Guide Prevention Cyberviolence WEB 654102

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GUIDE DE PRÉVENTION

DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


L
e guide de prévention des cyberviolences en milieu scolaire est
destiné aux équipes pédagogiques et éducatives afin de les aider à
mieux prévenir, repérer et traiter dans les établissements et dans
la sphère scolaire le phénomène des cyberviolences et du cyberharcè-
lement. Ce guide leur permettra notamment :

de mieux connaître les phénomènes de cyberviolences ;


d’entreprendre des démarches de prévention pour développer un
climat de confiance dans les établissements ;
d’assurer la prise en charge des élèves victimes de cyberviolences ;
de mettre en œuvre les mesures destinées à faire cesser de tels
actes.
SOMMAIRE

Introduction 1
Fiche 1 Quels sont les usages du numérique chez les enfants 3
et les adolescents ?
Fiche 2 Cyberviolences et cyberharcèlement, de quoi parlons-nous ? 6
Fiche 3 Quelles sont les conséquences des cyberviolences ? 10
Fiche 4 Les cyberviolences et le droit 13
Fiche 5 Prévenir les cyberviolences et améliorer le climat scolaire 17
Fiche 6 Prévenir les cyberviolences par les apprentissages 20
Fiche 7 Prévenir les cyberviolences par les usages pédagogiques 26
du numérique
fiche 8 Apprendre aux élèves à faire face aux cyberviolences 29
Fiche 9 Prendre en charge les cyberviolences entre élèves 34
Fiche 10 Les cyberviolences contre et entre les adultes 38
Glossaire des cyberviolences en milieu scolaire 43

Liens et crédits 47

2 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


1 QUELS SONT LES USAGES DU NUMÉRIQUE
CHEZ LES ENFANTS ET LES ADOLESCENTS ?

Chez les 15-24 ans, les garçons passent plus de temps sur les écrans (4 h
par jour environ) que les filles (3 h 20), mais ce temps demeure inférieur à
celui des personnes de plus de 75 ans (4 h 20 environ)1. Que font les élèves
sur leurs smartphones, leurs tablettes et ordinateurs ? Pourquoi et comment
utilisent-ils ces outils ?

Les applications
Les garçons utilisent Facebook et Twitter davantage que les filles. Facebook
permet le partage d’images, d’informations, de vidéos, etc. sur son « profil »
(que l’on peut configurer comme privé). Un « chat » est également à dispo-
sition, ainsi qu’un service de messagerie. 62,6 % des garçons de 11-14 ans
et 93 % des garçons de 15-18 ans ont un compte Facebook. Twitter est un
réseau permettant l’échange de courts messages à caractère public, de
140 caractères au maximum à ce jour.

Les filles sont notamment inscrites sur Snapchat, Instagram et Skype2.


Snapchat est un service proposant l’échange de photos et de vidéos qui se
partagent entre individus ou de manière collective ; elles ne s’affichent que
dix secondes maximum dans l’application. Il est toutefois possible de réali-
ser des captures d’écran, permettant la conservation des données échangées.
Instagram est également un réseau dédié au partage d’images. 79,5 % des filles
de 11 à 14 ans ont un compte Snapchat et 67,7 % ont un compte Instagram.
Chez les 15-18 ans, 83 % des élèves en moyenne ont un compte Snapchat et
72,9 % des filles ont un compte Instagram3.

De nouvelles applications apparaissent régulièrement, certaines adoptées


rapidement par les jeunes, comme Periscope, qui permet à l’utilisateur de
retransmettre en direct ce qu’il est en train de filmer.
1 Insee, enquête « Emploi du temps » 2009-2010
2 Barbara Fontar, Élodie Kredens, « Comprendre le comportement des enfants et des adolescents sur
Internet », Fréquence Écoles, Fondation pour l’enfance, 2010.
3 « Génération numérique », étude réalisée du 22 février au 14 mars 2016 auprès de 8 772 jeunes de 11 à 18 ans.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 3


Les usages
Lorsque les élèves recherchent des informations sur Internet, celles-ci portent
sur les devoirs pour 84 % des 15-18 ans4. Les adolescents mobilisent donc
Internet dans le cadre de leurs apprentissages. Mais ils sont également for-
tement connectés sur des réseaux sociaux numériques.

Les élèves utilisent ces réseaux pour échanger des contenus, en particulier
des images et vidéos. Ainsi, 45,7 % des élèves de collège et de lycée ont réalisé
des vidéos de moments passés entre amis et 35,9 % en famille5. Les images
sont ensuite mises en ligne, notamment sur Facebook (45,2 %). Seuls 36 %
des élèves qui ont fait des vidéos n’en ont jamais mis en ligne. Les photos
et vidéos sont souvent des mises en scène d’eux-mêmes, de leur quotidien.
Les échanges portent sur la vie dans le groupe de pairs, les relations amou-
reuses, l’actualité.

Ces pratiques font partie du quotidien des élèves. Les réseaux sociaux sur
Internet peuvent être considérés comme des supports narcissiques : parce
qu’ils nécessitent de se créer et d’entretenir un « profil », ils permettent de
se percevoir, de se mettre en scène et ont un caractère fondateur sur le plan
identitaire. Ils ont surtout pour rôle de faire valider son identité par le groupe
de pairs. La popularité sur ces réseaux est très importante pour la plupart
des adolescents : Internet est un aspect de leur vie sociale.

Les conséquences
L’une des problématiques importantes liées à l’usage excessif d’Internet est
le manque de sommeil des adolescents. Ainsi, environ 23 % des 11-14 ans
peuvent rester éveillés ou se réveillent pour aller sur Internet la nuit. Chez
les 15-18 ans, c’est le cas de 41,7 % des filles et 37,7 % des garçons6. Ce sont
tout particulièrement les jeux en ligne (MMORPG : massively multiplayer
online roleplaying game, ou « jeu de rôle en ligne massivement multijoueur »)
qui mobilisent les garçons la nuit : ces jeux rassemblent des joueurs du monde
entier et ne cessent jamais.

4 « Génération numérique », ibid.


5 Étude « Jeunes, numérique et télévision », sur les pratiques audiovisuelles des jeunes (collégiens
et lycéens), mai 2014.
6 « Génération numérique », ibid.

4 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


C’est dans le cadre de ces échanges et des pratiques en ligne que peuvent
émerger des conflits et la cyberviolence. Internet peut permettre des dérives
(sollicitations sexuelles non souhaitées « sextorsion », harcèlement, accès
facilité à la pornographie) et des échanges de contenus violents ou humiliants
(incitation à la haine, scènes de violence), inappropriés pour les mineurs
(contenus à caractère sexuel...). La publicité et les supports de communication
véhiculant des stéréotypes et une vision dégradante des femmes étant très
présents, ils contribuent fortement à façonner l’imaginaire et les représentations
des adolescents. Or, 33 % des 11-14 ans et 41 % des 15-18 ans n’ont parlé à
personne des contenus qu’ils ont visionnés en ligne et qui les ont choqués.

Cependant, les risques sur Internet, s’ils sont réels, doivent être relati-
visés au regard des opportunités qu’offre cet outil. Espace d’échange,
d’émancipation, de construction de leur personnalité, Internet permet
aux jeunes d’accéder à l’information, de rester en lien, de s’ouvrir sur
le monde. Les enjeux essentiels consistent à éduquer à un usage des
moyens électroniques de communication et d’Internet qui soit éthique,
responsable, respectueux d’eux-mêmes et des autres. Il s’agit aussi
d’offrir un espace de parole pour les adolescents qui sont amenés à
rencontrer des situations difficiles.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 5


2 CYBERVIOLENCES ET CYBERHARCÈLEMENT,
DE QUOI PARLONS-NOUS ?

Les cyberviolences
Les cyberviolences regroupent en particulier :
les propos diffamatoires et discriminatoires ou à visée diffamatoire ou
discriminatoire ;
les propos humiliants, agressifs, injurieux ;
la divulgation d’informations ou d’images personnelles (volées et/ou
modifiées et/ou choquantes) ;
la propagation de rumeurs ;
les intimidations, insultes, moqueries, menaces ;
les incitations à la haine ;
l’usurpation d’identité, le piratage de compte...

Ces contenus sont envoyés, rendus publics ou partagés au moyen de formes


électroniques de communication – applications, en particulier réseaux sociaux
accessibles sur Internet, et/ou à partir de smartphones, tablettes, ordinateurs
notamment. Les cyberviolences peuvent être le fait d’une ou de plusieurs
personnes et viser un individu ou un groupe.

Si les cyberviolences ajoutent une dimension aux violences exercées dans


d’autres cadres, elles possèdent des spécificités. En effet, les outils numériques
comportent la possibilité d’une dissémination très rapide de l’information :
un seul clic peut permettre d’atteindre un grand nombre de personnes. De
plus, l’anonymat, facilité en ligne ou derrière un écran, favorise le sentiment
d’impunité ou diminue la conscience des conséquences de ses actes ; il peut
également rendre difficile l’identification de l’auteur.
Enfin, les cyberviolences n’ont pas de limite temporelle : elles peuvent s’exer-
cer à toute heure du jour ou de la nuit et laissent des traces numériques
(une photo publiée peut demeurer très longtemps sur Internet). L’auteur
lui-même, une fois les agressions publiées sur la toile, ne peut maîtriser la
diffusion des contenus.

6 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Le cyberharcelement
Le cyberharcèlement est la répétition intentionnelle d’une ou plusieurs formes
de cyberviolence, dans la durée. Il peut être le fait d’une ou plusieurs per-
sonnes, à l’encontre d’une ou de plusieurs victimes qui ne peuvent facilement
se défendre seules. On retrouve dans le cyberharcèlement les caractéristiques
du harcèlement : déséquilibre des forces (la victime a une plus faible maî-
trise des outils ou applications ou son réseau social est moins développé) et
isolement de la victime.

Le cyberharcèlement, est « un acte agressif et intentionnel perpétré par


un individu ou un groupe d’individus au moyen de formes électroniques
de communication, de façon répétée, à l’encontre d’une victime qui ne
peut facilement se défendre seule » (Smith P.K., Madhavi J., Carvalho
M., Fisher S., Russel S. & Tippett N., 2008).

Le cybersexisme
Les cyberviolences à caractère sexiste et sexuel se banalisent. D’après une
étude réalisée par l’Observatoire universitaire international éducation et pré-
vention (OUIEP-université Paris-Est) et coordonnée par le Centre Hubertine-
Auclert auprès de 1 200 élèves de collège et lycée en île-de-France en 2016,
les filles sont davantage exposées à des formes spécifiques de cyberviolences,
à caractère sexiste et sexuel (cybersexisme).

