Le Dernier Exorciste
Le Dernier Exorciste
Le Dernier Exorciste
City
© City Editions 2013
ISBN: 9782824640402
1 PIERRE 5 : 8
SOMMAIRE
« Je te nomme exorciste »
II
III
IV
Des enfants-tueurs
VI
VII
VIII
Satan au Vatican
IX
Gabriele Amorth
I
« Je te nomme exorciste »
— Éminence, je...
— Mon cher père Gabriele, il n'est pas nécessaire que
vous disiez quoi que ce soit. Ainsi, j’ai décidé, et ainsi, cela
doit être. L’Église a désespérément besoin d’exorcistes, no-
tamment à Rome. Il y a trop de personnes qui souffrent
parce qu'elles sont possédées et que personne ne se soucie
de les délivrer. Il y a déjà un certain temps, le père Candido
m’a réclamé un assistant, et j’ai toujours hésité. Je ne savais
pas qui lui envoyer. Lorsque vous m’avez dit que vous le
connaissiez, j’ai compris que je ne pouvais temporiser da-
vantage. Vous réussirez, n'ayez crainte. Le père Candido est
un maître exceptionnel. Il saura comment vous pourrez
l’aider.
Je restai sans voix. Je connais mon Évangile et je sais que le
Christ a donné le pouvoir de chasser les démons aux apôtres
et à leurs successeurs, les vicaires, qui, à leur tour, peuvent
déléguer ce pouvoir à de simples prêtres. Je sais que l'Église
ne peut se passer d’exorcistes tant il y a dans ce monde de
cas de possession.
En revanche, je me demande si je me montrerai à la hauteur
de la tâche. Pourquoi moi ? Pourquoi justement est-ce à moi
que l’on confie une mission si difficile et dangereuse ?
Les racines de la lutte entre le bien et le mal, entre le Christ
et Satan, remontent à la nuit des temps. Depuis toujours,
deux armées combattent pour dominer le monde : l'armée
du Christ et l'armée de Satan. Comment se fait-il que Satan
existe ? Pourquoi l’un des plus beaux et des plus nobles
anges du paradis a-t-il décidé à un moment de se rebeller
contre Dieu et devenir le prince des ténèbres ? Personne ne
le sait. Le fait est que Satan il y a, et que son seul objectif est
d’entraîner le monde à sa propre perte, d’entraîner les
hommes à la damnation éternelle.
Dans ce combat apparemment sans fin, le pape occupe une
fonction clef : c’est lui, peut-être avant et plus que tout
autre, qui doit lutter pour que les enfers ne l’emportent pas
sur l’Église. Avec le pape, il y a tous les hommes de bonne
volonté qui appartiennent à l’Église et, parmi ces hommes,
les exorcistes jouent un rôle particulier.
Ils sont comme autant de pointes dures comme le diamant
qui montent au front pour opposer le bien au mal : des
prêtres choisis afin de chasser de l'homme et, donc, du
monde, la présence extraordinaire de Satan et de son armée,
les démons hiérarchiquement soumis à Satan.
Mais cela ne répond pas à ma question : pourquoi moi ?
Je sors du bureau du cardinal Poletti la lettre de nomination
à la main, et mille doutes et mille craintes dans la tête. Après
quelques pas, je comprends qu’une seule réaction censée
s'offre à moi pour le moment, et je m’exécute sur-le-champ.
La basilique Saint-Jean-de-Latran est la plus ancienne et la
plus noble de Rome. L’une de ses chapelles latérales con-
tient toujours le Corps saint du Christ. J’entre et je m'age-
nouille sur l’un des nombreux bancs en bois, et c’est là que
je fais ma demande au ciel. Ou plutôt à la Vierge Marie.
— Sainte Mère de Dieu, j'accepte cette charge, mais je
t'implore de me protéger sous ton manteau.
C’est une prière simple, quelques mots seulement, mais
mon sentiment est intense. Je veux obéir à mon vicaire et
mettre entre les mains de la Vierge toutes mes craintes.
Qui suis-je pour oser combattre le prince des ténèbres ?
Je ne suis personne, mais Dieu est tout. Le démon ne se
combat pas avec des forces humaines, mais avec les forces
du ciel.
Un jour, peu de temps après cette prière, je me retrouverai à
exorciser un possédé. À travers sa voix, c’est Satan qui me
parlera, qui m'agonisera d’injures, de blasphèmes, d'accu-
sations et de menaces, mais, à un moment, il me dit :
— Prêtre, va-t'en. Laisse-moi tranquille.
— Toi, va-t’en ! je réponds.
— Je t'en prie, prêtre, va-t’en. Contre toi, je ne peux
rien.
— Dis-moi, au nom du Christ, pourquoi tu ne peux
rien?
— Parce que tu es sous la protection de ta Sainte Mère.
Ta Vierge étend son manteau sur toi et m’empêche de t'at-
teindre.
Jusqu’en 1986, je ne peux pas dire que je croyais à
l’existence de Satan. Bien entendu, j’avais entendu parler de
lui. J'avais soigneusement étudié le catéchisme et la doc-
trine de l’Église catholique ; je savais qu’au bien s'opposait
toujours le mal ; qu’au Christ et à son royaume s’opposaient
toujours Satan et son royaume.
Mais je n'avais jamais eu, comment dire, d’expérience di-
recte avec Satan. Je n’avais jamais dû l'affronter face à face.
Le mal avait simplement toujours fait partie de mon exis-
tence comme de l'existence de tout un chacun.
Quand j’étais petit, j’assistais à la messe avec mon père et
ma mère à Modène, la ville où je suis né. Souvent, il
m’arrivait de m’endormir sur le sol, sous le banc, aux pieds
de mes parents.
Lorsque je dormais ainsi au lieu de courir dans les allées de
la nef de l’église, ma mère me donnait une récompense, en
général un bonbon. En revanche, si je m’agitais sans cesse et
que je faisais du bruit, je n’avais droit à aucune récompense.
Pour moi, c’était cela le bien et le mal ; c'étaient les sourires
de ma mère et mes caprices ; les gifles et les caresses de mon
père ; les pleurs et les consolations.
J’eus cependant une perception plus claire du mal lorsque je
me confessai pour la première fois. C’est là que je compris
que le mal était une chose sérieuse dont il fallait s'amender.
On m’enseigna à me confesser toutes les semaines et on me
disait :
— Sais-tu quel est le meilleur remède contre le mal ? La
confession une fois par semaine.
Ils avaient raison et, encore aujourd’hui, en effet, j’affirme
qu’une confession sincère donne de meilleurs résultats
qu’un exorcisme. La confession remet l’homme entre les
mains de Dieu. Lorsqu’une personne se réconcilie avec
Dieu, cela rend Satan fou de rage.
Il se sent vaincu. Il devient furieux. La confession terrasse
ses plans démoniaques. Satan a beaucoup de mal à s'empa-
rer du corps de ceux qui sont en état de grâce. Dieu est avec
eux. La Madone est avec eux. Et Dieu et la Madone sont plus
forts que Satan.
Je confiais mes péchés à mon confesseur. Je lui confiais
mon mal, certes, mais je n’avais pas en moi une perception
aussi nette du fait que, derrière ce mal, il y a un esprit vi-
vant, actif, toujours aux aguets. Je le savais, mais d’une ma-
nière toute théorique et, même lorsque, après l’adolescence,
je choisis de devenir prêtre, je pensais à tout sauf au fait que,
pour moi, devenir prêtre serait un jour comme être une
épine dans le flanc de Satan.
À l’époque, la prêtrise m'apparaissait être la réponse à un
désir venu du plus profond de mon cœur d’enfant, et, en
même temps, une renonciation à la carrière politique que
l’on m’avait fait clairement - et brillamment - miroiter.
À vingt et un ans, en 1946, je fus nommé vice-délégué na-
tional de Giulio Andreotti, président de l'époque du mou-
vement des Jeunesses démocrates-chrétiennes. J'étais ad-
hérent du groupe politique qui rassemblait des hommes
comme Giorgio La Pira, Giuseppe Dossetti, Amintore Fan-
fani et Giuseppe Lazzati. Lorsqu’Andreotti fut promu au
poste de secrétaire de la présidence du conseil, on me pro-
posa de prendre sa place. Je n’y songeai pas un seul instant.
J’abandonnai la politique et je cherchai ma place parmi les
fidèles de Dieu. J’arrivai ainsi jusqu'au père Alberione et je
devins paulinien. Je fus ordonné prêtre en 1954 et, de 1954 à
1986, soit pendant trente-deux ans, je fus un simple prêtre
paulinien qui assuma diverses charges à divers niveaux du
directoire de la confrérie.
Au cours de toutes ces années, je n’eus jamais de rapport
direct avec Satan.
Sauf une fois.
J’étais alors prêtre depuis peu ; je ne me souviens pas exac-
tement depuis combien de temps. Pendant une semaine,
j'allai prêcher dans une paroisse à une dizaine de kilomètres
de Brescia.
Le curé s’appelait Faustino Negrini et il officiait là depuis
quarante ans. Il était extrêmement apprécié par les deux
mille âmes qui l'adoraient et le suivaient en tout. Un jour, il
me dit :
— Viens avec moi !
Et il m'entraîna vers la sacristie où se trouvait une femme
qui se présenta ainsi :
— Bonjour, je suis Agnese Salomoni.
Je n’ai plus jamais oublié son nom et, encore aujourd’hui, je
me souviens du timbre de sa voix.
Je ne sais pas pourquoi Don Faustino le fit. Il voulait
peut-être me faire participer à tous les événements impo-
sants de sa paroisse. Quoi qu'il en soit, il voulait qu’Agnese
me raconte elle-même son histoire. Je demeurai donc à
l’écouter pendant longtemps et je fus atterré.
Agnese avait seize ans lorsque Satan était entré en elle.
Pourquoi la tourmentait-il ? Le père Faustino, qui avait ob-
tenu du vicaire de son diocèse l'autorisation de pratiquer
l’exorcisme, posa - au cours d'une séance d’exorcisme sur
Agnese justement - la même question à Satan.
— Pourquoi es-tu entré en elle ? Réponds-moi au nom
du Christ.
Quand je pense encore aujourd’hui à la réponse que Satan
nous a donnée ce jour-là, je reste à nouveau sans voix :
— Parce qu’Agnese est la plus sainte de toute la pa-
roisse, la plus pure, la plus vierge. Et c’est pour cela que je
l'ai faite mienne.
C’est là un grand mystère. Il est vrai que ceux qui bénéfi-
cient de la grâce de Dieu n'ont rien à craindre. Que Satan ne
peut pas grand-chose contre ceux qui vivent dans la grâce de
Dieu.
Mais il est également vrai que Satan est puissant et qu’il
désire surtout faire siens les plus saints, ceux dont le corps
et l’âme sont entièrement voués à Dieu.
Les séances d’exorcisme pour délivrer Agnese furent parti-
culièrement ardues : des heures et des heures de lutte âpre,
et ce, pendant des années.
Un jour, le père Faustino la conduisit jusqu’au père Pie1 de
Pietrelcina, n'hésitant pas à parcourir des centaines de ki-
lomètres pour lui demander de l'aide. Sur le trajet qui les
Sœur Gisella (c’est le nom que nous lui donnerons) est une
nonne des plus dévotes. Dans son ordre religieux, elle est
estimée de tous, notamment parce qu’elle prie le plus sou-
vent possible, ne manque à aucun de ses devoirs et, en ma-
tière de ferveur, on peut la considérer sans aucun doute
comme l'une des plus assidues de son ordre. Or, du jour au
lendemain, elle se met à adopter des comportements inex-
plicables.
Lorsqu’elle entre dans la chapelle, elle se sent mal, elle a
l'impression d’étouffer, au point qu'elle doit sortir et se ré-
fugier dans sa cellule. En l’espace de quelques jours, elle
n'est plus en mesure de participer aux prières quelles
qu’elles soient. Ses supérieures lui conseillent quelques se-
maines de repos. Elle est peut-être simplement fatiguée,
pensent-elles, et a seulement besoin de se requinquer phy-
siquement.
Les jours passant, la condition de sœur Gisella ne s’améliore
pas, bien au contraire. Désormais, tout ce qui évoque le sa-
cré l’irrite. Dès qu’elle aperçoit un prêtre, elle s’enfuit à
toutes jambes pour éviter de se mettre à crier, voire à hurler
ou à l'agresser.
Même chose lorsqu’elle croise l’une de ses sœurs. La situa-
tion finit par devenir insupportable, au point qu’un jour, le
couvent se décide à m’appeler pour me demander si je peux
recevoir la moniale en question.
J’accepte et, le jour fixé pour le rendez-vous, j’ouvre la porte
pour découvrir trois sœurs. La possédée est au centre :
fluette, maigre, elle a le visage d'un ange. Je les fais asseoir
toutes les trois et leur demande de m'expliquer en détail les
troubles dont souffre sœur Gisella. C’est elle qui prend la
parole.
— Mon Père, je me sens si mal. Lorsque j’entre dans
l'église, la tête me tourne, et une force que je ne saurais ex-
pliquer monte en moi et me dit :
« Fuis, vite, pars ! » La seule manière de me sentir mieux est
de sortir et de me réfugier dans ma cellule. C’est le seul en-
droit où j'arrive à reprendre mes esprits, mais j’ai dû en re-
tirer les croix, les images de la Vierge et les icônes sacrées, y
compris les ouvrages qui évoquent Jésus ou les saints. Je ne
sais pourquoi, mais leur présence m’effraie. J'ai si peur.
Lorsque je vois un prêtre, je sens monter en moi une rage
indicible. Y compris en ce moment, devant vous...
Je comprends qu’il est temps pour moi d’agir. J’enfile rapi-
dement mon étole, j’ouvre le rituel et je commence à prier. Il
suffit de quelques minutes pour que l’exorcisme déclenche
une scène explosive.
Sans doute mal préparées, car elles n’ont jamais vu leur
sœur dans cet état, les deux autres moniales reculent. Elles
ignorent totalement comment réagir.
Sœur Gisella s’est transformée en serpent qui rampe sur les
coudes et les genoux avec une agilité peu humaine. Elle
rampe dans toute la pièce, passe entre les pieds de ses sœurs
et sous les chaises et le bureau ; elle se glisse sous le lit et,
d’une manière cadencée, sort et rentre la tête d'un côté, puis
de l’autre.
Elle est la proie d’une vive agitation et ne cesse pas une se-
conde de bouger, si ce n’est qu’elle n'ose pas s’approcher de
mon surplis. Elle rampe et serpente à vive allure, tournant
autour de moi sans s’approcher et me toucher. Je poursuis
l’exorcisme, mais je comprends rapidement qu’il vaut mieux
interrompre la séance : sœur Giselle a la bouche remplie
d’écume ; elle montre les dents comme un félin sur le point
de bondir sur sa proie ; elle tire la langue comme un serpent
prêt à faire jaillir son venin. Véritable prédateur se prépa-
rant à tuer, elle crache effectivement des clous, des vis, des
ciseaux, des articles en métal de diverses dimensions. Cra-
chant et bavant, elle recommence à ramper.
Dès que la séance est terminée, sœur Gisella revient à elle et
me demande en se levant :
— Que s’est-il passé ?
— Tu rampais comme un serpent, lui dis-je.
— Moi ?
— Oui, toi.
— Je ne m’en suis pas rendu compte.
— Tu ne pouvais pas t’en rendre compte. Tu n’étais pas
toi-même. Une force te poussait, une force que tu dois à tout
prix chasser de toi. Reviens me voir au moins une fois par
semaine, c’est la seule possibilité que tu as de résoudre cette
situation difficile.
Les deux autres moniales échangent un regard sans savoir
que dire, puis elles entraînent sœur Gisella en la prenant par
le bras.
Une fois que je me retrouve seul, je me demande comment il
est possible que le diable soit ainsi entré en une personne
consacrée à Dieu.
Je me souviens alors des enseignements du père Candido :
inutile de se demander pourquoi ; le mal est ; c'est un fait. Il
doit être combattu, pas expliqué ! Il est.
La semaine suivante, notre rendez-vous doit avoir lieu en
début d’après-midi d'un jour férié. À l'heure prévue, j'en-
tends des pas s’approcher de la porte : ce sont les trois reli-
gieuses, mais sœur Gisella paraît avoir vieilli de plusieurs
années. Elle est méconnaissable, et je comprends qu’elle a
dû passer une semaine difficile. Le diable a dû la tourmenter
sans ménagement.
