Balance Hydrique Et Sodée

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Balance hydrique et sodée

Bilan de l’eau et du sodium

J. Sumian et D. Grimaud

Introduction
L’eau est l’unique solvant des électrolytes de notre organisme. Elle est
ubiquitaire et représente les deux tiers de notre masse corporelle.
Deux solutés sont remarquables par le rôle qu’ils jouent dans les deux principaux
compartiments :
• le sodium, principal ion du secteur extracellulaire ;
• le potassium, principal ion du secteur intracellulaire.

Définitions (1, 2)

Osmose, pression osmotique et osmoles (3)


L’osmose est le principe de diffusion d’un solvant entre deux compartiments
de concentrations différentes à travers une membrane.

Osmolarité, osmolalité et tonicité plasmatiques


Osmolarité plasmatique
L’osmolarité plasmatique représente le nombre d’osmoles d’une solution
par litre exprimé en milli-osmoles par litre. L’osmolarité plasmatique calculée

C. Ichai et al., Désordres métaboliques et réanimation


© Springer-Verlag France 2011
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(OsmPc) est égale à la somme de toutes les substances osmotiques plasmatiques


(actives et inactives) dosées sur l’ionogramme sanguin, soit :
OsmPc = 2  Na + glycémie
+ urée (en mOsm/L de plasma),
normales = 280-295 mOsm/L
L’osmolarité plasmatique mesurée (OsmPm) est la concentration en mOsm/L
du compartiment plasmatique. Elle se mesure à partir de l’abaissement du point
cryoscopique. Elle mesure toutes les substances osmotiques actives et inactives
présentes dans le plasma. Elle est toujours supérieure à l’osmolarité plasmatique
calculée. La différence entre OsmPc et OsmPm représente le trou osmotique
(TO) :
TO = OsmPm – OsmPc (en mOsm/L).
La valeur normale du trou osmotique est inférieure à 10 mOsm/L. Lorsque
le trou osmotique est anormalement élevé, cela signifie qu’il existe en grande
quantité des osmoles non dosées par l’ionogramme sanguin comme le méthanol,
l’éthanol, l’éthylène-glycol et d’autres.

Osmolalité plasmatique
L’osmolalité plasmatique est la concentration en milli-osmoles par kilo
d’eau du compartiment plasmatique. Elle permet de s’affranchir des variations
de volume liées aux protéines et aux lipides. Sa valeur normale est comprise
entre 280 et 295 mOsm/kg d’eau.

Tonicité plasmatique
C’est la force qui détermine le mouvement net d’eau à travers les membranes.
Elle correspond à la somme des substances osmotiquement actives d’une solution
(en mOsm/L). Toute variation de tonicité dans un compartiment entraîne donc
des variations de volume du compartiment concerné. La tonicité plasmatique
représente la somme de toutes les substances plasmatiques osmotiques actives
dosées par l’ionogramme sanguin :
tonicité plasmatique = 2  Na + glycémie
valeurs normales = 275-290 mOsm/L de plasma.

Osmolarité calculée = 2 ⴛ Na + glycémie + urée (mOsm/L)


Osmolarité mesurée = somme de toutes les osmoles plasmatiques
mesurées par abaissement du point cryoscopique.
Tonicité = 2 ⴛ Na + glycémie
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Principes physiques

Équilibre de Gibbs-Donnan et pression oncotique


À cause de l’existence d’ions non diffusibles dans un compartiment aux côtés
d’ions diffusibles, il existe un gradient de pression osmotique transmembranaire.
C’est ce que l’on appelle la pression colloïdo-osmotique ou pression oncotique.
En physiologie humaine, la loi de Donnan se retrouve au niveau des capillaires
sanguins où les protéines sont des anions non diffusibles responsables d’une
pression oncotique retenant l’eau dans le capillaire. De plus, la loi de Donnan
rend la distribution des ions entre cellule et interstitium inégale, assurant ainsi
une différence de potentiel transmembranaire.

Principe de filtration
Soit deux compartiments liquidiens contenant une même concentration de
soluté et séparés par une membrane perméable à l’eau. Si on exerce une pression
hydrostatique sur un compartiment, un flux de solvant et de soluté se produit du
compartiment comprimé sans changement de concentration du soluté. Dans les
systèmes biologiques, les membranes sont le plus souvent dites semi-perméables,
c’est-à-dire imperméables aux macromolécules. Ainsi, il existe une séparation
solvant-soluté et une augmentation de la concentration des substances non filtrées
dans le compartiment où la pression hydrostatique est le plus élevée.

Ultrafiltration
Lorsqu’il existe une membrane perméable à l’eau et imperméable aux
solutés, la différence de pression hydrostatique entre les deux compartiments
entraîne uniquement un flux d’eau transmembranaire. C’est un ultrafiltrat.
Parfois, on a tendance à extrapoler cette définition à des systèmes complexes
qui utilisent une membrane perméable à certains solutés, semi-perméable à
d’autres et totalement perméable aux macromolécules.

Le principe de filtration est le principe d’échange utilisé


au cours de l’épuration extrarénale, appelé hémofiltration.

Compartiments de l’organisme (2)


L’eau corporelle se distribue en deux compartiments principaux :
intracellulaire et extracellulaire, ce dernier étant lui-même composé des secteurs
intravasculaire, interstitiel et transcellulaire.
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Compartiments extracellulaires (20 % de la masse


corporelle)

Compartiment sanguin (ou volume sanguin)


Le secteur intravasculaire correspond au plasma et représente de 30 à
35  mL/kg de poids, soit 25 % du liquide extracellulaire ou encore 5 % du
poids du corps. L’eau représente 93 % du volume plasmatique des vaisseaux
et des cavités cardiaques. Les substances dissoutes dans l’eau plasmatique sont
ionisées (cations et anions) et non ionisées (urée : 5 mmol/L, glucose : 0,8 g/L).
Le principal cation du plasma est le sodium (natrémie : 142 mmol/L). C’est le
principal déterminant de la pression osmotique plasmatique à l’état normal. Le
plasma contient des macromolécules (albumine : 40 g/L, globuline : 30 g/L) qui
représentent 7 % du volume plasmatique. Il contient des éléments figurés : les
globules rouges, les globules blancs et les plaquettes.

