Anthropoctonie
Anthropoctonie
160
Sciences religieuses
et anciens Mochica aux crimes d’honneur des rapports onusiens. Dossiers, discours, comparaisons
Leur questionnement tourne autour de problèmes méthodologiques
fondamentaux pour l’histoire des religions : quand et pourquoi ces rites
ont-ils été décrits comme des « sacriices humains » ? Est-il possible,
souhaitable, voire nécessaire d’interpréter autrement de telles mises à
mort ? Au il des diverses interventions, on se rendra compte combien ces
■
l’Antiquité classique et consolidé par la culture judéo-chrétienne, qui sert
Àgnes A. Nagy est collaboratrice scientiique en Histoire des Religions de la Sous la direction de
Faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle a notamment publié dans
la BEHE,SR Qui a peur du cannibale ? Récits antiques d’anthropophages aux Àgnes a. nagy et francesca Prescendi
rontières de l’humanité, Tournhout 2009.
Francesca Prescendi est professeur boursier FNS en Histoire des religions à la
Faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle est l'auteur de Décrire et
comprendre le sacriice. Les rélexions des Romains sur leur propre religion à partir
de la littérature antiquaire, Stuttgart 2007.
Àgnes A. Nagy et Francesca Prescendi ont dirigé récemment Victimes au féminin,
Genève 2011.
H F
SacrificeS humainS
DoSSierS, DiScourS, comparaiSonS
BiBliothèque de l’école des hautes études
sciences religieuses
Volume
160
édité par
Àgnes a. nagy, Francesca Prescendi
H
F
la Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses
4
obServationS Sur L’anthropoctonie.
Le Débat Sur LeS « SacrificeS humainS »
en égypte ancienne.
Youri Volokhine 1
alors même qu’il éditait un ouvrage appelé à faire référence sur le sacri-
ice dans le monde grec, Marcel Detienne attirait l’attention sur un aspect
problématique de la recherche comparatiste :
[…] il semble important de dire que la notion de « sacriice » est bien une caté-
gorie de la pensée d’hier, conçue aussi arbitrairement que celle de totémisme
– dénoncée naguère par Lévi-Strauss – à la fois pour rassembler en un type
artiiciel des éléments prélevés ici et là, dans le tissu symbolique des socié-
tés, et pour avouer l’étonnant empire que le christianisme englobant n’a cessé
d’exercer secrètement sur la pensée de ces historiens et sociologues convain-
cus qu’ils inventaient une science nouvelle 2.
Il ne s’agissait sûrement pas de nier l’évidence : il y a, en Grèce, des
actes rituels nommés thusiai – « l’acte central du culte » 3 ; on y fait couler le
sang ; on y tue des animaux (par exemple) ; on y pratique une sorte de cuisine
rendant licite et communautaire la consommation des viandes, dont une part
monte en fumée vers les dieux, et dont l’autre est distribuée aux hommes.
Mais il importe, en Grèce ou ailleurs, de comprendre le déroulement de ces
actes sans être englué dans les modèles interprétatifs entourant tout ce qui
touche, de près ou de loin, au « sacriice », dont le modèle théorique, celui
d’Hubert et Mauss, semble (à l’insu des auteurs ?) faire la part belle au vieux
schéma paulinien (le sacriice du Christ). Pour certains, cette catégorie sacri-
icielle est néanmoins indispensable pour comprendre le « fait religieux », tout
comme le sacré, le mythe, le rite, et j’en passe. En efet, si une partie du
vocabulaire « incantatoire » de l’histoire des religions du xxe siècle puisait
39
Youri Volokhine
encore dans le vaste tiroir des catégories naguère édiiées par la vieille
ethnologie (« mana », « totem », « tabou », etc.), l’autre versant du vocabu-
laire conceptuel de cette discipline était (et est encore) largement constitué
par des termes issus de la pensée gréco-romaine et chrétienne : « sacré »,
« profane », « mythe », etc., que l’on utilise faute de mieux, et qui semblent
s’être rendus (presque) indispensables. Ainsi, le « sacriice » fait bien partie de
ces « critical terms » réunis il y a quelque temps par une équipe américaine 4.
Et c’est encore plus précisément au « sacriice humain » que se consacrait le
premier numéro de l’Archiv für Religionsgeschichte 5, un « fait religieux » qui
attire l’enquête collective, mais un fait décidément « étrange » 6, surtout si l’on
s’avise d’en déconstruire l’édiication. Il faut dire que le débat a très largement
dépassé celui déini jadis par Henri Hubert et Marcel Mauss dans le cadre
de leur fameuse théorie sur le sacriice, pour rejoindre de façon très large
la vaste afaire de la « violence » – car le sacriice, de façon générale, détruit
quelque chose 7. une « violence sacrée 8 » pour certains, et aussi meurtrière 9 ;
on pensera bien entendu aux contributions de René Girard 10 ou de Walter
Burkert 11. Et efectivement, lorsque l’objet du sacriice n’est ni un végétal ni
un animal, mais serait bien un être humain, voilà que le débat se passionne et
se complique encore, produisant une abondante littérature, édiiée en partie,
à mon avis, sur une catégorie qui devrait plutôt, désormais, faire partie de
cette « pensée d’hier » qu’évoquait Marcel Detienne. Une catégorie qu’il s’agit
précisément d’explorer et de déconstruire.
Venons-en à présent au sujet que je souhaite traiter ici : l’examen (en
résumé) d’un peu plus d’un siècle de littérature égyptologique autour du
« sacriice humain », constituant un débat qui, ici comme ailleurs, fut large-
ment mal fondé ; un débat qui, pour cette raison, est éclairant pour une
rélexion critique et méthodologique. Mais il m’importe de souligner d’emblée,
avant même de traiter du cas des « sacriices humains », que la catégorie du
« sacriice » demande d’abord d’être repensée ou redéinie dans le champ de la
culture de l’égypte pharaonique. À coup sûr, cela nous entraînerait trop loin,
mais disons seulement qu’un rapide regard sur les sources suit à réaliser
un fait important : si l’ofrande est fondamentale dans les processus rituels
4. J. RoBBins, s.v. « Sacriice », dans M. C. Tylor (éd.), Critical Terms for the Religious Studies,
Chicago 1998, p. 285-297, où l’horizon comparatiste est néanmoins limité.
5. ARG 1/1 (1999).
6. J. Bremmer (éd.), The Strange World of Human Sacriice, Louvain 2007 (“Studies in the
History of Religions” 1).
7. Le sacriice humain serait selon G. Bataille « le plus haut degré d’un déchaînement de la
violence intérieure », Théorie de la religion, édition établie par t. k lossoWki, Paris 1973, p. 82.
8. Cf. K. MCClyMond, Beyond Sacred Violence. A Comparative Study of Sacriice, Baltimore
2008.
9. Cf. le vaste champ de questionnement, à la conluence des approches (anthropologie,
psychanalyse, histoire, etc.), parcouru par exemple par le séminaire de F. Héritier, De la
violence, 2 vols., Paris 2005 (1996-19991).
10. notamment : r. girarD, La violence et le sacré, Paris 1972 et Le sacriice, Paris 2003.