Elle me lance un regard sinistre, et je comprends que le
diable a saisi l’intention de la moniale de se soumettre à mes
exorcismes et a décidé de la perturber davantage. Je ne lui
pose aucune question : la force maléfique qui est en elle a
déjà compris qui elle avait en face d’elle, ce qui signifie que
je dois commencer sans plus attendre.
— Ne te souviens pas, Seigneur, de nos fautes, ni de
celles de nos proches, et ne tire pas vengeance de nos pé-
chés. Notre Père qui es aux cieux [...] et ne nous soumets pas
à la tentation, mais délivre-nous du mal.
Un serpent se met à ramper comme un forcené dans toute la
pièce.
— Qui es-tu ?
Le serpent ne cesse de ramper. Il siffle, mais ne répond pas.
— Au nom de Jésus-Christ, dis-moi qui tu es !
Les genoux et les coudes de sœur Gisella frottent sur le dal-
lage, et rien ne paraît pouvoir l'arrêter. À présent, on dirait
un lézard qui progresse à petits pas vifs comme l’éclair. Elle
ne s’arrête que de temps en temps en oscillant la tête de
droite à gauche avant de repartir comme une furie. Je hurle:
— Je te parle !
Le ton de ma voix semble enfin provoquer une réaction :
tout à coup, la sœur s’arrête de ramper et elle tourne la tête
vers moi tandis que le reste de son corps demeure parfai-
tement immobile. D'un bond, elle se rue sur moi, mais j’ai le
réflexe de brandir devant moi le crucifix que je tiens dans
une main.
C’est un geste providentiel, car son visage vient frapper la
croix et arrête sœur Gisella dans son élan comme une paroi
invisible. Elle demeure alors étourdie pendant quelques
secondes, puis son sifflement se transforme en longue la-
mentation rauque qui dure plusieurs minutes sans que la
sœur ait besoin de reprendre son souffle. Elle se remet à
ramper, mais elle semble être moins agile et, par moments,
je l’entends presque soupirer.
Je n’éprouve aucune pitié.
— Qui es-tu, toi qui oses habiter le corps de cette fille
de Dieu ? Parle ! Dis-moi qui tu es !
Le serpent reprend de la vigueur et rampe pour parcourir
toute la pièce en sinuant. Pétrifiées, les deux autres reli-
gieuses ont reculé jusqu’au mur. Je leur intime de réciter le
rosaire et de ne rien faire d’autre. Elles obéissent
sur-le-champ.
— Scélérat qui ose ainsi importuner cette fille de Dieu !
Ignores-tu que Jésus-Christ t'a vaincu pour toujours ? Inu-
tile de tenter de résister ! Va-t'en, retourne en enfer et ne
reviens plus jamais !
Aucune réponse, pas plus que je n’obtiendrai de réponse
dans les semaines qui suivront. Ce diable est un dur à cuire !
Mais c'est toujours ainsi, d’ailleurs. Lorsqu’un démon pos-
sède un religieux ou une religieuse, il est prêt à vendre cher
sa peau. Ce n’est pas si facile pour le diable de s’emparer
d’un prêtre ou d’une moniale, et c'est pour cela qu’une fois
installé, il fera tout pour ne pas se laisser chasser.
Dans ce cas, sa stratégie est extrêmement simple : il ne me
parle pas ; il ne me dit pas qui il est. Je le sens, mais il de-
meure caché, silencieux. C’est une technique toute bête,
mais qui, d’une certaine manière, est efficace.
Il y a aussi ses autres tactiques, par exemple celle qui con-
siste à m’effrayer en faisant vomir à sœur Gisella toutes
sortes d’objets de formes et de tailles diverses. En quelques
minutes se matérialisent ainsi sur la langue de la moniale
des ciseaux, des clous, des morceaux de verre, qui
s’amoncellent à mes pieds.
Je les ramasse pour les mettre de côté dans une boîte que
j’enferme dans un coffret de ma chambre. Pour moi, ils
n’ont aucune valeur : ce n’est qu’une manière stupide que le
diable adopte pour m’effrayer. En vain.
Au bout de deux mois de séances d’exorcisme, j’attends les
trois religieuses pour un énième rendez-vous, mais per-
sonne ne se présente. On m’appelle au téléphone, et mon
interlocutrice m’indique qu’elle est la mère supérieure de
l'ordre religieux auquel appartient sœur Gisella.
— Mon cher père Amorth, je tenais à vous remercier de
tout ce que vous avez fait pour sœur Gisella, mais nous con-
sidérons qu’il est temps de mettre un terme à l’exorcisme,
me dit-elle.
— Puis-je vous en demander la raison ?
— Nous en avons décidé ainsi. C'est une décision de
toute la communauté. Encore merci pour tout. Au revoir.
À partir de ce jour, je n'entendrai plus parler de la sœur Gi-
sella. Je me demande comment cela s’est terminé pour elle.
A-t-elle réussi à se libérer du démon ou se trouve-t-elle en-
core entre ses mains ? Pour quelle raison ses supérieures
ont-elles décidé d’interrompre les exorcismes ?
Difficile de répondre à tout cela. Je dois cependant préciser
qu’il y a une constante : lorsqu’ils sont possédés par le
diable, les prêtres et les moniales ne réussissent pas souvent
à s’en libérer parce que leurs supérieurs ne permettent pas
que l'exorciste aille au fond des choses.
C’est probablement parce que, lorsque les exorcismes
commencent, la fureur du diable devient encore plus évi-
dente au cours des heures qui s’écoulent entre deux séances.
Souvent, les exorcistes débusquent le diable, et les supé-
rieurs prennent peur et préfèrent arrêter. Heureusement,
cela ne se produit pas toujours ainsi, mais c'est encore trop
fréquent pour le bien des religieux qui sont possédés.
En revanche, dans le cas du père Francesco, les choses se
sont déroulées très différemment.
***
— Entrez.
— Bonjour, père Amorth. Je suis le père Francesco.
Nous nous sommes parlé au téléphone...
— Pour l’exorcisme, oui. D'abord, dites-moi un peu de
quel genre de troubles vous souffrez.
— Eh bien, euh...
— N’ayez aucune inquiétude, vous pouvez tout me
dire. Vous n’avez rien à craindre ; je suis habitué à certaines
choses.
— Bien, alors, je crois que je suis possédé.
— C’est ce que vous m’avez déjà dit au téléphone, mais
il faut bien faire la distinction entre ce que vous croyez et la
réalité. Pourquoi pensez-vous être possédé ?
— Eh bien, pendant la messe, je ne sais pas comment
vous expliquer...
— Que se passe-t-il pendant la messe ?
— Au moment de la communion, je présente l'hostie
et...
— ... et ? Dites-moi ce qui se passe pendant la commu-
nion.
— Eh bien, je dis « Prenez et mangez, ceci est mon
corps », puis « Prenez et buvez, voici mon sang », mais, au
fond de moi, je ne pense qu’à une seule chose - ou plutôt, je
ne me dis qu’une seule chose.
— Quelle chose ?
— Ce n’est vraiment pas facile à dire, père Amorth.
— Père Francesco, je suis exorciste, je parle tous les
jours avec le mal. Rien ne m’impressionne. Allez, crachez le
morceau !
— Très bien. Lorsque je lève l’hostie, au moment précis
où ce morceau de pain devient le corps du Christ, il y a au
fond de moi une voix forte et puissante qui hurle une gros-
sièreté terrible. Je dois me mordre la langue pour ne pas la
prononcer à haute voix. Puis, pendant toute la durée de la
messe, je me sens mal, j'ai envie de m’échapper de l’église, je
veux en sortir et hurler la grossièreté de toute la force de
mes poumons. Je ne sais pas comment j’ai réussi jusqu'à
aujourd’hui à résister, mais chaque jour, lorsque je dis la
messe, j’endure un véritable supplice.
— Vous en avez parlé à quelqu'un ?
— Jamais.
— Père Francesco, dites-moi un peu : depuis quand
dure cette affaire ?
— Depuis un certain temps.
— Et depuis quand exactement ?
— Depuis le jour même où j’ai été ordonné prêtre.
Cela va faire neuf ans.
— Depuis neuf ans ? Et vous n’en avez parlé à per-
sonne ?
— Je ne savais pas avec qui en parler.
— Alors, pourquoi venir m’en parler à moi mainte-
nant ?
— Parce que je ne le supporte plus.
— Dites-moi. Avant de devenir prêtre, auriez-vous
participé à quelque rite satanique ?
— Non, jamais.
— Avez-vous fréquenté un sorcier ou un mage ?
— Non, jamais.
— N'avez-vous jamais été l’objet d'un mauvais sort ?
— Jamais, pour autant que je le sache.
— Avez-vous déjà essayé de donner une explication
logique à ce phénomène ? Avez-vous réfléchi à l’origine qu’il
pourrait avoir ?
— J’y ai beaucoup réfléchi et, je ne sais pas, mais...
— Dites-moi.
— Eh bien, ce n'est pas facile à raconter.
— Mais vous allez me le raconter quand même.
— Peu avant mon ordination, j'allais chaque fin de
semaine dans une paroisse pour donner un coup de main.
Un jour, je vis arriver une femme qui me raconta que, de-
puis des années, elle sentait en elle un « esprit mauvais ». Ce
sont ses mots exacts : « esprit mauvais ». Elle me fit beau-
coup de peine. Elle dit qu’elle avait des enfants et que
l’esprit mauvais la tourmentait sans cesse. Elle ajouta que,
dans sa famille, son mari et ses enfants avaient commencé à
l’éviter, car ils la croyaient folle. Je le répète, elle me fit
beaucoup de peine. Je ne sais pas ce qui me prit alors, mais
tout se passa en un éclair et je criai à l’esprit : « Laisse-la
tranquille ! Viens en moi ! » En un éclair, je vous dis. J’eus
alors la nette sensation que cette chose qui se tenait tapie
dans la femme m’avait obéi sur-le-champ.
— Alors, vous pensez que cet esprit est entré en vous et
vous pensez que c'est cet esprit qui vous tourmente pendant
la messe ?
— Oui, mais je n'ai donné cet ordre que parce que
j’avais trop de peine de...
— Arrêtez, inutile d'en dire davantage. Vous auriez
mieux fait de prier pour cette femme ou de la conduire à un
exorciste. Certaines requêtes ne se font pas, même par jeu.
Les requêtes, les prières, les suppliques doivent s’adresser
uniquement à Dieu. Nous devons, très cher père Francesco,
ravaler notre orgueil. On ne peut pas sauver la vie d’autrui
en supposant réussir à faire des choses qui n’entrent pas
dans nos compétences ou nos forces. La vie d’autrui ne se
sauve que par la prière et beaucoup d'humilité. Il ne faut pas
plaisanter avec le diable, si l’on admet qu’il s’agissait du
diable.
— Mais de quoi d’autre, alors ?
— Père Francesco, fions-nous au bon Dieu.
— D’accord, je...
— Le temps n'est plus aux paroles. Désormais, l'heure
est à l’action. S’il s’agit de possession, neuf années pèsent
lourd. Très lourd. Ce sera extrêmement difficile, d’autant
que vous êtes prêtre, et cela aggrave tout. Père Francesco,
vous auriez dû venir me voir beaucoup plus tôt. As-
seyez-vous donc sur cette chaise. Je vais endosser l’étole,
prendre l’huile sainte, l’eau bénite, le rituel et essayer de
vous exorciser. Voyons un peu... Au nom du Père, du Fils et
du Saint-Esprit. Prince très glorieux de la Milice céleste,
l’archange saint Michel, défendez-nous dans le combat
contre les princes et les puissances, contre les dominateurs
de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants ré-
pandus dans l’air. Venez au secours des hommes que Dieu a
faits à l’image de sa propre nature, et rachetés à grand prix
de la tyrannie du démon. Ainsi soit-il. L’archange saint Mi-
chel, vous que la sainte Église vénère comme son gardien et
protecteur, à vous le Seigneur a confié la mission
d’introduire dans la céleste félicité les âmes rachetées. Priez
donc le Dieu de paix d'écraser Satan sous nos pieds afin qu'il
ne puisse plus retenir les hommes dans ses chaînes et nuire
à l’Église. Présentez au Très-Haut nos prières, afin que, sans
tarder, le Seigneur nous fasse miséricorde. Vous-même,
saisissez le dragon, l'antique serpent, qui est le diable et
Satan, et jetez-le enchaîné dans l'abîme pour qu’il ne sé-
duise plus les nations. Amen.
— Je ne sens rien, père Amorth. Rien du tout. Je vais
bien.
— Cela me fait extrêmement plaisir. Toutefois, je vous
prie de ne pas parler. C’est moi qui parle. Silence, je vous
prie.
— Mais vous n’avez pas besoin de parler. Je me sens
vraiment bien.
— Silence ! Au nom de Jésus-Christ, notre Dieu et
Seigneur, et avec l’intercession de la Vierge Marie immacu-
lée, mère de Dieu, de l’archange saint Michel, des saints
apôtres Pierre et Paul et de tous les saints, dans la foi en-
treprenons la bataille contre les attaques et les embûches du
démon.
Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés ! Et
que fuient devant sa face les méchants ! Comme s’évanouit
la fumée, qu’ils disparaissent, Comme fond la cire en face du
feu, ainsi périssent les méchants devant la face de Dieu !
— J’insiste, père Amorth, c'est inutile. Je me sens bien.
— Ma patience a des limites, père Francesco. J’ai dit
qu’ici, c'était moi qui parlais et seulement moi !
— D’accord, mais je ne le dis que pour vous, il n’est pas
nécessaire...
— Je t’exorcise, esprit immonde, qui que tu sois : puis-
sance satanique, invasion de l'ennemi infernal, légion, réu-
nion ou secte diabolique, au nom et par la puissance de
Notre-Seigneur Jésus-Christ ; sois arraché et chassé de
l'Église de Dieu, des âmes créées à l’image de Dieu et ra-
chetées par le précieux sang du divin Agneau rédempteur.
N’ose plus désormais, perfide serpent, tromper le genre
humain, persécuter l’Église de Dieu, ni secouer et cribler
comme le froment les élus de Dieu. Il te commande, le Dieu
Très-Haut auquel, dans ton fol orgueil, tu prétends encore
qu'on t'égale. Lui qui veut que tous les hommes soient sau-
vés et arrivent à la connaissance de la vérité. Il te com-
mande, Dieu le Père ; il te commande, Dieu le Fils ; il te
commande, Dieu le Saint-Esprit. Elle te commande, la ma-
jesté du Christ, Verbe éternel de Dieu fait chair, lui qui, pour
le salut de notre race, perdue par ta jalousie, s'est abaissé et
rendu obéissant jusqu’à la mort ; lui qui a bâti son Église sur
la pierre solide et proclamé que les portes de l'enfer ne pré-
vaudront jamais contre elle, voulant demeurer lui-même
avec elle tous les jours, jusqu’à la consommation des siècles.
Ils te commandent, le signe de la Croix et la vertu de tous les
mystères de la foi chrétienne. Elle te commande, la
Très-Haute Mère de Dieu, la Vierge Marie, elle qui, dès le
premier instant de son Immaculée Conception, a écrasé, par
son humilité, ta tête folle d'orgueil. Elle te commande, la foi
des saints apôtres Pierre et Paul, et des autres apôtres. Ils te
commandent, le sang des martyrs et l’affectueuse interces-
sion de tous les saints et les saintes. Or donc, dragon maudit
et toute légion diabolique, nous t’adjurons par le Dieu vi-
vant, par le Dieu vrai, par le Dieu saint, par ce Dieu qui a
tant aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique, afin
que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie
éternelle : cesse de tromper les créatures humaines et de
leur verser le poison de la damnation éternelle ; cesse de
nuire à l’Église et de mettre des entraves à sa liberté.
Va-t'en, Satan, inventeur et maître de toute tromperie, en-
nemi du salut des hommes ! Cède la place au Christ, en qui
tu n’as rien trouvé de tes œuvres. Cède la place à l’Église,
une, sainte, catholique et apostolique, que le Christ
lui-même a acquise au prix de son sang. Humilie-toi sous la
puissante main de Dieu. Tremble et fuis, à l’invocation faite
par nous du saint et terrible nom de Jésus, qui fait trembler
les enfers ; à qui les vertus des deux, les puissances et les
dominations sont soumises ; que les chérubins et les séra-
phins louent dans un concert inlassable, disant : « Saint,
saint, saint est le Seigneur, le Dieu des armées. Ô Seigneur,
écoute notre prière. Et que notre cri monte jusqu’à toi. »
— Avez-vous terminé ?
