15 Thrombose Veineuse Cérébrale

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ANNALES DE MEDECINE ET DE THERAPEUTIQUE EL MIDAOUI ET COLL.

Thrombose veineuse cérébrale

Thrombose veineuse cérébrale

Cerebral venous thrombosis

A. El Midaoui, Z. Souirti, O. Messouak, MF. Belahsen

Service de neurologie, CHU Hassan II, Fès


M
I
S
POINTS ESSENTIELS
KEY POINTS
 Bien que plus rares que les thromboses E
artérielles, les thromboses veineuses cérébrales  Although more rare than arterial
(TVC) sont une cause non négligeable d’accidents thrombosis, cerebral venous thrombosis
vasculaires cérébraux. are anon-negligible cause of stroke. A
 Les TVC sont caractérisées par la grande diversité  CVT are Characterised by the large
de leur présentation clinique et de leurs diversity of clinical presentations and U
étiologies, elles ont un pronostic bien meilleur aetiologies, they have a much better
que celui des infarctus cérébraux. prognosis than arterial stroke.
 Le diagnostic repose actuellement sur les  Neuroimaging examinations are essential
techniques de neuroimagerie, l’IRM avec angio- for diagnosis of CVT. MR Imaging with MR P
RM temps veineux étant l’examen de référence. venography is the key procedure. New
De nouvelles séquences sont en cours sequences are on evaluation in CVT O
d’évaluation au cours des TVC apportant des bringing some physiopathogical
arguments physiopathologiques (séquences de arguments (Diffusion weighted imaging) I
diffusion) ou une aide au diagnostic (séquence en or help for diagnosis (with T2* MRI
écho de gradientT2*) sequence).
N
 Le dosage du D-Dimère est trop peu sensible  The D-Dimer blood test is insufficiently T
 Leur évolution est cependant imprévisible avec sensitive.
une proportion non négligeable d’aggravation à la  The evolution remains unforeseeable, with :
phase aiguë et le diagnostic doit être précoce afin a non-negligible proportion of worsening
de débuter le plus rapidement possible le at the acute phase and diagnosis must be F
traitement qui reste actuellement fondé sur early to begin as soon as possible the
l’héparine. treatment, which is at present based on M
 Le diagnostic de TVC reste un challenge pour le heparin therapeutics.
clinicien. Par la multiplicité des causes et facteurs  CVT diagnosis is a challenge for the C
favorisants, les TVC sont un point de convergence clinician. Because of the multiple causes
pour de nombreuses spécialités médicales et and Contributory factors, CVT are at the
pourraient ainsi bénéficier de l’apport de chacun convergence of many specialties and could
dans des domaines aussi divers que la thus benefit of each one contribution for
physiopathologie par l’intermédiaire de better understanding the physiopathology
l’imagerie ou de l’étude de la coagulation. and improving earlier diagnosis.

Auteur correspondant :

Aouatif EL MIDAOUI

Service de neurologie,

CHU Hassan II, Fès

ANNALES DE MEDECINE ET DE THERAPEUTIQUE AMETHER. Octobre 2009 ; Volume 1, N° 1 : 44 - 50


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Thrombose veineuse cérébrale