Ainsi

des filles sont victimes de rumeurs sur les réseaux


13 % sociaux (contre 6 % des garçons).

des filles sont victimes d’insultes sur leur


apparence physique contre 13 % des garçons.
20%

4 % des filles (contre 1,3 % des garçons) ont été victimes de
diffusion de photos intimes sans leur accord, par exemple
dans le cadre d’une rupture amoureuse ou amicale.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 7


Les faits de cybersexisme se caractérisent par une double invisibilité : parce
qu’ils se situent dans la sphère numérique, qui échappe aux adultes, et parce
qu’ils prennent racine dans le sexisme ordinaire, souvent banalisé ou minimisé.

Des exemples de cyberviolences sur les réseaux sociaux ou dans les


jeux en ligne
 ublication de commentaires insultants ou de rumeurs sur le mur
P
ou le profil de la victime. Tentative d’isolement de la victime par
rapport au groupe de pairs ou aux membres du réseau. Plus parti-
culièrement, les filles et les femmes peuvent être victimes de slut
shaming (cf. glossaire en fin de guide).
Publication d’une photo humiliante, ou d’un photomontage, et invi-
tation à écrire des commentaires désobligeants. L’auteur peut per-
suader la victime de se déshabiller devant une webcam, prendre une
photo ou enregistrer une vidéo et la publier (via un site de partage
de vidéos). Une photo postée une seule fois se dissémine à grande
vitesse grâce aux médias sociaux.
Création d’un faux compte en usurpant le nom de la victime ou
piratage du compte de la victime, publication de contenus au nom
de cette dernière.
Agression physique de la victime, enregistrement d’une vidéo et
publication sur un réseau social ou un site de partage de vidéos,
ou diffusion sur téléphone portable : c’est ce que l’on appelle le
happy slapping.
Création d’une page pour humilier un ou plusieurs élèves à travers
la publication de commentaires ou photos désagréables. Des mes-
sages à caractère raciste, antisémite ou homophobe sont courants.
Ils relèvent alors de l’incitation à la haine.
Envoi de SMS, de courriels blessants ou de menaces, anonymes
ou non, à la victime.
Appels insistants à la victime, en masquant son numéro : menaces,
insultes, silence.
Envoi par SMS d’une photo intime de la victime à ses amis.
Envoi de contenus pornographiques ou de virus à la victime.

8 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Des chiffres
Les chiffres sur la prévalence des cyberviolences varient selon les enquêtes
mais ils montrent tous l’importance du phénomène. L’usage d’Internet est de
plus en plus précoce et les élèves du primaire sont aussi concernés. À l’école
primaire, une enquête de 2015 montre que les élèves français les plus jeunes
(8-10 ans) sont plus nombreux que les collégiens à rapporter des cyberviolences
répétées (14 % en primaire et 5 % en collège)7. Cela s’explique par un manque
de compétences techniques pour bloquer ou signaler les expéditeurs et les
contenus inappropriés mais aussi un manque de compétences sociales pour
gérer les conflits. En effet, les élèves du primaire ont davantage tendance à
rétorquer sur le même mode, ce qui contribue à l’escalade des violences8.

Au collège, Catherine Blaya, professeure en sciences de l’éducation, conclut


que 42 % des élèves interrogés ont été victimes de cyberviolences et que le
cyberharcèlement touche 6 % des collégiens (recherche menée en 2012, chiffres
confirmés par une recherche ultérieure9). Avec un protocole d’étude différent,
l’enquête de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance
(Depp) menée en 2013 auprès d’élèves de collège10 fait également apparaître
le caractère massif des cyberviolences : un collégien sur cinq y est confronté.

Au lycée, l’enquête de climat scolaire de 2015 conduite par la Depp auprès


des élèves, montre que 8,6 % d’entre eux ont été injuriés ou moqués par
téléphone portable, 7,5 % ont été injuriés ou moqués sur un réseau social et
4,1 % ont été victimes de photos diffusées sur Internet11.

Le harcèlement et le cyberharcèlement sont souvent liés et affectent les


mêmes victimes. Il est indispensable qu’une alliance éducative existe
entre les familles, les partenaires et l’École pour que le c­ yberharcèlement
puisse diminuer.
L’association e-Enfance, agréée et subventionnée par le ministère,
propose des outils mais aussi des actions de sensibilisation pour les
parents, les élèves et les équipes éducatives.

 atherine Blaya, Michaël Fartouk, « Digital uses, victimization and online aggression: a comparative
7 C
study between primary school and lower secondary school students in France », European Journal
on Criminal Policy and Research, 22(2), 2015, p. 285-300.
8 Catherine Blaya, Michaël Fartouk, ibid.
9 Catherine Blaya, Michaël Fartouk, ibid.
10 Depp, Note d’information n°13-26, novembre 2013.
11 Depp, Note d’information n°50, décembre 2015.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 9


3 QUELLES SONT LES CONSÉQUENCES
DES CYBERVIOLENCES ?

Violences hors ligne et cyberviolences


Les enquêtes menées aux plans national et international montrent que les
réseaux sociaux numériques ont davantage pour fonction de renforcer les
relations sociales existant hors ligne que d’en créer de nouvelles. On ne peut
donc pas parler de deux mondes distincts mais bien d’une unité de temps et de
lieu : la violence exercée via des outils numériques est une violence de proximité.

On constate, d’une part, que le risque d’être victime de cyberviolence est plus
important chez les jeunes qui subissent des victimations au sein de leur groupe
de pairs et, d’autre part, que les victimes de cyberviolences connaissent le plus
souvent leur agresseur dans le cadre de relations sociales non numériques. Par
exemple, les élèves victimes de harcèlement dans leur établissement scolaire
ont deux fois et demie plus de risque d’être victimes de cyberviolences que les
autres. De plus, la recherche12 constate que les élèves auteurs de cyberviolences
sont souvent les mêmes que ceux qui sont auteurs d’agression dans leur éta-
blissement scolaire, mais également que le risque d’être auteur lorsque l’on
est victime de cyberviolences est plus important.

Conséquences sur les personnes


Comme pour le harcèlement, les conséquences des cyberviolences peuvent être
très graves : solitude, tristesse, anxiété, dépression, sentiment de persécution
et d’insécurité, baisse de l’estime de soi. Elles sont en outre démultipliées dans
le cadre des cyberviolences : l’agression est disséminée et amplifiée du fait
de son caractère numérique (dissémination rapide d’images ou de rumeurs
par exemple). Les élèves victimes de cyberviolences rencontrent également
plus de difficulté à se concentrer et à suivre leurs études. Ils décrochent plus
rapidement car certaines formes d’agressions, telles que le revenge porn,
le slut shaming ou d’autres diffusions d’informations intimes ont un effet

 aye Mishna, Mona Khoury-Kassabri, Tahany Gadalla, Joane Daciuk, « Risk factors for involvement in cyber
12 F
bullying : Victims, bullies and bully-victims », Children and Youth Services Review, 34, 2012, p. 63-70.

10 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


dévastateur sur l’estime de soi de la victime et son statut au sein du groupe
de pairs.
Celle-ci refuse très souvent de retourner dans son établissement scolaire où
la plupart de ses camarades sont susceptibles d’avoir vu les images ou textes
à caractère sexuel et humiliant, voire d’avoir participé à leur diffusion. Les
­cyberagresseurs sont, pour plus de 72 % d’entre eux, également cybervic-
times, une réalité qui peut exister aussi dans les situations de harcèlement
en milieu scolaire

Les cyberviolences et le cyberharcèlement, comme les violences et le harcèlement,


résultent d’une difficulté identique, liée à un manque d’empathie, nécessaire
à la vie en groupe. Porter son attention sur le renforcement des compétences
psychosociales constitue à ce titre un bon élément de prévention (fiche 6).

Conséquences sur l’école ou l’établissement


Les violences entre élèves, qui incluent les cyberviolences, ont un impact sur
le climat scolaire. La recherche13 montre que, parmi les élèves cybervictimes,
plus du tiers dit ne pas se sentir très bien voire ne se sentir pas bien du tout
dans sa classe. Le fait d’être cybervictime réduit également le sentiment de
sécurité dans et hors l’établissement scolaire et altère la qualité des relations
entre élèves et avec les adultes de la communauté éducative.

Les élèves parlent peu des cyberviolences aux adultes pour de multiples raisons.
Les victimes se sentent souvent honteuses et gênées, notamment dans le cas
de diffusion de photos intimes ou d’attaques sur leur vie privée. Par ailleurs, les
discours et comportements sexistes sont banalisés et intégrés par les élèves, qui
ne se considèrent dès lors pas toujours comme des victimes de cybersexisme,
mais éprouvent au contraire un sentiment de culpabilité voire de fatalisme.
Enfin, les opportunités de discussions avec les adultes sur ces sujets peuvent
être trop fugaces, et les élèves pensent parfois que les adultes ne sauront pas
gérer la situation et pourraient même contribuer à la faire empirer.

La modération plutôt que l’interdiction


Le constat de l’impact des cyberviolences sur le climat scolaire ne doit pas
nécessairement conduire à écarter les outils numériques, leur prohibition étant

 atherine Blaya, Les ados dans le cyberespace : prises de risques et cyberviolence, 2013 ;
13 C
« La cyberviolence doit-elle être prise au sérieux par les équipes éducatives ? Exploration du lien
entre la cyberviolence et le climat scolaire », 2015, Les dossiers des sciences de l’éducation, n°33.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 11


difficilement applicable ; la recherche nationale et internationale14 montre son
inefficacité. L’interdiction de certains usages numériques doit être ques-
tionnée dans son ensemble. Il ne s’agit pas de renoncer à interdire, mais de
modérer en connaissance de cause : il arrive fréquemment, en effet, que
les familles interdisent l’utilisation des réseaux sociaux à leurs enfants,
mais cela n’empêche pas ces derniers de les utiliser subrepticement. De
même, les écoles et les établissements peuvent interdire l’usage des ter-
minaux mobiles dans leur enceinte, mais cela n’est pas toujours efficace
car les éléves les utilisent à l’insu des adultes. Lorsque l’interdiction est
posée, il est important de veiller à ce qu’elle soit respectée ; il est important
aussi que ses raisons en soient, sinon comprises, du moins explicites ; il est
essentiel, enfin, que, lorsque les élèves transgressent l’interdiction, la sanction
s’accompagne d’un volet éducatif sur les usages du numérique. Une forme
d’indulgence est également à envisager : lorsqu’un élève est témoin ou
victime de cyberviolences du fait d’un usage interdit du numérique (utili-
sation du téléphone dans l’enceinte de l’école ou de l’établissement, exis-
tence d’un profil sur un réseau social), il est à prévoir qu’il soit réticent à
signaler les agressions qu’il subit ou qu’il constate. Ceci renforce l’isole-
ment des victimes qui ne peuvent être prises en charge et peut faciliter
l’escalade des cyberagressions à l’issue parfois dramatique. L’apprentis-
sage d’une utilisation éthique de ces outils et la définition d’une vision
commune de ce qui est admis ou non permet une meilleure prévention
des risques. La prise en charge active des situations par les adultes,
fondée sur des relations de confiance entre professionnels, parents et
élèves, est le meilleur moyen de briser la loi du silence.