11. W. Burkert, Homo Necans. Rites sacriiciels et mythes de la Grèce ancienne, Paris 1997
(le livre, en allemand, est paru en 1972).
40
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
12. Cf. C. BouaniChe, « Mise à mort rituelle de l’animal, ofrande carnée dans le temple
égyptien », dans S. GeorGouDi, r. koCh P iettre, F. sChmiDt (éd.), La cuisine et l’autel.
Les sacriices en question dans les sociétés de la Méditerranée ancienne, Turnhout 2005
(“BEHE, SR” 124), p. 149-158.
13. Y. Volokhine, « Approcher les dieux en Égypte ancienne », dans Ph. BorGeauD,
F. PresCenDi (éd.), Religions antiques. Une introduction comparée, Genève 2008, p. 53-73.
14. J. Yoyotte, « Héra d’Héliopolis et le sacriice humain », AnEPHE Ve section (1980-1981),
p. 31-102.
15. J.-P. AlBert, B. Midant-r eynes (éd.), Le sacriice humain en Égypte ancienne et ailleurs,
Paris 2007.
16. H. te velDe, « Human Sacriice in Ancient Egypt », dans J. Bremmer (éd.), The Strange
World of Human Sacriice, p. 127-134.
41
Youri Volokhine
17. On verra à ce propos l’essentiel des sources réunies et analysées par J.-G. Griffiths,
« Human Sacriice in Egypt: the Classical Evidence », ASAE 48 (1948), p. 409-423.
18. Pour Théon de Smyrne (Progymnasmata), ce qu’on lit chez Hésiode à propos d’Héraklès
et de Busiris serait invraisemblable, puisque Busiris serait vieux « de plus de onze générations »
qu’Héraklès ; cf. R. MerkelBaCh, M. L. West, Fragmenta Hesiodea, Oxford 1967, p. 183 (le
fragment est considéré comme douteux).
19. J. von BeCkerath, s.v. « Busiris », LÄ I (1975), col. 883-884.
20. II, 45. Cf. Chr. FroiDefonD, Le mirage égyptien dans la littérature grecque d’Homère à
Aristote, Gap 1971, p. 178-180. J. yoyotte, « Héra d’Héliopolis », p. 31-32.
21. J. Yoyotte, « Héra d’Héliopolis », p. 31.
22. a PolloDore ii, 51.
23. DioDore IV, 18.1.
42
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
cette tradition grecque faisant de ce prétendu roi d’égypte une sorte d’ogre
est purement littéraire, et on pourrait bien admettre qu’elle se construise
uniquement dans la perspective d’une vision particulière de l’Égypte, et ne
corresponde aucunement à une quelconque réalité égyptienne. isocrate 24, en
contraste avec cette tradition, fait de Busiris un éloge, et le prend paradoxa-
lement comme roi modèle, philosophe et législateur 25. Dans ce bel exercice
de rhétorique, isocrate n’oublie pas de préciser que les accusations dirigées
contre un Busiris meurtrier sont évidemment des mensonges. strabon, quant
à lui, qui relate l’afaire (placée sous l’autorité d’ératosthène), pense que
cette xénélasie busirite n’est qu’une calomnie, qui serait née d’une vieille
expérience négative des rivages hostiles du Delta 26. Parallèlement à cette
tradition littéraire sur laquelle je ne m’arrêterai pas d’avantage, une tradition
iconographique se met en place 27, dont l’un des témoignages les plus fameux
est « l’Hydre de Busiris » de Vienne 28, datant environ de 520 av. J.-C. On y
voit Héraklès (légitimement) furieux, renversant l’autel et ses desservants,
étranglant des égyptiens et mettant à mal un personnage manifestement
couronné, qui pourrait être donc le pharaon Busiris lui-même. En quelque
sorte, l’image montre un Héraklès qui « massacre les Égyptiens » hostiles.
Bien que j’aie évoqué le fait que cette tradition appartient entièrement au
« regard grec » sur l’Égypte, et qu’iconographiquement elle s’inscrit aussi dans
une série plus large dénotant d’un questionnement iconique sur les « limites
du système 29 », on serait tenté de lire derrière cette mise en littérature et en
image, une façon de réponse grecque face à l’autorité du roi d’égypte. et
comme le fait remarquer christian Froidefond, il y aurait lieu de penser que
« les premiers contacts entre égyptiens et grecs avaient corroboré cet ancien
mythe 30 ». Il est, à mon avis, vain de soutenir l’absence de regard sur une
Égypte « réelle » en arguant du fait que les Égyptiens ne pratiquaient pas de
sacriice humain 31 ; aussi, ce n’est pas un fait historique ou cultuel qu’il s’agit
de rechercher si l’on s’avise de réléchir sur la genèse du motif, mais bien une
43
Youri Volokhine
32. E. SWan hall, The Pharaoh Smites his Enemies. A Comparative Study, münich – Berlin
1986 (“Münchner Ägyptische Studien” 44).
33. I. rutherforD, « The Genealogy of the Boukoloi: How Greek Literature Appropriated an
Egyptian Narrative-Motif », JHS 120 (2000), p. 106-121.
34. G. Maspero, Les Contes populaires de l’Égypte ancienne, Paris 1992, p. xxxix-xl. en
copte, le toponyme namèué (*na-aâmou « (région des) Asiates / pasteurs »), désigne la région
nommée ta Boukolia en grec.
35. W. SPieGelBerG, Der Sagenkreis des Königs Petubastis, Demotische Studien t. 3, Leipzig
1910. Cf. la traduction française par D. aGut-laBorDère et m. chauveau, Héros, magiciens
et sages oubliés de l’Égypte ancienne. Une anthologie de la littérature en égyptien démotique,
Paris 2011, p. 71-94 (spécialement p. 79, = 4.10-5.1 et passim).
36. Cf. W. VyCiChl, Dictionnaire étymologique de la langue copte, Louvain 1993, p. 9. cf.
Wb I, 167.19 ; cf. D. B. ReDforD, Egypt, Canaan and Israel in Ancient Times, Princeton 1992,
p. 32, 100.
44
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
37. Cf. par exemple : D. Meeks, Année lexicographique. Égypte ancienne, t. 2, Paris 1998
(19781) : 78. 0640.
38. W. EriChsen, Demotisches Glossar, Copenhague 1954, p. 55 ; le mot devient ame en
copte, cf. W. Crum, A Coptic Dictionary, Oxford 1939, p. 7a, et J. Černý, Coptic Etymological
Dictionary, Cambridge 1976, p. 5.
39. Le même mot de « pasteur » est employé par la tradition manéthonienne, relayée notamment
par Joseph, pour désigner les « Hyksos », eux aussi Asiates, et ressentis comme impies dans la
tradition égyptienne.
40. Éthiopiques (ive siècle).
41. Cf. aChille tatius, Le roman de Leucippé et Clithophon, texte établi et traduit par
J.-Ph. GarnauD, Paris 1991 ; cf. notamment livre III, 15 (mise à mort de Leucippé) ; livre IV, XII
(bouviers dans leur repaire de Nikochis). Cf. p. IX.