INTRODUCTION capillaire qui provoque un œdème vasogénique


supplémentaire. [6]
Bien que beaucoup plus rares que les thromboses artérielles, L’occlusion d’un sinus entraîne un engorgement veineux, un
les thromboses veineuses cérébrales (TVC) sont une cause obstacle à la résorption du liquide céphalorachidien au
non négligeable d’accidents vasculaires cérébraux. niveau des granulations de Pacchioni, avec pour
Elles sont caractérisées par la grande diversité de leur conséquence une augmentation de la pression veineuse
présentation clinique, source d’errance et de retard conduisant à un œdème cérébral et une augmentation de la
thérapeutique (Bousser et Ross Russell, 1997). Le diagnostic pression intracrânienne [6]. Lorsque la thrombose touche
reste une priorité pour le clinicien car l’évolution et le un sinus et une partie de ses veines de drainage ou le
pronostic des TVC demeurant peu prévisibles, il repose le système veineux profond, le drainage veineux du tissu
plus souvent sur les examens neuroradiologiques non cérébral peut être perturbé. Le cortex et la substance blanche
invasive, l’IRM avec AngioRM étant l’examen de référence adjacente sont alors le siège d’une congestion, d’une
permettent actuellement un diagnostic précoce de TVC. hémorragie, pouvant aboutir à un infarctus veineux plus
rarement aussi d’hémorragies concomitantes sous durales
et/ou sous-arachnoïdiennes [6].
EPIDEMIOLOGIE
Toutefois, la fréquente disparition des lésions suggère qu’il
s’agit plus souvent d’un processus œdémateux et ischémique
L’incidence annuelle des thromboses veineuses cérébrales
transitoire que d’un véritable infarctus.
est estimée à 3 à 4 cas par million d’habitants [1]. La
moyenne d’âge est de 39,1 ans, mais les âges extrêmes
coexistent [2]. Parmi les adultes jeunes, il existe une CLINIQUE
prépondérance féminine, probablement en rapport avec
l’usage des contraceptifs œstroprogestatifs (75 à 80% de Le tableau clinique des TVC est extrêmement varié et
femmes) [1,2].Chez les enfants ou les sujets âgés, le sex ratio souvent trompeur comme en témoigne la diversité des
s’équilibre. symptômes et signes cliniques rencontrés (Tableau1) [7].À la
différence des accidents artériels, le mode de début des TVC
est très variable: subaigu dans 50% des cas (entre 2 et 30
RAPPEL PHYSIOPATHOLOGIQUE, ANATOMIE
jours), aigu dans 30 % des cas (<2 jours) et chronique dans
20% des cas.
Anatomie
Les céphalées représentent le symptôme clinique le plus
Le sang veineux du cerveau est drainé par trois réseaux de fréquent, présent dans 74 à 91 % des cas [8]. Elles n’ont
veines cérébrales: les veines superficielles (corticales), les aucune caractéristique spécifique. Elles peuvent débuter
veines profondes et les veines de la fosse postérieure [3,4]. progressivement (>24heures) dans 65 % des cas, de façon
Ces veines s’abouchent dans les sinus veineux duraux, eux- aiguë (<24heures) dans 17,5 % des cas ou de façon brutale
mêmes collectés par les veines jugulaires. L’anatomie (<1minute) dans 17,5 % des cas [9]. Elles peuvent être
veineuse cérébrale a une grande variabilité interindividuelle diffuses ou localisées, irradier dans la région cervicale, leur
et la richesse des anastomoses, favorise le développement intensité va de la simple impression de tête lourde jusqu’à la
des circulations collatérales. Le sinus longitudinal supérieur céphalée en coup de tonnerre évocatrice d’hémorragie
(SLS) impair, draine la majeure partie du cortex. Il rejoint le méningée ou peut mimer une crise de migraine dont le
sinus droit au niveau du Torcular. Les sinus latéraux (SL), caractère inhabituel (intensité ou durée) attirera l’attention.
pairs, sont composés de deux segments: le sinus transverse
et le sinus sigmoïde. La taille des SL est souvent inégale:le Dans 77 % des cas, les céphalées sont associées à d’autres
plus gros (en général le droit) est en continuation avec le symptômes neurologiques (signes focaux, manifestations
sinus longitudinal supérieur, l’autre reçoit essentiellement le épileptiques, troubles de vigilance) et cette association
sang provenant du sinus droit. Dans 20% des cas, il existe permet d’évoquer rapidement le diagnostic de thrombose
une agénésie partielle ou totale d’un sinus transverse. Le veineuse cérébrale.
sinus longitudinal inférieur, impair, draine la face interne de Les signes focaux peuvent être des déficits moteurs ou
la partie moyenne des hémisphères et le corps calleux. Le sensitifs, des troubles du langage, des atteintes du champ
sinus droit, impair, constitue la confluence de la veine de visuel.
Galien et du sinus longitudinal inférieur. Il se draine dans un Des manifestations épileptiques partielles et/ou généralisées
sinus transverse (le plus souvent le gauche) ou dans le peuvent également survenir (10 à 48 % des cas) [10].
Torcular. Les sinus caverneux, pairs, sont traversés par des Ces symptômes témoignent de la souffrance du parenchyme
structures nerveuses (III, IV, V1, V2, plexus sympathique) et cérébral secondaire à la gêne au drainage veineux qui peut
vasculaire (carotide interne). Ils drainent essentiellement les être responsable d’un œdème cérébral pouvant aller jusqu’à
orbites et la veine cérébrale moyenne superficielle. Le sang la survenue de lésion d’ischémie veineuse ou d’hémorragie
se dirige vers le sinus latéral et la veine jugulaire par cérébrale. [10]
l’intermédiaire des sinus pétreux. Les deux sinus caverneux La variation interindividuelle de l’anatomie veineuse
sont anastomosés entre eux, expliquant le fait que la cérébrale ainsi que la fréquente association de thrombose de
thrombose est souvent bilatérale. plusieurs sinus et veines rendent difficile une corrélation
clinico-topographique précise, comme dans l’ischémie
Physiologie cérébrale artérielle. L’atteinte du SLS (70%) et du SL (70%)
est la plus fréquente, suivie de l’atteinte du sinus droit (15%)
La thrombose veineuse cérébrale (TVC) repose sur 3 puis du sinus caverneux (3%)[11].
mécanismes physiopathologiques : troubles de l’hémostase On peut classiquement résumer la clinique des thromboses
(conduisant à un état prothrombotique), stase veineuse et veineuses cérébrales sous la forme de 4 tableaux différents
anomalies pariétales [5]. en fonction du siège de la thrombose et de son extension, en
la TVC entraîne localement une stase veineuse et engendre particulier aux veines corticales [10,12]:
une hypoxie tissulaire par diminution du débit sanguin • Signes focaux (déficit constitué, transitoire et/ou crise
cérébral qui entraîne à son tour une ischémie et, par là comitiale) isolés ou associés à des signes d’hypertension
même, un œdème cytotoxique. L’atteinte de la barrière intracrânienne, voire des troubles de vigilance. Il s’agit du
hémato-encéphalique augmente le taux de filtration tableau le plus fréquent;