Les élèves craignent généralement que leurs difficultés soient minimisées par
les adultes et que la prise en charge soit inadaptée : c’est en travaillant avec eux
et en développant chez les adultes la capacité à intervenir de façon pertinente et
efficace, que l’on peut améliorer la perception par les élèves du climat scolaire
et les relations au sein de l’établissement ou de l’école. Les difficultés liées aux
cyberviolences ne sont souvent pas exprimées et les percevoir exige une attention
et une vigilance spécifiques. La capacité des adultes à gérer les problèmes de
façon efficace doit ainsi faire l’objet d’une attention particulière et d’une forma-
tion approfondie, leur procurant un sentiment de légitimité à intervenir (fiche 9).

14 G
 eorges Steffgen, Jan Pfetsch, Andreas König, Norbert Ewen, « Interdire pour prévenir ?
Les effets de l’interdiction d’utiliser le téléphone mobile à l’école pour lutter contre le cyberbullying.
Une expérience au Luxembourg », Revue française d’éducation comparée, 8, octobre 2010.

12 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


4 LES CYBERVIOLENCES ET LE DROIT

Le cadre légal sécurise la vie de l’école et de l’établissement. Loin de se


situer dans un espace de non-droit, les échanges numériques font évo-
luer les lois, et l’effet multiplicateur des moyens électroniques de com-
munication confère un caractère aggravant aux violences lorsqu’elles
prennent la forme de cyberviolences. Que l’on soit élève ou adulte, la
connaissance des lois permet d’être informé pour intervenir lorsque l’on
est témoin, de prendre conscience de ses droits lorsque l’on est victime
et de connaître les conséquences de ses actes lorsque l’on est agresseur.

Injure et diffamation : loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse


« Toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne
renferme l’imputation d’aucun fait est une injure. » L’injure est passible
d’une amende ; si elle est publique, cela constitue un caractère aggravant,
de même que si elle revêt un caractère raciste, sexiste ou homophobe.

« Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou


à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est
une diffamation. » La diffamation est passible d’une amende ; sa publicité
et son caractère raciste, sexiste ou homophobe sont également des élé-
ments aggravants.

Le fait que « la publication directe ou par voie de reproduction de cette


allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite
sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non
expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible
par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards
ou affiches incriminés » est important : le partage sur un réseau social
d’une injure ou d’une diffamation peut être de nature à constituer un délit.

Atteinte à la vie privée


Le droit à l’intimité de la vie privée fait partie des droits civils (« Chacun a
droit au respect de sa vie privée », art. 9 du Code civil). Les composantes

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 13


de la vie privée n’ont pas fait l’objet d’une définition ou d’une énumération
limitative, les tribunaux ont appliqué le principe de cette protection au
droit à la vie sentimentale et à la vie familiale, au secret relatif à la santé,
au secret de la résidence et du domicile, et au droit à l’image notamment.

« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait,


au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à
l’intimité de la vie privée d’autrui :
1. E n captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de
leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2. En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de
celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé » (art.
226-1 du Code pénal).

Happy slapping : loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention


de la délinquance
« Est constitutif d’un acte de complicité des atteintes volontaires à l’intégrité
de la personne prévues par les articles 222-1 à 222-14-1 [violences, tor-
tures et actes de barbarie] et 222-23 à 222-31 [viol, agressions sexuelles,
tentative de viol et tentative d’agression sexuelle] et 222-33 [harcèlement
sexuel] et est puni des peines prévues par ces articles le fait d’enregistrer
sciemment, par quelque moyen que ce soit, sur tout support que ce soit,
des images relatives à la commission de ces infractions.

Le fait de diffuser l’enregistrement de telles images est puni de cinq ans


d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende » (art. 222-33 du Code pénal).

Usurpation d’identité sur Internet : loi n° 2011-267 du 14 mars 2011


d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité
intérieure
« Le fait d’usurper l’identité d’un tiers ou de faire usage d’une ou plusieurs
données de toute nature permettant de l’identifier en vue de troubler sa
tranquillité ou celle d’autrui, ou de porter atteinte à son honneur ou
à sa considération, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €
d’amende.

14 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Cette infraction est punie des mêmes peines lorsqu’elle est commise sur
un réseau de communication au public en ligne » (art. 226-4-1 du Code
pénal).

Harcèlement et cyberharcèlement : loi n° 2014-873 du 4 aout 2014 pour


l’égalité reelle entre les femmes et les hommes
Le recours à des moyens électroniques de communication constitue une
circonstance aggravante du harcèlement.

« Le fait de harceler une personne par des propos ou comportements


répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions
de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale
est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende lorsque ces
faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit
jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de deux ans d’empri-
sonnement et de 30 000 € d’amende :
1. L
 orsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit
jours ;
2. L
 orsqu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ;
3. L
 orsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulné-
rabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience
physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou
connue de leur auteur ;
4. L
 orsqu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communica-
tion au public en ligne.

Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’empri-
sonnement et de 45 000 € d’amende lorsqu’ils sont commis dans deux
des circonstances mentionnées aux 1° à 4° » (art. 222-33-2-2 du Code
pénal).

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 15


Cyberviolences à caractère sexuel : loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016
pour une République numérique
La loi pour une République numérique crée un article 226-2-1 du Code
pénal, qui concerne les cyberviolences à caractère sexuel,
Article 226-2-1
« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des
paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu
public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et
à 60 000 € d’amende.

Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne


pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout
enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images
présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou
présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes pré-
vus à l’article 226-1. »

16 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


5 PRÉVENIR LES CYBERVIOLENCES
ET AMÉLIORER LE CLIMAT SCOLAIRE

Les cyberviolences peuvent contribuer à dégrader le climat scolaire ; et un


climat scolaire dégradé peut favoriser l’apparition de violences et de cybervio-
lences. Ce lien à double sens peut conduire à mettre en place une démarche
d’amélioration du climat scolaire dans l’école ou l’établissement, telle qu’elle est
présentée sur le site Climat scolaire. Cette démarche repose sur sept piliers :
stratégies collectives ;
apprentissages, pédagogie, relation éducative ;
justice en milieu scolaire ;
prévention et gestion des violences et du harcèlement ;
coéducation ;
environnement partenarial ;
qualité de vie et bien-être à l’École.

Stratégies collectives
La mobilisation des équipes et des acteurs de la communauté éducative, celle
des instances, peuvent s’organiser autour d’un diagnostic partagé au sein de
l’établissement ou de l’école ; par exemple à l’aide d’une enquête locale de climat
scolaire, qui prend en compte les phénomènes de cyberviolences échappant
parfois aux adultes. Des temps d’échanges, de sensibilisation ou de formation
collectives sont utiles pour harmoniser les représentations et les manières de
prévenir ou de gérer ces cyberviolences. Les protocoles de prise en charge
et les plans de prévention permettent de formaliser cette action commune.
Apprentissages, pédagogie, relation éducative
Intégrer aux contenus d’apprentissage développés à l’école, au collège ou au
lycée des éléments permettant aux élèves de prévenir les cyberviolences et
d’y faire face de manière responsable est essentiel (fiches 4, 6 et 8) : ce sont
les apprentissages liés à la citoyenneté, à la santé, au droit, aux compétences
psychosociales. Les pratiques pédagogiques, notamment celles qui permettent
aux élèves de développer une approche ouverte et diversifiée du numérique,
jouent également un rôle important (fiche 9).

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 17


Justice en milieu scolaire
La justice en milieu scolaire réside dans l’explicitation et l’appropriation des
règles qui permettent de vivre et d’agir ensemble, mais aussi dans les situations
à travers lesquelles se développe un sentiment de justice. Il est important d’amé-
liorer la sensibilisation de tous aux éléments juridiques liés au droit à l’image,
à la vie privée, à l’injure, à la diffamation (fiche 4). La réflexion peut aussi porter
sur l’intégration de la question des cyberviolences au règlement intérieur, et
sur l’élaboration de règles, par les élèves, pour protéger la communauté et les
individus contre des usages violents du numérique. Des actions portant sur la
médiation et sur la justice restaurative peuvent contribuer à rétablir un cadre
commun de vie et de travail après des épisodes de cyberviolence.
Prévention et gestion des violences et du harcèlement
La prévention des violences et du harcèlement passe par une attention collective
aux signaux, même faibles, de mal-être chez les élèves (fiche 9). Une attention
particulière peut concerner les élèves qui présentent des vulnérabilités. Un
travail de prévention des discriminations mené au sein de l’établissement peut
aussi contribuer à éviter que ne surviennent des cyberviolences, en particulier
celles qui ont un caractère sexiste. Ces actions de prévention et de gestion
des violences peuvent bénéficier du soutien des équipes mobiles de sécurité.
Coéducation
L’action conjointe des acteurs de l’établissement et des familles est également
importante. Les cyberviolences, qui concernent l’école ou l’établissement, et
qui ont des répercussions importantes sur les élèves, comportent un volet
lié aux pratiques numériques des élèves dans le cadre privé. La prévention
de ces violences est plus efficace si elle est assurée à la fois dans l’école ou
l’établissement et dans la famille. La gestion de ces violences également : le
partage et l’échange facilitent le repérage des signaux faibles (changement
de comportements, changement des usages numériques…), le recoupement
d’informations, et rendent plus efficaces les réponses mises en place. Les
représentants des parents (association des parents d’élèves, représentants
élus) peuvent jouer un rôle de relais sur ces questions.
Environnement partenarial
Les partenaires associatifs ou institutionnels (police, gendarmerie, justice)
contribuent aux actions de sensibilisation et de formation, aussi bien des
élèves que des personnels et des parents, sur les questions liées aux cyber-
violences. Les directions des services départementaux de l’éducation nationale
(DSDEN) et les rectorats ont mis en place des référents harcèlement, qui
apportent un soutien aux victimes et aux équipes. Des formations (animations
pédagogiques, stages, formations locales, à destination des personnels d’ensei-
gnement, d’éducation, sociaux et de santé, d’encadrement) sont proposées

18 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


sur les cyberviolences par les services académiques et départementaux. Les
plateformes 3020 et NetÉcoute (0800 200 000) constituent des partenaires
importants.
Qualité de vie et bien-être à l’École
Les actions qu’il est possible de mener dans ce domaine, en lien avec les cyber-
violences, portent notamment sur la qualité des relations interpersonnelles
(entre élèves, entre élèves et adultes, entre adultes) au sein de l’école et de
l’établissement, et sur l’ouverture d’espaces de parole (spécifiques ou communs,
pour les élèves, les parents, les personnels) : ils permettent de croiser les
regards, parfois de nommer des situations d’isolement ou de microviolences.