42. Histoire Romaine, 72.4. Cf. J. Winkler, « Lollianus and the desperadoes », JHS 100 (1980),
p. 155-181.
43. Juvénal, Satires, XV, 35-71. Sur les détestations « interreligieuses » dans la chora
égyptienne, cf. cl. trauneCker, « La revanche du crocodile de Coptos », dans Mélanges Adolphe
Gutbub, Montpellier 1984, p. 219-229. également, cf. s. cauville, « l’impossible serment de
main ou la pax romana à Dendara », RdE 58 (2007), p. 29-40.
44. straBon XVII, 9 ; J. yoyotte et P. charvet, Strabon, p. 114-115.
45
Youri Volokhine
45. S. k amBistis, Le papyrus Thmouis 1. Colonnes 68-160, Paris 1985, p. 28-29 ; cf.
P. Thmouis 1, 104, 9 et s., (et n. 13 p. 99), 114, 3 et s., 115, 21 et s. Cf. également S. k amBitsis,
« Un nouveau texte sur le dépeuplement du nome mendésien », CdE LI (1976), p. 130-140.
46. Formule d’Alain Monestier, dans Le fait divers. Musée national des arts et traditions
populaires, Paris 1982, p. 50.
47. Historiens et anthropologues ne s’y sont pas trompés : cf. par exemple Moi, Pierre Rivière,
ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… Un cas de parricide au xixe siècle, présenté par
m. fouCault, Paris 1973 ; également : A. CorBin, Le village des « cannibales », Paris 1990.
48. J. yoyotte, « Héra d’Héliopolis ».
49. « La loi prescrivant de tuer des hommes à. Héliopolis d’Égypte fut supprimée par Amôsis,
comme l’atteste Manéthon, traitant de l’ancienne pratique et de la religion (eusebeia). des
hommes étaient sacriiés à Héra ; ils étaient examinés comme le sont les veaux purs que l’on
sélectionne et que l’on marque. On en sacriiait trois par jour. À leur place, Amôsis ordonna de
substituer autant d’images de cire » : Manéthon frag. 85 WaDDell = Porpyhre, De Abstinentia ii,
55 (traduction personnelle), cf. EusèBe, Préparation Évangélique, iV, 16.
50. « […] Pour les bœufs roux, on a consenti à leur sacriice parce qu’on croit qu’ils ont la
couleur qu’avait Typhon qui attenta à la vie d’Osiris et qui reçut le châtiment d’Isis pour le
meurtre de son mari. Les hommes de même teinte que Typhon étaient aussi sacriiés dans
l’Antiquité, dit-on, auprès du tombeau d’Osiris ; au reste, on ne trouve que peu d’Égyptiens
roux, tandis que la majorité des étrangers le sont ; aussi s’est développée chez les Grecs la
fable du meurtre des étrangers par Busiris, alors que ce n’est pas le roi nommé Busiris mais le
tombeau d’Osiris qui est ainsi appelé dans le dialecte local » : DioDore I, LXXXVIII, 4-5 (trad.
m. casevitz, dans m. Casevitz, F. Bizière et al., Bibliothèque historique / Diodore de Sicile,
Paris 2006).
51. « quant à la ville d’ilithye, on brûlait vif, à ce que rapporte manéthon, des hommes
appelés typhoniens, et passant ensuite leurs cendres dans un crible, on les faisait disparaître
en les semant au vent. ce rite se pratiquait en public, à une seule époque, pendant les jours
caniculaires » : Plutarque, De Iside, 380 D (trad. Chr. froiDefonD, isis et Osiris / Plutarque,
Paris 2003).
46
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
sous l’autorité du dieu honni, seth 52. Partant sur la piste de la déesse « héra
d’Héliopolis », Jean Yoyotte est parvenu à montrer que celle-ci devait corres-
pondre à une forme particulière de la Mout héliopolitainne, que les textes
(égyptiens) associent à des rites d’exécration qui, s’ils ne conirment pas
directement les dires des auteurs grecs et de manéthon, du moins ne ferment
pas la porte à la possibilité de l’existence ponctuelle de pratiques de cet ordre.
On ne saurait le dire mieux que Jean Yoyotte lui-même :
On supposera […] que la Troisième Période Intermédiaire aura remis en usage
une vieille coutume tombée en désuétude, en condamnant d’une part à être
brûlés pour Mout […] les rebelles politiques qui, par leur insoumission sacri-
lège au pouvoir établi, s’avéraient les « enfants de bdšt » 53 et en prescrivant
d’autre part la recherche de malheureux individus en qui la moschosphra-
gistique 54 pouvait déceler des complices nés d’Apopis ; l’exécution rituelle
d’êtres humains et leur crémation dans le « brasier de Mout » ont pu survivre à
l’époque saïte, pour être inalement abolie par Amasis dans la seconde moitié
du vie siècle […] 55.
On remarquera que ce n’est que dans ce cadre-là que l’on est parvenu
à trouver un point d’accrochage précis entre la tradition grecque sur la
mise à mort sacriicielle d’êtres humains en Égypte et une réalité cultuelle
égyptienne.
52. Cf. Y. volokhine, « Des Séthiens aux Impurs. Un parcours dans l’idéologie égyptienne
de l’exclusion », dans Ph. BorGeauD, th. römer, Y. VoloKhine (éd.), Interprétations de Moïse.
Égypte, Judée, Grèce et Rome, Leyde – Boston 2010 (“Jerusalem Studies in Religion and
Culture” 10), p. 199-243.
53. « Enfants de l’aliction », ou encore « enfant de l’impuissance » ; désignation mythologique
relative aux adversaires des dieux, voulant contrarier la marche du monde. Sur ces divinités, cf.
d. m eeks, Mythes et légendes du Delta d’après le papyrus Brooklyn 47.218.84, Le Caire 2006
(“MIFAO” 125), p. 199-202.
54. Sur ces prêtres spécialistes de l’examen des victimes sacriicielles, cf. Fr. von k änel, Les
prêtres-ouâb de Sekhmet et les conjurateurs de Serket, Paris 1984 (“BEHE, SR” 87).
55. J. Yoyotte, « Héra d’Héliopolis », p. 102.
56. e. leféBure, « Le sacriice humain d’après les rites de Busiris et d’Abydos », Sphinx 3
(1900), p. 164.
47
Youri Volokhine
48
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
qu’il compare à une représentation du pilier djed copiée dans Manners and Customs of
the Ancient Egyptians de J. g. Wilkinson (Londres 1878). Pour ce passage, cf. B. Díaz Del
Castillo, Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle-Espagne, t. ii, trad. d. JourDanet,
Paris 2003 (Maspero 19801), p. 100-101.
61. N. De Garis Davies, Five Theban Tombs, Londres 1913, p. 1-19 (« The Tomb of Mentu-
Her-Khepesh-Ef »).
62. Ibid., p. 16.
63. A. moret, Mystères égyptiens, Paris 1923, p. 42 et s.
64. Ibid., p. 43. Notons que pour James G. Frazer, les victimes des sacriices humains en
Égypte (cf. Manéthon) représentaient en fait Osiris lui-même, le « dieu qui meurt ». Cf.
