Somme Il
Somme Il
Somme Il
Doctorat
Sciences du Sport
HURDIEL Rémy
ReLACS / ER3S
Centre Universitaire des Darses
Bâtiment Staps
189 B, rue Maurice Schumann
59379 Dunkerque Cedex 01.
T 03 21 46 55 90
t 03 21 46 55 86
k [email protected]
Site http://www-relacs.univ-littoral.fr
Je dédie ce travail
à tous ceux, collègues, amis, famille, qui m’ont permis de le
réaliser et surtout à mon Papa.
« Il y a trois sortes d’hommes: les
vivants, les morts et ceux qui vont
sur la mer. »
A RISTOTE
Remerciements
Merci aux Syndicat Mixte de la Côte d’Opale qui a financé mes recherches durant
ces trois années de thèse.
Je remercie Denis Theunynck qui a dirigé mon travail depuis 2006 ainsi que pour
la confiance qu’il m’a accordé tout au long de la réalisation de ces travaux.
Merci aux membres du jury d’avoir accepté de critiquer ce mémoire de thèse.
Je remercie les collègues du laboratoire Relacs, particulièrement Thierry Pezé,
Gautier Zunquin, Phillipe Masson, Jeremy Vanhelst, Gilles Bui-Xuân et Jacques Miku-
lovic pour m’avoir donner les coups de main nécessaire à la réalisation et à l’analyse
de ces études.
J’adresse mes sincères remerciements à Christelle Monaca (CHRU de Lille), car
elle m’a souvent accueilli et j’ai beaucoup appris à ses côtés. Merci à Benoit Mauvieux
(UFR Staps de Caen) pour son coup de main en statistiques.
Merci à Hans Van Dongen et à Peter McCauley pour leur formidable soutient (le
mot est faible). C’est une chance pour moi d’avoir pu profiter de leur expertise et de
leur rigueur scientifique.
Merci à messieurs Olivier Coste et Pascal Van Beers (IMASSA, Institut de Méde-
cine Aérospatiale du Service de Santé des Armées) ainsi que monsieur Emmanuel
Billaud (Respironics) pour leur collaboration scientifique et le prêt de matériel poly-
somnographique.
Merci à tous les sujets des études de cette thèse, mais particulièrement aux 78
vi
skippers avec qui nous avons travaillé ou avons tenté de travailler. Pendant leurs
courses, tous ont donné le maximum pour ces recherches,alors qu’ils naviguaient
pour gagner. J’ai essayé en retour de les faire progresser autant que possible. Cer-
tains d’entre eux sont désormais de grand champions. Je suis très fier de leur avoir
ouvert l’esprit sur la problématique du sommeil et de la vigilance.
Merci à messieurs Christian Le Pape et Jean Philippe Ballet-Baz, respectivement
directeur du Pôle France “Finistère Course au large” à Port la Fôret et directeur du
Pôle d’Excellence régional de Dunkerque. Ils m’ont permis de rencontrer une bonne
partie des sujets des études de ce mémoire et ont parfois participé financièrement à
la mise en place de ces études.
Le mot de la fin pour Solenne, ma femme et la maman de nos merveilles, qui s’est
beaucoup occupé seule des filles alors que j’étais “planté” devant mon ordinateur
pour la rédaction de ce mémoire. Je l’espère, elle n’a pas tenu de statistiques sur le
nombre de mes coups de blues...mais il parait que c’est normal pour un thésard.
Résumé de notre travail
4,1 ± 0,4 h dans la première étape (6 à 8 jours) et 4,6 ± 0,4 h dans la seconde (une
vingtaine de jours). Le sommeil polyphasique a variée selon un schéma circadien
normal, c’est-à-dire que la propension au sommeil était la plus élevée en milieu de
nuit, avec un pic secondaire en milieu d’après-midi. D’importantes déficiences fonc-
tionnelles ont été rapportées pendant toute la course. La vitesse à laquelle se sont
produites les déficiences fonctionnelles était plus grande lors de la première étape
par rapport à la seconde étape de la course (plus longue). La nature des déficiences
enregistrées est compatible avec les conséquences typiques de la perte de sommeil.
Dans un deuxième temps, des enregistrements polysomnographiques réalisés au do-
micile des marins, ainsi que ceux réalisés durant les 24 heures suivant l’arrivée d’une
course, suggèrent également que les marins en solitaire sont soumis aux mêmes prin-
cipes de régulation et de rythme de sommeil que l’individu adulte sain. Les variables
de quantité de sommeil et de fatigue étant largement différentes entre vie à terre et
compétition en mer, nous avons retenu ces sujets comme population expérimentale.
Dans une deuxième étape, nous avons développé le logiciel Scextan® et nous
avons comparé l’enregistrement des variables de sommeil obtenu par Scextan® avec
la mesure actimétrique et la mesure subjective par agenda de sommeil. Dans cette
étude, 48 adultes sains répartis en deux groupes ont accepté d’enregistrer les don-
nées de leur sommeil pendant 6 à 7 jours. Les participants portaient un actimètre
au poignet non dominant et ont utilisé l’application Scextan ®. Pour chaque époque
d’une minute, l’algorithme de Sadeh a été utilisé pour scorer les enregistrements is-
sus de l’actimètre. Dix-neuf participants ont également fourni des données à partir
d’un agenda de sommeil manuscrit à intervalles de 15 minutes. Le temps de sommeil
total, les réveils après endormissement, l’efficacité du sommeil et la latence d’endor-
missement ont été calculées. Les analyses statistiques ont révélé une meilleure cor-
rélation et un meilleur agrément (en utilisant la méthode de Bland et Altman) entre
l’actimètre et Scextan® qu’entre l’actimètre et l’agenda de sommeil manuscrit. Tou-
tefois, les coefficients de corrélation et les agréments sont faibles en ce qui concerne
les éveils nocturnes. Nous avons conclu que l’agenda de sommeil électronique Scex-
x
tan® est une méthode valable pour mesurer les temps de sommeil chez les sujets
sains et qu’il est également plus précis qu’un agenda de sommeil manuscrit. Même
si les évaluations subjectives doivent être complétées par l’utilisation d’un accéléro-
mètre pour détecter les éveils au cours du sommeil, l’agenda électronique installé
sur un appareil de poche (de type smartphone par exemple) pourrait offrir plus de
facilités éducatives que l’agenda de sommeil manuscrit, qui est de plus moins précis.
Nous avons ensuite évalué la pertinence de l’implémentation d’un modèle pré-
dictif de performances dans Scextan®. Le but de l’étude était de mesurer la fatigue
psychomotrice en course en solitaire à la voile et de la comparer avec un modèle ma-
thématique de prédiction de performance. 16 marins de haut niveau ont accepté de
participer à l’étude pendant deux de leurs courses (36h et 50h). Leur sommeil a été
enregistré par agenda de sommeil électronique et par actimétrie, et leur fatigue par
temps de réaction simple (SRT 5 minutes). La vitesse du vent, sa variabilité et le cap
du bateau ont été également enregistrés dans le but de faire entrer ces données dans
la prédiction en tant que charge de travail dynamique. Le modèle de prédiction de
McCauley et al. (2009) a été appliqué au pattern veille/sommeil de chaque marin. Le
modèle a expliqué 67 % de la variance des SRT, mais les relevés de vent et cap utilisés
dans un calcul de régression mixte comme covariables linéaires et quadratiques des
résidus de la prédiction n’ont pas constitué d’amélioration significative (P > 0.27).
Cependant, le temps de course entré en covariable (linéaire et quadratique) a signifi-
cativement expliqué la variance du résidu de la prédiction (P=0.02). En fin de course,
les marins ont eu des SRT significativement plus long (P=0.02) mais présentent moins
de défaillances (Lapses) que le nombre prévu par le modèle. Les marins sont donc
moins fatigués en fin de course que ne le prévoit le modèle mathématique. Ceci peut
suggérer que des temps de sommeil n’ont pas été enregistrés, mais nous n’écartons
pas la probabilité que l’introduction dans le modèle de McCauley et al. (2009) d’un
composant spécifique aux courses à la voile en améliorerait la précision.
Dans un dernier temps, Scextan® a été proposé aux skippers de l’édition 2010
de la course transatlantique « Route du Rhum », dans une version ne prenant pas
xi
Many researchers have sought to observe, evaluate and demonstrate the impact
of a lack of sleep on health, safety and productivity. In recent years, work has fo-
cused on individual factors in sensitivity to a lack of sleep. Fatigue management pro-
grammes exist in some professional settings but few are based on dedicated, individ-
ualized sleep management tools.
The goal of this thesis was to develop an individual fatigue management tool that
could be used for educational and training purposes. The tool (called Scextan®) was
designed as a software application. We decided to develop this application as a new
tool for studying and evaluated circadian rhythms under "real life" conditions. The
health education process associated with this software application is based on (i) the
real-time entry of periods of wakefulness and sleep and (ii) a graphic log of these pe-
riods. The system is coupled to a mathematical model that predicts the performance
level as a function of the previously entered periods of wakefulness and sleep. The
objective is to enable the user to plan his/her periods of activity and rest by taking
into account not only individual characteristics and workloads but also environmen-
tal conditions.
The development of this system involved several research and validation steps.
The first section of this thesis reviews the literature on sleep and on fatigue man-
agement. We also reviewed the strengths and weaknesses of the techniques and tools
used to measure sleep- and wakefulness-related parameters. We then describe the
effects and consequences of a lack of sleep. Next, we highlight currently available
mathematical methods for predicting the state of neurobehavioural fatigue and the
xiii
main countermeasures for a lack of sleep (notably from a behavioural and educa-
tional standpoint). We specifically focus on the particular features of single-handed
sailors, who have to manage severe sleep deprivation for several days and under chal-
lenging but known environmental conditions.
The second section of this thesis describes original research work. We first de-
scribe the behavioural patterns of this novel study population on land and at sea. In
fact, single-handed ocean racing is a severe test for these sailors, who have to main-
tain round-the-clock cognitive activity for periods ranging from several days to sev-
eral months. The fatigue induced by a lack of sleep, a high workload and (in some
cases) a circadian phase shift is a threat to the sailors’ health and safety. Very little
research has been performed on this subject and the little that has been performed is
rather dated. This is partly because it is very difficult to collect reliable data on sleep
and performance levels during single-handed ocean races.
Our first research project involved two behavioural investigations in our study
population. In the first study, we recorded the amounts of sleep and functional im-
pairments in 16 sailors during a two-leg transatlantic race. In the second study, we
analyzed 12 sailors’ sleep patterns on land before and after a race. During the transat-
lantic race, each sailor recorded his/her sleep periods and the functional impair-
ments that he/she experienced. The self-rated duration of sleep per 24 hr period
was 4.1 ± 0.4 hr in the first leg (which lasted 6 to 8 days) and 4.6 ± 0.4 hr in the second
leg (which lasted around 20 days). Multiphase sleep varied according to a normal
circadian pattern; sailors were more likely to sleep in the middle of the night, with a
second peak in the mid-afternoon. Significant functional impairments were reported
throughout the race. The time to onset of functional impairment was longer in the
first leg than in the second leg. The type of impairment noted matched the typical
consequences of a lack of sleep. The polysomnographic recordings made on land
before the race and within 24 hours of the end of the race also suggested that single-
handed sailors are subject to the same principles of regulation and sleep rhythms as
other healthy adults. Given that the sleep and fatigue parameters on land and at sea
xiv
ments (used in a mixed regression model as linear and quadratic covariables of the
prediction’s residuals) did not significantly improve the results (p > 0.27). However,
race duration did indeed explain the variance in the prediction’s residuals to a signif-
icant extent when included as linear and quadratic covariables (p=0.02). At the end
of the race, the sailors had a significantly longer SRT (p=0.02) but presented fewer
lapses than predicted by the model. Hence, the sailors were less tired at the end of
the race than predicted by the mathematical model. Although this may mean that
some sleep periods were not recorded, the incorporation of a specific ocean racing
module in McCauley et al.’s model may well improve its accuracy.
Most recently, skippers in the 2010 "Route du Rhum" single-handed transatlantic
race were offered use of a version of Scextan® that (due to time constraints) lacked
the predictive model but did feature an on-demand, standardized educational ap-
proach to sleep management. The race winner was the only sailor to use the Scex-
tan® software intensively to manage and rationally anticipate his state of alertness.
The other individuals displayed variable but promising improvements, which need
to be studied in more detail.
The thesis work on two transatlantic races and four races like the "Solitaire du
Figaro" has shown that despite the inherent technical and methodological difficulties
encountered at sea, these sportspeople (over 70 in all) constitute a high-quality test
population for studying sleep, rhythms and fatigue.
Although the Scextan® Interactive Sleep Diary is still being improved, it has al-
ready proved itself to be a valuable research tool and is on the way to becoming an
individual training and teaching tool. A large-scale proof of concept study is being
planned.
Table des matières
Introduction Générale 1
I Revue de la Littérature 5
1 Le Sommeil : généralités 6
1.1 Données épidémiologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.1 Le sommeil en fonction du genre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
1.1.2 Le sommeil en fonction de l’âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Les adolescents . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Les adultes entrés dans la vie active . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Le Sommeil des plus de 50 ans . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2 L’architecture du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2.1 Hypnogramme de l’adulte jeune . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.2.2 Enregistrement polygraphique d’éveil . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.2.3 Stade N1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.2.4 Stade N2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2.5 Stade N3 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2.6 Le Sommeil Paradoxal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
1.3 Régulation de la veille et du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
1.3.1 Le processus Homéostatique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.3.2 Le processus Circadien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.3.3 Le processus Ultradien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
xvii
II Contribution Personnelle 84
Introduction 85
Annexes 187
A Scextan® A-1
A.1 Scextan® mode Terre - organigramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
A.2 Scextan® mode Terre - captures d’écran . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
A.3 Scextan® mode Mer - organigramme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
A.4 Scextan® mode Mer - capture d’écran . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
A.5 Scextan® mode Mer - rapport PDF . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
A.6 Scextan® dans sa future version . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . A-1
Il existe un consensus scientifique pour affirmer que le sommeil est un état in-
conscient indispensable à la vie et auquel, chaque jour, l’être humain consacre ap-
proximativement 8 heures sur 24, soit in fine, environ un tiers de sa vie. Ce constat
suggère que le sommeil possède une fonction physiologique importante et donc qu’un
manque de sommeil ou une altération de celui-ci amèneront à des modifications
plus ou moins profondes de son architecture et auront des conséquences physiolo-
giques importantes, notamment sur l’éveil.
Plusieurs faits récents peuvent illustrer ce propos :
– En avril 2010, un cargo chinois transportant du charbon s’est échoué dans la
région de la Grande Barrière de corail Australienne. Le Shen Neng, par son nau-
frage, cause une des plus importante catastrophe écologique du pays. L’Austra-
lian Transport Safety Bureau (ATSB) a remis très récemment son rapport d’en-
quête ; il attribue la principale cause du naufrage à la fatigue du capitaine et du
second du navire. En effet, le capitaine n’avait dormi que deux heures et de-
mie au cours des deux jours précédant l’accident. Le commissaire en chef de
l’ATSB, M. Dolan , indique dans ses conclusions que le navire ne disposait pas
d’un système de gestion efficace de fatigue mis en place pour s’assurer que le
personnel de quart à la passerelle était apte à assurer la veille et le bon dérou-
lement de la navigation (un homme de quart est chargé de conduire le navire).
M. Dolan ajoute également que : « La fatigue est l’un des risques pour la sé-
curité face à des gens de mer, et de quart en particulier. L’incapacité à gérer la
fatigue peut entraîner la perte de vies humaines, des dommages aux biens et
des dommages à l’environnement ».
– La catastrophe de Tchernobyl a eu lieu à 1h 23 du matin ;
– La fusion accidentelle du réacteur nucléaire de Three Mile Island en 1979 à 4
Introduction Générale 2
heures du matin ;
– L’explosion de l’usine de pesticides de Bophal en 1984, tuant officiellement
3500 personnes, est survenue à 00h30 ;
– L’échouage de l’Exxon Valdez en 1989 en Alaska eu lieu à minuit.
La fatigue humaine a été impliquée dans toutes ces catastrophes. Mais il ne faut
pas oublier que des accidents, moins médiatiques (ou sur une autre échelle de gra-
vité), attribuables directement ou indirectement à la fatigue, surviennent régulière-
ment, dans les milieux professionnels comme dans le cadre domestique.
En général, la littérature scientifique observe que les symptômes de la privation
de sommeil concernent souvent l’humeur, les fonctions mnésiques, cognitives, exé-
cutives et le contrôle moteur. Parallèlement à ces effets centraux, la restriction de
sommeil influence aussi des fonctions telles que le métabolisme énergétique, les sys-
tèmes endocriniens et immunologiques. La privation de sommeil entraîne ainsi des
changements complexes dans de nombreuses fonctions du corps humain, mais la
fonction exacte et exhaustive du sommeil est toujours le sujet d’un débat intense
dans les sciences.
En terme de santé publique cette fois, le rapport ministériel «Giordanella» de
2006 a mis l’accent sur la nécessité de prendre correctement en compte le sommeil
comme un facteur de bonne santé et de sécurité. Ce rapport, alimenté par les en-
quêtes menées par plusieurs centres de recherche français, a exposé un large éven-
tail de pathologies associées à des perturbations de la veille et du sommeil. Ce travail,
comme celui de l’INPES 1 présenté en 2008, font le constat d’une réduction des temps
de sommeil dans la population Française. Il semble également désormais acquis que
les toutes les populations et tous les âges sont touchés et sont donc potentiellement
exposés aux effets délétères, voire dangereux, de cette restriction de sommeil, qu’elle
soit aiguë ou chronique.
Ces éléments nous ont amené à porter notre attention sur la manière dont la po-
pulation pourrait tirer parti d’actions éducatives ciblées ayant pour objectif de limiter
le nombre et l’impact d’incidents et d’accidents attribuables à la fatigue.
Il existe, à la disposition du public, de nombreux supports tels que les actions
de sensibilisation à l’école, des formations ponctuelles sur les lieux de travail ou des
actions plus ciblées sur la conduite routière ou le sommeil des séniors. Toutefois, les
1. Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé
Introduction Générale 3
outils utilisés lors de ces actions de promotion pour la santé plus que d’éducation à la
santé sont peu nombreux et souvent détournés de leur utilisation originelle pour des
finalités « éducatives » souvent fort différentes des objectifs pour lesquels ils avaient
été conçus à l’origine.
C’est pourquoi, tout en reconnaissant leur bienfondé scientifique et technique,
nous avons souhaité apporter une contribution innovante à l’éducation à la santé
dans le champ du sommeil.
De plus, le mode de vie et de travail contemporain génère souvent, par obligation,
des restrictions de sommeil (travail, transports, vie familiale, etc..). C’est donc cet
environnement que les programmes éducatifs de management de la fatigue (PEMF)
doivent épouser de façon individuelle en imaginant des solutions rationnelles et éco-
logiques, c’est-à-dire prenant en compte la réalité du terrain.
L’objectif de ce travail de thèse est donc de proposer un PMEF innovant compor-
tant à la fois un modèle d’intervention humain et un développement technologique
à travers la conception d’un outil spécifiquement dédié.
Notre démarche repose sur un modèle expérimental construit autour de l’obser-
vation d’une activité sportive pratiquée dans des conditions extrêmes (navigation en
solitaire transocéanique) où l’environnement implique forcément une privation de
sommeil.
Ce modèle permettra la réalisation des différentes étapes nécessaires à la construc-
tion de notre outil et des processus éducatifs qui lui sont associés. Notre démarche
de développement concerne les milieux professionnels où l’attention, la vigilance et
la sécurité sont obligatoires et centrales, mais cherchera aussi à être appliqué plus
largement en tant que dispositif médical.
La première partie de ce document comportera une revue de la littérature, où
nous vous présenterons les principales connaissances sur le sommeil et la gestion
de la fatigue. Ensuite, nous éclairerons les techniques et les outils de mesure des va-
riables du sommeil et de l’éveil, puis les effets et conséquences du manque de som-
meil seront décrits. Enfin, nous verrons comment il est actuellement possible de pré-
dire un état de fatigue. Nous présenterons les principales contremesures au manque
de sommeil, notamment d’un point de vue comportemental et éducatif et nous réa-
liserons un focus spécifique sur la population et les particularités des navigateurs en
solitaire.
Introduction Générale 4
Dans la seconde partie de cette thèse, nous présenterons notre contribution per-
sonnelle comportant 4 étapes. La méthodologie, les résultats et analyses seront dis-
cutés afin de proposer un outil accompagné d’un processus de formation. Les pers-
pectives d’amélioration, leurs voies d’application et leurs limites seront enfin discu-
tées.
