Cours Analyse Approfondie
Cours Analyse Approfondie
Cours Analyse Approfondie
Étienne Mann
Ce polycopié et les ressources attachées ont été réalisés dans un projet financé par l’université
d’Angers.
ANALYSE APPROFONDIE S4:
L2 À DISTANCE
Étienne Mann
TABLE DES MATIÈRES
V. Limite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
VII. Dérivabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Dans ce cours d’analyse approfondie, nous allons revoir beaucoup d’énoncés que vous avez déjà vu
mais avec un point de vu rigoureux. La difficulté de ce cours n’est pas les énoncés mais plutôt la ma-
nipulation rigoureuse des quantificateurs (∃, ∀, ...). Ainsi, nous pourrons donner des démonstrations
rigoureuses à tous ces théorèmes.
Pour s’entraîner à comprendre ce cours, il faut donc lire en détail les preuves des énoncés.
Pour lire ce cours, je vous conseille en début de chapitre de regarder la vidéo où je présente le chapitre.
J’explique les idées importantes et intuitives pendant environ 10 minutes. Dans un second temps, il
faudrait lire le cours puis faire les exercices.
CHAPITRE
Un petit exemple facile et assez intuitif vaut mieux que tous les discours.
Exemple .0.1.
Soit f une fonction non bornée et g une fonction bornée. Montrer que il existe x tel que f (x) >
g(x).
Principe de décoration des lettres. Il faut décorer les lettres qui apparaissent pour ne pas les confon-
dre...en l’occurrence ici, c’est le A qui pose problème. Ainsi par exemple, on change A en B. Parfois,
10 COMMENT RÉDIGER DES MATHÉMATIQUES ?
Comme l’hypothèse 1 est vraie pour tout A, on l’utilise maintenant avec A = B et on obtient
∃x ∈ R, f (x) > A
(1)
Enfin presque jamais
LES DIFFÉRENTS ÉNONCÉS MATHÉMATIQUES À DÉMONTRER. 11
L’égalité ensembliste. — On veut montrer que les ensembles E et F sont égaux. On montre par
double inclusion.
1. E ⊂ F càd soit x ∈ E. Montrer que x ∈ F.
2. F ⊂ E
La récurrence. — Rédaction.
Soit n ∈ A où A ⊂ N. Par exemple A = N, N∗ ou N≥2 . On considère la proposition suivante
P(n) : ”blabla”
Initialisation. On commence par le plus petit entier de l’ensemble A, noté n0 et on montre que P(n0 )
est vraie.
Hérédité : Soit n ∈ A. On suppose P(n) vraie. Montrons que P(n + 1) est vraie. bla bla
CHAPITRE I
Définition I.0.1.
Soient I, J un sous-ensemble de R. Soit f : I → J une fonction.
1. On dit que f est injective si pour tout x, x0 dans I, nous avons
f (x) = f (x0 ) ⇒ x = x0
2. On dit que f est surjective si pour tout y dans J, il existe x ∈ I tel que f (x) = y.
3. On dit que f est bijective si elle est injective et surjective.
4. On dit que g : J → I est la réciproque de f si f ◦ g = id J et g ◦ f = idI .
Exercice I.0.2. — Montrer que f : I → J est bijective si et seulement si pour tout y ∈ J, il existe un
unique x ∈ I tel que f (x) = y.
Solution de l’exercice I.0.2. — Pour montrer cette équivalence, on procède par double implication.
⇒ hypothèse: f est bijective càd injective et surjective.
Montrons que ∀y ∈ J, ∃!x ∈ I, f (x) = y. Soit y ∈ J. Par surjectivité, il existe x ∈ I tel que f (x) = y.
Pour montrer l’unicité de x, on suppose qu’il en existe deux càd soient x, x0 tels que f (x) = f (x0 ) = y
et montrons que x = x0 . L’injectivité de f nous donne exactement que x = x0 .
⇐ hyp ∀y ∈ J, ∃!x ∈ I, f (x) = y.
Montrons que f est injective et surjective. Montrons que f est surjective. Soit y ∈ J. Par hypothèse,
il existe x ∈ I tel que f (x) = y. Donc f est surjective.
Montrons que f est injective. Soit x, x0 ∈ I tel que f (x) = f (x0 ). Montrons que x = x0 . On pose
y = f (x), par hypothèse, il existe un unique x tel que f (x) = y. On en déduit que x = x0 .
14 CHAPITRE I. INJECTIVITÉ, SURJECTIVITÉ, BIJECTIVITÉ ET MONOTONIE
Définition I.0.4.
Soit I un intervalle. Soit f : I → R une fonction
1. Une fonction est croissante si
∀x, y ∈ R, x ≤ y ⇒ f (x) ≤ f (y).
2. Une fonction est strictement croissante si
∀x, y ∈ R, x < y ⇒ f (x) < f (y).
3. Une fonction est décroissante si
∀x, y ∈ R, x ≤ y ⇒ f (x) ≥ f (y).
4. Une fonction est strictement décroissante si
∀x, y ∈ R, x < y ⇒ f (x) > f (y).
Proposition I.0.5.
Toute fonction strictement croissante (ou décroissante) I → R réalise un bijection sur son image.
Remarque I.0.6.
La conséquence importante de cette proposition et de la proposition I.0.5 est qu’une fonc-
tion strictement croissante (ou décroissante) admet une réciproque. Dans la suite, nous ver-
rons des fonctions classiques qui admettent des réciproques : l’exponentielle et les fonctions
trigonométriques.
CHAPITRE I. INJECTIVITÉ, SURJECTIVITÉ, BIJECTIVITÉ ET MONOTONIE 15
La fonction exponentielle est strictement croissante R → R+ . Elle admet une fonction réciproque
qui est le logarithme (Voir Figure 1).
La fonction cosinus est strictement décroissante sur [0, π] → [−1, 1]. On en déduit une fonction
arccosinus arccos : [−1, 1] → [0, π] (Voir Figure 2).
16 CHAPITRE I. INJECTIVITÉ, SURJECTIVITÉ, BIJECTIVITÉ ET MONOTONIE
La fonction sinus est strictement croissante sur [−π/2, π/2] → [−1, 1]. On en déduit une fonction
arcsinus arcsin : [−1, 1] → [−π/2, π/2] (Voir Figure 3).