J. g. frazer, Le Rameau d’Or, Paris 1983, p. 462.
65. e. hornunG, L’esprit du temps des pharaons, Paris 1996, p. 184-185 ; J. assmann, Mort et
au-delà dans l’Égypte ancienne, Paris 2003, p. 453. Cf. W. h elCk, s.v. « Tekenu », LÄ VI (1986),
col. 308-309.
66. J.-G. Griffiths, « The Tekenu, the Nubians and the Butic Burial », Kush 6 (1958), p. 106-
120, ici p. 106-107.
67. N. De Garis Davies, Five Theban Tombs, pl. VIII ; la lecture précise du nom inscrit dans
l’enceinte n’est pas certaine ; J.-G. Griffiths, « The Tekenu, the Nubians and the Butic Burial »,
p. 106-107, propose notamment de comprendre Késhyou en tant que nom de localité en nubie.
49
Youri Volokhine
punitif consistant à mettre à mort des vaincus. L’ensemble des scènes consi-
dérées par les égyptologues français (Maspero, Lefébure, Moret) relève des
pratiques funéraires de la XVIIIe dynastie, et concerne tout spécialement
la région thébaine. Les igurations du dit tékénou (un mot qui résiste à une
analyse déinitive, mais qui signiie quelque chose comme « Celui/ce-qu’on-
approche »), comme je viens de le rappeler, n’ont aucune connexion avec des
mises à mort efectives ; celles-ci, comme dans le cas particulier de la tombe
thébaine de montouherkehephsef, ne sont pas avérées, mais l’on ne peut
rejeter a priori la possibilité de l’existence de rites d’exécrations impliquant
des mises à mort réelles, dont je dirai encore quelques mots plus bas.
Les imaginaires sacriices « sémitiques » à Tanis
ce qui faisait défaut à ces théories étaient les preuves archéologiques. or,
c’est précisément ce que Pierre montet crut trouver, dans les années trente,
lors de ses fouilles de Tanis, au prix d’une méprise complète 68. auteur d’une
des plus extraordinaires découvertes de l’égyptologie – les tombes royales de
tanis –, montet avait basé malheureusement toute son interprétation du site
selon l’équation Avaris = Pi-Ramsès = Tanis, qui était fâcheusement erronée,
tous ces sites proches demandant en fait d’être soigneusement distingués 69. or,
Montet pensa avoir trouvé des sacriices humains dans les fondations tanites :
sacriices qu’il interpréta comme des pratiques sémitiques importées, car,
toujours selon lui, la pratique était courante dans le « pays de Canaan ». Jean
Yoyotte 70 et Philippe Brissaud ont totalement démonté les bévues de montet,
qui avait considéré comme « sacriices de fondation » ce qui n’était, en fait,
que des inhumations tardives sans rapport avec les structures plus anciennes
contre lesquels elles étaient appuyées 71. la question tanite réglée, voyons à
présent sur quelles autres « preuves » ou témoignages peut se construire le
dossier du sacriice humain égyptien.
Les « morts d’accompagnement »
avant d’aller plus loin, il faut bien, encore une fois, se mettre d’accord sur
l’objet de la discussion. Comme le rappelait à juste titre J.-P. Albert, le problème
principal n’est même pas la question de savoir si des victimes humaines
sont à dénombrer dans certains rites, mais bien de savoir ce que l’on appelle
« sacriice » 72. et à ce propos, tout se passe comme s’il était impossible de faire
s’accorder deux orientations distinctes : (1) une conception « étroite » du sacri-
ice humain, posant que celui-ci est un acte s’adressant à une entité surnaturelle
et impliquant donc un sacriiant, un sacriié (une victime humaine) et un tiers
(auquel s’adresse le sacriice) ; (2) une conception « élargie », admettant comme
sacriice humain tout ce qui relève aussi des « morts d’accompagnement » ou
68. En dernier lieu, P. montet, Les énigmes de Tanis, Paris 1952, notamment p. 17-19.
69. Avaris = Tel el Dab’a ; Pi-Ramsès = Qantir ; Tanis = Sân el-Haggar.
70. « Héra d’Héliopolis », p. 35.
71. Ph. BrissauD, « Les prétendus sacriices humains de Tanis », CahTanis 1 (1987), p. 129-144.
72. J.-P. a lBert, B. Midant-reynes (éd.), Le sacriice humain, p. 12.
50
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
des massacres de prisonniers, voire des exécutions judiciaires 73. À cet égard, je
pense de la même manière que J.-P. Albert, pour qui la notion de sacriice – et
qui plus est de sacriice humain – est une catégorie qui pose problème. C’est-
à-dire : elle ne nous permet pas de mieux comprendre les données que nous y
attachons. Et le problème qui se pose ici en Égypte semble être analogue à ce
que l’on dit à propos d’autres cultures, notamment celles du monde celtique ; en
efet, diférents chercheurs tendent à ne pas considérer les restes humains très
nombreux attestés par l’archéologie des sanctuaires gaulois comme des « sacri-
ices humains », surtout parce que le modèle choisi pour leur déinition d’un
sacriice ne permet pas de les y ranger. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas ici l’espace
de discuter de l’ensemble du dossier égyptien des « morts d’accompagnement »,
dont j’ai exposé les prémices, d’autant plus que je ne pense pas que cela soit
nécessaire, étant donné que les récentes études font le point sur la question.
Cependant, reprenons simplement, en mentionnant les axes principaux qui se
dégagent de la problématique, les « pièces à conviction » versées au dossier. En
premier lieu, les pratiques funéraires. ces pratiques font connaître des enterre-
ments multiples de contemporains que l’on nomme donc « morts d’accompa-
gnement ». Cette pratique est décelable dans l’Égypte des dynasties archaïques
et des époques prédynastiques. « L’afaire » avait été lancée par la découverte
par Petrie de la nécropole prédynastique de Nagada, en Haute Égypte, où se
manifestaient diférentes marques de manipulations de cadavres, que l’on tenta
de mettre en relation avec des éléments apportés par des textes postérieurs 74. car,
si ces pratiques ne sont plus connues aux époques plus récentes, on a pu penser
que le texte connu sous le nom d’« hymne cannibale », que l’on trouve dans les
Textes des Pyramides (formule 273-274) 75 puis dans les Textes des Sarcophages,
gardait traces (sous formes métaphoriques) de certaines pratiques de démembre-
ment des cadavres 76, voire de mises à mort rituelles. mais tracer un lien entre
cet imaginaire de la « boucherie sacriicielle » et les pratiques plus anciennes
est voué à l’échec. En ce qui concerne les mises à mort « d’accompagnement »,
relevons qu’à Adaïma des découvertes récentes relancent apparemment la
question 77 ; mais, comme le pensent B. Midant-Reynes et É. Crubézy, tout se
passe comme si la mise à mort rituelle d’une victime semble, dès le prédynas-
tique, « une question sans réponse », voire d’emblée une réminiscence d’un rite
73. A. testart, « Doit-on parler de sacriice humain à propos des morts d’accompagnement »,
dans J.-P. AlBert, B. Midant-r eynes (éd.), Le sacriice humain, p. 34-57, pose une diférence
« radicale » entre « sacriice et accompagnement ». Cette distinction découle pour partie d’une
déinition préétablie (et étroite) du sacriice.
