste gamme de molécules,
comme par exemple des molécules d’intérêt biologique, des acides aminés, des
sucres et des particules odorantes et plus récemment des composés organiques
volatils COV.
La diffusion des techniques de spectroscopie microondes n’est pas uni-
quement due aux développements techniques de l’instrumentation mais
aussi à l’augmentation d’installations de calcul qui permettent des investi-
gations théoriques approfondies avec des méthodes sophistiquées de
chimie quantique. Par exemple, le laboratoire PhLAM dispose d’un cluster
informatique doté d’une grande quantité de mémoire (jusqu’à 1536 Go). Les
méthodes de calculs quantiques se basent sur divers formalismes mathéma-
tiques dans lesquels il s’agit de résoudre l’équation de Schrödinger en
prenant en compte toutes les interactions entre les particules constituant les
systèmes étudiés. Les aspects de chimie quantique ne sont pas traités dans
cet article.
Pour les aspects de chimie quantique, les articles [AF 6 050] et [J 1 011]
peuvent être consultés.

P 2 875 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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P2875

_________________________________________________________________________________________________________ SPECTROSCOPIE MICROONDE

Principaux symboles Principaux sigles


Constantes de rotation de l’opérateur AWG Arbitrary Waveform Generator
A,B,C s–1
Hamiltonien
COV Composé Organique Volatil
d m Distance entre les deux miroirs
CP-FTMW Chirped Pulse-FTMW
E J Énergie propre de la molécule

Amplitude du champ électromagnétique FID Free Induction Decay


E0 V.m–1
associé à l’impulsion microonde
FTMW Fourier Transform MicroWave
Constante de Plank (= 6,6 × 10–34)

2
h J.s
SIMO Spectromètre à Impulsions Microondes
I kg.m2 Moment d’inertie
TEM Transverse ElectroMagnetic
Nombre quantique associé au moment
J
angulaire TWA Traveling Wave Tube Amplifier
Nombre quantique associé à la projection
k du moment cinétique selon l’axe
de symétrie de la molécule étudiée en spectroscopie d’émission et absorption et ne sera pas
traitée ici.
m kg Masse

Nombres entiers qui caractérisent le mode L’émission ou l’absorption d’un rayonnement électromagné-
m,n,q
de la cavité tique par la matière ne peut se produire que pour des fréquences
qui lui sont propres. L’ensemble des transitions observées entre
N Nombre de Fresnel
les niveaux d’énergie constitue le spectre du système étudié.
P Quantité de mouvement angulaire
Il représente en quelque sorte une empreinte digitale caractéris-
Q Coefficient de qualité
tique de l’espèce sous examen.
R m Rayon de courbure du front d’onde De façon générale, les photons des régions visible et ultraviolette
du spectre électromagnétique induisent des transitions entre les
Constante de temps de retour niveaux d’énergie électroniques d’une molécule, ceux de la lumière
T2
à l’équilibre infrarouge excitent les transitions entre les niveaux vibratoires alors
que les transitions entre les niveaux de rotation sont générées par les
w m Rayon du champ électromagnétique fréquences de la gamme 1 GHz-1 THz. Les fréquences microondes se
situent entre 1 et 30 GHz.
Repère dans la cavité (z direction
x,y,z La technique de spectroscopie d’émission consiste à stimuler un
de propagation du faisceau d’ondes)
système moléculaire dans un état excité et puis à détecter la radia-
Moment dipolaire de la molécule tion émise par le système moléculaire pendant la relaxation vers
μ D l’état fondamental [15]. À l’inverse, lorsque l’on mesure la radia-
(1D = 3,33564 × 10–30 C.m)
tion atténuée passant à travers un système moléculaire, l’on parle
v s–1 Fréquence centrale du mode de spectroscopie d’absorption [P 2 656].
L’intérêt de l’enregistrement et de la modélisation du spectre de
κ Paramètre de Ray rotation d’un système moléculaire est de conduire à l’identification
non ambiguë de sa structure. La connaissance de la géométrie
λ m Longueur d’onde
donne alors accès aux propriétés physico-chimiques du système
ω s–1 Vitesse angulaire étudié.

Pulsation de la transition entre deux états


ωo s–1 Pour les origines de la spectroscopie, consulter les références
d’énergie
[1] [2] [3] et pour les aspects concernant la chimie quantique les
références [13] [14].

1. Spectroscopie de rotation
1.1 Description classique
La spectroscopie exploite l’émission, l’absorption et la diffusion Dans cet article, les concepts théoriques essentiels à la compré-
du rayonnement électromagnétique pour l’étude d’atomes ou de hension de la technique de spectroscopie microonde [15] [16] sont
molécules. L’émission a lieu lorsqu’un atome ou une molécule présentés.
perd de l’énergie en rayonnant de la lumière. L’absorption est le Les transitions entre les niveaux d’énergie de rotation peuvent être
processus inverse. observées de façon isolée par spectroscopie rotationnelle dite pure
ou peuvent accompagner des changements des niveaux d’énergie
Dans le cas de la diffusion, le rayonnement électromagnétique vibrationnels et/ou électroniques. La spectroscopie microonde est
est dévié de sa trajectoire au moment où il interagit avec la matière. généralement concernée par les spectres de rotation pure et ceux-ci
Il s’agit d’une interaction de nature différente de celle observée et sont les seuls traités dans cet article.

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 2 875 – 3

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2

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P2890

Spectrométrie photoacoustique
Application à l’analyse de gaz
par Virginie ZENINARI
Docteur en physique de l’université de Reims Champagne Ardenne (URCA)

2
Maître de conférences, habilitée à diriger des recherches à la faculté des sciences exactes
et naturelles de Reims (URCA)

1. Du photophone à la photoacoustique .............................................. P 2 890 – 2


2. Principe d’ensemble ............................................................................... — 3
2.1 Historique de la technique .......................................................................... — 3
2.1.1 Première renaissance avec l’invention du microphone .................. — 3
2.1.2 Seconde renaissance avec l’invention du laser ............................... — 3
2.2 Spectrométrie photoacoustique « moderne » .......................................... — 3
3. Détection de gaz ...................................................................................... — 4
3.1 Signal photoacoustique .............................................................................. — 4
3.2 Bruits en détection photoacoustique ........................................................ — 5
3.2.1 Bruit de fluctuation thermique .......................................................... — 5
3.2.2 Bruit du microphone et bruit électronique ...................................... — 5
3.2.3 Bruit de fond ....................................................................................... — 5
3.3 Rapport signal sur bruit et concentration minimale détectable .............. — 5
3.4 Améliorations du signal photoacoustique ................................................ — 6
3.4.1 Facteur de qualité acoustique Q ....................................................... — 6
3.4.2 Réponse du microphone RM ............................................................. — 7
3.4.3 Puissance absorbée Wα .................................................................... — 7
3.4.4 Autres facteurs d’amélioration du signal PA ................................... — 7
4. Application à la détection du gaz méthane ..................................... — 7
4.1 À propos du méthane ................................................................................. — 7
4.2 Détection de méthane par spectrométrie photoacoustique .................... — 8
5. Détecteurs photoacoustiques multigaz dans l’air ......................... — 9
5.1 Application à d’autres gaz que le méthane ............................................... — 9
5.2 Mesures sur l’air ambiant ........................................................................... — 9
5.3 Systèmes commerciaux ............................................................................. — 11
6. Conclusion ................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. P 2 890

e principe de la spectrométrie photoacoustique (SPA) consiste à exciter un


L échantillon avec une lumière modulée de longueur d’onde définie. Les molé-
cules absorbent une partie de l’énergie lumineuse qu’elles convertissent, après
désexcitation, en un signal acoustique capté par un microphone. La SPA est une
méthode, à la fois très stable et facile d’emploi, permettant de détecter de très
faibles concentrations de gaz, et très efficace, notamment à la pression
atmosphérique ; la dynamique de mesure s’étend sur, au moins, 5 ordres de
grandeur.
Parution : mars 2007

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. P 2 890 − 1

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P2890

SPECTROMÉTRIE PHOTOACOUSTIQUE _____________________________________________________________________________________________________

(0)

Notations et symboles

Symbole Désignation
co Vitesse du son
Eo État d’énergie fondamental
E1 État d’énergie excité
G Facteur géométrique
H Chaleur produite par l’absorption de lumière
Kυ Coefficient d’absorption d’un gaz

2 N
Q
Concentration des molécules par cm3
Facteur de qualité acoustique
RM Sensibilité du microphone
U Signal du microphone
V Volume de la cuve PA
W Puissance du faisceau laser
a Rayon du cylindre de la cuve
c Concentration d’un gaz absorbant
hν Photon d’énergie
ᐉ Longueur de parcours optique
m Indice du mode azimutal
n Indice du mode radial
nz Indice du mode longitudinal
p Pression acoustique
u Vitesse
α Coefficient d’absorption du gaz
γ Rapport des capacités thermiques
θ Température
ω Pulsation en relation avec la fréquence de modulation
ωi Pulsation de résonance

1. Du photophone conditions, donne des vibrations acoustiques. L’interprétation de


l’effet photoacoustique contient déjà l’esprit des deux principales
à la photoacoustique applications qui vont découler de cette découverte :
— la possibilité de détecter, par l’intermédiaire d’un son, des bandes
d’absorption difficilement accessibles aux méthodes optiques
(substances très peu transparentes ou incluses dans une matrice
La détection photoacoustique consiste à exciter des molécules opaque, gaz absorbants très dilués, etc.) ;
avec de la lumière puis à détecter leur désexcitation, non radiative, — la mesure du retard entre l’absorption lumineuse et l’appari-
grâce à un microphone acoustique. Cette technique est loin d’être tion du son qui caractérise le temps de retour à l’équilibre, ou temps
nouvelle puisque son origine remonte en 1880, lorsque Alexandre de relaxation du corps étudié.
Graham Bell découvrit cet effet dans les solides et, ensuite, dans les
gaz. Ce procédé fut oublié puis redécouvert, lors de l’invention du À l’origine, Bell, lorsqu’il découvrit le phénomène, le décrivit
microphone, dans les années 1930, et du laser, dans les comme étant la production de son par la lumière. Le dispositif
années 1970. construit pour étudier ce phénomène fut donc baptisé
« photophone ». Il le développa ensuite pour créer un nouveau type
Les méthodes de mesures photoacoustiques ont trouvé des appli- de communication téléphonique. Plus tard, quand l’effet
cations grandissantes en spectrométrie et dans l’étude de l’interac- photoacoustique combiné à la lumière monochromatique fut utilisé
tion de la lumière avec la matière. L’effet photoacoustique consiste pour étudier les spectres d’absorption des gaz et des vapeurs, la
en la formation d’ondes acoustiques dans un échantillon éclairé, cuve fut appelée « spectrophone ». Ensuite, le même phénomène
périodiquement, par de la lumière. L’origine de cet effet s’explique fut reconnu sous les noms d’optoacoustique ou encore optico-
par les transitions non radiatives transformant une partie de l’énergie acoustique. À partir des années 1980, cette dénomination a été évi-
du rayonnement absorbé en énergie thermique qui, sous certaines tée pour ne pas être confondue avec la méthode acousto-optique

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P 2 890 − 2 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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_____________________________________________________________________________________________________ SPECTROMÉTRIE PHOTOACOUSTIQUE

dans laquelle la lumière interfère avec des ondes acoustiques dans un tique, il mesurait la variation de tension entre les diaphragmes du
cristal. Le terme générique actuellement employé est donc la microphone capacitif chargé. Viengerov était capable de mesurer des
méthode photoacoustique (PA). concentrations de CO2 dans N2 jusqu’à environ 0,2 % en volume en
utilisant cette méthode PA. Les mesures de concentrations plus bas-
ses étaient limitées, à la fois par la sensibilité relativement basse de
son microphone et par l’absorption du fond continu du rayonnement
2. Principe d’ensemble incident par les parois et les fenêtres de la cuve. De plus, ces mesu-
res PA sur un échantillon gazeux étaient sérieusement perturbées par
la présence d’un effet PA parasite dans les fenêtres.

2.1 Historique de la technique Une amélioration majeure dans la sensibilité de l’analyse de la con-
centration de gaz intervient, en 1943, quand Luft décrit un analyseur

2
de gaz commercial à enregistrement automatique qui employait deux
cuves PA et un montage différentiel. Une cuve contenait le mélange
Expériences originelles : les essais de Bell de gaz à analyser, tandis que l’autre contenait le mélange de gaz sans
l’espèce intéressante. Dans cet instrument, le signal était proportion-
L’effet photoacoustique (PA), à la fois dans la matière gazeuse nel à la différence de pression acoustique entre les deux cuves. Cet
ou non gazeuse, fut découvert au 19e siècle et, en 1880, Bell rap- instrument possédait une sensibilité qui permettait la mesure de CO2
porta brièvement la découverte accidentelle de l’effet PA dans dans N2 jusqu’à quelques parties par million (ppm). Les recherches en
les solides. Durant ces expériences avec le photophone, Bell PA des gaz incluaient, à la fois, la spectrométrie et l’analyse des
découvrit qu’il était possible d’obtenir un signal audible directe- constituants.
ment. Il démontra que l’effet PA dans les solides dépendait de
l’absorption de lumière et que la force du signal acoustique En plus de la détection de gaz, l’effet PA fut utilisé pour étudier la
dépendait de la puissance absorbée. Ainsi, Bell déduisit correc- désexcitation et les processus de transferts d’énergie dans les gaz.
tement la dépendance optique intrinsèque d’absorption de Le signal PA était essentiellement une mesure calorimétrique de la
l’effet PA. En plus de l’étude de l’effet PA dans les solides, Bell quantité d’énergie radiative, absorbée par l’échantillon gazeux, dissi-
travailla aussi sur l’effet PA dans les liquides et dans les gaz. Il pée à travers des processus non radiatifs de production de chaleur.
observa que seuls des signaux faibles étaient produits quand la Ainsi, l’effet PA peut être utilisé pour étudier cette voie de désexcita-
cuve contenait un liquide absorbant la lumière, mais que l’on tion de niveaux d’énergie. La mesure de la phase du signal PA pouvait
obtenait des signaux assez importants quand celle-ci était rem- être utilisée pour chercher la vitesse du transfert d’énergie entre les
plie de gaz absorbant la lumière. degrés de liberté vibrationnel-translationnel des molécules de gaz.
En effet, cela s’explique par le fait que le coefficient d’expan- L’utilisation de l’effet PA pour étudier les temps de vie vibrationnels
sion de volume des liquides est de 10 à 100 fois plus petit que des molécules gazeuses devint rapidement une technique établie.
celui des gaz. Dans les expériences de Bell, le détecteur était un Entre 1950 et 1970, l’effet PA fut employé pour étudier les temps de
dispositif sensible au déplacement : l’oreille. L’échantillon était vie vibrationnels et les autres aspects de la désexcitation de gaz sans
quelquefois un solide ou un liquide mais, la plupart du temps, rayonnement.
c’était un gaz, coloré afin d’absorber le rayonnement visible, ou
bien incolore mais absorbant l’infrarouge (IR). Le signal produit
dans la chambre fermée était détecté par l’oreille comme un son
audible, à travers un tube d’écoute connecté à la chambre. De 2.1.2 Seconde renaissance avec l’invention
l’absorption de lumière par l’échantillon résultaient clairement du laser
des fluctuations de pression de l’air dans le tube d’écoute, puis-
que ces fluctuations avaient la même fréquence que la fré-
quence de modulation. Ainsi, la situation pour les échantillons Les études réalisées étaient limitées par l’emploi de lumières blan-
gazeux était, déjà, très bien comprise au 19e siècle, puisque les ches et de filtres. La puissance, à une longueur d’onde considérée,
lois de base des gaz étaient bien connues. L’échantillon gazeux était relativement faible. L’arrivée du laser, rayonnement monochro-
absorbait tout ou partie du rayonnement incident modulé et matique et puissant, provoqua un regain d’intérêt de la spectrométrie
s’échauffait périodiquement. L’échauffement périodique du gaz PA, dans les années 1970. À nouveau, les analyseurs de gaz PA et
produisait à la fois des variations de pression et de volume. les spectromètres trouvèrent de nombreuses applications intéressan-
Celles-ci étaient transmises par le diaphragme du tube d’écoute tes. De nombreux brevets basés sur cette technique sont déposés
à sa propre colonne d’air, puis à l’oreille. tous les ans. Les lasers à semi-conducteurs miniatures, accordables
Après l’agitation due à l’intérêt autour du travail originel de continûment en longueur d’onde et appelés souvent diodes lasers,
Bell, l’expérimentation avec l’effet PA cessa. On prit l’effet PA sont particulièrement adaptés pour effectuer de la spectrométrie
pour une curiosité intéressante, mais sans grande valeur pratique moléculaire des gaz à très haute résolution.
ou scientifique. De plus, les expériences étaient difficiles à met-
tre en œuvre et à quantifier, puisqu’elles requéraient l’oreille du
chercheur comme détecteur du signal.

2.2 Spectrométrie photoacoustique


2.1.1 Première renaissance avec l’invention « moderne »
du microphone

L’effet PA fut complètement oublié, pendant environ 50 ans, En spectrométrie PA des gaz, la lumière modulée en intensité d’une
jusqu’à l’invention du microphone. En 1938, Viengerov du « State source thermique ou d’un laser entre dans une cuve PA contenant
Optical Institute » de Leningrad commença, en utilisant le phéno- l’échantillon gazeux. Tout ou partie du rayonnement incident est
mène, à étudier l’absorption lumineuse IR dans les gaz et à évaluer les absorbé par le gaz, ce qui provoque une variation de pression conver-
concentrations des espèces gazeuses dans les mélanges de gaz. Ses tie en un signal électrique au moyen d’un microphone. Le principe
sources de lumière étaient des corps noirs infrarouges tels que des général d’une expérience de spectrométrie PA des gaz est présenté
filaments de Nernst. À partir d’un montage microphonique électrosta- sur la figure 1.

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RE143

RECHERCHE

Spectro-imagerie térahertz
Voir autrement
2
par Patrick MOUNAIX
Chargé de recherches CNRS au Centre de physique moléculaire optique et hertzienne
(CPMOH UMR 5798) à Talence (33)

Résumé : Les ondes électromagnétiques térahertz suscitent à la fois la curiosité et


l’engouement des scientifiques et des industriels car elles permettent une analyse chi-
mique de matériaux en surface et en volume. Complémentaire des technologies
existantes, la spectro-imagerie térahertz offre un potentiel applicatif important pour les
domaines de la biologie, de la sécurité et de l’environnement par exemple. Cet article
rappelle les principes de base, les limites et les dernières évolutions de ce domaine en
pleine émergence.

Abstract : The terahertz electromagnetic waves arouse the curiosity and the craze of
the scientists and the manufacturers because they allow a chemical analysis of mate-
rials in surface and in volume. Additional of the existing technologies, the
spectro-imaging at terahertz wavelength offers an important potentiality for the
domains of the biology, the security and the environment for example. This paper
reminds the basic principles, the limits and the last evolutions of this domain in full
emergence.

