Analyse Des Interferences Phonologiques
Analyse Des Interferences Phonologiques
Analyse Des Interferences Phonologiques
FACULTÉ DE PÉDAGOGIE
DÉPARTEMENT DE FRANÇAIS
NORSUD
Revue bilingue semestrielle du Département de Français
Faculté des Lettres – Université de Misurata – Libye
No. (8), Décembre 2016
1.Introduction
En décrivant les rapports qu'entretient un locuteur avec sa langue
maternelle, Martinet dit : " Les rapports de l'homme avec sa langue sont
d'une nature particulière. Il l'a apprise sans le vouloir. Elle s'est imposé
à lui par simple contact avec son entourage. Elle a coïncidé pour lui avec
la présence conscience du monde dans lequel il vit"1 Par conséquent,
nous pouvons admettre que lors de l'usage de la langue française,
l'arabophone, en tant que locuteur bilingue, subit l'influence de la langue
arabe.
Cette étude en linguistique contrastive2 a été motivé par mes intérêts
personnels et professionnels. Comme enseignant du FLE et spécialiste en
linguistique , je voudrais offrir à mes étudiants et à mes collègues, les
enseignants du français, une étude propre à l'interférence interlinguale en
vue de profiter des traits communs entre les deux systèmes au processus
de l’enseignement et / ou d’éviter particulièrement les erreurs dues
surtout à l’influence négative de leur langue maternelle - l’arabe - sur la
langue cible c’est-à-dire le français. D’un autre terme, l'influence de la
langue maternelle contribue soit à faciliter le processus d'apprentissage
(dans ce cas un phénomène de transfert positif se produit entre la langue
maternelle et la langue étrangère ) soit à entraver ce processus ( dans ce
cas un phénomène de transfert négatif ou d'interférence se produit entre
les deux langues) .
Notre analyse linguistique part de l’observation du français parlé de nos
informateurs arabophones vers la description objective qui portera sur la
branche propre à la deuxième articulation: la phonologie.
1
-Dans la préface du livre de Henriette Walter, Le français dans tous les sens, Paris,
Laffont, 1988, p.9.
2
- la linguistique contrastive a nécessairement pour objet l'application; elle fait donc
partie de la linguistique appliquée. Elle suppose que l'étude d'une langue étrangère ou
seconde (L2) ne pose pas les mêmes problèmes que l'apprentissage de la langue
maternelle (L1). Elle a donc pour objectif est de prévoir, de décrire et d'expliquer les
fautes et les difficultés dues à l'influence de L1 qui font par exemple qu'un élève
allemand dira : « la soleil » ou, « j'ai le livre lu », un élève anglais : « son maison », un
élève arabe : « le chien que je le vois », etc., soit ce que l'on appelle les interférences
linguistiques.
Cf. Debyser Francis, La linguistique contrastive et les interférences, In« Langue
française, n°8, 1970. Apprentissage du français langue étrangère». pp. 32-33.
(3)
1.1.Objectif de l’étude
Cette étude a trois objectifs:
- d'abord passer en revue le système phonique des deux langues en vue de
préciser les causes des erreurs phonologiques ;
- ensuite décrire et interpréter ces erreurs en vue d’aider nos
informateurs(enseignants et étudiants) à les éliminer de leur discours .
- proposer des remèdes aux erreurs phonologiques propres aux
arabophones.
1.2. La méthode
1
-La double articulation du langage est le concept de base de la théorie d'André
Martinet. Ce concept signifie que les énoncés linguistiques sont articulés, c'est-à-dire
construits avec des segments minimaux sur deux plans différents:
- les unités minimales de première articulation du langage, « celles qui
construisent le message au moyen d'unités ayant à la fois une forme et un sens:
on appelle ces unités signifiantes minimales de monèmes»;
- les unités minimales de deuxième articulation du langage sont celles «qui ont
une forme phonique mais pas de signifié»; elles sont les unités minimales
distinctives du sens. Ce sont les phonèmes.
Mounin, G., (1995), Clés pour la linguistique, Paris, Seghers, pp.56-57.