— Je n’ai pas terminé.
— Peut-être n’avez-vous pas compris ma question.
Avez-vous terminé, mon Père ?
— Tais-toi, esprit immonde. Tu n’as pas encore com-
pris ? Ici, c’est moi qui commande. Tais-toi et écoute bien
mes paroles. Parce qu’à présent, c’est ce Dieu qui avec son
Fils t’a vaincu et humilié une fois pour toujours que j’appelle
ici à mon aide. Parce que ce n’est pas moi, mais moi à tra-
vers mon Père que je te chasserai en enfer. Puis, je fermerai
la porte et je jetterai la clef. Parce que c'est là que tu devras
demeurer pour l'éternité. Tes pleurs et tes lamentations ne
seront entendus par personne, et personne ne viendra ja-
mais t'ouvrir. Écoute bien ce que j’ai à te dire, immonde
dragon qui croit tenir le monde dans sa main, alors que ce
que tu tiens devient poussière que le vent disperse et dont il
ne reste rien. Écoute bien parce que voici la prière de Léon
XIII contre Satan et les anges rebelles. Voici la prière la plus
puissante qui soit. Écoute et tremble parce que c’est le Sei-
gneur Dieu que j’appelle ici devant toi : le Dieu du ciel, Dieu
de la terre, Dieu des anges, Dieu des archanges, Dieu des
patriarches, Dieu des prophètes, Dieu des apôtres, Dieu des
martyrs, Dieu des confesseurs, Dieu des vierges, Dieu qui a
le pouvoir de donner la vie après la mort, le repos après le
travail ; parce qu’il n'y a pas d'autre Dieu que vous, et qu’il
ne peut y en avoir si ce n’est vous, le Créateur de toutes les
choses visibles et invisibles, vous dont le règne n’aura pas de
fin. Avec humilité nous supplions votre glorieuse majesté de
daigner nous délivrer puissamment et nous garder sains et
saufs de tout pouvoir, piège, mensonge et méchanceté des
esprits infernaux. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Des
embûches du démon, délivrez-nous, Seigneur ! Accordez à
votre Église la sécurité et la liberté pour vous servir : nous
vous en supplions, écoutez-nous. Daignez humilier les en-
nemis de la sainte Église : nous vous en supplions, écou-
tez-nous.
Un silence de glace tomba sur nous. Le père Francesco
semblait bouleversé.
— J’ai terminé, père Francesco. Vous pouvez vous lever.
L’exorcisme est achevé. Ne craignez plus rien, vous pouvez
parler désormais, mon cher fils. Allons, courage, levez-vous.
— Que s’est-il passé ?
— Je vous ai exorcisé, mon fils. L’esprit est un peu sor-
ti, mais il est encore un peu là. Nous devons nous revoir
souvent.
— C’est grave ?
— Il ne s’agit pas d’une maladie, père Francesco, mais
d’une possession. Et neuf années, c'est très long. Je ne sais
pas combien de temps il faudra pour vous délivrer, mais,
pour le moment, vous n’avez qu'une chose à faire : tous les
jours, vous direz des messes, réciterez le bréviaire et le ro-
saire. Le vendredi, jeûne absolu. Priez le plus souvent pos-
sible et rencontrons-nous une fois par semaine. Nous ver-
rons alors comment les choses tournent.
Il faudra des années pour délivrer le père Francesco. Un
prêtre possédé, c’est grave ! Pourquoi Dieu permet-il de
telles choses ? Souvent, c’est pour que celui qui est possédé
gagne en sainteté - les souffrances du père Francesco lui
seront bénéfiques -, mais, d’une manière mystérieuse, c’est
aussi utile pour autrui.
Souffrir en silence, souffrir de douleurs si terribles et pren-
dre sur soi les souffrances de son prochain est une manière
efficace de faire le bien. Qui voit cette souffrance ? Per-
sonne.
Elle est cachée dans l’homme, mais bien visible à Dieu. Dieu
la voit et l’utilise pour aider ceux qui ne sont pas capables de
souffrir. Ceux qui vont mal et qui n’arrivent plus à le sup-
porter. Ceux qui pèchent et du péché ne savent pas se déli-
vrer. Ceux qui n’ont pas la foi.
Aujourd’hui, le père Francesco est délivré, mais il devrait
être remercié de toutes les souffrances dont il a pâti. Sa part
de ténèbres, vécue et offerte à Dieu, a permis à beaucoup de
gens de trouver la lumière, j'en suis convaincu.
Certes, il est terrible qu’un religieux, c'est-à-dire quelqu’un
qui a voué son existence à Dieu, tombe entre les mains du
démon, mais cela ne doit pas nous étonner tant que cela.
Personne n’est à l’abri des attaques du mal, pas plus les re-
ligieux, les prêtres, les moines et les moniales, les évêques,
les cardinaux, le pape. Personne n’est à l'abri.
Quand je pense aux cas de possession des hommes d’Église,
je peux dire que je suis persuadé que Satan se déchaîne
d’une manière particulièrement violente contre eux. Lors-
que leur foi n'est pas à toute épreuve, lorsqu’ils ne prient pas
suffisamment, ils risquent de céder à la tentation et, comme
tout un chacun, de se damner.
D'ailleurs, Satan soumet davantage à la tentation ceux qui se
consacrent à Dieu parce que, pour lui, conquérir un homme
de foi signifie, comme par un effet de domino, conquérir
d’innombrables autres âmes, les âmes de ceux qui sont liés à
l'homme de foi. Un prêtre en enfer entraîne avec lui tant
d’autres âmes.
En outre, Satan aime s’attaquer à ceux qui refusent de lui
céder. Parfois, il prend également pour cible des personnes,
prêtres, moines et moniales, voire laïcs, qui sont d’une in-
tégrité à toute épreuve dans leur combat contre le mal.
Satan est le mal et, souvent, le mal est aveugle. Souve-
nez-vous de Jésus. Pensez à ce qu’il a dû endurer avant de
mourir. Il était l'Agneau innocent. Il avait à ses côtés Dieu
même, son père, mais le mal ne l'a pas épargné. Il s’est
abattu sur lui au point qu’il en est mort.
Au fond, on peut aussi interpréter la possession comme au-
tant d'attaques violentes du démon qui, sans discrimination,
frappe également les innocents.
Par ailleurs, la possession, comme le mal en général, n'a pas
toujours de raison. La personne la plus sainte et la plus in-
nocente de ce monde pourrait être frappée par le démon.
C’est là l'un des grands mystères de la vie : la cécité du mal.
C’est pour cette raison que je ne cherche pas trop à donner
des explications aux possessions. Elles sont, c’est tout.
Contre elles, il faut prier Dieu. Prier, prier et encore prier.
Le même genre de mésaventure est arrivé à Mario. Mario
n’est ni prêtre ni même religieux. Avant d’être possédé,
c’était un père de famille tout ce qu'il y a de plus normal qui
avait la foi. Il était un manager respecté, fortuné, et sa fa-
mille se portait le mieux du monde, jusqu’au jour où il dut
prendre sa retraite.
Alors qu’il se trouvait enfin en mesure de consacrer davan-
tage de temps à lui-même et à son esprit, quelque chose
d’étrange s’immisça en lui. C’était Satan en personne.
Par une belle matinée ensoleillée du mois de juin à Berne,
en Suisse, Mario se rend pour la dernière fois à son bureau.
Après quarante années de dur labeur et d’une carrière qui
l’avait conduit au sommet de la médecine du pays, Mario
ferme pour la dernière fois la porte de sa clinique.
Mario n'est pas homme à regarder en arrière. Il ne connaît
pas le mot « nostalgie » : il aime regarder vers l’avant, vers
l’avenir et les années qu’il va consacrer à sa femme Milena et
à Dieu. D'ailleurs, il a le projet de voyager avec son épouse et
de consacrer ensemble du temps à leur âme et à leur esprit.
Mario est un catholique pratiquant qui compte parmi les
fidèles les plus dévots de sa paroisse. Son dernier jour de
travail est aussi un jour de fête qui marque la fin d'une par-
tie de sa vie et la chance d’un nouveau commencement.
Entre les adieux à ses collaborateurs, la journée s’écoule très
vite. Le soir, avant de rentrer chez lui, Mario s’arrête chez un
fleuriste pour prendre un bouquet pour son épouse. Il entre
enfin chez lui, embrasse sa femme et s’installe à table pour
le dîner.
— Mario, avant de commencer, nous pourrions rendre
grâce à Dieu.
Milena récite un Gloria al Padre tandis que Mario, de ma-
nière insolite, ne prononce pas un mot.
— Tu ne veux pas prier avec moi, Mario ?
Au lieu d’arborer comme la minute précédente un visage
plein d'amour pour son épouse, Mario la regarde avec des
yeux chargés de haine.
— Ferme-la ! hurle-t-il.
Il se lève de table et va s’enfermer dans la salle de bains.
Milena est abasourdie.
— Mario, que se passe-t-il ?
Silence.
— Mario, dis-moi quelque chose !
Toujours rien.
Au bout de plusieurs appels, Mario ouvre la porte. Il semble
avoir retrouvé ses esprits.
— Excuse-moi, ma chérie, dit-il. Je ne sais pas ce qui
m’a pris. Retournons dîner.
Les jours suivants, tout semble normal. Les deux époux sont
ravis d'être ensemble et, du moins pour Milena, cette fa-
meuse soirée n’est qu'un mauvais souvenir.
Elle se dit que son mari a dû avoir une dernière journée au
bureau particulièrement stressante, mais elle pense que tout
est rentré dans l'ordre désormais.
En vérité, cela ne fait que commencer. Mario a appris à si-
muler. Il ne veut pas blesser sa femme, mais, lorsqu’elle
prie, cela le rend fou. Il parvient cependant à dissimuler sa
rage, voire à prier avec elle tout en sentant, dans les pro-
fondeurs de son être, quelque chose de tapi, qui serait en
train de se réveiller chaque fois que Milena dit une prière.
Qu’est-ce donc ? se demande-t-il.
Mais, surtout, qui est-ce ?
Il n'est pas toujours facile pour Mario de dissimuler cette
nouvelle présence qu’il sent l'envahir. Le dimanche, à la
messe, c’est une heure de combat forcené contre lui-même :
Mario contre Mario, l’âme de Mario contre l’âme de Mario.
Ou plutôt, Mario contre une présence dans son âme. Mario
le sent. Il sait qu’il est là, mais il ne sait pas lui donner de
nom.
Le dimanche, lorsque le prêtre entame la messe, Mario a
l'impression que toute la haine du monde se concentre en
lui. Une haine qu’il ne peut expliquer. Féroce. Violente.
Homicide.
C’est un sentiment qui provient d’un monde lointain, noir,
isolé. Un monde où le désespoir règne.
Il fait donc mine de rien, mais ce n’est pas facile, d’autant
que, plus les jours passent, plus les assauts sont violents et
difficiles à contenir.
Un jour, les deux époux sont à table, un moment de la
journée que Mario redoute plus particulièrement parce que
Milena tient toujours à prier. Donc, ce jour-là comme les
autres, Mario n’ose pas lui demander de s’en abstenir.
— Mario, disons un Ave Maria.
— D'accord.
Avec un effort surhumain, Mario parvient au bout de la
prière, mais Milena a remarqué son trouble et, dans son
cœur, elle récite une deuxième fois l’Ave Maria en silence.
Mario, ou plutôt celui qui se tapit en lui, entend cette prière
qui sort du cœur de Milena.
Et il attaque !
Mal préparé, puisqu’il n’entend pas la prière silencieuse de
Milena, Mario n’a pas le temps de s’opposer à celui qui est
en lui et qui secoue son corps d’une volonté qui n'est pas la
sienne.
C’est lui qui agit et, en même temps, ce n'est pas lui.
Il se lève d’un bond et donne un grand coup sur la table !
— Ferme-la ! hurle-t-il. Ferme-la donc ! Tu n’as pas
compris que tu devais arrêter de prier ? Arrête, ça suffit. Ça
suffit !
Il rapproche son visage jusqu’à pratiquement toucher celui
de Milena, mais, malgré une pâleur livide, elle ne bronche
pas.
Mario se reprend presque aussitôt.
— Ma chérie, je suis désolé. Je ne sais vraiment pas ce
qui se passe. Je sais seulement que, chaque fois que
quelqu’un prie, je sens monter en moi une aversion dé-
mente. Je dois me retenir pour ne pas hurler ou ne pas at-
taquer celui ou celle qui prie.
Je pensais qu’à la retraite je pourrais me consacrer davan-
tage à Dieu, eh bien, non. Aujourd’hui, s’il y en a un que je
ne peux pas approcher, c’est bien Dieu.
Les deux époux passent ainsi plusieurs mois difficiles. Au
départ, ils consultent les médecins, mais les problèmes de
Mario s’aggravent. Les médecins lui prescrivent des cal-
mants : sur lui, ils ont un effet excitant.
Il passe des heures enfermé dans la chambre d’amis, son
seul refuge où il demeure des journées entières, ne sortant
que pour se rendre aux toilettes.
Pas toujours d’ailleurs, car il lui arrive de déféquer et
d’uriner sur place. Dans ce cas, de plus en plus épuisée, Mi-
lena doit nettoyer les dégâts pendant les quelques minutes
où Mario la laisse entrer.
Un jour, elle décide qu’il est temps de secouer son mari et,
pour la première fois, elle fait irruption dans la pièce sans le
prévenir. Elle ouvre la porte et découvre un spectacle qui la
glace d'effroi.
Mario, qui ne s’est pas rasé depuis plusieurs jours, est al-
longé sur le sol, et sa barbe est si longue qu'elle descend
jusqu’à son torse. La pièce exhale une odeur nauséabonde,
une odeur de porcherie avec quelque chose de plus. Une
odeur inconnue et terrible.
Une odeur de mort. Une puanteur qui semble venir d'un
abîme. Milena lève la tête et, pendant quelques secondes,
elle ne peut en croire ses yeux : sur le mur, écrit en lettres de
sang, elle lit : « Je suis Dieu », et la phrase est surmontée
d'une croix inversée.
— Mario, qu’as-tu donc fait ?
— Qui es-tu ? Hors d’ici !
— Mario, c’est moi, Milena. Mais qu’as-tu fait ?
— Va-t’en ! Je ne sais pas qui tu es ! Va-t’en !
— Je ne sors pas tant que tu ne me dis pas ce que tu as
fait.
Mario se lève et repousse violemment Milena hors de la
chambre avant d'en refermer la porte.
Elle se relève du palier où elle était tombée et se met à
bourrer la porte de coups de poing.
— Mario, Mario ! Arrête ! crie-t-elle avant d’éclater en
sanglots qui dureront plusieurs longues minutes.
Cela ne sert à rien. Mario n'ouvre pas et ne répond pas plus.
Au bout d’un long moment, cependant, Milena entend :
— Je ne suis pas moi.
— Comment, Mario ? Qu’as-tu dit ?
— Ce n’est pas moi, tu comprends ? C'est lui !
— Lui qui ?
— C’est lui qui me possède. C’est lui qui fait tout. Je
t’en supplie, aide-moi !
Cet instant est un « vide », où la volonté de l'homme
cherche encore à se retenir à la vie en reniant la présence
maléfique. C’est ainsi que Milena comprend qu’il est gran-
dement temps d’agir.
Elle quitte la maison et se rend sur-le-champ à la paroisse
où le curé la reçoit.
— Mon père, lui dit-elle, je n’en peux plus. Mario a be-
soin d’aide ou ce sera la fin.
Milena et le curé s’adressent ainsi à tous les évêchés de
Suisse, mais personne ne paraît être en mesure de les aider -
ou peut-être personne ne paraît vouloir les aider.
Il est une vérité bien amère, en effet, c’est que personne ne
croit à Satan. Comme on n’y croit pas, on ne croit pas da-
vantage au pouvoir de l'exorcisme.
C’est ainsi que les deux compagnons finissent par s’adresser
directement à Rome et, après un coup de téléphone, c’est
sur moi qu’ils tombent.
Je sonne à la porte des deux époux quelques jours avant
Noël. Le curé de Mario et de Milena m’a donc contacté en
m’implorant d’intervenir.
Les cas d’exorcisme que je dois traiter ne manquent pas, et
je n’ai pas besoin d’en hériter d’un nouveau, mais le curé a
tellement insisté !