Mots-clés : Imagerie hyperspectrale, Térahertz, Tomographie 3D, Spectroscopie,


Infrarouge lointain

Keywords : Hyperspectral imaging, terahertz, 3D tomography, spectroscopy, far


infrared

Points clés
Domaine : Techniques d’imagerie et d’analyse
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Parution : juin 2010 - Dernière validation : février 2020

Technologies impliquées : Optique, électronique, optronique, traitement


d’image
Domaines d’application : Biologie, environnement, sécurité
Principaux acteurs français :
Pôle de compétitivité : Route des Lasers (Aquitaine)
Centres de compétence :
– Centre de Physique Moléculaire Optique et Hertzienne CPMOH (CNRS) ;
– Centre technologique Alphanov ;
– ARMIR Association pour le Rayonnement, les Mesures et l’Imagerie Rapide, qui
comprend le club « Teranaute » ;
– GDR Européen TÉRAHERTZ « Détecteurs et Émetteurs de Radiations Térahertz
à Semi-conducteurs » (GDR CNRS 2897).
Industriels : la société I2S
Autres acteurs dans le monde : Nikon, Picometrix, Toptica Photonics,
GigaOptics...

5 – 2010 © Editions T.I. RE 143 - 1

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RE143

RECHERCHE

1. Contexte une condition nécessaire pour la mise en place et la validation


des expériences de spectroscopie térahertz résolue en temps.
L’intérêt grandissant des communautés scientifiques pour le Celles-ci permettent d’évaluer la réponse et le comportement
domaine des ondes millimétriques (30 à 300 GHz) et submilli- du matériau investigué lors de l’interaction avec le faisceau
métriques (300 GHz à 3 THz) présage un développement térahertz. Enfin, de nombreuses molécules d’intérêt
d’applications novatrices de l’électronique rapide et de présentent une signature spectrale spécifique qui souvent
l’optique. Toutefois, cette partie du spectre reste relativement n’existe pas dans d’autres parties du spectre électromagnéti-
inemployée en raison notamment d’une technologie très déli- que comme le proche ou moyen infrarouge. Cette réponse

2 cate et pas toujours maîtrisée. Ces développements et trans- unique, couplée à une caractérisation de la réponse diélec-
ferts vers l’industrie ne pourront s’accomplir sans être trique sur une très grande plage de fréquences (typiquement
accompagnés d’une étude du comportement électromagné- entre 100 GHz et 4 THz), permet de faire de la reconnaissance
tique des matériaux utilisés à ces fréquences extrêmes et de ou bien de la différenciation d’espèces chimiques sans contact.
la validité d’une imagerie active. Dans ce contexte, la Cette propriété intéresse particulièrement les domaines soit
spectro-imagerie térahertz répond à cette problématique. Elle du contrôle qualité, soit de la défense et de la sécurité.
apporte une potentialité de contraste optique novateur, sensi-
ble aux niveaux vibrationnels et rotationnels des matériaux.
Il convient de rappeler quelques conversions d’unités
L’aspect spectroscopique dans ce domaine de fréquence peut
pour l’utilisateur. Un térahertz (THz) correspond à une lon-
dès lors mener à une caractérisation très large bande et à une
gueur d’onde de 300 µm dans le vide (figure 1), soit à un
identification unique des matériaux ou d´échantillons. De plus,
écart entre deux niveaux énergétiques de ∆E = 4,1 meV ou
le très fort pouvoir pénétrant de ces ondes permet d’envisager
encore une température équivalente de 48 K. Le rayon-
une visualisation d’objets invisibles en surface, en volume ou
nement térahertz présente l’avantage, comme les ondes
opaques dans le visible. Nous rappelons dans un premier
radio, de passer au travers de multiples obstacles mais
temps les caractéristiques de ce rayonnement ainsi que les
aussi, comme les ondes optiques, de pouvoir être focalisé
moyens de le générer et de le détecter. Ensuite nous présen-
pour fournir une image. En outre, la plupart des molécules
terons la mise en place d’une technique de spectro-imagerie
organiques ont une fréquence de résonance fondamentale
térahertz bidimensionnelle et son application à la visualisation
(de rotation ou de vibration) dans le domaine térahertz.
d’objets opaques.
Elles émettent donc naturellement dans ces fréquences, ce
qui permet d’utiliser des techniques d’imagerie totalement
passives et donc indétectables, avantage décisif pour les
2. Présentation du domaine applications militaires par rapport aux radars.
térahertz Jusqu’à l’horizon des années 1980, la production efficace et
la détection des ondes électromagnétiques (couplage d’un
2.1 Pourquoi le rayon T champ électrique et d’un champ magnétique qui oscillent et
s’induisent l’un l’autre en se propageant dans l’air à la vitesse
L’infrarouge lointain ou rayonnement térahertz est un de la lumière) dans cette plage du spectre électromagnétique,
domaine spectral complémentaire par rapport aux techniques restaient laborieuses. La plupart des sources THz étaient soit
employées actuellement (optique, RF, etc.). Son emploi se des émetteurs de faible brillance comme des sources ther-
démocratise depuis l’avènement simultané de lasers miques soit des lasers encombrants de type gaz moléculaires,
« femtoseconde », mais aussi grâce aux progrès constants dont la radiation en infrarouge lointain présente un choix de
dans la conception et la fabrication de nouveaux composants longueur d’onde sélectif dû à une largeur de bande étroite.
micro- voire nanoélectroniques. Pour les applications Conventionnellement, des détecteurs dits incohérents, comme
susceptibles d’être transférées, ces nouvelles techniques rem- des bolomètres et des détecteurs pyroélectriques, ont été
placent les moyens classiques de l’infrarouge lointain, qui uti- employés pour mesurer l’intensité de radiations THz, mais
lisent par exemple des corps noirs comme source de leurs inconvénients étaient un seuil de détectivité bas, des
rayonnement et des bolomètres comme détecteurs (avec de exigences cryogéniques et du bruit causé par la radiation ther-
longs temps de mesure). mique de fond. De plus, la perte de cohérence temporelle
L’intérêt d’employer ce rayonnement est multiple. En pre- réduisait fortement les possibilités d’application industrielle.
mier lieu par opposition aux rayons ionisants comme les Avec l’apparition de la spectroscopie temporelle térahertz au
rayons X bien connus, les radiations térahertz sont en effet milieu des années 1980, ces difficultés ont été surmontées
capables de pénétrer la matière organique ou inorganique rapidement. Le caractère multidisciplinaire du secteur de
sans causer de dommage. En second lieu, la radiation téra- recherche traitant les térahertz exige une connaissance pro-
hertz traverse certains milieux autrement opaques dans le fonde d’optique et photonique, d’ingénierie des micro-ondes et
domaine visible : vêtements, papier, bois, carton et plastiques de la physique des semi-conducteurs. Bien que la technologie
et la liste est non exhaustive. Cette transmission de l’onde progresse, peu de dispositifs sont disponibles dans le
térahertz sur plusieurs centimètres par divers matériaux est commerce.

Transistor world Laser world

THz gap
Radio Microwave IR Visible UV

300 MHz 3 GHz 30 GHz 300 GHz 3 THz 30 THz 300 THz
1m 10 cm 1 cm 1 mm 1 µm 10 µm 1 µm

Figure 1 – Spectre électromagnétique et positionnement du « gap » térahertz

RE 143 - 2 © Editions T.I. 5 – 2010

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RE143

RECHERCHE

2.2 Comment générer un tel rayonnement picoseconde. Dans les deux cas, les rendements de conversion
sont encore très faibles, et décroissent au fur et à mesure que
Les sources constituent actuellement la principale limitation la fréquence ciblée augmente.
de la technologie THz en termes de transfert industriel. Les Le laser à cascade quantique est probablement la source
moyens techniques dont on dispose aujourd’hui permettent de continue la plus prometteuse. Cette solution consiste à bénéfi-
réaliser des études en laboratoire, mais ne sont pas encore cier du comportement des électrons libres dans des structures
adaptés à des applications industrielles ou grand public. Leur quantiques. Les techniques de croissance cristalline, comme
encombrement, leur fiabilité et aussi leur coût ne sont pas l’épitaxie par jets moléculaires, permettent la fabrication d’un

2
encore compétitifs et attractifs pour des applications en empilement de couches semi-conductrices nanométriques de
PME-PMI. compositions différentes (multipuits quantique).
Les sources THz peuvent être réparties en différentes Dans un laser classique à semi-conducteur, la lumière est
familles, suivant qu’elles sont continues ou impulsionnelles, produite par la recombinaison de charges négatives et posi-
cohérentes ou incohérentes, basées sur des techniques élec- tives (les électrons et les trous) à travers la bande d’énergie
troniques ou optiques. interdite existant entre les bandes de conduction et de valence
du cristal. La séparation énergétique entre les deux bandes
2.2.1 Sources continues détermine la longueur d’onde du laser.
Historiquement, c’est le domaine de l’astronomie qui a Le laser à cascade quantique, ou laser QCL (Quantum Cas-
développé les sources millimétriques et submillimétriques. Le cade Laser ), est basé sur une approche diamétralement oppo-
moyen le plus simple reposait sur l’emploi de corps noirs. Ils sée. Dans un laser QCL, les électrons font des transitions
ne sont malheureusement pas adaptés à l’imagerie THz. Pour entre des états liés, créés par confinement quantique dans
pallier la faible puissance générée du corps noir, les tubes des couches alternées ultraminces de matériaux semi-
électroniques à ondes progressives (de type BWO – Back conducteurs. Comme ces couches ultraminces, appelées puits
Wave Oscillator – où les électrons sont accélérés dans un quantiques, ont une taille comparable à la longueur d’onde de
potentiel périodique) ont émergé avec des niveaux de puis- Broglie de l’électron, elles imposent son mouvement à l’élec-
sance disponibles importants, mais généralement limités à tron dans la direction perpendiculaire au plan des couches. À
moins de 200 GHz. Actuellement, on peut se procurer dans le cause de cet effet, appelé confinement quantique, l’électron
commerce des sources BWO térahertz de haute puissance (1 à ne peut passer d’un état d’énergie à l’autre que par pas dis-
100 mW), de largeur spectrale étroite (1 à 10 MHz) sur de lar- crets, en émettant des photons de lumière. L’espacement
ges domaines spectraux (0,035 à 1,25 THz). L’obtention de entre les états, donc la longueur d’onde ou bien, de manière
signaux THz nécessite toutefois une multiplication de la fré- équivalente, la fréquence, dépend de la largeur du puits.
quence de base par des dispositifs non linéaires. Pratiquement, par application d’une tension extérieure, la
Enfin, de par l’explosion technologique dans la microélectro- structure de potentiel obtenue forme « un escalier » comme
nique, des nouvelles sources issues des hétérostructures à illustré sur la figure 2 qui présente schématiquement le prin-
base de semi-conducteurs comme des diodes à effet de transit cipe de la cascade quantique. Les électrons descendent alors
(Gunn, RTD, IMPATT...), des transistors ultrarapides, sont en cascade, émettant un photon à chaque marche de poten-
capables de générer directement en bande millimétrique. Ces tiel. Par une ingénierie de bande très poussée, il est possible
composants sont moins puissants que les BWO mais plus de choisir les temps de vie et les probabilités de passage par
compacts et simples d’emploi. On les retrouve dans de nom- effet tunnel pour chaque niveau afin d’obtenir l’effet laser.
breux dispositifs commerciaux. Grâce à leur faible taille, leur haute fiabilité et leur facilité
Le positionnement charnière entre le domaine des d’usage, ces composants vont probablement bousculer les
micro-ondes et de l’optique permet de bénéficier des avancées champs applicatifs autour de l’emploi des ondes térahertz
du côté optique du spectre, pour générer un rayonnement en dans les prochaines années.
bande térahertz. On va donc retrouver de nombreux concepts
développés pour les applications optiques avec une adaptation 2.2.2 Sources impulsionnelles
aux longueurs d’onde térahertz. Pour la génération d’un rayonnement térahertz, dans les
En premier lieu, les oscillateurs laser, plus particulièrement laboratoires américains dès la fin des années 1980, des cher-
les lasers moléculaires (où l’on profite d’une inversion de cheurs avaient compris l’intérêt des impulsions laser ultra-
population entre deux niveaux rotationnels d’une molécule brèves pour générer des rayons en infrarouge lointain. Par
gazeuse, par exemple, le méthanol), peuvent délivrer plus de exemple, par des effets d’optique non linéaire, on convertit
100 mW avec une très grande accordabilité mais au détriment l’impulsion optique sub-picoseconde focalisée dans un cristal
d’un encombrement important. ou un composant non linéaire pour récupérer – avec un faible
rendement certes – un faisceau térahertz. Ce pulse électroma-
La seconde solution optique consiste à faire battre, dans un gnétique rayonne dans l’espace libre ou est guidé par des dis-
dispositif non linéaire, deux lasers continus asservis en lon- positifs optiques adaptés. Comme le spectre térahertz généré
gueurs d’onde légèrement différentes. La différence de fré- est inversement proportionnel à la largeur temporelle du
quences est égale à la fréquence THz désirée. Cette technique pulse, si on dispose d’une impulsion d’une durée à l’échelle de
est très attirante car le faisceau THz généré est quasi mono- la picoseconde (10–12 s) alors, en conséquence, le spectre
chromatique et accordable en fréquence en changeant la lon- atteint le domaine térahertz. Les mesures peuvent être
gueur d’onde des faisceaux de pompe. conduites à température ambiante. La combinaison des
Le mélange de fréquences peut s’effectuer par des cristaux méthodes optiques et microélectroniques a été très féconde
non linéaires, qui sont de la même famille que ceux employés depuis et les principes de base se sont enrichis par de très
pour le doublement de fréquence optique puisque les deux nombreuses techniques établissant ce que l’on surnomme
phénomènes sont complémentaires. aujourd’hui l’optoélectronique THz.
On emploie aussi des détecteurs en semi-conducteurs où Par exemple, un système efficace repose sur l’emploi
l’énergie est convertie par un dispositif couplé à une antenne conjugué de laser femtoseconde (10–15 s) de manière directe
à condition que sa réponse soit plus rapide que la période du pour initier des effets d’optique non linéaire dans des cristaux
signal THz à générer, c’est-à-dire de l’ordre ou inférieure à la qui seront la source du rayonnement. L’autre possibilité

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RECHERCHE

Spectroscopie térahertz

par Jean-Christophe DELAGNES


2
Maître de Conférences au Centre de Physique Moléculaire Optique et Hertzienne
(CPMOH UMR 5798) à Talence (33).
et Patrick MOUNAIX
Chargé de Recherche CNRS au Centre de Physique Moléculaire Optique et Hertzienne
(CPMOH UMR 5798) à Talence (33).

Résumé : La spectroscopie impulsionnelle apporte une quantité d’informations


considérable sur les sytèmes physico-chimiques : indice de réfraction, absorption,
temps de relaxation. S’agissant de la spectroscopie aux longueurs d’ondes térahertz
(1 THz = 1012 Hz), il est possible de mesurer directement le champ électrique de
l’impulsion et donc son spectre en amplitude et en phase. On peut extraire ainsi la
réponse diélectrique complète. À relativement court terme, en combinant imagerie et
spectroscopie large bande, les ondes térahertz pourraient ainsi trouver des applications
innovantes.
Abstract: Time domain and Time dependent spectroscopy are powerful tools for phy-
sical and chemical analysis. It gives access to numerous information such as refractive
index, absorption, relaxation time. In the terahertz range (1 THz = 1012 Hz), the spec-
troscopy has a key advantage since it is possible to directly measure the electric field
of the pulse, and thus the spectrum in amplitude and phase. In relatively short term,
by combining gimaging and broadband spectroscopy, the terahertz waves could find
innovative applications…
Mots-clés : Térahertz, Spectroscopie, Pompe-Sonde, Femtoseconde Picoseconde,
Réponse transitoire
Keywords: Terahertz, Spectroscopy, Pump-Probe, Femtosecond Picosecond, Transient
response

Fiche de synthèse
Domaine : Techniques d’analyse et spectroscopie
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : Optique, électronique, optronique, traitement du signal
Domaines d’application : Biologie, environnement, sécurité
Parution : juin 2010 - Dernière validation : février 2020

Principaux acteurs français :


Pôles de compétitivité : Pôle de compétitivité Route des Lasers™ (Aquitaine)
Centres de compétence : Centre de Physique Moléculaire Optique et Hertzienne
CPMOH (CNRS), Centre technologique Alphanov, ARMIR (Association pour le
Rayonnement, les Mesures et l’Imagerie Rapide), qui comprend un club
« Téranaute » formé par une dizaine de laboratoires universitaires, grands organis-
mes et industriels travaillant dans le domaine des ondes térahertz. GDR Européen
TERAHERTZ « Détecteurs et Émetteurs de Radiations Térahertz à Semi-
conducteurs » (GDR CNRS 2897). Ce GDR fédère les collaborations entre une ving-
taine de laboratoires européens travaillant dans le domaine des composants à
semi-conducteurs pour la technologie des ondes THz.
Exemples d’acteurs dans le monde : Nikon, Picometrix, Toptica Photonics,
GigaOptics

5-2010 © Editions T.I. RE144 - 1

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RE144

RECHERCHE

1. Contexte de leur faible accordabilité, ces composants ne sont pas adé-


quats pour effectuer des mesures en spectroscopie. En
Depuis de nombreuses années maintenant, la production et revanche, on peut les utiliser comme de bons étalons de fré-
la détection de rayonnement térahertz (THz) suscitent un quence, ou pour détecter des signatures spectrales d’espèces
engouement, tant au niveau de la recherche académique particulières dont une ou plusieurs raies si situent dans le
qu’au niveau du milieu industriel. L’imagerie, le contrôle non spectre étroit de la diode.
destructif (CND) et la détection d’explosifs sont des applica- Pour être complet, il ne faut bien entendu pas omettre la

2
tions particulières autour des ondes THz qui ont le plus mar- source la plus répandue de rayonnement, et de rayonnement
qué l’actualité scientifique. Outre les techniques de production THz en particulier : le corps noir. Dans un tel corps idéal,
et de détection de rayonnement THz cohérent, les méthodes chaque élément de surface en équilibre à la température T
d’extraction des spectres (statiques ou dynamiques) consti- émet par rayonnement électromagnétique une puissance
tuent un volet important du savoir-faire propre à ce domaine égale à celle qu’il reçoit provenant du reste de la surface des
de fréquence particulier. parois. La puissance rayonnée par unité de surface et de lon-
gueur d’onde (en W. m-2.m-1) est donnée à partir de la loi de
Planck par :
Le rayonnement THz cohérent fait référence soit à un
rayonnement monochromatique de grande pureté spectrale,
soit à une impulsion THz dont les différentes composantes (1)
spectrales ont une relation de phase bien déterminée qui
conditionne la forme temporelle de l’impulsion. C’est cette avec h constante de Planck,
dénomination que l’on utilise généralement, par opposition
au rayonnement incohérent d’une source telle que le corps λ longueur d’onde,
noir. kB constante de Boltzmann,
c célérité de la lumière dans le vide,
Nous nous proposons ici de faire un point sur l’état de T température.
l’art de différentes techniques qui interviennent dans la
spectroscopie THz. Nous abordons dans une première partie Ce rayonnement est très large bande. En particulier, une
les différentes sources et détecteurs THz ainsi que leurs quantité non négligeable couvre la partie THz du spectre élec-
paramètres et caractéristiques pertinents en spectroscopie. tromagnétique. C’est principalement le rayonnement de corps
Nous détaillons ensuite quelques spectromètres THz ainsi noir qui a imposé et impose encore de contraintes sur la détec-
que des méthodes ou des techniques de spectroscopie à tion du rayonnement THz par des méthodes bolométriques ; il
l’équilibre. Dans une dernière partie, nous présentons les faut notamment refroidir le capteur à des températures cryogé-
méthodes de spectroscopie hors équilibre du type pompe niques afin de ne détecter que l’énergie du rayonnement THz à
optique – sonde THz. étudier.