La fonction tangente est strictement croissante sur ] − π/2, π/2[→] − ∞, +∞[. On en déduit une
fonction arctangente arctan :] − ∞, +∞[→] − π/2, π/2[. Voir Figure 4.
Dans ces 4 exemples, nous voyons que les graphes de f et de sa réciproques f −1 sont symétriques par
rapport à la droite y = x. Ceci est un fait général que nous pouvons démontrer en exercice.
Exercice I.0.8. — Soit f une fonction bijective et f −1 sa fonction réciproque. Montrer que les
graphes de f et de f −1 sont symétrique l’un de l’autre par rapport à la droite y = x.
CHAPITRE II
Dans ce chapitre nous ne donnerons pas la construction de nombre réel qui est un point délicat. On
s’appuiera sur la notion intuitive que chacun s’est faite.
Définition II.0.1.
1. Un ensemble E de R est dit ouvert, si pour tout élément x de E, il existe ε > 0 tel que
]x + ε, x − ε[⊂ E.
2. Un ensemble E de R est dit fermé, si son complémentaire, c’est-à-dire R \ E est ouvert.
3. Un ensemble E de R est dit borné, s’il existe a, b ∈ R tels que E ⊂ [a, b].
Remarque II.0.2.
– Les intervalles ]a, b[, ] − ∞, a[ ou ]b, +∞[ sont ouverts.
– Les intervalles [a, b], [a, +∞[ et ] − ∞, a] sont fermés et leur réunion finie est aussi fermé.
Les singletons {x} sont aussi fermés.
– Remarquez que R est à la fois ouvert et fermé et donc son complémentaire, l’ensemble vide,
noté ∅, est aussi à la fois ouvert et fermé. Les seuls sous-ensembles de R qui sont à la fois
ouverts et fermés sont R et ∅. On dit que R est “connexe”. Une théorie entière des maths qui
s’appelle la topologie part de là mais ce n’est pas l’objet de ce cours.
– Les ensembles fermés et bornés sont très importants, on les appelle les compacts. Nous les
étudierons plus en détails dans un autre cours (cf cours de topologie).
Les ensembles fermés ont une caractérisation séquentielle c’est-à-dire qu’on peut déterminer si un
ensemble est fermé par des suites. Voici l’énoncé précis.
20 CHAPITRE II. TOPOLOGIE DES RÉELS
Proposition II.0.3.
Un sous-ensemble F de R est fermé si et seulement si toute suite d’éléments de F qui converge a
une limite dans F.
Définition II.0.4.
Soit E un sous-ensemble de R.
1. Un point x0 ∈ R est adhérent à E si pour tout ε > 0, l’intervalle ]x0 − ε, x0 + ε[∩E , ∅.
2. Un point x0 ∈ R est un point d’accumulation à E si pour tout ε > 0, l’intervalle ]x0 − ε, x0 +
ε[∩E contient un autre point que x0 .
3. Un point x0 ∈ E est intérieur à E s’il existe ε > 0, tel que ]x0 − ε, x0 + ε[ soit contenu dans
E.
Remarquez qu’on peut écrire ces 3 définitions avec “plus” de quantificateur. Par exemple, pour x0
adhérent à E peut s’écrire
∀ε > 0, ∃x ∈ E, |x − x0 | < ε
Remarque II.0.6.
– Un point d’accumulation est aussi un point adhérent mais le contraire est faux.
– Le nombre 1 est adhérent et aussi un point d’accumulation de E =]0, 1[.
– Le nombre 1 est adhérent à E = {1} mais ce n’est pas un point d’accumulation.
Proposition II.0.8.
Pour que a ∈ R soit un point d’accumulation de E il faut et il suffit que pour tout ouvert I
contenant a, l’ensemble I ∩ E soit infini.
Remarque II.0.9.
Le lecteur attentif aura remarqué que la phrase "Nous pouvons même supposer que xn , xm " dans
la démonstration ci-dessus mérite des explications. Voici l’argument plus précis mais un peu plus
lourd. On construit par récurrence la suite (xn )n∈N d’éléments tous différents dans I. Supposons
qu’on ait construit x0 , . . . , xn dans I tous différents. On choisit N ∈ N tel que |xn − a| > 1/N. En
22 CHAPITRE II. TOPOLOGIE DES RÉELS
prenant ε = 1/N, on obtient IN qui par hypothèse contient un point, noté xn+1 , qui est différent de
x0 , . . . , xn .
Définition II.0.10.
Remarque II.0.11.
1. Soit A un ensemble de R. Peut-on construire un fermé qui le contient et qui est le plus petit.
C’est l’objet de l’exercice II.0.15 qu’on verra en TD.
2. Dans la même idée, on pourrait vouloir définir un ouvert associé à A qui est le plus grand
◦
contenu dans A. Cet ouvert s’appelle l’intérieur de A, on le note A, et il est défini par
l’ensemble des points intérieurs à A. Nous ne développerons pas cette notion dans ce cours.
Proposition II.0.13.
Un point x ∈ A si et seulement s’il existe une suite (xn )n∈N d’éléments de A qui converge vers x.
Exemple II.0.14.
On va montrer que [0, 1[ = [0, 1]. Montrons que 1 ∈ [0, 1[. Il suffit de considérer la suite
xn = 1 − 1/n. On a xn ∈ [0, 1[ et xn → 1.
Exercice II.0.15. — 1. Montrer que A est le plus petit fermé qui contient A, c’est à dire
A = ∩F|A⊂F F, où Fest fermé
2. En déduire que A est fermé si et seulement si A = A.
CHAPITRE III
Définition III.0.1.
1. Soit E un ensemble majoré de R. La borne supérieure de E est un réel noté sup E, telle que
(a) tout élément de E est plus petit que sup E
(b) si M est un autre majorant alors sup E ≤ M
2. Soit E un ensemble minoré de R. La borne inférieure de E est un réel, noté inf E, telle que
(a) tout élément de E est plus grand que inf E
(b) si m est un autre minorant alors inf E ≥ m
Remarque III.0.2.