Et quand on insiste, je ne sais pas dire non. J’aurais préféré
qu’ils viennent me voir, mais Milena n’a pas réussi à per-
suader son mari.
— Allez, Mario, allons voir le père Amorth. Il nous ai-
dera vraiment.
— Non. Si tu veux, il n’a qu’à venir. Moi, je ne bouge
pas.
Lorsque la possession est aussi profondément enracinée, il
est difficile de comprendre où finit la volonté de l’homme et
où commence celle du diable.
Je sonne donc à leur porte. Milena est une femme déjà âgée,
aux yeux gonflés comme si elle passait ses journées à pleu-
rer, mais c’est aussi une femme énergique et forte, et, heu-
reusement, elle possède une foi indéracinable.
— Mon père, si vous saviez à quel point je suis soulagée
que vous soyez venu jusqu'ici. Mon mari est dans le salon et
il vous attend.
J’entre dans le salon et je découvre un homme maigre, à la
barbe et aux cheveux longs.
— Bonjour, vous devez être Mario, n’est-ce pas ?
Pas de réponse.
— Mario, voulez-vous bien m’écouter ? Je suis le père
Gabriele Amorth, et on m’a dit que vous aviez besoin de
moi. Pouvez-vous m’écouter ?
Aucune réponse, ni réaction : Mario donne l'impression
d’être une statue de sel, et son regard semble perdu dans le
vide.
— Madame, vous répond-il à vous ?
— Pratiquement jamais. Désormais, quand il
m’adresse la parole, c’est uniquement pour me hurler des
insultes incohérentes. Mon Père, aidez-nous, je vous en
prie.
— Mario, je suis le père Amorth. Je vais dire une prière
pour vous, d’accord ?
Pas de réponse.
Je commence la prière de l’exorcisme, et Mario ne réagit
pas. Il ne bouge pas plus qu’il ne parle.
Je vais jusqu’au bout de l’exorcisme sans aucun problème.
Puis, je salue Milena et lui promets de revenir le lendemain.
— À demain, donc. Si Mario est véritablement possé-
dé, ce diable qui le tient sait vraiment se dissimuler !
Le lendemain, la même scène se répète. Mario est installé
dans le salon avec les mêmes vêtements, la même posture et
le même visage.
Il ne répond pas plus à mes questions et ne réagit pas pour
autant à l'exorcisme. Cela durera un mois. Je lui rends visite
trois fois par semaine, et ses réactions, ou plutôt ses ab-
sences de réaction ne changent pas. Je ne sais que faire, ni
que penser. Je propose alors à son épouse de choisir une
autre voie.
— Pourquoi ne tentez-vous pas d’appeler une autre per-
sonne ? Il y a dans le nord de l’Italie, pas loin d’ici, un ex-
cellent exorciste. Je crois qu'il faut essayer avec une autre
personne. Avec moi, il ne réagit pas. Peut-être le diable est-il
trop intelligent et a-t-il compris que le fait de continuer à se
cacher était la seule issue possible. Or, si quelqu’un d’autre
prend ma place, la réaction peut être différente.
Je prends contact avec ce prêtre qui est également un ami.
Le père Saverio se rend chez Mario dans le mois suivant.
Le lendemain du jour prévu pour leur rendez-vous, j’appelle
Saverio.
— Comment cela s'est-il passé ?
— Une possession terrible.
— Vraiment ? Avec moi, Mario ne réagissait pas.
— Avec moi, si. À peine avais-je entamé l'exorcisme
que ses yeux sont devenus blancs et qu’il s’est jeté au sol, la
bouche écumante. Mais il ne m’a pas parlé, non. Il m'a seu-
lement dit : « Tu ne sais pas qui je suis, moi, le prince des
ténèbres !
Je suis Satan ! Que crois-tu que puisse me faire un prêtre ? »
Je crois que ça va être extrêmement difficile.
Mario et Milena voient ainsi le père Saverio à plusieurs re-
prises au cours des semaines suivantes, mais l’exorciste ne
réussit pas à délivrer Mario de son emprise.
Un an plus tard, je suis chez moi quand le téléphone sonne.
— Bonjour, père Amorth, je suis Milena, l'épouse de
Mario. Vous vous souvenez de moi ?
— Bien sûr. Comment pourrais-je vous oublier ?
Comment allez-vous ?
— Moi, je vais bien.
— Et votre mari ?
Silence.
— Madame, il y a quelque chose qui ne va pas ? Com-
ment va votre époux ?
— Il est mort hier soir.
— Madame Milena, je suis désolé. Comment est-ce
arrivé ?
— Il s’était enfermé dans la chambre, et je l'entendais
hurler. À un moment, il a dit : « Laisse-moi tranquille !
Laisse-moi tranquille ! » Puis, j’ai entendu un bruit sourd.
J’ai ouvert la porte et je l'ai trouvé là, mort. Il avait eu un
infarctus. Père Amorth, il n’a jamais été délivré, il n’a jamais
été délivré...
Inconsolable, Milena sanglote au bout du fil.
— Chère Milena, cela signifie cependant que tout est
terminé. Mario est en paix désormais.
— Comment le savez-vous ?
— Milena, votre mari était un saint homme.
La possession demeure un mystère, mais il est sûr que Dieu
permet ces souffrances pour le salut de son âme et de celle
de nombre d'autres personnes.
— Mon père, mon mari était un vrai saint. Je ne com-
prends pas la raison de cette possession.
— Milena, ne vous faites pas du mal en vous posant
trop de questions. Priez pour Mario et ayez confiance : dé-
sormais, tout s’est résolu pour le mieux pour lui.
Le combat contre le diable en est un rude, que l'on peut
perdre. Nous, exorcistes, le menons au front, mais avec
nous, en première ligne, il y a aussi les possédés.
À leur manière, ils combattent aussi, et dans d’atroces souf-
frances. Ils le font en menant parfois une existence appa-
remment normale, parce que c'est là que réside leur croix :
être possédé tout en étant contraint à vivre comme les
autres.
Avoir en soi un feu qui vous dévore sans pouvoir le dire à
quiconque.
Simone est une femme de quarante ans. Elle est cadre dans
une importante compagnie du nord de l’Italie et, tous les
jours, elle doit gérer des personnes, que ce soit sa secrétaire
personnelle, ses collègues, les clients au téléphone, les réu-
nions, etc. Elle exerce un emploi exaltant, très exigeant,
certes, mais également convoité. Pour parvenir à son ni-
veau, Simone a dû s’adonner à des jeux pas toujours très
nets, c’est le moins qu’on puisse dire.
Elle a conclu un pacte avec Satan.
— Je te vends mon âme et tu m'aides à atteindre les
sommets, a déclaré Simone à Satan lors d'une séance de
spiritisme à laquelle elle avait été invitée par une adepte
d’une puissante secte satanique.
Avant de l’inviter, cette personne lui avait dit :
— Simone, tu veux faire carrière et gagner beaucoup
d'argent ? Vends donc ton âme à Satan. Tu verras que tu en
tireras de nombreux avantages !
Dès le début de la séance, à peine assise, Simone fit exac-
tement ce que son ami lui avait conseillé.
Et que fit donc Satan ? Il accepta sur-le-champ.
En l’espace de cinq mois, Simone franchit tous les niveaux
hiérarchiques décisifs vers les postes les plus enviés de la
direction. De simple employée, elle se retrouve cadre avec
un salaire plus de trois fois plus élevé et des intéressements
à n’en plus finir.
Mais le pacte avec le diable a un prix. Offrir son âme au
démon revient à vivre, en effet, avec une épée de Damoclès
pendue au-dessus de sa tête.
Simone se rend rapidement compte que la présence de Sa-
tan dans sa vie est tout sauf discrète. Il se rend souvent vi-
sible, même sur son lieu de travail. Du reste, pourquoi se
gênerait-il ? L’âme de Simone est sienne, et il peut en faire
ce qui lui plaît !
Comment Satan se manifeste-t-il ? Par des attaques fu-
rieuses, des assauts de haine et de colère qui contraignent
Simone à se réfugier dans les toilettes pour ne pas provo-
quer d’incidents graves dans les bureaux de sa compagnie.
Souvent, c'est lorsqu'elle se retrouve seule avec sa secré-
taire. D’un coup, une vague de haine déferle dans son esprit,
et tout en elle s’écrie : « Jetez-vous sur elle ! Frappez-la !
Tuez-la ! »
Dans ce cas, Simone s'enfuit et s'enferme dans les toilettes
en donnant des coups de pied et de poing sur les murs ou en
se frappant la tête contre le carrelage jusqu’au moment où
elle retrouve son calme.
Les coups sont souvent d’une violence inouïe et, lorsqu’elle
sort enfin des toilettes, il lui est difficile d’en masquer les
traces. Mais elle n’a pas le choix, car, si elle ne s’éloigne pas,
les conséquences sur son entourage pourraient être dévas-
tatrices. Après la crise, tout semble revenir à la normale,
jusqu'à la crise suivante.
Simone découvre bientôt que le pacte avec le diable consti-
tue un véritable boomerang pour sa vie à elle. C’est certain :
elle gagne beaucoup d’argent et occupe un poste important,
mais sa vie est désormais devenue un enfer, dans le véri-
table sens du mot.
Satan ne lui laisse pas un jour de répit et se manifeste même
dans les moments les moins opportuns. Simone réalise alors
qu'elle ne pourra s’en libérer seule.
C’est la raison pour laquelle elle vient requérir mon aide.
Immédiatement, je la mets sous un régime de prière quoti-
dienne. Je lui recommande également de couper toute rela-
tion avec la personne qui l'a incitée à assister à la séance de
spiritisme. Je perçois nettement l’influence négative de cette
personne sur la vie de Simone et je lui conseille de ne plus la
voir. Puis, j’ajoute :
— Une fois par semaine, nous procéderons à un exor-
cisme et nous verrons comment les choses se passent.
— Et lorsque Satan m’attaque sur mon lieu de travail,
mon Père ? Que dois-je faire ?
— D’abord, il faut vous cacher. Pour le moment, con-
tentez-vous de cela. Vous n'arriverez pas à lui résister, mais
essayez de prier tout en restant cachée. Essayez de réciter la
prière suivante : « Ô Marie, conçue sans péché, priez pour
nous qui avons recours à vous. »
Vous savez, c'est la seule prière que la Vierge ait jamais dic-
tée, et c'en est donc une extrêmement importante parce
qu’elle vient directement du cœur de Notre-Dame. Voilà
comment les choses se sont passées. Dans la nuit du 18
juillet 1830, Catherine Labouré, une novice qui appartient à
l'ordre des Filles de la Charité de Saint-Vincent-de-Paul,
s'entend appeler du pied de son lit :
« Sœur Labouré ! Sœur Labouré ! » Elle se réveille en sur-
saut et aperçoit un enfant resplendissant de lumière, son
ange gardien, qui l’invite à la suivre : « Viens à la chapelle, la
Vierge Marie t’attend. » Catherine s’habille et suit l’ange
dans la chapelle. Dans le chœur, la Vierge apparaît et en-
tame avec Catherine un échange qui durera plus de deux
heures. Avant de disparaître, la Vierge dit à Catherine : « Je
reviendrai, ma fille, parce que j’ai une mission à te confier. »
À un moment, le petit globe que Marie tenait entre ses
mains contre son cœur disparaît vers le haut, et ses mains
s’abaissent pour éclairer le plus grand globe sous ses pieds
de grands rayons lumineux, symboles de sa grâce. La figure
est alors entourée d’un anneau ovale avec les mots de la
courte prière : « Ô Marie, conçue sans péché, prie pour nous
qui avons recours à vous. »
Puis, le tableau paraît se retourner, et la silhouette de la
Vierge s’évanouit en laissant au centre un grand M, initiale
de Marie, surmonté de la Croix, avec, au-dessous, deux
cœurs, celui de Jésus et celui de Marie. Autour du tableau,
douze étoiles. La jeune religieuse entend enfin une voix qui
lui enjoint de faire frapper des médailles en reprenant ces
images, car « tous ceux qui la porteront fidèlement rece-
vront de grandes grâces ».
La médaille de la Vierge, frappée en 1832, fut extrêmement
populaire, notamment pendant l'épidémie de choléra de la
même année, au point qu’elle prendra le nom de « Médaille
miraculeuse » en raison du nombre de grâces spirituelles et
matérielles obtenues par ceux qui s’en remettent à Marie.
Quelques jours plus tard, la Vierge apparaît encore à Cathe-
rine. Cette fois, elle est vêtue d’une robe blanc pur, d’un
manteau bleu vif, d’un voile blanc, et elle se tient sur un
demi-globe autour duquel s’enroule un serpent verdâtre. À
la hauteur du cœur, elle tient amoureusement un globe plus
petit, surmonté d’une croix d’or, qu'elle offre à Dieu avec
une attitude toute maternelle. La jeune fille entend une voix
qui lui dit : « Ce globe symbolise le monde entier et chaque
âme en particulier. » Puis, les doigts de la Vierge se rem-
plissent d’anneaux superbes, ornés de pierres précieuses qui
irradient de lumière.
Après avoir raconté cette histoire à Simone, j’ajoute :
— Voilà, mettez la médaille autour de votre cou et,
lorsque les attaques de Satan sont particulièrement vio-
lentes, récitez la prière de Marie avec toute la foi dont vous
êtes capable.
Simone retourne à ses occupations. Dans l'ensemble, les
séances d’exorcisme s’avèrent plutôt calmes, et le diable
parvient à demeurer caché.
Apparemment, Simone va bien, mais, lorsqu’elle retourne
sur son lieu de travail, voilà qu'il se manifeste dans toute sa
puissance.
Dès le début, j’ai été clair en disant à Simone que tout
n’allait pas se résoudre en quelques minutes.
— Vous avez vendu votre âme à Satan, lui ai-je dit, et,
pour la récupérer, il faudra des années. J'en suis certain.
Au travail, Simone essaie de mettre en pratique ma « tech-
nique ». Lors des crises, elle se réfugie dans les toilettes et
récite la prière que je lui ai enseignée en serrant la Médaille
miraculeuse. Au début, cette prière n’a aucun effet, mais, au
bout de quelques mois, Simone peut constater un premier
résultat.
Lorsqu’elle sort des toilettes, elle n'est plus couverte de
bleus et d’hématomes. Elle continue de frapper le mur de sa
tête, de ses poings et de ses pieds, mais, mystérieusement,
son corps n'en conserve aucune trace.
— Vous avez vu ? lui dis-je. Satan est encore en vous,
mais la Vierge joue également son rôle protecteur. Vous
verrez, tout finira par s’arranger.
Deux années s'écoulent et, au travail, Simone se retrouve
devant un sérieux dilemme : son PDG lui offre sur un pla-
teau d’argent une nouvelle promotion. Ce serait l’apogée de
sa carrière puisqu'il lui propose de devenir vice-présidente,
soit le numéro deux de l’entreprise. Seul écueil, il faut li-
cencier l'actuel vice-président.
Lorsque Simone me parle de cette proposition, je lui ré-
ponds :
— Renoncez à cette promotion. Il s’agit d’une épreuve
que le ciel vous envoie. C'est Satan qui a fait votre carrière.
Maintenant, c'est lui qui vous offre cette nouvelle promo-
tion. Il est évident qu’il s’agit de Satan puisque votre pro-
motion dépend du malheur de l'un de vos collègues. Vous
devez absolument renoncer. Ayez foi en Notre-Dame. Si
vous acceptez, ce sera pour le diable la preuve que vous êtes
toujours de son côté, et il utilisera cette preuve contre la
Vierge et devant Jésus-Christ. Renoncez et gardez foi en
Marie.
— Mais, père Gabriele, si je refuse, un autre acceptera à
ma place, et le vice-président sera quand même licencié.
— D’accord, mais vous aurez la conscience tranquille. Et
le fait de dire non à Satan contribuera de manière non né-
gligeable à votre délivrance.
Simone refuse donc la proposition de son supérieur qui,
incrédule, prend acte de sa décision. À partir de ce moment,
la carrière de Simone commence à dégringoler de manière
vertigineuse et, six mois plus tard, elle est licenciée.
Est-ce la fin ? Pas du tout : c’est le commencement.
Simone reste au chômage pendant deux ans, deux années
très difficiles, au cours desquelles je la soutiens en lui en-
joignant de garder la foi, mais elle finit par être délivrée.
Cela se passe un après-midi alors qu'elle est chez elle avec
une amie. Brusquement, la présence de Satan se manifeste.