2.2 Sources térahertz optiques


2. Sources térahertz
L’avènement des lasers femtoseconde a véritablement révo-
Les performances des techniques de spectrométrie dans lutionné de nombreux domaines de la physique et de la chimie
l’infrarouge lointain (« spectromètres térahertz ») sont intime- (Prix Nobel en chimie pour A.H.Zewail, et en physique pour
ment liées aux méthodes de générations de ce rayonnement T.W.Hänsch), notamment avec la popularisation de la techno-
submillimétrique. Nous allons ici brièvement décrire ces logie titane-saphir (saphir dopé au titane Ti3+:Al2O3). Le téra-
méthodes et en souligner les paramètres et caractéristiques hertz a également bénéficié de cette nouvelle technologie, et
pertinents en spectroscopie. pour une raison assez simple : non seulement la durée des
impulsions femtoseconde est comparable à la période d’un
2.1 Sources térahertz non optiques cycle THz, mais en plus les impulsions délivrées sont relative-
ment intenses. Ces deux caractéristiques ont attiré l’attention
De par sa position dans le spectre électromagnétique, le très rapidement puisqu’elles sont nécessaires à la génération
rayonnement THz se situe, du point de vue technologique, à la de rayonnement THz impulsionnel. Ainsi Auston, Grischkowski
frontière ou plus justement à la confluence des domaines de et Mourou ont réalisé indépendamment les premières mises
compétences électronique et optique. en évidence de l’émission de rayonnement THz à l’aide de
En effet du côté « basses fréquences THz », se trouve à lasers courts. Ces dispositifs utilisent des semi-conducteurs à
notre disposition tout l’héritage et la poursuite d’innovation durée de vie courte. Par ailleurs, les cristaux non linéaires
des technologies hyperfréquences et submillimétriques. (non centrosymétriques) sont également capables de générer
Même si les premières sources de rayonnement cohérent un rayonnement THz soit par différence de fréquence soit par
sont les tubes hyperfréquences (micro-onde, carcinotron) et rectification optique. C’est l’autre méthode courante que nous
que certains sont encore utilisés efficacement (10 mW à allons également décrire.
0,5 THz pour un BWO – Backward Wave Oscillator), ils sont
aujourd’hui supplantés par des composants électroniques 2.2.1 Semi-conducteurs – Antennes térahertz –
dont l’exemple le plus important est sans nul doute la diode Photoconducteurs – Emission de surface
Gunn. La diode à effet Gunn ainsi que d’autres diodes Aux alentours de 1887, Heinrich R. Hertz a mené des tra-
(IMPATT – IMPact Avalanche Transit Time, RTD – Resonant vaux qui ont mis en évidence les ondes électromagnétiques
Tunneling Diode) sont des composants qui sont capables de permettant ainsi de valider les travaux de Maxwell. Ces expé-
délivrer d’assez fortes puissances (≈ mW) à des fréquences riences pionnières ont inspiré les techniques actuellement les
de fonctionnement inférieures à quelques centaines de giga- plus répandues de génération et de détection de rayonnement
hertz. Quelle que soit la technologie employée, compte tenu THz que nous allons examiner maintenant.

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RE144

RECHERCHE

2.2.1.1 Antennes à gap – Peignes interdigités


Le dipôle de Hertz : de l’expérience fondatrice Pour polariser le semi-conducteur, différentes architectures
aux émetteurs THz d’électrodes peuvent être employées. On trouve des lignes
coplanaires simples ; cependant ce dispositif est aujourd’hui
Dans l’expérience de Hertz, une bobine d’induction produit assez peu employé et on lui préfère les antennes à « gap »,
une haute tension qui cause périodiquement le claquage c’est-à-dire où l’espace interélectrode possède un rétrécissement
électrique de l’air entre les deux électrodes d’un éclateur (le gap). L’un des avantages de cette configuration est d’offrir un
haute tension. Ce courant transitoire associé à l’étincelle

2
champ électrique local plus élevé en raison de la distance plus
provoque l’émission d’impulsions radiofréquences (RF). Le faible qui existe entre les électrodes. Suivant le matériau et la
champ électromagnétique de l’onde peut, après propagation durée des impulsions lasers employées ainsi qu’en fonction de
dans l’espace libre, induire un courant dans un circuit de l’implantation des éléments (lentilles, éclairement par la face
réception. avant/arrière, …), les photocommutateurs peuvent générer des
Les antennes THz fonctionnent sur un principe analo- fréquences considérables de plusieurs dizaines de THz avoisinant
gue. L’étincelle est remplacée par un transitoire de cou- même la centaine de THz. Néanmoins ce genre de performances
rant dans un semi-conducteur photoexcité ; le taux de restent exceptionnelles et de manière plus conventionnelle les
répétition est celui du laser tandis que la fréquence antennes THz opèrent entre 0,1 à 10 THz.
caractéristique de l’impulsion est donnée par la durée
de vie de cette « étincelle » de courant. Au niveau du Dans un montage typique, la source optique utilisée est
récepteur, l’impulsion THz induit également un courant. un laser femtoseconde titane-saphir. En sortie du laser, une
Néanmoins pour pouvoir mesurer la forme temporelle lame séparatrice divise le faisceau en deux parties, le faisceau
du signal, il faut réaliser un échantillonnage optique de génération et le faisceau d’échantillonnage (parfois très
(étapes a) à e) de la figure 1) car, contrairement aux improprement appelés « pompe » et « sonde » respective-
ondes RF, aucun détecteur n’est suffisamment rapide ment). Les deux faisceaux obtenus délivrent des impulsions
pour détecter un transitoire THz dont la durée est sub- lasers synchrones qui permettent la génération et la détection
picoseconde. résolue en temps du signal THz à l’échelle subpicoseconde. Un
substrat de GaAs épitaxié à basse température sur lequel sont
L’impulsion laser de sonde déclenche la mesure en déposées des lignes coplanaires munies d’un gap sont utilisées
créant des paires électron-trou. La résistivité de l’antenne
respectivement en émetteur et détecteur. Habituellement,
mesurable avec un ohmmètre voit sa valeur fortement
lorsqu’on fait croître des couches cristallines de GaAs, la tem-
diminuer. Le champ térahertz incident entraîne les por-
pérature du substrat est de l’ordre de 600 ° C. Les matériaux
teurs photocréés ; ceux-ci induisent un courant Jd que l’on
obtenus peuvent être semi-isolants et comportent des impure-
mesure.
tés résiduelles responsables de la création d’un niveau

Principe de détection c)

nAmp b) d)

Courant induit
dans le récepteur a) e)
RX d)
c) e)

a)
RX b)

IOpt J ETHz

BC ETHz ⬃ dJ/dt
n
TX J⬃n

TX Radio
p Thz
10 V DC BV
HT RF Mécanisme d’émission
Photocommutateur

TX transmission BC bande de conduction IOpt profil temporel de l’intensité optique


RX réception BV bande de valance J densité de courant dans le détecteur
ETHz champ térahertz rayonné

a expérience de Hertz b antenne térahertz

Figure 1 – Analogie entre l’expérience de Hertz et les premières expériences THz à base de photocommutateurs. Les principes d’émission
et de détection sont détaillés dans les inserts

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RECHERCHE

accepteur proche de la bande de valence. À cause de la rayonné. Comme nous le verrons ultérieurement, la généra-
recombinaison entre les électrons et les trous dans le niveau tion THz en continu avec un photomélangeur est particulière-
accepteur, le matériau est quasi isolant à température ment bien adaptée aux mesures de spectroscopie de très
ambiante. Pour des températures de croissance abaissée de haute résolution. En effet, la résolution spectrale est directe-
l’ordre de 200 à 300 ° C, le GaAs cristallisé est dit GaAs basse ment pilotée par la largeur spectrale des lasers utilisés pour le
température (GaAs-BT) en anglais Low-Temperature Grown battement.
GaAs. La stœchiométrie du GaAs-BT diffère de celle du GaAs
standard, néanmoins il est considéré comme un cristal de 2.2.1.2 Émission par effets de surface

2 haute qualité. Après sa croissance, il existe dans le matériau


un excès d’arsenic dont le pourcentage est proche de 1 %. Cet
excès d’arsenic cause la formation de plusieurs types de
Comme nous l’avons observé précédemment, les photo-
commutateurs (antennes) offrent des caractéristiques remar-
quables et sont largement utilisés aussi bien en recherche que
défauts : arsenic en antisite (AsGa), arsenic en site interstitiel pour des applications industrielles. Ils souffrent néanmoins de
(Asi), lacunes de galium (VGa) ou de complexes arsenic-galium deux problèmes étroitement liés. D’une part, la géométrie de
(Asi - AsGa). La durée de vie des porteurs photocréés peut l’espace interélectrode (gap) nécessite de focaliser le faisceau
être subpicoseconde. Lors de l’absorption du faisceau optique, optique sur des tailles de l’ordre de 5 µm. En conséquence, si
des électrons photocréés passent de la bande de valence (BV) le pointé du faisceau laser fluctue, il peut engendrer une fluc-
dans la bande de conduction (BC). tuation importante du signal émis/détecté. D’autre part, le
L’antenne émettrice est polarisée par un champ statique de faisceau étant fortement focalisé, on ne peut pas augmenter
quelques volts qui accélère les électrons et les trous. Le cou- indéfiniment la puissance optique pour accroître le signal, sous
rant transitoire (durée inférieure à la picoseconde) associé à peine d’endommager voire de détruire le photocommutateur.
ce déplacement de porteurs est responsable de l’émission du Les semi-conducteurs offrent une autre possibilité de géné-
champ THz. L’impulsion THz ainsi émise se propage dans ration THz – l’émission de surface – qui ne nécessite ni aligne-
l’espace libre comme pour un rayonnement dipolaire. ment précis ni focalisation, contrairement aux antennes
Pour la détection, c’est le champ électrique (THz) qui sert à photoconductrices ultrarapides. L’émission de surface peut
son tour de champ accélérateur dans le récepteur. Ici, le fais- résulter de trois phénomènes physiques : l’émission par
ceau d’échantillonnage crée des charges libres avec un retard champ de surface, l’émission par effet photo-Dember et enfin
variable par rapport au signal THz à détecter. Un courant est par effet non linéaire d’ordre deux.
alors généré dans l’antenne réceptrice et peut ensuite être À la surface des semi-conducteurs, il existe un champ élec-
détecté par un amplificateur de courant. Ainsi, le champ élec- trique normal à l’interface. Ce champ de surface résulte de
trique ETHz(t) de l’impulsion THz générée par l’émetteur est défauts superficiels qui induisent une distribution spatiale de
reconstruit par échantillonnage temporel du courant induit charges à la surface du semi-conducteur. Cela se traduit par
dans le détecteur. On accède donc au spectre de l’impulsion une courbure des bandes en bord de la surface (voir figure 2).
THz par transformée de Fourier (TF) du signal temporel ; si un Lorsqu’ils sont excités par un faisceau laser, les porteurs de
échantillon est interposé dans le faisceau, on peut en consé- charge créés sont mis en mouvement par ce champ de sur-
quence remonter à sa transmittance complexe ou à son spec- face. Le courant de déplacement transitoire associé provoque
tre puisque le spectre de l’impulsion sans échantillon est une radiation THz. Les caractéristiques du champ THz dépen-
connu. Cette fonction de transfert permet notamment de dent de la densité de défauts à la surface du semi-conducteur
remonter à la réponse diélectrique ε( t) de l’échantillon. C’est et de la mobilité des photoporteurs. Un effet comparable est
le principe de base de la spectroscopie THz résolue en temps utilisé pour la génération d’onde THz dans les diodes p-i-n ou
(ou THz-TDS pour THz Time Domain Spectroscopy) que nous des structures à puits quantiques.
détaillerons plus loin (figure 8).
En plus du courant de déplacement, les électrons et les trous
Enfin, parmi les différentes architectures d’émetteur/
ayant des mobilités différentes, le courant de diffusion associé à
détecteur, les peignes interdigités submicroniques sont capa-
chacune des espèces crée une distribution de charges nette (en
bles d’augmenter fortement le champ rayonné ; il faut cepen-
dant masquer un espace interélectrode sur deux afin que
seuls les champs de même polarité s’ajoutent. Ces dispositifs
sont également largement utilisés pour la caractérisation à
l’équilibre. Courbure
de bande BC
Dans le cas de la génération d’un rayonnement THz continu
mais accordable, le matériau photoconducteur est couplé à
États de Niveau de Fermi
une antenne planaire métallique large bande c’est-à-dire que surface (A)
ses caractéristiques de rayonnement sont pratiquement indé- BV
pendantes de la fréquence sur une plage de fréquences de
plusieurs THz (typiquement une antenne type spirale logarith- Surface
Vers le massif
mique). L’ensemble constitue un photomélangeur. Le dispositif
est polarisé et la conductivité σ(t) du semi-conducteur est Distribution des électrons
modulée par le battement de deux faisceaux optiques continus Distribution des trous
dont la différence de fréquence Δν est ajustée très précisé-
ment pour se situer dans la gamme des fréquences THz : c’est
le principe du mélange photorésistif. La conductivité a pour Distribution
différentielle E
expression D

σ(t) = σm + Δσ cos(2πΔν t) Champ Dember


avec σm conductivité moyenne.
Un photocourant modulé à la différence de fréquence Δν est Figure 2 – Émission de surface : processus impliquant des
généré dans la structure et alimente l’antenne. Un champ déplacements de charges (redressement de surface non
électromagnétique continu de fréquence égale à Δν est ainsi représenté)

RE144 - 4 © Editions T.I. 5-2010

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Avancées technologiques
des sources et capteurs térahertz
Vers le transfert industriel
2
par Patrick MOUNAIX
Directeur de recherche, CNRS
IMS UMR CNRS 5218, Bât. A31, 351 cours de la Libération, Talence Cedex, France

1. Évolution dans le temps des nouvelles technologies ................ P 2 145 - 2


2. Caméras THz .......................................................................................... — 5
2.1 Imageurs électroniques non refroidis .................................................... — 5
2.2 Imageurs thermiques............................................................................... — 5
2.3 Techniques d’imagerie térahertz ............................................................ — 7
3. Nouvelles sources commerciales .................................................... — 11
3.1 Couverture totale de la bande THz ......................................................... — 11
3.2 Émetteurs-récepteurs radar térahertz FMCW ........................................ — 12
3.3 Lasers à cascade quantique .................................................................... — 15
4. Nouveaux traitements numériques ................................................. — 16
4.1 Holographie .............................................................................................. — 16
4.2 Imagerie monopixel................................................................................. — 17
5. Applications industrielles .................................................................. — 19
5.1 Contrôle non destructif CND ................................................................... — 19
5.2 Mesure d’épaisseurs microniques dans des multicouches
de matériaux............................................................................................. — 20
5.3 Communication très haut débit courte distance ................................... — 23
6. Conclusion générale ............................................................................ — 25
7. Glossaire ................................................................................................. — 25
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. P 2 145

e rayonnement térahertz (THz) est un candidat prometteur pour la radio-


L graphie industrielle et de nombreuses applications d’imagerie pour le
contrôle non destructif CND en raison de ses nombreuses applications
uniques et intéressantes propriétés. Dans le spectre électromagnétique, les
ondes térahertz (THz) ou ondes submillimétriques sont situées entre l’infra-
rouge et les micro-ondes. La bande (ou gap) térahertz (THz) s’étale de 100 GHz
à 10 THz, correspondant à une longueur d’onde d’environ 3 à 0,03 mm. Ce sont
des rayonnements de très faible énergie, quelque meV, qui interagissant avec
la matière principalement par des modes collectifs de vibration et de rotation
des molécules. Ces rayonnements ont la propriété d’être très pénétrants dans
les matériaux diélectriques ou peu conducteurs. Cette propriété permet
d’obtenir des informations qualitatives ou quantitatives sur les matériaux par
exemple la présence de défauts par des techniques d’imagerie, leur composi-
tion et le contrôle de leurs dimensions par spectroscopie. Les avantages de la
technologie térahertz sont nombreux : une analyse en profondeur dans les
matériaux diélectriques, une résolution submillimétrique, un rayonnement non
Parution : février 2022

ionisant donc sans danger pour l’opérateur, un diagnostic sans contact donc

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés P 2 145 – 1

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AVANCÉES TECHNOLOGIQUES DES SOURCES ET CAPTEURS TÉRAHERTZ ______________________________________________________________________

sans altération de la pièce ou de la surface de la pièce et une forte capacité à la


détection ou la mesure de l’humidité.
Cependant, la mise en œuvre de sources térahertz reste difficile en raison
des limitations actuelles de la technologie du silicium, et peu des recherches
ont été menées. Tous ces systèmes d’imagerie sont, par conséquent,
contraints à des améliorations progressives qui sont liées à la dynamique des
progrès technologiques.
Grâce à la recherche en laboratoire dans les domaines de l’électronique
ultra-haute fréquence et de l’optoélectronique, le développement de systèmes
CND térahertz est maintenant rendu possible, notamment par le perfectionne-

2
ment des briques technologiques et la baisse des coûts de fabrication de leurs
composants. La technologie térahertz est applicable à différents secteurs de
l’industrie tels que le bâtiment, les transports ou encore l’agroalimentaire.

Principaux sigles Principaux sigles


BWO Backward Wave Oscillator (oscillateur d’onde QCL Quantum Cascade Laser (laser à cascade
descendante) quantique)

CMOS Complementary Metal Oxide Semiconductor RFIC Radio Frequency Integrated Circuit
(technologie silicium complémentaire) (microprocesseurs numériques et des circuits
radiofréquences)
CS Compressive Sensing (compression d’images)
RTD Resonant tuneling diode (diode à tunnel résonant)
DR Dynamic Range (plage dynamique)
SBMIR Single-Beam Multiple-Intensity Reconstruction
FFT Fast Fourier Transform (transformée de Fourier) (reconstruction d’un hologramme)

FPA Focal Plane array (réseau plan focal) SiGe Silicium Germanium

FMCW Frequency Modulated Continuous Wave (radar SLM Spatial Light Modulator (modulateur spatial de
modulé en fréquence) lumière)

Hn Harmonique de rang n TCR Temperature Coefficient of Resistance (coefficient


thermique de résistance électrique)
HBT Herero Junction Bipolar Transistor (transistor
bipolaire à hétérojonction) UTC-PD Uni Traveller Carrier Photonic Diode (photo diode
ultrarapide avec un seul type de porteurs de
HDR High dynamic Range (imagerie large gamme) charge)

IL Injection locked (verrouillé par injection) VAR Varactor (SVAR si symétrique, ASVAR si
asymétrique)
IMPATT IMPact ionization Avalanche Transit-Time diode
(temps de transit à avalanche à ionisation par xn Multiplicateur par n
impact)

LIA Lock In Amplifier (détection et amplification


synchronisées) 1. Évolution dans le temps
MMIC Monolithic Microwave Integrated Circuit (circuit
intégré monolithique hyperfréquence)
des nouvelles technologies
MOSFET Metal Oxide Semiconductor Field Effect Depuis les années 1990 où les ondes térahertz sont devenues
Transistor (transistor à effet de champ en plus facilement exploitables, les attentes des scientifiques et des
technologie silicium) industriels autour de leur emploi ont suivi des phases d’engoue-
ment puis des phases de doutes et de déceptions. Cette évolution
PA Power Amplifier (amplificateur de puissance) suit le cycle de Gartner donné figure 1 qui décrit l’évolution dans
NEP Noise Equivalent Power (puissance minimale le temps des nouvelles technologies.
équivalente au bruit) (1) Une percée technologique potentielle donne le coup d’envoi et
suscite un fort intérêt pour les différentes communautés scienti-
PLL Phase-Locked Loop (boucle à phase asservie ou fiques, économiques et industrielles. Les premières validations de
boucle à verrouillage de phase BVP) principe et l’intérêt des médias déclenchent alors une publicité
importante. Souvent, aucun produit utilisable n’existe et la viabilité
PSF Point Spread Function (fonction d’étalement du
commerciale n’est pas prouvée. Puis s’ensuit un pic des attentes
point)
démesurées.