Le plan de prévention du harcèlement et des cyberviolences


L’article R. 421-20 du Code de l’éducation prévoit la mise en place d’un plan
de prévention des violences, incluant un programme d’actions contre toutes
les formes de harcèlement, dans tous les établissements scolaires. L’article
D. 411-2 du Code de l’éducation prévoit également que le conseil d’école
entreprend des démarches de prévention des violences et du harcèlement.
Fondé sur la démarche d’amélioration du climat scolaire, ce programme
d’actions constitue un support de travail pour les équipes éducatives dans
la création de leur propre plan de prévention.

Quels contenus de formation pour les personnels ?


En vue de prévenir et de gérer les cyberviolences dans les écoles, les collèges et
les lycées, des formations d’équipes permettent une connaissance c­ ommune
de ces phénomènes et l’élaboration de réponses harmonisées. Si les éléments
présentés dans ce guide constituent des éléments importants pour définir
les contenus de formation, il est essentiel d’insister sur :

l a connaissance des pratiques numériques des enfants et des adolescents ;


la nature et les effets des cyberviolences ;
la capacité à identifier les situations de cyberviolences (notamment les
signaux faibles), et la capacité à recueillir la parole des victimes et des
témoins (qui sont parfois réticents à solliciter les adultes) ;
la connaissance des partenaires de l’école ou de l’établissement : personnes
ressources de l’éducation nationale (notamment les référents harcèlement,
le site Non au harcèlement et le 3020) ; partenaires institutionnels (gendarmerie,
police, justice) ; associations (au plan national : e-Enfance, Inavem…) ;
les protocoles de prise en charge dans l’école, le collège ou le lycée.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 19


PRÉVENIR LES CYBERVIOLENCES
6
PAR LES APPRENTISSAGES

La prévention des cyberviolences est renforcée si les élèves développent


des connaissances et des compétences dans plusieurs domaines. Pour
que la sphère numérique soit un espace de liberté, d’expérimentation et
de socialisation, l’apprentissage de la citoyenneté et de la responsabilité
est indispensable, notamment dans le domaine des médias et de l’informa-
tion. Enseigner aux élèves à devenir acteurs de l’amélioration du bien-être
à l’École, la promotion de la santé et le développement des compétences
psychosociales sont autant d’éléments essentiels à la prévention des vio-
lences et des cyberviolences.

Pour aborder ces contenus d’apprentissage, on peut se fonder sur le socle


commun (domaine intitulé « Formation de la personne et du citoyen »), l’ensei-
gnement moral et civique (EMC), l’éducation aux médias et à l’information
(EMI), le parcours éducatif de santé et le parcours citoyen. Il est également
possible d’initier les élèves à des notions importantes du droit (fiche 4).

Socle commun de connaissances, de compétences et de culture


Le domaine 3 du socle commun comprend des apprentissages en lien avec
l’amélioration du climat scolaire et la prévention des violences et des cyber-
violences. Les contenus d’apprentissage que l’on peut en particulier viser
sont les suivants :
r ésoudre les conflits sans agressivité, éviter le recours à la violence grâce à
sa maîtrise de moyens d’expression, de communication et d’argumentation ;
identifier et rejeter toute forme d’intimidation ou d’emprise ;
faire preuve d’empathie et de bienveillance ;
être attentif à la portée de ses paroles et à la responsabilité de ses actes.

Ces apprentissages permettent de « développer dans les situations concrètes


de la vie scolaire une aptitude à vivre de manière autonome, à participer
activement à l’amélioration de la vie commune ».

20 GUIDE DE PRÉVENTION DE LA CYBERVIOLENCE ENTRE ÉLÈVES


L’enseignement moral et civique (EMC)
De l’école primaire au lycée, l’enseignement moral et civique vise à rendre
les élèves progressivement conscients de leurs responsabilités dans leur vie
personnelle et sociale. Il comporte quatre dimensions et chacune peut être
mise en lien avec la vie de l’école ou de l’établissement :
l a sensibilité : mieux connaître et identifier ses sentiments et émotions,
les mettre en mots et les discuter, et mieux comprendre ceux d’autrui ;
le droit et la règle : comprendre comment, au sein d’une société démo-
cratique, des valeurs communes s’incarnent dans des règles communes ;
le jugement : veiller à la cohérence de sa pensée, à la portée de ses
paroles et à la responsabilité de ses actions. Cela fait appel aux capacités
d’analyse, de discussion, d’échange, de confrontation des points de vue
dans des situations problèmes ;
l’engagement : participer à la vie sociale de la classe et exercer sa res-
ponsabilité vis-à-vis d’autrui.

En fonction de la maturité des élèves et de leur développement psycholo-


gique et social,l’EMC propose des thématiques et des questionnements qui
évoluent du cycle 2 au lycée, et mobilise tous les domaines disciplinaires et
la vie scolaire. Les démarches pédagogiques qu’il privilégie reposent sur des
situations pratiques, dans la classe et dans la vie scolaire : à ce titre, il peut
assurément concourir à l’amélioration concrète du climat de l’école ou de
l’établissement, et à la prévention des violences et cyberviolences.

Le label Respect Zone


Pour se préserver contre les cyberviolences, il est possible d’adhérer à la
Charte « Respect Zone ». Ainsi, on montre qu’on respecte l’autre et qu’on
modère le contenu posté sur son mur ou sa page Inter-
net. En adhérant, on s’engage à retirer ou à prendre ses
distances envers les contenus haineux, violents, racistes,
homophobes, antisémites, sexistes… publiés dans l’espace
Internet qu’on gère. Le site www.respectzone.org per-
met de télécharger le logo et de l’apposer sur sa page
Facebook ou son site afin d’exprimer son refus et son
intransigeance en matière de cyberviolences.
Pour bénéficier du label, il suffit de télécharger l’icône et de l’ajouter à son site
Internet, avec un lien de redirection vers la plateforme officielle. En revanche,
le site qui devient labélisé devra s’engager au bon respect de la charte de
bonne conduite, disponible en différentes langues (version française).

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 21


L’éducation aux medias et à l’information (EMI)
Pour prévenir les cyberviolences, il est également important d’expliciter les usages
appropriés et les usages inappropriés des applications et des matériels, ceux qui
sont respectueux de soi et des autres et ceux qui ne le sont pas. Le programme
du cycle 4 comporte une entrée « Éducation aux médias et à l’information ».
« Dans une société marquée par l’abondance des informations », l’éducation
aux médias et à l’information permet aux élèves d’apprendre « à devenir des
usagers des médias et d’Internet conscients de leurs droits et devoirs et
maîtrisant leur identité numérique ».
L’EMI les « initie à des notions comme celles d’identité et de trace numérique,
dont la maîtrise sous-tend des pratiques responsables d’information et de
communication ». Elle permet aussi aux élèves d’apprendre « à utiliser des
outils de communication en opérant notamment une distinction, absolument
nécessaire, entre espace privé et espace public, en comprenant que les médias
véhiculent des représentations du monde qu’il faut connaître et reconnaître ».

L’EMI vise à permettre aux élèves « un accès à un usage sûr, légal et éthique
des possibilités de publication et de diffusion » et à les rendre capables de
« se référer aux règles de base du droit d’expression et de publication en
particulier sur les réseaux » (fiche 4).

Travailler avec les élèves autour de trois notions


Donnée personnelle : Toute information identifiant directement ou indirec-
tement une personne (nom, numéro de téléphone, photographie, date de
naissance, commune de résidence, empreinte digitale...).
Netiquette : Sur Internet, un certain nombre de règles et bonnes pratiques
implicites se sont imposées au fil du temps, fondées sur la courtoisie et le
respect de l’autre. On emploie le mot-valise « netiquette » pour désigner cette
règle informelle qui définit les règles de conduite et de politesse recomman-
dées depuis les premiers médias de communication sur Internet.
Traces numériques : Ce terme désigne les informations qu’un dispositif numérique
enregistre sur l’activité ou l’identité de ses utilisateurs, soit automatiquement,
soit par le biais d’un dépôt intentionnel de leur part. Moteurs de recherche,
blogs, sites de réseautage social, sites de commerce électronique, mais aussi
cartes à puce, titres de transport, téléphones mobiles : tous les systèmes qui
requièrent une identification ou une interaction sont susceptibles de capter
des informations sur l’utilisateur – parcours, requêtes, préférences, achats,
connexions, évaluations, coordonnées.

22 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Comme l’EMC, l’EMI est présente dans tous les champs du savoir transmis
aux élèves, et prise en charge par tous les enseignements.

Le parcours éducatif de santé


La promotion de la santé en milieu scolaire participe à la mise en œuvre d’un
environnement favorable à la réussite éducative des élèves. Le bien-être et
la promotion de la santé des élèves sont ainsi l’affaire de tous. Les actions se
construisent aussi bien à travers les enseignements, à l’occasion de séances
spécifiques ou au quotidien dans l’établissement.

À cet effet, le parcours éducatif de santé (circulaire n°2016-008 du


28 janvier 2016) vise à structurer la présentation des dispositifs de promotion
de la santé de la maternelle au lycée, qui concernent à la fois la protection
de la santé des élèves, les activités éducatives liées à la prévention des
conduites à risques et les activités pédagogiques mises en place dans les
enseignements en référence aux programmes scolaires.
Il se développe selon trois axes, éduquer – prévenir – protéger, et se construit
en fonction des besoins et des attentes des élèves.
Il s’agit de travailler sur les compétences psychosociales de chacun, de promouvoir
le respect mutuel, l’estime de soi et la responsabilité individuelle et collective.

Dans ce cadre, la prévention des cyberviolences s’inscrit dans le parcours


éducatif de santé et permet de développer une prise de conscience, surtout
avec des élèves jeunes, de la puissance dévastatrice pour les individus et
pour le groupe de la diffusion numérique de propos, d’images ou de vidéos
humiliantes et dégradantes, y compris lorsque cela procède initialement de
la plaisanterie.
Elle permet d’informer et de sensibiliser sur les conséquences, en matière
de santé mentale, de la cyberviolence mais aussi de mettre en œuvre des
actions de prévention ayant pour but la construction d’individus responsables
et épanouis, et prenant soin de leur santé.

Le parcours citoyen
Entré en vigueur à la rentrée 2015, il s’inscrit dans le projet global de formation
de l’élève. Il s’adresse à des citoyens en devenir qui prennent progressivement
conscience de leurs droits, de leurs devoirs et de leurs responsabilités. Ce
parcours relève par conséquent d’une action éducative de longue durée qui
vise à construire un jugement moral et civique et à faire acquérir un esprit
critique et une culture de l’engagement.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 23


La circulaire 2016-092 du 23 juin 2016 en précise les objectifs, les orientations
pédagogiques et éducatives ainsi que les modalités de pilotage. Adossé à
l’ensemble des enseignements, en particulier l’EMC et l’EMI, et participant du
socle commun de connaissances, de compétences et de culture, le parcours
citoyen concourt à la transmission des valeurs et principes de la République et
de la vie dans les sociétés démocratiques : respect d’autrui, refus des discri-
minations, prévention des violences et du harcèlement, pratique responsable
du numérique, d’Internet et des réseaux sociaux notamment.