On dit que la borne supérieure est le plus petit des majorants et que la borne inférieure est le plus
grand des minorants.
Remarque III.0.4.
La démonstration utilise la construction des nombres réels ce qui n’est pas l’objet de ce cours.
24 CHAPITRE III. BORNE SUPÉRIEURE ET INFÉRIEURE
Proposition III.0.5.
Démonstration. — Nous allons démontrer le premier énoncé, le second est du même style.
⇒ . hypothèse : M est la borne supérieure càd
(III.1) ∀x ∈ E, x < M
(III.2) ∀M 0 , (∀x ∈ E, x < M 0 ) ⇒ (M 0 > M)
Remarquer que (III.2) peut aussi s’écrire en utilisant la contraposé de l’implication càd
(III.4) ∀x ∈ E, x < M
(III.5) ∀ε > 0, ∃x ∈ E, x > M − ε
e+M
M
x> M−ε= >M
e
2
CHAPITRE III. BORNE SUPÉRIEURE ET INFÉRIEURE 25
Remarque III.0.6.
Remarquer que la borne inférieure ou supérieure n’est pas forcément dans l’ensemble. Par exem-
ple E = {1/n, n ∈ N∗ }, nous avons inf E = 0 mais 0 < E.
Voici une proposition que vous connaissez mais peut-être sans démonstration.
Proposition III.0.7.
1. Une suite (un )n∈N croissante est majorée converge vers sup{un , n ∈ N}.
2. Une suite (vn )n∈N décroissante est minorée converge vers inf{vn , n ∈ N}.
Démonstration. — Nous n’allons démontrer que le premier point car le second est exactement le
même.
Hypothèse: Soit (un )n∈N croissante et majorée càd
(III.6) ∀n1 , n2 ∈ N, n1 ≥ n2 ⇒ un1 ≥ un2
(III.7) ∃M ∈ R, ∀n ∈ N, un < M
Comme la suite est majorée, alors l’ensemble {un , n ∈ N} est non vide et majoré et donc il admet une
borne supérieure (cf Théorème III.0.3). Notons ` = sup{un , n ∈ N}.
Montrer que un converge `, càd ∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n, n > N ⇒ |un − `| < ε. Soit ε > 0. Par la Propo-
sition III.0.5, il existe une élément de la suite (un )n∈N plus grand que ` − ε càd il existe N tel que
` ≥ uN ≥ ` − ε. Comme la suite est croissante, nous avons que pour tout n > N, un ≥ uN et donc nous
en déduisons l’encadrement
∀n > N, ` − ε ≤ un ≤ `.
Remarquez que la majoration de droite vient du fait que ` est la borne supérieure et donc un majorant
de la suite. Ce qui implique que |un − `| ≤ ε.
CHAPITRE IV
THÉORÈME DE BOLZANO-WEIERSTRASS
Démonstration. — Hypothèse: Soit (un )n∈N telle que ∃A > 0, ∀n ∈ N, |un | < A.
Montrer qu’il existe ϕ : N → N strictement croissante telle que la suite (uϕ(n) )n∈N soit convergente
Comme la suite (un )n∈N est bornée, elle est contenu dans un intervalle [a, b]. On va construire une
sous-suite (vn ) de façon récursive.
De cette façon, nous avons construit une suite (vn ) où les termes (vn ) sont tous dans un intervalle de
longueur b−a
2n
, noté [an , bn ]. Les suites (an ) et (bn ) sont adjacentes et converge vers la même limite,
notée `. Nous avons an ≤ vn ≤ bn . En passant à la limite nous avons que vn converge `.
Corollaire IV.0.2.
Soit A une partie de R non vide. Pour que A soit fermée et bornée, c’est-à-dire A est une réunion
finie d’intervalle du type [a, b], il faut et il suffit que toute suite d’éléments de A admette une
sous-suite convergente dans A.
28 CHAPITRE IV. THÉORÈME DE BOLZANO-WEIERSTRASS
Démonstration. — ⇒ Soit (un ) une suite de A. Cette suite est bornée car A est bornée. Le Théorème
précédent implique qu’il existe une sous-suite convergente.
⇐ On le démontre par l’absurde.
Hyp 1: toute suite d’éléments de A admette une sous-suite convergente dans A.
Hyp 2: A n’est pas fermé ou A n’est pas bornée.
– Si A n’est pas bornée, on peut construire une suite et qui est arbitrairement grande qui n’a
aucune sous-suite convergente. Ce qui contredit l’hypothèse 1.
– Supposons que A ne soit pas fermé. Montrons qu’on obtient une contradiction avec l’hypothèse 1.
C’est-à-dire qu’il faut trouver une suite (xn )n∈N d’éléments de A telle qu’aucune sous-suite ne
soit convergente dans A.
On considère l’adhérence de A, noté A:
A := {a | a soit valeur d’adhérence de A}.
On vérifie que A est fermé si et seulement si A = A (cf Exercice II.0.15). Si A n’est pas fermé
alors il existe x ∈ A \ A. Rappelons la définition de x adhérent à A (cf Définition II.0.4).
Hyp 3: ∀ε > 0, ∃x ∈ A tel que |x − a| < ε
Nous utilisons l’hypothèse 3 avec ε = 1/n et on a qu’il existe un élément, noté xn ∈ A tel que
|xn − x| < 1/n. Comme x < A, on a même que xn , x. Ainsi, on a construit une suite (xn )n∈N
d’élément de A.
Montrons que (xn )n∈N converge vers x c’est-à-dire montrons que ∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n > N, |xn − x| < ε
Soit ε > 0. Il existe N tel que 1/N < ε. On obtient alors que pour tout n > N, |xn − x| < 1/n par
construction de la suite (xn )n∈N et on a 1/n < 1/N < ε. On en déduit que (xn ) converge vers x.
Remarquez que je viens de démontrer la Proposition II.0.13.
Au final, on a construit une suite (xn )n∈N d’élément de A qui converge vers x qui n’est pas
dans A.
Ce qui contredit l’hypothèse 1 car la suite (xn )n∈N est une suite d’élément de A qui converge
vers x qui n’est pas dans A et toute sous-suite d’une suite convergente est convergente vers la
même limite.
CHAPITRE V
LIMITE
Définition V.0.1.