Le volume sanguin est composé en majorité d’eau, de substances dissoutes


et ionisées et non ionisées et de macromolécules.
Le sodium est le cation le plus important du compartiment sanguin.
Sa quantité en détermine le volume.

Compartiment interstitiel
Il se compose des espaces entourant les cellules, la lymphe et les tissus
conjonctifs. La masse d’eau interstitielle représente environ 15 % de la masse
corporelle ; ainsi, ce secteur représente 150  mL d’eau par kilo de poids. Ce
compartiment est un ultrafiltrat du plasma. La concentration en protéines est
donc très faible. La concentration des électrolytes dans le secteur interstitiel est
pratiquement égale à celle du plasma.

Compartiment intracellulaire
Il représente environ 40 % de la masse corporelle totale. La teneur en eau
est plus importante dans le tissu maigre que dans le tissu gras. Il faut donc
déterminer la masse graisseuse de l’organisme pour apprécier la teneur en eau
du tissu maigre. Le potassium est le cation prédominant (120 mmol/L). Ce
compartiment contient aussi de nombreuses protéines générant une certaine
pression oncotique.
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Échanges intercompartimentaux

Échanges entre les compartiments intracellulaire et extracellulaire


Le sodium est le principal ion extracellulaire osmotiquement actif et
il détermine ainsi le volume des liquides extracellulaires. En effet, il peut
diffuser passivement à travers les membranes cellulaires mais il est maintenu
de manière active hors de la cellule par la pompe Na+-K+ ATPase (échange de
2 Na+ contre 3 K+ générant le potentiel de membrane). D’autres transporteurs
membranaires du sodium existent : le symport glucose-Na+, l’antiport Ca2+-Na+
(rôle dans la contraction cellulaire) et l’antiport H+-Na+ (rôle dans la régulation
du pH intracellulaire). Ainsi, chacun des compartiments a un ion prépondérant
déterminant la pression osmotique (donc le volume) compartimentale. Il s’agit
du sodium pour le plasma et du potassium pour les cellules. Dans tous les
cas, l’osmolarité doit rester identique des deux côtés de la membrane cellulaire.
S’il se produit une variation d’osmolarité, elle sera corrigée par un mouvement
d’eau. Une augmentation de la natrémie entraînera donc une sortie d’eau de la
cellule vers le plasma.

Les mouvements d’eau à travers la membrane cellulaire


dépendent de la tonicité de chacun des compartiments.
À l’état physiologique, la tonicité intracellulaire est déterminée
par le potassium et la tonicité extracellulaire par le sodium.

Échanges entre le plasma et l’interstitium


Les échanges entre le plasma et l’interstitium se font à travers la membrane
capillaire qui est perméable à l’eau et aux substances dissoutes mais, normalement,
imperméable aux protéines. Une partie de ces échanges se fait grâce à la loi de
Starling : la pression donnant le sens du flux d’eau (P filtration) est la résultante
des pressions hydrostatiques et oncotiques qui s’opposent :
P filtration = (Pc – Pi) – (π p – πi)
où Pc et Pi sont les pressions hydrostatiques capillaire et interstitielle, et où
π p et π i sont les pressions oncotiques plasmatique et interstitielle (π i est
négligeable) :
• au niveau capillaire artériel, Pc > Pi + π p (environ 10 mmHg) : il existe un
mouvement d’eau du secteur intravasculaire vers l’interstitium ;
• au niveau capillaire veineux la pression hydrostatique vasculaire diminue : Pc
< Pi + π p, ce qui crée un mouvement d’eau en sens inverse, de l’interstitium
vers le secteur intravasculaire.
Le bilan de ces mouvements d’eau et de substances osmotiques est positif en
faveur du milieu interstitiel, ce qui aboutit à la formation de la lymphe.
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La formation des œdèmes correspond à une sortie d’eau du capillaire vers


l’interstitium.
Deux situations peuvent se présenter :
• augmentation Pc veineuse : phlébites et insuffisance cardiaque droite ;
• diminution π c par hypoprotidémie : syndrome néphrotique et dénutrition.

Balance hydrique

Entrées et sorties
Les entrées sont principalement alimentaires. Elles représentent en
moyenne 2  L/j. Le métabolisme cellulaire participe aussi en apportant entre
150 et 400 mL/j. Les besoins dépendent du métabolisme. Ils sont en moyenne
de 1  mL/kcal. Les pertes insensibles correspondent aux pertes cutanées et
respiratoires. Elles sont par définition difficilement quantifiables et varient avec
l’âge (très élevées chez le nouveau-né) mais aussi avec l’exercice physique et la
température. En moyenne, elles sont approximativement de 0,5 mL/kg/j (soit
de 800 à 1 000 mL pour un adulte de 70 kg). Les pertes sensibles sont les pertes
mesurables urinaires et fécales. Les pertes fécales sont très variables et sont de
l’ordre de 100 mL/j chez l’adulte. Les pertes sensibles sont donc principalement
urinaires et varient entre 0,5 et 1 mL/kg/h. C’est à ce niveau que va s’effectuer
la régulation fine des pertes hydriques.

Hydratation intracellulaire et natrémie (fig. 1)

La répartition de l’eau à travers les différents compartiments de l’organisme est


déterminée par la concentration des solutés de ces compartiments.
Le potassium est le principal cation responsable du volume intracellulaire.
Le sodium est le principal cation responsable du volume extracellulaire.
La pompe Na+-K+ ATPase maintient chacun de ces deux ions d’un côté de la
membrane cellulaire (osmoles actives).