74. W. M. flinDers P etrie, Naqada and Ballas. 1895, Londres 1896. é. cruBéZy, B. miDant-
r eynes, dans Le sacriice humain, p. 59.
75. Sur ce texte, cf. Chr. eyre, The Cannibal Hymn. A Cultural and Literary Study, liverpool
2002.
76. Cf. G. WainWriGht, dans W. M. flinDers P etrie, G. WainWriGht, e. maCKay, The
Labyrinth. Gerzeh and Mazguneh, Londres 1912 (“ERA” 18), p. 11-15. Sur les pratiques
funéraires gerzéhenne cf. dernièrement A. Stevenson, The Predynastic Egyptian Cemetery of
El-Gerzeh: Social Identities and Mortuary Practices, Louvain 2009 (“OLA” 186).
77. É. CruBéZy et B. Midant-r eynes, « Les sacriices humains à l’époque prédynastique.
L’apport de la nécropole d’Adaïma », dans Le sacriice humain, p. 58-80.
51
Youri Volokhine
lointain, encore plus ancien, dont la signiication exacte se serait perdue. Rien
n’est plus délicat, en efet, pour un archéologue d’évaluer la inalité d’un geste
qu’il observe sur le terrain, des traces qu’il observe sur un os ou des corps.
Le matériel d’Adaïma montre que, vers 3500 av. J.-C (Nagada Ic), on pratique
des mises à mort dans un contexte funéraire. En tout cas, on peut s’accorder
sur l’existence de « mises à mort cérémonielles » durant la première dynastie,
non pas seulement en contexte guerrier (nous en reparlerons ci-dessous), mais
encore funéraire 78. elles concernent, dans le premier cas, des victimes repré-
sentant sûrement des forces hostiles. Aux époques ultérieures, les mises à mort
en contexte funéraire disparaissent ; en revanche, dans un cadre répressif ou
guerrier la question se pose encore, mais là, on comprendra que l’appréciation
comme « sacriice » de ces pratiques se discute, comme je viens de le rappeler.
En dernier lieu, rappelons que des afaires comparables ont été étudiées dans le
cadre de la culture méroïtique au Soudan, qui atteste notamment le massacre de
prisonniers 79 et les morts d’accompagnement 80. dans ces cas, l’interprétation des
données archéologiques ne peut être appuyée directement par d’autres sources.
52
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
83. J. E. QuiBell, F. W. Green, Hierakonpolis II, Londres 1902 (“ERA” 5) ; cette tombe
est considérée actuellement comme étant détruite. cf. B. Midant-r eynes, aux origines de
l’Égypte. Cette unique représentation peinte prédynastique a été très souvent commentée, cf.
surtout h. case et J. CroWFoot Payne, « Tomb 100: the Decorated Tomb at Hierakonpolis »,
JEA 48 (1962), p. 5-18 ; pour la scène du « massacre », cf. p. 13 ; J. CroWFoot Payne, « Tomb 100:
The Decorated Tomb at Hierakonpolis Conirmed », JEA 59 (1973), p. 31-35.
84. B. Midant-r eynes, Aux origines de l’Égypte, p. 336.
85. é. cruBéZy, B. Midant-r eynes, dans Le sacriice humain, p. 72.
86. H. Junker, « Die Feinde auf dem Sockel des Chasechem-Statuen und die Darstelleung von
geopferten Tieren », MDAIK 29 (1955), p. 162-175.
87. Pour l’anéantissement des ennemis comme « image intemporelle », cf. E. HornunG, L’esprit
du temps des pharaons, Paris 1996, chapitre IX (« L’histoire comme célébration », p. 147-163).
88. W. Davies, Masking the Blow. The Scene of Representation in Late Prehistoric Egyptian
Art, Berkeley – Los Angeles 1992, p. 161-200, sur la palette de Narmer.
89. Question que se pose, par exemple, E. Winter, Untersuchungen zu den ägyptischer
Tempelreliefs der griechisch-römischen Zeit, Vienne 1968, p. 3.
53
Youri Volokhine
90. G. Posener, Princes et pays d’Asie et de Nubie. Textes hiératiques sur des igurines
d’envoûtement du Moyen Empire, Bruxelles 1940 ; id., Cinq igurines d’envoûtement, le caire
1987 (“Bibliothèque d’étude” 101).
91. A. Vila, « Un dépôt de textes d’envoûtement au Moyen Empire », Journal des Savants
(1963), p. 135-160 ; iD., « Un rituel d’envoûtement au Moyen Empire », dans L’homme d’hier et
d’aujourd’hui. Recueil d’études en l’honneur de André Leroi-Gourhan, Paris 1973, p. 625-639 ;
Y. koeniG, « Les textes d’envoûtement de Mirgissa », RdE 41 (1990), p. 101-117 ; cf. M. etienne,
Héka. Magie et envoûtement dans l’Égypte ancienne, Paris 2000, p. 45.
92. D. lorton, « The Treatment of Criminals in Ancient Egypt through the New Kingdom »,
JESHO 20 (1970), p. 2-64 ; H. Willems, « Crime, Cult and Capital Punishment (Mo’alla
Inscription 8) », JEA 76 (1990), p. 27-54 ; L. Bazin, « Enquête sur les lieux d’exécution dans
l’Égypte ancienne », Égypte, Afrique & Orient 35 (2004), p. 31-40.
93. N. Beaux, « Ennemis étrangers et malfaiteurs Égyptiens. La signiication du châtiment au
pilori », BIFAO 91 (1991), p. 33-53.
94. Par exemple : Ph. DerChain, « À propos d’une stèle magique du Musée Kestner à
Hanovre », RdE 16 (1964), p. 19-23.
95. Ainsi dans le texte remarquable du papyrus Jumilhac (X.10 et s.), un véritable « rite
sacriiciel » est accompli à son encontre : Seth est lié, brûlé et écorché. Sa peau, marquée par
le fer d’Anubis, sera la peau (de panthère) du prêtre-sem (dont le nom est réinterprété comme
signiiant « Seth est là » : st jm) ; cf. J. vanDier, Le papyrus Jumilhac, Paris 1960, p. 114.
96. Sur Seth, cf. H. te velDe, Seth. God of Confusion, Leyde 1977.
54
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
97. J. ZanDee, Death as an Ennemy According to Ancient Egyptian Tradition, Leyde 1960
(“Studies in the History of Religions”, Suppl. Numen 5).
98. A. Leahy, « Death by Fire in Ancien Egypt », JESHO 27 (1984), p. 199-206.
99. Par exemple : M. verner, « Les statuettes de prisonniers en bois d’Abousir », RdE 36
(1985), p. 145-152.
100. P. BarGuet, « Le rituel archaïque de fondation des temples de Medinet-Habou et
de Louxor », RdE 9 (1952), p. 1-22. Barguet, sur la base de plusieurs graphies ou tournures
archaïsantes, pense que la rédaction initiale date de l’Ancien Empire. En revanche, la théologie
d’Amon qu’on y lit dans le passage hymnique est bien celle de la XVIIIe dynastie (considéré
comme un addendum par Barguet).