Première partie
Revue de la Littérature
Chapitre 1
Le Sommeil : généralités
elles ont connu plus de réveils nocturnes et un sommeil de moins bonne qualité. En
revanche, G OEL, K IM et L AO (2005) dans une étude par l’enregistrement “gold stan-
dard” polysomnographique (voir chapitre sur l’exploration du sommeil 2.1.1 page 20)
a montré que les femmes avaient une meilleure qualité de sommeil que les hommes,
qu’elles s’endormaient plus vite et avaient une meilleure efficacité du sommeil. Le
temps de sommeil était plus long mais, à la différence de R EYNER, H ORNE et al., les
femmes se sont moins éveillées que les hommes. K RISHNAN et C OLLOP (2006) ont
réalisé une méta analyse des effets du genre sur le sommeil. Ils rapportent que dans la
littérature, les femmes ont généralement une meilleure qualité du sommeil par rap-
port aux hommes, avec des temps de sommeil plus longs, une latence d’endormis-
sement plus courte et une meilleure efficacité du sommeil. Malgré cela, les femmes
ont plus de plaintes liées au sommeil que les hommes. Toutefois, les auteurs révèlent
que les périodes physiologiques comme la puberté, la menstruation, la grossesse et
la ménopause, sont associés à des altérations dans les habitudes de sommeil. D’autre
part, l’insomnie semble avoir une prédominance féminine, ainsi que d’une manière
générale les pathologies du sommeil (Syndrôme d’apnées du sommeil et syndrôme
des jambes sans repos) comme le confirme l’étude de l’INSV (2006) réalisée sur plus
de 1000 français.
En résumé, les différences de genre se manifestent largement en ce qui concerne
les temps de sommeil et les troubles du sommeil. Par contre, le sommeil semble se
modifier avec l’âge chez les hommes comme chez les femmes. Les femmes jeunes
semblent avoir un meilleur sommeil que les hommes, mais cette différence semble
largement s’atténuer avec l’âge.
Les adolescents
L’enquête INSV (2005) confirme que, sur une population de plus de 502 adoles-
cents français ayant entre 15 et 19 ans, il existe une privation de sommeil durant la se-
maine de 1h17 en moyenne chez 70% de ces adolescents. En effet, alors que le temps
1.1. Données épidémiologiques 8
de sommeil déclaré est de 7h24 en moyenne par jour, l’INSV recommande environ
9h de sommeil à cet âge. De ce fait, près de 25% des adolescents interrogés se sentent
somnolents au réveil et presque 10% le sont toute la journée, cela correspondant à
une somnolence pathologique (évalué par l’échelle de somnolence d’Epworth (voir
dans le chapitre sur l’exploration de la somnolence 2.3.6 page 35)). En semaine les
adolescents semblent contracter une dette de sommeil qu’ils tentent de récupérer le
weekend. Les conséquences directes évoquées du manque de sommeil sur les ado-
lescents sont la baisse de performances en cours, l’irritabilité et une mauvaise éva-
luation des risques.
Toujours selon l’INSV (2006), 55% des personnes interrogées disent qu’elles dorment
moins que leurs besoins. En semaine, la moyenne de sommeil nocturne des français
est évaluée à 6h58 (7h07 en moyenne par 24 heures). Toutefois, les personnes inter-
rogées aimeraient dormir 8h24 en moyenne. Comme chez les adolescents, les sujets
tentent, le weekend, de « rembourser » la dette de sommeil contractée pendant la se-
maine (7h50 de sommeil en moyenne). Cette compensation du weekend se fait éga-
lement par une sieste d’environ une heure pour 26% des interrogés. Pourtant 80%
des français dorment dans de bonnes conditions. Néanmoins, 33% des personnes,
d’âge adulte interrogées se sentent fatiguées durant la journée et 10% sont fatigués
dès le réveil. Les français souffrant de fatigue déclarent ne pas dormir suffisamment
et rapportent un manque d’énergie ainsi que des sensations de lourdeurs.
Les personnes dormant moins de 6 heures sont plutôt des hommes de 50 à 65
ans mais également les moins de 24 ans et plutôt les cadres. Les personnes dormant
plus de 9 heures sont plutôt des moins de 24 ans, des seniors, des employés ou des
inactifs.
Les conditions de travail sont citées comme co-facteurs de fatigue. En effet, 40%
estiment que leur rythme de travail perturbe leur rythme de sommeil. Au passage
dans la vie active, l’activité professionnelle a engendré un réveil plus tôt le matin
pour 66% d’entre eux ; le couché a été plus tardif de 30 minutes à une heure. Le som-
meil a donc été de fait plus court. Les personnes interrogées estiment également que
cela leur a imposé de dormir moins bien (ils ont plus de réveils au cours de la nuit).
1.2. L’architecture du sommeil 9
Les personnes interrogées dans le cadre de l’enquête INSV (2010) (n=1017 sujets
de plus de 50 ans), disent dormir en majorité 7 à 8 heures par jour. La majorité dit ne
pas faire la sieste et que l’endormissement se fait en moins d’une heure. Toutefois,
les participants révèlent, pour 80% d’entre eux, se réveiller régulièrement la nuit, en-
viron 2 fois. Les retraités interrogés ont répondus que l’arrêt de l’activité profession-
nelle permettait de se réveiller plus tard et de dormir plus longtemps. Toutefois, les
pathologies les plus présentes de cette tranche d’âge sont l’insomnie et les troubles
du rythme circadien (décalage des horaires de sommeil). Enfin, l’enquête a révélé
que 65% des interrogés connaissaient des phénomènes de somnolence anormaux
dûs aux prises de médicaments ou au manque de lumière.
le sommeil à l’aide d’un électroencéphalogramme (EEG). Ils divisent alors les carac-
téristiques des enregistrements en 5 niveaux (voir figure 1.1 page suivante). Au milieu
des années cinquante, un stade distinct de sommeil a été découvert par A SERINSKY
et K LEITMAN (1953) en observant au cours de ce stade des mouvements occulaires
rapides. Quelques années plus tard, D EMENT et W OLPERT (1958) l’associent au rêve.
Mais c’est en 1959 que J OUVET et M ICHEL (1959) observent durant certaines périodes
du sommeil du chat, une atonie musculaire alors que l’enregistrement EEG révèle
un état physiologique du cerveau proche de celui de l’éveil. Depuis ces travaux, ce
stade particulier se nomme Sommeil Paradoxal (SP) en France et Rapid Eye Move-
ment (REM-Sleep) pour les anglo-saxons. Chez l’homme, le sommeil est donc réparti
en deux grandes catégories. Le sommeil à ondes lentes (NREM ou SOL) et le Sommeil
Paradoxal (REM ou SP). Chacun de ces deux types de sommeil est associé à des ca-
ractéristiques physiologiques, neurologiques et psychologiques. Récemment, et se-
1.2. L’architecture du sommeil 10
F IGURE 1.1: Conception de l’architecture du sommeil selon les chercheurs de Chicago dans
les années 60. La profondeur du sommeil est représentée en abscisse. Les périodes de rêve
(parties hachurées) sont assimilés à du sommeil léger. La figure et le texte de la légende sont
tirés du livre de Jouvet “Le sommeil et le rêve” (J OUVET, 1992)
F IGURE 1.2: Sur cette figure est représentée l’hypnogramme de l’adulte jeune non patholo-
gique. C’est à dire la représentation graphique de l’enregistrement des différents stades de
sommeil en fonction du temps. On remarque que la succession d’états physiologique dif-
férents (Sommeil Paradoxal (SP) ; Sommeil Léger (N1 et N2) ; Sommeil Lent Profond (N3))
compose un cycle, une nuit de sommeil étant composées de plusieurs cycles d’environ 90
minutes
1.2. L’architecture du sommeil 11
F IGURE 1.3: Sur cette figure sont présentées 10 secondes provenant de 2 voies d’enregistre-
ment EEG de l’éveil actif. L’enregistrement met en évidence une fréquence entre 15 et 45 hz
selon le niveau d’attention ici élevé. On observe des mouvements rapides des globes ocu-
laires liés à l’activité des yeux ouverts. La respiration est rapide, et le tonus musculaire impor-
tant.
1.2.3 Stade N1
C’est une phase de transition, signe de détente ; le rythme de dépolarisation des
cellules nerveuses du cerveau passe des ondes Alpha ayant une fréquence de 8 à 13
hz(éveil calme) vers des ondes thêta ayant une fréquence plus lente de 4 à 7 hz (voir
1.2. L’architecture du sommeil 12
figure 1.4). C’est à ce niveau de fréquence que l’on distingue l’état de somnolence.
C’est également à ce stade que les hallucinations hypnagogiques ont lieu. Durant ce
stade, le tonus musculaire diminue rapidement, et nous perdons également de plus
en plus conscience des stimulations environnementales.
F IGURE 1.4: Sur cette figure, sont présentées 30 secondes d’enregistrement EEG de N1 tirés
d’enregistrements personnels.
1.2.4 Stade N2
Ce stade est caractérisé par des fuseaux de sommeil ou spindles. Ces fuseaux sont
de brefs états de haute fréquence aux environs de 12 à 14 hz (voir figure 1.5 page
suivante). Ici, le tonus musculaire continue de faiblir et la conscience de l’environ-
nement extérieur a disparu. Ce stade de sommeil peut occuper entre 40 et 50 % du
temps total de sommeil de l’adulte. La respiration se ralenti fortement.
1.2.5 Stade N3
Ce stade est le sommeil lent profond (SLP). Il est principalement caractérisé par la
présence de fréquences très basses, de 0,5 à 4hz (voir figure 1.6 page suivante). C’est
à ce niveau de sommeil que se révèlent les phénomènes parasomniaques les plus
courants tels que le somnambulisme, les terreurs nocturnes ou encore le bruxisme.
Ce stade de sommeil peut occuper 20 à 25 % d’une nuit chez l’adulte et il est très
sensible à la privation de sommeil. Au cours de ce stade, la respiration est lente et
ample.
1.2. L’architecture du sommeil 13
F IGURE 1.5: Sur cette figure, sont présentées 30 secondes d’enregistrement EEG de N2, des
fuseaux ou spindles.
F IGURE 1.6: Sur cette figure, sont présentées 30 secondes d’enregistrement EEG de N3 tirés
d’enregistrements personnels.
F IGURE 1.7: Sur cette figure, sont présentées 30 secondes d’enregistrement EEG de Som-
meil Paradoxal. En haut de la figure, sont représentés les signaux provenant des mouvements
occulaires. En bas, les signaux EEG.
F IGURE 1.9: Présentation de l’action conjointe des processus homéostatique (S) et circadien
(C) au cours d’une privation totale de sommeil de 60 heures.A gauche, le processus Homéo-
statique est illustré par une augmentation constante de la pression de sommeil au cours de
l’éveil, tandis que le processus Circadien fait varier la pression de sommeil avec une alter-
nance rythmique d’environ 24 heures.A droite, l’action conjointe des deux processus entraine
l’évolution de la propension au sommeil au cours des 60 heures d’éveil de façon non linéaire.
La courbe en gris clair est l’évolution théorique de la pression de sommeil et la courbe noire
est la fatigue mesurée (Figure de VAN D ONGEN, C ALDWELL et al. (2006)).
F IGURE 1.10: Durant le sommeil, l’alternance du sommeil à ondes lentes avec le sommeil
paradoxal évolue. Avec une période d’environ 90 minutes le processus ultradien augmente la
part du sommeil paradoxal (REM) au fur et à mesure que la nuit avance. (d’après B ORBÉLY
(2001))
Ces deux états distincts peuvent être définis sur la base des paramètres électro
physiologiques mesurés par exemple à l’aide d’une polysomnographie. Toutefois,
L AVIE (1986) a témoigné par ses études de la continuité de l’état ultradien physiolo-
giques au long du cycle circadien. Les différences de niveau d’éveil pendant la veille
(avec une alternance proche de 90 minutes à l’image d’un cycle de sommeil) ont été
définies par L AVIE (1986) comme les portes du sommeil (primaire et secondaire) et la
zone interdite (Forbiden Zone) (Voir figure 1.11 page suivante).
Les portes du sommeil sont les moments de la journée où les individus ont des
capacités à s’endormir élevés. La zone interdite lorsque la capacité est faible. La pri-
vation de sommeil amplifie la somnolence lorsque les portes du sommeil s’ouvrent.
F IGURE 1.11: Illustration des portes de sommeil primaires et secondaires, ainsi que de la
zone interdite pour un individu. Cette figure est adaptée de L AVIE (1986)
F IGURE 1.12: Evolution des performances subjectives en fonction du temps écoulé depuis
l’éveil (en haut) ainsi que l’évolution des performances cognitives objectives en fonction du
temps écoulé depuis l’éveil (en bas). Les performances faibles au réveil deviennent meilleures
au fur et à mesure du temps. Ces figures sont adaptées de J EWETT, W YATT et al. (1999)
1.4 Conclusion
Le sommeil semble être une caractéristique individuelle mais aussi liée à l’âge, au
sexe et à la catégorie professionnelle qui contraint ou non l’individu. Toutefois, tous
les individus ont besoin de dormir et le font de façon relativement similaire à chaque
nuit normale. En effet, les propensions de sommeil rythmiques biologiques (circa-
dienne et Ultradienne) s’accordent avec une propension liée à l’historique veille-
sommeil pour réguler le sommeil et la fatigue. Néanmoins, un désalignement de ces
processus de régulation risque fort de perturber le déroulement normal du sommeil
et de l’éveil.
Chapitre 2
Exploration de l’éveil, du sommeil et des
performances
2.1.1 La Polysomnographie
La polysomnographie (PSG), est reconnue comme la technique « gold standard »
des études du sommeil (D E S OUZA et al., 2003) et c’est un outil de diagnostic privi-
légié en médecine du sommeil. L’enregistrement polysomnographique est un enre-
gistrement complet des changements électro physiologiques, qui traduisent les phé-
nomènes du sommeil et qui se produisent pendant celui-ci. Cette technique permet
notamment de reconnaître les stades de sommeil N1, N2, N3 et SP (I BER, A NCOLI -
I SRAEL, C HESSON & QUAN, 2007) ainsi que toutes les variables temporelles du som-
meil tels que sa durée, la rapidité d’endormissement, le temps passé à chaque stade,
le temps pour atteindre les différents stades. La PSG enregistre l’activité électrique
du cerveau (EEG), les mouvements oculaires (EOG), ainsi que l’activité musculaire
(EMG) et le rythme cardiaque (ECG). Après l’identification de l’apnée du sommeil
ainsi que des troubles du sommeil qui lui sont associé, dans les années 1970 (G UILLE -
MINAULT , T ILKIAN & D EMENT, 1976), les fonctions respiratoires ainsi que des indica-
teurs d’effort respiratoire ont été ajoutés, ainsi que l’oxymétrie de pouls.
2.1. Explorations du rythme veille sommeil par mesure objective 21
Electroencéphalogramme(EEG)
F IGURE 2.1: Les lettres utilisées sont : F pour le lobe frontal, T pour le lobe temporal, C pour
le placement central (seulement pour identification car ce lobe n’existe pas), P pour le lobe
pariétal et O pour le lobe occipital. Les numéros pairs se réfèrent à l’hémisphère droit et les
numéros impairs à l’hémisphère gauche. Z fait référence aux électrodes placées sur la ligne
médiane. Plus le nombre est élevé, plus la position de l’électrode par rapport à la ligne mé-
diane est lointaine. FP est synonyme de front polaire, c’est ici que l’on y fixe l’électrode de
masse. Le nasion est le point entre le front et le nez et l’inion est la bosse à l’arrière du crâne.
L’Electro-occulogramme (EOG)
L’EOG utilise deux électrodes dont une qui est placée 1 cm au-dessus du canthus
externe de l’œil droit, la seconde est placée 1 cm au-dessous du canthus externe de
l’œil gauche. Ces électrodes captent l’activité des yeux en raison de la différence de
potentiel électrique entre la cornée et la rétine. Cela permet de déterminer le mo-
ment où le sommeil paradoxal (SP) se produit, dont les mouvements oculaires ra-
pides sont caractéristiques. 1 (voir figures 2.3 page 24 et 1.7 page 14)
L’Electromyogramme (EMG)
F IGURE 2.2: Electrodes en or (en haut) et électrodes adhésives jetables (en bas).
L’ Electrocardiogramme (ECG)
Des mesures nasales et orales de flux d’air peuvent être réalisées à l’aide de cap-
teurs de pression installés dans ou près des narines. Ceci permet de mesurer les varia-
tions de la respiration et d’en identifier les interruptions. Les efforts respiratoires sont
également mesurés par l’utilisation de ceintures qui se détendent et se retendent
2.1. Explorations du rythme veille sommeil par mesure objective 24
F IGURE 2.3: EOG : En disposant des électrodes au niveau des canthi latéraux inférieur d’un
côté et supérieur de l’autre et en utilisant une seule électrode de référence sur la mastoïde,
les signaux obtenus doivent être en opposition de phase puisqu’ils correspondent aux mou-
vements de l’oeil droit et de l’oeil gauche qui sont binoculairement synchrones ( 1.7 page 14)
EMG : Les potentiels bioélectriques mesurés en électromyographie correspondent aux po-
tentiels d’action des fibres musculaires. Bien que ce potentiel soit très faible pour une seule
fibre , l’innervation simultanée de plusieurs fibres musculaires par un même motoneurone
induit une différence de voltage suffisante pour être détectée par une paire d’électrodes sur
la peau, ici au niveau du menton.
sous l’action des mouvements respiratoires. C’est par cette méthode que les apnées
centrales ou obscurtives du sommeil peuvent être détectées. L’oxymétrie de pouls
détermine les changements dans les niveaux d’oxygènation du sang (Saturation du
sang en 02 ), fréquents lors d’apnées du sommeil. L’oxymètre de pouls s’adapte sur un
doigt ou sur lobe de l’oreille. Le ronflement peut être enregistré avec une sonde son
disposée dans le cou, à proximitée de la trachée.
2.1.2 L’Actimétrie
L’actimétrie implique l’utilisation d’un appareil portable enregistrant les mouve-
ments du membre auquel l’appareil est attaché. Cet enregistrement de mouvements
peut être réalisé sur de longues périodes compte tenu de la grande autonomie de la
plupart des appareils du marché (Détail dans le tableau 2.2 page 30). Depuis la publi-
cation du rapport de 2002 de l’American Academy of Sleep Medicine (AASM) (L ITT-
NER et al., 2003), l’actigraphie a connu une explosion concernant le nombre d’articles
2.1. Explorations du rythme veille sommeil par mesure objective 25
F IGURE 2.4: Photographie d’un sujet préparé pour une polysomnographie. Photographie
prise lors de la première étude de la contribution personnelle.
F IGURE 2.6: Actogramme issu de l’enregistrement d’un sujet durant une période de 7 jours
consécutifs
29
2.1. Explorations du rythme veille sommeil par mesure objective
Distributeur Produit Poids Autonomie Mémoire Durée Capteur de Etanche Marqueur
batterie d’enregistrement lumière d’évènement
(interval 1 min.)
ActiGraph Actisleep 25 g 8 jrs 4 MB 1410 jrs Oui Oui Non
Ambulatory Basic Motion logger 40g 60 jrs 2 MB 60 jrs Oui Oui Oui
Monitoring Motion logger 65g 30 jrs 2 MB 30 jrs Oui Oui Oui
TABLE 2.2: Caractéristiques des actigraphes les plus répandus sur le marché.
30
2.2. Explorations du rythme veille sommeil par mesure subjective 31
des électrodes). Pour les raisons évoquées, ces techniques ne nous paraissent pas fa-
cilement utilisables dans un contexte opérationnel ou pour des études de terrain à
long terme.
courts pour, par exemple, l’évaluation de la somnolence circadienne. Les valeurs nor-
males de somnolence évaluées par J OHNS dans la version originale ont été fixées à 5,9
± 2,2, ou entre 2 et 10 du maximum de 24 points.
L’Echelle Visuelle Analogique (EVA) (M ONK, 1989 ; B OND & L ADER, 1974)
Cette échelle est une autre méthode pour évaluer la somnolence subjectivement.
Le sujet doit indiquer, en déplaçant un curseur sur une ligne horizontale de 100mm,
son état subjectif au moment du test (de très somnolent à pas somnolent du tout).
2.4. Investigations des fonctions éxécutives 37
Classification
Une large gamme de tests sur les fonctions cognitives, sur la vigilance et sur l’at-
tention soutenue existe. Selon PARROTT (1991) les tests permettant d’explorer la vigi-
lance et la performance peuvent être classés comme suit :
Attention Détection de cibles dans une matrice pré- Barrages de lettre, traitement de l’informa-
sentée rapidement, stimuli répétitifs tion rapide.
Vigilance Détection des stimuli incertains et peu fré- Tests de vigilance auditive, Horloge de
quents sur une période de temps prolon- Macworth
gée
TABLE 2.3: Liste (non exhaustive) de tests existant pour réaliser l’exploration de fonctions
exécutives
2.4. Investigations des fonctions éxécutives 38
Nous présentons ci-dessous les principaux tests utilisés dans la littérature scien-
tifique actuelle :
Tâche de Stroop Le Test de Stroop est un test de souplesse d’attention. Une couleur
est imprimée en toute lettre (jaune, rouge, vert, bleu) affiché dans une couleur diffé-
rente de sa signification . Par exemple, si le mot «vert» est écrit à l’encre bleue, nous
dirons le mot «vert» plus facilement que nous pouvons nommer la couleur dans la-
quelle elle est affichée, dans ce cas le bleu. Les mécanismes cognitifs impliqués dans
cette tâche sont l’attention et l’inhibition. Il s’agit d’arrêter une réponse automatique
afin de dire ou de faire autre chose.