Toute variation extracellulaire de la concentration en sodium (Na) entraîne


des mouvements transmembranaires d’eau par variation de tonicité. Ainsi, la
natrémie (déterminant la tonicité plasmatique) est le reflet de l’état d’hydratation
intracellulaire ( 3) :
• baisse Na ݁ baisse tonicité ݁ hyperhydratation intracellulaire ;
• augmentation Na ݁ augmentation tonicité ݁ déshydratation intracellulaire.
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Fig. 1 – Mouvements d’eau transmembranaires. Figure tirée de l’ouvrage coordonné par Kamran
Samii, Anesthésie Réanimation Chirurgicale, Ed. Flammarion médecines sciences, 1990, 1re édition.

A : la répartition égale des osmoles inactives entre les secteurs extra- et intracellulaire n’entraîne
pas de mouvement d’eau transmembranaire.

B : l’acculumation d’osmoles actives dans le secteur extra-cellulaire entraîne un mouvement d’eau


de l’intérieur vers l’extérieur de la cellule donc une déshydratation intracellulaire.

C : la diminution d’osmoles actives dans le secteur extra-cellulaire entraîne un mouvement d’eau


de l’extérieur vers l’intérieur de la cellule donc une hyperhydratation intracellulaire.

Pièges (4)
Si une hypernatrémie est toujours associée à une hypertonicité, une hyponatrémie
ne signe pas toujours une hypotonicité :
• en cas d’hyperprotidémie ou d’hyperlipidémie, la natrémie est abaissée (par
augmentation du volume plasmatique), c’est une pseudo-hyponatrémie
isotonique avec un volume intracellulaire normal ;
• en cas d’hyperglycémie sévère, la natrémie est abaissée mais la tonicité
plasmatique est augmentée, c’est une fausse hyponatrémie avec une
déshydratation intracellulaire.

De même, une variation d’eau plasmatique entraîne une variation de pression


osmotique qui entraîne un flux d’eau entre les secteurs intracellulaire et
extracellulaire :
• ઽ eau plasmatique ݁ baisse de la tonicité extracellulaire ݁ hausse du volume
intracellulaire
• ઻ eau plasmatique ݁ hausse de la tonicité extracellulaire ݁baisse du volume
intracellulaire donc déshydratation intracellulaire.
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Applications cliniques (5)


Elles sont synthétisées dans les tableaux I et II qui représentent les perturbations
élémentaires de l’hydratation intra- et extracellulaire.

Tableau I – Perturbations élémentaires : les déshydratations extracellulaire et intracellulaire.

Clinique Biologie Étiologie Traitement


Déshydratation extracellulaire
– Pli cutané Sang : Pertes iso-osmotiques Apports
– Hypotonie oculaire – Hémoconcentration d’eau et de NaCl iso-osmotiques d’eau
– Hypovolémie – (݀ hématocrite et – pertes digestives : et de NaCl
efficace : protidémie) • vomissements, diarrhée, – jamais d’eau sans
• Hypotension – Natrémie et chlorémie fistules, aspirations NaCl
artérielle normales gastroduodénales • voie orale si possible
• Baisse de la PVC – Hyperazotémie – pertes rénales : et/ou parentérale
• Oligurie – ݀ Créatininémie • insuff. rénale chronique – toujours réexpansion
Urines : • polyuries osmotiques plasmatique si
– (Na U)/(Na plasm) • salidiurétiques hypovolémie efficace
<1 • insuff. surénale – traitement étiologique
– (urée U)/(urée plasm) • tubulopathie avec perte
> 10 de sel
– NaU/Ku < 1 – pertes cutanées :
brûlures, dermatoses
suintantes, muco-
viscidose, coup de chaleur
Déshydratation intracellulaire
– Soif – Hypertonicité plasm. Pertes d’eau > pertes de Apports de solutés
– Troubles – Hypernatrémie NaCl hypotoniques
neurologiques : – Hyperchlorémie – causes rénales – Per os si possible
agitation ਼ coma – Protidémie et • diabète insipide – intraveineux : G
– Sécheresse hématocrite normaux • (central, 2,5 % ou 5 %, NaCl
muqueuses néphrogénique) 0,45 %
(langue, sillon • polyuries osmotiques – Volumes liquidiens
gingivo-jugal) • (hyperglycémie, nécessaires parfois
– Perte de poids mannitol) considérables
– Fièvre, dyspnée – causes extrarénales – Traitement
– Pas de pli cutané • cutanées : brûlures, étiologique
hyperthermie
• respiratoires : polypnée
• digestives:
• vomissements,
diarrhées, mannitol
per os
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Tableau II – Perturbations élémentaires : les hyperhydratations extracellulaire et intracellulaire.


Clinique Biologie Étiologie Traitement
Hyperhydratation extracellulaire
– perte de poids Sang : Rétention iso-osmotique – toujours restriction
– œdèmes – hémodilution d’eau et de NaCl hydrique (500 mL/j)
cutanéomuqueux (݂ hématocrite et – primitives : et sodée
– épanchement des protidémie) • Insuff. rénale, – éventuellement
séreuses, œdème – Natrémie et oligoanurique soustraction
pulmonaire chlorémie – secondaires : liquidienne par :
normales = hyperaldostéronismes • salidiurétiques
Urines : secondaires : • hémodialyse ou
Ionogramme • insuff. cardiaque hémofiltration
fonction de congestive – réexpansion
l’étiologie • insuff. hépatocellulaire plasmatique si
• œdémato-ascitique hypovolémie efficace
• syndrome néphrotique – traitement étiologique
• syndrome de fuite
capillaire
Hyperhydratation intracellulaire
– dégoût de l’eau – hypotonicité – apports d’eau > apports – toujours restriction
– troubles plasm. de NaCl et/ou déficit en hydrique
neurologiques : – hyponatrémie vraie NaCl – éventuellement :
agitation, crampes, – hypochlorémie – Causes iatrogènes : • apport de NaCl (15
céphalées, – protidémie et • perfusions hypotoniques à 50 g/j)
convulsion, coma hématocrite sans NaCl trop • salidiurétiques
– Soif de sel normaux abondantes • hémofiltration
• apport d’eau inadapté • ultrafiltration
chez l’insuffisant – traitement étiologique
cardiaque, rénal,
hépatique
– Syndrome de sécrétion
inapproprié d’ADH
(SIADH)