Simone sent monter la haine, la haine contre le monde en-
tier et plus particulièrement contre cette amie qu’elle a envie
de tuer. Elle court se réfugier dans la salle de bains, mais, au
lieu de frapper les murs, elle hurle et elle hurle. Lorsque son
hurlement cesse, elle est délivrée. Dans les jours qui suivent,
sa vie change du tout au tout, et elle trouve un nouvel em-
ploi.
La lumière est revenue dans son existence.
Simone découvrira ensuite autre chose. Au cours de ces
années, sans le lui en parler, j’ai demandé à de nombreuses
personnes de prier pour elle, et ces prières lui ont été utiles.
Les gens qui prient pour autrui sont une bénédiction du ciel,
et une bénédiction pour mes exorcismes.
Au cours de ces années, j’ai été soutenu moi aussi par toutes
ces prières et toutes ces personnes qui ont prié. Parmi elles
se trouve une personne particulière, une personne qui pos-
sède un charisme exceptionnel et sans laquelle mon travail
eût été beaucoup, beaucoup plus difficile.
Un beau jour, j’ai la visite d’une jeune pharmacienne qui est
possédée et ne parvient pas à être délivrée. Elle me dit ce-
pendant que sa vie s’est beaucoup améliorée depuis qu'elle a
fait la connaissance du « Professeur ».
— Depuis que vous connaissez qui ?
— Le Professeur, père Amorth. C’est comme ça que tout
le monde l'appelle. Il vit dans un petit village du centre de
l’Italie. C’est lui qui m’a aidée et qui m’a parlé du mouchoir
rouge.
— Je vous demande pardon, mais je ne vous suis pas
bien. Qu'est-ce que c’est que cette histoire de mouchoir ?
— Un jour, une amie, qui était au courant de ma condi-
tion, m’a donné le numéro de téléphone de ce professeur en
me disant qu’il serait capable de m’aider parce qu’il était
médium. Je l'appelai donc et lui racontai mon histoire en lui
demandant s’il pouvait faire quelque chose. Sans m’avoir
vue, au téléphone, il me dit d’aller dans ma chambre et de
regarder dans l’armoire à trois portes. « Au fond du com-
partiment de gauche, continua-t-il, est dissimulé un mou-
choir rouge portant un nœud. Prenez-le et brûlez-le. Ce
mouchoir est maudit. Si vous le faites, votre vie
s’améliorera. » Incrédule, j’allai dans ma chambre et j’ouvris
l’armoire et, en effet, je trouvai au fond du côté gauche ce
mouchoir rouge. Je ne savais pas comment il était arrivé là,
mais il y était. Je l’ai emporté et je l'ai brûlé. Et je me suis
aussitôt sentie bien mieux.
Tandis que j’écoutais cette histoire, je n’imaginai pas une
seconde que, peu de temps après, ce professeur me devien-
drait également indispensable. Je n’imaginais pas que ce
serait lui qui m’aiderait le plus, notamment lorsque je ren-
contrerais des cas de possession que je n’arriverais pas à
résoudre.
Le Professeur est donc un médium du centre de l’Italie. Il
possède ce don particulier qui lui permet de reconnaître,
simplement au téléphone, si la personne qui lui parle est ou
non possédée. Mais pas seulement : il sait aussi dire d’où
vient la possession, si elle est provoquée par un maléfice jeté
par un mage, par un adepte du satanisme ou qui que ce soit
d’autre.
Je l’ai appelé d’innombrables fois, mais je ne l’ai jamais
rencontré en personne.
Ainsi, je me dis que je pouvais lui parler de Gianluca. Gian-
luca est un homme qui subit une possession particulière-
ment profonde et grave. Lors de notre première rencontre,
je lui demande depuis combien de temps il souffre de ces
troubles.
— Depuis ma plus tendre enfance.
— Et pendant toutes ces années, qu’avez-vous fait pour
combattre ces phénomènes ?
— Père Gabriele, je n'ai rien fait du tout.
Gianluca a cinquante ans, et il n’a jamais mis les pieds dans
une église. Il dit qu’il n’est pas croyant et va même jusqu’à se
déclarer athée.
À partir de l’âge de six ans, il commence à souffrir de légers
troubles : la nuit, il a du mal à dormir et entend des voix
dans le noir : « Gianluca, Gianluca, tu ne peux pas dormir.
Nous sommes là, tu dois faire attention. Gianluca, tu ne
peux pas dormir. Nous allons venir te prendre pour t'em-
mener, Gianluca... »
Ses parents, qui ne font pas grand cas de ces phénomènes,
se disent que cela lui passera avec l'âge.
Gianluca essaie également de ne pas y penser, mais les mois
passent, et les voix ne cessent jamais. Pis, les troubles aug-
mentent. L'enfant passe ses nuits sans dormir et, le jour, il
est très agité, toujours furieux contre tout et tous. Ses pa-
rents pensent qu’il souffre de troubles caractériels et le font
suivre par un psychologue.
Mais la situation, au lieu de s’améliorer, empire encore. Plus
Gianluca grandit, plus ces troubles « caractériels » se font
aigus.
À l’école, tout va mal.
Dès les classes élémentaires, il éprouve des problèmes rela-
tionnels : ses camarades l’écartent ou se moquent de lui. Ils
n’ont aucun respect pour lui. Gianluca souffre largement de
cette situation, mais ses parents ne lui sont pas d'une grande
aide, pas plus que les enseignants qui ne savent que dire que
« cela arrive dans toutes les familles d’avoir une pomme
pourrie dans le panier ».
Au fil du temps, Gianluca n'arrive à nouer aucune relation.
Il n’a pas d’amis, pas de fiancée, il n’est jamais amoureux. Il
laisse tomber ses études pour chercher du travail, mais il
n’en trouve pas.
Il demeure ainsi au chômage pendant des années, réussis-
sant de temps en temps à vivre de petits boulots qui ne du-
rent jamais bien longtemps.
Et toujours, les voix sont là. Elles le suivent et le tourmen-
tent sans relâche. À présent, elles ne se font pas seulement
entendre la nuit, mais aussi le jour, de manière incessante.
Elles le dérangent vingt-quatre heures sur vingt-quatre. De
plus, elles sont devenues plus nombreuses, voire in-
nombrables. La vie de Gianluca est un cauchemar infini. Les
médecins ne savent plus que faire de lui, les traitements ne
le calment pas, les psychothérapies ne donnent rien.
— Il est peut-être simplement fou, pensent la plupart
des gens.
La religion, le christianisme sont autant de sujets qui ne
l'intéressent pas. Un jour, sur Internet, il lit l'histoire d’une
personne qui, comme lui, a entendu des voix pendant des
années et qui, après d’atroces souffrances, ne les a plus en-
tendues grâce à l’aide d’un exorciste du nom de Gabriele
Amorth.
Gianluca déniche donc mon numéro de téléphone et
m’appelle pour que je lui fixe un rendez-vous.
— Donc, pendant cinquante ans, vous n’êtes jamais allé
à l'église ?
— Jamais.
— Êtes-vous baptisé ?
— Non.
— Vous savez ce qu'est l’eucharistie ?
— Non.
— Savez-vous ce que cela signifie de vivre éter-
nellement en dehors de la grâce de Dieu ?
— Non.
— Gianluca, pourquoi êtes-vous venu me voir, moi ? Je
suis exorciste de l’Église catholique !
— Je le sais bien.
— Vous comprenez ce qu’est un exorciste ?
— Quelqu’un qui chasse le diable, je crois.
— Vous croyez... Toutefois, il faut que vous sachiez que
c’est quelqu’un qui le chasse non pas en son propre nom,
mais au nom de Jésus-Christ. Vous pensez que le diable est
en vous ?
— Plusieurs diables, peut-être. Les voix que j’entends
sont si nombreuses et si différentes.
— Savez-vous que, si les démons se sont emparés de
vous, et si vraiment ces démons sont là depuis votre plus
tendre enfance, la bataille pour vous en délivrer sera extrê-
mement difficile et peut-être impossible à remporter ? Vous
comprenez bien que vous devrez accepter que ce sera le
Christ qui vous délivrera ? Si ce n'est pas le cas, Jésus ne
pourra rien.
Silence.
— Écoutez, Gianluca, pour vous aider, je dois d’abord
chercher à savoir si vous êtes réellement possédé et, le cas
échéant, quand et pourquoi cette possession a commencé.
La découverte de la cause peut être un bon début. C'est pour
ça que je vous demande de rentrer chez vous et de télépho-
ner à ce numéro. Il s’agit d’un médium. Je pense que vous
êtes suffisamment décidé et courageux pour le faire. Quoi
qu’il en soit, ce n’est qu’un coup de fil. Appelez-le et de-
mandez-lui de vous aider. Demandez-lui aussi s’il pense que
vous êtes vraiment possédé et comment le diable aurait pu
entrer en vous. Puis, demain, revenez me voir pour me ra-
conter tout cela.
Gianluca rentre chez lui, s'assied dans un fauteuil et com-
pose le numéro du Professeur.
— Bonsoir, je vous prie de m’excuser de vous déranger,
mais c’est le père Amorth qui m'a donné votre numéro...
— Dites-moi tout.
— Voilà, je voudrais savoir...
— ... si vous êtes possédé.
— Exact.
— Comment vous appelez-vous ?
— Gianluca.
— Quel âge avez-vous ?
— Cinquante ans.
— Gianluca, vous êtes fils unique, n’est-ce pas ?
— Oui.
— C’est à l'âge de six ans que vous avez commencé à
entendre ces voix la nuit, et ces voix vous empêchaient de
dormir ?
— Exact.
— Vous l’ignorez, mais, à cette époque, une personne
proche de votre famille [le Professeur donne à Gianluca le
nom et le prénom de cette personne] a jeté le mauvais œil
sur votre mère.
Cette personne a payé grassement un mage qui a demandé
de l'aide à Satan, et le sort a réussi. Plusieurs démons se
sont emparés de votre mère, mais aussi de vous. Vous souf-
frez à cause de ce puissant maléfice.
— Je ne sais que vous répondre. Je sais que cette per-
sonne haïssait mes parents, mais je ne pensais pas que...
— Le mal est imprévisible. Il frappe des manières les
plus étranges, mais il frappe. À mesure que vous grandis-
siez, ces voix se faisaient plus difficiles à supporter. Les
médecins n’ont jamais réussi à vous soigner, et vous en avez
pourtant consulté tant et tant ! À l’école, vous avez été mis à
l'écart, et vos camarades se moquaient de vous. Vous n’avez
jamais trouvé d'emploi stable. Les années ont passé, et les
voix n’ont nullement cessé de vous persécuter. Elles sont
devenues toujours plus fortes et plus envahissantes, et, à
présent, vous voulez vous en libérer avec l'aide du père
Amorth.
— Écoutez, je ne comprends pas comment vous faites
pour savoir tout cela ! Avez-vous parlé au père Amorth ? Ou
avec quelqu’un de ma famille ?
— Je n’ai parlé ni au père Amorth ni à vos parents, je
n’en ai pas besoin. Je suis médium : il s’agit d’un don de
Dieu. Faites-vous aider par le père Amorth et dites-lui qu'il
doit mener ses exorcismes dans l’objectif précis de briser ce
maléfice ancien, mais encore extrêmement puissant. Je pa-
rie que ce mage est mort et qu’il ne peut plus nuire, mais il
pourrait également être encore en vie et, d’une certaine
manière, il comprendra bientôt qu'un exorciste est en train
de l’affronter. Faites confiance au père Amorth et saluez-le
de ma part. Au revoir.
Le lendemain, Gianluca revient me voir. Il me relate le coup
de fil, et j'en reste sans voix. Je comprends alors que le Pro-
fesseur peut m’aider beaucoup non seulement avec Gianlu-
ca, mais également avec d'autres possédés.
Pour la délivrance, il est fondamental de découvrir l’origine
de la possession. Ainsi, je peux exorciser Gianluca avec
l'intention précise de retirer ce sort maléfique.
Il ne suffit pas d’une seule séance d’exorcisme pour effacer
quarante années de possession. Quarante années, c’est
beaucoup de temps, énormément, et c’est un temps précieux
pour Satan qui a eu tout le loisir de s’enraciner très profon-
dément. En outre, dans le cas de Gianluca, il ne s’agit pas
d’un seul diable, mais de plusieurs.
L’entreprise est des plus difficiles, d’autant que je com-
prends rapidement que le mage est toujours en vie. Après
plusieurs coups de fil au Professeur, j’apprends que le mage
s’est aperçu que je pratiquais des exorcismes sur Gianluca et
il répète toutes les semaines son maléfice. Toutefois, il faut
savoir que la répétition d’un maléfice en diminue d’autant sa
puissance. C’est comme si je tirais d'un côté tandis que le
mage tirait de l’autre.
Mais c'est moi le plus fort parce que le Christ, qui est de mon
côté, est plus fort que Satan. Christ est Dieu, alors que Satan
n’est qu’un ange qui s’est rebellé contre Dieu pour toujours.
J’exorcise Gianluca pendant des années, au cours d'une ba-
taille extrêmement rude, mais, à la fin, c'est le Christ qui
triomphe. Le mage est vaincu. Sans l’aide du Professeur, les
choses n'auraient pas été aussi « faciles ». C’est ainsi que je
commence à conseiller également à d'autres exorcistes de
s’adresser à lui.
Nombre d’entre eux en tireront un excellent parti. Je me
souviens, par exemple, de ce qui est arrivé au père Gérard,
lorsqu’il dut un jour exercer son talent dans une certaine
maison : c'était la maison qui était possédée.
Le monde compte d’innombrables maisons hantées. Ce sont
souvent des maisons qui ont été habitées pendant des an-
nées par des satanistes, et la présence diabolique continue
de s’incruster bien après le départ de ces adeptes de Satan.
Ce sont parfois de nouvelles maisons construites, dans
l'ignorance de tous, sur un ancien cimetière et dont une âme
défunte, pour une raison ou une autre, peut avoir sur les
lieux une influence négative parfois extrêmement déplai-
sante. Ce sont encore des maisons où ont eu lieu des crimes
et des assassinats.
Le mal laisse toujours une trace derrière lui et, parfois, elle
est comme une blessure à vif d’où peut jaillir à tout moment
la malice, la perversité, la destruction ou la mort.
Le père Gérard avait donc été appelé par les nouveaux pro-
priétaires de ladite maison. Depuis leur emménagement, ils
vivaient dans une terreur continuelle. La nuit, ils enten-
daient des bruits insolites, des toussotements ; les lumières
s’allumaient et s’éteignaient ; les portes s’ouvraient et se
refermaient sans raison.
Une nuit qu'ils furent réveillés par une puanteur de gaz, ils
se précipitèrent dans la cuisine où ils découvrirent un robi-
net de gaz ouvert par on ne sait qui. Il arrivait aussi qu’ils
entendent depuis leur salon des coups frappés sur le sol de
la cuisine.
S’ils étaient dans la cuisine, ils entendaient le même genre
de coups dans le salon. S’ils s’approchaient de la pièce où
résonnaient les coups, le bruit devenait de plus en plus fort,
mais, lorsqu’ils ouvraient la porte, la pièce était toujours
déserte.
Lorsque le père Gérard vint me demander conseil, je
l'adressai au Professeur qui lui dit :
— Je vous laisse mon numéro de téléphone mobile.
Appelez-moi lorsque vous serez dans la maison, je pourrai
peut-être vous aider.
Dès qu’il se présente devant la maison hantée, le père Gé-
rard sent instinctivement que quelque chose ne va pas.
D’une manière étrange, la maison le repousse. Il veut
s’échapper, mais il se retient et va saluer les propriétaires
qui l’attendent devant la porte. Ils lui remettent les clefs et,
suivant ses conseils, ils s’absentent pour au moins deux
heures. Le père Gérard préfère être seul, car les proprié-
taires pourraient gêner sa tâche.
Il n’a jamais « désenvoûté » une maison et il hésite, un peu
effrayé. Avec ses mystères, la maison semble vouloir le re-
pousser et le capturer à la fois.
Ce n’est qu'une petite maison de campagne, avec un jardin
tout autour et, sur l’arrière, un bois épais qui grimpe à
l’assaut d’une haute colline. Très obscur, le bois est situé au
nord et il n’invite guère à l’exploration.
Prudent - et assez effrayé -, le père Gérard décide de ne pas
s’avancer davantage. Il sent dans la maison la présence
d'une force qui cherche à le troubler et qui ne veut pas qu'il
entre. Il s’empare de la clef et la glisse dans la serrure,
tourne deux fois pour déverrouiller la porte et fait deux pas
à l'intérieur.