P 2 145 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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_______________________________________________________________________ AVANCÉES TECHNOLOGIQUES DES SOURCES ET CAPTEURS TÉRAHERTZ

de capteurs THz FPA (Focal Plane Array) ont été rapportés dans la
littérature [2] [3]. Cependant, une telle intégration est accomplie au
Attentes

2 Pic d’inflation détriment de la sensibilité. Seuls les détecteurs de puissance directe


peuvent être intégrés, car les détecteurs hétérodynes plus sensibles
nécessitent des structures plus complexes. L’intégration de matrices
FPA comprend en outre une chaîne de lecture du signal qui ajoute
plus de bruit. La pleine ouverture de l’éclairage est également diluée
ent sur plusieurs pixels résultant en une dégradation supplémentaire du
sem
ircis DR dans ces configurations d’imagerie. Plusieurs éléments sources,
cla 5 Plateau de tous verrouillés mutuellement et débloqués en phase, ont égale-
l’é
de productivité ment été implémentés en technologie silicium pour augmenter la
e
nt puissance THz rayonnée.
Pe
4

2
Récemment, de par le marché des microprocesseurs numé-
riques et des circuits radiofréquences (RFIC), la technologie CMOS
1 Déclencheur 3 Creux de (Complementary Metal Oxide Semiconductor) voit ses dimensions
d’innovation désillusion de la largeur de grille se réduire, ce qui augmente simultanément
vitesse intrinsèque des MOSFET (Metal Oxide Semiconductor Field
Temps Effect Transistor). Mais la détérioration liée à la mise à l’échelle de
la grille et des résistances a atténué les attentes. En 2008, une
Les quatre phases principales sont le déclencheur de l’innovation 1 ,
source THz CMOS à 410 GHz ouvre la voie à des développements
puis un sommet 2 dans les attentes suivi d’un creux de désillusion 3
et enfin une phase d’éclaircissement 4 qui mène au plateau de produc-
remarquables [4]. Des composants types HBT en SiGe atteignent
tivité 5 dorénavant des fréquences maximales d’oscillation vers 500 à
700 GHz [5] en laboratoire.
Figure 1 – Cycle de Gartner : évolution dans le temps des nouvelles Le tableau 1 [1] résume la multitude d’innovations développées
technologies dans les deux filières technologiques pour disposer des sources
capables de fonctionner au-delà des 500 GHz. Les circuits sont réfé-
rencés selon que l’oscillateur est déverrouillé ou verrouillé avec des
(2) La publicité précoce produit un certain nombre d’histoires de chaines de multiplication de fréquence (unlocked oscillator versus
réussite – souvent accompagnées de dizaines d’échecs. Puis locked oscillator and multipliers). Côté détecteur, on observe les
viennent la confrontation à la réalité industrielle et la désillusion. mêmes tendances. Toutefois, les détecteurs au silicium offrent une
(3) L’intérêt diminue à mesure que les expériences et les implé- capacité d’intégration nettement plus élevée comparée aux techno-
mentations faillissent. Les producteurs de la technologie sont logies de détection THz à température ambiante, telles que les
ébranlés ou vacillent. Les investissements ne se poursuivent que si diodes barrières Schottky sur InP, les amplificateurs à faible bruit
les fournisseurs survivants améliorent leurs produits à la satisfac- HEMT (High-Electron-Mobility Transistor), les cellules de Golay [6],
tion des premiers utilisateurs. Puis survient la croissance. les microbolomètres [7] et autres détecteurs pyroélectriques. En rai-
son du manque de pré-amplification à faible bruit dans la bande
(4) De plus en plus d’exemples illustrent comment la technologie THz, les détecteurs de puissance au silicium sont mis en œuvre sous
peut profiter à l’entreprise. Cette nouvelle technique va être mieux forme de système de détection directement couplé à une antenne.
comprise et diffusée. Les produits de deuxième et troisième généra- Par conséquent, les méthodes principalement exploitées pour la
tions proviennent de fournisseurs plus aguerris de technologie détection directe THz sont soit un auto-mélange non quasi-statique
robuste et déployée « à façon » pour des objectifs spécifiques. Plus dans les canaux MOSFET froids [8] ou la rectification dans la jonc-
d’entreprises financent des projets pilotes ; et les entreprises conser- tion base-émetteur d’un HBT ultrarapide [9].
vatrices restent prudentes. Puis un plateau de productivité survient.
En conclusion partielle, il a été constaté que les circuits intégrés
(5) L’adoption grand public commence à décoller critères d’éva- THz à base de silicium augmentent le potentiel en imagerie et
luation de la viabilité des prestataires sont plus clairement définis. détection THz en particulier avec la compacité des systèmes. La
La large applicabilité et la pertinence de la technologie sur le mar- conception est récemment devenue un domaine de recherche avec
ché sont clairement payantes. la réalisation de percées dans l’applicatif et avec de potentielle
C’est explicitement ce type de « succes story » que suivent les intégration des composants THz. Les frontières technologiques qui
systèmes et la technologie « térahertz ». Cette lente évolution a été constituent le goulot d’étranglement pour l’adoption et la commer-
décrite dans de nombreux articles scientifiques. cialisation de la technologie THz s’amenuisent de jour en jour. En
particulier, la recherche démontre que les circuits intégrés THz ont
Parmi toutes les techniques ayant démontré la capacité à générer
permis la réalisation d’applications THz, telles que l’imagerie,
ou détecter un tel rayonnement, l’intégration de circuits en tech-
l’imagerie multi-spectrale, l’imagerie radar haute résolution, l’ima-
nologie silicium a toujours été attrayante pour les systèmes d’ima-
gerie en champ proche [10]. Les réflexions identifient deux forces
gerie THz car elle offre des avantages indéniables, y compris les
motrices pressantes majeures : premièrement, la capacité à géné-
économies d’échelle, l’intégration de systèmes monolithiques, la
rer de la puissance avec des circuits intégrés THz est étroitement
portabilité et la faible consommation d’énergie pour un système
liée aux progrès de la technologie du silicium. La technologie SiGe
complet intégré. Dans [1], qui fait un état de l’art récent sur les
HBT de niveau fonderie est sur le point de s’approprier la partie
sources intégrées, une puissance typique de rayonnement de 0 dBm
inférieure du spectre THz, et elle continue de montrer un grand
(1 mW) a été signalée pour un réseau de sources d’éclairage SiGe
potentiel de développement avec des f max prédits au-delà de
HBT (Hetero Junction Bipolar Transistor) à environ 0,5 THz.
1 THz [11]. Par conséquent, la technologie SiGe BiCMOS peut
Aujourd’hui également, les composants en Silicium peuvent désor-
apparaître comme la plate-forme technologique unique pour les
mais offrir un maximum de 150 dB de plage dynamique DR (Dyna-
composants THz à faible coût. Deuxièmement, les progrès de la
mic Range) pour l’imagerie THz. Cependant, une telle performance
technologie THz sur la base de composants III-V sont dus à l’inven-
ne peut être réalisée que lorsque toute la puissance de la source est
tion de nouvelles architectures de circuits et de systèmes qui
concentrée en un seul point qui est déplacé mécaniquement à tra-
exploitent la conception de la technologie silicium.
vers la section transversale de l’objet pour former une image ; un
détecteur hétérodyne capture alors l’information de chaque pixel. Les concepteurs de circuits intégrés THz sont confrontés à un
Pour améliorer la vitesse d’imagerie, la détection peut être paralléli- ensemble de défis interdisciplinaires, comme la conception élec-
sée à l’aide de plusieurs capteurs et de nombreux réseaux matriciels tromagnétique, les niveaux de vieillissement, la gestion de l’éner-

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AVANCÉES TECHNOLOGIQUES DES SOURCES ET CAPTEURS TÉRAHERTZ ______________________________________________________________________

Tableau 1 – Quelques références de sources intégrées réalisées en technologie CMOS


Sources à base d’oscillateurs (osc)

Puissance
Puissance
Fréquence en régime
Technologie Architecture du circuit Antenne émise Référence
(GHz) continu
(dBm)
(mW)

4 osc  verrouillés
65 nm CMOS 247 à 272 antenne fentes + lentille Si 0,5 800 [54]
+ 8 × 4 osc push

2
45 nm CMOS 276 à 285 osc + x2 + H2 extraction 16 radiateurs actifs distribués – 7,2 820 [35]
2 osc verrouillés + 3 osc push
65 nm CMOS 283 à 288 anneau + lentille Si – 4,1 275 [55]
en anneau
65 nm CMOS 284 à 301 osc + H3 extraction anneau – 2,7 19,2 [56]
130 nm SiGe HBT 305 à 375 2 osc push + PA + x2 patch 0 1 700 [57]
65 nm CMOS 312 à 315 osc demi quadrature 4IL + x4 4 fentes + céramique 0,8 298 [58]
4 osc à ondes stationnaires
130 nm SiGe HBT 332 à 352 4 patchs (plaques) – 10,5 425 [38]
+ 4 osc push
65 nm CMOS 337 à 339 16 osc verrouillés + 4 osc push 16 patchs (plaques) – 0,9 1 540 [36]
antenne à fente
130 nm SiGe HBT 426 à 437 osc Colpitts + x2 – 6,3 165 [52]
circulaire + lentille Si
antenne à fente
130 nm SiGe HBT 490 3 osc push Colpitts – 14,2 45 [59]
circulaire + lentille Si
130 nm SiGe HBT 519 à 536 osc colpitts push verrouillés anneau + lentille Si – 12 156 [53]
28 nm CMOS 524 à 555 osc couplage transversal + x3 anneau + lentille diélectrique – 22 19 [60]
65 nm CMOS 609 à 624 osc + H5 extraction anneau – 23 17 [61]
1 010 à
130 nm SiGe HBT 42 osc couplés + H4 extraction 42 slots + lentille Si – 10,9 1 100 [39]
1 016

Sources à base d’oscillateur (osc) verrouillés et de chaînes de multiplication

fente à deux polarisations


130 nm SiGe HBT 210 à 270 ampli mode fondamental 5 – [42]
+ lentille Si
mélangeur IQ fondamental
130 nm SiGe HBT 220 à 260 anneau + lentille Si 8,5 960 [7]
+ ampli
16 osc verrouillés
130 nm SiGe HBT 317 16 fentes 5,2 630 [37]
+ 2 osc push, 160 GHz PLL
45 nm Si bulk
370 à 410 réseau 8 éléments ampli + x4 8 patchs –7 1 500 [62]
CMOS
45 nm Si bulk
395 à 435 8 éléments + x4 8 slots + quartz – 10 700 [63]
CMOS
65 nm Si bulk
540 à 550 3 osc push verrouillés Colpitts antenne circulaire + lentille Si – 27 174 [64]
CMOS
65 nm Si bulk x2 + PA + x3 + PA + x5
582 à 612 anneau – 15,1 378 [65]
CMOS
65 nm CMOS 650 à 730 x5 + SVAR patch –21,3 – [66]
250 nm SiGe HBT 820 à 845 x2 + PA + x3 + PA + x5 4 patchs différents – 29 3 700 [67]
130 nm SiGe HBT 920 à 944 x4 2 patchs – 17,3 5,7 [51]

1 300 à
65 nm CMOS x5 + SVAR + x2 + ASVAr 2 patchs – 22,7 – [68]
1 460

Pour les notations, cf. tableau des sigles

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_______________________________________________________________________ AVANCÉES TECHNOLOGIQUES DES SOURCES ET CAPTEURS TÉRAHERTZ

gie et de la thermique. Par conséquent, les circuits intégrés THz ne tance thermique Rth par sa capacité thermique Cth. Pour favoriser
doivent pas seulement être considérés comme des composants une détection rapide, il faut donc privilégier des structures de
compacts, peu coûteux et alternatifs à l’équipement THz tradition- transducteurs présentant le produit RthCth le plus faible possible.
nel, mais en tant que sources de nouvelles modalités d’imagerie, Un compromis est à trouver avec la résistance thermique qui
ouvrant de nouvelles applications et des marchés à créer. Donc, la inversement doit être la plus élevée possible pour assurer la meil-
science autour de la génération et de la détection s’est également leure sensibilité.
améliorée en tirant profit des avancées technologiques (se référer Les détecteurs électroniques basés sur des recombinaisons
aux articles Sources et détecteurs aux fréquences térahertz [RE 73], électron-trou dans des bandes électroniques du semi-conducteur
Lasers à cascade quantique d’imagerie THz [E 6 470]). Outre l’inté- sont plus rapides que les capteurs thermiques où les phénomènes
gration de circuit en technologie silicium, une deuxième avancée de relaxation sont plus longs. En revanche ces derniers présentent
majeure pour les applications : le déploiement de systèmes de des spectres d’absorption sur une bande de fréquence beaucoup
capteurs intégrés fonctionnant à cadence vidéo, c’est-à-dire les plus large que les détecteurs électroniques. Un moyen possible de
systèmes caméras THz temps réel. réduire le NEP d’un détecteur est de le refroidir à des températures
cryogéniques pour limiter le bruit thermique. Cependant, le coût
élevé et les contraintes techniques relatives à la réfrigération sont
un frein au déploiement de cette approche pour des applications
2
2. Caméras THz hors des laboratoires même si des progrès significatifs ont été
démontrés récemment.

Un imageur composé d’un unique pixel est un capteur


Dans le cadre de cette synthèse, seuls des imageurs non
monopoint ; lorsqu’il est composé de plusieurs pixels associés
refroidis fonctionnant à température ambiante sont considé-
en une matrice sur un plan, c’est un capteur matriciel. De
rés.
manière similaire à un appareil photographique numérique, un
capteur matriciel permet d’imager une scène plus rapidement
qu’un détecteur monopoint.
Il existe deux types de détection térahertz, les détecteurs 2.1 Imageurs électroniques non refroidis
incohérents, pour lesquels seule une information d’amplitude
ou de puissance du rayonnement est mesurée, et les détec- Les technologies d’imageurs électroniques non refroidis dans la
teurs cohérents qui permettent d’acquérir à la fois l’ampli- gamme térahertz sont nombreuses ; ces technologies ne néces-
tude et la phase du champ. sitent pas de moyens cryogéniques lourds comme l’emploi de
l’azote liquide (77 K) et pour des températures plus basses. Aussi
Une des caractéristiques d’un détecteur est sa sensibilité. La nous décrirons essentiellement celles à base de diodes Schottky et
sensibilité correspond au rapport entre signal de sortie en de transistors à effet de champ FET (Field Effect Transistors). Ces
courant ou tension et la puissance optique incidente, et est détecteurs qui peuvent être réalisés sous forme matricielle sont
exprimée en V/W ou en A/W. réalisés à partir de composants qui redressent le signal électrique
Le bruit, issu des différents composants de la chaîne de induit dans une antenne par le rayonnement térahertz.
mesure d’un détecteur est caractérisé par la densité spectrale
La diode Schottky est composée d’une jonction métal semi-
de bruit, et est donné en .
conducteur type N qui grâce à un temps de commutation très
Pour pouvoir comparer les détecteurs térahertz, qu’ils soient court et une tension de seuil très basse permet d’obtenir un
incohérents ou cohérents, il est intéressant d’utiliser le terme redressement du courant avec un temps de réponse très court
de puissance minimale équivalente au bruit NEP (Noise (< 1 ns) [13]. Avec des dimensions de l’ordre du micromètre, il est
Equivalent Power). Le NEP exprimé en est la puissance possible de détecter des rayonnements jusqu’à plus de 2 THz [14]
pour laquelle le rapport signal sur bruit RSB (signal to noise [15]. Le NEP peut descendre jusqu’à à la fréquence de
ratio (SNR)) est égal à 1 lorsque l’on intègre le signal sur une 0,891 THz pour un capteur mono pixel [16]. Les capteurs matriciels
demi-seconde. Il correspond au rapport entre la densité spec- à base de diodes Schottky ne contiennent généralement que peu
trale de bruit et la sensibilité du détecteur. Plus le détecteur de détecteurs, jusqu’à 20 pixels [17].
sera sensible et plus son bruit est faible, plus le NEP est faible.
Des détecteurs à bases de transistor à effet de champ
Un autre critère de mérite d’un détecteur pouvant être retenu couplés à des antennes peuvent aussi être utilisés comme redres-
est la puissance minimale détectable MPD (Minimum seurs radiofréquences du rayonnement THz. Lorsque les dimen-
Power Detectable) en W lorsque la fréquence d’acquisition est sions du canal du transistor sont de l’ordre du micromètre voire
définie ; il permet de plus facilement confronter les imageurs submicronique, il est possible d’atteindre des fréquences de fonc-
matriciels en mode vidéo pour leur mise en œuvre dans des tionnement dans la gamme THz [18]. Les meilleures performances
conditions réelles. Un récapitulatif des quelques détecteurs non de NEP aux fréquences subterahertz sont de l’ordre de
refroidis avec leur NEP est donné dans [12]. . Les matrices de FET peuvent être réalisées en maté-
riaux III-V (AsGa par exemple) mais aussi à base de la technologie
Un autre critère de différenciation des détecteurs ou des camé- CMOS (Complementary Metal Oxyde Semiconductor) en silicium
ras est relatif au phénomène physique de conversion du rayonne- des filières de microélectroniques industrielles. Dans ce dernier
ment optique en une grandeur mesurable électriquement. La cas, les capteurs peuvent alors être réalisés sous la forme de
détection électronique fonctionne sur le principe de l’absorption matrice contenant plus de 100 pixels [19] avec des coûts de fabri-
directe d’un photon dans un matériau semi-conducteur qui va cation relativement peu élevée.
déclencher l’excitation d’un électron. Les électrons générés sont
alors lus comme un courant électrique par un circuit électronique
de proximité. Les détecteurs thermiques reposent sur l’absorp- 2.2 Imageurs thermiques
tion du rayonnement électromagnétique par un matériau qui voit
sa température augmenter. Par exemple, dans les capteurs ther- Une caméra thermique enregistre les différents rayonnements
morésistifs, cette augmentation de température se traduit par une infrarouges (ondes de chaleur) émis par les corps et qui varient en
évolution de la résistance électrique qui peut ensuite être déchif- fonction de leur température. Trois types principaux de détecteurs
frée comme une variation de courant ou de tension. La constante thermiques sont utilisés et adaptés dans la gamme THz : les cap-
de temps du capteur thermique est reliée au produit de sa résis- teurs pyroélectriques, les microbolomètres et les cellules de Golay.