2
- Martinet, A., (1965), La linguistique synchronique, Paris, P.U.F., p. 3.
(4)
- L’autre est les enregistrements de nos collègues les enseignants du
français pendant des stages organisés de la part de de l’orientation
de la langue française à Misurata (Libye) et à Mansoura (Egypte).
2. L’interférence
On dit qu’il y a interférence «quand un sujet bilingue utilise dans une
langue-cible L2, un trait phonétique, morphologique, lexical ou
syntaxique caractéristique de la langue L1.»1
D’après Georges Mounin2, les changements ou les identifications
résultant dans une langue des contacts avec une autre langue, du fait du
bilinguisme (anglais ~ français) ou du plurilinguisme (arabe ~ anglais ~
français) des locuteurs, constituent le phénomène d'interférence
linguistique. L'interférence est donc phénomène entrainé par le contact
entre les langues; elle est simplement l'emploi, quand on parle ou écrit
dans une langue, d'éléments appartenant à une autre langue.
En didactique d'une langue seconde l'interférence « désigne des
problèmes d’apprentissage dans lesquels l’apprenant transfère le plus
souvent inconsciemment et de façon inappréciée des éléments et des traits
d’une langue connue dans la langue cible. »3.
Quant à nos informateurs, égyptiens et libyens, ils transfèrent des traits de
l'arabe et de l'anglais comme première langue étrangère dans le français
comme langue cible. L'interférence se manifeste au niveau de la double
articulation. Au niveau de la première articulation (le monème), dans
le domaine du lexique, elle détermine l'emprunt (p. ex. football) ou le
calque (p. ex. fin de semaine construit sur le modèle de week-end). Dans
le domaine de la syntaxe, au niveau de la phrase ou même du discours,
l'interférence détermine en particulier des changements dans les règles
syntaxiques: dans cette phrase du français des parlers arabophones " Le
fils ressemble son père" (au lieu de à son père) ; l'erreur est due, du
moins à l'origine, à l'interférence avec le système arabe.
1
- Kannas, C. (1994), Dictionnaire de linguistique et des sciences du langage, Paris,
Larousse,p.252
2
- Mounin ,G., (1995), Dictionnaire de la linguistique, Paris, PUF, P.181.
3
- Hamers (J-F.) & Blanc (M.) (1983) , Bilinguisme et bilingualité,2ième édition,
Bruxelles, Pierre Mardaga,p.452.
(5)
Au niveau de la deuxième articulation (le phonème), l’interférence a
son influence. Un bilinguisme franco-arabe, par exemple, assimilera le
labiodental sourd /f/ au labiodental sonore /v/ [comme dans vidéo*/fideo/,
villa */fila/] . Sous l’influence de l’anglais, comme première langue
étrangère apprise en Égypte et en Libye, des parleurs prononcent ainsi ces
mots : problème /* problim /, système / *sistim/, moderne / *modirn /…
Dans notre analyse des erreurs dues à l'interférence , nous nous limiterons
aux erreurs phonologiques.
3- Analyse phonologique
Pour les fonctionnalistes « la phonologie est une phonétique fonctionnelle
et structurale»1 et selon laquelle l'analyse phonologique suit deux étapes
principales: au premier temps «on identifie les traits pertinents qui
différencient les unités distinctives les unes des autres afin de définir
chacune d'entre elles par les traits pertinents qui la caractérisent. » Au
second temps, « on étudie la manière dont les unités distinctives se
combinent pour donner chair et forme au signifiant des unités
significatives»2
1
- Martinet A. (1956), La Description Phonologique avec application au parler franco
provençal d'Hauteville (Savoie), Genève-Paris, 1956, p. 15.
2
- Builles J.M. (1998), Manuel de linguistique Descriptive, Le point de vue
fonctionnaliste, Paris, Nathan, P.187.