Il découvre une grande pièce où se dresse une cheminée
éteinte pour le moment. Le sol est recouvert de grandes
dalles sombres. Il appuie sur l'interrupteur, mais la lumière
ne jaillit pas.
La pénombre est à peine troublée par quelques rayons de
lumière qui filtrent des persiennes à demi closes. Le père
Gérard essaie d’ouvrir les fenêtres, en vain : inexplicable-
ment, elles paraissent bloquées.
Une telle expérience est difficile, extrêmement difficile à
expliquer ; il faut la vivre pour comprendre ce que l’on peut
ressentir, mais, lorsqu’un exorciste pénètre dans un lieu tel
que cette maison, il sent tout autour de lui une présence qui
le scrute.
Il se sent transpercé par ce regard, même s’il ne sait pas dire
où sont les yeux qui le regardent.
Il ne sait pas dire comment ils sont, ni à qui ils appartien-
nent, mais il sait qu'ils sont là. Il sait que quelqu'un
l’observe et qui l’observe avec une haine farouche. Toute la
haine du monde semble fondre sur lui.
En son for intérieur, l’exorciste affronte une furieuse bataille
: il voudrait fuir, mais il ne le peut pas ; il voudrait réagir,
mais il sait pertinemment que cela ne fera qu’empirer les
choses. S'il se mettait à se débattre, rejetant sa propre haine
contre la haine de son adversaire, il serait vaincu
sur-le-champ.
La seule issue est de prier.
— Seigneur Jésus-Christ, qui a vaincu le mal pour
l'éternité, prends pitié de moi. Seigneur Jésus-Christ,
aide-moi. Viens à mon secours. Ne me laisse pas seul et
vaincu.
Le père Gérard prie, mais il appelle aussi très vite le Pro-
fesseur.
— Allô, Professeur, ici le père Gérard.
— Bonjour, êtes-vous déjà sur place ?
— Oui. J’y suis. Il n’y a pas de lumière.
— Les lumières ne fonctionnent pas pour le moment. Il
les a bloquées.
— Je n’arrive pas à ouvrir les persiennes.
— Il les a bloquées aussi.
Le père Gérard n’ose pas demander plus d’explications.
Comment le Professeur sait-il toutes ces choses ? Comment
peut-il être aussi sûr de lui
— Que dois-je faire ? demande-t-il.
— Je vais vous guider. Avancez jusqu’à la porte qui se
trouve devant vous et ouvrez-la.
— Elle est ouverte. Il fait noir et je ne vois rien.
— Sur la droite, il y a un escalier. Montez-le.
Le père Gérard monte les marches à tâtons.
À un moment, il entend un grincement, et un tableau lui
tombe sur la tête. Son téléphone tombe aussi et s’éteint. Le
père Gérard trébuche, et sa tête heurte une marche. Il se
touche le front et sent la bosse en train de se former. Il
cherche son téléphone, le récupère, réussit à le rallumer et à
composer le numéro du Professeur.
— Tout va bien ?
— Oui, Professeur, mais un tableau m'est tombé sur la
tête. Je ne sais pas comment ça a pu arriver.
— C’est lui. Mais vous ne devez pas avoir peur. Le ta-
bleau était accroché au mur de l'escalier par un simple clou.
Il a fait sauter le clou, et le cadre est tombé. Essayez de
monter jusqu’en haut.
Le père Gérard reprend son ascension tout en évitant de
faire du bruit afin d’être à même de percevoir les attaques
éventuelles.
Il pense aux paroles du Professeur : « C'est lui. »
Mais qui lui ?
Sa peur s'amplifie. Il arrive cependant au sommet de
l’escalier.
— Père Gérard, vous devez avoir devant vous un cou-
loir. Entrez dans la première pièce, à droite. La porte est
coulissante. Poussez-la.
Le père ouvre la porte, mais elle se referme aussitôt. Il la
rouvre. Elle se referme. Il ouvre et s’élance en même temps
dans la pièce. La porte se referme immédiatement derrière
lui.
— Vous m’entendez, père Gérard ?
— Oui, Professeur, je vous entends. Que dois-je faire
maintenant ?
— C’est très simple. Longez le mur de gauche jusqu’à ce
que vous trouviez, au fond, en bas, un petit placard. C’est là
que se trouvent les câbles électriques. Ouvrez ce placard.
Dans l'obscurité totale, le père Gérard s'exécute. Il trouve le
placard et l’ouvre.
— Je l’ai ouvert, Professeur.
— Bien. Mettez la main à l’intérieur. Au fond, derrière
les câbles, il doit y avoir une petite boîte. Prenez-la et sortez
avec. Sortez le plus vite possible de la maison en emportant
la boîte. À présent, les jeux sont faits et vous n’avez plus le
temps d’hésiter.
Le père Gérard trouve la boîte, la prend et commence à re-
venir sur ses pas. La porte de la maison est encore ouverte,
et il se sent plus léger. Il semble que la présence inconnue,
ce « lui » cité par le Professeur, n’est plus là.
C’est là qu'il se trompe.
Pendant qu’il descend l’escalier, il entend derrière lui
quelqu’un qui le suit de près. Il se met à courir, mais l’autre
derrière lui court aussi. Il pénètre dans la salle, et, dans
l’obscurité, il cherche la porte d’entrée.
Derrière lui, il sent que la présence l'a pratiquement rejoint.
Oui, il est là : il sent son souffle lui mordre les épaules. Le
père Gérard se jette en avant, et ses mains parviennent à
agripper la poignée de la porte. En un bond, il est dehors et
fait volte-face en pensant se retrouver devant le diable. Dans
le même temps, il pense à implorer le Christ de lui venir en
aide.
Il n'y a personne. Seulement la porte d’entrée qui bat vio-
lemment tandis que résonne, de plus en plus faible, un ri-
canement sinistre et furieux.
— Professeur, je suis dehors. Que dois-je faire ?
— Ouvrez la boîte et videz-la à vos pieds.
— C’est fait.
— Elle contient des petits ossements et autres saletés ?
— Exact.
— Bien, écrasez-les avec vos pieds et dispersez-les.
— C’est fait.
— Parfait. À présent, ils ne peuvent plus nuire à qui-
conque. Désunis, ils ont perdu leur force maléfique.
— De quoi s’agissait-il ?
— D'une mixture rassemblée par le mage qui vivait
auparavant dans la maison. Une mixture destinée à hanter
la maison jusqu’à ce que quelqu'un la découvre et la dé-
truise.
— Professeur, dites-moi ce que je dois faire avec lui.
— Avec qui ?
— Eh bien, dans la maison, un diable, je crois, me sui-
vait. Vous aussi, vous disiez qu’il...
— Père Gérard, retournez-vous et regardez la maison.
Le père Gérard s'exécute et en reste bouche bée : les volets
sont grands ouverts, les lumières, allumées. La maison n’est
plus terrifiante.
— Vous savez ce qui s’est passé, père Gérard ?
— Je vous écoute.
— Il est parti.
Je me fie au Professeur parce qu’il n’a jamais fait aucune
erreur de diagnostic, mais aussi parce que je sais, sans pour
autant l’avoir jamais rencontré, que c’est un homme
humble.
Attention ! Cela ne veut pas dire que c’est le Professeur qui
délivre les âmes ; non, c’est bien moi, à travers Jésus.
Je veux dire que les laïcs ne sont pas exorcistes : les exor-
cistes sont des prêtres qui pratiquent par mandat accordé
par l’Église.
Les laïcs ne peuvent disposer de ce mandat, et ils ne peuvent
donc pas exorciser. Toute tentative de leur part présente un
réel danger. Ils ne doivent pas plus dialoguer avec le démon
durant un exorcisme réalisé par un prêtre. Le démon essaie
bien de communiquer avec eux, mais ce n’est qu’une ma-
nière de les attaquer pour détourner l’attention de l'exor-
ciste de lui.
Lors d'une séance, un démon déclara à l’une de mes assis-
tantes qui venait juste de sortir de l’hôpital où son fils avait
subi une grave opération :
— Voilà Notre-Dame-des-Douleurs.
Elle lui répondit :
— Je n’ai pas peur de toi. Le Christ vaincra.
— Notre-Dame-des-Douleurs, cela ne te suffit-il donc
pas, ce qu’ils ont fait à ton fils ? N’en as-tu pas assez ? Tu en
veux davantage ?
À cet instant, je suis intervenu : j’ai ordonné à la femme de
ne pas répondre et j’ai continué mon exorcisme.
Les laïcs ne peuvent exorciser et ne peuvent pas parler avec
le démon. Leur tâche consiste à prier et, s’ils ont été choisis
par l’exorciste avec précaution, à maintenir le possédé
lorsqu’il est en crise. Les laïcs peuvent, en revanche, dire les
prières de délivrance.
Quant aux médecins, leur intervention en matière d'exor-
cisme est encore différente. Certains d’entre eux peuvent
être utiles. Il existe, en effet, des médecins qui travaillent
sur ce territoire inconnu des manifestations surnaturelles.
Je demande parfois de l’aide à ce genre de médecins, mais je
dois faire preuve de discernement.
Ils m'aident notamment à comprendre si certains cas en
sont réellement de possession et non pas seulement de
troubles mentaux.
L’un de ces médecins, Walter Cascioli, est spécialisé en
psychologie clinique à Rome, et j’ai résolu certains cas grâce
à lui.
***
Walter travaille sur des cas de souffrance mentale particu-
lièrement graves. En mettant en pratique ses connaissances
scientifiques et son discernement spirituel, il cherche à ex-
pliquer l'origine des maladies et, dans les cas réels de pos-
session diabolique, il n’hésite pas à s’adresser à un exorciste.
À la différence de nombre de ses confrères, il reconnaît que
certaines manifestations de souffrance sont dues à des
causes surnaturelles ou à quelque chose qui n’appartient ni
à Dieu ni à l'homme. Bref, des causes qui appartiennent à
Satan.
Sans son aide, j’aurais eu du mal à résoudre de nombreux
cas. Souvent, les symptômes qui se manifestent chez les
possédés sont, en effet, similaires à ceux des maladies
mentales. La différence réside dans le fait que, sur les pos-
sédés, les traitements naturels ou chimiques, médicaments
ou thérapies psychiatriques, n'ont aucun effet.
Lorsque Walter reçoit ses patients pour la première fois et
qu’il les questionne au sujet de la genèse de la maladie, il se
concentre sur la manière dont les symptômes se sont mani-
festés. Souvent, il les écoute sans rien dire et, pendant que
lesdits patients parlent, il récite en silence une prière de
délivrance. Sur les possédés, l’effet est immédiat.
Un jour, il voit arriver dans son cabinet un garçon affligé de
troubles divers. Pendant que le patient se met à parler,
Walter récite dans sa tête la prière suivante : « Seigneur
Jésus, délivre cette personne. »
La réaction est immédiate : le garçon se lève de sa chaise, et
son corps se met à gonfler jusqu’à devenir énorme. Puis,
juste devant le visage de Walter, il émet un rugissement
terrible, un rugissement de lion. Walter comprend alors
qu’il ne s’agit pas d’une maladie psychique, mais proba-
blement d'un cas de possession.
Walter fait partie d’un groupe catholique charismatique,
laïque, mais de droit pontifical. Cette Communauté de Jésus
ressuscité a comme principal objectif la prière et
l’évangélisation, et fait partie de la grande famille du Re-
nouveau charismatique catholique, l’un des principaux
mouvements religieux de notre époque, né en 1967, et perçu
comme un don du Saint-Esprit à l'Église, qui s'est rapide-
ment répandu dans tous les continents.
Des millions de chrétiens ont ainsi retrouvé leur foi pour la
vivre dans sa plénitude en retrouvant la parole de Dieu, le
respect de la liturgie et des sacrements. La Communauté,
qui a comme fondement charismatique celui de vivre et
d'annoncer la présence du Christ ressuscité au milieu de son
peuple, accorde une grande importance à la prière de déli-
vrance.
Parfois, c'est moi qui demande de l’aide à Walter et à sa
communauté, dans laquelle je me suis rendu à plusieurs
reprises, pour que les membres disent des prières
d’intercession. Parfois, c’est lui qui m’envoie des patients
qui sont l’objet de maléfices.
Les médecins qui, comme lui, croient en l’existence de Satan
sont rares. Souvent, les médecins sont des sceptiques qui
raillent les exorcismes, mais, lorsqu’ils sont invités à parti-
ciper à une séance, leur visage de sceptique se voile de ter-
reur.
Les médiums n'ont rien à voir avec les médecins. Le Pro-
fesseur, comme bien d'autres médiums, possède des dons
surnaturels qu’il est juste qu'il exerce.
Comment reconnaître un véritable médium d’un charlatan ?
L’humilité est l’une des caractéristiques les plus importantes
des médiums fiables. L’humilité, ainsi que le dénuement et
la discrétion. Pour être fiables, ils doivent, en effet, être
humbles, pauvres et ne pas rechercher la publicité. En Italie,
les médiums sont particulièrement nombreux, mais aussi en
France où on les appelle souvent « rebouteux ». Ils vivent
généralement à la campagne, dans des endroits plutôt iso-
lés. Le Professeur entre d’ailleurs dans cette catégorie.
Je me souviens, par exemple, d'un médium qui avait le don
de guérir la goutte. C’est un don que possède toute sa fa-
mille. On dit qu’il y a deux mille ans, ses ancêtres ont ac-
cueilli pendant un temps chez eux le premier pape, Pierre.
Au moment de son départ, Pierre a légué ce don à tous les
membres de la famille et à leurs futurs descendants.
Un jour que le pape Pie IX souffrait d'une terrible crise de
goutte, on fit appeler au Vatican un membre de cette fa-
mille. Il s’agissait d'une personne si humble et si peu culti-
vée que, lorsqu'elle fut devant le pape, elle répéta simple-
ment ce qu'elle disait à tous ceux qui venaient la voir dans
son village :
— Vous êtes guéri, mais il ne faut jamais oublier de
prier pour le Saint-Père, le successeur de Pierre, qui a tant
besoin de prières.
C’était ce que, dans sa famille, on disait depuis des siècles, et
l’homme se contenta de répéter la formule au pape comme
s’il s’agissait de n'importe quel patient.
— Je n’y manquerai pas, répondit le pape avec un sou-
rire.
VI
Sai Baba, le fils pré fé ré de Satan
Poletti.
— Vraiment ? Eh bien, moi, non. Et j’espère que per-
sonne n’y croit. Ce n'est pas toujours une bonne chose de
chercher à affoler les gens...
— Éminence, ce n'est pas à moi qu’il faut le dire !
Toutefois, si j'osais vous suggérer une chose...
— Je vous écoute.
— Vous devriez lire un ouvrage qui vous aidera
peut-être.
— Vraiment ? Et de quel ouvrage s’agit-il, père
Amorth?
— Vous devriez lire l’Évangile.
Un silence glacial tombe sur la pièce. Le cardinal me lance
un regard sévère sans répondre. Alors, je le harcèle.
— Éminence, c'est l’Évangile qui évoque le démon.
C’est l'Évangile qui relate que Jésus a chassé les démons. Et
c’est encore l’Évangile qui affirme que, parmi les pouvoirs
que Jésus a donnés aux apôtres, il y a celui de chasser les
démons. Que voulez-vous faire ? Jeter l’Évangile à la mer ?
— Non, mais je...
— Éminence, je tiens à être franc avec vous. L'Église
commet un grave péché quand elle ne parle plus du démon.
Les conséquences de cette position sont gravissimes. Le
Christ est venu et a livré sa bataille. Contre qui ? Contre
Satan. Et il l'a emportée. Mais Satan est encore libre de sou-
mettre le monde à ses tentations. Aujourd’hui, Éminence,
en ce moment même. Et vous, vous me dites que ce ne sont
que superstitions ? Alors, l'Évangile aussi n'est que supers-
tition ? Comment l'Église peut-elle expliquer le mal sans
parler du démon ?
— Père Amorth, il est vrai que Jésus chasse les démons,
mais c’est seulement une manière de dire pour mettre en
évidence la puissance du Christ ! L'Évangile est une expres-
sion continue de paraboles. Ce ne sont que des paraboles.
Jésus a toujours prodigué son enseignement par des para-
boles.