L’ensemble de la communauté éducative a la responsabilité de construire et


de faire vivre le parcours citoyen, en assurant la convergence, la continuité
et la progressivité des enseignements, des dispositifs et des projets. Ce par-
cours prend également appui sur la participation de l’élève à la vie sociale et
démocratique de la classe et de l’école ou de l’établissement. Il se bâtit en
lien étroit avec l’ensemble des partenaires de l’École.

Quelles situations d’apprentissage ?


Pour permettre l’appropriation de ces connaissances, on peut imaginer des
situations variées d’apprentissage :
des opérations de sensibilisation, des présentations réalisées par des
adultes de l’école ou de l’établissement, ou par des partenaires (police
ou gendarmerie, magistrats, personnels de santé, associations, cher-
cheurs, réserve citoyenne…). De manière à en renforcer la portée, il faut
veiller à ce qu’elles ne constituent pas un temps unique et ponctuel dont
le contenu s’oublie vite, et que ces moments d’information s’inscrivent
dans la formation des élèves. Ainsi, il est utile de créer les conditions de
l’engagement effectif des élèves (préparation, exploitation…), ou de les
inscrire dans un parcours (parcours éducatif de santé, parcours citoyen,
cf. encadrés dédiés), en veillant à ce qu’elles donnent lieu à des réactions
ou à des mises en perspective ultérieures, notamment, ou à la consti-
tution d’un portfolio matérialisé ou numérique (cf. application Folios) ;
des affiches, y compris dans les lieux fréquentés par les parents (accueil,
espaces parents…), la mise à disposition de vidéos de sensibilisation (voir
la campagne du centre Hubertine-Auclert) ;
des projets, dans l’esprit de ce qui est proposé sur le prix « Non au
harcèlement », qui amènent les élèves à réaliser des recherches
documentaires, à structurer ses connaissances, à les réinvestir en
s’exprimant par écrit (fiction, argumentation, en français ou dans une

24 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


langue vivante étrangère), à l’oral (vidéos, théâtre forum, interventions
devant des classes plus jeunes…), dans des productions plastiques ou
chantées. Organiser cela sous la forme d’un concours est possible ; on
peut aussi, si l’on souhaite éviter une mise en concurrence des élèves,
en faire une œuvre collective et collaborative ;
là aussi, il peut être intéressant de mettre à la disposition des parents, qui
ne sont pas nécessairement compétents en la matière, une information
qui puisse être relayée dans le cadre familial.
Les enseignements disciplinaires permettent d’aborder ces contenus : les com-
pétences de recherche info-documentaire ou d’expression (écrite ou orale) sont
mobilisées et développées dans le cadre de ces situations. Il est également pos-
sible, au collège, de travailler ces thèmes dans les enseignements pratiques
interdisciplinaires notamment sur la thématique « Information, communication,
citoyenneté » (par exemple, travail conjoint en français, langues vivantes et ensei-
gnement moral et civique) ; l’accompagnement personnalisé peut également
proposer des ateliers visant à développer la compréhension de l’écrit ou de l’oral,
l’expression écrite ou orale, à partir de supports dont les thèmes concernent les
cyberviolences. Les disciplines dont les objets d’étude touchent les personnes
(fictives, réelles), les relations entre les personnes, les émotions, l’exercice du
jugement, la société, peuvent également établir des ponts avec les questions
liées aux cyberviolences. Les heures de vie de classe peuvent également donner
lieu à l’intervention des délégués ou des élus du CVL ou CVC, en lien avec des
mesures décidées dans le cadre des instances de l’établissement et en veillant
à ce que les conditions de la réception soient réunies.

Internet Sans Crainte est le programme national de sensibilisation des jeunes


aux risques et enjeux d’Internet. Il s’inscrit dans le programme Safer Internet
de la Commission européenne, qui regroupe 31 pays européens au sein du
réseau Insafe.Internet Sans Crainte est un lieu de rencontre de référence
pour tous les acteurs impliqués dans l’éducation au
numérique. Le programme a pour vocation de sen-
sibiliser les jeunes aux risques et usages d’Internet,
de leur apprendre à se poser les bonnes questions
et développer les bons réflexes, de développer des
pratiques plus sûres, citoyennes et créatives en
ligne, de sensibiliser et d’informer leurs parents et
enseignants afin qu’ils puissent les accompagner, de donner aux animateurs
et enseignants des outils pratiques pour créer facilement des ateliers de
sensibilisation et de création auprès des jeunes dont ils ont la charge, de
former les professionnels.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 25


7 PRÉVENIR LES CYBERVIOLENCES PAR LES
USAGES PÉDAGOGIQUES DU NUMÉRIQUE

La prévention des cyberviolences peut également passer par la familiarisa-


tion des élèves avec des usages simples, variés et positifs du numérique. Il
est possible de se fonder sur ce qui est mis en œuvre dans les écoles et les
établissements, dans le cadre ordinaire des enseignements, de manière à
approfondir et à diversifier les occasions de montrer aux élèves que les adultes
sont compétents en la matière et qu’ils sont des interlocuteurs de confiance,
capables d’écouter, d’apporter des conseils, et d’intervenir.
Dans le cadre des enseignements, on utilise parfois les espaces numériques
de travail (ENT), les courriels, les blogs ou les réseaux sociaux pour travailler
au sein de la classe, pour travailler avec d’autres classes, échanger avec des
écoles ou des établissements distants (en France ou à l’étranger). C’est une
manière de promouvoir des utilisations du numérique qui permettent de
stimuler la création, la curiosité, la sociabilité, la collaboration, et auxquelles
on peut avoir recours dans sa vie d’adulte, aussi bien dans un cadre profes-
sionnel, que citoyen ou privé. La formation des personnels d’enseignement et
d’éducation dans ces domaines et la mutualisation des pratiques renforcent
la capacité à utiliser le numérique et la confiance que l’on peut avoir dans
ses usages positifs et responsables.

Pour renforcer la confiance des élèves envers les adultes


Adopter une posture qui serait celle de la méfiance ou de l’indifférence à
l’égard du numérique n’est pas de nature à encourager les élèves à signa-
ler les problèmes qu’ils rencontrent sur Internet. Le silence des témoins et
des victimes de cyberviolences est parfois lié à un manque de confiance de
leur part dans la capacité de compréhension et d’intervention des adultes. Il
convient donc de faire clairement apparaître aux enfants et aux adolescents
qu’ils ne sont pas isolés dans ce qui peut leur sembler une sphère close et
imperméable. Il est important que les élèves sachent que les adultes n’ont
pas toujours une opinion négative de leurs activités sur Internet et qu’ils sont
capables et désireux de leur venir en aide. Un intérêt affiché pour les usages
numériques peut contribuer à développer la confiance des jeunes quant à la
capacité des adultes à les aider en cas de difficulté.

26 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Pour étoffer les usages numériques des élèves
L’utilisation souple, ouverte, fructueuse et responsable du numérique dans
le cadre scolaire permet de sensibiliser les enfants et les adolescents qui
limitent leurs usages aux réseaux sociaux, aux jeux et à quelques sites. C’est
une manière de montrer concrètement aux élèves que le numérique peut
apporter beaucoup, au-delà des usages enfantins ou juvéniles, et de diversi-
fier l’expertise qu’ils ont développée ou qu’ils croient avoir développée. Pour
les élèves qui n’ont pas accès au numérique, du fait des choix familiaux ou
de la fracture numérique, les exemples positifs de son utilisation sont utiles
pour que les apprentissages en ce domaine ne résultent pas seulement de
ce qu’en disent les pairs.

Cette utilisation familière et positive du numérique dans le cadre scolaire,


accompagnée de l’apprentissage d’un usage éthique et responsable peut
contribuer à faciliter le signalement de comportements ou contenus inadé-
quats par les victimes ou les témoins. Elle peut permettre de montrer aux
élèves comment signaler des cyberviolences (fiche 8). Enfin, les agresseurs
peuvent prendre conscience de leurs comportements abusifs et des consé-
quences de leurs actes. Cette familiarisation ne se substitue pas aux actions
spécifiques qui sont menées avec les élèves, avec les parents (dans le cadre
de la coéducation), avec les associations et les partenaires institutionnels.

Ressources utiles
La page « Enseigner avec le numérique », qu’Éduscol consacre à la diffusion
des usages du numérique dans l’enseignement.
Le portail Éduthèque, s’adresse à tous les enseignants du premier et du
second degré et à leurs élèves. Il rassemble des ressources pédagogiques,
avec l’objectif de déployer des services et des contenus numériques de qua-
lité, en lien avec de grands établissements publics à caractère culturel et
scientifique, au service de la communauté éducative. Les élèves et leurs
professeurs bénéficient ainsi d’un accès privilégié à des ressources d’une
grande richesse leur permettant d’apprécier et de comprendre des œuvres
d’art majeures, des phénomènes scientifiques et des enjeux sociétaux expli-
qués par des établissements aussi éminents que la BnF, le Louvre, le CNRS,
le Cnes ou l’IGN.
Les travaux académiques mutualisés (TraAM), à travers lesquels la direction
du numérique pour l’éducation (DNE) met en œuvre sa mission prospective
sur les usages pédagogiques et éducatifs du numérique.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 27


Les Édu’bases, qui recensent les pratiques pédagogiques proposées par les
académies afin d’accompagner le développement des usages du numérique,
en relation avec les programmes des collèges et lycées.

Veille éducation numérique, un fil d’information sur l’actualité du numérique,


sous diverses formes (articles, revues de presse thématiques, synthèses
de rapports et d’études, présentations de sites…), réalisé par le centre de
documentation de la Dgesco.

28 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


8 APPRENDRE AUX ÉLÈVES À FAIRE FACE
AUX CYBERVIOLENCES

Si la prévention des cyberviolences est fondamentale pour limiter les risques


de les voir survenir, il est aussi important d’enseigner aux élèves comment
faire face lorsqu’ils y sont confrontés.