Soit f :]a, b[→ R. Soit x0 ∈]a, b[.
lim f (x) = ` ⇔ ∀ε > 0, ∃δ > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ) ⇒ | f (x) − `| <
x→x0
Évidemment, on peut écrire d’autres limites avec les quantificateurs. En voici 6 autres.
Exercice V.0.2. — En TD et sur l’espace moodle, on a l’exercice suivant. Écrire avec des quantifica-
teurs les limites suivantes
lim f (x) = −∞ lim f (x) = +∞
x→x0 x→+∞
Proposition V.0.3.
1. Quand les limites sont finies, elles sont compatibles aux sommes, différences, aux produits,
aux quotients et aux composées.
30 CHAPITRE V. LIMITE
(V.1) ∀ε1 > 0, ∃δ1 > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ1 ) ⇒ | f (x) − `| < 1
(V.2) ∀ε2 > 0, ∃δ2 > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ2 ) ⇒ |g(x) − `0 | < 2
Remarquez que je mets des indices aux lettres identiques pour ne pas les mélanger.
Montrons que
∀ε3 > 0, ∃δ3 > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ3 ) ⇒ | f (x) + g(x) − ` − `0 | < 3
– Le produit Pour le produit, on utilise la même technique que pour la somme avec ε1 =
ε3 /`0 et ε2 = ε3 /`.
Lemme V.0.4.
Soit g une fonction telle que lim x→x0 g(x) = `0 > 0 alors il existe δ tel que pour tout
x ∈]a − δ, a + δ[, on ait g(x) > 0.
Montrer que ∃δ, ∀x ∈]a − δ, a + δ[, g(x) > 0 Par définition de la limite sur g, si on prend
ε = `0 /2, il existe δ > 0 tel que pour x tel que |x − x0 | < δ, on a g(x) ∈]`0 /2, 3`0 /2[ et donc
g(x) , 0 sur ]x0 − δ, x0 + δ[.
(V.3) ∀ε1 > 0, ∃δ1 > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ1 ) ⇒ | f (x)| < 1
(V.4) ∀A > 0, ∃δ2 > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ2 ) ⇒ g(x) > A
Montrons que
Soit ε3 > 0. On applique (V.3) avec ε1 = ε33 , on en déduit qu’il existe δ1 tel que si |x − x0 | < δ1
alors | f (x)| < ε23 . Pour g, on prend A = 1/ε3 dans (V.4) et nous obtenons l’existence de δ2 tel que
si |x − x0 | < δ2 alors g(x) > 1/ε3 càd 1/g(x) < 1/ε3 . On pose δ3 = min(δ1 , δ2 ), nous obtenons
que pour tout x tel que |x − x0 | < δ3 , nous avons
32 CHAPITRE V. LIMITE
La proposition suivante est parfois utile pour démontrer qu’une fonction n’a pas de limite. La preuve
sera faite en exercice car elle est très formatrice
Proposition V.0.5.
Soit f : I → R telle que lim x→x0 f (x) = `. Pour toute suite (xn )n∈N telle que xn → x0 alors
limn→+∞ f (xn ) = `.
Remarque V.0.6.
On peut avoir la même proposition sur toute les formes de limite possible c’est-à-dire x0 , ` ∈
R ∪ {±∞}.
Exemple V.0.7.
Montrer que le sinus n’a pas de limite en +∞.
On le montre par l’absurde. Supposons que lim x→+∞ f (x) = `. Si on considère la suite xn = 2πn
alors on obtient que lim sin(xn ) = 0 donc ` = 0. Pour la suite yn = π2 + 2nπ, on obtient lim sin(yn ) =
1 donc ` = 1. Ceci est une contradiction.
Remarque V.0.8.
Dans la suite, nous aurons besoin d’une petite variante
lim
x→x
f (x) = ` ⇔ ∀ε > 0, ∃δ > 0, ∀x, (|x − x0 | < δ, x , x0 ) ⇒ | f (x) − `| <
0
x,x0
Remarque V.0.10.
Remarquer que dans l’énoncé ci-dessus, on ne suppose pas que la fonction soit continue. Cette
énoncé est à mettre en parallèle avec le théorème suivant sur les suites. Toute suite croissante et
majorée est converge vers sa borne supérieure.
VI.1. Continuité
Définition VI.1.1.
Soit f : [a, b] → R. On dit que f est continue en x0 si lim x→x0 f (x) = f (x0 ).
x,x0
On dit que f est continue sur un intervalle si f est continue en tout point de cet intervalle.
Proposition VI.1.3.
La somme, le produit et la composé de fonction continue est encore continue.
Théorème VI.1.4.
Soit f : D → R. Soit a ∈ D. La fonction f est continue en a si et seulement si pour tout suite
(un )n∈N de points de D qui converge vers a alors la suite ( f (un ))n∈N converge vers f (a).
36 CHAPITRE VI. CONTINUITÉ ET UNIFORME CONTINUITÉ
Montrons que si pour toute suite (un )n∈N qui converge vers a alors
( f (un ))n∈N converge vers f (a) càd l’implication suivante :
(VI.2) [∀(un )n∈N , ∀ε2 > 0, ∃N2 , ∀n, (n > N2 ) ⇒ (|un − a| < ε2 )]
⇒ ∀ε3 > 0, ∃N3 ∈ N, ∀n, (n > N3 ) ⇒ | f (un ) − f (a)| < ε3
(VI.3)
Au final, on suppose (VI.1) et (VI.2) et on doit démontrer (VI.3). Soit ε3 > 0. On utilise la continuité
de f avec ε1 = ε3 . Ce qui nous donne l’existence de δ. On utilise (VI.2) avec ε2 = δ pour avoir
l’existence d’un N2 tel que pour tout n > N2 , on ait |un − a| < δ et donc | f (un ) − f (a)| < ε3 par (VI.1).
⇐ . On va démontrer la contraposé.
Supposons que f ne soit pas continue en a, càd
Montrons qu’il existe une suite (un )n∈N qui converge vers a et telle que ( f (un ))n∈N ne converge pas vers f (a).