3
- Fesfes, N. (1994), Problèmes de l’apprentissage du français langue étrangère par
des élèves syriens de l’enseignement secondaire, Université de Toulouse,P.9
(6)
3.1. Le système phonique du français
Antérieures Postérieures
Voyelles écartées arrondies écartées arrondies
fermées i y u
Orales
mi- fermées e ø o
mi- ouvertes ε œ ɔ
ouvertes a
Nasales ã õ
Tableau (1)
Quant à la question du « e muet », les phonologues ne sont pas d'accord à
cause de son statut instable: voyelle labiale antérieure qui, selon
l'entourage et le registre de langue, peut apparaître ou disparaître.
Cependant, il est indispensable de signaler le point de vue de Martinet au
sujet de la prononciation du e muet: « Chez la plupart des sujets, la
voyelle doit s'articuler l'avant et avec les lèvres plutôt arrondies que
rétractées, c'est-à-dire qu'elle se rapproche des voyelles antérieures
arrondies [ø] et [œ], lorsqu'elle ne s'identifie pas avec elles. Selon les
1
- Tranel B. (2003), Les sons du français, in Le grand livre de la langue française,
sous la direction de Marina Yaguello, Paris, Seuil, p.263.
2
- Carton F. (1997), Introduction à la phonétique française, Paris, Dunod, p.62
(7)
gens et, sans doute aussi, selon les positions, on donne la préférence à
des variétés ouvertes qui rappellent [œ] ou des variétés fermées qui
tendent vers [ø] . »1
Non-voisées p t k
Voisées b d g
Nasales m n ɲ
Tableau (2) Les occlusives et les consonnes nasales
1
- Martinet A. , ,( 1974), Le français sans fard, , Paris, P.U.F.pp.215-216
2
- Munot Ph.& Nève F.-X.,(2002), Une introduction à la phonétique, LIEGE
(Belgique), édition du CEFAL,2002, PP.97-99.
(8)
3.2. Système phonique de l’ arabe
La langue arabe est une langue à consonantisme riche ; elle possède 29
consonnes notées par vingt-huit lettres y compris le hamza.
D'après Sibawayh1, les consonnes arabes sont classifiées en dix-neuf
voisés (mağhūrs) et dix sourdes (mahmūs):
Les voisés /b/ ب, /j/ ج,/d/ د, /ð/ ذ, /r/ر, /z/ ز,
(almağhūrs) /ḍ/ ض, /ġ/, غ, /q/ ق, /ʕ/ ع, / ṭ /ط,
/ẓ/ ظ, /l/ ل, /m/م, /n/ن, ,/w/ و,
/y/ى,/ʔ/ ء
Les non voisés /t/ ت, / θ/ ث, /s/س, / ∫/ش, /ṣ/ , ص, /
(almahmūs) χ / خ, / ḥ / ح,/ f/ ف, , /k/ ك, / /h/ھ
Tableau (4)
.434 ص2 ج، 8988 ،3.ط، امقاهره، مكتبة اخلانىك، حتقيق عبد امسالم محمد هارون، امكتاب، سيبويه- 1
(9)
Les longues ᾱ, ū, ī, rendues par alif et alif bref, wᾱw, yᾱ.
Il est constable que les mots arabes se composent à la fois des consonnes
et des voyelles mais il est nécessaire que les consonnes et les voyelles
s'agglutinent pour former les mots même les monosyllabiques. Signalons
que cet amalgame entre les consonnes et les voyelles ne se réalise pas
généralement dans la graphie normale où les mots s'écrivent sous forme
des consonnes et des voyelles longues [ᾱ, ū, ī] mais les voyelles brèves
[a, u, i] disparaissent dans la majorité des textes arabes.
1
- Martinet A. (1970), "Substance phonique et traits pertinents", in La Linguistique
synchronique, Paris, PUF, p. 144.
2
- Choi-Jonin (Injoo) & Delhy C. (1998), Introduction à la méthodologie en
linguistique, Paris, Presses universitaires de Strasbourg, pp.25-29.