— Éminence, lorsque Jésus veut utiliser une parabole,
il le dit clairement. L’Évangile dit : « Jésus leur expliqua
cette parabole. » Et il distingue nettement les faits qui se
sont réellement produits, les guérisons, les enseignements,
les reproches, les exorcismes - là encore en distinguant
ceux-ci des guérisons. Lorsque Jésus chasse les démons, il
ne s’agit pas d’une parabole, mais d’un fait. Il n’a pas livré
bataille contre un fantôme, mais contre une réalité, sinon, il
se serait agi d’une farce. Tant de saints ont combattu contre
le démon. Pensez, par exemple, à l’aventure des pères du
désert ! Tant de saints ont pratiqué des exorcismes. Ils se-
raient le produit de l’imagination ? Tous autant d'expres-
sions névrotiques ? Comment faites-vous pour ne pas croire
à l’existence de Satan ?
— D’accord, mais, même si on admet qu’il s’agissait de
faits, et que Jésus a réellement chassé les démons, le fait
demeure que, par sa résurrection, Jésus a vaincu toutes les
forces de la mort, il a donc également vaincu le démon.
— Oui, c'est vrai, Jésus a vaincu toutes les forces de la
mort, mais cette victoire doit être mise en pratique et doit
s'incarner dans la vie de chacun. Le Christ est supérieur en
tout, mais, pour l'homme, sa victoire doit être réaffirmée
jour après jour. Notre condition d’homme nous l'impose.
Les actes des démons n’ont pas été totalement annulés. Le
démon n'a pas été éradiqué. L'Évangile dit que le démon
existe et qu’il a même tenté le Christ. Jésus a donné les
armes, il nous les a données aussi à nous, pour le vaincre. Le
démon peut encore nous tenter, tous peuvent être tentés,
comme le prouve la prière contre le malin que Jésus
lui-même nous a enseignée, dans le Padre Nostro. Jusqu'à
Vatican II, on disait au terme de la messe la prière à
l’archange saint Michel, le petit exorcisme composé par le
pape Léon XIII, et on lisait le Prologue de l'Évangile de saint
Jean justement comme clef de délivrance.
Le cardinal ne sait plus que dire. Il ne parle pas plus qu’il ne
réagit. Je me lève, je le salue et je me retire tout en pensant :
où en sommes-nous arrivés ? Jusqu’au début du Moyen Âge,
il y avait des exorcistes partout, puis, malheureusement,
quelque chose a changé.
Le premier millénaire foisonne de grands prélats de l’Église
qui évoquent le diable. Ils le combattent, ils le voient et ils
en parlent.
En ce sens, leurs témoignages sont uniques. Parmi les plus
évocateurs et les plus vifs, il faut citer celui des pères du
désert. Leur bataille contre Satan a quelque chose d’épique.
En Occident, la tendance à vouloir tout réglementer, qui
s'appuie notamment sur l’impact historique du droit ro-
main, est forte. Dès la fin du IIe siècle, saint Irénée parle
avec admiration des exorcistes comme d’une classe à part,
bien qu’ouverte à tous.
À Rome, le pape Corneille est le premier, dans une lettre de
l’an 251, à parler des exorcistes comme ayant un office sacré.
Je pense que l’on peut considérer l’année 416 comme la date
de fondation du ministère sacré d'exorciste, lorsque le pape
Innocent Ier déclare que les exorcismes ne peuvent être
administrés que sous autorisation épiscopale. C’est toujours
la réglementation en vigueur (avec la précision que l'évêque
ne peut donner la charge d’exorciste qu'aux prêtres).
Avant l’an 416, il faut également citer l'année 313, celle où
l'édit de Constantin fait du christianisme la religion d'État.
Ensuite, l’Église court le grand risque de se séculariser,
c'est-à-dire de voir ses propres fidèles s’adapter aux prin-
cipes du monde, ce qui pouvait avoir des conséquences né-
fastes telles que la décadence de l’engagement évangélique
et l’appauvrissement des valeurs de la tradition chrétienne.
C’est alors que l’on commence à rechercher de nouvelles
voies pour vivre l'Évangile de manière plus conforme à ses
préceptes. C'est le monachisme qui prône de se retirer du
monde, la concentration en soi-même, l’ascèse et la prière.
Les premiers moines apparaissent en Égypte au IIIe siècle
après Jésus-Christ, avec une tradition d’anachorètes ou re-
clus. Au IVe siècle apparaissent deux grandes figures du
monachisme avec Antoine le Grand, considéré comme le
père des moines, qui prône une vie monastique érémitique,
et Pacôme le Grand, fondateur du monachisme cénobitique.
Qu’ont donc en commun ces deux saints ?
Bien des choses, mais surtout leur combat contre Satan.
C’est leur ennemi de prédilection, et, ce dont les moines
témoignent, notamment dans leurs écrits, c'est la meilleure
manière de le vaincre. Si les hommes d’Église s’exprimaient
aussi clairement que ces grands hommes ! S’il y en a, ils ne
sont pas nombreux, et c’est pour cette raison que la vie hu-
maine est sérieusement menacée.
Le combat, comme l’écrira Origène à plusieurs reprises, est
spirituel. Le combat, comme l’écrit Athanase d’Alexandrie,
lorsqu'il relate la vie d’Antoine le Grand, est âpre et terrible.
Pour tenter l’homme, c’est le désert que privilégie Satan.
Pourquoi ? Parce que le désert est également le lieu où Dieu
aime parler avec l'homme. Le désert est, partant, un champ
de bataille où le moine doit lutter et surtout résister aux
tentations du diable. Antoine quitte tout pour aller
s’installer dans le désert, lieu de prédilection, donc, de Sa-
tan. Mais Satan n’est pas d’accord, car il sait quelle menace
Antoine représente pour lui !
Les faits relatés à propos des tentations de saint Antoine
peuvent être considérés comme de l'imagination pure. Pour
ma part, je pense qu’ils sont réels. Le monde surnaturel
existe et nous accompagne constamment.
Pas seulement le monde de la lumière, mais aussi celui des
ténèbres. Seul l'homme à l’esprit particulièrement entraîné
peut se rendre au-delà du monde réel et voir ce qui se passe
dans le monde surnaturel. Seuls quelques hommes réussis-
sent à voir et à vivre au fond d'eux-mêmes la grande bataille
qui se déroule depuis toujours dans le ciel, celle qui oppose
Dieu et Satan.
Les faits racontent un affrontement inouï entre Satan et
Antoine, jeune homme qui s’est retiré dans le désert pour
s’adonner à une vie fruste et prier. Un affrontement très
proche de celui qui oppose Satan et l'exorciste.
Lorsque le diable constate la manière dont Antoine vit, dans
un total dénuement, il commence à le surveiller et à lancer
ses attaques.
Au départ, il fait tout pour détourner le saint homme de sa
pratique ascétique. Il lui rappelle l'époque où le jeune
homme était riche, les temps insouciants avec sa famille et
ses amis.
Il passe ensuite aux tentations de l’argent, de la nourriture,
de la vanité. Pénètrent alors dans l'âme d’Antoine quelques
poussières qui le troublent, signe que Satan obtient de bons
résultats avec lui.
La nuit, Satan envoie toutes sortes de tentations à Antoine ;
le jour, il le maltraite avec des pensées terribles. Satan fait
miroiter à l’esprit d’Antoine toutes sortes de tentations en-
chanteresses, et le moine lutte avec la seule arme à sa dis-
position : la prière. Il répond aux tentations sexuelles par le
jeûne. Prière et jeûne forment assez vite une muraille in-
franchissable pour Satan.
Alors, la nuit, le démon fait apparaître dans la cellule
d’Antoine une femme belle et sensuelle destinée à son seul
plaisir. Une véritable friandise. Antoine réagit par d’autres
prières et une vie encore plus ascétique. Il repousse loin de
lui les charbons ardents de la séduction et de la tentation.
Une nuit, Satan apparaît « sous la figure d’un enfant aussi
noir qu'est son esprit » qui entre dans la chambre d’Antoine
et se met à lui parler.
— J’en ai trompé plusieurs et j’en ai écrasé encore da-
vantage, mais, maintenant, en voulant t'attaquer, ainsi que
je l’ai fait bien d’autres fois, pour te faire sortir du chemin si
laborieux où tu es entré, j’ai éprouvé ma faiblesse.
Antoine demande :
— Qui es-tu qui me parle de la sorte ?
— Je suis l’esprit de fornication, et c’est moi qui cha-
touille les sens des jeunes gens pour les porter à la volupté.
Combien en ai-je trompés qui avaient résolu de vivre chas-
tement ! Combien en ai-je convaincus en les attirant ! Je
suis celui qui t'a souvent troublé et que tu as tant de fois
repoussé.
— Tu es donc bien trop méprisable, puisque tu as l'es-
prit si noir et la faiblesse d’un enfant. Ainsi, je n’ai plus à me
soucier de toi. Car le Seigneur est ma force, et je mépriserai
tous mes ennemis.
À ces mots, l'enfant s’enfuit.
Antoine va vivre dans des sépulcres éloignés de la ville, dans
un lieu que personne ne fréquente.
Il s’enferme dans un sépulcre et entame toutes ses pratiques
ascétiques. Satan met une nouvelle attaque au point en lui
envoyant une multitude de démons qui le battent comme
plâtre. Antoine se retrouve à terre, à moitié mort. Dans un
état de semi-conscience, il se tourne vers les démons pour
leur déclarer :
— Me voici. Antoine n’appréhende point les maux que
tu peux lui faire. Et quand tu m’en ferais encore de beau-
coup plus grands, rien ne saurait me séparer de l'amour de
Jésus-Christ.
Satan est muet de fureur. Il appelle alors ses chiens enragés
et leur dit :
— Vous voyez comment nous n'avons pu dompter cet
homme, ni par l’esprit de fornication, ni par les tourments
dont nous avons agité son corps. Au contraire, il a encore la
hardiesse de nous défier. Préparons-nous donc à l'attaquer
d’une autre manière puisqu'il ne nous est pas difficile
d’inventer diverses sortes de méchancetés pour nuire aux
hommes.
À la suite de ces paroles, la troupe infernale envahi le sé-
pulcre d’Antoine en prenant la forme de toutes sortes de
bêtes sauvages et de serpents, attaquant la nuit en foule
composée de lions, d’ours, de léopards, de taureaux, de
loups, d’aspics, de scorpions et de serpents.
Chacun jette des cris conformes à sa nature et semble vou-
loir qui le dévorer, qui le percer de ses cornes, qui le mordre.
Accablé et perclus de douleurs, Antoine est à terre, et il pa-
raît vaincu, mais son esprit demeure lucide.
— Si vous aviez quelque pouvoir, un de vous suffirait
pour me combattre, mais parce que Dieu anéantit toute
votre puissance, vous tâchez par votre grand nombre de me
donner de la crainte, et rien ne montre davantage votre fai-
blesse que le fait d’avoir été réduits à prendre la forme de
ces animaux déraisonnables. Si vous avez quelque force, et
si Dieu vous a donné la puissance de me nuire, pourquoi
tardez-vous davantage à me la faire sentir ; et si vous n’en
avez point, pourquoi faites-vous tant d’efforts inutilement ?
Ignorez-vous que le signe de la Croix et la foi que j’ai en
Notre-Seigneur sont pour moi comme un rempart inébran-
lable contre toutes vos entreprises et tous vos assauts ?
Soudain, tous les démons disparaissent et tous les tour-
ments cessent.
Vainqueur, Antoine se dirige alors vers une montagne où il
élira son nouveau refuge. Une montagne, lui et Dieu. Satan
voit sa grande ferveur, le surveille d’encore plus près et jette
sur son chemin un plat d'argent d'une taille colossale.
Reconnaissant la ruse, Antoine s’exclame :
— D’où peut être venu ce plat en ce désert où il n’y a
aucun sentier et où l’on ne voit pas trace de pas d’homme ?
Et quand bien même quelqu’un y serait allé et l’aurait laissé
tomber, sa taille le rend très facile à apercevoir, et la solitude
de ces lieux inhabités l’aurait fait retrouver à celui qui,
l’ayant perdu, serait revenu pour le chercher. Mais c’est ici,
ô démon, l’une de tes tromperies ; elle ne retardera pas
l’exécution du dessein que j'entreprends avec tant de joie.
Garde donc ton argent et qu'il périsse avec toi.
Aussitôt ces paroles achevées, le plat s’évanouit comme la
fumée.
De nombreux visiteurs se mettent à venir le voir. Ils sentent
qu'il s'agit d'un homme de Dieu et ils se réclament de lui. La
nuit, personne n’a cependant accès à l’endroit où Antoine
repose et, de là, ils entendent hurler :
— Quitte ce lieu qui nous appartient !
Ou encore :
— Qu’as-tu à faire dans le désert ? Penses-tu pouvoir
résister à nos embûches ?
Certains essaient de s'approcher de l'endroit où dort An-
toine, mais, ayant regardé par une fente, ils ne voient per-
sonne d’autre qu’Antoine.
Lorsque les hurlements se font plus puissants, que les as-
sauts se font plus féroces, on entend résonner, haute et
puissante, la voix d’Antoine qui chante des psaumes :
— Que Dieu se lève et que ses ennemis soient dispersés
! Et que fuient devant sa face ceux qui le haïssent ! Comme
s'évanouit la fumée, qu'ils disparaissent ! Comme fond la
cire en face du feu, ainsi périssent les méchants devant la
face de Dieu !
Le jour, Antoine reçoit quelques personnes auxquelles il
tient toujours le même discours.
— Avec nos prières, nos jeûnes, avec notre foi en Jé-
sus-Christ, nous terrasserons les démons.
Ce n’est pas pour autant qu’ils perdront courage en se
voyant vaincus, et ils reviendront souvent avec encore plus
de force et de ruse. Car, voyant qu’ils ne peuvent ouverte-
ment porter notre cœur à l'amour des voluptés sales et im-
pudiques, ils nous tendront d’autres pièges et tenteront de
nous effrayer en nous faisant voir des fantômes, en appa-
raissait sous figure de femme, de bête sauvage, de serpents.
Mais il ne faut pas craindre des visions parce qu’elles
s’évanouiront vite et qu’elles ne sont rien. Parfois, ils fei-
gnent d’être capables de prédire l’avenir, mais ne connais-
sent pas l'avenir. Seul Dieu connaît l’avenir. Un jour, je vis
arriver un démon de très grande taille qui me dit : « Je suis
la force de Dieu. Que veux-tu que je te donne ? » Pour toute
réponse, je soufflai contre lui en prononçant le nom du
Christ. Une autre fois, alors que je jeûnais, ce diable revint
sous l'allure d’un ermite et il m'offrit du pain en disant : «
Mange et abandonne ces efforts. Tu es un homme. Si tu
continues comme ça, tu finiras par t'affaiblir. » Je répondis
par la prière, et il disparut. Une autre fois, c’est Satan en
personne qui vint me trouver. « Qui es-tu ? » demandai-je. «
Je suis Satan. » « Qu'as-tu à faire ici ? » « Pourquoi les
chrétiens se plaignent-ils de moi ? Pourquoi me donnent-ils
sans cesse des malédictions ? » « Parce que tu leur fais du
mal ! » « Ce n’est pas moi, mais ce sont eux-mêmes qui s’en
font. Je suis devenu faible. Désormais, je n'ai plus d’endroit
où aller, je n’ai plus aucune arme et je ne possède pas une
seule ville. Les chrétiens sont partout. À présent, les déserts
eux-mêmes sont remplis d’ermites. Qu'ils veillent donc sur
eux-mêmes s’ils le souhaitent et ne fassent plus toutes ces
imprécations contre moi. » « Bien que tu sois toujours
menteur et que tu ne dises jamais la vérité, tu viens de la
dire maintenant malgré toi. Car il n’y a pas de doute que
Jésus-Christ, en venant dans le monde, a ruiné toutes tes
forces, t’a terrassé et désarmé. » En entendant le nom de
notre Sauveur, le démon disparut aussitôt.
Ainsi parle Antoine, et les visiteurs sont de plus en plus
nombreux. Ils commencent même à lui amener des proches
possédés par le mal.
D'ailleurs, c’est assez logique : celui qui est capable de prier
et de jeûner plus que les autres doit être meilleur exorciste,
telle est l’intuition du peuple.
C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui encore, il suffit,
dans l’Église orthodoxe, de s’adresser à un monastère pour
rencontrer un exorciste.