On construit la suite (un ) en prenant δ = 1/n. Il existe un (qui est le x dans la formule (VI.4)) tel que
1
|un − a| < et | f (un ) − f (a)| > ε
n
On conclut que la suite (un ) converge vers a mais que la suite ( f (un )) ne converge pas vers f (a).
Théorème VI.1.5.
Soit I un intervalle fermé et borné (càd un compacte de R). Soit f : I → R une fonction continue.
Alors f (I) est un ensemble fermé borné de R.
En particulier, f admet un maximum et un minimum sur I.
Démonstration. — Soit (yn ) une suite de f (I). Pour chaque n, on choisit xn ∈ I tel que f (xn ) = yn .
On en déduit une suite (xn ) de I. Le Corollaire IV.0.2, on peut trouver une sous-suite de (xn ) qui est
converge vers a dans I. Par continuité de f en a, on en déduit que l’image de cette sous-suite et une
sous-suite de (yn ) qui converge vers f (a). Le corollaire IV.0.2 montre que f (I) est fermé et borné.
En particulier, f (I) a un maximum et un minimum.
VI.1. CONTINUITÉ 37
Lemme VI.1.6.
Soit D un intervalle et f : [a, b] → R une fonction continue. Alors pour tout réel y entre f (a) et
f (b), il existe c ∈ [a, b] tel que f (c) = y.
Démonstration. — On note E := {x ∈ [a, b] | f (x) ≤ y}. Cet ensemble est non vide car a ∈ E et il est
contenu dans [a, b], il admet donc une borne supérieure, notée c.
Montrons que f (c) ≤ y.
Par définition, il existe une suite (un ) d’éléments de E telle que un ∈ E et un → c. On obtient que pour
tout n ∈ N, on a f (un ) ≤ y. Donc à la limite par continuité de f , nous avons f (c) ≤ y.
Montrons que f (c) ≥ y.
On considère l’ensemble F = {x ∈ [c, b] | f (x) > y}. On a que inf F = sup E = c. Ainsi, on peut
trouver une suite (vn ) telle que vn ∈ F et vn → c. On a alors f (vn ) > y. Ainsi à la limite et par
continuité de f , nous avons f (c) ≥ y
Remarque VI.1.8.
Ce théorème se généralisera dans un cours de topologie par l’image d’un connexe est un connexe
par une application continue. Dans R, les connexes sont les intervalles.
38 CHAPITRE VI. CONTINUITÉ ET UNIFORME CONTINUITÉ
Remarque VI.2.2.
La continuité est une propriété locale par contre l’uniforme continuité est une propriété globale.
Proposition VI.2.4.
Si f est uniformément continue, alors f est continue.
Nous avons une réciproque à la proposition précédente mais avec une hypothèse supplémentaire.
On va construire deux suites (xn ) et (yn ) de la façon suivante. Soit n ∈ N∗ , on prend α = 1/n. Comme
f n’est pas uniformément continue, il existe xn et yn tels que
1
|xn − yn | < et | f (xn ) − f (yn )| ≥ ε
n
VI.2. CONTINUITÉ UNIFORME 39
D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass IV.0.1, il existe deux sous-suites (xϕ(n) ) et (yϕ(n) ) conver-
gente dans [a, b] telles que
1
|xϕ(n) − yϕ(n) | < et | f (xϕ(n) ) − f (yϕ(n) )| ≥ ε
n
On en déduit que les sous-suites, (xϕ(n) ) et (yϕ(n) ) convergent vers la même limite, notée ` ∈ [a, b]. Or
f est continue en `, donc le Théorème VI.1.4 implique que
lim f (uϕ(n) ) = lim f (vϕ(n) ) = f (`)
n→+∞ n→+∞
En passant à la limite dans | f (xϕ(n) ) − f (yϕ(n) )| ≥ ε, nous obtenons 0 ≥ ε. Ce qui contredit ε > 0.
On a une très belle application du théorème de Heine qui est le suivant
Remarque VI.2.7.
1. Ce théorème est très intéressant car il permet de dire que les fonctions de classe C∞ sont
denses dans les fonctions continues c’est-à-dire
C∞ ([a, b]) = C0 ([a, b]).
Qualitativement, ceci signifie qu’on a “beaucoup” de fonctions C∞ .
2. La démonstration que je vous propose en devoir repose sur des polynômes explicites.
3. On pourrait avoir une autre idée pour démontrer ce théorème en passant par les polynômes
d’interpolation de Lagrange mais ça ne marche par car nous n’avons pas de convergence
uniforme des polynômes d’interpolation...mais ceci est une autre histoire.
CHAPITRE VII
DÉRIVABILITÉ
Définition VII.0.1.
Soit f :]a, b[→ R. Soit x0 ∈]a, b[. On dit que f est dérivable en x0 si la limite
f (x) − f (x0 )
lim
x→x0 x − x0
existe et qu’elle est finie.
On dit que f est dérivable sur ]a, b[ si elle est dérivable en tout point de ]a, b[.
Proposition VII.0.2.
1. La somme, différence, produit, quotient et composée de fonctions dérivables est dérivable.
2. Si f est dérivable alors elle est continue.
On multiplie l’inégalité ci-dessus par |x − x0 | et on utilise la majoration |a| − |b| ≤ |a − b|. Nous
en déduisons que
Quitte à diminuer δ, on peut supposer que (` + ε)δ < ε, ce qui termine la démonstration.
42 CHAPITRE VII. DÉRIVABILITÉ
Proposition VII.0.4.
Soit f : I → R une fonction dérivable croissante (resp. décroissante). Alors f 0 (x) est positive
(resp. négative).
Remarquez que c’est surtout l’autre sens qui nous intéresse. Ceci ferra l’objet d’une autre proposition.
Démonstration. — La croissance implique que le quotient
f (x) − f (x0 )
x − x0
est toujours positif. A la limite, c’est encore vrai.
Proposition VII.0.5.
Soit f :]a, b[→ R dérivable. Si x0 est un maximum ou minimum local de f alors f 0 (x0 ) = 0.
Démonstration. — Si f est constante, c’est évident. Sinon, d’après le Théorème VI.1.5, on sait que
f admet un minimum global et un maximum global qui sont distincts car f est non constante. Au
moins l’un des deux est distinct de a et b. D’après la Proposition VII.0.5, en un tel point c ∈]a, b[,
nous avons tel f 0 (c) = 0.