101. Pour le passage qui suit, cf. P. BarGuet, « Le rituel archaïque de fondation des temples »,
p. 13-14, et S. aBD el-a zim el-adly, « Das Gründungs- und Weiheritual des Ägyptischen
Tempels von der frühgeschichtlichen Zeit bis zum Ende des Neuen Reiches » (thèse), Eberhard-
Karls-Universität, Tübingen 1981, p. 122-142, (p. 124 pour l’extrait en question).
102. P. BarGuet, « Le rituel archaïque de fondation des temples », p. 13 : « la pièce de choix des
tissages » ; mais cf. el-adly, « Das Gründungs- und Weiheritual », p. 134 n. 44.
103. P. BarGuet, « Le rituel archaïque de fondation des temples », p. 13 et note 5 lit « la
bandelette blanche » (nmns / menekhet hedj) ; mais on peut supposer, avec el-adly, « das
Gründungs- und Weiheritual », p. 134 n. 45 (dont je suis ici l’interprétation, cf. aussi n. 25 et
26, p. 129-130), qu’il faut plutôt lire dans ce cas une référence à l’arme royale, la massue-hedj
(Wb II, 206.10-13) que le roi empoigne dans le rite de massacre.
104. Le nom signale une entité protectrice ; cf. P. BarGuet, « Le rituel archaïque de fondation des
temples », p. 19-20 ; Chr. leitz et al., Lexikon der ägyptischen Götter und Götterbezeichnungen,
t. VII, Louvain 2002 (“OLA” 116), p. 654-655 (p. 18). Barguet (qui interprète cette entité comme
un horus libyen) la rapproche également de Neb-Djéser-â, divinité faucon liée à djêmé, connue
dans deux attestations à Karnak, cf. Chr. Leitz, LGG III, p. 798-799 : voir R. ParKer – J. leClant
– J.-Cl. goyon, The Ediice of Taharaqa by the Sacred Lake of Karnak, Londres 1979, pl. 22 et
55
Youri Volokhine
Tjehenou – que tu les abats en tête des jardins qui sont dans ces domaines,
(après) que tu t’es emparé de sa pointe-seped (?) 105 à son front (10) […].
selon Barguet :
il faut rapprocher ce passage de notre texte de la scène si courante igurant
le roi en train de massacrer un groupe d’ennemis […]. Ce sacriice rituel est,
en principe, représenté sur le pylône des temples, plus spécialement sur sa
face d’entrée : il avait donc lieu à l’extérieur du temple, et notre texte précise
que la scène se déroulait dans les jardins entourant le temple, à l’intérieur de
l’enceinte […] [ce sacriice a] pu avoir lieu réellement, à l’origine, puis le fait
de le représenter sur les pylônes du temple fut suisant par lui-même 106.
Que faut-il en penser ? L’association entre la barque « équipée » avec
les peuplades traditionnellement ennemies (Nubiens, Asiates, Libyens), la
mention d’un « massacre » situé, semble-t-il, dans une espace jouxtant le
temple proprement dit, celle d’un Horus belliqueux (« Au-bras-levé »), oriente
efectivement vers une transposition du thème du « massacre des ennemis »,
motif iconographique qui agit par virtualité symbolique. En efet, l’exécution
cérémonielle, ou « massacre des ennemis », est déclinée sur de multiples
supports, notamment au Nouvel Empire, qui en fait un très large usage ; la
scène sur le pylône (mais pas seulement) des temples en est la plus marquante
concrétisation 107. Sur le pylône, la scène est en quelque sorte projetée hors
du temple 108. mais cette virtualité peut, dans des circonstances précises,
s’incarner dans les cérémonies de l’exercice du pouvoir. Ainsi, toujours à la
XVIIIe dynastie, une inscription d’amenhotep ii, nous introduit également à
une évocation de la puissance royale, associée dans ce cas à une performance
punitive clairement revendiquée. il s’agit d’une inscription à amada, en
Nubie, commémorant la campagne victorieuse de l’an 3 en Syrie 109 :
56
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
[…] C’est avec la joie de (son) père Amon que Sa Majesté est revenue (en
Égypte), après avoir massacré (séma) les sept chefs, avec sa propre massue,
qui étaient dans la région de Takhsy, les ayant (ensuite) placés la tête en
bas [sekhed] à la proue de la barque-faucon de Sa Majesté, dont le nom est
« Âakheperou-Rê établit les Deux Terres ». Alors, six de ces ennemis furent
pendus en face des murailles de Ouaset [Thèbes], et de même en ce qui
concerne les mains. quant à l’autre ennemi, il fut ramené jusqu’en nubie et
il fut pendu aux murailles de Napata 110.
La lecture de ce texte révèle une pratique judiciaire autant que « religieuse »,
au sein de laquelle le corps de l’ennemi vaincu est manipulé, exhibé et mutilé.
Ce type de suprême châtiment réservé aux chefs vaincus, considérés comme
des rebelles bien plus que comme des adversaires respectables, est une
réalité de l’exercice du pouvoir absolu du pharaon. On en trouve encore des
attestations aux époques plus récentes 111. il s’agit certainement d’une mise en
scène publique, d’une performance rituelle, exécutée par le roi en personne.
il n’est pas impossible, du reste, que cet événement précis ait fait l’objet d’une
représentation iconographique de circonstance 112. le corps de l’ennemi vaincu
sert de trophée. Sa main tranchée est exposée 113. on remarquera qu’il est fait
mention de la suspension du corps-trophée à la barque : il s’agit d’un motif
connu aussi dans l’iconographie 114, et attesté déjà auparavant (notons aussi les
igurations de la scène de « massacre des ennemis » dans des kiosques igurés
sur les barques 115) ; en efet, de retour de sa campagne nubienne, Thoutmosis
ier aurait lui aussi exhibé un guerrier ennemi, suspendu la tête en bas à la proue
de sa barque 116. ces éléments incitent à penser que la virtualité symbolique
peut, à l’occasion, s’incarner en une démonstration triomphale, un exemplum
110. ch. kuentz, Deux stèles d’Aménophis II (stèles d’Amada et d’Éléphantine), le caire
1925 (“Bibliothèque d’étude” 10), p. 19-20 ; cf. W. h elCk, Urkunden der 18. Dynastie, Berlin
1984, p. 1297.1-15 ; voir P. Der m anuelian, Studies in the Reign of Amenophis II, hildesheim
1987 (“HÄB” 26), p. 47-56 ; également : A. K luG, Königliche Stelen in der Zeit von Ahmose bis
Amneophis III, Monumenta Aegyptiaca VIII, Turnhout 2005, p. 278-292. La région de Takhésy
n’est pas clairement identiiée, mais sa localisation doit être en Syrie.
111. a. Petigny, « Le châtiment des rois rebelles à Memphis dans la seconde moitié du Ier
millénaire av. J.-C. », dans L. Bareš, F. CoPPens, K. smoláriková (éd.), Egypt in Transition. Social
and Religious Development of Egypt in the First Millennium BCE, Prague 2010, p. 343-353.