Applications thérapeutiques
L’apport de solutés hypotoniques entraîne un gonflement cellulaire par entrée
d’eau intracellulaire. Au contraire, les solutés hypertoniques entraînent une
sortie d’eau de la cellule, d’où leur indication lors d’une réexpansion volémique
au cours d’un choc hémorragique (sérum salé hypertonique) ou pour traiter une
poussée d’hypertension intracrânienne.
Les mouvements d’eau entre les compartiments intracellulaire et extracellulaire
dépendent de la tonicité d’un compartiment par rapport à l’autre.
La natrémie est le déterminant principal de la tonicité extracellulaire.
La natrémie détermine donc les mouvements d’eau entre les secteurs
intracellulaire et extracellulaire.
La natrémie est ainsi le reflet de l’hydratation intracellulaire en dehors de toute
pathologie.
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Tableau III – Perturbations globales (déshydratation et hyperhydratation intra- et extracellulaires)


et perturbations complexes (déshydratation extracellulaire et hyperhydratation intracellulaire,
hyperhydratation extracellulaire et déshydratation intracellulaire).

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PERTURBATIONS GLOBALES
Déshydratation intra- et extracellulaire
– soif – hémoconcentration – acidocétose diabétique – apports de solutés
– pli cutané – hypertonicité plasm. – coma hyperosmolaire hypotoniques
– sécheresse muqueuse – hypernatrémie – diarrhée aigüe massive – réexpansion plasm.
– troubles neurologiques – hyperthermie si hypovolémie
– hypotension artérielle – polyuries osmotiques efficace par
– oligurie – médicamenteuses ou non macromolécules
– perte de poids – déshydratation du
– fièvre – nourrisson et du vieillard
Hyperhydratation intra- et extracellulaire
– œdèmes – hémodilution – causes iatrogènes : – restriction hydrique
– prise de poids – hypotonicité apport d’eau et de NaCl stricte et sodée
– dégoût de l’eau plasmatique excessifs – réexpansion plasm.
– troubles neurologiques – hyponatrémie – SIADH chronique si hypovolémie
– nausées, vomissements – diurétiques thiazidiques efficace par
au long cours macromolécules
– soustraction
liquidienne :
épuration
extrarénale
PERTURBATIONS COMPLEXES
Déshydratation extracellulaire et hyperhydratation intracellulaire
– troubles – hémoconcentration – pertes hydrosodées – apports de NaCl
neurologiques – hypotonicité surcompensées en eau puis secondairement
– pli cutané plasmatique – erreurs diététiques ou d’eau
– hypotonie oculaire – hyponatrémie thérapeutiques
– oligurie, PVC
– hypotension artérielle
– dégoût de l’eau
Hyperhydratation extracellulaire et deshydratation intracellulaire
– œdèmes – hémodilution – rétention hydrosodée – apport d’eau et
– épanchement des – hypertonicité prédominante sur le suppression de NaCl
séreuses plasmatique NaCl
– soif – hypernatrémie – iatrogènes (apport
– sécheresse des de NaCl chez les
muqueuses œdémateux
– fièvre
– troubles neurologiques
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Mécanismes de régulation
Les entrées et surtout les sorties d’eau sont régulées finement et dans
d’étroites limites. Cette régulation dépend essentiellement de deux mécanismes :
l’hormone antidiurétique (ADH) ou vasopressine (AVP), qui régule les sorties
d’eau au niveau rénal, et la soif, qui régule les entrées d’eau. Le but est de
maintenir une osmolalité plasmatique entre 280 et 295 mOsm/kg d’eau
plasmatique pour maintenir un volume cellulaire normal.

La régulation de la balance hydrique permet la régulation du volume


intracellulaire.
La régulation de l’osmolalité des liquides extracellulaires dépend des apports
liquidiens sous l’effet de la soif et de la sécrétion d’ADH.

Hormone antidiurétique ou arginine vasopressine (5)


L’ADH ou AVP est un nonapeptide cyclique synthétisé et libéré par les
neurones des noyaux supra-optiques et paraventriculaires de l’hypothalamus.
La libération hormonale est secondaire à un influx. Elle répond à deux sortes
de stimuli.

Stimuli osmotiques (6, 7)


Les osmorécepteurs sont localisés au niveau des noyaux hypothalamiques.
Une hypertonicité augmente la synthèse et l’excrétion de l’ADH. Une
hypotonie plasmatique inhibe les sécrétions. Ces osmorécepteurs sont sensibles
à des variations de 1 à 2 % de la tonicité plasmatique et les convertissent
en un influx nerveux. Les variations d’osmoles inactives n’entraînent pas de
modification d’excrétion de l’ADH. Pour une tonicité plasmatique entre 280
et 295 mOsm/L, la quantité d’ADH augmente de façon linéaire à la tonicité.
Pour une tonicité plasmatique supérieure à 295 mOsm/L, c’est le mécanisme
de la soif qui entre en jeu (fig. 2).

