L'intelligence Économique Et Son Exercice

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L’intelligence économique et son exercice

Fontanel, J., (2004), Intelligence économique et son exercice, Séminaire


Université Pierre Mendès France de Grenoble et Université d’économie et des
finances de Saint-Petersbourg, FINEC-, 21 Septembre.

Résumé : L'information est une source incontestable de compétitivité des


entreprises dans une économie fondée sur le savoir. Elle permet la déstabilisation
des concurrents, dans le cadre d’une « guerre de l’information » dont les armes
portent sur la connaissance et le renseignement sur les stratégies des acteurs
internationaux ou nationaux. L’information bien ciblée constitue un
investissement essentiel dans le système de concurrence internationale.
L’intelligence économique est un exemple « d’économie mixte ». Le système de
l’Advocacy Policy ou du « War room » du Département de Commerce permet de
soutenir l’action des entreprises nationales par l’apport d’informations ciblées et
d’aide à la gestion des problèmes administratifs. Cependant, l’intelligence
économique est une arme redoutable qui révolutionne les conditions de la
compétition mondialisée des échanges.. Les maladies de l'intelligence économique
sont l'espionnage industriel (illégalité dans la recherche de l'information, atteinte à
la vie privée), les virus, le piratage informatique, les écoutes téléphoniques.

Mots clés : Intelligence économique, espionnage industriel, concurrence


internationale, information, économie mixte.

La globalisation économique produit une diffusion rapide des technologies, que


les entreprises innovatrices n’ont pas toujours la possibilité de contenir sans
l’application, souvent complexe, de textes de lois nationaux ou internationaux
(notamment par le canal de l’Organisation mondial du Commerce ou de
l’Organisation mondiale de la propriété industrielle). Elle favorise la
concentration de la matière grise, la nécessité des démarches innovatrices, l’essor
des réseaux de savoir et l’organisation de pratiques collectives. L'information est
une source incontestable de compétitivité des entreprises dans une économie
fondée sur le savoir. Elle permet la déstabilisation des concurrents, dans le cadre
d’une « guerre de l’information » dont les armes portent sur la connaissance et le
renseignement sur les stratégies des acteurs internationaux ou nationaux.
L’information bien ciblée constitue un investissement essentiel dans le système de
concurrence internationale.
La SCIP (Society of Competitive Intelligence Professionals) définit
l'intelligence économique comme un processus de gestion d’un environnement
compétitif, développé par les directeurs des entreprises, en vue construire leurs
stratégies technologiques, commerciales et de recherche, selon des procédés
légaux et éthiques1. L’intelligence économique implique la mise en place d’un
système cohérent de production de savoir, en vue de réduire l’incertitude dans les
stratégies d’entreprise à conduire, et de protection de l'information interne (afin
de maintenir dans le secret les décisions qui concernent directement ou

1
Wang Qi, 2003, What is Intelligence Work, Conférences "Intelligence économique : recherches
et applications, avril .
indirectement les concurrents. Si l'intelligence économique n’est pas synonyme
d’espionnage industriel, c’est, dans le meilleur des cas, un système de recueil
légitime de l’information, soutenu par un traitement spécifique et orienté en vue
de produire des renseignements. Elle est organisée autour du développement et de
la compétitivité des entreprises, non seulement pour elle-même, mais aussi dans le
cadre d’une réflexion « territoriale » concernant les Technologies de l'information
et la communication (TIC). Au niveau le plus élevé, celui de la sécurité d’un pays,
les entreprises nationales sont en relations étroites avec les impératifs de sécurité
et de défense d’un Etat et de son économie. La force ou la faiblesse des unités de
production nationales constitue facteur de réduction de l’indépendance et de la
force d’une nation. Le gouvernement des Etats-Unis a souvent utilisé le critère de
la défense nationale pour conduire une politique industrielle2. Les grands
entreprises américaines ont bénéficié de contrats de R&D très importants, lesquels
ont souvent permis à celles-ci d’acquérir de nouvelles compétences applicables
aussi au domaine civil, au moins dans le long terme.