112. A. H. Zayed, « Une représentation inédite des campagnes d’Aménophis II », P. Posener-
k riéGer (dir.), Mélanges Gamal Eddin Mokhtar, Le Caire 1985 (“Bibliothèque d’étude” 97/1),
p. 5-17. P. Der manuelian, Studies in the Reign of Amenophis II, p. 80-81, demeure prudent sur
le rapprochement, sans le nier formellement.
113. Sur la mutilation de la main, cf. J. Galan, « Mutilation of Pharaoh’s Ennemies », dans
Z. haWass (éd.), Egyptian Museum Collections around the World I, Le Caire 2002, p. 441-450.
114. S. SChott, « Ein ungewöhnliches Symbol des Triumphes über Feindes Aegyptens », JNES
14 (1955), p. 96-99 ; L. RoBert, « Notes sur un curieux relief du IIIe pylône du temple d’Amon-
Rê à Karnak », Cercle lyonnais d’égyptologie Victor Loret, Bulletin 6 (1992), p. 61-78.
115. Par exemple : Reliefs and Inscriptions at Karnak II, Ramses III’s Temple within the Great
Inclosure of Amun (II) and Ramses III’s Temple in the Precint of Mut, Chicago 1936 (“OIP” 35),
pl. 88. Cf. E. SWan hall, The Pharaoh Smites his Enemies, ig. 82.
116. Inscription d’Ahmès ils de Ibana à El-Kab ; cf. K. sethe, Urkunden der 18. Dynastie
(Urk. IV), Leipzig 1906, p. 9. 5-6 : « […] ce vil Nubien fut (placé) la tête en bas (sekhed) à la
57
Youri Volokhine
58
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
123. Par exemple : C. ChaDefauD, « Mise à mort sacrée dans l’Égypte ancienne », dans
Sacriices humains et meurtres rituels, Notre Histoire 61 (no spécial) (1989), p. 19-21 (ici : p. 19).
124. P. Berlin 3033, 8.10-20 ; voir pour le texte A. M. BlaCkman, W. V. Davies, The Story of
King Kheops and the Magicians, Reading 1988 ; traduction : cf. P. GranDet, Contes de l’Égypte
ancienne, Paris 1998, p. 73-74.
125. Ph. DerChain, « La clémence de Khéops déjouée », BSEG 20 (1996), p. 17-18.
59
Youri Volokhine
sa demeure avec joie, disant que leur dieu leur accordait de bonnes récoltes
cette année […] 126.
De façon évidente, ce texte horriique procède de cette littérature d’accu-
sation de « crime rituel » bien connue dans le cadre du christianisme, en
égypte 127 ou ailleurs 128. mais il ne s’agirait pas, pour serge sauneron, « d’une
pure invention sans fondement matériel ». En efet, il y a ici quelques points
de détails qui, comme le propose Serge Sauneron, ofrent une possibilité
d’accrochage avec des pratiques pharaoniques, en l’occurrence des images
mal comprises, une lecture erronée qui serait donc à la genèse de la rumeur.
En efet, d’une part ce « bassin » servant à l’égorgement pourrait renvoyer à
une image qui est connue notamment dans l’iconographie et les textes des
temples ptolémaïques 129 : devant le dieu, l’oiciant menace de son couteau
des représentations d’ennemis, lesquels sont liés et placés dans un chaudron.
On peut penser que ce bassin est de même nature que ce chaudron enlammé
servant à recueillir les igurines d’ennemis séthiens (en cire) qui y sont jetées
lors de rites apotropaïques 130, et dont le « rituel pour abattre Seth et ses alliés »
donne une bonne idée :
rituel pour abattre seth et ses alliés que l’on accomplit dans le temple d’osi-
ris Khenty-Imenet, le grand dieu maître d’Abydos, quotidiennement ; de même
dans tous les temples. On apporte une igurine de Seth en cire rouge, sur la poi-
trine de laquelle est gravé le nom, en disant « Seth, le mauvais » ; puis écrire sur
une feuille de papyrus neuf avec une couleur fraîche ; ou [apporter une statuette]
126. Extrait du synaxaire arabe-jacobite, texte édité et traduit par R. Basset, dans r. graffin,
F. nau (éd.), Patrologie Orientale t. III, Paris 1909, p. 391-392 ; traduction légèrement remaniée
chez Serge Sauneron ; cf. S. Sauneron, Villes et légendes d’Égypte (2e édition), Le Caire 1983,
p. 160-164 (= « Le chaudron de Sohag : comment naît une légende », BIFAO 69 (1971), p. 53-
58). Deux saints locaux vont, par leurs prières, contrarier le miracle (le sang ne disparaît plus),
provoquant la colère des habitants et des prêtres, qui s’en plaignent à l’Empereur Diotlécien en
visite. Les saints seront inalement décapités ; l’eau dans laquelle les soldats exécuteurs de la
sentence lavèrent leurs épées sanguinolentes devient alors miraculeuse.
127. S. Aufrère, « l’égypte traditionnelle, ses démons, vus par les premiers Chrétiens », dans
Actes des sixième et septième journées d’études coptes, (Limoges-Neuchâtel), Louvain 1999
(“Études coptes” 5), p. 63-92 ; spécialement p. 75, 80-81, sur le texte du synaxaire.
128. D. Frankfurter, Evil Incarnate. Rumors of Demonic Conspiracy and Satanic Abuse in
History, Princeton – Oxford 2006.
129. H. Junker, « Die Schlacht- und Brandopfer im Tempelkult der Spätzeit », ZÄS 48 (1910),
p. 69-77. Notons que Junker avait soutenu dans cet article (p. 70) qu’à Philae la cérémonie
ancienne et virtuelle du « massacre des ennemis » s’était peut être muée en réels « sacriices
humains » (Menschenopfer) perpétrés par les sauvages Blemmyes sous le règne de Diotlécien, en
s’appuyant sur un texte de P roCoPe dans le De Bello Persico I, 19 : « […] les Blemmyes ont aussi
coutume de sacriier (thuein) des êtres humains au Soleil », cf. pour ce passage, A. BernanD,
Les inscriptions grecques de Philae, t. I, Paris 1969, p. 20-21. Sur Philae (et les Blemmyes),
cf. en dernier lieu J. h. F. diJkstra, Philae and the End of Ancient Egyptian Religion. A
Regional Study of Religious Transformation, Louvain 2008 (“OLA” 173) et I. rutherforD,
« Island of the Extremity: Space, language and Power in the Pilgrimage Tradition of Philae »,
dans d. Frankfurter (éd.), Pilgrimage and Holy Space in Late Antique Egypt, Leyde 1998
(“Religions in the Graeco-Roman World” 134), p. 229-256 (ici, p. 234-235).
130. A. Grimm, « Fein-Bilder und Bilderverbrennung », VarAeg 4 (1988), p. 207-213.
60
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
en bois d’acacias ou en bois-héma. Lier la igurine (de Seth) avec une corde [en
cuir] de taureau rouge. Prononcer sur elle [= la igurine] les paroles ; cracher
quatre fois sur elle ; prononcer sur elle les paroles ; la frapper avec une lance ;
prononcer sur elle les paroles ; la percer avec un couteau ; prononcer sur elle les
paroles ; la jeter au feu ; prononcer sur elle les paroles ; cracher [encore] sur elle
dans le feu, de nombreuses fois ; prononcer sur elle les paroles 131.