Apprendre à faire face


Pour que les témoins ou victimes soient capables de réagir à temps et avec
raison, on peut renforcer la capacité des élèves à prévenir ou gérer suf-
fisamment tôt les cyberviolences qui échappent souvent à l’attention des
adultes. L’un des axes de la prévention consiste à créer les conditions d’un
apprentissage de la régulation de la vie du groupe : c’est un apprentissage
de la responsabilité à l’égard de soi et des autres.
apprendre à identifier les abus, à repérer les situations où l’on doit
intervenir ou réagir, ce qui demande de savoir observer, de savoir exercer
son jugement critique sur ce que l’on peut admettre et sur ce qui ne doit
pas être toléré ;
a
 pprendre à intervenir, s’ils sont témoins, ou à s’affirmer, s’ils sont vic-
times, sans attendre que la situation s’installe ou dégénère. Cette capacité
à intervenir ou à réagir demande, que l’on soit victime ou témoin, d’oser,
de se faire confiance, de savoir prendre une initiative, de savoir répondre
et signifier son désaccord à l’auteur de manière efficace, sans rétorquer
sur le même mode ; si l’on est témoin, de savoir aller vers la victime, seul
ou à plusieurs, lui apporter de l’aide et lui témoigner son soutien ;
a
 pprendre à solliciter une aide facilement, rapidement. Cela ne va pas
de soi, pour des raisons variées (conflits de loyauté, loi du silence, crainte
de passer auprès des autres élèves pour un délateur, honte, méfiance à
l’égard des adultes, peur…) : travailler cette capacité contribue à l’acquisition
d’une maturité qu’on n’a pas forcément à l’école, au collège, au lycée ;
apprendre à s’arrêter à temps, à ne pas contribuer à faire dégénérer
un échange ou une plaisanterie en cyberviolence, à réparer, à présenter
des excuses.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 29


L’enseignement moral et civique (EMC)
L’enseignement moral et civique peut contribuer à la prévention des cyber-
violences en permettant aux élèves d’apprendre à instaurer un climat positif au
sein de l’école ou de l’établissement (fiche 6).

Il a également pour finalité de permettre aux élèves de « devenir progressive-


ment conscients de leurs responsabilités dans leur vie personnelle et sociale »,
et de développer des dispositions à agir, à raisonner, et à prendre les autres
en compte. Le programme de l’EMC, selon les cycles, fixe comme contenus
d’apprentissage des éléments comme « s’estimer et être capable d’écoute
et d’empathie », « connaître ses droits et les moyens de les faire valoir »,
« la notion de bien commun dans la classe et dans l’école », celle d’ « atteintes
à la personne d’autrui », « les critères du jugement moral : le bien et le mal,
le juste et l’injuste », « l’engagement moral (la confiance, la promesse, la
loyauté, l’entraide, la solidarité », « les valeurs : la fraternité, la solidarité ».

Cet enseignement doit « envisager sa mise en pratique dans le cadre scolaire


et plus généralement, la vie collective ». Il insiste sur la nécessité d’apprendre
la responsabilité vis-à-vis d’autrui en la mettant à l’épreuve des faits.

Au delà de l’EMC, il est possible de développer l’esprit critique des


élèves, leurs facultés d’observation, d’intervention, d’initiative, d’en-
traide, leur responsabilité et leur empathie dans le cadre de tous les
enseignements.

Modalités pédagogiques
Si l’explication des conséquences des cyberviolences par les adultes et l’inci-
tation des élèves à adopter des comportements respectueux est possible, on
gagne cependant à favoriser la construction de compétences psychosociales
et le changement de comportement, en amenant les élèves à se questionner
et à s’engager de manière active : réalisation de textes, de fiches, d’affiches,
de tutoriels, d’articles dans le journal ou le site Internet de l’école ou de l’éta-
blissement, de chroniques audio ou vidéo… Il est aussi possible de proposer
des situations problèmes, des études de cas authentiques ou fictifs, des jeux
de rôles, ou de mettre en place des débats à caractère éthique sur l’attention
aux autres, sur l’empathie, sur le courage… Intégrer des recherches docu-
mentaires à cette pédagogie de projet est intéressant.

30 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Renforcer la capacité de régulation des élèves au sein du groupe peut aussi
passer par les ateliers qui visent à former les élèves à la médiation par les
pairs ; cette médiation par les pairs, cependant, n’est pas appropriée dans
les situations où le harcèlement ou le cyberharcèlement se sont profondé-
ment installés. Dans les situations dangereuses, l’intervention des adultes
est alors nécessaire.

Dans une logique de coéducation, l’école ou l’établissement peut outiller les


parents afin de les aider à être vigilants, afin de leur permettre d’aborder ces
contenus d’apprentissage dans le cadre privé et familial.

Ces compétences se construisent aussi dans le cadre des enseignements


disciplinaires, à condition de prendre explicitement en compte le domaine 3
du socle commun « Formation de la personne et du citoyen ». Elles touchent
à l’autonomie, à la coopération, à l’échange et à la relation avec autrui, d’une
manière très générale : les activités pédagogiques mises en place dans les
disciplines, si elles sollicitent ces éléments, sont l’occasion de développer une
capacité à observer et à comprendre les autres, à repérer la forme que prennent
les relations au sein du groupe et à les réguler, à solliciter de l’aide, à proposer
son aide, à intervenir si l’on n’est pas d’accord et à faire valoir son point de vue.

Signaler des contenus problématiques sur les réseaux


Si les contenus ne sont pas modérés au moment de leur publication, la plupart
des réseaux sociaux permettent de signaler les cyberviolences, soit direc-
tement depuis le contenu problématique, soit par un formulaire dédié. Il est
important d’utiliser et de faire connaître ces possibilités de signalement. Voici
quelques exemples sur les sites les plus utilisés par les élèves.

Sur Snapchat, un formulaire permet de signaler un problème à propos d’une


publication (snap, story), d’un compte ou d’un piratage de compte.

Sur Instagram, il est également possible de signaler des contenus abusifs,


indésirables ou inappropriés, via un formulaire ou directement depuis la
publication concernée si l’on possède un compte. Un formulaire est dédié
au signalement des cas de harcèlement.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 31


De la même manière, sur YouTube, il est possible de signaler les problèmes,
notamment de harcèlement, d’usurpation d’identité, les menaces, via un
formulaire.

Twitter propose également une page permettant de signaler les cas de har-
cèlement, les menaces, la publication d’informations ou de photos privées.
Il est également possible de signaler un problème directement depuis la
publication.

Une page permet aussi, sur Facebook, de signaler les usurpations d’identité,
le harcèlement, la publication de photos sans autorisation, notamment. Là
aussi, signaler les problèmes directement depuis la publication est possible.

www.internet-signalement.gouv.fr
La plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation
des signalements (Pharos), qui relève de la police nationale est à la disposition
de toutes et tous, permet de signaler les contenus et comportements illicites
que l’on peut rencontrer sur Internet. Il est possible d’alerter les pouvoirs
publics face à une situation ou un contenu public qui enfreint la loi française.

Attention, effectuer un signalement sur Pharos ne remplace pas un dépôt


de plainte. L’utilisation de la plateforme ne suffit pas pour les cas d’urgence.

Issu d’un partenariat institutionnel et associatif, le site


netecoute.fr met à la disposition des enfants et des
adolescents des informations sur la protection de leur
vie privée et la sécurité sur Internet, sur les questions
du harcèlement et des discriminations en ligne, sur les
pratiques à risques, sur les moyens électroniques de
communication et les jeux en ligne. Il met à disposition de tous des supports
de sensibilisation et d’apprentissage.
Ce site est également une plateforme de discussion avec des conseillers :
par téléphone (0800 200 000 ou en demandant à être rappelé), par courriel,
par chat, ou par Skype.

32 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Pointdecontact.net est, depuis 1998, le service
français de signalement en ligne, soutenu par la
Commission européenne, permettant à tous les
internautes de signaler par le biais d’un formulaire
simple, anonyme et adapté aux terminaux mobiles,
tout contenu choquant rencontré sur Internet.
Point de contact est une initiative de l’Association française des prestataires
de l’Internet (Afpi), créée en 1997, qui regroupe fournisseurs d’accès Internet,
hébergeurs, moteurs de recherche et plates-formes du Web 2.0.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 33


9 PRENDRE EN CHARGE LES CYBERVIOLENCES
ENTRE ÉLÈVES

Repérer les situations de cyberviolences


La prise en charge des situations de cyberviolences implique tout d’abord leur
repérage. Cela nécessite une vigilance aux signaux, y compris aux signaux
faibles, de mal-être chez les élèves. La grille de repérage, annexée au proto-
cole de prise en charge des situations de harcèlement et de cyberviolences,
permet de prendre connaissance de ces signaux et de formaliser un repérage
des situations en équipe. Un élève qui se replie sur lui-même, qui est rejeté
par ses camarades, dont les résultats scolaires chutent, ou qui s’absente
régulièrement peut être victime d’une situation de violence. Ces signaux
appellent une réponse des adultes, pour déterminer les causes du mal-être
de l’élève et apporter un soutien adapté.

Prendre en compte le bien-être des élèves dans le projet d’école ou d’établis-


sement est essentiel et doit se concrétiser dans les pratiques pédagogiques
et éducatives. Cela doit conduire à être proactif sur la question des violences,
à repérer les élèves victimes ou pouvant présenter des vulnérabilités, à en
parler aux élèves. Des actions concrètes peuvent être mises en place pour
favoriser cette posture :
moments de discussion entre adultes sur les situations qui peuvent
alerter, pour favoriser l’émergence d’un sentiment de responsabilité ;
adoption collective d’une posture respectant l’autonomie des élèves dans
la sphère numérique mais se positionnant comme une aide éventuelle,
un soutien en cas de difficulté ;
mise en place de dispositifs permettant aux élèves témoins de faire part
à un adulte des situations dont ils ont connaissance.

Les référents harcèlement


Dans toutes les académies et tous les départements, les rectorats et les
DSDEN (directions des services départementaux de l’éducation natio-
nale) ont nommé des référents harcèlement qui aident et conseillent

34 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


les familles, les écoles et les établissements pour la résolution des
situations de harcèlement et de cyberharcèlement. Ils participent éga-
lement à la mise en place des plans de formation destinés à structurer
les réseaux de formateurs au plus près des besoins des écoles et des
établissements.

Réagir de manière adaptée face aux cyberviolences


Avec les victimes de cyberviolences, on peut réagir en deux temps. Il convient
tout d’abord de prendre en charge l’élève victime dans le cadre du protocole
de prise en charge des situations de harcèlement et de cyberviolences. Ce
protocole prévoit un entretien avec la victime, avec les auteurs présumés,
avec les parents... et la mise en place, en équipe, de mesures de protection
pour l’élève victime. Il est nécessaire d’accompagner l’élève et sa famille
dans les démarches liées à l’effacement des fichiers et traces numériques
portant atteinte à son intégrité et à sa dignité, en renvoyant vers le dispositif
Net Écoute (0800 200 000) notamment, mais également en évoquant la pos-
sibilité de déposer plainte.

Avec les auteurs, des démarches de deux ordres sont à mettre en place. Il est
important de faire savoir aux élèves et à leurs parents que les cyberviolences
ne sont pas tolérées et peuvent faire l’objet d’une procédure disciplinaire si
elles ont un retentissement dans la sphère scolaire et d’un dépôt de plainte de
la victime. Mais il faut aussi associer une dimension éducative permettant de
l’amener à changer de comportement. Être auteur de violence peut traduire
un mal-être : une orientation vers un accompagnement psychologique peut
être bénéfique. Il est important de vérifier si l’auteur n’est pas victime aussi,
puisque près de 50 % des auteurs ont le double statut.