Stimuli non osmotiques (6)


Les barorécepteurs et volorécepteurs se situent au niveau de l’oreillette
gauche. Lorsqu’ils sont activés par une baisse du volume extracellulaire (d’au
moins 10 %) ou de la pression artérielle, ils stimulent (via les nerfs IX et X) la
posthypophyse qui libère de l’ADH. Il existe d’autres stimuli non osmotiques
(fig. 1): les nausées, la douleur, l’hypoxie et la morphine. Ces facteurs sont
souvent associés lors de la période postopératoire. L’alcool est un inhibiteur
puissant de la sécrétion d’ADH. Il existerait une plus grande sensibilité de
réponse d’ADH à une variation d’osmolarité chez l’homme que chez la femme
(7).
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Fig. 2 – Seuils de stimulation de sécrétion de l’ADH et de la soif.

Le mode d’action de l’ADH est de favoriser la réabsorption rénale d’eau. Au


niveau tubulaire proximal, l’eau est réabsorbée de manière passive. En revanche,
au niveau tubulaire distal la membrane cellulaire devient imperméable à l’eau
alors qu’il persiste une réabsorption de sodium. C’est en présence d’ADH que
les tubules distaux deviennent perméables à l’eau. La fixation d’ADH sur son
récepteur V2 entraîne l’ouverture du canal aqueux membranaire (aquaporine 2)
permettant la réabsorption d’eau vers le secteur vasculaire. Ainsi, la perméabilité
du tube collecteur varie en fonction de la concentration d’ADH. Si l’ADH est
basse, l’urine sera très diluée. Si la sécrétion d’ADH est élevée, la concentration
des urines s’élève grâce à une forte réabsorption d’eau libre. Le rein peut ainsi
s’adapter à des apports d’eau compris entre 1 et 1,5 litres. L’osmolalité des
urines peut donc varier en fonction des besoins ou des apports de 50 à 500
mOsm/L. L’urée, les sulfates, le phosphore et les autres produits des déchets
du métabolisme cellulaire atteignent 600 mOsm/j, ce qui requiert une perte
obligatoire minimale d’eau égale à 0,444 L/j (600 – 1 400 mOsm/L).

La sécrétion inappropriée d’ADH (SIADH) est l’étiologie la plus fréquente


d’hyponatrémie hypotonique à volume extracellulaire normal.

La découverte des aquaporines par Agre a permis de mieux comprendre la


physiologie et la physiopathologie de la balance hydrique (8-11). Les aquaporines
sont les récepteurs cellulaires de l’ADH responsables de la réabsorption d’eau
(12). Il existe 11 isoformes d’aquaporines dont 6 sont exprimées au niveau rénal
sur des sites différents (13). L’aquaporine 2 est responsable de la réabsorption
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d’eau régulée par l’ADH au niveau du tube collecteur. Les aquaporines de type
3 et 4 sont localisées dans les tubes collecteurs au niveau des faces basolatérales.
L’aquaporine 6 est intracellulaire et se trouve au niveau des cellules intercalaires
du tube collecteur (14). L’osmolalité paraît être un facteur régulateur de
l’ARNm et de la synthèse protéique de l’aquaporine 2 (15).

L’aquaporine 2 aurait un rôle dans la physiopathologie du diabète insipide


néphrogénique ou central alors que, dans l’insuffisance rénale, l’expression des
aquaporines 2 serait diminuée (16).

Antagonistes des récepteurs à la vasopressine ou aquarétiques


(17)
Des antagonistes non peptitiques de l’AVP commencent à être commercialisés
pour traiter les hyponatrémies normo- et hypervolémiques (9, 10, 11, 18).
Ces molécules forment le groupe des « vaptans ». Leur administration dépend
de leur degré de sélectivité sur les récepteurs à l’AVP. Les antagonistes V1aR
induisent une vasodilatation, ceux des V2R appelés « aquarétiques » entraînent
une diurèse avec des urines diluées aboutissant finalement à une augmentation
de la natrémie. Plusieurs études ont montré l’efficacité des antagonistes V2R
pour corriger l’hyponatrémie des patients avec SIADH en toute sécurité. Leur
administration aboutit à un accroissement de la diurèse associé à une baisse
de l’osmolarité urinaire. Ces aquarétiques ont été récemment étudiés chez des
patients présentant une hyponatrémie secondaire à un SIADH, une insuffisance
cardiaque congestive (ICC) ou une cirrhose.
Ainsi, les dernières recommandations américaines de la FDA ont accepté
l’utilisation préférentielle d’antagonistes combinés V1R/V2R (conivaptan)
pour traiter les hyponatrémies normo- (SIADH) et hypervolémiques (ICC)
(18). Leur utilisation au cours de l’ICC permet d’éviter les effets délétères des
diurétiques qui entraînent des pertes électrolytiques et aggravent les stimulations
neurohormonales sympathiques et du système rénine-angiotensine. Ainsi, dans
les ICC chroniques, les aquarétiques pourraient apporter un réel bénéfice par
rapport aux classiques diurétiques. Les antagonistes sélectifs V2R (tolvaptan)
semblent plutôt être destinés à l’avenir à des traitements chroniques per os et
aux hyponatrémies des cirrhotiques (19, 20).