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Rayonnement térahertz

Absorbeur
Coefficient d’absorption optique η(λ)
Température Tabs
V R – ∆R
Thermistance
I + ∆I Température Tth
Capacité thermique Cth
Coefficient thermique de résistance électrique (TCR) γ

2 Pertes thermiques dans le puits thermique Gth

Figure 2 – Schéma de principe d’un microbolomètre résistif

Dans les trois cas, l’échauffement d’un matériau absorbant le L’absorbeur et le thermomètre sont isolés thermiquement du
rayonnement térahertz est mesuré par des techniques optiques et/ substrat – ou puits thermique – sur lequel les pixels sont réalisés.
ou électroniques. Cette isolation est réalisée au moyen d’une structure micropont
qui maintient la membrane où sont situés l’absorbeur et le thermo-
■ La cellule de Golay fonctionne sur le principe de l’expansion mètre. Cette isolation se caractérise par une résistance thermique
d’un gaz placé dans une cavité, dont une des parois est une Rth exprimée K/W (ou une conductance thermique Gth). La capacité
membrane flexible ou un diaphragme. Lorsque le rayonnement thermique Cth et la résistance thermique Rth dépendent des maté-
térahertz est absorbé, le gaz est chauffé causant son expansion. riaux utilisés et de la géométrie. La montée en température du
Cette expansion provoque une pression qui déforme la membrane bolomètre peut être modélisée par un circuit de type filtre RC ;
et cette déformation est ensuite mesurée par un système optique. cette évolution a la forme d’une exponentielle qui tend vers une
Le phénomène pneumatique mis en œuvre dans une cellule de valeur maximale avec un temps caractéristique :
Golay fait qu’un tel capteur se distingue par une sensibilité élevée
et une réponse constante sur une large gamme fréquentielle. Cela
explique pourquoi ce détecteur est généralement utilisé pour
mesurer la puissance d’une source et comme moyen de calibration Le circuit de lecture est souvent établi sur la lecture de la varia-
des autres détecteurs térahertz. Le temps de réponse est d’environ tion de courant qui traverse la résistance électrique du pixel pola-
10 ms. Elle peut-être aussi utilisée comme détecteur ponctuel pour risé à une tension constante Vbias.
l’imagerie [20] [21]. En revanche, la taille du détecteur ne permet Historiquement, cette technologie de microbolomètres a été
pas son intégration en un capteur matriciel. développée pour l’imagerie infrarouge (IR) thermique [26] [27].
Pour adapter cette technologie à la gamme THz, il a fallu prioritai-
■ Un capteur pyroélectrique fonctionne sur le principe d’une rement optimiser l’absorption du rayonnement optique THz (avec
variation temporaire de la polarisation électrique induite par le des longueurs d’onde largement supérieures à celles de l’IR), ainsi
changement de température du matériau. Comme ce phénomène que des impédances différentes. Les équipes de recherche japo-
est transitoire, un tel détecteur requiert la modulation du signal naises (NEC) ont initialement optimisé les pixels bolométriques
optique soit par voie optique (par exemple avec un hacheur), soit sans changer leur architecture mais en modifiant l’impédance de la
par voie électronique. En appliquant par une modulation de la couche absorbante [7]. Au CEA-Leti, une approche plus en rupture
source à environ de 10 Hz, le NEP d’un capteur pyroélectrique peut a été adoptée, basée sur le principe de dissocier physiquement les
atteindre environ sur une large gamme de fréquence, deux éléments clés d’un pixel bolométrique, l’absorbeur et le ther-
du THz jusqu’à l’infrarouge (0,3 à 300 THz). Des images à 0,52 et momètre. Le couplage des ondes THz est assuré par des antennes
0,71 THz révélant l’intérieur d’objets opaques à la lumière ont été chargées. Les charges sont échauffées par les courants induits par
réalisées avec ce type de détecteur [22]. D’autres images d’objets le rayonnement optique capté. Cette chaleur est alors transmise à
centimétriques obtenues grâce à un capteur matriciel à base de la couche thermorésistive placée sur la membrane suspendue du
détecteurs pyroélectriques et un laser à gaz émettant 10 mW à pixel. La variation de température induite s’accompagne d’une
2,52 THz ont été obtenues en moins de 30 s [23]. modification de la résistance électrique de cette couche qui est
alors lue par un circuit électronique situé sous le micropont dans le
■ Les bolomètres résistifs, représentés sur la figure 2, sont basés substrat, ce substrat servant aussi de puits thermique [28] [29]. De
sur la mesure électrique de la variation d’un matériau thermo- plus, dans cette architecture, l’absorption du rayonnement par le
résistif lorsque celui-ci est chauffé par un autre matériau absorbant pixel est optimisée par l’introduction d’une cavité diélectrique
le rayonnement THz incident. Ces deux fonctions, absorption et optique quart d’onde λ/4 entre la membrane et un réflecteur placé
thermomètre, peuvent être assurées par un même dispositif, mais sous cette structure suspendue sur le substrat.
actuellement les matrices micro-bolométriques développées pour Pour optimiser la sensibilité des microbolomètres, les matériaux
des caméras infrarouges et THz [24] [25] intègrent toutes un dispo- thermo-résistifs doivent présenter de forts TCR, typiquement entre
sitif absorbant (couche de TiN, par exemple), différent de la couche – 2 et – 3 %/K à 300 K. Ils doivent aussi être conçus avec des
thermorésistive. Cette dernière est constituée d’un matériau semi- membranes suspendues par des bras de conductivité thermique
conducteur, comme l’oxyde de vanadium VOX ou le silicium Gth très faible et encapsulés sous vide – typiquement à une pres-
amorphe a-Si, qui présente la propriété d’avoir un coefficient ther- sion de 10–3 mbar – pour limiter les pertes par conduction dans
mique de résistance électrique TCR (Temperature Coefficient of l’atmosphère environnante [30]. Avec une capacité thermique de
Resistance) négatif. l’ordre de 1 × 10–10 J/K et une conductance thermique 1 × 10–8 W/K,

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106
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AF3254

Ondes électromagnétiques térahertz


Principes et techniques

par Frédéric GARET

et
Professeur
IMEP-LAHC, CNRS UMR 5130, Université Savoie Mont Blanc, Chambéry, France
Jean-Louis COUTAZ
2
Professeur émérite
IMEP-LAHC, CNRS UMR 5130, Université Savoie Mont Blanc, Chambéry, France

1. Physique des ondes térahertz.............................................................. AF 3 254v2 - 2


1.1 Ondes électromagnétiques térahertz ........................................................ — 2
1.2 Interaction ondes térahertz - matière ........................................................ — 2
2. Techniques ................................................................................................ — 6
2.1 Sources et détecteurs pour la lumière térahertz incohérente ................. — 6
2.2 Sources et détecteurs pour la lumière térahertz cohérente .................... — 9
2.3 Composants passifs.................................................................................... — 19
2.4 Systèmes et méthodes ............................................................................... — 24
2.5 Polarimétrie et ellipsométrie...................................................................... — 30
2.6 Méthode de réflexion totale atténuée (ATR)............................................. — 30
3. Conclusion................................................................................................. — 31
4. Glossaire .................................................................................................... — 31
5. Sigles, notations et symboles.............................................................. — 32
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AF 3 254v2

es ondes électromagnétiques (EM) térahertz (THz) correspondent au


L domaine spectral situé entre l’infrarouge lointain et les hyperfréquences.
Bien qu’exploré depuis les travaux initiaux de Rubens au début du XXe siècle,
les difficultés techniques ont longtemps freiné les études et le développement
technologique à ces fréquences. Cela peut s’expliquer simplement par des
raisons physiques. Dans les domaines optique et infrarouge, l’onde électroma-
gnétique incidente induit des dipôles moléculaires dans la matière (courant de
déplacement), et l’on traduit la réponse électromagnétique de la matière par
les notions de permittivité et donc d’indice de réfraction. La détection des
ondes se réalise par absorption et en particulier par photogénération de por-
teurs. Dans le domaine hyperfréquence, la réponse électromagnétique
prépondérante est celle des électrons libres (courant de conduction) et nombre
de dispositifs sont métalliques pour faciliter l’écoulement de ces courants de
conduction. Par exemple, l’onde est détectée grâce aux courants induits dans
des antennes. Dans le domaine térahertz, courants de conduction et de dépla-
cement sont du même ordre de grandeur, et les techniques optiques et
hyperfréquences perdent en efficacité. Ainsi, les sources de rayonnement
térahertz sont moins puissantes, compactes ou faciles à utiliser que les
sources optiques et hyperfréquences. De même, la détection térahertz est
rendue difficile par la faible énergie des photons térahertz, qui est typiquement
5 à 10 fois plus faible que l’énergie thermique à température ambiante. Enfin,
l’atmosphère terrestre (au niveau de la mer et dans des conditions normales :
20 °C, 50 % d’humidité) est peu transparente au-delà de 1 térahertz : atténua-
tion supérieure à 1 dB/m, avec de nombreux pics de forte absorption (de
Parution : août 2021

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AF3254

ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES TÉRAHERTZ _____________________________________________________________________________________________

l’ordre de 20 dB/m) dus aux résonances de la vapeur d’eau. Néanmoins,


l’étude du domaine térahertz a été relancée et facilitée à la fin des années 1980
grâce à l’émergence de nouvelles techniques et technologies, tout d’abord
optoélectroniques, puis basées sur la montée en fréquence des composants
électroniques ou le développement de nouveaux composants nanométriques. Cet
effort de recherche est stimulé, au-delà de la recherche académique, par les
nombreuses applications entrevues.

2
électroniques des atomes, et même plus faible que l’énergie ther-
1. Physique des ondes mique à température ambiante (kBT ≈ 27 meV). L’interaction entre
térahertz les ondes térahertz et la matière, par exemple l’absorption du
rayonnement térahertz, ne mettra donc en jeu que des phéno-
mènes peu énergétiques. En particulier, et ce sont les avantages
mis en avant pour l’imagerie térahertz, beaucoup de matériaux
1.1 Ondes électromagnétiques térahertz opaques dans le visible sont ainsi transparents à ce rayonnement,
qui de plus n’est pas ionisant.
Il est maintenant accepté, par l’ensemble de la communauté scien-
tifique, que le domaine des ondes électromagnétiques térahertz
s’étend typiquement entre les fréquences 0,1 et 10 THz. Rappelons 1.2.1 Signatures spectrales des molécules
les définitions de l’énergie E d’un photon et les relations résul-
tantes entre fréquence ν et longueur d’onde λ : Pour un atome ou une molécule, l’absorption d’un photon inci-
dent de fréquence ν se produit par le passage d’un niveau d’éner-
gie E1 à un autre plus élevé E2, tel que E2 – E1 = hν. Pour les
(1)
atomes individuels, sauf pour les atomes de Rydberg, curiosités
où h ≈ 6,6 × 10–34 J · s (constante dePlanck), c ≈ 3 × 108 m/s (célérité de laboratoire, la différence d’énergie est trop grande pour que les
de la lumière dans le vide) et ω est la pulsation de l’onde (encore ondes térahertz entraînent un changement d’état électronique. En
nommée fréquence angulaire). On peut caractériser le rayonnement revanche, dans les molécules, les atomes peuvent vibrer ou tour-
en termes de température équivalente T, puisque l’énergie ther- ner les uns par rapport aux autres, et de manière plus globale,
mique est égale à kBT, où kB ≈ 1,38 × 10–23 J/K est la constante de tout le squelette de la molécule peut se déformer de manière
Boltzmann. La figure 1 résume la position du domaine térahertz oscillante aux fréquences térahertz.
dans le spectre électromagnétique suivant les différentes unités La figure 2 résume de manière schématique les mouvements
employées (le nombre d’onde, souvent employé en spectroscopie, des atomes au sein d’une molécule et la gamme fréquentielle des
est simplement l’inverse de la longueur d’onde exprimée en cm ; oscillations associées. Alors que la spectroscopie dans l’infra-
l’électronvolt (eV) est l’énergie d’un électron accéléré par une diffé- rouge permet d’étudier les liaisons chimiques entre deux atomes
rence de potentiel d’un volt, c’est-à-dire 1,6 × 10–19 J). Le domaine (fréquences supérieures à 21 THz), la spectroscopie térahertz ren-
térahertz est donc compris entre l’optique (infrarouge lointain) et les seigne sur les déformations globales de la molécule. Ces déforma-
hyperfréquences (ondes millimétriques). tions et le spectre associé sont propres à chaque molécule, et
ainsi on pourra déterminer quelle molécule est à l’origine du
spectre enregistré. Il s’agit d’une spécificité très intéressante de la
1.2 Interaction ondes térahertz - matière spectroscopie térahertz, utilisée par exemple pour l’observation
de l’atmosphère ou en radioastronomie pour déterminer la com-
La figure 1 nous indique que l’énergie des photons térahertz est position moléculaire de gaz intergalactiques. Notons aussi que
de l’ordre du milliélectronvolt. C’est une énergie très faible, envi- spectroscopies infrarouge et térahertz apportent des informations
ron 1 000 fois plus petite que celle des transitions entre niveaux très complémentaires sur la matière étudiée.

Fréquence [THz]
0,1 1 10 100

Longeur d’onde [μm] 1 000 100 10

10 1 000 Température [K]

1 10 100 1 000 Énergie [meV]

10 100 1 000 Nombre d’onde [cm–1]

Région térahertz en gris

Figure 1 – Région térahertz au sein du spectre électromagnétique, suivant différentes échelles d’unités

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6–27 THz

2
Figure 2 – Mouvements moléculaires et leur domaine fréquentiel

L’énergie de ces mouvements moléculaires est quantifiée. Le


calcul quantique nécessaire est complexe et fait appel à des codes
dédiés, dont plusieurs sont disponibles dans le commerce, comme
Gaussian. Dans le cas simple de molécules diatomiques et en se
limitant aux termes dipolaires, l’énergie E peut être mise sous une
forme analytique où les contributions de rotation et de vibration Coefficient d’absorption [cm–1]
s’ajoutent :

(2)

Le premier terme de l’équation (2) est la contribution de la rotation


de la molécule (B est la constante de rotation qui est inversement
proportionnelle au moment d’inertie de la molécule), le deuxième
terme est une correction du premier terme due à la déformation de
la molécule sous l’effet de la force centrifuge (D est la constante
de déformation centrifuge). Le troisième terme traduit la vibration de
la molécule à la pulsation , M étant la masse
réduite de la molécule et k la constante de rappel de la force inter-
atomique) et le dernier terme, correctif du troisième terme, traduit
Fréquence [THz]
l’anharmonicité du potentiel d’interaction entre les deux atomes de
la molécule. J et N sont des nombres quantiques positifs. Les règles
de transition entre deux niveaux énergétiques imposent ΔJ = 0, ± 1 et
les raies d’absorption les plus intenses sont observées pour ΔN = ± 1.
Pour les molécules plus complexes, on peut raisonnablement faire
l’approximation de remplacer chacun des modes propres (pour les-
quels tous les atomes se déplacent en phase à la même fréquence), Figure 3 – Spectre d’absorption de l’air humide mesuré par spectro-
associés à chaque degré de liberté de la molécule, par des oscilla- scopie temporelle
teurs harmoniques.
Dans les gaz, les raies d’absorption sont généralement élargies un facteur très limitant pour la transmission des faisceaux térahertz
à basse pression par effet Doppler (chaque molécule est sensible dans des applications d’observation à distance ou de télécommu-
au mouvement des molécules qui l’entourent) et à haute pression nications en espace libre aux fréquences térahertz.
par les collisions entre molécules. Seules les molécules de faible
masse atomique (< 300 uma) donneront des spectres suffisam-
ment intenses pour être observés. Ces spectres de rotation-vibration 1.2.2 Transparence et opacité des matériaux
ne sont observables qu’en phase gazeuse, ce qui nécessite l’éva-
poration d’un liquide ou la sublimation d’un solide. L’avantage de
1.2.2.1 Matériaux diélectriques
la spectroscopie térahertz réside dans sa capacité à déterminer les
constantes de rotation B et D de manière très précise et à étudier Dans les matériaux diélectriques, les électrons périphériques
des molécules, en général légères, pour lesquelles le maximum restent liés aux atomes ou aux molécules. Tout atome ou toute
du spectre de rotation est situé dans le domaine térahertz. De molécule est polarisé par l’onde électromagnétique qui l’éclaire :
même, les vibrations de liaisons moléculaires faibles, comme la en d’autres termes, le champ électrique de l’onde électromagné-
liaison hydrogène que l’on rencontre dans de nombreuses molé- tique déplace le noyau atomique (de charge positive) et déforme
cules organiques, mettent en jeu des fréquences térahertz. De le nuage électronique (de charge négative) en directions oppo-
manière pratique, les gaz à pression normale sont très absorbants sées. Les centres de gravité des charges négatives et positives ne
pour les fréquences térahertz correspondant à leurs transitions
d’énergie moléculaire. Ces niveaux d’énergie sont tellement proches coïncident plus : ainsi le champ électrique de l’onde induit un
qu’il en résulte des bandes d’absorption pratiquement continues. dipôle à l’échelle de chaque atome. La somme de ces moments
L’exemple le plus commun est l’absorption par la vapeur d’eau du dipolaires par unité de volume définit la polarisation de la
rayonnement térahertz se propageant dans l’air (figure 3) : c’est matière. La constante diélectrique (encore appelée permittivité

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 spectre d’absorption fait apparaître des pics très larges, qui sont
1P
relative) ε de cette matière vaut  ε = 1 +   . Cette formule est bien décrits par un modèle de Lorentz :
ε0 E
  (3)
valable pour les matériaux isotropes, pour lesquels  E et P  sont
parallèles. Généralement, on tient compte de la contribution des
réponses non dipolaires de la matière en remplaçant le « 1 » de νi est une fréquence de résonance et αi un coefficient proportion-
nel à la force d’oscillation de la transition électronique considérée.
l’expression précédente par , tel que . Pour les À la réponse dipolaire des atomes et molécules dans le domaine
térahertz, s’ajoutent des effets collectifs dus à la périodicité de
matériaux anisotropes, la formule est tensorielle. L’indice de la matière à l’échelle microscopique, ou plus généralement au
réfraction d’un matériau n est défini comme étant le rapport entre couplage électromagnétique entre entités voisines. Les phonons
la célérité de la lumière dans le vide et celle dans le matériau. On correspondent à la quantification des ondes de vibration méca-