L’intelligence économique, une relation nécessaire avec le secteur


public

L’information est d’abord une production de richesse, celle du savoir dans un


milieu concurrentiel. Le possesseur de l’information peut mieux « informer » sa
décision et la rendre plus rigoureuse et plus cohérente.
Pour le gouvernement des Etats-Unis, pour lequel il est impossible de distinguer
les intérêts stratégiques des intérêts économiques. la révolution de l’information
est un atout économique considérable3. Elle est à la pointe des innovations, un
facteur indéniable de flexibilité des entreprises. Le marché américain est
hégémonique dans la gestion des autoroutes de l’information. Dans le domaine
des communications, ce pays dispose de plus de 40 % des investissements
mondiaux en termes de recherche-développement, ce qui favorise l’essor de ses
technologies, de ses standards, de sa culture. C’est un instrument de puissance qui
favorise le développement des entreprises américaines. Le gouvernement
américain est impliqué directement dans l’essor de ce secteur, notamment en
prônant une législation adaptée, nationalement et internationalement. Il fait de la
géoéconomie une réalité stratégique quotidienne4. Il existe une concertation
permanente entre les milieux d’affaire et la Maison Blanche, laquelle tente
d’imposer des règles qui s’appliquent ensuite à l’ensemble du monde. Le Sénat a
demandé la « criminalisation » de l’espionnage économique sur le sol américain.
L’Etat met ses capacités de renseignement de contre-intelligence
((counterintelligence) au service des entreprises américaines.
De nouvelles formes de criminalité économique (notamment le « hacking », le
chantage auprès des institutions bancaires, la désinformation) sont aujourd’hui

2
Fontanel, J., Bensahel, L. (2002), in Globalisation économique et sécurité internationale.
Introduction à la géoéconomie. (Edition Jacques Fontanel, Avant-propos de K.Arrow), Côté
Cours, Grenoble, décembre 2002.

3
Documentation Service (2000), Remarks by U.S. Commerce Secretary William Daley, Lisbon,
June 1, Notes on Economic Affairs, U.S. Embassy in France, n° 9, June 7.
4
Fontanel, J. (2005), La globalisation en « analyse ». Géoéconomie et stratégie des acteurs,
L’Harmattan, Paris.
favorisée par l’essor d’Internet. En 1991, la CIA a élargi ses mandats de la lutte
contre la drogue et le crime organisé aux pratiques déloyales et aux méthodes
frauduleuses des firmes commerciales, dans le cadre de sa mission de lutte contre
« l’intelligence ennemie ». Il s’agit d’aider le développement économique des
Etats-Unis et l’Etat se propose, dans le cadre de National Export Strategy,
d’identifier et de sécuriser les opportunités d’exportation et d’investissement des
entreprises américaines dans le monde.
L’intelligence économique est un exemple « d’économie mixte ». Le système de
l’Advocacy Policy ou du « War room » du Département de Commerce permet de
soutenir l’action des entreprises nationales par l’apport d’informations ciblées et
d’aide à la gestion des problèmes administratifs. Toute l’information utile pour les
agents économiques américains est alors recueillie. Le renseignement est l’ami
indispensable de l’intelligence économique. Cependant, l’Advocacy Center
ressemble parfois à une machine de propagande pour le commerce américain
plutôt qu’un centre d’observation stratégique du commerce international. En
outre, chaque entreprise crée son propre système, à la recherche de l'information
orientée sur le court terme et dans le domaine étroit de son activité.
Le Japon est considéré comme une référence en matière d'intelligence
économique, car il est le premier à avoir compris l'importance de l'information, à
l'avoir organisée comme instrument de compétitivité et à avoir inscrit la veille
technologique dans la Constitution. L'organisation de la veille stratégique au
Japon repose sur le triptyque "Etat- entreprise- citoyen". Pour les Japonais, la
veille technologique est la première phase de la création et commercialisation de
tout produit. En revanche, les sociétés européennes sont plus enclines à
sauvegarder leurs informations qu’à les chercher à l’extérieur, sauf peut-être dans
le secteur militaire.
L’information a besoin d’une connectivité suffisante pour fournir l’accès à
l’information externe et interne nécessaire aux acteurs économiques, d’une grande
qualité de synthèse d’une information hétérogène, d’organiser une « puissance
cognitive » des entreprises et de l’Etat et de renforcer les axes de sécurité pour
réduire les dangers d’effondrement des réseaux financiers, énergétiques, de
communication et de transport.
L’information est un élément de la chaîne de valeur lorsqu’elle est construite
par des réseaux et partagée, alors que le renseignement relève plus d’un partage
entre initiés. Pour passer du renseignement à l'intelligence économique, un besoin
d’éthique apparaît. Les freins repérés au développement de l'intelligence
économique sont :
- Le manque de communication et de coordination de l'ensemble des sous-
systèmes constituant les tissus nationaux d'intelligence, le cloisonnement
entre collecte, transformation, analyse et utilisation de l'intelligence au
sein des nations et la mauvaise gestion du secret.
- Le recrutement limité des sources, un manque de formation et de
sensibilisation des agents nationaux et la faible participation des médias,
- La gestion désordonnée des connaissances et des patrimoines culturels des
nations et l a faible aptitude faible à utiliser et à valoriser l'information
immédiatement disponible dans la courte durée.
La France se caractérise par une méfiance vis-à-vis de l'intelligence
économique que l'on associe souvent à l'espionnage. Confrontés à la compétition
internationale, les grands groupes industriels français développent cependant leurs
propres dispositifs d'intelligence économique. Depuis 2045, il existe aujourd’hui
une Délégation générale de l’intelligence économique (au sein du Ministère de
l’Economie et des Finances) qui fournit au gouvernement et aux entreprises des
analyses et des réflexions prospectives en matière économique, financière,
industrielle et commerciale. Il s’agit de soutenir le gouvernement dans ses choix
stratégiques dans le domaine de l’économie mondiale, d’organiser une veille
concurrentielle, de construire les outils adaptés à la mise à disposition de ces
informations aux entreprises, d’anticiper, les événements, les évolutions ou les
décisions des acteurs internationaux et de proposer des contre-mesures discrètes,
susceptibles de ne pas faire l’objet de contentieux internationaux.