Les aquarétiques sont des médicaments antagonistes des récepteurs de la


vasopressine (21) qui agissent par inhibition compétitive de l’ADH au niveau de
certaines aquaporines. Ils représentent une possibilité pour traiter les patients
atteints du syndrome de sécrétion inappropriée de l’ADH et les hyponatrémies
à volume extracellulaire augmenté (cirrhose, insuffisance cardiaque, insuffisance
rénale).
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Soif (7, 22, 23)


La soif permet d’augmenter les apports d’eau en cas de besoin. Elle est
stimulée au niveau des neurorécepteurs hypothalamiques (très proches
des osmorécepteurs contrôlant l’ADH) lorsque l’osmolalité plasmatique
est supérieure à 295 mOsm/kg d’eau. À partir de ce niveau d’osmolalité, la
soif augmente proportionnellement à l’osmolalité. La différence entre ADH
et soif est donc leur seuil d’osmolalité de stimulation : 280  mOsm/kg pour
l’ADH et 295 mOsm/kg pour la soif. Ainsi, la soif participe à l’osmorégulation
quand l’ADH fonctionne au maximum de ses capacités de conservation de
l’eau (fig. 1). En dehors des osmorécepteurs, elle paraît être stimulée par des
facteurs communs à l’ADH comme l’hypovolémie et/ou l’hypotension. Une
hypovolémie expérimentale associée à une hyponatrémie et une hypotonicité
déclenche le phénomène de la soif (7, 24).

La régulation de la balance hydrique est assurée par l’ADH et le mécanisme de la


soif qui la relaye, mais celui-ci ne peut se concrétiser que chez le sujet conscient.
La sécrétion d’ADH dépend de facteurs osmotiques et non osmotiques.
L’ADH est responsable de la réabsorption rénale active de l’eau.

Osmorégulation cérébrale (25)


La boîte crânienne étant indéformable, toute augmentation de volume
cérébral génère une hausse de pression intracrânienne. L’osmorégulation
cérébrale permet de limiter les mouvements d’eau entre les compartiments
intracellulaire et extracellulaire cérébraux lors des modifications d’osmolarité
plasmatique. Cette osmorégulation met en jeu des mouvements d’osmoles
actives à travers la membrane cellulaire, ce qui limite alors les flux d’eau. Elle
se fait en deux temps : une adaptation immédiate et une adaptation à long
terme. Ainsi, la vitesse d’installation d’une variation de tonicité plasmatique
conditionne les conséquences cliniques :
• installation rapide (<  48  h), les osmoles inorganiques (électrolytes
et essentiellement la concentration cytoplasmatique en potassium)
interviennent i mmédiatement ;
• installation lente (>  48  h), les osmoles organiques ou idiogéniques – de
nombreux acides aminés (glutamine et glutamate surtout), des méthylamines
(phosphocréatine, glycérophosphocholine et bétaïne), de la taurine et du
myo-inositol – vont entrer en jeu.
Les aquaporines 1 et 4 sont exprimées de manière abondante dans le cerveau
(26). L’aquaporine 4 aurait un rôle dans la formation de l’œdème cérébral, ce
qui pourrait être une voie de recherche du traitement de cette affection (27).
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Il existe une osmorégulation très fine au niveau cérébral qui amortit les variations
d’osmolarité plasmatique. Elle fait intervenir des mouvements d’osmoles
inorganiques (mouvements rapides) ou organiques (mouvements lents).
La correction de troubles osmolaires chroniques (> 48 h) doit être lente pour
permettre un retour lent à la normale des osmoles organiques.

Balance sodée
Le sodium est un cation monovalent et une base forte.
La natrémie normale est comprise entre 138 et 142 mmol/L.
Son poids moléculaire est de 23 et il y a 17 mmol de sodium dans 1 g de sel.

Entrées et sorties
Les apports sont toujours supérieurs aux besoins de l’organisme dans les
conditions physiologiques. Ils dépendent en fait des habitudes alimentaires.
Les besoins correspondent aux pertes obligatoires (pertes cutanées et digestives)
qui représentent environ 10 mmol/j. L’élimination est principalement rénale et
digestive.

Élimination rénale
C’est là que se régule finement la balance sodée. Le sodium est librement
filtré au niveau du glomérule (24 mol/j, soit 1,4 kg) et activement réabsorbé
mais non sécrété par les tubules. Ainsi, la quantité de sodium excrétée dans
l’urine finale est la résultante de la filtration glomérulaire soustraite de la
réabsorption t ubulaire :
Na+ excrété = Na+ filtré – Na+ réabsorbé
La réabsorption tubulaire rénale de sodium est l’élément essentiel régulé. Les
deux tiers du sodium filtré sont réabsorbés dans le tube proximal de manière
passive, environ 30 % le sont de façon active dans la portion large ascendante
de l’anse de Henle et 10 % au niveau du tube contourné distal et du tube
collecteur. En fonction des besoins, le rein peut excréter très peu ou beaucoup
de sodium (de 1 mmol/L de sodium urinaire jusqu’à plusieurs centaines de
millimoles par litre) en modulant la réabsorption.

Élimination digestive
D’énormes quantités de sodium sont sécrétées chaque jour au niveau du
tube digestif et réabsorbées en quasi-totalité. Ainsi, la bile, le suc pancréatique
et le suc intestinal contiennent environ 140 mmol/L de sodium.
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Autres pertes
Les pertes sudorales sont très variables et leur concentration en sodium dépend
du débit de sueur (de 10 à 80 mmol/L).

Hydratation extracellulaire et pool sodé


L’organisme possède 60 mmol de sodium par kilo de poids. Quarante pour
cent du sodium est localisé dans les os. La concentration de sodium par
litre d’eau plasmatique est de 152 mmol/L (si on enlève le volume occupé
par les protéines et les lipides) et, cet ion franchissant librement la barrière
capillaire, les concentrations de sodium intravasculaire et interstitielle sont très
proches : 142 mmo/L dans le plasma contre 144 mmol/L dans l’interstitium.
La concentration de sodium à l’interieur des cellules est très variable selon les
tissus (20 mmol/L pour les érythrocytes et 11 mmol/L pour les cellules du tube
contourné distal).
Les variations de la quantité de sodium dans un compartiment entraînent
une variation du volume du compartiment dans le même sens. Ainsi, une
augmentation du pool sodé (défaut d’excrétion rénale…) entraîne une
augmentation de la volémie et du secteur interstitiel (œdèmes, œdème aigu
du poumon, etc.). À l’inverse, une déplétion sodée (diurétiques…) génère
une hypovolémie avec un retentissement clinique plus ou moins marqué
(hypotension orthostatique, etc.).