(10)
par les vibrations des cordes vocales. Les sons dont la production ne
s'accompagne pas de la vibration des cordes vocales sont dits non voisés
ou sourds. Les voyelles sont toujours voisées, alors qu'il existe des
consonnes voisées et d'autres non voisées. Le voisement et le
dévoisement constituent dans beaucoup de langues des traits
phonologiquement pertinents. En français, il existe une série de six
consonnes sourdes qui s'oppose à une série de six consonnes sonores
situées aux mêmes points d'articulation que les sourdes (voir tableau 4):
le/b/ de bon est une bilabiale située au même point d'articulation que le
/p/ de pont, la seule différence entre les deux consonnes réside dans la
sonorité.1Ces paires de phonèmes que Martinet appelle phonèmes
corrélatifs2 peuvent être illustrés dans le tableau suivant:
(11)
partielle du passage de l'air. Considérons les phonèmes /d / د/ et /f/ ف/
dans (/du/ /fu/, (doux fou) ou en arabe /dūd/ /sūr/((سور دود. Ces deux
consonnes se distinguent par deux traits distinctifs: /d/ est une occlusive
voisée (mode d'articulation), dentale (lieu d'articulation), tandis que /f/ est
une constrictive non voisée (mode d'articulation), labiodentale (lieu
d'articulation).1
3.3.4. La nasalité
L'articulation orale est l'articulation la plus fréquente dans les sons d'une
langue lorsque le voile du palais est relevé en fermant le passage aux
fosses nasales. Si le voile du palais est au contraire abaissé, l'air passe
alors à la fois par la cavité nasale, utilisé comme résonateur
supplémentaire, en plus par la cavité buccal. Les sons produits sont alors
nasalisés. En français, la production des voyelles nasales ([ ] [œ] [õ] [ã])
s'effectue sans aucune obstruction au passage de l'air par la cavité nasale,
alors que celle des consonnes nasales ([m] [n] [ɲ]) s'effectue toujours par
le passage de l'air par la cavité nasale mais accompagné d'une obstruction
à un endroit de la cavité buccale. Quant à l'arabe, le mécanisme
phonologique est presque le même. Au cours de la production des nasales
les deux cavités orale et nasale sont donc normalement utilisées. En
arabe, il y deux consonnes nasales (ghounna غنةc'est-à-dire un nasillement
ou nasalisation) le /m/ et le /n/.2
3.3.5. Les deux liquides: la latérale [l] et la vibrante [r]
En français, la consonne alvéolaire voisée [l] a un seul trait qui la
distingue de tous les autres phonèmes: c'est la seule latérale. Un seul trait
suffit aussi à distinguer [r] : c'est la seule vibrante en français. Les deux
consonnes [l] et [r] sont des sonantes.
Les quatre consonnes emphatiques(/ḍ/ ض, /ṣ/ ص, /ẓ/ ظet /ṭ/ ) طpossèdent en
effet des correspondants non emphatiques en arabe standard moderne. Le
1
-Elsaadani, A.,(2014), Les aspects de l'assimilation phonologique en français et en
arabe (Étude contrastive), in Revue de la Faculté des Lettres de Mansourah, Janvier
2014 (N°.54), P.8.
2
- Loc.cit.
- Selon Troubetzkoy les phonèmes porteurs de la marque de vélarisation emphatique
admettent la corrélation avec des phonèmes non emphatiques. En plus du /ḍ/ ض, /ṣ/ ص-
(12)
trait pertinent d'emphase, distinguant les quatre unités consonantiques,
peut être appliqué également sur la latérale dentale voisée /l/ ; elle peut
être considérée comme » une consonne emphatique latérale post-dentale
/l/ qui se produit dans un environnement extrêmement limité et seulement
devant/a/ et /aa/. Dans le langage littéraire, on le trouve dans le mot
/Allah/ et ses dérivés mais dans les dialectes il est plus commun. «1
, /ẓ/ ظet /ṭ/ ط, il fait de /q/ l'emphatique de /k/, de ġ/ غl'emphatique de /z/ ز, du /ḥ/
حl'emphatique /h/ ھet considère χ / خet /ʕ/ عcomme des emphatiques. (Troubetzkoy,
Principes de phonologie, Klincksiek, Paris, 1970. p.148.)