2.4. Investigations des fonctions éxécutives 39
drant des dépenses minimes, en ne nécessitant que peu de temps pour la mise en
place du test en ne demandant de la part du sujet que peu d’effort individuel pour
la collecte des données. La facilité avec laquelle les données peuvent être compilées,
traitées et interprétées sont aussi a prendre en compte. (D INGES & M ALLIS, 1998).
F IGURE 2.8: Résultats des mesures tirées de l’article de B ALKIN, B LIESE et al. (2004). Classe-
ment par ordre de la sensibilité la plus haute à la plus basse pendant une restriction chro-
nique de sommeil. Les paramètres de l’intervalle de confiance sont énumérés pour chaque
test.
2.5 Conclusion
Comme nous l’avons expliqué dans la première section de ce chapitre, différentes
techniques (Objectives et Subjectives) permettent des mesures du rythme circadien
ou des signaux physiologiques intervenant durant le sommeil, de façon plus ou moins
précise. Toutefois, cette précision est intimement liées à la difficulté de mise en place
de la mesure, ainsi qu’à la contrainte pour les sujets. Au long des études de notre
contribution personnelle, ces difficultés et contraintes devront systématiquement
être prises en considération pour le choix de la technique utilisée.
2.5. Conclusion 41
3.1 Introduction
Nous savons, grâce aux travaux princeps de PATRICK et G ILBERT (1896), que le
manque de sommeil affecte les performances à l’accomplissement d’une multitude
de tâches et que certaines taches sont plus ou moins sensibles au manque de som-
meil (B ALKIN, B LIESE et al., 2004). En 1967, W ILLIAMS et L UBIN (1967), font l’hypo-
thèse des «Lapses» 1 survenant inévitablement à la suite d’un manque de sommeil,
et correspondant à un état de somnolence de stade 1 enregistré à l’EEG (G UILLEMI -
NAULT & D EMENT, 1977). D’autres recherches ont par la suite montré que les baisses
de performance, objectivement mesurées (B ALKIN, T HORNE et al., 2000 ; M C C ARTHY
& WATERS, 1997), pouvaient également avoir lieu alors que les sujets sont en plein
éveil. Plus récemment, les symptômes cliniques de la privation de sommeil ont été
définis par B ONNET et A RAND dans leur revue en 2003 et les effets comportementaux
et physiologiques ont été passés en revue par B ANKS et D INGES (2007). A ce jour, de
très nombreuses études ont donc décrit les effets d’une privation ou d’une restriction
de sommeil sur la majeure partie des fonctions du corps humain tels que des troubles
du métabolisme énergétique, de l’hypertension artérielle , des troubles digestifs, des
perturbations de l’humeur et des troubles des fonctions exécutives.
1. en français, brefs évènements de micros sommeils
3.2. La privation totale de sommeil 43
A la lecture de ces travaux, on constate que tous les êtres humains sont concer-
nés à plus ou moins long terme lorsque le sommeil n’est pas suffisant. Toutefois,
des différences interindividuelles existent créant des inégalités quant à la réponse
de l’homme au manque de sommeil qu’il soit aiguë (ou total), ou chronique.
Au cours de la restriction
que d’autres aspects du sommeil sont réduits. En général, le sommeil à ondes lentes
N1 et N2 ainsi que le sommeil paradoxal sont diminués alors que le sommeil pro-
fond de type N3 est très peu modifié en durée (VAN D ONGEN, M AISLIN et al., 2003).
Les pourcentages de TST enregistrés pour chaque stade sont donc modifiés, faisant
augmenter la part de Sommeil Lent Profond. Des changements progressifs sont éga-
lement présents à l’analyse spectrale de l’EEG de sommeil paradoxal représentant
un corrélat de la pression du sommeil paradoxal et de l’éveil (B RUNNER, D IJK & B OR-
BÉLY , 1993). L’effet global est donc une modification nette de l’architecture du som-
meil normal.
Pendant la récupération
F IGURE 3.1: Temps de réaction (RT) bruts observés au cours d’un test de temps de réac-
tion simple de 10 minutes pour une personne ayant subit une privation de sommeil totale.
Les figures montrent les temps de réaction (en ordonnée) en fonction des stimuli successifs
(en abscisse), après 12 heures, 36 heures et 60 heures de veille en continu. Ces figures sont
adaptées à partir de l’article de D ORAN et al. (2001)
six volontaires sains séparés en 4 groupes et ont passé 3h, 5h, 7h ou 9h par jour au lit
(« Time In Bed ») pendant 7 jours (voir figure 3.2 page suivante).
A la suite de cette période de restriction de sommeil, 3 nuits de 8 h de récupéra-
tion ont été offertes aux participants.
Au cours de cette expérience, les performances du groupe « 3h » ont diminué
continuellement durant les 7 jours de privation de sommeil. Dans les groupes « 7h
» et « 5h » les temps de réaction ont d’abord augmenté (et donc les performances ont
baissé), puis ont semblé se stabiliser à un niveau relativement réduit pour toute la
fin de la période de restriction de sommeil. Dans le groupe « 9h », les résultats sont
restés au niveau de référence.
3.4. Effet du manque de sommeil 47
F IGURE 3.2: Performances mesurées par temps de réaction (1/Temps de réaction x 1000) en
fonction du temps. Cette figure de B ELENKY et al. (2003) montre l’évolution des niveaux de
performances pour 4 groupes de sujets privés de sommeil pendant 7 jours (E1 à E7) après une
mesure de référence (B). les performances après 3 nuits de récupération (R1,R2 et R3) sont
présentées. Plus les valeurs en ordonnées sont élevées, plus les performances le sont aussi.
Cette figure montre que les performances sont altérées de façon dépendante à la quantité
de restriction et que la récupération des performances après une restriction chronique de
sommeil n’est pas immédiate.
F IGURE 3.3: Réponses neuro-comportementales à des doses variables de sommeil par jour.
Quatre différents dosages de sommeil (Privation totale de sommeil(0h) ; 4h par jour ; 6h par
jour et 8h par jour) ont servi à mesurer les capacités de performances cognitives par PVT (fi-
gure A à gauche) et de la somnolence subjective par l’échelle de Stanford (figure B à droite) en
fonction du temps. Comme nous l’avons vu dans la section précédente, la restriction de som-
meil engendre des baisses de performances objectives et subjectives (Plus les performances
sont faibles, plus la valeur en ordonnée est forte). Toutefois, pour les groupes 4h et 6h, l’évo-
lution de la fatigue perçue diffère, en quelques jours, de l’évolution de la fatigue testée objec-
tivement.
sique semble ne pas avoir d’effets immédiats. En effet, S OUISSI, S ESBOÜÉ, G AUTHIER,
L ARUE et D AVENNE (2003) ont déterminé dans leur étude l’effet de la privation de
sommeil d’une nuit sur la performance anaérobie du lendemain. Leur analyse a ré-
vélé que les concentrations de lactate dans le sang n’ont pas été affectées par le
manque de sommeil. Les auteurs concluent que la privation de sommeil réduisait
toutefois la différence entre les performances du matin et de l’après-midi dans les
variables de puissance anaérobie (diminution de l’influence circadienne sur les per-
formances). Néanmoins, toujours dans la même étude, les performances anaérobies
n’ont pas été affectées après 24 h de veille, mais l’ont été après 36 h sans sommeil.
D’autres études (revue de S OUISSI et D AVENNE (2004)) observent au contraire
des effets de la privation de sommeil. Dans tous les cas, les auteurs soulignent que
la désynchronisation induite par la privation totale de sommeil se traduit, comme
énoncé précédemment, par une diminution de l’amplitude des fluctuations journa-
lières des marqueurs circadiens.
Mais la majorité des études sur l’association entre les exercices physiques et la
privation de sommeil se sont concentrées sur les performances aérobies (A NTUNES,
A NDERSEN, T UFIK & D E M ELLO, 2008), ne montrant que peu ou aucun effet de ce pa-
ramètre. Les résultats obtenus dans les études divergent considérablement en fonc-
tion du type de privation effectuée et des indices de la performance (D RUST, WA -
TERHOUSE , ATKINSON, E DWARDS & R EILLY, 2005). En effet, dans une étude chez des
militaires ayant évolués pendant 5 jours en situation de simulation de combat (4h
de sommeil moyen par jour) (G UEZENNEC, S ATABIN, L EGRAND & B IGARD, 1994), les
paramètres de consommation maximales d’oxygène et de performances anaérobies
ont été affectées négativement, ce qui ne semblait pas évident dans les conclusions
d’autres études (H ORNE & P ETTIT, 1984 ; P LYLEY, S HEPHARD, D AVIS & G OODE, 1987 ;
C HEN, 1991). Plus précisément, d’un point de vue des paramètres physiologiques de
l’effort, les paramètres ventilatoires pourraient être affectés par la privation de som-
meil (M OUGIN et al., 1991 ; A ZBOY & K AYGISIZ, 2009). Enfin, dans l’étude de Z HONG
et al. (2005), la privation de sommeil était associée à une augmentation de l’acti-
vité sympathique et une diminution de l’activité parasympathique, la modification
la plus constante se situant seulement dans certaines conditions (dans la position
assise dans cette étude).
En conclusion, le consensus semble difficile à trouver dans la littérature compte
3.5. Risques pour la santé 51
tenu de la nature des protocoles, des tests réalisés et de l’heure des mesures. Par
contre, il semblerait que des traits individuels « sensibles » et « résistants » à la pri-
vation de sommeil sur les performances d’endurance, aient été depuis longtemps
identifiés (M ARTIN, 1981).
sont susceptibles d’augmenter l’appétit (K NUTSON, S PIEGEL, P ENEV & VAN C AUTER,
2007 ; VAN C AUTER & K NUTSON, 2008), ce qui pourrait expliquer l’augmentation ob-
servée de l’IMC en cohésion avec de faibles temps de sommeil.
F IGURE 3.4: Les valeurs moyennes de sommeil par nuit qui prédisent l’Indice de Masse Cor-
porel moyen le plus bas sont représentés par le groupe central. Cette figure est tirée de l’article
de TAHERI et al. (2004) sur 1024 participants.
A la lecture des études récentes, l’explication proposée par les auteurs cités précé-
demment nous semble plus complète que l’explication de S IVAK (2006) selon laquelle
l’augmentation du temps d’éveil est associé avec une augmentation de la possibilité
de s’alimenter. Toutefois, le modèle de PATEL et H U (2008), prenant en compte ces
deux approches simultanément, est sans doute lui aussi intéressant. En conclusion,
ces études considérent toutes que le manque de sommeil peut être un risque de mor-
bidité lié à une augmentation de la prévalence de maladies métaboliques chroniques
de type obésité et diabete de type 2 (K. S PIEGEL, K NUTSON, L EPROULT, TASALI & C AU -
TER , 2005).
3.5. Risques pour la santé 53
finies comme des perceptions qui surviennent en l’absence de stimuli externes cor-
respondant. Toute anomalie dans le système perceptif, qui fait prendre conscience
d’objets et de leurs relations avec l’environnement en réponse à une stimulation des
organes des sens, peut provoquer des hallucinations (B ABKOFF, S ING, T HORNE, G EN -
SER & H EGGE, 1989). De telles perceptions peuvent impliquer l’ensemble des sys-
tèmes sensoriels conduisant à des hallucinations auditives, visuelles, tactiles, olfac-
tives ou gustatives. De tels phénomènes impliquent l’ensemble du système nerveux
depuis les organes sensoriels périphériques jusqu’au cortex et sont modulés par les
expériences passées (mémoire), les anticipations en cours, et des facteurs de l’envi-
ronnement.
3.6.4 L’aviation
Dans le secteur civil, l’ Aviation Safety Reporting System (ASRS) aux Etats-Unis
(dévellopé par (R EYNARD, 1986)), suggère que la fatigue est un facteur dans 21% des
incidents aéronautiques signalés et la US National Transportation Safety Board a mis
un accent majeur sur le problème de la fatigue (R OSEKIND, C ENTER, A ERONAUTICS,
A DMINISTRATION & A DMINISTRATION, 1999). Dans les analyses du Bureau d’Etude
des Accidents portant sur la problématique scientifique et opérationnelle des repos
réduits et des services étendus chez les personnels naviguant (rapport du Labora-
toire d’Anthropologie Appliquée (Université Paris 5) L ABORATOIRE D ’A NTROPOLOGIE
A PPLIQUÉE pour la DGAC en 2006 7 ), 44 notifications en aviation générale et 10 en
transport public évoquent la fatigue, avec seulement deux incidents pertinent pour
la problématique des nuits courtes et des repos réduits (Celui d’ Orly, le 23 novembre
1997 et un accident à Pristina, le 12 novembre 1999). C ALDWELL (2005) présente dans
sa revue plusieurs accidents, dans l’aviation civile américaine ainsi que dans l’avia-
tion militaire de l’US Army, liés à la fatigue et ayant couté la vie à plusieurs centaines
7. disponible ici : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Final_
DGAC_Etude_Preliminaire_Fatigue_v2.pdf
3.7. Différences inter-individuelles face à la restriction de sommeil 57
F IGURE 3.5: Réponse individuelle à la privation de sommeil . Tous les sujets ont été testés
deux fois dans les mêmes conditions de privation de sommeil. On remarque que les caracté-
ristiques individuelles pour les 21 sujets testés sont fortes au cours des deux périodes de test
(Losanges et carrés). Les sujets les moins vulnérables sont à gauche et les plus vulnérables
vers la droite. Cette figure est tirée de l’article de VAN D ONGEN, B AYNARD et al. (2004)
3.8 Conclusion
Il y a donc deux type de restriction de sommeil, l’une est aigüe et l’autre est chro-
nique. Dans tous les cas, le manque de sommeil entraîne des effets délétères sur
toutes les fonctions du corps humain, ce qui engendre des risques individuels et col-
lectifs pour la santé et la sécurité. Une fois de plus, les caractéristiques de la vul-
nérabilité des individus face à la privation de sommeil montrent qu’une démarche
éducative doit s’organiser individuellement.
Chapitre 4
Prédiction des performances au cours
d’un déficit de sommeil
4.1 Introduction
Dans les nouveaux schémas économiques et productifs de la plupart des grandes
entreprises et des administrations, le fonctionnement humain est souhaité comme
optimal. Il s’agit, dans une stratégie d’économie financière ou d’obligation de service
rendu, de pouvoir tirer parti au mieux de l’employé, de ses capacités ainsi que de
ses performances comportementales. Certaines entreprises, dans les secteurs de l’in-
dustrie, de l’énergie, du transport et de la sécurité, fonctionnent 24 heures sur 24 et 7
jours sur 7. Comme nous l’avons vu dans le premier chapitre de ce mémoire, les ho-
raires de travail ne sont parfois pas en phase avec les rythmes naturels et biologiques
de l’homme, notamment celui de la vigilance. Les rythmes de travail peuvent égale-
ment provoquer des restrictions de sommeil aigues ou chroniques ce qui n’est pas
sans effet pour la sécurité individuelle, collective ou environnementale. Un modèle
prédictif des performances pourrait donc prendre tout son sens dans ces conditions
contraintes. Selon M ALLIS, M EJDAL, N GUYEN et D INGES (2004), l’idée d’un modèle
prédictif est :
– De prévoir la durée au cours de laquelle la performance est plus susceptible
d’être maintenu à des niveaux acceptables de santé et de sécurité ;
– D’établir les périodes qui sont les plus appropriés pour récupérer ;
4.3. Le “QinetiQ alertness model’ (SAFE : System for Aircrew Fatigue Evaluation) 60
éléments pris en compte par le logiciel sont : le nombre de vols compris dans une
durée de service, la durée de la tâche (Time on task), l’accumulation de la fatigue, les
départs matinaux, le sommeil diurne, l’estimation du sommeil en vol. Toutefois, ce
logiciel n’est pas utilisable en temps réel.
F IGURE 4.1: Cette figure montre l’application du modèle SAFTE de H URSH, R EDMOND et
al. (2004) sur l’expérience de laboratoire de B ELENKY et al. (2003) présentée à la section 3.2
page 47 de ce mémoire. Pour les 4 conditions de temps de sommeil quotidien (3h, 5h, 7h
et 9h), le modèle, représenté par les courbes noires, semble prédire correctement les perfor-
mances moyennes quotidiennes.
compagnie aérienne Quantas (ingénieurs de maintenance) ainsi que par les chemins
de fer Australiens. Le modèle a la capacité d’être modifié en temps réel et a besoin des
heures de travail comme entrée. La planification “court” sur 7 jours.
F IGURE 4.2: Cette figure présente les niveaux de performance en fonction du ratio veille/-
sommeil, tel que le modèle de M C C AULEY et al. (2009) le prédit au cours d’une période de
16 jours. Cette figure illustre également la « bifurcation » de part et d’autre du niveau de 20
heures d’éveil par 24h. Les changements de performances jour après jour sont illustrés par
les lignes en pointillés, alors que les changements en cours de journée sont décrits grâce aux
courbes fines. En partant du bas, les losanges représente les performances pour 16 h d’éveil
par jour. Les carrés 18h par jour et les ronds 20h d’éveil par jour. Les triangles gris (pointe
vers le bas) 22h d’éveil par jour. En noir sont présentés les changements de performances
pour une privation totale de sommeil. Les deux courbes du bas tendent vers un état d’équi-
libre des performances même lorsqu’il y a manque de sommeil (carrés) les performances
diminuent au fil du temps. Par contre, pour les deux courbes du haut, les performances ne
tendent pas vers cet état d’équilibre.
4.12 Conclusion
Dans notre cas, puisque les mêmes marins en solitaire participent à des régates
les privant totalement de sommeil (Solitaire du Figaro) ainsi qu’à des régates les re-
streignant chroniquement de sommeil (Transatlantique, Tour du monde), le meilleur
modèle pourrait être celui de M C C AULEY et al. (2009) car il est sensiblement le plus
avancé pour pouvoir prédire à la fois les conséquences de la privation totale et de
la privation chronique. Ce modèle est également le plus souple pour la création de
l’agenda de sommeil interactif car son interface n’est pas graphiquement normali-
sée. Le modèle de M C C AULEY prend en compte la chronicité de la restriction, ce qui
nous parait fondamental en ce qui concerne l’éducation à la santé puisque comme
nous l’évoquions plus en amont, beaucoup de facteurs comme l’hypertension arté-
rielle et les troubles du métabolisme énergétique, sont plutôt des effets à long terme
de la privation chronique de sommeil.
Chapitre 5
Les contre-mesures à la privation de
sommeil
A RAND, 1995 ; TAKAHASHI & A RITO, 2000 ; H AYASHI, M OTOYOSHI & H ORI, 2005). En
résumé, plus le sommeil est long, plus l’amélioration des performances est grande.
Cependant, certaines études suggèrent que de courtes siestes peuvent être plus
efficaces que des longues siestes (ou ne présentent pas de différences significatives
de performances ). En effet, S TAMPI, M ULLINGTON, R IVERS, C AMPOS et B ROUGHTON
(1990) ont montré que le sommeil polyphasique par des siestes de 50 minutes pen-
dant la journée (après 4 heures d’ancrage de sommeil pendant la nuit) provoquait
un phénomène d’inertie de sommeil sévère. Ce travail a également montré que des
siestes de 20 minutes, qui avaient été pratiquement sans SLP (moins de 5% du temps
de sommeil) avaient été plus efficaces pour faciliter la performance au réveil. T IET-
ZEL et L ACK (2001) ont également montré d’une part que l’inertie du sommeil se pro-
duisait à la suite d’une sieste de 30 minutes, alors que ce n’est pas le cas pour une
sieste 10 minutes contenant que très rarement du SLP, et d’autre part que, même de
très courte durée, ces siestes de 10 minutes avaient eu des effets positifs sur la per-
formance de la journée. L’activité du SLP semble donc centrale dans la stratégie de
durée de la sieste. En conclusion, bien que la sieste puisse améliorer la vigilance et
la performance, elle peut avoir des effets négatifs sur la veille par le biais de l’inertie
de sommeil. Il est également clair que la stratégie a deux conséquences positives et
potentiellement négatives. Cela renforce l’idée que la combinaison de stratégies est
le meilleur moyen d’optimiser la performance opérationnelle et la vigilance (R OSE -
KIND , S MITH et al., 1995).
personnes, une appropriation par elles mêmes des connaissances et une auto obser-
vation qui débouchent sur une réflexion, une prise de conscience des avantages pré-
visibles, puis une décision de faire évoluer leurs pratiques pour mieux respecter leur
propre sommeil et leurs rythmes biologiques. D’autre part, l’INPES dans son rapport
sur le sommeil de 2008 1 , indique après une enquête réalisée auprès d’un échantillon
représentatif de la population française, que les personnes en dette de sommeil y
associent plus que les autres des représentations liées aux activités de détente et de
loisir alors que les personnes ayant un sommeil suffisant font plus référence, com-
parativement aux autres, aux aspects fonctionnels et physiologiques du sommeil («
récupérer/recharger/réparer »). C’est donc par une phase de compréhension des mé-
canismes physiologiques que l’action éducative pourrait transiter, tel qu’avait pu le
proposer R OSEKIND, G ANDER et al. (1997). Pour sa part, la littérature scientifique sug-
gère plusieurs méthodes qui pourraient permettre de mieux manager la restriction
de sommeil, parmi lesquels on trouve l’accompagnement éducatif, l’utilisation de
feed-back (retour sur expérience), l’utilisation des deux conjointement ou l’utilisa-
tion unique d’un matériel (un actimètre par exemple) (voir le travail de P HILLIPS et
S AGBERG (2010)).