La réaction peut également inclure des mesures de sensibilisation et de for-


mation auprès de l’ensemble des élèves et des personnels ; elles peuvent
porter sur les compétences psychosociales, sur les valeurs de la République
ainsi que sur les comportements qui permettent de bien vivre ensemble. Une
intervention sur les cyberviolences, pour être efficace, ne doit pas cibler une
seule classe car les cyberviolences ont un retentissement potentiel auprès
de tous les élèves.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 35


Cyberviolences à caractère sexiste et sexuel :
adopter une posture favorable à l’égalité filles-garçons
Rumeurs, insultes ou humiliations portant sur l’apparence physique, sur
le comportement amoureux ou sexuel, diffusion d’images intimes sans le
consentement de la personne concernée sont, sur Internet, des phénomènes
qui touchent davantage les filles : on parle alors de cybersexisme.

Souvent, en tant qu’adulte, face à ces situations, le premier réflexe consiste


à s’étonner auprès des jeunes filles de leur comportement – par exemple
la réalisation et l’envoi d’un selfie à leur petit ami. On peut aussi tendre à
protéger les filles en les encourageant à faire attention à elles, à ce qu’elles
font, à ce qu’elles exposent, en ne publiant pas de photo pouvant faire l’objet
de critiques par exemple.

Ces réactions culpabilisent les filles, qui sont pourtant victimes de ces situa-
tions, sans responsabiliser les agresseurs. Cela peut les mener à diverses
formes d’isolement et de désarroi. Il est donc nécessaire de réaffirmer que
c’est bien l’usage qui a été fait de ces images qui est inadmissible et répré-
hensible, et non la captation consentie ni leur envoi à des personnes en qui
l’on croyait pouvoir avoir confiance.

En effet, réaliser des selfies, partager des contenus sur les réseaux sociaux,
ce sont des activités quotidienne des filles et des garçons sur Internet. Faire
un selfie intime est une pratique qui existe aujourd’hui dans le cadre de la
découverte de la vie affective et des premières relations amoureuses. Quoi
qu’il en soit, il est important de réaffirmer le droit des filles à disposer de leur
corps comme elles le désirent, si l’envoi de ces photos est librement consenti
et ne résulte pas d’une pression ni d’une extorsion.

En revanche, diffuser des contenus sans l’accord de la personne est une


atteinte à la vie privée. Propager des rumeurs, des insultes, peut avoir des
conséquences graves pour les victimes. Sanctionner ces faits est donc important
afin de rappeler les droits et libertés de toutes et tous. Les victimes doivent
également être écoutées et orientées de manière appropriée.

36 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Une réflexion engagée avec les élèves sur la présentation de soi en ligne,
sur les injonctions différenciées pour les filles et les garçons autour de la
sexualité et sur leurs effets est nécessaire, en amont. Les dedipix en sont un
bon exemple : ils consistent à prendre en photo une partie de son corps sur
laquelle est inscrit le nom ou le pseudonyme de la personne à qui la photo
est dédiée, en vue d’une publication sur un réseau social ou un blog. Très
fréquemment, beaucoup plus que pour les autres selfies, ce sont les filles qui
envoient des dedipix à des garçons, souvent suite à une demande insistante.
Certains apprentissages ne vont pas de soi : apprendre à dire non, même
quand la demande est insistante, apprendre à ne pas insister et à respecter
le refus d’envoyer une photo ou une vidéo intime. Les garçons envoient-ils les
mêmes images ? Les conséquences de la diffusion de leur image sont-elles
les mêmes pour les filles et les garçons ? Le don de l’image est-il spontané
et confiant ou résulte-t-il d’une demande insistante, éventuellement déran-
geante d’un petit ami ? Pourquoi est-ce important de demander l’accord
avant de diffuser ?

Enfin, la sensibilisation des élèves à l’égalité filles-garçons, au respect de la


vie privée, dans le cadre d’une éducation à la sexualité et d’un travail sur les
compétences psycho-sociales, en particulier l’empathie, est fondamentale.
L’éducation des garçons dans ces domaines ne doit pas être négligée et constitue
un facteur fondamental de la prévention du cybersexisme.

Pour aller plus loin : campagne Stop cybersexisme du centre Hubertine-


Auclert, qui publie des ressources sur l’égalité femmes-hommes.

Le prix « Non au harcèlement » organisé par le ministère de l’Éducation


nationale comporte une catégorie « harcèlement sexiste et sexuel », en parte-
nariat avec le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 37


1o LES CYBERVIOLENCES CONTRE
ET ENTRE LES ADULTES

Internet transforme les relations entre les membres de de la communauté


éducative : il favorise les échanges entre les professionnels de l’école ou de
l’établissement et les familles, par le courriel ou par l’espace numérique de
travail (ENT) de l’établissement, par l’emploi, on l’observe également, de
réseaux sociaux ou de messageries instantanées. L’exploitation pédagogique
importante de ces outils, des forums, des blogs (fiche 7), amène également
des échanges réguliers entre élèves et professeurs. Par la diffusion et la
surenchère éventuelle, Internet peut aussi rendre plus destructeurs des propos
tenus sur des personnes ou des collectifs.

Typologie et effets des cyberviolences contre et entre les adultes


Les cyberviolences contre et entre les adultes sont de même nature que celles
qui peuvent survenir entre élèves : diffamation et discrimination, divulgation
d’images ou d’informations personnelles, propagation de rumeurs, intimida-
tion, insulte, moquerie, menace, incitation à la haine, usurpation d’identité,
piratage de comptes, propos humiliants, agressifs, injurieux, harcèlement…

Cela peut se manifester de plusieurs manières : diffusion sur Internet (réseaux


sociaux, blogs, sites d’hébergement et de diffusion de vidéos : YouTube, Peris-
cope, Facebook Live…) d’images ou de vidéos, éventuellement modifiées ;
commentaires nominatifs injurieux ou humiliants ; injures adressées à la
victime par des moyens numériques de communication ; création de profils
sur des réseaux sociaux, d’adresses électroniques au nom de la victime…
Ces cyberviolences peuvent viser un ou plusieurs adultes, mais également
une école ou un établissement dans leur intégralité.

En particulier, la captation d’images ou de vidéos dans le cadre scolaire par les


élèves, explicitement interdite par le règlement intérieur, peut constituer un
manquement aux obligations et relever de sanctions disciplinaires. Elle pose
aussi la question du droit à l’image et du consentement à être photographié
ou filmé, du droit à la vie privée (toute atteinte au droit à l’image constitue

38 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


une violation de la vie privée). Ces images et vidéos peuvent être dégradantes
du fait de transformations, ou bien de la situation dans laquelle elles ont été
captées : chahut, humiliation… Quelles que soient les causes et les conditions
de cette captation et de cette diffusion, rien ne peut justifier l’humiliation. La
diffusion de ces images peut alors relever de la diffamation, de l’injure ou de
la discrimination, de même que les commentaires qui les accompagnent sur
un site ou un réseau social.

Entre adultes, les cyberviolences peuvent se manifester par messagerie élec-


tronique (envoi de courriels à la victime ou en son nom par usurpation de son
adresse, diffusion de courriels à grande échelle…), par des publications sur
des réseaux sociaux, des blogs… L’atteinte à la réputation d’une équipe ou
d’un de ses membres peut s’inscrire pour longtemps dans l’espace numé-
rique et durablement nuire à l’École et aux personnels visés. Cette atteinte
est délétère, même si les auteurs plaident souvent la bonne foi, pensant avoir
réservé à un réseau amical fermé la publication de leurs véhémentes critiques
ou calomnies. Elle peut relever de l’injure publique, de la diffamation.

Les relations interpersonnelles doivent être également entendues dans leur


dimension numérique. Les échanges par courriel, par l’espace numérique
de travail (ENT), des messageries instantanées ou des réseaux sociaux, par
leur facilité, leur concision échappent au formalisme des courriers et sup-
ports habituels de la correspondance en milieu scolaire. La temporalité des
échanges, qui sont immédiats, s’inscrit paradoxalement dans une mémoire
définitive, numérique, a fortiori lorsque les messages sont adressés à de
nombreuses personnes, en copie ou en destinataires principaux. Ainsi, nombre
de correspondances au ton spontané, familier ou très direct, sont rappelées,
dans le cadre de conflits, comme constituant la preuve de relations dégra-
dées entre les personnes (au sein de l’établissement ou de l’école, ou entre
l’établissement et l’extérieur).

Si Internet n’est pas nécessairement à l’origine de malentendus, tensions


ou même de violences, il peut en être un amplificateur et, par l’abolition des
frontières spatiales et temporelles du conflit, causer des dommages importants
à la relation éducative, à l’estime de soi (usagers, personnels), aux relations
professionnelles, entraver le processus de résilience à la suite de tensions,
et détériorer fortement le climat scolaire. Ces cyberviolences contre et entre
les adultes peuvent contribuer à la dégradation du climat scolaire de l’école

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 39


ou de l’établissement ; il faut noter également qu’un climat scolaire dégradé
est propice à l’apparition de violences et de cyberviolences.

Prévenir les cyberviolences contre et entre les adultes


Les caractéristiques de la communication numérique conduisent à recommander
une réflexion explicite, avec les parents, avec les élèves, entre professionnels
également, afin de s’approprier collectivement les règles qui permettent
d’en faire un levier pour la pédagogie et la coéducation, et d’éviter qu’elles
ne deviennent un obstacle à la sérénité du climat scolaire.

La qualité du climat scolaire, des relations interpersonnelles au sein et


autour de l’école ou de l’établissement est de nature à diminuer les risques
de cyberviolences, mais aussi à permettre un repérage (signalement, échanges
d’informations…) et une réaction rapide (coopération des membres de la com-
munauté éducative, solidarité) lorsqu’elles surviennent. La veille constitue
un élément important de la prévention et de la gestion des cyberviolences
contre les adultes, l’école ou l’établissement.

En ce qui concerne l’utilisation des moyens de communication, il s’agit pour


les enseignants et éducateurs, eux-mêmes utilisateurs de tous les outils de
discussion en ligne et de leurs codes, de toujours situer le dialogue avec l’élève
et sa famille dans un cadre professionnel bordé par les règles déontologiques
et la loi. Cela concerne aussi le dialogue qui existe au sein de l’école ou de
l’établissement. La charte des usages d’Internet et des correspondances
numériques peut prévoir, dans les établissements, quelques modérations
quant aux horaires d’utilisation et des préconisations quant à la forme des
échanges. Si une telle charte oblige les personnels, elle rappelle également
au public scolaire le cadre éducatif. L’utilisation des moyens professionnels
de communication (courriel académique, ENT) constitue pour les personnels
une sécurité, dans la mesure où elle inscrit l’échange dans un strict cadre
professionnel. Elle impose aussi d’adopter, dans ses relations avec le public,
une communication appropriée, éthique et responsable (l’obligation de réserve
impose au fonctionnaire d’éviter en toutes circonstances les comportements
portant atteinte à la considération du service public par les usagers).