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• Tableau d’hypertension intracrânienne isolée associant


céphalées, œdème papillaire et parfois diplopie par atteinte
du VI;
• Encéphalopathie diffuse caractérisée essentiellement par
des troubles psychiques, une confusion ou un coma associés
éventuellement à des crises comitiales
• Thrombose du sinus caverneux caractérisée par
ophtalmoplégie douloureuse et chemosis homolatéral à la
thrombose, exophtalmie ainsi que des troubles sensitifs dans
la zone d’innervation de la première branche du trijumeau
Ces 4 aspects cliniques regroupent le plus grand nombre de
thromboses veineuses cérébrales. Cependant, il existe
également des aspects inhabituels rendant parfois le
diagnostic difficile à évoquer:
• Symptômes transitoires à type de crise comitiale isolée ou
d’AIT [8] ;
• Troubles psychiatriques;
• Symptômes mimant une migraine avec ou sans aura [13];
• Céphalées isolées. Ce tableau de céphalées comme seul
symptôme de la thrombose veineuse cérébrale avec une
tomodensitométrie et une ponction lombaire normales a été
trouvé dans 14 % des cas sur une série de 123 patients
soulignant le fait que toute céphalée récente et inhabituelle
doit être explorée en urgence à la recherche d’une TVC [9].
Le diagnostic différentiel de la TVC est particulièrement large
en raison de la symptomatologie déficitaire hétérogène.
Outre les méningites, le diagnostic différentiel comporte
aussi encéphalites (par ex. encéphalite herpétique,
encéphalite à foyer septique), abcès cérébral, hémorragie
cérébrale (hématome sous dural, hémorragie sous-
arachnoïdienne, hémorragie intracérébrale primitive),
infarctus ischémique, tumeur cérébrale, œdème cérébral,
sans oublier l’hypertension intracrânienne bénigne, la
migraine avec et sans aura, l’encéphalopathie hypertensive, Fig. 1: TDM cérébrale en coupes axiales avec injection de
l’éclampsie ainsi que des maladies psychiatriques. [14] produit de contraste montrant :
-En haut : un sinus sigmoïde gauche vide témoignant de sa
thrombose
DIAGNOSTIC RADIOLOGIQUE -En bas : un signe de delta vide en rapport avec une
thrombose du sinus longitudinal supérieur
Le diagnostic de TVC repose non seulement sur l’imagerie du
parenchyme cérébral mais aussi sur l’imagerie vasculaire qui
met en évidence la thrombose des sinus et/ou veines
cérébrales:

Tomodensitométrie cérébrale

Le scanner cérébral est l’examen le plus souvent demandé de


première intention devant des tableaux cliniques
compatibles avec de nombreux diagnostics. Il peut parfois
permettre d’affirmer le diagnostic lorsqu’il montre, sans
injection, l’hyperdensité spontanée du sinus thrombosé
décrit sous le nom de signe de la corde (veine corticale) et
sous celui du triangle dense (sinus sagittal supérieur) et,
après injection, le rehaussement important de la paroi du
sinus contrastant avec la non injection de la lumière
thrombosée (signe du delta ou du triangle vide pour le SSS
(Figure.1). C’est le signe le plus fréquent, présent dans 30 à
46% des cas à partir du cinquième jour [15].Toutes les
autres anomalies, bien plus fréquentes, sont non spécifiques:
elles sont les conséquences de la thrombose sur le
parenchyme cérébral sous forme soit d’une hypodensité
correspondant à de l’œdème ou à un infarctus veineux, soit
d’une hyperdensité reflet d’une hémorragie allant de
quelques pétéchies à un véritable hématome (Figure.2). Le
scanner reste cependant normal dans 20% des cas (50% en
cas d’HIC isolée) ce qui n’élimine absolument pas le
diagnostic. [12]

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chronique au delà de la troisième semaine (hyposignal T1 et


hypersignal T2 sauf en cas de reperméabilisation traduite
par la réapparition d’un isosignal). En revanche, le diagnostic
est plus difficile à la phase aiguë, où l’isosignal T1 et
l’hyposignal T2 peuvent être faussement interprétés comme
normaux et pour les lésions isolées des veines corticales [17-
18]. Les anomalies parenchymateuses sont bien visualisées
par ces séquences, montrant des lésions allant de l’œdème
isolé plus ou moins étendu aux lésions hémorragiques [18].

Fig. 2: TDM cérébrale en coupes axiales sans injection de


produit de contraste montrant :
-En haut : un infarctus veineux hémorragique temporal
gauche en rapport avec une thrombose du sinus latéral
gauche.
-En bas : un infarctus veineux non hémorragique
frontopariétal gauche en rapport avec une thrombose du
sinus longitudinal supérieur.

Fig. 3: IRM cérébrale en coupes axiales ; séquence T2


montrant :
-En haut : un infarctus veineux temporal gauche
-En bas : un sinus latéral gauche en hypersignal témoignant
de sa thrombose

Imagerie par résonance magnétique (IRM)

L’IRM est l’examen de référence pour le diagnostic des TVC


car elle visualise à la fois la thrombose, son évolution et
parfois la cause sous-jacente [16–17]. En IRM, en cas de
thrombose d’un sinus, une modification de signal
intravasculaire est observée, variable selon l’âge de la
thrombose et la séquence pratiquée. Les acquisitions en
pondération T1, T2 et Flair permettent de faire aisément le
diagnostic du thrombus dans un sinus à la phase subaiguë au
cours des 2 et 3 semaines (hypersignal T1et T2) (Figure 3) et