Le Système Zeo®
Zeo® est un appareil récemment développé aux Etat Unis, en collaboration étroite
avec des équipes scientifique de haut niveau, ce qui a particulièrement attiré notre
attention. Avec cet appareil, il s’agit de mesurer et d’enregistrer les variables phy-
siologiques du sommeil en utilisant un bandeau d’enregistrement EEG sans fil. Une
fois ces variables enregistrées, elles peuvent être transmises sur un site Internet qui
va compiler les informations. Ce site comprend un profil personnalisé de sommeil,
un journal de bord, et un certain nombre d’outils permettant d’analyser tous les
aspects personnels du sommeil. En outre, Zeo® dispose également d’un centre de
commande de coaching du sommeil où il est possible de personnaliser 7 étapes d’un
programme éducatif. Il examine les mesures passées et les plans d’action les plus
pertinents pour l’utilisateur. Zeo® Software a été validé scientifiquement par com-
paraison avec la polysomnographie complète en laboratoire (W RIGHT, J OHNSTONE,
FABREGAS & S HAMBROOM, 2008) dans une étude où l’objectif était de démontrer que
la technologie de mesure utilisée dans Zeo® était fiable et précise. Les changements
de comportements des utilisateurs ont été évalués dans une autre étude d’usage réa-
lisée par le biais d’Internet, mais non publiée. En effet, les utilisateurs, présélection-
5.2. L’Education au sommeil 75
nés pour avoir exprimé des préoccupations au sujet de leur sommeil ou de faibles
performances au réveil, se sont vu offrir un essai gratuit de plusieurs semaines. A la
réception de l’appareil, une étude subjective par questionnaire portant sur la qualité
du sommeil, la qualité de l’éveil et les connaissances générales au sujet du sommeil a
été réalisée. Cette même étude avec le même questionnaire a été réalisée 6 semaines
plus tard et a révélé des améliorations significatives concernant la qualité du som-
meil, de l’éveil, ainsi que sur les connaissances et sur le sentiment de contrôle du
sommeil. C’est la relation entre les facteurs de connaissances sur le sommeil, la qua-
lité de l’éveil et du sommeil qui est mises en avant par ce produit.
La montre Vivago®
Avec la même idée que celle des concepteurs de Zéo®, Vivago® a développé une
montre actimétrique dont l’objectif est de permettre aux utilisateurs de gérer leur ca-
pital santé par une évaluation de la dépense calorimétrique (VANHELST et al., 2010)
ainsi qu’a l’aide d’une mesure du sommeil. Initialement développée pour la sur-
veillance de personnes âgées, l’objectif « wellness » est désormais proposé aux uti-
lisateurs de la montre Vivago®. Concernant le sommeil, l’idée éducative directrice
repose sur la définition d’objectifs quantitatifs quotidiens de sommeil. La quantité
de sommeil enregistrée jour après jour est observable via une interface graphique.
L’utilisateur, en téléchargeant lui-même les données provenant de la montre actimé-
trique, a la possibilité de comparer ces données avec les objectifs qu’il s’est lui-même
fixé ou avec l’aide d’une tierce personne. Si le système de mesure du sommeil est va-
lidée (L ÖTJÖNEN et al., 2003 ; L AMMINMÄKI, S AARINEN, L ÖTJÖNEN, PARTINEN & KO -
RHONEN , 2005), aucune étude, à notre connaissance n’a pu évaluer l’impact éducatif
de ce système.
Une application pour Iphone®, peu couteuse, se nommant « Sleep cycle alarm
clock » vient d’apparaître sur le marché. L’application est développée par une société
suédoise Lexware Labs AB. Avant tout, cette application utilise les propriétés de l’ac-
céléromètre de l’Iphone® qui détecte les mouvements du dormeur lorsque l’appareil
est posé sur le lit. Le constructeur affirme qu’il détecte les cycles de sommeil après
quelques nuits de réglages, mais aucune étude de validation ne semble disponible.
En effet, sur le plan technique un accéléromètre ne peut donner des informations sur
les stades de sommeil. Seuls les deux états, de sommeil et d’activité, peuvent éven-
tuellement être définis (voir section 2.1.2 page 24). L’idée originale des développeurs
est de détecter des éveils et de coupler cela avec une alarme, pour favoriser le réveil
à un moment où le dormeur est spontanément plus proche d’un stade de sommeil
léger afin d’avoir un éveil plus agréable et donc de limiter le phénomène d’inertie
hypnique . Selon le Docteur Royant–Parola 3 , même après une période obligatoire
de calibration, les résultats obtenus sont moins fins que ceux obtenus avec un acti-
3. informations provenant du site http ://www.carevox.fr/sante-maladies/article/iphone-une-
nouvelle-application
5.3. Conclusion 77
mètre, mais sont intéressants pour avoir une première approche du sommeil chez un
patient qui consulte pour des troubles du sommeil.
Une autre application (Sleep Bot Tracker Log) est disponible pour Android®. Tou-
tefois, ces applications ne sont ni l’une, ni l’autre validées et sont des applications
anglophones.
5.3 Conclusion
Le management de la fatigue est une problématique largement traitée, compte
tenu de son importance du point de vue de la sécurité et de la santé. Les actions et
les programmes sont multiples, se basent principalement sur le transfert de connais-
sance du fonctionnement physiologique et seulement parfois sur la prédiction des
états de fatigue en fonction du comportement prévu. Plusieurs systèmes sont inté-
ressant tels que ceux décrits dans les dernières sections de ce chapitre. Toutefois, soit
la technique utilisée dans les programmes éducatifs est difficilement accessible pour
tous (c’est pour le moment le cas des systèmes prédictifs), soit les techniques “vali-
dées” restent onéreuses (Le système Zeo® coute environ 200 euros, mais c’est aussi
le cas de la montre Vivago®), soit les techniques sont très peu chères mais ne sont
pas validées, c’est à dire qu’on ne sait pas jusqu’à quel niveau on peut se fier à leur
mesure
Chapitre 6
La navigation en solitaire et la privation
de sommeil
ont été enregistrées), ne semble pas significatif du sommeil au cours d’une véritable
course. Néanmoins, ces études montrent que l’adaptation au sommeil polyphasique
a été finalement efficace sur le long terme.
avec leur propre "feeling". Toutefois, l’étude du marin autour du monde réalisée par
T HEUNYNCK, H URDIEL, P EZÉ et al. (2010) avait montré qu’organiser une comptabi-
lité des durées de temps de sommeil engendrait une baisse de la fatigue perçue, car
ce skipper avait augmenté ses temps de sommeil bien qu’il avait encore à effectuer
le parcours difficile dans le sud de l’océan Pacifique jusqu’au Cap Horn. Theunynck
conclut que, dans le cadre sportif et dans des conditions d’exercice difficile, un type
de gestion basé sur une responsabilisation rationnelle peut être intéressant afin de li-
miter les risques induits par la perte de sommeil. S TAMPI (1989b), pour sa part, avait
indiqué que les navigateurs semblaient être plus attachés à un temps de sommeil
moyen quotidien plutôt qu’à la durée des siestes. Toutefois, les marins interrogés
avaient empiriquement détectés les périodes propices du nycthémère produisant le
moins de problèmes au réveil pour le plus de récupération. Presque la moitié des
marins interrogés estimaient en outre que le rythme circadien pour la sieste présen-
tait des avantages, mais qu’il restait difficile de systématiser un rythme à cause de
l’environnement changeant.
6.7 Conclusion
Comme dans les milieux professionnels identifiés dans le chapitre précédent, les
navigateurs doivent gérer de façon complexe leur forme physique, cognitive et leur
sommeil. D’autre part et compte tenu de cela, il est envisageable que les marins
puissent fournir une population expérimentale de choix pour l’étude du manage-
ment de la fatigue et pour l’élaboration de programmes d’apprentissage au mana-
gement. Le nombre limité d’études descriptives du comportement de ces marins,
toutefois, laisse la place à plusieurs interrogations, en particulier concernant la na-
ture du sommeil à terre de ces sportifs, la rythmicité circadienne de leur repos en
mer, l’influence de l’environnement sur l’accumulation de la fatigue et sur la ma-
nière dont nous pourrions les aider à optimiser la gestion du paramètre sommeil
pour établir une performance de plus haut niveau.
Deuxième partie
Contribution Personnelle
Introduction
7.1.1 Introduction
Comme nous l’avons décrit dans la première partie de ce document, la naviga-
tion en solitaire est une activité sportive où la durée de course peut dépasser des
semaines voire des mois et où les efforts demandés pour les marins sont extrêmes.
Seules quelques études publiées sur ces solitaires ont fait état de leur sommeil pen-
dant plusieurs jours au large (S TAMPI, 1989b, 1989a ; T IBERGE, 1992 ; G ROSLAMBERT et
al., 2008). De façon plus générale, la restriction de sommeil soutenue a été largement
démontré comme une nuisance pour la vigilance, l’attention, la mémoire, l’humeur
et pour les fonctions exécutives (C ARSKADON & D EMENT, 1981 ; D INGES, F. PACK et al.,
1997 ; B ELENKY et al., 2003 ; VAN D ONGEN, M AISLIN et al., 2003), le manque de som-
meil peut donc également être un problème critique pour les navigateurs en solitaire
en termes de sécurité comme cela est le cas dans plusieurs activités professionnelles
(Å KERSTEDT & W RIGHT J R, 2009 ; H AMAZAKI et al., 2011).
En raison de la difficulté inhérente à l’obtention de données sur le terrain pendant
des courses en solitaire, les quantités de sommeil et les habitudes n’ont pas été clai-
7.1. Sommeil et course au large 88
rement documentées. Il n’y a pas non plus d’études publiées sur l’influence possible
de la durée de la course (jours en mer), ni sur la fatigue, ni sur le sommeil. Les ma-
rins adoptent souvent une alternance d’éveil et de sommeil composé de nombreuses
siestes ultra-courtes (S TAMPI, 1989b). Toutefois, l’accumulation de quantités quoti-
diennes de sommeil en fonction de la durée de la course n’est pas connue. Une étude
des habitudes de sommeil en voile en solitaire pourrait, apporter de nouveaux éclai-
rages sur la façon dont les siestes peuvent jouer un rôle dans la gestion du sommeil
au décours d’activités de longue durée (par exemple, dans l’armée, dans les naviga-
tions au long court sur les cargos, etc. . . ).
D’autre part, les études publiées sur les marins solitaires en mer n’ont jusqu’à
présent pas démontré un effet significatif de la perte de sommeil sur la vigilance, la
performance ou la sécurité. Toutefois, T HEUNYNCK, H URDIEL, P EZÉ et al. (2010) ont
examiné un lien possible dans l’étude d’un solitaire lors d’une course de 104 jours
autour du monde qui avait ouvert une réflexion éducative à l’origine de ce travail
de thèse. D’ailleurs, la connaissance de l’impact possible du manque de sommeil
sur la performance, lorsque les bateaux sont équivalents, n’est pas encore largement
répandu chez les solitaires, où l’adage est que le meilleur marin est certainement
le plus petit dormeur. En raison d’un manque de données convaincantes de l’effet
contraire, ce point de vue persiste et nous pourrions être tentés de croire que ces
hommes et ces femmes sont exceptionnels.
La complexité de la réalisation des études sur le sommeil et sur les performances
dans les conditions extrêmes de navigation, rend difficile l’évaluation précise de la
durée du sommeil et la mise en relations avec les déficiences fonctionnelles. L’ac-
tigraphie et la polysomnographie ont été utilisé lors des courses de voile, mais ces
techniques se sont avérées difficiles d’utilisation pour mesurer la durée du sommeil
en mer (S TAMPI, 1989a ; T HEUNYNCK, H URDIEL, P EZÉ et al., 2010) en raison d’arte-
facts dus aux mouvements du bateau et de l’environnement humide. Pour la pré-
sente étude, nous avons utilisé un agenda de sommeil pour estimer les durées de
sieste et pour enregistrer l’importance des déficiences fonctionnelles en temps réel,
tout en répondant à la contrainte des solitaires c’est à dire la facilité d’utilisation.
En outre, nous avons réalisé des entretiens post-course afin de vérifier et préciser le
sommeil et les résultats concernant les déficiences fonctionnelles.
Le but de ce premier travail était d’examiner le sommeil et les déficiences fonc-
7.1. Sommeil et course au large 89
tionnelles (auto-déclaré) chez les marins en solitaire au cours de deux étapes d’une
course transatlantique afin d’observer si ces sportifs pouvaient constituer une popu-
lation expérimentale pour la suite de notre travail personnel.
Dans cette course, outre que les deux étapes impliquaient des durées en mer dif-
férentes, elle semblaient a priori comparables en termes de conditions et de charge
de travail. Nous avons supposé que la voile en solitaire en mer impliquait un manque
de sommeil et nous pensions que les résultats de l’état de vigilance seraient dimi-
nués, conduisant à des performances affaiblies et des menaces pour la sécurité. Au-
trement dit, nous avons émis l’hypothèse que les temps de sommeil ainsi que les
troubles vécus et signalés varieraient en fonction de la durée des étapes et que les
réponses fonctionnelles des navigateurs en solitaire au manque de sommeil corres-
pondrait aux éléments de la littérature.
F IGURE 7.1: Cette figure présente le parcours de la Transat 650 dont le départ est donné
en France et l’arrivée au Brésil. La première étape (plus courte que la seconde) amène les
skippers au port de Funchal sur l’île de Madère, Portugal où ils se sont reposé durant environ
10 jours.
Sujets
Agenda et Interview
Les lois maritimes obligent les marins à tenir un journal de bord pour garder
une trace de la position (longitude, latitude) et des conditions environnementales,
plusieurs fois par jour tout au long de leurs traversées. Nous avons développé un
agenda de sommeil spécialement conçu pour les sujets, dans lequel chaque période
de 24h était couverte par deux pages adjacentes pour l’enregistrement efficace des
habitudes de sommeil polyphasique, des événements importants ainsi que leur po-
sition géographique et les conditions environnementales qu’ils rencontraient. (Voir
figure 7.2 page suivante). Les sujets ont donc été invités à utiliser l’agenda de som-
meil et le journal de bord comme un outil unique. Ils ont été invités à enregistrer
leur temps de sommeil en heure locale (si cela n’a pas été le cas les heures ont été
transformées en fonction de leur position connue) dès que possible et à chaque fois
après avoir dormi. Ils ont également enregistré des conditions environnementales
telles que la vitesse du vent et la hauteur de la houle mais aussi les incidents à bord,
l’auto-évaluation des déficiences et les erreurs techniques.
Dans les 48 h après la fin de chaque étape, un entretien semi-directif a été mené
avec chacun des sujets et enregistré. Les entrevues ont duré environ 1 h pour l’étape
la plus courte (la première) et 2 h pour la plus longue. L’objectif de ces entretiens était
de confirmer, le cas échéant, les informations des agendas de sommeil, afin d’obtenir
les données décrites ci-dessous avec autant de précision que possible.
A partir des agendas et des entretiens, les données suivantes ont été extraites :
– Heures et durées du sommeil : pour chaque sujet, le sommeil (polyphasique) a
été comptabilisé en minutes de sommeil pour chaque bloc d’1 h de la journée
sur tous les jours en mer.
– Troubles psychomoteurs : ont été retenus les graves erreurs techniques (omis-
sions, maladresses et sévères « sorties de route »), la casse ou la perte de maté-
riel (sauf pour les problèmes d’usure normale, problèmes électriques, etc), et
les situations de risque vital (homme à la mer, feu à bord, etc).
– Les difficultés pour se réveiller : soit l’incapacité d’être réveillé par une alarme
(avec le bateau à la dérive librement) mais également l’incapacité à distinguer
7.1. Sommeil et course au large 92
F IGURE 7.2: Cette figure présente l’agenda de sommeil pour une journée en mer. Dans la
Zone A seront inscrites les heures de début et de fin de sommeil ainsi que la durée. Dans la
Zone B la force du vent et la position (en haut), les déficiences et les événements (en bas).
Dans la Zone C : notes libres (par exemple, le classement)
Nous n’avons pas pu obtenir d’informations fiables en ce qui concerne les heures
d’occurrences des troubles fonctionnels (troubles psychomoteurs,difficultés pour se
réveiller, expériences hypnagogiques et troubles de l’humeur). Les données de défi-
ciences fonctionnelles ont donc été comptabilisées par jours, défini de minuit à mi-
nuit, du premier jour de course à la veille du jour où le premier marin fini la course. Il
y avait donc, comme pour les temps de sommeil, 5 jours d’analyse de données pour
les déficiences fonctionnelles de la première étape et 20 pour la seconde.
Analyse Statistique
Les données ont été analysées avec SAS 9.2 (SAS Institute Inc, Cary, NC). Les du-
rées de sommeil ont été analysés par analyse de variance à effets mixtes (VAN D ON -
GEN , O LOFSEN, D INGES & M AISLIN, 2004) pour prendre en compte les aspects intra-
sujet (mesures répétées) et les aspects inter-sujets de l’étude. Des analyses spéci-
fiques (ANOVAs à effets mixtes) ont été réalisées pour examiner les différences de
la course la plus courte par rapport à la plus longue, respectivement sur la quantité
de sommeil totale quotidienne ainsi que sur la quantité de sommeil pris selon l’heure
de la journée.
Les données des troubles fonctionnels de chaque étape ont été regroupés par su-
jets et ont été analysés par régression linéaire en fonction des journées passées en
mer.
7.1.3 Résultats
La durée moyenne de sommeil par 24 h était de 248 ± min 21 (4,1 ± 0,4 h) dans
la première étape de la course (courte) et 276 ± 21 min (4,6 ± 0,4 h) dans la seconde
étape (plus longue). La différence entre les deux étapes en ce qui concerne la durée
moyenne générale du sommeil n’a pas atteint le seuil de significativité statistique
(F1,5383 = 1,89, P = 0,17). Le classement de la course n’était pas significativement liée
à la durée moyenne générale du sommeil, ni au cours de la première étape, ni au
cours de la seconde (F1,5262 = 0,34, P = 0,56).
La durée moyenne générale du sommeil a sensiblement varié selon les jours (F19,5360
= 2,28, P = 0,001) mais il n’y a pas eu de différence significative entre les deux étapes
de la course (F4,5360 = 0,30, P = 0,88). Voir figure 7.3 page suivante. Distinctement,
7.1. Sommeil et course au large 94
F IGURE 7.3: Cette figure illustre la durée du sommeil par jour de course. Les moyennes quo-
tidiennes (et erreur-type) de la durée du sommeil sont présentés en fonction des jours (blocs
de 24 h allant de 08 :00 à 08 :00), pour la première étape (en noir) et la seconde (en gris)
F IGURE 7.4: Cette figure illustre la propension au sommeil moyenne (et erreur-type) à travers
les heures de la journée observée dans chaque bloc d’1 h pour la première étape (en noir) et
pour la seconde (en gris).
TABLE 7.1: Nombre et fréquence des troubles fonctionnels dans les deux étapes de la course.*
Un total de 12 sujets x 5 jours = 60 sujet-jours ont été analysés pour la première étape,et 8
sujets × 20 jours = 160 sujet-jours ont été analysés pour la deuxième étape.
7.1.4 Discussion
Cette étude a contribué à l’acquisition de données précieuses concernant le som-
meil mais aussi en ce qui concerne les déficiences fonctionnelles dans les courses au
large en solitaire. Au cours d’une course transatlantique à deux étapes, les habitudes
de sommeil polyphasique ont été fortement régies par le rythme circadien de pro-
pension au sommeil. Les portes primaire (nocturne) et secondaire (après-midi) du
sommeil (Lavie, 1986) et la zone interdite pour le sommeil (le soir) étaient clairement
présents (Figure 7.4 page précédente). En tant que tel, les marins sont donc soumis
au même principe circadien du sommeil normal typique de l’homme adulte (B OR-
BÉLY , 1982).
F IGURE 7.5: Nombre cumulatif de déficiences fonctionnelles par sujet-jour dans la course.
A gauche : la première étape (courte) avec 12 sujets. A droite : seconde étape (longue) avec 8
sujets. Les valeurs sont empilés.la courbe noire présente l’évolution des déficiences psycho-
motrices ; La courbe grise présente l’évolution des difficultés pour se réveiller ; La courbe en
pointillé noirs, les expériences hallucinatoires et les pointillés gris, l’évolution des troubles de
l’humeur
nir par les skippers, avaient eu un impact significatif sur le fonctionnement neuro-
comportemental. La nature des déficiences est compatible avec les conséquences ty-
piques de la perte de sommeil que l’on trouve dans la litterature (D INGES & K RIBBS,
1991 ; J ACKSON & VAN D ONGEN, 2011). La vitesse à laquelle des déficiences fonction-
nelles ont eu lieu était plus grande (augmentation sur plusieurs jours) dans la pre-
mière étape (courte) par rapport à la seconde (voir figure 7.5 page 97), même si au
final de chaque étape le cumul de ces défaillance est le même. Faute d’éléments ob-
jectifs, la source de cette différence est spéculative, mais pourrait être liée à la prépa-
ration et à l’insuffisance de sommeil et l’agitation de la préparation d’avant départ.