Exercice VIII.1.2. — Soit f : R → R une fonction dérivable. On suppose que lim x→+∞ f (x) =
lim x−∞ f (x) = 0. Montrer qu’il existe c ∈ R tel que f 0 (c) = 0.
44 CHAPITRE VIII. REVOIR LES THÉORÈMES CLASSIQUES D’ANALYSE AVEC LES QUANTIFICATEURS
Remarque VIII.2.2.
Dans l’exemple où f représente la vitesse d’une voiture, le membre de gauche représente la vitesse
moyenne et celle de droite la vitesse instantanée en c. Du coup, on peut traduire ce théorème de
la façon suivante : si une voiture fait du 80 km/h de moyenne alors au moins une fois elle a fait
du 80km/h en vitesse instantanée.
g : [a, b] → R
f (b) − f (a)
x 7→ f (x) − (x − a)
b−a
On vérifie que g(a) = g(b) = f (a). Par Rolle, nous en déduisons qu’il existe c ∈]a, b[ tel que
g0 (c) = 0
Proposition VIII.2.4.
Soit f :]a, b[→ R dérivable.
1. Si f 0 est (resp. strictement) positive alors f est (resp. strictement) croissante
2. Si f 0 est (resp. strictement) négative alors f est (resp. strictement) décroissante
THÉORIE DE FOURIER
La théorie des séries de Fourier est à mettre en parallèle avec les développements limités. Pour
les développements limités, on approxime une fonction en un point x0 par un polynôme. Dans les
séries de Fourier, on approxime une fonction périodique par des fonctions trigonométriques cos(mx)
et sin(mx).
IX.1. Le Cadre
Le cadre naturelle des séries de Fourier est les fonctions à valeur complexe càd f : I → C où I est un
intervalle de R.
Définition IX.1.1.
Une fonction f : [a, b] → C est dite continue par morceaux sur [a, b] s’il existe une subdivision
a = a0 < a1 < · · · < an = b et des fonctions fi continue sur [ai , ai+1 ] telles que f et fi soit égale
sur [ai , ai+1 ].
Définition IX.1.2.
Soit T un nombre réel strictement positif. Une fonction f : R → C est dit T -périodique si pour
tout x, nous avons
f (x + T ) = f (x).
48 CHAPITRE IX. THÉORIE DE FOURIER
Figure 2. Exemple de fonction 2π-périodique continue mais non dérivable en certain points
Cet espace est très important car la théorie des séries de Fourier est valable pour des fonctions dans
Cm,T .
IX.1. LE CADRE 49
Proposition IX.1.4.
Soit f une fonction T périodique. Nous avons
Z b Z b+T
f (t)dt = f (t)dt
a a+T
Z T Z a+T
f (t)dt = f (t)dt
0 a
et la première formule.
Définition IX.1.5.
Soient f, g ∈ Cm,T . On pose
Z T
1
( f | g) := f (t)g(t)dt ∈ C
T 0
Proposition IX.1.6.
La forme
Cm,T × Cm,T → C
( f, g) 7→ ( f | g)
est une forme hermitienne.
50 CHAPITRE IX. THÉORIE DE FOURIER
Remarque IX.1.7.
Une forme hermitienne est la généralisation d’un produit scalaire dans le cas des nombres com-
plexes. Le soucis est qu’en L2, vous n’avez pas vu la notion de produit scalaire et encore moins
de produit hermitien. Intuitivement, il faut imaginer imaginer un produit scalaire comme celui de
R2 que vous avez vu au collège ou au lycée.
Cette proposition est fondamentale car elle donne l’idée de copier les résultats du produit scalaire
euclidien de Rn au cas de Cm,T . Par exemple, on peut se poser les questions suivantes :
1. Peut-on trouver une base orthonormée ?
2. Soit (ei )i∈I une base orthonormée, a-t-on x = i∈I (x | ei )ei ?
P
Ces deux questions ont des réponses positives mais la principale difficulté, c’est que Cm,T est un
espace vectoriel de dimension infinie...et donc la somme ci-dessus est infinie. Il faudra donc parler de
convergence de série.
( f | g) = (g | f )
(α f + βg | h) = α( f | h) + β(g | h)
( f | αg + βh) = α( f | g) + β( f | h)
(f | f) ≥ 0
(f | f) = 0 ⇒ f = 0
Définition IX.1.8.
Soit f ∈ Cm,T . On pose
Z T
1
|| f || = ( f | f ) =
2
| f (t)|2 dt
T 0
IX.2. COEFFICIENTS DE FOURIER ET SÉRIE DE FOURIER 51
Proposition IX.1.9.
2iπn
1. Les fonctions e T t pour n dans Z forment une famille orthonormée pour le produit scalaire
ci-dessus.
2. Notons
γn (t) := cos(2πnt/T ) pour n ∈ N
σn (t) := sin(2πnt/T ) pour n ∈ N>0
Ces fonctions forment une famille orthogonale. De plus nous avons,
(γ0 | γ0 ) = 1
(γn | γn ) = 1/2 pour n ∈ N>0
(σn | σn ) = 1/2
Remarque IX.1.10.
Remarquer le cas n = 0 qui joue un rôle spécial dans cette proposition. Ceci aura un impact plus
tard dans la définition IX.2.1 et la proposition IX.2.3
RT −2iπnt
2. Nous posons a0 ( f ) = 1
T 0
f (t)e Tdt et b0 ( f ) = 0. Et pour tout n ∈ N>0 ,
2 T
Z !
2πnt
an ( f ) = f (t) cos dt
T 0 T
2 T
Z !
2πnt
bn ( f ) = f (t) sin dt
T 0 T
Remarque IX.2.2.
1. Faites attention aux formulaires de an , le cas n = 0 est spécial.
2. Si l’on utilise les notations du produit scalaire, on a pour n > 0
an ( f ) = 2( f | cos(2πnt/T )), bn ( f ) = 2( f | sin(2πnt/T ))
Le (2) vient du fait que || cos(2πnt/T )||2 = || sin(2πnt/T )||2 = 1/2.