1
- DJOUDI ( Mahieddin), Contribution à l'étude et à la reconnaissance automatique de
la parole en Arabe standard, thèse de Doctorat de l'université de Nancy 1, Novembre
1991, p.48.
(13)
Les deux consonnes [p] et [v] restent parfois problématiques représentant
des difficultés chez presque la majorité des informateurs arabophones.
b)-La nasale vélaire /ŋ/ qui se trouve en finale absolue dans les mots
empruntés à l’anglais, se réalise toujours comme en anglais chez tous nos
informateurs :
(14)
aspiration. II s’agit d’un <h> qui interdit la liaison (les héros [le ero]) et
l'élision (la haine [la n]).
Le Bon Usage de Grevisse regroupe 135 mots, comme les principaux ,
commençant par h aspiré. “La plupart de ces mots viennent des langues
germaniques: francique, allemand, néerlandais, anglais; quelques-unes
d'autres langues connaissant h aspiré comme son: arabe( harem,
henné…), espagnol (habanera, hâbleur,…), japonais (hara-kiri), etc. ”1
Le h dit muet
A l'opposé du h aspiré, la présence de « h » dit muet peut entraîner deux
phénomènes phonétiques: la liaison (Ex: un h tel [œnotl], c’est
héroïque [steroik]) et l’élision (Ex: l’h tel [lotl], l’homme [lɔm]).
Dans notre corpus, il y a des informateurs qui ne différencient pas le h
aspiré de h muet surtout au niveau de la liaison au cas du pluriel (ex : des
héros */dezero/). Ils prononcent le h aspiré de la gorge à l’imitation de
l’anglais; ou comme le /h/ ھarabe, ils le traitent faussement comme un
phonème comme dans :
1
- Grevisse M., (2008), Le bon usage, 14ème édition refondue par André Goosse,
Bruxelles, De boeck Université, 2008, P.55.
(15)
insérer une voyelle. »1 Par conséquent, ils ont des ennuis à prononcer les
mots suivants:
Exemples Transcription Transcription
phonologique phonétique
Script */iskript/ [skript]
Explorer */ixiplore/ [εksplɔre]
Spectateur */sipiktatεr/ [spεktatœr]
Bonté */bonite/ [bõte]
1
- Mohamed, H. (2007), Acquisition d’une langue seconde : Les avantages et les
entraves de la langue maternelle chez les bilingues français-arabe/arabe-français, in
Synergies Monde arabe n° 4 - 2007 p.218
(16)
Le son [u] est faussement prononcé comme /o/ en toutes positions
comme dans :
1
-andre.thibault.pagesperso-orange.fr//phonologie semaine 3 (consulté le20-11-2013).
(17)
Le son [ε] représenté en finale absolue par la graphie «ès», «aie»,
«ais», «ait» et «aient» se réalise comme /e/.
En outre [ε], noyau d’une syllabe finale, est remplacé par /i/ dans des
mots communs entre le français et l’anglais comme dans
Exemples Transcription Transcription
phonologique phonétique
Problème */problim/ [problεm]
Système */sistim/ [sistεm]
Moderne */modrin/ [modεrn]
Complète */komplit/ [kõplεt].
(18)
Le son [ø] / est faussement remplacé par /o/, /u/, /comme dans :
Le <E> caduc
Chez presque tous nos informateurs <E> caduc est presque toujours
stable même dans le cas où il ne faut pas le prononcer. Quelques-uns le
prononcent correctement surtout dans les neuf monosyllabes. D’autres le
prononcent comme le /e/ fermé. Citons à titre d’exemple :
La dénasalisation
Comme l'arabe n'a pas de voyelles nasales plusieurs informateurs les
dénasalisent : ils les produisent sous formes d'une voyelle orale
suivie d'une consonne nasale [n ou m]. Cela semble également dû à
cause du système éducatif où on apprend l’anglais avant d’apprendre
le français dans toutes écoles officielles en Libye et en Egypte.