2
montre en électromagnétisme que  , où μ est la perméabi- nique des atomes pouvant se propager dans un cristal. On dis-
lité magnétique relative. Pour un milieu non magnétique, μ = 1, tingue des vibrations longitudinales ou transverses par rapport à la
direction de propagation de l’onde, ainsi que des branches d’éner-
donc   . Lorsqu’une partie de l’énergie électromagnétique
gie phononique « optique » et « acoustique ». Seuls les phonons
incidente est absorbée et transformée en chaleur, ε et donc n
transverses optiques peuvent être directement excités par une
prennent une valeur complexe. Le coefficient d’absorption α de
onde électromagnétique. Examinons quels sont les ordres de gran-
l’énergie électromagnétique est égal à  , où κ est la partie deur mis en jeu. Grâce à la périodicité de la matière, on peut limi-

imaginaire de l’indice de réfraction. Dans le domaine de hyper- ter l’étude des phonons dans l’espace des vecteurs d’onde k  à la
fréquences et plus précisément lorsqu’il s’agit de circuits, on uti- première zone de Brillouin dont les limites sont , a étant
lise souvent la tangente de pertes, , avec ε = εr + jεi . la distance entre 2 atomes voisins. Dans cette zone, les bandes
d’énergie des différents phonons (courbes de l’énergie en fonction
du vecteur d’onde) sont continues. Sous l’effet du champ électro-
Lorsque la fréquence de l’onde térahertz incidente ne corres- magnétique, les noyaux des atomes se déplacent par rapport à
pond pas à l’excitation de résonances électromagnétiques au sein leur position d’équilibre (typiquement de moins de 0,1 Å). La quan-
du matériau, l’interaction entre l’onde et le milieu est faible. La tité de mouvement associée au phonon et donc le vecteur d’onde
constante diélectrique est alors pratiquement égale à celle mesu- de ces derniers sont en général très grands par rapport à celui d’un
rée en électrostatique. L’indice de réfraction reste petit (typique-  
ment 1 < n < 2) mais néanmoins plus élevé que dans le domaine photon (rappelons qu’en mécanique quantique mv = ℏk , m étant
visible, et le milieu absorbe peu les ondes térahertz (figure 4). Les la masse des atomes et v  leur vitesse), car ils mettent en jeu les
matériaux ferroélectriques, dans lesquels il existe une polarisation masses des atomes. L’interaction photon-phonon se produit donc
même en l’absence de champ électromagnétique excitateur, pré- 
au voisinage de k = 0 , donc pour une fréquence unique. Le
sentent des indices très forts dans le domaine térahertz et sont tableau 1 donne la valeur de la fréquence du premier phonon dans
anisotropes (par exemple no = 6,7 (indice ordinaire) et ne = 5,2 différents matériaux (le DAST est un cristal organique de la famille
(indice extraordinaire) pour LiNbO3). Malheureusement, ces maté- des tosylates, dont les coefficients non linéaires sont très forts).
riaux sont aussi assez absorbants.
Les spectres d’absorption térahertz de ces cristaux montrent donc
La réponse résonante des molécules, comme décrite dans le para- des pics relativement élevés (plusieurs dizaines de cm–1) aux fré-
graphe 1.2.1, s’additionne à la réponse non résonante du matériau. quences des phonons. Ces pics sont souvent très élargis par la pré-
À cause de degrés de liberté moindres au sein de la matière solide sence de défauts stœchiométriques ou structuraux. Lorsque le
et de possibles variations locales de l’environnement moléculaire, le premier pic de phonon est situé en dehors de la bande fréquentielle

Absorption [cm–1]

La tangente de perte (tan δ) est définie comme étant le rapport des parties imaginaire et réelle de la permittivité ε. La figure de gauche
présente les matériaux sur une carte indice/absorption, la figure de droite donne la tangente de perte de plusieurs materiaux communs.

Figure 4 – Principaux matériaux transparents dans le domaine térahertz (valeurs données pour 1 THz)

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Tableau 1 – Fréquence des phonons dans différents cristaux à température ambiante

Cristal DAST CdTe NaCl InSb ZnTe GaSe ZnSe GaAs InP GaP ZnO

fphonon[THz] 1,13 4,20 4,92 5,21 5,31 6,33 6,45 8,00 9,12 10,96 12,41

explorée lors d’une mesure, le spectre d’absorption enregistré aug- aluminium) constitue un miroir térahertz de très bonne qualité. Les
mente de manière monotone avec la fréquence : il s’agit en fait du objets métalliques sont donc de très bons réflecteurs, et en contre-
pied du pic d’absorption, le pic lui-même ne pouvant être observé. partie ils sont opaques aux ondes térahertz. Les semi-conducteurs
Dans les matériaux amorphes ou polycristallins, les ondes méca- seront plus ou moins transparents suivant leur niveau de dopage.
niques ne se propagent plus sur de longues distances à cause du Par exemple, à 400 GHz, le coefficient d’absorption α (en cm–1) du
désordre structural : cela conduit à des courbes d’absorption variant
comme ν 2. De plus, par exemple dans les verres, on observe une
bosse d’absorption additionnelle qui semble trouver son origine
silicium dopé n varie comme α = Ndop / (1, 39 × 1014 ) , où Ndop est la
densité de dopage par cm3.
2
dans la modification de la densité d’états vibrationnels, ou bien dans
la localisation des oscillations mécaniques : c’est le « pic boson »,
car il évolue en fonction de la température comme le facteur de 1.2.3 Matériaux artificiels
Bose-Einstein. Lorsque la taille des défauts ou hétérogénéités dans
les matériaux est plus grande, la lumière térahertz est alors diffusée La grande longueur d’onde (submillimétrique) des faisceaux
par le matériau. Pour les matériaux diélectriques, la diffusion peut térahertz est un avantage dont on profite pour fabriquer des dispo-
être traitée à l’aide du modèle de Mie : chaque élément diffusant est sitifs constitués de motifs réguliers de dimensions et d’espace-
décrit comme étant une sphère d’indice de réfraction différent de ments bien inférieurs à la longueur d’onde, c’est-à-dire plus petits
celui de la matrice d’accueil. On est alors à même de calculer analy- que la centaine de microns. L’onde térahertz traverse alors ce
tiquement les modes électromagnétiques d’une sphère et d’en matériau artificiel comme s’il était homogène, puisqu’elle ne subit
déduire son efficacité de diffraction. L’intensité diffusée par le maté- pas de diffraction sur chacun des motifs élémentaires. Ces maté-
riau est la somme des intensités diffusées par chaque sphère (on riaux, appelés méta-matériaux, sont assez faciles à fabriquer avec
néglige les phénomènes de diffusions multiples). Lorsque la taille les technologies modernes et peuvent être conçus de manière à
des sphères est faible devant la longueur d’onde, les formules présenter une réponse électromagnétique étonnante. De plus, en
peuvent être simplifiées et montrent une dépendance de l’intensité changeant la densité des motifs, on peut créer des gradients
diffusée en ν4 (diffusion Rayleigh). Dans le domaine térahertz, cette d’indice. La manière la plus facile de concevoir des méta-maté-
diffusion apparaît dans les matériaux présentant des inhomogénéi- riaux efficaces est sans doute d’employer des motifs métalliques
tés de taille supérieure à 1 ~ 10 μm (Rayleigh) et à 100 ~ 500 μm déposés sur des films diélectriques, et le cas échéant d’empiler ces
(Mie). C’est par exemple le cas des matériaux pulvérulents ou des couches pour former un matériau tridimensionnel. L’interaction
textiles tissés, ces derniers diffractant les faisceaux térahertz si leur entre les structures métalliques et l’onde térahertz incidente est en
tissage est régulier. effet très forte. Lorsque le motif a une forme allongée, l’onde pola-
rise le métal, c’est-à-dire déplace alternativement des charges
1.2.2.2 Matériaux conducteurs négatives et positives aux extrémités du motif, qui se comporte
comme une micro-antenne, c’est-à-dire comme un dipôle micro-
La réponse électromagnétique des matériaux conducteurs est scopique oscillant à la fréquence térahertz. On reproduit ainsi le
principalement dictée par les électrons liés et par les électrons moment dipolaire des atomes qui est à l’origine de la polarisation
libres (les trous, de masse effective généralement plus élevée que des matériaux naturels. En choisissant de manière adéquate la
celle des électrons, contribuent peu à cette réponse). Comme dimension du motif, l’excitation dipolaire peut être résonante, et
nous venons de le voir, la contribution des électrons liés est rela- donc la dispersion de la susceptibilité du méta-matériau est aussi
tivement faible et peut être considérée comme constante dans le elle-même résonante, à la manière d’une résonance de type
domaine térahertz. Par contre, les électrons libres, très mobiles, Lorentz dans un matériau diélectrique naturel. Dans un matériau
oscillent de manière pratiquement synchrone avec le champ élec- optimisé, l’effet de résonance peut être beaucoup plus grand que
tromagnétique, lorsque la fréquence de ce dernier est plus faible dans un cristal naturel. Une seule couche métallique est alors suf-
que la fréquence plasma des charges libres. Pour les métaux ou fisante pour observer des effets macroscopiques, par exemple de
les semi-conducteurs fortement dopés, la constante diélectrique filtrage spectral de l’onde térahertz : on parle de surface sélective
est alors bien décrite par le modèle de Drude : en fréquence (Frequency Selective Surface – FSS). De la même
manière, on conçoit des surfaces parfaitement réfléchissantes, ou
parfaitement absorbantes. De plus, en fabriquant des boucles
(4) métalliques, le champ magnétique du faisceau térahertz incident
crée des courants induits dans ces boucles, qui se comportent
ε∞ représente la contribution des électrons liés ou de tout autre alors comme des dipôles magnétiques. Comme dans le cas des
phénomène ne dépendant pas des charges libres. ωp est la fré- dipôles électriques, le motif géométrique peut être dessiné pour
exhiber une résonance de la perméabilité magnétique μ. Il est alors
quence plasma du matériau qui est définie par . N est la possible de combiner les deux résonances, par exemple en inter-
rompant localement la boucle (motif communément appelé
densité volumique de charges libres, e ≈ 1,6 × 10–19 C
est la charge SRR, split ring resonator). Cette coupure se comporte comme un
de l’électron et me est sa charge effective. Γ est la pulsation de col- dipôle électrique. Les effets de résonance peuvent être tellement
lision des charges libres et ε0 = (36π × 109)–1 F · m est la constante forts que la susceptibilité électrique et la perméabilité magnétique
peuvent être négatives au voisinage de la fréquence de résonance.
diélectrique du vide. Pour les métaux, la fréquence plasma est Pour une onde plane se propageant dans un tel matériau, les vec-
située dans le domaine UV, donc cette fréquence plasma se situe
bien au-dessus des fréquences térahertz, ωp >> ω. Il en découle que teurs , et  forment un trièdre indirect (comme pouce, index et
les parties réelle et imaginaire de ε sont très grandes et négatives majeur de la main gauche) au lieu de direct (main droite) dans les
(–104 ~ –105). Les métaux ont pratiquement un comportement matériaux classiques. L’indice de réfraction du matériau 
métallique parfait, si bien qu’une simple plaque métallique (cuivre, doit alors être choisi négatif. Outre l’effet de réfraction négative,

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cela conduit à des phénomènes surprenants comme des lentilles produit un rayonnement appelé rayonnement thermique qui est
convergentes constituées d’une lame plane de matériau main incohérent. Les corps les plus absorbants sont en fait ceux qui
gauche, la focalisation sous la limite de diffraction, l’absorption émettent le plus de lumière thermique (loi de Kirchhoff). On défi-
parfaite de rayonnements incidents, l’invisibilité (« cloaking »), et nit alors un corps idéal de référence qui absorbe complètement la
même la simulation des trous noirs. Tous ces effets ont été lumière incidente (corps noir) et dont le pouvoir de rayonnement
démontrés dans le domaine térahertz. On sait maintenant profiter thermique est maximum. La luminance d’un tel corps a été établie
de la très haute valeur du champ térahertz au niveau de la coupure par Planck :
du SRR pour générer des effets non linéaires térahertz, pour réali-
ser des capteurs très sensibles ou même des modulateurs de
lumière térahertz. Parmi les nombreuses structures étudiées, cer- (5)
taines sont très simples comme un tamis de trous dans une feuille
métallique (méta-matériau « fishnet »), qui profite aussi de l’effet
de super-transmission lorsque la taille du trou est plus faible que C’est la puissance émise par unité de fréquence et par unité de

2 la longueur d’onde térahertz. surface du corps dans un angle solide centré dans la direction
normale au corps noir. Pour des corps noirs portés au moins à
À retenir température ambiante et pour le domaine térahertz, la loi de
Planck peut être approximée par la loi de Rayleigh-Jeans :
– Le domaine électromagnétique térahertz correspond à des
fréquences comprises entre 100 GHz et 10 THz, soit des lon- (6)
gueurs d’onde submillimétriques (30 μm < λ < 3 mm) ou
encore des énergies des photons en-dessous du milliélectron
Ainsi un corps noir de 1 cm2 à température ambiante rayonne dans
volt (0,4-41 meV).
la bande térahertz (0,1 ~ 10 THz) une puissance d’environ 1 nW. Les
– La faible énergie des photons térahertz permet d’exciter
corps noirs utilisés dans les laboratoires sont généralement des
les vibrations moléculaires, comme celles de la molécule
« globars» (cylindres en SiC portés à haute température, pour
d’eau, les phonons dans les cristaux, et les charges libres dans
des fréquences supérieures à 3 THz) ou le plus souvent des lampes à
les conducteurs.
vapeur de mercure. Le rayonnement est émis par la décharge dans la
– Hors résonance, l’interaction onde térahertz - matière est
vapeur de mercure (T ~ 104 K) mais aussi par la cellule en quartz
faible, et beaucoup de matériaux opaques dans le visible sont
(T ~ 103 K). Typiquement, une lampe à mercure de 75 ~ 100 W émet
transparents aux térahertz.
un spectre très large (0,1 ~ 20 THz) avec une densité spectrale de
quelques dizaines de microwatts par térahertz.

2.1.1.2 Sources « tout électronique »


2. Techniques
Par sources « tout électroniques », nous entendons des disposi-
tifs mettant uniquement en jeu des composants électroniques à
semi-conducteurs, qui ne sont donc pas optoélectroniques ou à
2.1 Sources et détecteurs pour la lumière tubes. Ces sources se décomposent en deux familles :
térahertz incohérente 1) Des composants qui oscillent jusqu’à plusieurs centaines de
gigahertz ;
2.1.1 Sources 2) Des systèmes où une « basse » fréquence délivrée générale-
ment par une source hyperfréquence est multipliée pour atteindre
2.1.1.1 Corps noirs le domaine térahertz.
Pendant une bonne partie du XXe siècle, les corps noirs ont Les oscillateurs « haute fréquence » sont principalement formés
constitué les sources les plus employées de rayonnement dans d’un composant montrant une résistance différentielle négative
l’infrarouge lointain, même si l’on peut citer quelques rares tra- (NDR) inséré dans un circuit résonant. Un composant NDR est
vaux basés sur le rayonnement de décharges électriques avant la caractérisé par une courbe courant-tension I (V) présentant un
Seconde Guerre mondiale, comme ceux de Nichols et Tear aux maximum (figure 5a). La résistance R du composant étant la
États-Unis et G. Glagolewa-Arkadiewa en URSS. Dans tout corps à pente de la courbe (R = dV/dI), cette résistance est négative au-
température non nulle, l’agitation aléatoire des constituants élé- delà du maximum. Insérons ce composant NDR dans un circuit
mentaires chargés (noyau, nuage électronique, charges libres) résonant, tel que le circuit RLC de la figure 5b. Un simple calcul

Figure 5 – Courbe courant-tension I (V ) de composants à résistance différentielle négative et circuit oscillateur incluant un tel composant

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électrocinétique conduit à l’expression du courant circulant dans d’une série suivant les puissances de ejωt. La diode génère donc
ce circuit : des harmoniques mω, m entier, dont la puissance décroît typique-
ment d’un ordre de grandeur lorsque m augmente d’une unité.
Pour atteindre des fréquences térahertz, la diode doit montrer un
(7)
temps de réaction très court. Dans les diodes p-n, ce temps est
limité par le transit des charges dans la zone de déplétion et par la
Si 4L/C > R2, le terme sous la racine est négatif, et donc la racine est capacité. Il est préférable d’employer des diodes Schottky, formées
imaginaire et l’exponentielle est complexe, traduisant un caractère d’un contact métal/semi-conducteur. La surface de ce contact peut
sinusoïdal au cours du temps. Le courant oscille alors à la pulsa- être submicronique, réduisant ainsi la capacité de la diode. Les
capacités parasites, ainsi que les résistances séries, sont forte-
tion  . Néanmoins, il décroît comme exp (– tR/2L), sauf ment minimisées par des astuces liées aux technologies planaires
employées, comme des connections électriques à « pont d’air »
si R est négative, auquel cas le courant est amplifié. Donc si les deux
(« air-bridge »). L’efficacité de conversion de tels doubleurs de fré-
conditions  sont remplies, le circuit se comporte
comme un oscillateur. Les composants NDR sont principalement :
1) Les diodes à effet tunnel résonant (RTD). Le courant passe par
quence est de l’ordre de 5 ~ 10 % à 100 GHz, mais chute à 3 ~ 5 %
au-dessus de 500 GHz. Les tripleurs de fréquence sont environ 2 à
3 fois moins efficaces. Typiquement, des sources basées sur
2
effet tunnel entre deux puits quantiques séparés par une barrière l’emploi de ces diodes délivrent quelques centaines de milliwatts
isolante, le composant étant fabriqué en technologie microélectro- à 100 GHz, et de l’ordre de 0,1 ~ 1 mW à 1 THz. Malheureusement,
nique. En variant la tension de polarisation, le courant passe facile- elles sont inopérantes au-dessus de ~ 2 THz. La bande passante
ment lorsqu’un niveau énergétique d’un puits est égal à un niveau de telles sources est de l’ordre de la centaine de gigahertz.
de l’autre puits. Lorsque l’on augmente encore la tension, ces
Quelques entreprises se partagent le marché, Lytid en France,
niveaux se décalent et le courant chute ;
RPG en Allemagne et Virginia Diode Inc. (VDI) et TeraSense aux
2) Les diodes à effet Gunn. Dans des semi-conducteurs comme États-Unis. Par exemple, Lytid commercialise une source délivrant
GaAs ou InP, la bande de conduction présente deux vallées. Dans plus de 300 mW à 75 GHz, et qui peut être multipliée jusqu’à
la seconde vallée, par exemple notée X, les électrons libres ont 600 GHz (~2,5 mW).
une mobilité plus faible que dans la première vallée Γ. Lorsque
l’on applique une tension élevée à un échantillon de ces semi- conduc-
teurs, les électrons grimpent dans la vallée Γ, puisqu’ils acquièrent 2.1.2 Détecteurs : bolomètres, pyromètres,
une quantité de mouvement   sous l’effet du champ cellules de Golay, etc.
électrique E. Ils atteignent ainsi le niveau de la seconde vallée, vers
laquelle ils migrent par effet tunnel. Leur mobilité chute alors forte- 2.1.2.1 Sensibilité, dynamique et bruit d’un détecteur
ment. La vitesse des électrons, et donc la conductance du maté-
riau, présentent un maximum en fonction de la tension de Les détecteurs dont nous parlons ici délivrent un signal électrique
polarisation. Lorsqu’un surplus de tension électrique, par rapport à (tension ou courant) lorsqu’ils sont éclairés par un faisceau
la tension moyenne, qui généralement trouve son origine dans des térahertz, signal proportionnel à la valeur moyenne de la puissance
fluctuations thermiques, se propage entre cathode et anode, les ou de l’énergie du faisceau. On définit la sensibilité SV (V/W) à ten-
charges en début de pulse subissent un champ intense (dérivée du sion V constante ou SI (A/W) à courant I constant par :
pic de tension) et donc se déplacent plus lentement que les
charges en fin de pulse. La durée du pulse diminue lors de sa pro-
(8)
pagation, tandis que son amplitude augmente. Cette forte ampli-
tude écrante le champ appliqué, interdisant l’apparition d’un autre
pulse avant que le premier n’atteigne l’anode. La fréquence de ces SV et SI dépendent souvent de la fréquence ν du signal incident.
pulses successifs est donc déterminée par le temps de transit des Dans ce cas, on écrit SV (ν) et SI (ν), et PTHz est la puissance dans un
pulses entre cathode et anode. Pour une vitesse typique dans intervalle Δν autour de la fréquence ν. Notons que les rela-
GaAs de 1,5 × 107 cm/s sous 5 kV/cm, la fréquence est égale à tions (8) supposent que le détecteur travaille dans un régime linéaire,
30 GHz pour une épaisseur de GaAs de 5 μm. donc non saturé.
Ces diodes RTD ou à effet Gunn se déclinent en différentes ver- Le signal délivré par le détecteur est affecté par du bruit. Celui-ci
sions (IMPATT, BARITT, DOVETT, TUNETT...) lorsque des phéno- provient tout d’abord du faisceau térahertz incident : nature cor-
mènes additionnels, comme un effet d’avalanche, sont mis en jeu. pusculaire des photons térahertz dont l’arrivée sur le détecteur est
Typiquement, ces diodes atteignent pratiquement 2 THz, mais la aléatoire (bruit de grenaille ou « shot noise »), mais aussi fluctua-
puissance délivrée chute rapidement avec la fréquence. Ainsi à tions de la source. Ensuite, le photocourant est lui-même composé
300 ~ 400 GHz, on obtient environ 1 mW. Les meilleurs oscilla- de charges discrètes, les électrons, dont le mouvement chaotique
teurs à diodes RTD délivrent 25 μW à 1 THz, et seulement 0,4 μW dans le circuit électronique de lecture donne naissance au bruit
à 2 THz. D’autres composants, comme les nanotransistors à effet Johnson ou bruit thermique. Dans un bolomètre où l’on mesure
plasma, semblent prometteurs, mais demandent encore un gros l’élévation de température d’un absorbeur, il faut aussi tenir
effort de développement et d’optimisation. compte de bruit des phonons photocréés. Enfin, le circuit électro-
nique peut être lui-même source de bruits additionnels (bruit
Les systèmes à multiplication de fréquence comprennent une d’amplification, bruit en 1/f – bruit de scintillation...). Le signal
source hyperfréquence très stable et assez puissante, dont le pourra être lu s’il est plus grand que le bruit. On définit le rapport
signal « basse fréquence », typiquement entre 10 et 20 GHz, est signal-à-bruit (SNR en anglais) :
multiplié par étages successifs pour atteindre plusieurs centaines
de gigahertz ou même le térahertz. Le composant électronique
non linéaire nécessaire à la multiplication en fréquence est une (9)
diode. En effet, la courbe courant-tension I (V) d’une diode pré-
sente un comportement fortement non linéaire au voisinage du
coude que forme cette courbe vers V ≈ 0. Dans le cas d’une diode où x est soit la tension V, soit le courant I. La valeur moyenne d’une
grandeur est notée en surlignant d’un trait celle-ci : ici, il s’agira de
de type p-n idéale,  , où IS est le courant valeurs moyennées par rapport au temps (grandeur dis-