Cela semble être plus un problème de projection pour la plupart des sujets, qui sont
souvent partis fatigués pour la première étape , en opposition à leur départ pour la
seconde étape, après une pause relativement tranquille (par anticipation de la longue
navigation qui les attendait). Il se pourrait également que les sujets passent par une
phase d’adaptation au rythme marin de deux à trois jours (D E L A G ICLAIS, 1991 ; D E
L A G ICLAIS, L ÉGER et al., 2001) et qui engendrerait un cumul de fatigue et de dé-
faillances que le skipper tente de stabiliser pour la suite de l’épreuve à un niveau lui
permettant de rallier le port d’arrivée.
Toutefois, utiliser avec succès un équilibre optimal entre le temps d’éveil, d’une
part, et le temps passé à dormir pour maintenir la capacité des performances opti-
males, d’autre part, pourrait donner en voile comme dans d’autre activités un avan-
tage déterminant pour les performances et la sécurité. La question des heures de
sommeil permettant d’atteindre une efficacité opérationnelle optimale a déjà été dé-
battue (H ORNE, 2010), abordée avec des schémas d’optimisation basée sur un mo-
dèle et théorisé (VAN D ONGEN & B ELENKY, 2011 ; VAN D ONGEN, B ELENKY & J. K RUE -
GER , 2010). Actuellement cette balance ne peut pas être facilement quantifiées.
Pour les marins, mais peut être pour d’autre profession où la restriction de som-
meil est chronique, cette question pourrait être abordée heuristiquement par la no-
tion de “Wakefulness Made Good” (WMG) (Meilleur compromis veille/sommeil) -
analogue au terme utilisé en voile «Velocity Made Good" (VMG). Le VMG est la vi-
tesse réelle projetée sur la route directe menant au point visé. Autrement dit, c’est
la composante de la vitesse d’un bateau projetée vers l’arrivée lorsque la direction
du vent ne permet pas de naviguer vers la destination finale en ligne droite. Dans
de telles circonstances, un skipper doit trouver un équilibre optimal entre la vitesse
7.1. Sommeil et course au large 100
relative vers la destination et l’angle au vent, afin d’atteindre son but le plus rapide-
ment. De même, le WMG implique qu’un skipper aurait besoin de trouver un équi-
libre optimal entre l’éveil (et donc le manque de sommeil) et l’efficacité du compor-
tement neurologique, afin de naviguer plus efficacement. Plus la course est longue
(ou plus l’opération professionnelle est longue), plus ce concept peut être pertinent,
non seulement pour la compétitivité, mais aussi pour la sécurité. Ce propos pourrait
être illustré par l’accumulation de fatigue (et donc de défaillances) plus rapide lors de
la première étape que lors de la seconde, compte tenu de la perception de l’arrivée
plus proche et donc d’un rythme plus élevé (Les temps de sommeil sont plus long de
30 minutes par jour en moyenne et le sommeil est favorisé en début de nuit lors de la
seconde étape).
Enfin, il est probable que les différences individuelles concernant le sommeil et
les effets de la privation de sommeil (VAN D ONGEN, B AYNARD et al., 2004 ; A. T U -
CKER , D INGES & van D ONGEN, 2007) conduiront à la variabilité de ce WMG parmi les
marins. La faible fiabilité des estimations subjectives des besoins en sommeil et des
effets de la privation de sommeil (voir VAN D ONGEN, V ITELLARO et D INGES (2005))
met l’accent sur l’importance du développement d’outils pour aider les individus à
gérer objectivement leurs propres WMG. En milieu professionnel où les exigences de
performances sont élevés et où les performances et la sécurité sont essentielles, des
outils ont été développés dans le cadre de systèmes de gestion de la fatigue et des
risques (R OSEKIND, S MITH et al., 1995 ; D AWSON & M C C ULLOCH, 2005 ; C ALDWELL,
M ALLIS et al., 2009 ; VAN D ONGEN & B ELENKY, 2011) mais il serait sans doute pro-
metteur d’utiliser cette démarche en éducation à la santé de façon plus large. Un ou-
til de gestion de la fatigue basé sur des modèles mathématiques capables de prédire
la fatigue, une diminution du rendement du à la perte de sommeil (D EAN, F LETCHER,
H URSH & K LERMAN, 2007 ; H URSH & VAN D ONGEN, 2010) peut donc être particulière-
ment utile dans ce cadre. Il a été démontré que de tels modèles peuvent être adaptés
de façons individuelles (O LOFSEN, VAN D ONGEN, M OTT, B ALKIN & T ERMAN, 2010) et
ils pourraient être mis en œuvre sur des ordinateurs de poche pour la planification
et la surveillance en temps réel d’un état de fatigue. Considérant que le manque de
sommeil à long terme implique des risques pour la santé dépassant le risque acci-
dentel, un outil comme celui-ci pourrait être un modeste investissement.
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 101
7.2.1 Introduction
Comme nous venons de le montrer dans l’étude précédente, la course à la voile
en solitaire impose une restriction de sommeil aiguë ou chronique. La contre mesure
utilisée repose sur des périodes de sommeil ultra courtes, afin de pouvoir exécuter au
mieux les tâches cognitives et motrices de la navigation.
Généralement, l’architecture du sommeil de récupération suivant une restriction
de sommeil est, selon les conditions de restriction, fortement modifié en comparai-
son du sommeil normal (B ANKS, VAN D ONGEN et al., 2010 ; Å KERSTEDT, K ECKLUND
et al., 2009 ; B EERSMA et al., 1990). Dans certains cas, en mer comme dans les activités
« terriennes », des périodes de privations de sommeil ou de restrictions de longues
durées sont entrecoupées par des périodes de récupération. C’est par exemple le cas
lors de la succession des quarts (périodes travaillées de 4 heures suivies de 4 heures
de repos) sur des navires marchands, dans des conditions exceptionnelles d’exercice
(opérations militaires ou de sécurité) ou lors de cycles de travail posté.
Il en est de même lors de courses par étapes à la voile en solitaire. En effet, lors
de La Solitaire du Figaro, chaque été, 4 étapes de 48 à 72 heures (300 à 500 miles
nautique chacune) sont disputées par 50 concurrents très entraînés utilisant exacte-
ment les mêmes bateaux (monotypie). Cette course engendre pour les skippers une
privation de sommeil aiguë à chaque étape et une obligation de gérer la fatigue un
mois durant ; la durée moyenne d’éveil en mer est très élevée et atteindra souvent
plus de 22 heures par jour (T IBERGE, 1992). T IBERGE (1992) avait effectué des enregis-
trements électroencéphalographie (EEG) de la récupération au cours de la première
nuit après l’arrivée de ce type de course et avait observé un rebond de sommeil pro-
fond. Néanmoins, D E L A G ICLAIS, L ÉGER et al. (2001) a semblé ne pas en observer.
Toutefois les durées de sommeil que les marins étudiés ont pris dans ces deux études
ne sont pas du tout les mêmes, les marins de l’étude de T IBERGE (1992) ayant beau-
coup moins dormi.
Puisque nous souhaitions valider une population d’étude avec des navigateurs
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 102
Procédure
Au cours de l’hiver 2009, il a été proposé à tous les skippers de deux centres d’en-
traînement de haut niveau 1 2 de participer à cette étude. La première phase de ce
travail était de réaliser un enregistrement polysomnographique ambulatoire d’une
nuit au domicile des participants hors période de navigation. La seconde partie était
la mesure des temps de sommeil en mer lors d’une course à la voile en solitaire. Enfin,
nous leur avons proposé de réaliser l’enregistrement polysomnographique de toutes
les phases de sommeil prises dans les 24 heures suivant leur retour au port.
Sujets
Tous les sujets volontaires ont été testés avant, pendant et après une course de
300 miles nautiques (Solo Macif Marine – Les Sables d’Olonne ou Select 6,50 – Porni-
chet). Pendant la course, tous les skippers ont utilisé soit des bateaux identiques de
trente pieds monotypes (Bénéteau ®, Figaro 2, course dite Solo Macif Marine), soit
des bateaux de 21 pieds (Mini, course dite Sélect 6.50). La durée moyenne des courses
étudiées était de 41,8 ± 2,5 heures pour tous, soit deux nuits passées en mer. Le départ
des courses était donné à midi et la fin à eu lieu en fin de nuit, vers 5 heures du matin,
pour la Solo Macif Marine et en début de matinée, aux alentours de 9 heures, pour la
Select 6,50. Après la course, deux des 5 skippers complètement enregistrés n’ont pas
dormi pendant la journée pour ranger les équipements du bateau et préparer leur
retour à leur port d’attache.
Mesures réalisées
Variables étudiées
Les paramètres du sommeil ont été calculés pour chaque épisode de sommeil.
Il s’agit de la période de sommeil totale (PST), soit le temps entre l’apparition du
sommeil et de réveil final , et le temps de sommeil total (TST), c’est à dire la diffé-
rence entre PST et la somme des éveils après l’endormissement (WASO). L’indice de
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 104
l’efficacité du sommeil (SE), c’est-à-dire le rapport TST / PST, a été calculé. La la-
tence d’endormissement (SOL) et l’index de réveils nocturnes (AI) correspondant au
nombre de réveils scorés par époque de 30 secondes par heure de TST ont été inclus
dans l’analyse. Les durées relatives (% min et TST) par rapport à chaque stade du
sommeil (N1, N2, N3 et REM) ont également été définies.
Analyses statistiques
L’analyse des données s’est voulu descriptive. Toutefois, les effectifs étant faibles,
nous avons choisi de traiter des résultats à l’aide de tests non paramétriques (test
de Wilcoxon) pour comparer l’évolution des variables du sommeil avant et après la
course.
7.2.3 Résultats
Le détail des résultats d’enregistrement des nuits de base est présenté dans le
tableau 7.2 page suivante.
Ces résultats montrent que la latence d’endormissement est de 13 ± 12 minutes.
Trois sujets n’ont pas donné d’information sur l’heure exacte de l’extinction de la lu-
mière. Deux sujets ont des latences de 26 et 42 minutes. La période totale de sommeil
est de 468 ± 77 minutes, soit environ 7 heures 45 minutes entre le début du sommeil
et l’éveil final. La durée d’éveil intra sommeil (WASO) s’élève à 30 ± 20 minutes en 26
± 10 épisodes (NbA) et le TST à 438 ± 78 minutes. L’efficacité du sommeil est de 93,4
± 4 %. Le temps passé dans les deux stades de sommeil léger est de 7,4 ± 5 % pour le
stade N1 et de 47,5 ± 8 % pour le N2. Le sommeil lent profond (N3) occupe 23,5 ± 7
% du TST alors que le sommeil paradoxal en représente 21,6 ± 7%.
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 105
Moy. (ET) 13 (12) 468 (77) 438 (78) 7,4 (5) 47,5 (8) 23,5 (6) 21,6 (7) 3,4 (1) 30,6 (20) 93,4 (4)
Le détail des durées de sommeil en mer est présenté dans le tableau 7.3.
K 120 6 x 20 non
B 390 13 x 30 non
C 15 1 x 10 et 1 x 5 oui
E 70 5 x 10 et 4 x 5 non
F 20 2 x 10 oui
TABLE 7.3: Periode totale de sommeil pris en mer (PTS)et enregistré par agenda de sommeil.
Plusieurs sujets ont eu des hallucinations au retour au port.
Les durées des siestes sont courtes, allant de 5 minutes de prise volontaire de re-
pos à 30 minutes. Deux skippers n’ont dormi que 15 ou 20 minutes durant la course
(skippers C et F), le skipper E a dormi 70 minutes, le sujet K a dormi 2 heures en 6
périodes. Seul le skipper B a nettement plus dormi que les quatre autres (390 mi-
nutes) en treize siestes. Les deux skippers ayant le moins dormi ont vécu chacun une
période d’hallucination entre 5h et 6h (fin de deuxième nuit de restriction aiguë de
sommeil).
Le tableau 7.4 page suivante présente le détail des enregistrements de toutes les
périodes de sommeil de récupération au cours des 24 heures suivant l’arrivée au port.
Trois skippers ont été enregistrés dès le matin de leur arrivée (L, G, F) et les trois
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 106
Moyenne (Ecart Type) 660 (167)* 613(153)* 4,8 (3) 37,3 (5)* 32,4 (8) 23,2 (7) 2,4 (1) 92 (3)
p 0,01 0,02 0,57 0,01 0,06 0,84 0,12 0,67
TABLE 7.4: Les moyennes et écarts type (Moy.(ET)) sont calculés pour la totalité du sommeil
pris dans les 24 heures de récupération, sauf pour AI.
autres ne se sont couchés que le soir. En moyenne, dans les 24 heures suivant l’arrivée
au port, la période totale de sommeil et le TST sont significativement plus longs que
lors de la nuit de base (respectivement 660 ± 167 minutes ; p = 0,01 et 613 ± 153 ;
p = 0,02) . Sur la période des 24 heures, la distribution des stades de sommeil, ne
diffère significativement qu’au regard du stade N2 qui diminue (37,3 ± 3 % ; p = 0,01).
L’augmentation du stade N3 n’atteint pas le seuil de significativité (32,4 ± 8 % ; p =
0,06).
Aucune autre valeur n’est significativement différente par rapport à la nuit de
base.
7.2.4 Discussion
Les enregistrements de l’architecture du sommeil par polysomnographie ambu-
latoire que nous avons effectués dans cette étude, montrent que les marins, au cours
de la nuit de base, sont globalement de bons dormeurs (L ANDOLT, D IJK, A CHERMANN
& B ORBÉLY, 1996 ; D AUVILLIERS & B ILLIARD, 2004 ; B ILLIARD & K ENT, 2003). Compte
tenu des valeurs enregistrées dans les différents stades de sommeil léger (55%), pro-
fond (23 %) et paradoxal (22 %), et compte tenu du nombre de réveils nocturnes en-
registré relativement faible (moyenne de l’index de réveils nocturnes de 3,5 par heure
de plus de 15 secondes). Toutefois quelques skippers ont été gênés, à cause de “l’effet
première nuit”, par l’appareillage lors de l’endormissement (L ORENZO & B ARBANOJ,
2002). Néanmoins, la latence d’endormissement est courte puisqu’en moins de 15
minutes, la presque totalité des skippers se sont endormis. Ceci est caractéristique
7.2. Le Sommeil des Marins à Terre 107
d’une population jeune (B ONNET & A RAND, 1999) et d’une forte propension au som-
meil intervenant naturellement à l’heure du coucher (L AVIE, 1997).
D’autre part, seulement 8 skippers ont accepté de réaliser le protocole jusqu’au
bout, 3 d’entre eux ayant invoqué la probable gêne occasionnée par le matériel pour
dormir correctement au retour de course. Les enregistrements de trois skippers lors
de la phase de récupération ont été inexploitables sans que nous puissions objective-
ment en déterminer les causes. Ceci souligne dans tous les cas les difficultés d’accep-
tation pour les sujets et de mise en place des enregistrements polysomnographique
ambulatoires surtout lorsque les sujets sont dans un état de fatigue extrême et que le
temps qui est offert pour réaliser la pose du matériel est très restreint. Par exemple,
lors de l’arrivée de la Solo Macif marine, trois skippers très fatigués ont dû être équi-
pés en moins d’une heure (skippers J, F et G) par l’expérimentateur.
Sur l’eau, même si nous supposons que des micros sommeil involontaires ou
«sleep attack» (D URMER & D INGES, 2005) n’ont pas été enregistrées par les marins,
les périodes de sommeil très faibles en course sont en accord avec la littérature (T I -
BERGE , 1992). Egalement, de graves conséquences cliniques sont observées puisque
deux marins ont vécu des hallucinations, symptômes connus lors de la privation de
sommeil et de l’isolement (A SAAD & S HAPIRO, 1986), ce qui montre comme dans
l’étude précédente, que les skippers “flirtent” avec les limites physiologiques de leurs
capacités cognitives.
Chez les sujets en bonne santé, il est admis que le sommeil est régulé par deux
processus principaux (B ORBÉLY, 1982 ; D AAN et al., 1984). Le processus homéosta-
tique (S) dépend des quantités d’éveil et de sommeil. Pour qu’il n’y ait pas de dette
de sommeil, l’augmentation de la pression lors de l’éveil doit s’équilibrer avec la dis-
sipation exponentielle de la pression au cours du sommeil. Après une veille prolon-
gée, l’architecture du sommeil est donc modifiée de manière à favoriser un rapide
retour à l’équilibre normal (D IJK, H AYES & C ZEISLER, 1993). Par conséquent, il est
logique d’observer un rebond de sommeil profond lors de la récupération après l’ar-
rivée, car la durée du sommeil dans la course étant très faible, la pression de S est très
élevée lors des premiers sommeils de récupération. Toutefois, l’étude de la récupé-
ration après deux jours de forte restriction de sommeil ne montre pour cette étude
qu’un rebond de sommeil en ce qui concerne le PTS et le TST. En dépit de la grande
dette de sommeil, le sommeil profond ne montre pas ici de rebond statistiquement
7.3. Conclusion 108
significatif, peut être en raison du faible nombre de sujets étudiés. Cependant, une
très forte tendance à l’augmentation du sommeil profond est observée, ce qui est lar-
gement en accord avec la littérature (F INELLI, B AUMANN, B ORBÉLY & A CHERMANN,
2000), cette augmentation de sommeil profond, s’étant faite au dépend de la quan-
tité de sommeil léger, puisque le pourcentage de stade N2 au cours des sommeils de
récupération est significativement plus faible.
7.3 Conclusion
Ces deux premières phases de notre travail se sont attachées à montrer que les
marins navigateurs en solitaire, à terre comme en course, répondaient aux même
principes physiologiques que ceux de l’être humain “normal”. De façon générale, l’al-
ternance spontanée de l’éveil et du sommeil suit une distribution circadienne et ul-
tradienne tels qu’avait pu décrire la littérature. D’autre part, à partir d’un sommeil
de bonne qualité à domicile, et lorsque le sommeil manque, les skippers connaissent
eux aussi des défaillances à des degrés plus ou moins importants allant de simple
troubles de l’humeur aux hallucinations.
Compte tenu ce ces résultats, nous pouvons prétendre que ces sportifs peuvent
constituer une population expérimentale pour la suite de nos travaux, même si, comme
nous l’avons montré, des difficultés méthodologiques apparaissent. Nous avons pensé
que ces difficultés pouvaient être limitées en créant une version électronique de l’ou-
til de mesure (Agenda de sommeil), pour une saisie d’informations plus simple et ré-
pondant aux objectifs éducatifs par un caractère interactif. Toutefois, une étude de
validation préalable de ce nouveau système de mesure nous semblait nécessaire et a
fait l’objet de l’étude suivante.
Chapitre 8
Validation d’un Agenda de Sommeil
Électronique,le Scextan®
8.1 Introduction
En France, le sommeil est considéré comme étant une préoccupation de santé
publique (L ÉGER & O GRIZEK, 2009), mais les troubles du sommeil sont encore insuf-
fisamment diagnostiqués et pris en charge (L EGER, 2008). Récemment, le groupe de
travail pour l’information, l’éducation et la promotion de la santé (rapport G IORDA -
NELLA (2006) insistait sur le besoin de sensibiliser et d’impliquer largement la po-
pulation dans une démarche éducative individuelle. Ce rapport propose que la pro-
motion se fasse par une auto-observation qui conduise à une prise de conscience,
chacun prenant alors la décision de faire évoluer lui-même son respect des temps et
des rythmes sommeil.
Le développement et la validation d’appareils qui enregistrent les paramètres du
sommeil, facilement utilisables et de faible coût, sont donc d’un intérêt important
pour la recherche sur le sommeil et pour l’éducation à la santé, ainsi que pour le
management de la fatigue dans les milieux professionnels (M OORE -E DE et al., 2004).
Plus simple que la polysomnographie qui est admise comme la technique gold
standard d’évaluation de l’activité veille sommeil (cf. chapitre 2.1.1 page 20), l’acti-
graphie (S ADEH & A CEBO, 2002) est la technique de mesure objective répandue dans
les recherches cliniques (voir également au chapitre 2.1.2 page 24). Son coût est plus
8.1. Introduction 110
des conditions environnementales dans lesquelles les sujets évoluent obligent à une
saisie simple et rapide des informations de sommeil (T HEUNYNCK, H URDIEL, VAN -
HELST et al., 2007) et présentent une problématique identique à celle rencontrée en
pratique clinique. Nous avons donc été amené à développer un agenda de sommeil
sur un support informatique et l’avons dénommé Scextan®. Avant d’en poursuivre
le développement comme outil de mesure, de recherche et d’éducation au mana-
gement de la fatigue et au risque opérationnel, nous avons réalisé une étude dont
l’objectif a été de comparer le taux d’agrément entre les données recueillies par cette
application, l’agenda de sommeil “classique” manuscrit et l’actigraphie.