3. Les coefficients (cn ) sont à priori complexe par contre les (an ) et (bn ) sont réels.
Ça peut paraître bizarre d’avoir deux séries de coefficients (cn ) et (an , bn ). En fait ils sont reliés par la
proposition suivante.
Proposition IX.2.3.
Nous avons
1
∀n > 0, cn = (an + i.bn ).
2
Et nous avons aussi pour tout n > 0,
cn + c−n cn − c−n
an = , bn =
2 2i
Remarque IX.2.4.
Attention, la proposition précédente n’est pas vrai pour n = 0 car a0 = c0 par Définition IX.2.1.
IX.3. INÉGALITÉ DE BESSEL 53
Démonstration. — Ceci découle de l’égalité eix = cos(x) + i sin(x) et la seconde égalité vient de
Définition IX.2.5.
La série de Fourier est définie par
X 2inπt
S(f) = cn ( f )e T
n∈Z
! !
X 2π 2π
= a0 ( f ) + an ( f ) cos nt + bn ( f ) sin nt
n∈N>0
T T
Remarque IX.2.6.
1. La Proposition IX.2.3 implique que les deux formules de la définition sont les mêmes. Re-
marquez que si f est une fonction à valeur réelle alors la deuxième expression est réelle alors
que la première est, à priori, à valeur complexe. Dans ce cas, il n’est pas difficile de voir que
S ( f ) est toujours à valeur réelle càd S ( f ) = S ( f ).
2. Considérons Rn avec son produit scalaire euclidien, noté (x | y). Soit (e1 , . . . , en ) une base
orthonormée. Nous avons alors
X n
x= (x | ei )ei
i=1
En dimension infinie la somme de droite doit être considérer comme une série et l’égalité
ci-dessus n’est pas aussi facile...c’est justement le but de la théorie de comprendre quand
cette égalité se produit. Ainsi la série de Fourier est simplement le membre de droite de
l’égalité ci-dessus.
Lemme IX.3.1.
PN 2inπ
Soit S N ( f ) := n=−N cn ( f )e T t . Nous avons
N
X
||S N ( f )|| =2
|cn |2
n=−N
( f − S N ( f ) | S N ( f )) = 0
|| f ||2 = || f − S N ( f )||2 + ||S N ( f )||2
Remarque IX.3.2.
La troisième égalité correspond au théorème de Pythagore dans le cas euclidien.
Preuve du Lemme IX.3.1. — 1. La première égalité vient de la Proposition IX.1.9, c’est-à-dire que
2inπ
les fonctions en (t) := e T t forment une base othonormée.
2. Comme ( f | en ) = cn , nous avons
N
X
( f | S N ( f )) = ( f | cn en ) par linéarité de l’intégrale
−N
N
X
= cn ( f | en ) car (· | ·) est hermitienne
−N
N
X
= cn cn car ( f | en ) = cn
−N
N
X
= |cn |2
−N
|| f ||2 = ( f − S N ( f ) + S N ( f ) | f − S N ( f ) + S N ( f ))
|cn |2 converge et on a
P
Soit f une fonction T -périodique et continue par morceaux. La série n∈Z
1 T
X Z
2
|cn | ≤ | f (t)|2 dt =: k f k2
n∈Z
T 0
Les suites (cn )n∈N , (an )n∈N et (bn )n∈N tendent vers 0.
PN
Démonstration. — De l’inégalité de Bessel, nous en déduisons que la suite n=−N |cn |2 converge.
Ceci implique que le terme général tend vers 0. La Proposition IX.2.3 implique que (an ) et (bn )
tendent vers 0.
Exemple IX.4.1. — On considère une fonction 2π-périodique en forme de scie. Son graphe sur une
période est sur la Figure 4. Si on calcule les premiers 8 termes de sa série de Fourier, nous obtenons
π 4 4 4 4
− cos(x) − cos(3x) − cos(5x) − cos(7x)
2 π 9π 25π 49π
De la figure ci-dessus, on voit que la série de Fourier converge vers la fonction de départ, et on peut
même penser à une convergence uniforme. Si l’on prend 20 termes dans la série, on ne fait plus la
différence entre f et sa série de Fourier. Remarquez que la fonction de départ est C1 par morceaux
et continue.
56 CHAPITRE IX. THÉORIE DE FOURIER
Figure 5. En bleu, la fonction de départ, en rouge les 2 premiers termes de la série de Fourier
et en noir les 8 premiers termes de la série de Fourier
Exemple IX.4.2. — On considère une fonction 2π-périodique en forme de créneau. Son graphe sur
une période est donné par la Figure 6. Si on calcule les premiers 50 termes de sa série de Fourier,
IX.4. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE DE DIRICHLET 57
nous obtenons
6 6 2 6 6 2 6
− . sin(98.x) − sin(94.x) − sin(90.x) − sin(86.x) − sin(82.x) − sin(78.x) − sin(74.x)
49π 47π 15π 43π 41π 13π 37π
6 2 6 6 2 6 6
− sin(70.x) − sin(66.x) − sin(62.x) − sin(58.x) − sin(54.x) − sin(50.x) − sin(46.x)
35π 11π 31π 29π 9π 25π 23π
2 6 6 2 6 6 2
− sin(42.x) − sin(38.x) − sin(34.x) − sin(30.x) − sin(26.x) − sin(22.x) − sin(18.x)
7π 19π 17π 5π 13π 11π 3π
6 6 2 6
− sin(14.x) − sin(10.x) − . sin(6.x) − . sin(2.x) + 1/2
7π 5π π π
De la figure ci-dessus, on voit que la série de Fourier converge vers la fonction de départ. Par contre,
on voit que quand on augmente le nombre de terme, il y a une oscillation autour des points de non
continuité (cf la partie verte au début d’un plateau dans la Figure 7). Ceci nous laisse à penser qu’on
n’aura pas une convergence uniforme de la série de Fourier. Ce phénomène s’appelle le phénomène
de Gibbs. Remarquez que la fonction créneau est C1 par morceaux et pas continue.
Une fonction f est C1 par morceaux sur [a, b], s’il existe une subdivision a = a0 < a1 < · · · < an = b
de [a, b] telle que f |]ai ,ai+1 [ est C1 sur ]ai , ai+1 [ est qu’on peut la prolonger en une fonction de classe C1
sur [ai , ai+1 ], c’est-à-dire que les limites à gauche et à droite de f |]ai ,ai+1 [ et de sa dérivée sont finies.