L’intelligence économique au service de la Nation

L'intelligence économique est de plus en plus concernée par les aspects


sécuritaires, du fait du déplacement des conflits vers les contraintes économiques.
Dans cette conception, la nation et l'entreprise ont les mêmes préoccupations. La
guerre de l’information indique qu’aujourd’hui le contrôle de l’information est
aussi important que la supériorité aérienne lors des guerres précédentes. Il existe
un rapprochement entre le renseignement (ensemble de connaissances sur un
adversaire potentiel susceptibles de fournir un avantages comparatif intéressant
dans la définition des stratégies croisées) et l’intelligence économique (élément de
connaissance susceptible d'être codé, pour être conservé, traité ou communiqué).
Pour le gouvernement, le renseignement a pour objet de fournir des informations
sur la criminalité organisée, les migrations illégales, les zones de conflit ou les
technologies sensibles. Le renseignement de sécurité cherche à déterminer les
intentions et les moyens d'organisations hostiles, engagés dans des activités
d'espionnage, de sabotage, de subversion ou de terrorisme.
Le renseignement de défense a des spécificités propres, il a pour mission de
participer à la prévention des crises internationales et de procéder à des
évaluations de situation pouvant conduire à des actions militaires. Dans ce cadre
on distingue trois sortes de renseignements. D’abord, le renseignement stratégique
donne des informations nécessaires à la prise de décision au plan national ou
international. Il concerne les domaines de la biographie, économie, sociologie,
transports et télécommunications, géographie militaire, forces armées, politique,
science et technologie. Ensuite, le renseignement opérationnel est nécessaire pour
la planification et la conduite d'opérations visant des objectifs stratégiques. Il
s’intéresse aux moyens militaires, à la structure des forces, à la doctrine, à
l'armement et aux équipements et infrastructures. Enfin, le renseignement
tactique, nécessaire à l’action, porte sur la connaissance de l'ennemi ou des forces
en présence, il fournit des informations sur les circonstances géographiques et
atmosphériques, l'attitude de la population civile ou le terrain de l'opération.
Quatre actions principales concernent l'intelligence économique :
- La maîtrise du patrimoine scientifique et technologique et des savoir-faire
(identification, connaissance du droit, des règles et normes de la propriété
industrielle et immatérielle, application des règles de sûreté et de sécurité
industrielle, maîtrise des technologies de l'information, conscience des
coûts de l'information),
- La détection des opportunités et des menaces (anticipation du risque,
maîtrise des techniques de veille, application du cycle du renseignement,
perception de la réalité des rapports de force, recensement des
complémentarités, capacité de détection des réseaux, capacité de
déploiement offensif),
- La coordination des activités (sens du dialogue, culture collective de
l'information, combinaison opérationnelle de l'information fermée,
capacité de mobilisation des réseaux),
- Les pratiques d'influence (maîtrise des technologies de guerre de
l'information, valorisation de l'information, investissement dans
l'information, appropriation des réseaux d'information).
Dans ce contexte de rapports étroits entre puissance économique et puissance
militaire, la distinction entre renseignement et intelligence économique perd une