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Plus récemment, plusieurs études ont suggéré l’intérêt et la Autres examens :


supériorité de la séquence d’écho de gradient T2 (T2*) sur le
T1, T2 et Flair dans le diagnostic des thromboses veineuses L’intérêt du dosage des D-dimères a été évalué dans la
[19,20]. Elle semble permettre de visualiser le thrombus en démarche diagnostique concernant les thromboses
hyposignal marqué dépassant les limites anatomiques du veineuses cérébrales [25].Ceux-ci étaient le plus souvent
sinus dés les premiers jours y compris au sein des de veines élevés (>500ng/mL) lorsque le diagnostic de thrombose
de petit calibre (veines corticales). veineuse cérébrale était confirmé hormis chez les patients
ayant des symptômes évoluant depuis plus de 3 semaines.
L’IRM de diffusion a été utilisée récemment dans les TVC Des Dimères normaux n’excluent pas le diagnostic de
pour analyser à la fois les caractéristiques du thrombus et thrombose veineuse cérébrale. Ils ne permettent pas
des lésions parenchymateuses. Le thrombus peut être d’éliminer de façon fiable ce diagnostic en particulier devant
visualisé sous la forme d’un hypersignal [21]. L’intérêt les symptomatologies atypiques.
diagnostique et pronostique de ce signe par rapport à l’IRM
conventionnelle reste à déterminer. La ponction lombaire, souvent anormale, montre volontiers
Au niveau du parenchyme cérébral, l’IRM de diffusion une augmentation de la pression, des globules rouges ou des
montre que l’infarctus veineux est fondamentalement globules blancs et une hyperprotéinorachie. L’EEG, anormal
différent de l’infarctus artériel, elle peut être normale ou dans 75 % des cas [6], montre des signes non spécifiques
montre un hypersignal mais avec des valeurs d’ADC (ralentissements généralisés ou parfois une activité
diminuées, normales ou augmentées [22-23]. Ces épileptique).
constatations en imagerie de diffusion ont un intérêt
pronostique et elles rendent compte de la bien meilleure Le rôle des explorations doppler dans les TVC reste
récupération des lésions parenchymateuses d’origine cependant très limité et sont actuellement en cours
veineuse comparée aux lésions d’origine artérielle, qu’il d’évaluation.
s’agisse d’ailleurs de lésions ischémiques ou hémorragiques.
ETIOLOGIES ET FACTEURS FAVORISANTS
Bien que les modifications de signal du sinus thrombosé
(hypersignal en T1, T2 et diffusion, hyposignal en écho de De nombreuses affections, extra et intracrâniennes, peuvent
gradient) soient les anomalies les plus spécifiques de TVC, être responsables de TVC. Un bilan étiologique approfondi
elles peuvent manquer, surtout dans les tous premiers jours est indispensable car la cause peut nécessiter un traitement
d’une thrombose aiguë ou être d’interprétation difficile. Il est spécifique. La cause reste indéterminée dans environ 20 - 35
alors essentiel de pratiquer une angio-IRM pour faire le % des cas après un bilan étiologique exhaustif. Toutefois, le
diagnostic et le bilan des thromboses veineuses, elle montre diagnostic de thrombose veineuse cérébrale «idiopathique»
l’absence d’opacification des structures veineuses et permet doit être posé avec extrême prudence car la cause peut être
une évaluation précise de l’extension des lésions et de la décelée uniquement lors du suivi [5,11].
recanalisation, les limites de cette technique sont l’étude des
veines corticales et les thromboses segmentaires (Figure 4). Il s’agit schématiquement de toutes les causes de thromboses
veineuses périphériques auxquelles s’ajoutent les causes
locales (traumatismes crâniens, infection de voisinage,
Tumeur cérébrale...) (Tableau1). Il est très fréquent que
plusieurs causes ou facteurs favorisants soient associés ce
qui implique la nécessité d’un bilan étiologique complet
systématique même en cas d’étiologie apparemment
évidente [7]. Les infections, première cause de thrombose
veineuse cérébrale il y a quelques années, sont actuellement
de plus en plus rares grâce à l’utilisation large des
antibiotiques.
Bien que rare, la thrombose du sinus caverneux est la forme
la plus classique de TVC septique compliquant une infection
du tiers moyen de la face à Staphylococcus aureus. Les autres
causes infectieuses sont les sinusites sphénoïdales ou
ethmoïdales, les abcès dentaires, les complications
infectieuses des pathologies de l’oreille moyenne et de la
mastoïde. Enfin, de nombreuses causes infectieuses
générales sont associées à la survenue de TVC qu’elles
soient bactériennes (méningites notamment), virales,
parasitaires ou mycosiques. [12]