8.2.1 Procédure
Pour prendre en compte le biais méthodologique de l’utilisation conjointe de
l’agenda de sommeil manuscrit et de l’agenda de sommeil électronique (puisqu’un
ordinateur de poche présente systématiquement une horloge à son utilisateur), deux
groupes de participants ont été constitués selon leur ordre d’arrivée dans l’étude. Le
groupe A a conjointement utilisé un Actimètre (ACT), un Agenda de Sommeil Ma-
nuscrit (ASM) ainsi que l’Agenda de Sommeil Électronique (ASE) Scextan® qui a été
développé par notre laboratoire. Le groupe B n’a utilisé que l’Actimètre et l’Agenda
de Sommeil Électronique Scextan®.
Les participants ont été conviés individuellement ou par groupe de 8 personnes
maximum à une réunion d’information dans les locaux de l’Université du Littoral
Côte d’Opale. Un entretien a permis au médecin chargé du bon déroulement de
l’étude d’écarter, chez les volontaires, toute pathologie associée au sommeil. L’in-
clusion dans l’étude à été réalisée à la suite de cette réunion et les volontaires ont
finalement accepté de participer à cette étude.
L’observation s’est faite en condition de vie réelle, c’est-à-dire qu’aucun aména-
gement de veille et de sommeil n’a été demandé au cours de la période d’étude. La
durée de l’étude a été fixée à sept jours et sept nuits pour tous les participants. Les
résultats des participants n’ayant réalisé le protocole que durant six jours ont aussi
été inclus dans l’analyse.
8.2. Matériel et Méthode 112
8.2.2 Participants
De septembre 2010 à février 2011, 48 sujets se sont portés volontaires pour cette
étude. Les 24 premiers participants ont été inclus dans un groupe A et les 24 suivant
dans un Groupe B. Dix sujets (cinq dans chaque groupe) ont été écartés de l’analyse à
cause de déviation de protocole (défaut d’utilisation d’une des méthodes de mesure).
L’analyse des résultats de l’étude n’a été conduite, in fine, qu’au près d’un total de
trente huit participants volontaires en bonne santé (21 hommes et 17 femmes ; 29 ±
9 ans) habitant Dunkerque ou ses alentours.
– (c) Le temps total de sommeil (TTS) est défini par la période de temps entre
l’heure d’endormissement et l’heure de réveil final le matin ;
– (d) Le temps de sommeil vrai (SV) est le temps de sommeil total avec exclusion
de toutes les périodes d’éveil ;
– (e) L’efficacité du sommeil (ES) est exprimée par le pourcentage du sommeil
vrai par rapport au temps de sommeil total ;
– (f) Les réveils nocturnes (NbE) sont définis par le nombre de réveils qui ont
duré 5 minutes ou plus, et qui ont été précédés et suivis d’au moins 15 minutes
de sommeil ininterrompu ;
– (g) La somme de la durée des éveils nocturne (EvN) a également été calculée ;
– (h) Enfin, l’heure du réveil final (Rév) a été définie par la première minute du
premier épisode d’éveil suivant le dernier épisode de sommeil.
(Depuis combien de temps êtes vous réveillé ?), le nombre (NbE), les heures et la durée
de chacun des réveils nocturnes (par méthode graphique) permettant de calculer le
temps total d’éveil nocturne (EvN). Indirectement sont calculées, les valeurs de TTS
et ES. Enfin, toutes les données saisies par l’utilisateur, soit dates, heures et valeurs,
sont archivées dans un répertoire codé.
négative, elle indique une surestimation ou une sous-estimation. 95% des différences
seront comprises entre les limites haute et basse. L’étendue de cet intervalle doit per-
mettre de conclure à l’interchangeabilité des méthodes ou non. Cette méthode a été
utilisée pour l’analyse de l’agrément des variables de Temps de Sommeil Total (TTS),
Nombre des Eveils Nocturnes (NbE) et l’Efficacité du Sommeil (ES). L’analyse de la
Latence d’Endormissement (LE) a été uniquement réalisée entre l’Agenda de Som-
meil Électronique et l’Actimètre (Groupes A et B).
Le test de Student pour échantillons indépendants à été utilisé pour comparer
les moyennes enregistrées pour les sujets des groupes A et B. Cette analyse a été ef-
fectuée pour chacun des paramètres de sommeil enregistrés par l’Actimètre et par
l’Agenda de Sommeil Électronique. Le test de Student pour échantillons appariés a
été utilisé pour calculer la différence statistique de la mesure des variables entre les
appareils. Les données ont été saisies et analysées dans et par le logiciel R.
8.3 Résultats
38 participants (21 hommes et 17 femmes) âgés de 20 à 55 ans (voir tableau 8.1)
ont réalisé le protocole avec rigueur et n’ont pas révélé d’insomnie à l’enregistrement.
19 sujets font parti du groupe A et 19 autres du groupe B. Ces sujets sont jeunes pour
la plupart, puisque 17 d’entre eux ont moins de 25 ans, 18 ont entre 26 et 40 ans et
seulement 3 ont plus de 40 ans. Cent vingt trois nuits ont été traitées pour le groupe
A et 126 pour le groupe B, soit une moyenne de 6,55 nuits étudiée par sujet.
Les moyennes et écart types des paramètres de sommeil mesurés par les trois
méthodes sont présentées dans le tableau 8.2 page 117.
En moyenne, pour tous les enregistrements, les mesures des différentes variables
ne sont pas statistiquement différentes entre les deux groupes (n=123 et n=126) qu’elles
8.3. Résultats 116
soient mesurées par Agenda de Sommeil Électronique ou par Actimètre, excepté pour
la mesure du nombre d’éveil nocturnes avec l’Agenda de Sommeil Électronique (p<0,05),
le groupe A ayant mesuré plus de réveils nocturnes.
Pour le Groupe A (ACT+ASM+ASE), seules les variables en relation avec les éveils
nocturnes (NbE, EvN et ES) diffèrent statistiquement de la mesure Actimétrique, qu’elles
soient mesurées par n’importe quel outil subjectif. Pour le groupe B (ACT+ASE), toutes
les variables diffèrent significativement entre l’Agenda de Sommeil Électronique (ASE)
et l’Actimètre (ACT). Toutefois, il n’y pas de différence significative dans les variables
entre l’Agenda de Sommeil Électronique et l’Agenda de Sommeil Manuscrit excepté
pour le nombre de réveils nocturnes (p<0,001), l’ASE ayant mesuré plus de réveils.
L’étude de corrélation, dont la totalité des résultats est présentée dans le tableau 8.3
page 118, révèle un lien fort entre les paramètres mesurés par Actimètre et par l’Agenda
de Sommeil Électronique, sauf en ce qui concerne les mesures dérivées des éveils
nocturnes (NbE, EvN, SE) . Les représentations graphique des corrélations du Temps
Total de Sommeil (TTS), de la Latence d’Endormaissement (LE), du Nombre d’Eveil
nocturne (NbE) et de l’Efficacité du Sommeil (ES) sont présentée figure 8.1 page 119.
Les résultats montrent une meilleure corrélation entre l’Actimètre et l’Agenda de
Sommeil Électronique qu’entre l’Actimètre et l’Agenda de Sommeil Manuscrit. Les
corrélations avec la mesure Actimétrique, entre les variables déduites ou mesurées
liées aux éveils nocturnes, sont faibles pour les deux méthodes subjectives. Ces ré-
sultats sont identiques pour l’étude des nuits moyennées sur 6 à 7 jours comme pour
l’étude détaillée.
La latence d’endormissement mesurée par l’Actimètre présente une bonne corré-
lation avec l’Agenda de Sommeil Électronique. La latence d’endormissement n’a pas
été calculée pour l’agenda de sommeil manuscrit car dans l’étude nous ne pouvions
la comparer de façon fiable à aucune autre méthode.
Comme pour l’étude de corrélation, l’agrément (B LAND et A LTMAN) est meilleur
entre l’Agenda de Sommeil Électronique et l’Actimètre, qu’entre l’Agenda de Som-
meil Manuscrit et l’Actimètre (voir Tableau 8.4 page 118).
Les résultats montrent que les agréments du TTS entre l’Agenda de Sommeil Élec-
tronique et l’Actimètre sont meilleurs lorsque la moyenne sur 6 à 7 nuits est calculée
que pour toutes les nuits enregistrées par tous les sujets. Toutefois, selon les deux
méthodes d’analyse, l’agrément du TTS est toujours meilleur entre l’Agenda de Som-
8.3. Résultats 117
TABLE 8.2: Vue générale des valeurs moyennes (Moyenne(± Ecart Type)) pour les variables
mesurées par Actimètre, Agenda de Sommeil Électronique et Agenda de sommeil Manuscrit ;
NA : Non Applicable ;
p a : seuil de significativité du t de Student sur échantillons indépendants entre les moyennes
des groupes A et B pour chaque outil de mesure et chaque variable ;
p a,b,c : seuil de significativité du t de Student sur échantillons appariés calculés pour chaque
variable et pour chaque groupe entre l’Actimètre et l’Agenda de Sommeil Électronique (p a ),
entre l’Actimètre et l’Agenda de Sommeil Manuscrit (p c ), l’Agenda de Sommeil Électronique
et l’Agenda de Sommeil Manuscrit (p d ).
TABLE 8.3: Corrélations de Pearson de toutes les variables entre les trois types de mesure
pour les valeurs moyennée pour chaque sujet ou pour le détail de toutes les nuits enregis-
trées ;
Valeur de la significativité du lien entre les variables : a : p<0,001 ; b :p<0,01 et c : p<0,05
TABLE 8.4: Moyenne des différences systématiques entre les méthodes de mesure et limites
d’agréments ainsi que des limites hautes et basses, soit Moyenne ±1.96 Écart Type
8.3. Résultats 119
ACT vs ASE
Groupe A (N=123) Groupe B (N=126)
LE LE
120 120
y = 0,9135x - 0,47 y = 0,9241x - 3,69
R² = 0,88 R² = 0,89
ASE (min)
ASE (min)
90 90
60 60 ACT vs ASM
30 30
Groupe A (N=123)
0 0
0 30 60 90 120 0 30 60 90 120
ACT(min) ACT(min)
ASM (min)
600
ASE (min)
ASE (min)
500
500 500
400
400 400
300 y = 0,7564x + 115,97
300 y = 0,9869x + 7,78 300 y = 0,9488x + 32,11 R² = 0,61
R² = 0,97 R² = 0,93
200 200 200
200 300 400 500 600 700 800 200 300 400 500 600 700 800 200 300 400 500 600 700 800
ACT(min) ACT(min) ACT(min)
y = 0,0117x + 0,10
ASE (Nb)
6 6
6 y = -0,0193x + 0,31 5 R² = 0,01
y = 0,0107x + 0,30 5
5 R² = 0,01
R² = 0,01 4 4
4
3 3
3
2 2
2
1 1
1
0 0
0
0 2 4 6 8 10 0 2 4 6 8 10
0 2 4 6 8 10
ACT(Nb) ACT(Nb)
ACT(Nb)
ES ES ES
100 100 100
99 99 99
98 98 98
97 97 97
96
ASM (%)
96 96
ASE (%)
ASE (%)
95 95 95
94 94 94
93 93 93
92 y = 0,0553x + 94,17 92 y = 0,0948x + 90,23 92 y = 0,1776x + 82,23
R² = 0,04 R² = 0,02 91 R² = 0,03
91 91
90 90 90
80 85 90 95 100 80 85 90 95 100 80 85 90 95 100
ACT(%) ACT(%) ACT(%)
F IGURE 8.1: Représentations graphique des corrélations entre l’Actimètre (ACT) et les deux
méthodes subjectives ASE et ASM pour les mesures des variables Latence d’Endormissement
(LE), Temps Total de Sommeil (TTS), Nombre d’Eveils Nocturne (NbE) et Efficacité du Som-
meil (ES), pour toutes les nuits enregistrées par les sujets.
8.3. Résultats 120
ACT vs ASE
TTS TTS TTS
ES ES ES
F IGURE 8.2: Représentation graphique de l’analyse par la technique de Bland et Altman pour
le traitement des nuits moyennées pour la Latence d’Endormissement (LE), le Temps Total de
Sommeil (TTS), le Nombre d’Eveils Nocturnes (NbE) et pour l’Efficacité du Sommeil (ES). On
observe un meilleur agrément du TTS de l’Agenda de Sommeil Électronique que de l’Agenda
de Sommeil manuscrit vis-à-vis de la mesure Actimétrique, quelque soit le groupe de mesure
A ou B.
8.3. Résultats 121
ACT vs ASE
TTS TTS TTS
ES ES ES
F IGURE 8.3: Représentation graphique de l’analyse par la technique de Bland et Altman pour
le traitement de toutes les nuits enregistrées par les sujets pour la Latence d’Endormissement
(LE), le Temps Total de Sommeil (TTS), le Nombre d’Eveils Nocturnes (NbE) et pour l’Effica-
cité du Sommeil (ES). On observe un meilleur agrément du TTS de l’Agenda de Sommeil
Électronique que de l’Agenda de Sommeil manuscrit vis-à-vis de la mesure Actimétrique,
quelque soit le groupe de mesure A ou B.
8.4. Discussion 122
8.4 Discussion
Notre étude montre que Scextan® est plus précis que l’Agenda de Sommeil papier
pour la mesure de l’alternance veille sommeil. Toutefois, l’actimètre révèle beaucoup
mieux que ces deux outils les réveils nocturnes.
Nous avons choisi la méthode de scorage par l’algorythme de S ADEH, S HARKEY
et al. (1994) en sachant que celle de C OLE et al. (1992) aurait sans doute offerte des
résultats différents. Le développement technologique de l’actimètre utilisé ici a été
basé, selon le fabricant, sur les caractéristiques techniques de celui utilisé par S ADEH
pour la détermination de son algorithme. D’autre part, l’âge moyen de notre popula-
tion (environ 30 ans) nous a amené à choisir celui-ci (S ADEH avait étudié des sujets
de 23 ans en moyenne alors que C OLE des sujets de 50 ans en moyenne). Toutefois,
l’étude de D E S OUZA et al. (2003) qui avait comparé les algorithmes de C OLE et de
S ADEH avec des mesures polysomnographique, montre pour les deux, une bonne
concordance avec le “gold standard” des mesures du sommeil.
Par ailleurs, l’appareil Actisleep n’a pas été validé par la comparaison à d’autres
techniques comme auraient pu l’être certains appareils (K USHIDA et al., 2001). Toute-
fois, les appareils validés ne le sont que pour des populations présentant des troubles
du sommeil (M ORGENTHALER et al., 2007). Globalement, la littérature accrédite un
bon agrément de l’Actimètre avec la polysomnographie aussi chez le sujet en bonne
santé (A NCOLI -I SRAEL et al., 2003), ce qui permet de nous affranchir d’une valida-
tion préalable, même si elle pourrait être préférable notamment dans le cas d’études
ultérieures de sujets ayant une pathologie.
Enfin, la méthode de détermination des variables de sommeil tels que l’heure
d’endormissement et les éveils nocturnes, par un appareil actimétrique, ne fait pas
consensus dans la littérature. Nous avons pour notre part, déterminé les paramètres
de sommeil avec la technique que Sadeh a utilisé dans une étude récente (S ADEH,
K EINAN et al., 2004) menée auprès d’étudiants en bonne santé. D’autres auteurs ont
utilisé des méthodes différentes notamment pour mesurer l’heure d’endormissement
et les éveils nocturnes. Par exemple, L ANDIS et al. (2003) ont défini l’endormissement
des sujets après seulement 2 minutes d’inactivité alors que W OLFSON et al. (2003) et
W ERNER, M OLINARI, G UYER et J ENNI (2008) ont utilisé 3 minutes consécutives d’in-
activité pour définir l’endormissement. Enfin, VAN D EN B ERG et al. (2008b) ont utilisé
8.4. Discussion 123
les résultats de L AUDERDALE et al. (2006) qui avaient montré que les temps de som-
meil mesurés par Agenda de Sommeil étaient surestimés par rapport aux temps me-
surés par actimètre.
Toutefois, toujours en ce qui concerne le Temps Total de Sommeil, l’Agenda de
Sommeil Manuscrit, ne montrant qu’un agrément modéré avec la mesure actimé-
trique, est moins précis que l’application électronique Scextan®. L’analyse des deux
différentes méthodes subjectives utilisées dans cette étude, nous permet de montrer
qu’elles sont interchangeables, mais que grâce à l’enregistrement des paramètres à
la minute près de l’Agenda de Sommeil Électronique, il existe une méthode alterna-
tive à l’agenda papier manuscrit. Néanmoins, que ce soit par n’importe quelle me-
sure subjective, les éveils nocturnes, leur nombre et leur durée sont mal mesurés en
comparaison de la méthode actimétrique. Ceci confirme la difficulté de mesure ob-
jective de toutes les variables du sommeil (B AKER, M ALONEY & D RIVER, 1999). Nous
observons que les éveils intra nocturnes courts chez le sujet en bonne santé sont très
mal évalués, mais il est envisageable que les éveils plus longs et donc plus facilement
identifiables seront mieux mesurés par l’Agenda de Sommeil Électronique. D’autres
mesures pourraient être envisagées auprès d’une population souffrant d’une patho-
logie pour observer de façon fiable cela.
Par contre, nous souhaitions comparer les analyses de la prise en compte de chaque
enregistrement à celle des enregistrements moyennés pour chaque sujet comme il
8.5. Conclusion 124
est classique de le voir dans la littérature (B LACKWELL et al., 2008). Les résultats montrent
une différence sensible entre ces deux types d’analyse en atténuant les différences
de mesure entre les outils lorsque les nuits sont moyennées. Lorsqu’une seule va-
leur par sujet est prise en compte l’effet principal est la diminution des différences
de mesures. Dans une analyse comparative entre plusieurs méthodes de mesure, la
prise en compte de toutes les mesures est donc préférable pour rendre compte plus
précisément des relations entre les outils.
Enfin, cette étude, pour la première fois, montre que les outils issus des nouvelles
technologies dans lesquelles Scextan® pourrait être implanté (appareils portables ou
smartphone) permettent de rendre plus ergonomiques les évaluations du sommeil,
et, comme dans cette étude, plus précises, sans être significativement couteuses.
Des applications disponibles sur Internet existent (B LAKE & K ERR, 2010), d’autres
sur téléphone mobile , mais aucune n’avait jamais été testée à notre connaissance
et n’avait jamais fait l’objet d’aucune comparaison avec un outil objectif. L’applica-
tion Scextan® ayant des objectifs d’éducation à la santé et de recherche devait donc
être comparée aux autres méthodes de mesure, et validée avant la poursuite de son
développement. Cette étude montre que ce type d’application permet d’obtenir une
bonne observation du rythme circadien. Les possibilités éducatives sont alors large-
ment plus importantes avec ce type d’outil qu’avec n’importe quel autre, étant donné
que les utilisateurs, comme les médecins, pourraient bénéficier de toute la puissance
graphique, de la grande capacité de stockage et de restitution d’informations des ou-
tils informatiques, pour définir des objectifs comportementaux et en assurer le suivi
régulier.
8.5 Conclusion
Notre étude montre que Scextan® peut être utilisé de façon valide et autonome
pour la mesure du sommeil ou en complément de l’actimétrie (S ADEH, 2011). Tou-
tefois, il convient de rappeler que la mesure par actimètre n’est pas le gold-standard
pour la mesure des variables du sommeil, et que les résultats sont donc à considérer
de façon relative aux techniques utilisées, c’est-à-dire en les opposants les unes aux
autres et notamment en observant que l’Agenda de Sommeil Électronique Scextan®
est plus précis que l’Agenda de Sommeil papier.
Chapitre 9
Comparaison des fatigues mesurée et
calculée par modèle mathématique de
prédiction.
9.1 Introduction
Les courses à la voile en solitaire de plusieurs jours, comme c’est le cas dans plu-
sieurs activités professionnelles (opérations militaires, professions de la santé etc. . . ),
imposent aux marins de supporter un fort degré de stress ainsi qu’une une forte de-
mande cognitive et physique pour optimiser leur navigation 24 heures par jour. Nos
études présentées précédemment ont montré que les marins en solitaire subissaient
pendant leurs courses des restrictions extrêmes de sommeil (S TAMPI, 1989b ; T HEU -
NYNCK , H URDIEL, P EZÉ et al., 2010) et que le management de la fatigue était incon-
tournable pour limiter les défaillances imputables au manque de sommeil. En effet,
rappelons ici encore que le manque de sommeil affecte la vigilance (S COTT et al.,
2007), l’attention (T HOMAS et al., 2000), la mémoire (G RAVES, H ELLER, PACK & A BEL,
2003), l’humeur (R OSEN et al., 2006) , les fonctions exécutives (PACE -S CHOTT et al.,
2009), mais aussi l’attention soutenue (B ELENKY et al., 2003) et le risque accru d’ac-
cidents (P HILIP, 2005).
Un lien entre la durée du sommeil, les troubles et les faibles performances lors
des courses de voile est connu (voir le premier chapitre de la contribution person-
9.1. Introduction 126
nelle de cette thèse), mais n’a jamais été véritablement précisément mesuré, à notre
connaissance, ni à partir des données de terrain objectives, ni en conditions natu-
relles d’exercice au décours d’une course à la voile.