partie de sa pertinence. Si le renseignement est souvent engagé par les organismes
publics, l’intelligence économique est plutôt du ressort de l’ensemble des acteurs
économiques. Le rôle de l’Etat dans le domaine de l’intelligence économique
n’est pas de se substituer à l’entreprise. Il permet :
- d’intégrer le renseignement à caractère diplomatique, politique,
économique ou technologique dans le processus de décision au niveau du
gouvernement. L’Etat doit accomplir ces missions régaliennes,
- de maintenir son rôle de gardien du patrimoine économique et de
développement technologique,
- de renforcer son rôle de stratège, avec la mise d’une véritable doctrine de
sécurité économique,
- de développer les relations entre l’administration et le monde de
l’entreprise pour élaborer des stratégies globales,
- de garantir la sécurité des citoyens (notamment dans la lutte contre le
terrorisme ou l’économie criminelle).
Le concept de dominance stratégique » repose sur la capacité d’un Etat
d’interdire ou de dissuader un Etat rival de remettre en cause ses propres règles de
conduite et sa perception du monde. Le gouvernement des Etats-Unis se propose
de dégager une stratégie de « dominance cognitive » (Tableau 1), ce qui suppose
l’existence de méthodes de manipulation légales et compétitives, amis aussi grises
et clandestines.

Tableau 1 - Formes de stratégies de « dominance cognitive »5

Dominance cognitive légale Dominance cognitive grise et


et compétitive clandestine
Doctrine Propriété et contrôle de Prolifération clandestine de
3-13JCS l’infrastructure globale désinformations, destructions
(US)6 d’information permettant des infrastructures d’information
d’interdire des flux rivales
Capacités Meilleure coordination et Interdiction ou paralysie des
cognitives mobilisation spontanée des expertises adverses (discrédit) ;
expertises et des capacités contrôle de la formation des
cognitives individuelles et expertises (prosélytisme)
collectives

5
Baumard P., 2002 « Les limites d’une économie de la guerre cognitive », in La manipulation de
l’information , Harbulot C., Lucas D., Paris, Editions Lavauzelle.
6
La doctrine 3-13 (américaine) stipule qu'un Etat peut avec un système de commandement et de
contrôle centralisé, déconnecter à distance l'infrastructure d'information d'une puissance rivale.
Persuasion Gestion des parties Opérations psychologiques
prenantes de manière visant à masquer la réalité ou
ouverte et consultative favoriser une doctrine par le
leurre
Rentes Mesure d’incitation et de Restrictions de la mobilité de
cognitives récompense aux capitaux l’expertise avec intimidation et
intellectuels critiques et rétention des savoir-faire
gestion de la connaissance critiques
Défense Supériorité des systèmes Désinformation et manipulation
d’interprétation en temps des systèmes d’interprétation
réel permettant de rivaux ; production de
contrecarrer des stratégies connaissances déformées ;
de prolifération et manipulation des modèles
d’influence mentaux

De nombreuses entreprises font l’objet d’attaque par Internet, par des rumeurs
dont elles ont du mal à se défaire ou à se protéger. La désinformation est l'une des
formes sophistiquées de la criminalité. Les campagnes de désinformation ont trois
objectifs : un pourrissement des moyens psychologiques qui entraîne une
paralysie décisionnelle, une perte de réputation et de légitimité et la chute des
soutiens financiers. Dans le domaine militaire, il s’agit d’amener l’adversaire
potentiel sur son propre terrain. C’est ce que recherchent aussi les entreprises.