Les TVC ont été décrites au cours de multiples maladies


systémiques. Elles sont cependant considérées comme des
Fig. 4: AngioMR veineuse montrant une thrombose étendue complications rares, sauf au cours de la maladie de Behçet.
du sinus longitudinal supérieur et des 2 sinus latéraux. Les cancers et hémopathies peuvent également être
responsables de TVC et méritent d’être éliminés lorsqu’un
Angiographie conventionnelle cérébrale processus général est envisagé. Il s’agit à nouveau de cause
rare de TVC.
Une thrombose très segmentaire ou de veines corticales peut
prendre en défaut le couple IRM-VRM. Le recours à Parmi les nombreuses causes médicales non infectieuses de
l’angiographie conventionnelle à titre diagnostic, TVC, les thrombophilies congénitales sont les plus
circonstance exceptionnelle, peut alors être nécessaire. fréquentes, en particulier la mutation du gène du facteur V
Toutefois, cette technique invasive peut rencontrer des Leiden et celle du gène de la prothrombine (G20210A).
difficultés à authentifier une TVC peu étendue. [24] D’autres types de thrombophilies congénitales telles que les

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Thrombose veineuse cérébrale


Tableau 1 • Les thromboses veineuses cérébrales touchant le système
Causes et facteurs favorisants impliqués dans les thromboses veineuses cérébrales
veineux profond;
Causes infectieuses • Une lésion de fosse postérieure;
Locales • Une aggravation de signes préexistants ou l’apparition de
Traumatisme crânien direct nouveaux signes focaux après l’admission.
Processus infectieux intracrâniens Abcès, empyème sous-dural, méningites, ostéite syphilitique
Infections de voisinage • Surtout
Infections de l’oreille moyenne et/ou de la mastoïde, infections l’étiologie
buccodentaires sous-jacente
ou orbitofaciales, en particulier
sinusites, infections du cuir chevelules
Générales thromboses septiques
Bactériennes Septicémie, endocardite, typhoïde, tuberculose....
Virales Encéphalite, rougeole, hépatite, CMV, HIV...
Parasitaires Paludisme, ankylostomiase, trichinose.... Bien que l’évolution des TVC soit beaucoup moins sévère que
Mycosiques Aspergillose... ne le laissaient supposer les anciennes séries, elle n’en
Causes non infectieuses demeure pas moins d’une grande variabilité. Certains cas
Locales
Traumatismes crâniens ouverts ou
peuvent évoluer en quelques jours soit vers une issue fatale,
fermés avec ou sans fracture soit vers une guérison totale, soit vers la persistance de
Tumeurs séquelles.
Méningiome, métastases, tumeur glomique, médulloblastome, Cela
lymphome, implique en toute circonstance la
astrocytome...
Malformations intracrâniennes Cavité por encéphalique, kyste arachnoïdien...
Malformations vasculaires Fistule dure-mérienne...
confirmation la plus rapide possible du diagnostic et la mise
Infarctus artériels ou hémorragies en route immédiate du traitement adapté afin de limiter au
Intracérébrales maximum le risque d’évolution défavorable. [12]
Gestes interventionnels Ponction lombaire, myélographie, injection intrathécale de corticoïdes
Cathétérisme veineux, ligature veine
jugulaire ou veine cave Traitement :
Générales
Chirurgicales Toute intervention (avec ou sans thrombose veineuse des membres inférieurs)
Gynéco-obstétriques Grossesse et post-partum, Contraception orale
Maladies auto-immunes et Lupus érythémateux systémique, maladie de Behçet, sarcoïdose, maladie de Wegener, colite inflammatoire,
inflammatoire maladie de Crohn, thyroïdite...