Le pool sodé est le composant principal de la volémie.


Une déplétion sodée entraîne une hypovolémie avec hypotension orthostatique.
Une augmentation excessive du pool génère une inflation du secteur
extracellulaire avec des œdèmes.

Mécanismes de régulation (fig. 3)


Toute augmentation du pool sodé engendre une augmentation de la volémie
(et inversement) stimulant des mécanorécepteurs (fig. 4). Cette stimulation
entraîne la sécrétion de différents médiateurs régulant finement la balance
sodée. Il existe des interrelations entre ces différents facteurs régulateurs. Dans
tous les cas, l’effecteur est le rein, principalement par des mécanismes tubulaires
(réabsorption du sodium) mais aussi par modification du débit de filtration
glomérulaire (vasomotricité des artérioles afférentes et efférentes modifiant la
pression de filtration).
Les différents récepteurs se répartissent en trois catégories :
• les récepteurs du système de basse pression (oreillettes) modulent l’activité
sympathique et la sécrétion d’ADH (via les nerfs IX et X), ainsi que la
synthèse auriculaire du facteur natriurétique atrial ;
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• les récepteurs du système artériel (aorte, sinus carotidien et artériole rénale


afférente) ont une action sur l’activité sympathique et sur la sécrétion de
rénine par les cellules épithélioïdes de l’artériole afférente ;
• les récepteurs du système porte ont une action sur la stimulation sympathique.

Fig. 3 – Régulation de la balance sodée. Les principaux facteurs et mécanismes responsables de


la régulation de la balance sodée modulent la réabsorption tubulaire du sodium.

Fig. 4 – Facteurs influençant la sécrétion d’ADH


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Système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) (fig. 5)


Le SRAA est au centre du système de régulation (28).

Fig. 5 – Cascade du système rénine-angiotensine-aldostérone.


Cette cascade est responsable in fine d’une augmentation de la réabsorption du sodium et d’une
vascoconstriction.

Cascade du SRAA ou boucle réno-rénale


La rénine, sécrétée par les cellules épithélioïdes de l’artériole
afférente glomérulaire (composant de l’appareil juxtaglomérulaire) clive
l’angiotensinogène synthétisé par le foie. L’angiotensine I ainsi produite
va à son tour être clivée par l’enzyme de conversion de l’angiotensinogène
en angiotensine II (fig. 3). Celle-ci a plusieurs actions : augmentation de la
réapsortion tubulaire proximale de sodium (action paracrine), pic de calcium
intracellulaire responsable d’une vasoconstriction puissante, stimulation de
la soif et libération d’aldostérone entraînant aussi une forte réabsorption du
sodium (tube contourné distal). Il est à noter que l’aldostérone n’agit pas
seulement au niveau rénal, mais elle stimule aussi le transport de sodium dans
les cellules épithéliales des glandes sudoripares, salivaires et intestinales.

Régulation du SRAA
L’augmentation de la pression de perfusion rénale, par l’intermédiaire de la
stimulation de barorécepteurs de l’appareil juxtaglomérulaire (artériole afférente),
entraîne une diminution de la sécrétion de rénine. Cette baisse de rénine entraîne
une basse de l’angiotensine et, donc, diminue la réabsorption tubulaire proximale
de Na+. Il s’y associe une baisse de la sécrétion d’aldostérone qui diminue
la réabsorption de sodium au niveau du tube contourné distal. À l’inverse, la
diminution de la pression de perfusion rénale entraîne une augmentation
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de la sécrétion de rénine et active la cascade de SRAA, augmentant ainsi la


réabsorption tubulaire sodée. Le système nerveux adrénergique participe aussi
à la régulation du SRAA : la stimulation nerveuse rénale augmente la sécrétion
de rénine (stimulation de type `+) mais, dans certaines circonstances, le système
_-adrénergique inhibe la sécrétion de rénine. De même, le rôle des prostaglandines
ne semble pas clair à ce niveau puisqu’elles stimulent la sécrétion de rénine tout
en inhibant la sécrétion d’angiotensinogène. Dans tous les cas, l’angiotensine II
joue un rôle de rétrocontrôle en inhibant la sécrétion de rénine. Enfin, les cellules
de la macula densa (cellules tubulaires et distales de l’appareil juxtaglomérulaire)
exercent aussi un rétrocontrôle négatif en diminuant la sécrétion de rénine lorsque
la concentration de sodium du liquide urinaire augmente.

Actions cellulaires de l’aldostérone (29) (fig. 6)


L’aldostérone enfin activée entraîne, au niveau des cellules de la partie distale
du tube contourné distal et du tube collecteur cortical, une augmentation de la
réabsorption distale du sodium. Son délai d’action est de 30 à 60 minutes. C’est
par l’intermédiaire des canaux épithéliaux à sodium (ENaC) que le sodium est
réabsorbé. Ils jouent un rôle essentiel dans le contrôle du flux de sodium dans
les cellules épithéliales rénales. Par ailleurs, la glucorticoïde kinase et la protéine
G K-Ras 2 ont un rôle régulateur important dans l’action de l’aldostérone. Elles
ralentiraient l’action de celle-ci au niveau distal du néphron (30). L’aldostérone
régule la balance sodée, le volume sanguin et la pression artérielle. Une étude
récente de Summa a montré que la pompe Na+-K+ ATPase, qui expulse du
sodium à travers du sodium à travers la membrane basolatérale, est régulée par
l’aldostérone (31). Ainsi, l’aldostérone stimule directement la pompe Na+-K+
ATPase, ce qui entraîne la sécrétion rénale de potassium. L’entrée de sodium à
l’intérieur de la cellule tubulaire stimule elle aussi la pompe Na+-K+ ATPase.
Enfin, l’aldostérone a plusieurs rôles rénaux sur différents ions : réabsorption du
sodium, sécrétion du potassium et sécrétion de protons.