La pratique des exorcismes est considérée comme un cha-
risme et, comme l’affirment les Constitutions apostoliques
de l’an 380 : « On devient exorciste non par ordre sacré,
mais par décision personnelle, bonne volonté, force d’âme
et grâce. »
Parmi les possédés que l’on conduit à Antoine, il est un
homme célèbre qui souffre d’une possession terrible : il dé-
vore ses propres doigts et se cogne la tête. La nuit, on le
laisse s’allonger près d’Antoine qui prie pour lui. Au matin,
le possédé se jette sur Antoine, qui déclare :
— Ce n’est pas lui qui est responsable de ces actes, mais
le démon qui s’est emparé de lui. C’est pourquoi je lui ai
ordonné de s’en aller dans un lieu désert où il pourra deve-
nir fou, et c’est ce qu’il fera. Glorifiez le Seigneur. Le fait que
cet homme m’ait attaqué est le signe que le démon est en
train de le quitter.
L’homme guérit, en effet, et fut délivré.
Antoine, comme les apôtres, chasse les démons.
Antoine, comme nombre de gens du premier millénaire de
l’ère chrétienne, parle de Satan et nous met en garde contre
lui, parce qu’Antoine, comme beaucoup, croit en l’existence
de Satan.
Au deuxième millénaire et de nos jours, les choses sont un
peu différentes, comme si Satan avait cessé d’exister. Bien
au contraire, il existe.
Et ne pas croire en Satan est une affaire extrêmement grave
qui a des conséquences dévastatrices. C’est un péché dont
sont trop souvent responsables des hommes d’Église.
Tout commence au XIIe siècle, une période malheureuse
pour l’Église. C’est l'époque des grandes hérésies. L’Europe
est secouée par des guerres continuelles, la mort et la des-
truction.
Soudain, les femmes qui souffrent de névroses ne sont plus
considérées comme malades, mais comme envoûtées. Celles
qui, plus que qui que ce soit, mériteraient d’être exorcisées,
sont mises au ban de la société. L’Europe et le monde sont,
comme à chaque époque historique, pleins de possédés.
Ces femmes auraient besoin des exorcismes, mais on leur
refuse le « traitement » pour les brûler comme de la chair
pestiférée.
En 1252, le pape Innocent IV autorise la torture des héré-
tiques et, en 1326, Jean XXII autorise pour la première fois
l’Inquisition contre les sorcières.
La folie gagne toute l’Europe. Avec l’arrivée de l'épidémie de
peste noire, des générations entières meurent entre 1340 et
1450. L’Église est divisée. Le monde est divisé. Les frères se
déclarent la guerre. Les destructions se multiplient. Tous
ces malheurs ajoutés les uns aux autres conduisent l'Église à
voir la marque du démon partout. Sauf que cette diabolisa-
tion ne l’incite pas, comme elle aurait dû le faire, à pratiquer
davantage d'exorcismes, mais on assiste plutôt à la destruc-
tion de plus en plus de vies innocentes.
Avec le temps, le nombre des exorcismes diminuera tou-
jours davantage jusqu’à la période la plus noire. Entre le
XVIe et le XVIIe siècles, la pratique de l’exorcisme disparaît
presque complètement. Certes, il reste quelques exceptions
comme le cas de sœur Jeanne Féry, née en 1559 et morte en
1620.
Cette religieuse du couvent des Sœurs noires, de Mons, en
France, conclut plusieurs pactes avec le démon. Par chance,
on la confie à un prélat compétent et érudit qui, au lieu de
l’envoyer au bûcher, décide de la soumettre à des exor-
cismes. Il s’agit de Mgr Louis de Berlaymont, auquel la sœur
Féry devra son salut. Les exorcismes dureront une année
entière, mais la jeune femme sera délivrée.
Tous les évêques n'ont cependant pas la hauteur de vue d’un
Berlaymont. Parmi eux, Charles Borromée, qui, au XVIe
siècle, participe à la Réforme catholique, fut certainement
un grand saint, mais, en matière de sorcières, il se pliait à
l'opinion générale.
La chasse aux sorcières se répand rapidement dans le
monde entier et plus particulièrement dans les pays où le
protestantisme est plus vif. À Rome, en effet, les sorcières
brûlées sur le bûcher ne comptent que pour un très petit
nombre, tout comme en Irlande et en Espagne.
Puis, brusquement, au XVIIIe siècle, ces chasses aux sor-
cières cessent, et les femmes possédées ne sont plus persé-
cutées.
Toutefois, on abandonne aussi les exorcismes et, pendant
plusieurs dizaines d’années, personne n’en pratique, ce qui
signifie que, à cette époque, le monde est largement dé-
pourvu d’exorcistes. Personne ne croit plus au diable, sauf
comme un croque-mitaine ou un pantin. Souvent, c’est en-
core ainsi qu’on le considère aujourd’hui, avec des consé-
quences terribles pour nous tous.
À partir du XVIIIe siècle, on nie, en effet, toute existence du
démon. À qui la faute ? Sans hésiter, à la culture laïque, à
l’athéisme prôné aux masses, au rationalisme du monde
scientifique et culturel. La conséquence est la détérioration
de la foi que nous connaissons encore aujourd’hui et, si-
multanément, la croissance de toute forme de superstition
et la diffusion de toutes sortes d’occultisme.
Plus que toute autre, l’Église catholique est vulnérable à
cette forte influence, au point que, depuis trois siècles, les
exorcistes catholiques ont quasi disparu. Certes, il y a tou-
jours eu quelques exorcistes, mais, de manière générale,
leur nombre a diminué radicalement pour arriver à un
chiffre proche du zéro.
Sans exorcistes, qui donc prend le pouvoir ? Satan et sa fu-
reur homicide.
Cela fait des dizaines d'années que dans les séminaires et les
universités théologiques on n’étudie plus cette partie de la
théologie dogmatique qui, en parlant du Dieu Créateur,
évoque les anges, les épreuves et la rébellion des démons :
dans les cursus, les démons n'existent plus. On n’étudie plus
(ou si peu) la théologie spirituelle, qui traite des actes ordi-
naires du démon (la tentation), et de ses actes extraordi-
naires (la possession et les maléfices), mais traite aussi des
remèdes, dont les exorcismes. En conséquence, personne ne
croit plus aux exorcismes, d’autant que la plupart n’en ont
jamais fait ni jamais vus. En théologie morale, on n’étudie
plus la partie qui concerne certains péchés contre le premier
commandement : la magie, la nécromancie, le spiritisme,
c’est-à-dire les formes de superstition que la Bible con-
damne le plus et qui sont désormais les plus répandues.
C’est parce qu’on n’a pas instruit le peuple de Dieu que,
lorsque les prêtres se penchent sur ces sujets, ils ne rencon-
trent qu’un rempart d’incompréhension et d’ignorance.
Que coûterait-il aux facultés de théologie d’inclure des
textes consacrés aux combats spirituels de sainte Thérèse de
l'Enfant-Jésus, de sainte Thérèse d’Avila, de saint Jean de la
Croix ? Que leur coûterait-il d'affronter, textes en main, les
combats des pères de l’Orient chrétien contre le démon ?
Rien, mais personne n’y pense. Comme si les autres ma-
tières étaient plus importantes ! Bien sûr qu'elles sont im-
portantes, je ne le nie pas, mais il est d’égale importance de
connaître l’autre partie du ciel, la partie sombre, celle qui
conduit à la damnation éternelle.
Si à ces deux grandes carences, dans les études et en matière
d'expérience directe, nous ajoutons les erreurs doctrinales
de tant de théologiens et d’exégètes, qui parviennent jusqu'à
nier les exorcismes de l'Évangile, en les considérant comme
un « langage culturel » ou des « adaptations à la mentalité
de l'époque », il est facile de comprendre dans quel abîme
nous nous trouvons aujourd’hui. Il est vrai que la voix de
certains pontifes s’est élevée contre ces erreurs, notamment
celles de Paul VI, Jean-Paul II et Benoît XVI. De plus, il est
vrai que la congrégation pour la Doctrine de la foi a publié,
le 26 juin 1975, en l’insérant entre les documents officiels du
Saint-Siège, un document consacré à la démonologie.
Mais tout cela ne suffit pas. L’incrédulité à l’égard de
l’existence de Satan reste très répandue et elle ne permet
pas de se défendre contre l’ennemi, d’échapper à ses infer-
nales griffes.
Dans l’Église catholique, la grande faute en revient aux
évêques. N’est-ce pas à eux de nommer au moins un exor-
ciste dans leur propre diocèse ? Oui, c'est à eux que revient
cette décision, mais, souvent, ils n’en font rien. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont ignorants en la matière.
Parce qu’ils ne réfléchissent pas. Parce qu'ils ne se fient pas
profondément à ce qui est écrit dans l'Évangile. Mais, sur-
tout - et je suis désolé d’avoir à le leur dire - parce qu’ils
n’ont jamais assisté à un exorcisme.
Je ne comprends pas : les aspirants médecins, qu'ils de-
viennent ou non chirurgiens, doivent assister à des opéra-
tions chirurgicales. Pourquoi la faculté n’adopte-t-elle pas la
même méthode pour les séminaristes ? Qu'elle les fasse as-
sister à des exorcismes ! Qu’importe s’ils ne deviennent pas
exorcistes : au moins, ils verront et se rendront compte de ce
qu’est une possession, de la quantité de souffrance que le
diable peut infliger, une souffrance mortelle. Il est difficile
de croire à l'existence de Satan si l’on n’a pas assisté à un
exorcisme. J’ajoute à cela que cet abandon de trois siècles de
la pratique des exorcismes a également fait que, aux yeux de
la plupart des gens, les mêmes exorcismes apparaissent
comme une pratique abominable, monstrueuse, à laquelle il
faut recourir le moins possible, et il vaut mieux encore ne
jamais s’en servir.
Aujourd’hui, dans l’Église romaine, il est difficile de trouver
un exorciste. Cependant, en Italie, quelque chose a changé.
En revanche, la majeure partie des autres nations n’ont pas
d’exorcistes et, de ce fait, les gens s'adressent plutôt aux
mages, aux cartomanciens et autres satanistes. L'Église ca-
tholique dort, mais elle devrait savoir que Satan ne dort
jamais. Il est toujours réveillé, aux aguets, prêt à attaquer.
Le concile Vatican II, les grandes assises convoquées en
1962 par le pape Jean XXIII et auxquelles participèrent tous
les évêques du monde, déclare par exemple : « L’histoire
humaine tout entière est pervertie par une lutte affreuse
contre les puissances des ténèbres ; une lutte qui a débuté
avec l’origine du monde et qui est destinée à durer, comme
le dit le Seigneur, jusqu’au dernier jour. »
Le 26 août 1986, Jean-Paul II ajoute : « À la victoire du
Christ sur le diable participe l'Église : le Christ a, en effet,
donné à ses disciples le pouvoir de chasser les démons.
L’Église exerce ce pouvoir victorieux par l’intermédiaire de
la foi en le Christ et la prière qui, dans certains cas précis,
peut adopter la forme d’exorcismes. »
« Ceux qui croiront en moi, en mon nom chasseront les
démons [...], ils imposeront leurs mains sur les enfers et ils
guériront », a dit Jésus.
Si au moins les prêtres croyaient aux paroles du Seigneur et
à leur pouvoir, ils ne se lasseraient pas de bénir toutes les
personnes. Je crois que beaucoup de maux disparaîtraient
et qu'une armée d’individus (les mages, les cartomanciens,
les faux médiums et autres) finiraient en prison. C'est l’un
des objectifs que nous, exorcistes, au moins indirectement,
cherchons à atteindre.
Ce qui est bizarre, c’est que les papes croient en l'existence
de Satan, mais, malgré cela, ils ne parviennent pas à faire en
sorte que cette croyance se transforme en décisions con-
crètes qui engageraient l’Église tout entière. En bref, ils ne
parviennent pas à convaincre les évêques du monde de la
nécessité de nommer des exorcistes. Il m’est arrivé plusieurs
fois dans ma « carrière » d’exorciste de m'entretenir avec
des souverains pontifes et, à plusieurs reprises, j’ai été con-
sulté.
Je me souviens notamment d’un véritable grand homme qui
est, lui aussi, devenu pape. Un homme qui, en tant que
souverain pontife, eut le privilège de voir de près le royaume
de Satan. Et de raconter son expérience au monde pour in-
citer - ce qu’il a réussi - toute l’Église à prier et ainsi le con-
jurer. Il s’appelait Gioacchino Pecci.
Qui est Gioacchino Pecci ? Léon XIII, l’un des plus grands
papes de l’histoire, est élu en 18 78. Avant Jean-Paul II, c’est
lui qui détient le record de longévité de pape de l’Église
après son prédécesseur Pie IX.
Le 13 octobre 1884, Léon XIII assiste à une messe. Chaque
fois qu’il en célèbre une, il assiste à une autre messe.
Cette fois, c'est une messe de remerciements.
À un moment, ceux qui se trouvent autour de lui constatent
qu’il lève la tête vers l’autel et balaie les alentours comme s’il
était pris de transe. Que regarde-t-il ? Son visage change de
couleur et vire au rouge. Léon XIII a l’air épouvanté, voire
atterré.
On pourrait croire qu’il s’est retrouvé dans un monde
monstrueux.
Peu après, comme si rien ne s’était passé, il se lève et se di-
rige d’un bon pas vers son bureau.
— Sa Sainteté ne se sent pas bien ? Il est arrivé quelque
chose ? lui demandent ses secrétaires, plutôt inquiets.
— Rien du tout. Laissez-moi seul. Il n'est rien arrivé.
En réalité, il est arrivé quelque chose. Léon XIII s’installe,
en effet, devant sa table de travail et s’immerge pendant de
longues minutes dans une rédaction profonde et intense. Il
écrit, il écrit sans relâche.
Peu après, un de ses assistants survient, le secrétaire d’un
ministère de la curie romaine, la congrégation des Rites.
Sans rien dire, Léon XIII lui tend un feuillet.
— Faites imprimer cela pour le diffuser dans toute
l'Église, ordonne-t-il.
Le secrétaire sort du cabinet de travail, ouvre le feuillet, lit
les quelques lignes qui vont le bouleverser. C’est une prière
à l'archange saint Michel, celui qui, dans le texte sacré, dé-
fend la foi de Dieu des attaques de Satan.
« Archange Saint Michel, défendez-nous dans le combat ;
soyez notre protecteur contre les méchancetés et les em-
bûches du démon. Que Dieu lui commande, nous vous en
supplions, et vous, prince de la Milice céleste, par le pouvoir
divin qui vous a été confié, précipitez au fond des enfers
Satan et les autres esprits mauvais qui parcourent le monde
pour la perte des âmes. Amen. » Pourquoi une telle prière ?
À cause de la vision qu’il avait eue peu avant et qui concer-
nait l'avenir de l’Église, du monde cent ans plus tard, lors-
que la puissance de Satan aurait atteint son apogée. Cent
ans ! C’est-à-dire notre époque actuelle, sans aucun doute !
Léon XIII entendit deux voix, une douce et aimable, l’autre
rauque et âpre, qui lui paraissaient provenir de l'endroit où
se trouvait le tabernacle.
Il comprend aussitôt que la voix douce et aimable est celle
de Jésus-Christ, tandis que la voix rauque et âpre est celle de
Satan.
Satan se vante de pouvoir détruire l’Église, mais, pour cela,
il lui faudrait davantage de temps et de force.
Étrangement, Jésus consent et lui demande de combien de
temps et de combien de force il a besoin. Satan répond qu’il
a besoin d’une centaine d’années et de davantage de pouvoir
sur ceux qui se sont mis à son service.
Jésus accorde à Satan le temps et le pouvoir demandés en
lui donnant toute liberté d’en user à sa guise, mais en lui
faisant promettre de ne pas détruire l’Église.
Léon XIII est si bouleversé par cette vision qu’il rédige une
prière d’exorcisme en l'honneur de saint Michel pour pro-
téger l’Église, cette prière qu'il confie à son secrétaire en lui
demandant de la diffuser.
Le souverain pontife souhaite que cette prière soit récitée au
terme de chaque messe basse, une disposition qui sera sui-
vie jusque dans les années 1970. Alors, avec la réforme de la
messe mise en place par Vatican II, la prière est définiti-
vement éliminée de la liturgie.
Je reviendrai plus tard sur la signification de cette prière.
Je reviendrai à notre époque, aux jours où Satan sent que la
liberté accordée par le Christ lui échappe et où il tente, avec
une force inouïe, de détruire l’Église et le monde. Nous
sommes en pleine bataille ultime, et c'est de cette bataille
que nous devrions parler.
Avant, arrêtons-nous donc un instant au... Vatican.
VIII
Satan au Vatican