de fuite, et e est la charge de l’électron. Si la tension V est alterna- crète :  , grandeur continue :  ). Notons que
tive de pulsation ω, il est possible d’écrire I (V) sous la forme

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2

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Ondes électromagnétiques térahertz


Applications

par Frédéric GARET


Professeur
IMEP-LAHC, UMR 5130 du CNRS
Université Savoie-Mont-Blanc, Le Bourget du Lac, France
2
et Jean-Louis COUTAZ
Professeur émérite
IMEP-LAHC, UMR 5130 du CNRS
Université Savoie Mont-Blanc, Le Bourget du Lac, France

1. Instrumentation scientifique ............................................................... AF 3 255v2 - 2


1.1 Spectroscopie FTIR, TDS et hétérodyne ................................................... — 2
1.2 Application à la spectroscopie de matériaux............................................ — 5
1.3 Application à l’astrophysique .................................................................... — 8
2. Sécurité et domaine militaire .............................................................. — 9
2.1 Principe de l’imagerie térahertz ................................................................. — 9
2.2 Caméras térahertz ....................................................................................... — 10
2.3 Sécurité ........................................................................................................ — 11
3. Contrôle industriel .................................................................................. — 13
3.1 Imagerie ....................................................................................................... — 13
3.2 Spectroscopie, contrôle qualité ................................................................. — 13
3.3 Industrie alimentaire................................................................................... — 14
3.4 Industrie pharmacologique ........................................................................ — 14
3.5 Couches minces .......................................................................................... — 14
3.6 Électronique................................................................................................. — 14
3.7 Industrie du pétrole..................................................................................... — 14
4. Patrimoine ................................................................................................. — 15
5. Biologie et médecine.............................................................................. — 15
5.1 Biologie ........................................................................................................ — 15
5.2 Médecine ..................................................................................................... — 16
5.3 Dangerosité des ondes térahertz ............................................................... — 16
6. Environnement ......................................................................................... — 16
7. Télécommunications .............................................................................. — 17
8. Conclusion................................................................................................. — 17
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. AF 3 2 55v2

’étude du domaine térahertz (THz) a été relancée et facilitée à la fin des


L années 1980 grâce à l’émergence de nouvelles techniques et technologies,
tout d’abord optoélectroniques, puis basées sur la montée en fréquence des
composants électroniques ou le développement de nouveaux composants
nanométriques. Cet effort de recherche est stimulé, au-delà de la recherche aca-
démique, par les nombreuses applications entrevues. Ces applications s’appuient
sur la transparence de matériaux opaques dans le visible ou l’infrarouge (applica-
tions à l’imagerie pour le contrôle industriel, la médecine ou pour la sécurité
– inspection des personnes –), l’existence de signatures spectrales uniques de
Parution : mai 2022

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ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES TÉRAHERTZ _____________________________________________________________________________________________

certaines molécules (applications à l’identification de molécules par spectro-


scopie par exemple dans les domaines de l’environnement, de la sécurité, de la
biophysique, de l’astrophysique…), la possibilité de moduler ces ondes à très
hautes fréquences (télécoms très haut débit à très courtes distances). Cet article
présente tout d’abord les applications de la technologie térahertz dans le
domaine de l’instrumentation scientifique, qui constitue actuellement sans
aucun doute le plus gros marché pour les dispositifs et systèmes térahertz.
Ensuite, il décrit le domaine de la sécurité et du militaire, auquel est dédiée
aujourd’hui une très grande partie des recherches en térahertz. La troisième
partie de l’article est consacrée aux applications industrielles. Si peu de sys-
tèmes térahertz sont effectivement installés aujourd’hui dans des entreprises, on

2
peut imaginer qu’à terme, nombre de niches seront occupées par la technologie
térahertz qui viendra en complément de techniques déjà bien répandues,
comme la spectroscopie infrarouge et visible, ou bien la diffraction des rayons X,
etc. Le paragraphe suivant décrit l’application de l’imagerie térahertz à l’examen
d’œuvres du patrimoine artistique, qui met en jeu des procédures très proches
de celles des applications industrielles. Le développement d’instrumentations et
techniques térahertz pour la médecine et la biologie est ensuite présenté. Souvent
décrite comme technique d’investigation d’avenir pour la médecine, l’imagerie
térahertz a néanmoins du mal à s’imposer définitivement. Pour la biologie, les
applications semblent plus faciles à mettre en place. En environnement, grâce
à leur spécificité spectrale, les ondes térahertz apportent des informations
complémentaires des techniques traditionnelles, comme le lidar, ou même
des informations uniques, certaines molécules ne présentant une signature
spectrale originale que dans le domaine térahertz. Enfin, la montée en fréquence
des télécommunications les rapproche régulièrement de la région térahertz.
D’une part, les flux de données, au niveau de tests en laboratoire, dépassent les
100 Gbits/s, d’autre part on met aussi au point des systèmes de transmission en
espace libre, principalement pour l’intérieur des immeubles, employant une
onde térahertz comme porteuse du signal. L’article se termine par une conclu-
sion où les auteurs font part de leur réflexion sur l’avenir de la science et de la
technologie térahertz. Cette conclusion est suivie d’une liste la plus complète
possible des entreprises proposant des composants, des dispositifs et des
systèmes térahertz, ainsi que la liste des principaux livres publiés sur cette
thématique.

après traversée d’un échantillon de polyéthylène haute densité (PEHD)


1. Instrumentation de 4,96 mm d’épaisseur. La transmittance de l’échantillon est tracée
scientifique en figure 1b ; on peut notamment observer la bande d’absorption
du PEHD bien connue autour de 2 Thz.
À partir de ces mesures, on détermine les paramètres optiques du
1.1 Spectroscopie FTIR, matériau constituant l’échantillon, soit en combinant des mesures en
réflexion et en transmission, soit en traitant les mesures (transmission
TDS et hétérodyne ou réflexion) avec les relations de Kramers-Kronig. Une de ces rela-
tions relie l’indice de réfraction d’un matériau à son absorption :
1.1.1 Spectroscopie par transformée
de Fourier (FTIR) (1)

La spectroscopie par transformée de Fourier (voir § 2.4.1 de


[AF 3 254]) dans le domaine fréquentiel fut jusqu’à la fin des années
1990 la principale technique pour sonder le domaine térahertz. Elle où l’indice de réfraction complexe s’écrit , PP
utilise en général deux interférogrammes fournis par un spectro- signifie partie principale de l’intégrale (l’intégrale est réalisée pour
mètre à transformée de Fourier : le premier Iref(x) est enregistré sans toutes les pulsations ), et n∞ est l’indice de réfraction à très
échantillon et sert de référence, le second Idst(x) est obtenu en pré- haute fréquence, c’est-à-dire dans le domaine visible. Si l’on peut
sence d’un échantillon qui est en général positionné en sortie du négliger l’énergie réfléchie en surface de l’échantillon (coefficients
spectromètre, c’est-à-dire entre la lame séparatrice et le détecteur de Fresnel) et l’effet Fabry-Pérot dû aux réflexions multiples dans
(figure 16 de [AF 3 254]). Ainsi, seule la transmission en intensité de l’échantillon, la transmittance de l’échantillon est simplement
l’échantillon peut être mesurée. Le rapport Idst(ω)/Iref(ω) des transfor-
mées de Fourier des signaux obtenus avec et sans échantillon est (loi de Beer-Lambert), α(ω) étant le coefficient
égal à la transmittance de l’échantillon. La figure 1a présente les d’absorption du matériau. Ainsi, grâce aux mesures des inter-
interférogrammes de référence (trait pointillé) ainsi que celui obtenu férogrammes, α(ω) est alors directement obtenu, puis l’indice de

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_____________________________________________________________________________________________ ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES TÉRAHERTZ

2
Déplacement du miroir mobile [mm] Fréquence [THz]

Figure 1 – Interférogrammes de référence (trait pointillé) et en présence d’un échantillon de PEHD de 4,96 mm d’épaisseur (trait continu), et
transmittance de l’échantillon de PEHD (données aimablement fournies par le CEA LETI)

réfraction est déterminé avec l’aide de la relation (1). Notons que et non en intensité comme présentée précédemment. La transfor-
la loi de Beer-Lambert n’est valable que si l’échantillon est homo- mée de Fourier inverse de l’interférogramme mesuré est ainsi pro-
gène (pas de diffraction ou diffusion du faisceau térahertz). Si les portionnelle au complexe conjugué du coefficient de réflexion ou
réflexions en surface d’échantillon ne sont pas négligeables, il de transmission complexe (dans le cas d’échantillons opaques, on
faut employer deux échantillons du même matériau et d’épais- remplace le miroir fixe de l’interféromètre par l’échantillon). Il
seurs différentes mais pas trop ! En effet, il ne faut pas trop modi- devient possible de remonter à la partie réelle n et imaginaire κ de
fier le terme Fabry-Pérot qui dépend de l’épaisseur. Le rapport des l’indice de réfraction du matériau constituant l’échantillon. Cette
spectres transmis permet alors de s’affranchir des effets de sur- technique, appelée spectroscopie FTIR asymétrique, est très
face. Bien que peu précise car soumise à trop d’hypothèses sim- proche dans le principe de celle présentée par la suite (THz-TDS).
plificatrices, cette méthode est souvent employée car très simple. Toutefois, elle est rarement utilisée du fait de problèmes d’aligne-
Dans le cas de mélanges de poudres compactés, où l’une des ment très critiques.
poudres est le matériau à tester et l’autre poudre est la matrice
d’accueil, si possible transparente, on fabrique deux échantillons
identiques (épaisseur, densité, etc.), mais en changeant légère- 1.1.2 Spectroscopie dans le domaine temporel
ment la proportion du matériau à tester. Seule l’absorption du (THz-TDS)
faisceau térahertz transmis varie un peu, et les coefficients de
Fresnel ou les effets Fabry-Pérot restent pratiquement inchangés. La spectroscopie térahertz dans le domaine temporel (THz-TDS)
La comparaison des mesures des deux échantillons permet alors utilise la possibilité précédemment décrite (voir § 2.4.2 de [AF 3 254])
d’extraire le spectre d’absorption du matériau à tester. d’obtenir une mesure temporelle d’un champ électrique impul-
sionnel qui possède un spectre très large. Pour caractériser un
Dans le cas d’une mesure en réflexion (le faisceau térahertz en matériau, deux mesures de l’impulsion térahertz sont effectuées :
sortie du spectromètre FTIR est réfléchi par l’échantillon avant la première, Sdst(t), en présence de l’échantillon du matériau à
d’atteindre le détecteur), intéressante dans le cas de matériaux caractériser, positionné dans une zone où le faisceau térahertz est
absorbants, on peut déterminer l’indice de réfraction du matériau parallèle (qui peut être le point de focalisation du faisceau
de la manière suivante. Grâce au spectromètre, on mesure le térahertz à condition que la longueur de Rayleigh du faisceau soit
module carré R(ω) du coefficient de réflexion complexe (en bien plus grande que l’épaisseur de l’échantillon) et la seconde,
champ) , tel que où φr(ω) est sa phase. Les Sref(t), sans échantillon (figure 2). Le coefficient de transmission
relations de Kramers-Kronig permettent de déterminer cette complexe (module et phase) de l’échantillon est alors obtenu en
phase : effectuant le rapport des spectres des deux mesures temporelles :
Tmes(ω) = Sdst(ω)/Sref(ω). Si les deux mesures temporelles ont été
enregistrées avec la même origine des temps (même position de
(2) départ de la ligne à retard), le module de Tmes(ω) correspond au
coefficient de transmission de l’échantillon (en champ, et non en
La détermination de l’indice de réfraction et de l’absorption sera intensité comme classiquement en FTIR) alors que sa phase
effectuée comme expliqué dans le paragraphe suivant dédié à la donne le déphasage induit par l’échantillon. Cette double informa-
spectroscopie THz-TDS. tion permet de remonter directement aux paramètres optiques du
matériau (indice de réfraction et absorption) sans avoir à utiliser
Il est aussi possible de placer l’échantillon dans l’un des bras de les relations de Kramers-Kronig reliant indice de réfraction et
l’interféromètre (spectroscopie asymétrique) : on obtient alors une absorption.
information non seulement sur l’amplitude du signal transmis
mais aussi sur le déphasage induit par l’échantillon. Dans ce cas, Dans le cas d’un échantillon homogène, plan et à face parallèle,
cela revient à effectuer une mesure de spectroscopie en amplitude isotrope, non magnétique et sans charge de surface, qui de plus

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Signal mesuré [u.a]


Air

2
Temps [ps]

Figure 2 – Impulsions térahertz transmises par un échantillon lors d’une caractérisation par spectroscopie THz-TDS et signaux temporels de
référence et mesuré en présence d’un échantillon de verre BK7 de 1,6 mm d’épaisseur (les flèches pointent les positions des deux premiers
échos de l’impulsion térahertz induits par l’échantillon)

présente une réponse électromagnétique linéaire, son coefficient


de transmission T(ω) peut s’exprimer en fonction de l’indice de
réfraction complexe du matériau le constituant :

(3)

avec

(4)

où d est l’épaisseur de l’échantillon. Pour simplifier l’écriture,


nous avons écrit n(ω) = n = n – jκ et nous avons supposé que
l’échantillon baigne dans l’air. FP(ω) représente la contribution des
échos dans l’échantillon (effet Fabry-Pérot, figure 2). Remarquons
que ces expressions ne sont valables que pour un faisceau Fréquence [THz]
térahertz parallèle (onde plane) et éclairant l’échantillon sous inci-
dence normale. Si l’échantillon est suffisamment épais, on peut
limiter la fenêtre d’enregistrement temporelle autour de la pre- Figure 3 – Paramètres optiques du cristal LaAlO3
mière impulsion transmise. Dans ce cas, l’expression de la fonc-
tion de transfert est largement simplifiée puisque FP(ω) = 1.
Toutefois, cette procédure limite la résolution fréquentielle de Lorsque l’échantillon à mesurer n’est pas suffisamment transpa-
l’étude. Par ailleurs, si les échantillons sont optiquement fins, les rent, voire même opaque du fait d’une épaisseur importante ou
différents échos présents sur la mesure temporelle se che- d’une absorption élevée, une mesure en réflexion est requise. Le
vauchent, et la simplification précédente n’est plus possible. Dans protocole expérimental est alors proche du précédent et deux
le cas d’un matériau anisotrope, les équations (3) et (4) sont mesures doivent être effectuées dont l’une en présence de
valables si le champ térahertz est polarisé rectilignement suivant l’échantillon. La mesure de référence sera obtenue ici en rempla-
l’axe diélectrique à sonder du matériau. L’extraction de l’indice de çant l’échantillon par une surface parfaitement réfléchissante,
réfraction du matériau se résume alors à résoudre donc métallique, positionnée à l’exacte position de l’échantillon.
l’équation suivante : Si l’échantillon est suffisamment épais ou absorbant, seul le
signal réfléchi à l’interface air-échantillon est mesuré (pas de
(5) réflexion interne), et résoudre analytiquement le problème élec-
tromagnétique inverse Rmes(ω) = Rtheo(ω, n) devient très facile.
Pour une pulsation ω donnée, c’est une équation à une inconnue Pour une incidence normale, on obtient :
complexe, c’est-à-dire , puisque l’épaisseur d de
l’échantillon est en général connue. L’indice de réfraction peut
alors être déterminé par une méthode numérique de type (6)
Newton-Raphson. La figure 3 présente à titre d’exemple l’indice
de réfraction et le coefficient d’absorption d’un échantillon de r(ω) est le module du coefficient de réflexion mesuré et φr(ω) sa
LaAlO3 de 1 mm d’épaisseur déterminé par cette procédure. phase (Rmeas(ω) = r (ω)ejφr (ω)).