Cancers viscéraux
Hémopathies Leucémie, maladie de Hodgkin, lymphome non hodgkinien, hémoglobinurie paroxystique nocturne,
Drépanocytose, polyglobulie, thrombocytémie, anémie...
Thrombophilies et troubles de Déficit en antithrombine, en protéine C, en protéine S, syndrome des antiphospholipides, mutation FacteurV
l’hémostase Leiden, mutation G 20210 A du facteur II, déficit en plasminogène, coagulation intravasculaire disséminée,
cryoglobulinémie, thrombopénie induite par l’héparine
Médicaments L-asparaginase, androgènes, acide aminocaproïque, epoiétine, corticoïdes
Divers Cardiopathies (congénitales, insuffisance ventriculaire droit), syndrome néphrotique, cirrhose, déshydratation
sévère...
Idiopathiques 20 à 35%

déficits en antithrombine III, protéine C ou protéine S sont Le traitement repose sur 3 axes principaux : le traitement
beaucoup moins souvent impliqués. La recherche d’une symptomatique, le traitement étiologique et le traitement
thrombophilie doit faire partie du bilan de toute TVC car le antithrombotique
risque de thrombose augmente particulièrement lorsqu’elle
est associée à d’autres facteurs comme par exemple la phase Traitement étiologique
puerpérale ou la contraception orale [26]. Leur identification
est également importante pour la prévention des Le traitement étiologique consiste à traiter la maladie à
thromboses veineuses lors des situations à haut risque l’origine d la thrombose veineuse. Il doit être mis en place au
thrombotique, que ce soit pour le patient ou les apparentés plus vite, en particulier dans les cas des thromboses
concernés. veineuses cérébrales septiques. Ce traitement peut s’avérer
La grossesse (en fait le post-partum) et la contraception difficile en particulier lorsqu’il s’agit d’une maladie de
orale œstro-progestative rendent compte du pic d’incidence système. Un cancer, une hémopathie ou une infection doivent
des TVC chez la femme jeune. Elles sont de fréquents être traités et guéris avant d’envisager l’arrêt du traitement
facteurs favorisants, même en l’absence de thrombophilie antithrombotique. [10-12]
associée. [12]
Traitement symptomatique
En résumé, de nombreuses études ont montré que la
thrombose veineuse cérébrale est une maladie multigénique Le traitement symptomatique vise essentiellement à lutter
et multifactorielle. Dans les situations où elles sont contre l’hypertension intracrânienne. Il comprend le
cliniquement symptomatiques, les diverses anomalies traitement par diurétiques, les solutés hyperosmolaires
prothrombotiques apparaissent comme fréquemment (mannitol), la restriction hydrique et les ponctions lombaires
conjuguées à d’autres facteurs de risque. soustractives. Son efficacité est évaluée par la clinique et
l’examen du fond d’œil afin de suivre l’évolution de l’œdème
papillaire sur lequel repose le pronostic visuel.
EVOLUTION ET PRONOSTIC Un traitement anticomitial est prescrit uniquement lors de la
survenue de manifestations cliniques épileptiques. [10-12]
Grâce à l’amélioration des possibilités diagnostiques et du
traitement précoce,le pronostic de la TVC s’est nettement Traitement antithrombotique
amélioré ces dernières années. Les patients atteint de TVC
ont le plus souvent une récupération sans séquelle, cela a été La prescription d’antithrombotique à la phase aiguë des
confirmé par l’étude multicentrique récente ISCVT avec un thromboses veineuses cérébrales est communément admise,
taux de mortalité à la phase aigue est de 4,3%. [2] même en cas de lésion hémorragique
Les facteurs prédictifs de décès mis en évidence par analyse La prescription de ces thérapeutiques repose sur 2 études
multivariée sont [7]: réalisées contre placebo [8,27].Elles incitent à
• Le coma à l’admission (score de Glasgow<9); l’administration par voie veineuse d’héparine à dose
• La confusion; anticoagulante dès la confirmation du diagnostic de
• Les crises d’épilepsie; thrombose veineuse cérébrale. Il n’existe, en revanche, aucun
consensus sur la durée du traitement. De façon classique,