Fig. 6 – Effets de l’aldostérone sur les cellules du tube collecteur rénal. L’aldostérone a différents
sites d’action au niveau du tube collecteur rénal. Elle agit ainsi sur le sodium, le potassium et le
proton.
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Antihypertenseurs
Les diurétiques anti-aldostérone (spironolactones) favorisent l’excrétion sodée
et diminuent donc la volémie mais ils épargnent le pool potassique.
Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) bloquent la cascade du SRAA :
ils diminuent donc la vasoconstriction artériolaire induite par l’angiotensine,
limitent la sécrétion d’aldostérone (augmentation de la natriurèse) et lèvent
l’inhibition des systèmes vasodilatateurs (bradykinine). La vasodilatation
induite est responsable des effets hypotenseurs mais augmente aussi le débit
cardiaque (baisse de la postcharge).

Peptide natriurétique auriculaire


Le peptide natriurétique auriculaire (ANP) est sécrété par les myocites
auriculaires droits et gauches lorsque la volémie augmente. Sa demi-vie est de
l’ordre de 3 à 4 minutes. Il augmente l’excrétion rénale de sodium par plusieurs
mécanismes :
• accroissement de la fraction de filtration glomérulaire (augmentation
du coefficient d’ultrafiltration glomérulaire et de la pression capillaire
glomérulaire par vasodilatation des artérioles afférentes) ;
• diminution de la réabsorption tubulaire (blocage des canaux
transmembranaires des tubes collecteurs, inhibition d’un antiport Na+/H+
du tube contourné proximal, redistribution du flux sanguin rénal vers la
médullaire, inhibition de la synthèse de l’aldostérone).
Ainsi, l’augmentation de la volémie entraîne une augmentation de l’excrétion
rénale de sodium afin de la ramener à la normale. À l’inverse, une diminution
de la volémie entraîne une baisse de la sécrétion d’ANP. Il existe donc un
rétrocontrôle de la sécrétion d’ANP :
• baisse de la volémie ઼ baisse du facteur atrial natriurétique ઼ baisse de
l’excrétion rénale de sodium ;
• augmentation de la volémie ઼ augmentation du facteur atrial natriurétique
઼ augmentation de l’excrétion rénale de sodium.
Il existe des interactions entre l’ANP et les autres systèmes hormonaux qui
jouent un rôle dans la régulation de la balance hydrosodée. L’élévation de
l’ANP entraîne une baisse de l’activité rénine plasmatique et de l’aldostérone.
Par ailleurs, cette élévation entraîne une augmentation de la sécrétion des
catécholamines alors qu’à fortes doses, l’effet est inverse (29).

Autres peptides natriurétiques


D’autres peptides proches de l’ANP ont été isolés : l’uradilantin, localisé
seulement dans l’urine, le peptide natriurétique de type C (CNP), localisé dans
le cerveau et dans le rein, et le peptide natriurétique de type B (BNP), qui est
une neuro-hormone sécrétée par les myocytes ventriculaires en réponse à une
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augmentation de la volémie ou de la pression artérielle (33). Le BNP comme


l’ANP inhibe la production de rénine et d’aldostérone. Le taux plasmatique de
BNP varie en fonction de l’âge et du sexe.

Autres systèmes rénaux autorégulateurs

Système kinine-kallicréine
La kallicréine clive le kininogène en bradykinine qui va alors inhiber la
réabsorption sodée du tube collecteur. C’est un système symétrique au SRAA.
Les deux systèmes se contrôlent mutuellement. L’angiotensine II active la
kallicréine et l’enzyme de conversion détruit les kinines.

Prostaglandines
Les prostaglandines, comme la PGR2, bloquent l’action de la rénine et
favorisent ainsi l’excrétion urinaire du sodium.

Système sympathique rénal


Le système sympathique rénal (34) permet le contrôle du débit de filtration
glomérulaire du sodium. En effet, la baisse de la pression artérielle va stimuler les
nerfs sympathiques rénaux qui vont entraîner une vasoconstriction artériolaire
rénale responsable d’une baisse de la pression capillaire glomérulaire et donc
une baisse du débit de filtration glomérulaire et de l’excrétion de sodium. L’effet
inverse est vrai. L’augmentation de la volémie diminue l’activité sympathique
rénale, ce qui entraîne une diminution de la réabsorption du sodium, soit une
augmentation de la natriurèse, ainsi qu’une diminution de la sécrétion de rénine.

Pression oncotique
La baisse de la pression oncotique plasmatique augmente l’excrétion
hydrosodée par diminution de la réabsorption tubulaire.

La régulation de la balance sodée dépend de l’excrétion sodée.


La volémie et la pression artérielle sont les éléments principaux régulant
l’excrétion sodée.
Le SRAA, l’ANP et le sympathique rénal sont les trois principaux systèmes
impliqués.
Les différents systèmes sont tous intriqués et se régulent les uns les autres.
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Conclusion
L’eau et le sel sont deux éléments indissociables. Les mouvements
physiologiques d’eau dans l’organisme sont dépendants des variations sodées.
Le pool sodé détermine le volume du secteur extracellulaire et la natrémie
reflète (le plus souvent) l’hydratation intracellulaire. Les balances hydrique et
sodée sont au centre de l’homéostasie hydroélectrolytique qui repose sur un
organe essentiel : le rein.
Finalement, l’eau est indispensable à la vie, le sel l’est au maintien de l’eau dans
l’organisme (et le potassium l’est à l’influx nerveux)…

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