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_____________________________________________________________________________________________ ONDES ÉLECTROMAGNÉTIQUES TÉRAHERTZ

Bien qu’une mesure en réflexion soit possible et en théorie


aussi aisée à mettre en place qu’en transmission, elle présente
des inconvénients majeurs :
– nécessité de positionner l’échantillon et le miroir de référence
très exactement à la même position afin de pouvoir déterminer
précisément le déphasage induit par l’échantillon, au risque de
voir une erreur de positionnement engendrer un déphasage de

Absorption [cm–1]
l’ordre de grandeur de celui recherché, ce qui dégrade fortement la
précision de la mesure ;
– sensibilité et précision moindres, du fait d’une interaction
onde-matériau limitée au niveau de l’interface (en transmission,
l’interaction a lieu sur la totalité de l’épaisseur de l’échantillon) ;
– sensibilité plus grande à la qualité (planéité par exemple) et à
l’orientation de la surface de l’échantillon. 2
1.2 Application à la spectroscopie
de matériaux Fréquence [GHz]

1.2.1 Mesures THz-TDS Figure 4 – Indice et absorption térahertz d’un échantillon composé
d’un mélange d’acide bromo-cinnamique et de PEHD
La technique de THz-TDS décrite au paragraphe précédent per-
met de caractériser avec précision un grand panel de matériaux
modes de vibration de la molécule et donc de son spectre de raies
qu’ils soient en phase liquide, solide ou gazeuse, au sens où il est
(figure 5a). La position du radical va par ailleurs aussi modifier
non seulement possible de mesurer la transmittance d’un échan-
« le centre de gravité » de la molécule et de ce fait modifier ses
tillon, mais aussi d’extraire les paramètres (indice de réfraction et
modes de vibration comme illustré sur la figure 5b. Sur ces figures
coefficient d’absorption) du milieu qui le constitue. Les échantil-
et à des fins de clarté, seules les courbes d’absorption des molé-
lons sont en général caractérisés en transmission du fait d’une
cules ont été représentées.
précision meilleure qu’en réflexion. La figure 4 montre les résul-
tats obtenus avec un échantillon composé d’un mélange compressé La figure 6 montre l’indice de réfraction et l’absorption du silicium
de poudres d’acide bromo-cinnamique et de PEHD. Comme précisé déterminés pour des échantillons présentant des types (donneur = N
précédemment, le PEHD sert à des fins de dilution. En utilisant la et accepteur = P) et des niveaux de dopage différents ; les points
méthode décrite au paragraphe 1.1.2, l’indice de réfraction mais correspondent aux résultats expérimentaux alors que les traits
aussi l’absorption du matériau constituant l’échantillon sont obte- continus représentent un ajustement par le modèle de Drude, qui
nus. On remarque sur la figure 4 la position fréquentielle des raies est le modèle classique de conductivité ohmique des métaux et
d’absorption de l’acide bromo-cinnamique, non seulement sur la semi-conducteurs dopés. Cette figure 6 illustre de façon non équi-
courbe de l’absorption mais aussi sur celle de l’indice de réfrac- voque l’importance des porteurs libres dans le comportement des
tion, ces deux paramètres étant liés par les relations de Kramers- paramètres matériaux des semi-conducteurs dans le domaine
Kronig. Les modes de rotation-vibration responsables de ces pics térahertz : en fonction du dopage, un semi-conducteur pourra ainsi
d’absorption dépendent fortement du poids atomique des atomes être transparent (comportement diélectrique) ou opaque (comporte-
constituants la molécule. Ainsi, en changeant le radical brome par ment métallique). Par ailleurs, les fréquences de résonance plasma
un radical fluor ou chlore, on constate une modification des dans les semi-conducteurs dopés se situent dans le domaine des
Absorption [cm–1]

Absorption [cm–1]

Fréquence [GHz] Fréquence [GHz]

Figure 5 – Absorption térahertz de différentes molécules proches et de différents isomères de l’acide bromo-cinnamique

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J8015

Spectromètres RMN de paillasse


pour l’analyse en ligne de réactions
en flux continu

par Patrick GIRAUDEAU


2
Professeur à l’Université de Nantes, Membre junior de l’Institut Universitaire de France
Université de Nantes, Laboratoire CEISAM, UMR CNRS 6230, Nantes, France

et François-Xavier FELPIN
Professeur à l’Université de Nantes, Membre junior de l’Institut Universitaire de France
Université de Nantes, Laboratoire CEISAM, UMR CNRS 6230, Nantes, France

1. Chimie en flux vs Chimie en batch.............................................. J 8 015 – 2


1.1 Définition et sémantique .................................................................... — 2
1.2 Principales différences entre flux et batch ........................................ — 2
2. Spectromètres RMN de paillasse ................................................. — 3
3. Suivi réactionnel par RMN BC 1H................................................. — 6
19
4. Suivi réactionnel par RMN BC F ............................................... — 7
5. Suivi réactionnel par RMN BC 2D................................................ — 8
6. Utilisation de RMN BC dans des réacteurs en flux
autonomes ........................................................................................ — 8
7. Conclusion........................................................................................ — 10
8. Glossaire ........................................................................................... — 13
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 8 015

C ontrairement à la biologie qui utilise massivement des techniques d’auto-


matisation depuis les années soixante-dix, la chimie de synthèse a été plus
réticente à s’ouvrir aux nouvelles technologies. Alors que la chimie de synthèse
a fortement bénéficié de l’amélioration des outils analytiques, notamment grâce
à l’apparition des spectromètres de résonance magnétique nucléaire (RMN)
dans les laboratoires de recherche dès les années soixante-dix, elle n’a que
peu bénéficié d’outils technologiques pour conduire des réactions chimiques.
Si Marcelin Berthelot (1827-1907), l’un des plus éminents chimistes français du
XIXe siècle, venait à visiter un laboratoire de recherche en chimie organique du
XXIe siècle, il s’apercevrait que, comme lui 150 ans auparavant, les chimistes
utilisent toujours de la verrerie standardisée pour conduire les réactions chimi-
ques. Cette situation s’explique par le fait que les chimistes de synthèse ont
naturellement privilégié l’étude du contenu (mélange réactionnel) que du conte-
nant (réacteur, dispositif expérimental…). Bien entendu, cette situation quelque
peu caricaturale tend à évoluer de plus en plus rapidement.
L’un des premiers tournants a été l’utilisation des synthétiseurs de pepti-
des automatiques dans les années quatre-vingt-dix suivi par l’arrivée des réac-
teurs microondes comme dispositifs de chauffage alternatif aux méthodes
Parution : juin 2019

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121
Référence Internet
J8015

SPECTROMÈTRES RMN DE PAILLASSE POUR L’ANALYSE EN LIGNE DE RÉACTIONS EN FLUX CONTINU ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

traditionnelles basées sur une convection électrique. Toutefois, il a fallu atten-


dre les années 2000 pour profondément modifier les techniques de synthèse
traditionnelles avec l’apparition de la chimie en flux miniaturisée. Cette dernière
a révolutionné la façon d’appréhender la conduite de réactions chimiques,
notamment car elle permet d’atteindre des réactivités impossibles jusqu’alors
dans des conditions de sécurité accrues. Désormais, de nombreux laboratoires
académiques et industriels se sont équipés d’appareillages commerciaux.
Dans le même temps, la RMN a opéré un « retour vers le futur » spectaculaire
avec le développement et la commercialisation de spectromètres de paillasse
fonctionnant à bas champ entre 40 et 80 MHz pour le proton. Ces fréquences
de résonance étaient typiquement celles utilisées dans les années soixante-dix
mais avec des appareils ne bénéficiant pas de la miniaturisation des spectromè-
2 tres de paillasse modernes. Pour atteindre ce degré de miniaturisation, la phy-
sique associée à ces nouveaux dispositifs a été singulièrement modifiée par
rapport aux appareils traditionnels fonctionnant à haut champ. Ces nouveaux
spectromètres de paillasse laissent entrevoir une révolution dans divers domai-
nes des sciences chimiques et notamment pour l’analyse en temps (quasi)réel
de transformations chimiques.
Cet article traite de l’utilisation des spectromètres de paillasse (donc transpor-
table) fonctionnant à bas champ magnétique pour le suivi réactionnel de trans-
formations conduites dans des réacteurs en flux continu. Ce domaine de
recherche émergent a déjà conduit à des avancées spectaculaires et devrait
conduire à moyen terme à des dispositifs de synthèse embarqués ou portatifs.
Un glossaire en fin d’article regroupe les définitions importantes ou utiles à la
compréhension du texte.

1. Chimie en flux vs Chimie 1.2 Principales différences entre flux


et batch
en batch Il existe plusieurs différences majeures entre un procédé en
batch et un procédé en flux que ce soit au niveau de l’expression
de certains paramètres ou en termes de phénomènes physiques
1.1 Définition et sémantique inhérents à chacun de ces deux procédés.
Stœchiométrie. En batch, celle-ci est définie par les quantités de
La synthèse ou chimie en flux continu est le terme utilisé par les
matières de chaque réactif ajoutées dans le réacteur. En flux, la
chimistes de synthèse pour décrire le procédé par lequel des réac-
stœchiométrie est définie par la concentration des réactifs et le
tifs sont mis en commun de façon continue et circulent dans un
débit de leur écoulement respectif.
fluide pendant un temps donné. Les ingénieurs en procédés parlent
plutôt de réacteurs continus avec toutefois une classification beau- Temps de réaction. En batch, le temps de réaction est défini par
coup plus rigoureuse tenant compte également de la nature de la le temps de contact nécessaire entre les réactifs pour atteindre le
forme du réacteur, de la nature de l’écoulement et de l’agitation. taux de conversion souhaité (idéalement 100 %) en produit attendu.
Par opposition, les chimistes de synthèse décrivent la chimie en En flux, le temps de réaction est appelé temps de résidence t R puis-
batch comme le procédé par lequel des réactifs sont mis en com- qu’il est déterminé par le rapport entre le volume du réacteur et le
mun dans une enceinte et mis sous agitation pendant un temps débit du fluide circulant.
donné. De leur côté, les ingénieurs procédés parlent plutôt de réac- Rendement – Productivité. Le calcul du rendement en batch est
teur (ou cuve) fermée, tout en tenant compte également de la une étape quasiment obligatoire pour évaluer l’efficacité d’une trans-
nature de l’agitation. formation. Il est généralement calculé sur produit purifié et défini
Par ailleurs, une certaine confusion apparaı̂t lorsque les termes comme la quantité de matière obtenue sur la quantité de matière
de micro- ou milli-réacteurs sont utilisés. Ces deux termes définis- que l’on devrait obtenir dans le cas d’une transformation totale des
sent en réalité la taille des canaux dans lesquels circule le fluide. réactifs en produit. En flux, il est possible de calculer un rendement
Ainsi, il est communément admis qu’un réacteur microfluidique après avoir mis en contact une quantité de matière définie pendant
possède des diamètres de canaux compris entre 10 et 500 mm un temps donné. Toutefois, le calcul de la productivité est souvent
alors que pour des tailles supérieures, allant jusqu’à quelques mil- plus pertinent dans le cas d’un processus en continu. La productivité
limètres, on parle de réacteurs millifluidiques. exprimée comme la quantité de matière obtenue par unité de temps

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J8015

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– SPECTROMÈTRES RMN DE PAILLASSE POUR L’ANALYSE EN LIGNE DE RÉACTIONS EN FLUX CONTINU

est définie comme le produit de la concentration de la solution en difficultés, il est possible d’immobiliser un réactif solide au sein
produit par le débit du fluide circulant. Il est possible d’exprimer la d’une cartouche [8] ou de plonger le réacteur dans un bain à ultra-
productivité en la rapportant à une unité de volume en prenant en sons [9] pour éviter la formation de particules solides. Dans tous
compte le volume du réacteur. Cette expression de la productivité les cas, une étude préalable doit être menée pour chaque transfor-
est communément appelée space-time-yield par les Anglo-Saxons. mation afin de s’affranchir ou de limiter les phénomènes de bou-
chage par des particules insolubles.
Agitation – Mélange – Transfert de matière. L’agitation d’un réac-
teur fermé est une problématique complexe. En laboratoire de recher-
che, l’agitation est souvent réalisée à l’aide d’un barreau magnétique
recouvert de téflon, de taille et forme adaptées au réacteur utilisé.
L’agitation est souvent une des sources majeures (souvent sous-esti- 2. Spectromètres RMN
mée) de non-reproductibilité d’une transformation. Le régime turbu-
lent de ce type d’agitation conduit à des gradients de concentration de paillasse
(et de chaleur) au sein de l’enceinte réactionnelle. Le transfert de

2
matière en flux peut-être bien plus efficace grâce à l’emploi de mélan-
geurs ou de réacteurs au design varié [IN 94].
La nature non invasive de la détection RMN est un atout considé-
Transfert de chaleur. Dans le cas d’une convection électrique tra- rable pour le suivi de réactions en ligne en comparaison de la chro-
ditionnelle, le transfert de chaleur au milieu réactionnel est assuré matographie liquide ou gazeuse, notamment pour la détection de
par les parois du réacteur. Un réacteur en flux possède un ratio composés hautement réactifs susceptibles de réagir avec la phase
entre la surface de contact et le volume bien plus élevé qu’un réac- immobilisée des colonnes chromatographiques. La spectroscopie
teur en batch à taille équivalente. Pour s’en convaincre, il suffit de RMN est utilisée depuis de nombreuses années pour le suivi en
comparer la surface de contact entre un ballon en verre communé- ligne de réactions chimiques, grâce à sa capacité à fournir de pré-
ment utilisé dans les laboratoires de recherche pour les réactions cieuses informations structurales ainsi que des données quantitati-
en batch avec un simple réacteur tubulaire du même volume. ves justes et précises. La RMN à haut champ (HC) a longtemps
L’amélioration du transfert de chaleur en flux se traduit bien sou- constitué l’outil privilégié, via l’utilisation de sondes RMN dédiées
vent par des cinétiques réactionnelles (lorsque celles-ci sont dépen- à l’analyse en flux [10] ou plus récemment grâce au développement
dantes d’une activation thermique) considérablement améliorée. de tubes en flux compatibles avec une configuration RMN de rou-
Inversement, les réactions exothermiques sont mieux contrôlées tine [11]. Attention, il s’agit ici de l’analyse qui est en flux et non la
car la dissipation de la chaleur par les parois du réacteur en flux réaction, par prélèvement du milieu réactionnel agité en cuve fer-
est favorisée par rapport à un réacteur en batch. mée. Bien que la RMN HC bénéficie d’une sensibilité et d’une réso-
lution relativement élevées, les spectromètres HC sont difficilement
Exemple compatibles avec la chimie en flux. En effet, ces équipements lourds
Il est possible de comparer la surface de contact entre un réacteur et coûteux sont généralement installés dans des laboratoires dédiés
fermé et un réacteur tubulaire en flux contenant le même volume de et pilotés par un personnel spécialisé. À l’inverse, la RMN à bas
solvant. La surface de contact d’un réacteur fermé en verre de forme champ (BC), basée sur l’utilisation de petits aimants permanents,
cylindrique de rayon r rempli à moitié de solvant équivaut à S = 2pr 2. permet de contourner ces inconvénients grâce à une taille réduite
Pour ce qui est d’un réacteur en flux tubulaire, la surface de contact qui rend les instruments de mesure compatibles avec un environne-
correspond à l’aire de la surface courbe de rayon r et de longueur L ment de synthèse organique (utilisation sous hotte standard).
exprimée par S = 2prL. Dans le cas d’un volume utile de 2,5 mL, le Pendant plusieurs dizaines d’années, la RMN à bas champ a été
réacteur cylindrique possède des cotes standardisées avec un rayon limitée à la relaxométrie, utilisant des aimants permanents à bas
d’environ r = 1,6 cm. La surface de la demi-sphère est donc de champ (0,5 T) dont l’homogénéité n’est pas suffisante pour acqué-
16 cm2. Pour ce qui est d’un réacteur tubulaire, la surface dépend du rir des spectres RMN avec une résolution acceptable. Dans le cas
diamètre interne. Afin de calculer une surface moyenne, un rayon de de la relaxométrie, l’information pertinente consiste en une distri-
0,25 mm est utilisé pour le calcul. Dans ce cas, la longueur du tube est bution des temps de relaxation obtenue par déconvolution du
de L = 13,5 m pour obtenir un volume de 2,5 mL. La surface calculée signal de précession libre FID (Free Induction Decay). Bien que
est donc dans ce cas de 212 cm2, c’est-à-dire 13 fois supérieure à la cette approche ait été utilisée pour le suivi de réactions chimiques
surface calculée pour le ballon en verre. Ce calcul n’est qu’une gros- en temps quasi-réel [12] [13], elle apparaı̂t limitée à certaines clas-
sière approximation car dans le cas d’un mélange réactionnel de ses de réactions où les réactifs et les produits sont caractérisés par
250 mL par exemple, la taille du réacteur fermé est de l’ordre de des régimes de relaxation significativement différents.
500 mL alors que le même réacteur tubulaire de 2,5 mL peut tout à
fait être utilisé dans un procédé en flux continu. Dans ce cas, la sur- Plus récemment (dans les années 2010), une nouvelle génération
face de surface de contact du réacteur en flux pour 250 mL de volume de spectromètres RMN à bas champ est apparue comme une alter-
réactionnel est 130 fois supérieure à celle du réacteur fermé. native prometteuse. Ces spectromètres RMN dits « de paillasse »
(benchtop) sont également basés sur des aimants permanents,
mais dont l’homogénéité est devenue suffisante pour réaliser
Pression. Lorsque l’écoulement au sein d’un réacteur micro- et l’acquisition de spectres RMN classiques avec une résolution
milli-fluidique est assuré par des pompes issues ou dérivées de acceptable [14]. Depuis 2015, les spectromètres RMN de paillasse
systèmes HPLC, il est possible de travailler à des pressions allant ont ouvert de nouveaux marchés pour la RMN, rendant cette der-
jusqu’à plusieurs centaines de bar en toute sécurité grâce à l’utili- nière accessible à des environnements exigeants comme les sites
sation d’un régulateur de pression. De telles pressions ne sont de production ou les laboratoires de synthèse organique. Ces équi-
atteignables en batch qu’à l’aide d’autoclaves dans des conditions pements compacts, disponibles commercialement auprès de plu-
d’utilisation et de sécurité bien plus complexes. La possibilité de sieurs fournisseurs, ont l’avantage d’un coût raisonnable (de 50 à
pouvoir travailler sous hautes pressions et hautes températures 100 k€, contre plusieurs millions d’euros pour les spectromètres à
dans des conditions de sécurité optimales, a permis de développer très haut champ) et d’un coût de fonctionnement quasi négligeable.
des procédés en conditions supercritiques [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7]. Les spectromètres de paillasse ne nécessitent pas de fluides cryo-
Dans ces conditions, les propriétés des solvants et des réactifs géniques, étant construits à partir d’aimants permanents constitués
sont profondément modifiés. d’alliages de terres rares. Les équipements commerciaux actuels
Réaction avec des solides. L’une des limitations des réacteurs en utilisent des champs magnétiques entre 1 et 2 T, correspondant à
flux concerne l’utilisation de réactifs solides ou la formation de sels une fréquence de résonance 1H entre 40 et 80 MHz.
ou de précipités au cours de la réaction qui peuvent boucher les Les spectromètres RMN de paillasse ont ouvert la voie à de nou-
canaux de faibles diamètres internes. Pour remédier à ces velles applications de la RMN dans les domaines du suivi

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