B) Le concept de veille technologique

La différence entre les notions de veille et d'intelligence économique est


difficile à saisir. La veille n'est qu'une des trois composantes de l'intelligence
économique avec les mesures de sécurisation de l'information et les actions
d’influence. Il semble que l'on parle plus d'intelligence économique au niveau de
l’Etat et de veille stratégique dans les entreprises. La veille stratégique est le
processus de recueil d’information qui décèle les faibles signaux de
l’environnement en vue de mettre en évidence des opportunités ou de réduire
l’incertitude. Il s’agit d’activer l’information disponible en vue d’améliorer la
compétitivité des firmes nationales. Ce n’est donc pas une accumulation
d'informations, mais la construction logique d’un savoir à des fins économiques et
géopolitiques. La « veille » implique l'acquisition d'information (détection et
l'accès aux sources), la transmission et le stockage et l’intelligence économique
(synthèse des informations utiles). Elle correspond à une approche passive de
recueil des informations. Il existe quatre types de veille, qui correspondent à des
domaines d'observation différents :
- La veille technologique concerne la recherche fondamentale, les acquis
scientifiques et technologiques issus de la recherche, les produits ou
services, les designs, les procédés de fabrication, les matériaux et filières,
les brevets et normes, les systèmes d'information, les prestations de service
qui servent l'image de l'organisation. Elle représente l'ensemble des
techniques qui organisent de manière systématique la collecte, l'analyse, la
diffusion de l'exploitation des informations techniques utiles à la
sauvegarde et à la croissance des entreprises. Elle met en évidence les
innovations concrètes ou potentielles d’un secteur industriel particulier,
notamment dans le domaine militaire.
-La veille marketing s'occupe des clients, des fournisseurs et sous-traitants,
des acheteurs et distributeurs et de la détection des nouveaux marchés.
- La veille concurrentielle traite des concurrents, leurs gammes de produits
et substituts, des circuits de distribution, des analyses de coût, des
organisations et cultures des entreprises rivales, de l'évaluation de la
direction générale des portefeuilles d'activité de l'entreprise. Elle permet de
connaître les savoir-faire des concurrents, leur technique de vente et
politique de communication.
- La veille stratégique et sociétale ou veille environnementale s'intéresse aux
aspects réglementaires, financiers et fiscaux, à l'environnement
économique, politique, social et aux ressources humaines. Elle correspond
au repérage des signaux faibles. Elle permet d'appréhender les tendances
de fond (long terme) ou superficielles (court terme).
D. Rouach7 a mis en évidence les différentes formes de "veilleurs", dont la
vigilance peut aller du "guetteur", en état constant d’alerte en vue d'une réaction,
au "chasseur", qui sait ce qu'il cherche en vue d'une action (Tableau 2).

Tableau 2 – Les types de veilleurs

Les État d'esprit Méthodes et Entreprises


types du modes d'action concernées
veilleur
Guerriers Esprit de guerre Outils sophistiqués, l'Oreal, ELF,
économique Méthodes variables Michelin, Boeing,
Lutte acharnée (charge d'éthique) Bouygues,
contre la Moyens illimités ou Dassault, Shell,
désinformation importants Motorola, Xerox,
Guerre des Équipe de leaders Canon, Toshiba,
brevets et des Mitsubishi
contrefaçons
Situation
offensive
Offensifs Anciens des Moyens importants Nestlé, Saint-
Services secrets Professionnalisme Gobain, Air
reconvertis et éthique Liquide,
Traitement Un veilleur "leader" Schneider,
pointus des Valorisation de Alcatel, Airbus
données et Human Intelligence
postes (contacts) "Humint"
d'analystes
Chasse à
l'information
stratégique
Actifs Construction Moyens limités Niveau de veille
d'un observatoire démarrage d'un des firmes
de la networking de françaises et des