(19)
Citons à titre d’exemple :
Enchaînement
La plupart de nos informateurs ne font pas l'enchaînement consonantique
Liaison
La liaison obligatoire n’est pas réalisée dans le discours libre de quelques
informateurs. Cependant la liaison interdite est faussement réalisée,
comme dans :
(20)
Exemples Transcription Transcription
phonologique phonétique
Hier et avant-hier */jεretavãiεr/ [jεreavãtjεr]
Un homme et une femme */ nɔmetynfam/ [ nɔmeynfam]
Conclusion
Après avoir traité du phénomène de l'interférence phonique, on a
constaté qu'on est en face des deux systèmes phoniques différents: le
français et l’arabe ne possèdent pas exactement les mêmes sons. La
confusion provient du fait que certains sons français n’existent pas en
arabe: [p], [v], [y], [ǝ], [œ], [ø], [ε], [ɔ] et les voyelles nasales.
Pour résoudre ce problème , il faut
prendre en considération les difficultés propres à la langue
française (la variété du système vocalique et le problème de la
relation entre la graphie et la phonie);
proposer de nouvelles méthodologies pour l'apprentissage de la
phonétique française.
On propose la notion du système vocalique minimal1 qui comporte 7
voyelles orales /i, y, u, e, ø, o, a/ ( sans compter le "e " muet ) et
éventuellement nasales /ã, õ, / , ce qui fait de 7 à 10 en tout. Ce
système vocalique minimal constitue une base suffisante pour
l’apprentissage des oppositions phoniques du français; il nous parait
nécessaire de présenter un système phonique basé sur un nombre limité
des traits communs à la plupart des langues ( oralité vs nasalité, fermeture
1
- Elsaadani, A.,(2014), Variation en système vocalique du français actuel (à partir des
données tirées du corpus PFC ) in Revue internationale de la faculté des langues et de la
traduction, Juillet 2014,P.27.
(21)
vs ouverture) , un système qui s'intéresse à remédier aux transferts
négatifs de l’interférence entre l’arabe et le français.
Cela ne signifie pas que les enseignants doivent proposer aux apprenants
des oppositions phonologiques primordiales pour la communication et
mettre de côté celles qui ont un faible rendement phonologique tout en
présentant une difficulté d’apprentissage supplémentaire.
(22)
Bibliographie
Argot-Dutard ,F.(1996) : Éléments de phonétique appliquée, Paris, A.
Colin/ Masson.
Blachère,R. et Gaudefroy-Demombynes ,M.(1994), Grammaire de
l’arabe classique, Maisonnette-Larose, Paris.
Builles,J.M. (1998), Manuel de linguistique descriptive, Le point de vue
fonctionnaliste, Paris, Nathan.
Carton,F (1997), Introduction à la phonétique française, Paris, Dunod,.
Choi-Jonin, J. & Delhy,C. (1998), Introduction à la méthodologie en
linguistique, Paris, Presses universitaires de Strasbourg.
DARCY,I (2006), Assimilation phonologique et reconnaissance des
mots, éd. Peter Lang SA,Bern,Berlin, Bruxelles,Frankfurt am Main,New
York, Wien.
Dell,F. (1985), Les règles et les sons. Introduction à la phonologie
générative, Paris, Hermann.
Derivery,N. (1997), La phonétique du français, Paris, Seuil .
DJOUDI,M. ( 1991), Contribution à l'étude et à la reconnaissance
automatique de la parole en Arabe standard, thèse de Doctorat de
l'université de Nancy 1, Novembre 1991.
Fesfes, N. (1994), Problèmes de l’apprentissage du français langue
étrangère par des élèves syriens de l’enseignement secondaire,
Université de Toulouse.
Elsadaani, A.(1999): Le français parlé par les enseignants phonologie -
morphologie- syntaxe, Thèse de doctorat, Université de Tanta,1999.
Elsaadani, A.,(2014), Les aspects de l'assimilation phonologique en
français et en arabe (Étude contrastive), in Revue de la Faculté des
Lettres de Mansourah, Janvier 2014 (N°.54).