Soit f une fonction T -périodique et de classe C1 par morceaux. Soit t0 ∈ R. La série de Fourier
f (t+ )+ f (t− )
S ( f )(t0 ) converge vers 0 2 0 où f (t0+ ) (resp. f (t0− ) ) est la limite à droite (resp. gauche) de f en
t0 .
58 CHAPITRE IX. THÉORIE DE FOURIER
Figure 7. En bleu, la fonction de départ, en rouge les 5 premiers termes de la série de Fourier
et en vert les 50 premiers termes de la série de Fourier
Remarque IX.4.4.
Dans ce théorème, on peut relacher un peu l’hypothèse C1 par morceaux mais par contre on ne peut
pas simplement mettre continue. Il y a des contre-exemples où des séries de Fourier ne convergent
pas vers la fonction en certains points. Ces exemples sont assez sophistiqués, historiquement, c’est
Féjer (1880-1959) qui les a trouvés.
Démonstration du théorème IX.4.3. — Attention, cette preuve est très technique et elle peut être
sauter dans une première lecture. Je n’ai pas tout détaillé mais j’ai mis les grandes étapes ce qui
vous permettra de reconstituer la preuve en détail.
Quitte à poser g(t) = f (2πt/T ), on peut supposer que f est 2π-périodique. Quitte à translater t → t−t0 ,
on peut supposer que t0 = 0. Posons sN := S N ( f )(0) = −N
PN
cn ( f ). Il faut montrer que la suite
f (0+ ) + f (0− )
uN := sN −
2
IX.4. LES THÉORÈMES DE CONVERGENCE DE DIRICHLET 59
en utilisant les séries géométriques, nous pouvons calculer KN (cf. feuille de TD9) et montrer que
Z π
sin((2N + 1)t/2)
KN (t) = , KN (t) = π.
sin(t/2) 0
Comme KN (t) est une fonction paire, on a
Z π
2πsN = ( f (t) + f (−t))KN (t)dt
0
Finalement, nous en déduisons que
2πuN = 2πsN − π( f (0+ ) + f (0− ))
Z π Z π
+
= ( f (t) + f (−t))KN (t)dt − f (0 ) + f (0 ) −
KN (t)dt
0 0
Z π
f (t) + f (−t) − f (0+ ) − f (0− )
= sin ((2N + 1)t/2) dt
0 sin(t/2)
Z π
(2N + 1)t
!
(IX.1) = g(t) sin dt
0 2
où
f (t) + f (−t) − f (0+ ) − f (0− )
g(t) =
sin(t/2)
L’idée intéressante est de voir que (IX.1) est le coefficient de Fourier de la fonction g. Ainsi si la
fonction g est continue par morceaux alors en appliquant le Corollaire IX.3.4 à g, nous en déduisons
par (IX.1) que la suite (uN )N∈N tend vers 0.
Il reste à montrer que g est continue par morceaux partout sauf peut-être en 0. Montrons que g est
continue en 0.
f (t) − f (0+ ) f (−t) − f (0− )
!
t
g(t) = +
t t sin(t/2)
Comme f est C1 par morceaux, le premier terme a une limite finie c’est la dérivée à droite en 0, le
second est la dérivée à gauche de t 7→ f (−t) (c’est-à-dire la dérivée à droite de f ) et le dernier terme
est équivalent à 2 car sin(t/2) ∼0 t/2. Ainsi g est continue en 0.
60 CHAPITRE IX. THÉORIE DE FOURIER
P
Nous rappelons qu’une série de fonction n gn (t) converge normalement sur [a, b] s’il existe une suite
(un )n∈N telle que
1. pour tout n, |gn (t)| ≤ un pour tout t ∈ [a, b].
P
2. La série n≥0 un converge.
Remarquons que la convergence normale implique la convergence uniforme.
Soit f une fonction T -périodique et de classe C1 par morceaux et continue. La série de Fourier
S ( f ) converge normalement vers f .
Remarque IX.4.6.
1. Remarquons qu’on a rajouté l’hypothèse de continuité pour f . Comme nous l’avions observé
dans les exemples IX.4.1 et IX.4.2, l’hypothèse de continuité est très importante pour la
convergence de la série de Fourier.
2. La convergence normale implique la convergence uniforme.
Lemme IX.4.7.
Soit f : R → C est continue, T -périodique et de classe C1 par morceaux. Pour tout n ∈ Z, nous
avons cn ( f 0 ) = 2iπn
T n
c ( f ).
l’inégalité de Bessel (cf le Théorème IX.3.3) appliqué à f 0 . Ceci nous donne la convergence normale
de la série de Fourier.
Démonstration. — Nous allons démontrer ce théorème que dans le cas particulier où f est C1 par
morceaux et continue. La démonstration générale demande plus d’efforts. Le Lemme IX.3.1 implique
que
(IX.2) || f ||2 = ||S N ( f ) − f ||2 + ||S N ( f )||2
Or nous avons ||g|| ≤ ||g||∞ := supt∈R |g(t)|. Or le Théorème IX.4.5 implique que la série de Fourier
converge uniformément c’est-à-dire ||S N ( f ) − f ||∞ tend vers 0. Nous en déduisons que
|| f ||2 − ||S N ( f )||2 = ||S N ( f ) − f ||2 ≤ ||S N ( f ) − f ||2∞ → 0
Ceci implique le théorème.
Présentation de l’auteur
Je suis actuellement professeur à l’université d’Angers depuis 2015. J’ai fait mes études à l’université
de Strasbourg où j’ai eu l’agrégation de mathématique en 2000 puis j’ai obtenu ma thèse en 2005 sous
la direction de Claude Sabbah. Ma thèse est intitulée Cohomologie quantique des espaces projectifs à
poids. J’ai ensuite fait un post-doctorat à la SISSA à Trieste (Italie). En 2007, j’ai été recruté comme
maître de conférence à l’université de Montpellier.
Mon domaine de recherche est la géométrie algébrique, notamment autour des invariants de Gromov-
Witten et de la symétrie miroir.