D’autre part, depuis que la fatigue au travail est connue pour favoriser les ac-
cidents (F OLKARD & P. T UCKER, 2003 ; Å KERSTEDT, P ETERS, A NUND & K ECKLUND,
2005), des actions ont été développées (P HILLIPS & S AGBERG, 2010), ayant pour but
de prévenir les risques imputables à la privation de sommeil ou attribuables à la
perturbation du rythme circadien en milieu professionnel. L’aménagement ration-
nel des horaires de travail peut être, depuis moins d’une décennie, rationnalisé à
l’aide d’outils de prédiction de performances basé sur des méthodes mathématiques
(M ALLIS et al., 2004). Ces modèles, en accord général avec le modèle à deux proces-
sus de régulation du sommeil de Borbély (1982) (résumés des principaux modèles
disponibles au chapitre 4 page 59 de cette thèse) utilisent quasiment tous l’alter-
nance veille-sommeil en entrée et permettent au moins une estimation de l’effica-
cité opérationnelle en sortie, après le traitement mathématique des composants ho-
méostatique et circadiens de la régulation de la fatigue, voire en y associant l’inertie
hypnique et le processus ultradien (H URSH, R EDMOND et al., 2004). D’autre part, les
variations inter individuelles de performance au seins de sujets subissant la même
restriction de sommeil (W ILKINSON, 1961 ; VAN D ONGEN, B AYNARD et al., 2004 ; VAN
D ONGEN, V ITELLARO et al., 2005 ; T URNER, D RUMMOND, S ALAMAT & B ROWN, 2007 ;
A. T UCKER et al., 2007) suggèrent que les contremesures issues de ces modéles de
prédiction doivent également être individuelles.
Dans le cadre du développement de notre outil de gestion du sommeil, nous pen-
sons qu’un moyen efficace d’apprentissage du management individuel de la fatigue
au cours d’une privation de sommeil induite par les obligations professionnelles et,
ou, sociales, pourrait se faire par l’utilisation d’un modèle de prédiction de perfor-
mance, l’individu pouvant « visualiser, se représenter » son niveau objectif de fatigue
et la façon dont il risque d’évoluer en l’absence de contres mesures. Les objectifs de
cette étude étaient donc :
– de mesurer les performances objectives des marins en solitaire lors de courses
à la voile puisque c’est notre modèle expérimental ;
– de comparer ces mesures à un modèle mathématique récent de prédiction de
fatigue (Modèle de “Spokane” ) ;
9.2. Matériel et méthodes 127
9.2.2 Participants
16 marins professionnels inscrits sur une liste de haut niveau du Ministère chargé
des sports, ont initialement accepté de participer à l’étude. Toutefois, seulement onze
d’entre eux (11 hommes ; âge : 31,1 ± 6,5 ans) ont pu être inclus dans l’analyse. Les
cinq autres marins n’ont pas été inclus car ils ont abandonné le protocole ou partiel-
lement réalisé celui-ci.
tence d’endormissement, le temps écoulé depuis l’heure de réveil (en minutes). En-
fin, toutes les données saisies par l’utilisateur, (date, heures et valeurs) sont archivées
dans un répertoire codé.
9.3 Résultats
Les mesures de sommeil réalisées avec les actimètres n’ont pas été rentrées dans
l’analyse car les données basées sur le mouvement des sujets n’ont pas permis de dif-
férencier l’éveil du repos (voir figure 9.1). L’agenda de sommeil électronique a donc
été utilisé pour établir l’historique et la durée du sommeil.
F IGURE 9.1: Mesure actigraphique d’un des participants de la Solo Port de France. Les
flèches doubles grises illustrent le temps de sommeil à terre et les flèches grises pointant
vers le haut illustrent la prise de sieste durant la course. La prise de sieste en mer n’est pas
identifiable directement par la mesure actimétrique avec un seul appareil.
9.3. Résultats 132
F IGURE 9.2: Présentation de la distribution et des valeurs moyennes des siestes par bloc
d’une heure, au cours des courses étudiées. Les barres noires détaillent la durée des siestes
prises par les skippers de la course de 36 heures (Solo Port de France) et les barres grises
détaillent la durée des siestes (en fonction de l’heure) prises par les skippers de la course de
50 heures (Solo Massif Marine).
F IGURE 9.3: L’étude a été réalisée auprès de 11 skippers, au cours d’une course de 36 heures
(participants A,B,C,D,E ; à gauche) et une autre de 50 h (participants F,G,H,I,J,K ; à droite). Le
temps global de la course est défini par la zone grise. Les heures de sommeil et leur durée
sont illustrées par les barres grises verticales. Les résultats des tests de temps de réaction
de 5 minutes (en nombre de lapses ; points noirs) sont comparés au modèle mathématique
de prédiction de fatigue de M C C AULEY et al. (2009) adapté pour des mesures de 5 minutes
(courbe noire).
9.4 Discussion
Notre étude montre pour la première fois objectivement que les marins en course
au large en solitaire naviguent avec des niveaux de performances cognitives et mo-
trices diminués en raison de la quantité de sommeil réduite pendant la course. Ceci
montre que les marins sont eux aussi, comme la littérature le suggère, sensibles aux
effet du manque de sommeil (D INGES, F. PACK et al., 1997 ; B ELENKY et al., 2003 ;
VAN D ONGEN, M AISLIN et al., 2003). Ceci implique que ces sportifs prennent aussi
des risques corporels et matériels qu’ils doivent apprendre à gérer rationnellement,
comme c’est le cas dans de nombreuses activités professionnelles (Å KERSTEDT, F RED -
LUND , G ILLBERG & J ANSSON, 2002 ; G OODE, 2003 ; B ARGER et al., 2005). Notre étude
montre que, de façon encourageante, cette fatigue peut être prédite à court terme,
malgré une dérive dans le temps de la prédiction.
Toutefois, comme nous l’avions déjà montré dans la première étude de la contri-
bution personnelle de ce mémoire auprès de sujets en course transatlantique, les
marins ayant participé à cette étude restent fortement régis par une propension cir-
cadienne « normale » du sommeil. Ceci signifie que, tout au moins pour les marins,
l’enjeu du management de la fatigue se situe principalement (mais pas uniquement)
au niveau du processus homéostatique (B ORBÉLY, 1982).
Le modèle mathématique de M C C AULEY et al. (2009) qui n’avait, à notre connais-
sance, jamais été testé autrement qu’en condition de restriction de sommeil de labo-
ratoire, est tout à fait encourageant pour prédire la fatigue en situation de vie réelle au
cours de privation de sommeil très élevée et a été capable de prédire statistiquement
67% de la variance des résultats. Nous avons constaté que les marins obtenaient des
résultats aux tests d’attention soutenue meilleurs que ce que ne prédit le modèle
mathématique, principalement en fin de course. Le résidu de la prédiction, pour-
rait suggérer que des épisodes de sommeil se produisent pendant la course et qu’ils
n’ont pas été enregistrés par le marin comme cela peut se produire dans le cas de
mesures subjectives du sommeil (M ELTZER & M INDELL, 2007). Il est connu que des
micro-sommeils se produisent au cours des navigations en course de courtes durées
alors que le skipper n’en a ni conscience ni le souvenir (T IBERGE, 1992). Notre étude
montre que ces brèves périodes d’endormissement, si elles ont eu lieu, pourraient
fournir une part de la récupération du marin mais que, bien évidement, d’autres
9.4. Discussion 135
cette zone. La problématique est proche dans du vent fort où il faut assurer la sécurité
matérielle et physique. Cette hypothèse devra elle aussi être testée par de plus amples
observations. Le facteur environnemental, par une augmentation de la charge de tra-
vail, qui a eu dans notre étude une influence non significative dans l’explication du
résidu, pourrait donc être ultérieurement réintroduit de manière à améliorer les pré-
dictions de performances.
Malgré cela, nous considérons que l’utilisation d’un outil utilisant un modèle de
prédiction de performance pour manager individuellement sa fatigue (O LOFSEN et
al., 2010) est donc envisageable compte tenu des résultats encourageants et promet-
teurs que nous avons obtenus dans cette étude. Même si des études complémen-
taires doivent être réalisées pour affiner la méthodologie et la compréhension des
mécanismes favorisant le résidu de la prédiction de performance, l’exactitude et la
précision de la prédiction ne sont pas discriminantes dans une démarche éducative
puisque c’est bien de l’observation de la dynamique de la fatigue (fonction des temps
d’éveil et de sommeil ainsi que de la position sur le nychtémère) que les utilisateurs
d’un tel appareil pourraient tirer parti. Ceci implique que, pour l’instant, un outil
tel que Scextan® visant à devenir éducatif et qui profiterai d’une fonction prédictive
mathématique ne pourrait se passer d’une ré-actualisation régulière, subjective ou
objective, des niveaux de forme.
9.5 Conclusion
De façon encourageante, le modèle de prédiction de fatigue de M C C AULEY et al.
(2009) pourrait être inclu dans un outil éducatif comme Scextan®. En dépit d’une dé-
rive dans le temps de la prédiction vis à vis de la mesure de fatigue réelle, et même si
nous devons réaliser des études complémentaires pour vérifier cela, la cinétique de
l’évolution de la fatigue pourrait permettre aux utilisateurs de Scextan® de comparer
plusieurs périodes de restrictions de sommeil afin d’en conserver des repères, même
subjectifs, à la base de tout apprentissage. L’idée de la dernière étude de cette thèse
était donc d’observer dans quelle mesure des sujets en restriction de sommeil chro-
nique pouvaient tirer parti d’une démarche éducative à l’aide de Scextan®, malgré
que le temps imparti ne nous ait pas permis d’y inclure la fonction prédictive.
Chapitre 10
Experience d’accompagnement de la
Route du Rhum 2010 : étude
préliminaire et exploratoire
10.1 Introduction
Puisque la fatigue engendre de la somnolence, des défauts de l’attention, un al-
longement des temps de réactions et des phénomènes d’hypovigilance (C ALDWELL,
M ALLIS et al., 2009), les implications pour la sécurité dans un contexte professionnel
sont donc sérieuses. Il a été de nombreuses fois montré en mer, sur la route, ou dans
le ciel que la fatigue pouvait être un facteur directement lié aux accidents et à la perte
de vies humaines (H ORNE & R EYNER, 1995 ; P HILIP & Å KERSTEDT, 2006 ; P HILIP, S A -
GASPE et al., 2003), les effets de la fatigue ayant même été placés au même niveau que
l’angle de l’aménagement des horaires de travail, mais doit être pris en compte de fa-
çon plus globale (S CHUTTE, 2009), en impliquant particulièrement et profondément
dans la démarche, les hommes et les femmes qui seront touchés par les effets né-
fastes d’une éventuelle restriction de sommeil (R OSEKIND, S MITH et al., 1995).
Les outils utilisés dans les programmes de management de la fatigue permettant
de révéler des comportements, d’évaluer le niveau de connaissances des répondants
sur la fatigue et le sommeil ainsi que de mesurer le bénéfice de la démarche, sont
principalement des questionnaires et sont accompagnés d’interventions de spécia-
listes du sommeil. Même minoritaires, des actions éducatives ont utilisé le feed-back
pour encourager et motiver les changements de comportements ainsi que la prise en
compte plus rationnelle de la fatigue chez les opérateurs, dirigeants et employés eux
même (B ELENKY, 1998 ; M OORE -E DE et al., 2004). Néanmoins, l’évaluation des effets
individuels d’un PMF reste relativement peu claire dans la littérature.
Comme nous l’avons souligné plusieurs fois dans ce mémoire de thèse, les ma-
rins à la voile en solitaire vivent, durant leurs courses, dans un état de restriction de
sommeil et de fatigue parfois très intense. Nous avons montré que la fatigue des ma-
rins se manifestait par les mêmes effets que dans d’autres contextes professionnels,
c’est-à-dire par des accidents ainsi que des temps de réaction élevés traduisant un
déficit de l’attention et de la vigilance.
Notre objectif principal était donc de tester l’effet d’un accompagnement andra-
gogique individuel « sommeil et fatigue » dans un contexte opérationnel relativement
clair, puisque la tâche à accomplir en course est la même pour tout le monde dans
un environnement relativement commun.
Par ailleurs, en course au large en solitaire, l’inexistence d’un instrument d’éva-
luation de la gestion du sommeil rendait difficile l’analyse des comportements ainsi
que la mise en place de démarches de progression individualisées. Nous avons donc
dû créer notre propre système de mesure.
L’hypothèse de l’effet positif d’un Programme Individuel de Management de la
Fatigue (PIMF) s’appuyant sur l’utilisation de Scextan® à l’occasion d’une course à la
voile, imposant une restriction chronique de sommeil pendant plusieurs semaines,
nous a amené à conduire cette étude.
10.2. Matériel et méthode 139
10.2.1 Procédure
Entre juin et octobre 2010, nous avons sollicité par téléphone ou par email la ma-
jeure partie des skippers participants à La Route du Rhum - La Banque Postale 2010
(3542 miles nautiques sur la route orthodromique) afin qu’ils puissent bénéficier de
la démarche de recherche et d’éducation que nous voulions mettre en place dans le
cadre de leur projet sportif. Compte tenu des difficultés pour entrer en contact avec
tous (filtre des agents de communication), nous avons poursuivi la démarche de re-
crutement de sujets 10 jours avant le départ directement sur les pontons.
Le protocole proposé à tous les participants consistait à :
– remplir un questionnaire sur la gestion théorique de la fatigue en course dans
la semaine avant le départ ;
– bénéficier d’une séance individuelle d’éducation à la gestion de la fatigue et du
risque en course ;
– Embarquer le logiciel de mesure et de gestion du sommeil Scextan® et l’utiliser
autant que faire se peut durant la course ;
– accepter de se soumettre à un entretien d’explication individuel à l’arrivée ;
– répondre une nouvelle fois à un questionnaire identique à celui du départ ;
Deux groupes de sujets ont été identifiés selon leur degré d’acceptation du protocole.
Un groupe test a été composé de tous les skippers acceptant la totalité du protocole
et un groupe contrôle a été identifié en incluant tous les skippers acceptant seule-
ment de remplir le questionnaire avant et après la course. Au total 32 skippers (soit
un tiers des participants de la course) ont accepté de participer à l’étude. Au départ
de la course, 21 sujets faisaient parti du groupe test et 11 du groupe contrôle. A l’arri-
vée, seulement 14 skippers du groupe test ont pu être conservé dans l’étude, et seule-
ment 3 skippers du groupe contrôle. Pour des raisons évidentes de clarté de l’analyse,
seuls les résultats des 14 skippers du groupe test ayant réalisé tout le protocole seront
présentés.
10.2. Matériel et méthode 140
F IGURE 10.1: Protocole de l’étude lors de la La Route du Rhum -La Banque Postale 2010.
Cette course de 3542 miles nautiques sur la route orthodromique dure entre 9 et 25 jours
selon les catégories de bateaux.
10.2.2 Sujets
Seulement 14 skippers ont pu réaliser la totalité du protocole compte tenu des
sollicitations auxquelles ils étaient soumis à l’arrivée de la course. Tous les sujets
sont des hommes, âgés de 39 ± 9 ans et ayant en moyenne 5 années d’expérience en
course au large. 12 skippers faisaient parti de la catégorie des 40 pieds monocoque.
Dans ce groupe, 1 skipper de 29 ans (catégorie 40 pieds) naviguant en solitaire en
course depuis 4 ans, réalise depuis 2007 une préparation « sommeil » continue pour
contribuer à l’amélioration de ses performances et de sa sécurité. Dans ce rapport
d’étude, nous l’appellerons TR.
10.2. Matériel et méthode 141
questions au sujet des techniques utilisées par ceux qui semblent réussir mieux
que lui. Il va à la recherche de connaissances. Il est simplement dans l’applica-
tion des règles, physiologiques par exemple, et uniquement dans la mise en
œuvre de ces règles pour réguler son sommeil. Cette mise en œuvre est réalisée
quelque soient les conditions et les situations. Ce qui compte, c’est la règle, car
il vaut mieux faire fonctionner la règle que de modifier le comportement si ce-
lui ci venait à ne pas marcher. Il est persuadé que c’est en respectant les règles
qu’il va être le meilleur. Il fini par conclure que d’autres fonctionnent différem-
ment de lui car ils arrivent à contextualiser ces règles, et passe donc à l’étape 4.
(Exemple d’Indices : le skipper a lu des choses, s’est renseigné sur des règles et
les a comprises. Il dort beaucoup plus la nuit que le jour et se fixe des temps de
sommeil suffisant. Il dort par siestes de durées exactement identiques quelque
soit les conditions et ou le parcours. Il a des indicateurs (comme la vitesse du
bateau sous pilote ou la vitesse des autres concurents) pour décider d’aller se
reposer.)
– Etape 4 : C’est la phase de contextualisation où le skipper diversifie son com-
portement car il n’est pas un applicateur direct de la règle. Il ne suit pas exac-
tement le « mode d’emploi » du bon dormeur physiologique mais il connaît
les règles fondamentales. Il a des principes d’optimisation qui prennent en
compte l’économie et l’efficacité. Le skipper à l’étape 4 est dans le principe de
gestion optimale de l’énergie au regard de la récupération. Ce qui fait la diffé-
rence, c’est sa capacité à avoir une tactique et une stratégie vis-à-vis des fonda-
mentaux physiologique, de cette manière, il peut anticiper en se disant : Il est
fort probable que la situation soit « celle-ci », alors il vaut mieux faire « comme
cela ». Il fait incessamment un calcul probabiliste, il est clairement dans l’an-
ticipation. (Exemple d’indices : Le skipper change systématiquement la durée
des siestes en fonction des sollicitations de l’environnement. Dès lors, il place
systématiquement des informations sur le sommeil adaptées à la navigation
dans un road book de manière à savoir si cela est suffisant pour gérer la course
sans risque. Il conduit systématiquement une analyse rationnelle et pourquoi
pas chiffrée.)
10.2. Matériel et méthode 143
10.2.8 Analyse des données par le calcul d’un Indice de Gestion théo-
rique de Fatigue (IGF)
Les réponses aux questionnaires et les unités de valeur des entretiens ont identi-
quement permis de déterminer pour chaque skipper un Indice de Gestion théorique
de Fatigue allant de 0 à 40 (étapes 1 à 4) selon la formule suivante :
P 2
C ×I ·E
P
C ×I ·E
× 10
C : Numéro de l’étape
I · E : Nombre d’Indices Evoqués situant le skipper dans l’étape.
Comme pour tout apprentissage, plus le niveau est faible, plus la progression est
rapide. Pour ces raisons, nous avons considéré que :
– si un skipper obtient un score entre 1 et 15, on peut estimer sa gestion théorique
de la fatigue à l’étape 1 ;
– si un skipper obtient un score entre 15 et 25, on peut estimer sa gestion théo-
rique de la fatigue à l’étape 2 ;
– si un skipper obtient un score entre 25 et 35, on peut estimer sa gestion théo-
rique de la fatigue à l’étape 3 ;
– si un skipper obtient un score entre 35 et 40, on peut estimer sa gestion théo-
rique de la fatigue à l’étape 4 ;
des résultats obtenus par questionnaire, avant et après, et les moyennes des résultats
obtenus par entretien (ENT).
10.3 Résultats
L’analyse statistique par le test de Student ne révèle pas de différence significative
entre les scores moyens des trois temps d’évaluations QAV, QAP et ENT. Toutefois, un
faible effet de l’accompagnement est observé par la diminution de la variance des
résultats des questionnaires entre avant et après la course (figure 10.2). Cette dimi-
nution n’est, par contre, pas significative, même si la probabilité d’observer un chan-
gement est grande (p=0,08).
F IGURE 10.2: représentations des boites à moustaches des variables questionnaires avant
course (QAV), questionnaires après course (QAP) et entretiens (ENT). En ordonnée, l’échelle
de valeur des variables est exprimée par le score de l’Indice de Gestion de Fatigue (IGF). La
croix noire indique le score du skipper TR pour chaque modalité d’évaluation.
10.3. Résultats 147
Extrait 2 :
Pour exemple voici l’extrait d’un entretien après l’arrivée de la course, entre le skip-
per JEC et l’expérimentateur RH. Extrait sur l’anticipation d’un changement brutal
de condition environnementale (identifiable plusieurs jours à l’avance) engendrant
une privation de sommeil :
(RH) : [. . . ] quand tu reçois ton fichier météo, comment tu anticipes ce qui va t’arriver
dessus ?
C’est à dire comment tu anticipes toi, ton état de forme pour dans quelques jours ?
(JEC) : ça je l’ai pas du tout anticipé, l’état de forme, pas du tout anticipé, j’vais dire
suis capable de gérer ça plutôt à la journée en me disant bon ce soir c’est envoi de spi
donc euuh ça veut dire qu’il faut que je sois en forme donc euh j’vais au check, puis
j’vais me coucher dans la bascule et c’est là où moi c’est un peu pénible, t’attends la
10.3. Résultats 148
D’autre part, le skipper TR a gagné la course en 18 jours. Il est le seul à avoir utilisé
de façon quasi systématique le logiciel SCEXTAN (perte d’assiduité au 14ième jour de
course) (voir figure 10.3). Il a dormi 5,9 ± 2,8h par 24h (bloc de 8h à 8h).