Elsaadani, A.,(2014), Variation en système vocalique du français actuel
(à partir des données tirées du corpus PFC ) Revue internationale de la
faculté des langues et de la traduction, Juillet 2014.
Fouché,P. (1959), Traité de prononciation française, Paris,
C.KLINCKSIECK.
Francis, D.(1970), La linguistique contrastive et les interférences, In«
Langue française, n°8, 1970. Apprentissage du français langue
étrangère».
(23)
Grammont,M. (1933). Traité de phonétique. Paris : Delagrave.
Grevisse, M.(2008) Le bon usage, 14ème édition refondue par André
Goosse, Bruxelles, De boeck Université.
Gueunier (N) : Le français parlé du Liban : cent portraits linguistiques,
Université de Provence,1993
Gumbretière,E. (1994), Phonétique et enseignement de l'oral, Paris,
Didier/Hatier.
Hamers (J-F.) & Blanc (M.) (1983) , Bilinguisme et bilingualité,2ième
édition, Bruxelles, Pierre Mardaga,p.452.
Léon,p. (1994), Phonétisme et prononciations du français, Paris, Nathan.
Léon,M & Léon,P. (1997), prononciation du français, Paris, Nathan,.
Malmberg (Bertil), La Phonétique, Paris, PUF, 4e éd. 1987
Martinet,A. (1956), La description phonologique, avec application au
parler franco-provençal d'Haute ville (Savoie), Genève, Droz et Paris,
Mainard, .
ID,( 1965), linguistique synchronique, Paris, P.U.F,.
ID,( 1974), Le français sans fard, Paris, P.U.F.
ID,( 1998) Éléments de linguistique générale, Paris, A. colin 4e éd.
M.-c. Thomas,J. & al,(1976); Initiation à la phonétique, Phonétique
articulatoire et phonétique distinctive, Paris, PUF.
Mohamed, H. (2007),Acquisition d’une langue seconde : Les avantages
et les entraves de la langue maternelle chez les bilingues français-
arabe/arabe-français, in Synergies Monde arabe n° 4 - 2007 pp. 209-226
Mounin, G.,(1991), Clef pour la linguistique, Paris, éd. Seghers.
Ministère de l'Education Nationale, Mission universitaire et culturelle
française : Analyse des fautes dues aux interférences. Bureau d'études
pédagogiques, Casablanca, 1970.
Munot,Ph. & Nève, F.-X.,(2002), Une introduction à la phonétique,
LIEGE (Belgique), édition du CEFAL.
Pohl (J.) : Témoignages sur la syntaxe du verbe dans quelques parlers
français de Belgique. Bruxelles, Palais des Académies, 1962.
Pohl (J.) : Les variétés régionales du français, étude belge (1945-1977).
Bruxelles, P.U. de Bruxelles, 1979.
(24)
Sankoff (G.)& Thibault (P.) : "L'alternance entre les auxiliaires avoir et
être en français parlé Montréal, in Langue française. n°45, Paris,
Larousse, 1977.
Tranel B. (2003), Les sons du français, in Le grand livre de la langue
française, sous la direction de Marina Yaguello, Paris, Seuil.
Troubetzkoy,N.( 1970), Principes de phonologie, Klincksiek, Paris,.
Walter,H. (1977.), La phonologie du français, Paris, PUF, 4e éd.
Walter,H. (1988.), Le français dans tous les sens, Paris, Laffont, 1988.
DICTIONNAIRES CONSULTÉS
Dictionnaire Hachette encyclopédique,(2005), Paris, Hachette.
Dubois (Jean) et alii,(2007), Grand Dictionnaire, Linguistique &
Sciences du Langage, Paris, Larousse.
Kannas, C. (1994), Dictionnaire de linguistique et des sciences du
langage, Paris, Larousse.
Le Petit Robert(1986), Dictionnaire de la langue française 1, Paris, Le
Robert.
Mounin, G. (1995), Dictionnaire de la linguistique, Paris, PUF.
(25)