Dans l’iconographie ptolémaïque, le motif du chaudron enlammé dans
lequel des ennemis sont jetés est connu, notamment par une scène igurant sur la
« porte de Montou » à Karnak, que Sauneron avait signalée à ce propos 132. là, le
roi (Ptolémée III Évergète) se tient devant « Min-qui-massacre-ses-ennemis »,
et brandit ses armes (lance, massue, hache, épée) au-dessus du chaudron : « j’ai
découpé leurs chairs à l’aide de ton tranchoir, que j’ai rôties dans ton brasier,
au début de l’année, à la néoménie, de sorte que leur graisse monte vers les
cieux 133 ». Assurément, les représentations d’ennemis humains des dieux et de
l’Égypte mis à mort dans les scènes des temples ptolémaïques n’impliquent
pas la performance efective. Du reste, l’archéologie n’apporte aucun élément
concluant ; le rare cas « d’autel » qui aurait pu servir à un « sacriice humain »
(selon son inventeur) 134 est très certainement un socle pour un monument apotro-
païque 135 ; lequel prévoit certes dans son programme égorgement et crémation
d’oies, de veaux, et d’hommes. L’association (signiiante) des ennemis humains
et des animaux s’inscrit dans un vieux programme égyptien 136. À l’instar du
« pylône miniature » de Tôd 137, on peut penser que cet objet a fonctionné dans
des rites impliquant virtuellement la mise à mort des ennemis ou des révoltés.
On ne peut cependant inirmer formellement que quelque criminel ou autre
condamné n’ait jamais été, à l’occasion, impliqué dans une performance réelle
de ce type de procédure. quoi qu’il en soit, selon le principe de virtualité qui
préside à l’exercice rituel égyptien, cette performance n’est pas nécessaire pour
le succès de la procédure. Pour revenir au cas de Sohag, Sauneron supposait
que la personnalité du dieu local a dû peser sur la genèse de la légende copte :
131. S. sChott, Bücher und Sprüche gegen den Gott Seth, Urk. VI. Mythologischen Inhalts,
Leipzig 1929, B 39-48 ; cf. en dernier lieu V. a ltmann, Die Kultfrevel des Seth. Die Gefärdhung
der göttlichen Ordnung in zwei Vernichtungsritualen der ägyptischen Spätzeit (Urk. VI),
Wiesbaden 2010 (“Studien zur spätägyptischen Religion” 1).
132. Voir désormais S. Aufrère, Le propylône d’Amon-Rê-Montou à Karnak-nord, le caire
2000 (“MIFAO” 117), p. 271-233, pl. 44 et 45.
133. S. Aufrère, Le propylône d’Amon-Rê-Montou, p. 274.
134. A. E. WeiGall, « a report on some objects recently found in sebakh and other
diggings », ASAE 8 (1908), p. 29-50 (ici p. 44-46 : « Altar for Human Sacriice, from Edfu ») ;
interprétation très rapidement inirmée, mais pour une interprétation elle aussi contestable :
cf. g. Jéquier, « Un soi-disant autel à sacriice humain », Sphinx 14 (1910-1911), p. 178-181, qui
voyait là un socle d’une statue lié au culte funéraire.
135. J. Yoyotte, « Héra d’Héliopolis », p. 37-38.
136. J. leClant, « La “mascarade” des bœufs gras et le triomphe de l’Égypte », MDAIK 14
(1956), p. 128-145.
137. F. Bisson De la roque, « Notes sur le dieu Montou », BIFAO 40 (1941), p. 1-49, ici, p. 36-42.
61
Youri Volokhine
conclusion
H. Te Velde, en conclusion de son article sur le sacriice humain en
égypte, rappelait que tuer un ennemi sur le champ de bataille, mettre à mort
un condamné, tout ceci n’est pas la même chose que de « tuer régulièrement
des gens dans les rituels des temples 141 » ; or, cette dernière situation est
rare, exceptionnelle même, du moins dans nos sources. À l’instar de Jean
Yoyotte, je pense avoir souligné suisamment que le « sacriice humain » est
une « notion bien mal-commode pour l’historien 142 ». Il demeure le fait que
l’égypte ancienne a bel et bien pensé la mise à mort de l’homme, positionnant
celle-ci dans un discours complexe sur la protection de l’Égypte et du monde
face à ses adversaires. quoi qu’il en soit, si la culture pharaonique a « pensé le
massacre », elle l’a pratiqué moins qu’elle ne l’aiche. De façon comparable à
ce que l’on observe dans d’autres cultures du Proche-Orient ancien, et surtout
en mésopotamie 143 (avec, dans chaque cas, des colorations spéciiques), il y
a en Égypte un exercice du pouvoir qui passe par l’exaltation du massacre et
l’écrasement de l’adversaire. Enin, il faut souligner que la pensée égyptienne
s’intéresse tout spécialement aux procédures de destruction : la crémation ;
la réclusion ; le poignardage ; l’étranglement ; et aussi, par exemple, le fait de
« couper en morceaux » un homme, un animal ou un dieu. Cela mène à un statut
138. J. yoyotte, « Religion de l’Égypte ancienne », Annuaire de l’École pratique des Hautes
Études, Section des Sciences Religieuses 73 (1965-1966), p. 76-85, ici p. 78. H. te velDe, s.v.
« Horus imi-schenut », LÄ III (1980), col. 47-48 ; E. BresCiani, dans Hommages à François
Daumas I, Montpellier 1986, p. 87-94 ; S. aufrère, Le propylône d’Amon-Rê-Montou, p. 276-277.
139. S. Sauneron, Villes et légendes, p. 162 : Edfou VI, 149.45-46 ; cf. Edfou V, 399.5.
140. S. Sauneron, Villes et légendes, p. 165-166.
141. H. te velDe, « Human Sacriice », p. 134.
142. J. Yoyotte, « Héra d’Héliopolis », p. 39.
143. P. Butterlin, « La igure du massacre dans l’histoire du Proche-Orient ancien : du
stéréotype à la terreur calculée », dans D. el k enz (dir.), Le massacre, objet d’histoire, Paris
2005, p. 49-71.
62
Le débat sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne
63
Youri Volokhine
Mise à mort des ennemis nubiens, d’après N. De Garis Davies, Five Theban
Tombs, Londres, ASE, 1913, pl. VIII (détail).
64
tabLe DeS matièreS
introduction
Àgnes A. Nagy, Francesca Prescendi 5
– i – Questions de déinition 19
Le sacriice humain à la croisée des a priori :
quelques remarques méthodologiques
Pierre Bonnechere 21
observations sur l’anthropoctonie. le débat
sur les « sacriices humains » en Égypte ancienne.
Youri Volokhine 39
L’ordalie « primitive » entre sacriice humain
et peine de mort : sur les traces d’un mythe savant
Àgnes A. Nagy 65
273
– IV – Sacriice humain et christianisme 147
la tradition du dernier repas de Jésus au i siècle :
er
274
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réalisation : cécile guivarch