F IGURE 10.3: Temps de sommeil quotidien (enregistrés de 8h à 8h) du skipper TR, mesurés
par Agenda de Sommeil Interactif, lui permettant de bénéficier du feed-back de l’historique
veille sommeil. L’enregistrement des 4 derniers jours de course n’est pas complet selon le
skipper et n’est, en conséquence, pas illustré sur cette figure
En comparaison de la population étudiée (voir figure 10.2 page 146), il est celui
qui tend le plus à avoir eu un comportement d’anticipation et une vision stratégique
de gestion de sa forme. (Voir également les extraits 3 10.3 page suivante et 4 10.3
page suivante au sujet du même phénomène météorologique que JEC 10.3 page pré-
cédente et extraits 5 10.3 page suivante et 6 10.3 page 150).
10.3. Résultats 149
Extrait 3 :
(RH) : [. . . ] comment tu anticipais les choses, comment, a quel moment, tu pourrais
t’être dit, bah là, ça va être compliqué, j’vais passer 24 heures j’vais pas pouvoir garder
ma rythmicité, celle que j’aime bien et compagnie, est ce que tu anticipais ?
(TR) : c’est la météo qui dictait ça, mais oui.
(RH) Oui et comment ?
(TR) bah ya eu plusieurs passage, pendant la course, ya eu plusieurs gros passages à
niveau. Donc, le premier front le cinquième jour [même phénomène météo que dans
l’extrait précédent], ya eu le passage de mole, passer à l’ouest d’une petite dépression
tropicale là, qu’est ce qu’il y a eu, euh en tout cas pour moi dans ma tête c’était euh
c’était bien identifié et du coup je savais aussi qu’il fallait que je dorme avant. Et je
savais aussi quand est ce que je pourrai redormir, [. . . ] tu sais exactement quand est-ce
que les choses arrivent quand est-ce qu’il faut être bien, pas bien, quand est-ce que tu
vas mettre ton spi pas ton spi, quand est-ce que tu dois manœuvrer, ou pas. Et euh,
ça j’ai fait assez attention quand même, par exemple le premier front là [. . . ]( 10.3
page 147)
Extrait 4 :
(RH) Et dans ce front là, comment t’as géré ce front là ? C’est-à-dire comment t’as géré
[. . . ] avant pendant après ?
(TR) Avant, j’avais vachement dormi, j’étais bien
(RH) Exprès ?
(TR) Ouais, ouais avant j’avais vachement dormi pour être justement là, j’étais a la
barre quand c’est arrivé, pour attaquer justement au portant [. . . ]
(TR) J’ai toujours été bien, j’ai toujours été en forme, j’ai jamais été dans le rouge, euh,
le seul moment où je me suis mis dans le rouge, c’est vraiment, sur les deux derniers
jours, les trente six dernières heures, quarante huit dernières heures, là, pas, pas tout
de suite là, parce que du coup j’avais de la réserve, j’étais bien, mais c’est vrai que là,
je me sentais fatigué, [. . . ] c’était moins flagrant, que la veille de l’arrivée, parce que
j’avais aussi l’adrénaline qui me tenait.
Extrait 6 :
(RH) [. . . ] quelle cible, tu t’étais mise avec le compteur là ? (référence à l’utilisation de
Scextan®)
(TR) J’étais assez surpris du temps de sommeil au final...mais j’en avais besoin, fin
j’étais euh.
(RH) est ce que tu t’es dit bon bah voilà, tiens il y a cette valeur là elle me va, à peu près
ou est ce que tu, ou est ce que ça t’as simplement, ça t’as mis en confiance sur certains.
(TR) Bah j’avais, au final j’ai dormi, les premiers jours là et j’étais vraiment bien, je
pense que du coup euh, mes valeurs cibles en fait, elles étaient un peu, celles du début
de course, [. . . ] et je regardais quand même, mais je savais du coup et plusieurs fois,
j’me suis trouvé ah ben tiens là j’ai déjà dormi tout ça, bon bah c’est bien quoi !
10.4 Discussion
Il a été très décevant de perdre autant de sujets au cours de cette étude puisque
seulement la moitié des sujets volontaires au départ on pu finir le protocole. Nous
avons particulièrement regretté la perte du groupe contrôle qui handicape l’analyse
de l’effet de l’intervention. Nous reléguons donc cette étude de preuve de concept à
une étude préliminaire. De ce fait, notre étude montre seulement un effet timide de
l’intervention « sommeil » de courte durée, sur les connaissances évaluées par ques-
tionnaire. La présence du groupe contrôle aurait sans doute permis d’observer des
différences plus importantes. Toutefois, même si la diminution de la variance des ré-
sultats entre les questionnaires avant et après n’atteint pas un seuil statistiquement
significatif, une tendance forte se dégage pour montrer que les individus ayant ob-
tenu un IGF faible à la première évaluation ont progressé d’un point de vue de leurs
10.4. Discussion 151
10.5 Conclusion
Le délai technique de mise en place de la fonction prédictive dans l’application
scextan® ne nous ayant pas permis de tester son bénéfice lors de cette étude, nous
avions mis en place une formation pédagogique explicative dans le cadre de l’ac-
compagnement d’une expérience de restriction de sommeil. La difficulté de réalisa-
tion d’une telle étude n’a pas apporté de conclusion significative. Par contre, il sem-
blerait qu’une démarche éducative de court terme soit moins bénéfique, au moins
dans le cadre restreint de la course au large, mais aussi sans doute de façon plus élar-
gie, qu’une démarche de long terme. Ce propos est appuyé par le fait le skipper TR,
vainqueur de la course dans sa catégorie, semble avoir tiré partie d’une préparation
de longue durée en s’appuyant rationellement sur l’utilisation d’un feed-back pour
anticiper les périodes fondamentales de sa course (ce qu’il appelle les “passages à
niveaux”).
Chapitre 11
Conclusion Générale et Perspectives
Scientifiques
11.1 Conclusion
Les fortes sensibilités individuelles au manque de sommeil nous obligent à pen-
ser que les contremesures doivent s’appuyer sur des méthodes dédiés au manage-
ment individuel du sommeil et de la fatigue. Quelques outils existent déjà, mais la
fiabilité de leurs mesures, leur efficacité éducative, leur prix ou leur facilité d’exploi-
tation ne répondent pas pleinement au besoin exprimé par les chercheurs et spécia-
listes du sommeil qui considèrent que le sommeil d’une population revêt un enjeu
de santé publique.
L’objectif de cette thèse était de présenter le processus scientifique que nous avons
mis en place pour proposer un modèle éducatif de management de la santé et de la
fatigue basé sur un outil dédié, imaginé et issu de l’observation de circumnavigations
en solitaire.
Nous avons poursuivi l’observation des marins à la voile en solitaire compte tenu
de l’importance qu’à le facteur “sommeil” pour eux lorsqu’ils sont restreint à dormir
moins que ce dont ils ont biologiquement besoin.
La première partie, en deux études, a permis d’explorer avec plus de profondeur
le comportement et les spécificités des courses à la voile et a permis de valider les
solitaires comme une population d’étude de façon préliminaire au reste du travail
11.1. Conclusion 154
de cette thèse. Nous avons clairement observé que ces hommes et ces femmes ré-
pondaient eux aussi aux principes physiologiques qui sont largement décrit dans la
littérature, en terme d’attraction au rythme circadien et de conséquences acciden-
telles et comportementales au manque de sommeil.
La seconde partie a permis de valider un nouveau système de mesure électro-
nique de la rythmicité circadienne du sommeil plus souple et plus précise que les
techniques subjectives dont sont équipés tous les médecins du sommeil et celles uti-
lisées dans certaines recherches. Un investissement modeste de ce genre d’applica-
tion permettrait sans doute de diagnostiquer avec plus d’aisance et surtout de pro-
poser des contremesures plus interactives et donc efficaces en terme d’éducation à la
santé. Ce nouvel outil pourrait être aussi appliqué à la recherche, soit en complément
de mesures actimétriques soit de façon autonome lorsque la précision de mesure le
permet.
Dans une troisième partie, nous avons observé dans quelle mesure, il était pos-
sible, sur le terrain, de se fier à un modèle récent de prédiction mathématique de
fatigue, l’objectif étant d’évaluer la pertinence qu’aurait l’inclusion de ce modèle
comme un élément central de l’outil électronique de management de la fatigue et
d’éducation à la santé. Les résultats encourageants et originaux nous amènent à pen-
ser qu’avec une adaptation et une calibration régulière, un tel modèle mathématique
permettrait aux utilisateurs de conserver des repères fiables et objectifs afin qu’ils
puissent prendre plus en considération l’impact de leurs comportements de som-
meil sur leur fatigue.
Enfin, de façon exploratoire, nous avions souhaité observer l’effet d’une action
éducative basée sur l’utilisation de notre outil lors d’une restriction de sommeil de
longue durée. Compte tenu des difficultés de réalisation d’une telle étude en course
au large, et puisque le délai technique de développement final du prototype a dé-
passé celui imparti pour la réalisation de ce travail, l’efficacité d’un accompagnement
éducatif a été testé seulement de façon préliminaire. Toutefois, les résultats de cette
étude, qui demandent à être étayés par un plus grand nombre de sujets, ont montré
qu’une démarche éducative de long terme sur la régulation du sommeil et la fatigue,
s’appuyant sur Scextan®, augmentait la probabilité d’un comportement efficace et
plus sain.
Par ailleurs, selon KOLB et al. (1984), l’apprentissage basé sur l’expérience per-
11.1. Conclusion 155
F IGURE 11.1: Ce schéma illustre le modèle d’intervention que nous proposons à la suite de
nos travaux de thèse. De façon modulaire, des interventions individuelles proposées par les
spécialistes du sommeil, pourraient s’établir autour des trois axes de la régulation du som-
meil et de la fatigue. En parallèle, les chercheurs sont en charge de maintenir Scextan® scien-
tifiquement à jour.
Les spécialistes du sommeil pourraient définir des objectifs de travail autour d’un
des trois axes que sont la gestion du processus homéostatique, la gestion des proces-
sus rythmiques (circadien et ultradien) et la gestion de l’inertie hypnique. De façon
“modulaire” selon ce qui avait été proposé par R OSEKIND, S MITH et al. (1995) pour la
préparation des pilotes de la NASA, un seul axe à la fois pourrait être observé au cours
d’une expérience en condition de vie réelle, ce qui signifie que (comme pour le marin
11.2. Perspectives 156
11.2 Perspectives
Venant à la suite de cette thèse, nous avons plusieurs perspectives de travail de
manière à, envisager de projeter Scextan® en tant que dispositif médical.
La première condition, pour pouvoir continuer nos investigations et prouver l’ef-
ficacité de notre projet, se tient dans la réalisation d’un prototype de Scextan® plus
portable, sur un téléphone cellulaire, et pour lequel une fonction de prédiction ma-
thématique serait disponible. Une première version de Scextan® a été déposée au-
près de l’Agence pour la Protection des Programmes et enregistrée. Une demande
d’aide à la maturation de ce projet est en cours au moment de l’écriture de ce mé-
moire.
Lorsque cette première étape sera franchie, nous devrons réaliser une étude de
preuve de concept de grande échelle en milieu professionnel. Nous sommes actuel-
lement en contact avec une organisation majeure du milieu aéronautique et avec la-
quelle nous devrions pouvoir, dans les 12 prochains mois, établir un protocole d’étude
fiable et en collaboration avec une équipe de chercheurs de pointe.
Néanmoins, en accord avec le modèle que nous proposons, illustré sur la figure 11.1
page précédente, nous chercherons à reprendre l’étude de comparaison entre la pré-
diction mathématique et la fatigue mesurée chez les marins. L’objectif de cette nou-
velle étude, devrait nous permettre d’identifier les principales interactions entre les
11.2. Perspectives 157
F IGURE 11.2: Cette figure est une représentation schématique de la régulation biologique
des performances neurocomportementales. De part et d’autre de la représentation des pro-
cessus de régulation (inertie hypnique, processus circadien et Homéostatique), VAN D ONGEN
et D INGES (2005) font état d’effets transitoires de stimuli endogènes (internes) et exogènes
(externes). Une grande variété de facteurs internes et externes peuvent modifier positivement
(la motivation ou la caféine, par exemple) ou augmenter la fatigue temporairement (l’anxiété
ou la charge de travail).
prendre comment la fatigue et régulée et pourquoi pas nous aiguiller dans la com-
préhension des fonctions du sommeil.
Troisième partie
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Annexes
Annexe A
Scextan®
F IGURE A.1: Cet organigramme présente l’enchainement des fonctions de Scextan® sur les-
quels l’utilisateur agit pour l’évaluation de son sommeil et de sa somnolence à terre.
ANNEXE A. Scextan® A-3
F IGURE A.2: L’Image 1 représente l’interface de base où le sujet signifie qu’il éteint la lu-
mière(Go ou Go Sieste) ou qu’il se lève (Stop). L’Image 2 représente les Echelles Visuelles
Analogiques permettant l’évaluation de (i) l’état d’anxiété, (ii)le niveau de somnolence per-
çue dans la journée, (iii) le niveau de somnolence à l’instant t. L’Image 3 illustre les moyens
permettant d’évaluer la latence d’endormissement,le temps écoulé depuis l’éveil, mais éga-
lement la qualité subjective du sommeil ainsi que l’état de forme au réveil. Enfin, une fenêtre
qui n’est pas présentée ici permet d’évaluer le nombre et la durée des éveils nocturnes perçus.
ANNEXE A. Scextan® A-4
F IGURE A.3: Cet organigramme présente l’enchainement des fonctions de Scextan® sur les-
quels l’utilisateur agit pour l’évaluation de son sommeil et de sa somnolence et de la vie à
bord, en mer.
ANNEXE A. Scextan® A-5
F IGURE A.4: Cette image représente l’interface de base en mode mer où le skipper signifie
qu’il va se coucher (Go) ou qu’il se lève (Stop). Les deux Echelles Visuelles Analogiques de
100mm, permettant l’évaluation de l’état de forme. La même fenêtre que pour le mode terre (
image 3 A.2 page A-3) illustre les moyens permettant d’évaluer la latence d’endormissement,
le temps écoulé depuis l’éveil, mais également la qualité subjective du sommeil ainsi que
l’état de forme au réveil. De façon modulaire, un compteur informe le skipper du temps passé
à la couchette depuis 6 heures du matin. Ce compteur se remet automatiquement à zéro à 6
heures du matin tout les jours et le skipper peut, à tout moment, suivre sa “consommation
de sommeil” depuis le début de la course, en lisant le rapport généré à la demande (voir
figure A.5 page A-6). Un journal de bord et une alarme sont également disponibles.
ANNEXE A. Scextan® A-6
F IGURE A.5: Rapport généré à l’arrivée de la Route du Rhum par le skipper TR.
ANNEXE A. Scextan® A-7
F IGURE A.6: Cet organigramme présente les fonctions de Scextan® telles qu’elles seront pro-
chainement développées sur smartphone. La fonction de prédiction est centrale dans Scex-
tan® afin de créer des repères objectifs à l’utilisateur. La conception de cette application doit
permettre de compléter les analyses par l’inclusion de questionnaires, échelles etc.. de façon
modulaire.
Annexe B
L’agenda de sommeil du Réseau
Morphée
F IGURE B.1: Voici l’Agenda de sommeil utilisé dans l’étude de validation de Scextan®.
Annexe C
Parcours de courses
F IGURE C.1: Parcours de 300 miles nautiques de la course en solitaire sur mini 650, Select
650, dont le départ est donné à Pornichet, Loire Atlantique.
ANNEXE C. Parcours de courses C-3
F IGURE C.2: Parcours de 280 miles nautiques de la course en solitaire sur Figaro bénéteau,
solo Ports de France, à Concarneau, Finistère.
ANNEXE C. Parcours de courses C-4
F IGURE C.3: Parcours de 300 miles nautiques de la course en solitaire sur Figaro bénéteau ;
Solo Massif Marine aux Sables d’Olonnes (Vendée)
ANNEXE C. Parcours de courses C-5
F IGURE C.4: Parcours de 4400 miles nautiques de la course transatlantique en solitaire Tran-
sat 650, dont le départ est donné à La Rochelle (Charente-Maritime) et dont l’arrivée est à
Salvador de Bahia au Brésil. Cette course se coure en deux étapes dont la première amène les
skippers à Funchal (1100 Mn) sur l’Ile de Madère au Portugal.
ANNEXE C. Parcours de courses C-6
F IGURE C.5: Parcours de 3500 miles nautiques de la course transatlantique en solitaire Route
du Rhum, dont le départ est donné à Saint Malo, (Ile et Vilaine) et dont l’arrivée est à Pointe
à Pitre en Guadeloupe.
Annexe D
Les Bateaux
F IGURE D.1: Le figaro Bénéteau est le bateau utilisé pour les courses comme la Solo Massif
Marine des Sables d’Olonne et la Solo Port de France de Concarneau. Chaque été 50 marins
s’affrontent lors des 4 étapes (entre 300 et 600 miles nautiques chacune) de la “Solitaire du
Figaro”. Cette épreuve très renommée est aussi une des courses les plus dures à gérer en ce
qui concerne le sommeil et la fatigue car la privation de sommeil est très élevée.
ANNEXE D. Les Bateaux D-3
F IGURE D.2: Le Mini 650 est le bateau utilisé pour les courses comme la Select 650 ou la
Transat 650. Ce bateau est petit (6,50 m de longueur) et très toilé, c’est un modèle réduit des
bateau qui font le Vendée Globe (tour du monde en solitaire sans escale). Cette image vient
du site du coureur Sébastien Rogues.
ANNEXE D. Les Bateaux D-4
F IGURE D.3: Pour la course Transatlantique Route du Rhum, on trouve des bateaux mono-
coque entre 40 pieds (en haut) et 60 pieds et des multicoques allant de 50 pieds(en bas) à 100
pieds. Ces images proviennent des sites web des skippers Thomas Ruyant (monocoque) et
Yves Le Blévec (Trimaran).
Annexe E
Questionnaire Route du Rhum 2010
E-2
Annexe F
Agenda de Sommeil Transat 650
F IGURE F.1: Exemple d’une journée décrite, en temps réel, par un skipper pendant sa transat.
Cet agenda, composé d’un système simple d’addition-soustractions des temps de sommeil
devait permettre aux skippers de suivre rationnellement leur temps de sommeil quotidien.
Annexe G
Productions scientifiques
Communications affichées : Hurdiel R., Vanhelst J., Peze T., Theunynck, D. Can
handheld device accurately measure sleep parameters ? Comparison of actigraph,
ANNEXE G. Productions scientifiques G-3
sleep diary and electronic sleep diary application. World Sleep Congress, Kyoto, Ja-
pan, Octobre 2011.
Hurdiel R., Le Sausse F.,Masson P., Zunquin G.,Mikulovic J., Bui-Xuan G., Robin
J.F., TheunynckD. Management de la fatigue des navigateurs en solitaire. Expérience
d’accompagnement lors de la Route du Rhum2010. Congrès de l’ACAPS, Rennes, Oc-
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Vanhelst J, Hurdiel R, Mikulovic J, Bui-Xuan G, Fardy P, Béghin L, Theunynck D
Determination of thresholds for defining physical activity levels using the new VI-
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Hurdiel R., Monaca C., Hedouis M., Coste O., Van Beers P., Larzul J.J., Theunynck
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solitaire de 42 heures. Le congrés du sommeil, Société Française de Recherche sur la
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Theunynck D, Hurdiel R, Pezé T, Zunquin G, Vanhelst J, Mikulovic J, Bui-Xuan G.
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rythmant la vie à bord de l’élite de la course au large en solitaire. Congrès de l’ACAPS,
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Theunynck D, Hurdiel R, Pezé T, Zunquin G, Vanhelst J, Mikulovic J, Bui-Xuan G.
Analyse de la fatigue et du sommeil d’un coureur en course au large lors d’un tour
du monde de 104 jours en solitaire et sans escale. Congrès de l’ACAPS, Louvain, 31
Octobre- 2 Novembre 2007, pages 574-75.
Articles soumis : Hurdiel R., Monaca C., Mauvieux B., McCauley P., Van Dongen
H.P.A., Theunynck D. Field Study of Sleep and Performance in Solo Sailing Races. (Ar-
ticle soumis à European Journal of Sport Sciences)
Hurdiel R., Vanhelst J., Peze T., Theunynck, D. Can handheld device accurately
measure sleep parameters ? Comparison of actigraph, sleep diary and electronic sleep
diary application (Article soumis à Behavioral Research method)
ANNEXE G. Productions scientifiques G-4
Hurdiel R., McCauley P., Pezé T., Van Dongen H.P.A., Theunynck D. Comparaison
de la fatigue psychomotrice mesurée chez des coureurs au large avec celle prédite
par modèle mathématique. (Article soumis à Science et Sport)
Vanhelst J.,Hurdiel R.,Mikulovic J., Bui-Xuan G., Fardy P., Béghin L., Theunynck
D.Determination of thresholds for defining physical activity levels usig the new VI-
VAGO® accelerometer (article soumis à Journal of Sport Sciences)