7
Rouach D., 1999, La veille technologique et l’intelligence économique, PUF, Que sais-je ?
n°3086.
concurrence veille PME américaines
opérationnelle
Réactifs Opportunistes Réagir aux attaques majorité des PME
Budgets très limités françaises
Dormeurs pas d'actions Aveuglement et
spécifiques passivité

Se pose alors la problématique légalité-légitimité dans la pratique de


l’intelligence stratégique, qui se traduit par une classification des différentes
actions entre les actions normales, les actions de violence légale (légales mais
rejetées par la population), les actions informelles (illégales mais tolérées) et les
actions criminelles. L’intelligence économique pose le problème de la formation,
de la recherche et développement, de la production de savoir à haute valeur
ajoutée et de la protection juridique. Elle met également en lumière la nécessité
d’une organisation auprès du gouvernement afin de construire une institution
spécifique au service des entreprises et du gouvernement. Dans le cadre d’une
procédure négociée de désarmement, la question de l’intelligence économique ne
peut pas être ignorée des négociateurs, car il s’agit d’une activité déstabilisatrice
pour les acteurs8.

En conclusion

Les maladies de l'intelligence économique sont l'espionnage industriel (illégalité


dans la recherche de l'information, atteinte à la vie privée), les virus, le piratage
informatique, les écoutes téléphoniques. Les ordinateurs et autres systèmes
d’information et de communication forment alors les premières cibles.
L’intelligence économique est une arme redoutable qui révolutionne les
conditions de la compétition mondialisée des échanges.
Les Etats-Unis utilise beaucoup la société de l’information pour développer des
stratégies d’influence sur le plan économique ou culturel et notamment dans des
domaines où les manipulations de la connaissance sont nombreuses comme la lutte
anti-corruption, la défense de l’environnement, la santé alimentaire, la protection
sociale ou la protection de la démocratie. Dans le secteur militaire, la
désinformation est la règle9. Cependant, l’écart entre le militaire et le civil
diminue. Il en résulte un rapprochement net entre l’intelligence économique et le
renseignement militaire.

Bibliographie

Baumard, P. (1991), Stratégie et surveillance des environnements concurrentiels,


Ed. Masson, Paris.
Baumard P., 2002 « Les limites d’une économie de la guerre cognitive », in La
manipulation de l’information , Harbulot C., Lucas D., Paris, Editions Lavauzelle.

8
Fontanel, J., Ward, M. (2002), A hard look at the costs of peace, World Economics,Vol.3, n.2,
April-June 2002.
9
Fontanel, J., Bensahel, L. (2005), Intelligence économique bet sécurité militaire, Volume XXI,
Fascicule, 2, n° 54, Janvier
Carayon, B. (2003), Intelligence économique, compétitivité et cohésion sociale,
La Documentation française, Paris, Juillet 2003. 176 pages
Documentation Service (2000), Remarks by U.S. Commerce Secretary William
Daley, Lisbon, June 1, Notes on Economic Affairs, U.S. Embassy in France, n° 9,
June 7.
Fontanel, J., Bensahel, L. (2002), Les Stratégies de la guerre économique in
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Fontanel, J. (2005), La globalisation en « analyse ». Géoéconomie et stratégie
des acteurs, L’Harmattan, Paris.
Martre H. (1994), «Intelligence Economique et stratégie des entreprises»,
Rapport du Commissariat Général du Plan, La Documentation Française, Paris.
Paturel, R. (en collaboration avec J.L. Levet (1999), Intelligence économique et
stratégie des entreprises. Pour un management de l’intelligence économique,
Revue Intelligence Economique, n°5, Octobre.
Rouach D., 1999, La veille technologique et l’intelligence économique, PUF,
Que sais-je ? n°3086.
Wang Qi, 2003, What is Intelligence Work, Conférences "Intelligence
économique : recherches et applications, avril .

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