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Thrombose veineuse cérébrale

l’héparine est administrée à dose hypocoagulante jusqu’à la 11- Ameri A, Bousser MG. Cerebral venous thrombosis.
stabilisation clinique du patient. Un relais est alors effectué Neurol Clin 1992 ; 10 : 87-111.
par antivitamine K avec comme objectif un INR
(International Normalized Ratio) entre 2 et 3. La durée du 12- I. Crassard, M.-G. Bousser, Thromboses veineuses
traitement anticoagulant n’est pas codifiée et dépend de la cérébrales : mise au point, revue de médecine interne 27
cause trouvée. En cas de thrombose veineuse cérébrale (2006) 117–124
idiopathique, elle varie habituellement de 3 mois à 1 an.
Les fibrinolytiques, injectés directement dans le sinus 13- Newman DS, Levine SR, Curtis VL, Welch KM. Migraine-
thrombosé ou par voie intraveineuse plus ou moins associés like visual phenomena associated with cerebral venous
à des manœuvres de désobstruction mécanique, ont été thrombosis. Headache. 1989; 29: 82-5.
utilisés en dehors d’essais thérapeutiques contrôlés et reste
pour l’instant un traitement d’exception, à réserver aux 14- Urs Fischera, Krassen Nedeltcheva, Jan Grallab, Caspar
formes qui s’aggrave malgré un traitement médical bien Brekenfeldb, Marcel Arnolda, Thromboses veineuses
conduit. Le risque hémorragique cérébral semble faible et la cérébrales: mise à jour, Forum Med Suisse 2008;8(41):766–
récupération clinique bonne mais des études randomisées et 772
de plus grande envergure restent nécessaires. 15- Chiras J, Bousser MG, Meder JF, Kouss A, Bories J. CT in
cerebral thrombophlebitis. Neuroradiology 1985; 27:145–
CONCLUSION 54.
16- Dormont D,Anxionnat R, Evrard S, Louaille C, Chiras J,
La thrombose veineuse cérébrale est une affection vasculaire Marsault C MRI in cerebral venous thrombosis. J Neuroradiol
thrombotique peu fréquente dont la clinique est polymorphe 1994; 21:81–9.
tant dans son mode de début que dans son expression
symptomatique à la phase d’état. Son diagnostic implique le 17- Lafitte F, Boukobza M, Guichard JP, Reizine D, Woimant F,
recours aux examens neuroradiologiques : IRM et angio-IRM Merland JJ. Deep cerebral venous thrombosis: imaging in
veineuse. eight cases. Neuroradiology 1999; 41:410–8.
Son diagnostic impose la mise en œuvre en urgence d’un
traitement anticoagulant à dose curative ainsi que la 18- Bergui M, Bradac GB, Daniele D. Brain lesions due to
réalisation d’un bilan étiologique exhaustif à la recherche cerebral venous thrombosis do not
d’une thrombopathie constitutionnelle ou acquise mais Correlate with sinus involvement. Neuroradiology. 1999; 41:
également d’une cause locorégionale infectieuse ou non. 419-24.

19- Fellner FA, Fellner C, Aichner FT, Molzer G. Importance


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ANNALES DE MEDECINE ET DE THERAPEUTIQUE AMETHER. Octobre 2009 ; Volume 1, N° 1 : 44 - 50


ANNALES DE MEDECINE ET DE THERAPEUTIQUE EL MIDAOUI ET COLL.

Thrombose veineuse cérébrale

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