Pour éviter des réactions inappropriées, qui risqueraient d’envenimer des


situations, il est important de sensibiliser les personnels au fait que le rapport
au public est parfois marqué par des montées de tension, incivilité, mauvaise

40 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


humeur, agressivité dite « de guichet ». Désagréables, déstabilisantes et bien
sûr inacceptables, elles relèvent généralement d’éventuelles réorganisations
des cadres d’accueil et de réponse aux usagers et d’un ferme rappel du cadre
légal. Les modalités de la communication entre l’École et son public étant
clairement posées, le traitement des réclamations, contestations, incompré-
hensions, également prévu (règlement intérieur, réunion parents-professeurs),
un rappel pourra être effectué, chaque début d’année et en tant que de besoin,
sur la nécessité de construire et de préserver ensemble l’image de l’École.

Pour développer une conscience commune sur les cyberviolences et une


responsabilisation des personnes, il est important d’informer les adultes
(personnels, parents) sur leur nature, sur les effets qu’elles peuvent avoir sur
les victimes, sur les conséquences possibles pour les auteurs, sur le rôle clef
des témoins. La coéducation est essentielle sur ce point. Afin de permettre à
la communauté éducative de réagir de manière pertinente et rapide (signaler,
intervenir, soutenir la ou les victimes…), on peut aussi expliciter les conduites
à tenir lorsque l’on en est victime ou témoin, indiquer la nécessité d’informer
rapidement, pour le 1er degré, l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de
la circonscription, et le chef d’établissement, pour le 2d degré.

Le rappel du cadre juridique (fiche 4) constitue également un élément important


de la prévention contre les cyberviolences, et peut faire l’objet d’une infor-
mation aux personnels en début d’année scolaire, de même que l’existence
d’une charte des usages et des correspondances numériques.

Réagir aux cyberviolences contre et entre les adultes


Pour éviter qu’elles ne dégénèrent, il faut être vigilant aux manifestations des
cyberviolences contre et entre les adultes, et agir rapidement. Cela permet
aussi d’apporter le soutien nécessaire aux personnes qui en sont victimes.
Les fonctionnaires et les agents non titulaires bénéficient du droit à la pro-
tection lorsqu’ils font l’objet, à l’occasion de leurs fonctions, de menaces,
d’outrages, de voies de fait, d’injures ou de diffamations (loi n° 83-634 du 13
juillet 1983, article 11).

Un rappel du droit à destination des auteurs est utile pour les inciter à cesser
leurs cyberviolences. Des actions de médiation peuvent également permettre
d’apaiser des situations. Il faut conserver les éléments de preuve : copies de
courriels, copies d’écrans (réseaux sociaux, forums, blogs, sites…), téléchar-

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 41


gements (images, vidéos…). Réaliser rapidement ces copies est important,
pour pallier la suppression éventuelle des contenus, qui peuvent faire l’objet
de poursuites judiciaires. Il faut signaler au diffuseur l’existence d’un contenu
inapproprié et en demander la suppression, et informer le rectorat de l’exis-
tence des contenus en adressant les éléments d’identification.

Au sein de l’école ou de l’établissement, il est important d’assurer à la victime


que sa situation fait l’objet de cette prise en charge, et de s’assurer qu’elle
perçoive le soutien qu’on lui apporte. Selon l’ampleur qu’ont prise les cyber-
violences, selon aussi le degré d’information d’autres personnes, informer
les témoins peut aider à éviter la propagation de rumeurs, les réactions indi-
viduelles inappropriées et l’indifférence à l’égard de la victime.

Le soutien à la victime peut se manifester par le conseil (aide pour le dépôt


de plainte) et les dispositifs d’aide aux personnels de l’éducation nationale,
notamment les réseaux PAS (réseaux académiques de prévention, d’aide et
de suivi des personnels fragilisés, en partenariat avec la MGEN), les réseaux
d’aide de l’Institut national d’aide aux victimes et de médiation (Inavem).

« Quelle que soit la catégorie de personnels, les conséquences peuvent


dépasser la sphère professionnelle pour s’étendre à l’espace public,
les réseaux sociaux et blogs divers aidant à une diffusion des faits sans
contrôle, accroissant la souffrance et exposant l’individu, et non plus
le professionnel, au jugement d’internautes non informés. Dans de
telles situations, il importe que l’institution mette tout en œuvre pour
que les conflits et différends ne viennent pas, par leur exposition sur
la toile, entraver une reconstruction morale. » (Rapport du médiateur
de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, « Confiance
et bienveillance », 2015)

42 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


GLOSSAIRE DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE

Bad buzz : Un bad buzz est un phénomène de bouche à oreille négatif qui se
déroule généralement sur Internet. Si, en marketing, certains bad buzz sont
provoqués et orchestrés par ceux qui en sont la cible (de manière à gagner
en notoriété), la réputation de la personne ou du groupe qui le subit peut en
être profondément affectée.

Bashing : Le bashing consiste à dénigrer collectivement une personne ou


un groupe. Lorsque le bashing se déroule sur la place publique, il s’apparente
parfois au lynchage médiatique ou au harcèlement. Le développement d’Internet
et des réseaux sociaux a offert au bashing un nouveau champ d’action, en
permettant à beaucoup plus de monde de participer dans l’anonymat à cette
activité collective.

Chantage à la webcam : La victime, sur un site de rencontre ou un réseau


social, échange avec une personne, connue ou non. L’auteur invite la victime
à poursuivre les échanges via une conversation vidéo plus intime. Quelque
temps plus tard, un courriel ou un message instantané apprend à la victime
que cette conversation a été enregistrée, et menace, à moins qu’une somme
d’argent ne soit versée, de diffuser la vidéo auprès des proches de la victime,
sur un réseau social ou sur un site de partage. La Cnil donne des indications
pour réagir en cas de chantage à la webcam.

Cybersexisme : Terme désignant les comportements et propos sexistes


sur les outils numériques : Internet, réseaux sociaux, texto. Stéréotypes sur
les filles et les garçons, injonctions concernant la sexualité, la manière de
s’habiller, l’apparence physique ou le comportement, le sexisme instaure
une hiérarchie entre les sexes et perpétue un système de domination des
hommes sur les femmes.

Flood ou flooding : Cette pratique consiste à inonder de messages, de com-


mentaires ou de publications inutiles, éventuellement dénués de sens, la
messagerie ou le mur d’une personne ou d’un groupe de personnes. Elle
vise à gêner les échanges entretenus par cette personne ou ce groupe, voire
à rendre inutilisable leurs moyens de communication en les saturant.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 43


Doxxing ou doxing : Cette pratique consiste à rassembler des informations
personnelles (anecdotes, photos, vidéos, identité numérique…) sur quelqu’un
et à les diffuser auprès d’un grand nombre afin de lui nuire. Il peut constituer
une atteinte à la vie privée. Les sources de ces informations sont variées : elles
peuvent être dérobées, provenir d’échanges privés, être issues de témoignages
(éventuellement sollicités), ou avoir été recueillies sur des réseaux sociaux
(contenus publics ou privés).

Happy slapping (ou vidéolynchage, vidéoagression) : Cette pratique consiste


à filmer l’agression physique d’une personne à l’aide d’un téléphone portable.
Le terme s’applique à des gestes d’intensité variable, de la simple vexation
aux violences les plus graves, y compris les violences sexuelles.

Hoax : Il s’agit d’un canular ou d’une rumeur infondée circulant sur Internet,
notamment par le biais des réseaux sociaux ou du courrier électronique. Cette
rumeur vise à déstabiliser la personne ou le groupe qui en sont l’objet, ou à
induire en erreur, éventuellement à effrayer, ceux qui en prennent connais-
sance et y prêtent foi.

Revenge porn : Le revenge porn consiste à compromettre son ex-partenaire


en diffusant des photos ou des vidéos intimes et à caractère sexuel le com-
promettant, comme vengeance après une rupture. Les photos ou les vidéos
sont publiées sur Internet, souvent sur des sites dédiés, ou envoyées par
messagerie ou par téléphone portable.

Slut shaming : Cette expression regroupe un ensemble d’attitudes individuelles


ou collectives agressives envers les filles et les femmes. Le slut shaming
consiste à les stigmatiser, à les culpabiliser et à dénigrer un aspect physique
ou des comportements jugés ou prétendus provocants ou trop ouvertement
sexuels. Il peut s’apparenter à l’humiliation ou au harcèlement. Il arrive que
le slut shaming s’exerce à l’encontre de personnes qui ont été victimes de
violences sexuelles.

Troll : Un troll désigne un message ou la personne qui en est l’auteur. Il


consiste à perturber les échanges d’un groupe en introduisant un conflit ou
une controverse, en suscitant une polémique virulente ou en se montrant
agressif envers les participants à l’échange (messagerie électronique, forum,
réseau social…).

44 GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE


Usurpation d’identité sur Internet : Ce terme désigne le fait de prendre
délibérément l’identité d’une autre personne, soit en utilisant le compte et
les identifiants de cette personne (sur un réseau social, sur un ENT…), soit
en créant une fausse adresse ou un faux compte au nom de cette personne
(éventuellement accompagné d’une photo de la personne) sur un blog ou un
réseau social. Les contenus diffusés ou publiés au nom de la victime (posts,
commentaires, messages…) visent à nuire à sa réputation ou à obtenir de
tiers des informations personnelles.

Ressources utiles
L’association e-Enfance propose un lexique d’Internet et des réseaux sociaux.
Sur Éduscol, la première lettre Édu_Num Thématique (mars 2016) est consacrée
à l’infopollution et propose un glossaire dans ce domaine.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 45


LIENS ET CRÉDITS

Liens :
Le site Non au harcèlement
Le site netecoute.fr
Le site Internet sans crainte
La page Stop-cybersexisme du centre Hubertine-Auclert
Le site Climat scolaire
 uide Comportements sexistes et violences sexuelles – Prévenir, repérer,
G
agir

Ont participé à la rédaction de ce guide :

La direction générale de l’enseignement scolaire (Dgesco) :


le bureau de la santé, de l’action sociale et de la sécurité ;
la mission « prévention des discriminations et égalité fille-garçon » ;
la direction du numérique pour l’éducation (DNE) – département du
développement des usages et de la valorisation des pratiques ;
l a mission ministérielle de prévention et de lutte contre les violences en
milieu scolaire (coordination).
L’inspection générale de l’éducation nationale.
L’association e-Enfance.
Catherine Blaya, professeure en sciences de l’éducation – sociologie
de l’éducation à l’université Nice-Sophia-Antipolis.

GUIDE DE PRÉVENTION DES CYBERVIOLENCES EN MILIEU SCOLAIRE 47


education.gouv.fr/nonauharcelement - #NonAuHarcelement

Délégation à la communication
Novembre 2016

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